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-The Project Gutenberg EBook of Mémoires touchant la vie et les écrits de
-Marie de Rabutin-Chantal, (2/6), by Charles Athanase Walckenaer
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
-almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
-re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
-with this eBook or online at www.gutenberg.org/license
-
-
-Title: Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, (2/6)
-
-Author: Charles Athanase Walckenaer
-
-Release Date: March 5, 2016 [EBook #51364]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: UTF-8
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MÉMOIRES TOUCHANT LA VIE ***
-
-
-
-
-Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online
-Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
-file was produced from images generously made available
-by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at
-http://gallica.bnf.fr)
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-Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par
-le typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été
-conservée et n'a pas été harmonisée. Les numéros des pages
-blanches n'ont pas été repris.
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-
- MÉMOIRES
- SUR MADAME
- DE SÉVIGNÉ.
-
- DEUXIÈME PARTIE.
-
-
-TYPOGRAPHIE DE H. FIRMIN DIDOT.--NESNIL (EURE).
-
-
-
-
- MÉMOIRES
- TOUCHANT
- LA VIE ET LES ÉCRITS
- DE MARIE DE RABUTIN-CHANTAL
- DAME DE BOURBILLY
- MARQUISE DE SÉVIGNÉ,
- DURANT LE MINISTÈRE DU CARDINAL MAZARIN
- ET LA JEUNESSE DE LOUIS XIV.
-
- SUIVIS
- De Notes et d'Éclaircissements.
- PAR
- M. LE BARON WALCKENAER.
-
- TROISIÈME ÉDITION,
- REVUE ET CORRIGÉE.
-
- PARIS,
- LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET CIE,
- IMPRIMEURS DE L'INSTITUT DE FRANCE,
- RUE JACOB, 56.
-
- 1856.
-
-
-
-
- MÉMOIRES
- TOUCHANT LA VIE ET LES ÉCRITS
- DE
- MARIE DE RABUTIN-CHANTAL,
- DAME DE BOURBILLY,
- MARQUISE DE SÉVIGNÉ.
-
-
-
-
-CHAPITRE PREMIER.
-
-1654-1655.
-
- Projets de Mazarin.--Fausse position de Condé.--Il est le seul
- espoir des partis intérieurs qui s'opposent à Mazarin.--Dix mille
- Français ont suivi Condé.--L'absence des plus notables se fait
- remarquer au sacre du roi.--Nouvelle crise des affaires de
- France.--Siége d'Arras par Condé.--Projet
- d'Hocquincourt.--Menaces des parlements.--Turenne fait lever le
- siége d'Arras.--La duchesse de Châtillon est employée pour
- traiter avec d'Hocquincourt.--Le jeune roi intervient en personne
- pour imposer silence au parlement.--Différence qui existe entre
- la position du roi d'Angleterre et celle du roi de France.--Le
- parlement hasarde des remontrances.--Mazarin fait des coups
- d'autorité.--Il y joint la flatterie et la corruption.--Embarras
- que cause à Mazarin l'inimitié de Retz.--Fautes de celui-ci.--Il
- donne la démission de son archevêché.--Est transporté à
- Nantes.--S'en échappe.--Se fracasse l'épaule.--Est sur le point
- d'être pris.--Il traverse l'Espagne, et arrive à Rome assez à
- temps pour l'élection d'un nouveau pape.--Il intrigue contre
- Mazarin.--Lettre de Retz à Mme de Sévigné.--Différends entre
- Ménage et le cardinal de Retz.--Ménage brouillé aussi avec
- Bussy.--Lettre de madame de Sévigné à Ménage.--Elle y fait
- mention de Girault.--Détails sur Girault.
-
-
-Nous avons laissé, dans la première partie de ces Mémoires, madame de
-Sévigné à sa terre des Rochers. Ses liaisons de parenté et d'amitié
-avec le cardinal de Retz l'enchaînaient aux événements politiques qui
-complétèrent le dénoûment de la Fronde; et comme ils devaient aussi
-l'occuper dans sa solitude, il est nécessaire de les faire connaître.
-
-Au milieu de toutes les fêtes et de toutes les intrigues secrètes,
-tandis que Louis grandissait, et que des maîtres habiles, ou mieux
-encore les événements de chaque jour, achevaient son éducation d'homme
-et de roi, Mazarin poursuivait ses projets, Condé et les Espagnols les
-leurs. Mazarin fondait son ambition sur le rétablissement du pouvoir
-royal et sur la grandeur de la France; Condé, sa puissance sur le
-renversement du ministre et sur l'ascendant que lui promettait la
-victoire; mais il était obligé de se prémunir contre les faveurs qu'il
-savait lui ravir, pour qu'elles ne tournassent pas uniquement au
-profit des Espagnols. Ceux-ci, de leur côté, ne secondaient qu'avec
-défiance le génie de Condé, craignant toujours qu'au lieu d'être un
-instrument de leur puissance, il ne devînt un obstacle par les succès
-même obtenus avec leurs propres troupes.
-
-Cette fausse position de Condé faisait la force de la France et la
-faiblesse de ses ennemis. Elle aurait fourni les moyens de terminer
-promptement la lutte, si cet état de choses n'avait pas été la suite
-et le résultat de divisions intestines. Les partis étaient comprimés,
-mais non anéantis; leurs débris s'étaient réunis. Les partisans des
-princes et ceux de Retz et des parlements, c'est-à-dire les
-_princistes_, les indépendants, les frondeurs, et même les royalistes
-mécontents, ne formaient plus qu'une seule phalange agissant contre
-Mazarin, leur ennemi commun. Ils entretenaient entre eux une
-correspondance active. Trop faibles pour renouveler leurs attaques à
-force ouverte, ils conspiraient dans l'ombre contre le gouvernement,
-et surtout contre la vie du premier ministre[1]. Toutes leurs
-espérances se rattachaient à Condé, qu'un arrêt du parlement avait
-reconnu criminel de lèse-majesté, et condamné à perdre ses biens, ses
-honneurs et sa vie, déclarant en même temps sa postérité déchue de
-tous ses droits à la couronne[2]. Dix mille Français qui avaient suivi
-Condé se trouvaient proscrits avec lui, et à leur tête on comptait des
-Montmorency, des Foix, des Duras, des La Trémouille, des Coligny. Le
-sacre du jeune roi, qui eut lieu à Reims le 7 juin[3], montra, par
-l'absence de ceux auxquels des droits imprescriptibles assuraient une
-part dans cette auguste cérémonie, de quels puissants soutiens le
-trône se trouvait privé, combien était large et profonde la blessure
-que la révolte faisait à la monarchie.
-
-L'occupation que le sacre donna au gouvernement français, la pénurie
-d'argent qu'éprouvaient les Espagnols, firent que le mois de juin
-arriva sans que dans le nord on fût entré en campagne. Mais depuis
-lors les opérations de la guerre, les négociations, et les intrigues,
-non moins efficaces, des ruelles furent poussées avec une prodigieuse
-activité, et mirent encore les affaires de la France dans une crise
-qui la plaçait sur le penchant de l'abîme. Arras était assiégé par
-Condé; des lignes formidables entouraient cette ville; sa prise
-paraissait certaine. Le duc de Lorraine, sacrifié par Fuensaldagne aux
-ressentiments et aux craintes qu'inspirait sa perfidie, avait été
-arrêté; toutes les forces d'une grande et guerrière province étaient
-tournées contre la France, et donnaient les moyens de pénétrer jusqu'à
-sa capitale[4]. Les séductions de la duchesse de Châtillon avaient
-arraché au maréchal d'Hocquincourt la promesse de livrer au prince de
-Condé Péronne et Ham, deux des principales clefs du royaume[5]. Les
-parlements essayaient de ressaisir le pouvoir qu'ils avaient perdu.
-Tous ces graves événements donnèrent à Mazarin et à Turenne des
-occasions de déployer l'activité de leur génie.
-
-Le siége d'Arras fut levé par la hardiesse de Turenne, qui pénétra
-dans ces redoutables retranchements, réputés infranchissables. Condé
-prévint la destruction de l'armée espagnole par une savante retraite,
-et couvrit la Flandre, qui eût été aussitôt envahie par l'armée
-française après sa victoire. Quand tout paraissait perdu, il sauva
-tout[6]; et de son côté Turenne raffermit la fortune de la France au
-moment même où elle paraissait le plus ébranlée. La prise du Quesnoy
-et celle de Clermont en Argonne ne furent que les moindres
-conséquences de son succès. Les génies de ces deux grands capitaines
-parurent dans ces circonstances avoir changé de nature. Turenne
-déploya la brillante audace et l'irrésistible impétuosité de Condé, et
-Condé fit voir ce prudent courage, ces admirables prévoyances par où
-Turenne s'était rendu célèbre.
-
-Hocquincourt commandait dans Péronne, et l'on savait que les Espagnols
-lui offraient pour leur remettre cette place un prix supérieur à celui
-que le gouvernement de France lui promettait pour rester fidèle. La
-trahison qu'il méditait fut empêchée par la duchesse de Châtillon,
-qu'il aimait. Mazarin la mit en chartre privée chez l'abbé Fouquet,
-qui la força d'écrire au maréchal d'Hocquincourt, afin de l'engager à
-procurer sa délivrance, en acceptant les propositions qui lui étaient
-faites par le premier ministre[7]. La maréchale d'Hocquincourt,
-adroite et spirituelle, fut aussi habilement employée par Mazarin en
-cette négociation. Elle détermina son mari à accepter les six cent
-mille livres qui lui étaient proposées, et obtint son consentement
-pour que Péronne fût livrée à leur fils aîné, qu'elle en fit nommer
-gouverneur. La duchesse de Châtillon fut, en vertu des mêmes
-stipulations, remise en liberté; mais le maréchal d'Hocquincourt
-acquit bientôt la preuve de ses nombreuses infidélités. Il s'était
-trop engagé, pour oser se replacer sans crainte sous la puissance du
-roi; il se jeta dans Hesdin, révolté, passa ensuite du côté des
-Espagnols, et fut tué en défendant Dunkerque[8].
-
-Le parlement, enhardi par les embarras du gouvernement et les progrès
-que faisait l'armée de Condé, voulut délibérer de nouveau sur les
-édits relatifs aux impôts vérifiés en lit de justice, sous prétexte
-qu'alors la présence du roi avait ôté la liberté des suffrages. Dans
-cette circonstance critique, Mazarin employa utilement l'intervention
-personnelle du jeune monarque, et jugea que s'il n'était pas encore
-assez mûr pour gouverner, il était d'âge à commencer à régner. Louis
-XIV partit donc un jour de Vincennes, et entra dans la salle du
-parlement assemblé, en justaucorps rouge, un fouet à la main, un
-chapeau gris sur la tête, et suivi de son cortége, comme lui vêtu en
-équipage de chasse. Il parla avec toute la hauteur du commandement, et
-déclara que sa volonté était que son parlement s'abstînt à l'avenir de
-toute délibération concernant l'administration de son royaume[9].
-Mazarin avait compris que, dans une monarchie telle que la France, il
-ne suffisait pas au ministre d'exercer l'autorité au nom du roi, mais
-que pour s'assurer une obéissance prompte, facile, exempte de trouble
-et de résistance, il fallait encore qu'on fût bien convaincu que les
-ordres que ce ministre donnait étaient conformes à la volonté propre
-du monarque. Ceux qui de nos jours ont rêvé en France la possibilité
-d'un roi trônant sans gouverner, et qui, dans leur jargon, ont appelé
-monarchie constitutionnelle celle dont le chef n'aurait qu'un pouvoir
-de délégation; dont le rôle tout passif se réduirait à accepter pour
-ministres, et à reconnaître pour seuls maîtres de la direction des
-affaires, des hommes désignés par des assemblées n'ayant d'autre
-contrôle que leur volonté, d'autre impulsion que leurs passions;
-ceux-là n'ont connu ni le caractère national, ni la nature humaine,
-ni les vrais principes qui doivent régir une grande nation
-continentale, forcée de maintenir son indépendance au milieu d'autres
-nations également puissantes. Là le chef du pays est nécessairement le
-chef de l'armée, et le chef de l'armée doit aussi indispensablement
-être le chef du gouvernement, et de droit et de fait. Le roi et le
-royaume, le souverain et ses sujets, la couronne et le sol, sont
-inséparables. A ce pouvoir nécessaire il faut tracer des limites;
-contre cette puissance obligée, il faut établir des garanties; mais si
-vous les cherchez dans des institutions qui dénaturent son principe et
-arrêtent son action, vous affaiblissez l'État, vous le rendez
-incapable de soutenir la lutte incessante contre les forces
-extérieures qui tendent à l'anéantir, vous forgez pour lui le joug de
-l'étranger, vous préparez son asservissement et sa mort. Dans cette
-puissante machine qui opère tant de prodiges, si vous absorbez par une
-seule goutte d'eau froide le calorique qui donnait une si grande force
-d'expansion à la vapeur, le piston retombe: ainsi s'affaisse
-subitement tout gouvernement dont le principe est détruit.
-
-Le parlement se tut devant le roi; mais cependant il ne lui obéit pas
-entièrement, et hasarda des remontrances. Mazarin alors se vit forcé
-de déployer, comme Richelieu, les rigueurs du pouvoir royal. Plusieurs
-conseillers furent exilés, d'autres furent mis à la Bastille[10]. A
-ces mesures l'habile ministre sut joindre la flatterie, la persuasion,
-et, au besoin, la corruption. Il parvint ainsi à obtenir, sans
-résistance et sans retard, la vérification et l'enregistrement des
-édits qui créaient de nouvelles taxes. Pour désigner les conseillers
-qu'il fallait écarter par l'exil ou la prison, il s'était servi de
-l'abbé Fouquet; pour connaître ceux qu'il pouvait gagner, il employa
-Gourville, auquel ses liaisons et ses intrigues avec les anciens
-frondeurs avaient donné une parfaite connaissance de ceux qui dans le
-parlement étaient les plus accessibles aux insinuations et aux
-propositions qu'il fut chargé de leur faire[11].
-
-Le cardinal de Retz était destiné à occasionner à Mazarin des embarras
-moins grands, mais plus prolongés, que ceux que lui avaient présentés
-les parlements. Après la mort de son oncle, Retz, quoique captif, se
-trouva, par sa seule déclaration et le secours de ses amis,
-canoniquement et légalement archevêque de Paris. C'est alors qu'il eût
-pu résister avec avantage à son puissant ennemi[12]. Il était soutenu
-par tous les curés de Paris, qui au nom de la religion demandaient au
-roi que le prélat fût rendu à son clergé et à son troupeau. Défendu
-avec chaleur par le pape, qui voyait avec indignation qu'on retînt en
-prison un prince de l'Église et qu'on violât des immunités
-ecclésiastiques, Retz eût obtenu promptement sa liberté, et eût pu
-présenter de grands obstacles à vaincre au ministre, qui voulait
-anéantir entièrement son influence: mais ces obstacles, Retz les fit
-de lui-même disparaître par ses imprudences, son défaut de jugement,
-de fermeté et de constance. Il montra pour sa propre cause moins
-d'habileté et d'intrépidité que Caumartin, Joly et d'Hacqueville, et
-déconcerta tous les efforts de leur dévouement pour le triomphe de ses
-intérêts. Il s'ennuya de sa prison, et ne put supporter les privations
-qu'elle lui imposait. Il craignit ou feignit de craindre que Mazarin
-ne le fît assassiner; et, contre l'avis de ses fidèles amis, il se
-dépouilla du seul bouclier qui lui restait, de la seule arme qu'il
-avait en main. Il remit au roi sa crosse pastorale; il se démit de son
-archevêché[13]. Par ce grand sacrifice, Retz n'obtint même pas la
-liberté après laquelle il soupirait; il échangea seulement son donjon
-contre une détention moins triste et moins dure, dans le château de
-Nantes, où le maréchal de La Meilleraye le fit garder avec autant de
-soin et de vigilance qu'il l'était précédemment[14]. La démission de
-Retz ne fut point acceptée par le pape, et Retz se proposa de la faire
-annuler, comme ayant été le résultat de la violence; mais la faiblesse
-qu'il avait eue de consentir à la donner découragea tous ses
-adhérents. On s'approche pour secourir l'homme que l'on voit lutter
-avec courage dans un combat inégal; on s'écarte de celui qui fuit, ou
-l'on reste en place pour le voir passer. Cette faute ne fut pas la
-seule que commit Retz. A Nantes il aurait pu, par sa conduite, trouver
-dans les fonctions de son ministère, dans l'étude et dans la retraite,
-des moyens certains d'intéresser à son sort et de changer sur son
-compte l'opinion, toujours indulgente envers le malheur, toujours
-sévère pour l'autorité, lorsqu'elle abuse ou même lorsqu'elle use de
-sa force. Il aurait ainsi réveillé le zèle de son clergé et de ses
-partisans, qui répugnaient à se détacher de lui. Au contraire,
-oubliant la gravité des circonstances, on le voit uniquement occupé à
-jouir des agréments de la société dont le maréchal de La Meilleraye
-eut soin de l'entourer[15]; et dans les adoucissements apportés à sa
-captivité, il ne voit d'autre avantage que celui de pouvoir se livrer
-à sa passion pour les femmes, à ses goûts pour le monde. C'est à cette
-époque qu'il essaya, mais en vain, de séduire mademoiselle de La
-Vergne, cette amie intime de madame de Sévigné. «Le maréchal de La
-Meilleraye, dit-il, ne pouvait rien ajouter à la civilité avec
-laquelle il me garda. Tout le monde me voyait; on me cherchait même
-tous les divertissements possibles; j'avais presque tous les soirs la
-comédie; toutes les dames s'y trouvaient, elles y soupaient souvent.
-Madame de La Vergne, qui avait épousé en secondes noces M. le
-chevalier de Sévigné, et qui demeurait en Anjou avec son mari, m'y
-vint voir, et amena mademoiselle sa fille, qui est présentement madame
-de La Fayette. Elle était fort jolie et fort aimable, et elle avait de
-plus beaucoup d'air de madame de Lesdiguières. Elle me plut beaucoup,
-et la vérité est que je ne lui plus guère, soit qu'elle n'eût pas
-d'inclination pour moi, soit que la défiance que sa mère et son
-beau-père lui avaient donnée dès Paris même, avec application, de mes
-inconstances et de mes différentes amours, la missent en garde contre
-moi. Je me consolai de sa cruauté avec la facilité qui m'était assez
-naturelle, et la liberté que le maréchal de La Meilleraye me laissait
-avec les dames de la ville, qui, étant à la vérité très-entière,
-m'était d'un fort grand soulagement[16].» Quoique Retz eût donné sa
-parole de ne point chercher à s'échapper, le maréchal de La
-Meilleraye, qui ne s'y fiait pas, le faisait garder à vue. Cette gêne
-continuelle, la crainte de se voir confiné de nouveau dans une prison,
-ou transporté à Brest, lui firent prendre la résolution de recouvrer
-sa liberté. Aucun roman ne présente un intérêt égal à celui de sa
-fuite. Les moyens en furent concertés par Joly, le duc de Brissac et
-le chevalier de Sévigné. Il s'évada en plein jour, en présence même
-des surveillants et des sentinelles qui le gardaient[17]. Ils
-pouvaient l'arrêter dans sa course en faisant feu sur lui, mais ils ne
-pouvaient courir après lui et se saisir de sa personne avant d'avoir
-rompu la porte à jour par où il était sorti, et qu'il avait refermée
-sur eux. Cela lui donna le temps de descendre, et de remonter avec des
-cordes les murs d'un bastion de quarante pieds de haut, puis de
-s'enfuir à toute bride sur un cheval qu'on lui avait préparé[18]. A
-quelques lieues de Nantes, le cheval s'effraye, fait un écart: Retz
-tombe et se fracasse l'épaule; il se remet en selle, continue à
-courir, près de s'évanouir à chaque instant par la violence de la
-douleur. Ceux qui le poursuivent sont sur le point de l'atteindre; il
-se jette dans une meule de foin, et il y reste caché sept mortelles
-heures, entendant sans cesse marcher près de lui ceux qui le
-cherchaient; vingt fois au moment d'être découvert; étouffant les
-gémissements que les angoisses de sa blessure lui arrachaient. Enfin
-il arrive à Machecoul, dans le pays de Retz, chez son frère: il y
-séjourne peu de temps, et, avec son épaule mal remise et tourmenté par
-la fièvre, il passe dans une nacelle le petit bras de mer qui le
-sépare de Belle-Isle, s'embarque dans cette île[19], aborde en
-Espagne, traverse ce royaume dans la litière que Philippe IV lui a
-envoyée, et refuse les présents de ce monarque, ennemi de la France et
-en guerre avec elle. En Aragon il n'est point atteint par la peste
-qui ravage cette province, et s'attendrit sur les malheurs qu'elle
-cause. A la vue des belles et fertiles campagnes de cet Éden
-enchanteur qu'on nomme le royaume de Valence, il ne peut contenir son
-ravissement. Plus délicieusement encore ses yeux sont réjouis par une
-nation de belles femmes dans l'île de Majorque. Là, des religieuses
-toutes jeunes, fraîches, et gracieuses sous le voile, se présentent à
-lui avec leur maintien doux et virginal, et lui donnent dans leur
-couvent d'harmonieux concerts; elles chantent, en baissant leurs
-longues paupières, des airs plus passionnés, dit-il, que ceux de
-Lambert[20]. A Minorque, il est frappé de la pittoresque magnificence
-de ces montagnes en amphithéâtre qui entourent le beau port de
-Mahon[21]. Par un naufrage il est forcé d'aborder en Corse. A peine
-rembarqué, poursuivi par une galère turque, sur le point d'être fait
-prisonnier, il éprouve des dangers plus terribles encore: une tempête
-furieuse l'assaille, et lui montre la mort sous mille formes.
-Pourtant il touche un instant à cette imprenable forteresse de
-Porto-Longone[22], et trouve enfin terre et liberté à Piombino. Il
-termine sur la côte riante de la Toscane sa périlleuse navigation, et
-fait ensuite son entrée dans Rome[23], où la mort d'Innocent X, son
-protecteur[24], a lieu presque aussitôt son arrivée. Il se trouve en
-mesure pour assister au conclave qui va s'ouvrir.
-
-Ainsi ce captif, ce banni, cet intrigant politique, ce tribun
-turbulent, cet échappé des ruelles, semble n'avoir été éprouvé par
-tant d'aventures, sauvé miraculeusement de tant de périls, que pour
-venir à temps, avec toute la pompe et la magnificence d'un prince de
-l'Église, siéger parmi les membres de ce sénat auguste, dont les
-libres suffrages doivent donner au monde entier un souverain
-pontife[25].
-
-A Rome comme à Paris, Retz devint l'âme de toutes les intrigues qui
-s'agitaient contre Mazarin. Il se montra même un ennemi plus
-redoutable dans le conclave qu'il ne l'avait été dans le parlement,
-puisqu'il réussit à faire nommer pape le cardinal Chigi, que Mazarin
-repoussait. En même temps l'intrépide Chassebras, un de ses vicaires,
-quoique banni par arrêt du parlement et obligé de se cacher, parvenait
-à déconcerter toutes les mesures de la police, et faisait afficher
-dans les carrefours et les rues de la capitale des exhortations, des
-ordres, des mandements propres à fomenter les passions religieuses
-parmi le peuple, à produire un schisme dans le diocèse. Chassebras en
-aurait mis toutes les églises en interdit, si son archevêque l'avait
-voulu[26]. Retz ne sut pas profiter de ce retour de la fortune. Plus
-habile à entraver qu'à diriger, comme dans tout le cours de sa vie
-politique, il voulait toujours marcher à un but mal défini, sans
-prendre conseil des événements. De ce qu'il avait contribué à la
-nomination de Chigi, il s'était persuadé que celui-ci se laisserait
-gouverner par ses conseils. Mais il s'était trompé sur son caractère.
-Alexandre VII, assis sur le trône pontifical, oublia bientôt les
-promesses et les engagements du cardinal Chigi; il se souvint
-seulement qu'il était pape et le père commun des fidèles. Il suivit
-dans sa politique un système tout contraire à celui qui eût été
-favorable à Retz, et dans lequel celui-ci aurait voulu l'engager. Au
-lieu de chercher à tout diviser, il s'efforça de tout concilier, et
-fit les plus grands efforts pour procurer entre la France et l'Espagne
-une paix stable. Il se trouva par là engagé à soutenir Mazarin, qui
-tendait au même but. Alors Retz s'aperçut, mais trop tard, qu'il avait
-eu encore cette fois tort de ne pas suivre les conseils de ses amis,
-qui l'engageaient à accepter l'appui que Lyonne, l'envoyé de Mazarin,
-lui avait offert. Il fut obligé de reconnaître qu'il s'était encore
-une fois perdu par son trop de confiance en lui-même; il vit que l'or
-qu'il avait prodigué, les dettes qu'il avait contractées, ses
-intrigues, si habiles et si multipliées, par lesquelles il était
-parvenu à surprendre les secrets et la correspondance de Lyonne, en
-favorisant les désordres de sa femme, et en fomentant la division
-parmi ses domestiques, n'avaient servi qu'à le conduire à des
-résultats contraires à ceux qu'il s'était proposé d'obtenir[27].
-
-Lors de sa fuite, durant le court séjour qu'il fit soit à Machecoul,
-soit à Belle-Isle[28], il éprouva le besoin de se justifier auprès du
-maréchal de la Meilleraye, dont il n'avait eu qu'à se louer, et qu'il
-compromettait gravement en lui manquant de parole. Mais comme il ne
-pouvait communiquer avec lui sans le compromettre encore plus, il prit
-le parti d'écrire à la marquise de Sévigné, qu'il savait être en
-relation avec le maréchal. Il l'instruisit donc de son évasion, en
-expliqua les motifs, et colora son manque de foi le mieux qu'il put.
-Craignant que cette lettre ne fût interceptée, il l'envoya à Ménage
-pour qu'il la fît parvenir à madame de Sévigné, en lui indiquant en
-même temps l'usage qu'elle en devait faire. Ménage avait eu avec le
-cardinal de Retz quelques démêlés, dont la gazette de Loret avait
-retenti[29]; mais Ménage, après avoir occupé une place dans la maison
-du cardinal, était trop honnête homme pour ne pas oublier tous les
-sujets de plainte qu'il pouvait avoir eus contre lui, et pour ne pas
-lui rester fidèle dans le malheur: il paraît aussi que Ménage s'était
-brouillé, puis réconcilié, avec Bussy. On voit, d'après la réponse de
-madame de Sévigné à Ménage, que tout ce qui concernait son cousin
-Bussy l'intéressait vivement. Elle montre un grand empressement à
-connaître les motifs du raccommodement qui avait eu lieu entre lui et
-Ménage. Sa lettre est datée des Rochers, le 1er octobre 1654. Elle
-commence par rendre grâce à Ménage de la diligence qu'il a mise à lui
-faire parvenir la lettre du cardinal, qu'elle nomme toujours le
-coadjuteur, par habitude, quoiqu'à cette époque il ne portât plus ce
-titre. Elle ne doute pas que cette lettre, qu'elle a envoyée au
-maréchal, ne fasse impression sur lui; puis elle ajoute: «Mais voici
-qui est admirable, de vous voir si bien avec toute ma famille; il y a
-six mois que cela n'était pas du tout si bien. Je trouve que ces
-changements si prompts ressemblent fort à ceux de la cour. Je vous
-dirai pourtant qu'à mon avis cette bonne intelligence durera
-davantage; et pour moi, j'en ai une si grande joie que je ne puis vous
-la dire, au point qu'elle est. Mais, mon Dieu! où avez-vous été pêcher
-ce monsieur le grand prieur, que M. de Sévigné appelait toujours _mon
-oncle le Pirate_? Il s'était mis dans la tête que c'était sa bête de
-ressemblance, et je trouve qu'il avait raison. Dites-moi donc ce que
-vous pouvez avoir à faire ensemble, aussi bien qu'avec le comte de
-Bussy? J'ai une curiosité étrange que vous me contiez cette affaire,
-comme vous me l'avez promis[30].»
-
-Elle demande ensuite à Ménage d'accorder son amitié à l'abbé de
-Coulanges, qui se trouvait alors avec elle aux Rochers. «S'il est
-vrai, dit-elle, que vous aimiez ceux que j'aime, et à qui j'ai
-d'extrêmes obligations, je n'aurai pas beaucoup de peine à obtenir
-cette grâce de vous.»
-
-Ménage, un jour, enchanté d'une lettre que lui avait écrite
-mademoiselle de Chantal lorsqu'elle était son écolière, dit qu'il ne
-la donnerait pas pour trente mille livres. Madame de Sévigné,
-plaisantant sur ce fait de sa jeunesse (jamais aucune femme n'oublie
-ce qui a été dit ou fait de satisfaisant pour son amour-propre),
-termine ainsi sa lettre: «Je vous assure que vous devez être aussi
-content de moi que le jour où je vous écrivis une lettre de dix mille
-écus.» Puis, par un trait de coquetterie aimable, elle signe _Marie de
-Rabutin-Chantal_, de même qu'était signée la lettre de dix mille écus.
-
-Dans le post-scriptum de cette même lettre elle dit: «Un compliment à
-M. Girault; je n'ai point reçu son livre.» Ce livre était les
-_Miscellanea_, ou les Mélanges de Ménage, dont nous avons parlé; car
-dans la préface latine de ce recueil Ménage nous apprend que ce fut M.
-Girault qui prit soin de recueillir et de mettre en ordre les pièces
-qui s'y trouvent. Lorsque madame de Sévigné écrivait cette lettre,
-cet ouvrage venait de paraître; et comme elle y était louée, nul doute
-qu'elle n'en eût entretenu Ménage, si elle en avait eu connaissance.
-Girault était un ecclésiastique, bel homme et de bonne compagnie, qui
-fut le secrétaire de Ménage, et devint ensuite chanoine du Mans. Ce
-canonicat lui fut cédé par Scarron[31]. Girault était en
-correspondance avec plusieurs beaux esprits, et s'en faisait aimer par
-l'empressement qu'il mettait à les tenir au courant de toutes les
-nouveautés littéraires[32]. Son admiration pour Ménage lui fit donner
-une place dans les satires, les épigrammes et les diatribes que cet
-écrivain s'attira par sa plume caustique, guerroyante et
-pédantesque[33].
-
- [1] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. 364, 365.
-
- [2] DESORMEAUX, _Histoire de Louis de Bourbon, prince de Condé,
- second du nom_, 1779, in-12, t. IV, p. 14 et 15.--LORET, liv. V,
- p. 12, 24 janvier 1654, p. 37, 40.--MONGLAT, _Mém._, t. L, p.
- 430.
-
- [3] BRIENNE, _Mém._, t. XXXVI, p. 219.--MONGLAT, _Mém._, t. L, p.
- 534.--MONTPENSIER, _Mém._, t. XLI, p. 444.--LORET, lib. V, p. 72,
- 13 juin 1654.
-
- [4] DESORMEAUX, _Hist. de Condé_, t. IV, p. 18.--MONGLAT, _Mém._,
- t. L, p. 438.--MOTTEVILLE, t. XLI, p. 427.--LORET, liv. V, p. 30,
- 33, 82, 14 mars et 4 juillet 1654.
-
- [5] _Mss. de l'hôtel de Condé_ cités par DESORMEAUX dans l'_Hist.
- de Condé_, t. IV, p. 45, 68.--NAVAILLES, _Mém._, 1701, in-12, p.
- 167.--BUSSY, _Hist. am. des Gaules_, t. I, p. 199, édit.
- 1754.--Ibid., _Hist. am. de France_, p. 216 et 239.--Ibid.,
- _Hist. am. de France_, édit. de Liége, p. 160 à 189, édit. 1re;
- p. 130 et 154, édit. 2e.
-
- [6] DE RAMSAY, _Hist. de Turenne_, liv. IV, t. II, p. 18, édit.
- in-12, et la planche 6 de l'atlas.
-
- [7] DESORMEAUX, _Hist. de Condé_, t. IV, p. 49.--LORET, liv. V,
- p. 118, 12 septembre 1654.--RAGUENET, _Hist. du vicomte de
- Turenne_, p. 238 à 255.
-
- [8] MONGLAT, _Mém._, t. L, p. 469.--MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 426,
- 429.--DE RAMSAY, _Hist. de Turenne_, t. II, p. 47 et 87, édit.
- in-12.
-
- [9] MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 363.--MONGLAT, t. L, p. 458.
-
- [10] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 301.
-
- [11] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 397.
-
- [12] RETZ, _Mém._, t. XLVI, p. 243.--GUY-JOLY, t. XLVII, p. 262.
-
- [13] GUY-JOLY, _Mém._, t. XLVII, p. 292.
-
- [14] RETZ, _Mém._, t. XLVI, p. 253 et 254.
-
- [15] GUY-JOLY, _Mém._, t. XLVII, p. 294.--RETZ, _Mém._, t. XLVI,
- p. 253.
-
- [16] RETZ, _Mém._, t. XLVI, p. 253, ou p. 437 de l'édit.
- Champollion.
-
- [17] RETZ, t. XLVI, p. 258, 201 et 273.
-
- [18] Ibid., p. 271.--GUY-JOLY, _Mém._, t. XLVII, p. 312 à 317.
-
- [19] RETZ, _Mém._, t. XLVI, p. 281.
-
- [20] RETZ, _Mém._, t. LXVI, p. 285.--GUY-JOLY, t. XLVII, p. 238.
-
- [21] RETZ, _Mém._, t. XLVI, p. 287.
-
- [22] Ibid., p. 293.
-
- [23] GUY-JOLY, t. XLVII, p. 345 (le 28 novembre 1655).
-
- [24] RETZ, _Mém._, t. XLVI, p. 303.
-
- [25] RETZ, t. XLVI, p. 305, 348.--GUY-JOLY, _Mém._, t. XLVII, p.
- 372 et 374.--MONGLAT, t. L, p. 471.
-
- [26] GUY-JOLY, t. XLVII, p. 387 et 388.
-
- [27] RETZ, t. XLVI, p. 344.--JOLY, t. XLVII, p. 372-374.
-
- [28] GUY-JOLY, t. LXVII, p. 322, 323, 330.--SÉVIGNÉ, _Lettres_,
- 1820, in-8º, t. Ier, p. 28. Cette lettre de Retz ne fut point
- écrite d'Espagne.
-
- [29] LORET, _Muse historique_, liv. III, p. 140, 5 octobre 1652;
- _Ménagiana_, t. II, p. 5.
-
- [30] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 1, 28 et 29 (1er octobre 1654),
- édit. 1820, et t. I, p. 34 et 37, édit. de G. de St.-G.
-
- [31] _Ménagiana_, t. II, p. 5; t. III, p. 192 et 193.--BRUZEN DE
- LA MARTINIÈRE, _Hist. de M. Scarron_, t. I, p. 58 des _OEuvres_,
- édit. 1737, in-18.--Voyez la première partie de ces Mémoires, p.
- 452.
-
- [32] TALLEMANT DES RÉAUX, t. V, p. 257, édit. in-8º; t. IX, p.
- 123, édit. in-12.
-
- [33] Jean BERNIER, _Anti-Ménagiana_, p. 43.--Gilles BOILEAU,
- _Avis à M. Ménage sur son églogue intitulée Christine_, dans le
- _Recueil des pièces choisies de_ LA MONNOYE, 1714, t. I, p. 278,
- préface.
-
-
-
-
-CHAPITRE II.
-
-1655-1656.
-
- Succès de Turenne.--Tranquillité de la capitale.--Ballets
- royaux.--Le goût des spectacles se répand jusque dans les
- colléges des jésuites.--On mêlait les concerts aux
- sermons.--Pièce de Quinault qui renferme tous les
- genres.--Mariages et visites de princes étrangers; fêtes à cette
- occasion.--Le roi recevait des fêtes et en donnait.--Il dansait
- dans les ballets.--Carrousel pendant le carême.--Les ducs de
- Candale et de Guise s'y font remarquer.--Goût pour les devises,
- partagé par madame de Sévigné.--Elle ne quitte point Paris ni les
- environs.--Le maréchal de La Meilleraye ouvre les états généraux
- de Bretagne.--Mariage de mademoiselle de La Vergne avec le comte
- de La Fayette.--Madame de Sévigné se livre aux plaisirs du monde,
- et résiste à toutes les séductions.--Occupations de mademoiselle
- de Montpensier pendant son exil.--Madame de Sévigné va lui rendre
- visite à son château de Saint-Fargeau.
-
-
-La victoire d'Arras et la continuité des succès de Turenne pendant
-toute la campagne[34] firent naître dans la capitale et dans tout le
-royaume une sécurité que ne purent troubler ni les écrits que Retz
-publia pour sa défense, ni les résistances de son vicaire Chassebras,
-secrètement appuyées par les solitaires de Port-Royal et par leurs
-nombreux amis[35].
-
-On se livra aux plaisirs et à la joie que le retour du jeune roi dans
-la capitale, après ses campagnes, ne manquait jamais de ramener; et ce
-fut avec une chaleur, une unanimité qui surpassèrent encore celles de
-toutes les années précédentes[36]. Les occasions ne manquèrent pas:
-l'entrée dans Paris du comte d'Harcourt, qui ressembla à une pompe
-triomphale; les fiançailles du fils du duc de Modène avec une des
-filles de Martinozzi, nièce du cardinal[37]; l'arrivée de ce même duc
-et celle du duc de Mantoue[38]; du duc François, frère du duc de
-Lorraine; de la princesse d'Orange[39]; le mariage d'une des
-demoiselles de Mortemart[40] avec le marquis de Thianges; celui de la
-Ferté; celui de Loménie de Brienne[41], fils du ministre d'État, avec
-la seconde fille de Chavigny, fournirent des occasions fréquentes au
-roi et à Mazarin de donner des festins et des fêtes et d'en
-recevoir[42]. Non-seulement le jeune monarque ne dédaignait pas
-d'accepter des invitations qui lui étaient faites, mais il dansait et
-jouait dans les ballets qui faisaient partie des fêtes qu'on lui
-donnait, comme dans ceux qu'il faisait représenter à sa cour. Il y fit
-jouer trois nouveaux ballets, qui tous furent d'une richesse
-d'exécution que l'on crut ne pouvoir jamais être égalée[43]. Cependant
-le dernier, intitulé _Psyché_, surpassa les deux autres en
-magnificence. Un essaim de beautés y figuraient avec le roi et l'élite
-des meilleurs artistes: Fouilloux et Menneville, qu'on nommait
-toujours ensemble quand il fallait citer des modèles de grâce; cette
-belle duchesse de Roquelaure, dont nous avons fait connaître la
-tragique destinée; la douce et mélancolique Manicamp, qui ne se
-prêtait plus que par obéissance à ces jeux mondains, et qui se fit
-carmélite aux jours saints; puis la folâtre Villeroy, et Neuillant, et
-Gramont, et beaucoup d'autres[44]. Cependant leurs attraits ne
-pouvaient distraire le roi de cette aînée des Mancini, qui leur était
-bien inférieure en beauté. Loret, dans les longues descriptions dont
-il remplissait sa _Gazette_, ne manque pas de faire mention de ces
-attentions de Louis pour elle:
-
- Le roi, notre monarque illustre,
- Menait l'infante Manciny,
- Des plus sages et gracieuses,
- Et la perle des précieuses[45].
-
-Ce qui donna un caractère particulier au carnaval de cette année fut
-le grand nombre de mascarades et de folâtres divertissements dont
-Louis XIV et son frère donnaient les premiers l'exemple, et dont ils
-s'amusaient beaucoup. Aussi Loret remarque que
-
- Paris, dans la joie inondé,
- Est tellement dévergondé,
- Qu'on n'y voit que réjouissances,
- Que des bals, des festins, des danses,
- Que des repas à grands desserts,
- Et de mélodieux concerts[46].
-
-
-Cependant, de tous les genres de plaisirs, ceux que l'on préférait,
-ceux auxquels on revenait toujours, étaient les représentations
-théâtrales. Jamais les théâtres publics n'avaient attiré plus de
-spectateurs. Ce goût se répandit si généralement, que les jésuites, si
-habiles à suivre la pente de leur siècle, et auxquels était
-principalement confiée l'éducation de la haute noblesse, composèrent
-dès lors des tragédies latines, et les firent représenter par l'élite
-de la belle jeunesse qui s'élevait dans leurs colléges. Ces
-représentations eurent lieu devant de nombreuses assemblées de
-dignitaires de l'Église, de gens de cour, et de ce que Paris
-renfermait de plus illustre dans les lettres et dans l'État[47]. Elles
-eurent le plus grand succès. Cet usage des jésuites a commencé sous la
-jeunesse de Racine, et a été continué sans interruption bien au delà
-de l'époque de la jeunesse de Voltaire, dont le maître, le père Porée,
-était un jésuite, auteur des meilleures de ces tragédies latines.
-C'est à ces premières impressions de collége, c'est à l'influence de
-ces maîtres habiles sur ceux qui devaient un jour illustrer notre
-littérature, et sur ceux qui devaient être les juges de leurs
-productions, que l'on doit, suivant nous, ce goût grec et romain, ces
-formes régulières, et un peu uniformes, qu'a prises la tragédie sous
-la plume des deux grands maîtres que nous venons de nommer, et sous
-celle de leurs nombreux imitateurs. Mais le grand Corneille, par la
-diversité de ses ouvrages, semblait avoir épuisé tous les genres de
-compositions scéniques: et à l'époque dont nous traitons, c'est-à-dire
-dans les années 1655 et 1656, la satiété commençait déjà à exiger la
-réunion de tous les genres, mais non pas encore leur mélange. Ce fut
-cette année que Quinault donna au théâtre du Marais une pièce
-intitulée _la Comédie sans comédie_, qui renfermait à la fois, dans un
-même cadre et en quatre actes, les quatre sortes de poëmes dramatiques
-connus alors, une pastorale, une comédie, une tragédie, et une
-tragi-comédie ou une pièce ornée de machines et de danses,
-c'est-à-dire un opéra. Remarquons que le dernier acte de cette pièce
-était une première et intéressante ébauche du plus bel ouvrage que
-Quinault composa depuis, l'opéra d'_Armide_[48].
-
-Le carême força de suspendre les danses, les ballets, les mascarades;
-mais la fougue qui entraînait le jeune monarque et toute la société
-vers les plaisirs fit imaginer des moyens de les prolonger: on allia
-ces divertissements aux pompes mêmes de la religion, ou on leur donna
-le caractère de cette chevalerie antique que la religion avait
-autrefois encouragée et approuvée. C'est alors que commencèrent ce
-qu'on appelait les concerts de dévotion, qu'on nomma depuis
-_spirituels_; et ces brillants carrousels, image de nos vieux
-tournois, qui disparurent avec les années prospères du règne de Louis
-XIV, et lorsque les derniers vestiges des mœurs, des habitudes et des
-temps qu'ils rappelaient se furent effacés. Loret a décrit, de la même
-manière qu'il décrivait les ballets de cour, le grand concert de
-dévotion qui fut exécuté au monastère de Charonne, à l'heure de
-vêpres, par les plus célèbres musiciens, les plus fameux chanteurs et
-les meilleures cantatrices de cette époque, en présence du roi, de
-toute la cour, et d'une nombreuse assemblée de beau monde; concert
-qui fut terminé par un sermon du père Senault.
-
- Le père Senault y prêcha,
- Et son éloquence toucha
- De même qu'à l'accoutumée;
- Bref, chacun eut l'âme charmée,
- En ce saint lieu de grand renom,
- Tant du concert que du sermon[49].
-
-Le carrousel que le roi donna au Palais-Royal sembla réaliser les
-descriptions des romanciers, par la beauté des coursiers, les
-richesses et la singularité des costumes, l'éclat des armures, la
-rapidité des évolutions exécutées aux sons bruyants de la musique
-guerrière. Cette fête chevaleresque fut comme l'annonce de celles que
-Louis XIV devait donner par la suite, et dont la magnificence fut un
-sujet d'étonnement pour l'Europe entière[50].
-
-Après le roi, ceux qui se firent le plus remarquer dans ce carrousel
-furent le duc de Candale et le duc de Guise. En voyant ce dernier, on
-se rappelait ses intrigues avec la princesse de Gonzague, ses amours
-avec la comtesse de Bossu, qui furent suivis d'un mariage et d'une
-séparation; la constance de sa passion pour mademoiselle de Pons, qui
-le trahissait et favorisait son écuyer Malicorne; ses deux expéditions
-pour conquérir le royaume de Naples; sa captivité en Espagne et son
-arrivée à Paris, qui eut lieu juste au moment où il dut se rendre au
-lit de justice qui condamna à l'exil Condé, auquel il devait sa
-délivrance. Cette vie martiale, galante, si pleine d'aventures; le
-costume dont il était revêtu, sa grâce, son adresse dans le
-carrousel, tout contribuait à le rendre le type achevé des chevaliers
-du moyen âge; non tels qu'ils étaient en réalité, mais tels que les
-représentent à l'imagination, dans un siècle plus poli et sous des
-couleurs plus brillantes, les fictions de l'Arioste[51].
-
-Les boucliers de tous ceux qui figurèrent dans ce carrousel étaient
-ornés d'emblèmes ingénieux, accompagnés de paroles en langue
-espagnole, italienne ou française; et ce fut sans doute à ces jeunes
-guerriers et à l'esprit de galanterie qui régnait alors, à nos
-liaisons avec l'Espagne, que l'on dut ce goût pour les allégories et
-les devises qui domina durant tout ce règne, et que madame de Sévigné
-partagea[52].
-
-Elle était restée à Paris pendant tout l'hiver; et elle ne retourna
-point même, selon sa coutume, à sa terre des Rochers pendant la belle
-saison. On peut croire que les plaisirs si animés de la capitale
-contribuèrent à l'y retenir. Les fêtes de la cour, auxquelles elle
-était invitée, furent prolongées pendant tout le printemps, et ne
-cessèrent même pas lorsque le roi se fut transporté à Compiègne. Ce
-fut dans cette ville qu'on joua, le 30 mai, le nouveau ballet royal
-des _Bienvenus_, lorsque le prince Eugène épousa, par procuration, au
-nom du fils du duc de Modène, la fille de Martinozzi[53]. C'était
-d'ailleurs uniquement par raison d'économie que madame de Sévigné
-allait se renfermer tous les ans dans son triste château de Bretagne,
-et c'était la même raison qui l'empêchait cette année de s'y rendre.
-Le maréchal de La Meilleraye fit le 20 juin l'ouverture des états de
-Bretagne. Il était d'usage dans ces occasions, parmi la haute
-noblesse, de se donner mutuellement des festins, et madame de Sévigné
-avait éprouvé, du vivant de son mari, combien cet usage était
-dispendieux; il l'eût été encore plus pour elle cette fois.
-L'ouverture des états se faisait à Vitré[54], c'est-à-dire à sept
-kilomètres de son château, et une si grande proximité de l'auguste
-assemblée lui eût attiré un nombre illimité d'importuns visiteurs. Son
-titre de veuve et la prolongation de son séjour à Paris donnaient à
-madame de Sévigné les moyens de se soustraire à ces inconvénients, et
-elle en profita. D'autres motifs encore ont pu l'engager à s'écarter
-de ses habitudes. Mademoiselle de La Vergne épousa le 20 février de
-cette année (1655) François Mottier, comte de La Fayette, lieutenant
-des gardes françaises. Le désir de pouvoir accompagner sa jeune amie
-dans les nouvelles assemblées où son mari la présenta dut déterminer
-madame de Sévigné à agrandir encore le cercle de ses relations, et
-ajoutait aux motifs qu'elle avait de renoncer au voyage de Bretagne.
-De plus, le président de Maisons et plusieurs autres personnages
-qu'elle comptait au nombre de ses amis furent rappelés de leur exil,
-et revinrent dans la capitale précisément à l'époque où elle avait
-coutume de la quitter. Le besoin qu'elle éprouvait de s'entretenir
-avec eux, la satisfaction qu'elle avait de les revoir, l'auraient
-engagée à ne pas partir, lors même que tant d'autres causes ne
-l'auraient pas déterminée à rester.
-
-Madame de Sévigné, en s'abandonnant ainsi au tourbillon du monde, en
-se prévalant des succès qu'elle y obtenait par sa jeunesse, ses
-charmes, son esprit; en cédant à l'orgueil naturel à son sexe de
-faire naître des passions, sans vouloir les partager, augmentait les
-dangers auxquels était exposée, sinon sa personne, au moins sa
-réputation; son état de veuve rendait à cet égard sa position plus
-critique. Plus elle avait d'indépendance, plus elle en jouissait, plus
-il était facile à la calomnie de la noircir. Quand on pense aux mœurs
-de cette époque, aux moyens puissants de séduction de tous ceux qui
-affichaient hautement à son égard leur amour et leurs espérances, on
-ne pourrait croire qu'elle fût jamais parvenue à échapper à tant
-d'écueils, si tous les témoignages contemporains ne concouraient à
-nous prouver qu'elle en est sortie non-seulement sans recevoir aucune
-atteinte, mais même pure de tout soupçon.
-
-Durant les mois d'été, le séjour de Paris, alors resserré par ses
-remparts, était encore plus incommode qu'il ne l'est actuellement;
-aussi madame de Sévigné passa presque entièrement cette partie de la
-belle saison à Livry, qu'elle appelait son désert; mais ce désert se
-trouvait aussitôt peuplé par une société nombreuse, aimable et
-brillante, lorsqu'elle s'y transportait. Elle fit cependant encore à
-cette époque une courte et plus lointaine excursion hors de la
-capitale; ce fut, en quelque sorte, pour satisfaire à un devoir que le
-monde, mais non pas elle, considérait alors comme un acte de courage.
-Ceci réclame quelques détails qui feront connaître l'esprit et les
-mœurs du temps et les différents intérêts qui divisaient alors la
-cour et la haute société.
-
-Mademoiselle de Montpensier n'avait vu qu'avec peine le triomphe de
-Mazarin et de la cause royale. Elle correspondait en secret avec le
-prince de Condé, et n'avait pas perdu entièrement l'espérance de
-pouvoir l'épouser un jour. Elle se fit un grand chagrin des succès de
-Turenne; mais son père lui causa des peines bien plus vives, et dont
-les motifs étaient plus réels. Gaston convoitait les grands biens de
-sa fille aînée, et il voulait l'obliger à en céder une partie aux deux
-filles qu'il avait eues de Marguerite de Lorraine, sa seconde femme.
-Il avait épousé celle-ci par amour, et elle conservait un grand empire
-sur lui. Peut-être mademoiselle de Montpensier, naturellement grande
-et généreuse, se serait-elle montrée disposée à des arrangements de
-cette nature, si on lui en avait parlé comme d'un sacrifice qu'il lui
-fallait faire en faveur de ses sœurs dépourvues de fortune, si on lui
-avait demandé ce sacrifice comme un don, comme une générosité de sa
-part, purement gratuite, dont on lui aurait su gré; mais il n'en était
-pas ainsi. Son père cherchait à lui arracher une portion de son
-patrimoine par la ruse et la fraude, et au moyen d'un compte de
-tutelle, où les dettes qu'il avait contractées envers sa fille étaient
-atténuées ou déguisées; où il faisait figurer les répétitions non
-fondées qui lui étaient allouées par des arbitres vendus à ses
-intérêts. De tels procédés exaspérèrent mademoiselle de Montpensier,
-elle résista avec hauteur et fermeté; mais, quoique majeure, comme
-elle n'était point mariée, elle se trouvait, comme princesse du sang,
-sous la puissance paternelle, relativement au choix de ses dames
-d'honneur, de ses gens d'affaires et de tous ceux qui composaient sa
-maison. Gaston éloignait d'elle arbitrairement tous ses serviteurs les
-plus dévoués. Il y eut alors dans la petite cour de MADEMOISELLE des
-démêlés et des intrigues dont elle nous a, dans ses Mémoires, donné
-les détails avec une fatigante prolixité. Comme Gaston négociait avec
-le ministre, et cherchait à rentrer en grâce, mademoiselle de
-Montpensier, qui, au contraire, se montrait hostile, craignit qu'on ne
-fît à son égard un coup d'autorité. Elle se soumit donc en partie à ce
-qu'on exigeait d'elle, mais non sans beaucoup de dépit et de douleur
-et sans répandre bien des larmes. Elle s'était, au mois de février,
-approchée de Paris, et elle était venue jusqu'à Lesigny, pour voir une
-maison qu'elle avait intention d'acheter[55]. Pendant les trois ou
-quatre jours qu'elle résida dans ce lieu, elle éprouva ce que pouvait
-la disgrâce du souverain, même à l'égard d'une princesse généralement
-aimée et qu'on aurait désiré voir revenir dans la capitale. «Il vint
-du monde de Paris me voir, dit-elle: j'eus néanmoins plus de
-compliments que de visites; j'avais fait tout le monde malade. Tous
-ceux qui n'osaient me mander qu'ils craignaient se brouiller avec la
-cour feignirent d'être malades ou qu'il leur était arrivé quelque
-accident.»
-
-Madame de Sévigné ne fut point au nombre de ces lâches moribonds; nous
-en avons une preuve non douteuse, car nous savons qu'au mois de
-juillet de cette même année elle quitta Paris pour se rendre à
-Saint-Fargeau, et tout exprès pour faire sa cour à l'illustre exilée.
-C'est MADEMOISELLE qui nous apprend elle-même ce fait dans ses
-Mémoires; et son récit nous fait entrevoir que ce petit voyage, fait
-en compagnie avec madame de Monglat et madame de Lavardin, ne fut pas
-sans agrément pour notre jeune veuve.
-
-«J'étais, dit MADEMOISELLE, dans mon château de Saint-Fargeau, où,
-après avoir donné ordre à mes affaires[56] (ce que je faisais deux
-fois la semaine), je ne songeais qu'à me divertir. Madame la comtesse
-de Maure et Mademoiselle de Vandy me vinrent voir, comme elles
-revenaient de Bourbon; ce me fut une visite très-agréable. Elles
-étaient des personnes d'esprit et de mérite, et que j'estime fort.
-Mesdames de Monglat, Lavardin et de Sévigné y vinrent exprès de Paris:
-la première y était déjà venue deux fois; madame de Sully y vint
-pendant qu'elles y étaient, et M. et madame de Béthune, qui s'en
-allaient aux eaux de Pougues: tout cela faisait une cour fort
-agréable. M. de Matha y était aussi; il commençait à être amoureux de
-madame de Frontenac. Le mari de cette dernière, Saujon et d'autres,
-s'y trouvèrent. Nous allions nous promener dans les plus jolies
-maisons des environs de Saint-Fargeau, où l'on me donnait de fort
-belles collations; j'en donnais aussi dans de beaux endroits des bois,
-avec mes violons: on tâchait de se divertir[57].»
-
- [34] MONGLAT, _Mém._, t. L, p. 459.--RAMSAY, _Hist. de Turenne_,
- t. II, liv. IV, p. 17 à 69, édit. in-12.
-
- [35] RETZ, _Mém._, t. XLVII, p. 382, 391, 535.
-
- [36] LORET, _Muse historique_, t. II, liv. VI, p. 17, _lettre_ en
- date du 30 janvier 1655.--Ibid., p. 6 et 12.--MOTTEVILLE, t.
- XXXIX, p. 369.
-
- [37] LORET, liv. VI, p. 79, 106; liv. VII, p. 6, 7 et 19.
-
- [38] LORET, liv. VI, p. 141, 190 et 199, _lettre_ en date du 24
- déc. 1655.
-
- [39] LORET, liv. VII, p. 22, _lettre_ 6, en date du 5 février.
-
- [40] LORET, liv. VI, p. 82.
-
- [41] LORET, liv. VI, p. 193, _lettre_ en date du 18 décembre
- 1655, et liv. VII, p. 13, _lettre_ en date du 12 janvier 1656. Ce
- Brienne est celui dont M. Barrière a publié les Mémoires.
-
- [42] LORET, liv. V, p. 77; liv. VII, p. 32 et 33, et p. 37, en
- date du 4 mars 1656.
-
- [43] BENSERADE, _OEuvres_, t. II, p. 117.--LORET, liv. VII, p.
- 20, en date du 19 février 1656.
-
- [44] LORET, liv. VI, p. 12, 67, 69, 107, 141, 143,
- 193.--MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. 369.--LORET, liv. VII, p.
- 2, 3, 5, 14, 15, 19, 43 (_lettre_ du 25 janvier); liv. VIII, p.
- 43.--BENSERADE, _OEuvres_, t. II, p. 172.
-
- [45] LORET, liv. VI, p. 141, 142, 143; liv. VII, p. 23 et 25.
-
- [46] LORET, _Muse hist._, liv. VI, p. 17, _lettre_ en date du 30
- janvier 1655, et ibid., p. 6 et 12.--MOTTEVILLE, _Mém._, t.
- XXXIX, p. 307, 369.
-
- [47] LORET, t. II, liv. IV, p. 118 et 127 (7 et 21 août 1655).
-
- [48] Frères PARFAICT, _Histoire du Théâtre François_, t. VIII, p.
- 129 à 140.--QUINAULT, _OEuvres_, 1715, in-12, t. Ier, p. 260 à
- 358.
-
- [49] LORET, t. II, liv. VI, p. 127, _lettre_ 31, en date du 25
- août 1655.
-
- [50] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 58, 60.--SAUVAL,
- _Galanteries des Rois de France_, 1738, t. II, p. 10.
-
- [51] _Mémoires de_ GUISE.--PASTORET fils, _Révolution de Naples_.
-
- [52] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. 372.
-
- [53] LORET, liv, VI, p. 78, 79, 81.--BENSERADE, _OEuvres_, t. II,
- p. 113.
-
- [54] _Registres des états de Bretagne_, mss. Bibl. du roi; Bl.
- Mant., no 75, p. 324 à 329.
-
- [55] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLI, p. 487.
-
- [56] Sur les constructions et les embellissements que
- MADEMOISELLE fit alors exécuter à son château de Saint-Fargeau,
- consultez M. le baron CHAILLOU DES BARRES, _Châteaux
- d'Ancy-le-Franc, de Saint-Fargeau_ et _de Tanlay_, 1845, in-4º,
- p. 71.
-
- [57] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLI, p. 473 et 474.
-
-
-
-
-CHAPITRE III.
-
-1655.
-
- Bussy continue ses assiduités auprès de madame de Sévigné.--Ses
- intrigues avec madame de Monglat.--Il se laisse aller aux
- séductions de la marquise de Gouville.--Positions des grands
- personnages pendant les troubles de la Fronde.--Le besoin que les
- princes avaient de leurs serviteurs et des nobles dans leur
- dépendance rapprochait les rangs.--Comment cet état de choses
- produisait le déréglement des mœurs.--Des filles d'honneur
- d'Anne d'Autriche.--La marquise de Gouville attachée à la
- princesse de Condé.--Détails sur cette princesse.--Lenet devient
- son conseiller.--Peinture qu'il fait de la cour de cette
- princesse à Chantilly.--Détails sur la marquise de
- Gouville.--Bussy lui plaît.--Le rendez-vous qu'il en reçoit
- l'empêche de faire ses adieux à madame de Sévigné avant de partir
- pour l'armée.
-
-
-Pendant cette année Bussy sut mettre à profit pour ses amours tout le
-temps de son séjour à Paris, qui se prolongea jusqu'au moment de son
-départ pour l'armée. Sa cousine madame de Sévigné était encore, de
-toutes les femmes qu'il courtisait, celle dont l'esprit le charmait le
-plus, celle dont la conquête lui eût été le plus agréable; peut-être
-parce qu'elle était celle qui offrait le plus de difficultés.
-Cependant cette amitié et cette confiance qu'il en obtenait, les
-préférences dont elle le rendait l'objet, répandaient tant d'agrément
-sur sa vie, qu'il se montrait auprès d'elle aussi empressé et aussi
-assidu que le lui permettaient les liaisons, d'une autre nature, qu'il
-avait formées. Assuré de madame de Monglat comme d'un bien qui
-désormais lui appartenait, et qu'il croyait ne pouvoir jamais lui
-échapper, il se laissa entraîner aux séductions de la marquise de
-Gouville.
-
-Plusieurs causes contribuèrent, durant les troubles de la Fronde, au
-déréglement des mœurs. Les princes et les princesses qui étaient à la
-tête des partis, jeunes eux-mêmes, étaient entourés d'une jeunesse
-active et dévouée. La prudence de l'âge mûr ou la froideur de la
-vieillesse eussent été peu propres à ces intrigues aventureuses, à ces
-agitations continuelles, à ces périls toujours renaissants, à ces
-rapides vicissitudes d'opinions et de partis. Ces grands personnages,
-souvent réduits par des revers subits à de cruelles extrémités,
-recevaient de la part de la jeune noblesse qui les entourait, et qui
-était à leurs gages, des preuves de fidélité et de dévouement d'une
-nature telle, qu'aucune richesse ne pouvait les payer, qu'aucun
-honneur ne pouvait les récompenser. Alors il était naturel qu'il
-s'établit une sorte d'égalité entre le supérieur et l'inférieur, entre
-le chef et le subordonné, tous deux liés à la même cause, tous deux
-risquant également pour elle leur fortune et leur vie. Cet état de
-choses était peu favorable à une sévère morale; et les princes, dans
-l'âge où l'on se laisse facilement emporter à la fougue des passions,
-non-seulement ne s'inquiétaient pas des déréglements qui avaient lieu
-autour d'eux, mais ils en donnaient eux-mêmes l'exemple. Quant aux
-princesses, lors même qu'elles eussent toutes été à l'abri du reproche
-à cet égard (et il était loin d'en être ainsi), elles ne pouvaient ni
-surveiller, ni scruter rigoureusement la conduite de jeunes femmes
-souvent forcées, pour les servir, d'entreprendre seules des voyages
-périlleux, d'user de continuels subterfuges et de travestissements.
-Lorsque leur inconduite leur était dévoilée, elles étaient d'autant
-moins tentées de s'en courroucer et d'y mettre un terme, que c'était
-à ces liaisons coupables qu'elles devaient souvent les succès des
-intrigues qu'elles ourdissaient pour le triomphe de leur cause. Ceci
-explique cette multitude d'aventures galantes qui donnèrent un
-caractère si particulier aux troubles de la Fronde, où les tempêtes
-populaires et les combats sanglants se rattachaient sans cesse aux
-agitations des ruelles et aux rivalités d'amour. La cour même d'Anne
-d'Autriche ne fut pas exempte de la contagion générale. Des six filles
-d'honneur de cette reine, Ségur, la seule qui n'eût point d'attraits,
-fut la seule qui n'eut point d'amant[58].
-
-Durant ce temps de désordres, la marquise de Gouville avait résidé
-près d'une princesse plus âgée qu'Anne d'Autriche, mais dont la cour,
-soit parce qu'elle était réunie à celle de sa belle-fille, soit par
-l'effet de son choix, était uniquement composée de femmes jeunes,
-jolies, spirituelles, et propres à seconder les entreprises les plus
-hasardeuses. C'était cette princesse qui faillit allumer une guerre
-générale en Europe, quand Henri IV vieillissant s'éprit pour elle
-d'une folle passion; c'était cette princesse qui dans un âge plus
-avancé, encore vaniteuse et coquette, se vantait d'avoir eu pour
-amants des papes, des rois, des cardinaux, des princes, des ducs, et
-de simples gentils-hommes; c'était, enfin, cette Montmorency autrefois
-si belle, la princesse de Condé douairière, la mère du grand
-Condé[59].
-
-Lenet, du parlement de Dijon, qui était son conseiller intime, nous a
-donné une peinture intéressante et animée de la position critique où
-elle se trouva à Chantilly, lorsque Condé, en 1650, et dans le plus
-fort de la guerre civile, en lui laissant sa femme et son fils, se fut
-réfugié dans son gouvernement et eut levé l'étendard de la révolte. La
-princesse douairière avait besoin de correspondre continuellement avec
-ce prince, afin d'échapper à la surveillance de Mazarin, qui cherchait
-à s'emparer de sa belle-fille et de son petit-fils. Toutes les jeunes
-femmes qui composaient sa cour étalent continuellement agitées par des
-alternatives de crainte et d'espérance, selon les nouvelles que l'on
-recevait de Paris ou de Guienne; et, au milieu de toutes ces anxiétés
-et de ces peines, leurs inclinations pour le plaisir s'augmentaient
-encore par les chances de malheur auxquelles elles étaient exposées et
-par l'incertitude de leur sort dans l'avenir.
-
-On était alors à la fin du mois d'avril, et jamais on ne vit dans un
-séjour plus enchanteur, sous un ciel plus pur et par une plus douce
-température, un plus grand nombre de beautés occupées d'autant
-d'intrigues. Le matin, dispersées dans les jardins, sur la terrasse,
-sur les balcons du château, elles se promenaient solitaires, ou se
-réunissaient en groupes. Les unes, folâtres, chantaient ou récitaient
-entre elles des madrigaux, des sonnets, ou improvisaient des charades,
-des bouts-rimés, des énigmes; d'autres, plus sérieuses, se parlaient
-bas, s'écartaient, s'enfonçaient mystérieusement, et à pas lents, dans
-des allées du parc, ou dans des bosquets reculés; plusieurs, couchées
-sur la pelouse, assises sur les bords de l'étang, occupées de la
-lecture d'un roman ou d'une lettre, n'apercevaient rien de ce qui se
-passait autour d'elles.
-
-Dans la soirée on se réunissait dans la chapelle, où la prière se
-faisait en commun; toutes les dames passaient ensuite dans
-l'appartement de la princesse, et les hommes les y suivaient. Là on
-tenait conseil; on lisait les lettres que l'on avait reçues de la
-duchesse de Longueville, les écrits plaisants ou sérieux que l'on
-faisait circuler en faveur des princes; on se divertissait des
-satires, des chansons et des bouffonneries qui pullulaient contre le
-cardinal Mazarin; puis l'on jouait à divers jeux, et le salon
-retentissait des bonds, des claquements de mains, des ris bruyants de
-la troupe enjouée. Tout à coup un grand silence succédait, on se
-rassemblait près de la princesse douairière, on se pressait autour du
-grand fauteuil de cette matrone de la galanterie. On était tout
-attention, tout oreille, quand elle consentait à raconter, avec une
-grâce qui lui était particulière, les faits de sa vie passée; les
-intrigues amoureuses de la cour de Henri IV; ses premières entrevues
-avec ce glorieux monarque; comment elle le reconnut un jour dans la
-cour du château qu'elle habitait, au milieu de l'escorte d'un
-capitaine de sa vénerie, revêtu de la livrée d'un piqueur, avec un
-large emplâtre sur la figure, et conduisant deux lévriers en laisse.
-Tous ces récits étaient trop du goût d'un tel auditoire pour qu'ils ne
-fussent pas préférés à toute autre occupation, à toute autre
-distraction[60].
-
-«C'était, dit Lenet, un plaisir très-grand de voir toutes les jeunes
-dames qui composaient cette cour-là, tristes ou gaies, suivant les
-visites rares ou fréquentes qui leur venaient, et suivant la nature
-des lettres qu'elles recevaient; et comme on savait à peu près les
-affaires des unes et des autres, il était aisé d'entrer assez avant
-pour s'en divertir. Il y en avait qui étaient servies d'un même
-galant; d'autres qui croyaient l'être de plusieurs, et qui ne
-l'étaient de personne, et d'autres qui l'auraient voulu être d'un
-autre que de celui qui les galantisait; d'autres encore qui eussent
-souhaité d'être les seules qui eussent été servies de tous; et en
-vérité elles méritaient toutes de l'être[61].»
-
-La marquise de Gouville était, de toutes les jeunes femmes qui
-composaient la cour de Chantilly, celle qui, par ses charmes et la
-vivacité de son esprit, s'attirait le plus d'adorateurs. Son mari
-était à l'armée du prince de Condé[62], et elle se trouvait sous la
-surveillance de sa mère, la comtesse de Tourville; surveillance
-légère, qui servit plutôt à voiler qu'à empêcher les poursuites des
-comtes de Cessac, de Meille, de Lorges et de Guitaut, qui étaient
-devenus amoureux d'elle: ce dernier l'emporta sur ses rivaux[63].
-
-A Paris, en 1655, la marquise de Gouville fut une des beautés qui
-contribuèrent le plus à l'agrément des fêtes nombreuses qui eurent
-lieu. Elle-même en donna plusieurs, et réunit la société la plus
-brillante. On jouait chez elle des ballets, et le bal succédait à la
-comédie[64]. Au milieu de ce grand monde de la capitale, dont elle
-faisait partie, et dont elle attirait les regards à tant de titres, le
-nombre de ses adorateurs devint bien plus considérable que lorsqu'au
-commencement de son mariage elle se trouvait sous la tutelle
-maternelle, et attachée à la petite cour de la princesse de Condé. Le
-maréchal Duplessis[65], du Lude, le beau Candale, le présomptueux
-Barlet, étaient alors ceux qui se disputaient ses faveurs[66]. Elle
-vit Bussy, et il lui plut. Bussy, malgré ses engagements avec madame
-de Monglat, ne put se refuser à une aussi agréable conquête; mais elle
-fut cause qu'il se conduisit envers madame de Sévigné d'une manière à
-se donner les apparences de l'oubli et de l'indifférence. Madame de
-Sévigné était à Livry lorsque Bussy se disposait à partir pour
-l'armée[67]. Bussy avait promis à sa cousine d'aller la voir dans sa
-retraite champêtre; mais fort occupé, dans les derniers moments, de
-son double amour et de ses équipages de guerre, il différa cette
-visite jusqu'à la veille de son départ. Comme il se disposait à se
-rendre à Livry, il reçut un billet d'une de ses maîtresses, qui
-l'invitait à venir la trouver. Madame de Sévigné, qui attendait Bussy,
-ne le voyant point arriver, envoya fort tard lui demander s'il ne
-viendrait pas lui dire adieu. Le messager de madame de Sévigné revint
-avec la lettre qu'elle lui avait remise, et lui annonça qu'il n'avait
-point trouvé M. de Bussy au Temple, ni pu savoir où il était. Le
-lendemain matin, Bussy, après avoir passé hors de chez lui la nuit
-entière, ne trouva plus un seul moment à sa disposition, et il partit
-sans avoir vu sa cousine, et sans savoir qu'elle lui avait écrit[68].
-
- [58] SAUVAL, _Galanteries des Rois de France_, édit. 1738, t. II,
- p. 59.
-
- [59] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XLI, p. 95.
-
- [60] LENET, t. LIII, p. 139, 140, 142, 143.
-
- [61] LENET, _Mém._, t. LIII, p. 112, 143, 155.
-
- [62] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLI, p. 190.
-
- [63] LENET, _Mém._, t. LIII, p. 112, 113, 154, 155, 239, 266 et
- 513; t. LIV, p. 213.--COLIGNY-SALIGNY, _Mém._, 1841, in-8º, p. 24
- à 31.
-
- [64] LORET, liv. VI, p. 106, du 17 juillet 1655.
-
- [65] SEGRAIS, _Mém._, t. II, p. 127.
-
- [66] CONRART, _Mém._, t. XLVIII, p. 200.
-
- [67] SÉVIGNÉ, _lettres_ (26 juin et 3 juillet 1655), t. I, p. 30
- et 32, édit. M.; t. I, p. 38 et 40, édit. G. C'est bien de la
- marquise de Gouville qu'il est question en cet endroit.
-
- [68] BUSSY, _Mém._, édit. 1721, t. II, p. 14, et t. II, p. 17 de
- l'édit. in-4º.
-
-
-
-
-CHAPITRE IV.
-
-1655.
-
- Bussy, pour s'excuser, écrit à sa cousine qu'il avait passé la
- nuit chez le baigneur.--Explication sur ce mot.--Ce qu'étaient
- les hôtels garnis et les bains publics sous le siècle de Louis
- XIV.--Madame de Sévigné devine Bussy, ou est instruite de ses
- actions.--Lettre qu'elle lui écrit.--Bussy lui avoue tout.--Il
- lui demande réciprocité de confiance.--L'interroge sur l'amour
- qu'a pour elle le surintendant.--Réponse de madame de
- Sévigné.--Correspondance qui s'établit entre eux.--Nouvelle
- lettre de madame de Sévigné à Bussy.--Cette correspondance
- augmente l'inclination qu'ils avaient l'un pour l'autre.--Bussy
- se plaint de n'être pas assez aimé de sa cousine.--Comment madame
- de Sévigné se défend, et se justifie de désirer que Bussy reste à
- l'armée.--Bussy envoie un messager à Paris, avec des lettres pour
- ses deux maîtresses, sans écrire à madame de Sévigné.--Reproche
- que fait à Bussy madame de Sévigné.
-
-
-Lorsque Bussy fut arrivé devant Landrecies, dont l'armée royale avait
-formé le siége, il n'eut rien de plus pressé que d'écrire à sa cousine
-pour s'excuser d'avoir manqué à lui faire ses adieux; et pour ne pas
-révéler le secret de ses amours, il lui dit que dans la nuit qui avait
-précédé son départ il avait été coucher chez le baigneur. Pour bien
-comprendre la réponse que lui fit madame de Sévigné, et avoir une idée
-exacte des mœurs et des habitudes de cette époque, il faut expliquer
-à nos lecteurs ce qu'on entendait par _le baigneur_, lors de la
-jeunesse de Louis XIV.
-
-Il y avait alors à Paris, en plus grand nombre qu'aujourd'hui, des
-bains chauds nommés étuves pour la bourgeoisie, et même pour les gens
-de bas étage[69]. On comptait aussi dans cette ville une quantité
-d'auberges et d'hôtelleries pour toutes les conditions, puis quelques
-hôtels garnis magnifiquement meublés[70], mais en très-petit nombre.
-Ces hôtels étaient principalement à l'usage de ceux de la haute
-noblesse qui ne faisaient pas partie de la cour, et qui n'avaient à
-Paris ni maison ni hôtel à eux. Pour ceux de cette classe qui en
-possédaient, pour les grands seigneurs et les gens de cour qui
-résidaient dans la capitale, il existait encore une ou deux maisons,
-un ou deux établissements d'un genre particulier, qu'il est difficile
-de définir, parce qu'il n'y en a plus de semblable: c'était bien un
-hôtel garni, où l'on se trouvait pourvu avec luxe de tous les besoins
-et de toutes les commodités de la vie, mais où l'on pouvait s'en
-procurer encore d'autres, qui n'existaient pas dans les meilleurs et
-les plus somptueux hôtels garnis.
-
-Ces maisons étaient ordinairement tenues par des hommes experts dans
-tout ce qui concernait la toilette, et renommés par leur habileté à
-coiffer les hommes et les femmes. Les barbiers et les baigneurs ne
-formaient alors qu'une seule et même profession; ils étaient
-constitués en corporation, sous le titre de barbiers-étuvistes; mais
-le maître de l'établissement dont nous parlons, et qu'on nommait _le
-baigneur_ par excellence, n'était point soumis aux règlements de cette
-corporation. Il exerçait son état par un privilége spécial émané du
-roi lui-même, ou d'un des officiers de sa maison.
-
-On se rendait chez le baigneur par différents motifs. D'abord par
-raison de santé et de propreté: c'était là que l'on prenait les
-meilleurs bains, les bains épilatoires, les bains mêlés de parfums et
-de cosmétiques, par lesquels on donnait plus de vigueur au corps, plus
-de douceur à la peau, plus de souplesse aux membres. Cette maison
-était pourvue d'un grand nombre de domestiques soumis, réservés,
-discrets, adroits. On s'y enfermait la veille d'un départ, ou le jour
-même d'un retour, afin de se préparer aux fatigues qu'on allait
-éprouver, ou pour se remettre de celles qu'on avait essuyées.
-Voulait-on disparaître un instant du monde, fuir les importuns et les
-ennuyeux, échapper à l'œil curieux de ses gens, on allait chez le
-baigneur: on s'y trouvait chez soi, on était servi, choyé; on s'y
-procurait toutes les jouissances qui caractérisent le luxe ou la
-dépravation d'une grande ville. Le maître de l'établissement et tous
-ceux qui étaient sous ses ordres devinaient à vos gestes, à vos
-regards, si vous vouliez garder l'incognito; et tous ceux qui vous
-servaient, et dont vous étiez le mieux connu, paraissaient ignorer
-jusqu'à votre nom. Votre entrée et votre séjour dans cette maison
-étaient pour eux comme un secret d'État, qu'ils ne révélaient jamais.
-Aussi c'était chez le baigneur que les femmes qui ne pouvaient
-autrement échapper aux yeux qui les surveillaient se rendaient
-déguisées, le visage masqué, seules, ou conduites par leurs amants.
-Enfin de jeunes seigneurs, amis des plaisirs sans contrainte, ou d'une
-vie peu réglée, faisaient la partie de se rendre ensemble chez le
-baigneur, et y séjournaient quelquefois plusieurs jours, afin de se
-livrer plus facilement et plus secrètement à leur goût pour le jeu, le
-vin et la débauche. Pourtant cette maison était tellement grande et si
-bien distribuée en corps de logis séparés, que les personnes sages,
-tranquilles ou infirmes, que des motifs de santé ou les aisances qu'on
-y trouvait y avaient conduites, n'étaient nullement troublées par ces
-hôtes bruyants et dissolus: elles ne pouvaient même soupçonner leur
-présence dans un lien où régnaient toujours pour elles l'ordre, la
-décence et un calme profond.
-
-La faculté de tenir un établissement de ce genre était une sorte de
-privilége exclusif, qui ne pouvait s'exercer qu'au moyen d'un haut
-patronage. C'était donc pour ceux qui y étaient propres, et qui n'y
-répugnaient pas, un moyen assuré de faire fortune. Ils étaient
-nécessairement les intermédiaires de beaucoup d'intrigues, les
-confidents de plusieurs grands personnages, les dépositaires
-d'importants secrets. Aussi les écrits du temps, qui se taisent sur
-plusieurs faits historiques, nous ont fait connaître le nom du plus
-fameux baigneur de cette époque: ce fut Prudhomme[71], auquel succéda
-plus tard La Vienne, chez lequel le roi lui-même, dans le temps de ses
-premières amours, allait se baigner et se parfumer. La Vienne devint
-par la suite son premier valet de chambre[72].
-
-Nos lecteurs, qui savent actuellement ce que c'était que _le
-baigneur_, comprendront mieux la réponse que fit à Bussy madame de
-Sévigné. Elle ne fut pas dupe de la feinte de son cousin, ou elle fut
-instruite de quelle manière il avait passé la nuit la veille de son
-départ. La lettre de Bussy lui était parvenue à Livry, et c'est de ce
-lieu que sa réponse est datée, le 26 juin:
-
-«Je me doutais bien que tôt ou tard vous me diriez adieu, et que si ce
-n'était chez moi, ce serait du camp devant Landrecies. Comme je ne
-suis pas une femme de cérémonie, je me contente de celui-ci, et je
-n'ai pas songé à me fâcher que vous eussiez manqué à l'autre. Je
-m'étais déjà dit vos raisons, avant que vous me les eussiez écrites;
-et je suis trop raisonnable pour trouver étrange que la veille d'un
-départ on couche chez le baigneur. Je suis d'une grande commodité pour
-la liberté publique; et pourvu que les bains ne soient pas chez moi,
-je suis contente: mon zèle ne me porte pas à trouver mauvais qu'il y
-en ait dans la ville[73].»
-
-Bussy s'aperçut que madame de Sévigné avait tout appris ou tout
-deviné, et il chercha à se faire tout pardonner, en l'amusant par le
-récit de son entrevue et de ses adieux. Il le fait avec beaucoup
-d'esprit et de gaieté, et parvient à tout dire, en conservant les
-convenances et une grande décence d'expression. Mais il voudrait ne
-pas faire à sa cousine, avec abandon, confidence de tout ce qui le
-concerne, sans obtenir d'elle la même réciprocité.
-
-«Mandez-moi, lui dit-il, je vous prie, des nouvelles de l'amour du
-surintendant; vous n'obligerez pas un ingrat. Je vais vous dire, à la
-pareille, des nouvelles du mien pour ma Chimène: il me semble que je
-vous fais un honnête parti, quand je vous offre de vous dire un
-secret pour des bagatelles.»
-
-En terminant, Bussy insiste encore pour que sa cousine lui mande
-l'histoire de l'amour du surintendant, quelle qu'elle soit. Elle lui
-répond sur cet article dans une lettre datée de Paris le 19 juillet,
-écrite au retour du voyage qu'elle avait fait à Saint-Fargeau, et dont
-elle fait mention dans cette lettre. Ce qu'elle dit nous prouve
-combien Fouquet mettait d'insistance dans le désir qu'il avait de la
-séduire, et nous éclaire sur la conduite qu'elle tenait à son égard,
-et sur son plan de défense.
-
-«Quoiqu'il n'y ait rien de plus galant que ce que vous me dites sur
-toute votre affaire, je ne me sens point tentée de vous faire une
-pareille confidence sur ce qui se passe entre le surintendant et moi;
-et je serais au désespoir de pouvoir vous mander quelque chose
-d'approchant. J'ai toujours avec lui les mêmes précautions et les
-mêmes craintes; de sorte que cela retarde notablement les progrès
-qu'il voudrait faire. Je crois qu'il se lassera enfin de vouloir
-recommencer toujours la même chose. Je ne l'ai vu que deux fois depuis
-six semaines, à cause d'un voyage que j'ai fait. Voilà ce que je puis
-vous en dire et ce qui en est. Usez aussi bien de mon secret que
-j'userai du vôtre; vous avez autant d'intérêt que moi de le
-cacher[74].»
-
-Dans la correspondance qui s'établit pendant cette campagne entre
-madame de Sévigné et Bussy, dont ce dernier a enrichi ses Mémoires, on
-les voit tous deux mutuellement charmés de leur esprit, et fiers de
-s'appartenir. Madame de Sévigné éprouve une joie sensible lorsqu'elle
-reçoit la nouvelle que son cousin s'est distingué à Landrecies[75],
-qu'il a reçu les éloges de Turenne; que Mazarin, le roi et toute la
-cour ont dit du bien de lui. Et Bussy, de son côté, tout amoureux
-qu'il est de sa cousine, et fort disposé à s'en montrer jaloux,
-apprend cependant toujours avec plaisir l'effet produit par ses
-charmes sur quelques personnages importants.
-
-«Il y a deux ou trois jours qu'en causant, lui dit-il, avec M. de
-Turenne, je vins à vous nommer. Il me demanda si je vous voyais: je
-lui dis que oui, et qu'étant cousins germains et de même maison, je ne
-voyais pas une femme plus souvent que vous. Il me dit qu'il vous
-connaissait, et qu'il avait été vingt fois chez vous sans vous
-rencontrer; qu'il vous estimait fort, et qu'une marque de cela était
-l'envie qu'il avait de vous voir, lui qui ne voyait aucune femme. Je
-lui dis que vous m'aviez parlé de lui, que vous aviez su l'honneur
-qu'il vous avait fait, et que vous m'aviez témoigné lui en être
-obligée. A propos de cela, madame, il faut que je vous dise que je ne
-pense pas qu'il y ait au monde une personne si généralement estimée
-que vous. Vous êtes les délices du genre humain; l'antiquité vous
-aurait dressé des autels, et vous auriez assurément été déesse de
-quelque chose. Dans notre siècle, où l'on n'est pas si prodigue
-d'encens, et surtout pour le mérite vivant, on se contente de dire
-qu'il n'y a point de femme à votre âge plus vertueuse ni plus aimable
-que vous. Je connais des princes du sang, des princes étrangers, des
-grands seigneurs façon de princes, des grands capitaines, des
-gentils-hommes, des ministres d'État, des magistrats et des
-philosophes, qui fileraient pour vous si vous les laissiez faire. En
-pouvez-vous demander davantage? A moins que d'en vouloir à la liberté
-des cloîtres, vous ne sauriez aller plus loin[76].»
-
-On ne peut donner à une femme des éloges plus satisfaisants pour son
-orgueil; et ce qui devait les rendre plus acceptables, c'est qu'ils
-étaient l'expression de la vérité, et non celle d'une fade adulation
-ou d'un sot enthousiasme. Madame de Sévigné ne montre pas pour son
-cousin la même admiration qu'il témoigne pour elle; cependant elle
-loue son esprit avec une sincère effusion. «Je ne crois pas, lui
-écrit-elle, avoir jamais rien lu de plus agréable que la description
-que vous me faites de l'adieu de votre maîtresse. Ce que vous dites,
-que l'Amour est un vrai _recommenceur_, est tellement joli et
-tellement vrai, que je suis étonnée que, l'ayant pensé mille fois, je
-n'aie pas eu l'esprit de le dire[77].»
-
-Bussy se plaint que sa cousine montre trop peu de tendresse pour lui,
-en paraissant si préoccupée de sa gloire et de son avancement. «Quand
-on aime bien les gens qui vont à l'armée, dit-il avec justesse, on a
-plus de crainte pour les dangers de leur personne que de joie dans
-l'espérance de l'honneur qu'ils vont acquérir[78].» Cependant, comme
-en même temps Bussy devine qu'il y a plus de dépit dans ce que sa
-cousine a écrit sur ce sujet, que d'absence de sentiment, et qu'il a
-la fatuité de le lui dire, elle lui répond de manière à tâcher de le
-convaincre que c'est bien véritablement qu'elle mérite le reproche
-qu'il lui adresse, et qu'elle ne désire pas qu'il en soit autrement.
-Ayant appris qu'il sollicitait la permission de rester à l'armée
-pendant tout l'hiver, elle lui dit: «Comme vous savez, mon pauvre
-Comte, que je vous aime un peu rustaudement, je voudrais qu'on vous
-l'accordât; car on dit qu'il n'y a rien qui avance tant les gens, et
-vous ne doutez pas de la passion que j'ai pour votre fortune[79].»
-
-Cependant la lettre dont Bussy se plaignait montrait bien évidemment
-que sa cousine conservait de la rancune pour la manière dont il avait
-agi à l'époque de son départ pour l'armée. Elle était piquée d'avoir
-été sacrifiée alors au désir de passer quelques heures de plus avec
-une maîtresse. Bussy avait raison d'avoir cette pensée; mais il avait
-tort de la manifester.
-
-«Je serais, lui avait-elle dit, une indigne cousine d'un si brave
-cousin si j'étais fâchée de vous voir cette campagne à la tête du plus
-beau corps qui soit en France, et dans un poste aussi glorieux que
-celui que vous tenez. Je crois que vous désavoueriez des sentiments
-moins nobles que ceux-là. Je laisse aux _baigneurs_ d'en avoir de plus
-tendres et de plus faibles. Chacun aime à sa mode: pour moi, je fais
-profession d'être brave aussi bien que vous. Voilà les sentiments dont
-je veux faire parade[80].»
-
-Dans une autre occasion, l'empressement qu'elle met à écrire à son
-cousin, lorsqu'il la néglige, nous prouve avec quel soin elle
-cherchait à écarter d'elle tout soupçon de dépit ou de sentiment
-jaloux, quoiqu'elle ne puisse s'empêcher d'en laisser toujours percer
-quelque chose. Bussy avait envoyé à Paris un messager avec des lettres
-pour ses deux maîtresses, et il ne lui avait rien remis pour madame de
-Sévigné. Celle-ci profita cependant de ce même messager pour écrire à
-son cousin, afin de le féliciter sur les succès qu'il avait obtenus à
-la guerre, et dont la renommée l'avait instruite. Dans une autre
-lettre, où elle avait besoin de rappeler toutes celles qu'elle lui
-avait adressées depuis quelque temps, elle dit: «Je vous ai encore
-écrit par un laquais que vous avez envoyé ici, lequel était chargé de
-plusieurs lettres pour de belles dames. Je ne me suis pas amusée à
-vous chicaner de ce qu'il n'y en avait pas pour moi, et je vous fis
-une petite lettre en galoppant[81].»
-
-Voici en quels termes elle avait écrit à Bussy sur ce point délicat,
-dans cette petite lettre faite en _galoppant_:
-
-«Je me trouvai hier chez madame de Monglat, qui avait reçu une de vos
-lettres, et madame de Gouville aussi: je croyais en avoir une chez
-moi, mais je me suis trompée dans mon attente, et je jugeai que vous
-n'aviez pas voulu confondre tant de rares merveilles. J'en suis bien
-aise, et je prétends avoir un de ces jours _une voiture_ à part.»
-
-L'allusion qu'elle fait ici à la haute renommée de Voiture comme
-épistolographe, et à la double signification de son nom, qui ne
-serait dans toute autre occasion qu'un simple calembour, devient dans
-cette circonstance un éloge flatteur, et un reproche aimable, empreint
-du sentiment d'une noble et juste fierté.
-
- [69] SAUVAL, _Antiquités de Paris_, t. II, p. 650.
-
- [70] _Livre commode, contenant les adresses de la ville de
- Paris_, 1692, in-8º, p. 54 à 89.
-
- [71] CHAVAGNAC, _Mém._, 1699, in-12, t. I, p. 207.--CHOISY,
- _Mém._, t. LXIII, p. 304 (Prud'homme fournissait de l'argent au
- duc de la Feuillade).
-
- [72] _France galante, ou Hist. am. de la Cour_, 1695, in-12, p.
- 134; _Hist. am. des Gaules_, 1754, t. II, p. 326, 331.--SÉVIGNÉ,
- _Lettres_ (4 avril 1671), t. II, p. 3, édit. de
- Monmerqué.--SAINT-SIMON, _OEuvres complètes_, 1791, in-8º, t.
- Ier, p. 75.--Ibid., _Mém. authentiques_, t. II, p. 81, 82. Voyez
- ci-après, p. 54.
-
- [73] _Supplément aux Mém. et Lettres de M. le comte de Bussy_, t.
- I, p. 49.--BUSSY, _Mém._, 1721, in-12, t. II, p. 14; t. II, p. 17
- de l'édit. in-4º.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (3 juillet 1655), t. I, p.
- 30 et 32, édit. Monmerqué; ou t. I, p. 38 et 40 de l'édit. de G.
- de S.-G.
-
- [74] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 36, édit. de M.; ou p. 46,
- édit. de G.; _Supplément aux Mém. de_ BUSSY, t. I, p. 51; _Mém._,
- t. II, p. 27, édit. in-12, et p. 35 de l'édit. in-4º.
-
- [75] MONGLAT, _Mémoires_, t. L, p. 461; _Histoire de la Monarchie
- françoise sous le règne de Louis le Grand_, 4e édition, 1697,
- in-12, p. 72.
-
- [76] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 47, in-12, et p. 56 de
- l'in-4º.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (7 octobre 1655), t. I, p. 42, édit.
- M.; t. I, p. 52, édit. G.
-
- [77] SÉVIGNÉ, _lettre_ en date du 19 juillet 1655, t. I, p. 130,
- et t. I, p. 45, édit. de G. de S.-G.
-
- [78] _Lettre de Bussy_, en date du 13 août 1655.--Dans SÉVIGNÉ,
- _Lettres_, t. I, p. 40, édit. M.; p. 49.--BUSSY, _Mém._, t. II,
- p. 32, in-12, et dans l'édit. in-4º, t. II, p. 38.
-
- [79] SÉVIGNY, _Lettres_ (25 novembre 1655), t. I, p. 56, édit.
- G., p. 45, édit. M.
-
- [80] SÉVIGNY, _Lettres_ (20 juin 1655), t. I, p. 31, édit. M., ou
- p. 39, édit. G.--BUSSY, _Mém._ t. II, p. 15 de l'in-12; de
- l'édit. in-4º, p. 18.
-
- [81] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (14 juillet, t. I, p. 33), édit.
- M.--BUSSY, _Mém._, t. II, p. 23 de l'édit. in-12, et t. II, p. 28
- de l'édit. in-4º.--_Lettres de_ SÉVIGNÉ, t. I, p. 42 et 45 de
- l'édit. de G. de S.-G.; t. I, p. 35 et 36, édit. M. (19 juillet).
-
-
-
-
-CHAPITRE V.
-
-1655.
-
- Madame de Gouville donne une fête peu de jours après l'avanie
- faite à Bartet, son amant.--Détails sur Bartet.--Il est employé
- pendant la Fronde à d'importantes négociations.--Aventures de sa
- jeunesse, et comment il était parvenu.--Sa présomption et sa
- vanité.--Ressentiments qu'elles excitent.--Il obtient les faveurs
- de la marquise de Gouville.--Il tient un propos outrageant sur le
- duc de Candale.--Le duc de Candale s'en venge en lui faisant une
- avanie.--Pourquoi Mazarin abandonne Bartet dans cette
- circonstance.--Tout le monde rit de l'aventure de
- Bartet.--Épigramme à ce sujet.--Bussy mande à madame de Sévigné
- la querelle entre le marquis d'Humières, le comte de Nogent et la
- Châtre.--Détails sur Bautru, comte de Nogent.--Plaisanteries
- qu'il se permet au sujet de Roquelaure.--Passage d'une des
- lettres de madame de Sévigné sur la duchesse de
- Roquelaure.--Querelle entre le prince d'Harcourt et la
- Feuillade.--Madame de Sévigné trouve plaisante la captivité de la
- duchesse de Châtillon chez Fouquet.--Réflexions à ce
- sujet.--Bussy se rend à Compiègne.--Il sollicite de Mazarin de
- servir pendant l'hiver, et n'obtient rien.--Revient à Paris.--Y
- séjourne.--Repart pour se rendre à l'armée de Turenne.
-
-
-Le même jour que madame de Sévigné écrivit la lettre que nous venons
-de citer, la marquise de Gouville donnait dans son hôtel, à Paris, une
-fête dont le récit remplit une page entière de la Gazette de
-Loret[82]: il décrit le ballet, les scènes grotesques, les danses, le
-concert, et la collation. Cependant, lorsque la marquise de Gouville
-donnait cette fête, l'avanie qu'à cause d'elle avait éprouvée Bartet,
-un de ses amants, venait d'avoir lieu, et était l'objet des
-conversations générales. Madame de Sévigné en parle dans une lettre
-écrite à Bussy trois jours après celle dont nous avons fait mention en
-dernier, c'est-à-dire le 19 juillet[83]; mais elle en parle brièvement
-et en passant, afin de ne pas blesser son cousin. Pour bien la
-comprendre, il faut suppléer aux détails qu'elle n'a pas eu besoin de
-donner en écrivant à Bussy, qui était parfaitement instruit sur ce qui
-concernait celui qui faisait l'objet de cette aventure.
-
-Quand Mazarin était exilé et proscrit par des arrêts du parlement, du
-consentement du roi, c'est-à-dire de la reine régente, qui parlait en
-son nom, il n'en continuait pas moins, des bords du Rhin ou de la
-solitude des Ardennes, où il s'était réfugié, à diriger les affaires.
-Le gouvernement n'était pas dans le cabinet des ministres, dans la
-salle du conseil, dans les actes authentiques publiés au nom du roi,
-mais dans les résolutions et les déterminations prises par la
-reine régente dans les conciliabules qui avaient lieu dans la
-chambre de l'exilé ou dans l'oratoire de la reine. Il était alors
-nécessaire que la reine et son ministre pussent communiquer entre eux
-continuellement, et de manière à ce qu'il ne restât aucune trace de
-ces communications; que le secret le plus profond et le plus
-impénétrable fût gardé sur leur but et sur leur résultat. De là naquit
-l'importance des courriers de cabinet, et l'influence que ces
-personnages subalternes prirent à cette époque. Comme ils auraient pu
-être arrêtés par les partisans de la Fronde ou des princes, jugés et
-condamnés par les parlements, à cause de leur correspondance avec un
-banni déclaré ennemi de l'État, ils n'étaient chargés d'aucune
-dépêche, d'aucune note, d'aucun papier; mais dépositaires des pensées
-et des intentions secrètes du cardinal et de la reine, ils allaient et
-venaient continuellement, portaient les paroles de l'un et de l'autre,
-et prenaient à l'égard des tiers des engagements en leurs noms. On
-voit que durant ces temps de troubles ces courriers de cabinet
-n'étaient pas seulement des porteurs de dépêches, mais de véritables
-négociateurs. A une époque aussi agitée, lorsque les intérêts
-variaient sans cesse et si rapidement, lorsqu'il y avait tant
-d'intrigues différentes, et qu'il fallait pour les conduire tant de
-dissimulation et d'audace; lorsque les troupes des différents partis
-envahissaient le pays, et empêchaient qu'on ne pût faire le plus petit
-trajet sans travestissement, ce rôle de courrier de cabinet donnait à
-tous ceux qui l'exerçaient une réputation de capacité, de courage, de
-prudence et de fidélité, qui ennoblissait leurs fonctions, et les
-faisait jouir d'une considération supérieure à celle de la charge dont
-ils étaient revêtus. Bartet fut un de ceux que la reine et Mazarin
-employèrent en cette qualité le plus souvent et avec le plus de
-succès.
-
-Il était fils d'un paysan du Béarn. Son père lui ayant donné de
-l'éducation, il devint avocat au parlement de Navarre. Il séduisit la
-femme de chambre de l'épouse d'un conseiller de ce parlement. On
-voulut le forcer à épouser cette fille, très-chérie de sa maîtresse:
-il s'y refusa, quitta le pays, s'en alla à Rome, et, recommandé par
-des jésuites, il s'attacha au duc de Bouillon, puis ensuite au prince
-Casimir, frère du roi de Pologne, et qui lui succéda au trône.
-Celui-ci, lorsqu'il fut roi, nomma Bartet son résident en France.
-Bartet se fit ainsi connaître de Mazarin et des autres ministres de la
-reine, et il obtint, par l'entremise de la princesse Palatine, d'être
-nommé secrétaire du cabinet[84]. Bientôt il eut toute la confiance de
-la reine et de son ministre, et fut initié aux plus importants secrets
-d'État[85]. Fier de ses succès, il se fit de nombreux ennemis par sa
-suffisance, sa fatuité, son ton et ses manières, qui auprès des
-personnages élevés auxquels il avait affaire contrastaient si fort
-avec son humble origine. La manifestation de notre propre supériorité
-choque l'orgueil naturel d'autrui, lors même qu'elle semble justifiée
-par la prééminence du talent, de la naissance ou de la fortune; mais
-l'insolence d'un parvenu semble une atteinte portée à tous les droits
-acquis: elle blesse comme une usurpation, et révolte comme une
-ingratitude. Tels étaient les sentiments que faisait naître Bartet,
-dont la causticité d'ailleurs n'épargnait personne, pas même ses amis
-et ses bienfaiteurs. Bartet devint amoureux de la marquise de
-Gouville. Cette femme séduisante était en même temps courtisée par le
-duc de Candale, dont la vie fut si courte et les aventures si
-nombreuses[86]. Bartet, si inférieur au duc de Candale pour la figure
-et la tournure, l'emportait sur lui par certains avantages auxquels la
-marquise de Gouville se montrait fort sensible. Au lieu de jouir en
-secret d'un bonheur qui pouvait lui faire un ennemi puissant, Bartet
-eut l'impudence de faire parade de sa conquête d'une manière
-injurieuse pour son rival. En présence d'un grand nombre de personnes,
-dont quelques-unes faisaient l'éloge du duc de Candale comme du plus
-bel homme de l'époque et le plus propre à plaire aux femmes, Bartet
-dit, avec un ton dédaigneux, «que si on ôtait à ce beau duc ses grands
-cheveux, ses grands canons, ses grandes manchettes et ses grosses
-touffes de galants, il ne serait plus qu'un squelette et un atome.»
-Candale, outré de l'insolence de Bartet, et regardant comme au-dessous
-de lui de se mesurer avec un tel homme, se vengea en grand seigneur,
-ou, si l'on veut, en vrai brigand. Laval, son écuyer, à la tête de
-onze hommes à cheval, arrête en plein jour, dans la rue Saint-Thomas
-du Louvre, la voiture de Bartet. Deux des cavaliers se saisissent des
-chevaux, deux autres portent le pistolet à la gorge du cocher, deux
-autres mettent pied à terre, et entrent dans le carrosse le poignard à
-la main; ils se précipitent sur Bartet, lui coupent avec des ciseaux
-les cheveux d'un côté, et une moustache de l'autre; ils lui arrachent
-son rabat, ses canons et ses manchettes; et, après lui avoir appris
-que cette opération a lieu par ordre de monseigneur le duc de Candale,
-ils le laissent aller[87].
-
-Sous Richelieu, le personnage, quelque élevé qu'il fût, qui aurait
-ainsi traité le plus obscur et le plus infime de ses affidés, eût été
-obligé de fuir, et aurait eu à supporter le poids d'une procédure
-criminelle. Mazarin, auquel Bartet se plaignit, lui promit justice,
-fit même commencer quelques procédures, mais n'osa pas les faire
-continuer. Candale avait rendu de grands services à Mazarin, qui
-s'était donné des torts envers lui, en ne réalisant pas la promesse
-qu'il avait faite de lui faire épouser sa nièce Martinozzi, mariée au
-prince de Conti. Mazarin ne fut donc pas fâché d'avoir occasion de
-montrer des égards pour ce seigneur, afin de le retenir dans son
-parti. D'ailleurs, Bartet avait été le protégé de la reine plus encore
-que celui de Mazarin, qui, dans sa correspondance écrite avec Anne
-d'Autriche, avait cherché à la prémunir contre les défauts du
-caractère de ce confident, et l'avait engagée à ne se fier à lui
-qu'avec précaution[88]. Toute la haute noblesse était indignée de
-l'insolence de Bartet, et applaudissait à l'avanie qui lui était
-faite. Chavagnac, en racontant cette aventure, dit qu'elle fit plus de
-bruit qu'elle ne méritait[89]. Madame de Sévigné n'en parle qu'en
-plaisantant, et la trouve tout à fait bien imaginée; elle ne doute pas
-que son cousin ne s'en soit fort diverti[90]. On rit beaucoup aux
-dépens de Bartet, et l'on fit sur lui le couplet suivant, qui courut
-tout Paris:
-
- Comme un autre homme
- Vous étiez fait, monsieur Bartet:
- Mais quand vous iriez chez Prudhomme,
- De six mois vous ne seriez fait
- Comme un autre homme[91].
-
-Non-seulement Bartet n'obtint aucune réparation de l'affront qu'il
-avait éprouvé, mais plus tard on le força de s'exiler de la cour,
-lorsque le duc de Candale s'y trouvait[92]. Ainsi la différence des
-rangs était alors si fortement marquée, que ceux qui osaient s'en
-prévaloir pour conserver leurs priviléges d'insolence et de domination
-pouvaient encore faire violence à la justice et braver la faveur.
-
-Bussy et madame de Sévigné se faisaient part mutuellement dans leurs
-lettres des nouvelles qui pouvaient les intéresser: lui, celles de
-l'armée; elle, celles de la cour. Bussy, dans sa lettre du 17
-octobre[93], entretient sa cousine de la querelle qui s'est élevée
-entre le marquis d'Humières et le comte de Nogent, querelle si peu
-honorable pour ce dernier. Il avait été provoqué en duel par la
-Châtre, beau-frère d'Humières, et il avait refusé de se battre.
-D'Humières, toujours bien auprès du roi et des ministres, devint
-depuis maréchal de France. Le luxe du grand seigneur le suivait même à
-l'armée. Il fut le premier qui s'y fit servir en vaisselle d'argent,
-et avec les mêmes recherches et la même variété de mets que dans son
-hôtel. Comme la guerre continua, et se régularisa en quelque sorte, ce
-genre de luxe fut imité par tous les officiers généraux, et même par
-les simples colonels et les mestres de camp[94]. La Châtre nous est
-connu pas ses liaisons avec Ninon[95]. Armand, comte de Nogent, qui se
-noya depuis au fameux passage du Rhin[96], était le fils de Nicolas de
-Bautru, modèle du courtisan fin, spirituel et bouffon. Celui-ci,
-arrivé à la cour d'Anne d'Autriche avec huit cents livres de rente, en
-avait cent cinquante mille lorsqu'il mourut. Sa femme se fit connaître
-par des désordres honteux. Il en demanda vengeance à la justice, et
-fit condamner un de ses valets, qui fut mis aux galères[97]. Il se
-rendait un jour chez la reine, lorsque cette affaire était encore
-récente; et la cynique plaisanterie qu'il se permit pour faire
-rejaillir sur le duc de Roquelaure le ridicule dont celui-ci avait
-voulu le couvrir en présence de toute la cour, prouve qu'une partie du
-secret de la mystérieuse intrigue de la duchesse de Roquelaure n'avait
-pas échappé aux regards scrutateurs des jeunes courtisans[98]. Cet
-indécent quolibet, qui fit rougir la reine, sert en même temps à
-expliquer le passage suivant de la lettre que madame de Sévigné
-écrivit à Bussy le 25 novembre[99].
-
-«Madame de Roquelaure est revenue tellement belle, qu'elle défit hier
-le Louvre à plate couture[100]: ce qui donne une si terrible jalousie
-aux belles qui y sont, que par dépit on a résolu qu'elle ne serait
-pas des après-soupers, qui sont gais et galants comme vous savez.
-Madame de Fiennes voulut l'y faire demeurer hier; mais on comprit par
-la réponse de la reine qu'elle pouvait s'en retourner.»
-
-Madame de Sévigné paraît avoir ignoré le véritable motif de
-l'exclusion de la duchesse de Roquelaure des après-soupers; mais la
-duchesse de Roquelaure a dû le connaître ou le deviner. Les chagrins
-causés par des humiliations de cette nature, et par les remords de les
-avoir mérités, ont pu contribuer, autant que les infidélités de
-Vardes, à précipiter dans la tombe cette intéressante victime d'un
-premier amour. Une autre raison devait encore déterminer à ne pas
-admettre la duchesse de Roquelaure dans ces réunions familières. Le
-jeune duc d'Anjou manifestait du penchant pour elle; et le chagrin
-qu'il témoigna lorsqu'il apprit sa mort montra quelle était déjà la
-violence de sa passion[101].
-
-Madame de Sévigné, qui ne veut rien laisser ignorer à Bussy de ce qui
-se passe dans le monde, raconte aussi dans la même lettre une querelle
-assez ridicule, mais qui n'eut aucune suite, entre le prince
-d'Harcourt, la Feuillade, qui fut depuis maréchal de France, et le
-chevalier de Gramont, si connu par l'histoire que le spirituel
-Hamilton nous a donnée de ses aventures galantes. La chose se passa
-chez Jannin de Castille, financier, assez bel homme, peu spirituel, et
-fort riche. Bussy a fait lui-même connaître les liaisons de ce
-personnage avec la comtesse d'Olonne[102], et Sauval a révélé celles
-qu'il eut avec mademoiselle de Guerchy, une des filles d'honneur de la
-reine[103]. Mademoiselle de Guerchy fut depuis la maîtresse du duc de
-Vitry, et périt victime des moyens qu'employa pour la faire avorter
-une sage-femme nommée Constantin, qui fut pendue pour ce crime. Le
-comte Gaspard de Chavagnac, qui, pour obliger Vitry, son ami, avait
-conduit l'infortunée Guerchy chez la Constantin, fut mis en cause, et
-subit même une condamnation, qui ne fut pas capitale. Lui, qui était
-la bravoure même, raconte naïvement dans ses Mémoires la frayeur qu'il
-éprouva «quand il vit les mêmes juges avec lesquels il faisait tous
-les jours la débauche l'interroger avec un visage si sévère[104]».
-
-Madame de Sévigné apprit, sans en connaître la cause, que la duchesse
-de Châtillon se trouvait captive chez l'abbé Fouquet; et, dans sa
-lettre du 5 novembre, elle mande cette nouvelle à son cousin en une
-seule ligne, en ajoutant: «Cela paraît fort plaisant à tout le
-monde[105].» Singulière époque que celle où l'on trouvait plaisant
-qu'une femme de ce rang, de cette naissance, qu'une Montmorency, que
-la veuve d'un Gaspard de Coligny, duc de Châtillon, fût retenue
-d'autorité en chartre privée, chez un abbé, son amant! Cependant la
-chose paraîtra moins étrange lorsque l'on saura que l'abbé Fouquet
-avait avec lui sa mère, qui était la vertu même[106].
-
-Quand Bussy reçut, le 22 novembre, cette dernière lettre de madame de
-Sévigné, il n'était plus à l'armée. Pour être placé sur les cadres de
-ceux qui continuaient à servir pendant la saison rigoureuse, il
-s'était rendu à Compiègne, où la cour résidait. Le cardinal lui promit
-de faire ce qu'il demandait; mais il ne lui tint pas parole. Bussy
-revint vers la fin de décembre à Paris; et, après y avoir séjourné
-tout l'hiver, il repartit le 12 mars pour Amiens, où le maréchal de
-Turenne avait assigné le rendez-vous de tous les officiers généraux
-qui dans la campagne prochaine devaient servir sous ses ordres[107].
-
- [82] LORET, liv. VI, p. 106, _lettre_ 28 juillet 1655.
-
- [83] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 juillet 1655), t. I, p. 37, édit de
- M., et t. I, p. 46, édit. de G. de S.-G.--BUSSY, _Mém._, t. II,
- p. 28, in-12, et de l'in-4º, t. II, p. 34.
-
- [84] CONRART, _Mém._, t. XLVIII, p. 267.
-
- [85] CONRART, t. XLVIII, p. 260 à 270.--MONTPENSIER, _Mém._, t.
- XLI, p. 136, 326, 488; t. XLII, p. 22.--MOTTEVILLE, _Mém._, t.
- XXXIX, p. 115, 116 et 210.--RETZ, t. XLV, p. 279, 282, 380, 388,
- 412, 422, 459; t. XLVI, p. 329.--GUY-JOLY, t. XLVII, p.
- 230.--NEMOURS, t. XXXIV, p. 510.--CONRART, t. XLVIII, p. 230.--LA
- ROCHEFOUCAULD, t. LI, p. 95 et 96.--DUPLESSIS, t. LVII, p. 370 et
- 372.--LORET, liv. III, 1652, p. 178; liv. V, 1654, p. 17.
-
- [86] CHAVAGNAC, _Mém._, t. I, p. 165, 185, 208, 210, 220, 226,
- 227.--MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 210.--MONGLAT, _Mém._, t. L, p.
- 394.--CONRART, t. XLVIII, p. 265.--BUSSY, _Hist. am. des Gaules_,
- t. I, p. 1 à 42, édit. 1754.--SAUVAL, _Galanteries des Rois de
- France_ t. II, p. 60, 61, 206.--RETZ, t. XLV, p.
- 113.--SAINT-ÉVREMOND, _OEuvres_, 1753, in-12, t. I, p. v et p.
- 34; t. III, p. 154 à 180; t. VII, p. 42.
-
- [87] CHAVAGNAC, _Mém._, t. I, p. 220.--MONTPENSIER, _Mém._, t.
- XLI, p. 489.--CONRART, _Mém._, t. XLVIII, p. 265.
-
- [88] _Lettres du cardinal Mazarin à la reine_, 1836, in-8º, p.
- 419; _lettre_ en date du 27 novembre 1641.
-
- [89] CHAVAGNAC, t. I, p. 220.
-
- [90] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 juillet 1655), t. I, p. 37, édit. de
- Monmerqué; t. I, p. 47, édit. de G. de S.-G.
-
- [91] CONRART, _Mém._, t. XLVIII, p. 263, note 1. Voyez ci-dessus,
- p. 40.
-
- [92] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 22.
-
- [93] BUSSY, dans les _Lettres de_ SÉVIGNÉ, t. I, p. 43 de l'édit.
- M.; t. I, p. 53 de l'édit. de G. de S.-G.
-
- [94] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 287.
-
- [95] Voyez la première partie de ces Mémoires, ch. XVI, p. 244.
-
- [96] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (17 juin 1672), t. II, p. 468, édit. M.,
- et t. III, p. 61, édit. G. de S.-G.
-
- [97] _Ménagiana_, t. I, p. 67, 140, 267.
-
- [98] _Ibid._, t. III, p. 48 et 49.
-
- [99] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (25 novembre 1655), t. I, p. 46, édit. de
- M.; t. I, p. 59, édit. de G. de S.-G.--BUSSY, _Mém._, t. II, p.
- 54, édit. in-12.
-
- [100] Conférez MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 137.
-
- [101] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 268 et 269.
-
- [102] BUSSY, _Histoire amoureuse de la France_, édit. 1710, p.
- 26, 31, 55.--_Histoire amoureuse des Gaules_, édit. 1754, t. I,
- p. 23, 28, 32, 42, 52.
-
- [103] SAUVAL, _Galanteries des Rois de France_, 1738, t. II, p.
- 73.
-
- [104] GASPARD, comte de CHAVAGNAC, _Mém._, t. I, p. 220 à 222,
- édit. de Besançon, 1699, in-12.
-
- [105] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (25 novembre 1655), t. I, p. 45, et p.
- 56 de l'édit. de G. de S.-G.
-
- [106] MONTPENSIER, t. XLII, p. 148.
-
- [107] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 54 et 57 de l'édit. in-12.--Ibid.,
- t. II, p. 65 et 68 de l'édit. in-4º.
-
-
-
-
-CHAPITRE VI.
-
-1656.
-
- Madame de Sévigné est recherchée par les femmes âgées comme par
- les jeunes.--Sa jeunesse s'est passée sous le ministère de
- Mazarin.--Ses souvenirs embrassent l'époque qui l'a précédé, une
- partie du siècle de Louis XIII, puis la régence d'Anne d'Autriche
- et presque tout le siècle de Louis XIV, et les personnes qui
- brillèrent sous la régence du duc d'Orléans et qui moururent sous
- Louis XV.--Elle était liée avec madame de Chevreuse, avec la
- maréchale de Schomberg, née Marie de Hautefort.--Portrait de
- mademoiselle de Hautefort: elle est placée près d'Anne d'Autriche
- pour la surveiller.--Elle s'attache à elle.--S'attire, en la
- servant, les persécutions de Richelieu.--A la mort de ce
- ministre, elle est rappelée de son exil par la reine, qui reçoit
- mal ses observations relativement au cardinal
- Mazarin.--Brouillerie et raccommodement entre elle et la
- reine.--Mademoiselle de Hautefort reçoit l'ordre de quitter le
- Palais-Royal.--Elle se retire dans un couvent.--Épouse le
- maréchal de Schomberg.--S'efforce de se réconcilier avec Anne
- d'Autriche.--Est de nouveau repoussée.--Ses torts envers la
- reine.--Différence de la conduite d'Anne d'Autriche envers elle
- et envers la duchesse de Chevreuse.--Réflexions à ce sujet.--Le
- maréchal de Schomberg et sa femme se retirent dans leur
- gouvernement de Metz.--Ils sont les protecteurs des gens de
- lettres.--La mort de sa grand'mère force la maréchale de
- Schomberg de revenir à Paris.--Nombre de personnes vont à sa
- rencontre.--Madame de Sévigné, qui ignorait ce retour, n'est pas
- de ce nombre.--Regret qu'elle en éprouve.--Citation de la Gazette
- de Loret à ce sujet.--Mort de la maréchale de Schomberg.
-
-
-La jeunesse de madame de Sévigné s'est écoulée tout entière pendant la
-durée du ministère du cardinal de Mazarin; mais les femmes qui avaient
-passé la leur sous le règne de Richelieu, attirées par la précoce
-maturité du jugement de notre jeune veuve, par son discernement, par
-sa discrétion, sa franchise, ne cultivaient pas son amitié avec moins
-d'empressement que celles dont l'âge se rapprochait du sien. Dans sa
-vieillesse, son indulgente gaieté, la réputation qu'elle s'était
-acquise par son esprit, l'égalité de son humeur et les agréments de
-son commerce, la firent rechercher par celles qui commençaient à
-briller comme des astres nouveaux levés sur l'horizon, vers la fin du
-siècle de Louis XIV. Celles-ci se montrèrent dans tout leur éclat sous
-la régence du duc d'Orléans, et terminèrent leur existence sous Louis
-XV. Jamais madame de Sévigné ne se retira du monde, et jamais le monde
-aussi ne se retira d'elle. Toujours elle aima à se répandre dans la
-société: elle lui appartint toujours. Sa vie et ses écrits sont donc
-propres à nous éclairer sur les mœurs, les habitudes de plusieurs
-générations successives et de trois règnes différents.
-
-Nous avons déjà vu la liaison qu'elle avait contractée avec la
-duchesse de Chevreuse, qui sous le règne de Louis XIII s'était
-illustrée par sa résistance au despotisme de Richelieu. Madame de
-Sévigné avait conquis l'amitié d'une autre femme, qui, sans posséder
-l'avantage d'une aussi grande naissance, n'avait pas donné à la reine
-de moindres preuves de dévouement et de courage que madame de
-Chevreuse: c'était Marie de Hautefort, femme du maréchal duc de
-Schomberg.
-
-On se souvenait encore à l'époque dont nous nous occupons, de
-l'impression qu'avait faite à la cour de Louis XIII cette blonde aux
-yeux grands et pleins de feu, aux traits si réguliers, aux dents si
-blanches, au teint d'une si ravissante fraîcheur. On se ressouvenait
-encore de cette gorge parfaitement belle, dont la seule vue protégea,
-contre la main scrupuleuse d'un monarque dévot, le billet dépositaire
-du secret de la reine[108]. Placée comme dame d'atour auprès d'Anne
-d'Autriche par un ministre soupçonneux et un mari jaloux, mademoiselle
-de Hautefort s'indigna du vil rôle auquel on l'avait crue propre. Au
-lieu d'être, comme on le voulait, la surveillante et la délatrice
-d'une reine dont elle ressentait vivement le malheur, elle en devint
-l'amie la plus sincère, la confidente la plus intime[109]. Pour lui
-procurer plus de liberté, pour diminuer l'oppression que Richelieu
-faisait peser sur elle et sur tout ce qui l'entourait, mademoiselle de
-Hautefort se prévalut des sentiments de préférence qu'elle inspira à
-un roi si froid, si faible, si scrupuleux. Pour capter sa confiance,
-elle supporta l'ennui d'un amour qui ne se laissait deviner que par
-des traits d'une jalousie bizarre ou ne se manifestait que par
-d'insipides entretiens. Marie de Hautefort montra pour Anne d'Autriche
-plus de courage et de dévouement encore, en bravant la colère et les
-persécutions de Richelieu, qui, ne la voyant pas répondre à ses
-desseins, la fit exiler. Il eut l'air d'envelopper dans la même
-disgrâce Chemerault, autre dame de la reine; mais c'était pour être
-instruit par elle de toutes les démarches, de tous les secrets de
-mademoiselle de Hautefort, qui la croyait son amie[110].
-
-Lorsque Anne d'Autriche devint régente, elle s'empressa de rappeler,
-par une mesure générale, toutes les personnes qui avaient été exilées
-sous Richelieu; mais elle écrivit de sa propre main à mademoiselle de
-Hautefort de revenir près d'elle, lui disant qu'elle mourait
-d'impatience de la voir[111]. Mademoiselle de Hautefort revint; mais
-elle ignorait que la nature des relations doive changer avec les
-situations: elle crut que tout devait être inaltérable comme ses
-sentiments, et elle éprouva combien sont différentes les affections de
-cœur dans l'infortune ou dans la prospérité, dans l'abaissement ou
-dans la puissance. Elle avait fait naître des passions très-vives;
-mais toutes les tentatives qu'on avait faites pour la séduire
-n'avaient servi qu'à donner un nouveau lustre à sa vertu[112]. Cette
-vertu s'appuyait sur une piété fervente[113], qui avait trouvé un
-nouvel aliment dans le malheur et dans les persécutions. Revenue à la
-cour après une si longue absence, elle fut singulièrement frappée des
-changements qui s'y étaient opérés. Elle vit avec peine l'ascendant
-que Mazarin avait pris sur la reine: cet ascendant ne lui paraissait
-pas suffisamment justifié par les talents de ce ministre et le besoin
-qu'Anne d'Autriche avait de lui. L'espèce d'intimité et de familiarité
-qui régnaient entre la reine et son ministre, en écartant même toute
-pensée de liaison illicite, choquaient ses scrupules religieux, et
-étaient contraires aux idées qu'elle s'était faites de la dignité de
-son sexe et de la majesté royale. Elle savait combien la malignité
-publique aimait à s'exercer sur ce chapitre; elle connaissait une
-partie des chansons, des satires, des épigrammes qui avaient cours:
-son amitié vive et sincère lui fit désirer ardemment d'ôter à cet
-égard tout prétexte à la calomnie. Naturellement franche, elle
-s'expliqua sans réticence et sans détour sur ce sujet délicat. La
-reine, blessée, ne lui répondit que par des paroles dures et des
-reproches sévères[114]. Il y eut des larmes répandues, des
-explications vives, des réconciliations, des promesses, des pardons
-donnés et reçus[115], puis de nouveaux accès d'humeur et d'une brusque
-franchise. Enfin, au moment où on s'y attendait le moins, un ordre fut
-donné à mademoiselle de Hautefort de quitter le Palais-Royal[116]. La
-sensible confidente, qui n'avait jamais prévu que son amitié, toujours
-la même, que son dévouement, toujours entier, pussent avoir ce
-résultat, sentit son cœur se briser par tant d'ingratitude[117]. Elle
-partit, aimée, vénérée de toute la cour; l'admiration qu'avaient
-inspirée sa loyauté, sa générosité, sa vertu, s'augmenta encore de
-toute la haine amassée contre le cardinal, auquel elle était
-sacrifiée. La reine, quoiqu'elle en témoignât son mécontentement, ne
-put empêcher que les personnes qui lui étaient le plus attachées, le
-plus dans sa dépendance, n'allassent consoler mademoiselle de
-Hautefort et ne plaignissent hautement son malheur.
-
-Elle se retira dans un couvent, et on craignit pendant quelque temps
-qu'elle ne se fît religieuse. Heureusement pour le monde, dont elle
-devait être le modèle, qu'un homme instruit, spirituel, joignant aux
-talents du guerrier tous ceux qui font briller en société[118], la
-rechercha, et lui fit agréer ses vœux. Elle épousa en 1646 le
-maréchal duc de Schomberg. Son mari, qui avait acquis tous ses grades
-sous le règne précédent, désira, dans l'intérêt de son ambition, que
-sa femme reparût à la cour; qu'elle tâchât de se prévaloir de
-l'ancienne et longue affection que la reine avait eue pour elle, et
-qu'il ne pouvait croire entièrement éteinte. Pour lui obéir, elle se
-contraignit, et se dépouilla d'une fierté qui lui avait semblé noble
-et légitime. Ses efforts pour rentrer en grâce auprès d'Anne
-d'Autriche furent repoussés avec tant de hauteur, qu'elle ne put
-parvenir à déguiser la douleur qu'elle en ressentait, ni s'empêcher de
-montrer encore devant cette reine altière, et en présence de toute la
-cour, son visage baigné de larmes[119].
-
-On doit dire que pendant la Fronde la maréchale de Schomberg s'était
-liée avec la duchesse de Longueville, et que, sans s'engager dans
-aucun parti, elle avait paru cependant plutôt favorable que contraire
-à ceux qui étaient opposés à Mazarin; mais son mari était resté
-neutre. La duchesse de Chevreuse, qui s'était montrée hostile,
-non-seulement avait obtenu son pardon, mais elle avait reconquis toute
-la faveur et toute l'influence qu'elle avait eues autrefois auprès
-d'Anne d'Autriche. Cependant il existait entre la duchesse de
-Chevreuse et la maréchale de Schomberg toute la distance qui sépare
-le vice de la vertu; l'honneur, de l'intrigue; la loyauté, de la
-duplicité.
-
-Le maréchal de Schomberg et sa femme ne firent plus d'autre tentative
-auprès d'Anne d'Autriche et de Mazarin. Ils se retirèrent dans leur
-gouvernement de Metz; et, sans jamais donner de marque de
-mécontentement, ils s'acquirent par leur zèle ardent pour tout ce qui
-pouvait contribuer au bien public, l'estime et l'affection de tout le
-monde: par leur conduite ils finirent par obtenir les égards de la
-reine et de son ministre, et même par se concilier leur bienveillance.
-Ils se montrèrent tous deux protecteurs des gens de lettres: Scarron
-et le gazetier Loret étaient au nombre de leurs pensionnaires[120].
-Ils furent les protecteurs de Bossuet, et comme les promoteurs de son
-génie. Ce grand homme commença par être archidiacre à Metz, où son
-père résidait[121].
-
-Au commencement de l'année 1656, madame de La Flotte, grand'mère de la
-maréchale de Schomberg, mourut, âgée de quatre-vingt-sept ans; elle
-était la doyenne des dames d'atour de la reine. De tout temps vénérée
-par sa piété, elle s'était maintenue dans sa place en restant
-étrangère à toutes les intrigues, et en y donnant l'exemple de toutes
-les vertus. Personne à la cour ne s'abstint d'aller jeter de l'eau
-bénite sur sa tombe, et le roi s'y rendit comme les autres. Loret
-rapporte que le jeune monarque voulut voir le visage de cette défunte
-octogénaire, et en le contemplant il dit: «Voilà le destin qui
-m'attend; et ma couronne ne m'en exemptera pas[122].»
-
-Cet événement força la maréchale de Schomberg et son mari de se rendre
-à Paris, où depuis longtemps ils n'avaient point paru. Le jour de leur
-arrivée fut connu de plusieurs personnes, qui allèrent à leur
-rencontre. Le nombre en fut si grand, que la file des carrosses
-s'étendait, si l'on en croit Loret, depuis les remparts de la ville
-jusqu'au Bourget[123].
-
-Madame de Sévigné, quoique liée intimement avec la maréchale de
-Schomberg, ne fut pas prévenue du jour de son arrivée à Paris, et ne
-fit point partie du nombreux cortége qui l'accompagna à son entrée. La
-contrariété qu'elle en ressentit et la touchante expression de ses
-regrets firent assez de sensation dans le beau monde pour que Loret en
-parlât dans sa Gazette.
-
- Même trois jours après, je sus
- Que madame de Sévigny,
- Veuve de mérite infini,
- Et dont le teint encor mieux brille
- Que de la plus aimable fille,
- N'ayant su le temps ni le jour
- Du susdit glorieux retour
- (Ignoré dans chaque paroisse),
- Faillit s'en pâmer d'angoisse.
- Son chagrin ne peut s'égaler;
- Et quand on la veut consoler
- Avec des fleurs de rhétorique,
- Sa divine bouche s'explique
- (Comme elle a l'esprit excellent)
- D'un air si noble et si galant,
- Et qui jamais ne l'abandonne,
- Que de bon cœur je lui pardonne[124].
-
-
-Le maréchal de Schomberg ne jouit pas longtemps de cette manifestation
-de l'opinion publique, si glorieuse pour lui et pour sa femme, ni de
-l'accueil flatteur que lui firent le roi et la reine mère. Il mourut
-deux mois après son arrivée à Paris; son corps fut porté au château de
-Nanteuil, dans le lieu de sépulture de ses ancêtres, où sa veuve, qui
-lui survécut longtemps, lui fit ériger un monument, près duquel
-Bossuet ne manquait jamais d'aller prier toutes les fois qu'il passait
-à Nanteuil[125].
-
- [108] SAUVAL, _Galanteries des Rois de France_, 1738, in-12, t.
- II, p. 18 et 277.--DREUX DU RADIER, _Mémoires et Anecdotes des
- Reines et Régentes de France_; Amsterdam, 1782, t. VI, p.
- 294.--MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXVI, p. 370 et 379.--MONGLAT, t.
- XLIII, p. 63.
-
- [109] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXVI, p. 378 et 379.--MONGLAT,
- _Mém._, t. XLIII, p. 251.--LA PORTE, _Mém._, t. LIX, p.
- 394.--SCARRON, _OEuvres_, t. VIII, p. 399.
-
- [110] MOTTEVILLE, _Mém._, _loc. cit._--MONGLAT, _Mém._, t. XLIII,
- p. 241.--LA PORTE, _Mém._, t. LIX, p. 394.
-
- [111] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXVII, p. 71.
-
- [112] LA PORTE, _Mém._, t. LIX, p. 391 et 392.--SCARRON,
- _OEuvres_, t. VIII, p. 190.
-
- [113] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXVII, p. 63.--LA PORTE, t. LIX, p.
- 407.--SCARRON, t. VIII, p. 160, 162, 168.
-
- [114] MOTTEVILLE, t. XXXVII, p. 32.
-
- [115] _Ibid._, p. 36.
-
- [116] _Ibid._, p. 63.--LA PORTE, t. LIX, p. 407.
-
- [117] _Ibid._, p. 65.--LA PORTE, _loc. cit._
-
- [118] SCARRON, _Épithalame ou ce qu'il vous plaira sur le mariage
- de M. le maréchal de Schomberg et de madame de Hautefort,
- OEuvres_, t. VIII, p. 252 et 254.
-
- [119] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXVII, p. 277.
-
- [120] SCARRON, _OEuvres_, t. VIII, p. 160, 162, 168, 247 et 399.
-
- [121] DE BAUSSET, _Hist. de Bossuet_, 1814, in-8º, t. I, p. 38 et
- 39.
-
- [122] LORET, t. VII, p. 62, _lettre_ en date du 22 avril 1656.
-
- [123] LORET, _Muse historique_, liv. VII, p. 63, _lettre 16_, en
- date du 22 avril 1656.
-
- [124] _Ibid._
-
- [125] LORET, _Muse historique_, liv. VII, p. 68, _lettre 17_, en
- date du 29 avril 1656, p. 97, _lettre 25_, en date du 24
- juin.--DE BARANTE, dans la _Biographie universelle_, art.
- _Bossuet_.
-
-
-
-
-CHAPITRE VII.
-
-1656.
-
- Madame de Sévigné passe toute cette année à Paris.--Elle assiste
- aux fêtes nombreuses qui s'y donnent.--Elle a des occasions de
- s'entretenir familièrement avec le jeune roi.--Les partis se
- rapprochent.--Gaston s'arrange avec la cour.--On n'était pas
- satisfait du gouvernement.--Mort du grand prieur Hugues de
- Rabutin.--Cette mort n'interrompt pas les plaisirs de madame de
- Sévigné.--Bussy écrit à sa cousine les événemens de la
- campagne.--Condé délivre Valenciennes.--Turenne prend la
- Capelle.--Départ du roi pour l'armée, le 17 mai.--Bussy va en
- Bourgogne, et revient passer l'hiver à Paris.--Les plaisirs
- n'avaient pas cessé pendant l'été.--Plusieurs occasions y
- donnèrent lieu.--Premier voyage de la reine Christine en
- France.--Admiration qu'elle excite.--Réflexion sur ceux qui se
- démettent du trône.--Christine est reçue en France avec de grands
- honneurs.--Madame de Sévigné est du nombre des femmes qu'elle
- goûte le plus.--C'est avec la France que Christine avait ses
- principales correspondances.--La France avait alors la
- supériorité en tout, et attirait l'attention de l'Europe
- entière.--Un mouvement nouveau s'y faisait remarquer dans les
- esprits.--Entretien à ce sujet, rapporté par
- Saint-Évremond.--Portrait que Saint-Évremond trace des précieuses
- de cette époque, bien avant Molière.--Discussions produites par
- les jansénistes.--Courte exposition de ces
- discussions.--Publications des Provinciales. Jugement sur cet
- ouvrage.--Effet qu'il produit.
-
-
-Cette circonstance de l'arrivée du maréchal et de madame la maréchale
-de Schomberg et les lettres de Bussy démontrent que madame de Sévigné
-continua de résider à Paris pendant le cours de cette année 1656[126].
-Elle fut donc témoin de toutes les fêles qui se donnèrent à la cour
-et chez les grands; et peut-être figura-t-elle dans les ballets et les
-mascarades, pour lesquels le jeune roi montrait de jour en jour plus
-d'inclination, et auxquels la reine et Mazarin se prêtaient. Le roi
-aimait aussi les courses de chevaux, les jeux de bagues, les
-carrousels, et il les renouvela cette année. Pendant le carrousel, il
-se plut à courir par la ville avec son frère sous divers déguisements,
-et à s'affranchir de toute étiquette[127]. Madame de Sévigné dut avoir
-plus d'une occasion de s'entretenir avec lui, non-seulement au milieu
-de ces grands divertissements, mais chez la princesse de Conti, chez
-la duchesse de Mercœur, et chez d'autres jeunes femmes d'un moindre
-rang, auxquelles elle se complaisait à faire des visites fréquentes et
-familières; et enfin chez le surintendant Fouquet, qui lui donnait,
-ainsi qu'au roi, à la reine et à toute la cour, de somptueux repas
-dans son château de Saint-Mandé[128]. Malgré tous ces moyens de
-dissipation, le théâtre et les concerts publics n'étaient pas moins
-fréquentés. La médiocre tragédie de Thomas Corneille (_Timocrate_) eut
-un succès qui rappela celui des chefs-d'œuvre de son frère, et les
-représentations en furent suivies tout l'hiver avec un empressement
-qui n'avait pas encore été égalé[129]. Le roi vint exprès au Théâtre
-du Marais, pour voir jouer cette pièce.
-
-Les ressentiments que les divisions de partis avaient fait naître
-s'affaiblissaient et disparaissaient, par l'effet de ces fréquentes
-réunions, où l'on goûtait en commun les mêmes plaisirs. Les mariages,
-que des penchants mutuels ou des convenances de rang et de fortune
-faisaient contracter, formaient chaque jour des alliances étroites
-entre des familles que les haines politiques séparaient auparavant.
-Les exilés étaient presque tous rappelés, et le sort de ceux qui ne
-l'étaient pas était adouci[130]. On avait même permis à MADEMOISELLE
-de s'approcher de Paris, et elle avait profité de cette permission
-pour donner une fête superbe au roi et à la reine d'Angleterre, dans
-son château de Chilly. Gaston n'avait pas encore quitté Blois, mais il
-avait fait son arrangement avec la cour, et il devait bientôt y
-reparaître. Tous ces actes de clémence donnaient de la sécurité, et
-augmentaient l'allégresse générale. Elle se répandit dans les
-provinces, où l'on cherchait aussi à imiter la capitale, qui elle-même
-se modelait sur la cour.
-
-Ce n'est pas qu'on fût complétement satisfait: les changements dans
-les monnaies occasionnèrent des murmures; on avait, sur de simples
-soupçons, renfermé plusieurs personnes à la Bastille: mais ces sujets
-de mécontentement ne pouvaient contre-balancer le bien-être que l'on
-éprouvait de se voir délivré des factions et des guerres civiles, par
-le rétablissement de l'autorité royale.
-
-La mort de Hugues de Rabutin, grand prieur du Temple, qui eut lieu
-cette année, vers le commencement de juin, ne mit point obstacle aux
-plaisirs auxquels madame de Sévigné se livrait à cette brillante
-époque de son existence. Ce grand prieur avait les manières rudes et
-impolies d'un corsaire; il en avait aussi les mœurs dissolues: il
-rappelait à madame de Sévigné tous les défauts et les vices de son
-mari, sans aucune de ses qualités. Au grand contentement de notre
-jeune veuve, Hugues de Rabutin donna tout ce qu'il possédait à son
-neveu, le comte de Bussy.
-
-Celui-ci, dans les lettres qu'il écrivait à sa cousine, lui rendait
-compte des événements de la campagne[131]; et par la part qu'il y eut,
-par le grade qu'il occupait dans l'armée, les détails auxquels il se
-livre sont précieux pour l'histoire, et plus certains que ceux des
-relations officielles; car la politique, l'intérêt du moment, tendent
-toujours dans ces sortes de relations à fausser la vérité. Nous
-apprenons encore par ces lettres de Bussy qu'il était en
-correspondance réglée avec Corbinelli, et que celui-ci communiquait
-exactement à madame de Sévigné toutes les nouvelles qu'il recevait par
-ce canal. Le marquis de la Trousse, cousin germain de madame de
-Sévigné, était dans l'armée; elle s'intéressait vivement à lui, et
-Bussy a grand soin de faire part à sa cousine de tout ce qui concerne
-ce jeune homme[132].
-
-Les événements qui font la matière des lettres de Bussy étaient d'une
-grande importance. Condé avait délivré Valenciennes avec autant de
-bonheur que Turenne avait fait pour Arras; et Turenne, de même que
-Condé, s'était illustré par une savante retraite, qui aux yeux des
-gens de guerre contribua plus à sa réputation qu'une victoire; ou
-plutôt cette défaite même, que l'obstination du maréchal de la Ferté
-avait causée, devint pour Turenne l'occasion d'un triomphe. Après une
-marche rapide et déguisée, il se présenta devant la Capelle, et prit
-cette place, avec tous les magasins que les ennemis y avaient
-déposés[133].
-
-Quoique le jeune roi allât chaque année rejoindre l'armée et emmenât
-avec lui une portion de sa cour, cependant la guerre n'interrompait
-point les plaisirs ni le mouvement ordinaire de la capitale. Les
-armées de part et d'autre étaient alors peu nombreuses; on ne s'était
-pas encore habitué, dans les calculs de l'ambition ou dans les
-combinaisons belliqueuses, à compter les hommes pour peu de chose, et
-l'on évitait d'ajouter aux effets destructeurs des combats ceux des
-rigueurs de l'hiver. D'un commun accord, on évitait de se mesurer avec
-ce terrible ennemi; on se cantonnait, et l'on restait en repos tout le
-temps que durait cet engourdissement de la nature; on entrait tard en
-campagne, et les officiers généraux ne se rendaient à l'armée que
-lorsque les opérations allaient commencer, c'est-à-dire en mai ou en
-juin; et ils revenaient souvent en ville en septembre et en octobre.
-Grâce au génie de Turenne, on redoutait peu les suites de la guerre.
-Avec lui toujours on espérait des succès; et lorsqu'il y avait des
-revers, on ne se laissait pas décourager, parce qu'on s'attendait à
-les voir presque aussitôt réparés. Ce grand capitaine prévoyait toutes
-les chances possibles de la fortune, et savait en effet la retenir
-avec fermeté au moment même où elle se disposait à lui échapper.
-
-Ainsi cette année le roi ne partit que le 27 mai[134], et il était de
-retour au 9 octobre[135]. Bussy ne quitta l'armée que le 2
-novembre[136], et se rendit en Bourgogne, où ses affaires
-l'appelaient; mais il passa par Paris, et revint y séjourner pendant
-l'hiver. Les plaisirs qu'on y goûtait n'avaient souffert aucune
-interruption; des occasions extraordinaires s'étaient présentées qui
-même leur avaient donné une nouvelle activité. Après le départ du duc
-de Modène, reçu avec une pompe et des honneurs qui excitèrent la
-jalousie et blessèrent l'orgueil du duc de Mantoue[137], vint la
-visite de la princesse d'Orange à sa mère la reine d'Angleterre[138],
-puis ensuite le premier voyage de la reine Christine en France. Le
-gouvernement du jeune monarque se surpassa en magnificence et en
-générosité hospitalière et chevaleresque, par la réception qui fut
-faite à cette reine virile. La curiosité qu'elle excita fut si vive et
-si générale, qu'elle fit quelque temps diversion à l'attention que
-l'on portait aux événements de la guerre, aux cercles des précieuses,
-et aux disputes religieuses, qui par la publication des premières
-Provinciales avaient acquis un nouveau degré de chaleur.
-
-Cette fille du grand Gustave, qui parvint jeune à la couronne, s'était
-rendue célèbre par l'énergie de son caractère, son application aux
-affaires, ses liaisons et ses correspondances avec les savants et les
-hommes les plus éminents de son temps. Elle s'était faite leur
-disciple, et se montrait digne d'être leur émule; mais à vingt-huit
-ans elle résigna son sceptre, changea de religion, et se retira à
-Rome, pour se livrer sans distraction à ses penchants pour l'étude.
-Par cet acte extraordinaire elle s'attira des éloges universels, et
-fut l'objet de l'admiration générale; car c'est une opinion vulgaire
-et une erreur commune de penser qu'il n'y a rien de plus grand que le
-mépris des honneurs, des richesses, et de la puissance: le véritable
-héroïsme consiste à soutenir avec force le fardeau d'un rang éminent
-quand la destinée nous l'a imposé, et non pas à la répudier. Quiconque
-eut son berceau placé sur un trône ne doit quitter ce trône que pour
-un tombeau. En descendre, c'est se dégrader; se démettre de ses
-devoirs n'est pas s'en affranchir, mais les méconnaître. L'histoire
-nous démontre, par tous ceux qui ont donné de tels exemples au monde,
-que les souverains qui veulent entrer dans la vie privée ne trouvent
-ni en eux-mêmes ni dans les autres les moyens de s'y faire admettre,
-et qu'en cherchant à éviter les soucis des grandeurs, ils ne peuvent
-se procurer les avantages des humbles conditions. On sait ce qu'ils
-ne sont plus, on ignore ce qu'ils sont, et on ne sait pas bien ce
-qu'ils veulent être. Dépossédés des avantages de la puissance, ils ne
-peuvent acquérir les douceurs de la liberté; les soupçons ombrageux de
-la politique poursuivent également le monarque qui est descendu du
-trône de plein gré et celui qui en a été précipité malgré lui: car en
-tous deux résident des droits indélébiles, que la force ou la volonté
-n'ont pu anéantir, et que la force ou la volonté peuvent faire
-renaître; tous deux éprouvent la même contrainte dans leurs actions et
-dans leurs paroles; ils sont hors des lois communes, et sont mal
-protégés par elles. Aussi les actes pareils à ceux de la reine
-Christine ont-ils été toujours suivis d'un long repentir: elle-même,
-malgré sa philosophie, ne put échapper à l'ordinaire destinée de ceux
-qui ont cessé de porter la couronne[139].
-
-Les dames françaises dont Christine goûta le plus l'esprit et les
-manières furent Ninon[140], les comtesses de Brégy et de la Suze[141],
-et la marquise de Sévigné. Notre jeune veuve avait fait sur cette
-reine une impression dont elle garda le souvenir; car lorsqu'elle fut
-de retour à Rome, elle en fit l'éloge dans une lettre qu'elle écrivit
-à un de ses correspondants de France[142].
-
-C'est en effet avec la France que Christine entretenait la plus grande
-partie de ses relations littéraires[143]. Aucun autre pays n'offrait
-alors autant d'hommes remarquables et de génies supérieurs. Descartes
-et Corneille s'étaient, chacun dans leur genre, élevés à une hauteur à
-laquelle aucun de leurs contemporains en Europe ne pouvait prétendre.
-Les guerres qui avaient lieu n'étaient pas de celles où le sort des
-combats dépend uniquement de l'art de réunir à temps des masses
-énormes et nombreuses pour les précipiter les unes sur les autres, et
-où, après un immense carnage, celui qui pouvait faire donner la
-dernière réserve était certain de rester maître du champ de bataille.
-Les armées étaient peu nombreuses; elles pouvaient se mouvoir
-facilement: tout dépendait de l'habileté des chefs et de la valeur des
-troupes; et les nobles, qui s'y trouvaient en grand nombre et en
-formaient l'élite, leur donnaient l'exemple, et s'exposaient les
-premiers au péril. C'était pour la France un grand malheur, mais aussi
-un grand honneur, que les armées qui combattaient contre elle, comme
-celles qui combattaient pour elle, fussent commandées par des
-Français, et que ces Français eussent acquis la réputation d'être les
-plus grands capitaines de leur temps. L'Europe entière était attentive
-à cette lutte que la suite des événements avait établie entre Condé
-et Turenne, et où tous deux déployaient un génie qui accroissait
-encore leur grande renommée et excitait l'admiration des plus
-illustres guerriers.
-
-Ce spectacle n'était pas le seul qui fût digne de fixer alors
-l'attention des étrangers sur la France; elle en offrait un autre, que
-Christine était bien capable d'apprécier. Un mouvement nouveau et
-extraordinaire se faisait remarquer dans les esprits. L'exemple donné
-par l'hôtel de Rambouillet fructifiait; l'instruction se répandait, et
-devenait en honneur parmi ces nobles qui faisaient autrefois gloire de
-leur ignorance. Le spirituel Saint-Évremond a raconté avec sa grâce
-accoutumée une conversation dont il fut témoin, qui peint à merveille
-l'état de la cour, et le contraste qu'offraient à cette époque les
-jeunes seigneurs à la mode, et ceux qui, plus âgés, étaient restés
-partisans des anciennes mœurs et des anciennes habitudes.
-
-La présence de la reine Christine en France fut l'occasion de ce
-dialogue, dont les principaux interlocuteurs étaient Guillaume Bautru,
-comte de Serrant, connu par ses bons mots et son savoir, et d'autant
-plus grand partisan de la reine Christine qu'il en avait été fort
-goûté; le commandeur de Jars, de la maison de Rochechouart, bon
-guerrier, homme de grand sens, mais qui se vantait de ne rien devoir
-aux lettres ni aux sciences, et qui faisait gloire de mépriser ce
-qu'il appelait leur jargon[144]; de Lavardin, évêque du Mans, fort
-décrié par ses mœurs, recherché pour les délices de sa table, beau
-parleur, l'ornement des cercles des précieuses, qui admiraient
-son langage fleuri, correct, mais diffus[145]. D'Olonne et
-Saint-Évremond, tous deux présents, se contentèrent d'écouter, et ne
-prirent point de part à cet entretien. Mais comme avant qu'il ne fût
-terminé le comte d'Olonne quitta le salon, Saint-Évremond crut devoir
-lui envoyer dans une lettre le récit suivant, dont nous allons
-emprunter la substance.
-
-Bautru entama un éloge pompeux de la reine Christine, qui, disait-il,
-parlait huit langues, et ne s'était montrée étrangère à aucun genre de
-connaissances. Tout à coup le commandeur de Jars se leva, et ôtant son
-chapeau d'un air tout particulier: «Messieurs, dit-il, si la reine de
-Suède n'avait su que les coutumes de son pays, elle y serait encore:
-pour avoir appris notre langue et nos manières, pour s'être mise en
-état de réussir huit jours en France, elle a perdu son royaume. Voilà
-ce qu'ont produit sa science et ses lumières, que vous nous vantez.»
-Alors Bautru de perdre patience, de s'étonner qu'on puisse être si
-ignorant; puis de citer Charles-Quint, Dioclétien, Sylla, et tous ceux
-qui se sont montrés admirables en se démettant du souverain pouvoir;
-puis enfin de mettre en avant Alexandre, César, M. le prince de Condé,
-M. de Turenne, et tous les grands capitaines qui ont estimé les
-lettres et les ont cultivées..... Bautru aurait continué longtemps, si
-le commandeur, impatienté, ne l'eût interrompu avec tant
-d'impétuosité, qu'il fut contraint de se taire. «Vous nous en contez
-bien, dit-il, avec votre César et votre Alexandre. Je ne sais s'ils
-étaient savants ou non savants: il ne m'importe guère; mais je sais
-que de mon temps on ne faisait étudier les gentils-hommes que pour
-être d'Église; encore se contentaient-ils le plus souvent du latin du
-bréviaire. Ceux que l'on destinait à la cour ou à l'armée allaient
-honnêtement à l'académie; ils apprenaient à monter à cheval, à danser,
-à faire des armes, à jouer du luth, à voltiger, un peu de
-mathématique, et c'était tout. Vous aviez en France mille beaux gens
-d'armes, galants hommes. C'est ainsi que se formaient les de
-Thermes[146] et les Bellegarde[147]. Du latin! de mon temps du latin!
-un gentil-homme en eût été déshonoré. Je connais les grandes qualités
-de M. le Prince, et suis son serviteur; mais je vous dirai que le
-dernier connétable de Montmorency a su maintenir son crédit dans les
-provinces et sa considération à la cour sans savoir lire. Peu de
-latin, vous dis-je, et de bons Français!»
-
-Bautru, retenu par la goutte sur son fauteuil, ne pouvait se contenir;
-il faisait des efforts pour se lever, et allait répliquer, quand le
-prélat, charmé de trouver une si belle occasion de faire briller son
-savoir et sa belle élocution, étendit les bras entre les deux
-interlocuteurs, trois fois toussa avec méthode, trois fois sourit
-agréablement à l'apologiste de l'ignorance; puis, lorsqu'il crut avoir
-suffisamment composé sa physionomie, il dit qu'il allait concilier les
-deux opinions; et il prononça un discours gonflé de fleurs de
-rhétorique, chamarré de comparaisons subtiles, embarrassé de
-distinctions frivoles, obscurci par d'inutiles définitions; ne
-cessant, pendant qu'il parlait, d'accompagner sa voix de gestes
-méthodiques, marquant du doigt indicateur le commencement, le milieu
-et la fin de chacune de ses longues périodes. Le commandeur ne put y
-tenir. «Il faut finir la conversation, reprit-il brusquement; j'aime
-encore mieux sa science et son latin que le grand discours que vous
-faites.» Bautru, de son côté, avoua qu'il préférait l'agréable
-ignorance du commandeur aux paroles magnifiques du prélat.
-
-Ainsi finit cet entretien. L'évêque se retira en montrant une grande
-satisfaction de lui-même, et en paraissant avoir pitié de ces deux
-gentils-hommes, si peu en état d'apprécier la véritable éloquence et
-les savants artifices de l'argumentation, l'un parce qu'il n'avait
-aucune étude, l'autre à cause de la fausse direction des siennes[148].
-
-Le parti de ceux qui prônaient la doctrine du commandeur de Jars était
-partout le plus faible; le goût de l'instruction était général dans
-les hautes classes de la société; l'ascendant des femmes et leur
-influence sur le bon ton, le savoir-vivre et la politesse des
-manières, s'accroissaient encore par les inclinations naissantes du
-jeune monarque, par les ballets, les réunions, les divertissements,
-devenus de plus en plus fréquents. Plusieurs cercles s'étaient établis
-à l'imitation de celui de l'hôtel de Rambouillet; et quelques-uns
-offraient dans l'exagération de leur modèle des côtés ridicules, qui
-furent aussitôt saisis par les bons esprits, et que Saint-Évremond fit
-ressortir dans une satire intitulée _le Cercle_[149]. Cette pièce,
-faiblement versifiée, offre des tableaux moins comiques, mais
-peut-être plus exacts, que ceux de la comédie de Molière sur les
-précieuses, qui ne fut écrite que trois ans après.
-
-Saint-Évremond, dans sa satire, nous présente d'abord le portrait d'un
-habitué
-
- De certaine ruelle
- Où la laide se rend aussi bien que la belle,
- Où tout âge, où tout sexe, où la ville et la cour
- Viennent prendre séance en l'école d'amour.
-
-D'abord il peint la prude
-
- qui partage son âme
- Entre les feux humains et la divine flamme;
-
-la coquette surannée, et la jeune coquette, qui n'a que la vanité en
-tête,
-
- Contente de l'éclat que fait la renommée;
-
-et la coquette solide, qui,
-
- opposée à tous ces vains dehors,
- Se veut instruire à fond des intérêts du corps.
-
-Puis
-
- L'intrigueuse vient là, par un esprit d'affaire;
- Écoute avec dessein, propose avec mystère;
- Et, tandis qu'on s'amuse à discourir d'amour,
- Ramasse quelque chose à porter à la cour.
-
-Mais le portrait de la vraie précieuse, de la précieuse sentimentale,
-platonique, de la précieuse subtile et doctrinaire, est celui qui est
-tracé avec le plus de bonheur et de vérité:
-
- Dans un lieu plus secret, on tient la précieuse
- Occupée aux leçons de morale amoureuse.
- Là se font distinguer les fiertés des rigueurs,
- Les dédains des mépris, les tourments des langueurs.
- On y sait démêler la crainte et les alarmes;
- Discerner les attraits, les appas, et les charmes:
- On y parle du temps que forme le désir
- (Mouvement incertain de peine et de plaisir).
- Des premiers maux d'amour on connaît la naissance;
- On a de leurs progrès une entière science;
- Et toujours on ajuste à l'ordre des douleurs
- Et le temps de la plainte et la saison des pleurs.
-
-On sait que la reine Christine ayant demandé qu'on lui donnât une
-définition des précieuses, Ninon lui répondit que «c'étaient les
-jansénistes de l'amour».
-
-Les jansénistes faisaient alors encore plus de bruit dans le monde que
-les précieuses; mais s'ils condamnaient les faiblesses en religion
-comme les précieuses en amour, ils ne réduisaient pas le culte au
-sentiment, ils mettaient en pratique ses préceptes. Le nombre des
-solitaires de Port-Royal s'était accru: cependant il n'allait pas au
-delà de vingt-sept; mais ces vingt-sept personnes, par leur conviction
-profonde, par leur zèle ardent, leurs vertus, leur abnégation pour le
-monde, leur savoir, leur indépendance, le génie supérieur de
-quelques-uns d'entre eux, leurs amis et leurs nombreux sectateurs,
-partout répandus, formaient une association qui luttait avec l'ordre
-puissant des jésuites, avec les abus de la cour de Rome, et la molle
-complaisance des ecclésiastiques envers les puissants.
-
-La publication du livre d'Arnauld sur la _fréquente communion_ avait
-réveillé la haine des jésuites contre la secte qui s'était attachée à
-l'_Augustinus_ de Jansénius, contenant, selon eux, la véritable
-exposition de la foi catholique. A l'occasion de ce livre de
-Jansenius, on fit rédiger cinq propositions, qu'on prétendit être le
-résumé de sa doctrine, et on les déféra au pape, qui les condamna. Les
-jansénistes souscrivirent à cette condamnation des cinq propositions,
-mais ils soutinrent qu'elles n'étaient point dans Jansenius. Une
-assemblée d'évêques, suscitée par Mazarin et les jésuites, sur le
-rapport des commissaires qu'elle avait nommés, décida que les cinq
-propositions étaient dans Jansenius. Le livre d'Arnauld sur la
-fréquente communion fut en même temps déféré à la Sorbonne, où les
-docteurs se divisèrent. La dispute s'échauffa: soixante-dix docteurs
-furent expulsés. Le livre d'Arnauld fut censuré. Une nouvelle bulle du
-pape reconnut que les propositions étaient dans Jansenius: on rédigea
-un acte ou formulaire, que tous les prêtres, les religieux et les
-religieuses devaient souscrire, en signe de leur orthodoxie et de leur
-entière union avec le saint-siége. On avait à combattre une opinion
-évidemment contraire aux dogmes de l'Église comme à une saine
-philosophie; une opinion qui introduisait dans la religion la doctrine
-du fatalisme, et enlevait à l'homme son libre arbitre. Au lieu de
-recourir aux moyens de douceur et de persuasion, les seuls permis aux
-défenseurs de la foi, on employa la rigueur et la persécution; et en
-intéressant ainsi toutes les âmes généreuses au sort de ceux que
-l'erreur avait égarée, on fit son succès, on contribua à la propager.
-
-Les jansénistes voulaient à la fois résister aux décisions du pape et
-se considérer comme des fidèles qui lui étaient soumis comme au chef
-de l'Église: c'est alors que, pour justifier leur résistance et
-tranquilliser leurs consciences, ils imaginèrent la subtile
-distinction du fait et du droit. Ils reconnaissaient que pour être
-sauvé on devait une soumission entière, une foi divine au pape et à
-l'Église, dans tout ce qui concernait le dogme, parce que le pape et
-l'Église avaient dans ces matières une autorité divine; mais que quand
-il s'agissait d'un fait, le pape et l'Église ne pouvaient réclamer des
-fidèles qu'une foi humaine, c'est-à-dire que chacun était libre de
-décider selon sa conscience. On devait donc condamner les cinq
-propositions, d'après la décision du pape; mais on n'était pas forcé
-de croire d'après la seule assertion du pape et des évêques, que ces
-cinq propositions fussent dans Jansenius.
-
-Il y a trois principes de nos connaissances, de nos convictions: les
-sens, la raison, et la foi. Tout ce qui est surnaturel et touche à la
-révélation se juge par l'Écriture et les décisions de l'Église, et est
-du ressort de la foi; tout ce qui est naturel, et n'est pas relatif à
-la révélation, se décide par la raison naturelle. Quant aux faits, on
-n'est tenu qu'à en croire ses sens. Les propositions qui ne reposent
-que sur des faits, c'est aux sens seuls qu'il appartient d'en
-connaître. Dieu n'a pas voulu que jamais la foi pût anéantir la
-conviction qui résulte du témoignage des sens, ni que cette conviction
-pût être soumise en nous à aucune autorité; car c'eût été vouloir
-l'impossible, et anéantir notre propre nature. Les décisions du pape
-et de l'Église ne peuvent donc enchaîner la conscience en ce qui
-concerne les faits non révélés.
-
-Ainsi raisonnaient les jansénistes; et comme ils soutenaient que les
-propositions condamnées n'étaient pas dans Jansenius, ils refusaient
-de se soumettre à la bulle du pape qui déclarait qu'elles y étaient;
-ils prétendaient que le pape avait été surpris et trompé. Toute cette
-contestation reposait sur une subtilité qui semble presque puérile. Il
-était bien constant qu'on ne pouvait trouver textuellement les cinq
-propositions dans le livre de l'évêque d'Ypres; mais, selon les juges
-les plus impartiaux sur ces matières, ces cinq propositions
-résultaient des doctrines exposées dans ce livre, et en étaient la
-substance. Il fallait bien cependant que les jansénistes ne pensassent
-point ainsi, puisqu'ils donnaient leur consentement à la bulle qui les
-condamnait.
-
-Quoi qu'il en soit, le refus de reconnaître que ces cinq propositions
-fussent dans le livre de Jansenius devint le prétexte d'une
-persécution contre les vingt-sept solitaires de Port-Royal. On les
-expulsa de leur champêtre asile, et on les força de se disperser.
-Seulement Arnault d'Andilly, qui avait rendu de grands services à
-l'État dans les hauts emplois de la diplomatie, dont l'attachement au
-gouvernement était connu, qui inspirait la plus entière confiance à la
-reine et à Mazarin, et était aimé d'eux, obtint qu'aucune violence ne
-serait exercée contre les paisibles habitants de la vallée. On se
-contenta de leur intimer les ordres du roi; et la promesse qu'Arnauld
-avait faite en leur nom, qu'ils y obéiraient sur-le-champ, fut
-exécutée. «Je ne dirai point à votre éminence, écrivait Arnauld au
-cardinal, que j'obéirai; mais je lui dirai que j'ai commencé à obéir
-en quittant la sainte maison où Dieu, par sa miséricorde, m'a donné le
-dessein de finir mes jours; et je continuerai d'obéir en allant demain
-à Pomponne, que je ne regarde plus comme ma maison, quoique je l'aie
-fort aimée, mais comme le lieu de mon exil, et d'un exil si
-douloureux, que rien ne m'y peut faire vivre que ma confiance en la
-bonté dont la reine et votre éminence m'honorent. Ainsi mon prompt
-retour dans mon heureuse retraite n'étant pas une simple grâce que je
-demande à votre éminence, mais une grâce qui m'importe de tout, je la
-supplie de considérer les jours de mon bannissement comme elle ferait
-les années pour d'autres[150].»
-
-C'est dans ces circonstances, c'est lorsque la violation de tous les
-droits, des actes d'une tyrannie arbitraire, avaient rendu les
-jansénistes l'objet de l'intérêt général, que parurent les lettres
-intitulées _les Provinciales_[151]: la première est datée du 23
-janvier 1656, et la dernière du 24 mars 1657.
-
-Jamais pamphlets ne produisirent un effet plus puissant; jamais une
-cause ne fut défendue avec plus de talent; jamais une attaque ne fut
-dirigée avec une si terrible énergie, ni combinée et graduée avec un
-art plus subtil. Pour concevoir le succès que durent avoir ces écrits,
-qui paraissaient de mois en mois, il faut se rappeler ce que nous
-avons déjà dit, qu'à cette époque, où l'on remarquait tant d'ardeur
-pour le plaisir, tant d'intrigues immorales, tant d'aventures
-scandaleuses, le sentiment religieux était fortement empreint dans les
-esprits: ceux qui étaient le plus plongés dans les délices du monde
-les interrompaient souvent pour satisfaire ce besoin de l'âme; et même
-quelquefois ils les quittaient pour toujours, afin de s'occuper
-uniquement de Dieu et de leur salut. Leurs compagnons de plaisirs
-admiraient et enviaient leurs résolutions; et, dans le vide et l'ennui
-que laissent toujours après elles les passions satisfaites, ils
-regrettaient fréquemment de n'avoir pas le courage de les imiter.
-
-Avec une telle disposition des esprits, comment pouvait-on ne pas être
-charmé d'un écrivain qui donnait aux raisonnements les mieux
-enchaînés, aux discussions les plus savantes, la forme d'un dialogue
-animé, la gaieté d'une scène comique, le sel mordant d'une satire
-enjouée, l'autorité d'une doctrine irréfragable, l'entraînement de la
-plus sublime éloquence? L'intérêt qu'inspiraient de tels écrits
-s'augmentait encore quand on savait qu'ils étaient composés pour
-venger des solitaires vertueux et inoffensifs, de saintes et faibles
-religieuses, des hommes admirés de l'Europe entière par le noble usage
-qu'ils faisaient de leur génie et de leurs loisirs, des femmes d'un
-mérite supérieur, gloire et modèle de leur sexe; quand on songeait
-qu'ils étaient opprimés au nom de la religion par un ministre qui,
-après avoir enlevé à tous la liberté politique avec une armée de
-soldats, voulait avec une armée de religieux ravir aussi à tous la
-liberté de conscience, et anéantir toute discussion sur les intérêts
-spirituels, comme il l'avait déjà fait sur les intérêts temporels.
-
-Qu'on ne s'étonne pas qu'un livre composé pour une lutte qui n'existe
-plus, et pour un temps si différent du nôtre, ait survécu à l'époque
-qui le vit naître, aux motifs qui le firent écrire, et qu'il captive
-encore tellement notre attention, qu'on ne peut en quitter la lecture,
-lorsqu'une fois on l'a commencée. Ceux-là même qui l'ont le plus loué
-n'y ont vu qu'un livre de controverse religieuse, qu'un ouvrage de
-circonstance, et n'ont pas su apercevoir, sous la forme spéciale et
-théologique qui la déguise, toute la grandeur des questions qui y sont
-traitées. Les vérités qu'on y agite ne sont ni fugitives ni
-périssables; ce sont celles qui intéressent le plus l'homme sociable
-et l'homme religieux. Le système des opinions probables et de la
-direction d'intention, qu'est-ce autre chose que la vieille dispute
-des stoïciens et des sceptiques? Quel est celui qui ne fait pas un
-retour plein d'effroi sur lui-même, alors que l'auteur des
-Provinciales prouve, avec une évidence qui s'accroît à chaque page,
-que les principes de la morale ne peuvent se modifier ni se laisser
-fléchir; et que si par la faiblesse de notre nature on est amené à se
-permettre la moindre déviation, le premier pas nous conduit, par une
-route de plus en plus divergente, jusque dans l'abîme du crime et de
-la folie? Ne sentons-nous pas que nos passions, nos vices et notre
-égoïsme sont des casuistes toujours prêts à égarer notre conscience,
-et l'obligent à des capitulations qui tendent à altérer sa pureté, et
-même à la pervertir entièrement? Ces disputes, qui paraissent toutes
-théologiques, sur la grâce suffisante et insuffisante, diffèrent-elles
-en rien des doutes et des croyances sur l'absence ou l'existence de
-l'intervention céleste dans les choses terrestres, et sur la liberté
-de l'homme dans ses rapports avec Dieu? A quelle époque et chez quel
-peuple civilisé les philosophes ont-ils cessé de se partager sur ces
-questions, ou se sont-ils abstenus de les discuter? En est-il en effet
-de plus hautes? en est-il qui intéressent plus l'homme en général? En
-est-il qui embrassent d'une manière plus complète toute sa destinée
-dans sa vie présente et mortelle et dans son immortel avenir?
-
-Le voile dont se couvrait l'auteur de ces lettres, et qui fut quelque
-temps avant de pouvoir être soulevé, contribua encore à leur
-réputation. Quand on sut quel était le nom célèbre que cachait le nom
-obscur de Montalte, et que Blaise Pascal, connu par ses sublimes
-découvertes en physique et en mathématiques, était celui que l'on
-cherchait, la surprise se mêla à l'admiration. Tout le monde voulut
-lire ces écrits théologiques du jeune et savant géomètre. Madame de
-Sévigné, qui avait parmi les solitaires de Port-Royal des amis
-dévoués, lut donc aussi les _Petites Lettres_ (c'est ainsi qu'on les
-appelait alors); elle les lut avec l'intérêt puissant qu'excitaient
-en elle le sujet et les personnages; elle se pénétra des doctrines
-qu'elles contenaient. Nous nous en apercevons souvent en lisant ce
-qu'elle a écrit, et par cette raison nous avons dû signaler l'époque
-de leur apparition comme une circonstance essentielle dans sa vie.
-
-L'effet des _Provinciales_ ne se borna pas à exciter une stérile
-admiration. L'opinion publique fut tellement émue par elles, elles
-excitèrent une telle clameur, qu'elles forcèrent en quelque sorte
-l'autorité à permettre que les solitaires de Port-Royal reprissent
-possession de leur vallée chérie, et rouvrissent leur savante école:
-le gouvernement permit encore aux saintes vierges du couvent de les
-encourager par leurs prières, tandis qu'eux-mêmes les instruisaient
-par leurs discours et les édifiaient par leurs exemples[152].
-
- [126] LORET, _lettre_ du 22 avril 1656, liv. VII, p. 62.--BUSSY,
- dans _Lettres_ de SÉVIGNÉ, t. I, p. 48 et 51, lettres du 2 et 9
- juillet 1656, éd. M.
-
- [127] LORET, liv. VII, p. 1 et 2, _lettre_ en date du 1er janvier
- 1656, p. 14, 15, 19, 29; _lettres_ en date des 22 et 29 janvier,
- 19 février 1656.--MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 1 et 2.--BENSERADE,
- _OEuvres_, t. II, p. 142 à 172.--LORET, liv. VII, p. 23, 61,
- _lettres_ en date des 2 février et 2 avril 1656.
-
- [128] LORET, t. VII, p. 35, _lettre_ en date du 26 janvier 1656;
- _lettres_ en date des 27 mai et 19 août 1656, p. 191; _lettre_ en
- date du 2 décembre 1656, p. 50, 53, 54; _lettres_ en date des 25
- mars et 1er avril.--MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 371.
-
- [129] Frères PARFAICT, _Hist. du Théâtre François_, t. VII, p.
- 178 à 182.--LORET, liv. VII, p. 198, du 16 décembre 1656.--Ibid.,
- p. 176, apostille de la _lettre_ en date du 5 novembre 1656.
-
- [130] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 48, 51.--LORET, liv. VII,
- p. 3; _lettre_ en date du 1er janvier 1656.--SÉVIGNÉ, _lettre_ de
- madame de Coulanges du 24 juin. 1695.--LORET, liv. VII, p. 78, en
- date du 20 mars 1656, et p. 29, 30, 35, 36, 103; _lettres_ en
- date des 19 février, 18 avril, 24 juin et 1er juillet
- 1656.--SÉVIGNÉ, _lettre_ en date du 15 mai 1671, t. II, p. 72,
- édit. de G. de St.-G., et 2 novembre 1673, t. III, p.
- 203.--LORET, liv. VII, p. 104, _lettre_ en date du 1er juillet
- 1656.
-
- [131] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 65 et 72 de l'in-12.--Ibid., t.
- II, p. 78 et 87 de l'in-4º.--SÉVIGNÉ, _Lettres_, édit. Monm., t.
- I, p. 48 et 51; t. I, p. 59 et 82, édit. de G. de St.-G. (9 et 20
- juillet 1656).
-
- [132] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 50, note _b_, édit. M. (9
- juillet 1656).
-
- [133] DESORMEAUX, _Histoire du grand Condé_, t. IV, p. 79, 86,
- 93.--MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 7.--GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p.
- 303.--MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. 392.--RAGUENET, _Hist. de
- Turenne_, édit. de 1769, p. 264.--BUSSY-RABUTIN, _Mém._, t. II,
- p. 72, 80, 82, édit. in-12; _Discours de_ BUSSY _à ses Enfants_,
- p. 282, 302.
-
- [134] LORET, liv. VII, p. 84, _lettre_ en date du 27 mai 1656.
-
- [135] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 10.
-
- [136] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 84 et 86.--LORET, liv. VII, p.
- 181, _lettre_ en date du 18 novembre 1656.
-
- [137] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 1.
-
- [138] LORET, liv. VII, p. 22, _lettre_ en date du 5 février.
-
- [139] LORET, liv. VII, p. 41, 46, _lettres_ en date des 18 mai et
- 9 septembre 1656; p. 50, 119, 126, _lettre_ en date du 12 août,
- et p. 143, 144, 150, 155, 178; liv. VIII, p. 180, 181, 183,
- _lettres_ en date des 17 et 24 novembre 1657; liv. IX, p. 34, 42,
- 43, des 2 et 16 mars 1658.--MONGLAT, t. LI, p. 12.--MOTTEVILLE,
- t. XXXIX, p. 376, 384, 390 et 392.--MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII,
- p. 54, 55, 58, 73.--Ibid., t. XLII, p. 266 à 268.--BUSSY-RABUTIN,
- _Hist. am. des Gaules_, t. I, p. 180 à 190, édit.
- 1754.--CATTEAU-CATTEVILLE, _Hist. de Christine_, 1815, in-8º, t.
- II, p. 34, 37, 43, 48, 60, 61, 62.--Ibid., t. I, p. 29;
- _Ménagiana_, t. II, p. 257.
-
- [140] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. 392.
-
- [141] CATTEAU-CATTEVILLE, _Hist. de Christine_, t. II, p. 61.
-
- [142] _Lettres de_ COSTAR, seconde partie, 1659, in-4º, _lettre_
- 199, p. 419.--MENAGII _Poemata_, 1656, in-8º, p. 76.--_Lezione
- d_'EGEDIO MENAGIO _sopra in sonetto VII di messer Francesco
- Petrarca_, p. 62, 68 et 74, dans _Historia Mulierum
- Philosophorum_; Lugduni, 1690, in-12.
-
- [143] _Ménagiana_, t. I, p. 220, t. IV, p. 24.
-
- [144] SAINT-ÉVREMOND, _OEuvres_, édit. 1753, t. II, p. 79 à 83.
-
- [145] DES MAIZEAUX, _Vie de Saint-Évremond_, dans les _OEuvres_,
- t. I, p. 78, 83.
-
- [146] Paul de la Barthe, maréchal de Thermes.
-
- [147] Le duc de Bellegarde, grand écuyer.
-
- [148] SAINT-ÉVREMOND, t. II, p. 83.
-
- [149] Ibid., p. 83, 85.
-
- [150] ARNAULD d'ANDILLY, _Mémoires_, t. XXXIV, p. 89, 94.
-
- [151] _Les Provinciales, ou les Lettres écrites par Louis de
- Montalte à un provincial de ses amis et aux RR. PP. jésuites, sur
- le sujet de la morale et de la politique des saints Pères_;
- Cologne, 1657, in-18, Elzeviers, p. 1 et 369.
-
- [152] PETITOT, _Notice sur Port-Royal_, dans la _Collection des
- Mémoires sur l'Hist. de France_, t. XXXIII, p. 137.
-
-
-
-
-CHAPITRE VIII.
-
-1657-1658.
-
- Soins que madame de Sévigné donne à l'éducation de ses deux
- enfants.--Leur amitié prouve qu'ils ont été élevés
- ensemble.--Services rendus par les jésuites à l'éducation
- publique.--Révolution dans la philosophie, produite par
- Descartes. Elle donne l'impulsion aux écrivains de
- Port-Royal.--Bossuet paraît.--Sa doctrine, fondée sur les saintes
- Écritures, ne s'appuie ni sur Jansenius ni sur les
- jésuites.--Madame de Sévigné fait l'éducation de ses enfants sous
- l'influence de ces divers systèmes.--Elle les résume tous en
- elle.--Sa fille s'instruit dans la philosophie de Descartes, et
- est moins religieuse que sa mère.--Son fils est conduit par
- l'influence du jansénisme aux pratiques de la plus haute
- dévotion.--La vie de l'une comme celle de l'autre prouvent
- combien leur éducation fut soignée.--Caractère de madame de
- Grignan.--Caractère du marquis de Sévigné.--Différence d'opinion
- entre la mère, la fille, et le fils, en matière de
- littérature.--De l'abbé Arnauld, et de l'origine de sa liaison
- avec madame de Sévigné.--Ce qu'il dit d'elle lorsqu'il la
- rencontra pour la première fois avec ses enfants.
-
-
-Les deux enfants de madame de Sévigné étaient tous deux parvenus à cet
-âge qui tient le milieu entre l'enfance et l'adolescence, et que les
-anciens exprimaient par un mot qui manque à notre langue. Les soins
-qu'elle donnait à leur éducation devenaient de jour en jour plus
-importants et plus nécessaires; et sans doute une partie du temps
-qu'elle était habituée à sacrifier aux amusements du monde fut
-consacrée aux deux êtres qui lui étaient les plus chers, et vers
-lesquels se dirigeaient ses principales pensées.
-
-Ce n'était pas à cause de ce titre d'excellente mère qu'elle s'était
-attiré les prévenances et les assiduités d'un si grand nombre de ses
-contemporains et qu'elle était recherchée par les femmes les plus
-aimables de son temps; les intérêts de la société, dont elle faisait
-le charme, se trouvaient, au contraire, en opposition avec ses devoirs
-maternels. Aussi les mémoires et les correspondances de ces temps ne
-nous donnent aucun détail sur la manière dont madame de Sévigné
-dirigea l'éducation de ses enfants. Mais l'amitié vive et sincère qui
-s'établit entre le frère et la sœur semble démontrer qu'ils ont été
-élevés ensemble et sous les yeux de leur mère.
-
-On a souvent discuté les avantages et les désavantages de l'éducation
-publique et de l'éducation particulière, et cherché à déterminer
-quelle est celle des deux qui doit obtenir la préférence sur l'autre.
-Montaigne et Pascal n'eurent point d'autres précepteurs que leurs
-pères; et nous savons que ceux-ci firent de l'éducation de leurs
-enfants l'œuvre principale de leur vie. Cependant ces exemples et
-plusieurs autres semblables ne décident point cette question, qui,
-comme beaucoup d'autres, n'est pas susceptible d'une solution absolue.
-Il en est des divers modes d'éducation comme des différentes formes de
-gouvernement, dont les perfections et les vices dépendent de ceux qui
-les dirigent. A l'époque dont nous parlons il régnait une grande
-émulation pour le perfectionnement de l'éducation publique.
-L'université de Paris, après avoir rendu d'immenses services pour la
-renaissance des lettres en Europe, était, comme toutes les
-corporations privilégiées ou sans rivales, restée stationnaire au
-milieu du mouvement progressif de la société et des esprits.
-Retranchée derrière ses vieux usages et ses antiques préjugés, elle
-serait devenue tout à fait impropre à remplir les fins de sa
-création, si les jésuites, en élevant partout des colléges qui ne
-ressortissaient pas à sa juridiction, et en admettant dans leur plan
-d'éducation tout ce que les mœurs et les progrès de la société
-rendaient nécessaire, n'avaient pas produit une heureuse émulation, et
-forcé l'université, au commencement du dix-septième siècle, à
-introduire quelques innovations dans ses statuts. Ces innovations
-furent en petit nombre et insuffisantes; cependant l'université ne put
-se décider à les faire sans jeter de hauts cris contre ceux qui l'y
-contraignaient, et sans demander aux parlements que les écoles de
-ceux-ci fussent fermées. A la suite de ces nouveaux statuts, imprimés
-en 1601, elle compare l'ordre des jésuites à une nouvelle Carthage qui
-était venue établir son camp sur le territoire de Rome elle-même, et à
-un astre contagieux qui produit la flétrissure et la décadence des
-études à Paris et dans toutes les académies du royaume[153]. Mais,
-heureusement pour les progrès de l'enseignement en France et pour
-l'université elle-même, ses plaintes ne furent point écoutées. Les
-jésuites, protégés par le pape et les souverains, enlevèrent à
-l'université son monopole, et la forcèrent à faire de nouvelles
-altérations dans le plan des études, sous peine de voir déserter ses
-bancs.
-
-Cette révolution dans l'instruction n'était que le prélude d'une plus
-grande. La philosophie d'Aristote était alors exclusivement enseignée
-par l'université comme par les jésuites; et l'admiration pour le génie
-de cet ancien philosophe était telle, que ses axiomes de physique et
-de métaphysique semblaient être les dernières limites de la raison et
-celles dans lesquelles elle devait se renfermer. On les regardait
-comme des principes aussi incontestables, aussi hors de toute
-discussion que les articles de foi, que la religion nous ordonne de
-croire. Les nier eût été une sorte de sacrilége ou une preuve de la
-plus grossière ignorance.
-
-Un génie puissant, élevé chez les jésuites, venait, à l'époque dont
-nous nous occupons, de briser les entraves dans lesquelles la routine
-avait si longtemps enchaîné l'esprit humain, et de mettre en crédit
-une nouvelle philosophie: c'était Descartes. Toutes les intelligences
-vigoureuses s'empressèrent de se mettre à la suite de ce hardi
-novateur, de s'enrôler sous les drapeaux de ce nouveau chef, qui les
-appelait à une entière liberté, et les délivrait des chaînes qui
-jusque alors avaient arrêté leur essor. Les écrivains de Port-Royal
-durent au doute universel de Descartes et à ses écrits, au vaste
-horizon tracé par sa profonde métaphysique, cette méthode lumineuse de
-discussion, cette hauteur de vues, cette déduction sévère dans les
-raisonnements, cette lucidité d'expression, cette énergie de style
-qu'ils portèrent jusque dans les régions, auparavant si obscures, de
-la théologie. Par leur école, mais plus encore par leurs excellents
-livres élémentaires, ils opérèrent dans l'enseignement une réforme
-complète. Ils introduisirent surtout dans toutes les classes éclairées
-le goût des discussions en matière religieuse, et par là ils
-contribuèrent à accroître la ferveur de ceux dont la foi était ferme
-et sincère. Rien n'est plus propre à raffermir une croyance dont les
-semences, implantées dès l'enfance, ont jeté en nous de fortes et
-profondes racines, que les efforts qu'il nous faut faire pour
-repousser une autre croyance, que nous regardons comme fausse, et
-qu'on voudrait nous imposer. Ce qu'il y a de plus mortel pour
-l'esprit comme pour le cœur, c'est l'indifférence. Ce vers de la
-comédie de Gresset,
-
- .... Rien n'est vrai sur rien; qu'importe ce qu'on dit?
-
-est le résumé de la doctrine du type brillant et corrompu d'une
-société usée, qui n'a plus ni principe, ni croyance, ni morale, et où
-tout tend à se dissoudre.
-
-Tandis que Descartes démontrait l'existence de Dieu et l'immortalité
-de l'âme par les seuls secours de la raison; que les jansénistes
-semblaient concentrer tous les principes de la religion et de la
-morale dans leur doctrine sur la grâce; que les jésuites plaçaient
-tout espoir de salut dans une soumission aveugle à l'autorité du pape,
-un jeune homme parut tout à coup, comme un soleil d'été, qui en se
-levant darde aussitôt sur l'horizon la lumière et la chaleur. Survenu
-au milieu de ces opinions opposées, mais qui toutes se proposaient le
-même but, il s'appuya sur ce que chacune d'elles lui offrait de
-conforme aux Écritures et aux décisions de l'Église. Par son génie,
-par sa vaste érudition, par son saint enthousiasme, par sa haute
-éloquence, il se créa un nouvel apostolat, qui ne se fondait ni sur
-une servile obéissance à Rome, ni sur les subtiles doctrines de
-Jansenius, ni sur les concessions jésuitiques. Ce jeune homme, tous
-nos lecteurs l'ont nommé, c'était Bossuet.
-
-Ce fut en 1657 qu'il parut à Paris pour la première fois dans la
-chaire évangélique. Il prêcha le 10 mars à Saint-Thomas d'Aquin, et le
-24 du même mois aux Feuillants, en présence de vingt-deux évêques;
-puis le 27 octobre suivant il prononça le panégyrique de sainte
-Thérèse, en présence de la reine mère et de toute sa cour. Dès ces
-premiers débuts il laissa bien loin derrière lui les Boux, les Camus,
-les Lingende, et les Testu, qui à cette époque n'avaient point de
-rivaux dans la prédication.
-
-Loret, qui l'entendit alors, et qui ne pouvait prévoir la réputation
-que ce jeune docteur, comme il l'appelle, devait acquérir un jour, qui
-ne vécut même point assez pour la connaître, atteste que jamais
-orateur chrétien n'a prêché avec un tel succès; et il résume, avec une
-précision qui certes ne lui est pas ordinaire, tout ce qu'il a dit sur
-l'effet que produisait le nouveau prédicateur:
-
- Il presse, il enflamme, il inspire[154].
-
-Telles étaient les diverses sortes d'influences sous lesquelles se
-trouvait placée madame de Sévigné lorsqu'elle s'occupait de
-l'éducation de ses enfants. Elle était liée particulièrement avec
-madame Duplessis-Guénégaud, une des amies intimes du jeune Bossuet, et
-elle dut le rencontrer fréquemment chez elle[155]. Par l'oncle de son
-mari et par le cardinal de Retz, elle avait toujours eu des
-communications fréquentes avec les plus célèbres solitaires de
-Port-Royal. Les écrits de Descartes sur la philosophie, dont plusieurs
-étaient adressés à des femmes, à la reine Christine ou à la princesse
-Élisabeth, se trouvaient, comme les Lettres provinciales, entre les
-mains de toutes les personnes dont l'éducation était cultivée. Enfin
-les plus savants, les plus illustres dans l'ordre des jésuites étaient
-admis à la cour et dans les maisons des grands; ils se répandaient
-partout dans le monde, et ne pouvaient être évités. Aussi madame de
-Sévigné était liée avec quelques-uns d'entre eux, remarquables par
-leur esprit et leur savoir-vivre.
-
-C'est par de bien justes motifs que nous détaillons ici les influences
-morales et religieuses qui agissaient alors sur la société en France;
-car toutes se sont réalisées sur madame de Sévigné et sur ses enfants.
-Ceux-ci ne subirent que l'effet de quelques-unes; mais pour elle, il
-semble qu'elle conserva des empreintes de toutes. Ses désirs de
-religion étaient tempérés par son goût pour les plaisirs; la sévérité
-de ses principes, modifiée par une imagination éprise des charmes de
-la belle littérature; la roideur et la subtilité des doctrines de son
-jansénisme, rectifiées par un jugement naturellement ennemi de tout ce
-qui l'éloignait du bon sens général et de la raison commune. Elle
-résumait en elle l'élégance galante et polie de l'hôtel de
-Rambouillet, le spiritualisme de Port-Royal, l'indulgence mondaine des
-disciples de Loyola, les vives résolutions d'un Bossuet, et quelque
-chose de la sensibilité pieuse et de l'amour mystique d'une sœur de
-Sainte-Thérèse. Sa fille, avec plus de beauté, eut moins d'esprit
-naturel, un savoir aussi varié et plus étendu, une tête plus forte et
-plus calme. Moins aimable, elle fut moins aimée, moins flattée par ses
-contemporains, qui l'ont jugée avec trop de sévérité, peut-être parce
-que, comme nous, ils la comparaient sans cesse à sa mère. Eh! quelle
-est la femme qui sortirait avec avantage d'une telle comparaison?
-Madame de Grignan avait étudié les œuvres de Descartes et les parties
-les plus abstruses de sa métaphysique; elle croyait avoir saisi
-l'ensemble du système de ce grand homme, et triomphé des difficultés
-qu'il offrait aux intelligences vulgaires. Devenue le disciple de cet
-apôtre du doute, elle se soumettait avec moins d'abandon que sa mère à
-ce que la foi commandait de croire; elle cherchait plus souvent ses
-points d'appui dans la philosophie cartésienne que dans les lumières
-de la révélation. Son frère, né et élevé au milieu des doctrines de
-Port-Royal, y fut toute sa vie fidèle; mais l'heureuse flexibilité du
-caractère de sa mère s'était chez lui convertie en une incurable
-légèreté: incapable d'éprouver aucune impression profonde et durable,
-il effleura tout, même le désordre. La femme qu'il épousa, et dont il
-n'eut point d'enfants, le ploya, dans sa vieillesse, aux habitudes de
-la plus haute dévotion.
-
-L'éducation ne peut tout faire; elle ne donne ni le génie, ni la force
-de réflexion, ni l'énergie de caractère, ni la constance des
-résolutions, ni la sensibilité de cœur. Nous pouvons perfectionner ou
-détériorer la nature, mais nous ne pouvons suppléer à ce qu'elle n'a
-pas, ni lui ôter ce qu'elle possède. Celui qui a eu occasion de
-remarquer combien différemment la même culture et la même instruction
-profite à des esprits différents, est d'avance convaincu de
-l'absurdité du système d'Helvétius, qui soutient que toutes les
-intelligences sont égales, et proclame la toute-puissance de
-l'éducation. Non, il n'est pas vrai que l'influence des objets
-extérieurs soit la seule cause des modifications que nous éprouvons.
-Les impressions reçues produisent des résultats divers, selon le sujet
-qui les reçoit. L'homme n'est point une matière inerte, qu'on puisse
-façonner à volonté. Le principe vital, selon le plus ou moins de
-chaleur du sang, décompose et recompose différemment, dans chaque être
-vivant, les substances qu'il s'assimile; de même il y a en nous une
-âme qui élabore les sensations, les pensées, et qui fonctionne
-différemment dans chaque individu. Dans la multitude innombrable de
-créatures humaines répandues sur la surface de la terre, il n'y en a
-pas deux qui aient des visages semblables, des sens pareils, des
-facultés égales, des volontés identiques, ni les mêmes désirs, ni les
-mêmes passions, ni le même caractère. La lumière, telle qu'elle semble
-émaner du soleil, est pure de toute couleur, toujours semblable,
-toujours la même; mais, selon les corps qui la divisent, la modifient,
-l'absorbent ou la réfléchissent, elle donne le rouge, le bleu, le
-jaune, le vert, le violet, l'orange, le noir, le blanc, toutes les
-teintes, toutes les nuances. Voilà l'image de la même éducation, de la
-même instruction agissant sur les individus qui diffèrent par leur
-tempérament et leur organisation.
-
-Ces mémoires, si nous y donnions une suite, feraient connaître les
-qualités et les défauts du fils et de la fille de madame de Sévigné,
-et la part que l'on doit faire en eux au naturel, au temps, aux
-circonstances. Mais nous pouvons juger dès à présent, par l'ensemble
-de leur vie, combien fut solide et brillante l'éducation que cette
-mère tendre et éclairée sut donner à ses enfants, et combien les
-résultats en furent heureux.
-
-Sa fille, remarquable par son éclatante beauté, devint la femme d'un
-homme deux fois veuf, et beaucoup plus âgé qu'elle. Jamais elle ne fit
-soupçonner sa vertu: forcée par le rang et la place qu'occupait son
-mari, à une représentation continuelle, elle suffit à toutes les
-exigences du grand monde. Contrainte, par le goût de M. de Grignan
-pour le faste et l'ostentation, à des dépenses ruineuses, elle sut,
-par l'ordre et l'économie, trouver des ressources à mesure qu'il les
-épuisait: quand il eut consumé presque tout son bien, elle n'hésita
-pas à s'engager pour lui et à lui sacrifier une partie du sien.
-
-Le fils de madame de Sévigné fut un militaire distingué: il se fit
-remarquer par son intrépidité et son habileté, en Orient, dans la
-petite croisade de la noblesse française contre les Turcs qui
-assiégeaient Candie; en Hollande, dans l'armée du maréchal de
-Luxembourg; au sanglant combat de Senef et à l'attaque meurtrière du
-prince d'Orange. Gai, aimable, prévenant, poli, blond comme sa mère et
-sa sœur, d'une figure agréable, il se fit chérir dans le monde, où il
-était fort répandu; il en adopta aussi les travers et les
-déréglements, mais sans les pousser jusqu'à ce degré qui entache.
-Après avoir brillé parmi les hommes de plaisir, il devint, dans sa
-vieillesse, le modèle des hommes vertueux. Sa piété, douce et
-indulgente, ne fut pas incompatible avec les délassements de l'esprit
-et le commerce des Muses; car sous le rapport de l'instruction les
-deux enfants de madame de Sévigné ne furent pas moins remarquables que
-sous celui des qualités sociales. Sa fille, qui savait un peu de latin
-et parfaitement bien la langue italienne, écrivait dans la sienne avec
-une pureté et un savoir qui a fait conclure de nos jours qu'elle
-devait être pédante: banale accusation, rarement méritée par les
-femmes qui s'élèvent au-dessus de la foule par des études sérieuses et
-profondes, et que renouvellent sans cesse l'ignorance et la frivolité,
-envieuses d'une supériorité qui les choque. Le fils de madame de
-Sévigné aimait les belles-lettres. Boileau et Racine, avec lesquels il
-fut lié, achevèrent de former son goût, qui était plus pur que celui
-de sa mère; mais les principes moins classiques de madame de Sévigné
-en littérature étaient peut-être plus favorables aux élans de
-l'imagination et à l'originalité du style. Le marquis de Sévigné
-avait un talent particulier pour bien lire, surtout les pièces de
-théâtre; ce qu'il dut peut-être à sa liaison intime avec la Champmêlé,
-dont il fut pendant quelque temps amoureux, autant qu'il pouvait
-l'être. Il cultiva toujours la langue latine, et s'y rendit
-très-habile. Vers la fin de ses jours, il eut une discussion avec le
-célèbre Dacier sur le sens d'un passage d'Horace; et sa dissertation,
-qui fut imprimée, lui attira l'approbation des érudits du temps[156].
-
-Ces détails suffisent pour avoir une idée des soins que madame de
-Sévigné a donnés à l'éducation de ses enfants. Il est probable qu'a
-l'époque dont nous nous occupons leur instruction était le motif qui
-la retenait à Paris et la forçait d'y séjourner. Un passage des
-mémoires de l'abbé Arnauld semble prouver qu'elle ne les quittait que
-rarement de vue, et qu'il était difficile de la rencontrer sans eux.
-
-L'abbé Antoine Arnauld était le fils aîné du célèbre Arnauld
-d'Andilly, dont il a été fait mention dans le chapitre précédent.
-L'abbé Arnauld avait d'abord, malgré la volonté de son père, choisi la
-profession des armes, qu'il quitta, parce que la mort de Feuquières
-lui avait ravi tout espoir d'avancement. Il embrassa à vingt-sept ans
-l'état ecclésiastique. Attaché à son oncle Henri Arnauld, abbé de
-Saint-Nicolas, qui fut depuis évêque d'Angers, quoique janséniste,
-l'abbé Arnauld séjourna pendant quelque temps chez les solitaires de
-Port-Royal. Il demeura attaché à leurs doctrines, mais par esprit de
-famille, et pour satisfaire à sa position, plutôt que par conviction.
-Il n'avait aucun goût pour les discussions théologiques, et il avait
-conservé, au contraire, de très-fortes inclinations pour le monde et
-ses jouissances. Il était lié avec plusieurs femmes aimables, et même
-avec plusieurs femmes galantes[157]. Il était l'ami de Renaud de
-Sévigné; et la terre de Champiré que possédait celui-ci, dans le
-voisinage d'Angers, leur donnait les moyens de se voir fréquemment.
-Renaud de Sévigné passait alors presque tous ses hivers à Paris; et il
-s'y trouvait lorsqu'un procès y amena l'abbé Arnauld, au commencement
-de l'année 1657.
-
-«Ce fut en ce voyage, dit-il, que M. de Sévigné me fit faire
-connaissance avec l'illustre marquise de Sévigné, sa nièce, dont le
-nom vaut un éloge à ceux qui savent estimer l'esprit, l'agrément et la
-vertu. On peut dire d'elle une chose fort avantageuse et fort
-singulière; qu'une des plus dangereuses plumes de France [c'est
-Bussy-Rabutin que l'abbé Arnauld désigne ici] ayant entrepris de
-médire d'elle comme de beaucoup d'autres, a été contrainte, par la
-force de la vérité, de lui feindre des défauts purement imaginaires,
-ne lui en ayant pu trouver de réels. Il me semble que je la vois
-encore telle qu'elle me parut la première fois que j'eus l'honneur de
-la voir, arrivant dans le fond de son carrosse tout ouvert, au milieu
-de monsieur son fils et de mademoiselle sa fille; tous trois tels que
-les poëtes représentent Latone au milieu du jeune Apollon et de la
-petite Diane, tant il éclatait d'agréments et de beauté dans la mère
-et dans les enfants. Elle me fit l'honneur dès lors de me promettre
-de l'amitié, et je me tiens fort glorieux d'avoir conservé jusqu'à
-cette heure un don si cher et si précieux. Mais aussi je dois dire, à
-la louange du sexe, que j'ai trouvé beaucoup plus de fidélité dans mes
-amies que dans mes amis, ayant été souvent trompé par ceux-ci, et ne
-l'ayant jamais été par les premières[158].»
-
-Ce fut aussi cette même année que le frère de l'abbé Arnauld, le
-célèbre Arnauld de Pomponne, vit les deux enfants de madame de Sévigné
-chez leur oncle Renaud de Sévigné; il fut tellement frappé de leur
-beauté, que près de vingt ans après, et lorsqu'il était ministre, il
-se souvenait de cette journée, et la rappelait à la marquise de
-Sévigné. Celle-ci, en écrivant à madame de Grignan, lui dit: «Monsieur
-de Pomponne se souvient d'un jour que vous étiez petite fille chez mon
-oncle Sévigné. Vous étiez derrière une vitre avec votre frère, plus
-belle, dit-il, qu'un ange; vous disiez que vous étiez prisonnière, que
-vous étiez une princesse chassée de chez son père. Votre frère était
-beau comme vous. Vous aviez neuf ans. Il me fit souvenir de cette
-journée. Il n'a jamais oublié aucun moment où il vous a vue[159].»
-
-Au commencement de cette année il parut un recueil de vers où la
-louange de madame de Sévigné se trouve réunie à celle du roi, de
-Monsieur, de la reine, de Mazarin, des ministres, et des personnes des
-deux sexes les plus illustres. Ce recueil est un phénomène
-intellectuel qui serait à peine croyable s'il n'était si bien attesté.
-Le fils d'un comédien de Paris, nommé Beauchasteau, se montra si
-précoce, que dès l'âge de sept à huit ans il parlait plusieurs
-langues et improvisait des vers avec facilité. On le fit venir à la
-cour; on le mit à l'épreuve, et il surpassa encore l'idée que les
-récits en avaient donnée. Mazarin lui fit une pension de mille livres;
-le chancelier Séguier lui en accorda une de trois cents; et on publia
-un recueil in-4º de ses improvisations, avec les portraits du roi, des
-membres de la famille royale, et des personnages objets des madrigaux
-de cet Apollon enfant. Le poëte Maynard fut l'éditeur de ce beau
-volume; le portrait de Beauchasteau et les vers composés à sa louange
-n'y furent pas oubliés. Dès l'année 1656 Beauchasteau avait improvisé
-des vers devant Christine, et il fut de nouveau présenté à cette reine
-en 1658. Il alla en Espagne, en Angleterre, et parut devant Cromwell.
-Partout il excita le même étonnement, la même admiration. La personne
-qui l'avait conduit en Angleterre l'emmena en Perse, et on n'entendit
-plus parler de lui. Ainsi s'évanouit, presque aussitôt après sa subite
-apparition, cette espèce de météore intellectuel. Voici le quatrain
-que ce jeune enfant improvisa en voyant madame de Sévigné:
-
- Sévigné, suspendez vos charmes
- Et les clartés de votre esprit?
- Pour nous faire rendre les armes,
- Voire extrême beauté suffit[160].
-
- [153] CRÉVIER, _Hist. de l'Université de Paris_, t. VII, p. 60.
-
- [154] LORET, liv. VIII, p. 36 et 162 (10 et 24 mars
- 1857).--Ibid., liv. VIII, p. 28, 48, 200.--DE BAUSSET, _Vie de
- Bossuet_, 1814, in-8º, t. I, p. 130. M. de Bausset n'a pas bien
- connu ces premiers commencements de Bossuet, ni bien déterminé
- les dates de ses premières compositions. _OEuvres de Bossuet_;
- Versailles, 1816, in-8º, t. XVI, p. 463.
-
- [155] DE BAUSSET, _Hist. de Bossuet_, t. I, p. 21.
-
- [156] _Dissertation critique sur l'Art poétique d'Horace, où l'on
- donne une idée générale des pièces de théâtre, où l'on examine si
- un poëte doit préférer les caractères connus aux caractères
- inventez_; Paris, chez Barthélemy Girin, M. DC. XVIII (sic),
- in-12.--SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 314, et t. II, p. 6, édit.
- 1820, in-8º (1er avril et 8 avril 1671).
-
- [157] PETITOT, _Notice sur l'abbé Arnauld_, t. XXXIV, p. 112.
-
- [158] _Mémoires de l'abbé_ ARNAULD dans la _Collection de
- Petitot_, in 8º, t. XXXIV, p. 314; t. II, p. 62 et 63 de l'édit.
- 1756.
-
- [159] SÉVIGNÉ, _Lettres_, en date du 15 janvier 1674, t. III, p.
- 210, édit. M., ou t. III, p. 307, édit. G.
-
- [160] _La Lyre du jeune Apollon, ou la Muse naissante du petit_
- BEAUCHASTEAU, 1657, in-4º, p. 160.--DU TILLET, _Parnasse
- français_, in-folio, p. 321.--WEISS, _Biographie universelle_, t.
- III, p. 621.--LORET, liv. IX, p. 6 (12 janvier 1658), et p. 25,
- liv. X, p. 170.
-
-
-
-
-CHAPITRE IX.
-
-1657-1658.
-
- Les nombreux décès qui ont lieu à la cour ralentissent les
- fêtes.--L'arrivée des ducs de Modène et de Mantoue et le mariage
- d'Olympe Mancini les raniment.--Les déguisements en femmes dans
- les ballets étaient fréquents.--Louis XIV aime la compagnie des
- femmes.--Il est escorté par plusieurs beautés de la cour dans ses
- promenades à cheval.--Il prend des leçons de politesse et de
- galanterie de la comtesse de Choisy.--Se montre indifférent au
- mariage d'Olympe Mancini.--Joie que la reine en ressent.--Mazarin
- fait sortir deux de ses nièces du couvent, et les introduit à la
- cour.--Louis XIV ne fait d'abord aucune attention aux nièces de
- Mazarin.--Il devient amoureux de mademoiselle de La Mothe
- d'Argencourt.--Mazarin et la reine également intéressés à
- s'opposer à cet amour.--La reine emploie la religion.--Le jeune
- roi fait une retraite, communie, et promet de se
- vaincre.--Mazarin découvre que mademoiselle d'Argencourt a un
- amant.--Le roi voit mademoiselle d'Argencourt dans un bal, et
- s'enflamne de nouveau pour elle.--Mazarin le guérit, en lui
- prouvant que celle qu'il aime le trahit pour un
- autre.--D'Argencourt, abandonnée du roi, veut se consoler avec le
- duc de Richelieu.--Sur la demande de la duchesse, elle est forcée
- d'entrer au couvent, où elle reste volontairement.--Liaison du
- roi avec mademoiselle de Beauvais.--Avec une jeune
- jardinière.--Il en a une fille.--Passage des Mémoires de
- Saint-Simon sur la destinée de ce premier enfant de Louis XIV.
-
-
-En se livrant à l'éducation de ses enfants, madame de Sévigné eut
-cette année moins de sacrifices à faire à ses plaisirs que dans les
-années précédentes. La mort de madame de Mancini, du duc de Chevreuse,
-celle du duc de Villars, du maréchal de la Mothe-Houdancourt[161], du
-duc d'Elbœuf[162], de Pomponne de Bellièvre[163], de la duchesse de
-Montbazon[164], de la duchesse de Mercœur, de la duchesse de
-Bouillon[165], de la duchesse de Roquelaure[166], qui eurent lieu dans
-l'intervalle de quelques mois, contristèrent la cour et la haute
-société, et ralentirent les fêtes et les divertissements. Mais cela ne
-pouvait durer longtemps. Le nombre de ceux qui dans un grand royaume
-sont attachés au service du monarque est trop considérable pour que
-les chances habituelles de la mortalité n'y portent pas de fréquentes
-atteintes; et l'habitude de voir presque chaque année disparaître
-quelques-uns de leurs plus chers serviteurs émousse la sensibilité des
-rois. Heureux encore quand la perte de ceux qui les ont servis avec le
-plus de zèle ne leur cause pas une satisfaction secrète, par
-l'occasion qu'elle leur fournit de conférer des grâces et d'accorder
-des faveurs aux objets de leurs plus récentes affections!
-
-Les plaisirs reprirent bientôt leur activité accoutumée. L'arrivée du
-duc de Mantoue à Paris, celle du duc de Modène, qui avait si bien
-soutenu les armées françaises contre l'Autriche; le mariage de
-mademoiselle de Longueville avec le duc de Nemours, celui d'Olympe
-Mancini avec le duc de Soissons, devinrent des prétextes pour bannir
-tous les signes de deuil et des occasions pour donner mutuellement des
-fêtes. Il y eut donc encore des repas splendides, des concerts, des
-mascarades, des danses où le jeune monarque et ses courtisans
-déployaient leurs grâces et leur habileté, en compagnie avec le
-célèbre Bauchamp, le Vestris et le Duport de cette époque[167]. On
-joua au Louvre, avec les ballets anciens, un nouveau ballet, _l'Amour
-malade_, dont Benserade[168] avait, comme de coutume, versifié les
-paroles, mais dont la musique était l'ouvrage d'un jeune et nouveau
-compositeur, nommé Baptiste Lully: alors on le nommait tout simplement
-Baptiste. Italien de naissance, il avait été amené jeune en France par
-le chevalier de Guise, pour être au service de MADEMOISELLE: il
-l'avait quittée lorsqu'elle fut exilée. Entré depuis dans la musique
-du roi, il commençait déjà la révolution musicale qui devait lui faire
-acquérir tant de réputation et de richesses[169]. Dans ce nouveau
-ballet il jouait le rôle de Scaramouche; et sa petite taille, sa mine
-chétive, ses petits yeux, étaient si bien appropriés au burlesque de
-son rôle, qu'il réjouit encore plus les spectateurs par son jeu que
-par sa musique. Le goût des nobles figurants de ces ballets et de ces
-mascarades pour les déguisements de femmes augmentait chaque année,
-surtout pour ceux qui faisaient partie de la maison de MONSIEUR ou
-étaient attachés à ce prince[170]. On remarqua aussi que de jour en
-jour le jeune roi se plaisait davantage dans la société des femmes; et
-un essaim de jeunes beautés, portées comme lui sur de superbes
-coursiers, l'entourait presque toujours à la chasse, et le suivait
-dans ses rapides et brillantes cavalcades.
-
-Mais les jeunes femmes n'étaient pas celles qu'il recherchait
-uniquement ni toujours avec le plus d'empressement. La comtesse de
-Choisy, dont le mari était chancelier de la maison de son frère, femme
-d'esprit, dans l'âge du retour, qui possédait toutes les grâces de la
-politesse et du bon ton, toute la science du savoir-vivre, toutes les
-perfections d'une précieuse du beau temps de l'hôtel de Rambouillet,
-avait osé dire au jeune roi que s'il voulait devenir un honnête homme
-(c'est-à-dire, dans le sens qu'on attachait alors à ce mot, un
-cavalier accompli sous le rapport de la galanterie et de l'élégance
-des manières), il fallait qu'il eût souvent des entretiens avec elle.
-Ce conseil fut suivi; Louis allait dîner familièrement chez la
-comtesse de Choisy, et par la suite il se ressouvint de son
-institutrice et la récompensa par une pension de huit mille
-livres[171].
-
-Après les préférences marquées que dans toute occasion Louis XIV avait
-montrées pour Olympe Mancini, on fut étonné de l'indifférence avec
-laquelle il apprit le mariage qu'elle allait contracter avec le duc de
-Soissons. On en conclut que Louis était encore trop jeune pour être
-capable d'éprouver le sentiment de l'amour, et que son goût pour
-Olympe Mancini, semblable à celui qu'il avait montré autrefois pour la
-duchesse de Châtillon, n'était encore que l'effet passager des
-premières habitudes et des souvenirs de l'enfance. La reine le crut
-ainsi, et témoigna ouvertement la joie qu'elle en ressentait[172].
-Mazarin fit aussi semblant d'en être satisfait; mais, devinant mieux
-le naturel du jeune monarque, il se hâta de faire sortir du couvent
-deux de ses nièces et de les produire à la cour.
-
-La plus âgée des deux, Marie Mancini, celle-là même qui devait
-inspirer à Louis XIV un attachement si vrai et si tendre, était une
-grande fille maigre, avec de longs bras, un long cou, un teint brun et
-jaune, une grande bouche, mais de belles dents et de grands yeux
-noirs, beaux, pleins de feux. Louis fit à elle peu d'attention[173].
-Toutefois il la préférait à sa sœur Hortense Mancini, qui devint une
-des plus belles personnes de son temps, mais qui était encore dans cet
-âge dont Louis ne faisait que de sortir. Au moment où la reine se
-félicitait de l'indifférence de son fils à l'égard des femmes, et où
-elle espérait que de quelque temps du moins la tendresse qu'il avait
-pour sa mère ne serait combattue par aucun autre sentiment, elle
-s'aperçut qu'il était devenu amoureux d'une de ses filles d'atour.
-Cette fille se nommait de La Mothe d'Argencourt; elle n'avait ni
-beaucoup d'esprit ni beaucoup de beauté, mais pourtant toute sa
-personne était aimable. Elle dansait admirablement, et sa façon de
-parler, mélangée de douceur et de vivacité, plaisait au premier abord.
-Sa peau n'était ni très-fine ni très-blanche; mais, par une
-singularité piquante, avec de beaux yeux, bleus et des cheveux
-blonds, elle avait des sourcils noirs et bien arqués; sa taille était
-grande et svelte, les traits de son visage étaient fins et réguliers,
-et ses manières pleines de dignité et de grâce. S'il y a au monde
-quelque chose qu'il soit impossible de dissimuler, c'est un premier
-amour: Louis ne put dérober la connaissance de celui dont il était
-atteint aux regards vigilants des personnes intéressées à le
-surveiller. Il se divertissait quelquefois le soir à de petits jeux,
-auxquels mademoiselle d'Argencourt participait avec plusieurs de ses
-compagnes. Dans la familiarité suite nécessaire d'un tel amusement la
-force de la passion du jeune roi se manifesta de manière à alarmer la
-reine et Mazarin. Anne d'Autriche ne voulait pas que son fils avant
-son mariage s'échappât jusqu'à s'abandonner à des plaisirs que la
-religion réprouvait; et elle mettait tous ses soins à le conserver
-pur. Il paraissait impossible à Mazarin d'empêcher plus longtemps
-Louis de se livrer à ses penchants; et pour le maintien de son
-influence, il désirait que cette sensibilité amoureuse, qui entraînait
-le jeune roi vers le beau sexe, se dirigeât sur une de ses nièces, et
-non sur d'autres. La reine et son ministre étaient donc également
-intéressés, quoique par des motifs différents, à s'opposer à la
-passion naissante de Louis XIV pour mademoiselle d'Argencourt.
-
-La reine usa d'abord de tout le pouvoir qu'elle avait encore sur son
-fils. A son profane amour elle opposa cet amour de Dieu qu'elle lui
-avait inspiré. Elle effraya la conscience de ce royal adolescent, et
-réussit à le convaincre qu'il ne pouvait échapper au danger qui le
-menaçait qu'en le fuyant. Louis se retira à Vincennes, chez le
-cardinal[174]. Ce ne fut pas sans de douloureux combats qu'il put
-persister dans la résolution que lui avaient fait prendre les deux
-personnes en possession de toute sa confiance, et auxquelles il
-n'ignorait pas qu'il était redevable de sa vie et de sa couronne. Il
-gémit, pria, soupira, se confessa, communia; et après une retraite de
-huit jours, passés dans ces exercices pieux, il reparut dans le monde
-et au milieu de sa cour, où une si longue absence avait été un sujet
-d'étonnement et d'entretiens continuels. Le roi évitait de se trouver
-avec mademoiselle d'Argencourt, et même de la regarder. La reine et le
-cardinal en éprouvaient une vive satisfaction, et saisissaient toutes
-les occasions de le féliciter du triomphe qu'il avait remporté sur
-lui-même[175].
-
-Mademoiselle d'Argencourt n'en était pas, comme Louis, à son début:
-elle avait un amant quand elle reçut la déclaration du jeune monarque;
-c'était le beau Chamarante; d'autres disent le marquis de Richelieu:
-il n'y a d'incertitude que sur l'un ou sur l'autre de ces personnages,
-et les mémoires qui substituent le nom de l'un à celui de l'autre ne
-commettent probablement qu'une erreur de date. Cependant ses liaisons
-avec l'un ou avec l'autre, ou avec tous deux successivement, étaient
-restées secrètes, et sa réputation survivait encore à sa vertu. La
-passion que le roi avait pour elle flatta sa vanité, et excita son
-ambition. Elle ne lui avait opposé qu'une résistance calculée, et lui
-avait fait promettre, si elle consentait à répondre à son amour, de
-résister toujours à sa mère et au cardinal, s'ils entreprenaient de
-la séparer de lui. Elle en était là lorsque Louis, cédant aux conseils
-d'Anne d'Autriche, s'était retiré à Vincennes. Toute la famille de
-mademoiselle d'Argencourt, qui avait fondé de grandes espérances sur
-sa liaison avec le roi, fut, ainsi qu'elle, extrêmement contrariée de
-le savoir renfermé et gardé à vue chez le cardinal. Ils pensèrent
-qu'il y était retenu malgré lui; que Mazarin et la reine croyaient que
-les refus de mademoiselle d'Argencourt de céder aux désirs du roi
-étaient moins dus à sa vertu qu'au projet qu'elle avait de profiter de
-la violence d'une première passion et de l'inexpérience de l'âge pour
-se faire épouser. Afin de bien dissiper ces craintes, la mère de
-mademoiselle d'Argencourt offrit au cardinal et à Anne d'Autriche de
-consentir à ce que sa fille demeurât la maîtresse du roi. Elle crut
-les contraindre à ne pas s'y opposer en leur faisant confidence de ce
-qui s'était passé dans le tête-à-tête entre les deux amants, et des
-promesses du roi de résister toujours aux tentatives qu'on pourrait
-faire pour le séparer de celle qu'il aimait. Ce fut un motif de plus
-pour le cardinal et pour la reine de chercher à rompre une liaison si
-menaçante pour leur autorité. La reine en voyant la conduite de son
-fils après sa retraite de Vincennes se flatta d'y avoir complétement
-réussi, et elle était persuadée qu'elle n'avait plus rien à redouter
-de mademoiselle d'Argencourt. Mazarin, moins confiant, ne cessa de
-faire épier la jeune fille; et, employant ses moyens ordinaires,
-l'argent et les séductions, il connut ses liaisons, se rendit maître
-de tous ses secrets, et prit dès lors ses mesures contre tout ce que
-sa famille ou elle pourraient tenter.
-
-Tant de précautions semblaient inutiles. Louis tenait bon, et
-paraissait ne plus conserver du trace de ce qui s'était passé: il
-était plutôt occupé à éviter qu'à rechercher mademoiselle
-d'Argencourt. Mais un jour elle parut dans un bal où il se trouvait;
-ses charmes étaient encore rehaussés par une parure pleine de
-goût[176]. En la voyant entrer le roi tressaillit; mademoiselle
-d'Argencourt s'aperçut aussitôt de l'impression qu'elle produisait; et
-avec cette assurance que donne à la beauté la conscience de son
-irrésistible empire, elle s'avança vers le jeune monarque, lui prit la
-main, et le pria de danser avec elle. Toutes les résolutions prises et
-gardées avec tant de peine furent abandonnées à l'instant même; la
-main de Louis trembla dans celle de son amante, une sueur froide le
-saisit, il changea de visage, et fut quelque temps à se remettre. Tous
-les regards s'étaient dirigés vers lui, et cette scène avait eu pour
-témoins toute la cour. Cet événement devint l'objet des conversations;
-personne ne doutait que le triomphe de mademoiselle d'Argencourt sur
-le roi ne fût assuré et qu'elle ne parvînt à le rendre durable. La
-reine elle-même n'y voyait pas de remède, et déjà l'on faisait des
-projets pour s'arranger avec la grandeur future de cette favorite et
-de celle de sa famille.
-
-On se trompait; Mazarin en avait décidé autrement. Dès le lendemain du
-bal, il avait eu avec Louis un long entretien. A ce jeune néophyte,
-qui se trouvait sous le charme d'une passion en vain combattue, il ne
-parla point des scrupules de la religion, digue impuissante, déjà
-emportée par l'impétuosité du torrent; mais il fit entendre les
-maximes du monde, les exigences de l'opinion, ce que l'expérience
-enseigne, ce que la prudence prescrit. Il retraça tout ce qu'un homme,
-et encore plus un souverain qui savait s'estimer et se faire estimer
-des autres, avait droit d'exiger d'une femme quand il se donnait à
-elle. Il ne se consuma point en vaines paroles pour signaler les
-dangers de l'amour; mais il démontra bien pour tous les hommes, et
-encore plus pour un roi, la nécessité de se prémunir contre la
-perfidie de celles qui avaient le pouvoir de l'inspirer. Dès que
-Mazarin commença à entrer en explication, et qu'il eut parlé des
-promesses faites par le monarque à mademoiselle d'Argencourt; qu'il
-eut redit les discours qui avaient eu lieu entre les deux amants dans
-le tête-à-tête, Louis fut ébranlé, et commença à se croire trahi par
-celle qui lui était chère; mais il n'en douta plus quand les lettres
-écrites par elle à l'amant qu'elle favorisait lui furent remises.
-Celui qui les avait reçues avait eu la lâcheté de les livrer au
-ministre tout-puissant, dont il voulait se concilier la faveur; et
-Mazarin gardait depuis longtemps pour ce moment décisif, qu'il avait
-prévu, le secret de cette correspondance et les preuves qu'il en
-avait.
-
-Le dépit et l'orgueil firent ce que la religion et la raison n'avaient
-pu faire: Louis sans daigner avoir aucune explication avec
-mademoiselle d'Argencourt, ne lui témoigna plus que du dédain. Elle,
-qui ignorait la trame qu'on avait ourdie, crut que l'ascendant de la
-reine mère et de son ministre avait été plus fort sur le jeune roi que
-le pouvoir de ses charmes; et elle attribuait à cette cause l'étrange
-changement des manières de Louis à son égard. Elle ne songea donc plus
-qu'à se consoler de la chute de ses espérances avec le marquis de
-Richelieu. Mais la marquise sa femme s'étant plainte à la reine de
-cette liaison scandaleuse, mademoiselle d'Argencourt fut chassée, et
-renfermée dans le couvent des Filles de Sainte-Marie de Chaillot. Là
-elle apprit l'odieuse intrigue dont elle avait été la victime. Les
-douleurs de l'amour trahi, les mécomptes de l'ambition trompée, la
-disposèrent à écouter favorablement les leçons de piété et de religion
-qui lui furent données par les bonnes religieuses au milieu desquelles
-elle se trouvait; leur compassion la toucha, leurs consolations la
-convertirent; leur société lui devint agréable et chère: si bien que
-lorsqu'on lui permit de rentrer dans le monde, elle s'y refusa. Elle
-resta au couvent, et, toujours libre d'en sortir et sans jamais
-prononcer aucun vœu, elle y passa toute sa vie, et y mourut, chérie
-et regrettée de tous ceux qui la connurent[177].
-
-Après cette aventure, les penchants du jeune roi pour les femmes, que
-ses jeux d'enfance avaient donné lieu de soupçonner, ne furent plus un
-secret pour personne. La reine avait une femme de chambre nommée
-mademoiselle de Beauvais, qu'elle affectionnait beaucoup, à cause de
-sa dextérité, de son exquise propreté, du zèle et de l'intelligence
-qu'elle mettait à la servir. Dans l'âge du retour, laide et borgne, et
-peu scrupuleuse, mademoiselle de Beauvais épiait depuis longtemps les
-premiers effets de la puberté dans le jeune roi. Elle savait qu'à cet
-âge, si le cœur sait déjà choisir ses affections, les sens obéissent
-sans discernement à une première surprise. Elle s'en prévalut; et le
-souvenir des instructions que Louis reçut d'elle lui devint par la
-suite un moyen d'élévation pour sa famille[178].
-
-Dès que le jeune roi eut appris qu'on pouvait goûter les jouissances
-de la volupté sans avoir besoin d'éprouver le sentiment de l'amour, la
-violence de ses passions l'emporta sur ses scrupules, mais non pas
-encore sur sa pudeur. Il n'osa pas s'attaquer à ces fleurs qui
-brillaient éminentes autour de lui, mais qui se trouvaient placées
-sous les regards et sous la protection de sa mère; les plus humbles et
-les plus cachées lui devinrent préférables, et il s'embarrassa peu
-d'avoir à se baisser pour les cueillir. Une jardinière, fraîche et
-jolie, devint enceinte de ses œuvres, et en eut une fille. Madame de
-Sévigné et les Mémoires du temps, qui nous entretiennent si souvent
-des enfants naturels de Louis XIV, ne parlent pas de celui-ci. Le
-profond mystère dont le jeune roi enveloppait à cette époque ses
-aventures galantes ne pouvait lui permettre d'en déclarer le premier
-fruit; l'obscurité de la condition de celle à laquelle il était dû
-l'en empêcha par la suite. Mais sa fille lui ressemblait trop pour
-qu'il pût la méconnaître. Bontemps, son valet de chambre et son homme
-de confiance, fut chargé de la marier à un gentil-homme nommé Laqueue,
-seigneur du lieu qui porte ce nom, à six lieues de Versailles. Ce
-gentilhomme se promettait une fortune d'une telle alliance, dont le
-secret, dit Saint-Simon, lui fut dit à l'oreille; mais il ne parvint
-jamais au delà du grade de capitaine de cavalerie. Sa femme était
-grande et bien faite; elle savait de qui elle tenait le jour, et
-enviait le sort de ses trois sœurs (comme elle filles naturelles),
-princesses magnifiquement mariées. Elle vécut ainsi vingt ans, sans
-sortir de son village, plus heureuse que si elle avait été admise à la
-cour. Sans l'exact Saint-Simon, si bien instruit des détails de ce
-grand règne, on eût ignoré jusqu'à l'existence de cette aînée de tous
-les enfants du plus illustre de nos rois[179].
-
- [161] LORET, liv. VIII, p. 2, 13, 17 et 22, _lettres_ en date des
- 6 janvier, 3, 10 et 26 février 1657.--Ibid., liv. VIII, p. 47 (7
- avril).
-
- [162] LORET, liv. VIII, p. 182 (1er décembre 1657).
-
- [163] MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 405.--GUY-JOLY, t. XLVII, p. 414,
- 415.--MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 20.--GUY-PATIN, _Lettres_, p.
- 132.
-
- [164] MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 412.--LORET, t. VIII, p. 63.
-
- [165] LORET, liv. VIII, p. 22 (10 février 1657), p. 103 (10
- juillet 1657).--MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 398.--MONGLAT, t. LI, p.
- 20.
-
- [166] MONTPENSIER, t. XLII, p. 264, 268.--LORET, liv. VIII, p.
- 195, 22 décembre 1657.
-
- [167] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 20, 38, 64.--LORET, liv. VIII,
- p. 11 (20 janvier), p. 29 (24 février), p. 73 (26 mai), p. 41 (17
- mars), p. 185 (8 décembre 1657).--LORET, liv. IX, p. 21 (9
- février 1658).
-
- [168] BENSERADE, _OEuvres_, t. II, p. 173, 178 et 182.--LORET,
- liv. VIII, p. 9 (20 janvier), p. 15 (27 janvier), p. 21 (10
- février), p. 29 (19 février).--LORET, liv. VIII, p. 75.
-
- [169] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 400.--SEVELINGES, article
- _Lully_ dans la _Biographie universelle_, t. XXV, p. 423.
-
- [170] LORET, liv. VIII, p. 9, 15, 21 (20 et 27 janvier, et 10
- février 1657).
-
- [171] LORET, liv. VIII, p. 59 (28 avril).--CHOISY, _Mém., Notice
- sur sa vie_, t. LXIII, p. 124.
-
- [172] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. 400.--LORET, _Muse
- historique_, liv. VIII, p. 29 (_lettre_ en date du 24 février
- 1657).
-
- [173] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. 400.--MONTPENSIER, t.
- XLII, p. 120.--MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 114.
-
- [174] LORET, liv. IX, p. 15 (26 janvier 1658).--MOTTEVILLE, t.
- XXXIX, p. 401.
-
- [175] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 272, lig. 1 (lisez La
- Mothe d'Argencourt au lieu de La Mothe-Houdancourt).
-
- [176] MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 400.--LORET, liv. IX, p. 168, en
- date du 26 octobre, _lettre 42_.
-
- [177] MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 400, 404, 435.--LA FARE, chap. IV,
- t. LXV, p. 157.--DREUX DU RADIER, _Mém. des Reines et Régents de
- France_, 1782, t. VI, p. 363 à 373.--MONTPENSIER, t. XLII, p.
- 348.
-
- [178] SAINT-SIMON, _Mém._, 1829, in-8º, t. I, p. 124, ch. XIV.
-
- [179] SAINT-SIMON, _Mém._, 1829, in-8º, t. IV, p. 192, ch. XIV.
-
-
-
-
-CHAPITRE X.
-
-1658.
-
- Partis qui se forment à la cour parmi les
- courtisans.--Commencement de la faveur du prince de
- Marsillac.--Politique de Mazarin dans l'intérieur.--Il gouverne
- pendant la régence, par son influence sur la reine.--Depuis la
- majorité du roi, par l'ascendant qu'il sut prendre sur lui.--Il
- l'occupe des deux choses qu'il aimait le plus, la guerre et la
- galanterie.--Il le force avec autorité de s'occuper
- d'affaires.--Adresse que Mazarin met dans sa conduite envers les
- autres membres de la famille royale.--Il se concilie Gaston et
- MADEMOISELLE.--Il accorde un passe-port au médecin Guenaud pour
- aller soigner Condé, malade.--Procédés de Mazarin envers la
- princesse de Longueville.--Détails sur cette princesse et sur le
- prince de Conti.--Mazarin n'a plus d'autres ennemis à l'intérieur
- que les amis de Retz et les jansénistes.--Politique de Mazarin à
- l'extérieur.--Moyens qu'il emploie pour abattre la puissance de
- la maison d'Autriche.--L'ennemi s'empare de Rocroi.--Cette
- circonstance donne lieu à l'épître de La Fontaine à une
- abbesse.--Madame de Sévigné en entend la lecture chez Fouquet, et
- en fait l'éloge.--Madrigal de La Fontaine à ce sujet, adressé à
- madame de Sévigné.--Grandes richesses de Fouquet.--Il construit
- Vaux.--Protège les beaux esprits.--De mademoiselle de Scudéry et
- de ses romans, et de l'influence qu'elle exerçait.--Madame de
- Sévigné allait fréquemment à Vaux.--Madame Scarron, encore plus
- souvent.--Phrase d'une de ses lettres à madame Fouquet, au sujet
- des jardins de Vaux.--Madame de Sévigné va à sa terre des
- Rochers, et y passe l'automne avec ses trois oncles et son cousin
- de Coulanges.
-
-
-Les plus légères préférences du jeune roi pour quelques-uns de ses
-courtisans n'étaient pas remarquées avec moins de soin que ses plus
-petites attentions envers les femmes. L'ambition, qui toujours veille,
-épiait avec une jalousie inquiète, ou avec une secrète joie, ses
-amitiés comme ses amours. Sa prédilection pour le prince de Marsillac
-n'avait échappé à personne, et la faveur naissante de ce fils du duc
-de La Rochefoucauld, cet ancien chef de la Fronde, était appuyée par
-la reine: tant sur le théâtre mouvant des cours les combinaisons de
-l'intérêt font varier rapidement les ligues et les hostilités, les
-ressentiments et les affections! Le marquis de Vardes et quelques
-autres jeunes courtisans, comme lui intimement liés avec le prince de
-Marsillac, le secondaient dans ses efforts pour s'assurer de plus en
-plus les bonnes grâces de Louis; mais les comtes de Soissons, de
-Guiche, de Villequier, l'abbé Fouquet, formaient, avec plusieurs
-autres dans la jeune noblesse, un parti qui lui était opposé. Mazarin
-soutenait ce parti, afin de diviser les courtisans, de les empêcher de
-se réunir contre lui, et de tenir les fils de leurs intrigues[180].
-
-Pendant la régence, Mazarin gouverna par son influence sur la reine.
-Il établit sur cette base le fondement de sa puissance; c'est par là
-qu'il parvint à triompher des parlements, de la cour et de la Fronde.
-Depuis la majorité, c'est par l'ascendant qu'il sut acquérir sur le
-jeune monarque qu'il assura la continuation de son autorité. Par ce
-moyen, il se rendit indépendant d'une reine qui n'était pas exempte de
-cette versatilité trop ordinaire à son sexe. Il est vrai qu'ainsi il
-mécontentait fortement celle à laquelle il devait son élévation, et
-qu'il se faisait taxer d'ingratitude par tous ceux qui étaient
-attachés à sa personne et reconnaissants de ses faveurs[181]. Mais le
-rusé ministre savait qu'Anne d'Autriche lui avait sacrifié trop de
-monde pour pouvoir se séparer de lui; qu'elle tenait à lui par trop
-de liens pour oser même le désirer. En gouvernant seul et sans son
-appui, il flattait Louis, qui, ainsi affranchi de cette tutelle
-maternelle, ne se crut vraiment roi que lorsqu'il vit que son
-gouvernement n'était plus la proie des intrigues des femmes et des
-exigences des courtisans, mais qu'il reposait tout entier dans son
-ministre.
-
-Mazarin occupait sans cesse Louis des deux choses pour lesquelles la
-jeunesse se passionne le plus facilement: la guerre et la galanterie.
-Mais en flattant ainsi les penchants de gloire et d'amour du jeune
-monarque, il savait s'en faire estimer, et lui imprimer une haute idée
-de ses talents et de sa capacité. Bien loin, comme on l'a prétendu, de
-lui dérober le secret des affaires, il cherchait, au contraire, à lui
-faire surmonter l'ennui que toute occupation sérieuse cause à cet âge,
-où le temps semble manquer au plaisir, où toutes les heures qui
-s'écoulent sans lui semblent pénibles et fatigantes. Mazarin savait,
-d'autorité, forcer le jeune roi à contracter l'habitude de fixer son
-attention sur les détails de son gouvernement. Un jour, Louis XIV
-s'absenta à l'heure où le conseil se tenait. Il s'était amusé, pendant
-ce temps, à répéter avec Motteville les scènes d'un ballet où ils
-devaient jouer ensemble. Mazarin fit à ce sujet au roi une verte
-réprimande; il éloigna Motteville de la cour, et donna des ordres
-sévères à tous les jeunes courtisans de ne point chercher à distraire
-le roi lorsque son devoir l'appelait au conseil[182]. Depuis lors,
-Louis XIV ne manqua pas d'y assister régulièrement et de prêter toute
-son attention aux affaires qui s'y traitaient.
-
-La conduite de Mazarin envers les autres membres de la famille royale
-ne fut pas moins adroite. Il parvint par ses cajoleries, ses
-promesses et ses négociations, à rallier à lui Gaston[183] et
-MADEMOISELLE[184], et à faire cesser leur correspondance avec Condé.
-Envers ce prince, son ennemi, et alors aussi celui de la France,
-Mazarin sut montrer de la grandeur d'âme et de la générosité. On
-apprit que Condé était tombé dangereusement malade à Bruxelles;
-Mazarin se souvint seulement que Condé était Français et prince du
-sang royal, qu'il avait rendu d'éminents services à son pays et à son
-roi; il s'empressa d'accorder un passeport au médecin Guenaud, pour
-qu'il pût aller donner ses soins à l'illustre malade[185]. Quand on
-sut que Condé était hors de danger, Mazarin fut un des premiers à
-envoyer complimenter la duchesse de Longueville. Celle-ci, bien loin
-de favoriser, comme autrefois, la rébellion de son frère, ne cherchait
-qu'à se concilier la bienveillance du ministre et de la cour.
-Entièrement livrée à la plus sévère dévotion, elle entretenait une
-correspondance active avec plusieurs religieuses du couvent des
-Carmélites, et entre autres avec mademoiselle du Vigean, célèbre par
-la passion qu'elle avait inspirée à Condé et à Saint-Mégrin. Madame de
-Longueville eût voulu, à l'imitation de cette amie, consacrer le reste
-de sa vie à la retraite; mais ses directeurs spirituels ne le lui
-permirent pas, et lui rappelèrent que ses devoirs marquaient sa place
-près de son mari, avec lequel il fallait qu'elle se réconciliât.
-C'était peut-être la plus rigoureuse pénitence qu'ils pussent lui
-imposer; elle la subit cependant, obtint du duc de Longueville le
-pardon de ses nombreuses offenses, ne le quitta plus, et se montra
-désormais soumise à ses moindres volontés[186].
-
-Soit qu'il fût encore, dans le bien comme dans le mal, soumis à
-l'influence de sa sœur, soit qu'il fût converti par les vertus de sa
-femme, soit enfin que l'âge eût amorti en lui le feu des passions et
-lui eût inspiré d'autres pensées, soit enfin par toutes ces causes
-réunies, le prince de Conti devint aussi régulier dans sa conduite,
-aussi pieux dans ses sentiments, qu'il s'était précédemment montré
-déréglé[187].
-
-La duchesse de Chevreuse et la princesse Palatine étaient depuis
-longtemps dévouées au premier ministre[188]. Le duc de Beaufort fut de
-tous les chefs de la Fronde un de ceux qu'on eut le plus de peine à
-réduire au rôle de suppliant; cependant il s'y résolut, et rentra
-aussi en grâces: bientôt après il reçut de l'emploi et un
-commandement[189].
-
-Ainsi Mazarin ne rencontrait plus d'obstacles à l'intérieur. Les
-partisans du cardinal de Retz, Caumartin, d'Hacqueville, Joly,
-Laigues, d'Aubigny, Pelletier de la Houssaye, l'abbé de Lameth,
-Montrésor et autres, étaient trop peu nombreux, trop peu puissants
-pour former un parti; et Mazarin n'aurait fait aucune attention à eux,
-s'ils n'avaient pas été, en secret, aidés par les jansénistes. Par
-cette raison, il les surveillait de près, et faisait enfermer de temps
-en temps quelques-uns de ces opposants à la Bastille[190].
-
-C'est en quelque sorte en se jouant que Mazarin était parvenu à
-déconcerter toutes les intrigues qu'on avait ourdies pour le renverser
-ou pour entraver l'exercice de son pouvoir; mais les difficultés du
-gouvernement et la politique extérieure demandaient une vue plus vaste
-et des talents d'un ordre plus élevé. C'est sous ce rapport surtout
-que Mazarin se montra grand ministre. Continuant toujours l'œuvre de
-Henri IV et de Richelieu, il cherchait à affaiblir la puissance de la
-maison d'Autriche. Tous les moyens qui conduisaient à ce but lui
-paraissaient bons et légitimes. C'est ainsi qu'on le vit se lier avec
-Cromwell et conclure avec lui un traité. Étranger à toutes les haines
-comme à toutes les affections, Mazarin ne connaissait plus ni
-sentiment ni convenance quand la raison politique ordonnait. Là où il
-trouvait des forces, il cherchait à s'en saisir, quelle que fût leur
-origine ou leur cause. Il ne craignit pas de froisser tous les cœurs,
-de choquer les royales répugnances, pour arriver à ses fins; et, sur
-la demande de l'usurpateur, le roi et les princes d'Angleterre furent
-expulsés de France; la reine d'Angleterre, comme fille de Henri IV,
-eut seule la permission d'y rester[191]. Mazarin obtint aussi de
-Cromwell un renfort de six mille hommes, qui contribuèrent au succès
-de la campagne de cette année, signalée par la prise de Montmédy, de
-Mardick et de Saint-Venant[192].
-
-Lors de la diète qui fut tenue à Francfort pour l'élection d'un
-empereur, Mazarin parvint à faire admettre les plénipotentiaires du
-roi de France, qui n'avait aucun droit d'y assister[193]. L'or et
-l'intrigue semèrent des divisions dans toute l'Allemagne, obtinrent
-des alliés pour la France, créèrent des ennemis à l'Autriche. Toujours
-Mazarin joignait les négociations aux armées, et l'adresse à la force.
-La guerre se poursuivait avec activité dans les Pays-Bas, en Italie,
-en Catalogne[194], tandis que des plénipotentiaires français en
-Hollande, à Madrid, à Bruxelles, à Munich, travaillaient à négocier la
-paix, mais toujours sous des conditions avantageuses à la France[195].
-
-Malgré les succès constants de Turenne, la France souffrait aussi par
-la guerre, et n'avait pas assez de troupes sur pied pour se garantir
-des fléaux qu'elle infligeait aux pays ennemis. Les Espagnols
-s'étaient rendus maîtres de Rocroi, dont la garnison, commandée par
-l'intrépide Montalte, menaçait Reims, et détachait souvent des
-partisans. Ceux-ci, pour obtenir de grosses rançons, enlevaient des
-riches bourgeois dans toute la Champagne, et même s'avançaient jusque
-près de la capitale. Leur audace s'accrut au point que les habitants
-de Reims se virent obligés de s'armer pour défendre leur ville contre
-le pillage, et que le maréchal de l'Hôpital, gouverneur de Paris, fit
-faire des patrouilles dans la banlieue, pour arrêter ou effrayer ces
-hardis maraudeurs[196].
-
-Un jeune poëte de Château-Thierry, alors sans réputation, mais non pas
-sans talent (c'était La Fontaine), avait été invité par une abbesse de
-Mons à venir la trouver: il s'en excusa par le peu de sûreté de la
-route, et par la crainte que lui inspiraient Montalte et ses soldats.
-L'épître en vers qu'il lui adressa à ce sujet surpassait par l'esprit,
-la grâce, la facilité, l'harmonie, les meilleures lettres de Voiture.
-La Fontaine en fit la lecture chez le surintendant Fouquet, dont il
-était le pensionnaire, en présence d'un assez nombreux auditoire.
-Madame de Sévigné en faisait partie: elle fut charmée de cette pièce;
-elle exprima le plaisir qu'elle en ressentait, avec cet abandon et ce
-ton de franchise qui lui étaient ordinaires. La Fontaine, joyeux d'un
-tel suffrage, adressa deux jours après un dizain à Fouquet, dans
-lequel il lui dit[197]:
-
- De Sévigné, depuis deux jours en çà,
- Ma lettre tient les trois parts de sa gloire,
- Elle lui plut, et cela se passa,
- Phébus tenant chez vous son consistoire.
- Entre les dieux (et c'est chose notoire),
- En me louant, Sévigné me plaça.
- Ingrat ne suis: son nom sera pieçà[198]
- Delà le ciel, si l'on m'en voulait croire.
-
-Nous dirons bientôt de quelle manière Fouquet était parvenu à
-s'emparer de l'administration des finances, et comment il s'était
-acquis une puissance qui commençait à porter ombrage au premier
-ministre. Il le surpassait par l'éclat de son luxe et par sa
-magnificence. Plus généreux que lui, plus homme de goût, meilleur juge
-en littérature, appréciateur plus éclairé des beaux-arts, il
-récompensait les auteurs et les artistes avec plus de discernement et
-plus de libéralité; ce qui était encore préférable, il s'en faisait
-aimer par son accueil affectueux, par la franchise, la simplicité et
-l'affabilité de ses manières. Il avait achevé avec une énorme dépense
-le beau château de Vaux-le-Vicomte, près de Melun. L'architecte du roi
-Le Vau avait construit les bâtiments, le peintre Lebrun les avait
-ornés, Le Nostre avait dessiné et planté les jardins et le parc[199].
-C'est dans ce somptueux séjour que Fouquet se plaisait à réunir, avec
-ce qu'il y avait de plus aimable et de plus considérable en France,
-les hommes de lettres en réputation et ceux dont la réputation était à
-faire. Chapelain, Ménage, Costar, la comtesse de La Suze, mademoiselle
-de Scudéry, s'y trouvaient souvent ensemble; La Fontaine y était admis
-depuis longtemps; Molière commençait à y paraître, en même temps qu'il
-venait d'obtenir pour sa troupe la permission de jouer à Paris.
-L'avocat Pellisson, qui joignait le génie des affaires à celui des
-lettres, premier commis de Fouquet, était son intermédiaire avec les
-beaux esprits. Pellisson s'était déclaré l'amant de mademoiselle de
-Scudéry, mais à la manière poétique de l'hôtel de Rambouillet. C'est
-là qu'on lui avait donné le nom d'Acante, et à elle celui de Sapho.
-L'admiration que mademoiselle de Scudéry excitait alors était grande.
-Un de ses contemporains dit qu'elle est la dixième Muse et aussi la
-première. La publication d'un nouveau volume d'un de ses interminables
-romans était un événement. Thomas Corneille, pour mieux recommander
-une de ses pièces à l'attention publique, a soin d'annoncer qu'elle
-est une imitation d'un des ouvrages de mademoiselle de Scudéry. On n'a
-pas assez remarqué, ce me semble, que les romans ont toujours exercé
-une grande influence sur le théâtre et la poésie. Le roman signale et
-détermine le caractère spécial de la littérature de chaque époque.
-Dans ce genre, plus que dans tous les autres, les auteurs originaux
-sont rares, les imitateurs abondent; par le grand nombre même de
-productions qu'il enfante et la multitude de lecteurs qu'il s'attire,
-il met en circulation les mêmes classes d'idées et de sentiments,
-donne du crédit à des manières particulières de voir et de sentir,
-introduit l'usage des mêmes formes de style, imprime au goût ses
-habitudes, impose à l'imagination ses préférences; il crée, enfin, une
-sorte d'atmosphère dans la littérature et dans les arts, dont le génie
-le plus puissant et le plus indépendant subit l'influence, et contre
-laquelle la froide critique cherche en vain à se débattre.
-
-Fouquet donnait à Vaux les fêtes les plus somptueuses que l'on eût
-encore vues en France. Madame de Sévigné allait souvent à Vaux. C'est
-à Vaux que la belle épouse du burlesque Scarron, sans aucune idée de
-la destinée qui l'attendait, demandait à madame Fouquet la permission
-de se rendre, «pour témoigner, disait-elle, sa reconnaissance au héros
-qui en était le maître; osant espérer qu'on ne la trouverait pas de
-trop dans ces allées où l'on pense avec tant de raison, où l'on
-badine avec tant de grâce[200].»
-
-Mais madame de Sévigné se déroba aux délices de Vaux et de Livry, aux
-fêtes de la cour, aux charmes des beaux cercles de la capitale, pour
-se rendre en Bretagne, où sa présence était nécessaire au règlement de
-ses affaires et aux embellissements qu'elle avait projetés au château
-et au parc de sa terre des Rochers.
-
-Cependant elle ne partit point seule: elle fut suivie ou accompagnée
-par ses deux oncles, le _bien bon_ Christophe de Coulanges, abbé de
-Livry, et par son frère cadet, Charles de Coulanges, seigneur de
-Saint-Aubin, homme excellent, très-pieux, mais cependant naturellement
-jovial, grand joueur de mail, sans ambition, sans intrigues, et qui
-s'acquit, par son caractère et par les qualités de son cœur et de son
-esprit, beaucoup d'amis, même dans les rangs les plus élevés. Il les
-conserva toute sa vie, quoiqu'en devenant âgé, il eût, pour satisfaire
-ses habitudes et ses inclinations, choqué les convenances du monde par
-un mariage inégal[201]. Saint-Aubin, comme l'abbé de Coulanges, aidait
-madame de Sévigné dans l'administration de ses biens, et dans tous les
-travaux qu'elle faisait entreprendre à sa terre des Rochers. Aussi
-attaché que son frère à l'aimable veuve, il l'assistait de ses
-conseils, et elle lui abandonnait volontiers le soin de leur
-exécution. Saint-Aubin, comme sa nièce, aimait les bons livres, et
-était d'une complaisance infatigable quand elle lui demandait de lui
-faire des lectures.
-
-A ces deux oncles de madame de Sévigné vint se joindre bientôt un
-troisième: c'était Louis de Coulanges de Chezières[202]. Celui-ci
-était depuis peu de retour d'un grand voyage qu'il avait fait en
-compagnie avec son neveu Philippe-Emmanuel de Coulanges, ce même petit
-Coulanges avec lequel madame de Sévigné avait passé son enfance au
-château de Sucy[203]. Lui et de Chezières s'étaient mis à la suite du
-maréchal duc de Gramont et de M. de Lyonne, envoyés en ambassade à
-Francfort-sur-le-Mein, auprès des électeurs, qui y avaient été
-convoqués pour nommer un empereur. Ils avaient, en compagnie de
-Nointel, d'Amelot, de Le Camus, qui depuis devinrent de hauts
-personnages, parcouru l'Allemagne et l'Italie. Successivement bien
-accueillis à la cour de Bavière, à celle de Wurtemberg, de l'électeur
-Palatin, de Piémont, de Toscane, ils avaient vu à Rome le nouveau pape
-officier pendant la semaine sainte, et ils étaient de retour à Paris
-le 23 octobre 1658. Coulanges alla aussitôt en Picardie voir son oncle
-d'Ormesson, qui était intendant de cette province; il rejoignit
-ensuite son père à la campagne, chez la marquise de La Trousse, sa
-tante, dans la terre de ce nom. Il retrouva là aussi sa tante, ses
-deux sœurs, et sa cousine mademoiselle de La Trousse. Son oncle de
-Chezières l'avait quitté, et s'était empressé, ainsi que je l'ai dit,
-de se rendre aux Rochers[204].
-
-On peut juger combien madame de Sévigné dut être satisfaite de
-l'arrivée de cet oncle, qu'elle aimait à l'égal des deux autres. Après
-un voyage aussi long et aussi intéressant, sa conversation dut être
-d'autant plus délicieuse pour elle pendant les jours d'oisiveté qui
-permettent à la campagne de jouir du présent et de faire une pose dans
-la vie, que de Chezières était un homme ponctuel dans ses narrations,
-retenant avec soin les dates, les noms et les circonstances, et
-toujours prêt à redresser les faits et à les expliquer. Il aimait
-beaucoup le séjour des Rochers, probablement à cause de l'amitié qu'il
-portait à sa nièce; et il y revenait volontiers et souvent[205].
-
-Madame de Sévigné se plaisait tant dans la société de ses trois
-oncles, qu'elle ne quitta les Rochers qu'à la fin de l'année et dans
-les derniers jours de septembre. Elle retrouva à Paris son cousin de
-Coulanges, son ami d'enfance. Mais il faut le laisser parler, et
-copier ce qu'il a dit lui-même dans son journal aussitôt après son
-retour:
-
-«Vers Noël, madame la marquise de Sévigné, ma cousine germaine, dame
-d'un mérite extraordinaire, et pour laquelle j'ai eu toute ma vie une
-très-tendre amitié, arriva de ses terres de Bretagne avec l'abbé de
-Coulanges, M. de Chezières, qui l'était allé trouver après son retour
-d'Allemagne, et M. de Saint-Aubin, ses oncles et les miens. J'eus la
-plus grande joie du monde de les embrasser tous, et de voir, par leur
-arrivée, toute ma famille paternelle réunie pour longtemps[206].»
-
- [180] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. 411.
-
- [181] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mémoires inédits_, 1828, t. II, p. 46.
-
- [182] MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 409.
-
- [183] LORET, liv. VIII, p. 153.--MONTPENSIER, t. XLII, p. 153.
-
- [184] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 104, 169, 198, 207, 208,
- 215, 238.--LORET, liv. VIII, p. 98, 114 (en date du 6 août 1657),
- p. 121 (13 août), p. 181.--MONGLAT, _Mém._, t. LI, p.
- 34.--MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. 47.--LORET, liv. IX, p. 5
- (2 janvier 1658).
-
- [185] GUY-PATIN, _Lettres_, t. V, p. 145.--MOTTEVILLE, t. XXXIX,
- p. 421.--MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 26.--DESORMEAUX, _Histoire de
- Condé_, t. IV, p. 102.
-
- [186] _Vie de madame de Longueville_, édit. 1739, t. II, p. 10,
- 11, 18, 22, 24 et 26.
-
- [187] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 220 et 221.
-
- [188] _Vie de la duchesse de Longueville_; Amsterdam, 1739,
- in-12, t. II, p. 26.
-
- [189] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 299.
-
- [190] GUY-JOLY, _Mém._, t. XLVII, p. 410.--PETITOT, _Notice sur
- Port-Royal_, t. XXXIII, p. 137.
-
- [191] LORET, liv. VIII, p. 136 (18 septembre), p. 156 (13
- octobre).
-
- [192] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 24, 37.--RAGUENET, _Vie de
- Turenne_, p. 270.--DESORMEAUX, _Hist. de Condé_, t. IV, p.
- 103.--JACQUES II, _Mémoires_, t. II, p. 116.--LORET, liv. VIII,
- p. 120, 123, 131, 142 (13 août, 1er et 22 septembre).--RAMSAY,
- _Hist. de Turenne_, t. II, p. 72, 80, édit. in-12.
-
- [193] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 38 et 40.--GRAMONT, _Mém._, t.
- LVI, p. 275, 436, 445, 452, 463, 464, 477.--LORET, liv. VIII, p.
- 106, 136 et 143 (21 juillet, 8 et 12 septembre).--GUY-PATIN,
- _Lettres_, t. V, p. 137.
-
- [194] MONGLAT, t. LI, p. 64.--LORET, liv. VIII, p. 115 et 116.
-
- [195] LORET, liv. VIII, p. 162 (27 octobre).
-
- [196] LORET, liv. VIII, p. 111 (28 juillet).--MONGLAT, _Mém._, t.
- LI, p. 38; _Hist. de la vie et des ouvrages de la Fontaine_, 3e
- éd., t. I, p. 37.
-
- [197] LA FONTAINE, _OEuvres_, édit. 1827, t. VI, p. 260.
-
- [198] Longtemps.
-
- [199] FOUQUET, _Conclusions de ses Défenses_; Elzeviers, 1668,
- in-18, p. 90.
-
- [200] MAINTENON, _Lettres_, 1756, in-12, t. I, p. 24, _lettre à
- madame Fouquet_.
-
- [201] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (4 mai 1672), t. I, p. 420, M.; (6
- octobre 1679) t. V, p. 452, 455, 458; (10 et 15 novembre 1688) t.
- VIII, p. 149, 153; (19 novembre) p. 164; (6 décembre 1688) p.
- 192; et dans l'édition de Gault de Saint-Germain, voyez t. VI, p.
- 152; t. VIII, p. 436, 440, 444, 446, 476; conférez 3e partie de
- ces _Mémoires_, ch. VIII, p. 133.
-
- [202] COULANGES, _Mémoires_, 1820, in-8º, p. 2 et 49; conf. 3e
- partie, ch. VIII, p. 132.
-
- [203] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (22 juillet 1676), t. IV, p. 382; dans
- G. de St.-G., t. V, p. 31.
-
- [204] COULANGES, _Mémoires_, p. 49.
-
- [205] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (5 août 1671), t. II, p. 143; (23 août
- 1671) t. II, p. 168; (30 avril 1675) t. III, p. 264; (10 mai
- 1675) t. III, p. 266; (2 octobre 1675) t. IV, p. 13; t. V, p.
- 224; conférez dans l'édition de Gault de St.-Germain, t. II, p.
- 172, 202; t. III, p. 41, 383.
-
- [206] COULANGES, _Mémoires_, p. 49 et 50.
-
-
-
-
-CHAPITRE XI.
-
-1657-1658.
-
- Bussy poursuit son plan auprès de sa cousine.--Il savait
- apprécier son style.--Il aimait à exercer sa critique sur les
- auteurs les plus fameux.--Il se plaisait à faire confidence à sa
- cousine de ses intrigues galantes.--Lettres de Bussy à madame de
- Sévigné.--Ce qu'il a écrit à la marquise d'Uxelles.--Rupture
- entre Bussy et madame de Sévigné.--Bussy déplaît à Turenne.--Il
- fait sa cour à Mazarin et à Fouquet.--Sa galanterie lui fait des
- rivaux et des ennemis.--Il contracte des dettes.--Il remet à
- Fouquet la démission de sa charge.--Bussy reçoit de l'argent de
- Fouquet.--Bussy s'adonne au jeu.--Il a besoin d'argent pour ses
- équipages de campagne.--Madame de Sévigné consent à lui en
- prêter.--Des formalités empêchent la délivrance de la
- somme.--Bussy emprunte sur les diamants de madame de Monglat.--Il
- part furieux contre madame de Sévigné.--Ses malheurs datent de sa
- rupture avec elle.--Il se distingue à l'armée.--Il fait pendant
- la semaine sainte une partie de débauche au château de
- Roissy.--Bussy est disgracié pour cette orgie.--Il fait des vers
- contre Mazarin et des personnes de la cour.--Il compose son
- _Histoire amoureuse des Gaules_, et y place le portrait de madame
- de Sévigné.--Il est mis à la Bastille pour ce libelle.--Supporte
- mal l'infortune.--Comment se passa la fin de sa vie.--Personne ne
- l'aimait, hors madame de Sévigné.--Cependant le souvenir de
- l'injure qu'il lui a faite excite toujours ses craintes.--Bussy
- se repent de ce qu'il a fait contre sa cousine.--Dans une
- circonstance mémorable il se conduit à son égard avec générosité.
-
-
-Bussy se flattait peu, après une aussi longue résistance, de pouvoir
-triompher de sa cousine; mais il goûtait de jour en jour davantage le
-commerce épistolaire qu'il entretenait avec elle. Homme de goût et
-d'esprit, il se vantait avec quelque raison de son tact en littérature
-et de l'indépendance de ses jugements. Chapelain, dont la haute
-réputation avait résisté même à la publication de son poëme, n'était
-pas à l'abri de ses critiques. Bussy appréciait parfaitement le
-naturel, l'élégance, la variété et la vivacité des tours et toutes les
-qualités du style de sa cousine. Il en était charmé, et ses lettres
-lui causaient un plaisir toujours nouveau. D'ailleurs, il avait la
-plus entière confiance dans sa prudence et dans sa discrétion. Obligé
-de se soumettre à la défense qu'elle lui avait faite de ne jamais dans
-sa correspondance l'entretenir de son amour, il s'en dédommageait en
-lui faisant confidence de ses intrigues galantes avec d'autres femmes.
-Dans une lettre qu'il lui adressa pendant cette campagne, il lui fait
-part de sa correspondance avec la marquise d'Uxelles:
-
-
-LETTRE DE BUSSY A MADAME DE SÉVIGNÉ.
-
- «Au camp de Blessy, le 4 août 1657.
-
- «Votre lettre est fort agréable, ma belle cousine; elle m'a fort
- réjoui. Qu'on est heureux d'avoir une amie qui ait autant
- d'esprit que vous! Je ne vois rien de si juste que ce que vous
- écrivez, et l'on ne peut pas vous dire: Ce mot-là serait plus à
- propos que celui que vous avez mis. Quelque complaisance que je
- vous doive, madame, vous savez que je vous parle assez
- franchement pour ne pas vous dire ceci si je ne le pensais pas;
- et vous ne doutez pas que je ne m'y connaisse un peu, puisque
- j'ose bien juger des ouvrages de Chapelain[207], et que je
- censure assez justement ses pensées et ses paroles. Je vous
- envoie copie de la lettre que j'ai écrite à la marquise
- d'Uxelles. Elle me mande que si j'aime les grands yeux et les
- dents blanches, elle aime, de son côté, les gens tendres et les
- amoureux transis, et que ne me trouvant pas comme cela, je me
- tienne pour éconduit. Elle revient après; et sur ce que je lui
- mande que je la quitterai si elle me rebute, et qu'à moins de se
- déguiser en maréchale pour me surprendre, elle ne m'y rattrapera
- plus, elle me répond que je ne me désespère point, et qu'elle me
- promet de se donner à moi quand elle sera parvenue à la dignité
- pour laquelle, à ce qu'elle dit, on la mange jusqu'aux os; que
- mon poulet ne pouvait lui être rendu plus mal à propos, et que,
- n'ayant pas un denier, elle était dans la plus méchante humeur du
- monde[208].»
-
-On voit, par les particularités contenues dans cette lettre, qu'il
-existait entre Bussy et sa cousine tous les genres d'intimité, excepté
-celui qu'elle repoussait, et qui n'eût point été compatible avec de
-tels aveux. Cependant, c'est alors que leur liaison semblait la plus
-étroite, c'est lorsque leur amitié mutuelle s'était accrue par
-l'habitude de se communiquer leurs pensées, qu'il y eut entre eux une
-rupture absolue. L'outrage qui en fut la suite aurait pu rendre cette
-rupture définitive, si l'excellent caractère de madame de Sévigné, la
-bonté de son cœur, le repentir sincère de Bussy, sa noble conduite
-dans une circonstance délicate, un orgueil de famille assez prononcé
-dans le cousin comme dans la cousine, les inclinations qu'ils avaient
-toujours eues l'un pour l'autre, n'eussent, après huit ans
-d'intervalle, opéré entre eux un rapprochement sincère, et renoué
-enfin une correspondance depuis longtemps interrompue.
-
-Mais pour bien connaître la cause de cette rupture, qui eut peut-être
-plus d'influence sur la destinée de madame de Sévigné qu'elle-même ne
-le soupçonna, il faut continuer à suivre les principaux détails de la
-vie de Bussy, comme nous l'avons fait jusque ici.
-
-Bussy dès les premiers moments qu'il fut placé sous les ordres du
-maréchal de Turenne, lui avait déplu[209]: Bussy cependant avait un
-courage brillant; il était bon officier, entendait bien la guerre, et
-fit plusieurs actions d'éclat qui lui méritèrent les éloges de Turenne
-lui-même; mais Bussy faisait souvent des fautes par un excès de
-présomption. Il était vain et arrogant, et il aimait trop ses plaisirs
-pour ne pas souvent négliger ses devoirs[210]. Son esprit médisant et
-caustique dirigeait sur tout le monde, et sur ses supérieurs même, des
-traits acérés[211]. Trop jaloux des priviléges de sa charge, il
-faisait de son plein gré des promotions dans la cavalerie, et
-délivrait des commissions d'officier sans en référer au général en
-chef[212]. Il en avait le droit; mais dans l'exercice de l'autorité il
-faut moins consulter son droit que l'intérêt de la chose qui nous a
-été confiée, et le jugement nous indique quand il faut aller au delà
-de nos pouvoirs et quand il faut rester en deçà. Le privilége dont
-Bussy abusait était de nature à déplaire à tout général en chef, même
-en temps de paix; en guerre il était évidemment nuisible au bien du
-service, et il entraînait de fâcheuses conséquences.
-
-Malgré son orgueil, Bussy faisait assidûment sa cour à Mazarin et à
-Fouquet, dans l'espérance d'obtenir de l'avancement du premier et de
-l'argent du second[213]; or, rien n'était plus propre qu'une telle
-conduite à lui enlever l'estime de Turenne. Ce grand capitaine se
-prévalait de l'appui qu'il prêtait à l'État pour se maintenir dans une
-indépendance utile aux succès de ses opérations; il lui importait peu
-de déplaire au premier ministre: parfaitement désintéressé, il n'avait
-ni richesses ni faveurs à demander, et la nécessité de la discipline
-le portait à vouloir que les officiers sous ses ordres dépendissent de
-lui et non de Mazarin. Bussy, malgré ses pressantes sollicitations,
-n'obtenait point l'exécution des promesses qui lui avaient été faites.
-Il attribuait le défaut de succès de ses démarches au peu de crédit
-dont il jouissait près de Turenne, et il ne se trompait pas. Quoique
-Mazarin fût jaloux de Turenne, il lui rendait justice; il savait
-apprécier ses services et ses talents, et il le ménageait. Si Bussy
-avait pu obtenir l'appui de ce grand capitaine, Mazarin n'aurait pas
-osé lui manquer si souvent de parole.
-
-A tous ces mécomptes de l'ambition Bussy joignait une conduite propre
-à lui faire beaucoup d'ennemis: il ne se contentait pas d'une seule
-maîtresse, mais toutes les femmes qui lui plaisaient devenaient les
-objets de ses poursuites; et comme il réussissait souvent, il avait
-contre lui beaucoup d'envieux et de jaloux et un plus grand nombre de
-rivaux. Ce qu'il y avait pour lui de plus triste et de plus
-désastreux, c'est qu'il n'avait ni ordre dans ses affaires ni
-économie dans ses dépenses; son faste, son goût pour les plaisirs lui
-en faisaient faire d'excessives, et de très-disproportionnées à sa
-fortune. Les sommes qu'il avait empruntées au surintendant pour payer
-sa charge eussent exigé de lui qu'il fît des épargnes, afin de pouvoir
-en opérer le remboursement et en servir les intérêts; mais, bien loin
-de pouvoir y parvenir, il avait contracté de nouvelles dettes. Dans
-son marché avec Fouquet, il s'était engagé d'obtenir avant trois ans
-un grade supérieur à celui de mestre de camp dans la cavalerie[214],
-et de céder cette dernière charge au surintendant, qui voulait la
-faire passer dans sa famille. Pour sûreté de cette condition, Bussy
-avait remis d'avance à Fouquet la démission de sa charge; mais comme
-Bussy ne put obtenir d'avancement dans les délais déterminés, Fouquet
-refusa de lui compter les sommes stipulées en cas d'exécution de cette
-clause de leur contrat. Bussy voulut alors ravoir la démission
-souscrite par lui: pour forcer le surintendant à la lui rendre, il se
-servit de l'influence de l'abbé Fouquet, alors brouillé avec son
-frère, mais en grande faveur auprès de la reine mère et de Mazarin.
-Par le moyen d'une si puissante intervention, Bussy parvint à se faire
-rendre la démission qu'il avait donnée; mais il s'attira l'inimitié du
-surintendant[215].
-
-Pour qu'aucun travers, aucune cause de ruine ne manquât à Bussy, il
-était joueur: il est vrai que, si on l'en croit, il était heureux au
-jeu. Cependant il y a lieu de penser qu'il aimait à se vanter de ce
-qu'il gagnait, et se taisait sur ses pertes. Il fait mention dans ses
-Mémoires des gains considérables qu'il fit pendant qu'il était à
-l'armée de Catalogne. Ils lui suffirent pour défrayer toutes ses
-dépenses pendant cette campagne; il lui resta même encore dix mille
-écus sur cet argent[216]. Dans la lettre à sa cousine dont nous venons
-de transcrire une partie, il dit qu'il a gagné huit cents louis[217],
-et qu'il est tellement en veine, que personne n'ose plus jouer avec
-lui. Cependant, lorsque l'année suivante le moment vint de partir pour
-l'armée, il se trouva dans une telle détresse qu'il n'avait pas de
-quoi suffire à la dépense de ses équipages[218], et si peu de crédit,
-que personne ne voulait lui prêter[219]. Il ne savait comment se tirer
-d'embarras, lorsque l'évêque de Châlons, Jacques de Neuchèse, oncle de
-sa première femme, dont nous avons parlé précédemment[220], mourut.
-Cet évêque avait donné par contrat de mariage à sa nièce, lorsqu'elle
-épousa Bussy, une valeur de dix mille écus, et autant à son autre
-nièce madame de Sévigné; le tout était payable seulement après sa
-mort. Madame de Sévigné, qui désirait avoir une terre de l'évêque de
-Châlons rapprochée de Bourbilly, avait proposé à Bussy de traiter avec
-lui de ses droits dans la succession de leur oncle. Bussy, sans
-rejeter ni accepter cette proposition, mais uniquement occupé du soin
-de se tirer de la gêne où il était, envoya Corbinelli à sa cousine,
-pour lui demander en son nom de lui faire trouver dix mille écus: il
-lui offrit pour garantie le nouvel héritage auquel il avait droit.
-Madame de Sévigné accepta, et même elle témoigna sa joie de pouvoir
-obliger Bussy; mais elle se laissait gouverner entièrement pour ses
-intérêts pécuniaires par son oncle l'abbé de Coulanges; et là où elle
-n'avait pas vu de difficultés il en aperçut. L'abbé connaissait le
-désordre des affaires de Bussy, et avant de laisser grever les biens
-de sa nièce pour une somme de dix mille écus, qui valaient à peu près
-60,000 fr. d'aujourd'hui, il voulut savoir si les biens de Bussy
-n'étaient pas déjà engagés, et s'assurer quels pouvaient être ses
-moyens de remboursement. Il envoya quelqu'un en Bourgogne pour prendre
-des informations; et pour déguiser ce que cette mesure avait
-d'offensant, l'abbé de Coulanges dit qu'on ne pouvait disposer des
-fonds d'une succession qui n'était pas encore partagée; et que par
-conséquent il y avait nécessité d'aller trouver l'héritier de M. de
-Neuchèse, pour s'assurer de son consentement relativement à
-l'hypothèque offerte par Bussy. Madame de Sévigné fit savoir à Bussy
-les raisons du retard du prêt qu'elle devait lui faire. Bussy répondit
-qu'il lui était impossible d'attendre, parce que l'armée avait déjà
-investi Dunkerque, et que s'il ne se trouvait pas à ce siége, il
-serait déshonoré: il lui offrit pour sûreté de la somme qu'il
-demandait, en attendant le retour de l'homme d'affaires envoyé en
-Bourgogne, des ordonnances de ses appointements pour dix mille écus,
-disant que, lors même qu'il mourrait à l'armée, il serait facile de se
-faire payer du montant de ces ordonnances jusqu'à concurrence de la
-somme prêtée, puisque cela ne dépendait que de Fouquet, dont la bonne
-volonté à l'égard de sa cousine n'était pas douteuse. Madame de
-Sévigné répondit que le surintendant était précisément l'homme du
-monde auquel elle consentirait le moins à demander un service
-d'argent.
-
-Cette correspondance et ces négociations avaient consumé du temps, et
-n'avaient fait qu'augmenter la détresse de Bussy, qui était arrivé à
-la veille du jour de son départ. La marquise de Monglat vint à son
-secours; elle lui remit ses diamants, qu'il mit en gage; il emprunta
-dessus deux mille écus: avec cet argent il partit, mais le cœur
-ulcéré contre sa cousine, se croyant trompé par elle, et regardant
-comme fausses toutes les protestations qu'il en avait reçues, comme
-perfides tous les témoignages de tendresse et d'amitié qu'elle lui
-avait donnés. Quoiqu'il ne pût s'empêcher de l'aimer encore, il rompit
-tout commerce avec elle. Le dépit et l'orgueil blessé lui inspirèrent
-le même désir de vengeance que la haine, et il ne tarda pas, comme
-nous le verrons bientôt, à se satisfaire. C'est de cette époque que
-datent le déclin de la fortune de Bussy et tous ses malheurs. Si sa
-rupture avec sa cousine n'en fut pas la seule cause, il est certain
-qu'elle y contribua beaucoup. C'est depuis qu'il eut cessé d'avoir
-madame de Sévigné pour confidente et pour amie, depuis qu'il n'eut
-plus la crainte d'être désapprouvé par elle, depuis qu'il ne redouta
-point ses spirituelles et utiles railleries, et qu'il ne fut plus
-encouragé par ses éloges ni éclairé par ses conseils, qu'il passa de
-la prodigalité au désordre, et de la galanterie à la débauche.
-
-Au retour de cette campagne, qui fut une des plus brillantes et une
-des plus importantes par ses résultats, toute la jeune noblesse qui en
-était revenue, enivrée de ses succès et de la gloire commune, se livra
-avec plus d'emportement que de coutume aux plaisirs de la capitale.
-Bussy, qui s'était distingué par de beaux faits d'armes, fut un des
-plus ardents à se dédommager des ennuis et des fatigues de la guerre,
-par toutes les joyeuses folies auxquelles l'usage permettait de
-s'abandonner pendant le carnaval. Lui et ses compagnons habituels
-virent avec peine arriver le moment où les solennités de la semaine
-sainte les forceraient d'interrompre et de changer leur genre de vie:
-en le continuant ouvertement, ils savaient qu'ils révolteraient les
-sentiments de morale publique et s'exposeraient à des dangers.
-Vivonne, premier gentil-homme du roi, l'un d'entre eux, leur offrit
-d'aller passer ce temps de retraite et de pénitence à son château de
-Roissy, à quatre lieues de Paris, leur promettant que, loin de
-l'intrusion des fâcheux et des regards de tous les censeurs, ils
-auraient pleine liberté pour se réjouir et abondance de tous les
-moyens nécessaires à la satisfaction de leurs goûts. Outre Vivonne et
-Bussy, il y avait, dans le nombre de ces jeunes débauchés, Cavois,
-lieutenant au régiment des Gardes; Mancini, neveu du cardinal Mazarin;
-les comtes de Guiche et de Manicamp et l'abbé Le Camus, qu'on est bien
-étonné de trouver en telle compagnie, car c'est bien le même qui
-depuis, aumônier et prédicateur du roi, évêque et cardinal, devint un
-modèle de vertu, de piété et d'humilité chrétienne[221]. En se rendant
-au château qui devait être le théâtre de leurs orgies, ces jeunes
-écervelés arrêtèrent en route un procureur nommé Chantereau; ils
-l'emmenèrent prisonnier, puis, après l'avoir enivré et s'en être
-divertis, ils le renvoyèrent. Ils se mirent ensuite à jouer gros jeu;
-puis après ils firent venir des violons. Le jour suivant, ou plutôt la
-nuit suivante, qui était celle du samedi au dimanche, ils firent ce
-qu'on appelait alors _media noche_, c'est-à-dire un repas au milieu de
-la nuit, afin de pouvoir s'enivrer et manger de la viande. Malgré les
-précautions qu'ils avaient prises, le bruit de leurs excès et de leurs
-débauches perça au dehors; tout ce qu'il y avait eu dans leurs actions
-de blâmable pour les bonnes mœurs, d'outrageant pour la religion,
-devint la matière de récits exagérés: le roi et la reine en furent
-informés, et Bussy et tous les auteurs de ces scènes scandaleuses
-furent exilés dans leurs terres[222]. Cette disgrâce ôtait à Bussy
-tous les moyens d'obtenir l'accomplissement des promesses d'avancement
-qui lui avaient été faites. La sévérité dont on usa envers lui dans
-cette circonstance lui parut excessive; elle l'aigrit contre Mazarin,
-contre la reine, contre Turenne, contre tout ce qui était puissant et
-favorisé par eux. Il exhala d'abord, à part lui à la vérité et en
-secret, sa malignité dans des satires, des chansons, des épigrammes
-dirigées contre les courtisans, les ministres et les généraux. Il en
-divertit sa maîtresse[223]. Comme elle prenait goût à ces dangereux
-exercices d'esprit, il composa, pour la satisfaire, le curieux et
-scandaleux volume qu'il intitula _Histoire amoureuse des Gaules_. Sous
-des noms déguisés et faciles à deviner, et sous la forme d'un roman
-écrit d'un style naturel et élégant, il y dévoila les intrigues, le
-libertinage et les turpitudes de plusieurs personnages de la cour.
-Comme il était alors au plus haut point de sa colère contre madame de
-Sévigné, il traça d'elle un portrait satirique. C'est ce portrait et
-un ou deux autres qui ont fait dire à Saint-Évremond, au sujet de cet
-ouvrage, «que son auteur avait dit du mal de certaines femmes dont il
-n'avait pas pu même inventer les désordres[224]».
-
-Bussy fit quelques lectures de son ouvrage à des personnes sur la
-discrétion desquelles il pouvait compter. Son secret lui fut gardé
-pendant quelque temps; mais, ainsi que nous le dirons plus amplement,
-il fut trahi par la jalousie d'une de ses maîtresses. Il avait eu la
-faiblesse de prêter son manuscrit pendant vingt-quatre heures. Contre
-la foi de la promesse qui lui avait été faite, on en fit une copie qui
-servit à en faire d'autres, qui circulèrent, et l'ouvrage fut imprimé
-en Hollande, sans nom d'auteur d'abord, puis peu après avec le nom de
-l'auteur, et donnant la connaissance de tous les personnages dont les
-noms étaient déguisés, au moyen d'un index ou clef qu'on avait ajoutée
-et imprimée à la fin. Ce ne fut pas tout: en recopiant et en
-réimprimant cet ouvrage, on y fit des additions, qui en augmentèrent
-le venin et le scandale, et dont Bussy n'était pas l'auteur. Un des
-interlocuteurs de cette espèce de roman historique y parlait d'un
-cantique qu'on avait chanté, sans dire quel était ce cantique et sans
-en rien citer. On en composa un avec des couplets dirigés contre le
-roi et les femmes de la cour, et on l'intercala dans cet endroit de
-l'ouvrage de Bussy. Cette addition fut faite peu de temps après les
-premières éditions: il y avait encore d'autres couplets, moins
-coupables, qu'on lui attribuait alors, et qu'il affirmait n'être
-point de lui[225]. Ses protestations, ses assertions, et les preuves
-dont il offrait de les appuyer, furent repoussées; il fut mis à la
-Bastille, et tomba dans une disgrâce complète.
-
-On verra par la suite de ces Mémoires que Bussy ne sut point supporter
-avec courage et dignité son infortune, ni profiter de l'intérêt que
-l'arbitraire dont il était victime attachait à sa disgrâce. Il
-flattait bassement ceux par lesquels il espérait remonter à la faveur,
-et il les déchirait en secret. Sa détention ne fut pas de longue
-durée; mais vingt années s'écoulèrent sans qu'il pût obtenir la
-permission de se montrer à la cour. Il y reparut enfin, mais humilié,
-mais sans charge, sans fonctions, sans crédit, sans considération, et
-confondu dans la foule des courtisans. Aussi rentra-t-il promptement
-dans sa retraite; il y termina ses jours, qu'abrégèrent de tristes
-débats de famille et un odieux procès. Saint-Évremond, qui le connut
-particulièrement, a dit de lui «qu'il n'aimait personne et parvint à
-n'être aimé de qui que ce soit». Cette dure assertion doit être au
-moins modifiée, puisqu'elle offre une exception dans madame de
-Sévigné. Cependant le commerce qu'elle renoua avec Bussy après leur
-rupture ne fut pas semblable à celui qu'elle entretenait avant cette
-époque: le souvenir de l'outrage qu'elle en avait reçu était pour son
-cœur une plaie que le temps ne put entièrement cicatriser. On
-s'aperçoit, en lisant les lettres qu'elle lui a adressées depuis leur
-réconciliation, qu'une sorte de crainte et de défiance se mêle à
-l'abandon auquel elle aurait voulu se livrer, et qu'elle se tenait
-toujours sur ses gardes. Cependant Bussy fut pour elle l'homme le plus
-aimable et le plus spirituel, celui avec lequel elle aimait le plus à
-s'entretenir. Elle le regardait comme injustement persécuté, et en
-butte à des ennemis inférieurs à lui en mérite; elle aurait voulu le
-voir heureux, et elle était vivement touchée des revers de sa fortune.
-Bussy, après s'être réconcilié avec sa cousine, lui rendit toute sa
-confiance, et sentit renaître toute son affection pour elle; il avait
-la plus haute estime pour ses vertus, la plus vive admiration pour son
-esprit, la plus forte inclination pour son caractère, égal, sensé,
-aimable, aimant et gai. Le repentir qu'il éprouvait de l'avoir
-offensée fut profond et durable; il le peint avec énergie dans un
-endroit de ses Mémoires qu'il écrivait pour lui-même et pour ses
-enfants, avec le dessein de ne jamais les publier de son vivant.
-
-«Un peu avant la campagne de 1658, je me brouillai avec madame de
-Sévigné. J'eus tort dans le sujet de ma brouillerie; mais le
-ressentiment que j'en eus fut le comble de mon injustice. Je ne
-saurais assez me condamner en cette rencontre, ni avoir assez de
-regrets d'avoir offensé la plus jolie femme de France, ma proche
-parente, que j'avais toujours fort aimée, et de l'amitié de laquelle
-je ne pouvais pas douter. C'est une tache de ma vie, que j'essayai
-véritablement de laver quand on arrêta le surintendant Fouquet.»
-
-Bussy a raison de se vanter de la conduite qu'il tint dans cette
-dernière circonstance. Elle fut noble et généreuse, mais ce n'est pas
-encore ici l'occasion de la faire connaître. Le but principal de cet
-ouvrage nous oblige à perdre quelque temps Bussy de vue; nous
-reviendrons à lui lorsqu'il aura cessé d'être brouillé avec madame de
-Sévigné. Nous allons continuer à suivre celle-ci dans le monde, où
-elle brillait alors avec plus d'éclat encore que par le passé, et où
-son esprit, les charmes de sa personne et les agréments de son
-commerce lui avaient acquis une véritable célébrité.
-
- [207] Conférez LORET, liv. VII, p. 21, _lettre_ du 5 février
- 1656.
-
- [208] BUSSY, _Mém._, 1721, in-12, t. II p. 90; édit. in-4º, t.
- II, p. 109; _Supplément_, t. I, p. 158.--SÉVIGNÉ, _Lettres_, t.
- I, p. 53.
-
- [209] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 85, 89 de l'édit. in-12.--Ibid.,
- t. II, p. 203 et 207 de l'édit. in-4º.
-
- [210] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 100 à 109 de l'édit. in-12, p. 137
- et 335 de l'édit. in-4º.
-
- [211] SAINT-ÉVREMOND, _lettre touchant la destinée du comte de
- Bussy-Rabutin_, _OEuvres_, 1753, in-12, t. IX, p. 119.--BUSSY,
- _Mém._, t. II, p. 43, édit. in-12; t. II, p. 91 et 95, édit.
- in-4º.
-
- [212] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 91, passim.
-
- [213] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 105.
-
- [214] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 107 et 108 de l'édit. in-12, et t.
- II, p. 129 de l'édit. in-4º.
-
- [215] Ibid., _Mém._, t. II, p. 140 à 146, édit. in-12, et t. II,
- p. 171 à 177 de l'édit. in-4º.
-
- [216] BUSSY, t. I, p. 456, édit. in-12, et t. I, p. 561 de
- l'édit. in-4º.
-
- [217] SÉVIGNÉ (lettre de Bussy, 4 août 1657), t. I, p. 66, édit.
- G, t. I, p. 54, édit. M.
-
- [218] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 109 de l'édit. in-12, ou t. II, p.
- 132 de l'édit. in-4º.
-
- [219] BUSSY, _Mém._, passage inédit inséré dans les notes sur
- SÉVIGNÉ, _Lettres_, édit. 1820, t. I, p. 141, et _Lettres_ de
- SÉVIGNÉ, 29 juillet 1668, t. I, p. 133 et 134.--BUSSY, _Mém._, t.
- II, p. 157.
-
- [220] Voyez 1re partie, ch. XI, p. 149 et 150.
-
- [221] LORET, liv. VIII, p. 48, du 7 avril 1657.--MOTTEVILLE,
- _Mém._, t. XL, p. 7.--DANGEAU, _Nouveaux Mémoires_, dans l'_Essai
- sur l'établissement monarchique de Louis XIV_, par Lemontey, p.
- 23.--DE SUBLIGNY, _Muse Dauphine_, p. 112; _Hist. de la Vie et
- des Ouvrages de La Fontaine_, 3e édit., p. 410.--LA FONTAINE,
- _OEuvres_, 1827, t. VI, p. 162.
-
- [222] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 153 et 155, édit. in-12.--Ibid.,
- t. II, p. 179 de l'édit. in-4º.--BUSSY, _Hist. amour. de France_,
- 1710, p. 273.--Ibid., édit. 1754, t. I, p. 234.--MOTTEVILLE, t.
- XL, p. 6.
-
- [223] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 162.
-
- [224] SAINT-ÉVREMOND, _OEuvres_, t. IX, p. 119.
-
- [225] Le fameux cantique _Alleluia_ ne se trouve point dans les
- deux premières éditions de l'_Histoire amoureuse des Gaules_,
- imprimées à Liége, sans date. La première où il se rencontre, et
- où se trouve aussi le nom de BUSSY, est celle qui est intitulée
- _Histoire amoureuse de France_, par BUSSY-RABUTIN, 1660, petit
- in-12 de 237 pages. Conférez la 3e partie, ch. I, p. 3, et p. 447
- et 448.
-
-
-
-
-CHAPITRE XII.
-
-1658-1659.
-
- Ardeur pour les plaisirs pendant les deux années qui précédèrent
- le mariage de Louis.--Promenade au Cours.--Foire
- Saint-Germain.--Conduite de madame de Sévigné.--Le roi devient
- amoureux de Marie Mancini.--Le roi a une courte maladie, qui met
- ses jours en danger.--Sentiments divers des courtisans pendant
- cette maladie.--Affliction profonde de Marie de Mancini.--Le roi
- en est instruit, sa passion pour elle s'en augmente.--Anne
- d'Autriche veut la combattre.--Conduite douteuse de Mazarin à ce
- sujet.--L'issue des négociations pour le mariage de Louis XIV
- avec la princesse de Savoie est, par cette passion, rendue
- incertaine.--Ces négociations sont rompues par l'offre de
- l'Espagne de donner l'infante.--Anne d'Autriche, craignant le
- mariage de son fils avec Marie de Mancini, fait rédiger d'avance
- une protestation.--Le cardinal se détermine à envoyer sa nièce au
- Brouage.--On s'est trompé sur les intentions que l'on a supposées
- à Mazarin--Il entrait dans son plan d'inspirer des craintes à
- l'Espagne, de montrer que lui seul voulait la paix.--La violence
- de la passion du roi manqua de faire échouer ces
- combinaisons.--Grand caractère de Mazarin.--Obstacles qu'il a eu
- à vaincre pour parvenir à la paix et au mariage du roi.
-
-
-Le roi et son frère entraient tous deux dans cet âge où le cœur et
-les sens dominent trop la volonté pour qu'elle puisse se soumettre à
-la froide raison, et ne pas secouer le joug de ceux qui voudraient
-mettre un frein à des passions dont alors les jouissances sont si
-vives et les dangers si peu connus. Sans doute les mœurs du temps,
-corrompues par la Fronde, et l'état de désordre dont on ne faisait que
-de sortir exerçaient leur fâcheuse influence sur ces deux adolescents
-et sur toute la jeunesse qui les entourait; mais les inclinations
-naturelles du monarque et les exemples qu'il donna pendant la plus
-grande partie de son règne augmentèrent l'intensité du venin qui
-circulait à la cour et parmi les grands, et qui à la longue se
-répandit dans toutes les classes.
-
-Il est des époques où la dissolution des mœurs a été plus grande en
-France que dans les deux années qui précédèrent le mariage de Louis
-XIV; mais jamais l'entraînement vers le plaisir ne fut aussi fort et
-aussi général. C'est le temps où Molière[226], avec sa troupe,
-commençait à faire goûter sur la scène tout le prix du vrai et du
-naturel; où le fameux acteur Scaramouche[227] y déployait une verve
-comique et bouffonne qui excitait un rire irrésistible; où Lully
-charmait les oreilles par une nouvelle et délicieuse mélodie[228]; où
-le génie des machinistes paraissait avoir acquis toute la puissance
-des magiciens et des enchanteurs, dans le nouvel opéra de
-_l'Enlèvement d'Hélène_[229]. C'est alors que les promenades au Cours
-eurent le plus d'éclat[230]; que la foire Saint-Germain compta ses
-plus beaux jours et ses fortunes les plus rapides. Dans ce vaste
-bazar, où l'on pénétrait par sept portes[231] principales, les
-richesses du monde entier se trouvaient réunies et classées. Chaque
-profession avait son quartier séparé, et chaque chose sa place
-distincte. A tout ce qui pouvait être utile aux besoins de l'homme, à
-son luxe, à ses voluptés, se joignait encore tout ce qui pouvait
-exciter sa curiosité ou tenter sa cupidité: des animaux rares, des
-faiseurs de tours, des loteries, des jeux de hasard. Pendant deux mois
-on se portait en foule dans ce lieu, où aujourd'hui un marché se
-trouve ouvert toute l'année. Le peuple y allait le jour; la noblesse
-s'y rendait la nuit[232], toujours masquée et déguisée, sans suite,
-dans des carrosses sans armoiries, sans cortége, et seulement avec des
-grisons, c'est-à-dire avec des cochers et des laquais sans livrées,
-vêtus de gris et le visage couvert. Là, au milieu de la clarté
-resplendissante des milliers de lustres, de flambeaux, de torches et
-de feux allumés (cette foire s'ouvrait en février), on se promenait
-dans les plus belles rues, dans celles des orfèvres, des merciers; on
-achetait des bijoux, des pierreries, des dentelles, de riches étoffes,
-des parfums, des tableaux, des meubles magnifiques, de grands miroirs
-(c'était alors un des objets rares); l'on s'écartait dans les allées
-sombres, obscures, favorables aux entretiens mystérieux et solitaires;
-ou l'on s'asseyait à ces banques, à ces loteries ruineuses, et l'on
-profitait d'un impénétrable incognito pour se livrer sans mesure à la
-plus ruineuse des passions. Ainsi dans ce lieu, que l'éclat des
-flammes, l'agitation et le bruit faisaient ressembler, pendant les
-ténèbres et le silence de la nuit, à un immense palais enchanté, on
-exploitait tous les vices comme toutes les industries au profit d'un
-couvent de religieux qui en étaient propriétaires.
-
-A tous ces plaisirs publics, qui étaient les plus vifs parce qu'on les
-partageait avec plus de monde, et qu'il y régnait plus de liberté, il
-faut ajouter, pour les grands et pour la cour, les ballets royaux,
-plus fréquents que par le passé[233]; les fêtes, les grands repas que
-donnaient Fouquet et le cardinal; les bals, les mascarades, et les
-divertissements de tous ceux qui, par leur rang et par leurs
-richesses, se trouvaient en position de les imiter[234]. A quoi il
-faut joindre encore les loteries gratuites, usage dispendieux et
-magnifique que le roi introduisit alors; manière galante, ingénieuse
-et toute royale de faire des dons aux dames, en y joignant les
-piquantes surprises du sort, qui, seul dispensateur des préférences,
-ne pouvait causer d'offense à personne.
-
-Anne d'Autriche, dont les inclinations à la retraite et à la dévotion
-croissaient avec l'âge, qui s'apercevait que l'empire qu'elle avait eu
-sur ses deux fils s'affaiblissait et allait lui échapper entièrement,
-ne chercha pointa mettre de digue à ce torrent de dissipation et de
-licence, parce qu'elle savait qu'elle l'aurait en vain essayé, et
-qu'en cela elle eût plutôt été contrariée que secondée par son
-ministre. Elle s'en affligeait en silence, et se contentait de
-témoigner sa désapprobation, en ne se mêlant que rarement aux
-divertissements de la cour, en faisant de longues et fréquentes
-absences au monastère du Val-de-Grâce, et en passant la plus grande
-partie de son temps dans cette retraite ou dans son oratoire.
-
-Madame de Sévigné, qui ne voulait ni fuir le monde ni partager ses
-travers, s'attacha surtout à la petite cour de MADEMOISELLE. Cette
-princesse, sans donner aucune prise à la médisance[235], ne montrait
-pas moins d'ardeur pour les plaisirs que dans sa première jeunesse.
-Lorsqu'au retour de son exil, Mazarin lui demanda ce qu'elle avait
-regretté le plus des amusements de Paris, pendant son séjour au
-château de Saint-Fargeau, elle répondit: «Les mascarades, la foire
-Saint-Germain, et la promenade au cours.» Ses mémoires nous apprennent
-qu'elle aimait singulièrement à aller à cheval avec madame de Sévigné,
-mademoiselle de Villeroy et madame de Bonneuil[236]. C'étaient, à ce
-qu'elle nous dit, parmi les dames qui composaient sa société
-habituelle, les seules assez habiles à manier un coursier pour pouvoir
-l'accompagner dans ces sortes de promenades. Elle avoue aussi que
-pendant cet hiver de 1659 elle allait presque tous les jours à la
-foire Saint-Germain[237], qu'elle y jouait et y gagnait souvent. Et
-quant aux mascarades, le choix des déguisements, l'oubli des
-convenances, si étrange dans une princesse si fière et si scrupuleuse,
-prouvent jusqu'à quel point elle se laissait dominer par son goût pour
-ce genre de divertissement. Au reste, le délire à cet égard était si
-général, que la reine elle-même, à laquelle son âge, et plus encore sa
-dévotion, interdisaient de telles licences, se surprenait à en rire,
-et ne pouvait s'empêcher d'y prendre plaisir. Quelques pertes cette
-année contristèrent le grand monde; mais plusieurs mariages devinrent
-aussi des occasions de réjouissance[238], entre autres celui du comte
-de Grignan avec mademoiselle de Rambouillet. Comme amie de la famille
-de Rambouillet, madame de Sévigné dut assister à ce mariage, se
-doutant peu alors que le nouveau marié serait un jour son gendre[239].
-
-C'est à cette année que se rapportent aussi les récits de la première
-partie de l'_Histoire amoureuse des Gaules_ de Bussy de Rabutin; et si
-dans cet ouvrage les discours et les lettres des personnages sont
-supposés, les faits sont exacts et vrais; il n'en est pas un
-d'essentiel qui ne se trouve confirmé par les Mémoires du temps et les
-témoignages les moins suspects[240]. Le tort de Bussy n'a donc pas
-été, comme on l'a accusé, d'avoir calomnié les mœurs de son temps,
-mais de s'être complu à délayer sous la forme des romans alors en
-vogue les aventures d'un très-petit nombre de femmes, et de n'avoir
-pas, comme le spirituel Hamilton à l'égard de la cour de Charles Ier,
-fait connaître les rivalités et les intrigues de celles de la jeune
-cour de Louis XIV. Ce tableau fidèlement tracé, et pour lequel les
-matériaux ne manquent pas, ne serait pas sans intérêt pour l'histoire;
-mais il conviendrait peu à celui où madame de Sévigné figure sur le
-premier plan. Il nous suffit de l'avoir indiqué.
-
-Il n'en est pas de même des amours du roi. C'étaient des événements
-publics, qui exerçaient une grande influence sur la France, et par
-elle sur l'Europe: madame de Sévigné s'en montre trop préoccupée pour
-que nous puissions les écarter du cadre qui doit renfermer tout ce qui
-concerne ses écrits et sa personne, si intimement liés à la peinture
-du siècle où elle a vécu.
-
-Mazarin avait réussi dans ses combinaisons: le roi était épris de
-Marie de Mancini. Peu de temps avait suffi pour lui faire gagner
-l'embonpoint qui lui manquait[241]; et si elle n'était pas devenue une
-beauté, elle avait acquis des attraits qu'on n'aurait pu deviner
-lorsqu'elle fut présentée à la cour. Son teint coloré, ses yeux vifs
-et brillants, sa physionomie ardente, la vivacité de son esprit
-caustique, son caractère ferme et décidé, l'inclination qu'elle
-témoignait ouvertement pour le jeune monarque, le soin qu'elle prenait
-publiquement de lui plaire, tout concourut à entraîner Louis vers
-elle; non par l'effet de ces subites sympathies qui s'emparent de
-toutes nos facultés, mais par l'influence, plus lente, plus durable,
-du plaisir que l'on trouve à fréquenter une personne qui chaque jour
-nous paraît plus aimable; dont le jugement révèle une supériorité que
-nous nous savons gré de savoir apprécier; dont la société nous semble
-toujours plus attachante; dont la tendresse et les accents passionnés
-nous font éprouver le besoin d'aimer avec le même abandon; qui enfin,
-par l'ascendant toujours plus grand qu'elle acquiert sur nos pensées,
-nos goûts, nos faiblesses, nos fantaisies, fascine nos sens, maîtrise
-nos affections, nous empreint de tous ses sentiments, et nous
-identifie à elle par l'harmonie parfaite des volontés et des désirs.
-
-Louis en était parvenu à ce point avec Marie de Mancini. En présence
-de tous, il lui montrait une préférence marquée; il se plaisait à
-s'entretenir seul avec elle; il prenait d'elle des conseils sur tout
-ce qui l'intéressait, même sur les affaires d'État. Aussi il employait
-tous les moyens pour multiplier les entrevues secrètes. Un jour
-qu'elle sortait de chez la reine et qu'elle se trouvait seule dans son
-carrosse, Louis monta sur le siége, et lui servit de cocher jusqu'à ce
-que la voiture ne fût plus en vue; alors il y entra, et vint se placer
-à côté d'elle[242]. Louis, malgré le goût qu'il avait pour se montrer
-en public dans les ballets et les tournois, avait toujours eu dès sa
-plus tendre jeunesse cet extérieur grave et froid[243] qui par la
-suite le rendit si imposant, et imprimait aux plus hardis le respect
-et la crainte. Ces caractères sérieux et réservés, lorsqu'on parvient
-à les faire descendre à la familiarité, passent plus facilement que
-d'autres de la familiarité à la confiance, et de la confiance à
-l'amour. Ces progrès dans les sentiments de Louis s'étaient surtout
-fait remarquer à la suite de la maladie dangereuse qu'il contracta au
-siége de Dunkerque[244]. On eut alors tout lieu de craindre pour sa
-vie. Plusieurs courtisans trahirent leurs vœux secrets par des
-mouvements de joie qu'ils ne purent déguiser; par d'imprudentes
-intrigues dont le frère du roi, l'héritier de la couronne, était
-l'objet. La douleur des autres témoigna, au contraire, de leur
-attachement. Mais le désespoir de Marie de Mancini et les larmes
-qu'elle répandit touchèrent les plus insensibles. Le roi, dans sa
-convalescence, fut instruit de tout. Il exila ceux qui avaient spéculé
-sur sa fin prochaine, et fit voir à ceux qui avaient manifesté des
-sentiments différents combien il leur savait gré de leur affection.
-Quant à Marie de Mancini, l'inclination qu'on lui soupçonnait pour
-elle se montra dès lors avec éclat, et prit tous les caractères d'un
-véritable amour. Spirituelle, hardie, emportée, elle était
-singulièrement propre à acquérir de l'ascendant sur un jeune
-monarque[245] qui sentait le besoin d'un appui pour s'affranchir de
-l'obstacle que sa jeunesse et l'éducation maternelle opposaient à son
-entière émancipation.
-
-On ne tarda point à s'apercevoir de cette nouvelle passion du roi et
-des changements qui s'opéraient dans son caractère et dans sa
-conduite. Mazarin s'en réjouit; la fière Anne d'Autriche s'en alarma
-vivement: non qu'elle désirât reprendre sur son fils un empire que
-l'âge qu'il avait atteint ne lui permettait plus d'exercer, mais parce
-qu'elle craignit que le premier ministre, malgré l'empressement
-apparent qu'il mettait à négocier le mariage de Louis XIV avec la
-princesse de Savoie, n'eût en secret le projet de lui faire épouser sa
-nièce. Par cette raison la reine pressa avec ardeur la conclusion de
-cette grande affaire. Ainsi cet amour de Louis XIV, qui semblait
-s'accroître à mesure qu'approchait le moment de conclure un hymen qui
-en exigeait le sacrifice, jetait tout l'intérêt d'un drame sur les
-froides combinaisons de la politique. La cour s'était transportée tout
-entière à Lyon; l'entrevue avec le jeune roi et la princesse de Savoie
-avait eu lieu; tous les efforts de la sagesse maternelle pour marier
-convenablement le roi le plus jeune, le plus beau, et déjà le plus
-puissant de l'Europe, semblaient couronnés du succès; rien ne
-paraissait s'opposer à la nouvelle alliance. Déjà commençaient les
-préparatifs pour l'auguste cérémonie, et cependant l'on doutait encore
-qu'elle pût avoir lieu: on craignait que les résultats de tant de
-ressorts, de tant d'intrigues, de tant de conférences diplomatiques,
-ne fussent rendus inutiles par les séductions et le caractère
-énergique d'une jeune fille. Marie de Mancini avait déclaré
-ouvertement qu'elle s'opposait à ce mariage, et elle osait se montrer
-rebelle aux volontés de la reine et aux volontés déclarées de son
-oncle. Elle disait sans détour au jeune roi qu'il était honteux pour
-lui qu'on voulût lui donner une femme aussi laide que la princesse de
-Savoie. Au moment où tout allait se terminer, où il ne manquait plus
-que la signature aux actes que l'on avait déjà dressés, Mazarin rompit
-tout à coup les négociations, et le roi et la cour revinrent à Paris.
-
-Tout le monde sait que cette rupture subite fut due à l'offre que
-l'Espagne fit de l'infante, avec la paix. Ainsi l'union de deux
-grandes monarchies et la cessation de la guerre, si ardemment
-désirée, semblèrent dépendre de la volonté de Marie de Mancini, qui
-pouvait à elle seule mettre obstacle à d'aussi grands biens ou les
-laisser se réaliser. Cette puissance dont elle était investie
-dirigeait en quelque sorte sur elle les regards de toute l'Europe. La
-passion qu'elle avait inspirée au roi avait acquis toute l'importance
-d'un grand événement.
-
-Quoique Anne d'Autriche n'ignorât pas que Mazarin n'entretînt depuis
-longtemps des négociations secrètes avec l'Espagne, cependant la
-rupture subite de celles qu'il avait conduites avec la Savoie réveilla
-ses soupçons et ses défiances. Malgré sa partialité pour son ministre,
-elle s'indigna qu'il pût concevoir l'idée d'asseoir une de ses nièces
-sur le trône de France. Ses craintes furent assez vives pour qu'elle
-prit la précaution de faire rédiger d'avance sa protestation contre le
-mariage de Louis XIV avec Marie de Mancini, ainsi que l'acte par
-lequel cette protestation devait être enregistrée au parlement, à huis
-clos, si ce mariage avait lieu. Ces projets d'actes furent, selon
-Loménie de Brienne, montrés au cardinal, qui alors se détermina à
-envoyer sa nièce au Brouage et à lui faire rompre tout commerce avec
-le roi[246]. Les faits de ce récit sont exacts, mais les intentions
-qu'on prête à Mazarin et les motifs auxquels on attribue ses actions
-ne le sont pas[247]. Je l'ai déjà dit: les jugements que l'on a portés
-sur ce grand ministre n'ont été que les échos de la haine et de
-l'envie qu'il a excitées de son vivant. On ne s'est pas donné la peine
-d'étudier les ressorts de sa politique, dont les effets ont cependant
-été si heureux et si avantageux pour le roi et le royaume. Tous les
-détails des négociations du fameux traité des Pyrénées prouvent que
-Mazarin, dans les circonstances où se trouvaient alors l'Europe et la
-France, était incapable de se laisser séduire par une aussi misérable
-ambition que celle qu'on lui a prêtée, de s'arrêter un instant à une
-aussi chétive combinaison[248]. Mais il convenait à sa politique à
-l'égard de l'Espagne d'être le seul et unique auteur du traité; de
-prouver qu'il était le seul aussi qui pût lever les obstacles qui
-s'opposaient à sa conclusion: il était nécessaire de faire sentir au
-jeune monarque qu'il ne violentait ses inclinations que par la raison
-d'État, et qu'il sacrifiait à la gloire du trône, à la prospérité du
-royaume, sa propre élévation et celle de sa famille. Il convenait
-aussi à sa politique, à l'attachement qu'il avait fait naître, d'avoir
-l'air de ne céder qu'aux volontés de la reine, et d'avoir travaillé
-nuit et jour contre lui-même, pour l'accomplissement de ses désirs; de
-l'avoir servie avec zèle, avec talent, avec désintéressement le plus
-grand, le plus entier, dans l'occasion la plus importante où une mère,
-et une mère de roi, puisse se trouver. Pour parvenir à tous ces
-résultats, dont les uns importaient à l'intérêt de l'État, mais dont
-les autres importaient aussi beaucoup à son intérêt propre, Mazarin
-devait, ainsi qu'il l'a fait, tolérer la passion des deux amants,
-inspirer des craintes à l'Espagne, faire suspecter ses intentions par
-la reine. L'amour du roi, sa résistance, le mécontentement d'Anne
-d'Autriche, ses consultations, ses projets de protestation contre un
-événement qu'elle redoutait, tout entrait dans le plan de Mazarin,
-tout y concourait. Dès qu'il crut être certain de réussir, alors il
-n'hésita plus, et il chercha de tout son pouvoir à détacher le jeune
-roi des liens qui l'enchaînaient.
-
-Cependant il fut sur le point d'échouer, par l'opposition de celle
-qu'il avait considérée comme le premier élément de succès. Marie de
-Mancini s'arma contre lui de tout l'ascendant que lui donnait l'amour
-sur le cœur d'un jeune roi qui connaissait toute la force de sa
-volonté, et qui comprenait fort bien que, maître de la destinée des
-autres, il devait aussi l'être de la sienne. Toutefois, ne voulant pas
-faire violence à son ministre, il chercha à le séduire, et il lui
-offrit de faire sa nièce reine de France. Non-seulement Mazarin
-n'hésita pas à refuser Louis, mais il lui déclara qu'il aimerait mieux
-poignarder sa nièce de ses propres mains, que de voir le roi
-contracter avec elle une alliance qui n'était pas moins contraire à la
-dignité de sa couronne que préjudiciable à la France. Il dit au roi
-que s'il pouvait le croire capable de persister dans un tel dessein,
-afin d'en empêcher l'exécution il se mettrait dans un vaisseau avec
-ses nièces, et qu'il se transporterait avec elles au delà des mers.
-
-Louis XIV fut ébranlé par une aussi énergique résolution; cependant il
-écrivait tous les jours à Marie de Mancini. Mazarin le sut, et il
-adressa au jeune monarque une lettre qui seule suffit pour détruire
-les soupçons qu'on a dirigés contre ce ministre. Il y peint sa nièce
-sous les couleurs d'une coquette ingrate et peu digne d'affection; il
-rappelle avec énergie quels sont les devoirs du souverain d'un grand
-empire, et il démontre la nécessité de s'y soumettre. Cette admirable
-lettre acheva de rendre Louis XIV docile aux conseils de son premier
-ministre[249]. Celui-ci se crut assez fort pour séparer d'autorité les
-deux amants. Il ordonna que Marie de Mancini et ses deux sœurs se
-rendraient à La Rochelle et au Brouage, et y resteraient jusqu'à la
-fin des négociations avec l'Espagne. Les adieux de Marie et de Louis
-furent déchirants; pourtant lorsqu'elle lui dit, «Vous m'aimez, vous
-êtes roi, et je pars,» elle parvint bien à faire couler ses larmes,
-mais elle n'obtint pas la révocation de l'ordre que le ministre avait
-donné. Cependant Mazarin permit encore une entrevue à Cognac, où le
-roi passait pour se rendre à Saint-Jean de Luz; mais avant d'y
-consentir le ministre avait acquis la certitude que son jeune maître
-ne changerait rien aux généreuses résolutions qu'il lui avait fait
-prendre. Il avait aussi eu soin d'intimider sa nièce, de manière à ce
-qu'elle n'osât point détourner Louis du grand dessein qui allait
-s'accomplir, et pour lequel l'Europe entière était dans l'attente.
-Cette entrevue des deux amants fut la dernière, et Mazarin s'attacha
-ensuite à rompre entre eux tout commerce[250]. Lorsque la paix des
-Pyrénées et le mariage de Louis XIV avec l'infante d'Espagne
-Marie-Thérèse furent conclus, l'habileté du premier ministre excita
-l'admiration générale, et l'on rendit enfin justice à la hauteur de
-ses vues et à son désintéressement. Les sarcasmes clandestins de
-quelques courtisans haineux et spirituels, qui ne pouvaient lui
-pardonner son élévation ni le croire capable d'un sentiment généreux,
-servirent plutôt à rehausser qu'à troubler son triomphe. Ils lui
-furent même utiles, en lui donnant des prétextes pour écarter ceux
-qui, jugeant mal de l'époque, avaient cru pouvoir se permettre contre
-l'autorité royale les mêmes licences qu'au temps de la Fronde.
-
-Les affaires humaines changent de nature selon les circonstances qui
-les accompagnent. Pour bien juger Mazarin, il faut se retracer les
-écueils dont il était environné et considérer les dangers qui
-menaçaient le vaisseau de l'État lorsqu'il en tenait le gouvernail.
-
-Que dans un royaume où règne un calme profond, qu'aucune guerre ne
-menace au dehors, un jeune roi qui n'a encore gouverné que par son
-ministre vienne à mourir, et laisse la couronne à son frère, encore
-plus jeune que lui, ce n'est là qu'un événement de peu d'importance,
-un nom substitué à un autre; on ignore ce qu'eût été ce jeune roi, on
-ne sait pas encore ce que sera son successeur: que ce roi, au lieu de
-succomber à la maladie qui menaçait ses jours, se rétablisse, qu'il
-continue à aimer la même femme, ou porte sur une autre ses affections,
-il n'y a rien encore en cela qui intéresse le bonheur général, rien
-qui puisse exciter de fortes sympathies. C'est un sujet d'entretien
-pour la cour, et rien de plus.
-
-Mais telle n'était pas à cette époque la position de la France. La
-guerre avec l'Espagne continuait depuis si longtemps, que les deux
-royaumes, épuisés par leurs efforts[251], ne pouvaient plus prolonger,
-sans danger pour leur existence, cette lutte sanglante. L'alliance de
-l'Angleterre et de la France, opérée par Mazarin; la séparation de la
-branche autrichienne d'Allemagne de celle d'Espagne, adoptée comme
-condition de l'élection du nouvel empereur, qui fut également
-l'ouvrage de ce ministre, avaient préparé les succès de la
-vingt-quatrième campagne. Turenne s'y surpassa: la bataille des Dunes
-fut gagnée, Dunkerque fut pris et remis aux Anglais, Bergues tomba en
-notre pouvoir. Frappée de stupeur, l'Espagne se voyait sur le point de
-perdre toute la Flandre[252], lorsque la maladie du roi vint ralentir
-les victoires de l'armée française, et donner à l'ennemi le temps de
-se remettre des coups qu'on lui avait portés et d'organiser ses moyens
-de résistance. La mort du roi eût alors entièrement changé l'état des
-choses. Le duc d'Anjou avait déjà ses favoris, qui le gouvernaient. En
-montant sur le trône, il eût aussitôt renvoyé Mazarin. Tous les
-partis, que ce ministre était parvenu à comprimer, à réunir ou à
-concilier, se fussent de nouveau divisés, et se seraient réveillés
-avec leur ancienne fureur. Les troubles et la guerre civile auraient
-recommencé, et l'Espagne eût repris tous ses avantages, avec d'autant
-plus de facilité que la mort du duc de Modène et celle de Cromwell,
-qui eurent lieu alors, ôtaient à la France deux alliés utiles, l'un au
-nord, l'autre au midi, que la politique de Mazarin avait su lui
-ménager[253]. Le rétablissement du roi permit au contraire de pousser
-les opérations de la guerre avec une nouvelle vigueur. Dixmude,
-Oudenarde, Menin, Gravelines furent pris, et reçurent des garnisons
-françaises. Ces succès affermissaient l'autorité du roi au dedans, et
-ôtaient aux partis tout espoir d'appui dans l'étranger; mais cependant
-ils n'assuraient point la paix, et cette paix si désirée n'aurait pu
-se conclure, au moins aussi promptement, ni d'une manière aussi
-avantageuse à la France, si Mazarin, par le voyage de la cour à Lyon,
-n'avait forcé l'Espagne à se hâter d'offrir son infante, par la
-crainte de voir Louis XIV épouser la princesse de Savoie; et l'offre
-de l'Espagne fût demeurée inutile, si Mazarin s'était laissé tenter
-par son ambition personnelle, s'il n'avait su dominer le jeune roi par
-le sentiment de sa dignité et par ses désirs de gloire; s'il n'était
-parvenu à le faire consentir à éloigner celle qu'il aimait, à
-accepter pour épouse celle pour laquelle il n'éprouvait que de
-l'indifférence[254]. Dans une de ses lettres confidentielles à
-Colbert, son intendant, Mazarin proteste que cette affaire est la plus
-délicate qu'il a eu à traiter de sa vie; que c'est celle qui lui a
-donné le plus d'inquiétude et de peine: et quand on a approfondi cette
-partie de notre histoire, on est facilement convaincu de la vérité et
-de la sincérité de son assertion[255].
-
- [226] _Vie de_ MOLIÈRE, p. XVIII, dans les _OEuvres de M. de
- Molière_, La Haye, 1735.--LA FONTAINE, _OEuvres_, t. VI, p. 40,
- _lettre à de Maucroix_.--Frères PARFAICT, _Hist. du Théâtre
- françois_, t. VIII, p. 233 à 242.
-
- [227] _Vie de Scaramouche._--LORET, liv. IX, p. 46, 23 mars 1658.
-
- [228] BENSERADE, _OEuvres_, t. II, p. 191 à 211.--LORET, liv. IX,
- p. 8, 26, 28, 34, 35.
-
- [229] LORET, liv. VIII, p. 198 (22 décembre 1657).--Ibid., liv.
- IX, p. 9 (19 janvier), et p. 45 (23 mars 1658).
-
- [230] Conférez le Plan de Paris de Berey, en quatre
- feuilles.--SAUVAL, _Hist. et Recherches sur les Antiquités de
- Paris_, t. II, p. 287.--SEGRAIS, _Les Nouvelles françoises, ou
- les Divertissements de la princesse Aurélie_, t. I, p. 147 à 155.
-
- [231] SAUVAL, _Histoire et Recherches sur les Antiquités de
- Paris_, in-fol., t. I, p. 664, 666.
-
- [232] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 285, 384, 389,
- 390.--BUSSY, _Amours des Gaules_, t. I, p. 25, 49, 52, 54, 56,
- 62, 132.
-
- [233] BENSERADE, _OEuvres_, t. II, p. 191 à 211.--LORET, liv. IX,
- p. 8, p. 26, 28, 34 et 35.--MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 285,
- 330, 384, 389, 408.--SAINT-SIMON, _Mém. complets et
- authentiques_, t. III, ch. XII.--MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 46.
-
- [234] LORET, liv. IX, p. 10 (19 janvier 1658), p. 26, 41,
- 127.--Ibid., liv. IX, 26 février 1658.--Ibid., p. 26, 41, 127,
- 158.--MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 276.
-
- [235] MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 47.--LORET, liv. VIII, p. 114,
- 121, 129.
-
- [236] MONTPENSIER, t. XLII, p. 308.
-
- [237] Ibid., p. 276-411.--SAUVAL, _Hist. et Recherches sur les
- Antiquités de Paris_, in-fol., t. I, p. 664.
-
- [238] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 238, 255, 257, 305, 308,
- 309, 345.
-
- [239] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 330.--Ibid., p.
- 389.--LORET, _Muse historique_, liv. IX, p. 44, 284, 286, 408,
- 409.
-
- [240] MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 423.--MONTPENSIER, t. XLII, p.
- 278.--LORET, liv. IX, p. 18, 67 (4 mai), p. 54 (6 avril), p. 154
- (5 octobre).
-
- [241] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. 452.
-
- [242] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 384.--BUSSY, _Am. des
- Gaules_, t. I, p. 29, édit. 1754.
-
- [243] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 362.
-
- [244] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 362.--LORET, liv. IX, p.
- 107 et 112 (13 et 20 juillet 1658).--GUY-PATIN, _Lettres_, t. V,
- p. 249.--MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 429, 436.--MONTPENSIER, t.
- XLII, p. 344.
-
- [245] LA FAYETTE, _Mém._, t. LXIV, p. 382.
-
- [246] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mémoires inédits_, t. II, p. 46, et
- 49, 50 et 342.
-
- [247] _Lettre autographe de Mazarin à Colbert_, en date du 22
- octobre 1659, cote 37 de la Bibl. du Roi.
-
- [248] _Lettres du cardinal Mazarin_; Amsterdam, 1745, 2 vol.
- in-12, t. I, p. 315, 368, 375; t. II, p. 62.
-
- [249] Cette lettre curieuse a été publiée, sur l'autographe de
- Mazarin, dans le _Bulletin de la Société d'Hist. de France_, no
- VI (décembre), t. I, p. 176 à 188. Elle se trouvait déjà imprimée
- dans les _Lettres du cardinal_ MAZARIN, t. I, p. 303, 322,
- Amsterdam; 1745, in-12.
-
- [250] MONGLAT, _Mémoires_, t. LI, p. 115.--CHOISY, _Mém._, t.
- LXIII, p. 196.--LA FAYETTE, _Mém._, t. LXIV, p. 384.--MOTTEVILLE,
- t. XL, p. 11, 19, 23.
-
- [251] DESORMEAUX, _Hist. du grand Condé_, t. IV, p. 117.
-
- [252] MONTPENSIER, t. LXII, p. 317, 342.--MONGLAT, t. LI, p. 50,
- 64.--DESORMEAUX, _Hist. du grand Condé_, t. IV, p. 132, 145, 147,
- 148; _Vie de Turenne_, t. II, p. 101.--MOTTEVILLE, _Mém._, t.
- XXXIX, p. 433.
-
- [253] MONGLAT, _Mém._, t. L, p. 478.--DESORMEAUX, _Hist. du grand
- Condé_, t. IV, p. 117.--RAMSAY, _Hist. du vicomte de Turenne_, t.
- II, p. 114.
-
- [254] BUSSY, _Discours à ses Enfants_, 1694, p. 89 et
- 95.--MONGLAT, t. LI, p. 56, 64.--BRIENNE, t. XXXVI, p. 240 à
- 243.--MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 33.--MONTPENSIER, t. XLII, p. 343.
-
- [255] _Lettre de Mazarin à Colbert_, mss. de la Bibl. du
- Roi.--MOTTEVILLE, t. XL, p. 1 à 3.--CHOISY, t. LXIII, p. 95.
-
-
-
-
-CHAPITRE XIII.
-
-1658-1659.
-
- Influence des mœurs sur les romans.--De nos jours ils
- correspondent aux passions populaires.--Sous Louis XIV, à celles
- de la cour.--Les deux premières parties du roman de Clélie
- paraissent, et ont un succès prodigieux.--Il est dû à ce qu'on y
- retrouve les peintures des mœurs modernes dans les temps
- antiques, et les portraits des personnages du monde moderne sous
- des noms anciens.--Portrait de la princesse Clarinte dans Clélie,
- qui est celui de madame de Sévigné.--Le portrait de madame de
- Sévigné par madame de la Fayette a été écrit en imitation de
- celui de Clélie.--Les liaisons de madame de Sévigné et les
- correspondances qu'elle entretint fournissent la preuve de cette
- assertion.--Elle était amie de La marquise de Lavardin, et liée
- avec Lavardin, évêque du Mans, et avec Costar, son
- archidiacre.--Elle entretint une correspondance suivie avec ce
- dernier.--Lettre de Costar à madame de Sévigné.--Celle-ci bien
- appréciée de son vivant; sa célébrité résulte du succès des
- écrits composés à sa louange.--Vers italiens de Ménage pour
- madame de Sévigné.--Plaintes qu'il fait contre elle dans son
- épître à Pellisson.--On pouvait alors sans ridicule parler un
- langage passionné aux femmes reconnues capables de faire naître
- les passions.--Comment s'expliquent les vers de Ménage, les
- lettres de Costar et la tendre déclaration du surintendant
- Servien à madame de Sévigné.--Billets de Ménage et de madame de
- Sévigné à ce sujet.--Age de Servien.--Il était borgne.--Ménage,
- dans ses vers, le compare au soleil.--Trait satirique de Boileau
- à ce sujet.
-
-
-Nous avons précédemment remarqué l'influence du roman sur le théâtre
-et la poésie; mais le roman lui-même ne peut devoir son succès qu'en
-s'initiant à toutes les sympathies de la générosité des lecteurs,
-qu'en s'emparant des idées qui les préoccupent, des passions qui les
-poussent, des penchants dans lesquels ils se complaisent. Ce genre
-d'ouvrage n'est donc, à une époque donnée, que la peinture des
-sentiments et des préjugés dominants. De nos jours, si féconds en
-grands événements, en révolutions, en bouleversements d'États, en
-batailles sanglantes, en revers subits de fortune, le roman a revêtu
-les formes mâles et sévères de la muse historique, et rattaché ses
-moyens de plaire et d'émouvoir aux séditions populaires, aux chances
-de la guerre, au brisement des empires. Le moyen âge, par la multitude
-des événements, par ses fureurs religieuses et politiques, par
-l'incertitude et l'obscurité même de ses annales, devenait donc un
-champ favorable aux romanciers de notre époque: de là leur
-prédilection pour ces temps de fanatisme, d'anarchie et de violence.
-Mais dans leurs fictions, où le spectre d'airain d'une aveugle
-fatalité semble seul planer sur la destinée de l'homme; où les actions
-criminelles et les faits héroïques sont les résultats des combinaisons
-du sort; où les penchants les plus féroces et les plus honteux ainsi
-que les sentiments les plus purs sont représentés comme de simples
-variations de notre nature, et tour à tour peints avec une égale
-complaisance, où le bien comme le mal ne sont que des accidents de la
-vie humaine, on aperçoit sur-le-champ le travail des imaginations
-d'une époque désabusée de tout par des secousses répétées, et
-l'influence d'une société livrée à des agitations sans résultat,
-tordue violemment dans tous les sens, foulée, brisée; n'offrant plus
-que des individus sans lien commun, sans illusions brillantes, sans
-croyance profonde, indifférents au vice comme à la vertu. La Fronde ne
-dura pas assez, et la Ligue était depuis trop longtemps oubliée, pour
-qu'il en fût ainsi sous Louis XIV. Les bienfaits d'un gouvernement
-régulier et les exploits de la noblesse dans la défense de l'État
-ajoutaient encore à la splendeur du trône et à l'ascendant du
-monarque. Sa cour donnait le ton à la capitale et aux provinces[256]:
-on s'intéressait à tout ce qui s'y passait, aux personnages qui y
-brillaient; c'est là qu'on cherchait des modèles dans la manière de
-parler, de se vêtir, d'agir et de penser. Dans le même temps, le goût
-pour la littérature ancienne se développait; l'instruction, plus
-répandue dans la noblesse comme dans le tiers état, cessait d'être
-restreinte aux seuls membres du clergé ou aux professions savantes:
-elle excitait une admiration sans bornes pour les beaux génies de
-l'antiquité. Afin de flatter ce double penchant, les romanciers furent
-donc conduits naturellement à transporter dans les siècles antiques
-les faits et les personnages de leur temps; et ils furent en cela
-imités par les auteurs dramatiques[257]. Ces formes de composition, où
-l'éclat des héros de tous les âges et de tous les pays semblait
-rejaillir sur la France, et où tout ce qu'il y avait d'admirable dans
-le passé paraissait revivre pour elle, eurent alors un prodigieux
-succès, même parmi les esprits les plus éclairés. La haute classe
-était flattée; l'intérêt des autres classes était puissamment excité
-par le plaisir de deviner les événements réels et les personnages
-vivants cachés sous le voile de la fiction.
-
-Mademoiselle de Scudéry, que son imagination féconde, son style facile
-et gracieux, rendirent célèbre, publiait tous les ans, sous le nom de
-son frère, de nouveaux volumes de romans qui étaient lus avec avidité.
-Le succès des premiers volumes du Clélie, qui parurent en 1658,
-surpassa encore celui des précédents. Cet ouvrage fut d'abord imprimé
-sous le nom de Scudéry; mais on sut bientôt qu'il était de sa sœur.
-On aimait alors à la fureur les portraits, et tous les beaux esprits
-s'exerçaient à ce genre d'écrits: mademoiselle de Scudéry avait
-prodigué les portraits dans Clélie. Sous des noms romains, grecs,
-persans, africains ou carthaginois, elle avait tracé ceux de presque
-toutes les personnes qui s'étaient acquis à la cour ou dans le monde
-quelque célébrité. Madame de Sévigné n'y était pas oubliée; elle y
-paraissait sous le nom de Clarinte. Quoique ce portrait soit écrit
-avec une noblesse et une élégance continues, sa prolixité ne serait
-pas du goût des lecteurs de nos jours. Nous nous contenterons d'en
-rapporter quelques passages, qui suffiront pour prouver que tout le
-monde s'accordait à donner à madame de Sévigné le même genre de
-louanges et à la peindre sous les mêmes traits.
-
-«La princesse Clarinte a les yeux bleus et pleins de feu. Elle danse
-merveilleusement, et ravit les yeux et le cœur; sa voix est douce,
-juste et charmante, et elle chante d'une manière passionnée. Elle lit
-beaucoup, quoiqu'elle ne fasse pas le bel esprit. Elle a appris la
-langue africaine (italienne); elle chante certaines petites chansons
-africaines (italiennes) qui lui plaisent plus que celles de son pays,
-parce qu'elles sont plus passionnées. Elle aime la gloire... et elle a
-tant de jugement, qu'elle a trouvé les moyens, sans être ni sévère, ni
-sauvage, ni solitaire, de conserver la plus belle réputation du monde,
-et de la conserver dans une grande cour, où elle voit chez elle tout
-ce qu'il y a d'honnêtes gens, et où elle donne même de l'amour à tous
-les cœurs qui en sont capables. Ce même enjouement qui lui sied si
-bien, et qui la divertit en divertissant les autres, lui sert encore à
-faire agréablement passer pour ses amis beaucoup de gens qui
-voudraient, s'ils osaient, passer pour ses amants. Elle agit avec une
-telle conduite, que la médisance a toujours respecté sa vertu, et ne
-l'a pas fait soupçonner de la moindre galanterie, quoiqu'elle soit la
-plus galante personne du monde. Aussi dit-elle en riant qu'elle n'a
-jamais été amoureuse que de sa propre gloire, et qu'elle l'aime
-jusqu'à la jalousie. Quand il le faut, elle se passe du monde et de la
-cour, et se divertit à la campagne avec autant de tranquillité que si
-elle était née dans les bois. En effet, elle en revient aussi belle et
-aussi gaie que si elle n'était bougée d'Érico [de Paris]. Elle gagne
-le cœur des femmes aussi bien que celui des hommes. Elle a surmonté
-l'envie et la médisance. Elle écrit comme elle parle, c'est-à-dire le
-plus galamment et le plus agréablement qu'il est possible. Je n'ai
-jamais vu ensemble tant d'attraits, tant d'enjouement, tant de
-galanterie, tant de lumière, tant d'innocence et de vertu; et jamais
-nulle autre personne n'a su mieux l'art d'avoir de la grâce sans
-affectation, de la raillerie sans malice, de l'enjouement sans folie,
-de la propriété sans contrainte, et de la vertu sans sévérité[258].»
-
-C'est sans doute la lecture de ce roman de Clélie qui donna à madame
-de La Fayette l'idée de tracer le portrait de madame de Sévigné, dont
-nous avons rapporté les principaux passages au commencement de cet
-ouvrage[259]. Les détails où nous allons entrer pour achever de faire
-connaître les correspondances et les liaisons de madame de Sévigné
-pendant les deux années dont nous nous occupons démontreront que ce
-portrait fut écrit par madame de La Fayette à la fin de l'année 1658
-ou au commencement de 1659.
-
-Madame de Sévigné était l'amie de la marquise de Lavardin, dont le
-mari avait été tué au siége de Gravelines, en 1641. Cette liaison en
-avait entraîné une autre, avec Lavardin évêque du Mans. Cet évêque,
-lorsqu'il n'était qu'abbé, et abbé très-mondain, s'était attaché
-Costar, pour qu'il lui apprît la théologie; et dans ce but il se
-retira pendant quelque temps à Malicorne, chez sa belle-sœur, la
-marquise de Lavardin. C'est là que madame de Sévigné a pu avoir
-occasion de connaître particulièrement Costar. Dans les premières
-années de son mariage elle dut le rencontrer souvent; car, quoique
-Costar déplût à madame de Rambouillet, il était particulièrement lié
-avec les hommes de lettres qu'elle recevait chez elle[260]. Il s'était
-fait une grande réputation de bel esprit par sa _Défense de Voiture_.
-Il demeurait habituellement au Mans. Ce fut au Mans, où sans doute
-madame de Sévigné s'était rendue pour voir M. de Lavardin, que Costar,
-dans le mois de mars 1652, eut occasion de la recevoir, ainsi que nous
-l'apprenons par une lettre de l'abbé Pauquet à Conrart[261]. Depuis
-qu'il était devenu archidiacre de l'évêché, Costar dirigeait
-l'éducation du fils unique de la marquise de Lavardin; et madame de
-Sévigné eut ainsi occasion d'entrer en correspondance avec lui. Dans
-les deux années dont nous parlons, qui précédèrent de peu la mort de
-Costar, il fit imprimer en deux gros volumes in-4º des lettres qu'il
-avait écrites à divers personnages[262]. Le second de ces volumes
-contient deux lettres adressées à madame de Sévigné. La reine
-Christine avait fait un grand éloge de notre jeune veuve dans une
-lettre écrite à madame de Lavardin, que celle-ci avait communiquée à
-Costar. Madame de Sévigné écrivit à ce dernier, pour se plaindre de la
-publicité qu'il avait donnée à cette lettre. C'est à cette lettre de
-madame de Sévigné que répond la première des deux lettres de Costar.
-La seconde prouve encore une liaison plus intime. Costar avait prêté à
-la marquise une peau d'ours, qu'elle lui avait renvoyée. Elle lui
-avait aussi transmis quatre portraits écrits, dont un était celui de
-mademoiselle de Valois, fille de Gaston, et un autre, le sien, sous le
-nom d'Iris, «par un inconnu». La modestie de madame de Sévigné lui
-faisait dire que c'était un portrait en l'air, «car il n'y avait aucun
-moyen d'être si parfaite». C'est à ces envois et à cette autre lettre
-de madame de Sévigné que Costar répond dans la dernière qu'il lui a
-adressée. Nous allons transcrire ces deux lettres, qui ont échappé à
-tous les éditeurs de madame de Sévigné[263].
-
-
-PREMIÈRE LETTRE DE COSTAR A MADAME DE SÉVIGNÉ.
-
- «Madame,
-
-«Je vous avoue que j'ai grand tort, et que vous avez raison de me
-vouloir du mal. Il y a quelques mois que madame de Lavardin me confia
-une belle lettre de la reine Christine, où Sa Majesté témoignait
-qu'elle était éblouie comme les autres des lumières de votre esprit,
-et enchantée des charmes secrets qui sont en votre aimable personne.
-Je fus tellement touché de voir la princesse du monde la plus éclairée
-rendre de si glorieux témoignages de votre mérite, que, ne pouvant
-retenir ma joie au fond de mon cœur, j'en fis part à une de mes amies
-qui vous adore, madame, mais qui est aussi faible que je le suis, et
-qui ne put s'empêcher de succomber à la même tentation que je n'avais
-pas eu le courage de repousser. Ainsi, madame, la gloire de votre nom
-a volé plus loin que vous ne vouliez, et fait à cette heure dans
-l'Anjou, et peut-être même dans la Bretagne, un bruit qui vous
-importune. En ce cas-là, cette humilité dont vous êtes si jalouse, et
-que vous voulez conserver au milieu des qualités éclatantes qui ont
-bien de la peine à compatir avec elle, aura sans doute beaucoup à
-souffrir. Je suis cause de tout ce désordre par l'indiscrétion de mon
-zèle; et ce qui m'afflige davantage en cela, c'est que le repentir de
-ma faute ne m'aidera pas à la réparer. Il m'est venu en pensée de vous
-faire demander ma grâce par madame la comtesse de La Fayette; et je
-l'aurais fait, si je ne me fusse avisé que de ne m'adresser pas tout
-droit à vous, c'était vous ravir la gloire de faire une action de
-miséricorde. Je me promets, madame, que je l'obtiendrai de votre
-bonté, et que vous ne serez pas si cruelle que de la refuser à mes
-très-humbles supplications. Autrement, j'ose vous déclarer que, dans
-le désespoir où vous me mettrez, je pourrai bien me mutiner, et perdre
-une partie du respect que je vous dois. Votre modestie n'aurait pas de
-plus dangereux ennemi que moi. D'abord j'apprendrais dans les
-provinces (ce qui n'est bien su que de la cour) que vous êtes la
-véritable princesse Clarinte de l'incomparable M. de Scudéry; et puis
-je remplirais de vos louanges un second volume de lettres que je
-donnerai au public sur la fin de cette campagne; et enfin je
-célébrerais si hautement vos vertus, qu'on connaîtrait par toute la
-France que je serais votre admirateur passionné, quoique je n'eusse
-point sujet d'être,
-
- Madame,
-
- Votre très-humble serviteur,
-
- COSTAR[264].»
-
-
-SECONDE LETTRE DE COSTAR A MADAME DE SÉVIGNÉ.
-
- «Madame,
-
-«Que j'aimerai toute ma vie mon sac de poil d'ours, de vous avoir
-rendu tant de bons offices dans la gelée! Mais, d'autre côté,
-j'appréhende dorénavant de le respecter un peu plus qu'il ne me serait
-commode, et de n'avoir pas le cœur de mettre les pieds dedans, tant
-que je m'imaginerais d'y apercevoir les traces des vôtres, si bien
-faits, si droits et si savants..... Je vous remercie très-humblement
-de vos quatre excellents portraits..... La peinture de mademoiselle
-de Valois est la plus jolie du monde et la plus galante, et celle
-d'Iris n'a point reçu de louange qu'elle ne mérite. Je croirais bien
-avec vous, madame, qu'elle a été faite à plaisir; mais je ne dirai pas
-comme vous: Car quel moyen d'être si parfaite? Ce _car_ n'est bon que
-pour ceux qui ne vous virent jamais, qui ne vous ont point ouï parler,
-et qui n'ont pas compris la beauté de votre esprit, sa grâce, ses
-charmes, sa solidité, sa douceur, et mille autres qualités qui se
-trouvent en vous, et qui ne se trouvent qu'en vous si bien assorties.
-Je sais, madame, que vous avez sur les yeux un certain bandeau de
-modestie qui les empêche de voir en vous les choses comme elles y
-sont. J'oubliais à vous dire que l'inconnu ne vous connaît pas assez.
-Je ne suis pas trop mal satisfait de ce qu'il dit de votre visage et
-de votre taille, mais, bon Dieu! s'il était entré bien avant dans
-votre âme, il y aurait découvert bien d'autres trésors que ceux dont
-il parle[265].»
-
-Ainsi la célébrité de madame de Sévigné, comme femme éminemment
-aimable et spirituelle, ne fut plus renfermée à la cour et dans le
-beau monde de la capitale; elle s'étendit dans les provinces par la
-publication du Dictionnaire des Précieuses de Somaize, du recueil des
-poésies fugitives de Sercy[266], du roman de Clélie, de la
-correspondance de Costar, et des poésies de Ménage.
-
-La troisième édition de ces poésies venait de paraître[267]; et, outre
-l'idylle intitulée _Alexis_[268], elle contenait deux nouvelles
-pièces de vers à la louange de madame de Sévigné. Elles étaient
-écrites en italien, que madame de Sévigné comprenait parfaitement.
-L'une est un sonnet au sujet de son portrait[269]; l'autre est un
-madrigal allégorique, où madame de Sévigné est comparée à la fleur de
-la _belladonna_ (belle dame)[270]. Aucune de ces deux pièces ne mérite
-d'être traduite ni citée. Mais, indépendamment des pièces grecques et
-italiennes qui parurent pour la première fois dans cette troisième
-édition, on y lit aussi des pièces en français qui n'avaient point
-paru dans les éditions précédentes, entre autres une épître à
-Pellisson, où Ménage se plaint amèrement à son ami,
-
- De l'aimable marquise
- Qui lui vola sa franchise.
-
-Il l'appelle perfide, infidèle, orgueilleuse, cruelle, tigresse au
-cœur d'acier; il ne songe plus à ses paroles attrayantes et à ses
-paroles charmantes que quatre-vingt-trois fois la nuit et trente-huit
-fois le jour[271]. Tout le monde savait, lors de la publication de
-cette épître, que ces extravagances de Ménage concernaient la marquise
-de Sévigné, quoique son nom ne fût pas prononcé; mais, dans la crainte
-que la postérité l'ignorât, il a pris soin de le lui apprendre
-lui-même dans la table des matières de la septième édition de ses
-poésies, qui ne fut pas la dernière[272]. Personne alors ne fut
-surpris de ce langage; aucun des critiques de Ménage ne l'accusa
-d'inconvenance à ce sujet, ni ne le frappa de ridicule. Ceci prouve ce
-que nous avons remarqué précédemment, que d'après les usages du beau
-monde, mis en crédit par l'hôtel de Rambouillet, il était permis aux
-hommes de parler en toute liberté d'amour, malgré l'inégalité de l'âge
-et du rang. Il semble même qu'on eût passé pour grossier, si envers
-une femme jeune, jolie, spirituelle, on eût paru si peu faire
-attention à ses charmes, si peu apprécier son esprit, que de ne pas
-lui faire entendre le langage flatteur et passionné auquel elle était
-accoutumée de la part de ses fervents adorateurs. Sans cela on ne
-pourrait expliquer à l'égard de madame de Sévigné ni les vers que
-Ménage lui adressa ou ceux qu'il a écrits à son sujet, ni les lettres
-galantes de Costar goutteux et sur le bord de la tombe, ni les
-déclarations tendres dont elle fut l'objet de la part du surintendant
-Servien, après une entrevue qu'elle avait eue avec lui relativement à
-une affaire qui dépendait de sa décision. Ménage avait été
-l'intermédiaire entre elle et ce ministre; il l'avait assurée du désir
-qu'il avait de la revoir. C'est à ce sujet qu'elle lui écrivait: «Vous
-me dites des choses si obligeantes de l'estime que vous avez donnée de
-moi à M. Servien, qu'encore que j'y aie peu contribué et que je
-craigne même de la détruire, je ne laisse pas pourtant d'en sentir une
-certaine gloire, que toute autre personne ne m'aurait pu donner[273].»
-Ensuite, répondant à un autre billet flatteur de Ménage, qui lui
-faisait part de l'effet que ses charmes avaient produit sur Servien,
-elle dit: «Votre billet est le plus joli du monde; c'est ainsi que je
-vous conseille de les faire. Je suis ravie que mes petits yeux aient
-fait de si jolies conquêtes. Je me trouverais bien honorée s'ils
-portaient le désordre jusque dans le conseil d'en haut, mais je crains
-que l'histoire ne soit telle qu'à demi. En tout cas, je me contente de
-l'estime, et je vous conjure de me la conserver, puisque c'est vous
-qui me l'avez acquise. Pour M. de Noirmoutier [Louis de la Trémouille,
-duc de Noirmoutier[274]], j'en prendrai le soin; car il prend le
-chemin de venir céans, et c'est là que je l'attends pour lui gagner le
-cœur. Après tout, vous avez la gloire que j'aie été plus friande du
-vôtre que de tous les autres; mais, quelque honte qu'il y ait pour moi
-au temps que j'ai employé à l'acquérir, j'en suis toute consolée quand
-je songe à ce qu'il vaut.»
-
-D'après les détails que nous avons donnés dans le commencement de cet
-ouvrage[275] sur les premiers temps des liaisons de Ménage avec Marie
-de Rabutin-Chantal, nous n'avons pas besoin de faire remarquer à nos
-lecteurs tout ce qu'il y avait de coquetterie tendre et affectueuse
-dans ces dernières lignes de madame de Sévigné, et de l'impression
-qu'elles devaient faire sur Ménage.
-
-Quant à Abel Servien, il pouvait se déclarer l'adorateur de madame de
-Sévigné sans compromettre sa réputation. Il avait alors soixante-cinq
-ans, et de plus il était borgne; circonstance qui a fourni un trait de
-satire de Boileau contre Ménage. Celui-ci, dans son églogue intitulée
-_Christine_, avait donné à ce ministre des éloges fades et exagérés,
-et l'avait comparé au soleil; et Boileau dit:
-
- De là vint cet amas d'ouvrages mercenaires,
- Stances, odes, sonnets, épîtres liminaires,
- Où toujours le héros passe pour sans pareil,
- Et, fût-il louche et borgne, est réputé soleil[276].
-
- [256] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 388.
-
- [257] Frères PARFAICT, _Hist. du Théâtre françois_, t. VIII, p.
- 196 et 197.--LORET, liv. IX, p. 169; liv. VIII, p. 77.
-
- [258] _Clélie, histoire romaine_, par M. DE SCUDÉRY, gouverneur
- de Notre-Dame de la Garde; suite de la troisième partie; chez
- Augustin Courbé, 1658, in-8º, p. 1331-1333. Conférez encore p.
- 1397, 1409, 1402, 1416, 1417, 1422, 1424, 1425.
-
- [259] Voyez _Lettres de Madame de_ SÉVIGNÉ, t. I, p. XXIV, éd. de
- 1734. C'est dans cette édition que ce portrait a été imprimé pour
- la première fois, t. I, p. XXXIV, dans l'édit. de 1754.
-
- [260] _Vie de_ M. COSTAR, dans _Tallemant des Réaux_;, t. VI, p.
- 280, 284, édit. in-8º, 1635; et t. IV, p. 89, ou t. VII, p. 6 de
- l'édit. in-12.
-
- [261] _Lettre de l'abbé Pauquet à Conrart_, en date du 5 mars
- 1652, extraite des manuscrits de Conrart, Bibliothèque de
- l'Arsenal, t. IX, p. 877; communiquée par M. Monmerqué.
-
- [262] _Lettres de_ M. COSTAR; chez Augustin Courbé, Paris, 1658,
- in-4º; _Lettres de_ M. COSTAR, seconde partie; chez Augustin
- Courbé, 1659, in-4º.--Costar mourut le 3 mai 1660.
-
- [263] _Lettres de_ M. COSTAR, seconde partie: à Paris, chez
- Augustin Courbé, 1659, in-4º, p. 19, _lettre 199_, p. 308, 812.
-
- [264] _Lettres de_ M. COSTAR, seconde partie; à Paris, chez
- Augustin Courbé, 1659, in-4º, p. 419, _lettre 199_.
-
- [265] _Lettres de_ COSTAR, seconde partie, p. 812, _lettre 308_.
-
- [266] Voyez ci-dessus, Ire partie, chap. XXXVI, p. 498, 2e édit.
-
- [267] ÆGIDII MENAGII _Poemata_, édit. 3a 1658, in-8º.
-
- [268] ÆGIDII MENAGII _Poemata_, p. 170, édit. 1680, ou p. 158,
- édit. 1663.
-
- [269] _Sopra il ritratto della bellissima signora marchesa di
- Sevigny_, dans le MENAGII _Poem._, 4e édit., p. 305; 7e édit., p.
- 289, sonetto 2.
-
- [270] _Pianto di bella donna; madrigale per la signora marchesa
- di Sevigny_, madrigale 12, p. 813 de la 4e édit.
-
- [271] ÆGIDII MENAGII _Poemata_, 3a édit., in-8º, p. 111.--Ibid.,
- 4a édit., Elzeviers, 1663, in-18, liv. IV, p. 268.
-
- [272] ÆGIDII MENAGII _Poemata_, 1680, septima editio, apud Petrum
- Le Petit, liv. IV, p. 260, et la table des matières au mot
- _Sévigny_.--Ibid., 1687; Amstelodami, apud Westenium, octava
- édit., p. 296, et la table des matières, p. 337, au mot
- _Sévigny_.
-
- [273] SÉVIGNÉ, _Lettres_, édit. de Monmerqué, 1820, in-8º, t. I,
- p. 55, no 29.--Ibid., édit. de Gault de Saint-Germain, t. I, p.
- 68, _lettre 31_.
-
- [274] _Lettre de madame de_ SÉVIGNÉ _à_ MÉNAGE, dans les
- _Mémoires de_ COULANGES publiés par M. Monmerqué, 1820, in-8º, p.
- 324.
-
- [275] Voyez ci-dessus, Ire partie, ch. X, de 185 à 191, surtout à
- la p. 182.
-
- [276] BOILEAU, épître IX, vers 142 à 140.--MENAGII _Poemata_,
- _Christine_, éclogue; 4e édit., Elzeviers, p. 169 du liv. I.
- Éclogues et idylles, 7e édit., 1680, in-12, p. 180. Ménage avait
- dit:
-
- Le grand, l'illustre Abel, cet esprit sans pareil,
- Plus clair, plus pénétrant que les traits du soleil.
-
-
-
-
-CHAPITRE XIV.
-
-1659-1660.
-
- La Fronde finit comme une pièce dramatique bien
- combinée.--Mariage du roi.--Rentrée de Condé.--Mort de
- Gaston.--Le cardinal de Retz est dans l'impuissance de
- nuire.--Pompes de la rentrée du roi.--La cour avait été obligée
- de faire de longues absences hors de la capitale pendant que se
- traitait l'affaire de la paix.--La noblesse alors resta à
- Paris.--Le théâtre devint pour ses divertissements sa principale
- ressource.--Une grande distance séparait la noblesse de la
- bourgeoisie.--La noblesse protégeait les acteurs.--Ceux-ci
- tenaient une conduite honorable.--Plusieurs étaient hommes de
- lettres.--Les auteurs dramatiques les ménageaient.--Ils accordent
- l'entrée de leurs théâtres à tous les membres de l'Académie
- Française.--Leur fréquentation avec les gens de cour et les
- grands leur donnait, sous le rapport des manières, une grande
- supériorité sur la bourgeoisie de la capitale et sur la noblesse
- de province.--Quelques-uns étaient gentils-hommes, et ne
- perdaient point leurs priviléges en devenant acteurs.--Molière
- n'éprouva aucun obstacle pour l'établissement de son nouveau
- théâtre.--Sa troupe, inférieure à celle des deux autres
- théâtres.--Son génie était son seul moyen de succès.--Succès du
- _Dépit amoureux_.--Vogue prodigieuse des _Précieuses
- ridicules_.--La raillerie était en honneur à la cour de Louis
- XIV.--Les véritables précieuses et leurs amis furent les premiers
- à rire de la pièce de Molière.--Toute la famille de Mme de
- Rambouillet se trouvait à la représentation de cette
- pièce.--Motifs qui font présumer que Mme de Sévigné y était
- aussi.--La preuve qu'elle était alors à Paris résulte du récit de
- Tallemant sur l'affaire du marquis de Langey.--Réflexions sur
- cette affaire.
-
-
-La Fronde se termina comme un poëme dramatique bien combiné: toutes
-les intrigues qu'elle avait enfantées se dénouèrent par un mariage;
-presque tous les principaux acteurs se réconcilièrent, et celui qui
-toujours et sans cesse avait été occupé à tout brouiller fut écarté de
-la scène. Louis XIV épousa l'infante Marie-Thérèse; le traité des
-Pyrénées fut conclu; deux grandes monarchies, qui se faisaient la
-guerre depuis vingt-cinq ans, devinrent alliées; les frontières de la
-France furent reculées au nord, à l'est et au sud[277]. Condé fit sa
-soumission, et ramena avec lui cette courageuse noblesse qui avait
-suivi sa destinée[278]; le duc de Lorraine, retenu depuis six ans dans
-les prisons d'Espagne, à cause de ses liaisons avec la France, en
-sortit[279]; Retz, condamné à l'exil, forcé de fuir et de se cacher,
-ne fut plus à craindre[280]; l'indécis et faible Gaston, qui se
-défiait de tout le monde et de lui-même, qui ne s'intéressait à
-personne et auquel personne ne s'intéressait, mourut peu après[281].
-
-Le faste et l'éclat qui avaient accompagné la demande de l'infante;
-les galanteries chevaleresques et les attentions du jeune roi pour sa
-femme[282]; la pompe triomphale de leur entrée dans Paris; la
-magnificence des réjouissances publiques qui la suivit, tout contribua
-à répandre un aspect de bonheur et un air de grandeur sur les
-commencements d'un règne qui s'annonçait d'une manière si
-brillante[283]. Le royaume entier semblait renouvelé et rajeuni par
-son monarque[284].
-
-Mais les négociations qui avaient précédé ce moment avaient été
-longues et difficiles[285]; et plus on désirait les voir se terminer
-heureusement, plus on se trouvait agité par la crainte et par
-l'espérance, selon qu'on apprenait qu'elles avançaient vers leur
-terme, ou qu'elles étaient sur le point d'être rompues. Tout le monde
-paraissait pressé d'en finir, excepté les négociateurs eux-mêmes,
-Jules Mazarin et Louis de Haro, qui, sur leur petite île de la
-Bidassoa, combattaient ensemble de ruses et de finesses dans leurs
-interminables conférences. Ces délais, cette longue attente, les
-absences prolongées du roi, de la reine, du cardinal et de tous ceux
-de leurs maisons, avaient en quelque sorte dérouté les habitudes du
-grand monde de la capitale. La cour se trouvait partagée en deux,
-parce qu'une partie seulement avait pu être du voyage de Lyon; l'autre
-était restée à Paris. Le roi n'y revint qu'en février; Mazarin en
-repartit vers le milieu de l'été, pour se rendre à Saint-Jean de
-Luz[286]; et le roi, la reine et leur suite nombreuse allèrent peu
-après rejoindre le ministre et voyager dans le midi, en attendant le
-terme des négociations. Tout ce qui n'était point du voyage n'eut
-aucune envie de quitter Paris, où l'on s'attendait de jour en jour à
-voir revenir ceux dont on s'était séparé avec tant de regret: de
-fréquents courriers apportaient de leurs nouvelles, et instruisaient
-de tout ce qui préoccupait si fortement les esprits. Comme l'ouverture
-des négociations avait suspendu les opérations de la guerre, nul ne se
-trouvait forcé de s'absenter. La capitale était donc pourvue d'un plus
-grand nombre de personnes de la haute noblesse, ou de personnes riches
-et vivant noblement, qu'elle n'avait coutume de l'être dans cette
-saison. Mais comme les ballets royaux, les fêtes et les cercles de la
-cour, les bals et les mascarades, n'avaient plus lieu, on eut plus de
-loisir pour suivre les représentations théâtrales, et elles tinrent le
-premier rang parmi les jouissances de cette année.
-
-Nous avons vu qu'indépendamment des deux troupes d'acteurs de l'hôtel
-de Bourgogne et du Marais, une troisième troupe (c'était celle de
-Molière) avait obtenu la permission de s'établir à Paris, et jouait
-sur le théâtre du Petit-Bourbon.
-
-Il ne faut pas oublier l'inégalité des rangs qui existait à cette
-époque, et les effets qu'elle produisait. Un intervalle considérable
-séparait le bourgeois le plus riche d'un noble, d'un grand seigneur.
-Celui-ci donnait du lustre et de l'importance à tous ceux qu'il
-admettait à l'honneur de sa familiarité ou aux bienfaits de sa
-protection. Les grands choisissaient de préférence pour clients ceux
-qui pouvaient rehausser l'éclat de leur rang ou contribuer à leurs
-plaisirs. De là cette faveur dont jouissaient auprès d'eux les
-artistes, les gens de lettres, les chanteurs et les acteurs[287]. La
-condition de ces derniers, du moins dans la capitale, n'était point
-ravalée au-dessous de celle de la bourgeoisie, comme cela a lieu
-depuis que leur nombre s'est multiplié si extraordinairement avec
-celui des théâtres, et encore plus depuis que les lois ont voulu
-promener leur niveau sur tous les rangs, sur toutes les professions.
-Les lois peuvent bien contraindre les actions de l'homme, mais ne
-peuvent rien sur ses opinions: les lois veulent en vain établir en
-toute chose une parfaite égalité, rendre semblable ce qui diffère,
-rapprocher ce qui se repousse; l'opinion, qui exerce sur les lois
-mêmes son empire absolu, élève aussitôt ce qu'elles ont abaissé,
-abaisse ce qu'elles ont élevé, prononce ses incompatibilités et
-établit ses distinctions.
-
-A l'époque dont nous parlons, les princes et les grands, qui, à
-l'exemple du monarque, aimaient à s'exercer dans l'art théâtral, et
-associaient à leurs divertissements les acteurs, ne laissaient
-échapper aucune occasion de manifester à ceux-ci l'intérêt qu'ils leur
-portaient, et le cas qu'ils faisaient de leurs talents. Ils les
-aidaient à maintenir l'ordre dans leurs représentations; ils
-n'hésitaient pas, pour les mettre à l'abri des insultes de la foule, à
-leur prêter le secours de leurs propres gardes ou de leurs nombreux
-valets, et souvent ils ne dédaignaient pas d'intervenir en personne,
-lorsque les circonstances l'exigeaient. Plus honorés, les acteurs
-tenaient aussi une conduite plus honorable. Ils maintenaient dans
-leurs petites républiques une police excellente[288]. Liés entre eux
-par un même intérêt et par les rapports continuels de leurs communs
-travaux, ils se secouraient mutuellement, et ne souffraient jamais
-qu'aucun d'eux, qu'elle que fût son infortune, tombât à la charge de
-la charité publique. Ce qui ajoutait encore à la considération dont
-jouissaient particulièrement les acteurs des deux théâtres royaux de
-l'hôtel de Bourgogne et du Marais, c'est que plusieurs étaient hommes
-de lettres, et composaient des pièces dans lesquelles ils jouaient.
-Dans ce nombre étaient Hauteroche, Villiers, Poisson, Champmeslé, la
-Thorillière: par ceux-ci, la nuance qui séparait les acteurs des gens
-de lettres faisant profession de travailler uniquement pour la scène
-était faible et peu marquée; car ces derniers étaient obligés de
-fréquenter les acteurs, de faire société avec eux; ils avaient besoin
-de leur appui, et semblaient appartenir à leur théâtre et faire partie
-de leur troupe. Les acteurs, de leur côté, se montraient dignes, par
-leur générosité, d'une telle confraternité. Ils avaient accordé à tous
-les membres de l'Académie Française le droit d'entrer à leur spectacle
-sans payer. Ainsi les acteurs, par leur liaison avec les beaux
-esprits, par la nature même de leur profession, possédaient toujours
-ce genre d'instruction qui contribue le plus aux agréments de la
-conversation, et leur fréquentation avec les grands leur donnait
-cette élégance dans les manières, cette pureté dans le langage, cette
-politesse naturelle, et toutes les qualités brillantes de l'homme du
-monde, alors si inégalement réparties, auxquelles la bourgeoisie était
-entièrement étrangère, et qu'on ne trouvait même pas parmi la noblesse
-de province: elles semblaient être l'apanage presque exclusif de la
-cour, des cercles et des ruelles de la capitale. C'était donc un
-immense avantage que de les posséder, et les acteurs y trouvaient pour
-l'exercice de leur profession un élément de succès: ils s'étudiaient
-continuellement à les acquérir, et parvenaient sous ce rapport à
-égaler leurs modèles. Enfin, la plupart d'entre eux étaient sortis de
-la bourgeoisie, et quelques-uns même de la noblesse. Ces derniers ne
-dérogeaient pas alors en montant sur les planches. Floridor, le
-meilleur acteur de cette époque, était de ce nombre. Le fisc voulut
-lui contester son titre, et le priver des priviléges et exemptions
-qu'il tenait de sa naissance; mais la justice prononça en sa
-faveur[289], et le rétablit dans ses droits, sans que pour cela il fût
-obligé de renoncer au théâtre. Plus tard, Le Noir de La Thorillière
-quitta la glorieuse profession des armes, et le grade de capitaine de
-cavalerie, pour se faire acteur; et ce fut avec le consentement et
-l'approbation du roi qu'eut lieu ce changement d'état[290].
-
-Ainsi Poquelin, ce fils d'un tapissier du roi sous les Piliers des
-halles[291], n'avait pas, autant qu'on l'a cru, trompé l'espoir de sa
-famille en mettant de côté la soutane du séminariste[292] et la robe
-d'avocat, pour devenir acteur et chef de troupe, surtout depuis que,
-par la protection du prince de Conti et de MONSIEUR, il eut obtenu la
-permission de s'établir dans la capitale. Sa profession ne parut
-nullement incompatible avec la charge de valet de chambre du roi,
-qu'il tenait de son père, et avec l'honneur qu'il avait, lorsqu'il
-était de service, de faire quelquefois le lit de Sa Majesté[293]. Mais
-si Molière était favorisé par l'opinion, les mœurs et les besoins de
-son temps[294] pour l'établissement d'un nouveau théâtre à Paris, il
-trouvait de grands obstacles dans les deux autres théâtres, qui depuis
-longtemps étaient en possession d'attirer la foule. Les acteurs qui y
-jouaient, déjà en faveur auprès du public, avaient une grande
-supériorité sur ceux du sien; aucun auteur en réputation ne voulait
-consentir à confier ses pièces à ces comédiens de province, si peu
-habiles. Tous moyens de succès leur étaient donc ravis, hors un seul:
-le génie de celui qui était leur chef. Instruits par lui, inspirés par
-lui, les camarades de Molière, médiocres dans les pièces des autres,
-jouaient les siennes avec un ensemble, une verve, un naturel, qui ne
-laissaient rien à désirer. Pour que la nouvelle troupe réussît et
-l'emportât sur les deux autres, il fallait donc que Molière composât
-des pièces pour elle, et que ces pièces fussent supérieures à celles
-que l'on jouait aux autres théâtres: c'est ce qu'il fit, du moins pour
-les comédies. Déjà _les Étourdis_ et _le Dépit amoureux_ avaient
-commencé à attirer le public à son théâtre, et lui avaient fait
-entrevoir la possibilité de réussir; lorsqu'une simple farce en prose,
-en un seul acte, composée en quelques jours, dont l'intrigue ou la
-conduite, misérable en elle-même, ne lui appartenait pas[295], lui
-procura un succès prodigieux[296], et lui acquit tout à coup une
-réputation qui ne fit que s'accroître depuis, mais que les deux
-comédies en cinq actes et en vers qu'il avait déjà fait jouer
-n'avaient pu lui faire obtenir. Dans cette parade bouffonne, Molière
-faisait ressortir les ridicules du langage affecté et des manières
-composées de la haute classe, en montrant ce qu'ils devenaient
-lorsqu'ils étaient singés par la bourgeoisie et les gens de bas étage.
-Ces ridicules avaient déjà été signalés, mais personne n'avait
-soupçonné qu'ils fussent aussi comiques. Ces scènes sans liaison
-étaient une suite de peintures admirables par cet air de vérité auquel
-l'exagération même donne plus de relief; c'était une satire mordante,
-spirituelle et comique des folies les plus extravagantes, et des
-travers les plus saillants, de la société de cette époque. Personne ne
-put s'empêcher d'en rire; les plus grandes précieuses et leurs
-sectateurs s'en amusèrent comme les autres, tant était contagieuse
-cette verve de gaieté qui animait les dialogues dans les endroits où
-l'auteur avait placé ses traits les plus malins. «Qui ne sait pas
-supporter la raillerie, dit Loménie de Brienne dans ses mémoires, ne
-doit point vivre à la cour[297].» La raillerie fut à cette époque même
-le sujet d'un ballet, où le roi représenta le principal
-personnage[298]; la cour de Louis XIV était essentiellement railleuse
-et moqueuse, et cette disposition générale des esprits contribua
-beaucoup au succès de Molière et aux allures franches et hardies de
-son génie. Non-seulement on ne lui en voulut point de ses piquants
-sarcasmes sur les ruelles de la capitale et sur celles des provinces,
-mais on lui en sut gré. C'est en vain que quelques envieux cherchèrent
-à animer contre lui les courtisans, les grands seigneurs et les
-grandes dames qu'il avait eu, disaient-ils, l'audace de traduire sur
-le théâtre[299]; personne ne s'avisa de réclamer le privilége d'être
-sot et ridicule par droit de naissance. Nous savons qu'à la réserve de
-M. et de madame de Montausier, qui étaient dans leur gouvernement
-d'Angoumois, toute la famille de madame de Rambouillet se trouvait à
-la première représentation des _Précieuses_ de Molière; Ménage y vit
-madame la marquise de Rambouillet, mademoiselle de Rambouillet, sa
-fille, madame la marquise de Grignan, son autre fille, le marquis de
-Grignan, son gendre, et leurs nombreux amis. Tous applaudirent à ces
-réjouissantes caricatures, à ces scènes d'un comique si vrai, si
-spirituel, si original surtout, et qui ne rappelaient en rien les
-imitations des pièces anciennes ou des pièces espagnoles, dont on
-était rassasié. On connaît le mot de Ménage et son espèce de
-palinodie: «Dès cette première représentation, dit-il, on revint du
-galimatias et du style forcé[300].» On connaît l'exclamation énergique
-d'un vieil amateur: «Courage, Molière! voilà de la bonne comédie.»
-Mais ce qui est ignoré, ce qui importe à notre objet, c'est que
-probablement madame de Sévigné se trouvait aussi à cette première
-représentation des _Précieuses ridicules_. Du moins est-il certain
-qu'elle était alors à Paris: nous en avons la preuve par le récit de
-Tallemant des Réaux sur l'affaire du marquis de Langey, dans lequel
-madame de Sévigné figure au nombre des jeunes femmes vives et légères
-qui ne voyaient que le côté plaisant de cette cause singulière,
-devenue le sujet de tous les entretiens. Elle partageait l'attention
-publique au point de faire oublier les succès prodigieux de la comédie
-des _Précieuses ridicules_ et de la tragédie de _Bélisaire_ du sieur
-de la Calprenède, et même les négociations de Saint-Jean du Luz[301].
-L'étrange et scandaleuse accusation d'une jeune femme contre un mari,
-si opposée à la réputation d'homme à bonnes fortunes qu'il s'était
-acquise, avait forcément monté toutes les conversations sur un tel ton
-de licence dans l'expression, qu'on doit peu s'étonner du propos que
-Tallemant des Réaux dit avoir été tenu par madame de Sévigné au
-marquis de Langey[302], pour exprimer à celui-ci qu'elle ne doutait
-nullement des moyens victorieux qu'il avait de gagner sa cause.
-
-Les vers énergiques de Boileau, l'absurde contradiction de deux
-jugements contraires rendus pour et contre un seul homme, et le
-plaidoyer de Lamoignon[303], amenèrent dans notre législation, à
-l'égard du mariage, un changement qui, considéré sous le point de vue
-religieux, n'était pas aussi fondé en raison que le pensent ceux qui
-n'ont fait attention qu'aux circonstances scandaleuses de cette
-affaire[304].
-
- [277] BRIENNE, _Mém._, t. XXXVI, p. 244.
-
- [278] DESORMEAUX, _Hist. de Louis de Bourbon, second du nom,
- prince de Condé_, t. IV, p. 162.--MOTTEVILLE, t. XL, p. 39.
-
- [279] LORET, liv. X, p. 190 (6 décembre 1659).--GUY-JOLY, _Mém._,
- t. XLVII, p. 435.
-
- [280] _Hist. de la Mon. fr._, 1697, t. II, p. 14.--_Mém._ de
- RAIS, 1836, t. I, p. 584 de la collect. Michaud.
-
- [281] Le 2 février 1661. Voy. LORET, liv. XI, p. 24 (_lettre_ du
- 7 février).
-
- [282] LORET, liv. XI, p. 133-136.--LA FONTAINE, _OEuvres_, édit.
- 1827, t. VI, p. 458 à 467.
-
- [283] LORET, _Muse historique_, liv. X, p. 23 (9 février), 28,
- 31, 35, 46, 53, 68, 70, 77, 83.--BENSERADE, _OEuvres_, p.
- 207.--MONTPENSIER, t. XLII, p. 407.
-
- [284] _Journal contenant la relation véritable du voyage du Roi
- et de son Éminence_, 1659, in-4º (12 décembre 1659).--_Suite du
- Journal historique du Voyage._--_Journal historique_, 3e
- partie.--_Traité de paix_ en 124 articles, signé le 7 novembre
- 1659; in-4º, 64 pages.--_Nouveau Journal historique, contenant la
- relation véritable de ce qui s'est passé au voyage de Son
- Éminence et aux cérémonies du mariage de Sa Majesté, célébrées à
- Fontainebleau et à Saint-Jean de Luz_; 1660, in-4º (22
- mai).--_Nouvelle Relation contenant l'entretien et le serment des
- Rois_; 1660, in-4º.--_Suite de la nouvelle Relation contenant la
- marche de Leurs Majestés_; 1660, in-4º, 8 pages (avec le portrait
- de Marie-Thérèse, par Larmesin).--_Relation du Retour de Leurs
- Majestés jusqu'à Fontainebleau_, 8 pages.--_Le triomphe de la
- France pour l'entrée royale de Leurs Majestés_; 1660,
- in-4º.--_Nouvelle Relation de l'Entrée royale_, le 26 août 1660;
- in-4º de 24 pages.--_La véritable Explication en prose et en vers
- des figures thermes, etc._; 1660, in-4º de 20 pages.
-
- [285] Conférez _Lettres du cardinal_ MAZARIN, 2 vol., 1745,
- in-12.
-
- [286] LORET, _Muse historique_, lib. X, p. 97.--MOTTEVILLE,
- _Mém._, t. XL, p. 6.
-
- [287] CHAPUZEAU, _Hist. du Théâtre françois_, p. 139-185.
-
- [288] Voyez CHAPUZEAU, _Hist. du Théâtre franç._, 1674, in-12, p.
- 121 et 156.--Les frères PARFAICT, _Hist. du Théâtre franç._, t.
- XI, p. 284 à 326.
-
- [289] Frères PARFAICT, _Hist. du Théâtre franç._, t. VIII, p. 18.
-
- [290] _Ibid._, t. XI, p. 326.--AIMÉ MARTIN, _Hist. de la Troupe
- de Molière_, dans son édition de Molière, t. I, p. CLXXXVI.
-
- [291] DE LA MARINIÈRE, _Estat général des officiers de la maison
- du Roy_, 1660, in-8º, p. 84: «TAPISSIERS, Jean Poquelin et Jean
- son fils [c'est Molière], en survivance, 300 livres.»
-
- [292] TALLEMANT DES RÉAUX, _Mém._, t. VI, p. 22, édit. in-8º, et
- t. X, p. 51, édit. in-12.--_OEuvres de_ LA FONTAINE, t. VI, p.
- 509, édit. 1823.
-
- [293] CHAPUZEAU, _Hist. du Théâtre franç._, 1678, in-12, p. 139.
-
- [294] BEAUCHAMPS, _Recherches sur les Théâtres de France_, t.
- III, p. 146 et 364.
-
- [295] Conférez _le Cercle des Femmes, ou le Secret du lit
- nuptial_, de CHAPUZEAU, 1656.
-
- [296] LORET, liv. X, p. 192 (6 décembre 1659).
-
- [297] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mém. inédits_.
-
- [298] _OEuvres de_ BENSERADE, t. II, p. 207.
-
- [299] BODEAU DE SOMAIZE, _les Véritables Précieuses_, 1660,
- préface, p. 1.
-
- [300] _Ménagiana_, t. II, p. 65.
-
- [301] LORET, _Muse histor._, liv. X, p. 24, 109, 151, 297.--Les
- frères PARFAICT, _Hist. du Théâtre franç._, t. VIII, p.
- 297.--FRANÇOIS DE NEUFCHATEAU, _Esprit du grand Corneille_, p.
- 254.
-
- [302] TALLEMANT DES RÉAUX, _Mémoires_, t. VI, p. 189, 195, 205 de
- l'édit. in 8º, ou t. X, p. 191, 196, 207.--Extraits des
- _manuscrits de Pierre le Gouz_, dans BARRIÈRE, _La cour et la
- Ville sous Louis XIV et Louis XV_, p. 53.
-
- [303] BOILEAU, satire VIII, v. 143 à 146, t. I, p. 126, édit. de
- Saint-Marc, 1747.--LORET, _Muse historique_, liv. IX, p. 199;
- _ibid._, liv. X, p. 19, _lettre_ du 1er février 1659.
-
- [304] _Journal du Palais_, 4e édition, 1755, in-fol., t. I, p.
- 780-789; LAMOIGNON, _Plaidoyer pour le Congrès_, 1680, in-18, p.
- 6; BOUCHER d'ARGIS, _Principes sur la nullité du mariage pour
- cause d'impuissance_, 1756, in-8º, p. 5, 63.
-
-
-
-
-CHAPITRE XV.
-
-1661.
-
- Mort de Mazarin.--Une nouvelle ère commence pour la France.--La
- cour ne se sépare plus.--Elle part tout entière pour
- Fontainebleau.--Les divertissements sont interrompus à Paris dans
- la belle saison.--Plaisirs de Fontainebleau.--Intrigues
- amoureuses du roi avec mademoiselle de La Vallière;--de MADAME
- avec le comte de Buckingham et le comte de Guiche;--de la
- duchesse de Toscane avec le duc de Lorraine.--Les personnes qui à
- Paris étaient invitées à la cour ne se trouvaient plus dans la
- même position à Fontainebleau.--Elles étaient obligées dans ce
- séjour à de grandes dépenses.--Madame de Sévigné se retire à sa
- terre des Rochers pendant l'été.--Durant l'hiver elle participe
- aux plaisirs de Paris.--Plusieurs mariages brillants y donnent
- lieu à des fêtes nombreuses.--On redonne aux théâtres les
- chefs-d'œuvre de Corneille.--Il compose la _Toison d'Or_, le
- premier opéra allégorique.--Molière s'essaye dans le genre
- héroïque; il y réussit peu, et revient à la comédie.--Toutes ces
- pièces furent jouées successivement à Paris, à Fontainebleau, et
- chez Fouquet à Vaux et à Saint-Mandé.--Madame de Sévigné, quand
- elle était à Paris, était de toutes les fêtes; elle ne se trouva
- point à la plus somptueuse de toutes.--Elle quitte sa terre pour
- faire un voyage au mont Saint-Michel.--Ce qu'elle écrit à sa
- fille trente ans après, au sujet de ce voyage.--Citation d'une
- lettre d'un conseiller au parlement, au sujet de madame de
- Sévigné et de sa fille, à l'époque de ce voyage.
-
-
-Mazarin n'était plus: sa mort avait presque aussitôt suivi la paix
-qu'il avait conclue, et une nouvelle ère commença pour la France[305].
-La haute société prit une nouvelle forme; elle se trouva forcée de
-changer les habitudes qu'elle avait contractées depuis longtemps.
-Pendant toute la durée de la guerre, une portion de ceux qui la
-composaient, appelée à l'armée, que suivaient le roi, la reine mère et
-son ministre, s'absentait régulièrement de Paris pendant la belle
-saison; l'autre portion, au contraire, restait dans la capitale, parce
-que là on se trouvait plus à portée d'être bien instruit des
-événements, de communiquer avec les amis, les parents que l'on avait à
-la cour, foyer ambulant de toutes les intrigues et de toutes les
-ambitions. Ainsi les cercles, les divertissements n'éprouvaient point
-d'interruption; et c'est alors qu'en l'absence du monarque et du
-premier ministre, MADEMOISELLE, le surintendant Fouquet, ou d'autres
-personnages moins considérables, étalaient le luxe de leur grande
-fortune, et comblaient le vide produit par l'absence du souverain.
-
-Pour la première fois depuis vingt-quatre ans, cet ordre de choses fut
-changé. Toute la cour partit dès le mois d'avril pour Fontainebleau,
-avec les reines, le roi, et son frère MONSIEUR, qui emmenait avec lui
-l'aimable fille du roi d'Angleterre, devenue sa femme. Deux reines
-mères, celle de France et celle d'Angleterre; un jeune monarque; une
-jeune reine déjà enceinte[306]; plusieurs princesses nouvellement
-mariées; un essaim de beautés empressées à plaire; de jeunes
-seigneurs, guerriers déjà illustrés par nombre d'actes de valeur; la
-sécurité qu'on ressentait en voyant les Condé, les Beaufort, ces
-redoutables héros de la Fronde, devenus d'assidus courtisans[307]; le
-soulagement que l'on éprouvait d'être délivré d'un ministre avare,
-rusé, quinteux, sous lequel on s'était vu forcé de ployer, après
-l'avoir outragé et proscrit[308]; l'espérance qui surgissait de voir
-appelé à lui succéder[309] ce surintendant si poli, si aimable envers
-tous, si insinuant, si serviable envers la richesse, si généreux, si
-prodigue même envers la haute noblesse, le talent, la faveur ou la
-beauté; enfin le printemps, un ciel pur, les eaux du fleuve, les
-ombrages de la forêt, tout contribua à exalter la joie générale, à
-imprimer un élan vers les plaisirs, qui se manifesta avec encore plus
-de force et d'éclat que dans les années précédentes. Les ballets, la
-comédie, les concerts, les navigations sur le canal, les bains de
-rivière, les cavalcades, les carrousels, les promenades en calèche,
-les chasses, les repas en plein air, les jeux folâtres, les
-mascarades, les parties nocturnes, les illuminations, les feux
-d'artifice, donnèrent pendant plusieurs mois à Fontainebleau et à
-toutes les campagnes des environs un aspect de fêtes toujours varié,
-toujours plus ravissant[310]. Favorisées par toutes les circonstances
-des lieux et des temps, les intrigues amoureuses se développèrent
-rapidement parmi cette brillante jeunesse, dont la joie était exaltée
-par des plaisirs sans cesse renaissants. Il semblait que la volupté
-s'empressât d'entourer de ses guirlandes, et de couvrir de ses fleurs,
-ce trône qu'elle se montrait jalouse de disputer à la gloire. Là se
-formèrent des liaisons qui devaient tenir une si grande place dans les
-événements de ce règne; là se développèrent des passions qui devaient
-exercer une si puissante influence sur les mœurs et les destinées du
-monde[311]. L'amour du roi pour mademoiselle de La Vallière[312],
-celui de MADAME pour Buckingham[313], et ensuite pour le comte de
-Guiche, favori de son mari[314]; celui de la duchesse de Toscane,
-fille de Gaston, pour le duc Charles de Lorraine[315], cessèrent
-d'être un mystère pour des courtisans, si intéressés à pénétrer les
-secrets de leurs maîtres, et empressés à justifier leurs excès par de
-tels exemples. Aussi, à la réserve de la chaste épouse de Louis XIV,
-asservie, ainsi que la reine sa belle-mère, à une piété sévère, il n'y
-eut peut-être pas dans toute cette cour, si nombreuse en jeunes
-femmes, une seule qui ne fût alors, soit pour elle-même, soit pour une
-autre, engagée dans quelque intrigue amoureuse. Le récit des aventures
-galantes qui eurent lieu alors, et dans cette seule saison, a rempli
-plusieurs volumes, qui sont loin d'avoir épuisé la matière[316].
-
-Cette translation et ce séjour du monarque à Fontainebleau
-produisirent un changement dans l'existence des personnes qu'on voyait
-habituellement à la cour, ou qui se trouvaient à ces divertissements
-sans qu'elles fussent obligées d'y être, sans qu'elles possédassent
-aucune charge ou eussent aucun emploi auprès du monarque, ou auprès
-des princes. Dans la capitale, ces personnes avaient avec la cour des
-points de contact et des jouissances communes à tous, par le moyen des
-promenades publiques, des théâtres, et des foires, alors
-très-fréquentées par la haute société. Lorsqu'elles se rendaient aux
-invitations du monarque, des reines ou des ministres, pour ajouter aux
-agréments ou à la pompe des ballets, des carrousels, des banquets,
-elles ne changeaient en rien leur genre de vie habituel. Elles
-n'abandonnaient point leurs somptueux hôtels, où plusieurs rendaient
-aussi à la cour les repas et les fêtes qu'elles en avaient reçus. Ces
-personnes semblaient ainsi plutôt consentir à être de la cour, que
-demander à en être: elles n'aliénaient pas leur liberté, leur
-indépendance. Mais, en quittant leur domicile pour se transporter à
-Fontainebleau, elles se mettaient à la suite de la cour; elles
-montraient l'intention de solliciter l'honneur d'y être admises, de
-participer à l'éclat des fêtes qui s'y donnaient et aux plaisirs qu'on
-y goûtait; elles manifestaient la volonté de parcourir la carrière
-d'ambition et d'intrigues qui y était ouverte. Elles se trouvaient
-alors nécessairement entraînées à supporter toutes les charges d'une
-telle existence: le gros jeu, les somptueux équipages, un grand luxe
-de maison, devenaient nécessaires.
-
-Madame de Sévigné, que l'éducation de sa fille occupait alors
-fortement, était trop raisonnable, trop économe, pour se placer dans
-une telle situation. D'ailleurs, tout le fracas des fêtes et des
-intrigues de Fontainebleau ne convenait nullement à ses habitudes, à
-ses projets, à la pureté, à la délicatesse de ses sentiments. Aussi
-pendant ce temps se retira-t-elle à sa terre des Rochers. Une lettre
-d'un conseiller au parlement, que nous aurons bientôt occasion de
-citer, nous prouve qu'elle s'y était rendue au commencement du
-printemps, et au moment même du départ de la cour pour Fontainebleau:
-deux lettres d'elle, l'une à Ménage[317] et l'autre à Pomponne, nous
-démontrent qu'elle s'y trouvait encore au mois d'octobre.
-
-Mais il est probable qu'elle séjourna dans la capitale durant l'hiver
-qui précéda ce voyage de Fontainebleau, et celui qui le suivit. A la
-vérité, nous n'en avons d'autre preuve que son genre de vie pendant
-plusieurs des précédentes années, où nous la voyons assez empressée à
-saisir les occasions de s'associer aux plaisirs de la cour. Ils furent
-très-actifs et très-brillants pendant ces deux hivers, signalés par
-les négociations et la conclusion de la paix, la naissance d'un
-Dauphin[318]; les mariages du duc d'Anjou avec Henriette
-d'Angleterre[319]; de mademoiselle d'Orléans, l'une des filles de
-Gaston et de Marguerite de Lorraine[320], avec le grand-duc de
-Toscane; celui de Marie de Mancini avec le connétable de Colonne[321];
-celui de sa sœur la belle Hortense avec Armand de La Porte, qui prit
-le nom de duc de Mazarin[322]. Pendant l'un et l'autre carnaval, la
-joie se manifesta par des actions hors de toute prudence, hors de
-toute convenance. La passion pour le jeu et les mascarades alla
-toujours en croissant. On risqua des sommes énormes sur une seule
-carte[323]; des personnages de haute distinction coururent les rues,
-déguisés en poissardes, en Scaramouches, en Trivelins[324]. Durant ces
-deux années aussi, le théâtre jeta un grand éclat. Je ne veux point
-parler de la magnificence des ballets royaux[325], mais de la
-splendeur, bien préférable, que la scène reçut des chefs-d'œuvre
-dramatiques qui furent représentés alors. Le génie du vieux Corneille
-sembla se ranimer, et reprendre une nouvelle forme pour faire luire un
-dernier rayon sur ce nouveau règne. Corneille avait donné le premier
-modèle de la comédie dans le _Menteur_, composé le premier
-chef-d'œuvre de tragédie dans le _Cid_; dans la _Toison d'Or_ il
-offrit le premier l'exemple d'une pièce à machines, également propre à
-être déclamée ou chantée, écrite avec noblesse, conduite avec
-régularité; enfin le premier exemple d'un bon opéra. On remit aussi
-alors au théâtre toutes les pièces qui avaient fait la gloire de ce
-créateur de la scène française, et elles excitèrent le même
-enthousiasme que dans la nouveauté. Son frère, uni avec lui d'intérêt,
-de fortune et de renommée, fit une pièce de circonstance intitulée
-_Camma_, dont le sujet avait été fourni par Fouquet. Le succès fut
-complet. Ainsi, cette époque, favorable pour la gloire et la
-prospérité de la France, le fut aussi pour son grand poëte[326].
-Molière, trop sensible aux reproches que lui faisaient ses Aristarques
-et ses ennemis, de ne réussir que dans la farce, voulut habiller en
-grande dame et assujettir aux belles manières sa muse joyeuse,
-énergique, un peu dévergondée, mais vive, franche, naturelle, et
-habituée à marcher librement et à visage découvert. Il fit _Don Garcie
-de Navarre_, pièce dans le genre noble, qui n'eut point de succès et
-n'en méritait pas. Mais celui qu'il obtint presque aussitôt après, par
-son _École des Maris_, dut lui prouver qu'il vaut mieux supporter les
-défauts de son génie que de le contraindre dans son allure. La troupe
-de Molière était la troupe en vogue, celle que préféraient le monarque
-et le public, parce que c'était la plus réjouissante, et la seule à
-qui il fût permis de jouer les pièces de son directeur. On lui accorda
-le théâtre du Palais-Royal, et elle jouait alternativement sur ce
-théâtre et devant la cour, au Louvre ou à Fontainebleau, et chez
-Fouquet, à Vaux ou à Saint-Mandé[327].
-
-Fouquet donnait encore plus fréquemment des fêtes que dans les années
-précédentes; et nous avons déjà exposé les motifs qui doivent faire
-penser que madame de Sévigné se trouvait à toutes ces fêtes. Cependant
-elle n'était pas présente à celle qui surpassa toutes les autres, à
-celle que Louis XIV avait demandée, à celle où Molière fit jouer pour
-la première fois la comédie des _Fâcheux_, à celle qui fut la dernière
-où Vaux resplendit d'une magnificence toute royale, à celle qui
-précéda de si peu de temps la chute du malheureux surintendant.
-
-Lorsque fut donnée cette fête, qui amusa tant le bon La Fontaine, et
-dont il nous a laissé une si charmante description[328], madame de
-Sévigné était retirée aux Rochers, car c'était l'époque où la cour se
-trouvait à Fontainebleau: on était au mois d'août, et tant que dura la
-belle saison madame de Sévigné ne quitta sa terre que pour faire un
-petit voyage, qui ne dut pas lui coûter une bien longue absence ni lui
-occasionner beaucoup de fatigue. Accompagnée de sa fille, elle se
-rendit au mont Saint-Michel. L'isolement de ce mont, sur une vaste
-plage couverte deux fois par jour des eaux de la mer; son double
-sommet, son château, son église, son abbaye; la salle où se
-rassemblaient les chevaliers de l'ordre formé sous l'invocation de
-l'archange dont il porte le nom; les prisonniers d'État renfermés dans
-ses sombres cachots; les superstitions, les pèlerinages dont il fut
-l'objet, lui ont donné depuis longtemps une grande célébrité[329].
-Pour s'y rendre, en partant des Rochers, madame de Sévigné n'eut qu'un
-trajet de quinze à dix-huit lieues à faire; et dans sa route elle
-traversait Fougères, où son mari avait été gouverneur, et dont les
-environs sont si riants et si fertiles. C'est à cette époque de sa vie
-que madame de Sévigné faisait allusion, trente ans après, lorsqu'elle
-écrivait de Dol à madame de Grignan: «Je voyais de ma chambre la mer
-et le mont Saint-Michel, ce mont si orgueilleux que vous avez vu si
-fier, et qui vous a vue si belle; je me suis souvenue avec tendresse
-de ce voyage[330].»
-
-En effet, madame de Grignan, si elle avait revu le mont Saint-Michel
-lorsque sa mère lui écrivait cette lettre, ne lui aurait pas trouvé un
-aspect aussi imposant qu'au temps de sa jeunesse. A cette époque ses
-deux cimes étaient couronnées de deux majestueuses constructions, la
-plus haute par l'abbaye, la moins élevée par le château; mais ce
-château avait été rasé en 1669. Ce mont Saint-Michel n'aurait pas non
-plus retrouvé en 1689 madame de Grignan, âgée de quarante-trois ans,
-aussi fraîche et aussi belle que mademoiselle de Sévigné l'était en
-1661, quoiqu'elle n'eût à cette époque que treize ans. Sa mère ne la
-flattait pas, lorsqu'elle lui disait qu'elle était alors déjà
-remarquable par ses naissants attraits. Voici de quelle manière
-s'exprimait, dans une lettre adressée à un ami, un conseiller au
-parlement qui se trouvait à Fontainebleau le 3 novembre 1661[331]:
-
-«J'ai eu l'avantage d'être un mois durant voisin de madame de Sévigné,
-dont la maison n'est qu'à deux lieues de nous. Cette favorable
-conjoncture me l'a bien mieux fait connaître par elle-même, que par ce
-grand et légitime bruit que son mérite fait dans le monde. Je ne vous
-en dirai rien du tout et je vous renvoie, ou à la connaissance que
-vous en avez, ou à la foi publique... Mademoiselle sa fille est une
-autre merveille, dont je ne vous dirai rien non plus:
-
- Vous la verrez, si vous ne l'avez vue,
- Vous la verrez, de mille attraits pourvue,
- Briller d'un éclat sans pareil;
- Et vous direz, en la voyant paraître:
- C'est un soleil qui ne fait que de naître
- Dans le sein d'un autre soleil.
-
-«Le lieu où ces déités me sont apparues est une maison située à une
-lieue de Vitré, grande et belle pour ses bâtiments et ses jardins, où
-madame de Sévigné passe de temps à autre quelques mois, et où, dans un
-fond de province, on trouve la même politesse que dans l'Ile de
-France.
-
-«J'ai encore à vous rendre compte du pèlerinage que j'ai fait au mont
-Saint-Michel... Ce mont est une chose singulière, où il y a une fort
-belle abbaye; et c'est tout vous dire que madame de Sévigné avait eu
-la même curiosité huit ou dix jours avant moi, et en avait été fort
-satisfaite; ce qui me donna lieu de lui en écrire, à mon retour, une
-lettre que je ne mets ici que pour vous servir de description de cette
-montagne.»
-
-L'emphatique description que l'anonyme adresse à madame de Sévigné se
-termine ainsi:
-
- Vous l'avez vu, madame, et savez si je mens.
- Vous avez triomphé de la roche superbe;
- Vos beaux pieds l'ont foulée, ainsi qu'on foule l'herbe:
- Elle fléchit pour vous son invincible orgueil;
- Et, sentant sur sa croupe une charge si belle,
- Elle vous caressa par un muet accueil;
- Puis de votre départ voyant l'heure cruelle,
- Dans ses concavités elle en pleura le deuil.
- Elle ne le dit pas; et je le dis pour elle[332].
-
- [305] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mém. inéd._, t. II, p.
- 142.--MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 536.--GOURVILLE, _Mém._,
- t. LII, p. 345.--LORET, liv. XII, p. 41 (_lettre_ du 13 mars
- 1661).--COULANGES, _Mém._, p. 379.
-
- [306] LOUIS XIV, _OEuvres_, t. V, p. 8.
-
- [307] MOTTEVILLE, _Mém._ t. XL, p. 115.
-
- [308] MONGLAT, _Mém._, t. L, p. 112-114.
-
- [309] GUY-PATIN, _Lettres_, t. V, p. 205 (_lettre_ du 5 avril
- 1661).
-
- [310] CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 289.--MOTTEVILLE, t. XL, p.
- 111-137.--LA FAYETTE, t. LXIV, p. 145.--LORET, t. XII, p. 71 (7
- mai), p. 95 (9 janvier).
-
- [311] GRAMONT, _Mém._, t. LVII, p. 88.
-
- [312] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XL, p. 134 et 136.--LA FAYETTE, t.
- LXIV, p. 397 à 402.--MONGLAT, t. LI, p. 119.--_Hist. de la Vie et
- des Ouvrages de la Fontaine_, 3e édit., p. 84 à 85.
-
- [313] LA FAYETTE, _Mém._, t. LXIV, p. 375, 381, 391, 393.
-
- [314] MONTPENSIER, t. XLIII, p. 21.--MOTTEVILLE, t. XL, p.
- 124.--LA FAYETTE, t. LXIV, p. 400.
-
- [315] CHOISY, t. LXIII, p. 237.
-
- [316] LA FAYETTE, _Histoire d'Henriette_, t. LXIV, p. 409,
- 411.--BUSSY-RABUTIN, _Histoire amoureuse des Gaules_;
- _Galanteries de la Cour de France_; _la France galante_; _Amours
- des Dames illustres_.
-
- [317] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 58 et 60, édit. Monmerqué.
-
- [318] LORET, _Muse historique_, liv. XII, p. 173 (6 novembre
- 1665).--MOTTEVILLE, t. XL, p. 154.--MONTPENSIER, t. XLIII, p. 21.
-
- [319] LORET, liv. XII, p. 55 (2 avril 1661).
-
- [320] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 108.--LORET, liv. XI, p. 188 (27
- novembre 1660).--LORET, liv. XII, p. 61 (23 avril 1661).
-
- [321] LORET, liv. XII, p. 39.--MOTTEVILLE, t. XL, p. 89 (5 mars
- 1661).
-
- [322] LORET, _Muse historique_, t. XII, p. 39.--GUY-PATIN,
- _Lettres_, t. V, p. 201.--MOTTEVILLE, t. XL, p. 89.--MONTPENSIER,
- t. XLIII, p. 3.
-
- [323] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 333, 334, 336.--GUI-JOLY,
- _Mém._, t. XLVII, p. 339.
-
- [324] LORET, _Muse historique_, t. XII, p. 14 (22 avril 1661).
-
- [325] CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 289.--LORET, _Muse histor._,
- liv. XI, p. 142; liv. XII, p. 30 et 34.--BENSERADE, _OEuvres_, t.
- II, p. 217, 231.
-
- [326] LORET, liv. XII, p. 19 et 31.--FRANÇOIS DE NEUFCHATEAU,
- _Esprit du grand Corneille_, p. 265 à 281.
-
- [327] LORET, _Muse historique_, liv. XI, p. 170, _lettre_ du 30
- octobre 1660; liv. XII, p. 110, 129, 136, 183 et 184; _lettres_
- des 17 juin 1660, 20, 27 août et 19 novembre 1661.
-
- [328] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 120.--_Hist. de la Vie et des
- Ouvrages de La Fontaine_, p. 74 à 91.--LA FONTAINE, _OEuvres_,
- édit. 1827, t. V, p. 473.
-
- [329] NOUAL DE LA HOUSSAYE, _Voyage au mont Saint-Michel et à la
- Roche aux Fées_, 1811, in-18.--PIGANIOL DE LA FORCE, _Nouvelle
- Description de la France_, 1754, in-12, t. IX, p. 521.--Martin
- ZEILLER, _Topographia Galliæ_; Francofurti, pars 8, p. 20, 1657,
- in-folio.
-
- [330] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (en date du 9 mai 1689), t. VIII, p.
- 469, édit. de Monmerqué.--_Ibid._, t. IX, p. 301, édit. de G. de
- S.-Germ.
-
- [331] SÉVIGNÉ, t. VIII, p. 463, édit. de Monmerqué, note _a_.
-
- [332] SÉVIGNÉ, _Lettres_, édit. de Monmerqué, 1820, in-8º, t.
- VIII, p. 463. M. Monmerqué a trouvé une copie de cette lettre
- dans le ms. no 902, in-fol., t. IX, p. 484, de la Bibliothèque de
- l'Arsenal.
-
-
-
-
-CHAPITRE XVI.
-
-1661.
-
- Les peuples ressentent bien plus leurs maux après les dissensions
- civiles que pendant qu'elles durent.--Situation de la France
- après le traité des Pyrénées.--Misère du peuple.--Abus et
- confusion des pouvoirs.--Vénalité, immoralité, désordre des
- finances.--Craintes et regrets que cause la mort de
- Mazarin.--Personne ne pouvait remplir sa place.--On redoute les
- inclinations martiales de Louis XIV.--La France ressentait le
- besoin de la paix.--Corneille se rend l'organe de l'opinion
- publique.--Citation d'un passage de _la Toison d'Or_.--Le roi se
- résout à gouverner par lui-même.--Personne ne croit que cette
- résolution sera de longue durée.--Des espérances que faisaient
- naître ses actes.--Madame de Sévigné croit que le cardinal de
- Retz succédera au cardinal Mazarin.--Louis XIV ne rappelle point
- le cardinal de Retz, et se montre aussi contraire aux jansénistes
- que l'avait été Mazarin.--Arnauld d'Andilly était le seul de ce
- parti qui fût aimé du roi et de la reine mère.--Madame de Sévigné
- était liée avec ses deux fils, l'abbé Arnauld et Pomponne;
- détails sur ce dernier.--Il était ami de Fouquet.--Pomponne ne
- pouvait obtenir de l'avancement, parce qu'il appartenait à la
- secte des jansénistes.--Madame de Sévigné espère que Fouquet
- succédera à Mazarin.--Fouquet avait aussi cette espérance.--Le
- voyage du monarque et de sa cour en Bretagne est résolu.--Madame
- de Sévigné apprend dans sa terre des Rochers que Fouquet est
- arrêté, et que le roi a résolu sa mort.
-
-
-Les maux qu'amènent à leur suite la guerre civile et la guerre
-étrangère ne sont jamais mieux sentis qu'après la cessation des causes
-qui les produisent. Dans les temps de violentes agitations, l'esprit,
-fortement préoccupé des événements, soutient les forces et le courage,
-et donne l'énergie nécessaire pour supporter les plus grands revers,
-les plus désastreuses calamités; mais quand le calme est rétabli,
-chacun regarde autour de soi, se ressouvient avec tristesse des maux
-passés, ressent avec douleur ceux qui l'affligent encore, et mesure
-avec effroi, par la pensée, les malheurs dont le présent menace
-l'avenir.
-
-Tel était le sentiment qui prévalait en France après la mort de
-Mazarin. Le monarque et sa cour se plongeaient dans les plaisirs; les
-courtisans, les ambitieux, les intrigants étaient pleins de joie et
-d'espérance; mais le peuple était dans l'abattement, les gens de bien
-et les hommes réfléchis s'abandonnaient à leurs sombres prévisions.
-
-Les abus dominaient partout; partout la vénalité et l'anarchie des
-pouvoirs; les manufactures et le commerce languissaient; le bas
-peuple, accablé d'impôts, était exposé à des vexations de toute
-espèce. La noblesse, qui conférait alors les priviléges, la puissance,
-l'exemption des charges publiques, était usurpée sans aucun titre, ou
-acquise à prix d'argent, ou conférée gratuitement, sans aucun service.
-Les juges, choisis par l'intrigue ou par la corruption, sans probité
-comme sans savoir, faisaient le mal au nom des lois et avec les
-formalités qu'elles prescrivent. Les fraudes et les subtilités de la
-chicane étaient encouragées, et une multitude de procès interminables
-dévoraient le patrimoine des familles. Dans le clergé, une licence de
-mœurs déplorable ou un rigorisme excessif. Les gens puissants,
-habitués à arracher les grâces au pouvoir par des compromis et des
-intrigues, se créaient des droits imaginaires sur tout ce qui était à
-leur bienséance. Les gouverneurs des villes de guerre négligeaient de
-faire exécuter les réparations les plus urgentes aux places dont la
-défense leur était confiée, et ils gardaient le produit des taxes qui
-leur avaient été abandonnées pour subvenir à cette dépense; puis ils
-cherchaient à couvrir leurs malversations par la crainte, et
-devenaient autant de petits tyrans des territoires soumis à leur
-commandement. Les marches des troupes et l'indiscipline des soldats
-occasionnaient des ravages continuels dans les campagnes. Les finances
-étaient dans un désordre inextricable; toutes les ressources se
-trouvaient épuisées. Le payement des sommes les plus légitimement dues
-était suspendu ou ajourné; on manquait souvent d'argent pour les
-dépenses journalières les plus urgentes, tandis que les financiers,
-les gens de cours enrichis, étalaient un luxe insolent. Comme il
-arrive toujours, le déréglement des mœurs accompagnait le désordre de
-l'État[333]. Le jeu était devenu une passion générale et
-effrénée[334]; la licence et le libertinage avaient pénétré dans
-toutes les classes, et profanaient par de honteux scandales
-l'austérité des cloîtres[335].
-
-On avait détesté Mazarin surtout à cause de son avarice, du trafic
-honteux des places, des charges et des honneurs, et des immenses
-revenus que lui donnaient les bénéfices ecclésiastiques et les abbayes
-qu'il avait accumulés sur sa tête; mais quand il ne fut plus, on
-reconnut qu'au lieu d'être la cause des calamités dont on se
-plaignait, il avait cherché à les prévenir, et qu'elles étaient dues
-principalement aux obstacles qu'on avait opposés à l'autorité royale,
-dont il était le dépositaire. La paix, qui était son ouvrage, était le
-premier pas et le plus important pour la réparation des malheurs
-publics. Dès qu'on le vit exercer enfin le pouvoir sans contrôle, on
-comprit que le plus sûr moyen qu'il avait de l'affermir dans ses
-mains était de faire cesser les abus, de rétablir l'ordre, de
-travailler sincèrement à la prospérité du royaume, de gouverner en vue
-du bien public; on savait qu'il en avait la volonté, et l'on avait
-commencé à s'apercevoir qu'il s'y appliquait avec succès. Ce ne fut
-donc pas sans une peine profonde que ceux même qui s'étaient montrés
-autrefois les plus contraires à Mazarin virent que la France venait
-d'être privée d'un homme d'État capable de réparer les maux dont elle
-souffrait. On s'inquiétait de voir le royaume dans une situation si
-déplorable, sans une seule tête qui pût le diriger. Bien loin d'avoir
-aucune confiance dans un roi si jeune, si entièrement livré à sa
-passion pour les plaisirs, on redoutait ses inclinations guerrières,
-et les fautes où il serait entraîné dès qu'il cesserait d'être dirigé
-par la prudence d'un ministre qui avait su capter sa confiance et
-résister à ses passions. On craignait l'influence qu'allait exercer
-sur lui le génie belliqueux des Condé et des Turenne et de toute cette
-jeune noblesse, qui ne connaissait d'autre occupation que la guerre,
-qui n'avait aucun autre moyen de se rendre nécessaire[336]. Corneille
-se fit généreusement l'organe de l'opinion publique à cet égard. Dans
-cette même pièce de _la Toison d'Or_, qui lui avait été commandée pour
-flatter le jeune monarque, il osa faire comparaître la France,
-exposant elle-même, dans un dialogue avec la Victoire, les funestes
-effets de la guerre et de l'indiscipline militaire.
-
- A vaincre tant de fois mes forces s'affaiblissent,
- L'État est florissant, mais les peuples gémissent;
- Leurs membres décharnés courbent sous mes hauts faits,
- Et la gloire du trône accable les sujets[337].
-
-Cependant, aussitôt après la mort de Mazarin, le roi avait déclaré ses
-intentions de gouverner par lui-même; il travaillait en effet
-exactement avec les ministres qu'il s'était choisis, mais personne ne
-croyait à la constance de cette résolution[338]. Depuis la mort de
-Henri IV on était habitué à voir la souveraineté ne s'exercer que par
-délégation, et par l'intermédiaire des ministres. Louis XIV lui-même,
-depuis sa majorité, n'avait montré ni les désirs ni les dispositions
-propres à changer cet état de choses. On l'avait vu si fortement
-enclin à l'amour, si occupé à jouir des avantages et des priviléges de
-la royauté, qu'on ne pouvait penser qu'il voulût jamais consentir à en
-accepter les charges, ni qu'il lui fût possible de s'astreindre à la
-contention d'esprit et à l'ennui journalier qu'entraîne le détail
-d'affaires difficiles et compliquées, dont la décision seule devait
-consumer la plus grande partie des heures qu'il était habitué à donner
-à la chasse, aux ballets, aux carrousels, aux conversations galantes.
-Aussi son changement de vie, la fermeté de ses volontés, l'application
-qu'il mettait à s'instruire sur toutes les parties du gouvernement, ne
-produisirent aucun changement sur l'opinion qu'on s'était formée de
-lui: on attribuait sa conduite à une sorte de présomption orgueilleuse
-et au plaisir que sa vanité lui faisait éprouver d'exercer une
-autorité dont il avait été si longtemps privé. On s'attendait de jour
-en jour à voir cesser cette ardeur de jeune homme; on croyait qu'il
-se lasserait bientôt de vouloir faire le capable, comme le disait sa
-mère; et qu'il ne tarderait pas à se décharger sur un premier ministre
-d'un fardeau beaucoup trop pesant pour ses mains jeunes et
-inexpérimentées. On ne savait pas que Mazarin depuis longtemps avait
-pris la peine d'exposer lui-même au jeune monarque toutes les affaires
-difficiles, et de lui communiquer les motifs des décisions; qu'il
-l'initiait à tous les secrets de sa politique; qu'il l'engageait sans
-cesse à vouloir s'appliquer aux détails de la haute administration;
-qu'il lui répétait: «qu'il n'avait besoin que de vouloir pour devenir
-le plus glorieux roi qui eût jamais existé[339].» Comme Louis XIV
-avait assez de jugement pour reconnaître la supériorité de son
-ministre, et qu'il le laissait agir, ou avait conçu une faible idée de
-sa capacité. Cependant Mazarin avait déclaré «qu'on ne le connaissait
-pas, et qu'il y avait en lui de l'étoffe pour faire quatre rois et un
-honnête homme[340].»
-
-Mais, dans l'ignorance où l'on était à cet égard, on blâmait ou on
-approuvait le gouvernement, selon les espérances que ses actes
-faisaient naître de voir la place de Mazarin occupée par celui que les
-vœux et les prédilections de chacun y appelaient.
-
-Madame de Sévigné, dont les amitiés étaient franches, vives et
-constantes, n'était pas entièrement désintéressée à cet égard. Après
-la mort du premier ministre, la noblesse s'était flattée d'y voir
-arriver le maréchal de Villeroi ou le grand Condé[341]; mais lorsqu'on
-vit que ni l'un ni l'autre n'était admis au conseil, on prêta au roi
-un autre projet, et le bruit courut que le cardinal de Retz allait
-prendre le timon des affaires. Il avait de nombreux amis; il était le
-seul des ennemis de Mazarin que ce ministre eût paru redouter, le seul
-qu'il eût persécuté jusqu'à la fin. L'intérêt que l'on portait à cet
-illustre exilé s'augmentait encore de toute l'aversion qu'avait fait
-naître son heureux rival; et si Retz, après avoir été si longtemps en
-butte à une injuste animadversion, ne redevenait pas sur-le-champ en
-faveur, si le besoin qu'on avait de ses talents ne le faisait pas
-nommer ministre, du moins on ne doutait pas que comme archevêque de
-Paris on ne se hâtât de le rappeler, afin de rétablir la paix et le
-bon ordre dans l'administration ecclésiastique du premier diocèse du
-royaume.
-
-On se trompait; le roi se montra encore plus que Mazarin opposé à
-Retz, à ses amis les jansénistes, dont les opinions, depuis la
-publication des lettres de Pascal, faisaient cependant chaque jour des
-progrès parmi ce qu'il y avait de plus recommandable et de plus
-estimable dans la haute société. Un des plus fervents de la secte, un
-des frères de l'intraitable docteur Arnauld, avait, ainsi que nous
-l'avons dit, conservé l'affection particulière de Louis XIV et de la
-reine mère. Il la devait aux services qu'il avait rendus à l'État
-pendant sa longue vie politique; au respect qu'inspirait son âge, aux
-ouvrages par lesquels il avait honoré et illustré sa laborieuse
-retraite; à cette aménité de caractère, à ces formes flatteuses et
-polies qu'un long usage de la cour et du grand monde lui avait
-données. Un savant, un sage, un saint octogénaire, avec le doux
-langage et les manières gracieuses d'un courtisan, voilà ce qu'était
-Arnauld d'Andilly.
-
-Un de ses fils, Simon de Pomponne, par son esprit, son aptitude aux
-affaires, paraissait destiné à le reproduire. Comme son frère aîné,
-l'abbé Arnauld, dont nous avons parié précédemment, Pomponne était au
-nombre des amis les plus intimes de madame de Sévigné. Elle avait eu
-occasion de le connaître et de le voir souvent dans sa jeunesse à
-l'hôtel de Rambouillet, où il était admis, et chez la princesse
-Palatine, ainsi que chez madame du Plessis Guénégaud[342]. L'intimité
-de Pomponne et de madame de Sévigné s'était accrue par les sentiments
-d'amitié et de reconnaissance qui les unissaient tous deux à Fouquet.
-Simon de Pomponne, d'abord nommé intendant à Casal, en 1642, avait
-obtenu deux ans après d'être admis dans les conseils du roi. Il fut
-successivement chargé des négociations de Piémont et du Montferrat, et
-de l'intendance des armées de Naples et de Catalogne; mais lorsqu'en
-1649 il demanda le consentement royal pour la charge de chancelier du
-duc d'Anjou, il lui fut refusé. Malgré l'appui de Fabert et les
-sollicitations de ses nombreux et puissants amis, Pomponne ne put
-vaincre la résistance de Mazarin, qui lui opposa toujours, comme un
-obstacle insurmontable pour un tel emploi, les opinions religieuses
-professées par son père et par toute sa famille[343]. Par les mêmes
-motifs, le roi, depuis la mort du premier ministre, malgré l'estime
-qu'il avait conçue pour Pomponne, malgré la bonne opinion qu'il avait
-de ses talents, s'abstenait de lui donner de l'avancement.
-
-Madame du Sévigné se trouvait donc contrariée et affligée de voir
-s'évanouir les espérances que la mort de Mazarin lui avait fait
-concevoir pour l'élévation du cardinal de Retz et de ses autres amis;
-surtout sachant que la cause des empêchements qu'ils éprouvaient était
-due à ces opinions religieuses qui lui étaient communes avec tous ceux
-qu'elle aimait et qu'elle estimait le plus. D'un autre côté, l'amitié,
-mêlée d'amoureuse tendresse, qu'avait pour elle le surintendant, lui
-donnait lieu de croire que les changements nécessités par la perte du
-premier ministre seraient utiles à tous ceux qu'elle voudrait
-protéger, et par suite à l'établissement de ses enfants, surtout de sa
-fille, qui déjà commençait à être l'objet de ses pensées principales
-et de ses plus chères affections. Elle avait écrit au surintendant à
-l'occasion des affaires et du mariage de son cousin germain M. le
-marquis de la Trousse[344]; et si Fouquet cherchait à prolonger ce
-commerce de lettres au delà de ce qui était nécessaire, c'est qu'il
-est présumable que madame de Sévigné ne désirait pas qu'il cessât, et
-qu'elle sut y répandre ce charme et ces agréments qui naissaient sans
-effort sous sa plume.
-
-Des trois ministres que Louis XIV avait choisis, Lyonne, Le Tellier et
-Fouquet, ce dernier était le seul qu'on croyait digne d'occuper la
-place de premier ministre. A la cour et dans tout le royaume, il
-comptait autant d'amis et de partisans que Mazarin avait eu d'ennemis
-ou d'antagonistes déclarés ou cachés. Fouquet était personnellement
-aimé et protégé par la reine mère; le roi semblait se plaire à
-travailler avec lui, et lui confiait les affaires les plus secrètes.
-Jamais il ne lui refusait d'audiences particulières lorsqu'il lui en
-demandait, et il lui en demandait souvent[345]. Aussi, lorsqu'on sut
-que Fouquet, afin d'être compris dans la promotion des chevaliers de
-l'Ordre qui allait avoir lieu, venait de vendre sa charge de procureur
-général, et que par son conseil toute la cour allait faire le voyage
-de Nantes pour la tenue des états de Bretagne, on ne douta pas qu'il
-ne fût arrivé au plus haut degré de la faveur, et qu'il ne devint
-très-prochainement premier ministre[346].
-
-Madame de Sévigné, alors aux Rochers, crut que les espérances qu'elle
-avait conçues étaient au moment de se réaliser. Madame de La Fayette
-et ses autres correspondances de Paris la confirmaient dans sa
-croyance, en lui annonçant que le roi allait bientôt se rendre, avec
-ses ministres, en Bretagne. Dans son château, peu éloigné de Nantes,
-madame de Sévigné attendait avec une agréable anxiété les nouvelles
-qui devaient lui arriver de cette ville. Elles arrivèrent en effet,
-mais elles lui apprirent que le surintendant était enfermé dans une
-étroite prison; que le roi, furieux contre lui, voulait sa mort; que
-tous ses affidés étaient arrêtés ou en fuite, tous ses amis dans la
-stupeur; que les scellés allaient être apposés sur tous ses papiers;
-que Pellisson, son premier commis, était conduit à la Bastille[347].
-
- [333] LOUIS XIV, _Mémoires historiques, OEuvres_, t. I, p. 9 à
- 57.
-
- [334] GOURVILLE, t. LII, p. 331, 332, 334.--GRAMONT, _Mémoires_,
- t. LVII, p. 89.
-
- [335] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 480.
-
- [336] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 426.
-
- [337] _La Toison d'Or_, prologue, scène 1, vers 30-23, _Théâtre
- de_ PIERRE CORNEILLE, revu et corrigé par l'auteur, 1692, in-12,
- t. IV, p. 246.
-
- [338] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mém. inéd._; t. II, p. 156, 157;
- CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 209, 211, 223.
-
- [339] MAZARIN, _Lettres_, 1745, in-12, t. I, p. 2, 15, 27
- (_lettres au Roi_, des 29, 30 juin et 2 juillet 1659).
-
- [340] CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 192.
-
- [341] DESORMEAUX, _Hist. de Condé_, t. IV, p. 189.--MONGLAT, t.
- LI.
-
- [342] _Recueil de quelques Pièces nouvelles et galantes_,
- Cologne, Pierre Marteau, 1667, 2e partie, p. 79 à 80.--MONMERQUÉ,
- _Biographie universelle_, t. XXXV, p. 32, article _Pomponne_.
-
- [343] _Lettres et pièces tirées des manuscrits de_ POMPONNE, à la
- suite des _Mémoires de Coulanges_; Paris, J.-J. Blaise, 1820, p.
- 376.
-
- [344] SÉVIGNÉ, t. I, _Lettres_, p. 59 (_lettre_ en date du 11
- octobre 1661).
-
- [345] Louis XIV, _Instructions au Dauphin_, t. I, p. 103 des
- _OEuvres_ (année 1661).
-
- [346] CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 111.
-
- [347] LA FONTAINE, _lettre_ à de Maucroix, _OEuvres_, t. VI, p.
- 484.--LORET, liv. XII, p. 142, 143 et 154.--RACINE, _Fragments
- historiques_, dans les _Mémoires sur la Vie de J. Racine_, 1747,
- in-12, part. 2, p. 22.
-
-
-
-
-CHAPITRE XVII.
-
-1661.
-
- Aveux qu'a faits Louis XIV sur l'arrestation et le procès de
- Fouquet.--Cet événement mal jugé par les historiens.--Ce fut la
- fin du ministérialisme.--De la connaissance approfondie de
- l'affaire de Fouquet dépend l'intelligence complète du règne de
- Louis XIV.--Nomination de Fouquet à la surintendance des finances
- avec Servien.--Fouquet reste le seul surintendant.--Fonctions et
- attributions d'un surintendant.--Ordre qui était établi dans les
- finances.--Trois trésoreries de l'épargne.--Contrôleur ou teneur
- du registre des fonds.--Ordonnances de payement.--Billets de
- l'épargne.--Assignations et réassignations.--De quelle manière
- s'y prenaient les financiers et les traitants pour s'enrichir aux
- dépens de l'État et des particuliers.--Lorsque Fouquet parvint
- aux finances, il n'y avait ni crédit ni ressources.--Il emprunte
- sur son crédit.--Subvient à toutes les dépenses.--Fait
- disparaître tout contrôle.--Le désordre se met dans la
- comptabilité.--Fouquet lui-même ne connaît pas sa position; mais
- il est le seul maître des revenus de l'État.--Dispose d'énormes
- richesses.--Fait bâtir des palais.--Étale le luxe le plus
- prodigieux.--Fait des pensions aux hommes puissants.--Rivalise en
- influence Mazarin.--Colbert signale dans un mémoire ses
- malversations, et dresse un plan pour le perdre.--Fouquet
- intercepte la lettre.--Emploi qu'il fait de la connaissance de ce
- secret pour se maintenir.--Mazarin, ayant besoin d'argent pour
- conclure la paix, écrit à Colbert de se raccommoder avec
- Fouquet.--Ce que Colbert lui répond.--Défiance du surintendant
- depuis cette époque.--Il fortifie Belle-Isle.--Projet de
- résistance mis sur le papier, et retrouvé derrière une glace à
- Saint-Mandé.--Mazarin connaissait les grands talents de Fouquet,
- et ne voulait pas en priver son roi.--Comparaison de Mazarin et
- de Richelieu, de Louis XIII et de Louis XIV.--Richelieu força le
- roi à supporter son joug, Mazarin fit aimer le
- sien.--Instructions que Mazarin donne à Louis XIV, et comment il
- lui apprit à régner.--Aveux et recommandations de Mazarin à
- Louis XIV.--Position à l'égard de son roi, différente de celle de
- Richelieu.--Mazarin était moins le dominateur du monarque que son
- tuteur et son protecteur.--Tout le gouvernement, toute la cour
- étaient en lui.--Louis XIV, plein de reconnaissance pour Mazarin,
- accomplit toutes ses volontés, et suit tous ses
- conseils.--Mazarin avait conseillé à Louis XIV d'employer
- Fouquet.--Colbert est nommé pour tenir le livre des fonds.--Le
- roi déclare à Fouquet qu'il veut être instruit exactement sur ses
- finances.--Fouquet présente au roi des comptes simulés.--Il est
- démasqué secrètement par Colbert.--Le roi, s'apercevant de son
- système de déception, est résolu à le perdre.--Il dissimule avec
- lui.--Précautions qu'il avait à prendre.--Louis XIV se décide à
- différer l'arrestation de Fouquet.
-
-
-Dans ses admirables _Instructions au Dauphin_, Louis XIV a dit que de
-toutes les affaires qu'il avait eues à traiter, l'arrestation et le
-procès du surintendant était celle qui lui avait fait le plus de peine
-et causé le plus d'embarras[348]. Et cependant les historiens n'en
-parlent que brièvement, et s'étonnent que le roi ait déployé dans
-cette circonstance un appareil de puissance tout à fait inutile; qu'il
-ait usé d'une dissimulation peu digne de la majesté royale. C'est que
-jusque ici on a considéré la chute de Fouquet plutôt comme un incident
-que comme un événement grave; on n'y a vu qu'un acte violent de
-despotisme envers un homme auquel ses grandes qualités personnelles,
-les amis qu'il s'était faits dans la prospérité, le courage qu'il a
-montré dans l'adversité, ont attaché un intérêt puissant.
-
-Il y a tout autre chose dans le procès de Fouquet. Par les résultats
-qui en devaient être la suite, ce ne fut pas seulement un mémorable
-exemple des revers de la fortune donné par la chute d'un ministre; ce
-fut une véritable révolution, ce fut l'anéantissement du
-ministérialisme en France et le rétablissement de l'autorité royale
-dans toute sa plénitude. Ce fut la chute d'un gouvernement qui depuis
-plus d'un demi-siècle ne put jamais s'établir et se maintenir qu'en
-s'appuyant sur l'oligarchie nobiliaire, ou sur le frêle soutien de la
-faveur, que les courtisans et les familiers travaillaient toujours à
-lui enlever; consumant ainsi en efforts pour son existence les forces
-dont il avait besoin pour agir; faisant souvent le mal sans volonté,
-et renonçant au bien par impuissance. L'anéantissement de ce pouvoir,
-superposé à la couronne, concentra l'autorité dans le monarque seul,
-dont le droit et la puissance étaient hors de toute contestation, et
-qui loin d'avoir dans ses propres agents des ennemis, qui s'opposaient
-à lui ou cherchaient à le renverser, n'y trouvait plus que des
-instruments dociles, empressés, dévoués, qu'il pouvait déplacer,
-écarter, briser, selon qu'il le jugeait utile ou convenable à ses
-desseins. Alors on eut en France un roi et un gouvernement fort; c'est
-ce qu'on n'y avait pas vu depuis Henri IV. Mais rien ne nous montre
-mieux la fermeté, l'habileté et les lumières qui étaient nécessaires
-dans le souverain pour fonder ce gouvernement, que le procès de
-Fouquet. L'intelligence complète du règne de Louis XIV et du caractère
-de ce monarque dépend de la connaissance exacte de la situation des
-affaires lorsqu'il commença à gouverner par lui-même. On ne peut
-l'acquérir qu'en se faisant une idée précise de l'administration du
-surintendant, et en recherchant avec soin toutes les causes qui ont
-préparé sa chute, toutes les circonstances qui l'ont hâtée et
-aggravée.
-
-Nous avons déjà dit comment, en 1652, Fouquet, d'abord accolé à
-Servien, était devenu, par le fait, le seul surintendant des
-finances, quoique les lettres patentes qui le reconnaissent comme tel
-ne lui aient été délivrées qu'en 1659, après la mort de son
-collègue[349]. Mais pour concevoir de quelle manière Fouquet, par le
-moyen de cette charge, qui ne lui conférait aucune part à la direction
-du gouvernement, put acquérir une puissance qui rivalisait avec celle
-du premier ministre, il est nécessaire de faire connaître quelle était
-à cette époque l'organisation des finances en France, et surtout le
-mode de comptabilité du trésor public ou de l'épargne, comme on disait
-alors.
-
-Un surintendant général des finances n'était point un comptable, mais
-un ordonnateur. Il ne recevait aucun fonds, ne dépensait aucune somme;
-mais il ordonnançait toutes les recettes et toutes les dépenses. Il
-n'était point justiciable des cours souveraines sagement instituées
-pour examiner, juger et arrêter les comptes de tous les comptables
-publics; il ne devait justifier de sa gestion qu'au roi. Le
-surintendant général n'était astreint dans sa gestion à aucune loi, à
-aucune règle particulière, qu'à celles qu'il plaisait au roi de lui
-imposer. Le compte qu'il rendait était un compte de clerc à maître, un
-compte de conscience[350].
-
-Cependant il ne faut pas croire que les finances du royaume et la
-gestion du surintendant fussent sans contrôle. Ce contrôle se trouvait
-dans les comptes des trésoriers de l'épargne, et dans la tenue du
-registre des fonds. Il y avait trois trésoriers de l'épargne, qui
-géraient à tour de rôle pendant un an, et qui rendaient leurs comptes
-à la cour des comptes séparément, et par exercice. Aucune somme ne
-pouvait être reçue ou payée pour le roi ou pour l'État, ou par le roi
-et par l'État, sans qu'il en fût fait écriture sur les registres du
-trésor de l'épargne. Ce trésorier ne recevait et ne payait que d'après
-les ordonnances du surintendant; ses registres ne faisaient connaître
-que la date de ces ordonnances, et les différends fonds sur lesquels
-elles étaient assignées. Mais près de lui se trouvait celui qui était
-chargé de tenir le registre des fonds sur lequel étaient enregistrées
-jour par jour toutes les sommes versées à l'épargne ou payées par
-elle, en vertu de toutes les ordonnances de recettes et de dépenses,
-avec les origines et les motifs de toutes ces ordonnances, ou de tous
-les payements et de tous les versements. Ce registre des fonds n'était
-point produit à la cour des comptes; il restait secret entre le roi et
-le surintendant. Les ordonnances de ce dernier étaient les seules
-pièces que les trésoriers de l'épargne eussent à produire pour la
-régularisation de leurs comptes, et le registre des fonds servait en
-même temps à contrôler leur gestion et celle du surintendant. Le
-teneur du registre des fonds et les trois trésoriers de l'épargne
-étaient nommés par le roi, et par conséquent indépendants du
-surintendant.
-
-Rien ne semblait mieux imaginé pour que le roi ou son gouvernement,
-sans être gêné par la cour des comptes dans l'emploi des revenus de
-l'État, sans lui révéler des secrets qu'elle ne devait pas connaître,
-pût la faire servir à faire régner l'ordre dans les finances; et aucun
-moyen ne paraissait plus simple, ni plus propre à se garantir des
-inconvénients qui pouvaient résulter, dans la comptabilité, de la
-négligence ou de l'erreur, ou à prévenir les abus, plus grands encore,
-de la collusion et de l'improbité. Il est vrai que si cet ordre de
-choses eût été maintenu, toute confusion eût été impossible; et
-quelque multipliés, quelques compliqués que fussent d'ailleurs les
-comptes particuliers, quelque nombreuses que fussent les différentes
-espèces de dépenses et les diverses natures de recettes, le souverain
-eût toujours pu connaître l'état au vrai de ses finances, la grandeur
-de ses charges et l'étendue de ses ressources. Mais ce n'était pas là
-ce que voulaient les financiers. Examinons comment ils parvinrent à
-échapper aux entraves qu'on avait mises à leurs fraudes et à leur
-rapacité.
-
-Toute ordonnance de payement, ou commandement fait à un trésorier de
-l'épargne de payer une somme au nom du roi ou de son conseil, devait
-être signée ou contre-signée par le surintendant. Mais cela ne
-suffisait pas encore pour qu'elle pût être payée. Dans cet état, une
-ordonnance de payement n'était qu'une reconnaissance de la dette,
-qu'un ordre général portant que telle dépense était faite; elle devait
-être soldée par l'épargne. Pour que l'argent fût délivré à la personne
-ainsi reconnue créancière de l'État, il fallait encore qu'il fût mis
-au bas de cette ordonnance un ordre particulier du surintendant, qui
-assignait sur un fonds spécial[351] le payement de la somme qui y
-était mentionnée. Le trésorier de l'épargne ne pouvait et ne devait
-vous payer qu'autant qu'il avait des valeurs appartenant au fonds sur
-lequel le payement de l'ordonnance était assigné; et comme il n'en
-avait presque jamais, vu les retards qui avaient lieu dans la
-perception des diverses branches de revenu public, au lieu d'argent
-il donnait en échange de l'ordonnance un billet de l'épargne, qui
-était une sorte de mandat sur le traitant, le fermier de l'impôt, ou
-tel autre débiteur, envers l'épargne, du fonds sur lequel le payement
-de l'ordonnance était assigné. Par ce mandat, le trésorier de
-l'épargne déclarait qu'il tiendrait compte à celui-ci de la somme
-payée par lui sur le fonds qui se trouvait désigné, et qu'on lui en
-fournirait quittance.
-
-Pour la facilité des affaires et des payements, on subdivisait le plus
-souvent le montant d'une même ordonnance en plusieurs billets de
-l'épargne; et comme il y avait plusieurs espèces de fonds ou plusieurs
-sources de revenus publics, il y avait aussi plusieurs espèces de
-billets de l'épargne. Par la même raison, ainsi qu'il y avait des
-revenus ou des fonds encore intacts, ou dont les rentrées étaient
-certaines et prochaines au moment de l'émission des billets qui les
-concernaient, on en trouvait d'autres dont les rentrées étaient
-incertaines et éloignées; d'autres qui se trouvaient entièrement
-épuisés, sans qu'on pût en avoir la preuve qu'au moment de la
-reddition du compte. Il en résultait qu'il y avait des billets de
-l'épargne dont la valeur était au pair avec l'argent; d'autres, plus
-ou moins au-dessous du pair; d'autres, absolument sans valeur, quoique
-cependant tous ces billets, et les ordonnances qu'ils représentaient,
-émanassent des mêmes autorités, fussent revêtus des mêmes signatures.
-Mais les billets sans valeur pouvaient redevenir tout à coup
-supérieurs à ceux dont la valeur était incertaine; et voici comment:
-
-On assignait souvent, par erreur ou autrement, des ordonnances dont le
-montant total était quelquefois le triple et le quadruple du fonds qui
-devait les acquitter; cela donnait lieu à ce qu'on appelait une
-réassignation de billet, c'est-à-dire à un second ordre de payer tel
-ou tel billet sur un autre fonds que celui qui était mentionné dans
-l'ordonnance. Cette réassignation pouvait être faite sur un fonds du
-même exercice, ou, comme on disait, d'une même épargne; alors cette
-réassignation se mettait tout simplement au pied du billet. Mais si
-cet exercice était terminé, et qu'il fallût réassigner sur un autre
-exercice, c'est-à-dire faire peser le billet sur le compte d'un autre
-trésorier, il était nécessaire de rendre une ordonnance de comptant ou
-de remise. Cette ordonnance de comptant ou de remise se trouvant
-séparée du billet pour lequel elle avait été obtenue, il était facile
-de l'annexer à un autre billet, et de changer ainsi un papier d'une
-valeur incertaine ou nulle, en un autre dont la réalisation
-n'éprouvait aucun retard[352]. On comprend ainsi sans peine de quelle
-manière les ordonnances de payement se trouvant morcelées en un grand
-nombre de billets assignés sur des fonds différents de leur mandat
-primitif, puis réassignés sur d'autres fonds, et brisés en plusieurs
-exercices, payés souvent sur des ordonnances de comptant qui ne leur
-appartenaient pas, finissaient par former dans la comptabilité une
-complication que pouvaient seuls démêler le surintendant, les
-trésoriers de l'épargne et les traitants qui en étaient les auteurs.
-On voit aussi pourquoi la finance était devenue un arcane, une science
-secrète, dont la connaissance était réservée à une certaine classe de
-personnes; pourquoi les financiers formaient en quelque sorte une
-classe à part, et peu estimée. Les profits que les trésoriers de
-l'épargne pouvaient faire par leur collusion avec les fermiers des
-impôts étaient énormes, puisque les uns pouvaient payer les
-ordonnances et les autres les taxes, avec des billets qui entre leurs
-mains étaient évalués au pair, et qui en d'autres mains, même celles
-des détenteurs primitifs, des ayant-droit, des créanciers légitimes,
-pouvaient être dépréciés au tiers, au quart, au dixième de leur
-valeur, ou même réduits à rien. Car lorsque les billets de l'épargne
-avaient vieilli, et qu'on avait laissé passer un trop grand nombre
-d'exercices sans les réassigner, leur réassignation devenait de plus
-en plus difficile à obtenir. Les billets récents, qui représentaient
-les besoins du moment, les dépenses courantes, obtenaient la
-préférence sur les anciens, considérés comme une dette surannée; et si
-ceux-ci n'étaient pas annulés légalement par un arrêt de déchéance,
-ils l'étaient de fait par le refus absolu de réassignation. On imagine
-facilement combien, dans un tel état de choses, un surintendant peu
-scrupuleux avait de moyens de s'enrichir et de dilapider la fortune
-publique; lui, qui était maître d'assigner les payements sur telles
-espèces de fonds qu'il lui plairait de choisir, d'accorder ou de
-refuser les assignations ou les réassignations, de faire ou de ne pas
-faire des ordonnances de remises; lui, chargé de passer les baux avec
-les fermiers des impôts; lui, qui pouvait autoriser un débiteur de
-l'épargne à retarder ou à anticiper les termes de ses payements; lui,
-enfin, qui, par l'autorité de sa charge, avait le pouvoir de
-surveiller, de corriger tous les abus, et qui pouvait prendre de
-telles mesures qu'aucun agent des finances ne pût faire de gains
-illicites sans qu'il lui en revînt la plus forte part. Plus la pénurie
-du trésor était grande, plus il était facile à un surintendant de
-malverser, plus il devenait difficile de le convaincre de
-malversation.
-
-A cet égard Fouquet se trouva dès son début dans la position la plus
-favorable lorsqu'il fut nommé surintendant. Le maréchal de la
-Meilleraye, qui avait dirigé les finances, venait de faire une
-véritable banqueroute en donnant en payement à tous les créanciers de
-l'État des billets de l'épargne assignés sur des fonds depuis
-longtemps épuisés. Nonobstant le discrédit complet produit par une
-mesure aussi déloyale, Fouquet trouva encore des ressources pour
-toutes les dépenses. Il emprunta sur son crédit propre, sur celui de
-ses amis, et prêta ensuite à l'épargne, mais à des intérêts
-considérables. Les traités qu'il conclut comme surintendant des
-Finances furent approuvés par le roi, c'est-à-dire par Mazarin: la
-nécessité le voulut ainsi. Mais les intérêts stipulés, quoiqu'ils
-fussent au moins de douze pour cent, et allassent même jusqu'à
-dix-huit, n'étaient pas les seuls profits de ceux qui s'engageaient
-avec Fouquet dans les affaires du gouvernement. Avant de traiter ils
-avaient soin d'acheter communément au denier dix, et souvent à moins,
-un certain nombre des billets de l'épargne émis par le maréchal de la
-Meilleraye; et ils stipulaient, dans les conditions de l'emprunt qui
-leur était fait, qu'outre l'intérêt convenu, les billets de l'épargne
-dont ils étaient porteurs seraient réassignés par des ordonnances de
-comptant; et par le moyen de cette réassignation, faite de concert
-avec les trésoriers sur des fonds disponibles, ils parvenaient à
-obtenir le payement intégral de ces ordonnances[353]. Cela leur était
-d'autant plus facile que la plupart de ces prêteurs étaient devenus
-aussi, par le moyen du surintendant, les fermiers des impôts. Ils se
-payaient par leurs mains, au fur et à mesure des rentrées;
-c'est-à-dire qu'ils donnaient en payement de leurs engagements envers
-l'épargne ces mêmes billets de l'épargne qu'ils avaient achetés à vil
-prix et fait réassigner[354].
-
-Ce n'était pas encore tout. Les lois et les ordonnances royales, qui
-en tenaient lieu, ne permettaient pas à l'État d'emprunter à un taux
-plus élevé que le denier dix-huit, ou à cinq cinq-neuvièmes pour cent.
-Les cours souveraines chargées de la vérification des comptes ne
-pouvaient donc admettre un taux plus fort; mais comme l'intérêt qu'on
-était obligé de subir était le double et le triple de l'intérêt légal,
-les prêteurs faisaient sur les sommes qu'ils versaient à l'épargne la
-retenue de la différence, et on leur donnait quittance de la somme
-entière stipulée dans leurs engagements, sans faire mention de cette
-retenue; puis on faisait des ordonnances, qu'on appelait _ordonnances
-de fonds_, qui assignaient sur un fonds effectif ou imaginaire, au
-profit de gens inconnus ou supposés, le payement de la différence
-entre le taux légal et le taux réel de l'emprunt. Ces ordonnances,
-délivrées par le conseil des finances, contre-signées par le
-surintendant, servaient aux trésoriers de l'épargne à régulariser leur
-comptabilité. Il fallait bien, pour couvrir leur responsabilité, avoir
-recours à de fausses écritures en recettes et en dépenses. Les
-ordonnances de fonds faites au nom du roi et de son conseil opéraient
-une simulation qui mettait les traitants à l'abri de toute
-recherche[355]. Ces ordonnances de fonds en valeurs fictives étaient
-cependant, comme les autres, scindées et converties en billets de
-l'épargne, selon que cela était nécessaire pour la commodité du
-service et la régularisation des écritures sur les différents fonds.
-Souvent le traité qui avait donné lieu à une ordonnance était révoqué.
-Alors les billets qu'on avait faits en exécution de cette même
-ordonnance devaient être rapportés, et biffés par le surintendant et
-ceux du conseil du roi qui avaient signé la première ordonnance, et
-qui signaient également l'ordonnance de révocation. Ces billets, lors
-même qu'ils n'étaient point biffés, se trouvaient nuls de droit; et de
-là on prenait occasion de négliger de les biffer et de les annuler.
-Mais comme ils pouvaient être séparés de fait des ordonnances qui les
-avaient autorisés, et se trouvaient sous la forme de billets de
-l'épargne, on parvenait, par des assignations et des réassignations, à
-déguiser entièrement leur origine, et à convertir en valeurs réelles
-des valeurs primitivement fictives, mais qui n'étaient plus même alors
-des valeurs fictives, qui n'étaient plus rien. Ainsi, on faisait payer
-deux fois à l'État une différence d'intérêt déjà si énormément
-usuraire.
-
-Celui qui tenait le registre des fonds, obligé de coucher sur ce
-registre le détail de toutes les opérations financières, de décharger
-ce même registre des traités annulés, des billets qui en étaient
-provenus, aurait pu, par l'utilité de son contrôle, mettre obstacle à
-d'aussi énormes dilapidations; mais ce registre, soit par l'influence
-de Fouquet, soit par négligence, soit par impéritie, ne fut pas tenu
-avec exactitude[356]. Cependant la comptabilité de l'épargne, tout
-imparfaite, toute sommaire qu'elle était, aurait pu jeter quelque jour
-sur ces désastreuses opérations, et empêcher qu'on ne s'y livrât avec
-autant d'audace et d'impudeur; mais ce contrôle, si faible, si
-insuffisant, fut anéanti par Fouquet, non pas peut-être de dessein
-prémédité, mais par suite de l'exigence et de l'entraînement des
-affaires.
-
-En effet, quand il parvint aux finances, il n'y avait rien dans
-l'épargne. Par la seule confiance qu'on avait dans ses talents, dans
-sa loyauté, dans sa sincérité, dans sa fidélité à remplir ses
-engagements, il trouva les fonds dont on avait besoin. Plusieurs
-d'entre ses prêteurs étaient aussi, comme lui, des centres de crédit,
-et eurent pour plus grande sûreté les impôts ou les branches de
-revenus publics, qu'il leur délégua en sa qualité de surintendant;
-d'autres devinrent les principaux gérants de sa vaste administration.
-Tous avaient sa garantie personnelle pour les engagements contractés
-envers l'État; c'était à lui qu'on prêtait, à lui que les prêteurs
-avaient affaire: c'était donc en quelque sorte lui qui prêtait à
-l'État; c'est à lui seul que le roi ou son gouvernement était
-redevable[357]. Comme les besoins d'argent étaient souvent pressants,
-instantanés, les sommes qu'on se procurait par son moyen étaient
-remises à Mazarin ou aux chefs de service, directement par les commis
-ou les caissiers du surintendant, et pour son propre compte[358]. Le
-surintendant faisait ensuite des ordonnances pour se rembourser, et se
-payait par les billets de l'épargne faits en vertu de ces ordonnances.
-Ces billets étaient acquittés au fur et à mesure de la rentrée des
-impôts ou des différentes branches de revenus publics sur lesquels le
-payement en était assigné; et, pour éviter tout retard, ces sommes
-étaient versées directement dans les caisses du surintendant; de sorte
-que, selon l'expression de cette époque, l'épargne se faisait chez
-lui, c'est-à-dire que la comptabilité de l'État se trouvait confondue
-avec sa comptabilité personnelle, et celle du trésor public devenait
-celle de sa caisse particulière. Il était à la fois ordonnateur,
-receveur et payeur. Les trésoriers de l'épargne, qui étaient parents
-ou amis de Fouquet, et associés à ses immenses opérations, recevaient
-de lui les ordonnances et les billets acquittés: ils les
-enregistraient avec exactitude; mais comme ils ne recevaient rien que
-du papier, et ne payaient rien qu'avec du papier, leur comptabilité
-devint toute fictive: recette et dépense, tout se réduisait à des
-écritures. Les comptes des trésoriers de l'épargne ne pouvaient donc
-plus contrôler les actes du surintendant, puisque ces trésoriers
-recevaient de lui toutes les pièces qui devaient former et justifier
-ces comptes[359]. Les profits qui résultaient pour eux de leur
-participation à tous les emprunts ne leur donnaient que le désir de
-voir prolonger un tel état de choses; leurs charges, étant devenues un
-moyen certain de s'enrichir, se vendaient à des prix exorbitants[360].
-
-Ainsi Fouquet était devenu le seul dispensateur de la fortune
-publique, et tenait dans ses mains la ruine ou la prospérité de tous
-ceux qui avaient des intérêts à régler avec l'État, puisqu'il pouvait
-à son gré accorder ou refuser, avancer ou retarder le payement de ce
-qui était dû par l'État, donner de la valeur à des créances simulées,
-et réduire à rien les créances les plus légitimes. Comme surintendant,
-Fouquet avait encore l'administration entière des colonies. Son père
-était le président du conseil qu'il avait institué pour les régir.
-Alors ces possessions lointaines n'étaient considérées que sous le
-rapport fiscal, et produisaient de si faibles revenus, que Fouquet
-aliéna l'île de Sainte-Lucie tout entière pour la modique somme de
-39,000 liv. (78,000 fr. de notre monnaie actuelle)[361].
-
-Dans les grands mouvements de fonds, dans les opérations financières
-qui donnent lieu à une comptabilité compliquée, dès qu'on néglige les
-moyens propres à faire reconnaître incessamment les erreurs et les
-concussions, ou qu'on s'en écarte à dessein, le désordre s'introduit
-aussitôt; et, s'accroissant toujours, il arrive que celui même qui l'a
-voulu faire naître à son profit ne peut plus s'y reconnaître, et qu'il
-devient facile de s'en servir contre lui-même. C'est ce qui arriva à
-Fouquet. En proie aux fraudes de ses agents, il en vint au point de ne
-plus savoir quelle était sa position à l'égard de l'État. Il paraît
-constant, d'après ses propres défenses, que lorsqu'il fut arrêté il
-devait quatorze millions (vingt-huit millions de notre monnaie
-actuelle)[362]; et il y eut dans ses comptes six millions de billets
-réassignés, pour lesquels il fut impossible de savoir s'ils formaient
-un déficit réel, ou s'ils n'avaient d'autre origine que des dépenses
-fictives résultant des ordonnances de différence de fonds[363].
-
-Mais, quelle que fût sa position, il disposait à son gré des revenus
-de la France. Les sommes qui résultaient des emprunts, comme les
-recettes qui provenaient des impôts, étaient versées dans ses caisses,
-et il avait toujours à son commandement des capitaux immenses en
-argent comptant. Il en usa avec une profusion inouïe; il construisit
-des palais, forma des bibliothèques, des collections d'un prix
-inestimable en tableaux et en statues[364]. Il vécut avec une
-magnificence royale, joua gros jeu, eut des maîtresses jusque dans les
-rangs les plus élevés; fit des pensions aux courtisans besoigneux, aux
-femmes de cour intrigantes, aux artistes, aux gens de lettres, à tous
-ceux qui le louaient ou qui pouvaient lui être utiles[365]. Il donnait
-sans cesse des fêtes et des repas somptueux au roi, aux reines, aux
-ministres, à la cour, aux princes, et aux étrangers illustres qui
-visitaient la France[366]. Il avait partout des agents, et
-particulièrement auprès des souverains et des hommes puissants;
-ils lui rendaient compte de tout, et le servaient par leurs
-intrigues[367]. Il gratifiait ses frères, ses parents, ses amis, des
-plus belles charges, soit en les achetant pour eux, soit en leur
-prêtant l'argent nécessaire pour les acquérir[368]. C'est ainsi qu'il
-parvenait à usurper en quelque sorte la nomination aux plus hautes
-comme aux plus modiques fonctions de l'État, et à être instruit de
-toutes les affaires les plus secrètes, et les plus étrangères aux
-finances. Par ces divers moyens il s'acquit une puissance presque
-égale à celle du premier ministre, et à laquelle se rattachait la
-haute influence de tous ceux qui détestaient la personne de celui-ci
-et étaient opposés à sa politique; car, bien que le traité des
-Pyrénées eût obtenu l'approbation publique, et fût généralement
-considéré comme le chef-d'œuvre de l'habileté de Mazarin, cependant
-il y avait aussi un parti assez nombreux qui blâmait ce traité, et qui
-aurait voulu qu'au lieu d'arrêter le succès de nos armes et de
-chercher à contracter une alliance avec l'Espagne, on fît la conquête
-des Pays-Bas, et qu'on adjoignît à la France ces riches et
-florissantes contrées. Dans ce parti était Turenne, tous les hommes de
-guerre, tous les débris de la Fronde que Mazarin n'avait pu ou voulu
-rallier à lui, et aussi une grande portion de la noblesse
-indépendante. Les raisons que toutes les personnes de ce parti
-alléguaient en faveur de leur opinion se trouvent toutes réunies et
-exprimées d'une manière aussi piquante que spirituelle dans une lettre
-que Saint-Évremond, l'un d'eux, écrivit au marquis de Créquy, lors des
-négociations de Saint-Jean de Luz. Cette lettre, depuis saisie dans
-les papiers de Fouquet, devint la cause de l'exil de celui qui l'avait
-écrite et de son long séjour en Angleterre[369].
-
-C'est à la même époque, c'est-à-dire pendant que l'on traitait avec
-l'Espagne, que Colbert fit pour Mazarin un mémoire où il lui
-signalait les dilapidations du surintendant et les énormes abus qui
-avaient lieu dans l'administration des finances. Colbert était devenu,
-par l'entremise de Le Tellier, allié à sa famille[370], l'intendant de
-la maison du cardinal, et, ce qui était encore préférable, son homme
-de confiance. Dans le mémoire où il lui exposait les malversations de
-Fouquet, il proposait en même temps de le faire arrêter et de le faire
-juger par une commission; puis de créer une chambre de justice qui
-déciderait du sort de ceux qui s'étaient rendus complices du
-surintendant, et qui les forcerait à rendre une partie des sommes
-qu'ils avaient extorquées à l'État. Colbert, s'élevant ensuite dans ce
-mémoire à la hauteur de la tâche qu'il eut depuis à remplir, y
-développait un plan de finances fondé sur l'ordre et l'économie, qui
-fournissait les moyens de pourvoir aux dépenses publiques sans avoir
-besoin de recourir à la désastreuse ressource des emprunts et à de
-ruineuses anticipations.
-
-Ce mémoire, envoyé à Mazarin tandis qu'il était à Saint-Jean de Luz,
-fut intercepté par un employé de la poste aux lettres, et communiqué
-au surintendant; il en prit copie, et le laissa ensuite parvenir à sa
-destination[371]. Mais, embarrassé sur les mesures qu'il lui fallait
-prendre pour déconcerter le projet formé contre lui, il appela près de
-lui Gourville, et lui fit part de ce qu'il avait découvert. Gourville,
-pour parer aux dangers qui menaçaient Fouquet, fit voir une habileté
-consommée et une présence d'esprit admirable. Mazarin avait besoin
-d'argent pour le succès de ses négociations; et si elles
-réussissaient, il lui en fallait encore plus pour les dépenses
-qu'occasionnerait le mariage du roi. Il en demandait donc au
-surintendant. Celui-ci lui dépêcha Gourville pour s'expliquer avec lui
-sur cette demande. Gourville exposa que tous les fonds dont le
-surintendant pouvait disposer étaient épuisés, qu'il ne pouvait plus
-en trouver que sur son crédit; mais que ce crédit n'était fondé que
-sur l'opinion de la faveur dont il jouissait auprès du roi et de son
-éminence. Il était donc bien important, si l'on voulait que le
-surintendant continuât à rendre les mêmes services, que des marques
-signalées de confiance lui fussent données, et qu'on fît disparaître,
-autrement que par de vagues assurances, les bruits qui couraient que
-par suite des calomnies du sieur Colbert, et à son instigation, la
-disgrâce du surintendant était imminente. Tant que la moindre trace de
-cette opinion subsisterait, il ne fallait pas espérer que le
-surintendant ni aucun de ses amis pussent trouver un seul prêteur.
-Dans une seconde conférence qui eut lieu sur ce sujet entre Mazarin et
-Fouquet, ce dernier confirma tout ce qu'avait dit Gourville. Le
-surintendant se répandit en même temps en plaintes amères sur Colbert,
-et laissa percer qu'il avait connaissance du mémoire que celui-ci
-avait écrit contre lui. Cependant Fouquet affirmait que Colbert avait
-été le premier à lui faire des offres de service, et qu'il ne s'était
-déclaré son ennemi que parce qu'il avait refusé d'accéder aux demandes
-injustes de plusieurs de ses parents.
-
-Mazarin, pour obtenir les millions dont il avait besoin, se détermina
-à donner toute satisfaction au surintendant, à écrire à Colbert
-dans le plus grand détail, et, sans émettre aucune opinion sur
-les accusations dirigées contre le surintendant, ni sur les
-justifications qu'il faisait valoir, il exhorta Colbert à aller voir
-ce dernier aussitôt qu'il serait de retour à Paris, et à travailler à
-détruire dans son esprit l'idée que lui, Colbert, était son ennemi
-personnel.
-
-Colbert, dans une longue lettre qu'il écrivit à Mazarin, en réponse à
-celle dont nous venons de faire l'analyse, examine avec une grande
-sagacité comment le mémoire qu'il avait envoyé à son éminence, connu
-de lui seul, a pu l'être de Fouquet. Après avoir épuisé tous les
-moyens par lesquels on peut supposer que ce secret a été divulgué,
-Colbert conclut qu'il n'y en a qu'un seul possible: c'est la trahison
-du sieur Nouveau, officier des postes, qu'il n'hésite pas à croire
-coupable; et à cet égard il ne se trompait pas[372]. Dans une seconde
-lettre, qui fait suite à la première, Colbert se justifie des
-accusations que Fouquet avait portées contre lui, et avoue les
-obligations qu'il lui a: il prouve qu'au lieu de se montrer ingrat
-envers le surintendant, il a cherché, au contraire, à lui rendre le
-plus éminent de tous les services, en l'engageant à renoncer à des
-pratiques et à des opérations qui pouvaient nuire à sa réputation et
-avoir pour lui les plus fâcheuses conséquences. Malgré cet
-avertissement, les rapines et les dilapidations de Fouquet et de ses
-agents n'ont fait qu'augmenter. C'est alors que Colbert a cru de son
-devoir de s'écarter du surintendant, et d'avoir avec lui le moins de
-relations possible[373]. Quant au désir que Fouquet témoignait de
-faire cesser cet état de choses, et de bien vivre avec Colbert,
-celui-ci répond: «Cela lui sera très-facile: car ou il changera de
-conduite, ou votre éminence agréera celle qu'il tient, ou l'excusera
-sur la disposition présente des affaires, ou enfin elle trouvera que
-ses bonnes qualités doivent l'emporter sur ses mauvaises; et, dans
-quelque cas que ce soit, je n'aurai aucune peine à me conformer aux
-intentions de votre éminence, lui pouvant protester devant Dieu
-qu'elles ont toujours été et seront toujours les règles des mouvements
-de mon esprit[374].»
-
-Lorsque après le mariage du roi toute la cour et les ministres
-revinrent à Paris, Colbert eut avec Fouquet l'entretien que Mazarin
-avait désiré; mais cet entretien ne calma pas les craintes et les
-défiances du surintendant, peut-être même ne fit-il que les augmenter.
-Le sentiment des dangers dont il se croyait menacé le troubla au point
-de lui faire prendre les mesures les plus imprudentes, de former les
-desseins les plus insensés. Confiant dans le grand nombre d'amis,
-d'obligés et de créatures qu'il avait dans les plus hautes places
-comme dans les plus infimes, il traça un plan d'instruction sur ce que
-tous auraient à faire dans le cas où, arrêté à l'improviste, il
-n'aurait pas le temps de fuir. Il fortifia Belle-Isle, qu'il avait
-achetée. Son projet ne tendait à rien moins qu'à une résistance à main
-armée, à une rébellion ouverte. La mort de Mazarin vint bientôt
-soulager Fouquet, et effacer de son esprit toute pensée de cette
-nature. Les souvenirs de la Fronde avaient pu lui faire concevoir la
-possibilité de lutter avec un ministre, mais non pas avec le roi; et
-d'ailleurs, bien loin de soupçonner qu'il eût rien à redouter, il se
-croyait en faveur. Cependant le brouillon de son ancien projet, trouvé
-derrière un miroir dans sa maison de Saint-Mandé, forma la base de
-l'accusation dirigée contre lui, compromit toutes les personnes qui y
-étaient nommées, et faillit lui coûter la vie[375].
-
-Fouquet se trompait sur les intentions de Mazarin, qui n'étaient
-nullement hostiles à son égard. Mazarin rendait justice à ses grands
-talents, et aurait voulu même n'en pas priver son roi.
-
-Les moyens qu'avait employés Richelieu pour gouverner Louis XIII
-furent les mêmes que ceux dont Mazarin fit usage pour conserver son
-ascendant sur Louis XIV. Tout le secret de ces deux ministres fut de
-démontrer sans cesse à leurs souverains que les membres de leurs
-familles, les plus chers objets de leurs affections, les courtisans,
-les prêtres, les guerriers, les gens de loi, cherchaient tous
-également à se servir de l'autorité royale, ou à mettre obstacle à son
-action, par un seul et unique motif, leur intérêt propre. Il était
-facile à ces ministres de prouver que cet intérêt était presque
-toujours en opposition directe à celui de la puissance royale et à la
-prospérité du royaume, dont les rois étaient comptables envers Dieu et
-envers leurs sujets. Le père comme le fils eurent assez de jugement et
-de discernement pour reconnaître qu'une partie des haines que
-s'attirait celui auquel ils résignaient leur pouvoir était due à sa
-fermeté pour soutenir leur sceptre et accroître la splendeur de la
-monarchie. Tels furent les seuls points de ressemblance entre les deux
-rois et les deux ministres; mais la différence des âges et des
-caractères fit naître dans leurs positions, leurs sentiments et leur
-conduite plus de contrastes que de similitudes. Richelieu imposa son
-joug à son maître, et le lui fit détester; Mazarin accoutuma son
-pupille à se soumettre au sien, et le lui fit aimer. Les deux rois
-éprouvaient également le besoin de se laisser conduire; mais dans
-Louis XIII ce sentiment n'était que la conscience de sa faiblesse et
-de son impéritie; dans Louis XIV c'était l'instinct d'une âme
-énergique et élevée, qui se sent capable d'égaler de grands modèles,
-mais qui reconnaît le besoin de s'instruire et redoute son
-inexpérience. Comment Louis XIV n'aurait-il pas conçu de l'attachement
-pour Mazarin? Dès que ce roi enfant eut atteint l'âge de raison, ne
-vit-il pas de ses yeux Mazarin proscrit, dépouillé de tous ses biens,
-menacé de perdre la vie, en butte à la violence de tous les partis,
-uniquement parce qu'il soutenait les droits de la couronne contre le
-peuple, le parlement et les nobles? Ce fils, l'objet de tous les soins
-et de toute la tendresse de sa mère, dès qu'il fut capable d'un
-sentiment, put-il ne pas se montrer sensible aux larmes de cette mère,
-à ses gémissements, à ses anxiétés, à ses ressentiments, lorsqu'elle
-fut forcée de consentir à l'éloignement de celui qui était son seul
-appui, son seul conseil? Ne fut-il pas habitué par elle à prier Dieu
-sans cesse à ses côtés pour le succès de tout ce qu'entreprenait le
-cardinal? Les premières peines qu'éprouva Louis XIV, ce fut donc
-Mazarin qui les causa; les premiers vœux qu'il forma furent pour
-Mazarin, et les premiers plaisirs qu'il goûta lui vinrent aussi de
-Mazarin; car c'est dans la famille de ce ministre qu'il trouva les
-aimables compagnes de ses jeux d'enfance. L'une d'elles fut l'objet de
-la plus forte passion de son adolescence; et quand, jeune homme, il
-put comprendre ce que c'était que la gloire, les premiers préceptes
-qu'il en reçut lui furent donnés par Mazarin. Ce ministre lui inculqua
-un juste mépris pour les rois fainéants; il lui inspira la crainte de
-se voir classé parmi eux, et il fortifia en lui la volonté de régner
-par lui-même. L'admiration de Louis XIV pour Mazarin et la confiance
-qu'il avait en lui durent s'accroître encore lorsque, après le refus
-de le laisser épouser sa nièce, il le vit, au milieu des douleurs de
-la goutte, hâter sa fin prochaine par un travail excessif, afin de
-terminer les négociations du mariage avec l'infante, auxquelles
-étaient attachés la paix, le repos et l'avenir de la France[376].
-
-Louis XIV, qui se trouvait à cette époque de la vie où l'on n'est
-point en garde contre les illusions, fut vivement touché des derniers
-témoignages de tendresse qui lui furent donnés par Mazarin et des
-dernières marques de ses sollicitudes. En effet, ce ministre déjà
-condamné par les médecins, certain de mourir, comprimant ses douleurs,
-surmontant sa faiblesse, et, selon l'énergique expression de madame de
-Motteville, faisant bonne mine à la mort[377], ne perdit pas un moment
-pour donner au jeune roi toutes les instructions dont il avait besoin.
-Il tint de fréquents conseils, afin de le mettre au courant de toutes
-les affaires qui devaient s'y traiter; et après ces conseils il
-passait encore trois ou quatre heures avec son royal élève dans des
-conférences particulières. De peur que sa mémoire ne pût retenir tous
-les enseignements qu'il lui donnait, il prenait ensuite le soin de
-les rédiger par écrit, afin que lorsqu'il aurait cessé de vivre, Louis
-XIV pût y recourir. Il lui démontrait la nécessité de régir par
-lui-même toutes les grandes affaires et de les embrasser dans tous
-leurs détails; surtout de mettre de l'ordre dans les finances, et de
-ne s'en fier qu'à lui-même pour ce ressort principal de son
-gouvernement, comme pour la guerre et pour les négociations avec les
-puissances. Il lui recommanda de ne livrer aucun de ses secrets ni à
-sa femme, ni à ses maîtresses, ni à ses courtisans, ni à ses
-domestiques; de n'avoir ni favori ni premier ministre[378]; et de
-veiller, au contraire, à ce que les ministres qu'il choisirait se
-renfermassent chacun dans les attributions de leur département, et ne
-s'occupassent que des affaires qu'il leur confierait.
-
-Lorsque Mazarin s'aperçut que son dernier jour approchait, il fit au
-jeune roi une confession entière; lui révéla les abus auxquels pour
-garder le pouvoir il avait été obligé de participer; ceux qu'il
-n'avait pu empêcher: il ne lui cacha pas quelle était son immense
-fortune[379], et par quels moyens il l'avait acquise; le sort futur et
-la grandeur de sa famille et de son nom, cet ouvrage de toute sa vie,
-il mit tout à la disposition de son royal élève, et par un acte
-authentique il lui fit donation pleine et entière de tous ses
-biens[380]. L'effet de cette franchise fut tel que Mazarin l'avait
-prévu. Louis XIV, plus pénétré de reconnaissance pour les éminents
-services de son ministre, après ces humiliants aveux, qu'il ne
-l'était avant, n'accepta rien du don qui lui était fait; il rendit à
-Mazarin toutes ses richesses, quoiqu'elles fussent assez considérables
-pour tenter la cupidité d'un roi.
-
-Le grand mérite de Richelieu et de Mazarin, comme ministres ambitieux
-de gouverner, fut d'avoir su discerner le caractère du souverain dont
-le pouvoir leur était délégué, et d'y avoir assujetti leur conduite.
-Louis XIII et Louis XIV différaient encore plus par le naturel que par
-l'âge. Le premier, timide, indolent, soupçonneux, réservé; le second,
-fier, impétueux, énergique, ferme et constant dans ses résolutions;
-capable d'effort et d'application. Richelieu berça son roi dans sa
-faiblesse, et le retint dans la retraite et dans l'obscurité de la vie
-privée, afin qu'il n'eût ni la possibilité ni l'envie de lui reprendre
-un pouvoir qu'il ne lui laissait qu'à regret; il le domina toujours,
-et régna par lui, sur lui, et sans lui. Mazarin, au contraire, mit
-toujours en avant son roi dès qu'il fut sorti de l'enfance; il
-l'exerça de bonne heure à remplir les fonctions royales; il lui en
-montra toutes les difficultés, et l'instruisit sur les moyens de les
-surmonter; il mit tout son art à s'immiscer dans sa confiance, et
-composa avec ses passions pour les diriger; mais il sut leur résister
-et les dominer, lorsqu'elles compromettaient l'intérêt de l'État et la
-dignité du trône[381]: il le tint sans cesse près de lui à l'armée,
-dans le cabinet, dans les voyages; il partageait et soignait ses
-plaisirs, mais le forçait de s'adjoindre à ses occupations; et, bien
-loin de réprimer ses impérieuses dispositions, il s'en servait pour
-dégager son autorité de toutes les influences qui pouvaient
-l'entraver[382]: peu soucieux de cultiver dans son élève les vertus de
-l'homme privé, mais actif, mais habile à développer dans cette âme
-altière toutes les qualités d'un grand roi.
-
-Richelieu et Mazarin n'étaient rien par eux-mêmes, et ne s'étaient
-élevés ni par la naissance ni par l'influence des richesses ou d'un
-sang illustre; ils ne pouvaient gouverner qu'en comprimant les grands
-et la cour. Richelieu y parvint par les échafauds et la terreur, et il
-fit si bien qu'il n'y eut plus de cour ni de courtisans. Il manifesta
-toute la force de son despotisme en isolant son roi de sa mère, de sa
-femme, de tous les princes de son sang, et même de ses favoris et de
-ses familiers quand ils lui portaient ombrage. Mazarin, au contraire,
-affermit sa puissance en y agglomérant tous les intérêts personnels,
-en ralliant autour du monarque toute sa famille, autour du trône tous
-les grands du royaume; en faisant cesser les craintes et en suscitant
-les espérances. Mazarin parvint au même but que Richelieu par des
-moyens non-seulement différents, mais contraires. Richelieu affligea
-et humilia la vieillesse de Louis XIII par de sanglantes proscriptions
-contre ceux qui avaient été le plus honorés de la confiance et de la
-faveur royale; jamais Mazarin ne mit obstacle ni aux amitiés ni aux
-amours de la jeunesse de Louis XIV, ni à sa tendresse filiale; mais il
-sut lui faire comprendre que tous les intérêts étaient continuellement
-en lutte contre celui dont le devoir est de défendre l'intérêt public;
-qu'un roi était un être à part, qui n'était ni fils, ni parent, ni
-ami, ni amant, là où les affaires de son royaume étaient engagées;
-que lui seul était responsable de tout le mal qu'il n'empêchait pas,
-de tout le bien qui était à faire, et qui ne se réalisait pas[383].
-
-Bien loin d'écarter du roi la foule des courtisans, comme Richelieu
-l'avait fait, Mazarin environna le monarque d'une cour brillante. Mais
-l'habile ministre, pour n'avoir rien à redouter de cette cour, voulut
-en être le chef; il voulut qu'elle lui appartînt, qu'elle se confondît
-avec sa propre maison; et en la composant, la payant et la dirigeant
-lui-même, il en obtint tous les avantages, et évita tous les
-inconvénients dont Richelieu n'avait pu se garantir qu'en
-l'anéantissant. C'est là une des parties de la politique de Mazarin
-qui a été la moins comprise. Ce faste royal qu'il affecta, ces
-superbes colléges qu'il fonda, ces magnifiques palais qu'il orna, ces
-repas somptueux, ces fêtes qu'il donna, ces gardes, ces officiers dont
-il entourait le faste de sa maison, tandis que celle du jeune roi
-était, sans lui, petite, mesquine et mal payée, tout cela a été
-attribué à son orgueil, tandis que c'était, au contraire, l'effet
-d'une prudence consommée et d'une haute prévision. Il évitait par ce
-moyen les fortes influences qui n'auraient pas manqué de s'exercer à
-l'entour de son royal pupille, par les grandes charges et les riches
-emplois de ceux qui auraient été attachés à sa personne. Par
-l'attitude que Mazarin avait prise, il ne semblait point être, comme
-Richelieu, l'usurpateur du sceptre royal, le dominateur de la
-couronne; mais, comme lui, il voulait montrer qu'il en soutenait tout
-le poids, et paraissait en être moins l'agent et le serviteur que le
-protecteur et l'appui. Cette déférence qu'avaient pour lui la reine
-mère et le roi en souscrivant à cet ordre de choses lui soumit les
-grands et les courtisans, rendit l'obéissance facile, et
-l'obséquiosité même honorable. Comme le séjour de Vincennes était
-favorable à sa santé, la cour s'y transportait souvent tout
-entière[384]. Les conseils ne se tinrent plus, vers la fin, que dans
-sa chambre à coucher[385]. Le roi veillait lui-même à ce qu'on ne
-l'interrompît point dans ses heures de travail, à ce qu'on ne troublât
-pas celles de son repos. Ses envieux et ses ennemis s'indignaient de
-ces attentions du jeune monarque, et les regardaient comme une
-profanation de la majesté royale; ils disaient énergiquement que
-jamais ministre n'avait fait plus que Mazarin litière de la
-royauté[386]. C'est qu'en effet le roi, la cour, l'État, tout se
-confondait alors dans la personne de ce ministre, qui jamais ne rendit
-de plus signalés services que quand il fut près de descendre dans la
-tombe.
-
-Je ne dirai plus qu'un mot sur Richelieu et Mazarin. Tons deux
-moururent, après avoir agrandi le royaume et consolidé la monarchie,
-sans être regrettés. Louis XIII lui-même se réjouit de la mort de son
-ministre; mais Louis XIV pleura le sien. Le soupçonneux Mazarin crut
-s'apercevoir, dans les derniers jours de la maladie qui le conduisit
-au tombeau, que le jeune roi était empressé de sortir de sa tutelle,
-et qu'il désirait peut-être sa mort: cette idée accrut les douleurs de
-ses derniers moments[387]. Son erreur fut comme une juste punition de
-son ambition; car au contraire Louis XIV fut le seul qui après la mort
-de Mazarin montra cet abattement, cette tristesse insurmontable qui
-accompagne la perte de quelqu'un qui nous est cher et qui laisse un
-grand vide dans notre existence. Depuis, par tous ses discours et
-toutes ses actions, le monarque n'a pas donné lieu de douter de la
-sincérité de ses regrets; il accomplit religieusement toutes les
-dernières volontés de Mazarin, quoiqu'elles le forçassent à conférer à
-la famille de ce ministre des faveurs exorbitantes; il exécuta tout ce
-qu'il avait prescrit, en mourant, relativement aux affaires d'État; et
-Mazarin dans la tombe sembla gouverner encore la France[388]. Cette
-haute opinion que le monarque avait de son ministre et la
-reconnaissance qu'il croyait lui devoir lui firent traiter dans le
-commencement avec des égards et des honneurs qui n'étaient dus qu'à un
-prince du sang ce pauvre et ridicule Armand de La Porte, auquel on
-imposa l'immense fortune et le nom de Mazarin, avec une des plus
-belles et des plus spirituelles femmes de ce temps[389]. A une époque
-où il n'était plus permis de douter que Louis XIV n'eût le désir et le
-talent de gouverner par lui-même, il a plusieurs fois déclaré que si
-Mazarin avait vécu, il lui aurait laissé longtemps encore entre les
-mains le pouvoir et la conduite des affaires. Dans plusieurs de ses
-lettres et de ses écrits, Louis XIV donne fréquemment l'épithète de
-grand homme à Mazarin[390]. Il consultait souvent les instructions
-qu'il lui avait laissées[391]; il se plaisait à lire, en présence de
-Condé et de ceux qui avaient été le plus opposés à Mazarin, les
-passages les plus remarquables de ces instructions, afin de justifier
-la haute estime qu'il avait pour sa mémoire[392]. Rien n'est plus à la
-gloire de Mazarin, rien n'est plus propre à nous faire concevoir une
-grande idée de ses talents et de sa capacité, que cette opinion
-qu'avait de lui un monarque qui, de tous ceux qui ont occupé un trône,
-s'est montré le plus judicieux et le plus habile appréciateur des
-hommes.
-
-Rien aussi ne prouve plus le discernement et l'impartialité de
-Mazarin, et combien, même à son lit de mort, il avait à cœur
-l'intérêt du monarque et de la monarchie, que le conseil qu'il donna à
-Louis XIV, dans ses derniers moments, d'employer Fouquet[393]. Il le
-lui indiqua comme l'homme le plus capable de le bien seconder dans
-l'administration de son royaume, comme celui de tous les ministres qui
-connaissait le mieux les personnes et les ressources de la France;
-mais en même temps il recommanda au jeune roi de faire cesser les
-dilapidations du surintendant et de ses agents, en établissant un
-ordre rigoureux dans les finances. Il l'instruisit des moyens d'y
-parvenir, et pour les mettre en œuvre il lui donna Colbert.
-
-Colbert fut donc nommé intendant des finances, et chargé de tenir ce
-fameux registre des fonds dont nous avons parlé[394].
-
-Louis XIV, dès les premiers jours qu'il travailla avec Fouquet,
-l'avertit que son intention était d'être instruit de tout ce qui
-concernait ses finances, et de donner tous ses soins à cette partie de
-son gouvernement. Il lui défendit de signer aucun traité, aucun bail à
-ferme, sans lui en donner connaissance[395]. Si Fouquet avait su aussi
-bien que Mazarin discerner le caractère du jeune roi, il n'eût pas
-manqué d'y conformer sa conduite: il eût avoué les fautes du passé,
-indiqué les moyens de les réparer, organisé l'avenir. Grand financier
-et bon administrateur, il se serait associé à la gloire de ce beau
-règne, il en eût augmenté l'éclat, et eût joué un rôle non pas plus
-glorieux, mais plus brillant, que celui de Colbert.
-
-Fouquet crut que la mort de Mazarin l'avait délivré du seul obstacle
-qui s'opposait à son ambition[396]. Sa supériorité sur Le Tellier et
-sur de Lionne (ministres cependant très-habiles[397]); l'importance
-des affaires dont il était chargé; la préférence que le roi lui
-accordait, en traitant avec lui seul les affaires les plus délicates
-et les plus secrètes[398]; la multitude de clients, d'amis, de
-pensionnaires qu'il avait près du monarque, dans toute la France, dans
-toutes les branches d'administration; la faveur de la reine mère;
-enfin la composition du conseil, qui lorsqu'on opinait se bornait à
-trois voix, dont une, celle de de Lionne, lui était vendue[399], tels
-étaient les motifs de la confiance de Fouquet, les causes de son
-aveuglement.
-
-Le Tellier, son ennemi secret, dissimulait, et paraissait ne mettre
-aucun obstacle au désir que le surintendant avait d'occuper le premier
-rang[400]. Colbert travaillait dans l'ombre.
-
-Tout semblait en apparence favorable aux desseins de Fouquet. Louis
-XIV s'était laissé jusque alors guider par sa mère et par Mazarin,
-tant pour les choses qui lui étaient personnelles que pour celles de
-l'État, et Fouquet ne pouvait se persuader qu'il voulût sérieusement
-régler par lui-même les unes et les autres, et reprendre à la fois
-l'autorité d'un roi et les pénibles fonctions d'un premier
-ministre[401]. Déjà donc le surintendant assignait le terme, peu
-éloigné, où son jeune maître, fatigué de tant de détails, si propres à
-le rebuter, allait le charger d'un fardeau que son inexpérience et le
-seul attrait de la nouveauté l'avaient engagé à essayer de soulever.
-La fascination de Fouquet à cet égard était telle, qu'il offrit à la
-reine mère d'employer ses bons offices et la faveur dont il jouissait
-pour lui redonner l'influence qu'elle avait eue autrefois sur son
-fils, et que Mazarin par ses conseils, qui furent alors taxés de noire
-ingratitude, lui avait fait perdre[402]. Pour s'acquérir sur les
-affaires ecclésiastiques la même prépondérance qu'il se promettait
-dans toutes les autres parties dit gouvernement, lorsqu'il faisait ces
-offres à la reine mère, Fouquet négociait en même temps avec le
-cardinal de Retz, afin d'obtenir de lui, à prix d'argent, qu'il donnât
-sa démission de l'archevêché de Paris. Le surintendant ne doutait pas
-qu'il ne lui fût facile de faire ensuite nommer à ce siége si envié un
-de ses frères, déjà archevêque[403].
-
-La présomption, défaut ordinaire des esprits prompts, faciles, féconds
-en ressources, empêcha Fouquet de reconnaître les dangers de la route
-où il s'engageait. Il en fut averti cependant par ses principaux
-collaborateurs, et surtout par le plus habile et le plus clairvoyant
-de tous, Pellisson[404]; mais il ne voulut pas se rendre à leurs
-conseils: peut-être ne le pouvait-il plus. Il continua hardiment son
-système de fraude et de déception, et présenta au roi de faux états de
-situation, qui, sans qu'il le sût, étaient aussitôt rectifiés par
-Colbert, au moyen du registre des fonds et des écritures de l'épargne,
-tenus alors sous son inspection avec une rigoureuse exactitude. Les
-états au vrai, présentés chaque jour au roi par Colbert, dévoilèrent
-toutes les concussions et les fourberies du surintendant, et les
-plaies profondes faites à l'État par sa connivence avec les traitants
-ou les fermiers des impôts. Louis XIV fut outré de se voir ainsi joué
-par son ministre, et de se trouver en quelque sorte sous sa dépendance
-pour la partie principale de son gouvernement. Le nombre des amis et
-des créatures que se faisait le surintendant en prodiguant l'argent du
-royaume, son luxe, ses fêtes somptueuses, les prétentions qu'il
-manifestait de remplacer Mazarin, ses intrigues, le grand nombre de
-ses partisans, la haute opinion qu'on avait de lui, tout contribua à
-accroître encore l'animadversion du jeune monarque. Dès lors le plan
-que Colbert avait proposé autrefois à Mazarin pour mettre en jugement
-ce grand coupable, et opérer le rétablissement des finances, fut de
-nouveau reproduit. Louis XIV l'adopta; et il ajouta encore à la
-rigueur des mesures qu'il contenait contre la personne de
-Fouquet[405]. Ce plan une fois arrêté, il fallut forcément en différer
-l'exécution. Fouquet n'avait pas cessé de fortifier Belle-Isle, où il
-aurait pu se retirer et chercher à produire quelque mouvement parmi la
-jeune noblesse et le peuple de la Bretagne et de la Normandie, deux
-provinces écrasées d'impôts et fort mécontentes. De plus, les
-priviléges de la charge de surintendant, qui soustrayaient Fouquet à
-la juridiction des cours souveraines, et le rendaient justiciable du
-roi seul, autorisaient bien la formation d'une commission spéciale
-nommée par le roi pour juger Fouquet, conformément au plan proposé par
-Colbert; mais cette forme était à juste titre considérée comme
-illégale, injuste et despotique, par les parlements; et Fouquet
-n'était pas seulement surintendant général des finances, il était
-encore procureur général du parlement de Paris. Nul doute que cette
-puissante compagnie, si on avait voulu faire juger par commission son
-principal officier, ne s'y fût opposée, et n'eût évoqué cette affaire
-comme étant du ressort de sa juridiction. Il fallait donc différer
-l'accusation de Fouquet et bien dissimuler les projets formés contre
-lui, jusqu'à ce qu'on l'eût déterminé à vendre sa charge de procureur
-général; et, comme je l'ai dit, on en vint à bout en lui donnant
-l'espoir d'être compris dans la promotion de chevaliers des ordres du
-roi, qui allait avoir lieu[406].
-
-Il ne faut pas partager l'erreur où sont tombés ici tous les
-historiens, et considérer cette époque du règne de Louis XIV comme
-celle qui l'a suivie, lorsque le roi, affermi par l'exercice de sa
-puissance, ôtait par sa seule parole jusqu'à la pensée même de lui
-résister. Lors même que les grandes crises politiques sont apaisées,
-il existe toujours, quand elles sont récentes, des habitudes
-d'insubordination qui excitent les justes craintes du pouvoir et
-augmentent ses embarras. Nous voyons par des lettres non encore
-publiées de Mazarin[407] à Colbert, qui sont sous nos yeux, que tandis
-que ce ministre était occupé à Saint-Jean-de-Luz aux négociations de
-la paix, il craignait que la Normandie, à laquelle cette paix ne
-plaisait pas, ne se soulevât, et qu'il faisait surveiller cette
-province. Dans le même temps, malgré son opposition et les ordres
-formels du roi, Mazarin ne put empêcher Turenne d'offrir et d'envoyer
-de l'argent et des troupes au duc d'York, dans le but de rétablir son
-frère Charles II sur le trône, quoique rien ne fût plus contraire à la
-politique que le ministre avait adoptée dans les intérêts de la
-France[408]. Louis XIV, qui n'ignorait aucun des obstacles qu'il avait
-fallu vaincre, devait craindre que sa jeunesse et l'opinion que l'on
-avait de son inexpérience et de son peu de connaissance des affaires
-ne fussent la cause de nouvelles désobéissances. Il faut aussi
-rappeler que Fouquet n'était pas seulement un habile financier, qui
-dans des occasions importantes avait su créer des ressources et
-réaliser des sommes immenses, lorsque l'État était dans un discrédit
-complet; Fouquet était encore un grand ministre, à vues étendues et
-profondes; il était le seul qui dans le conseil eût songé aux intérêts
-du commerce. Plusieurs vaisseaux armés pour son compte fréquentèrent
-les Antilles, le Sénégal, la côte de Guinée, Madagascar, Cayenne,
-Terre-Neuve. Il encouragea les particuliers à s'intéresser dans ces
-différentes entreprises; et c'est à lui que les colonies françaises
-durent de pouvoir se soutenir contre les rivalités de l'Espagne, de
-l'Angleterre, de la Hollande. Il établit un fret sur les vaisseaux
-étrangers pour protéger la navigation: la pêche de la sardine à
-Belle-Isle, qui produisit plusieurs millions à l'État, lui était due
-entièrement[409]. Il était donc aussi considéré, aussi aimé des
-commerçants, des bourgeois, que des courtisans et des hommes de
-lettres: pour tous il semblait être le ministre indispensable.
-
-Un autre motif encore plus fort que tous ceux que nous venons
-d'énumérer forçait Louis XIV de différer l'exécution du projet conçu
-contre Fouquet: c'était le manque d'argent. Fouquet devait faire des
-versements, mais il fallait en attendre les échéances. Telle était la
-pénurie de l'épargne, que, quoique ces versements eussent été
-effectués au moment de l'arrestation de Fouquet, Louis XIV se vit
-obligé d'écrire au duc de Mazarin pour lui demander de lui prêter deux
-millions[410].
-
-Enfin, une raison majeure d'intérêt public fixait une époque avant
-laquelle on ne pouvait songer à rien entreprendre contre Fouquet.
-L'arrestation et la mise en jugement du surintendant, la création
-d'une chambre de justice, entraînaient la résiliation de tous les
-baux, de tous les traités à ferme conclus avec ceux qui devaient être
-cités devant cette chambre; tous ces baux, tous ces traités devaient
-être promptement renouvelés, afin que la perception des impôts et des
-différentes branches de revenus publics n'éprouvât point de retard.
-Cela ne pouvait se faire avec avantage qu'en automne; et lorsque Louis
-XIV eut arrêté dans son esprit l'exécution du projet de Colbert, on
-n'était encore qu'au printemps[411].
-
- [348] LOUIS XIV, _Instructions au Dauphin_, dans les _OEuvres_,
- t. I, p. 101 à 113.--MOTTEVILLE, t. XL, p. 139.
-
- [349] FOUQUET, _Défenses_, édit. Elzev., 1665, in-18, t. II, p.
- 58, 60, 81, 91.--MONGLAT, _Mém._, t. L, p. 398; t. LI, p.
- 70.--LORET, _Muse historique_, liv. IV, p. 20; liv. X, p. 29
- (_lettres_ du 8 février 1653 et du 22 février 1659).
-
- [350] PELLISSON, _2e Discours_ pour Fouquet, t. II, p. 120 des
- _OEuvres diverses_, 1735, in-12 (_Lettres et Provisions de MM.
- Servien et Fouquet, de la surintendance des finances_, en date du
- 8 février 1653); dans FOUQUET, _Défenses_, t. II, p.
- 353.--_Ibid._, t. I, p. 50; t. II, p. 58.
-
- [351] PELLISSON, _OEuvres diverses_, t. II, p. 144, 145, 150.
-
- [352] PELLISSON, _2e Discours au Roi pour la Défense de Fouquet_,
- dans les _OEuvres diverses_, t. II, p. 152, 154, 160.
-
- [353] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 314, 317, 318, 319, 322.
-
- [354] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 314 et 319.
-
- [355] PELLISSON, _2e Discours au Roi_, t. II, p. 136 et 149.
-
- [356] PELLISSON, _2e Discours, OEuvres diverses_, t. II, p. 131.
-
- [357] PELLISSON, _OEuvres diverses_, t. II, p. 96 et 108.
-
- [358] Ibid. p. 138.
-
- [359] PELLISSON, _OEuvres diverses_, t. II, p. 132.
-
- [360] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 322.
-
- [361] _De la Production de_ M. FOUQUET _contre celle de_ M.
- TALON, t. III des _Défenses_, p. 350 à 368.
-
- [362] PELLISSON, _2e Discours_, t. II, p. 141 à 176.
-
- [363] FOUQUET, _Défenses_, t. II, p. 333; t. III, p.
- 233.--PELLISSON, _OEuvres diverses_, t. II, p. 262.
-
- [364] FOUQUET, _Défenses_, t. III, p. 138.
-
- [365] FOUQUET, t. III des _Défenses_, p. 181, 186 et 201.--LOUIS
- XIV, _OEuvres_, t. II, p. 25.
-
- [366] LORET, liv. X, p. 114; liv. XI, p. 113; liv. XII, p. 14,
- 109, 129, 132, 136.--MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 81.
-
- [367] LOUIS XIV, _OEuvres_, t. I, p. 102.--MONTPENSIER, _Mém._,
- t. XLII, p. 368.--SAUVAL, _Amours des Rois de France_, t. II, p.
- 111; _Vie de Maucroix_; _Histoire de la Vie et des Ouvrages de_
- LA FONTAINE.
-
- [368] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 107, 108, 142, 170 et
- 171.--FOUQUET, _Défenses_, t. VIII, p. 105.
-
- [369] DES MAIZEAUX, _Vie de Saint-Évremond_, dans les _OEuvres
- de_ SAINT-ÉVREMOND, t. I, p. 36 et 52.--BUSSY, _Mém._, t. II, p.
- 106.--MOTTEVILLE, t. XL, p. 140.
-
- [370] _Vie de Colbert_ (par Sandraz de Courtils); Cologne, 1695,
- p. 4.
-
- [371] FOUQUET, _Défenses_, t. II, p. 26 et 36.--GOURVILLE,
- _Mém._, t. LII, p. 326.--SAINT-SIMON, _OEuvres_, t. I, p. 221
- (octobre 1659), t. IX, p. 274 (janvier 1660); ibid., t. IX, p.
- 280, 282.
-
- [372] SAINT-SIMON, _OEuvres complètes_, édit. 1791, t. IX, p. 274
- à 287; GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 326.
-
- [373] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 322 et 325.--CHOISY, _Mém._,
- t. LXIII, p. 251.
-
- [374] _Lettres_ de COLBERT à MAZARIN, _mss. autographes à la
- Bibliothèque du Roi_.--SAINT-SIMON, _OEuvres_, t. IX, p. 274,
- 287, édit. 1791.
-
- [375] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 337, 338 et 340.
-
- [376] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 92, 93, 111.--MOTTEVILLE, t. XL,
- p. 100.--LORET, liv. X, p. 166.--_Lettres du cardinal_ MAZARIN,
- 1745, in-12, t. I, p. 2, 15, 20, 27, 42, 62, 315, 318, 375, 377;
- t. II, p. 301.
-
- [377] MOTTEVILLE, t. XL, p. 80.--LORET, liv. XI, p. 117.
-
- [378] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mémoires inédits_, t. II, p. 131.
-
- [379] FOUQUET, _Défenses_, t. II, p. 21. Si l'on en croit
- Fouquet, la fortune de Mazarin se montait à 40 ou 50 millions, 80
- ou 100 millions de notre monnaie actuelle.
-
- [380] CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 198, 201.
-
- [381] MAZARIN, _Lettres_, 1745, in-12, t. I, p. 70 à 81, 282 et
- 286, 363 à 368; _lettres_ en date des 16 juillet, 28 et 29 août
- 1659.
-
- [382] MAZARIN, _Lettres_, 2 vol. in-12, 1745, t. I, p. 284 et
- 286, du 26 août 1659.
-
- [383] GRAMONT, _Mémoires_, t. LVII, p. 89.
-
- [384] LORET, liv. X, p. 83 (en date du 31 mai 1659).
-
- [385] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mémoires inédits_, 1828, in-8º, t. II,
- p. 299, ch. XIII.--LORET, liv. XI, p. 182 (20 novembre 1660).
-
- [386] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 112.
-
- [387] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mémoires inédits_, t. II, p. 111.
-
- [388] POMPONNE, _lettre à Arnauld d'Andilly_, en date du 9 mars,
- _Mém. de Coulanges_, p. 381.--LA FAYETTE, _Mém._, t LXIV, p. 375,
- 377.
-
- [389] _Lettre de_ POMPONNE _à Arnauld d'Andilly_, _Mém. de_
- COULANGES, p. 378.
-
- [390] LOUIS XIV, _Lettres_, t. VI, p. 12 et 15.
-
- [391] POMPONNE, _lettre à Arnauld d'Andilly_, _Mém. de_
- COULANGES, p. 378; _lettre_ en date du 4 février 1661.
-
- [392] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XL, p. 104.
-
- [393] POMPONNE, _lettre à Arnauld d'Andilly_, dans les _Mém._ de
- COULANGES, p. 379.--MOTTEVILLE, _Mém._, t. XL, p. 132.--MONGLAT,
- t. LI, p. 123.
-
- [394] FOUQUET, _Recueil des Défenses_, t. I, p. 61.--LOUIS XIV,
- _OEuvres_, t. I, p. 33.--Conférez ci-dessus, p. 213 et 220.
-
- [395] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 325.
-
- [396] PELISSON, _OEuvres inédites_, t. II, p. 114, 116.
-
- [397] Conférez MIGNET, _Introduction aux négociations relatives à
- la succession d'Espagne sous Louis XIV_, t. I, p. LVI.
-
- [398] CHOISY, t. LXIII, p. 248.
-
- [399] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 53.
-
- [400] _Lettre de Pomponne à Arnauld d'Andilly_, en date du 19
- mars 1661, dans les _Mém._ de COULANGES, p. 382,
- in-8º.--MOTTEVILLE, t. XL, p. 132.
-
- [401] LA FAYETTE, _Mém._, t. LXIV, p. 376.
-
- [402] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XL, p. 158.
-
- [403] GUY-JOLY, _Mém._, t. XLVII, p. 445.
-
- [404] PELLISSON, _OEuvres mêlées_, t. II, p. 120 et 123.--CHOISY,
- _Mém._, t. LXIII, p. 122.
-
- [405] FOUQUET, _Défenses_, t. II, p. 26 et 36, et ci-dessus.
-
- [406] GOURVILLE, t. LIII, p. 337, 346.--LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mém.
- inédits_, t. II, p. 179.--CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 248, 249,
- 251, 261, 262, 263.
-
- [407] _Lettre de_ MAZARIN _à Colbert_, en date du 22 octobre
- 1659, _mss. de la Bibliothèque du Roi_.
-
- [408] _Vie de_ JACQUES II, _roi d'Angleterre, d'après les
- Mémoires écrits de sa propre main_, in-8º, t. I, p. 124 à 137.
-
- [409] FORBONNAIS, _Recherches et considérations sur les finances
- de France_, édit. in-12, 1758, t. II, p. 120, 121.
-
- [410] LOUIS XIV, dans ses _OEuvres_, t. V, p. 54.--Ibid.,
- _Instructions de Louis XIV pour le Dauphin_, dans ses _OEuvres_,
- t. II, p. 57.
-
- [411] LOUIS XIV, _OEuvres_, t. V, p. 53, _lettre à la
- reine-mère_, en date du 5 septembre.--CHOISY, _Mém._, t. LXIII,
- p. 248 à 251.
-
-
-
-
-CHAPITRE XVIII
-
-1661-1664.
-
- Fouquet cherche à séduire mademoiselle de La Vallière.--Le roi,
- dans un moment de colère, veut le faire arrêter au milieu d'une
- fête qu'il lui donnait.--La reine-mère l'en empêche.--Fouquet a
- connaissance de l'ordre qu'avait donné le roi.--Fouquet fait à
- Louis XIV un aveu des abus qu'il s'était permis, et promet une
- réforme complète.--Cet aveu ne satisfait pas Louis
- XIV.--Différence des effets produits par les gains illicites de
- Mazarin et par ceux de Fouquet, relativement à l'État.--Louis XIV
- ne pouvait pardonner à Fouquet sans détruire le plan qu'il avait
- formé pour la restauration des finances.--Fouquet de son côté ne
- pouvait reculer.--Il continue dans le même système de corruption
- et de profusion.--Louis XIV dissimule.--Il fait arrêter le
- surintendant.--Beau trait d'éloquence de Pellisson au sujet de la
- dissimulation du roi, qui a causé la perte de Fouquet.--Louis XIV
- établit l'ordre dans ses finances.--On poursuit les traitants, et
- on fait rentrer à l'épargne des sommes considérables.--L'affaire
- de Fouquet était un coup d'État, par le grand nombre de personnes
- qui furent citées à la chambre de justice.--Rigueur mise dans le
- procès de Fouquet; effet qu'elle produit.--Manière dont on a jugé
- la conduite de Louis XIV en cette circonstance.--Position des
- hommes qui exercent le pouvoir, à l'égard de leur siècle et de la
- postérité.
-
-
-Ce fut avec peine que le jeune roi se soumit à une aussi longue
-dissimulation. La contrainte qu'il éprouvait pour laisser croire au
-surintendant qu'il était dupe de ses stratagèmes augmentait
-l'irritation que lui causait un délai nécessaire. Cependant Fouquet,
-plongé dans une funeste sécurité, continuait son genre de vie
-habituel, mêlant toujours la galanterie aux affaires. Il chercha à
-séduire la belle La Vallière, et voulut acheter ses faveurs à prix
-d'argent. La résistance qu'il éprouva lui fit découvrir qu'elle était
-aimée du roi. Possesseur d'un secret encore ignoré de toute la cour,
-Fouquet crut pouvoir en profiter pour son ambition[412]. Ne doutant
-pas que les promesses d'un ministre aussi puissant que lui ne
-pouvaient qu'être agréables à mademoiselle de La Vallière, il
-s'empressa de l'entretenir en particulier, et de lui offrir son
-concours pour tirer le plus d'avantages possible de sa position. La
-douce, la modeste La Vallière, que l'amour seul avait entraînée hors
-de la route de l'honneur, et qui ne voyait dans le beau et jeune Louis
-que l'amant et non le roi, rougit en écoutant le surintendant, et se
-retira sans lui répondre. Fouquet interpréta ce silence en sa faveur,
-et le regarda comme un consentement qu'un reste de pudeur dans une
-jeune fille encore novice ne lui avait pas permis d'exprimer d'une
-manière plus explicite[413]. Mais La Vallière était restée muette
-d'étonnement et de honte, en apprenant qu'une autre personne que celle
-qui servait d'intermédiaire entre elle et le roi avait connaissance de
-sa coupable liaison. En faisant à son amant le sacrifice de sa vertu,
-elle avait obtenu de lui la promesse que sa réputation serait
-respectée et que le voile le plus épais couvrirait leurs amours.
-Quelle fut sa douleur d'apprendre que le seul bien qui lui restât
-allait lui échapper! Elle redit tout au roi, en répandant d'abondantes
-larmes. La fureur de Louis XIV contre le surintendant fut portée au
-plus haut degré. Il n'y avait donc plus de secret dont cet audacieux
-ministre ne parvînt à se procurer la connaissance? Ses perfides
-intrigues le poursuivaient sans cesse et partout, jusque dans son
-intérieur le plus intime, jusque dans le cœur de celle qu'il aimait!
-Il aspirait au moment où il lui serait enfin permis d'en faire
-justice. C'est alors que Fouquet, toujours abusé, toujours dans
-l'opinion qu'il était l'homme le plus agréable à son roi, le seul
-nécessaire, lui donna à Vaux cette magnifique fête dont nous avons
-parlé. Ce jour, Louis XIV aperçut, dans un des cabinets du château de
-Vaux, un portrait de mademoiselle de La Vallière, qu'un peintre avait
-exécuté sans qu'elle le sût. A la vue de ce portrait, le jeune
-monarque ne put contenir son ressentiment. Il éclata: dans son premier
-mouvement, il donna l'ordre d'arrêter le surintendant au milieu même
-de la fête, et dans sa propre maison. La reine mère, qui se trouvait
-là, n'eut pas de peine à démontrer à son fils l'inconvenance du lieu
-et du moment, et l'ordre fut révoqué[414]. La reine mère avait
-attribué la colère du roi à un mouvement de jalousie; mais elle apprit
-bientôt que cette cause de l'animadversion de son fils envers le
-surintendant n'était pas la seule: elle fut instruite de tous les
-projets formés depuis longtemps contre lui. La duchesse de Chevreuse,
-qui avait beaucoup de crédit sur son esprit, sut lui persuader de n'y
-mettre aucun obstacle. Cette intrigante duchesse était devenue
-l'ennemie du surintendant depuis qu'elle avait épousé en secret de
-Laigues, qui croyait avoir à s'en plaindre[415].
-
-Cependant le mouvement de colère auquel Louis XIV s'était abandonné,
-cet ordre donné et révoqué trahit ses desseins, et Fouquet en fut
-averti par madame Duplessis-Bellière, un de ses plus habiles et de ses
-plus courageux agents, dans les affaires de finances comme dans les
-intrigues d'amour[416]. Fouquet aperçut dès lors toute la profondeur
-du précipice où il était près de tomber. Il crut pouvoir éviter sa
-chute en imitant Mazarin: il fit au roi l'aveu de ses fautes, et
-promit une réforme complète. Mais son aveu et ses promesses ne
-conjurèrent pas l'orage, et ne firent que lui en déguiser les
-approches. Louis XIV sembla pardonner, et dissimula si profondément
-ses sentiments et ses pensées, qu'il fit illusion à Fouquet, et le
-persuada qu'il n'avait plus rien à redouter[417]. Les aveux de Fouquet
-n'avaient été que partiels; et alors, bien loin de satisfaire Louis
-XIV, ils furent à ses yeux un tort de plus, puisqu'ils lui
-paraissaient une nouvelle ruse pour le tromper encore. Fouquet chercha
-aussi maladroitement (on le voit par ses défenses) à s'autoriser de
-l'exemple qu'avait donné le premier ministre, et à s'excuser par les
-pratiques que celui-ci s'était permises. Mais rien n'était semblable
-ni dans la position ni dans la nature de la culpabilité. Mazarin, en
-cumulant des abbayes, en recevant de l'argent pour les charges qu'il
-conférait ou pour les grâces qu'il accordait, en dépensant pour sa
-maison les sommes destinées à la maison du roi[418], enlevait les
-moyens de s'enrichir à des courtisans ambitieux, avides et frondeurs;
-mais ces concussions ne diminuaient en rien les revenus publics; car
-aucune des sommes dont Mazarin faisait son profit n'était destinée à
-entrer dans l'épargne; Mazarin ne faisait donc rien perdre à
-l'État[419]. Fouquet, au contraire, ne s'enrichissait qu'en le ruinant
-de plus en plus, puisque c'étaient les produits mêmes des impôts, dont
-il était chargé de faire opérer les rentrées et de surveiller
-l'emploi, qu'il dilapidait et laissait dilapider. Déjà il avait dévoré
-en avance quatre années des revenus de la France. Quand Mazarin, après
-avoir reculé les limites du royaume et raffermi la couronne sur la
-tête de son roi, lui rendit son immense fortune, celui-ci dut être
-satisfait de pouvoir, en la lui conférant par un acte émané de sa
-royale volonté, récompenser d'un seul coup, et magnifiquement, les
-longs et immenses services de son fidèle ministre. Il faisait par là
-une action qui avait sur son gouvernement une heureuse influence, en
-montrant une générosité sans bornes envers celui qui l'avait servi
-ainsi que l'État avec un entier dévouement. Mais en pardonnant à
-Fouquet Louis XIV eût encouragé les rapines et la déloyauté. Le
-surintendant absous, il devenait impossible de poursuivre ses agents,
-et de faire annuler les engagements ruineux qu'il avait fait
-contracter à l'État. Sans cette dernière mesure, toute amélioration
-dans les finances devenait impossible. A cette époque il n'y avait pas
-de grosses dettes publiques fondées, et reconnues inaltérables,
-inviolables; point de théories du crédit qui fissent considérer comme
-une chose funeste de manifester l'intention d'affranchir l'État des
-dettes usuraires qu'on avait contractées en son nom. Un autre ordre de
-choses avait fait adopter d'autres principes; et le roi, en forçant
-les financiers et les maltôtiers[420], comme on les appelait alors, à
-rendre une partie de leurs immenses profits, se rendait populaire et
-s'attirait l'approbation générale, lors même que tout le monde eût été
-persuadé que ces profits n'avaient pu avoir lieu qu'au moyen des
-opérations faites par le gouvernement et sous le sceau et avec
-l'approbation de ceux qui agissaient en son nom.
-
-Fouquet se trouvait d'ailleurs dans l'impossibilité de remplir les
-promesses de réforme qu'il faisait à Louis XIV. Il était lui-même
-entraîné dans le gouffre où il entraînait le royaume. Pour rester en
-place, et rentrer comme surintendant dans les voies du devoir et de la
-conscience, il eût fallu que Fouquet devînt cruel et perfide, et qu'il
-étouffât en lui les sentiments les plus chers et les plus sacrés;
-qu'il trahît, qu'il poursuivît, qu'il précipitât dans l'abîme ceux-là
-même avec lesquels il avait contracté, au nom de l'État, des
-engagements usuraires, et avec lesquels il avait connivé pour couvrir
-tous les genres d'irrégularités; et ceux-là étaient ses parents, ses
-amis, ses partisans à la cour, ses pensionnaires, ses maîtresses, ses
-clients, ses protégés. Fouquet avait dans le cœur de la bonté, de la
-générosité; dans le caractère et dans ses relations particulières, de
-la franchise et de la grandeur d'âme; il lui était donc impossible de
-prendre une résolution qui aurait entraîné de telles conséquences. Il
-ne vit de salut que dans la continuation de son système de profusion
-et de corruption, et par la nécessité même où il se trouvait de
-monter encore ou de tomber, il poursuivit ce système avec plus
-d'intrépidité qu'il ne l'avait fait sous Mazarin; de telle sorte qu'il
-n'y avait presque pas une seule personne qui approchât du roi qui ne
-lui fût vendue[421]. Le roi, qui s'en aperçut, pour mieux déguiser ses
-desseins, et à mesure que le moment approchait de les mettre à
-exécution, se vit obligé de donner au surintendant des preuves
-simulées d'une faveur toujours croissante. Louis XIV paraissait avoir
-pour Fouquet la plus sincère affection, pour ses conseils la plus
-grande déférence; il multipliait les entretiens particuliers qu'il
-avait avec lui, et semblait vouloir ne décider que par lui les
-affaires les plus importantes[422]. «On ne doutait pas, dit madame de
-La Fayette, que le surintendant ne fût appelé à gouverner[423].» Louis
-XIV n'osa pas se fier à son capitaine des gardes, ni à ses officiers
-les plus intimes, quand il fallut sévir contre son ministre. Il cacha
-avec soin son secret jusqu'au moment où il donna l'ordre de
-l'arrestation; et il chargea de l'exécution de cet ordre un officier
-qui n'y était pas appelé par son rang[424]. Cette constante
-dissimulation du monarque, en donnant trop de sécurité à Fouquet,
-l'empêcha de céder aux conseils qui lui étaient donnés, et arracha à
-son défenseur, le généreux Pellisson, un cri de douleur qui est un des
-plus beaux passages de son éloquent plaidoyer[425].
-
-Cependant Fouquet pressentit le danger qui le menaçait. La reine mère,
-qui le protégeait, lui avait fait dire de se défier de la duchesse de
-Chevreuse. Avant de partir pour Nantes, il eut à ce sujet un entretien
-avec Loménie de Brienne, dont le père avait la confiance du roi, et
-auquel celui-ci s'était ouvert de ses projets sur Fouquet. Loménie de
-Brienne nous peint, dans ses Mémoires, la cruelle perplexité à
-laquelle était en proie le malheureux surintendant au sujet de ce
-fatal voyage. Il hésitait à l'entreprendre, et aurait mieux aimé fuir
-et se retirer à Venise ou à Livourne. Il était abattu, consterné;
-mais, après bien des alternatives, un peu rassuré en se rappelant les
-promesses que le roi lui avait faites, il se décida à partir, en
-compagnie avec de Lionne, son ami[426].
-
-Nous avons ailleurs détaillé les circonstances de son arrestation,
-raconté les émotions du sensible La Fontaine, lorsqu'il contempla les
-murs de la prison où son bienfaiteur était enfermé[427].
-
-Après l'arrestation de Fouquet, Louis XIV abolit la charge de
-surintendant, et en fit lui-même les fonctions. Colbert établit un
-ordre admirable dans les recettes et dans les dépenses; il mit le roi
-à portée de connaître à tous les instants les ressources dont il
-pouvait disposer[428]. C'était le roi qui signait toutes les
-ordonnances, et qui au commencement de chaque année arrêtait de sa
-propre main, sur le livre des fonds, toutes les recettes qui étaient à
-faire, et après l'année expirée toutes les recettes et toutes les
-dépenses qui avaient été effectuées[429].
-
-Le procès de Fouquet donna les moyens de poursuivre les traitants;
-d'annuler les traités qui avaient été conclus avec eux; d'affermer les
-impôts avec d'autant plus de profit que les nouveaux fermiers,
-contractant directement avec le roi, n'ignoraient pas qu'il avait
-lui-même pris connaissance de leurs marchés, et que, bien loin de
-redouter aucune recherche, aucune rigueur de sa part, ils espéraient,
-en remplissant avec fidélité leurs engagements, s'enrichir, et en même
-temps acquérir de la faveur et du crédit.
-
-Les papiers saisis chez Fouquet furent portés directement au roi, qui
-les examina lui-même, connut ainsi les ennemis cachés de son
-gouvernement, les secrets des plus puissantes familles et les
-intrigues ourdies à l'entour du trône. La création d'une chambre de
-justice pour rechercher les malversations qui avaient pu être faites
-dans les finances touchait les plus grandes familles de robe et
-d'épée, dont plusieurs s'étaient enrichies par les prêts usuraires
-faits à Fouquet ou par ses dons et ses prodigalités[430]; de sorte que
-son arrestation ne fut pas une disgrâce seulement personnelle, mais un
-acte qui eut tout l'éclat et tout le retentissement d'une affaire
-générale et d'un coup d'État. Elle répandit parmi les grands et les
-courtisans une crainte qui les rendit plus souples et plus obéissants,
-et inspira la terreur aux concussionnaires. Le secret avec lequel
-cette affaire fut conduite, la dissimulation qui la prépara, la
-rigueur des ordres qui furent donnés, l'inflexibilité qu'on déploya à
-l'égard de ceux qui en étaient frappés, tout fit reconnaître dans le
-jeune élève de Mazarin l'habileté de son maître, unie au caractère
-altier et énergique de Richelieu. Personne ne douta plus que Louis XIV
-n'eût la volonté et les moyens de gouverner par lui-même; et dès lors
-son règne commença[431]. La puissance est comme le crédit, dont les
-résultats dépendent moins des moyens réels dont on peut disposer que
-de l'opinion qu'on parvient à faire prévaloir de leur existence et de
-leur efficacité.
-
-La rigueur dont on usa envers Fouquet pendant tout le cours de son
-procès prouve que Louis XIV voulait faire en lui un grand exemple,
-et ne laisse aucun doute que son intention était de le faire
-condamner à mort[432]. Peut-être cette intention, trop ouvertement
-manifestée, la violence des accusateurs, l'iniquité des procédures,
-contribuèrent-elles, encore plus que l'éloquence et l'habileté
-employées dans la défense, à sauver la vie du coupable. Il fut
-condamné à l'exil perpétuel et à la confiscation de tous ses biens.
-Louis XIV, qui avait trouvé un obstacle à ses volontés dans la
-conscience des juges, aggrava la peine: il retint, malgré ce jugement,
-le surintendant en captivité, et le fit garder avec une sévérité qui
-ne s'adoucit que dans les dernières années de la vie du malheureux
-prisonnier. D'où vient cette longue persévérance de Louis XIV dans un
-acte de cruauté dont avant la révocation de l'édit de Nantes son long
-règne n'offre pas un second exemple[433]? Voulait-il empêcher Fouquet
-de trahir les secrets de l'État qu'il lui avait confiés? Redoutait-il
-toujours l'effet de ses intrigues? Lui avait-il reconnu une audace
-capable de tout oser[434]? Quoi qu'il en soit, la disgrâce du
-surintendant, dès qu'elle fut connue, fit taire l'envie que sa haute
-prospérité avait inspirée. La dureté avec laquelle il fut traité
-pendant tout le cours de son procès excita la compassion dans tous les
-cœurs généreux. On le plaignit, et l'intérêt que ses amis et ses
-partisans prenaient à son sort devint général. La sentence rendue
-contre lui parut rigoureuse, et son inexécution et la peine plus forte
-qu'on y substitua furent considérées avec raison comme une violation
-de tous les principes de justice. L'odieux d'un tel abus de pouvoir
-rejaillit sur Colbert et sur Le Tellier, qui étaient regardés comme
-les persécuteurs acharnés du surintendant: le nombre de satires,
-d'épigrammes, de libelles par lesquels s'exhala la haine qu'avaient
-fait naître ces deux ministres fut grand, et rappela le temps de la
-Fronde et des Mazarinades[435]. Peut-être ce soulèvement de l'opinion
-contribua-t-il à empêcher Louis XIV de céder au sentiment de la
-clémence; peut-être sentait-il le besoin de donner à des ministres
-dévoués une garantie, en leur sacrifiant celui dont le nom était comme
-un drapeau sous lequel se ralliaient tous leurs ennemis. Le caractère
-généreux de Fouquet, ses longues souffrances, ont fait oublier ses
-torts à la postérité, qui n'a vu dans la conduite de Louis XIV à son
-égard qu'un acte inutile de cruauté, de vengeance et de despotisme. Il
-est bien difficile, et peut-être même impossible, de bien juger
-certaines actions du pouvoir, d'en bien déterminer les causes, d'en
-apprécier les motifs, lorsque les hommes et les circonstances qui les
-ont nécessitées ont disparu. Ceux qui ont été mêlés d'une manière
-active aux affaires humaines savent de combien d'éléments frivoles et
-impurs, qu'enfantent l'intérêt, la légèreté et l'ignorance, se forme
-quelquefois l'opinion publique. Ils sont convaincus qu'il est
-impossible d'opérer le bien, si l'on a la faiblesse de vouloir
-courtiser toujours cette reine du monde, quelquefois si belle et si
-pure, mais quelquefois hideuse comme une prostituée. Qui n'a pas le
-courage de renoncer aux jugements précipités et inconstants de ses
-contemporains doit renoncer à les gouverner, à guider leurs destinées,
-à conduire un peuple à la gloire, à la prospérité, au bonheur.
-Cependant rien n'exige plus d'énergie dans le caractère que le
-sacrifice de cette satisfaction que l'on éprouve par l'approbation
-générale donnée à celles de nos actions qui ont pour but le bien
-public. C'est la récompense la plus précieuse, la seule précieuse,
-pour les grandes âmes. Quelle force de vertu, quelle fermeté de
-conscience, quelle haute sagesse ne réclament pas l'abandon de cette
-enivrante popularité et le courage de braver l'aveugle haine et les
-sinistres attentats dont elle cherche à nous rendre victime, pour
-accomplir, après de pénibles efforts, ce qui mérite de tous la
-reconnaissance et l'amour! Toutefois, il semble que dans une aussi
-pénible position la vertu peut trouver un dédommagement dans
-l'impartiale justice de la postérité.--Non; il faut renoncer à ce
-consolant espoir: cette précieuse et unique récompense n'est qu'une
-illusion, et l'arrêt rendu en présence des faits et des personnes est
-presque toujours irrévocable: les moyens manquent aussi bien que la
-volonté pour rectifier cet arrêt, lorsque le temps et la tombe ont
-fait disparaître tous les témoins qui pouvaient guider la justice
-humaine. Elle est vraiment dure la condition de l'homme d'État, qui,
-pour être digne de la mission que la Providence lui a imposée, doit se
-soumettre d'avance à subir les injustes condamnations du siècle qui
-l'a vu naître et des siècles à venir, et qui ne peut penser qu'à Dieu
-seul pour apprécier le mérite ou le démérite de ses actions!
-
- [412] LA FAYETTE, _Mém._, t. LXIV, p. 317, 377, 404, 413.
-
- [413] _Histoire de la Vie et des Ouvrages de_ LA FONTAINE, 3e
- édit., p. 70.--Idem, _OEuvres complètes de_ _La Fontaine_, édit.
- 1827, t. VI, p. 473.
-
- [414] RACINE, _Fragments historiques_, t. VI, p. 335 des
- _OEuvres_, édit. de Geoffroy.--LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mémoires
- inédits_, t. II, p. 177.--CHOISY, _Mémoires_, t. LXIII, p. 253.
-
- [415] MOTTEVILLE, _Mémoires_, t. XL, p. 132.
-
- [416] FOUQUET, _Défenses_, t. II, p. 15 et 16, édit. in-18,
- Elzeviers.
-
- [417] Ibid., p. 100.--CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 256.
-
- [418] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mém. inédits_, t. II, p. 136, 138,
- 142.
-
- [419] MOTTEVILLE, t. XL, p. 106.
-
- [420] Voyez les caricatures qui furent faites contre les
- maltôtiers en 1661, dans le XXVIIe vol. de l'_Hist. de Fr. par
- estampes_, à la Bibliothèque Royale.
-
- [421] LOUIS XIV, _Instructions pour le Dauphin son fils_, dans
- ses _OEuvres_, t. I, p. 109 à 114.
-
- [422] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 120 à 122.--CHOISY, t. LXIII, p.
- 251.
-
- [423] LA FAYETTE, _Mém._, t. LXIV, p. 403.
-
- [424] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mém. inédits_, t. II, p. 205.--LA
- FAYETTE, _Mém._, t. LXIV, p. 404.--BUSSY, _Mém._, t. II, p.
- 170.--MOTTEVILLE, _Mém._, t. XL, p. 41.
-
- [425] PELLISSON, _Discours au Roi_, t. II, p. 274.
-
- [426] LOMÉNIE de BRIENNE, _Mémoires inédits_, t. II, p. 183 à
- 186.
-
- [427] _Hist. de la Vie et des Ouvrages de J. de la Fontaine_, 3e
- édit., p. 112.
-
- [428] LOUIS XIV, _Instructions pour le Dauphin, son fils_, dans
- ses _OEuvres_, t. I, p. 104, 108.--MONGLAT, _Mémoires_, t. LI, p.
- 123.
-
- [429] CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 277.
-
- [430] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XL, p. 162.--GOURVILLE, _Mém._, t.
- LII, p. 354.--LORET, liv. XII, p. 187.
-
- [431] LA FARE, _Mém._, t. LXV, p. 149, 145.--LOUIS XIV,
- _OEuvres_, t. I, p. 37, 39.--MONGLAT, t. LI, p. 511.
-
- [432] RACINE, _Fragments historiques_, t. VI, p. 335 des
- _OEuvres_.--FOUQUET, _Défenses_, t. I, p. 141, 142.--GUY-PATIN,
- _Lettres_, t. V, p. 218, 219 et 244; _lettre_ en date du 14
- juillet 1662.
-
- [433] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 48.--LORET, liv. XI, p. 42
- (1660).--LEMONTEY, _Essai sur l'établissement monarchique de
- Louis XIV_, p. 455-460.--BUSSY, _Discours à ses Enfants_, p. 309.
-
- [434] LA FAYETTE, _Mém._, t. LXIV, p. 379.
-
- [435] _Tableau de la Vie et du Gouvernement de MM. les cardinaux
- Richelieu et Mazarin et de M. Colbert_, etc., 1694, in-12, p.
- 220-234.
-
-
-
-
-CHAPITRE XIX.
-
-1661-1664.
-
- Plusieurs lettres de madame de Sévigné sont trouvées dans les
- papiers du surintendant.--Louis XIV en prend connaissance.--Il en
- parle de manière à ne laisser aucune prise à la malignité
- publique; cependant elle s'exerce sur cet incident.--Chagrin
- qu'en ressent madame de Sévigné.--Lettre qu'elle écrit à Pomponne
- à ce sujet.--Madame de Sévigné se montre plus attachée aux amis
- du surintendant, parce qu'ils étaient exilés. Simon de Pomponne
- était de ce nombre.--Noble conduite des gens de lettres envers
- Fouquet.--Mademoiselle de Scudéry correspond avec lui.--Madame de
- Sévigné écrit à Ménage pour l'engager à détruire les bruits qui
- couraient sur son compte au sujet des lettres trouvées chez
- Fouquet.--Citation de cette lettre.--Fouquet comparait devant le
- tribunal qui doit le juger.--Madame de Sévigné, alors à Paris,
- écrit à Pomponne plusieurs lettres sur ce procès.--Position de
- Pomponne.--Intérêt des lettres que madame de Sévigné lui adresse
- au sujet de Fouquet.--Faveur dont madame de Sévigné jouissait
- auprès de la cour et de Louis XIV.--Fidélité de madame de Sévigné
- au malheur.--Sa sensibilité pour Fouquet partagée par madame de
- Guénégaud, avec laquelle elle était liée--Détails sur Arnauld
- d'Andilly;--sur le procès de Fouquet;--sur madame de
- Guénégaud.--L'hôtel de Nevers, des lettres de madame de Sévigné,
- et l'hôtel Guénégaud.--Madame de Sévigné agissait en faveur du
- surintendant.--Elle craignait qu'il ne fût condamné à mort.--Ses
- anxiétés pendant le procès.--Apparition d'une comète.--L'effet
- qu'elle produit sur les esprits.--Ce qu'en dit de Neuré.--Détails
- sur de Neuré.--Madame de Sévigné annonce à Pomponne que Fouquet a
- la vie sauve.--Louis XIV aurait voulu le faire condamner à
- mort.--Madame de Sévigné craint qu'on n'empoisonne Fouquet; la
- vue de la comète la rassure.--Madame de Sévigné mande à Pomponne
- le départ de Fouquet pour Pignerol.--Louis XIV, par la sévérité
- de son maintien, inspirait le respect et la crainte.--Les lettres
- de madame de Sévigné à Pomponne ne sont pas inférieures aux
- autres qu'elle a écrites.--Suite de l'histoire de Fouquet.--Il
- n'obtient la permission de voir sa femme qu'au bout de sept ans
- de captivité.--Son entrevue avec Lauzun.--Sa mort obscure.--On
- est incertain s'il est mort avant ou après avoir recouvré son
- entière liberté.
-
-
-Comme tous ceux qui ont de nombreuses affaires dont les documents
-devront être réunis sous leurs yeux lorsqu'ils auront à s'en occuper,
-Fouquet conservait avec soin toutes ses lettres. Elles furent saisies.
-Les correspondances qu'il entretenait avec plusieurs femmes de la cour
-se trouvaient réunies dans des cassettes particulières[436]. Celles-ci
-furent portées directement au roi, qui les examina. Il en trouva un
-certain nombre de madame de Sévigné, qui attirèrent son attention par
-l'enjouement, la grâce et la facilité du style. Mais quoiqu'il eût
-dit, et que Le Tellier eût répété après lui, que ces lettres,
-uniquement relatives à des affaires de famille, ne pouvaient que faire
-honneur à celle qui les avait écrites, dès qu'on en connut l'existence
-la malignité publique s'exerça sur notre aimable veuve. On voit par la
-lettre suivante, que madame de Sévigné écrivit alors à de Pomponne,
-combien elle était péniblement affectée des discours qu'on tenait à ce
-sujet dans le monde.
-
-
-LETTRE DE MADAME DE SÉVIGNÉ A M. DE POMPONNE.
-
- «Aux Rochers, ce 11 octobre 1661.
-
-«Il n'y a rien de plus vrai, que l'amitié se réchauffe quand on est
-dans les mêmes intérêts. Vous m'avez écrit si obligeamment là-dessus,
-que je ne puis y répondre plus juste qu'en vous assurant que j'ai les
-mêmes sentiments pour vous que vous avez pour moi, et qu'en un mot je
-vous honore et vous estime d'une façon toute particulière. Mais que
-dites-vous de tout ce qu'on a trouvé dans ces cassettes? Eussiez-vous
-jamais cru que mes pauvres lettres, pleines du mariage de M. de La
-Trousse et de toutes les affaires de sa maison, se trouvassent placées
-si mystérieusement? Je vous assure, quelque gloire que je puisse tirer
-par ceux qui me feront justice, de n'avoir jamais eu avec lui d'autre
-commerce que celui-là, que je ne laisse pas d'être sensiblement
-touchée de me voir obligée de me justifier, et peut-être fort
-inutilement, à l'égard de mille personnes qui ne comprendront jamais
-cette vérité. Je pense que vous comprenez bien la douleur que cela
-fait à un cœur comme le mien. Je vous conjure de dire sur cela ce que
-vous savez. Je ne puis avoir trop d'amis en cette occasion. J'attends
-avec impatience monsieur votre frère [l'abbé Arnauld][437], pour me
-consoler un peu avec lui de cette bizarre aventure; cependant je ne
-laisse pas de souhaiter de tout mon cœur du soulagement aux
-malheureux, et je vous demande toujours, monsieur, la consolation de
-votre amitié[438].
-
- * * * * *
-
-Simon de Pomponne, lorsque madame de Sévigné lui écrivait cette
-lettre, subissait le sort de plusieurs amis du surintendant, qui, sans
-être inculpés ni impliqués en rien dans son procès, et même sans être
-entièrement en disgrâce, avaient cependant, par mesure de précaution,
-été envoyés en exil. Les amis du surintendant étaient aussi ceux de
-madame de Sévigné, et ils lui étaient devenus plus chers depuis qu'ils
-étaient malheureux et persécutés. Aussi se montrait-elle très-active
-dans sa correspondance avec eux, afin d'avoir plus fréquemment de
-leurs nouvelles, et de ne pas laisser échapper une seule occasion de
-leur être utile.
-
-On connaît la noble conduite des gens de lettres envers Fouquet, qui
-s'était montré leur protecteur éclairé. Tous lui restèrent attachés
-dans son infortune[439]; et peut-être est-ce le concours unanime de
-leurs écrits qui a le plus contribué à intéresser si puissamment la
-postérité en sa faveur et à couvrir d'un voile les torts graves qui
-avaient fait de sa chute une des nécessités du bien public.
-Mademoiselle de Scudéry ne cessa point de lui écrire pendant tout le
-temps de sa captivité. Ce fut elle aussi qui s'éleva avec le plus de
-force contre ceux qui prenaient occasion des lettres trouvées dans les
-cassettes du surintendant pour se permettre des insinuations
-calomnieuses contre madame de Sévigné[440].
-
-Les bruits qu'on répandait à ce sujet la tourmentaient tellement,
-qu'elle s'adressait à tous ses amis pour les engager à détruire ce
-qu'ils avaient d'injurieux à son égard. Elle en écrivit à Ménage; mais
-lui n'avait pas attendu ses instances pour s'acquitter de ce devoir,
-avec tout le zèle que lui inspirait son vif et ancien attachement.
-Dans la réponse qu'il lui adressa, il lui manda ce qu'il avait déjà
-fait; et en même temps il lui donna des nouvelles de la querelle
-survenue au sujet de la préséance des ambassadeurs de France et
-d'Espagne à Londres, qui fut sur le point d'occasionner le
-renouvellement de la guerre. C'est à cette lettre qu'elle répondit des
-Rochers par celle qu'elle lui écrivit en date du 22 octobre.
-
-«Je me doutais, dit-elle, que vous auriez prévenu ma prière, et qu'il
-ne fallait rien dire à un ami si généreux que vous. Je suis au
-désespoir de ce qu'au lieu de vous écrire, comme je le fis, je ne vous
-envoyai pas tout d'un train une lettre de remercîments. Je m'en
-acquitte présentement, et vous supplie de croire que j'ai toute la
-reconnaissance que je dois de vos bontés. Je vous demande un
-compliment à mademoiselle de Scudéry sur le même sujet. Vous m'avez
-fait un extrême plaisir de me mander le détail de la grande nouvelle
-dont il est présentement question. Il n'en fallait pas une moindre
-pour faire oublier toutes celles que l'on découvre tous les jours dans
-les cassettes de M. le surintendant. Je voudrais de tout mon cœur que
-cela le fît oublier lui-même[441].»
-
-Il n'en était pas ainsi. Le procès de Fouquet se suivait avec ardeur,
-mais le nombre de pièces qu'il fallait dépouiller pour dresser un acte
-d'accusation de cette nature était immense. Trois ans se passèrent
-avant que l'accusé pût comparaître devant les magistrats commis pour
-le juger. Le surintendant fut amené pour la première fois devant ce
-tribunal illégal qu'il récusait, le 14 novembre 1664. Madame de
-Sévigné se trouvait alors à Paris. L'attention générale était en
-quelque sorte concentrée sur cette grande affaire. On s'en entretenait
-sans cesse; on en recueillait avec avidité les moindres détails de la
-bouche des juges ou des personnes qui leur appartenaient. Madame de
-Sévigné, outre le vif intérêt qu'elle y prenait elle-même, avait
-encore un motif particulier pour s'informer de tout avec exactitude.
-Elle s'était imposé la tâche de tenir au courant de toutes les phases
-et de toutes les circonstances du procès Simon de Pomponne et les
-autres exilés amis du surintendant, de manière à les mettre à portée
-d'apprécier avec exactitude les motifs de crainte ou d'espérance qu'on
-pouvait avoir.
-
-Simon de Pomponne, devenu suspect au roi par son amitié pour
-Fouquet[442] et son jansénisme, avait d'abord été exilé à Verdun; mais,
-protégé par de Lionne, qui était resté ministre, et aussi par Bertillac,
-trésorier de la reine mère, de Pomponne, après un an de séjour à Verdun,
-eut la permission de se rendre à La Ferté-sous-Jouarre, où des
-affaires de famille réclamaient sa présence[443]. De Pomponne resta
-dix-huit mois à La Ferté-sous-Jouarre. Ce ne fut qu'après ce temps
-écoulé qu'il lui fut permis de se retirer à sa terre de Pomponne; et
-c'est là que madame de Sévigné lui adressait les lettres où elle lui
-rendait compte de ce qui se passait à Paris, et surtout de tout ce qui
-concernait le procès de Fouquet.
-
-Toutes les lettres que de Pomponne recevait de madame de Sévigné, il
-les communiquait à son père, le célèbre Arnauld d'Andilly, qui se
-trouvait alors avec lui, et qu'on avait forcé aussi, à cause du
-surintendant, de s'éloigner de Port-Royal. Ces mêmes lettres
-étaient ensuite transmises au château de Fresne, peu éloigné de
-celui de Pomponne[444]. Madame de Guénégaud, qui revint à Paris
-et rejoignit madame de Sévigné avant la fin du procès, madame
-Duplessis-Bellière[445], et d'autres exilés amis et amies du
-surintendant, s'adressaient à de Pomponne pour en avoir des nouvelles,
-et pour s'informer de ce que madame de Sévigné lui en avait écrit.
-Madame de Sévigné ne l'ignorait pas. Aussi écrivait-elle exactement ce
-qu'elle appelait elle-même la gazette du procès.
-
-Les lettres qui renferment cette gazette sont peut-être de tous les
-écrits qui nous restent de madame de Sévigné ceux qui témoignent le
-plus de la sensibilité de son cœur, de sa grandeur d'âme, de sa
-constance et de son désintéressement dans le commerce de l'amitié.
-Lorsqu'elle les écrivit, elle était, ainsi qu'on le verra bientôt, en
-grande faveur à la cour. Elle avait autant d'admiration que
-d'affection pour Louis XIV; elle pensait déjà à l'établissement de sa
-fille; et ces nouveaux liens, ces intérêts si grands et si chers, ne
-l'arrêtèrent pas, et ne l'empêchèrent point de manifester les tendres
-et vives sympathies qui l'attachaient toujours à ses anciens amis, en
-butte aux rigueurs du pouvoir, et d'épancher tous les sentiments que
-lui inspiraient ses vives anxiétés sur le sort qui attendait le
-malheureux surintendant.
-
-Madame de Sévigné ne doutait point que les lettres qu'elle écrivait à
-de Pomponne ne fussent décachetées et lues par les agents du
-gouvernement; mais elle ne s'en inquiète pas, et elle mande à son
-correspondant que pour continuer à lui écrire, elle a seulement besoin
-de savoir si ses lettres lui parviennent[446].
-
-Ces lettres parurent pour la première fois en 1756, dans un recueil
-séparé, dont l'éditeur est resté inconnu[447].
-
-La première de ces lettres est datée du 17 novembre 1664; la dernière,
-du mois de janvier 1665, ce qui comprend un intervalle de temps d'un
-mois et demi[448]. Ces lettres renferment les seuls détails
-authentiques relatifs au procès de Fouquet étrangers aux actes
-juridiques et aux actes officiels; et, dans un procès de cette nature,
-ces détails sont les plus intéressants et même les plus importants de
-tous, parce que les récits qu'ils contiennent sont les vraies pièces
-d'après lesquelles la postérité juge les juges et l'accusation.
-
-Dans ces lettres, madame de Sévigné ne nomme jamais l'illustre accusé
-que _notre cher ami_[449]; et tous les traits de présence d'esprit, de
-fermeté et de dignité de caractère qu'il déploie, elle les note avec
-soin, et n'oublie aucune des circonstances, quelque minutieuses
-qu'elles soient, qui peuvent leur donner du relief. En les racontant,
-elle verse des larmes[450]. Elle n'approuve pas cependant que son ami
-s'impatiente contre ses juges; quelquefois elle dit: «Cette manière
-n'est pas bonne. Il se corrigera; mais, en vérité, la patience
-échappe, et il me semble que je ferais tout comme lui[451].»
-
-A mesure qu'approche l'instant qui doit décider du sort de Fouquet,
-madame de Sévigné ne paraît plus susceptible de s'occuper d'autre
-chose, et, au lieu de vouloir se distraire de sa douleur, elle se
-complaît dans tout ce qui la lui rappelle, dans tout ce qui peut
-l'accroître. Elle se transporte dans une maison voisine de l'Arsenal,
-uniquement pour voir passer Fouquet; et, protégée par son masque, elle
-a enfin cette triste satisfaction; mais ses jambes tremblent, et son
-cœur bat si fort qu'elle est sur le point de se trouver mal[452].
-
-Madame de Sévigné fait ressortir, avec une raillerie piquante ou une
-indignation amère, la partialité de certains juges, leur lâcheté, et
-l'animosité de Colbert, qu'elle appelle _Petit_[453]. Ce n'est pas
-qu'elle s'aveugle entièrement sur les torts de son ami. Elle
-comprenait bien quelles étaient les parties faibles ou glissantes,
-comme elle les appelle, de la défense[454]; mais elles augmentaient
-ses peines, sans rien diminuer de sa compassion. Ce qui lui importait
-dans cette cause n'était pas la culpabilité ou l'innocence de
-l'accusé; c'était le danger qui le menaçait, et les chances qu'il
-pouvait avoir d'y échapper ou d'y succomber. Et à cet égard les
-différentes phases du procès et les alternatives de crainte et
-d'espérance qu'elles faisaient naître la tenaient dans un état
-d'angoisse que sa plume nous peint à merveille.
-
-«Je ne crois pas, dit-elle, qu'il m'ait reconnue; mais je vous avoue
-que j'ai été extrêmement saisie quand je l'ai vu entrer dans cette
-petite porte. Si vous saviez combien on est malheureux quand on a le
-cœur fait comme je l'ai, vous auriez pitié de moi; mais je pense que
-vous n'en êtes pas quitte à meilleur marché, de la manière dont
-je vous connais. J'ai été voir votre chère voisine (madame
-Duplessis-Guénégaud); je vous plains autant de ne l'avoir plus, que
-nous nous trouvons heureux de l'avoir. Nous avons bien parlé de notre
-cher ami (Fouquet). Elle a vu Sapho (mademoiselle Scudéry), qui lui a
-donné du courage. Pour moi, j'irai demain en reprendre chez elle; car
-de temps en temps je sens que j'ai besoin de reconfort. Ce n'est pas
-que l'on ne dise mille choses qui doivent donner de l'espérance; mais,
-mon Dieu, j'ai l'imagination si vive, que tout, ce qui est incertain
-me fait mourir[455].»
-
-A cette époque la pénurie des finances et le système d'économie
-substitué par Colbert à celui des emprunts firent supprimer un
-quartier des rentes sur l'hôtel de ville, ce qui ajouta encore au
-mécontentement qu'occasionnait le procès de Fouquet. Madame de Sévigné
-avait de ces rentes, et elle dit au sujet du retranchement et du
-procès: «L'émotion est grande, mais la dureté l'est encore plus. Ne
-trouvez-vous pas que c'est entreprendre bien des choses à la fois?
-Celle qui me touche le plus n'est pas celle qui me fait perdre une
-partie de mon bien[456].»
-
-Il est souvent fait mention dans ces lettres du vieil ami,
-c'est-à-dire du père de M. de Pomponne, d'Arnauld d'Andilly, qui,
-malgré son grand âge, suivait avec un vif intérêt tous les détails du
-fameux procès. Le chancelier Pierre Seguier, dévoué à Colbert,
-présidait le tribunal avec une révoltante partialité. Comme il
-affectait une dévotion sévère, et que le chef-d'œuvre de Molière, le
-_Tartufe_, faisait alors grand bruit, Arnauld d'Andilly disait au
-sujet de Seguier, que c'était Pierrot métamorphosé en Tartufe[457].
-Madame de Sévigné fut si charmée de ce bon mot, qu'elle déclara être
-au désespoir de ne l'avoir pas dit la première. Le même aveu lui
-échappe, et elle éprouve le même plaisir, toutes les fois qu'on lui
-raconte une saillie, un trait d'esprit, une réflexion juste, une
-maxime utile, exprimée d'un manière vive et piquante.
-
-Pendant tout le cours du procès madame de Sévigné allait souvent dîner
-à l'hôtel de Nevers[458], chez madame Duplessis-Guénégaud, dont le
-mari, autrefois ministre et secrétaire d'État, se trouvait impliqué
-dans la disgrâce du surintendant. Madame Duplessis-Guénégaud avait,
-pendant la Fronde, servi la cour avec zèle, en cherchant à réconcilier
-le prince de Condé avec la reine. C'était une femme d'un grand sens,
-spirituelle, pleine de bonté et de dévouement pour ses amis. «Avec
-elle, dit madame de Motteville, on goûtait le véritable plaisir de la
-société agréable et vertueuse. Madame de Sévigné, qui trouvait dans le
-cœur de madame de Guénégaud les mêmes sympathies que celles qu'elle
-éprouvait, sentait encore s'augmenter l'affection qu'elle avait pour
-elle. Rien n'étreint plus fortement les nœuds de l'amitié que
-lorsqu'on participe aux mêmes peines et aux mêmes émotions.
-
-Il ne suffisait pas à madame de Sévigné de s'apitoyer sur le sort de
-son ami: elle agissait vivement, et sollicitait en sa faveur
-d'Ormesson, qui, nommé juge rapporteur du procès, pouvait avoir une si
-grande influence sur le jugement.
-
-«Voilà qui est donc fait, dit-elle, c'est à M. d'Ormesson à parler; il
-doit récapituler toute l'affaire: cela durera encore toute la semaine
-prochaine, c'est-à-dire qu'entre ci et là ce n'est pas vivre que la
-vie que nous passerons. Pour moi, je ne suis pas reconnaissable, et je
-ne crois pas que je puisse aller jusque là. M. d'Ormesson m'a priée de
-ne plus le voir que l'affaire ne soit jugée. Il est dans le conclave,
-il ne veut pas avoir de commerce avec le monde; il affecte une grande
-réserve; il ne parle point, il écoute: et j'ai eu ce plaisir, en lui
-disant adieu, de lui dire tout ce que je pense[459].»
-
-La famille de Fouquet et ses affidés ne croyaient point qu'il pût être
-condamné à mort. Cette sécurité faisait mal à madame de Sévigné,
-intimement liée avec plusieurs ennemis du surintendant: elle
-n'ignorait ni leurs dispositions, ni leur puissance, ni les intentions
-du roi. Aussi elle n'aimait à parler de cette affaire qu'avec madame
-Duplessis-Guénégaud, qui partageait toutes ses craintes. Cependant
-elle écrivait: «Au fond de mon cœur, j'ai un petit brin d'espérance.
-Je ne sais d'où il me vient et où il va; et même il n'est pas assez
-grand pour que je puisse dormir en repos[460].»
-
-Si l'arrêt est tel qu'elle peut l'espérer, elle pense à la joie
-qu'elle aura d'envoyer un courrier, à bride abattue, porter cette
-nouvelle à de Pomponne. Toutes ses craintes se renouvellent, parce
-qu'elle a su que le roi avait dit à son lever «que Fouquet était un
-homme dangereux[461]». Et en effet un tel propos de la part du roi,
-dans la situation où se trouvait l'affaire, était une condamnation;
-c'était ravir l'indépendance aux juges et l'impartialité à la justice.
-
-Aussi, lorsque madame de Sévigné apprit que d'Ormesson avait opiné au
-bannissement perpétuel de l'accusé et à la confiscation de tous ses
-biens, elle s'en réjouit, et, en annonçant cette nouvelle à de
-Pomponne, elle ajoute: «M. d'Ormesson a couronné par là sa réputation.
-L'avis est un peu sévère; mais prions Dieu qu'il soit suivi.» En
-effet, le rapport de M. d'Ormesson et son opinion modérée lui
-donnèrent dans le monde la réputation d'un homme de talent et de
-courage.
-
-Les premiers juges qui opinèrent après le rapporteur furent
-Saint-Hélène et Pussort, l'oncle de Colbert. Fouquet, mais en vain,
-les avait récusés tous deux. Ils conclurent à ce que l'accusé eût la
-tête tranchée. Mais un des juges, nommé Berrier, voué à Colbert et à
-toutes ses haines, devint fou pendant qu'on était aux opinions, et
-avant le jugement. Dans cet intervalle aussi une comète apparut; M. de
-Neuré, fameux astrologue, assurait qu'elle était d'une grandeur
-considérable. Tout cela mit les esprits en émoi, et ajoutait aux
-agitations de madame de Sévigné. C'est très-sérieusement qu'elle
-entretient de Pomponne du pronostic de cette comète. Ce n'étaient pas
-seulement les femmes qui croyaient alors à l'influence des astres sur
-les affaires humaines[462], c'étaient aussi des hommes remarquables
-par leur esprit et leurs lumières. Cependant Fouquet n'avait pas cette
-faiblesse; et lorsqu'il sut que l'on rattachait l'apparition de la
-comète à ce qui lui arrivait de personnel, il dit spirituellement: «La
-comète me fait trop d'honneur[463].»
-
-Mais plus le moment qui devait décider de son sort, s'approchait, plus
-l'on s'occupait de lui, plus s'augmentaient aussi les anxiétés de
-madame de Sévigné. «Tout le monde, dit-elle, s'intéresse dans cette
-grande affaire. On ne parle d'autre chose; on raisonne, on tire des
-conséquences, on compte sur ses doigts, on s'attendrit, on craint, on
-souhaite, on hait, on admire, on est triste, on est accablé; enfin,
-mon pauvre monsieur, c'est une chose extraordinaire que l'état où l'on
-est présentement, c'est une chose divine que la résignation et la
-fermeté de notre cher malheureux. Il sait tous les jours ce qui se
-passe, et il faudrait faire des volumes à sa louange[464].»
-
-Enfin, le samedi 20 décembre madame de Sévigné envoie un courrier à de
-Pomponne, pour lui annoncer que Fouquet a la vie sauve. Dans la lettre
-qu'elle écrivit ensuite, quoiqu'elle ait appris que le roi avait
-aggravé la peine, changé l'exil en prison et refusé à Fouquet sa
-femme, elle ne veut pas que de Pomponne rabatte rien de la joie qu'a
-dû lui causer l'arrivée de son courrier. «La mienne, dit-elle, est
-augmentée s'il se peut, et le procédé me fait mieux voir la grandeur
-de notre victoire.» Elle avait raison: le roi prouvait par cet abus de
-sa puissance combien il avait compté sur la condamnation à la peine
-capitale[465]. Fouquet ne l'ignorait pas, ainsi que le prouve le
-passage suivant de la lettre où madame de Sévigné raconte ce qui eut
-lieu lorsqu'on reconduisit le surintendant en prison, après qu'il eut
-entendu la lecture de l'arrêt qui le condamnait. «Cependant M. Fouquet
-est allé dans la chambre de M. d'Artagnan: pendant qu'il y était, il a
-vu par la fenêtre passer M. d'Ormesson, qui venait de reprendre
-quelques papiers qui étaient entre les mains de M. d'Artagnan. M.
-Fouquet l'a aperçu; il l'a salué avec un visage ouvert et plein de
-joie et de reconnaissance; il lui a même crié qu'il était son humble
-serviteur. M. d'Ormesson lui a rendu son salut avec une grande
-civilité, et s'en est venu, le cœur tout serré, me conter ce qu'il
-avait vu[466].»
-
-Comme on avait séparé Fouquet, non-seulement de sa femme, mais de son
-médecin resté son ami, et de son plus fidèle domestique, on crut que
-ses ennemis, après l'avoir vu échapper à regret à une exécution
-publique, avaient formé le projet de l'empoisonner. En tout temps, une
-des premières punitions que subissent ceux qui tiennent le pouvoir
-quand ils s'écartent des formes de la justice est d'être aussitôt
-jugés capables des crimes les plus odieux.
-
-«Si vous saviez, dit madame de Sévigné, comme cette cruauté paraît à
-tout le monde, de lui avoir ôté Pecquet et Lavallée! C'est une chose
-inconcevable; on en tire des conséquences fâcheuses, dont Dieu le
-préserve, comme il a fait jusque ici!» Puis après cette citation,
-_Tantæne animis cœlestibus iræ_, qui prouve ses études classiques,
-elle ajoute: «Mais non, ce n'est point de si haut que cela vient. De
-telles vengeances, rudes et basses, ne sauraient partir d'un cœur
-comme celui de notre maître. On se sert de son nom, et on le profane,
-comme vous voyez.» Cependant elle a vu le même jour la comète avec sa
-longue queue, et elle y met une partie de ses espérances[467]. Puis
-ses soupçons lui reviennent, et elle écrit à son correspondant:
-«Soyons comme lui, ayons du courage, et ne nous accoutumons pas à la
-joie que nous donna l'admirable arrêt de samedi. Il a couru un bruit
-qu'il était malade. Tout le monde disait: Quoi, déjà[468]!...»
-
-Il fallait que la crainte de voir condamner à mort le surintendant eût
-été bien forte et bien générale, pour que madame de Sévigné donnât
-l'épithète d'admirable à un arrêt qui consommait la ruine totale de
-l'accusé et le condamnait à un exil perpétuel. Tous ceux qui à la cour
-lui étaient attachés dans son malheur s'efforçaient de lire sur le
-visage du monarque l'espérance d'un meilleur avenir. Mais madame de
-Sévigné, à qui Louis XIV n'adressa jamais que des paroles agréables et
-flatteuses, nous prouve, par ce qu'elle dit de lui à ce sujet, qu'il
-eut dès sa jeunesse cet air digne et réservé qui ne permettait pas de
-pouvoir deviner aucune des pensées qui l'occupaient ou des sentiments
-dont il était agité, et qu'il conservait même au milieu des fêtes et
-des plaisirs cet aspect sévère qui imposait à tous ceux qui
-l'approchaient. Après avoir raconté à de Pomponne les détails qu'elle
-a appris sur le voyage de Fouquet à sa prison de Pignerol, d'où il ne
-devait plus sortir, elle parle ensuite des égards que d'Artagnan,
-chargé de le conduire, avait pour lui. «On espère toujours des
-adoucissements à son sort; je les espère aussi. L'espérance m'a trop
-bien servie pour l'abandonner. Ce n'est pas que toutes les fois qu'à
-nos ballets je regarde notre maître, ces deux vers du Tasse ne me
-reviennent en mémoire:
-
- Goffredo ascolta, e in rigida sembianza
- Porge più di timor che di speranza[469].»
-
-Louis XIV avait trop de grandeur d'âme et un cœur trop généreux pour
-conserver du ressentiment contre ceux qui s'étaient montrés sensibles
-à l'amitié et étaient restés fidèles à l'infortune. Les amis et les
-parents de Fouquet rentrèrent en grâce auprès du jeune monarque;
-plusieurs même jouirent de toute sa faveur, et firent un chemin
-rapide; mais il ne se relâcha en rien de ses rigueurs contre le
-prisonnier de Pignerol. Le temps travaille vite pour ceux qui sont
-heureux. Bientôt Fouquet, avec lequel il était devenu impossible de
-communiquer, pour lequel il était défendu de solliciter, fut oublié.
-Ceux même qui l'avaient chéri le plus, qui lui avaient donné les plus
-grandes preuves de dévouement, satisfaits d'avoir, par la courageuse
-conduite qu'ils avaient tenue au moment du procès, contribué à lui
-sauver la vie, n'en parlèrent plus. De nouveaux événements, plus
-importants, se succédèrent avec rapidité, et attirèrent l'attention
-publique. Madame de Sévigné, dans une lettre écrite à sa fille huit
-ans après le jugement rendu contre Fouquet, nous apprend qu'il
-supportait héroïquement sa prison[470], et qu'il espérait de voir
-alléger sa peine. Mais la manière dont elle en parle prouve bien que,
-même chez elle, le souvenir de cet ami de sa jeunesse s'était affaibli
-avec les années, et qu'entièrement livrée à d'autres intérêts et
-d'autres affections, elle en était peu préoccupée. Les espérances
-qu'avait alors Fouquet de voir se relâcher les rigueurs de sa
-captivité furent encore longues à se réaliser; car ce ne fut que dix
-ans après qu'il lui fut permis de s'entretenir avec sa femme[471].
-C'était l'époque où Lauzun fut aussi enfermé à Pignerol[472]. Les
-chambres des deux prisonniers étaient l'une au-dessous de l'autre. Par
-un trou que Lauzun pratiqua, il parvint à communiquer avec
-Fouquet[473]. Quelle fut la surprise de celui-ci, qui depuis quinze
-ans avait été tenu au secret, et dans une ignorance complète de tout
-ce qui s'était passé dans le monde, de voir ce Puiguilhem, ce cadet de
-Gascogne, qu'il avait laissé jeune homme, pointant à peine à la cour,
-lui raconter comment il avait été fait général des dragons, capitaine
-des gardes du corps, général d'armée; puis lui donner les détails des
-dispositions prises pour son mariage avec la grande MADEMOISELLE,
-mariage qui devait se faire avec le consentement du roi! Fouquet crut
-que Puiguilhem était devenu fou, et n'était enfermé que pour cette
-cause; sa surprise fut au comble lorsqu'on lui assura que M. de Lauzun
-n'avait rien dit qui ne fût vrai[474]. Enfin la captivité de Fouquet
-devint moins sévère; il put voir sa famille, et même les officiers et
-les habitants de la ville de Pignerol[475]. Il paraît qu'on finit
-alors par lui accorder la permission de sortir de sa prison, pour
-aller aux eaux de Bourbonne y rétablir sa santé. Si cette permission
-fut accordée, elle parvint trop tard à Pignerol; Fouquet n'était déjà
-plus. Dans une lettre datée du 3 avril 1680, madame de Sévigné exprime
-en deux ou trois lignes le chagrin que lui cause l'annonce de cette
-mort; mais elle paraît en même temps bien plus affectée de légères
-altérations qu'éprouvait alors la santé de madame de Grignan, que de
-la perte de cet ami de sa jeunesse[476].
-
-Ainsi, cet homme dont l'existence avait eu tant de splendeur et
-d'éclat, et qui pendant les neuf dernières années de sa prospérité
-avait été entouré de tant de clients, de protégés, de partisans et de
-flatteurs; qui avait eu si souvent pour hôtes, à sa table, des rois et
-des reines; qui, avide de toutes les jouissances des sens et de
-l'esprit, s'était saturé de toutes les délices de la vie, après une
-captivité qui dura dix-neuf ans, disparut du monde, tellement oublié,
-tellement délaissé, obscur, inaperçu, que ce fut un problème, même
-parmi ses amis d'autrefois, de savoir s'il était mort en prison, ou
-quelques jours après avoir recouvré sa pleine et entière liberté[477].
-
-Voltaire lui-même ayant paru incertain sur le lieu où mourut Fouquet,
-on a, selon l'usage, cherché à fonder sur ce doute les plus étranges
-romans. On a fait du surintendant un ermite des Cévennes, et on a
-voulu trouver en lui l'Homme au masque de fer. Aujourd'hui aucun doute
-sur ce sujet n'est permis pour qui sait apprécier la valeur des
-preuves historiques, et dégager leur lumière vive et pure des
-brouillards dont la crédulité et l'amour du merveilleux se plaisent
-souvent à l'envelopper. Des actes authentiques et notariés et la
-correspondance de Louvois avec Saint-Mars démontrent que Fouquet est
-mort à Pignerol, où alors se trouvaient présents sa femme et un de ses
-fils, auxquels son corps fut livré pour être inhumé selon leur
-volonté[478]. Cette mort presque subite contraria les généreuses
-intentions de Louis XIV et de ses ministres, qui depuis longtemps
-avaient résolu de donner la liberté au surintendant[479]. A cette
-époque (en 1680) les ministres savaient que Fouquet n'était plus à
-craindre pour eux; qu'il ne pouvait plus participer aux affaires, ni
-rentrer en grâce auprès du monarque. Le temps avait diminué
-l'importance des secrets d'État qui avaient forcé Louis XIV à faire
-subir à Fouquet une si longue et si dure incarcération. Les événements
-qui s'étaient passés avaient cessé d'en faire craindre la divulgation.
-La mort de Fouquet enleva à Louis XIV tout le fruit de sa tardive
-clémence, et vint donner à une juste punition ce caractère
-d'implacable cruauté, qui eût disparu si ce grand coupable, devenu un
-homme sage et pieux, eût passé les restes d'une vie qui pouvait encore
-longtemps se prolonger, auprès de son héroïque femme et dans le sein
-de sa famille, encore riche, heureuse et puissante, par les bienfaits
-du monarque. Les graves délits du surintendant furent oubliés; on ne
-se souvint plus que de ses talents, de sa prospérité, de sa chute et
-de ses souffrances. Sa mort, qui sembla prématurée, fit même
-soupçonner un crime; et le procès qui lui fut fait est devenu le
-canevas banal sur lequel aiment à broder ceux qui s'imposent la tâche
-facile d'émouvoir la sensibilité des lecteurs vulgaires, et qui ne
-voient dans les actes du pouvoir que des motifs de haine, de
-vengeance, et d'odieuse tyrannie; et dans ceux qu'il est obligé de
-frapper, que des héros du malheur et des victimes innocentes.
-
- [436] CONRART, _Mém._, t. XLVIII, p. 256 à 259.--MOTTEVILLE, LXL,
- p. 162.
-
- [437] Voyez ci-dessus, p. 205 et 206.
-
- [438] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 58, édit. de Monmerqué, 1820;
- t. I, p. 86 de l'édit. de G. de S.-G.
-
- [439] _Histoire de la Vie et des Ouvrages de La Fontaine_, 3e
- édition, p. 390.
-
- [440] _Ménagiana_, t. I, p. 19.
-
- [441] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 60, édit. 1820; ou t. I, p.
- 96, édit. de G. de S.-G.
-
- [442] SÉVIGNÉ, t. I, p. 58, note _a_, édit. 1820.--PETITOT,
- _Notice sur Port-Royal_, dans les _Mémoires_, t. XXXIII, p. 161.
-
- [443] L'abbé ARNAULD, _Mém._, t. XXXIV, p. 318.--MONMERQUÉ, dans
- les _Mém. de Coulanges_, p. 383, et l'article _Pomponne_, dans la
- _Biographie universelle_, t. XXXV, p. 321.
-
- [444] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 62 (en date du 17 novembre).
-
- [445] _Lettre de madame Duplessis-Bellière à Pomponne_, dans les
- _Mémoires de_ CONRART, t. XLVIII, p. 259, datée de Châlons le 19
- septembre 1661.
-
- [446] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 79 (en date du 24 au 26
- novembre).
-
- [447] _Lettres de madame de S*** à M. de Pompone_; à Amsterdam,
- 1756, in-12 (73 pages).
-
- [448] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 62-105, édit. Monm.; t. I, p.
- 100 à 149 de l'édit. de G. de S.-G.
-
- [449] SÉVIGNÉ, t. I, p. 65.
-
- [450] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 66, 69-84 (du 18 novembre
- 1664).
-
- [451] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 70.
-
- [452] Ibid., p. 77 (en date du 27 novembre).
-
- [453] Ibid., p. 67.
-
- [454] Ibid., p. 71 (en date du 20 novembre 1664).
-
- [455] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 78 (27 novembre 1664).
-
- [456] Ibid., ibid.
-
- [457] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 82 (_lettre_ en date du 1er
- décembre 1664).
-
- [458] Cet hôtel, placé où est actuellement l'hôtel des Monnaies,
- acheté par Guénégaud à la duchesse de Nevers, en 1641, fut nommé
- l'hôtel Guénégaud. Conférez: MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p.
- 373.--GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 351.--BEREY, _Plan de
- Paris_, en quatre feuilles, 1654.--JAILLOT, _Recherches sur
- Paris_, quartier Saint-Germain des Prés, t. V, p. 54, 68, 69.--M.
- B*** (Germain Brice), _Description nouvelle de ce qu'il y a de
- plus remarquable dans la ville de Paris_, 1685, in-12, t. II, p.
- 217; édit. de 1698, p. 389.--LE MAIRE, _Paris ancien et nouveau_,
- 1685, t. III, p. 237.--PIGANIOL DE LA FORCE, _Description de
- Paris_, t. VIII, p. 231.--GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p.
- 330.--JOLY, _Mém._, t. XLVII, p. 213.
-
- [459] SÉVIGNÉ, _Lettres_, édit. de Monmerqué, t. I, p. 88 (en
- date du 5 décembre 1664).
-
- [460] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 90, édit. 1820 (en date du 9
- novembre 1664).
-
- [461] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 96 (en date du 17 décembre
- 1664).
-
- [462] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 97 (du 17 décembre
- 1664).--GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 360.
-
- [463] CHOISY, _Mémoires_, t. LXIV, p. 249 à 265.
-
- [464] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 99 (en date du 17 décembre
- 1664).
-
- [465] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mémoires inédits_, t. II, p. 211.
-
- [466] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 104 (en date du 22 décembre
- 1664).
-
- [467] SÉVIGNÉ, _Lettres_, p. 105 et 106.
-
- [468] Ibid., p. 107.
-
- [469] TASSO, _Gerusalemme liberata_, canto V, st. 35.
-
- [470] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. II, p. 369 (en date du 23 mars
- 1672).
-
- [471] _Lettre de Louvois_, du 18 octobre 1672, dans DELORT,
- _Histoire de la Détention des Philosophes_, etc., t. I, p. 40 et
- 195.
-
- [472] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. V, p. 394 (en date du 27 février
- 1679).--SAINT-SIMON, _OEuvres_, t. X, p. 137-138.
-
- [473] _Lettre de Louvois_, avril 1680.
-
- [474] Voyez les _Lettres de Louvois_, en date des 24 janvier et
- 18 avril 1680, dans DELORT, _Histoire de la Détention des
- Philosophes et des Gens de lettres_, t. I, p. 314 et 317.
-
- [475] _Lettres de Louvois_, 15 février, 6 mars et 10 mai 1679,
- dans DELORT, _Histoire de la Détention des Philosophes et des
- Gens de lettres_, t. I, p. 286.
-
- [476] SÉVIGNÉ, _lettre_ du 3 avril 1680, t. VI, p. 217.
-
- [477] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 401.--SÉVIGNÉ, _Lettres_, 5,
- 6 avril 1680, t. VI, p. 223.--BUSSY, _Lettres_, t. IV, p.
- 428.--BAROLETTI, _Notice sur la mort du surintendant Fouquet_,
- Turin, 1812, in-4º.--_Mercure de France_, octobre 1754, p. 142 et
- 143.
-
- [478] _Lettres de Louvois_ à Saint-Mars depuis les années 1672 à
- 1680, dans DELORT, _Hist. de la détention de Fouquet, de
- Pellisson et Lauzun_, t. I de l'_Hist. de la Détention des
- Philosophes et des Gens de lettres_, p. 195, 321.
-
- [479] PAROLETTI, _Notice sur la mort du surintendant Fouquet_,
- Turin, 1812, in-4º.--GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 461.--BUSSY,
- _Lettres_, t. IV, p. 428.
-
-
-
-
-CHAPITRE XX.
-
-1662-1663.
-
- Louis XIV prend en main les rênes de son gouvernement.--Situation
- critique des affaires.--Ses réformes.--Ordre qu'il introduit dans
- les finances.--Il assure la préséance de ses
- ambassadeurs.--Sépare le pouvoir judiciaire du pouvoir
- administratif, et restreint la puissance des gouverneurs de
- place.--Nomination de Péréfixe à l'archevêché de
- Paris.--Prédications de Bossuet.--L'activité des esprits trouve
- un aliment dans les controverses religieuses.--Commencements des
- persécutions religieuses.--Mesures de Louis XIV contre le
- jansénisme et les protestants.--Zèle religieux du prince de
- Conti.--L'opposition politique ne se manifeste que par des
- vaudevilles et des épigrammes.--Goût de la nation pour la
- littérature dramatique.--Protection accordée par Louis XIV aux
- gens de lettres; bienfaits qu'il répand sur eux.--Corneille se
- remet à composer pour le théâtre, et donne _Sertorius_.--Il fait
- des vers à la louange du roi.--Libelle de l'abbé d'Aubignac
- contre Corneille.--Succès de l'_École des Femmes_.--Guerre
- littéraire qu'il occasionne.--Molière répond à ses ennemis par la
- _Critique de l'École des Femmes_.--Vers de Boileau à sa
- louange.--Boileau n'avait rien publié, mais ses premières Satires
- étaient connues.--Nouvelle génération d'écrivains qui fait la
- guerre aux coteries littéraires.--Vives attaques de
- Boileau.--Racine commence en province; il est lié avec La
- Fontaine.--Ces quatre poëtes jettent un vif éclat sur le règne de
- Louis XIV.--Ce roi, après avoir organisé l'État, s'occupe de
- régler sa cour.--Différence de la position des souverains de
- cette époque avec ceux d'aujourd'hui.--La cour renfermait alors
- en hommes tout ce qui faisait la gloire et la force du
- pays.--Molière ne put peindre impunément les ridicules que parce
- qu'il était protégé par le roi.--Boileau fut obligé de modérer
- l'âcreté de ses Satires.--Nominations de cordons bleus.--Condé
- est admis à en choisir un.--Il nomme Guitaut, ami de madame de
- Sévigné, son voisin en Bourgogne.--Fureur du comte de Coligny à
- ce sujet. Louis XIV institue les justaucorps bleus.--Privilége
- qu'il y attache.--Il s'occupe de ses fêtes aussi bien que de ses
- négociations.--Ballet d'_Hercule amoureux_.--Beau carrousel donné
- en 1662.--Louis XIV se laisse aller à son penchant pour les
- femmes.--La cour est remplie d'intrigues amoureuses.--La comtesse
- de Soissons est contre La Vallière.--Ne pouvant réussir auprès du
- roi, elle favorise ses amours avec La Mothe-Houdancourt.--La
- Vallière en conçoit un si grand chagrin, qu'elle se retire à
- Chaillot.--Le roi va la reprendre.--Intrigue coupable ourdie par
- la comtesse de Soissons, Vardes et mademoiselle Montalais, pour
- faire chasser La Vallière.--Intrigues de MADAME avec le comte de
- Guiche, de La Mothe-Houdancourt avec le comte de Gramont.--Toutes
- ces intrigues n'aboutissent qu'à faire expulser de la cour la
- comtesse de Soissons, le comte de Gramont, le comte de Guiche, et
- occasionnent la disgrâce, non méritée, du duc et de la duchesse
- de Navailles.--Corbinelli, l'ami de madame de Sévigné, mêlé dans
- l'affaire de mademoiselle Montalais et du comte de Guiche.--Point
- de lettres de madame de Sévigné pendant cette année; elle
- s'éloigne peu de la capitale.--Madame de La Fayette, pendant
- qu'elle en était absente, dut l'instruire de ce qui se passait à
- Fontainebleau, à Saint-Cloud, à Versailles.--Madame de Sévigné
- présente à la cour sa fille, qui figure dans les ballets
- royaux.--Liée avec les religieuses de Sainte-Marie, elle a dû
- assister au panégyrique de saint François de Sales.--Corbinelli
- est membre d'une académie italienne.--Le _Grand Dictionnaire des
- Précieuses_ paraît.--Portrait que l'auteur fait de madame de
- Sévigné et de Corbinelli.
-
-
-Revenons sur nos pas. Oublions Fouquet, Mazarin, la Fronde, l'hôtel de
-Rambouillet, et toutes les intrigues et tous les acteurs de ces temps:
-ils ne sont plus. Louis XIV règne; et, comme il le dit lui-même dans
-le premier conseil qu'il tint, «La face du théâtre change[480]». Elle
-change en effet, avec la rapidité qu'imprime toujours aux affaires et
-aux destinées d'un grand État l'homme qui, né pour commander aux
-autres, est appelé à exercer le pouvoir quand toutes les résistances
-ont cessé, et que tous les partis se sont mutuellement anéantis par
-leurs excès[481]. Dans cette première année, où il eut à lutter contre
-tous les embarras d'une disette[482], Louis XIV licencia la plus
-grande partie de son armée, et rendit ainsi, sans trouble, une foule
-de bras à l'agriculture et à l'industrie; il établit l'ordre et
-l'économie dans toutes les parties de l'administration; réduisit le
-taux des impôts, qui était excessif, et cependant augmenta leurs
-produits par de fortes réductions dans les frais de perception, et par
-une répartition plus égale. Les habitants du Boulonais, se trouvant
-lésés par les mesures qu'il prit à cet effet, se révoltèrent; il les
-châtia sévèrement. «La coutume de nos voisins (dit-il dans ses
-Instructions au Dauphin, en parlant de cette révolte et de la
-promptitude qu'il mit à la réprimer) est d'attendre leurs ressources
-des révolutions de la France[483].» Il régla toutes ses dépenses sur
-le pied de paix, et en même temps éleva son revenu sur le pied de
-guerre; imitant ainsi la politique des Romains, chez qui la guerre
-était toujours populaire, parce que pour y subvenir on répandait
-l'aisance parmi les citoyens, en dissipant les trésors amassés pendant
-la paix. Louis XIV dans cette même année acquit, par une cession, des
-droits sur la Lorraine et le Barrois[484], et acheta Dunkerque au roi
-d'Angleterre. Il protégea le Portugal contre l'Espagne, l'empereur et
-Venise contre les Turcs, l'électeur de Mayence contre ses sujets, la
-Hollande contre l'Angleterre et contre l'évêque de Munster. A Londres
-et à Rome, il assura le rang de préséance à ses ambassadeurs, avec une
-fermeté et une hauteur qui étonnèrent l'Europe, accrurent la dignité
-de sa couronne, et imprimèrent un grand respect à son nom[485]. Il mit
-tous ses soins à régulariser l'action de la puissance royale, de
-manière à empêcher les factions de renaître. Il cassa des arrêts que
-le parlement avait rendus pour la libre circulation des grains. Par
-lui, le pouvoir judiciaire se trouva nettement séparé du pouvoir
-civil, et le pouvoir administratif de la force militaire. Afin de
-tenir celle-ci dans une dépendance plus étroite, il ne donna plus aux
-commandants des places de guerre et aux titulaires des grands
-gouvernements, des provisions que pour trois ans[486].
-
-Le cardinal de Retz fut amené à donner sa démission pure et simple de
-son archevêché de Paris; et Louis XIV, en nommant à ce premier siége
-du royaume Péréfixe, qui avait été son précepteur et lui était tout
-dévoué, ajoutait encore à la stabilité du trône par la sanction que la
-religion lui donne[487]. La puissance de la religion sur les esprits
-était grande alors. Le jeune Bossuet, par sa profonde doctrine, par
-son zèle de missionnaire, par sa chaleur d'apôtre, par son éloquence
-inégale, mais souvent sublime, donnait à cette époque un vif éclat à
-la chaire évangélique. Les excellents traités des solitaires de
-Port-Royal, et les lettres piquantes de Pascal, alors si répandues et
-si goûtées, donnaient aux prédicateurs un auditoire préparé à tout ce
-que la croyance catholique peut acquérir d'empire sur les esprits.
-Banni du domaine de la politique, le génie de la controverse, des
-cabales et des partis s'était réfugié dans les régions de la
-théologie. A cet égard le jeune roi se montra moins sage que Mazarin;
-il commença dès lors à s'engager dans la route qui contribua tant à
-rendre déplorable la fin de son règne, si lumineux à son matin, si
-éclatant à son midi. Il voulut employer la contrainte là où la
-contrainte ne peut rien. Il commença par de légères mais injustes
-persécutions contre les jansénistes et les protestants, quoique les
-premiers professassent, dans leurs déclarations du moins, la plus
-entière soumission au pape et à son autorité, et que le culte des
-seconds se trouvât sous la protection des édits rendus par les
-prédécesseurs de Louis XIV et confirmés par lui. Un grand nombre de
-temples protestants, qu'on prétendit avoir été ouverts contrairement
-aux ordonnances, furent fermés. Le prince de Conti, qui commandait en
-Languedoc, était devenu dévot; il fanatisait les peuples en envoyant
-de tous côtés d'ardents et intolérants missionnaires, et il expulsait
-les comédiens dans toute l'étendue de son gouvernement[488].
-
-Cependant le goût général de la nation, et de Louis XIV lui-même, pour
-les représentations théâtrales et la littérature dramatique,
-s'accroissait toujours. Une nouvelle troupe, après celle de Molière,
-s'était encore établie à Paris, sous la protection de MADEMOISELLE;
-elle était dirigée par un certain Dorimon, ainsi que Molière auteur et
-acteur, mais qui n'avait que ces points de ressemblance avec le grand
-comique. Aussi cette troupe ne put-elle se maintenir; le haut
-patronage qui la soutenait vint bientôt à lui manquer[489]. Louis XIV,
-qui voulait tout asservir aux besoins de sa politique, mécontent que
-sa cousine eût refusé d'épouser le roi de Portugal, l'exila de la
-cour, et la força de se retirer encore une fois à son château de
-Saint-Fargeau[490]. Mais les deux Corneille eurent part aux bienfaits
-que le jeune roi répandait alors sur les gens de lettres[491]; et
-quoique cette part fût modique, elle suffit pour les attirer à Paris,
-et ramener dans la carrière du théâtre le vieil auteur de _Cinna_ et
-des _Horaces_; il produisit _Sertorius_, et ce fut son dernier
-chef-d'œuvre. De tous les poëtes du temps qui firent des vers à la
-louange de Louis XIV, en échange des dons qu'ils en avaient reçus, ce
-fut encore l'auteur du _Cid_ qui sut faire entendre les accents les
-plus nobles et les plus harmonieux pour célébrer un monarque qui
-connaissait si bien
-
- L'art de se faire craindre et de se faire aimer.....
- Qui prévient l'espérance et surprend les souhaits.
-
-Dans l'effusion de sa reconnaissance, le poëte termine en disant:
-
- Commande, et j'entreprends; ordonne, et j'exécute[492].
-
-Les nouveaux succès de Corneille excitèrent encore l'envie contre ce
-grand homme: il fut attaqué par l'abbé d'Aubignac, et défendu par de
-Visé, mais beaucoup mieux encore par sa réputation et son génie[493].
-Cependant cette guerre littéraire ne fut rien en comparaison de celle
-que fit naître contre Molière la réussite de _l'École des Femmes_.
-Depuis le _Cid_ jamais pièce de théâtre n'avait eu une telle vogue; et
-aucune n'excita un si violent soulèvement, ni ne donna lieu contre son
-auteur à tant de virulentes attaques. Molière, fort de l'approbation
-du public, osa se venger de ses détracteurs en les traduisant tous sur
-la scène, dans la petite pièce intitulée _la Critique de l'École des
-Femmes_. Tous ceux qui avaient écrit contre la nouvelle comédie, ou
-qui la désapprouvaient par leurs discours, prétendaient que c'était
-une production médiocre, dépourvue de goût, de décence et de raison,
-et sans aucune connaissance des règles de l'art. A ces jugements
-iniques le jeune Boileau opposa le sien, qui fut celui de la
-postérité. Dans les stances qu'il adressa à ce sujet à l'auteur des
-_Précieuses ridicules_, il lui disait:
-
- Ta muse avec utilité
- Dit plaisamment la vérité;
- Chacun profite à ton école:
- Tout en est beau, tout en est bon,
- Et ta plus burlesque parole
- Est souvent un docte sermon[494].
-
-Boileau n'avait encore rien publié, et cependant nous voyons, par le
-libelle de l'abbé d'Aubignac contre Corneille, et par les lettres
-particulières de Racine, que déjà le suffrage de _monsieur Despréaux_
-faisait autorité[495]. C'est que déjà il avait composé trois de ses
-satires; qu'il en avait fait des lectures; et que ses vers précis,
-nombreux, élégants, abondants en saillies, s'étaient gravés dans la
-mémoire d'un grand nombre de personnes, et étaient cités avant d'avoir
-été rendus publics. Molière et Boileau se présentaient à la nouvelle
-génération, dont ils faisaient partie, pour accomplir une même
-mission. Leur talent était divers, leurs moyens différents, mais leur
-but était le même. Tous deux venaient faire une guerre implacable aux
-vices, aux ridicules et aux travers de la société de leur temps, et
-voulaient venger la raison et le bon goût, du pédantisme, de
-l'hypocrisie et du faux bel esprit. Tous deux, sans autre appui que
-leur génie, se déclaraient avec courage contre les coteries
-littéraires et les ruelles, qui, à l'imitation de l'hôtel de
-Rambouillet, avaient la prétention de servir de modèle au beau monde
-et de régler ses mœurs, ses manières, ses jugements et son langage.
-Boileau, plus jeune, indépendant, insouciant des richesses, sans
-ambition, sans fortune à conserver, sans fortune à faire, sans
-protecteurs à ménager, sans autre passion que celle des vers, mit dans
-ses attaques plus d'audace, de brusquerie et de rudesse. Dès son
-début, il inséra dans ses satires les noms des personnes qu'il voulait
-livrer à la risée ou au mépris public[496]. Chapelain lui-même, cet
-oracle de la littérature, dont le grand Corneille ne parlait qu'avec
-respect, ne fut pas à l'abri des atteintes du jeune et intrépide
-réformateur du Parnasse. Cependant Chapelain jouissait de la faveur et
-de la confiance du monarque, et il était pour les gens de lettres le
-distributeur des grâces du pouvoir. Le jeune Racine, qui, au sortir de
-la sévère discipline des solitaires de Port-Royal, ne s'était occupé
-qu'à faire des vers et des dettes, avait obtenu par Chapelain, pour
-une ode assez médiocre, une gratification du roi de 800 livres. Retiré
-en province chez un oncle dont il espérait un bénéfice, il étudiait
-avec dégoût la théologie, et avec délices les poëtes grecs et latins.
-Il tâchait de se consoler de son exil en entretenant une
-correspondance avec La Fontaine[497]. Celui-ci, moins inconnu alors
-que Racine, mais encore peu célèbre, après avoir partagé l'exil d'un
-de ses parents, ami du surintendant et enveloppé dans sa disgrâce, de
-retour dans sa ville natale, y cultivait les Muses pour ses amis et
-pour lui-même, sans prôneurs et sans ennemis. Encouragé, comme il
-l'avait été par Fouquet, par la plus aimable des nièces de Mazarin,
-Marianne Mancini, qui venait d'épouser le duc de Bouillon et de
-Château-Thierry[498], La Fontaine, déjà lié avec Molière, le fut
-bientôt avec Boileau; et par lui Racine devint l'ami de tous les
-trois. Ces quatre hommes, depuis réunis à Paris, surent s'apprécier
-mutuellement, et opposèrent par leur union une force invincible à
-leurs antagonistes. Ils répandirent un grand éclat sur ce règne par
-des chefs-d'œuvre de genres très-différents, mais tous remarquables
-par le naturel, la grâce, le goût, la vigueur et les richesses d'un
-style toujours approprié au sujet.
-
-Louis XIV ne crut pas sa tâche accomplie lorsqu'il eut réglé les
-finances, l'administration intérieure, la force militaire, la
-politique étrangère; lorsqu'il eut pourvu à ce qui concernait la
-religion, la justice, la prospérité des lettres et des arts. A lui,
-jeune roi, qui voulait dominer non-seulement par son rang, mais par sa
-volonté propre, sur tant de guerriers, d'hommes d'État, de courtisans
-habiles et spirituels, qui presque tous l'avaient vu naître ou ne
-l'avaient vu qu'enfant et adolescent, docile et soumis à sa mère ou au
-directeur de son éducation; à lui, dis-je, il importait avant tout de
-savoir imposer à tous et dans tous les instants. C'est dans ce but
-qu'il organisa sa cour; et il le fit de manière à la rendre un modèle
-pour les autres souverains de l'Europe. A cet égard Louis XIV ne fut
-en rien redevable aux leçons de Mazarin, il dut son succès à son
-caractère, à ses inclinations naturelles, qui le portaient vers ce qui
-avait de la dignité, de l'élévation, de la grandeur, de la
-magnificence; et aussi à cet orgueil qu'avait eu soin d'entretenir en
-lui l'éducation maternelle; orgueil qui ne ressemblait en rien à celui
-des autres hommes. C'était chez lui un sentiment infus avec la vie,
-tel seulement qu'il peut en naître un dans le cœur d'un enfant né
-roi; sentiment qui a commencé avec lui, grandi avec lui, que l'âge n'a
-cessé d'accroître et de renforcer en lui; devenu tellement naturel,
-que la conscience qu'il lui donnait de sa supériorité le faisait
-paraître à ceux qui l'approchaient un être supérieur. On s'est étonné
-que Louis XIV n'oubliât jamais ce qu'il était, et qu'il ne le laissât
-pas oublier aux autres, même dans la familiarité la plus intime, même
-dans le sein des plaisirs et dans le tumulte de la joie: c'est que,
-lors même qu'il l'eût voulu, cela lui eût été impossible: il eût fallu
-pour cela qu'il se dépouillât de son individualité.
-
-Depuis que les progrès du commerce et de l'industrie ont réparti plus
-également les richesses; qu'elles ne sont plus exclusivement l'apanage
-du rang et de la naissance, depuis que l'instruction est plus
-généralement répandue; que le grand nombre de journaux et que la
-multiplicité des livres ont rendu tous les genres de connaissances
-accessibles à tous; que les communications entre les différents États
-sont devenues plus promptes et plus faciles; et que, par toutes ces
-causes, il s'est créé dans les masses, en dehors des souverains, une
-force qui leur est étrangère, les gouvernement se trouvent dans
-l'obligation de diriger cette force ou de la comprimer: sans quoi elle
-les entrave dans leurs fonctions, et les désordres qui s'introduisent
-dans les mouvements sociaux brisent bientôt le sceptre et l'épée de
-celui qui se montre impuissant à les diriger et à les régler. Partout,
-depuis que le système des emprunts et du crédit public a placé les
-gouvernements sous l'influence et presque sous la dépendance de cette
-force, une cour splendide, richement rétribuée, affaiblit plutôt
-qu'elle n'affermit le monarque; c'est de lui qu'elle reçoit tout, et
-elle ne lui donne rien. Ce n'est point par elle qu'elle agit sur le
-peuple; elle l'en sépare.
-
-Mais il n'en était pas ainsi lorsqu'il existait encore des princes,
-des grands, qui, propriétaires d'immenses domaines, étaient revêtus de
-droits et de priviléges attachés à leurs possessions, à leurs titres,
-sources de puissance réelle. Sans doute les progrès successifs de
-l'autorité royale avaient fort réduit ces droits, ces priviléges; mais
-ils ne les avaient pas anéantis. Alors une cour avec son cérémonial,
-son étiquette, les devoirs qu'elle imposait, ralliait tous ces hommes
-à la personne du monarque: elle les plaçait sous sa dépendance et sans
-cesse sous ses yeux; elle donnait les moyens de s'en faire craindre,
-et, ce qui était mieux, de s'en faire aimer. Une cour n'était pas
-alors une cause de dépenses inutiles, une vaniteuse et nuisible
-superfétation de la dignité royale: c'était un moyen de gouvernement,
-un des ressorts les plus puissants du pouvoir.
-
-Louis XIV le comprit; et en cela, comme dans tout le reste, il ne
-forma pas dès l'abord de combinaisons profondes, de plan prémédité de
-despotisme, comme l'a cru un écrivain ingénieux, mais systématique. De
-même que tous les véritables hommes d'État, il discerna les nécessités
-de sa position, et sut y pourvoir. C'est en cela que consiste le grand
-art de régner. Prétendre fonder des constitutions ou agir d'une
-manière efficace sur les destinées d'un peuple avec une autorité
-incertaine ou flottante, c'est entreprendre d'élever un édifice
-lorsqu'un tremblement de terre secoue le sol sur lequel on veut
-construire.
-
-Les résultats prouvèrent combien Louis XIV eut raison de mettre une
-grande importance à rassembler autour de lui une cour nombreuse et
-splendide. Tout ce qui faisait la gloire et la richesse de l'État s'y
-centralisa; là se trouva réuni tout ce qu'il y avait de plus illustre
-dans la religion, les armes et la magistrature. Ce ne fut qu'en se
-mettant sous l'égide du monarque et de ses courtisans que les gens de
-lettres, cessant d'appartenir à des coteries puissantes, purent
-trouver quelque indépendance[499]. Ainsi Molière, en frondant des gens
-de cour dans sa comédie des _Fâcheux_, a grand soin de faire un
-pompeux éloge de la cour; et il renouvelle cet éloge dans ses autres
-pièces, toutes les fois qu'il en trouve l'occasion[500]. Boileau fut
-recherché, dès son début, par des hommes du plus haut rang, qui
-aimaient à lui entendre réciter ses satires; tous faisaient partie de
-la cour, et jouissaient d'une grande faveur auprès du monarque: il
-n'en fallut pas davantage pour que le poëte qui s'était proposé pour
-modèle le virulent Juvénal se rapprochât de la manière d'Horace, et
-retranchât, lorsqu'il la fit imprimer, les vers les plus énergiques de
-sa première satire[501]. Par une complaisance de courtisan, il adoucit
-la teinte trop sombre de ses tableaux, et se prit à diriger, de
-préférence, ses attaques contre le mauvais goût en littérature, plutôt
-que contre les mauvaises inclinations et les mauvaises mœurs. S'il
-attaqua quelquefois celles-ci, ce fut avec ménagement, et en évitant
-de lancer ces traits acérés qui auraient pu atteindre les puissants de
-la cour. Il fit la satire des ridicules de son siècle, et en épargna
-les vices. Les peintures trop fidèles et trop vives de ceux-ci eussent
-offensé le monarque, et démenti une partie des éloges que sa muse se
-plaisait à lui prodiguer.
-
-Louis XIV trouva dans la réserve que s'était imposée Mazarin de ne
-nommer aucun chevalier des Ordres, un moyen de donner à sa cour un
-grand éclat. Il put, sans violer les statuts, faire en une seule fois
-une promotion de soixante et dix cordons bleus. Tout ce qu'il y avait
-de plus considérable et de plus respectable en France par le rang et
-l'influence, l'âge et les services, se trouva donc redevable au jeune
-monarque de la plus grande et de la plus enviée des distinctions
-honorifiques. A ce sujet, Louis XIV eut pour le prince de Condé une
-déférence qui flatta beaucoup le héros: il lui accorda le pouvoir de
-nommer, par désignation, un chevalier des Ordres[502]. Le choix de
-Condé tomba sur le comte de Guitaut, son premier gentil-homme, ami de
-madame de Sévigné et son voisin en Bourgogne, puisqu'il était, par sa
-femme, possesseur de la seigneurie d'Époisses, dont Bourbilly relevait
-comme fief. Cette préférence de Condé pour Guitaut mit en fureur un
-autre des zélés partisans et des serviteurs les plus courageux du
-prince, le comte de Coligny, qui l'abandonna depuis lors et resta
-brouillé avec lui. Coligny a exhalé sa haine en traçant de Condé, sur
-les marges d'un Psautier, un portrait hideux du héros, qui contient
-les révélations les plus singulières. Cette virulente diatribe,
-évidemment calomnieuse sur plusieurs points, a été décorée par
-plusieurs auteurs du titre de _Mémoires de Jean de Coligny_, et
-imprimée dans un recueil où on ne s'attendrait pas à la trouver[503].
-
-Louis XIV, non encore entièrement satisfait des honneurs qu'il avait
-répandus autour de lui par cette grande promotion des chevaliers des
-Ordres, imagina une nouvelle distinction tenant entièrement à sa
-personne, qu'il pouvait donner ou retirer à volonté; pour laquelle il
-n'était astreint à aucune règle, et qui, uniquement de mise à la cour,
-ne fût point un indice des services rendus à l'État, mais une marque
-de la bienveillance particulière du monarque et de sa faveur spéciale.
-Il donna, par brevet, la permission de se parer de justaucorps bleus
-absolument pareils à ceux qu'il portait lui-même. Ceux qui obtinrent
-de ces brevets contractaient l'obligation de se montrer assidus auprès
-de sa personne, et avaient seuls la permission de l'accompagner dans
-ses chasses et dans ses promenades à la campagne. Le grand Condé et
-les plus illustres guerriers sollicitèrent cette frivole faveur, et se
-montrèrent jaloux de porter cette livrée de courtisan[504].
-
-Les fêtes qui eurent lieu se ressentirent de la nouvelle splendeur de
-la cour. Louis XIV s'en occupait avec autant d'ardeur que s'il n'avait
-pas eu d'autres soins[505]. Il se montrait ambitieux de suffire à
-tout, de régler tout par lui-même. Ainsi qu'autrefois Clovis, qui, au
-milieu de l'embarras de ses conquêtes, avait écrit à Théodoric pour
-qu'il lui envoyât des musiciens italiens, Louis XIV, dans le même
-temps que les affaires de ses ambassadeurs l'obligeaient à multiplier
-les dépêches diplomatiques, écrivait au duc de Parme pour le prier de
-lui procurer un bon Arlequin, et au duc de Toscane, pour lui
-recommander de ne pas permettre qu'un virtuose qui se rendait en
-Italie excédât le congé qui lui avait été donné[506]. Louis aimait
-encore, comme par le passé, à paraître dans les ballets qu'il faisait
-composer; il figura dans celui qu'on donna cette année sous le titre
-d'_Hercule amoureux_. Le machiniste s'y surpassa par la magnificence
-des décorations; Benserade, par les louanges ingénieuses données au
-roi, et par la finesse des allusions aux jeunes seigneurs, et à toutes
-les beautés de la cour qui chantaient, jouaient et dansaient avec le
-roi[507].
-
-Puis vint ce célèbre carrousel qui a fait changer le nom de cette
-grande place des Tuileries où il fut exécuté. La reine était le
-prétexte de toute cette pompe vraiment étonnante; mais la belle La
-Vallière en était le motif secret. La reine semblait être celle à
-laquelle s'adressaient tous les hommages; La Vallière était la
-divinité invisible et cachée de celui qui avait tout ordonné: vers
-celle-ci se reportaient souvent les regards du souverain, comme pour
-l'assurer que c'était l'amour qu'elle inspirait, que c'était
-l'admiration de ses charmes qui mettait en mouvement ces héros si
-magnifiquement parés, ces superbes coursiers, et cette foule immense
-rassemblée pour jouir du plus magnifique spectacle qu'on eût encore
-contemplé: car ce n'était point cette fois une fête pour la cour,
-c'était une fête pour la capitale, pour la France, pour l'Europe. Par
-le grand nombre des étrangers qu'elle attira dans Paris, le fisc
-recueillit des sommes plus fortes que celles que le trésor avait
-dépensées pour en faire les apprêts; ce qui ne doit point étonner. Les
-frais les plus considérables ne furent pas à la charge de l'État, mais
-tombèrent principalement sur les princes et les grands seigneurs qui y
-figurèrent, et qui cherchèrent à se surpasser mutuellement par la
-richesse de leurs costumes, l'éclat de leurs armes et la beauté de
-leurs coursiers. Tous firent à cette occasion[508] des dépenses
-considérables; et plusieurs, pour y subvenir, furent obligés de
-s'endetter. Ce fut un avantage pour le roi, qui voyait ainsi cette
-noblesse naguère si fière, si turbulente, se placer d'elle-même, de
-plus en plus, sous sa dépendance, par une folle vanité et par des
-prodigalités que lui-même lui suggérait.
-
-Cependant Louis XIV ne cessait de tenir toujours hautes et fermes les
-rênes de son vaste gouvernement. Il se montrait vigilant, prompt et
-décisif pour les grandes affaires, laborieux et infatigable dans les
-détails. On avait renoncé à le conduire, en lui inspirant le goût de
-l'indolence et de l'oisiveté, qu'on regardait comme inhérent au titre
-de roi; mais l'ambition crut pouvoir mettre à profit, pour ses
-desseins et ses intérêts particuliers, le penchant immodéré pour les
-femmes qui se manifestait dans Louis avec plus de violence encore que
-dans son aïeul Henri IV, parce qu'il était monté plus jeune sur le
-trône. Les licences qu'il se permettait dans ce genre, il ne pouvait
-prétendre à les réprimer dans les jeunes courtisans qui l'entouraient;
-et l'on vit toute la cour, à l'imitation du monarque, remplie
-d'intrigues amoureuses. Le détail de celles qui eurent lieu cette
-année remplirait un volume, en retranchant les additions romanesques
-ou niaises dont on les a surchargées. Il suffira, pour notre but, de
-rappeler ici celles qui peuvent servir à éclairer la correspondance de
-madame de Sévigné, et à faire connaître les personnages avec lesquels
-elle fut liée.
-
-La comtesse de Soissons (Olympe Mancini) avait en vain cherché à
-rallumer dans le cœur du roi une passion depuis longtemps éteinte;
-mais par son esprit, par cette liberté de paroles qu'on ne peut
-refuser à une ancienne intimité, par l'effet de l'habitude et des
-souvenirs, Louis XIV se plaisait dans sa société[509], et il allait
-souvent la voir: elle ne désespéra pas de reprendre sur lui assez de
-son ancienne influence pour satisfaire son orgueil et de faire réussir
-ses ambitieux projets. Profondément corrompue, elle se rendit la
-confidente de ses amours et l'entremetteuse de ses plaisirs. Elle
-l'encourageait dans ses goûts de volupté; et ses conseils flatteurs
-avaient d'autant plus de succès sur son esprit, qu'il pensait que si
-la politique et le bien de ses sujets avaient exigé qu'il se fît
-violence et qu'il sacrifiât les sentiments les plus chers à son
-cœur, il avait aussi, par là, acquis le droit de se livrer aux
-inclinations plus ou moins durables qui pouvaient le distraire des
-soucis de la royauté[510]. La comtesse de Soissons favorisa les
-visites nocturnes du roi à l'appartement des filles d'honneur de la
-reine, où Louis XIV allait s'entretenir tête à tête avec l'une
-d'elles, la belle La Mothe-Houdancourt. La comtesse de Soissons
-haïssait La Vallière, uniquement parce que celle-ci aimait trop
-sincèrement le roi pour le tromper, et qu'elle avait pour se prêter à
-des intrigues trop de simplicité et de vertu. Tout sentiment pur et
-désintéressé est vertueux, quoique, par la faiblesse de notre nature,
-il puisse nous conduire à des actions que condamne la morale et que
-les lois sociales réprouvent. Louis XIV parut assez captivé par les
-charmes de sa nouvelle maîtresse, pour que la sensible La Vallière
-essayât d'aller ensevelir pour toujours dans le couvent des
-Filles-Sainte-Marie de Chaillot sa douleur et son amour. Sa fuite
-réveilla toute la passion que le roi avait pour elle. Il alla lui-même
-se faire ouvrir les portes de la sainte retraite qu'elle avait
-choisie, et l'arracha, tout éplorée, à son repentir et à son
-Dieu[511].
-
-La comtesse de Soissons n'ayant pu réussir à se délivrer de La
-Vallière par l'inconstance du roi, chercha à exciter contre elle le
-ressentiment de la reine, et, par ce moyen, à la faire expulser des
-Tuileries. Elle crut y parvenir en faisant remettre à Marie-Thérèse
-une fausse lettre de son père, le roi d'Espagne. L'écriture de cette
-lettre avait été habilement imitée; le style et les expressions, en
-langue espagnole, étaient conformes à ce qui émanait ordinairement de
-la plume de ce roi. Mais cette noire trame, ourdie par des moyens si
-coupables, auxquels se mêlèrent les intrigues de MADAME et de son
-amant, le comte de Guiche, celles de Marsillac, de Vardes, de la
-duchesse de Châtillon et du chevalier de Gramont, n'aboutit qu'à
-rendre Louis XIV plus amoureux de La Vallière; qu'à faire expulser de
-la cour la comtesse de Soissons, le comte de Guiche, le chevalier de
-Gramont[512]; et à faire renfermer dans un couvent mademoiselle de
-Montalais, une des filles d'honneur de MADAME, qui, amie de La
-Vallière, avait abusé de sa confiance, et s'était rendue la confidente
-et l'agent le plus actif de toutes ces perfidies[513].
-
-Tous ces événements eurent lieu pendant cette année (1662); mais ils
-eurent des suites qui produisirent quelque temps après la disgrâce de
-la duchesse de Navailles et de son mari, victimes de la calomnie
-et de leur attachement à ce que le devoir et l'honneur leur
-prescrivaient[514]. Puis l'on vit plus tard le long exil du marquis de
-Vardes, le plus coupable de tous, dont les fourberies furent enfin
-démasquées; et aussi le renvoi définitif du comte de Guiche, ainsi
-que beaucoup d'autres révolutions de cour, produites par la même
-cause.
-
-Corbinelli, que nous avons déjà fait connaître comme ami intime de
-madame de Sévigné, l'était aussi de mademoiselle de Montalais.
-Celle-ci avait déposé toutes les lettres qui lui avaient été
-personnellement adressées entre les mains de son amant Malicorne et de
-Corbinelli. Dans le nombre de ces lettres étaient celles que le comte
-de Guiche, amant de MADAME, lui avait écrites. Malicorne et
-Corbinelli, voyant avec peine mademoiselle de Montalais oubliée dans
-sa captivité par les personnages puissants qu'elle avait servis,
-voulurent les forcer à s'occuper de ses intérêts et à employer leur
-crédit et leur influence pour lui faire recouvrer sa liberté. Ils y
-parvinrent en profitant de l'important dépôt dont ils étaient nantis.
-La mère du comte de la Fayette, supérieure du couvent de Chaillot,
-cette ancienne fille d'honneur d'Anne d'Autriche, qui avait été
-l'objet des froides et pudiques amours de Louis XIII, intervint dans
-cette affaire. Le maréchal duc de Gramont, père du comte de Guiche, le
-courtisan le plus délié et le plus recherché à la cour, s'y employa
-d'une manière active; et de Vardes, amoureux aussi de MADAME, fit tous
-ses efforts pour que Corbinelli lui remît les lettres du comte de
-Guiche, dont il était dépositaire[515]. L'étroite liaison que
-Corbinelli contracta à cette époque avec le marquis de Vardes fut un
-des principaux obstacles qui s'opposèrent par suite à sa fortune[516].
-
-Il ne nous reste malheureusement aucune lettre de madame de Sévigné
-pendant toute la durée de cette année, si pleine d'événements qui
-devaient l'intéresser vivement. Nous n'avons pu découvrir aucune
-pièce, aucun document qui se rattache à elle, et qui nous apprenne
-d'une manière certaine où elle séjournait en 1662, si ce fut à
-Bourbilly, aux Rochers, ou dans son hôtel à Paris. Mais tout fait
-présumer qu'elle ne quitta pas la capitale pendant la durée des fêtes;
-qu'elle assista au carrousel, à la représentation des ballets royaux;
-et que si elle alla visiter une de ses terres pendant la belle saison,
-elle connut en partie tout ce qui agitait en secret la cour, par la
-correspondance qu'elle entretenait alors avec son amie la plus intime,
-madame de La Fayette. Celle-ci avait formé avec le duc de La
-Rochefoucauld une union si constante que la mort seule put la
-dissoudre. Madame de La Fayette était très-avant dans la faveur de
-MADAME, dont elle a écrit la vie; et elle la suivait partout,
-quoiqu'elle n'eût aucune charge dans sa maison. Elle connut peut-être
-mieux, et plus promptement que tout autre, les intrigues compliquées
-dont les sombres allées, les voûtes de verdure et les ruelles de
-Fontainebleau, de Saint-Germain, de Versailles, de Saint-Cloud, furent
-successivement le théâtre. Longtemps après, les récits plus ou moins
-véridiques qu'on a faits les ont rendues publiques; mais alors
-c'étaient encore des mystères que des voiles impénétrables dérobaient
-aux regards curieux ou intéressés des courtisans[517].
-
-Un des motifs qui doivent faire croire que madame de Sévigné séjourna
-à Paris dans cette année 1662, et qu'elle s'y trouvait du moins encore
-au milieu d'avril, c'est qu'alors on célébra dans l'église des Filles
-de Sainte-Marie la béatification de François de Sales; et, par la
-liaison qui avait existé entre ce saint évêque et la pieuse
-Chantal[518], cette cérémonie était en quelque sorte une fête de
-famille pour madame de Sévigné. Plusieurs de ses lettres nous
-démontrent combien elle avait d'attachement pour les filles de
-Sainte-Marie, combien elle aimait à aller les visiter dans leurs
-couvents. Il est probable que ce fut à elles qu'elle confia pendant
-quelque temps l'éducation de sa fille chérie, dont elle eût, dit-elle,
-la barbarie de se séparer. Elle la mit au couvent un peu avant
-l'époque dont nous traitons, probablement pour mieux la préparer à
-l'accomplissement du plus grand des devoirs religieux[519].
-
-Ce qui confirme toutes nos conjectures relativement au séjour de
-madame de Sévigné dans la capitale pendant la plus grande partie de
-cette année, ou peut-être pendant toute cette année, c'est qu'elle
-paraît avoir été occupée à instruire sa fille pour la produire dans le
-monde. Nous apprenons par des vers de Saint-Pavin adressés à
-mademoiselle Marguerite-Françoise de Sévigné, à l'époque où elle
-devait être âgée de quatorze ans, que la jeune Manon, comme on avait
-coutume de l'appeler, s'offensait déjà qu'on lui donnât ce nom;
-qu'elle commençait à faire le charme de la société de sa mère, où on
-ne l'appelait que la belle Madelonne; qu'abandonnant les oiseaux et
-les poupées, elle avait pris goût au jeu de reversi[520]. Ce fut
-pendant l'hiver qui termina cette année et qui commença l'année 1663
-que madame de Sévigné présenta[521] pour la première fois sa fille à
-la cour, où nous la verrons figurer dans les ballets royaux. A cette
-époque, madame de Sévigné n'avait point de motif pour rechercher la
-solitude; elle se trouvait portée par sa position, comme elle l'était
-par ses inclinations, à se répandre dans le monde. Nous avons des
-preuves qu'on s'y occupait beaucoup d'elle. Quoique Corbinelli fût, à
-Paris, membre d'une académie italienne, qu'il avait contribué à
-former[522], cependant nous apprenons par le _Grand Dictionnaire des
-Précieuses_, publié alors, que Corbinelli devait la plus grande partie
-de sa célébrité à un portrait de madame de Sévigné qu'on disait avoir
-été écrit par lui, et aussi à l'avantage qu'il avait d'être compté au
-nombre des amis de notre belle veuve. De Somaize, dans son
-dictionnaire, n'a pas manqué de donner un article sur madame de
-Sévigné, qu'il désigne sous le nom de _Sophronie_; et un autre plus
-court sur Corbinelli, qu'il nomme _Corbulon_[523]. Nous citerons ces
-deux articles, qui, quoique d'un médiocre écrivain, acquièrent
-cependant de l'importance par la date de leur publication. La plus
-simple esquisse, tracée d'après nature, vaut mieux, pour la
-ressemblance, que la peinture la plus savamment élaborée loin de
-l'objet qu'on a voulu représenter, ou longtemps après qu'il a disparu.
-
-
- «SOPHRONIE (la marquise de Sévigné).
-
-«Sophronie est une veuve de qualité; le mérite de cette précieuse est
-égal à sa naissance; son esprit est vif et enjoué, et elle est plus
-propre à la joie qu'au chagrin. Cependant il est aisé de juger par sa
-conduite que la joie chez elle ne produit pas l'amour; car elle n'en a
-que pour celles de son sexe, et se contente de donner son estime aux
-hommes; encore ne la donne-t-elle pas aisément. Elle a une promptitude
-d'esprit la plus grande du monde à connaître les choses et à en juger.
-Elle est blonde, et a une blancheur qui répond admirablement à la
-beauté de ses cheveux. Les traits de son visage sont déliés, son teint
-est uni; et tout cela ensemble compose une des plus agréables femmes
-d'Athènes [Paris]. Mais si son visage attire les regards, son esprit
-charme les oreilles, et engage tous ceux qui l'entendent ou lisent ce
-qu'elle écrit. Les plus habiles font vanité d'avoir son approbation.
-Ménandre (Ménage) a chanté dans ses vers les louanges de cette
-illustre personne. Cresante (Chapelain) est un de ceux qui la visitent
-le plus souvent. Elle aime la musique et hait mortellement la satire.
-Elle loge au quartier de Léolie (le Marais du Temple).»
-
- CORBULON (Corbinelli)[524].
-
-«Corbulon est illustre dans l'empire des précieuses, pour avoir fait
-le portrait de Sophronie, où il a parfaitement réussi, et pour être de
-plus son lecteur. Il est natif de l'Étrurie, et fort noble; il a
-l'esprit fin et beaucoup de douceur. Il aime fort la musique, et loge
-au quartier de Léolie (le Marais du Temple).»
-
- [480] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mémoires inédits_, t. II, p. 156 et
- 157.--GRAMONT, _Mémoires_, t. LVII, p. 90 et 430.
-
- [481] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 56.
-
- [482] LORET, _Muse historique_, liv. XIII, p. 56, 58,
- 70.--COLLETET, _Abrégé des Annales de Paris_, 1664, in-12, p.
- 423.
-
- [483] LOUIS XIV, _Instructions pour le Dauphin son fils_, dans
- ses _OEuvres_, t. I, p. 211, 216, 227.
-
- [484] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 126.
-
- [485] CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 271.--JOLY, _Mém._, t. XLVII,
- p. 460.--MONGLAT, _Mémoires_, t. LI, p. 128.--LOUIS XIV,
- _OEuvres_, t. V, p. 110, 119; _lettres au roi de Pologne_, en
- date du 1er et du 9 février 1663.
-
- [486] LOUIS XIV, _Instructions pour le Dauphin son fils_, dans
- ses _OEuvres_, t. I, p. 197, 198.
-
- [487] LORET, liv. XIII, p. 35 (4 mars 1662); dans LOUIS XIV,
- _OEuvres_, t. I, p. 197; ibid., t. V, p. 81 (_lettre_ en date du
- 17 mars 1662).--JOLY, _Mém._, t. XLVII, p. 454, 460 et 462.
-
- [488] LORET, _Muse historique_, liv. XIII, p. 52 (_lettre_ du 1er
- avril 1662). Vingt-deux temples protestants furent fermés dans le
- seul pays de Gex.--RACINE, _lettre à Vitart_, en date du 25
- juillet, p. 162 et 165, t. VI des _OEuvres_, dans l'édit. d'Aimé
- Martin.--GUY-PATIN, _Lettres_, t. V, p. 22 (en date du 14 juillet
- 1662).
-
- [489] Frères PARFAICT, _Hist. du Theâtre françois_, t. IX, p. 1
- et 64.--LORET, _Muse historique_, liv. XIII, p. 165 (28 octobre,
- 7 janvier 1662).
-
- [490] MONTPENSIER, t. XLIII, p. 26, 28, 31.
-
- [491] LOUIS XIV, _OEuvres_, t. I, p. 223.
-
- [492] CORNEILLE, _Remercîments au roi_, t. XI, p. 95, édit. de
- Lefèvre, in-8º.
-
- [493] _Deux dissertations concernant le poëme dramatique, en
- forme de remarques sur deux tragédies de M. Corneille,
- intitulées_ Sophonisbe _et_ Sertorius, _envoyées à madame la
- duchesse R***_ (Richelieu); Paris, l'abbé D'AUBIGNAC, chez
- Jacques Dubreuil, 1663, petit in-12 de 104 pages.--VISÉ,
- _Défence_ (sic) _du Sertorius de M. Corneille_, dédiée à M. de
- Guise, 1663, in-12.
-
- [494] BOILEAU, _OEuvres_, édition de Berriat Saint-Prix, 1830,
- in-8º, t. II, p. 436, ou de l'édit. de Saint-Surin, 1821, t. II,
- p. 523; édit. de Saint-Marc, 1747, p. 417.
-
- [495] RACINE, t. VII, p. 173, édit. de Geoffroy.
-
- [496] BOILEAU, _Satire VII_, édit. 1666, p. 68 et 69; édit. 1667,
- p. 4, et édit. 1669, p. 9.
-
- [497] RACINE, _OEuvres_, _lettres_ à Vitart, t. VII, p. 107 de
- l'édit. 1808, in 8º, et t. I, p. 119.
-
- [498] LORET, liv. XIII, p. 58 (22 avril 1662).
-
- [499] LORET, liv. XI, p. 59, liv. XIII, p. 69, 130, 154, 199; 13
- mars, 26 août, 7 octobre 1662, 17 avril 1660.
-
- [500] MOLIÈRE, _Critique de l'École des Femmes_, scène IV (VI par
- faute d'impression), p. 86 de la première édition, 1663, et aussi
- dans les _Femmes savantes_, acte IV, scène III.
-
- [501] Voyez _Satires de B***_, édit. de 1660, p. 4 et 5.
-
- [502] DESORMEAUX, _Histoire de Louis II, prince de Condé_, t. IV,
- p. 197, édit. in-12; _Histoire de France en estampes_, in-folio,
- année 1682, t. XXVIII (Bibliothèque royale).
-
- [503] _Mémoires de Jean de Coligny_, dans MUSSET-PATHAY, _Contes
- historiques_, 1826, in-8º, p. 234 et 237.--_Lettres_ de SÉVIGNÉ,
- édit. de Monmerqué, t. I, p. 120, note _a_; t. II, p. 16, à la
- note de la _lettre_ du 25 octobre 1673.--Depuis les Mémoires
- complets de Coligny ont été imprimés.
-
- [504] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 191.--LOUIS XIV, _OEuvres_, Paris,
- 1806, t. VI, p. 375. (Modèle du brevet de justaucorps bleu
- accordé à Condé.)
-
- [505] LORET, _Muse historique_, liv. XIII, p. 2, 15, 18, 21, 23,
- 199, _lettres_ en date des 7 et 28 janvier, 11, 14 février, 24
- décembre 1662.
-
- [506] LOUIS XIV, _OEuvres_, t. II, p. 25, _Vies de plusieurs
- Personnages célèbres_, t. I, p. 158, article _Clovis_.
-
- [507] LORET, liv. XIII, p. 29, 32, 59.--BENSERADE, t. II, p.
- 254-280.
-
- [508] _Description du carrousel_ en 1667, in-folio, 1670, format
- atlas, orné de figures.--LORET, liv. XIII, p. 67 et 85, 6 mai, 10
- juin 1662.--MONTPENSIER, t. XLIII, p. 42.
-
- [509] LA FAYETTE, _Hist. d'Henriette d'Angleterre_, t. LXIV, p.
- 381.--MOTTEVILLE, _Mém._, t. XL, p. 173.
-
- [510] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XL, p. 70.
-
- [511] LA FAYETTE, _Hist. d'Henriette d'Angleterre_, t. LXIV, p.
- 412-415.--CONRART, _Mém._, t. XLVIII, p. 282.--MOTTEVILLE, t. XL,
- p. 170 et 179.--MONTPENSIER, _Mém._, t. XLIII, p. 23, 43,
- 44.--Voy. ci-après la IIIe partie, chap. XII, p. 209.
-
- [512] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLIII, p. 43, 44.--MOTTEVILLE, t.
- XL, p. 174, 175.--LOUIS XIV, _OEuvres_, t. V, p. 160.--LA
- FAYETTE, _Hist. d'Henriette d'Angleterre_, t. LXIV, p.
- 407.--HAMILTON, _Mém. de Gramont_, t. I, p. 103, édit. de ses
- _OEuvres_ par Renouard, 1812, in-8º.
-
- [513] LA FAYETTE, _Hist. d'Henriette d'Angleterre_, t. LXIV, p.
- 407, 408, 422, 423, 424.--LOUIS XIV, _OEuvres_, t. V, p. 90,
- _lettre_ en date du 22 août.--CONRART, _Mém._, t. XLVIII, p. 280.
-
- [514] Voyez ci-après, IIIe partie, chap. XII, p. 197.
-
- [515] LA FAYETTE, _Histoire d'Henriette_, t. LXIV, p. 427.--LOUIS
- XIV, _OEuvres_, t. V, p. 103 (lettre du 20 décembre
- 1662).--Maréchal DE GRAMONT, _Mém._, t. LVII, p. 93.
-
- [516] CONRART, _Mém._, t. XLVIII, p. 283.
-
- [517] LORET, liv. XIII, p. 69, 100-170, 13 mai, 1er juillet, 4
- nov. 1662.--MOTTEVILLE, t. XL, p. 177.--LA FAYETTE, _Mém._, t.
- LXIV, p. 395.
-
- [518] LORET, _Muse historique_, liv. XIII, p. 62 (16 avril 1662).
-
- [519] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (6 mai 1676), t. IV, p. 422, édit. de G.
- de S. G., t. IV, p. 281, édit. M.
-
- [520] SAINT-SURIN, _Notice sur Sévigné_, et _Lettres de
- Saint-Pavin_ à _madame de Sévigné_, t. I, p. 84, et p. VII et
- VIII des _Pièces préliminaires_, dans l'édit. de Monmerqué des
- _Lettres_ de SÉVIGNÉ.
-
- [521] SÉVIGNÉ, _Lettres_, édit. de 1734, p. XIX de la préface du
- chevalier Perrin, ou t. I, p. XXVI de l'édit. de 1754.
-
- [522] LORET, lib. VIII, p. 148 (_lettre_ du 29 avril 1657).
-
- [523] DE SOMAIZE, _Grand Dictionnaire des Précieuses_, 1661,
- in-12, t. II, p. 150.--LA CLEF, p. 15, Sophronie, _madame la
- marquise de Seuigny_.
-
- [524] DE SOMAIZE, le _Grand Dictionnaire des Précieuses_, 1661,
- in-12, t. I, p. 93.
-
-
-
-
-CHAPITRE XXI.
-
-1663-1666.
-
- Réflexions sur les sentiments maternels.--Amour de madame de
- Sévigné pour ses enfants, et particulièrement pour sa
- fille.--Constance et durée de son affection pour elle.--Comment
- on doit désormais la considérer et la juger.--La tendresse de
- madame de Sévigné pour sa fille nous a valu ses Lettres.--Elles
- sont des mémoires curieux du siècle de Louis XIV.--Chaque année
- ajoute à la splendeur de ce règne.--Louis XIV envoie de puissants
- secours à l'empereur d'Allemagne.--Soins que Louis XIV se donnait
- pour maintenir la discipline, pour régler
- l'intérieur.--Circulaire envoyée par ses ordres aux
- intendants.--Travaux entrepris au Louvre et à
- Versailles.--Jonction des deux mers par un canal.--Encouragements
- donnés aux génies qui surgissent à cette époque.--Boileau fait
- paraître son _Discours au roi_ et ses premières _Satires_.--La
- Fontaine, ses _Contes_.--Molière fait jouer les trois première
- actes de son _Tartufe_.--De Molière et de Lulli.--De Boileau, de
- La Fontaine et de Racine.--Les fêtes de Louis XIV étalent données
- pour mademoiselle de La Vallière.--Sa liaison avec le roi devient
- publique.--La reine mère voulut en vain s'y opposer.--Elle tombe
- malade.--Soins de Louis XIV pour sa mère.--Témoignage que lui
- rend madame de Motteville.--Louis XIV exige que les dames de la
- cour suivent mademoiselle de La Vallière.
-
-
-Les sentiments énergiques et durables se rencontrent rarement: des
-désirs modérés, des volontés faibles ou changeantes, sont le partage
-du plus grand nombre. C'est là un des bienfaits de la nature. Si une
-vive et forte sensibilité, quand elle est satisfaite, exalte l'âme
-jusqu'au plus haut degré de félicité auquel l'humanité puisse
-parvenir, elle la plonge aussi dans le plus profond abîme de douleur
-et d'amertume quand elle est dépouillée de ses illusions ou déchue de
-ses espérances. Cependant comment se fait-il que le vulgaire se
-complaise dans la peinture des passions les plus délirantes, qu'il
-n'éprouva jamais, qu'il n'est pas même susceptible d'éprouver? C'est
-que ces passions, qui ne sont toujours au fond que l'amour ou
-l'ambition différemment modifiés, se rattachent aux plus impérieux
-besoins de notre nature, à nos penchants les plus universels, les plus
-irrésistibles; à cette sympathie qui entraîne les deux sexes l'un vers
-l'autre, ou à cette aversion pour toute contrainte, à ce désir de
-domination, à cette avidité pour les richesses, à ces jouissances de
-luxe, à ces émotions de haine, à ces désirs de vengeance, à ces
-mouvements d'orgueil et de vanité, que tous conçoivent parce que tous
-les ont éprouvés ou les éprouvent plus ou moins fortement. Mais, par
-la même raison, les passions qui sont les résultats de circonstances
-moins générales, ou qui naissent de notre organisation ou des facultés
-qui nous sont particulières, rencontrent moins de sympathie, ou n'en
-rencontrent point du tout; et dans ce dernier cas ceux qui en sont les
-témoins, ne pouvant les concevoir, en rejettent l'existence, et
-considèrent comme de simples apparences, ou comme des émotions
-factices, tout ce qui émane de sentiments étrangers à leur nature, et
-selon eux à toute nature humaine. Cependant il est de violents
-penchants dont personne ne conteste la réalité, quoiqu'il n'y ait
-qu'une certaine classe d'individus qui soient appelés à les partager.
-La nature nous en fournit des exemples journaliers, et qu'il nous est
-impossible de méconnaître sans cesser d'obéir à cette loi de notre
-raison qui veut que des effets toujours semblables nous paraissent
-produits par des causes semblables. L'amour maternel est dans le genre
-de ces passions exceptionnelles que tout le monde conçoit, sans qu'on
-se sente capable de les éprouver. Par une sage disposition de la
-Providence, cette passion n'a jamais plus de force chez les femmes que
-lorsque leurs enfants, en bas âge, réclament plus de soins, plus de
-vigilance, une protection plus constante. Aussi toutes les faiblesses,
-toutes les douleurs, toutes les anxiétés d'une mère pour son jeune
-enfant, émeuvent les personnes même qui ne sont pas destinées à
-éprouver le sentiment qui les fait naître; dès expériences
-journalières leur ont démontré la présence de ce sentiment dans le
-cœur de toutes les mères, et cette conviction leur suffit pour
-sympathiser avec toutes celles qui l'éprouvent. L'affection qui unit
-une mère à son enfant devenu grand, qui la surpasse par les forces du
-corps ou de l'intelligence, qui n'a plus besoin de ses soins, qui a
-pris son essor, a formé d'autres liens, qui n'est plus identifié avec
-elle par ses désirs et son amour, se conçoit bien encore comme un
-sentiment tendre, calme, réglé par la raison et avoué par elle, mais
-nullement comme une passion, parce qu'habituellement la tendresse
-maternelle n'a point alors cette force entraînante, irrésistible, qui
-caractérise la passion. Cependant il peut arriver que cet instinct,
-que ce besoin qui unit d'une manière si intime une mère à l'innocence
-au berceau, s'accroisse encore par les charmes attirants de
-l'adolescence, par l'éclatante beauté de la jeunesse, par les talents
-brillants, les qualités aimables et les hautes vertus d'un âge plus
-avancé; qu'ainsi l'amour maternel, au lieu de diminuer avec le temps,
-ne fasse que s'augmenter et se développer avec une chaleur et une
-énergie toujours croissantes; et qu'enfin dans le cœur d'une mère
-exempte de tout autre attachement il prenne le caractère d'une de ces
-passions ardentes qui absorbent une vie tout entière. Mais comme une
-telle passion doit être aussi rare que la réunion des circonstances
-qui peuvent la faire naître, comme elle contredit l'expérience
-journalière, elle ne sera pas toujours comprise, et trouvera beaucoup
-d'incrédules.
-
-Tel a été le sort de madame de Sévigné. Toutes les affections, toute
-la sensibilité de cette âme aimante s'étaient concentrées sur ses
-enfants, et plus particulièrement sur sa fille. L'admiration qui se
-joignait à la tendresse qu'elle avait pour elle lui faisait toujours
-croire qu'elle ne pouvait jamais la chérir et la louer assez, et
-toujours craindre de n'en être pas assez aimée. Il est difficile que
-l'expression si souvent répétée d'un sentiment qui par sa force et sa
-durée est une sorte de phénomène ne fatigue pas promptement; aussi
-a-t-on reproché aux lettres de madame de Sévigné ces éloges continuels
-donnés à sa fille, ces regrets sans cesse renouvelés, et ces
-répétitions fréquentes sur la douleur qu'elle éprouve d'en être
-séparée. On a cru qu'il y avait chez elle à cet égard défaut de
-sincérité, ou tout au moins exagération; et il devait en être ainsi,
-d'après les raisons que nous venons d'exposer.
-
-Par les réflexions qui précèdent, je ne prétends pas que l'on doive se
-plaire à la lecture de toutes les lettres où madame de Sévigné a
-répandu avec tant de profusion, et sous des formes toujours variées,
-ses vives émotions; qu'on doive trouver les expressions de sa
-tendresse aussi naturelles que si elles étaient celles d'un amant à sa
-maîtresse, quoique cependant elles soient aussi tendres, aussi
-passionnées, quoiqu'elles soient les indices d'un sentiment aussi vrai
-et plus durable: j'ai voulu seulement avertir mes lecteurs que,
-parvenu à l'époque où madame de Sévigné a présenté sa fille dans le
-monde, c'est en qualité de mère que nous aurons à les entretenir de
-cette femme célèbre. Ils doivent encore être prévenus que ce n'est
-point seulement d'une mère tendre, affectionnée, dont il s'agira
-désormais dans cet ouvrage, mais d'une mère dont le cœur était frappé
-d'une véritable passion, et que cette passion ne différait de celle à
-laquelle on a donné trop exclusivement le nom d'amour, qu'en ce qu'au
-lieu de diminuer, comme elle, par l'effet du temps, de l'âge et de
-l'absence, elle croissait toujours en force par toutes ces causes. Ce
-n'est point là un éloge que nous voulons faire de madame de Sévigné,
-c'est simplement un fait que nous voulons signaler: parce qu'il est
-nécessaire que nos lecteurs le connaissent, pour bien saisir le but
-déguisé ou avoué, secret ou patent, de toutes ses actions, de toutes
-ses pensées, pendant les années de sa vie qui nous restent à
-parcourir. Ce fait fut de bonne heure reconnu par ses contemporains.
-Le grand Arnauld reprochait à madame de Sévigné qu'elle faisait de sa
-fille son idole, et il l'avait surnommée la jolie païenne. Au reste,
-pardonnons-lui ce besoin qu'elle éprouvait de s'occuper toujours de
-celle qu'elle chérissait, de lui écrire sans cesse lorsqu'elle en
-était séparée, de chercher à lui plaire, à la distraire, à
-l'intéresser par des traits d'esprit, d'imagination, des réflexions
-sérieuses des nouvelles plaisantes; pardonnons-lui ses écarts, ses
-redites, ses divagations, ses faiblesses, ces susceptibilités d'un
-cœur trop sensible, et les désirs insatiables de cette amitié goulue,
-comme dit Molière[525]; pardonnons-lui tout cela, puisque c'est à cela
-que nous devons les mémoires les plus amusants, les mieux écrits, les
-particularités les plus curieuses de l'histoire du règne de Louis XIV.
-
-De ce règne chaque année accroissait l'éclat. La France était en paix
-avec toute l'Europe; mais le jeune roi avait envoyé un puissant
-secours à l'empereur d'Allemagne contre les Turcs. Les nombreuses
-lettres qu'il écrivit à Coligny, auquel il avait confié le
-commandement de cette petite armée, nous prouvent combien il avait à
-cœur l'honneur des armes françaises, la bonne discipline des troupes;
-combien il se donnait de peines et de soins pour récompenser les
-belles actions. Ces lettres sont des instructions particulières
-propres à Louis XIV, lettres confidentielles, et indépendantes de
-celles que ses ministres écrivaient en son nom pour les besoins du
-service[526]. Il nous reste encore de lui d'autres lettres, écrites
-alors à La Feuillade, parti pour la même expédition à la tête d'un bon
-nombre de gentils-hommes volontaires, où nous voyons comme ce jeune
-roi savait surveiller ses généraux[527], et se faire instruire par
-plus d'une voie de la conduite de chacun. La même sagesse, la même
-sollicitude se font voir dans les lettres adressées au duc de
-Beaufort[528] et à Vivonne, relativement à l'expédition de Gigeri en
-Afrique, et dans celles qu'il écrivit au marquis de Tracy, qui
-commandait dans les colonies[529]. A cette époque Louis XIV
-n'employait les forces de la France que pour protéger la civilisation
-et la chrétienté contre la barbarie du mahométisme, et délivrer les
-mers de la tyrannie et de la cruauté des pirates[530]. En même temps
-que par tous ses actes il imprimait au dehors le respect et la
-crainte[531], tout était par lui au dedans assujetti à des formes
-régulières, à des améliorations rapides et successives. Il terminait
-le Louvre et commençait Versailles[532]; il ordonnait que le projet de
-canal conçu pour la jonction des deux mers fût exécuté[533]; il
-donnait, par la construction des routes, une nouvelle vie au commerce
-intérieur; il faisait renaître le commerce maritime, en encourageant
-l'esprit d'association et en autorisant l'établissement d'une
-Compagnie des Indes orientales[534]; il enrichissait les artistes en
-leur confiant d'importants travaux; il acquérait pour son compte la
-manufacture des Gobelins[535], pour placer ensuite à la tête de cet
-établissement le peintre Le Brun; et la musique, la danse, l'art du
-décorateur, étaient naturalisés en France, avec des conditions de
-perfectionnement toujours croissantes par la fondation de
-l'Opéra[536]. Lorsqu'il voyageait, le jeune roi avait soin de faire
-prévenir les autorités de tous les lieux où il devait se rendre, afin
-qu'elles avertissent les habitants des campagnes et des villes du jour
-et de l'heure de son passage, et que tous ceux qui auraient à former
-des plaintes ou des demandes pussent les lui présenter en
-personne[537]. En même temps Colbert, par ses ordres, envoyait à tous
-les intendants du royaume une circulaire qui contenait un système
-entier et complet d'instruction, pour les recherches à faire sur
-toutes les branches de l'administration de la France[538].
-
-Par une rencontre heureuse, des génies d'un ordre supérieur se
-développaient à la même époque pour célébrer les merveilles du nouveau
-règne, et en augmenter le nombre par leurs immortels chefs-d'œuvre.
-Les derniers rayons de la gloire du grand Corneille brillaient encore
-à l'aurore de celle de Louis XIV; et alors que Racine, encore inconnu,
-faisait entendre les premiers accents de sa muse harmonieuse[539], les
-premiers vers de Boileau furent publiés dans un recueil, sans l'aveu
-de leur auteur. Dans le _Discours au Roi_, tous les genres de mérite
-qui distinguaient le jeune monarque et le recommandaient à l'amour du
-peuple y étaient dignement célébrés[540]. Le recueil qui contenait ce
-discours renfermait aussi les premières satires du jeune poëte, où
-Ménage et Chapelain[541], ces hautes puissances littéraires, étaient
-attaqués sans ménagements, et où Molière était exalté et vengé de tous
-ses critiques. Racine venait de débuter au théâtre par une pièce
-assez faible, et La Fontaine avait mis en même temps au jour
-quelques-uns de ses Contes. Les écrits de ces quatre amis, qui se
-succédèrent rapidement, ne tardèrent pas à opérer une révolution dans
-le goût du public; et de tous les poëtes (trop prônés d'abord, trop
-dépréciés depuis) du règne de Richelieu, de la Fronde et de Mazarin,
-un seul resta debout, ce fut Corneille; semblable à un grand colosse
-qu'aurait entouré de ruines un tremblement de terre, sans pouvoir
-ébranler sa masse, et qui devient plus imposant et plus majestueux par
-les vieux débris couchés sur le sol et par les nouvelles constructions
-qu'on y a élevées.
-
-Mais Molière était alors le seul des quatre nouveaux poëtes dont la
-réputation fût faite, dont le mérite fût reconnu[542] et
-universellement apprécié; le seul qui fût en possession de la faveur
-du roi. Déjà, dans une de ces fêtes brillantes données à la cour, où
-il figurait toujours et comme auteur et comme acteur, on avait
-représenté les trois premiers actes (les seuls qui fussent achevés) de
-son plus étonnant chef-d'œuvre, le _Tartufe_. Pour Louis XIV, tout
-divertissement eût été incomplet sans l'esprit de Molière et la
-musique de Lulli: les sons mélodieux de ce dernier étaient fort bien
-assortis à ces ballets magnifiques où le jeune monarque aimait à
-développer ses talents pour la danse; et ils convenaient aux
-madrigaux, aux allégories ingénieuses et quelquefois graveleuses que
-composait Benserade; mais le génie de Molière n'avait aucune analogie
-avec ces brillantes fadaises. Il était difficile de comprendre comment
-la comédie maligne et moqueuse, avec son franc-parler, ses mordantes
-saillies, pouvait se mêler à toute cette pompe, à tout ce bruit, à
-tout ce mouvement, de manière à ne pas former un ensemble qui ne fût
-pas incohérent. N'importe, il le fallait; le roi demandait, et Molière
-se prêtait à tout pour lui plaire; de là _l'Impromptu de Versailles_,
-_le Mariage forcé_, _la Princesse d'Élide_[543], compositions
-irrégulières, indéfinissables, dans lesquelles l'auteur, sachant faire
-ployer son art aux fantaisies du monarque, écrivait encore des scènes
-empreintes de naturel et de comique; et dans les efforts même qu'il
-faisait pour échapper aux difficultés qu'on lui imposait, mêlant
-ensemble la prose et les vers, des airs et du dialogue, du récitatif
-et des danses, des sujets sérieux et des jeux bouffons, il inventait
-de nouveaux genres de compositions scéniques, qui ont eu depuis leurs
-théâtres spéciaux, et ont contribué à varier les plaisirs des
-représentations théâtrales chez la nation qui a toujours montré pour
-elles le plus de prédilection et a su le mieux les apprécier.
-
-Ce n'était pas le besoin de vaines distractions qui engageait Louis
-XIV à prodiguer des sommes considérables pour donner des fêtes
-splendides, à l'époque même où il cherchait, par une sévère économie,
-à mettre de l'ordre dans ses finances. Mais de même que ses désirs de
-gloire le portaient à violenter ses habitudes, à se condamner tous les
-jours à plusieurs heures de travail fastidieux, pour être puissant et
-redouté en Europe; de même l'amour l'excitait à se montrer généreux et
-galant, à déployer ses grâces et son adresse dans des exercices de
-corps; à se montrer vêtu avec goût et magnificence au milieu de son
-brillant cortége; à paraître toujours plus grand et plus aimable, pour
-être toujours plus admiré et plus aimé. Personne n'ignorait, depuis
-quelque temps, que ces fêtés multipliées, données sous divers
-prétextes aux reines ou à MADAME, avaient lieu principalement pour
-mademoiselle de La Vallière, dont la liaison avec le monarque n'était
-plus un mystère[544]. Divers emblèmes de ces fêtes, les vers qu'on y
-récitait, les airs qu'on y chantait, faisaient des allusions non
-déguisées aux inclinations amoureuses du roi, à celle qui en était
-l'objet, et à toutes les liaisons de même nature qui avaient lieu dans
-cette cour galante et voluptueuse. Si Benserade se les permettait,
-c'est qu'il savait que c'était un moyen de plaire au roi, qui, fier et
-orgueilleux de sa belle maîtresse et de l'amour qu'il lui
-inspirait[545], croyait qu'il était au-dessous de sa dignité de
-feindre et de se cacher; qui éprouvait le besoin de faire connaître
-son bonheur, et d'y faire participer une cour jeune, indulgente et
-facile.
-
-Anne d'Autriche, ne pouvant empêcher les écarts de son fils, avait
-voulu l'engager à sauver au moins les apparences. Mais tous ses
-efforts, et les vertueuses résistances ménagées ou appuyées par elle,
-ne servirent qu'à irriter le jeune monarque: il signala ses
-impérieuses volontés par d'éclatantes disgrâces, dans lesquelles Anne
-d'Autriche parut elle-même enveloppée. Mais alors elle tomba malade;
-et l'affection que son fils lui portait se manifesta par des actes
-touchants, qu'à tort on a cru peu dignes de la majesté de l'histoire.
-L'histoire, au contraire, ne doit rien laisser en oubli de tout cc qui
-peut contribuer à nous mieux faire connaître les personnages qui ont
-exercé une grande influence sur les destinées des hommes et des États.
-
-Tant que Louis XIV put craindre de perdre sa mère, toutes les
-réjouissances furent suspendues. Les emportements de l'amour ne
-l'empêchèrent pas de consacrer à cette mère chérie tous les moments
-que les affaires de son royaume lui laissaient pendant le jour. La
-nuit, il couchait près d'elle tout habillé, sur un matelas qu'il
-faisait étendre au pied de son lit. Madame de Motteville, qui veilla
-seule plusieurs fois auprès d'Anne d'Autriche, vit dormir le roi dans
-cette situation. Son visage, qui brillait alors de tout l'éclat de la
-première jeunesse, acquérait, dit-elle, par le sommeil, plus de
-douceur, sans rien perdre de sa beauté et de sa majesté. Madame de
-Motteville montre dans tout ce qu'elle a écrit un jugement exquis et
-un rare discernement; mais elle avait cependant, comme toutes les
-femmes de son temps, la mémoire remplie de faits chevaleresques et des
-aventures amoureuses des héros de l'Arioste, d'Astrée, d'Amadis, des
-romans de La Calprenède et de mademoiselle de Scudéry. C'étaient les
-lectures favorites des femmes les plus spirituelles de cette époque.
-Madame de Motteville, d'un âge déjà mûr, avoue avec naïveté qu'en
-contemplant le jeune monarque ainsi endormi, oubliant la tristesse et
-les inquiétudes que lui causait l'état où se trouvait la reine mère,
-il lui est arrivé quelquefois, dans le silence de la nuit, de
-s'abandonner aux rêves de son imagination, et que, moitié éveillée
-moitié assoupie, elle croyait être une jeune princesse qui, après
-mille courses aventureuses, avait été transportée dans l'épaisseur
-d'un bois ou sur le rivage de la mer, où un beau guerrier, un héros
-illustre, accablé par la fatigue et plongé dans un profond sommeil,
-s'était offert à ses regards[546]. Puis, honteuse de ces folles
-pensées et de l'impression qu'elle en ressentait, elle se levait de
-dessus son fauteuil, et se mettait à genoux, priant Dieu avec ferveur
-pour celui qui les lui avait inspirées. Ce mélange d'émotions
-sensuelles ou profanes et de sensibilité religieuse caractérise
-surtout les personnages de ce temps, et se retrouve dans presque tous.
-
-Louis XIV ne se reposait sur personne pour la surveillance des soins
-dont dépendaient les jours de sa mère. «Il l'assistait, dit madame de
-Motteville, avec une application incroyable; il aidait à la changer de
-lit, et la servait mieux et plus adroitement que toutes ses
-femmes[547].» Ce témoignage rendu à la piété filiale de Louis XIV est
-d'autant moins suspect, que madame de Motteville, amie de madame de
-Navailles, ne jouissait pas de la faveur du roi; il attribuait à ses
-conseils la sévérité de sa mère à son égard, et il pensa un instant à
-la séparer d'elle en l'exilant.
-
-Lorsque Anne d'Autriche fut convalescente, Louis XIV lui témoigna son
-repentir des chagrins qu'il lui avait causés; mais il ne se montra pas
-plus disposé à en tarir la source. Au contraire, son amour pour La
-Vallière continuant à prévaloir sur toute autre considération, il
-déclara que, sous peine d'encourir sa disgrâce, les dames de qualité
-devaient la suivre. Cette résolution du jeune monarque remplit
-pendant quelque temps la cour d'intrigues et de cabales; les
-résistances et les complaisances auxquelles elle donna lieu devinrent
-l'origine de l'abaissement des uns et de l'élévation des autres[548].
-
- [525] MOLIÈRE, _École des Femmes_, acte II, scène III, p. 24 de
- l'édition de 1663; t. III, p. 26 de l'édition d'Auger.
-
- [526] LOUIS XIV, _OEuvres_, t. V; _Lettres_, p. 203-205, 208,
- 209, 260 (des 7 et 15 août 1664).
-
- [527] LOUIS XIV, t. V, p. 179-220.--MONGLAT, _Mém._, t. LI, p.
- 131.--BUSSY, _Mém._, t II, p. 208 et 209, édit. in-12.
-
- [528] LOUIS XIV, _OEuvres_, t. V, p. 145, 193, 210, 228, 264,
- 269, 281, 291, 305, 311, 318, 356, 365, 368, 377, 380, 384, 388,
- 403.
-
- [529] LOUIS XIV, _OEuvres_, t. V, p. 262.--LORET, liv. XV, p. 63.
-
- [530] LOUIS XIV, _OEuvres_, t. V, p. 205-225.
-
- [531] LA FARE, _Mémoires_, t. LXV, p. 149.--MONGLAT, _Mém._, t.
- LI, p. 130.
-
- [532] LORET, liv. XIV, p. 58-61 (21 et 28 avril 1664).
-
- [533] _Histoire de la Monarchie Françoise_, 1697, in-12, t. II,
- p. 236.
-
- [534] Ibid., t. II, p. 226 et 166.
-
- [535] LORET, liv. XIV, p. 124 (en date du 29 juillet 1663).
-
- [536] LA FONTAINE, _OEuvres_, édit. 1827, t. VI, p. 109, note 1.
-
- [537] LOUIS XIV, t. V, p. 204 et 205 (_lettre_ à Courtin, datée
- de Fontainebleau, le 10 août 1664).
-
- [538] D'HAUTERIVE, _Quelques Conseils à un jeune Voyageur_ (16
- avril 1826), in-8º.
-
- [539] François DE NEUFCHATEAU, _Esprit du grand Corneille_, p.
- 434.
-
- [540] _Suite du Nouveau Recueil de plusieurs pièces diverses et
- galantes de ce temps_, 1665, p. 82 et 86 (avec la sphère).
-
- [541] _Nouveau Recueil de plusieurs pièces diverses et galantes
- de ce temps_, in-12, p. 24, la satire à Molière; p. 56, la satire
- à La Mothe Le Vayer.
-
- [542] Frères PARFAICT, _Hist. du Théâtre françois_, t. IX, p.
- 304.
-
- [543] MOLIÈRE, édit. d'Auger, t. III, p. 386, et t. III, p. 296,
- édit. d'Aimé Martin.
-
- [544] BENSERADE, t. II, p. 237.--GUERET, _Carte de la Cour_,
- 1663, p. 69.
-
- [545] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XL, p. 141, 212 et 213.
-
- [546] MOTTEVILLE, _Mémoires_, t. XL, p. 185-186.
-
- [547] Ibid., p. 186.
-
- [548] MOTTEVILLE, t. XL, p. 199, 201, 203, 211, 213, 218, 225.
-
-
-
-
-CHAPITRE XXII.
-
-1663-1664.
-
- Nouvelles fêtes à la cour.--Mademoiselle de Sévigné y
- paraît.--Mot du marquis de Tréville en la voyant.--Détails sur ce
- qui la concerne.--Comparée avec sa mère.--Éloge et reproche que
- lui adresse La Fontaine.--Elle danse dans le ballet du
- roi.--Vers de Benserade faits pour elle dans ce ballet.--Éloges
- qu'en fait Loret dans sa gazette.--Loret dit que La Vallière est
- digne d'avoir un balustre.--Usage du balustre.--Éloge que Loret
- fait de mademoiselle de Mortemart, devenue madame de
- Montespan.--La liberté dans le langage ne choquait point
- alors.--La semaine sainte interrompt les fêtes.--Diverses causes
- les font recommencer avec plus d'ardeur.--Mademoiselle de Sévigné
- reparaît dans le ballet des _Amants déguisés_.--Vers de Benserade
- pour elle dans ce ballet.--Éloge que Loret fait de ce ballet et
- de mademoiselle de Sévigné.--Divertissements de cette année, plus
- variés que de coutume.--Jeux de la ramasse.--Foire
- Saint-Germain.--Bal masqué donné par la reine.--Ballet des
- _Amants déguisés_.--Fêtes du mois de mai de 1664.--Il est
- probable que madame de Sévigné s'y est trouvée avec sa
- fille.--Elle se rend à sa terre de Bourbilly, et se retrouve avec
- Bussy.--Il y a tout lieu de croire que son départ de la capitale
- n'eut lieu qu'après celui de la cour.
-
-
-Si on excepte le temps que dura la maladie de la reine mère, et les
-intervalles qui paraissaient bien longs du carême et de la semaine
-sainte, pendant lesquels le jeune abbé Bossuet faisait entendre des
-paroles fortes et sévères[549], les années du nouveau règne
-s'écoulaient dans une suite presque continuelle de bals, de jeux, de
-spectacles et de divertissements. Durant cette année (1663), des
-mariages et des naissances dans la famille royale et dans d'autres
-grandes familles; la création de nouveaux ducs et pairs; les grâces du
-roi, répandues sur plusieurs de ses serviteurs; la présence du prince
-royal de Danemark et des envoyés de la confédération des Suisses à
-Paris; l'arrivée d'un légat du pape; le retour du prince et de la
-princesse de Conti dans la capitale, et plusieurs autres circonstances
-moins importantes, donnèrent encore plus d'activité aux fêtes, et les
-rendirent plus fréquentes[550].
-
-Ce fut dans ces fêtes que parut pour la première fois à la cour la
-fille de madame de Sévigné. Elle avait quinze ans: en la voyant, le
-marquis de Tréville, connu par son esprit et par ses bons mots, dit:
-«Cette beauté brûlera le monde.» Et en effet au teint éclatant d'une
-blonde mademoiselle de Sévigné joignait les traits les plus réguliers
-et une taille svelte, aux formes les plus gracieuses; elle montrait
-alors une intelligence prompte et facile. Sa mère sut mettre à profit
-ces dispositions naturelles, par l'éducation la plus complète et la
-mieux dirigée. Lorsque cette éducation fut terminée, mademoiselle de
-Sévigné écrivait non-seulement sa langue, mais encore la langue
-italienne, avec beaucoup de pureté; elle savait un peu de latin, et,
-selon la coutume de cette époque, parmi les femmes d'un certain rang,
-de ne point rester étrangères à tout ce qui faisait l'entretien des
-hommes, elle apprit la philosophie de Descartes, dont on s'occupait
-beaucoup alors. L'application qu'elle mettait aux études sérieuses
-n'avait point nui à l'acquisition des talents ni aux arts d'agrément.
-Elle excellait surtout dans la danse, et ce fut sans doute ce qui lui
-valut l'honneur d'être admise, si jeune, à danser avec le roi[551]. On
-ne peut disconvenir qu'en la laissant déployer toutes ses grâces et
-tous ses attraits aux yeux d'un monarque facile à enflammer, et en la
-produisant de si bonne heure au milieu d'une cour voluptueuse, madame
-de Sévigné ne s'abandonnât avec trop peu de prudence aux jouissances
-de l'orgueil maternel. Heureusement pour elle et pour sa fille, la
-prédiction du marquis de Tréville ne s'accomplit pas. Mademoiselle de
-Sévigné a donné une preuve de plus que la beauté et la supériorité du
-savoir et des talents ne suffisent pas seules pour faire naître les
-grandes passions; que l'admiration ne produit pas toujours la
-tendresse; et que l'esprit et les yeux peuvent être satisfaits sans
-que le cœur soit touché. Beaucoup plus belle que sa mère, plus
-savante peut-être, plus habile dans les arts d'agrément, mademoiselle
-de Sévigné, avec une riche dot, dans tout l'éclat de la jeunesse, eut
-de la peine à rencontrer un parti sortable, et ne fit jamais naître
-l'amour; tandis que tous les hommes qui voyaient madame de Sévigné se
-passionnaient pour elle, et qu'elle aurait pu, même après un veuvage
-déjà avancé, choisir un époux à son gré et contracter encore un
-mariage brillant, si sa tendresse pour ses enfants, et surtout pour sa
-fille, ne l'en eût empêchée. La cause de ceci nous est connue:
-mademoiselle de Sévigné était froide et réservée, et son premier abord
-avait quelque chose de dédaigneux; elle ne possédait pas la moindre
-étincelle de ce feu qui animait sa mère; elle n'avait rien de cette
-vivacité affectueuse, de cette sensibilité exquise, de cette verve
-spirituelle, qui charmait tant dans madame de Sévigné, et lui
-prêtaient des attraits souvent enivrants pour ceux à qui elle voulait
-plaire; et elle le voulait presque pour tous. Elle mettait son bonheur
-à être recherchée, admirée, louée, et surtout à être aimée. Il n'en
-était pas ainsi de mademoiselle de Sévigné: sa froideur était si
-connue, si généralement sentie, que La Fontaine lui en fait un
-reproche dans une fable qu'il lui a dédiée; mais, avec ce tact fin qui
-le caractérise, il déguise le blâme sous les termes ambigus d'un
-éloge:
-
- Vous qui naquîtes toute belle,
- A votre indifférence près[552].
-
-Ainsi, selon La Fontaine, une femme ne pouvait être parfaitement belle
-si elle était indifférente. La Fontaine avait raison: la beauté froide
-est cette Galatée muette et immobile, cette statue de la fable, que le
-souffle divin n'a point animée, et qui ne peut inspirer d'amour qu'à
-celui dont elle fut l'ouvrage. Si, comme Pygmalion, madame de Sévigné
-eût pu transmettre son âme à celle qui lui devait la vie, à celle
-qu'elle s'était plu à former et à combler de tant de perfections, elle
-n'eût pas été la seule à la chérir, à s'occuper d'elle avec délices, à
-épuiser en sa faveur toutes les formes de l'éloge, toutes les
-expressions de la tendresse; et cette beauté, comme avait dit le
-marquis de Tréville, eût brûlé le monde. Mais celle qui était
-remarquable par ses attraits fut admirée; celle qui se montra sage
-dans sa conduite fut estimée, et ce fut tout. Tout..., je me trompe:
-celle qui ne chercha point à plaire déplut, celle qui mit trop peu de
-prix à paraître aimable ne fut point aimée. Dans le monde moral, comme
-dans le monde physique, toujours les conséquences sont conformes aux
-prémisses.
-
-Au temps dont nous nous occupons, on cherchait à la voir, on aimait à
-la regarder comme un astre nouvellement levé sur l'horizon: on ne
-voulait point la juger. Au milieu de tant de beautés ravissantes, la
-jeune Sévigné apparaissait semblable à une des fleurs, à peine
-entr'ouverte, d'un buisson de roses, mais brillant par de si fraîches
-et de si vives couleurs, qu'elle fixe les regards de préférence à
-toutes les autres. Ce fut en janvier 1663, et dans le _ballet des
-Arts_, qu'elle dansa pour la première fois: la sensation qu'elle
-produisit fut grande; c'est ce que Benserade fait entendre dans les
-premiers vers récités dans ce ballet, à son sujet:
-
- Déjà cette beauté fait craindre sa puissance;
- Et, pour nous mettre en butte à d'extrêmes dangers,
- Elle entre justement dans l'âge où l'on commence
- A distinguer les loups d'avecque les bergers.
-
-Dans ce même ballet, qui fut joué pendant tout l'hiver, le roi
-représentait un berger[553], MADAME jouait le rôle de Pallas, et
-mademoiselle de Sévigné dansait avec elle, dans la septième entrée,
-avec mesdemoiselles de Mortemart, de Saint-Simon et de La Vallière.
-Toutes les quatre étaient vêtues en Amazones. Les vers chantés ou
-récités à cette occasion pour mademoiselle de Sévigné, démontrent
-tout ce qu'on permettait de licence à la muse de Benserade dans ces
-représentations théâtrales, où se trouvaient cependant deux reines, et
-où la plus jeune figurait comme actrice.
-
- _Pour mademoiselle de_ SÉVIGNY, Amazone.
-
- Belle et jeune guerrière, une preuve assez bonne
- Qu'on suit d'une Amazone et la règle et les vœux,
- C'est qu'on n'a qu'un teton: je crois, Dieu me pardonne,
- Que vous en avez déjà deux[554].
-
-Loret, en rendant compte de la première représentation de ce ballet,
-dans sa Gazette du 20 janvier 1663, après avoir décrit l'entrée de
-MADAME et des demoiselles Saint-Simon, Mortemart et La Vallière,
-ajoute:
-
- Sévigny, pour qui l'assemblée
- Était de merveille comblée,
- Chacun paraissant enchanté
- De sa danse et de sa beauté.
- Fille jeune, fille brillante,
- Fille de mine ravissante,
- Et dont les jolis agréments
- Charment les cœurs à tous moments[555].
-
-Loret fait ensuite l'éloge du roi, qu'il appelle un brave
-porte-couronne. Le plaisir que Louis XIV prenait à ces danses et à ces
-divertissements était singulièrement augmenté par les éloges détournés
-et les allusions ingénieuses qu'ils suggéraient à Benserade dans la
-composition des vers de ces ballets.
-
-On joua encore de nouveau, l'année suivante, le _ballet des Arts_: les
-mêmes personnages y figurèrent; et parmi les belles dont Loret fait
-l'éloge, au sujet de cette reprise, mademoiselle de Sévigné n'est pas
-oubliée:
-
- Les autres beautés renommées,
- Qu'ailleurs j'ai toutefois nommées,
- C'était Saint-Simon, Sévigny
- De mérite presque infini;
- La Vallière, autre fille illustre,
- Digne un jour d'avoir un balustre.
-
-Ce dernier vers fait allusion à l'usage où l'on était d'entourer d'un
-balustre l'estrade sur laquelle le lit était élevé; ce qui n'avait
-lieu que pour les rois, les reines, et les personnages d'une haute
-distinction. Mademoiselle de Mortemart, qui figurait encore dans ce
-ballet avec mademoiselle de Sévigné, comme une des quatre Amazones,
-s'était mariée à Montespan depuis la première représentation; et c'est
-par cette raison que Loret la nomme la défunte Mortemart, car, dit-il,
-
- Depuis qu'elle n'est plus pucelle,
- Ce n'est plus ainsi qu'on l'appelle[556].
-
-On voit d'après cette citation, à laquelle je pourrais en joindre
-d'autres, que les gazettes de Loret, qui ne circulaient qu'à la cour
-et dans le beau monde, étaient écrites d'un style aussi libre que les
-ballets de Benserade. L'on doit, d'après cela, moins s'étonner de
-certaines expressions de Molière et des auteurs de ce temps, et par
-conséquent de celles qui se présentaient sous la plume de madame de
-Sévigné, ou qui lui échappaient dans la vivacité du dialogue.
-Quoiqu'elle eût passé sa première jeunesse parmi les précieuses, la
-mobilité de son imagination lui faisait facilement adopter les
-nouveaux usages qui étaient favorables à la gaieté de son caractère.
-
-Le carême et la semaine sainte vinrent interrompre tout divertissement
-mondain, et ramenèrent le règne des prédicateurs et les somptueuses
-cérémonies ecclésiastiques. Dans celles-ci, la musique de La Barre, de
-Boisset, de Hottman, de Molière (j'entends le musicien, et non pas le
-poëte), et les belles voix des demoiselles Hilaire, Saint-Christophe
-et Cercamanans, faisaient, comme dans les fêtes profanes, les délices
-des assistants[557]. Les deux reines et les personnes pieuses
-joignaient, à leur exemple, aux actes de dévotion, qui étaient de
-rigueur, de fréquents voyages à l'ermitage du mont Valérien, alors
-occupé par des dominicains; ce pèlerinage était fort en vogue[558].
-
-Après ce temps de pénitence et de privations, les plaisirs
-recommencèrent par des festins, des bals donnés par le roi et les
-grands de la cour[559], auxquels succédèrent des chasses brillantes à
-Versailles, à Vincennes et à Chantilly; puis, la foire Saint-Laurent,
-qui jamais n'avait eu tant d'éclat[560].
-
-Lorsque l'hiver survint, au commencement de l'année suivante, on monta
-un nouveau ballet, intitulé _les_ _Amours déguisés_. Mademoiselle de
-Sévigné était un trop grand ornement de ces ballets, pour que le roi
-ne désirât pas qu'elle figurât dans tous. Elle était dans celui de
-l'année 1664 au nombre des Amours déguisés en Nymphes maritimes, avec
-mademoiselle d'Elbœuf, madame de Montespan et madame de Vibraye:
-Benserade termine les vers qu'il fit pour elle, à cette occasion, par
-un compliment à sa mère[561]:
-
- _Pour mademoiselle_ DE SÉVIGNY, _Amour déguisé en Nymphe
- maritime_.
-
- Vous travestir ainsi, c'est bien être ingénu,
- Amour! c'est comme si, pour n'être pas connu,
- Avec une innocence extrême,
- Vous vous déguisiez en vous-même.
- Elle a vos traits, vos feux, et votre air engageant,
- Et, de même que vous, sourit en égorgeant.
- Enfin, qui fit l'une a fait l'autre,
- Et, jusques à sa mère, elle est comme la vôtre.
-
-Loret, dans sa gazette, a fait une description pompeuse de la première
-représentation de ce ballet, qui eut lieu dans le milieu de février
-1664. On voit, par son récit, que les grands de la cour y figuraient
-avec les acteurs et les actrices les plus renommés, avec
-
- L'excellent acter Floridor,
- Qui vaut mieux que son pesant d'or,
-
-et la célèbre Desœillets, et Montfleury et sa fille. Après avoir,
-selon son usage, commencé par l'éloge du roi, de MONSIEUR, des reines,
-des princesses, Loret en vient aux filles d'honneur, et termine tous
-ces éloges par celui de mademoiselle de Sévigné.
-
- J'ai pensé faire une folie
- En oubliant cette jolie,
- Cette pucelle Sévigny,
- Objet de mérite infini.
- Certes, moi qui l'ai deux fois vue
- De divers agréments pourvue,
- Et d'une très-rare beauté,
- Aux ballets de Sa Majesté,
- Si quelqu'un s'en venait me dire,
- Et fût-ce le roi notre sire:
- As-tu rien vu de plus mignon?
- Je lui dirais hardiment: Non[562].
-
-La reine mère, se ployant aux goûts et aux désirs de son fils, donna
-un bal masqué vers la fin du carnaval. A tous les plaisirs des années
-précédentes, la rigueur du froid en fit joindre un d'un genre tout
-nouveau: c'était le jeu qu'on appelle _la ramasse_, qui eut alors une
-grande vogue. Ce jeu consistait à se faire précipiter de haut en bas
-avec une grande rapidité, au moyen d'une machine qui devait ressembler
-à celle des montagnes russes, que nous avons vue de nos jours[563]. La
-foire Saint-Germain offrit aussi cette fois une richesse et une pompe
-extraordinaires; elle fut plus fréquentée, eut un aspect encore plus
-gai, plus animé que dans les années précédentes.
-
-Mais toutes les fêtes de l'hiver furent surpassées par celles que
-Louis XIV donna au printemps, dans le parc de Versailles: elles
-commencèrent le 7 mai, et durèrent six jours. Le décorateur Vigarani
-donna pour titre à ces fêtes: _les Plaisirs de l'île enchantée_. Comme
-celles du Carrousel et des Tuileries, elles laissèrent un long
-souvenir. Benserade[564] composa des sonnets, des madrigaux et des
-quatrains, contenant l'éloge de tous ceux qui y figuraient, à
-commencer par le roi. Molière, à cette occasion, composa _la Princesse
-d'Élide_ et _le Mariage forcé_[565]. Nous ne pouvons douter que madame
-de Sévigné et sa fille n'aient assisté à ces fêtes, qui eurent lieu au
-commencement de mai, surtout si nous remarquons que mademoiselle de
-Sévigné participait à la représentation de _l'Amour déguisé_, qui fut
-donnée chez MONSIEUR, au Palais-Royal, à la fin de février. Cependant
-nous n'avons aucune preuve directe de leur présence à Versailles à
-cette époque; et nous savons que madame de Sévigné se rendit cette
-année dans sa terre de Bourbilly, en Bourgogne, où elle se retrouva
-dans la société de son cousin Bussy[566]; mais ses départs pour la
-province n'avaient ordinairement lieu que lorsque la cour quittait la
-capitale pour transporter son séjour à Saint-Germain, à Compiègne ou à
-Fontainebleau.
-
- [549] LORET, liv. XV, p. 66 (15 mai 1664).
-
- [550] LORET, liv. XV, p. 33, 61, 123, 165, 195-203, 200, 3 mars,
- 28 avril, 29 juillet, 6 octobre, 1er et 15 décembre
- 1663.--MOTTEVILLE, _Mém._, t. XL, p. 195.--MONTPENSIER, _Mém._,
- t. XLIII, p. 54-67.
-
- [551] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. II, p. 92.
-
- [552] LA FONTAINE, _Fables_, liv. IV, fable 1; I; t. I, p. 177
- des _OEuvres_ de LA FONTAINE, édit. 1827, in-8º.
-
- [553] BENSERADE, _OEuvres_, t. II, p. 285, 288.
-
- [554] BENSERADE, _OEuvres_, t. II, p. 299.
-
- [555] LORET, _Muse historique_, liv. XIV, p. 10.
-
- [556] LORET, liv. XIV, p. 26 (17 février).
-
- [557] LORET, _Muse historique_, liv. XIV, p. 46 (31 mars 1663).
-
- [558] Ibid., p. 13, 18, 48 et 49 (27 janvier, 3 février, 17 mars,
- et 7 avril 1663).
-
- [559] Id., liv. XIV, p. 188, 192 (17 et 24 novembre
- 1663).--MONTPENSIER, _Mém._, t. XLIII, p. 54.--LORET, liv. XIV,
- p. 33 (3 mai).
-
- [560] Id., liv. XIV, p. 139, 140 (25 août), p. 174 (20 octobre).
-
- [561] BENSERADE, _OEuvres_, 1697, t. II, p. 316.--LORET, liv. XV,
- p. 25, _lettre 6_, en date du 9 février 1664.
-
- [562] LORET, liv. XV, p. 27 (16 février 1664).--Ibid., p. 32 et
- 33, et 35 (1er mars).
-
- [563] Ibid., pag. 18 (2 février).
-
- [564] BENSERADE, _OEuvres_, t. II, p. 319 à 324.
-
- [565] LORET, _Muse historiques_, liv. XV, p. 73.--BENSERADE, t.
- II, p. 319, 324.--MOLIÈRE, _OEuvres_ t. III, p. 105 à 150, édit.
- d'Auger; t. III, p. 447, édit. d'Aimé Martin.--MARIGNY, _Relation
- des fêtes que le roi a données aux reines dans le parc de
- Versailles_ (14 mai 1664), dans les _OEuvres de_ MARIGNY, p.
- 34.--_Les Plaisirs de l'île enchantée_, 1 vol. in-folio,
- accompagné de neuf planches gravées par ISRAEL SYLVESTRE.
-
- [566] _Lettre de Bussy à madame de Sévigné_, le 21 novembre 1866,
- dans SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 109, édit. M.; t. I, p. 154,
- édit. G.
-
-
-
-
-CHAPITRE XXIII.
-
-1665.
-
- Aucune femme ne figurait dans les fêtes de Versailles.--Nouveau
- ballet donné à la cour.--Mademoiselle de Sévigné y figure sous le
- costume d'Omphale.--Vers de Benserade à sa louange.--Madrigal en
- langue italienne composé pour elle par Ménage.--Épigramme du même
- sur madame de Sévigné.--Les éloges donnés à son teint, dans cette
- pièce, sont confirmés par Bussy et madame de la Fayette.--Le
- temps entre 1663 et 1669 fut le plus heureux de la vie de madame
- de Sévigné.--Elle le passa dans la société de ses anciens amis et
- amants et dans des fêtes continuelles.--Intrigues de cour qui
- donnaient un grand intérêt à ces fêtes.--Madame de Sévigné était
- répandue dans la société des gens de robe et de finance, comme
- parmi ceux de la cour.--Elle était liée avec madame
- Duplessis-Guénégaud; elle l'allait voir à Fresnes, où celle-ci
- donnait des fêtes fréquentes.--Madame de Guénégaud donne un
- ballet à mascarades à Fresnes, lors du mariage de sa fille.--Son
- mari est obligé de rendre des comptes, et elle est privée d'une
- partie de sa fortune.--Louis XIV contraint à l'obéissance, par
- des moyens despotiques, tous ceux qui résistent à ses
- ordonnances.--Bussy est arrêté et mis à la Bastille.
-
-
-Si madame de Sévigné se trouva avec sa fille aux fêtes de Versailles,
-elles furent toutes deux au nombre des spectatrices, et mademoiselle
-de Sévigné n'eut point de rôle à jouer; ce qui ne doit point étonner,
-puisque aucune dame de la cour ne figura dans ces fêtes. Il y eut une
-course de bague, où les hommes se montrèrent sous divers déguisements.
-Louis XIV y parut habillé d'abord en berger, et ensuite sous le
-costume du chevalier Roger, ce fameux paladin du poëme de l'Arioste.
-Il y eut des festins, des feux d'artifice, la comédie, des
-cavalcades, mais aucune représentation de ballet royal[567].
-
-On en composa un nouveau pour l'hiver suivant. Il était intitulé: _la
-Naissance de Vénus_. Le duc de Saint-Aignan en était l'inventeur;
-Benserade avait mis ses idées en vers; Vigarani avait construit les
-décorations; les deux plus fameuses cantatrices de l'époque,
-mademoiselle Hilaire et mademoiselle Christophe, y faisaient entendre
-leurs voix. Mademoiselle de Sévigné, sous le costume d'Omphale,
-figurait avec le roi dans la dernière entrée de ce ballet. Les vers de
-Benserade que l'on y récitait à la louange de la jeune Omphale
-contenaient aussi un éloge de sa mère; et tout le monde applaudissait
-le poëte qui, au milieu de tant de licence, rendait justice à la
-vertu, et savait être flatteur sans flatterie.
-
-
-_Pour mademoiselle_ DE SÉVIGNY, Omphale.
-
- Blondins accoutumés à faire des conquêtes,
- Devant ce jeune objet si charmant et si doux,
- Tous grands héros que vous êtes,
- Il ne faut pas laisser pourtant de filer doux.
- L'ingrate foule aux pieds Hercule et sa massue;
- Quelle que soit l'offrande, elle n'est point reçue:
- Elle verrait mourir le plus fidèle amant,
- Faute de l'assister d'un regard seulement.
- Injuste procédé, sotte façon de faire,
- Que la pucelle tient de madame sa mère,
- Et que la bonne dame au courage inhumain,
- Se lassant aussi peu d'être belle que sage,
- Encore tous les jours applique à son usage,
- Au détriment du genre humain[568].
-
-Mademoiselle de Sévigné avait alors atteint l'âge de dix-sept ans;
-ses charmes avaient acquis tous leurs développements, et sa beauté
-était déjà devenue célèbre. Ménage, dans la nouvelle édition de ses
-poésies, avait adressé un madrigal en vers italiens «à la très-belle
-et très-vertueuse demoiselle Françoise de Sévigné». Il la prie de ne
-pas croire son cœur insensible, parce qu'il ne ressent pas pour elle
-l'amour qu'elle inspire à tous; mais ce cœur a déjà été enflammé par
-sa mère, et réduit en cendre par elle: il n'a plus la faculté de
-brûler[569]. Ménage ne croyait pas qu'il y eût du ridicule dans de
-pareilles fadaises, parce qu'il les écrivait en langue étrangère. Il
-donne encore, dans une petite pièce qu'il a intitulée, à la manière
-des anciens, _Épigramme_, parce qu'elle était courte, des éloges à
-mademoiselle de Sévigné; mais ce n'est que pour rehausser ceux de sa
-mère.
-
- _A madame la marquise_ DE SÉVIGNY.
-
- ÉPIGRAMME.
-
- Je l'ai dit dans la famille,
- Et je le dirai toujours,
- Vous n'aimez point votre fille,
- Ce miracle de nos jours.
- Par l'éclat incomparable
- De votre teint, de vos yeux,
- Par votre esprit adorable,
- Vous l'effacez en tous lieux[570].
-
-Cet éloge était vrai sous le rapport de l'esprit, vrai sous le rapport
-de la vivacité des yeux. On pourrait croire, relativement à ce que
-Ménage dit du «teint incomparable,» qu'il fait son métier de poëte et
-d'amant, et qu'il flatte; car mademoiselle de Sévigné était blonde
-comme sa mère, et dans toute sa fraîcheur. Cependant l'assertion de
-Ménage est confirmée par les portraits que Bussy-Rabutin et madame de
-La Fayette ont faits de madame de Sévigné. Le premier commence le sien
-en disant: «Madame de Sévigné a d'ordinaire le plus beau teint du
-monde[571]....» La seconde, en s'adressant à madame de Sévigné
-elle-même, dit: «Je ne veux point vous accabler de louanges, ni
-m'amuser à vous dire que votre taille est admirable, que votre teint a
-une fleur qui assure que vous n'avez que vingt ans[572]....» Madame de
-Sévigné en avait environ trente-trois lorsque ces deux portraits
-furent écrits, et on doit remarquer que l'intention de Bussy, dans le
-sien, était de la déprécier, et non de la louer; de l'offenser, et non
-pas de la flatter. Il est vrai que lorsque Ménage écrivit son
-épigramme, elle avait quelques années déplus: elle était âgée
-d'environ trente-huit ans; mais c'est à cet âge que, dans nos climats
-du moins, les femmes prennent un embonpoint, signe de force et de
-santé, qui leur donne un teint plus égal, plus reposé, non aussi
-frais, mais plus vif que dans leur première jeunesse. C'est cette
-seconde jeunesse, c'est cette jeunesse de l'âge mûr, qui est dans la
-vie comme le second mouvement de la séve des végétaux dans le déclin
-de l'année, et que l'on a nommée avec énergie le regain de la beauté.
-
-
-On peut affirmer, avec toute certitude, que cette époque a été pour
-madame de Sévigné la plus heureuse. Lorsqu'on réfléchit à sa fortune,
-à son rang, à sa position dans le monde, à son organisation vive et
-sensible, accessible à toutes les impressions agréables, parfaitement
-adaptée aux jouissances de son temps, il est permis de croire qu'il
-est peu de femmes qui aient jamais été appelées à jouir d'un aussi
-grand bonheur. Tous ses amis de la Fronde étaient rentrés. Le cardinal
-de Retz lui-même avait obtenu la permission de se rendre à
-Fontainebleau, et de se présenter devant le roi; madame de Sévigné
-était allée à sa rencontre jusqu'à Saint-Denis. S'il ne lui fut plus
-permis de demeurer à la cour, si la carrière de l'ambition lui fut
-pour toujours fermée, il fut plus entièrement livré à ses amis et à
-ceux dont il se faisait chérir. Il n'erra plus loin de sa patrie; et
-après tant d'agitations, dans sa belle retraite de Commercy, il put
-passer dans le repos les dernières années de sa vie[573]. Il s'y
-occupa de philosophie, de métaphysique[574], et s'amusa à rédiger ses
-Mémoires, qui lui ont acquis, comme écrivain, le premier rang en ce
-genre. Les autres amis de madame de Sévigné, Turenne, le comte du
-Lude, Tonquedec, le gai Marigny, et tant d'autres, restés en faveur,
-ou pardonnés, étaient revenus de leur exil. Ainsi tous ceux qui
-l'avaient vue entrer à la cour et dans le monde, elle les retrouvait;
-ils composaient encore sa société intime, et, toujours belle, riche,
-spirituelle, elle jouissait également des nouveaux hommages que ses
-charmes lui attiraient parmi les jeunes gens, et de ceux que depuis
-longtemps lui rendaient ses anciens adorateurs. Mais les succès
-qu'elle obtenait n'étaient rien en comparaison des jouissances que lui
-donnaient ceux de sa fille. C'est par elle, c'est pour elle, qu'elle
-semblait vivre et plaire, pour elle qu'elle éprouvait tant d'orgueil
-et de délices à ces ballets. La jeunesse et les grâces de mademoiselle
-de Sévigné attiraient tous les regards; et jamais peut-être les fêtes
-ne furent plus multipliées que depuis sa présentation à la cour
-jusqu'à son mariage, c'est-à-dire depuis l'année 1663 jusqu'à l'année
-1669. Il y en avait sans cesse, il y en avait partout; car on ne se
-contentait pas de celles que donnaient le roi et les princes: à leur
-imitation, les personnages qui, par leur rang ou leur fortune,
-tenaient un grand état de maison avaient aussi leurs ballets, leurs
-mascarades, leurs musiciens et leurs danseurs.
-
-Madame de Sévigné était invitée aux fêtes les plus magnifiques: elle
-n'était pas seulement répandue dans la noblesse; ses liaisons avec
-Fouquet lui avaient procuré des amis parmi les gens de robe et
-parmi ceux de la haute finance. Ainsi qu'on l'a vu, madame
-Duplessis-Guénégaud avait conçu une vive amitié pour elle: cette
-amitié s'était augmentée par l'intérêt qu'elle lui vit prendre au
-surintendant, lors du fameux procès; ce qui faisait dire alors en
-plaisantant, à madame de Sévigné, que madame de Guénégaud l'aimait
-«par réverbération.» Madame de Sévigné nous dépeint madame de
-Guénégaud «comme une femme d'un grand esprit et de grandes vues, et
-qui avait un grand art de posséder une grande fortune[575].» Ceci est
-dit à cause des fêtes brillantes que M. et Madame de Guénégaud
-donnèrent dans le magnifique hôtel qu'ils avaient fait construire sur
-l'emplacement de l'hôtel de Nevers, et dans leur beau château de
-Fresnes. La plus remarquable de ces fêtes eut lieu à Paris en 1665,
-lors du mariage de mademoiselle de Guénégaud avec le duc de
-Caderousse[576]. Les amis de madame de Guénégaud y exécutèrent un
-ballet-mascarade, intitulé: _les Muets du Grand Seigneur_. Madame de
-Guénégaud y était désignée sous le nom d'Amalthée; et voilà pourquoi
-madame de Sévigné la nomme si souvent ainsi dans sa correspondance.
-
-On voyait dans ce ballet des démons habillés sous mille formes
-différentes, pour faire invasion dans le beau palais d'Amalthée,
-c'est-à-dire dans cet hôtel de Guénégaud, qu'on nommait encore l'hôtel
-de Nevers. Puis les ombres racontaient ce qu'elles avaient observé de
-la vie intérieure d'Amalthée; ce qui leur donnait occasion de dévoiler
-sa bonté, sa générosité, toutes les qualités qui la faisaient chérir,
-et de varier, au moyen des caractères de chaque démon, les louanges
-délicates qui lui étaient adressées.
-
-Lorsque Duplessis-Guénégaud jouissait ainsi avec profusion de sa
-grande fortune, il n'ignorait pas que l'examen de la chambre de
-justice chargée de prononcer sur la gestion de ceux qui avaient eu
-part aux opérations du surintendant tendait à l'en priver[577]; mais
-en ne changeant rien à sa manière de vivre il croyait montrer par là
-qu'il n'avait rien à craindre des poursuites dirigées contre lui, et
-qu'il suffisait seulement de gagner du temps: il espérait que Louis
-XIV se relâcherait des mesures de rigueur que l'on présumait lui être
-inspirées par les ennemis du surintendant.
-
-Mais au milieu des pompes et des délices de sa cour, dont il
-paraissait uniquement occupé, le jeune monarque poursuivait ses
-desseins avec une constance et une ardeur que nul autre souverain n'a
-égalées. Malheureusement il ne connaissait que les mesures
-despotiques, dont le règne de Richelieu et l'anarchie de la Fronde lui
-avaient facilité l'emploi, en donnant lieu de penser qu'ils étaient
-les seuls moyens de gouvernement possibles et efficaces[578]. La
-Bastille et le For-l'Évêque se remplissaient de financiers, de
-maltôtiers, prévenus de prévarications; de gentils-hommes et de
-militaires qui, au mépris des ordonnances, s'étaient battus en duel ou
-étaient accusés de contraventions à d'autres édits du roi[579]; de
-jansénistes qui s'opposaient au formulaire et à la bulle du pape
-Alexandre VII, pour l'enregistrement de laquelle Louis XIV s'était
-rendu lui-même au parlement et avait fait violence à cette
-compagnie[580]. On emprisonnait aussi arbitrairement tous ceux qui
-avaient offensé, soit par leurs écrits, soit par leurs discours, la
-personne du roi ou mal parlé de son gouvernement, ou même qui étaient
-simplement soupçonnés de ce délit. Dans le nombre de ces derniers se
-trouvait le comte de Bussy de Rabutin; il fut arrêté le 17 avril
-1665, et renfermé à la Bastille[581]. Pour bien connaître les causes
-de son arrestation, il faut reprendre la suite de ses aventures, et
-l'histoire de sa liaison et de ses rapports avec madame de Sévigné,
-depuis l'époque où nous avons cessé d'en entretenir nos lecteurs,
-jusqu'à cet événement même, qui eut une si triste influence sur le
-reste de sa vie. Ce récit fera le sujet des deux chapitres suivants.
-
- [567] LORET, _Muse historique_, liv. XV, p. 73.
-
- [568] BENSERADE, t. II, p. 364.--LORET, _Muse historique_, liv.
- XVI, p. 23.
-
- [569] ÆGIDII MENAGII, 1680, in-12, édit. 7me, p. 304.
-
- [570] ÆGIDII MENAGII, 4e édit., 1663, p. 288. Ménage supprima
- cette pièce, et elle ne se trouve plus dans la 7e édition de ses
- poésies, publiée en 1680.
-
- [571] BUSSY DE RABUTIN, _Hist. am. des Gaules_, édit. 1754, t. I,
- p. 242.--_Hist. amoureuse de France_, p. M***, 1710, in-12, p.
- 283.
-
- [572] SÉVIGNÉ, _Lettres_, édit. de G. de S.-G., t. I, p. CXXIX;
- édit. de Grouvelle, 1811, t. I, p. CLXIX.
-
- [573] GUY-JOLY, _Mém._, t. XLVII, p. 446-468, 470,
- 473-474.--LOUIS XIV, _OEuvres_, t. V, p. 81 (_lettre_ en date du
- 17 mars 1662).--Ibid., t. V, p. 186 (en date du 27 mai 1685).
-
- [574] Conférez M. COUSIN, _Journal des Savants_, 1842.
-
- [575] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. V, p. 192, édit. de Monmerqué,
- _lettre_ en date du 18 août.
-
- [576] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 168, édit. de Monmerqué;
- _Lettres à Pomponne_ en date du 18 novembre 1664; _Pièces
- galantes_, 1667, Cologne, chez Pierre Marteau, seconde partie, p.
- 79 à 93.
-
- [577] HÉNAULT, _Abrégé chronologique_, t. III, p. 651.
-
- [578] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLIII, p. 35, 38, 39.
-
- [579] LORET, liv. XIII, p. 41 (18 mars).--Ibid., liv. XIV, p.
- 56.--CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 277.
-
- [580] _Abrégé chronologique des principaux événements qui ont
- précédé la constitution_ Unigenitus; Utrecht, 1730, in-24, p.
- 10.--GUY-PATIN, _Lettres_, t. V, p. 22.
-
- [581] BUSSY, _Mémoires_, t. II, p. 301, édit. 1721,
- in-12.--Ibid., t. II, p. 399, édit. in-4º.--BUSSY, _Discours à
- ses Enfants_, p. 374.
-
-
-
-
-CHAPITRE XXIV.
-
-1658-1665.
-
- Bussy abandonne le parti de Condé.--Il se rend désagréable au
- roi.--Désordre de ses affaires.--Il a recours au
- surintendant,--et ensuite au roi.--Il n'obtient rien.--Il se
- retire dans sa terre.--Ses amours avec madame de Monglat.--C'est
- pour son amusement qu'il compose l'_Histoire amoureuse des
- Gaules_.--Il en fait des lectures.--Il en prête le manuscrit à la
- marquise de La Baume.--Aventure de la marquise de La Baume avec
- le duc de Candale.--Elle est mise au couvent.--Billet d'elle
- trouvé dans les papiers de Fouquet.--Elle tire copie du manuscrit
- de l'_Histoire amoureuse des Gaules_.--Bussy assure à celui-ci
- que cette copie est brûlée.--Le jeune Louvois devient l'ami de
- madame de La Baume.--Bussy se répand en injures contre
- elle.--Elle fait imprimer, pour se venger, l'_Histoire amoureuse
- des Gaules_, et y ajoute une clef.--L'ouvrage était
- interpolé.--Déchaînement général contre Bussy.--Il fait remettre
- au roi son manuscrit original.--Bussy n'a jamais osé rien écrire
- contre Louis XIV.--Preuves de ce fait.--Louis XIV en était
- convaincu.--Louis XIV ne détestait pas la satire contre ceux qui
- l'entouraient.--Il ne la souffrait pas contre lui.--Louis XIV
- accorde une entrevue particulière à Bussy.--Il approuve sa
- nomination à l'Académie Française.--Condé et son parti sont
- furieux contre Bussy.--Louis XIV fait mettre Bussy à la Bastille,
- pour le sauver de ses ennemis.--Une jeune religieuse devient
- amoureuse de lui.--Il tombe malade de tristesse.--On le force à
- vendre sa charge de mestre de camp de cavalerie.--Il obtient sa
- liberté.--Il est exilé dans sa terre.--Il est trompé.--Chagrin
- qu'il en ressent.--Il se réconcilie avec sa cousine la marquise
- de Sévigné.--Elle lui rend son amitié, mais non pas sa confiance.
-
-
-Bussy, malgré ses efforts[582], ne put jamais recueillir de sa
-défection du parti de Condé le prix qu'il en avait espéré. En
-abandonnant dans un moment décisif ce parti pour s'offrir à Mazarin
-dans le temps où ce ministre était le plus détesté, il s'était fait
-des ennemis de tous les partisans des princes, du parlement et de la
-Fronde. Il perdit ainsi l'appui et l'affection de tous ceux qu'il
-avait quittés, et n'obtint pas la confiance de ceux à qui il s'était
-donné. Il ne réussit point à la cour: on y redoutait son esprit
-caustique et railleur; on y détestait son caractère égoïste, vaniteux,
-faux et versatile. Le pire, c'est qu'il devint personnellement
-désagréable au roi. Comme il servait avec distinction, on lui permit
-cependant d'acheter la charge de mestre de camp de la cavalerie
-légère; mais cette grâce, dont on pensa qu'il devait se contenter, lui
-fut onéreuse par le prix considérable qu'il fut obligé d'y
-mettre[583]. Il était déjà obéré quand il fit l'acquisition de cette
-charge; pour la payer, il eut recours au surintendant, et se trouva
-ainsi forcé à des déférences et à des souplesses envers un homme qu'il
-détestait, parce qu'il était son rival auprès de sa cousine. Mais ses
-sentiments secrets étaient ignorés; on n'en pouvait juger que par ses
-actions. Son intimité et ses liaisons avec Fouquet, auquel il était
-obligé de rendre continuellement des devoirs par les besoins qu'il
-avait de lui, le rendirent de plus en plus suspect à Mazarin.
-Cependant il n'obtint pas non plus tout ce qu'il désirait du
-surintendant, qui ne l'aimait pas; et sa fortune continua à se
-délabrer par son inconduite et sa prodigalité.
-
-Mazarin mourut; et l'arrestation de Fouquet et la saisie de ses
-papiers firent connaître au roi l'engagement que Bussy avait pris de
-donner sa démission de la charge de mestre de camp de la cavalerie
-légère en faveur du surintendant, afin que celui-ci pût en disposer et
-la faire donner à un de ses parents ou à quelqu'un qui lui fût dévoué.
-Dès ce moment Bussy devint suspect à Louis XIV. En vain Bussy faisait
-partout et en toute occasion l'éloge du roi[584], en vain il devint un
-souple et obséquieux courtisan: il ne put obtenir ni argent, ni grade,
-ni honneurs, ni même un accueil gracieux[585]. Le roi lui montra
-toujours un visage froid et sévère. On ne lui payait pas la pension
-qui lui était due pour sa charge de mestre de camp; il ne fut point
-compris dans la nombreuse promotion qui eut lieu de chevaliers des
-Ordres, faveur à laquelle il avait des droits, et que le maréchal de
-Turenne, qu'il s'était aliéné, refusa de demander pour lui[586].
-Enfin, il ne fut pas même désigné pour figurer dans le fameux
-carrousel de 1662, où il ne pouvait se trouver comme simple
-spectateur, puisque tous ceux qui avaient comme lui commandé en chef à
-la guerre y figuraient. Le dépit et la nécessité de déguiser sa
-disgrâce obligèrent donc Bussy à se retirer dans sa terre. Là, son
-amour pour la marquise de Monglat le consolait en partie de ses revers
-de fortune et des mécomptes de l'ambition. Cependant, comme dans le
-malheur l'esprit est plus accessible aux soupçons, et le cœur plus
-susceptible et plus exigeant, Bussy crut s'apercevoir que son
-adversité et sa défaveur auprès du roi refroidissaient la passion que
-la marquise lui avait montrée jusque alors; mais par ses protestations
-et par les témoignages de sa tendresse elle parvint à dissiper ces
-noires impressions de jalousie[587].
-
-C'était pour plaire à la marquise de Monglat et pour son amusement que
-Bussy, deux ans auparavant (en 1660) avait mis par écrit, sous la
-forme d'un petit roman[588] et sous des noms supposés, le récit de
-quelques intrigues amoureuses de plusieurs dames de la cour et une
-partie des siennes. Il y avait dans ce petit ouvrage des anecdotes
-scandaleuses, mais vraies; des portraits satiriques, mais ressemblants
-et spirituellement touchés. Il n'en fallait pas tant sur un pareil
-sujet pour exciter vivement la curiosité. Bussy ne se contenta point
-de régaler madame de Monglat de sa maligne production; il en fit
-quelques lectures à plusieurs de ses amis, et bientôt l'existence de
-cet ouvrage fut connue à la cour. Ceux qui l'avaient entendu lire
-parlèrent avec exagération de ce qu'il renfermait de piquant et de
-spirituel, et donnèrent grande envie aux jeunes gens et aux jeunes
-femmes de le connaître. Les sollicitations dont Bussy fut assiégé à ce
-sujet flattèrent son amour-propre d'auteur, et le firent céder
-plusieurs fois aux instances qui lui étaient faites; ce qui accrut la
-célébrité de l'ouvrage.
-
-Une dame que Bussy avait courtisée avec succès, sans qu'il cessât
-d'aimer madame de Monglat, désira vivement connaître cet écrit, dont
-tout le monde parlait. Cette dame (Bussy ne la désigne pas autrement
-dans ses Mémoires) était alors renfermée au couvent de la Miséricorde,
-par lettre de cachet obtenue par son mari. Elle ne pouvait sortir,
-mais il était assez facile de la voir; et dans le dessein de la
-satisfaire, Bussy se rendit à la grille du parloir du couvent au jour
-et à l'heure qu'elle lui avait indiqués. Cependant il ne put, dans ce
-rendez-vous, avoir avec elle un assez long tête-à-tête pour lui donner
-une lecture entière de son ouvrage. Elle le supplia de vouloir bien
-lui prêter son manuscrit, promettant de ne le garder que deux
-jours[589], et de ne le communiquer à personne.
-
-Cette dame était la marquise de La Baume, connue par ses attraits, ses
-caprices, son humeur quinteuse, et le scandale de sa vie. C'était la
-nièce du premier maréchal de Villeroi, et la mère de celui qui fut
-depuis le maréchal de Tallard[590]; enfin la belle-sœur de cette
-marquise de Courcelles dont nous parlerons plus amplement dans la
-suite de ces Mémoires. La marquise de La Baume demeurait à Lyon. La
-mort de son amant, le duc de Candale, l'avait plongée dans le
-désespoir. Le jour même qu'elle en apprit la nouvelle, son mari,
-qu'elle détestait, entra dans sa chambre au moment où on la peignait;
-et il se mit à la louer sur ses cheveux, d'un blond admirable, et
-remarquables par leur abondance et leur longueur. Obsédée par la
-douleur qu'il lui fallait cacher, et dépitée des fadeurs et des
-tendresses maritales, voulant s'en délivrer à tout prix, elle saisit
-fortement sa belle chevelure dans une de ses mains, et, de l'autre,
-prenant ses ciseaux, elle la coupa tout entière[591]. Prodigue et
-adonnée au jeu, le besoin d'argent la rendait souvent peu scrupuleuse
-sur les moyens d'en obtenir. On en eut la preuve par ce billet écrit
-de sa main, qui fut trouvé parmi les papiers de Fouquet, et qu'elle
-lui avait adressé dans un temps où elle voulait obtenir de lui dix
-mille écus: «Je ne vous aime point, je hais le péché, mais je crains
-encore plus la nécessité; c'est pourquoi venez tantôt me voir[592].»
-On ignore quelles furent les nouvelles galanteries qui, mettant à bout
-la patience du mari de la marquise de La Baume, le forcèrent à la
-faire mettre au couvent, et de quelle manière a commencé sa liaison
-avec Bussy. Ce que nous savons, c'est qu'elle fut en partie fidèle à
-la promesse qu'elle lui avait faite, et qu'elle lui rendit son
-manuscrit au bout de deux jours; mais elle se garda bien de lui dire
-que, dans ce court intervalle de temps, elle en avait tiré une copie.
-
-Bussy apprit peu après, par madame de Sourdis, qu'il était trahi, et
-qu'une copie de son ouvrage avait été communiquée à plusieurs
-personnes par madame de La Baume. Il eut avec elle une explication
-très-vive, après laquelle ils se séparèrent brouillés[593]. Le comte
-du Lude cependant se fit médiateur entre eux: il alla trouver la
-marquise de La Baume, et obtint d'elle de brûler lui-même en sa
-présence la copie de l'_Histoire amoureuse des Gaules_ qu'elle
-possédait. Le comte du Lude fit ensuite part à Bussy du succès de sa
-négociation. D'après ce qui avait été convenu, Bussy promit, de son
-côté, de ne rien dire et de ne rien faire qui fût contraire aux
-intérêts de la marquise de La Baume; de ne jamais parler d'elle, ni en
-bien ni en mal.
-
-Mais dans les deux parties contractantes il n'y avait aucune
-sincérité: après avoir tous deux trompé leur négociateur, elles
-voulaient se tromper mutuellement[594]. Le jeune Louvois, fils du
-chancelier Le Tellier, déjà dans les charges, et qui depuis s'acquit
-comme ministre une si grand célébrité, devint l'amant favorisé de la
-marquise de La Baume. Ce fut là l'origine de l'inimitié qui subsista
-toujours entre Louvois et Bussy. Depuis lors Bussy ne parla plus
-qu'avec mépris de cette marquise; et elle le méritait bien, si, comme
-il l'avance dans ses Mémoires, après avoir été longtemps la maîtresse
-de Louvois, elle descendit ensuite à son égard au rôle ignoble de
-confidente[595].
-
-Quoi qu'il en soit, il paraît constant que ce fut la marquise de La
-Baume qui communiqua d'abord, à tous ceux qui voulaient le lire ou le
-copier, l'ouvrage de Bussy. Cet ouvrage se répandit par les copies qui
-en furent faites; mais cette publicité clandestine ne suffisait point
-à la marquise, qui, toujours plus animée contre Bussy, voulait se
-venger de lui en lui mettant sur les bras un plus grand nombre
-d'ennemis. Elle fit imprimer l'ouvrage en Hollande. Cette première
-édition in-18, avec les types des Elzeviers, sans date ni nom
-d'imprimeur, portant le nom de Liége pour lieu d'impression et pour
-fleuron une croix de Saint-André, paraît avoir été mise au jour à la
-fin de l'année 1664, ou au commencement de 1665[596]. Cette édition
-semble conforme au manuscrit primitif; mais l'auteur avait eu soin
-d'atténuer le venin de son ouvrage en donnant à des faits trop
-véridiques une apparence romanesque, et en masquant les personnes par
-des noms supposés. La marquise de la Baume, en livrant l'ouvrage à
-l'impression, y ajouta une clef, où les noms véritables se trouvaient
-en regard de ceux que l'auteur leur avait substitués. Alors cet
-ouvrage, par le fait de l'impression et par la divulgation des
-personnages, changea entièrement de nature. Il devait être, dans
-l'intention de Bussy, un roman spirituel et amusant, où la malignité
-des gens de cour devait avoir le plaisir de deviner les allusions à
-des intrigues qui leur étaient connues, et de saisir la ressemblance
-des portraits, en apparence imaginaires, avec les individus qui
-avaient pu servir de modèles. Au moyen de la clef, le livre prit le
-caractère d'un libelle odieux et déhonté, où l'on dévoilait aux
-provinces et à l'étranger les mœurs de la cour, et les déportements
-scandaleux de femmes d'une grande naissance; où des hommes revêtus de
-hautes dignités, ou environnés de gloire, étaient représentés sous des
-couleurs fantasques ou ridicules.
-
-Alors le déchaînement contre Bussy devint général. Il en craignit les
-suites; et, sachant que son ouvrage avait été dénoncé au roi[597], il
-lui fit remettre le manuscrit original par le duc de Saint-Aignan, son
-ami, qui supplia même temps le monarque de daigner le lire en entier.
-Quoique Louis XIV fût mentionné dans cet ouvrage, Bussy pouvait, sans
-y rien changer, désirer qu'il en prît lecture.
-
-On a dit que la principale cause de la longue disgrâce de Bussy et son
-emprisonnement provenaient d'un cantique obscène contre Louis XIV, qui
-se trouve inséré dans les éditions de l'_Histoire amoureuse des
-Gaules_ que l'on a faites après la première; mais, quoique cette
-opinion soit générale, elle n'en est pas moins fausse, et elle prouve
-seulement qu'on ne s'est pas donné la peine d'étudier les événements
-de cette époque, le caractère des personnages qui y ont joué un rôle,
-leur position, et les intérêts qui les faisaient agir.
-
-D'abord Bussy ne s'est jamais servi, en écrivant, d'expressions
-obscènes. Dans les récits des nombreuses aventures galantes et
-licencieuses qui se trouvent dans ses Mémoires, il n'y a pas un seul
-de ses vers ni une seule ligne de sa prose qui puissent fournir un
-exemple d'un mot que le bon goût ne puisse avouer, ou que le bon ton
-réprouve. Dans tout ce qu'il a écrit, il prend soin d'éviter les mots
-ignobles; et quand il est forcé de parler des choses qui les
-expriment, il a soin d'user à dessein de périphrases obscures.
-D'ailleurs, quoiqu'il se soit permis des épigrammes, des chansons, des
-traits satiriques en vers et en prose contre tous ceux qu'il n'aimait
-pas, hommes et femmes, financiers, gens de robe, gens de cour,
-généraux, ministres, princes du sang même, jamais cependant il n'osa
-s'attaquer au roi, autrement que par des plaintes amères sur ses
-injustices à son égard. Ses discours, ses écrits, livrés au grand jour
-de l'impression; ses lettres particulières les plus secrètes, les plus
-confidentielles, sont marquées au coin de l'enthousiasme le plus
-grand pour Louis XIV, de la louange la plus sincère ou de la flatterie
-la plus basse. Lors même qu'on accorderait qu'il lui est échappé
-contre le roi quelque épigramme, comme celle que Loménie de Brienne
-lui attribue[598], et que nous ne croyons pas être de lui, ce ne
-serait pas une raison suffisante pour qu'on pût supposer qu'il ait
-écrit l'infâme et burlesque cantique qu'on a laissé passer sous son
-nom. Si jamais Louis XIV eût seulement soupçonné Bussy capable de
-l'insulter à ce point, jamais sa liberté ne lui aurait été rendue, et
-il serait mort dans un des cachots de la Bastille. Le chancelier
-Seguier, qui se montra si souple dans l'affaire de Fouquet; le duc de
-Saint-Aignan, ce courtisan si fin, si délié, si dévoué, qui ne cessa
-jamais d'être le confident le plus intime et le plus utile des amours
-de son maître, étaient aussi les amis particuliers de Bussy. Le duc de
-Saint-Aignan, qui non-seulement ne l'abandonna pas dans la disgrâce,
-mais qui le servit avec chaleur auprès du roi, eût-il osé avouer son
-amitié pour Bussy, s'il n'avait pas eu la conviction que celui-ci
-n'avait ni rien dit ni rien écrit contre Louis XIV? Bussy lui-même,
-livré au pouvoir de ses ennemis, sous les verrous de la Bastille,
-exhorte dans ses défenses ses amis à le renier, à l'abandonner, s'ils
-le croient coupable d'un tel délit. Il offre sa tête à l'échafaud, si
-l'on fournit la moindre preuve qu'il soit l'auteur des chansons et des
-écrits satiriques contre le roi qu'on a voulu lui attribuer. Il défie
-de montrer une seule ligne de lui où il soit question du roi, sans
-qu'elle ne contienne son éloge; il se soumet aux peines les plus
-rigoureuses, si l'on peut le convaincre qu'il ait tenu au sujet du
-roi le moindre propos qui soit contraire aux sentiments qu'il a
-manifestés par écrit. Bussy eût-il tenu ce langage s'il avait pu
-croire que le résultat pût lui être contraire? Trois éditions
-successives de l'_Histoire amoureuse des Gaules_, sous la rubrique de
-Liége, parurent sans le cantique que les imprimeurs de Hollande eurent
-l'impudence d'y insérer depuis[599].
-
-Louis XIV était lui-même convaincu que Bussy n'avait ni la volonté ni
-l'audace de s'attaquer à lui. Conformément à la demande qu'il lui
-avait faite, il lut son livre. Cette lecture eut lieu vers la fin de
-mars 1665, au retour d'un voyage que le roi fit à Chartres pour un
-pèlerinage à la sainte Vierge, afin d'accomplir un vœu que la reine
-avait fait pendant sa grossesse[600]. Cet acte de dévotion sincère
-n'empêchait pas que le roi ne fût alors dans une disposition d'esprit
-très-propre à se plaire aux récits des aventures galantes dont se
-composait l'ouvrage de Bussy, et aux traits satiriques qui y étaient
-répandus. Les intrigues d'amour tenaient alors une grande place dans
-la vie de Louis XIV; et pourvu que le sarcasme ne l'atteignît pas, il
-se plaisait à le voir lancer contre ceux qui, maintenant si souples et
-si soumis, s'étaient montrés si arrogants et si remuants pendant sa
-minorité. Là se trouve le secret de la haute protection qu'il
-accordait à Molière, et de la hardiesse des scènes de cet auteur.
-L'ouvrage de Bussy, bien loin donc de déplaire à Louis XIV, l'amusa;
-mais il ne lui inspira aucune estime pour son auteur, et encore moins
-d'affection: il regarda Bussy comme un homme dangereux, qu'il fallait
-peut-être contenir, même ménager, et surveiller toujours. Bussy lui
-ayant demandé la faveur d'une audience particulière, il la lui
-accorda. Bussy fut touché jusqu'aux larmes de la manière aimable dont
-il fut accueilli: le roi lui promit de ne prêter l'oreille à aucune
-accusation, sans lui donner les moyens de se justifier; et, de son
-côté, Bussy fit serment de ne se permettre aucune action, aucun écrit,
-aucun discours qui pût déplaire au roi[601]. Ce qui démontre, malgré
-ce qui se passa ensuite, que Louis XIV était sincère dans ses
-promesses, c'est l'approbation qu'il donna au choix que l'Académie
-Française fit de Bussy pour remplacer Perrot d'Ablancourt[602].
-
-Cette indulgence et cette bienveillance apparentes furent ce qui
-perdit Bussy. Tous ceux qui se trouvaient blessés par la publicité
-donnée à son ouvrage s'agitèrent. Lenet, qui, comme nous l'avons vu,
-était l'ami de sa jeunesse, mais dévoué aux Condés, rompit avec
-lui[603]. Il fut un des plus ardents à faire entendre de vives
-réclamations contre l'espèce d'autorisation ou de tolérance accordée à
-un ouvrage qui contenait des outrages contre le premier prince du
-sang, le plus grand guerrier de son siècle. On produisit des chansons,
-des épigrammes, des libelles récemment composés contre le roi et son
-gouvernement, que l'on attribuait à Bussy. Il était généralement
-considéré comme le plus bel esprit de la cour; admiré au delà de son
-mérite, plus redouté que redoutable. Il ne fut pas difficile de
-persuader à la reine mère, dont le nom se trouvait souvent dans ces
-pièces satiriques, de se joindre aux ennemis de Bussy pour appeler
-contre lui des mesures de rigueur. Elle dit un jour, à son cercle: «Je
-suis surprise que monsieur le Prince, qui ne passe pas pour endurant,
-souffre patiemment ce que Bussy a dit de lui[604].» Ces paroles
-réveillèrent la fureur du grand Condé; et il se proposait de faire un
-affront à Bussy; celui-ci ne l'ignorait pas, et il ne marchait qu'armé
-et cuirassé. Louis XIV, pour éviter un éclat et pour prévenir des
-violences qu'il eût été obligé de punir, fit, ainsi que nous l'avons
-dit, arrêter Bussy. Il fut conduit à la Bastille le 17 avril
-1665[605]. Les accusations se renouvelèrent avec plus de force contre
-l'imprudent auteur de l'_Histoire amoureuse des Gaules_. On le
-représenta comme un factieux, et on parvint à donner quelque
-vraisemblance aux assertions qui le faisaient auteur de certains
-écrits contre le roi, récemment publiés dans l'étranger. Le président
-Tardieu, celui-là même dont les vers de Boileau ont rendu célèbres la
-sordide avarice et la funeste fin[606], fut chargé d'interroger Bussy
-au sujet de ces libelles. Louis XIV demeura convaincu qu'il n'en était
-pas l'auteur; mais il le retint cependant à la Bastille, autant pour
-donner satisfaction à ses ennemis que pour le protéger contre leur
-fureur. Bussy tomba malade de tristesse. Dans sa convalescence, le
-désir de faire cesser sa captivité lui faisait adresser sans cesse au
-roi et à la reine mère des placets où il prodiguait les éloges les
-plus emphatiques et les supplications les plus basses. Il assiégeait
-de ses lettres le duc de Saint-Aignan, Montausier, Le Tellier,
-l'archevêque de Paris, tous ceux qu'il savait à la cour lui porter de
-l'intérêt. Ils intercédaient en sa faveur auprès du roi; mais Louis
-XIV ne répondait à aucune de ces sollicitations[607]. Ce ne fut
-qu'après que Bussy eut consenti à résigner à Coislin sa charge de
-mestre de camp de la cavalerie légère, pour une somme moindre que
-celle qu'elle lui avait coûté, qu'il obtint enfin un adoucissement à
-son sort. Il sortit de la Bastille le 17 mai 1666, et il lui fut
-permis d'aller chez le chirurgien Dallancé (le même qui avait secouru
-Marigny) pour y rétablir sa santé[608]. Dans le mois d'août suivant,
-il fut exilé dans sa terre. Il partit le 6 septembre de Paris, et
-arriva quatre jours après dans son château de Bussy, où il commença
-une vie de retraite qui aurait pu être heureuse, s'il avait su bannir
-de son cœur les passions qui le dominaient. Mais l'amour et
-l'ambition ne cessaient point de le tourmenter. Pendant son séjour à
-la Bastille, une jeune religieuse, âgée de moins de vingt ans, s'était
-éprise de lui, et voulait tout sacrifier pour contribuer à sa
-délivrance. Ce fut lorsqu'il recevait une preuve si touchante d'un
-attachement auquel il ne répondit pas, qu'il apprit que madame de
-Monglat le trahissait, et en aimait un autre. Elle était la femme dont
-il se croyait le plus aimé, et il la jugeait incapable de
-l'abandonner dans le malheur[609]; aussi son désespoir ne se peut
-décrire quand il fut certain qu'elle le trompait: «Je faillis en
-mourir, dit-il, et je suis venu, à la fin, à ce bienheureux état
-d'indifférence qu'elle méritait il y avait longtemps[610].» Mais on
-pourrait douter, malgré cette assertion, que ce bienheureux état ait
-jamais existé pour lui: quatorze ans après sa rupture avec madame de
-Monglat, il faisait des vers contre elle; et les inscriptions et les
-emblèmes qui se voyaient au château de Bussy, et qui y sont peut-être
-encore, sont des preuves irrécusables que le souvenir de cette
-infidélité lui fut toujours amer[611].
-
-Cependant madame de Sévigné, que Bussy avait si odieusement outragée,
-voulut se rapprocher de lui quand elle le sut malheureux et captif: ce
-qui s'est passé entre elle et lui à cette époque orageuse de leur
-liaison sera l'objet du chapitre suivant.
-
- [582] Voyez ci-dessus, chapitre XI, p. 130 à 144.
-
- [583] BUSSY, _Discours à ses Enfants_, 1694, in-12, p.
- 403.--_Mémoires_, t. II, p. 354. Bussy acheta cette charge
- 252,000 livres, environ 500,000 francs monnaie actuelle.
-
- [584] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 171.
-
- [585] Ibid., t. II, p. 167.
-
- [586] Ibid., t. II, p. 179.
-
- [587] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 182.
-
- [588] BUSSY, _lettre au duc de Saint-Aignan_, dans ses
- _Mémoires_, t. II, p. 326 de l'édit. in-12.--Ibid., édit. in-4º,
- t. II, p. 162.
-
- [589] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 194.--BUSSY DE RABUTIN,
- _Supplément aux Mémoires et Lettres_, t. I, p. 65.
-
- [590] SAINT-SIMON, _Mém._, ch. XXXVII, t. X, p. 449 et
- 450.--Ibid., t. V, chap. VII, p. 102 et 103.--SÉVIGNÉ, _Lettres_,
- t. V, p. 377, note _b_, édit. de Monmerqué.--MONTPENSIER, _Mém._,
- t. XLII, p. 400.--CHAVAGNAC, _Mém._, t. I, p. 198.--CHOISY,
- _Mém._, t. LXIII, p. 418.
-
- [591] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 400.
-
- [592] CONRART, _Mém._, t. XLVIII, p. 258.
-
- [593] BUSSY, _Discours à ses Enfants_, 1694, in-12, p. 373.
-
- [594] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 200 à 214.
-
- [595] BUSSY, _Supplément_, t. I, p. 65.
-
- [596] _Histoire amoureuse des Gaules_, Liége, in-18, en deux
- parties, dont la première a 190 pages, la seconde 69, et la
- clef.--SÉVIGNÉ, _lettre de Bussy-Rabutin_ en date du 19 juillet
- 1669, t. I, p. 136, édit. de Monmerqué.
-
- [597] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 200.
-
- [598] DE BRIENNE, _Mém. inédits_, t. II, p. 304, ch. XXVIII.
-
- [599] La première avec une croix de Saint-André sur le titre, et
- deux paginations finissant, l'une à la page 190, l'autre à 69; la
- seconde (suivant nous), avec une arabesque triangulaire sous le
- titre, et une seule pagination finissant p. 208: ces deux
- éditions sont sans date; la troisième avec une sphère sur le
- titre, intitulée _édition nouvelle_, portant la date de 1666, et
- n'ayant qu'une seule pagination finissant à la p. 260.
-
- [600] LORET, _Muse historique_, liv. XVI, p. 149.--BUSSY, _Mém._,
- t. II, p. 297, 298.
-
- [601] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 283.
-
- [602] Ibid., p. 295.
-
- [603] BUSSY, _Supplément_, Ire _partie_, p. 68.
-
- [604] BOUHIER, _Manuscrits_ cités dans _la Cour et la Ville_,
- publiés par M. Barrière, p. 464.
-
- [605] BUSSY, _Mém._, t. I, p. 301.--BUSSY, _Discours à ses
- Enfants_, p. 374.
-
- [606] BOILEAU, _Satire X_, v. 253 à 328, t. I, p. 182 à 185 de
- l'édit. de Saint-Marc, 1747, in-8º.
-
- [607] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 336-356-358-367-368-370-372.
-
- [608] Voyez la Ire partie de ces Mémoires, ch. XXXV, p. 479.
- Dallancé mourut fort riche, et laissa un fils, physicien célèbre.
- Conférez BOILEAU, Sat. X, v. 434, t. I, p. 194 de l'édit. de
- Saint-Marc.
-
- [609] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 362.
-
- [610] Ibid.
-
- [611] MILLIN, _Voyages dans les départements du Midi_, t. I, p.
- 210, 213.--CORRARD DE BREBAN, _Souvenirs d'une visite aux ruines
- d'Alise et au château de Bussy-Rabutin_, Troyes, 1833, p. 18.
-
-
-
-
-CHAPITRE XXV.
-
-1658-1668.
-
- Attachement réciproque de madame de Sévigné et de Bussy.--Bussy
- se repent vivement d'avoir offensé sa cousine.--Belle conduite de
- Bussy envers elle, lors des lettres qui furent trouvées chez
- Fouquet.--Discussion qu'il eut à ce sujet avec de Rouville, son
- beau-frère.--Madame de Sévigné est sensible au procédé de
- Bussy.--Ce qui s'était passé à l'égard du portrait de madame de
- Sévigné de l'_Histoire amoureuse des Gaules_.--Madame de Sévigné
- prête de l'argent à Bussy.--Bussy et madame de Sévigné se voient
- en Bourgogne, et sont charmés l'un de l'autre.--Madame de Sévigné
- apprend qu'il court des copies de l'ouvrage de Bussy.--Elle rompt
- tout commerce avec lui.--Il est mis à la Bastille.--L'intérêt que
- lui porte madame de Sévigné se réveille.--Elle envoie savoir de
- ses nouvelles.--Elle se brouille avec la marquise de La
- Baume.--Rapports inexacts faits à Bussy sur madame de
- Sévigné.--Il la croit contre lui.--Elle est la première à l'aller
- voir chez Dallancé.--Ils n'osent s'expliquer, et se séparent à
- moitié réconciliés.--Leur correspondance recommence.--Lettre de
- Bussy à madame de Sévigné, contenant le récit d'une visite au
- château de Bourbilly.--Madame de Sévigné met peu d'empressement à
- répondre.--Reproche que lui en fait Bussy.--Il lui confie toutes
- ses affaires.--Peu satisfait d'elle, il est quelque temps sans
- lui écrire.--Elle lui rappelle qu'elle lui a écrit la
- dernière.--Explication entre Bussy et madame de Sévigné.--Bussy
- retrace sa conduite envers elle, et il lui reproche de l'avoir
- abandonné.--Nouvelle lettre de Bussy qui renouvelle les reproches
- de la première.--Madame de Sévigné répond par une longue
- apologie.--Réplique de Bussy.--Madame de Sévigné lui demande la
- généalogie des Rabutins.--Nouvelles explications, et nouvelles
- réfutations de madame de Sévigné des reproches de Bussy.--Fin de
- cette discussion.--Bussy écrit à sa cousine qu'il se rend à
- discrétion.--Réplique aimable de madame de
- Sévigné.--Renouvellement de leur correspondance et de leur
- intimité.
-
-
-Quoique, dans le nombre de ceux qui composaient la société de madame
-de Sévigné, Bussy n'était pas celui qui lui paraissait le moins exempt
-de défauts, c'était celui pour lequel elle se sentait cependant la
-plus forte inclination. D'un autre côté, si, dans toutes les femmes
-que Bussy avait connues, madame de Sévigné n'était pas celle qui lui
-avait inspiré le plus violent amour, ce fut celle vers laquelle il se
-sentait le plus constamment attiré par les liens les plus durables,
-par la confiance la plus intime, par l'estime la mieux sentie. Madame
-de Sévigné admirait dans son cousin les talents militaires, une
-bravoure brillante, les grâces du courtisan, le savoir et les talents
-de l'homme de lettres. Elle exagérait beaucoup sans doute son mérite,
-surtout sous ce dernier rapport; toutefois, elle avait raison de le
-considérer comme un des hommes les plus spirituels de la cour, un de
-ceux qui parlaient et écrivaient avec le plus de facilité et de
-pureté. Lui, ne faisait que porter sur sa cousine un jugement
-équitable, quand il voyait en elle la femme la plus aimable de son
-temps, celle qui dans un cercle, ou la plume à la main, possédait le
-plus de moyens de plaire. Il la flattait quand il lui disait qu'elle
-était la plus jolie femme de France; mais il lui rendait justice quand
-il se montrait persuadé qu'elle était la femme la plus attrayante et
-du mérite le plus accompli.
-
-Tous les deux éprouvaient une peine extrême de se trouver brouillés
-l'un avec l'autre, parce qu'en effet en rompant ensemble chacun avait
-perdu son plus sincère admirateur, son confident le plus intime.
-Madame de Sévigné ressentait contre son cousin un courroux qui n'était
-que trop justifié par les mortifications que son perfide écrit lui
-faisait subir; mais elle avait en même temps de vifs regrets que les
-conseils de son oncle lui eussent fait perdre l'occasion de rendre à
-son cousin le service qu'il lui avait demandé, et de lui avoir donné
-lieu de soupçonner sa sincérité et son amitié. Quant à Bussy, il
-éprouvait un remords profond de s'être vengé d'une manière si cruelle.
-C'est lui-même qui nous le dit[612]. Il ne pouvait se pardonner
-«d'avoir offensé une femme jolie, excellente, sa proche parente, qu'il
-avait toujours aimée et de l'amitié de laquelle il ne pouvait pas
-douter».
-
-Avec ces mutuelles dispositions, la moindre circonstance pouvait
-opérer une réconciliation. Cette circonstance se présenta.
-
-Lorsqu'on sut que parmi les papiers saisis chez le surintendant il se
-trouvait un grand nombre de lettres qui lui avaient été adressées par
-madame de Sévigné, la malignité publique, qui, telle qu'un génie
-infernal, se comptait surtout dans la chute de ce qu'il y a de plus
-pur et de plus parfait, s'empara aussitôt d'une réputation qu'elle
-s'était vue contrainte de respecter jusque ici, pour se donner le
-plaisir de la déchirer. Elle y procéda avec cette dextérité cruelle
-que donne l'envie qui s'attache à la vertu: on fouilla dans le passé,
-on rappela toutes les attentions, tous les soins, toutes les
-galanteries de Fouquet pour madame de Sévigné. Si jusque ici,
-disait-on, elle avait échappé aux soupçons qui pour tant d'autres
-s'étaient convertis en certitude, c'est qu'elle avait su mieux
-dissimuler et mieux sauver les apparences. En vain ses nombreux amis
-s'efforçaient-ils de persuader que sa correspondance avec le
-surintendant n'était relative qu'à des affaires de famille; en vain
-on citait, pour le prouver, les paroles du roi et de son ministre:
-Fouquet n'avait pas coutume de serrer des papiers d'affaires dans sa
-cassette réservée. On savait quelles étaient les lettres de
-mademoiselle de Menneville, et de plusieurs autres dames de la cour,
-qui avaient été trouvées dans cette mystérieuse cassette: pouvait-on
-croire que celles de madame de Sévigné fissent exception et fussent
-d'une autre nature?
-
-Il est des circonstances où l'on donne plus de poids aux accusations
-quand on cherche à les combattre: telle était la position où se
-trouvait placée madame de Sévigné. Tâcher de repousser les soupçons
-auxquels elle était en butte, c'était déjà reconnaître qu'ils
-pouvaient être fondés, et renoncer à ce juste orgueil d'une bonne
-conscience, qui nous persuade que nous sommes au-dessus des atteintes
-de la calomnie; avoir la force de les mépriser est peut-être le moyen
-le plus efficace de les anéantir. D'ailleurs, la faveur dont madame de
-Sévigné jouissait à la cour, la manière dont le monarque s'exprimait
-sur son compte, ne permettaient pas d'en agir avec elle comme avec
-celles dont les papiers trouvés chez Fouquet avaient mis à nu les
-intrigues et la vénalité, et dont la conduite scandaleuse avait été
-punie par l'exil ou le couvent. C'était avec ménagement qu'on se
-permettait contre elle les plus perfides insinuations; c'était avec de
-cruelles réticences, avec de malins sourires, ou un air de compassion
-et de tristesse hypocrite, qu'on s'entretenait de ses liaisons avec le
-surintendant, et des malheureuses lettres qu'on avait trouvées dans la
-fatale cassette. On peut se présenter en face devant la diffamation
-qui se produit dans les carrefours, ou qui s'annonce à son de trompe;
-mais celle qui s'enferme dans des réduits, qui ne parle qu'à
-l'oreille, qui renie ses actes et dissimule son visage, comment
-l'atteindre? Cependant les blessures faites par des coups portés dans
-l'ombre ne sont ni moins nombreuses ni moins douloureuses; le feu
-attisé pour consumer ce que vous avez de plus cher, votre honneur,
-votre bonne renommée, n'en est pas moins dévorant, quoiqu'il couve et
-se propage sous la cendre, et qu'il ne jette point de flamme. Ainsi,
-madame de Sévigné, journellement exposée à des attaques qu'elle
-ignorait, se trouvait dans l'impuissance de se justifier, en faisant
-connaître quelles avaient été ses relations avec Fouquet, et en
-mettant au grand jour sa sincérité, son désintéressement et
-l'innocence de sa vie.
-
-Bussy fut celui qui ressentit plus vivement toute la peine qu'elle
-éprouvait: comme parent, il s'indigna des discours qu'on tenait sur
-son compte; il s'en affligea comme amant. Les sentiments de tendresse
-qu'il avait autrefois ressentis pour cette cousine si bonne, si
-aimable, si séduisante, et qui jamais n'avaient été entièrement
-éteints, se réveillèrent alors avec force. Le remords de l'avoir
-offensée, d'avoir contribué à accroître contre elle la puissance des
-calomniateurs; le besoin qu'il éprouvait de laver, comme il le dit
-lui-même, une tache dans sa vie, le portèrent à défendre la réputation
-de madame de Sévigné, à la justifier de tous les torts qu'on voulait
-lui imputer[613].
-
-Cependant Bussy, en homme qui par sa propre expérience a acquis des
-preuves répétées de la fragilité des femmes, crut devoir agir avec
-prudence. Avant de se déclarer le champion de l'honneur de sa cousine
-avec toute l'énergie et la hauteur que comportaient l'orgueil de son
-caractère et ses titres de gentil-homme et de guerrier, il crut
-devoir s'assurer si, comme on le prétendait, les lettres qu'elle
-avait écrites à Fouquet n'étaient pas de nature à ébranler la
-confiance qu'on devait avoir dans sa vertu. Laissons-le s'expliquer
-lui-même sur ce sujet délicat: «Avant de m'embarquer, dit-il, à la
-défense de la marquise, je consultai Le Tellier, qui seul avait vu,
-avec le roi, les lettres qui étaient dans la cassette de Fouquet. Il
-me dit que celles de la marquise étaient d'une amie qui avait bien de
-l'esprit, qu'elles avaient bien plus réjoui le roi que les douceurs
-des autres; mais que le surintendant avait mal à propos mêlé l'amour
-avec l'amitié.»
-
-Sûr de son fait, Bussy se fit hautement, avec chaleur et en toute
-occasion, l'avocat de madame de Sévigné. Il éleva la voix contre tous
-ceux qui voulaient la confondre avec les maîtresses de Fouquet. De
-Rouville, beau-frère de Bussy, ignorant ce qu'il pensait à cet égard,
-parla un jour, dans une société où ils se trouvaient tous deux, de
-l'intrigue de la jolie marquise de Sévigné comme d'une chose connue,
-avérée et démontrée par ses lettres. Bussy prit la parole pour lui
-répondre, et donna avec calme des explications qui satisfirent toutes
-les personnes présentes à cette discussion, à la réserve de Rouville,
-qui souffrait impatiemment, surtout de la part d'un beau-frère, de se
-trouver convaincu d'avoir mal parlé d'une femme digne de considération
-et de respect. Comme tous ceux qui n'ont ni assez de justice dans le
-cœur ni assez de loyauté dans le caractère pour convenir qu'ils ont
-tort, et qui, dans l'impuissance de réfuter la défense, s'attaquent au
-défenseur, de Rouville dit à Bussy: «Il est bien plaisant de vous voir
-défendre si fortement madame de Sévigné, après en avoir parlé comme
-vous avez fait.»--«Jamais, répondit Bussy d'une voix tonnante, je n'ai
-attaqué sa vertu.»--«Après avoir fait tant de bruit contre elle, dit
-de Rouville, il vous sied mal de trouver mauvais que d'autres en
-fassent.»--«Je le trouve très-mauvais, au contraire, répondit Bussy;
-et je n'aime le bruit que quand je le fais moi-même[614].»
-
-Nous ignorons comment se termina cette querelle entre les deux
-beaux-frères; mais ce que nous en savons nous prouve l'ardeur avec
-laquelle Bussy plaida la cause de sa cousine. Rien ne contribua plus à
-rectifier l'opinion sur madame de Sévigné, et à lui faire rendre enfin
-toute la justice qui lui était due, que le témoignage d'un parent avec
-lequel elle était depuis longtemps brouillée, qui avait donné des
-preuves publiques d'animosité contre elle, qui par son caractère était
-porté au dénigrement, dont l'esprit malin et caustique aimait
-singulièrement à s'exercer contre les femmes, et se plaisait à en
-médire. Le bien que Bussy fit à madame de Sévigné dans cette
-circonstance surpassa de beaucoup le mal qu'il lui avait fait par son
-écrit; ou plutôt on peut dire avec vérité qu'il lui eût été impossible
-de lui faire autant de bien, s'il ne lui avait pas fait tant de mal.
-
-Madame de Sévigné fut extrêmement touchée de la conduite de son
-cousin. A cette époque l'_Histoire amoureuse des Gaules_ n'était
-connue que par quelques lectures qu'en avait faites Bussy, devant un
-très-petit nombre de personnes, dont les indiscrétions avaient seules
-donné connaissance à madame de Sévigné du portrait satirique que son
-cousin avait fait d'elle. Madame de Monglat, qui désirait gagner
-l'affection de madame de Sévigné, lui dit qu'elle avait obligé Bussy à
-retrancher de sa scandaleuse histoire tout ce qui la concernait, et
-qu'elle l'avait fait consentir à brûler devant elle toute cette partie
-de son ouvrage.
-
-Alors rien ne s'opposait plus à une réconciliation que madame de
-Sévigné ne désirait pas moins que Bussy. Elle eut lieu lorsque, en
-1662, madame de Sévigné revint à Paris, après avoir passé en Bretagne
-les six premiers mois qui suivirent l'arrestation de Fouquet. Cette
-réconciliation fut sincère de part et d'autre, et cimentée par un
-échange mutuel de bons offices[615]. Bussy, dont les affaires étaient
-toujours en désordre, ayant eu besoin (en 1663) d'une somme de quatre
-mille livres pour se rendre au camp de Marsal, les trouva dans la
-bourse de sa cousine. Ils se virent ensuite familièrement en
-Bourgogne, car il y a lieu de présumer que ce fut au commencement de
-l'année 1664 que Bussy se rendit dans sa terre pour y recevoir le
-maréchal Duplessis-Praslin, qui allait à Lyon prendre le commandement
-de l'armée d'Italie[616]; madame de Sévigné les reçut tous deux dans
-son château de Bourbilly, où alors elle se trouvait[617]. Quoi qu'il
-en soit, il est certain que ce fut au retour d'un voyage fait en
-Bourgogne que Bussy et madame de Sévigné revinrent mutuellement
-charmés l'un de l'autre; c'est à cette époque que leur liaison reprit
-ce caractère d'intimité qui leur rappelait à tous deux les belles
-années de leur jeunesse[618].
-
-Cet heureux temps ne fut pas de longue durée. Le manuscrit de
-l'_Histoire amoureuse des Gaules_, qui fut prêté à la marquise de La
-Baume, contenait le portrait de madame de Sévigné, soit qu'il n'eût
-jamais été retranché de l'ouvrage, soit, comme le prétend Bussy,
-qu'après avoir été déchiré, et non pas brûlé, en présence de la
-marquise de Monglat et de son mari, ce dernier en eût ensuite ramassé
-et rejoint les morceaux, et en eût fait faire une copie que Bussy
-voulut revoir, et qu'il eût la faiblesse de prêter à la marquise de La
-Baume, dont il ne pouvait prévoir la trahison[619]. Ce qu'il y a de
-certain, c'est que madame de Sévigné fut à peine de retour à Paris,
-qu'on la prévint que Bussy la trompait; qu'il n'avait point détruit le
-portrait satirique qu'il avait fait d'elle; on assurait même l'avoir
-vu entre les mains de la marquise de La Baume. Madame de Sévigné
-n'ajouta aucune foi aux bruits qui couraient à cet égard. Elle crut
-que c'était une invention des ennemis de Bussy, devenus nombreux et
-implacables depuis qu'il circulait des copies de son scandaleux
-libelle. Mais il fallut bien se rendre à l'évidence lorsque l'ouvrage
-fut imprimé. Madame de Sévigné eut le cœur navré d'une telle
-perfidie. Aussitôt qu'elle eut vu le livre, convaincue par ses propres
-yeux qu'on lui avait dit la vérité, elle en parla à Bussy, qu'elle
-rencontra avec toute la cour chez MONSIEUR, au Palais-Royal. Bussy
-resta d'abord interdit par la vivacité de ses reproches; mais ensuite
-il chercha à lui persuader qu'il avait réellement retranché de son
-ouvrage les passages qui la concernaient, et qu'il fallait que depuis
-ils eussent été rétablis de mémoire par celle qui avait voulu se
-venger de lui, en livrant à l'impression ce qu'il ne lui avait
-communiqué que sous le sceau du secret. Madame de Sévigné ne fut pas
-dupe des mensonges de son cousin. Dès ce moment il ne lui fut plus
-possible d'avoir confiance en lui, ni d'être pour lui ce qu'elle avait
-été.
-
-Cependant, ce fut presque aussitôt après cette explication que Bussy
-fut mis à la Bastille. On sut que la publication de son ouvrage était
-la principale cause de son arrestation, et que cette publication était
-due à la trahison de la marquise de La Baume, avec laquelle il s'était
-brouillé[620]. Madame de Sévigné n'eut plus le même ressentiment
-contre Bussy dès qu'elle le sut malheureux: elle envoya s'informer de
-sa santé; mais il paraît qu'on n'eut pas soin d'instruire le
-prisonnier de ces marques d'intérêt qui lui étaient données par sa
-cousine. On lui dit, au contraire, que, très-animée contre lui, elle
-se répandait en plaintes amères sur l'indignité de ses procédés. Il
-n'en était rien: madame de Sévigné ne parlait de Bussy qu'avec
-attendrissement, et pour exprimer la peine qu'elle éprouvait de le
-savoir captif. Elle rompit tout commerce avec la marquise de La
-Baume[621], condamna hautement sa conduite, et soutint qu'une femme ne
-doit jamais chercher à se venger des injures qui lui sont faites,
-parce que pour atteindre ce but il faut qu'elle abdique cette vertu du
-cœur qui est le plus bel attribut de son sexe, la bonté. Bussy, qui,
-malgré la haute opinion qu'il avait de sa cousine, ne connaissait pas
-toute sa grandeur d'âme, ajouta foi aux rapports mensongers qui lui
-étaient faits. Madame de Sévigné ne fut donc point au nombre des
-personnes avec lesquelles il chercha à se mettre en communication dans
-sa prison. Il ne la pria point d'intercéder en sa faveur, et préféra
-s'adresser pour cet objet à madame de Motteville, avec laquelle il
-était lié d'une manière bien moins intime[622].
-
-Cependant, lorsque Bussy sortit de la Bastille, la première personne
-qui vint le voir chez Dalancé, ce fut madame de Sévigné. Cette visite,
-à laquelle il ne s'attendait pas, lui fit un plaisir extrême, malgré
-les torts qu'il supposait à sa cousine; il en avait envers elle de si
-graves, qu'il n'osa pas lui faire des reproches. Il évita donc avec
-soin une explication; madame de Sévigné, qui croyait n'avoir pas
-besoin d'en donner, n'en provoqua aucune. Ils se séparèrent avec les
-dehors d'une apparente cordialité et les sentiments d'une défiance
-réciproque[623].
-
-Telles étaient leurs dispositions l'un envers l'autre lorsque leur
-correspondance recommença; mais ce fut d'abord, comme on va le voir,
-lentement et péniblement.
-
-Bussy, retiré dans sa terre, où il resta exilé pendant dix-sept ans,
-écrivit le premier à sa cousine une lettre affectueuse et
-galante[624]. Il venait de visiter le château de Bourbilly, et se
-rappelait avec tristesse la dernière et aimable réception que sa
-cousine lui avait faite dans ce séjour.
-
-«Je fus hier à Bourbilly, dit-il; jamais je n'ai été si surpris, ma
-belle cousine. Je trouvai cette maison belle; et quand j'en cherchai
-la raison, après le mépris que j'en avais fait il y a deux ans, il me
-sembla que cela venait de votre absence. En effet, vous et
-mademoiselle de Sévigné enlaidissez ce qui vous environne; et vous
-fîtes ce tour-là il y a deux ans à votre maison. Il n'y a rien de si
-vrai; et je vous donne avis que si vous la vendez jamais, vous fassiez
-ces marchés par procureur; car votre présence en diminuerait le prix.
-En arrivant, le soleil, qu'on n'avait pas vu depuis deux jours,
-commença à paraître, et lui et votre fermier firent bien les honneurs
-de la maison: celui-ci en me faisant une bonne collation, et l'autre
-en dorant toutes les chambres que les Christophle[625] et les
-Guy[626], s'étaient contentés de tapisser de leurs armes. J'y étais
-allé en famille, qui fut aussi satisfaite de cette maison que moi. Les
-Rabutins vivants, voyant tant d'écussons, s'estimèrent encore
-davantage, connaissant par là ce que les Rabutins morts faisaient de
-cette maison.»
-
-Madame de Sévigné était en Bretagne, à sa terre des Rochers, qu'elle
-s'occupait à agrandir et à embellir, lorsqu'elle reçut cette lettre de
-son cousin. Elle ne mit pas beaucoup d'empressement à répondre. Elle
-attendit l'époque de son retour à Paris. Sa réponse est du 20 mai
-1667, c'est-à-dire postérieure de quatre mois et demi à la lettre que
-Bussy lui avait écrite. Elle excuse, mais assez mal, ce long
-retard[627]. Bussy lui en fait de légers reproches[628]. Madame de
-Sévigné répondit encore; mais comme nous n'avons pas sa lettre, nous
-ne pouvons juger si Bussy fut mécontent de ce qu'elle avait de nouveau
-trop tardé à lui écrire, ou s'il fut peu satisfait des choses qu'elle
-lui avait écrites: ce qui est certain, c'est qu'il suspendit alors sa
-correspondance avec elle. Dans sa dernière lettre, cependant, il avait
-montré la plus entière confiance dans sa cousine; il lui avait fait
-part de ses affaires, il lui avait envoyé copie de toutes les lettres
-qu'il avait adressées au roi.
-
-Madame de Sévigné fut étonnée du long silence de Bussy à son égard, et
-désira y mettre fin. Soit qu'elle se reprochât d'y avoir donné lieu en
-tardant trop à lui répondre, soit qu'elle se repentît de la manière
-dont elle lui avait répondu, soit par toute autre cause, elle se
-décida à lui écrire de nouveau. Dans sa lettre en date du 6 juin 1668,
-lettre très-courte mais très-significative, elle rappelle à son cousin
-que c'est elle qui lui a écrit la dernière; qu'elle a de trop
-légitimes sujets de plaintes contre lui pour qu'il en ajoute de
-nouveaux en la négligeant.
-
-Alors commence une longue explication, que quelques mots dits chez
-Dalancé auraient rendue inutile; mais nous ne devons point regretter
-que ces mots n'aient point été prononcés, car nous n'aurions pas les
-lettres qui nous font le mieux connaître le noble caractère de madame
-de Sévigné.
-
-La défense de Bussy contre la trop juste accusation que lui intente sa
-cousine est un chef-d'œuvre d'adresse. Il commence d'abord par faire
-l'éloge de son accusatrice, et il accompagne cet éloge de phrases
-pleines de tendresse et de galanterie. Il avoue qu'il a été bien
-coupable; mais du moins les remords de sa faute ont été sincères,
-tandis que sa cousine ne paraît pas avoir fait franchement le
-sacrifice de son ressentiment, et qu'elle semble même se repentir de
-lui avoir pardonné[629]. Il lui rappelle que lorsqu'ils étaient
-encore brouillés, il prit sa défense contre ses calomniateurs, et
-qu'au contraire elle l'a abandonné lorsqu'il était accablé par ses
-ennemis: «Ces changements, dit-il, sont étranges en vous, car vous
-êtes pleine de douceur et d'amitié pour moi: seulement, vous n'avez
-pas la force de résister à la mode, et je n'y suis plus: voilà mon
-malheur.»
-
-Madame de Sévigné ne fit point d'abord de réponse à cette lettre, ce
-qui laissa le temps à son cousin de lui en écrire une autre,
-très-courte, six semaines après[630]. Dans celle-ci, Bussy demande à
-madame de Sévigné de le recommander à un conseiller rapporteur dans un
-procès qu'il avait au grand conseil, si toutefois elle ne craint pas
-de se compromettre en témoignant de l'intérêt pour un homme tombé en
-disgrâce.
-
-Alors madame de Sévigné n'y peut tenir, elle éclate; et dans une
-longue lettre, écrite avec une éloquente impétuosité, elle accable son
-cousin de toute la puissance et de toute la force de la vérité, et
-termine, sans aigreur, par les assurances de sa tendresse, exprimées
-de la manière la plus vive et la plus aimable.
-
-Elle commence cette lettre remarquable en lui disant[631]:
-
-«Mon cousin, apprenez de moi que ce n'est pas la mode de m'accuser de
-faiblesse pour mes amis. J'en ai beaucoup d'autres, comme dit madame
-de Bouillon, mais je n'ai pas celle-là. Cette pensée n'est que dans
-votre tête; et j'ai fait ici mes preuves de générosité sur le sujet
-des disgraciés, qui m'ont mise en honneur dans beaucoup de bons lieux,
-que je vous dirais bien si je voulais. Je ne crois donc pas mériter
-ce reproche: il faut que vous rayiez cet article sur le mémoire de mes
-défauts... Mais venons à vous.»
-
-Elle y vient en effet; et c'est pour lui montrer toutes les
-contradictions, les absurdités dans lesquelles lui, homme d'esprit,
-était tombé, par l'impossibilité de se justifier autrement que par des
-impostures. Elle réfute les sophismes par lesquels il a voulu rejeter
-sur elle des torts qui étaient les siens; elle déjoue toutes les ruses
-de son esprit, et le poursuit dans tous les subterfuges de sa
-conscience; puis, certaine qu'il ne peut rien opposer à l'évidence des
-faits, à la force des arguments, elle termine ainsi:
-
-«Voilà ce que je voulais vous dire une fois en ma vie, en vous
-conjurant d'ôter de votre esprit que ce soit moi qui ait tort. Gardez
-ma lettre, et la relisez, si jamais la fantaisie vous prenait de le
-croire; et soyez juste là-dessus, comme si vous jugiez d'une chose qui
-se fût passée entre deux autres personnes: que votre intérêt ne vous
-fasse pas voir ce qui n'est pas. Avouez que vous avez cruellement
-offensé l'amitié qui était entre nous, et je suis désarmée. Mais de
-croire que si vous répondez, je puisse jamais me taire, vous auriez
-tort, car ce m'est impossible. Je verbaliserai toujours; au lieu
-d'écrire en deux mots, comme je vous l'avais promis, j'écrirai en deux
-mille; et enfin j'en ferai tant par des lettres d'une longueur cruelle
-et d'un ennui mortel, que je vous obligerai, malgré vous, à me
-demander pardon, c'est-à-dire à me demander la vie. Faites-le donc de
-bonne grâce.»
-
-Bussy pourtant ne voulut pas accepter tout ce que cette lettre avait
-d'accablant pour lui. Dans une réponse très-longue, et qui commence
-sur le ton le plus sérieux et le plus froid[632], il cherche par de
-nouvelles explications à démontrer que si les torts qu'il a eus ont
-été les plus graves, ce n'est pas une raison pour donner à sa cousine
-le droit de penser qu'elle n'en a eu aucun. Toute sa lettre se résume
-par les paroles suivantes, qui étaient sincères, et qui même, dans
-l'accusation qu'elles renferment, n'étaient pas dénuées de
-vérité[633]:
-
-«Je vous avoue que j'ai mille fois plus de torts que vous, parce que
-ma représaille a été plus forte que l'offense que vous m'aviez faite,
-et que je ne devais pas m'emporter si fort contre une jolie femme
-comme vous, ma proche parente, et que j'avais toujours bien aimée:
-pardonnez-moi donc, ma cousine, et oublions le passé au point de ne
-nous en souvenir jamais. Quand je serai persuadé de votre bonne foi
-dans votre retour pour moi, je vous aimerai mille fois plus que je
-n'ai jamais fait; car, après avoir ce qu'on appelle tourné et viré, je
-vous trouve la plus agréable femme de France.»
-
-Madame de Sévigné n'ignorait pas que pour mieux convaincre il faut
-quelquefois ne pas montrer trop d'empressement à le faire, et qu'on a
-plus de facilité à détruire une opinion quand la chaleur de l'esprit
-est refroidie et laisse au jugement toute sa liberté. Au lieu donc de
-répondre à son cousin sur ce que renfermait sa dernière lettre, elle
-se contenta de lui en accuser réception, promettant d'y faire de
-longues apostilles quand elle en aura le loisir. Pour le moment elle
-lui demande les copies des titres de la maison de Rabutin, pour M. de
-Caumartin, qui s'occupe de mettre en ordre les preuves de noblesse
-relatives aux familles de la province: «Ne manquez pas à cela, lui
-dit-elle: il y va de l'honneur de notre maison; on ne peut être plus
-vive sur cela que je le suis. Adieu, faites réponse à ceci; je vous
-écrirai plus à loisir[634].»
-
-Bussy transmet à sa cousine les pièces qu'elle réclame[635], et en
-même temps il montre une grande impatience de recevoir son commentaire
-à la dernière lettre qu'il lui a écrite.
-
-Enfin arrive la réponse de madame de Sévigné à cette lettre de son
-cousin[636], cette _duplique_ à la réplique, comme elle l'appelle
-plaisamment. Elle insiste cette fois, plus fortement que la première,
-pour prouver qu'elle n'a pas eu les premiers torts, et elle entre à
-cet égard dans de grandes explications; peut-être parce que c'était là
-le point le plus difficile de la cause. Il lui était impossible de
-trouver l'argent que lui avait demandé Bussy, «à moins, dit-elle, de
-l'aller prendre dans la bourse du surintendant, où je n'ai rien voulu
-chercher ni trouver. Ensuite elle remet dans tout son jour, mais avec
-gaieté, et dans un style tout différent de celui de sa première
-lettre, toute la cruauté, tout l'odieux des procédés de Bussy à son
-égard, qui après un raccommodement, après qu'elle s'était remise avec
-lui de bonne foi, l'avait livrée sans pitié aux brigands,
-«c'est-à-dire, dit-elle, à madame de La Baume. Ne me dites point que
-c'est la faute d'un autre, cela n'est point vrai; c'est la vôtre
-purement: c'est sur cela que je vous donnerais un beau soufflet, si
-j'avais l'honneur d'être près de vous, et que vous me vinssiez conter
-ces lanternes.» Afin d'adoucir tout le mordant de ses arguments, elle
-termine en disant: «Adieu, comte; je suis lasse d'écrire, et non pas
-de lire tous les endroits tendres et obligeants que vous avez semés
-dans votre lettre[637].»
-
-Bussy voulut ne pas avoir l'air de se montrer assez peu galant, de
-continuer une discussion où sa cousine voulait avoir le dernier: il
-commence sa réponse par déclarer que, sans même demander à capituler,
-il se rend à discrétion. «On ne peut pas être moins capable de
-triplique que je le suis, ma belle cousine: pourquoi m'y voulez-vous
-obliger? Je me suis rendu dans la réplique que je vous ai faite; je
-vous ai demandé la vie. Vous me voulez tuer à terre, et cela est un
-peu inhumain. Je ne pensais pas que vous vous mêlassiez, vous autres
-belles, d'avoir de la cruauté sur d'autres chapitres que celui de
-l'amour. Cessez donc, petite brutale, de vouloir souffleter un homme
-qui se jette à vos pieds et qui vous avoue sa faute, et qui vous prie
-de la lui pardonner. Si vous n'êtes pas encore contente des termes
-dont je me sers en cette rencontre, envoyez-moi un modèle de la
-satisfaction que vous souhaitez, et je vous la renverrai écrite et
-signée de ma main, contre-signée d'un secrétaire, et scellée du sceau
-de mes armes. Que vous faut-il davantage[638]?»
-
-«Levez-vous, comte, dit madame de Sévigné dans sa réponse à cette
-dernière lettre de Bussy, je ne veux point vous tuer à terre; ou
-reprenez votre épée, pour recommencer le combat. Mais il vaut mieux
-que je vous donne la vie et que nous vivions en paix[639].»
-
-Ainsi finit cette explication; les résultats en furent heureux. Par là
-madame de Sévigné et Bussy se purgèrent de toutes ces humeurs
-rancuneuses, de toutes ces réticences qui sont mortelles en amitié. En
-même temps, le désir qu'ils avaient de se plaire et de renouer leur
-correspondance les porta à adoucir les reproches qu'ils s'adressaient,
-par des éloges si flatteurs et des protestations si affectueuses,
-qu'ils restèrent pleinement rassurés sur les dispositions où ils se
-trouvaient l'un envers l'autre. Les restes d'animosité et de défiance
-qu'ils avaient conservés se dissipèrent. Si l'intimité de leur
-commerce fut quelquefois troublée par de légers nuages, du moins elle
-n'éprouva plus d'interruption; leur correspondance redevint fréquente
-et active; et les liens de parenté, le voisinage de leurs terres,
-l'admiration qu'ils avaient l'un pour l'autre, tout leur fit un besoin
-de se communiquer leurs pensées: ce besoin devint une habitude que la
-mort seule eut le pouvoir de rompre.
-
- [612] BUSSY, COMTE DE RABUTIN, _Mém. mss._ cités dans Monmerqué,
- _Lettres_ de SÉVIGNÉ, t. I, p. 56.
-
- [613] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 57, édit. 1820.
-
- [614] BUSSY, _Mém. mss._; dans SÉVIGNÉ, _Lettres_, édit. 1820, t.
- I, p. 58.
-
- [615] SÉVIGNÉ, _lettre_ en date du 26 juillet 1668, t. I, p. 129.
-
- [616] BUSSY-RABUTIN, _Mém._, t. II, p. 201.
-
- [617] BUSSY-RABUTIN, _lettre à madame de Sévigné_ (datée de
- Forléans, le 21 novembre 1666), t. I, p. 109 et 110 de l'édit. de
- Monmerqué.
-
- [618] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 129, en date du 26 juillet
- 1668.
-
- [619] BUSSY, _lettre_ en date du 29 juillet 1669, t. I, p. 135.
-
- [620] SÉVIGNÉ, _lettre_ en date du 20 juillet 1668, t. I, p. 131.
-
- [621] BUSSY, _loc. cit._
-
- [622] BUSSY, _Mém._, t. III, p. 337.
-
- [623] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 131-137 (_lettre de madame de
- Sévigné_, en date du 26 juillet, et _de Bussy_, en date du 29).
-
- [624] BUSSY (_lettre_ du 21 novembre 1666), dans SÉVIGNÉ, t. I,
- p. 109.
-
- [625] Christophle de Rabutin, seigneur de Sully et de Bourbilly,
- né vers 1500, mort en 1529.
-
- [626] Guy de Rabutin, né en 1532, le premier qui porta le titre
- de baron de Chantal.
-
- [627] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 111 (en date du 20 mai 1667).
-
- [628] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 113 (_lettre de_ BUSSY, en
- date du 23 mai 1667).
-
- [629] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 121 (le 9 janvier 1668).
-
- [630] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 126 (en date du 17 juillet
- 1668).
-
- [631] Ibid., p. 127 (en date du 26 juillet 1668).
-
- [632] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 133 (_lettre_ en date du 29
- juillet 1668).
-
- [633] Ibid., p. 138 (_lettre_ du 29 juillet 1668).
-
- [634] SÉVIGNÉ, t. I, p. 143, édit. de Monmerqué (_lettre_ en date
- du 14 août 1668).
-
- [635] Ibid., p. 144 (_lettre_ en date du 14 août).
-
- [636] SÉVIGNÉ, _lettre_ en date du 28 août 1668, t. I, p. 145.
-
- [637] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 146, _lettre_ en date du 28
- août 1669.
-
- [638] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 149, _lettre de_ BUSSY, en
- date du dernier août 1668.
-
- [639] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 150 (en date du 4 septembre
- 1668).
-
-
-Nous finissons ici cette seconde partie des Mémoires sur madame de
-Sévigné. Celles qui suivent resteront peut-être encore longtemps entre
-les mains de leur auteur, si nous nous déterminons à les mettre au
-jour. Il y a plus de dix ans que nous avons composé et achevé cet
-ouvrage. Un motif qui paraîtrait bien léger, mais qui est pour nous
-d'un grand poids, nous a engagé à donner nos soins à la publication de
-ces deux volumes, lorsque tout concourait à nous écarter d'un tel
-travail, et que nous éprouvions une extrême répugnance à soumettre au
-jugement du public une production étrangère aux travaux qui nous
-occupent exclusivement. Ce qui doit nous servir d'excuse, c'est que
-ces deux parties forment un tout distinct, et ont une utilité
-spéciale. En effet:
-
-Dans la première partie prenant madame de Sévigné au berceau, nous
-l'avons montrée recevant la plus heureuse éducation, sans qu'il en
-coûtât aucun sacrifice aux moindres joies de son enfance; puis au sein
-des richesses goûtant d'abord tout le bonheur et éprouvant ensuite
-toutes les peines de l'état conjugal; veuve, enfin, et encore jeune et
-belle, sachant, au milieu de la plus effroyable licence, se conserver
-pure, quoique sans cesse assiégée par les plus dangereuses séductions.
-
-Dans la seconde partie on a vu madame de Sévigné, femme aimable et
-mère héroïque, se consacrer à l'éducation de ses enfants sans rompre
-avec le monde, sans fuir les hommages que ses charmes et les grâces de
-son esprit lui attiraient. L'histoire de son siècle, celle des
-personnages qui lui furent attachés par les liens du sang ou de
-l'amitié, ou que subjugua une plus forte passion; la description des
-mœurs et des habitudes des temps qu'elle a traversés, nous ont occupé
-autant qu'elle-même; de sorte que ces deux parties forment, nous le
-croyons, une introduction complète à ce recueil des lettres que nous
-devons aux besoins de son cœur maternel, en proie aux tourments de
-l'absence. Lorsque ce recueil parut, on ne le considéra que comme une
-œuvre littéraire, que comme une longue et charmante causerie, qui
-offrait un parfait modèle du style épistolaire; mais un des hommes les
-plus spirituels de cette époque, qui avait vu finir le grand siècle,
-écrivait, après en avoir achevé la lecture:
-
-«Je n'ai jamais eu l'imagination aussi frappée: il m'a semblé que d'un
-coup de baguette, comme par magie, elle avait fait sortir cet ancien
-monde, que nous avons vu si différent de celui-ci, pour le faire
-passer en revue devant moi[640].»
-
-Cet ancien monde est encore bien plus différent du nôtre que celui du
-milieu du dix-huitième siècle, dont il est fait mention dans la lettre
-du duc de Villars-Brancas, que nous venons de citer; mais les vives
-peintures que madame de Sévigné en a tracées, obscurcies par le temps,
-ont besoin, pour reprendre tout leur éclat, qu'une main réparatrice en
-fasse ressortir les curieux détails et les principales figures, et
-nous montre combien les tableaux dont ils font partie sont féconds en
-instructions historiques.
-
- [640] Duc de VILLARS-BRANCAS, _Lettre_ dans l'édition de Sévigné
- de M. Monmerqué, 1820, in-8º, t. I, p. XXIV.
-
-
-
-
-NOTES
-
-ET
-
-ÉCLAIRCISSEMENTS.
-
-
-
-
-NOTES
-
-ET
-
-ÉCLAIRCISSEMENTS.
-
-
-
-
-PREMIÈRE PARTIE.
-
-CHAPITRE PREMIER.
-
- Page 3, ligne 25: Le pain des pauvres.
-
-Il faut remarquer que ce ne fut que longtemps après la mort de madame
-de Sévigné que Fremyot de Chantal fut déclarée sainte. Elle fut
-d'abord béatifiée par les filles entre les bras desquelles elle
-mourut. Cette béatification fut confirmée par le pape en 1751; mais
-sainte Chantal ne fut canonisée qu'en 1767, le 16 juillet.
-
- Page 7, ligne 7: Ce fut le célèbre Cromwell.
-
-Tout ce que nous savons du fameux Cromwell à l'époque du combat de
-l'île de Ré semble réfuter la supposition qu'il s'y soit trouvé. Le
-nom de Cromwell n'est pas rare en Angleterre; peut-être le guerrier
-qui blessa mortellement le baron de Chantal portait-il ce nom, et cela
-aura occasionné une méprise. Les Anglais furent ensuite repoussés de
-l'île de Ré par Toiras. Cotin a célébré ce succès dans un cantique.
-Voyez _Poésies chrétiennes_ de l'abbé Cotin, 1668, in-12, pages 112 à
-118.
-
-
-CHAPITRE II.
-
- Page 10, ligne 5: Le joli village de Sucy.
-
-Ce nom est écrit _Sussy_ sur la plupart des cartes, et on l'avait
-converti en _Sully_ dans plusieurs éditions des lettres de madame de
-Sévigné, ce qui a causé beaucoup du méprises de la part des éditeurs.
-
- Page 10, ligne 7: Emmanuel y était né.
-
-Pour preuve du lieu de naissance de Coulanges, on peut conférer à
-l'endroit cité les vers qu'il adresse à un vieux lit de famille
-retrouvé à Sucy, et qui commencent ainsi:
-
- Enfin je vous revois, vieux lit de damas vert;
- Je vous revois, vieux lit si chéri de mes pères,
- Où jadis toutes mes grand'mères,
- Lorsque Dieu leur donnait d'heureux accouchements,
- De leur fécondité recevaient compliments.
-
-Coulanges était né en 1631.
-
- Page 14, ligne 11-16.
-
-Nous avons plusieurs portraits gravés de madame de Sévigné; un des
-moins ressemblants, ou plutôt un des plus certainement faux est celui
-qui est dans la meilleure édition de ses lettres, 1re et 2e édit. de
-M. Monmerqué, 1818 et 1820, in-8º. Un des meilleurs est celui qui est
-dans l'édition de Simart, 1734; il est gravé par Jacques Chereau, et
-pour un âge plus avancé que celui qui a été gravé par Edelinck,
-d'après un pastel de Nanteuil. Conférez la notice qui est à la fin de
-ce volume _sur les différents portraits de madame de Sévigné_.
-
-
-CHAPITRE IV.
-
- Page 31, ligne 27: Polie sans affectation.
-
-Huet s'exprime sur madame de Rambouillet exactement comme Fléchier:
-_Maxima erat hoc tempore Rambullietanæ domus celebritas, quam
-magnopere exornaverat Catharina Vivonnæa, marchione Rambullieto pridem
-viduata, primaria femina natalibus, ita animis et moribus vere
-Romana_.--Huetii _Commentarius de rebus ad eum pertinentibus_, p. 212.
-
- Page 35, ligne 14: Durant le temps de leur règne.
-
-Balzac écrivait à Conrart: «Votre mauvaise santé vous permet-elle de
-fréquenter souvent le temple des Muses, de l'Honneur et de la Vertu?
-(C'est le nom que je donne d'ordinaire à l'hôtel Rambouillet.) La
-déesse qui y préside est-elle toujours favorable à vos vœux?» _Lettre
-de Balzac à Conrart_, p. 26. Et encore: «Je n'écris pas à madame la
-marquise de Rambouillet, mais je ne laisse pas d'être toujours un de
-ses dévots, et d'avoir la vénération que les hommes doivent aux choses
-divines.» Ibid., p. 215. La Mesnardière, dans son _Hymne sur les plus
-belles connaissances de la nature_, Poésies, Paris, 1656, in-folio, p.
-89, compare la marquise de Rambouillet aux astres, et il la nomme
-l'arbitre du destin; il ne croit pas, après tant de louanges, lui en
-donner une plus grande que de lui dire qu'elle a enfanté Julie:
-
- Sang des héros de France et des dieux d'Italie,
- Et, pour comble d'honneur, la mère de Julie.
-
-Voyez encore à ce sujet la dédicace du troisième acte de la
-_traduction du Berger fidèle_, 1665, in-12, et la troisième partie de
-ces _Mémoires_, p. 455.
-
-
-CHAPITRE V.
-
- Page 38, ligne 3 du texte: Les rideaux de soie bleue.
-
-Sauval a décrit très en détail l'hôtel que madame de Rambouillet fit
-construire avec une si parfaite intelligence des distributions
-intérieures, avec tant de goût et d'élégance dans l'architecture,
-que cet hôtel devint un modèle pour les constructions de même
-nature. Sauval mourut en 1670. Son ouvrage n'a été imprimé que
-cinquante-quatre ans après, en 1724. L'emphase qu'il met dans
-quelques-uns de ses écrits lui attira un sarcasme de Boileau. Voyez
-satire VII, t. I, p. 175, édit. de Saint-Surin. Si ce défaut existait
-dans ses _Recherches sur Paris_, ses éditeurs l'ont fait disparaître.
-L'ouvrage de Sauval a aussi été lu et revu en manuscrit non-seulement
-par Colbert, mais aussi par Costar, Pellisson et le père Le Long.
-
-C'est dans la chambre bleue de l'hôtel de Rambouillet que Voiture
-demandait, dans sa lettre à mademoiselle de Bourbon, qu'il lui fût
-dressé un pavillon de gaze, où il serait servi et traité
-magnifiquement par deux demoiselles, en réparation du tort qu'on lui
-avait fait.
-
-Dans tout le cours de la description que donne Sauval de l'hôtel de
-Rambouillet, il se conforme à l'usage galant et respectueux de son
-temps: il n'a désigné madame de Rambouillet que par le nom
-d'Arthénice, anagramme de celui de Catherine, qui était le sien.
-Segrais, secrétaire de _Mademoiselle_, fille de Gaston d'Orléans,
-habitué au Luxembourg, où il logeait, s'étonnait de ne pouvoir
-parvenir auprès de madame de Rambouillet que par «une enfilade de
-pièces, d'antichambres, de chambres et de cabinets.» Voyez Segrais,
-_OEuvres_, 1755, t. I, p. 20.
-
-La position précise de l'hôtel de Rambouillet dans la rue Saint-Thomas
-du Louvre n'a été indiquée par aucun des auteurs qui ont écrit sur
-Paris. Le plan de Berey dressé en 1654 nous jetterait à cet égard dans
-l'erreur, parce qu'il fait par son dessin une confusion de l'hôtel de
-Rambouillet et de celui de Chevreuse, et que le nom du premier hôtel
-est placé après celui de Chevreuse, et plus près de la rue du Doyenné.
-Mais ce plan est bien inférieur à celui de Gomboust, levé et dressé
-géométriquement, sous l'inspection de Petit, directeur des
-fortifications de Paris. Sur ce plan, l'on trouve que l'hôtel de
-Rambouillet touche à l'hôtel de Chevreuse, mais est plus rapproché de
-la place du Palais-Royal; cet hôtel touche aux Quinze-Vingts, hospice
-qui bordait la place du Palais-Royal. Le Jardin de Rambouillet avait
-pour mur mitoyen, sur le derrière, le petit enclos qui formait le
-cimetière des Quinze-Vingts. Sur le plan de Paris de Buillet, dressé
-en 1676, toute la partie de l'enclos des Quinze-Vingts sur la rue
-Saint-Thomas du Louvre est pointillé comme consistant en maisons
-jusqu'à l'hôtel de Longueville, le seul hôtel qui y soit marqué.
-L'hôtel de Rambouillet, qui alors portait le titre d'hôtel de
-Montausier, n'y est point marqué. On n'y trouve nommé que l'hôtel de
-Longueville, qui allait de la rue Saint-Thomas du Louvre à la rue
-Saint-Nicaise; mais c'est une omission qu'on a réparée dans une
-nouvelle édition de ce plan, corrigé par Jaillot en 1707. On trouve
-sur ce plan rectifié l'hôtel de Rambouillet parfaitement bien dessiné,
-à côté de l'hôtel Longueville, avec l'élévation des bâtiments, la
-cour, le parterre. Dans le plan en détail de Lacaille, 1714, in folio
-(quartier du Palais-Royal, pl. XI), on lit la description de l'hôtel
-de Rambouillet, imprimée derrière la planche. Sur le plan dit de
-Turgot, en perspective, et terminé en 1739, on voit cet hôtel dessiné;
-mais le jardin semble déjà occupé par d'autres constructions, et ce
-plan, comme celui de Lacaille, donne des constructions particulières,
-faites sur la rue, et dépendant de l'enclos des Quinze-Vingts.
-L'entrée de cet hospice se trouvait rue Saint-Honoré, vis-à-vis la rue
-de Richelieu, et les rues de Rohan et de Valois en occupent
-actuellement l'emplacement. Le plan de Turgot nous montre rue
-Saint-Nicaise, entre cette rue et la rue Matignon, près de l'hôtel de
-Créquy et plus près du quai, un assez grand hôtel, nommé l'hôtel de
-Crussol. L'éditeur de la dernière édition de Germain Brice, de 1752,
-t. I, p. 190, s'est trompé; il dit: «que l'hôtel Montausier, autrefois
-l'hôtel de Rambouillet, appartient à présent à Jean-Charles de Crussol
-d'Uzès, et qu'il se nomme hôtel d'Uzès.» Il est certain que l'hôtel de
-Rambouillet porte le nom d'hôtel d'Uzès sur le plan de Buillet, revu
-par Jaillot en 1707; sur celui de Regnard, revu par Jaillot en 1717,
-et sur un plan mauvais de de Fer, de 1692. En 1739, les ducs d'Uzès
-ont dû demeurer à l'hôtel Crussol. Depuis, ils ont encore changé de
-demeure, et ont fait construire, sur les dessins de Le Doux, ce
-magnifique hôtel rue Montmartre, où on avait placé l'administration
-des douanes.
-
-Il y a eu à Paris au moins trois hôtels ou habitations dites de
-Rambouillet; ce qui a causé des confusions et des erreurs dont les
-historiens les plus exacts et les plus savants de la ville de Paris
-n'ont pas toujours su se garantir. On compte d'abord sous ce nom: 1º
-l'hôtel de Rambouillet qu'a occupé le marquis de Rambouillet et ses
-ancêtres, qui fut acheté en 1602 par le duc de Mercœur, pour agrandir
-le sien. C'est en partie sur l'emplacement de cet hôtel qu'a été
-construit le palais Cardinal, nommé depuis Palais-Royal; 2º le marquis
-de Rambouillet a occupé depuis l'hôtel de Pisani ou de son beau-père,
-qui ainsi que nous l'avons expliqué ailleurs, devint le fameux hôtel
-de Rambouillet; 3º Enfin, il y avait la maison des quatre pavillons,
-avec le vaste endos de Reuilly, dans le hameau de ce nom, englobé
-depuis dans le faubourg Saint-Antoine, qui, à cause du financier
-Rambouillet de la Sablière, fut quelquefois nommé aussi hôtel
-Rambouillet. Jaillot, trompé par un vice de rédaction qui se trouve
-dans cet endroit de l'ouvrage de Sauval, a confondu les deux premiers
-hôtels; d'autres auteurs ont confondu les deux derniers, et le marquis
-avec le financier. Dans la _Description nouvelle de la ville de Paris,
-par M. B***_ (Germain Brice), imprimée en 1685, l'hôtel de Rambouillet
-porte le nom d'hôtel de Montausier, parce qu'après la mort de la
-marquise de Rambouillet il appartenait au duc de Montausier, qui avait
-épousé Julie d'Angennes, unique héritière des biens de la maison de
-Rambouillet, ses deux frères étant morts, ainsi que sa sœur madame de
-Grignan, et les deux sœurs qui lui restaient s'étant faites
-religieuses.
-
-L'ouvrage de Colletet, intitulé _Ville de Paris_, que j'ai cité,
-quoique portant sur le frontispice de mon exemplaire la date de 1689,
-doit être de l'année 1671, puisque le privilége est du mois de juillet
-1671; et même il ne paraît être qu'un livre plus ancien, antérieur à
-1665, plusieurs fois réimprimé. Ce qui semble prouver qu'on a
-seulement changé le titre, c'est que l'auteur, p. 108, s'exprime
-ainsi: «L'hostel de Rambouillet, rue Saint-Thomas du Louvre, où loge
-aussi Mgr le duc de Montausier, mon illustre maître et Mécène.» Ceci
-paraît écrit antérieurement à la mort de madame de Rambouillet,
-lorsque son gendre et sa fille demeurèrent avec elle. Quoi qu'il en
-soit, immédiatement après cet article, François Colletet ajoute:
-«Autre hôtel de Rambouillet, au bout du faubourg Saint-Antoine, qui
-est la maison des quatre pavillons.»
-
-Selon Sauval, l'hôtel de Montausier ou de Rambouillet, avant de porter
-le nom de Pisani, avait porté les noms d'O et de Noirmoutier. Outre
-les erreurs commises par ceux qui ont étudié l'ancienne topographie de
-Paris, il y a celles de ceux qui ne la connaissent pas du tout, dont
-je ne parlerai pas. Je remarquerai seulement que M. Taschereau,
-écrivain consciencieux et exact, dans sa _Vie de Molière_ (p. 350),
-introduit encore un nouveau sujet de confusion dont personne ne
-s'était avisé, en affirmant que le célèbre hôtel de Rambouillet était
-situé rue des Fossés-Montmartre, sur l'emplacement des maisons 1 et 3;
-et il cite pour garant la _Gazette des Tribunaux_, du 27 mai 1827.
-C'est assurément là une des erreurs les plus fortes et les plus
-manifestes que l'on ait commises sur cette matière. J'ignore ce qui
-l'a causée, n'ayant point la _Gazette_ que l'on cite; mais je
-remarquerai qu'il a peut-être encore existé à Paris un quatrième hôtel
-de Rambouillet, indépendamment des trois que j'ai mentionnés; car
-Rambouillet de la Sablière et sa femme n'ont jamais habité la maison
-des quatre pavillons, qui était pour Rambouillet le père une maison de
-plaisance, et non de ville. Il se pourrait donc que la maison dont a
-parlé la _Gazette des Tribunaux_ eût pris le nom d'hôtel de
-Rambouillet d'après Rambouillet de la Sablière, surtout dans les
-derniers temps du siècle de Louis XIV, et lorsque le fameux hôtel de
-Rambouillet avait pris le nom d'hôtel de Montausier. Alors ce nom de
-Rambouillet ne se trouva plus attaché dans Paris et dans ses faubourgs
-qu'à des propriétés appartenant à la famille du financier Rambouillet,
-qui n'avait rien de commun avec celle des d'Angennes ou du marquis de
-Rambouillet. L'emplacement de l'hôtel où demeurait madame de la
-Sablière serait d'autant plus intéressant à découvrir que La Fontaine
-y a passé vingt ans de sa vie.
-
-On lit dans les _Mémoires_ de Retz, de Motteville, de la Rochefoucauld
-et autres, que le prince de Condé, retiré à Saint-Maur, et le duc
-d'Orléans, qui se trouvait à Paris, se rendirent à Rambouillet pour
-conférer ensemble. Comme ce nom de Rambouillet sans autre explication
-doit s'entendre de la ville qui est à treize lieues de Paris, on
-cherche le motif qui a pu engager ces princes à se transporter si
-loin. Mais les _Mémoires_ de Talon nous expliquent que ce Rambouillet
-était «la maison du jardin de Rambouillet, qui est dans Reuilly, hors
-de la porte Saint-Antoine.» Ce lieu se trouvait effectivement entre
-Saint-Maur et le palais du Luxembourg. (Talon, _Mém._, collection de
-Petitot, t. LXII, p. 227 et 235.) Dans le portefeuille XXV de la
-collection intitulée _l'Histoire de France par estampes_, Bibliothèque
-du Roi, il y a un plan du combat du faubourg Saint-Antoine, entre
-Condé et Turenne, le 2 juillet 1652, où l'on voit ce qu'était ce
-faubourg de Paris à cette époque; on y trouve Reuilly et le clos de
-Rambouillet, avec le plan du jardin. La gravure de ce plan est
-moderne; mais il a été probablement copié sur un plan ancien, dressé
-pour les campagnes de Condé ou de Turenne. Dans l'édition de Germain
-Brice que nous avons citée, il est dit qu'assez proche de l'hôtel
-d'Uzès on a établi depuis fort peu de temps une nouvelle manufacture
-de fer fondu, dont on fait des ouvrages de serrurerie d'une beauté qui
-n'avait point encore paru dans ce genre, sous la conduite de M. de
-Réaumur, de l'Académie des Sciences. Piganiol de la Force,
-_Description historique de Paris_, 1765, t. II, p. 350, dit aussi que
-l'hôtel de Rambouillet prit le nom d'hôtel Montausier, qu'il a porté
-jusqu'à la mort du duc de Montausier, arrivée en 1690, et qu'après il
-fut appelé hôtel d'Uzès, parce que Marie-Julie de Saint-Maur épousa
-Emmanuel de Crussol, duc d'Uzès. Piganiol dit encore, p. 348,
-qu'en sortant du Palais-Royal, et en entrant dans la rue des
-Filles-Saint-Thomas, on voit l'hôtel d'Uzès. Mais Saint-Foix, dans ses
-_Essais historiques sur Paris_, t. I, p. 325, dit, en parlant de la
-rue Saint-Thomas du Louvre: «Vers le milieu de cette rue, cette maison
-bâtie de pierres et de briques, qui appartient aujourd'hui à M.
-Artaud, était, il y a cent ans, l'hôtel de Rambouillet, tant célébré
-par mademoiselle de Scudéry et les autres beaux esprits de ce
-temps-là.»
-
-N'oublions pas de rappeler que l'hôtel de Rambouillet porte le nom
-d'hôtel d'Uzès sur le beau plan de Paris de Buillet, architecte du roi
-et de la ville, en 12 feuilles, augmenté par Jaillot en 1707, et
-pareillement sur un autre plan de Bernard Jaillot, en 4 feuilles,
-dédié à Bignon, prévôt des marchands. Cependant, en 1714, Lacaille,
-dans sa description du plan du quartier du Palais-Royal, ne lui donne
-pas d'autre nom que celui d'hôtel de Rambouillet; ce qui prouve que
-les noms d'hôtel de Montausier, d'hôtel d'Uzès, qui avaient succédé,
-n'avaient pas fait dans l'usage disparaître l'ancien nom. Je
-remarquerai aussi qu'autrefois le côté occidental de la rue
-Saint-Thomas du Louvre s'avançait jusqu'à l'alignement de la rue
-Saint-Honoré, et resserrait, avec le côté oriental de la rue
-Froidmanteau, qui a gardé son prolongement, la place qui est devant le
-Palais-Royal: cela est encore ainsi dans le grand plan de 1739.
-L'hôtel Rambouillet, situé au no 15, où était l'hôtel de Belgique
-lorsque j'écrivis cette note il y a douze ans, occupait donc à peu
-près le milieu de la rue, comme le disent les descriptions, tandis que
-son emplacement actuel se trouve au commencement, parce qu'on a abattu
-les maisons qui de ce côté prolongeaient la rue jusqu'à l'alignement
-transversal de la rue Saint-Honoré. Le plan manuscrit qui fut fait
-pour l'agrandissement de la place du Palais-Royal, en 1719, par le
-régent, et qui contient toute la rue Saint-Thomas du Louvre, existe à
-la Bibliothèque du Roi, portefeuille III des _Détails topographiques
-sur Paris_. On y voit qu'entre le bout de la rue Saint-Thomas du
-Louvre, du côté de la rue Saint-Honoré et de l'hôtel de Montausier, il
-y avait six maisons, et que cet hôtel resserrait plus l'hôtel de
-Longueville de ce côté que du côté de la rue Saint-Nicaise, et faisait
-un angle droit enfoncé avec le terrain de l'hôtel de Longueville, qui
-était sur cette rue. Les plans anciens prouvent que l'hôtel de
-Longueville n'avait pas une aussi longue façade sur la rue
-Saint-Thomas du Louvre, et que dans les agrandissements qu'il a subis
-de ce côté il a englobé une partie de l'hôtel de Rambouillet.
-
-Il existe un plan gravé _de la paroisse royale de Saint-Germain
-l'Auxerrois, fait par les soins du curé de ladite paroisse, en 1698_;
-l'hôtel d'Uzès et l'hôtel de Longueville s'y trouvent dessinés, mais
-leur cour intérieure et leur principale entrée sont tracées de sorte
-que ces deux hôtels semblent séparés par des maisons, quoique
-primitivement ils se touchassent. Il y a un autre plan de la même
-paroisse, plus beau et mieux gravé, intitulé _Plan de la paroisse de
-Saint-Germain l'Auxerrois divisé en neuf quartiers_, fait par
-l'ordre de M. Labrue, curé de ladite paroisse, en octobre 1730,
-levé géométriquement par M. Faure. Dans toute la rue des
-Filles-Saint-Thomas, on ne voit sur ce plan, qui est très-grand, qu'un
-seul hôtel: c'est celui de Longueville. Mais, comme sur le plan de
-Turgot, on voit l'hôtel Crussol, dans la rue Saint-Nicaise et sur le
-Carrousel, attenant à l'hôtel de Longueville, du côté du quai. Comme
-l'hôtel de Montausier est encore entier sur le plan manuscrit de 1719,
-c'est entre cette année et 1739 qu'est l'époque où l'hôtel de
-Rambouillet a disparu, et fut converti en maisons particulières; et
-que les Crussol, ducs d'Uzès, ont été occuper leur nouvel hôtel, rue
-Saint-Nicaise. C'est donc en copiant les anciennes éditions que les
-éditeurs de Germain Brice, en 1752, ont encore placé l'hôtel d'Uzès
-rue Saint-Thomas du Louvre: il n'y était plus. Il y a un plan gravé,
-de Lenoir, des bâtiments construits sur les terrains des
-Quinze-Vingts, qui éclaircit les changements faits dans ce quartier.
-Il existe aussi des vues de l'hôtel de Longueville, gravées par Jean
-Marot, qui nous le montrent tel qu'il était primitivement; mais je
-n'en connais pas de l'hôtel de Rambouillet.
-
- Page 38, ligne 13 et 14: A travers les colonnes dorées de cette
- alcôve.
-
-Je ne trouve le mot _alcôve_ dans aucun de nos dictionnaires
-antérieurs à celui de Richelet, en 1680. Il n'est point dans le
-_Thresor de la Langue Françoise_, par Jean Nicot (sic), 1606,
-in-folio, ni dans le _Grand Dictionnaire François-Latin, recueilli de
-plusieurs hommes doctes, entre autres de M. Nicod_ (sic), 1625, in-4º;
-il n'est point dans le _Dictionnaire François et Anglois de Cotgrave_,
-en 1632. La Fontaine, dans son roman de _Psyché_, en 1669, fait
-mention des alcôves comme d'une nouveauté, et pour le mot et pour la
-chose. (Voyez _OEuvres de La Fontaine_, édition 1827, in-8º, t. V, p.
-57.) Furetière avait employé le mot _alcôve_ avant La Fontaine, dans
-son _Roman comique_, qui parut en 1666. Dans la nouvelle de _l'Amour
-égaré_ on lit: «Elle avait certains jours destinés à recevoir le monde
-dans son alcôve.» (_Roman comique_, édit. 1724, Amsterdam, in-12, p.
-208.) _Le Lutrin_, qui fut publié en 1674, contient, comme tout le
-monde sait, un vers où se trouve le mot _alcôve_, ch. I, vers 57. Ce
-sont là, selon ce que j'ai pu découvrir, les premiers auteurs où ce
-mot se voit employé; mais une preuve qu'il était nouveau, c'est qu'on
-ne savait de quel genre il devait être. Scarron, madame de Villedieu,
-un puriste nommé Milon, souvent cité comme autorité par les auteurs de
-ce temps, tenaient pour le masculin; d'Ablancourt, Boileau, Ménage, le
-voulaient féminin. Richelet en 1680, et l'Académie en 1694, dans leurs
-dictionnaires, ne se décidèrent pour aucun de ces deux genres, et
-laissèrent la chose indécise (voyez Alamand, _Nouvelles Observations_,
-ou _guerre civile des François sur la Langue_, 1688, in-12, p. 89 ).
-L'usage a fait prévaloir le féminin. Félibien des Avaux, dans le livre
-intitulé _Plans et description des deux plus belles maisons de Pline
-le consul_, ne traduit jamais le _cubiculum dormitorium_, ou le
-_zoteca_, par alcôve, quoique ce fût le mot propre. M. Mazois, au
-contraire, n'a pas hésité à rendre ces mots par celui d'alcôve; il a
-raison. (Voyez _Palais de Scaurus_, deuxième édition, 1622, in-8º, p.
-96.) Le mot français _alcôve_ vient de l'espagnol _alcoba_, qui
-signifie une chambre à coucher; et le mot espagnol vient du mot arabe
-_al-cobba_, qui signifie un dôme, une voûte.
-
-Ces alcôves étaient très-vastes, et formaient une petite chambre
-renfermée dans une plus grande. Le lit était placé au milieu, sur une
-estrade, souvent entouré d'un balustre, et laissant de chaque côté une
-vaste ruelle. Aussi la conclusion de la requête de Ribercour, dans le
-_Procès des Précieuses_, de Somaize, est que, pour leur châtiment,
-
- Le lit desdites femelles
- Soit les deux côtés sans ruelles,
- Et qu'il soit mesmement placé
- Sans être du tout exaucé.
-
-Cette conclusion hostile y est répétée trois fois.
-
-On lit dans le _Jeu poétique_, à M. des Yvetaux, du père Le Moine:
-
- On n'y voit point le sang des races dévorées,
- En estrades d'ivoire, en alcôves dorées.
-
-(_Recueil des plus belles Pièces des Poëtes françois_, 1692, in-12, t.
-III, p. 337.)
-
-Cet exhaussement des lits était fort ancien; et Sauval, t. II, p. 280,
-remarquant que dès le règne de Charles V les lits étaient placés sur
-une estrade, ajoute: «Par là il se voit que sous Charles V les
-alcôves, dont les dames «de notre siècle s'attribuent l'invention,
-étaient en usage.» Non; car l'estrade seule ne constitue pas l'alcôve.
-Ainsi ce passage de Sauval, au lieu de contredire l'assertion de
-Tallemant, la confirme, puisqu'il nous apprend que l'usage des alcôves
-était récent, et qu'on en attribuait l'invention aux femmes. Scarron,
-dans ses œuvres, parle plusieurs fois des alcôves: «Il y avait des
-meubles, des alcôves, des estrades, et une provision de bonne
-senteur.» (_Le Chastiment de l'Avarice_, dans les _Dernières OEuvres_
-de Scarron; 1700, in-12, p. 112.)
-
- Les tapis chinois sont foulés
- Dans leurs alcôves bien meublés.
-
-(Scarron, _la Baronéide_, dans les _Dernières OEuvres_, 1700, in-12,
-p. 175.)
-
-L'usage des femmes de réunir le matin la société dans leurs alcôves
-fit que le mot _ruelle_ s'employa pour celui de _réduit_, puis pour
-ceux d'_assemblée_, de _cercle_, d'_académie_. Cependant ces mots
-n'étaient pas tout à fait synonymes.
-
-Boileau a dit:
-
- Ne vous enivrez pas des éloges flatteurs
- Qu'un amas quelquefois de vains admirateurs
- Vous donne en ces _réduits_, prompts à crier merveille.
-
-Et ailleurs:
-
- Que de son nom, chanté par la bouche des belles,
- Benserade en tous lieux amuse les _ruelles_.
-
-Furetière, dans son _Roman bourgeois_, nous fournit les passages
-suivants, qui prouvent ce que nous avançons: «La qualité la plus
-nécessaire à un poëte pour se mettre en réputation, c'est de hanter la
-cour ou d'y avoir été nourri; car un poëte bourgeois, ou vivant
-bourgeoisement, y est peu considéré. Je voudrais qu'il eût accès dans
-toutes les _ruelles_, _réduits_ et _académies illustres_.» (T. I, p.
-162.) Tout ce passage est contre Benserade; et en général ce roman de
-Furetière est plein d'allusions à des personnages du temps, mais qui
-ne sont pas comprises, faute d'un commentaire, dont cet ouvrage ne
-serait pas indigne. Voici encore les autres passages qui prouvent que
-Furetière faisait une distinction entre les mots _réduits_ et
-_ruelles_, liv. I; p. 147: «On permit aussi à Javotte de voir le beau
-monde, de faire des visites dans les beaux _réduits_, et de se mêler
-en des compagnies d'_illustres_ et de _précieuses_.» Page 166:
-«J'avoue bien, Pancrace, que ceux qui sont déjà en réputation, et dont
-les ouvrages ont été loués dans les _ruelles_ et par la cabale, l'ont
-pu conserver dans leurs recueils.» Page 171: «Car, comme dans les
-académies de jeu on pipe souvent avec de faux dés et de fausses
-cartes; de même, dans les _réduits académiques_, on pipe souvent
-l'impromptu.» Et, page 150: «Il s'amassait tous les jours bonne
-compagnie chez Angélique. Quelques fois on y traitait des questions
-curieuses; d'autres fois on y tenait des conversations galantes, et on
-tâchait d'imiter tout ce qui se pratique dans les _belles ruelles_ par
-les précieuses du premier ordre.» Ainsi, le mot _réduit_ s'employait
-de préférence pour les assemblées qui se tenaient dans d'autres
-chambres que celles où étaient des alcôves, et chez des hommes;
-quoique cependant Somaize mette parmi ceux qui tenaient _ruelles_
-Ménage et l'abbé Testu.
-
-Somaize désigne comme les principaux introducteurs des ruelles de son
-temps l'abbé Bellebat et l'abbé du Buisson (voyez page 311). Dans la
-comédie intitulée _les Véritables Précieuses_, on lit ce dialogue,
-page 32:
-
- LE BARON.
-
-Avez-vous grande foule d'alcovistes chez vous? Qui préside? Qui est de
-quartier?
-
- ISABELLE.
-
-Nous en avons plusieurs de la vieille roche.
-
-Dans le _Grand Dictionnaire des Précieuses, ou la clef des ruelles_,
-1660 (ouvrage de Somaize différent de celui qui est intitulé aussi
-_Grand Dictionnaire des Précieuses, historique, critique_, 1661, 2
-vol. in-12), p. 79, on lit que ces mots, _qui préside? qui est de
-quartier chez vous?_ sont synonymes de _Qui est-ce qui vient souvent
-vous voir?_
-
-Cet usage de recevoir dans les alcôves en produisit un autre, qui
-subsista longtemps: ce fut celui qu'avaient les jeunes mariées de
-recevoir, assises sur leur lit, en grande parure, les visites qui leur
-étaient faites le lendemain de leurs noces.
-
-Saint-Simon (_Mémoires complets et authentiques_, t. I, p. 277),
-parlant de son mariage, dit:
-
-«Nous couchâmes dans le grand appartement de l'hôtel de Lorges. Le
-lendemain, M. d'Anneuil, qui logeait vis-à-vis, nous donna un grand
-dîner, après lequel la mariée reçut sur son lit toute la France à
-l'hôtel de Lorges, où les devoirs de la vie civile et la curiosité
-attirèrent la foule....» «Le lendemain elle reçut toute la cour sur
-son lit, dans l'appartement de la duchesse d'Arpajon, comme plus
-commode, parce qu'il était de plain pied.» (Page 278.)
-
-En parlant de sa belle-sœur, Saint-Simon dit: «Mademoiselle de
-Quentin ne tarda pas à avoir son tour. M. de Lausun la vit sur le lit
-de sa sœur, avec plusieurs autres filles à marier.» Quand de Lausun
-est marié avec mademoiselle de Quentin, il dit, en parlant du duc de
-Lausun: «Le lendemain, il fit trophée de ses prouesses. Sa femme vit
-le monde sur son lit.» (Page 280.) Puis, pour le jour d'après, il
-ajoute: «Elle vit toute la cour sur son lit, et tout s'y passa comme à
-mon mariage.»
-
-Le même Saint-Simon (t. II, p. 125 et 126), en parlant du mariage de
-mademoiselle d'Aubigné, nièce de madame de Maintenon, avec le comte
-d'Ayen, dit: «La déclaration s'en fit le mardi 11 mars. Le lendemain
-madame de Maintenon se mit sur son lit, au sortir de table, et les
-portes furent ouvertes aux compliments de toute la cour.» Ceci se
-passait avant la messe de mariage; après cette messe, Saint-Simon
-ajoute encore: «L'après-dînée, madame de Maintenon, sur son lit, et la
-comtesse d'Ayen sur un autre, dans une autre pièce joignante, reçurent
-encore toute la cour.»
-
-C'est sur cet usage que La Bruyère s'exprime en ces termes:
-
-«Le bel et judicieux usage que celui qui, préférant une sorte
-d'effronterie aux bienséances et à la pudeur, expose une femme d'une
-seule nuit, sur un lit, comme sur un théâtre, pour y faire pendant
-quelques jours un ridicule personnage, et la livre en cet état à la
-curiosité de l'un ou de l'autre sexe, qui, connus ou inconnus,
-accourent de toute une ville à ce spectacle pendant qu'il dure! Que
-manque-t-il à une telle coutume pour être entièrement bizarre et
-incompréhensible, que d'être lue dans quelque relation de la
-Mingrélie?»
-
- (La Bruyère, _Caractères_, ch. VII, _De la Ville_.)
-
-Cet usage continua dans le dix-huitième siècle. Au sujet du mariage du
-duc de Berri, en 1710, on lit dans Saint-Simon:
-
-«Au sortir de table, le roi alla dans l'aile neuve, à l'appartement
-des mariés. Toute la cour, hommes et femmes, l'attendait, en haie dans
-la galerie, et l'y suivit avec tout ce qui avait été du souper. Le
-cardinal Janson fit la bénédiction du lit. Le coucher ne fut pas
-long. Le roi donna la chemise à M. le duc de Berri.»
-
-Le même Saint-Simon, en racontant le mariage du fils de Tallard avec
-une fille du prince de Rohan, qui eut lieu chez la duchesse de
-Ventadour, en 1713, dit, t. X, p. 455: «Le lendemain la mariée reçut
-sur le lit la duchesse de Ventadour, les visites de toute la cour, et
-celles que les duchesses ont accoutumé de recevoir des personnes
-royales.» Voy. la note, p. 697, de notre édition de La Bruyère.
-
- Page 38, ligne 4: N'y laissait pénétrer qu'un demi-jour azuré.
-
-Dans la pièce de Somaize, Roguespine, un des personnages, dit (_Procès
-des Précieuses_, p. 47):
-
- Je considérais fort la chambre
- Dans laquelle à loisir je vis
- Des précieuses de Paris
- Une longue et nombreuse bande.
- . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Cette chambre était assez sombre;
- Le grand jour n'y pouvait entrer,
- A cause qu'elles font tirer,
- Pour l'empêcher de trop paraître,
- Des rideaux devant la fenêtre;
- Sachant que la grande clarté
- Efface un peu la beauté.
- J'y remarque de plus ensuite,
- Quoique la chambre fût petite,
- Un paravent qui s'étendait
- Jusque près de la cheminée.
-
- Page 39, ligne 5: C'était mademoiselle Paulet.
-
-Mademoiselle Paulet était la fille d'un Languedocien, Charles Paulet,
-secrétaire du roi, qui inventa le fameux impôt de _la paulette_. Si
-l'on en croit Tallemant des Réaux, mademoiselle Paulet fut galante
-dans sa jeunesse; mais l'amitié de madame de Clermont d'Entragues,
-femme d'une grande vertu, la remit en crédit. «Madame de Rambouillet,
-dit-il, la reçut pour son amie; et la grande vertu de cette dame
-purifia pour ainsi dire mademoiselle Paulet qui depuis fut chérie et
-estimée de tout le monde.» (Tallemant, _Historiettes_, p. 200.)
-Mademoiselle Paulet avait une très-belle voix. Lorsqu'elle vint pour
-la première fois à Rambouillet, madame de Rambouillet la fit recevoir
-à l'entrée du bourg par les plus jolies filles du lieu, couronnées de
-fleurs; une d'entre elles lui présenta les clefs du château, et on
-tira deux petites pièces d'artillerie. Mademoiselle Paulet mourut en
-1651, chez madame de Clermont en Gascogne.
-
- Page 40, ligne 2: Madame Duplessis.
-
-La maison de madame Duplessis-Guénégaud était le rendez-vous de ce
-qu'il y avait de plus distingué à la cour et à la ville. Ce fut elle
-qui depuis contribua à former la société de Fouquet, et qui lui
-indiqua les gens de lettres et les hommes de mérite qu'il devait
-protéger.
-
- Page 40, ligne 9: de la fameuse guirlande.
-
-Dans le _Hueliana_, page 105, le don de cette guirlande est rapporté à
-l'année 1633 ou 1634, au lieu de 1640, qui est sa véritable date. Ce
-beau manuscrit a été vendu 14,510 fr. à la vente de La Vallière.
-
- Page 40, ligne 15: Moitié assis, moitié couchés sur leurs manteaux.
-
-Roguespine, dans la pièce de Somaize, continuant sa description, dit:
-
- Pour ne pas perdre le moment
- Que j'avais de lorgner ces belles
- Dedans l'une de leurs ruelles.
- Seize environ elles étaient;
- De plus, toutes elles avaient,
- Au moins il ne s'en fallait guère,
- Assis sur leurs manteaux par terre,
- Paraissant fort humiliés,
- Un homme chacune à leurs pieds;
- Sans ceux qui, très-fort à leur aise,
- Étaient assis dans une chaise,
- Et faisaient peu les courtisans.
-
-Dans _la Comtesse d'Escarbagnas_, un homme ridicule qui cherche à
-singer les airs du grand monde s'assoit au pied de la comtesse pour
-écouter la comédie.--Dans le récit d'un bal de province, le comte de
-Bussy, en parlant du comte de Souvré, dit: «Il était au premier rang
-de ceux qui étaient assis sur leurs manteaux.»
-
- Page 40, ligne 20.
-
-Somaize parle dans son Dictionnaire de madame du Vigean, sous le nom
-de Valérie, page 36 de la clef; et t. II, page 195 du Dictionnaire, il
-lui donne le nom de mademoiselle.--Voiture et l'annotateur des
-chansons manuscrites lui donnent le titre de madame, et ce dernier
-nous apprend qu'elle était sœur de la duchesse de Richelieu.
-
- Page 41, ligne 8: Toutes les dames tenaient une petite badine.
- Roguespine dans Somaize, continuant sa narration, dit:
-
- La plupart encore d'entre elles,
- Soit des laides, ou soit des belles,
- Tenaient avec un air badin
- Chacune une canne à la main,
- La faisant brandiller sans cesse.
-
- Page 41, lignes 13: Les blancs et gros panaches de leurs petits
- chapeaux.
-
-Roguespine dit encore:
-
- Ils avaient, selon leurs coutumes,
- Des chapeaux tout chargés de plumes.
-
-L'auteur du _Récit de la Farce des Précieuses_; Anvers (1660, p. 19),
-dans le récit du costume de Mascarille, fait mention de son chapeau,
-si petit «qu'il était aisé de juger que le marquis le portait bien
-plus souvent dans la main que sur la tête.» Ce récit est de
-mademoiselle Desjardin; il a été composé après la première
-représentation des _Précieuses_, et avant que la pièce ne fût
-imprimée. Il est en forme de lettre adressée à une dame dont le nom,
-omis comme celui de l'auteur, était madame de Morangis. J'ai puisé ces
-détails dans les manuscrits de Conrart qui sont à la bibliothèque de
-l'Arsenal, no 902; on y trouve une copie du _Récit_, t. IX, p. 1017.
-
- Page 41, ligne 20: Chapelain.
-
-Le cardinal de Retz dit que Chapelain avait de l'esprit; et Retz
-était bon juge en cette matière. (Voyez _Collection des Mémoires_ de
-Petitot, t. XLIV, p. 158.)
-
- Page 41, ligne 22: L'abbé Bossuet, le petit abbé Godeau.
-
-L'abbé Godeau était parent de Conrart, et ce fut lui qui le produisit
-à l'hôtel de Rambouillet.--Bossuet, né en 1627, n'avait que dix-sept
-ans en 1644; mais on sait qu'il fut très-précoce, et l'on connaît le
-mot de Voiture sur un sermon récité par lui à l'âge de seize ans à
-l'hôtel de Rambouillet.
-
- Page 42, ligne 18: Voiture demeure dans cette rue.
-
-Voiture mourut rue Saint-Thomas du Louvre, le 27 mai 1648.
-
- Page 44, ligne 18: Afin de ne pas froisser ses canons.
-
-A l'époque du mariage de madame de Sévigné, on portait de grands
-canons; on les portait moins longs lorsque Molière s'en moquait dans
-_les Précieuses ridicules_, en 1659; puis huit ans après, lorsque _le
-Misanthrope_ fut représenté en 1667, les grands canons redevinrent à
-la mode.
-
-Molière a dit dans _l'École des Maris_, acte I, scène 1:
-
- Et de ces grands canons où, comme en des entraves,
- On met tous les matins ses deux jambes esclaves,
- Et par qui nous voyons ces messieurs les galants
- Marcher écarquillés ainsi que des volants.
-
-La pièce de Molière fut donnée en 1661. L'auteur des _Lois de la
-Galanterie_, que l'on trouve dans le _Recueil des pièces choisies en
-prose_, publié en 1658, s'exprime exactement de la même manière: «Si
-quelques-uns disaient encore autrefois qu'ils se formalisaient de ce
-rond de botte fait comme le chapiteau d'une torche, dont l'on avait
-tant de peine à conserver la circonférence, qu'il fallait marcher en
-écarquillant les jambes, comme si l'on eût quelque mal caché; et si
-depuis, ayant quitté l'usage des bottes, et porté de simples canons de
-la grandeur d'un vertugadin, on en a fait de pareilles plaintes,
-c'était ne pas considérer que ces gens qui observent ces modes vont à
-pied le moins qu'ils peuvent. D'ailleurs, quoiqu'il n'y ait guère que
-cela ait été critiqué, la mode est déjà changée. Les genouillières
-rondes et étalées n'ont été que pour les grosses bottes, les bottes
-mignonnes ayant été ravalées depuis jusqu'aux éperons, et n'ayant eu
-qu'un bec rehaussé devant et derrière. Quant aux canons de linge qu'on
-étalait au-dessus, nous les approuvions bien dans leur simplicité,
-quand ils étaient fort larges et de toile de batiste bien empesée,
-quoique l'on ait dit que cela ressemblait à une lanterne de papier, et
-qu'une lingère du Palais s'en servit un soir, mettant sa chandelle au
-milieu, pour la garder contre le vent. Afin de les orner davantage,
-nous voulions dès lors que d'ordinaire il y eût double et triple rang
-de toile, soit de batiste, soit de Hollande; et d'ailleurs cela était
-encore mieux s'il s'y pouvait avoir deux ou trois rangs de point de
-Gênes. Ce qui accompagnait le jabot devait être de même parure (p. 66
-et 67).... Depuis que, l'usage des bottes étant aboli, si ce n'est
-pour aller à la guerre ou se promener aux champs, les grands canons
-ont été en crédit, soit de toile simple, ou ornés de belles dentelles;
-à quoi il fallut que les vrais galants se soient accoutumés, parce que
-c'était un équipage magnifique, et que d'ailleurs cela servait
-grandement à cacher la défectuosité de quelques jambes cagneuses ou
-trop menues. Mais s'il arrive que maintenant la mode de ces canons se
-passe, il faut que chacun porte des bas de soie..... L'on a aussi
-porté des canons d'étoffe au lieu de ceux de toile.....»
-
-Scarron, continuant le portrait dont nous avons cité le commencement,
-dit:
-
- Il avait deux canons, ou plutôt deux rotondes,
- Dont le tour surpassait celui des tables rondes;
- Il chantait en entrant je ne sais quel vieux air,
- S'appuyait d'une canne, et marchait du bel air.
- Après avoir fourni sa vaste révérence,
- Se balançant le corps avecque violence,
- Il me dit..... etc.
-
-Dans la description que fait Loret de son noble de province, il dit,
-livre VII, p. 87, _lettre 22_, du 3 juin:
-
- Il portait en son haut de chausse
- Des galons jusqu'à seize cent.
- . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Ce _nobilis_ voyait avec ravissement
- Ses rubans de couleur exquise,
- Et ses canons d'étoffe grise,
- Qui de rondeur, chacun à part,
- Avaient deux aunes et mi-quart.
- . . . . . . . . . . . . . . . . .
- De petits enfants à jaquette
- Qui jouaient à cligne-musette:
- Deux d'entre eux s'allèrent cacher
- (Pour se faire longtemps chercher)
- Sous les canons du gentil-homme.
- . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Ils étaient spacieux assez
- Qu'on ne leur voyait pieds ni tête, etc.
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Ma muse et moi nous maintenons
- Que ces démesurés canons
- Sont une extravagante mode,
- Laide, embarrassante, incommode:
- Cependant messieurs les coquets
- Disent qu'outre leurs doux caquets,
- Cet attirail est nécessaire
- Pour ravir, pour charmer, pour plaire;
- Que l'honneur, l'esprit, la vertu,
- Sont estimés moins qu'un fétu
- Dans l'empire des amourettes;
- Et que pour dompter des coquettes,
- Des Suzons, Fanchons et Nanons,
- On ne le peut pas sans canons.
-
- Page 48, ligne 6: LA SÉPARATION.
-
-Ce rondeau ne se trouve pas dans la première édition de Voiture, 1650,
-in-4º. C'est dans cette première édition qu'est le seul bon portrait
-de Voiture; il est gravé par Nanteuil, d'après Philippe de Champagne.
-Il y a eu une seconde édition de la même année, in-4º, corrigée et
-augmentée. Celle que je cite, in-12, est la meilleure, et le rondeau
-s'y trouve.
-
- Page 49, ligne 12: Parce qu'il est votre grand madrigalier.
-
-Conrart avait surnommé La Sablière le grand madrigalier français. Voy.
-Ancillon, _Vie des Personnages célèbres_.
-
- Page 50, ligne 1: De toutes les façons, etc.
-
-Dans les éditions de Montreuil, cette pièce y est intitulée _Pour
-madame de Sévigny jouant à colin-maillard_ (on écrivait alors Sevigny
-au lieu de Sévigné; Scarron et Bussy-Rabutin n'écrivent pas
-autrement). Dans le recueil de Sercy, où cette pièce avait paru
-d'abord, le nom de madame de Sévigné ne se trouve pas. Les œuvres de
-Montreuil contiennent en outre deux lettres adressées par lui à madame
-de Sévigné, pag. 5, 107 de l'édit. 1666, et 4 et 72 de l'édit. de
-1671. Il faut que les éditeurs de madame de Sévigné n'aient point
-connu ces lettres, puisqu'ils ne les ont pas, selon leur plan,
-réimprimées avec les siennes. La seconde édition du recueil de
-Montreuil ne paraît être qu'une réimpression de la première: elle est
-seulement moins belle. La meilleure pièce de Montreuil n'est point
-dans ce recueil: c'est son épître à Martin Pinchesne, qu'il a imprimée
-dans les œuvres de ce dernier après la mort de l'auteur. On a souvent
-confondu Mathieu Montreuil avec Jean Montreuil, son frère aîné, qui
-fut un des plus jolis hommes de France. (Retz, _Mém._, t. XLV, p. 181
-et 191.) Ce dernier fut très-utile à la cause des princes, par son
-esprit et son adresse; il fut reçu de l'Académie Française, et mourut
-à trente-sept ans. Petitot, ou l'ancien éditeur des Mémoires de Joly,
-_Collection des Mémoires_, t. XLVII, p. 107, confond, dans une de ses
-notes, Mathieu avec Jean. (Voy. Pellisson, _Hist. de l'Académie
-Française_, 1729, in-4º, p. 261 à 265). Il paraîtrait, d'après un
-passage des _Mém. de Conrart_, t. XLVIII, p. 57, que Montreuil
-l'académicien a été secrétaire des commandements de MADAME, femme de
-Gaston.
-
- Page 51, lignes 9 et 10: Faisons encore jouer madame de Sévigné
- à colin-maillard.
-
-Le jeu de colin-maillard, qui nous paraît si enfantin, était alors
-fort à la mode parmi les gens du grand monde. Le comte de Gramont,
-dans ses Mémoires, parle du goût de mademoiselle Stewart pour ce jeu.
-La mode le maintint longtemps en vogue. Loret, dans sa _Muse
-historique_, liv. III, p. 7, lettre 2, du 14 janvier 1652, en parlant
-des divertissements qui se donnent chez MADEMOISELLE, dit:
-
- Enfin, en ce palais d'honneur
- On a ce merveilleux bonheur
- De s'y réjouir d'importance;
- Et, mieux que pas un lieu en France,
- Comédie, bal, en tout temps,
- Y rendent les esprits contents.
- Au chagrin on y fait la moue,
- Et tous les soirs presque on y joue
- A ce jeu plaisant et gaillard
- Qu'on appelle colin-maillard.
-
-Louis XIV aimait ce divertissement dans sa jeunesse. Un jour qu'il y
-jouait chez madame de Puisieux, il mit son cordon bleu autour de
-Puisieux pour mieux se déguiser; et cela plus tard fit nommer Puisieux
-chevalier des ordres. Saint-Simon, t. IV, p. 288 (chapitre 24).
-
- Page 52, ligne 16: Des fauteuils, des chaises et des placets.
-
-J'ai fait mention des placets, ci-dessus, page 41, ligne 17.
-
-Boileau a dit dans sa satire:
-
- Saint-Amand n'eut du ciel que sa veine en partage:
- Un lit et deux _placets_ composaient tout son bien.
-
-Dans le Lutrin:
-
- En achevant ces mots, cette amante enflammée
- Sur un _placet_ voisin tombe demi-pâmée.
-
-Brienne dit, p. 203: «Cependant la reine me fit donner un _placet_.»
-Et p. 218: «Mon père....., comme il ne pouvait se tenir debout,
-s'asseyait sur un _placet_ qui était au bout de la table.»
-
- Page 53, lignes 9 et 10: _Théodore vierge et martyre_,
- tragédie chrétienne.
-
-C'est de cette tragédie que Voltaire a dit qu'il n'y avait rien de si
-mauvais. Il a épuisé à son égard les expressions les plus dures que le
-mépris et le dégoût peuvent inspirer. Sa critique est outrée, et on
-aurait d'après elle une fausse idée de la pièce. On la lit sans ennui;
-Corneille s'y retrouve assez souvent. Elle eut du succès en province,
-mais n'en eut aucun à Paris. Elle a été bien appréciée par François de
-Neufchâteau.
-
- Page 55, ligne 8: Tout le monde dirigea ses regards sur
- l'ecclésiastique adolescent.
-
-Bossuet fut introduit à l'hôtel de Rambouillet par le marquis de
-Feuquières, et y prêcha un sermon à l'âge de seize ans. Il vint à
-Paris en 1642, et ce ne fut que postérieurement qu'il alla résider à
-Metz, pour y achever ses études ecclésiastiques.
-
-
-CHAPITRE VI.
-
- Page 59, ligne 6: Un _honnête homme_.
-
-Voici comment s'exprime l'auteur des _Lois de la Galanterie_ à
-l'endroit cité: «Il faut que chacun sache que le parfait courtisan que
-le comte Balthazar de Chastillon a voulu décrire en langage italien,
-et l'honnête homme que le sieur Faret a entrepris de dépeindre en
-français, ne sont autre chose qu'un vrai galant.» Le mot _gentleman_
-en anglais correspond à plusieurs de ces significations vagues, et à
-nuances diverses, du mot honnête homme dans le siècle de Louis XIV.
-
- Page 60, ligne dernière: Boileau l'a cependant employée depuis.
-
-Boileau a dit dans une de ses épîtres, longtemps après madame de La
-Fayette:
-
- Les yeux, d'un tel discours faiblement éblouis,
- Bientôt dans ce tableau reconnaîtraient Louis.
-
-Le poëte Lebrun a fait sur ces vers la remarque suivante: «Des yeux
-éblouis d'un discours, c'est-il bien français? On n'est point ébloui
-de ce qu'on ne voit pas. M. Auger s'étonne avec raison d'une telle
-critique de la part d'un poëte, et répond que chaque jour on emprunte
-des mots à un ordre de sensations, pour les appliquer à un autre. Mais
-l'expression de madame de La Fayette, quoique en apparence semblable,
-est tout autre et bien plus hardie que celle de Boileau; car c'est
-réellement, et non pas au figuré, qu'elle affirme que madame de
-Sévigné, par sa conversation, éblouissait les yeux.
-
- Page 63, ligne 19.
-
- Ma plume, pour rimer, rencontrera Ménage.
-
-Presque tous les commentateurs de Boileau ont commis une erreur,
-lorsqu'ils ont dit que ce vers et celui qui le précède n'avaient
-existé qu'en manuscrit. Cette satire adressée à Molière parut pour la
-première fois dans le _Recueil de Vers choisis_, imprimé en 1665, sans
-nom de ville ni d'imprimeur, avec une sphère sur le titre. Les vers
-sur Ménage s'y trouvent tels que nous les avons rapportés.
-
- Page 63, ligne 23: Substitua l'abbé de Pure.
-
- Si je veux d'un galant dépeindre la figure,
- Ma plume, pour rimer, rencontrera de Pure.
-
-Voyez _Nouveau Recueil_, etc., 1665, in-12, p. 24.
-
- Page 68, ligne 3: L'interprétation que nous leur avons donnée.
-
-M. Monmerqué (t. I, p. 39) fixe la date de la lettre que j'ai citée à
-l'année 1655: je la crois postérieure. Cette lettre se rattache à
-celle du no 29, p. 55, et à celle qui a été publiée dans les _Mémoires
-de Coulanges_, p. 323; ce qui doit faire croire qu'il y est question
-de Servien, et non de Fouquet. De même, la lettre du 12 janvier, t. I,
-p. 16, que nous avons citée en second, classée par M. Monmerqué sous
-l'année 1654, nous paraît devoir être placée sous l'année 1652,
-lorsque madame de Sévigné revint de Bretagne après son veuvage,
-Conférez Loret, _Muse historique_, t. I, p. 157, en date du 19
-novembre 1651.
-
- Page 70, note 2: BUSSY, _Histoire amoureuse des Gaules_.
-
-L'édition que j'ai citée dans cette note et dans plusieurs autres me
-paraît être l'édition originale du fameux ouvrage de Bussy. Elle est
-in-18, sans date, sans nom de libraire ni d'imprimeur, et ayant
-seulement une croix de Saint-André sur le frontispice. L'ouvrage
-commence au haut de la page, sans que le titre soit répété. La
-pagination se suit jusqu'à la page 190, puis elle recommence à
-l'histoire d'Ardelise jusqu'à la page 69, et ensuite il y a une clef.
-Le caractère est beau et semblable à celui des Elzevirs. Il y a du
-même ouvrage une autre édition pareillement indiquée comme étant
-imprimée à Liége, sans date ni nom d'imprimeur, mais avec un grand
-fleuron triangulaire sur le frontispice: ce volume, moins bien imprimé
-que le précédent, a 208 pages, sans la clef; la pagination se suit, et
-l'historiette de Ménage est à la page 189. Barbier a commis une faute
-grave, dans son Dictionnaire des Anonymes, en confondant, t. I, p. 46,
-l'_Histoire amoureuse des Gaules_ de Bussy avec le recueil intitulé:
-_les Amours des Dames de notre siècle_, recueil de libelles composés
-par différentes mains, la plupart de Sandraz de Courtils. A la vérité,
-dans l'édition de 1754, en 4 volumes, on a compris toutes ces petites
-chroniques scandaleuses sous le titre général d'_Amours des Gaules_,
-et on a attribué le tout à Bussy; mais il n'y a de lui dans ces 4
-volumes que le 1er; et cette édition de ses _Amours des Gaules_,
-quoique la plus connue, n'est pas bonne. Nous reviendrons sur ce
-recueil au sujet d'une autre édition, où les vrais noms sont mieux
-indiqués que dans l'édition de 1754, et que nous avons découverte
-depuis. Nous prouverons aussi que les _Amours des Gaules_ de Bussy ont
-été composées en 1659 et 1660, mais n'ont été imprimées qu'en 1662.
-Les diverses pièces renfermées dans le recueil intitulé _les Amours
-des Dames de notre siècle_ sont toutes postérieures à cette époque.
-(Voyez la IIIe partie de ces _Mémoires_, p. 445.)
-
- Page 75, ligne 10: Telle était Montreuil.
-
- On ne voit point mes vers, à l'envi de Montreuil,
- Grossir impunément les feuillets d'un recueil.
-
- BOILEAU, _satire_ VII.
-
-M. de Saint-Surin, dans son commentaire, a dit à tort que le Montreuil
-dont parle Boileau fut de l'Académie Française. Il le confond avec son
-frère, qui en fut, et mourut en 1650 sans avoir rien publié.
-Pellisson, dans son _Histoire de l'Académie Française_, et Saint-Marc,
-probablement d'après Pellisson, prétendent que le véritable nom est
-Montreul. Cela se peut; mais dans les deux éditions que Mathieu
-Montreuil a publiées lui-même de ses ouvrages, l'i s'y trouve; il y a
-Montreüil, et jamais Montreul. Voyez _OEuvres de Montreuil_, édit.
-1666, p. 5, et édit. 1671, p. 4.
-
- Page 75, ligne dernière: Ce chansonnier de la Fronde, gros, court.
-
-Le poëte Saint-Amand, dans son poëme sur la Vigne, s'exprime ainsi sur
-Marigny, dont il était l'ami:
-
- Marigny, rond en toute sorte,
- Qui parmi les brocs te transporte,
- Et dont l'humeur, que je chéris,
- M'a pu faire quitter Paris.
-
-La petite seigneurie de Marigny était située près de Nevers.
-
- Page 76, ligne 11: Saint-Pavin, le petit bossu.
-
-Le nom de Saint-Pavin était Denis Sanguin de Saint-Pavin. Titon du
-Tillet (_Parnasse Français_, 1722, in-folio, p. 298) nous apprend que
-de son temps la maison de Saint-Pavin appartenait au duc de Lorges. Je
-ne sais où M. Durozoir (_Biographie universelle_, t. XL, p. 36) a
-trouvé que Saint-Pavin le poëte avait été pourvu de l'abbaye de Livry,
-et qu'il avait précédé l'abbé de Coulanges à cette abbaye. Je crois
-qu'il a confondu avec le poëte Saint-Pavin Denis Sanguin de
-Saint-Pavin, évêque de Senlis, qui en effet fut pourvu de l'abbaye de
-Livry après, et non avant, l'abbé de Coulanges. L'abbé Le Bœuf dit
-avoir vu dans l'église Notre-Dame de Livry la tombe d'un M. Sanguin,
-seigneur de Livry, mort en 1650. C'était peut-être celle de Christophe
-Sanguin, seigneur de Livry. (Voyez _Histoire du Diocèse de Paris_, t.
-VI, p. 197.) M. Gault de Saint-Germain, dans une note sur les Lettres
-de madame de Sévigné, t. III, p. 275, a dit que Saint-Pavin était abbé
-de Livry; et c'est probablement dans cet auteur, si rempli
-d'inexactitudes, que M. Durozoir aura puisé ce fait.
-
- Page 77, ligne 11: Amenant avec lui ses compagnons de plaisir.
-
-Parmi les joyeux convives qui fréquentaient le plus la maison de
-Saint-Pavin et venaient avec lui chez l'abbé de Coulanges, madame de
-Sévigné nomme Saint-Germain.
-
- Page 79, ligne 7: Sont faits égaux comme de cire.
-
-Vers de Marot dans l'épigramme qui commence ainsi:
-
- Monsieur l'abbé et monsieur son valet
- Sont faits égaux tous deux comme de cire.
-
-Page 79, avant-dernière ligne: Les éloges que dans la suite Boileau.
-
- Que Segrais, dans l'églogue, en charme les forêts.
-
-
-CHAPITRE VII
-
- Page 85, ligne 4, note 1.
-
-«Les quatre grands diseurs de bons mots de notre temps, dit Ménage,
-étaient Angevins: M. le prince de Guémenée, M. de Beautru, M. le comte
-de Lude, et M. le marquis de Jarzé.»
-
- Page 88, ligne 14: Une ode de Racan adressée au père de Bussy.
-
-Nous citerons ici une belle strophe de cette ode de Racan, dont Bussy,
-puisqu'il l'admirait tant, aurait dû profiter.
-
- Que sert aux courtisans ce pompeux appareil,
- Dont ils vont dans la lice éblouir le soleil,
- Des trésors de Pactole?
- La gloire qui les suit après tant de travaux
- Se passe en moins de temps que la poudre qui vole
- Du pied de leurs chevaux.
-
-Bussy fut reçu à l'Académie Française en 1665, à l'âge de
-quarante-sept ans.
-
- Page 91, ligne 9: Agé de près de vingt ans.
-
-Bussy naquit à Épiry, en 1618; il eut quatre frères, et par leur mort
-il resta l'unique rejeton de la descendance mâle des Rabutins dans la
-branche cadette. Il entra dans la carrière militaire en 1634, et se
-distingua au siége de La Motte en Lorraine. Il fut fait mestre de camp
-d'infanterie en 1638, après trois campagnes. C'est en 1644 qu'il
-acheta 12,000 écus la lieutenance des chevau-légers. C'était la
-compagnie d'ordonnance de Henri de Bourbon, prince de Condé,
-gouverneur de Bourgogne, père du grand Condé. C'est aussi en 1644 que
-le père de Bussy mourut, et que, par la protection du prince de Condé,
-il devint lieutenant du roi en Nivernais; il fit le 18 février 1645
-son entrée dans cette province.
-
- Page 91, ligne 11: Qui comptait environ vingt-cinq ans.
-
-Bussy dit dans ses _Mémoires_ (t. I, p. 3, édit. in-12) qu'il est né à
-Épiry, le vendredi saint, troisième avril 1618. Selon Monmerqué, on
-devrait lire, d'après un manuscrit, le treizième d'avril: différence
-peu importante. Cette date est confirmée par le tableau généalogique
-des Rabutins, extrait de la bibliothèque de Dijon, publié dans les
-_Lettres inédites_ (Paris, 1819, in-12), et aussi par son épitaphe,
-composée par la comtesse d'Alets, qui donne à son père soixante-quinze
-ans au moment de sa mort, arrivée le 9 avril 1693. Cependant Bussy,
-dans ses Mémoires, dit, sous la date de 1638, en marge (t. I, p. 38 de
-l'édit. in-12, et p. 47 de l'édit. in-4º): «Ma maîtresse avait
-vingt-cinq ans; je n'en avais guère plus de seize;» et en 1640,
-suivant toujours le même système, il ne se donne que dix-huit ans, et
-il dit (t. I, p. 54 de l'édit. in-12, ou t. I, p. 67 de l'édit.
-in-4º): «Avec tout cela, une femme de quinze ans n'en peut guère
-savoir plus qu'elle n'en savait; pour moi, qui en avais dix-huit,
-j'étais bien plus habile.» La marge porte en cet endroit 1640. Le
-premier éditeur des Mémoires de Bussy s'est aperçu de cette
-contradiction, et a cherché à y remédier dans l'errata. Il a corrigé
-pour la page 3, c'est-à-dire à la date de la naissance, 1622 au lieu
-de 1618; et à la page 6 il met dans le texte, en toutes lettres, «plus
-de vingt» au lieu de plus de dix-huit. Ces deux corrections se
-contredisent; il y en a une évidemment fausse. La première est pour
-faire concorder la date de seize ans que Bussy se donne à la page 47,
-et dont l'éditeur ne parle pas: et en effet, s'il était né en 1622, il
-n'aurait eu que seize ans en 1638. La seconde correction, au
-contraire, est pour faire concorder la date de la page 63 avec celle
-qui a été donnée à la page 3 pour la naissance; car, né en 1618, Bussy
-en 1640 avait vingt-deux ans, et non dix-huit, comme il le dit; mais
-s'il était né en 1622, il n'en avait plus que dix-huit. On doit se
-rappeler que les Mémoires de Bussy n'ont paru qu'en 1696, trois ans
-après sa mort. S'il les avait publiés lui-même, il aurait achevé de
-les rédiger, et il eût fait disparaître ces contradictions. C'est
-probablement d'après ces erreurs de l'éditeur (qui est, je crois, le
-père Bouhours) qu'Auger, dans son article Bussy (_Biographie
-universelle_, t. VI, p. 374), fait débuter Bussy dans la carrière
-militaire à l'âge de douze ans, ce qui est invraisemblable; il fit, au
-contraire, des études brillantes et complètes, qui ne furent terminées
-qu'à seize ans. Il ne commença sa carrière militaire, au siége de La
-Motte en Lorraine, qu'en 1624. Mais je m'aperçois qu'Auger a puisé
-cette erreur dans la notice de Grouvelle sur Bussy-Rabutin (Lettres de
-Sévigné, édition d'Herhan; 1811, in-12, t. I, p. 134.)
-
- Page 91, ligne dernière: François de L'Hospital.--Et page 92, ligne 12:
-
- Elle vécut avec Louis de Lorraine.
-
-François de L'Hospital, comte de Rosny, seigneur du Hallier, fut abbé
-de Sainte-Geneviève et évêque de Meaux, sous Henri IV; il fut fait
-maréchal de France le 23 avril 1643, et mourut le 20 avril 1660, âgé
-de soixante-dix-sept ans; il était donc né en 1583, et avait
-cinquante-cinq ans lors de la visite que lui fit Bussy en 1638. Sa
-première femme, Charlotte des Essarts, était fille unique de François
-des Essarts, seigneur de Sautour, qui fut tué à Trèves, en 1590. Ce
-fut vers cette époque qu'elle vécut avec Henri IV. Elle en eut deux
-filles légitimées, qui eurent le titre de princesses. La première,
-Jeanne-Baptiste de Bourbon, mourut abbesse de Fontevrault, le 16
-juillet 1680; la seconde, abbesse de Chilly, le 10 février 1680; elle
-se nommait Marie-Henriette de Bourbon. On a prétendu que Charlotte des
-Essarts avait été mariée clandestinement au cardinal de Guise, par
-contrat de mariage du 4 février 1611. Ce fait est probable. Il en eut
-cinq enfants: trois garçons et deux filles. La seconde, Louise de
-Lorraine, dame de Romorantin, dont il est question dans les Mémoires
-de Bussy, épousa, le 24 novembre 1639, Claude Pot, seigneur de Rhodes,
-grand maître des cérémonies de France. Elle mourut sans enfants, à
-Paris, le 15 juillet 1652. Il en sera souvent fait mention dans cet
-ouvrage. La Borde (t. II, p. 200 de son édition _des Amours du grand
-Alcandre_) inscrit deux fois, comme deux enfants différents, Louise de
-Lorraine, dame de Romorantin, et Louise de Lorraine, sans titre. C'est
-une erreur: il n'y en a qu'une. Le même confond les enfants de Henri
-IV avec ceux du cardinal de Guise. Charlotte des Essarts, ou la
-maréchale de L'Hospital, étant morte le 8 juillet 1651, le maréchal de
-L'Hospital se remaria à Claudine-Françoise Mignot, fille d'une
-herbière du Brachet, près de Grenoble, et alors veuve de Pierre de
-Portes, trésorier de la province du Dauphiné. Ce mariage se fit le 24
-août 1653. Après la mort du maréchal de L'Hospital, Claudine Mignot se
-remaria une troisième fois, dans son hôtel, à Paris, rue des
-Fossés-Montmartre, le 4 novembre 1672, à Jean-Casimir, autrefois roi
-de Pologne, et alors abbé commendataire de Saint-Germain des Prés, de
-Saint-Saurin à Évreux, et d'autres abbayes, et qui mourut le 16
-décembre suivant. Claudine Mignot vécut jusqu'au 30 novembre 1711.
-
- Page 94, ligne 11: Plus jeune que lui.
-
-Bussy dit cependant: «Mademoiselle Romorantin avait vingt ans, et je
-n'en avais pas dix-sept.» Mais il nous apprend que ce fut en 1639
-qu'il passa l'hiver à Chalons. Né en 1618, il avait donc alors vingt
-et un ans. On comprend cette préoccupation de Bussy, qui le porte à se
-rajeunir toujours de trois ou quatre ans. Toutes les faiblesses qui
-tiennent à l'orgueil ou à la vanité, il les avait.
-
- Page 98, ligne 4: Elle devint veuve en 1650.
-
-Pendant les grandes intrigues de madame de Rhodes à Paris, Bussy en
-était absent, et suivait un autre parti. Fort liée avec mademoiselle
-de Chevreuse, dont elle favorisa les amours avec le cardinal de Retz,
-madame de Rhodes fut sur le point d'épouser, par l'entremise de
-mademoiselle de Chevreuse, le président de Bellièvre.
-
- Page 101, ligne dernière: Bussy épousa peu de temps après
- mademoiselle de Toulongeon.
-
-Bussy épousa Gabrielle de Toulongeon, fille d'Antoine de Toulongeon,
-gouverneur de Pignerol, et de Françoise de Rabutin, fille du baron de
-Chantal, à Alonne près d'Autun, le 28 mai 1643.
-
-
-CHAPITRE VIII.
-
- Page 116, note 1.
-
-Je remarque que quoique les Mémoires de Bussy n'aient été imprimés
-qu'en 1696, c'est-à-dire deux ans après son _Discours à ses Enfants_,
-le nom de madame de Sévigné, qui était en toutes lettres dans le
-Discours, se trouve en blanc dans les Mémoires.
-
-
-CHAPITRE IX.
-
- Page 119, ligne 3 du texte: Il eut la douleur de perdre sa femme.
-
-Dans la généalogie de Marie de Rabutin par le comte de Bussy, publiée
-dans les _Lettres inédites de madame de Sévigné_ (1819, p. 18), qui a
-été reproduite par M. Gault de Saint-Germain dans son édition de
-_Sévigné_ (t. I, p. 72), on place la mort de Gabrielle de Toulongeon
-en 1648. C'est évidemment une erreur, qui tient à ce que les Mémoires
-de Rabutin portent en marge dans cet endroit l'année 1648; mais
-l'auteur dit dans son texte que trois jours après il apprit aussi la
-mort du prince de Condé; et cette mort eut lieu le 28 décembre 1646.
-
-M. Weiss, dans la _Biographie universelle_ (t. IX, p. 391), indique
-une date un peu différente; mais cette différence ne provient que de
-celle qui existe entre l'ancien et le nouveau calendrier; il paraît,
-d'après cela, que Gabrielle Toulongeon mourut vers le 15 décembre
-1646.
-
- Page 120, ligne 24.
-
-Le _lambel_ dont madame de Sévigné parle dans cette lettre est une
-barre crénelée qu'on met dans les armoiries, pour indiquer une branche
-cadette ou collatérale. Ainsi la maison d'Orléans avait les mêmes
-armes que le roi de France, les trois fleurs de lis, mais surmontées
-d'un _lambel_.
-
-
-CHAPITRE X.
-
- Page 125, ligne 16: D'un vieux bourgeois nommé le Boccage,
- propriétaire d'un domaine.
-
-D'après le nom du personnage, il est évident que ce domaine était
-celui de Lagrange au Bocage, à quatre lieues et demie de Sens et à
-quatre lieues au nord-est de la commanderie de Launay, nommée Lanny,
-par erreur du graveur, sur la carte de Cassini. Il y a un court
-article sur cette commanderie dans le grand Dictionnaire de la France
-d'Expilly.
-
- Page 125, ligne 27: Et, de plus, millionnaire.
-
-Bussy dit qu'elle avait quatre cent mille écus de bien, c'est-à-dire
-deux millions quatre cent mille livres, monnaie de cette époque. C'est
-près de cinq millions de notre monnaie actuelle.
-
- Page 127, ligne 26: Qu'ils restaient toujours impunis.
-
-Le père du comte de Chavagnac, despote altier, voulait, comme ancien
-chef huguenot, forcer son fils à épouser la veuve d'un M. de Montbrun,
-fille de Courval, et très-riche héritière. Il la fit enlever, au nom
-de son fils, par quinze gentils-hommes de ses amis ou vassaux. Elle
-était vieille et laide, et sans esprit; elle voulut réclamer, intenter
-un procès, et protester contre un mariage fruit de la force: celui
-qu'on voulait lui faire épouser ne désirait pas plus qu'elle-même ce
-mariage. Chavagnac parvint à contraindre son fils, aussi bien que la
-veuve, en menaçant de se porter contre tous deux à de plus grandes
-violences; et le mariage fut maintenu.
-
- Page 129, note 1: L'ABBÉ DE CHOISY, _Vie de Madame de Miramion_.
-
-L'édition in-12 de la _Vie de madame de Miramion_ (1707) n'est que la
-réimpression de l'in-4º, accompagnée d'un beau portrait de cette dame,
-par Edelinck, qui a été réduit par le même graveur dans l'édition
-in-12.
-
- Page 132, ligne 26: Grand-père du mari qu'elle avait perdu.
-
-Ce M. de Choisy, conseiller d'État, était un des frères du père de
-l'abbé de Choisy, l'auteur des _Mémoires_, puisqu'il est dit page 19
-de la _Vie de madame de Miramion_, que lui, abbé de Choisy, était
-cousin germain de madame de Miramion, c'est-à-dire de son mari.
-
- Page 133, ligne 23: Sur la route qui conduit de Saint-Cloud au
- mont Valérien.
-
-Bussy désigne très-exactement l'emplacement où se trouvait posée sa
-petite troupe. C'était «au-dessus du jardin de madame du Tillet, que
-Philippe de France acheta pour agrandir le sien.» Ainsi, cet
-emplacement doit être actuellement renfermé dans le parc de
-Saint-Cloud.
-
- Page 134, ligne 9: Avant d'entrer dans le bois de Boulogne.
-
-C'est ainsi que s'exprime Bussy; ce qui prouve que dès lors la route
-directe de Saint-Cloud à Issy, qui oblige de passer deux fois la
-rivière, était déjà pratiquée, et qu'il y avait un bac vis-à-vis le
-_Point du Jour_.
-
- Page 138, ligne 3: Un chevalier de Malte.
-
-Il est probable que ce chevalier était Guy de Rabutin, le dernier des
-frères suivants de Bussy, qui mourut au Temple, un an après cet
-enlèvement de madame de Miramion.
-
-
-CHAPITRE XI.
-
- Page 150, ligne 8 du texte: Au nord de Montargis.
-
-L'abbaye de Ferrières se trouve à peu de distance de la jonction du
-Loing avec une petite rivière nommée Cléry. Il est dit dans la _Gallia
-Christiana_, t. XII, p. 160: «_Ferrariæ a ferri venis, e quibus
-elicitum olim metallum, nomen videntur invenisse; Ferrariæ positus est
-locus in Wastiniensi pago_ (le Gâtinais), _ad Clarisam amnem, in
-Lupum_ (le Loing) _influentem; tribus admodum leucis ab urbe Montis
-Argivi_.»
-
- Page 151, ligne 1: Dont il fut fait évêque.
-
-Jacques de Nuchèze naquit en 1591, le 26 octobre, de Jacques Nuchèze,
-baron de Bussy-les-Francs, et de Marguerite Fremyot, sœur de sainte
-Chantal. Il fut nommé évêque comte de Châlons en 1624, et mourut en
-mai 1652, âgé de soixante-six ans et six mois, après avoir occupé
-trente-trois ans le siége de Châlons-sur-Saône, dont il fut le
-soixante-dix-neuvième évêque.
-
- Page 154, ligne 13: La belle terre de Savigny-sur-Orges.
-
-Conférez Le Bœuf, _Histoire de Diocèse de Paris_, t. XII, p. 70, et
-Monmerqué, _Sévigné_, t. II, p. 180. Cette terre de Savigny, qui avait
-appartenu au comte de Montrevel, devint la propriété du marquis de
-Vins, qui la possédait en 1708. Le comte du Luc, héritier de la
-marquise de Vins, a depuis eu cette terre, et y est décédé, en juillet
-1740.
-
-
-CHAPITRE XII.
-
- Page 166, ligne 15: La reine est si bonne.
-
-Ce mot est de La Feuillade, le père de celui qui fut à la cour de
-Louis XIV, et auquel nous devons la place des Victoires.
-
- Page 180, ligne 28: Et le marquis de Sévigné.
-
-Conrart dit: «Le marquis de Sévigné était étrangement frondeur, comme
-parent du coadjuteur.» Mais dans la phrase suivante Conrart a commis
-une erreur, que son savant éditeur, M. Monmerqué, a relevée.
-
- Page 161, ligne 17.
-
-Ce fut le 13 septembre que la reine se retira à Ruel. Ce château était
-celui que le cardinal de Richelieu avait laissé à sa nièce, la
-duchesse d'Aiguillon.
-
- Page 181, ligne 19: Ramena la reine à Paris.
-
-«La reine, dit madame de Motteville, partit de Saint-Germain pour
-revenir à Paris la veille de la Toussaint.»
-
-
-CHAPITRE XIII.
-
- Page 184, ligne 28: Au premier jour de l'an mil sept cent
- quarante-neuf.
-
-Il faut corriger le second vers de cette petite pièce, et changer les
-mots de _mil sept cent soixante-neuf_ en ceux de _mil sept cent
-quarante-neuf_, faute qui se trouve dans les œuvres de Marigny et
-dans le _Recueil des plus belles Pièces des Poëtes français_, chez de
-Sercy. Cela est démontré par le recueil de Sercy, où cette pièce a été
-imprimée pour la première fois, en 1653. On voit par là combien une
-seule faute d'impression peut jeter de confusion dans les recherches
-historiques, combien il est essentiel de toujours recourir aux
-éditions originales, et de se défier des réimpressions. Le mot
-_franchise_ signifiait liberté à cette époque. Il y en a des exemples
-sans nombre.
-
- Page 190, ligne 5: Le lendemain du jour qui suivit le départ de
- cette lettre.
-
-L'attaque de Charenton eut lieu le 8 février. Le départ de Bussy de
-Saint-Denis eut lieu le 6 et non pas le 10, comme on a mis par faute
-d'impression dans les _Mémoires de Bussy_. Comme la lettre qu'il
-adressa à madame de Sévigné est antérieure d'un jour à ce départ, elle
-doit porter la date du 5 février, au lieu du 15. Ni le P. d'Avrigny,
-dans son ouvrage sur le règne de Louis XIV, ni aucun des éditeurs des
-lettres de madame de Sévigné, ne se sont aperçus de cette
-contradiction; tous ont reproduit les erreurs de chiffres que
-l'imprimeur ou les copistes ont introduites dans les _Mémoires de
-Bussy_.
-
- Page 191, ligne 4: La lettre suivante pour madame de Sévigné.
-
-Je rectifie encore ici les dates des lettres de Bussy, que les
-éditeurs de ses _Mémoires_ et, par suite, ceux des _Lettres de madame
-de Sévigné_, ont altérées. En effet, au lieu des 25 et 26 mars pour
-ces deux lettres, il faut 5 et 6 mars. Nous savons, par les _Mémoires
-de Monglat_, t. L, p. 159, et _d'Omer Talon_, t. LXI, p. 424, que la
-ville de Brie-Comte-Robert fut pillée le 27 février, et que son
-château se rendit le 28. Bussy dit que cette expédition ne dura que
-huit jours, et qu'il écrivit à sa cousine, au sujet de ses chevaux,
-aussitôt après son retour; ce qui nous porte juste au 5 mars, le mois
-de février n'ayant que 28 jours. D'ailleurs, il parle, dans sa lettre,
-de la paix comme entravée par les négociations et n'étant pas encore
-conclue. S'il avait écrit le 26 mars, il n'aurait pas ignoré que cette
-paix était signée depuis quinze jours. Aucun des éditeurs de _Madame
-de Sévigné_ n'a soupçonné cette erreur, et la correction doit être
-faite dans toutes les éditions.
-
- Page 195, ligne 20: Les projets de mariage...
-
-Pendant son voyage à Dijon, Bussy voulut épouser la fille du président
-B***; mais il prétend que L*** (probablement Lenet) fit manquer
-l'affaire.
-
-
-CHAPITRE XIV.
-
- Page 108, ligne 21: Telle était son intention; mais le soir même...
-
-Bussy dit que cette conversation qu'il eut avec le prince de Condé eut
-lieu le mardi, et que l'arrestation des princes se fit le même jour;
-mais tous les Mémoires du temps placent au 18 cette arrestation. Il y
-a donc erreur de date dans Bussy. Ses _Mémoires_ en renferment de plus
-fortes, et nous en avons signalé quelques-unes.
-
- Page 203, ligne dernière: Son mariage projeté avec Louise de
- Rouville.
-
-Louise de Rouville, que Bussy-Rabutin épousa en secondes noces, était
-fille du second lit de Jacques de Rouville (chevalier d'honneur de
-madame la duchesse de Montpensier) et d'Isabelle de Longueval.
-
-
-CHAPITRE XV.
-
- Page 214, ligne 21: Le poëte Marlet.
-
-Guy-Patin le nomme Morlet. Sa satire était intitulée: _la Custode du
-Lit de la Reine_.
-
- Page 220, note 1: _Le Secret, ou les véritables causes_, etc.
-
-Cet écrit, peu connu, qui parut presque aussitôt après la sortie des
-princes, dévoile toutes les intrigues de la cour aussi complétement
-que l'ont fait les Mémoires que l'on a publiés depuis. On y trouve,
-page 45, la phrase latine que le coadjuteur improvisa dans une séance
-du parlement, comme étant une citation de Cicéron.
-
- Page 221, ligne dernière: Sévigné, de race frondeuse.
-
-Loret écrit Cevigny, et ailleurs Sevigny; c'est de cette dernière
-manière qu'on écrivait alors habituellement ce nom.
-
- Page 221, lignes 20 et 21: Sa protectrice mademoiselle de
- Longueville.
-
-Elle était fille du duc de Longueville et de Louise de
-Bourbon-Soissons, sa première femme. Formée à l'hôtel de Rambouillet,
-elle partagea sa vie entre la culture des lettres et l'administration
-de ses grands biens. Elle occupait à Paris, de moitié avec la
-princesse de Carignan, sa tante, ce magnifique hôtel de Soissons qui a
-été abattu, et que la halle aux blés a remplacé. Loret, liv. I, p. 9,
-nous apprend que la duchesse de Nemours était blonde. Le château de
-Trie, près de Coulommiers, lui appartenait. Elle mourut en 1707, à
-quatre-vingt-six ans. Saint-Simon raconte différemment des autres
-auteurs l'anecdote piquante du confesseur.
-
-
-CHAPITRE XVI.
-
- Page 225, note 3: COSTAR, _Lettres_.
-
-Le premier recueil des Lettres de Costar, publié par Costar lui-même,
-est dédié à Fouquet. Dans sa préface, il parle «des faveurs
-continuelles dont il a eu la bonté de le prévenir.» Le vrai nom de
-Costar était Coustart. Voyez à ce sujet le _Ménagiana_ et la lettre
-que Costar adressa à son cousin de Coustart, part. II, p. 773, lettre
-23; et la _Vie de Costar_, t. VI, p. 233 des _Historiettes_ de
-Tallemant des Réaux, édit. in-8º.
-
- Page 225, ligne 18: Leur château de Champiré près Segré; et
- p. 226, ligne 1: Renaud de Sévigné.
-
-Costar écrit Sévigny, comme tous ceux de son temps. Il reproche
-galamment à mademoiselle de Lavergue d'avoir la bouche trop
-petite.--Aucun livre n'est inutile: après avoir cherché Champiré dans
-le dictionnaire de la poste aux lettres et dans tous les dictionnaires
-de géographie de la France les plus amples, j'ai trouvé dans le
-_Journal de la Mode_, ou _Revue du Monde élégant_, quatrième année,
-douzième livraison, à la p. 32, dans la liste des souscripteurs pour
-ces deux filles héroïques, Marie Bossy et Charlotte Moreau, «le comte
-de Narcé, au château de Champiré, près Segré.» Nul doute que ce
-château ne soit celui qui a appartenu à Renaud de Sévigné.
-
- Page 226, ligne 14: Qu'à la sérieuse et savante comtesse
- de La Fayette.
-
-Auger et M. de Saint-Surin font naître madame de La Fayette en 1632;
-mais Grouvelle, dans son édition des _Lettres de madame de Sévigné_,
-l'auteur de la notice sur madame de La Fayette dans la _Galerie
-Française_, et celui de la Collection des meilleurs romans
-(Dauthereau, 1827, in-18), la font naître en 1633.
-
- Page 228, ligne 26: Une satire intitulée _la Mazarinade_.
-
-Le passage de Guy-Joly prouve que _la Mazarinade_ fut écrite en 1649.
-
- Page 229, ligne dernière: Mais à la mode du Marais.
-
-Cette sœur de Scarron, qui fut maîtresse du marquis de Tresme, était
-fort belle. Scarron avait une autre sœur. Une des deux aimait le vin.
-
- Page 230, ligne 3: Qui mourut dans le cours de l'année 1650.
-
-Denon, conteur aimable, espiègle et spirituel, a fait à M. de
-Saint-Aulaire un récit sur Marion de Lorme, que l'historien de la
-Fronde a pris au sérieux, et qu'il a de bonne foi inséré dans son
-histoire, t. I, p. 58, et t. III, p. 51, parmi les pièces
-justificatives. Je parle de la première édition de cet ouvrage. On en
-a fait depuis une seconde: j'ignore si cette anecdote y a été
-reproduite.
-
- Page 230, ligne 5: Afin de ne voir son mari ni dans ce monde
- ni dans l'autre.
-
-Tallemant attribue ce mot à la comtesse de la Suze, et le _Ménagiana_
-à mademoiselle de Montausier.
-
- Page 231, ligne 8: Un sujet bachique.
-
-Le sujet de l'autre tableau était le ravissement de saint Paul.
-
-
-CHAPITRE XVII.
-
- Page 236, ligne 17: Anne de Lenclos a vécu près de quatre-vingt-dix
- ans.
-
-Voltaire, qui était fils du notaire de mademoiselle de Lenclos, nous a
-conservé sur elle quelques anecdotes précieuses, mais plutôt d'après
-les souvenirs de l'abbé de Châteauneuf que d'après les siens propre;
-il a écrit avec légèreté, et n'a pas pris la peine, dans ce qu'il a
-dit de cette femme célèbre, de se mettre d'accord avec lui-même. Il ne
-lui fut présenté que peu de temps avant qu'elle mourût. Elle avait
-alors quatre-vingt-neuf ans, et lui onze et demi, et non treize, comme
-il le dit. Il donne, dans ses _Mélanges_, t. XLIII, édit. Renouard,
-p. 470, soixante-dix ans à Ninon lors de son aventure avec
-Châteauneuf; et dans le _Dictionnaire philosophique_, t. XXXV, p. 224,
-il ne lui en donne plus que soixante à cette même époque; il dit
-aussi, p. 125, qu'il a vu Ninon décrépite à l'âge de quatre-vingts
-ans; et il oublie que lorsque Ninon avait quatre-vingts ans, lui,
-Voltaire, n'avait que deux ans. A quatre-vingt-neuf ans elle sut
-apprécier dans le jeune Arouet le génie précoce d'un enfant de onze
-ans, puisqu'elle lui légua une assez forte somme pour acheter des
-livres. Bret a recueilli, sans choix et sans critique, tous les contes
-qu'il a trouvés épars dans les recueils d'ana. Douxmesnil a écrit avec
-plus de discernement, d'après les récits et les souvenirs de
-Fontenelle et de la comtesse de Sandwich, de l'abbé Fraguier et de
-l'abbé Gedoyn, qui tous cependant n'avaient connu Ninon que dans sa
-vieillesse. Tous ces ouvrages doivent être employés avec précaution.
-On trouve de meilleurs et de plus sûrs matériaux dans les Mémoires du
-temps écrits par les contemporains de Ninon, surtout dans les Mémoires
-de Tallemant des Réaux, qui étaient manuscrits lorsque nous en avons
-fait usage; ainsi que dans les œuvres de Saint-Évremond, dans les
-lettres de madame de Sévigné, de madame de Maintenon, et dans les
-Mémoires de Saint-Simon.
-
- Page 239, ligne 1: Et qui n'engage à aucune reconnaissance.
-
-Il est probable que l'abbé de Châteauneuf, qui tenait la doctrine de
-Ninon de sa propre bouche, l'a rendue dans les mêmes mots. Aussi nous
-n'y avons rien changé.
-
- Page 239, ligne 2: Abandonnée à elle-même dès l'âge de quinze ans.
-
-Elle perdit sa mère à quatorze ans, en 1630, et son père à quinze, en
-1631.
-
- Page 240, ligne 10.
-
-Dans la pièce gracieuse, mais beaucoup trop longue, de la Mesnardière,
-que nous citons; intitulée: _Galanterie à mademoiselle de Lenclos_, le
-poëte lui dit:
-
- Prenez soin de corriger
- Votre enfant Amour, qui m'outrage.
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Pardonnez-moi si je le chasse:
- Mais que voulez-vous que j'en fasse?
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Mais, pour dormir en patience
- Et conserver quelque embonpoint,
- Ninon, que ne ferait-on point?
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- J'observe . . . . . . . . . . . . . .
- Qu'il m'aime fort auprès de vous;
- Et pour moi, j'y voudrais bien être.
- Mais aussi je voudrais connaître
- Que sa maman n'aimât que moi;
- Et je doute fort que le roi
- Puisse avoir ce crédit en France.
-
- Page 241, ligne 6: Un attrait inexprimable.
-
-Au-devant des Mémoires de Bret sur Ninon est une réduction de son
-portrait peint par Ferdinand, et qui peut nous donner quelque idée de
-ses traits; mais son portrait de profil, que M. Renouard a inséré dans
-son édition de Voltaire, est tout à fait faux et imaginaire.
-
- Page 244, ligne 5: Le gentil et spirituel Charleval.
-
-Charleval mourut en 1693.
-
- Page 244, ligne 10: Le marquis de Soyecourt, si fameux dans les
- annales de la galanterie.
-
-C'est de Soyecourt (on prononçait Saucourt) que Benserade a dit, au
-sujet d'un ballet où il représentait un diable:
-
- Contre ce fier démon voyez-vous aujourd'hui
- Femme qui tienne?
- Et toutes cependant sont contentes de lui,
- Jusqu'à la sienne.
-
- Page 248, ligne 14: D'une manière peu honorable.
-
-Tallemant dit que Lenclos se conduisit indignement dans le duel avec
-Chaban, et que son action pouvait passer pour un assassinat. Chaban
-avait un pied dans la portière de sa voiture lorsque Lenclos le perça
-de son épée.
-
- Page 248, ligne 15: Lenclos jouait fort bien du luth.
-
-C'est ce qui a fait dire que Ninon était fille d'un joueur de luth;
-mais Douxmesnil réfute cette erreur, mieux instruit à cet égard que
-Voltaire, qui la reproduit.
-
- Page 249, lignes 3 et 5: Saint-Étienne fut le premier amant de
- Ninon.
-
-Chocquart de Saint-Étienne, originaire d'Amiens, servit pendant
-vingt-cinq campagnes avec une valeur extraordinaire: d'abord comme
-chevau-léger, puis en qualité de maréchal des logis, d'aide-major, de
-cornette, de lieutenant et de capitaine dans les régiments de
-cavalerie de Bussy de Vère, Mérinville-Pardaillan et Plessis-Praslin.
-Louis XIV lui accorda des lettres de noblesse pour lui et ses
-descendants, le 19 septembre 1660.
-
- Page 249, lignes dernières: Elle comptait au nombre de ses amis
- plusieurs créatures du cardinal.
-
-Bois-Robert était très-lié avec Ninon, et on sait quelles étaient les
-mœurs de cet abbé. Tallemant raconte qu'un jour on faisait la guerre
-à Bois-Robert sur le vice honteux qu'on lui connaissait; il ne se
-défendit que faiblement, en disant: On ne doit pas parler de cela en
-présence de mademoiselle de Lenclos. (Voyez le _Ménagiana_, t. I, p.
-45.)
-
- Page 250, ligne 7: Ce fut Marion de Lorme, selon Chavagnac.
-
-Dans les Mémoires de Chavagnac, les personnages ne sont pas nommés, et
-Marion de Lorme n'est désignée que par des astérisques. La troisième
-édition de ces Mémoires, 1721, in-12, n'est qu'une réimpression de la
-première, et a de même les noms en blanc. Dulaure, qui rapporte ce
-passage dans son Histoire de Paris, a mis les noms en toutes lettres,
-mais sans en prévenir ses lecteurs. Richelieu naquit le 5 septembre
-1585. C'est dans les Mémoires de Chavagnac que Bret semble avoir puisé
-le fait que Richelieu fit de vaines tentatives auprès de Ninon.
-
- Page 250, ligne 24: Raré, cet aimable garçon.
-
-Saint-Simon fait mention d'une madame de Langle qui était fille de M.
-de Raré.
-
- Page 251, ligne 8: Une circonstance peu importante.
-
-Tallemant dit que la jeune Ninon, sévèrement surveillée par sa mère,
-ayant un jour aperçu Raré dans la rue, descendit en toute hâte de chez
-elle pour lui parler. Un mendiant vint troubler leur conversation.
-N'ayant point d'argent à lui donner, elle se hâta de lui remettre un
-mouchoir bordé d'une belle dentelle, en lui disant: «Va-t'en;» et elle
-se débarrassa ainsi de ce témoin importun.
-
- Page 251, ligne 15: Elle alla se jeter dans un couvent, et annonça
- l'intention d'y rester.
-
-Scarron confirme ceci, et, dans son épître à Sarrasin, dit:
-
- Puis j'aurais su...
- Ce que l'on dit du bel et saint exemple
- Que la Ninon donne à tous les mondains,
- En se logeant avecques les nonains;
- Combien de pleurs la pauvre jouvencelle
- A répandus quand sa mère, sans elle,
- Cierges brûlant, et portant écussons,
- Prêtres chantant leurs funèbres chansons,
- Voulut aller, de linge enveloppée,
- Servir aux vers d'une franche lippée.
-
-La fin de cette épître prouve qu'elle a été écrite trois jours après
-la mort de la mère de Ninon:
-
- Fait à Paris, dessous ma cheminée,
- Par moi Scarron, carcasse décharnée,
- Trois jours après que les yeux furent clos
- Pour tout jamais à la mère Lenclos.
-
- Page 252, ligne 11: De Bois-Dauphin (Souvré).
-
-Madeleine de Souvré, femme de Philippe-Emmanuel de Laval, marquis de
-Sablé, seigneur de Bois-Dauphin, mourut en 1678.
-
- Page 252, ligne 21: Coligny, marquis d'Andelot, depuis duc de
- Châtillon.
-
-Gaspard, duc de Châtillon, marquis d'Andelot, mourut lieutenant
-général, le 9 février 1649, à l'attaque de Charenton. Il eut en 1641
-le régiment de Piémont. Il paraît, en comparant les _Mémoires_ de
-Chavagnac avec les autres récits, que Chavagnac a mal compris son
-frère, ou que ses souvenirs, en écrivant, l'ont trompé. Le frère de
-Chavagnac était l'ami intime de d'Andelot, et il paraît avoir aimé
-Marion de Lorme à la même époque où d'Andelot se passionna pour Ninon.
-C'est dans les _Mémoires_ de Chavagnac qu'on trouve le récit le mieux
-circonstancié de la mort de Châtillon; Chavagnac se trouvait près de
-lui au moment fatal.
-
- Page 254, ligne 3: A Châtillon succéda Miossens, depuis maréchal
- d'Albret.
-
-Miossens ou Miossans est une des douze grandes baronnies du Béarn. Le
-nom de Miossens était Charles Amanien d'Albret. Il mourut en 1678; en
-lui s'éteignit la postérité masculine des Miossens.
-
- Page 254, lignes 13 et 15: D'Elbène était connu par l'originalité
- de son esprit.
-
-Guy d'Elbène fut marié à Charlotte Refuge, qui, dit-on, lui apporta en
-dot quatre-vingts procès. Elle mourut le 3 septembre 1680. En 1649
-d'Elbène fut envoyé à Rome. (Voyez RETZ, _Mém._, t. XLV, p. 56.) Guy
-d'Elbène mourut à l'hôpital. (Voyez la lettre de Ninon à
-Saint-Évremond, dans Douxmesnil, p. 194.) Un Alphonse d'Elbène,
-peut-être le frère de celui-ci, fut évêque d'Orléans en 1646, et
-mourut le 2 mai 1665. Il en est parlé dans le Voyage de Chapelle et
-Bachaumont, 1755, in-12.
-
- Page 255, lignes 26 à 27: Ses liaisons avec le chevalier de Méré
- datent de cette époque.
-
-George Brossin, chevalier et marquis de Méré, descendait d'une
-ancienne famille du Poitou. Il était cadet, et avait fait quelques
-campagnes sur mer. Il se retira dans une terre qu'il avait en Poitou.
-«La société de madame la marquise de Pont, sa belle-sœur, n'a pas
-peu contribué à le détacher du monde et de la cour. Il lui laissa
-tout son bien.»
-
- Page 256, ligne 3: Le cardinal archevêque de Lyon lui rendit
- de fréquentes visites.
-
-Le caractère sévère de du Plessis de Richelieu, son âge et sa piété
-bien connue, le mettent à l'abri de tout soupçon dans ses relations
-avec Ninon; voilà pourquoi j'ai dû interpréter favorablement ce
-passage assez singulier des _Mémoires_ de Tallemant: «Elle se mit dans
-un couvent: le cardinal de Lyon devint amoureux de sa belle humeur, et
-fit quelques folies pour elle». Dans un autre endroit de ses
-_Mémoires_, Tallemant parle d'un abbé de Richelieu qui entretenait
-Claudine Colletet. Cet abbé était probablement neveu du cardinal et du
-ministre. Conférez _OEuvres de La Fontaine_, édit. 1828, t. VI, p.
-270.
-
- Page 259, lignes 1 et 2: Cette réponse à la reine, qui, selon
- Saint-Simon et Chavagnac.....
-
-Douxmesnil (p. 154) a tort de vouloir faire considérer ce fait comme
-invraisemblable. Il est attesté par les meilleures autorités, par les
-hommes les mieux instruits sur ce qui concerne Ninon: Chavagnac,
-Tallemant des Réaux, Saint-Simon et Voltaire. Il se peut que sous
-Louis XV, en 1751, lorsque Douxmesnil écrivait, on s'inquiétât peu des
-liaisons amoureuses et de la conduite scandaleuse ou non des femmes
-nobles ou non nobles; mais il n'en était pas ainsi sous la régence
-d'Anne d'Autriche, ni même sous le règne de Louis XIV, qui plus tard,
-et lorsqu'il avait tant de motifs pour être indulgent sur cet article,
-obligea cependant mademoiselle de La Force à mettre un terme à son
-genre de vie peu réglé et à se retirer dans un couvent. Conférez
-l'_Histoire de la Vie et des Ouvrages de La Fontaine_, troisième
-édition, page 513.
-
- Page 259, ligne 3: Qu'elle laissa Ninon en repos.
-
-Chavagnac dit que la reine, en apprenant cette réponse, dit en riant:
-«Fi! la vilaine! qu'elle s'en aille où elle voudra. «Ceci est plus
-dans le caractère d'Anne d'Autriche que ce que dit Saint-Simon.
-
- Page 259, ligne 20.
-
-Voltaire attribue ce mot à Ninon même; mais le _Ménagiana_ est une
-autorité antérieure et préférable. Le mot est meilleur dans la bouche
-d'un autre que dans celle de Ninon.
-
- Pages 260, lignes 2 et 3: Émery vivait depuis longtemps
- avec la femme de Coulon.
-
-Un de ces couplets, dans mon recueil manuscrit, se termine ainsi:
-
- . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Ne t'étonne pas si Coulon
- Aime bien la fille Ninon,
- Car il a droit de représailles.
- . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Daye d'Andaye.
-
-Dans mon exemplaire il y a cette note marginale. «Ninon est celle
-qu'on appelle aujourd'hui mademoiselle de Lenclos.» Cette note a été
-évidemment écrite dans la dernière époque de la vie de Ninon, et
-prouve ce que nous avons dit sur la manière de la désigner. Il a été
-fait de ces recueils manuscrits de chansons et de vaudevilles
-satiriques un grand nombre de copies. Il y en a dans diverses
-bibliothèques particulières, à la Bibliothèque du Roi, à la
-Bibliothèque Mazarine, et ailleurs. Il y a dans les _Mémoires_ de
-Tallemant le récit d'une dispute entre Coulon et sa femme, en présence
-de madame de Tallemant, au sujet d'Émery, mais qui est trop ignoble
-pour pouvoir être rapportée.
-
- Page 261, lignes 4 et 5: Il (d'Aubijoux) mourut le 9 novembre 1656.
-
-François-Jacques d'Aubijoux était baron de Castelnau, de Bonnefons, de
-Sauveterre et de Casaubon. Sa famille descendait d'un frère du
-cardinal d'Amboise. Les vers du _Voyage de Chapelle et Bachaumont_
-dont nous parlons sont ceux qui commencent ainsi:
-
- Sous ce berceau, qu'Amour exprès, etc.
-
-La mort du comte d'Aubijoux, qui arriva en 1656, nous fait penser que
-ce voyage eut lieu en 1655. L'édition faite sur le meilleur manuscrit
-est celle de La Haye, 1732, chez Pierre Gosse. Saint-Marc, le seul qui
-ait exécuté sur cet auteur un travail d'éditeur, en fait l'aveu; mais
-il dit qu'il a connu trop tard cette édition pour pouvoir en faire
-usage. Toutes les éditions postérieures à celle de Saint-Marc ne sont
-que des réimpressions de la sienne. La plus mauvaise et la plus belle
-est celle de Lille, 1826, in-8º.
-
- Page 263, ligne 11: D'un oculiste nommé Thévenin.
-
-Tallemant nous apprend que madame Thévenin, la femme de l'oculiste,
-était la tante de M. Paget. (Tallemant, _Historiettes_, t. II, p.
-232.)
-
-
-CHAPITRE XVIII.
-
- Page 265, note 2, et page 269, note 1: BUSSY, _Hist. am. des
- Gaules_.
-
-J'ai cité quatre éditions primitives de l'ouvrage de Bussy: la
-première ayant pour titre: _Histoire amoureuse des Gaules_; Liége,
-sans nom d'imprimeur, sans date, de 208 pages, petit in-12. Le morceau
-sur madame de Sévigné est pages 170-171. Le titre du livre porte des
-arabesques en triangle. Le titre de l'autre édition est pareil, porte
-aussi le nom de Liége, mais a une croix de Saint-André noire et
-pleine. Cette édition est faite avec des caractères elzéviriens, et
-sur plus beau papier que la précédente. Elle a deux paginations. Le
-morceau sur madame de Sévigné commence à la page 23, et se termine à
-la page 46 de la seconde pagination. Dans ces deux éditions les noms
-sont déguisés, et il y a une clef à la fin. Le cantique inséré page
-236 de l'édition de 1754, qui commence ainsi,
-
- Que Deodatus est heureux, etc.,
-
-ne se trouve dans aucune des deux éditions primitives. Deux autres
-éditions portent la date de 1666; l'une, intitulée: _Édit. nouvelle_,
-a une clef; l'autre porte le nom de Bussy, et est, je crois, la
-première avec les noms réels insérés dans le texte. Une autre édition
-du même ouvrage, intitulée _Histoire amoureuse de France_, chez Adrian
-Moetjens, 1710, 2 vol. in-12, minces, a aussi les noms réels. Elle n'a
-point été connue de l'éditeur de 1754, qui a rétabli ces noms
-uniquement d'après la clef; mais cette clef ne les donne pas tous, de
-sorte que l'éditeur a laissé dans certains endroits des noms feints,
-dont les véritables étaient donnés par l'édition de 1710. Il y a dans
-cette édition de 1710 un frontispice gravé, qui paraît être de
-l'invention de Bussy, car il y a au bas: _Bus. inv._--_Rabut. excud._
-C'est peut-être la réduction d'un dessin du manuscrit original. Il
-représente une Renommée, à la trompette de laquelle est attaché un
-drapeau portant l'_Histoire amoureuse des Gaules_. Cette renommée
-s'envole au-dessus du globe de la terre, sur lequel on lit ces mots:
-_la Gaule_; un Amour dirige des flèches sur l'endroit où ce mot est
-écrit, et un groupe de petits Zéphyrs se précipite sur le même lieu.
-Dans cette édition de 1710 on trouve le cantique, mais à la fin, et
-avec d'autres vers de Bussy. Le volume est terminé par la lettre de
-Bussy au duc de Saint-Aignan, qui est placée en tête dans l'édition de
-1754. Le morceau sur madame de Sévigné est aux pages 281-308. Cette
-édition de 1710 est presque entièrement conforme au manuscrit de
-l'_Histoire amoureuse de France_ qui est dans la bibliothèque de
-l'Institut, no 220, in-4º, quoiqu'elle n'ait point été faite sur ce
-manuscrit, comme le prouvent des variantes importantes. Ce manuscrit
-commence par la relation des amours de la cour de Savoie, et ne
-contient ensuite que l'_Histoire amoureuse de France_.
-
-
-CHAPITRE XIX.
-
- Page 273, ligne 12: Il (Scarron) se décida à s'embarquer.
-
-Une femme, nommée Céleste Palaiseau, devait accompagner Scarron dans
-ce voyage. C'était une fille bien née, qu'il avait séduite dans sa
-jeunesse. Elle s'était faite ensuite religieuse. Son couvent ayant été
-supprimé en raison des dettes qu'il avait contractées, Scarron l'avait
-reprise avec lui par commisération. (Conférez la note suivante.)
-
- Page 274, ligue 12: Cependant la première embarcation pour la
- nouvelle colonie eut lieu.
-
-La Martinière, dans la _Vie de Scarron_, t. I, p. 47, et madame
-Guizot, dans la _Vie des Poëtes Français_, t. I, p. 485, ont confondu
-les dates relatives à la formation de cette compagnie et au mariage de
-Scarron. Cette compagnie se forma en l'année 1651, et le mariage de
-Scarron ne se fit que l'année suivante. Nous mettrons ici les extraits
-des lettres de Scarron et de Loret relatifs à cette curieuse affaire.
-
-«Je jurerais bien qu'arrivant à l'Amérique, où mon chien de destin me
-mène....» _Lettre à la comtesse de Fiesque_, dans les _OEuvres de
-Scarron_, t. I, p. 34.
-
-«Mais mon chien de destin m'emmène dans un mois aux Indes
-occidentales; ou plutôt j'y suis poussé par une sorte de gens fâcheux
-qui se sont depuis peu élevés dans Paris, et qui se font appeler
-_pousseurs de beaux sentiments_. On ne demande plus parmi eux si on
-est honnête homme; on demande si on pousse de beaux sentiments. Voilà,
-notre cher ami, le plus spirituel de l'Europe, ce qui me fait fuir en
-Amérique. Je me suis donc mis pour mille écus dans la nouvelle
-compagnie des Indes, qui va faire une colonie à trois degrés de la
-ligne, sur les bords de l'Orillane et de l'Orénoque. Adieu, France;
-adieu, Paris; adieu, tigresses déguisées en anges; adieu, Ménage,
-Sarrazin, Marigny: je renonce aux vers burlesques, aux romans comiques
-et aux comédies, pour aller dans un pays où il n'y aura ni faux béats,
-ni filoux de dévotion, ni inquisition, ni hiver qui m'assassine, ni
-fluxion qui m'estropie, ni guerre qui me fasse mourir de faim.»
-Scarron, _OEuvres_, 1737, t. I, p. 41.
-
-Madame Guizot regrettait de ne pas connaître la date de cette lettre
-de Scarron; on voit, par la gazette de Loret, liv. II, p. 14, lettre
-4, en date du 22 janvier 1652, qu'elle a dû être écrite en décembre
-1651:
-
- Une prudente maréchale
- Dans l'Amérique occidentale
- Va, dit-on, planter le piquet:
- Non pas pour jouer au piquet,
- Ni planter des choux ni des raves,
- Mais pour, en trafiquant d'esclaves,
- Gagner bravement tous les ans
- Des cent cinquante mille francs;
- Ninon, la belle courtisane,
- Et le sieur d'Aubigny, dit-on,
- Parent du défunt roi breton.
-
-Et liv. II, p. 179 (lettre en date du 31 décembre), Loret dit encore:
-
- Monsieur Scarron, dit-on, se pique
- De transporter dans l'Amérique
- Son corps maigret, faible et menu,
- Quand le printemps sera venu;
- Et que l'aimable sœur Céleste,
- Qui pour l'esprit en a de reste,
- Doit être aussi, sans manquement,
- Comprise en cet embarquement.
-
-Cet embarquement eut lieu un peu au-dessous de Paris, le 13 mai 1652,
-ainsi que nous l'apprend la gazette de Loret:
-
- Hier samedi, chose certaine,
- Sur le beau fleuve de la Seine,
- S'embarquèrent dessous Paris,
- Tant veufs que garçons, que maris,
- Non point pour aller en Afrique
- Mais en un coin de l'Amérique,
- Des hommes jusques à sept cents,
- Sans y comprendre les absents;
- De plus, sept douzaines de filles,
- Pour établir là des familles,
- Et multiplier audit lieu,
- Selon l'ordonnance de Dieu.
-
- LORET, III, 57e lettre, du 10 mai 1652, p. 68.
-
-Un abbé de Mariveau, qui était le chef principal de l'entreprise, se
-noya dans la Seine, près du Cours, en voulant sauter dans le bateau.
-(Cf. Raynal, _Hist. des Établissements européens dans les deux
-Mondes_, édit 1820, in-8º, t. VII, p. 44, et Ternaux-Compans, _Notice
-hist. sur la Guyane française_, 1843, in-8º, p. 50 à 59.)
-
- Page 276, ligne 6: Ménage, qui n'aimait pas le marquis.
-
-Tallemant rapporte que Ménage disait sans cesse à madame de Sévigné
-que son plus grand malheur était d'avoir épousé le marquis de Sévigné,
-et qu'il n'était personne qui, les connaissant tous deux, ne dit
-aussitôt: «Quel homme pour une telle femme!»
-
-
-CHAPITRE XX.
-
- Page 279, ligne 21: Un des fils Galland, avocat célèbre.
-
-Il paraît que l'avocat Gondran est le même qui fut greffier du grand
-conseil, et dont Loret, dans l'endroit cité, fait un grand éloge
-comme royaliste, et comme homme charitable. Galland son père était
-peut-être celui auquel on doit un _Traité sur le Franc-Alleu_, cité
-par de Marca dans son _Histoire de Béarn_, p. 850, à l'_errata_.
-
- Page 280, ligne 6: Avec La Roche-Giffard, gentil-homme breton.
-
-Ce La Roche-Giffard prit le parti de la Fronde, et fut tué à l'attaque
-de la porte Saint-Antoine.
-
- Page 281, ligne 5: Le jeune abbé d'Aumale.
-
-L'abbé d'Aumale fut sacré archevêque de Reims sous le nom de Henri IV,
-en 1651. Il épousa Marie d'Orléans, fille unique du duc de
-Longueville, en 1657, et mourut le 5 janvier 1659.
-
-
-CHAPITRE XXI.
-
- Page 286, ligne dernière, et 287, ligne première: Il (le marquis de
- Sévigné) ne fut.
-
-Conrart dit de Sévigné: «Quoiqu'il eût quelque esprit et qu'il fût
-bien fait de sa personne, on ne s'accommodait point de lui, et il
-passait presque partout pour un fâcheux.» Ceci a été écrit avant la
-comédie de Molière, et démontre que cette expression était en usage
-avant notre grand comique.
-
- Page 289, ligne 24: Portaient ainsi un remède à la sédition.
-
-Le prévôt des marchands et toute la cour, intimidés de la hardiesse et
-de l'insolence des séditieux, voulaient qu'Anne d'Autriche allât loger
-avec le roi à l'hôtel de ville; mais elle eut plus de courage et de
-tête que tout ce qui l'entourait, et comprit toute l'importance d'une
-telle démarche.
-
- Page 292, ligne 11: Ce parti, proposé par de vils et ambitieux
- courtisans.
-
-M. de Saint-Aulaire ne parle qu'obscurément de ce projet, et semble
-l'attribuer à la reine. Anne d'Autriche gardait bien ses secrets; on
-voit que même avec le maréchal Duplessis, qui lui était tout dévoué,
-elle dissimulait, et qu'elle ne laissa pas percer vis-à-vis de lui le
-projet qu'elle avait de faire arrêter M. le Prince: alors elle voulut
-envoyer Duplessis en province. (Voyez Duplessis, _Mémoires_, t. LVII,
-p. 363-368.)
-
- Page 292, ligne 21: Les députés de la noblesse et des provinces.
-
-Les députés de la noblesse s'étaient d'abord réunis chez le duc de
-Nemours; depuis, ils tinrent leurs assemblées aux Cordeliers.
-
- Page 294, ligne 11: Que des personnes qui détestaient ce ministre.
-
-Villeroy, Roquelaure, Joyeuse, qui occupaient les premières charges de
-la cour, étaient du parti de _Monsieur_, ou du duc d'Orléans. «Je
-n'ai, disait Anne d'Autriche dans un moment de découragement, que des
-traîtres et des poltrons à l'entour de moi.»
-
- Page 294, ligne 15: Secondée par la duchesse de Navailles.
-
-C'est à Mazarin que Navailles devait son titre de duc.
-
- Page 299, ligne 12: Les théâtres, aussi encombrés de spectateurs.
-
-La foule se portait surtout au théâtre de la rue Guénégaud, où les
-allusions à ce qui se passait en Angleterre, et l'impopularité du
-grand Condé, firent accueillir froidement la pièce nouvelle du grand
-Corneille, _Don Sanche d'Aragon_, tandis que son frère (qui se faisait
-appeler Corneille Delisle) s'attirait des applaudissements pour sa
-comédie intitulée _l'Amour à la Mode_; il y donnait dans Oronte le
-type de tous les petits maîtres qui ont été depuis mis au théâtre.
-_Don Sanche_ fut imprimé en 1650, mais ne fut joué qu'en 1651; le
-prince de Condé a donc pu y assister. Ceci rectifie ce qu'a dit M.
-Taschereau, _Vie de Corneille_, 1829, in-8º, p. 159.
-
- Pages 299, deux dernières lignes: Dont elle gratifiait
- deux fois la semaine toute la haute société.
-
-Le mariage du duc de Mercœur avec une fille de Mancini, nièce du
-cardinal, fut une occasion de fêtes; il en était de même pour le
-mariage projeté de mademoiselle de Chevreuse et du prince de Conti.
-Les occasions qu'on cherchait à faire naître pour déterminer
-_Mademoiselle_ et sa sœur la duchesse d'Alençon, ainsi que
-mademoiselle de Longueville et d'autres riches partis, étaient aussi
-des motifs puissants pour toutes ces réjouissances. Les ambassadeurs
-étrangers, qui étaient invités à toutes ces réunions, voulurent faire
-honneur à leur nation, et rendirent des fêtes non moins splendides.
-L'ambassadeur de Venise en donna une magnifique, dans les premiers
-jours de novembre 1651. Elle commença par une collation, puis après il
-y eut comédie, ensuite bal, puis le dîner, après feu d'artifice, et
-enfin concert. Ces fêtes duraient presque toujours toute la journée.
-Dans les fêtes que donnait MADEMOISELLE, elle faisait venir aussi des
-acteurs; après la comédie, on dansait, on jouait au colin-maillard.
-Toute la famille royale d'Angleterre se trouvait à ces réunions, et ce
-fut alors que le duc d'York fut sur le point d'épouser mademoiselle de
-Longueville. (Montpensier, _Mémoires_, t. XLI, p. 156.)
-
-
-CHAPITRE XXII.
-
- Page 307, ligne 21: Du grand prieur de Malte.
-
-Le grand prieur de Malte, Hugues Rabutin, mourut en 1656; il était né
-en 1588.
-
- Page 308, ligne 15: A la place, celle de mon veuvage.
-
-J'ai suppléé dans ce passage ces mots: _et le commencement d'une
-existence_, qui ne se trouvent point dans le texte; ce texte est
-incomplet sans cela. Si le texte original est conforme à l'impression,
-c'est madame de Sévigné elle-même qui aura fait cette omission, ce qui
-arrive fréquemment lorsqu'on écrit rapidement une lettre, et sans la
-relire. Cela est évident; le _qui_ et tout ce qu'il régit ne peuvent
-se rapporter à l'année de son veuvage, mais à sa vie entière; le sens
-et les adjectifs féminins le font assez connaître. Ce passage et une
-grande portion de cette lettre ont été donnés au public pour la
-première fois dans l'édition de M. Monmerqué; mais aucun éditeur n'a
-remarqué que la phrase était incomplète.
-
- Page 315, ligne 17: Le seul parmi les parlements du royaume
- qui se fût déclaré pour lui.
-
-Le parlement de Bordeaux ne se sépara des autres parlements qu'en
-haine du duc d'Épernon, que la reine s'obstina à vouloir maintenir
-comme gouverneur de Guyenne.
-
- Page 317, ligne 12: A l'exclusion de Mazarin, qu'ils détestaient.
-
-La Rochefoucauld, la duchesse de Nemours et plusieurs autres crurent
-que Châteauneuf était parvenu à gagner les bonnes grâces de la reine,
-et que Mazarin n'était plus désiré que par les partisans qu'il avait à
-la cour, qui s'agitaient pour le faire revenir, en haine des ministres
-et de Châteauneuf; mais une élude approfondie de tous les documents de
-cette époque démontre qu'il n'en était pas ainsi, et que tous ceux qui
-l'ont cru ont été trompés par la profonde dissimulation d'Anne
-d'Autriche. Conférez surtout les _Mémoires_ de Duplessis-Praslin, t.
-LVII, p. 336.
-
- Page 318, ligne 17: Par un arrêt il confirma celui de Mazarin.
-
-Les précédents arrêts de la même cour, des 7 et 8 février, 11 mars, 2
-et 8 août, rendus pour le même objet et dans la même année, se
-trouvent, avec l'arrêt cité, dans un recueil que nous possédons.
-L'arrêt cité fut rendu le 29 décembre; il est signé Du Tillet. Il fut
-publié à son de trompe, dans tous les carrefours de Paris, le vendredi
-30 décembre 1651, ville et faubourgs, par Canto, juré-crieur ordinaire
-du roi, accompagné de trois trompettes de S. M.
-
- Pages 318 et 319, lignes dernière et première: Qu'on s'interdisait
- même contre les pirates.
-
-Heureusement que cette atrocité n'eut d'autre suite que celle
-d'occasionner les plaisanteries de Marigny, qui dressa un état de
-répartition des 150,000 livres accordées pour la tête de Mazarin, et
-mettait tant pour le nez, tant pour les oreilles, tant pour la langue
-de M. le cardinal, tant pour les membres, etc.
-
-
-CHAPITRE XXIII.
-
- Page 323, ligne 23: La cour même et la plus grande partie des
- royalistes.
-
-Loret emploie dans cet endroit le mot _royaliste_, que nous avons
-conservé.
-
- Page 327, note 1re: Chavagnac.
-
-Ces _Mémoires_ de Chavagnac sont fort curieux, et ils auraient dû,
-ainsi que ceux de Bussy et de Navailles, être insérés par Petitot dans
-sa collection, plutôt que les Mémoires anonymes relatifs au
-dix-septième siècle, qui sont supposés; compilation médiocre, qui
-n'apprend rien qu'on ne trouve ailleurs.
-
- Page 327, ligne 14: A lever un régiment pour ce prince.
-
-Il y avait encore à cette époque un reste de ligue parmi les seigneurs
-huguenots, puisqu'ils faisaient une pension de huit mille livres au
-père du comte de Chavagnac. (Chavagnac, _Mémoires_, t. I, p. 141.)
-
- Pages 328, lignes 13 et 14: C'est pourquoi il s'attachait à se
- rendre maître de l'esprit du duc d'Orléans.
-
-Il est difficile de deviner ce qui a pu porter Lemontey à faire du
-cardinal de Retz un factieux dans la première partie de sa vie, un
-héros dans la seconde, si ce n'est la manie d'établir des contrastes
-piquants, et d'entasser des phrases ingénieuses aux dépens de la
-vérité. Cependant la lecture seule des _Mémoires_ du cardinal de Retz,
-faite avec discernement, suffit pour démentir l'idée que Lemontey veut
-en donner. Cet auteur ne paraît avoir étudié l'histoire de la Fronde
-que dans les _Mémoires_ de Retz; et il était difficile de choisir un
-guide plus infidèle et plus partial.
-
- Page 329, lignes 23 et 24: Et voulait brûler la maison où elles
- s'étaient réfugiées.
-
-Cette maison appartenait à un nommé Vaurouy.
-
- Page 331, ligne 6: Cependant Innocent.
-
-C'est par une distraction bien singulière qu'Anquetil a écrit (dans
-l'_Intrigue du Cabinet_, t. IV, p. 145) _Léon X_, au lieu d'_Innocent
-X_. Cette faute n'est point corrigée dans l'_errata_.
-
- Page 333, ligne 8: La duchesse d'Aiguillon et Fabert.
-
-Fabert était tout dévoué à Mazarin, qui lui avait confié l'importante
-place de Sedan, et lui avait donné ses nièces à garder.
-
- Page 334, ligne 7: Une autorité au moins nominale.
-
-Condé adjoignit à son frère, pour commander sous son nom, le comte de
-Marsin, un des généraux les plus expérimentés.
-
- Page 334, lignes 9 et 10: A des libelles outrageants pour tous deux.
-
-Conrart, à l'endroit cité, a le passage suivant: «On assure qu'ils
-(Jarzé et Sarrazin) ajoutaient qu'étant survenu quelque chose de
-pressé, où il fallait avoir les ordres du prince de Conti, on les
-avait été chercher dans la chambre de madame de Longueville, où on les
-trouva tous deux au même lit. Ces placards se sont vus imprimés.»
-
- Page 334, ligne dernière: Négligeait par trop le soin de sa
- personne.
-
-Cette malpropreté était de famille; car le grand Condé, selon
-_Mademoiselle_, était remarquable sous ce rapport. (Montpensier,
-_Mém._, t. XLI, p. 314; t. XLII, p. 220.)
-
- Page 336, ligne 8: A la muse spirituelle de Benserade.
-
-Cette chanson de Benserade commençait ainsi:
-
- Châtillon, gardez vos appas
- Pour une autre conquête:
- Si vous êtes prête,
- Le roi ne l'est pas.
-
-Bussy, dans son _Histoire amoureuse des Gaules_, rapporte le premier
-vers de cette chanson, et nomme l'auteur, Prospère. Ce qui prouve
-encore que les éditeurs de l'édition de 1754 ont mis les noms d'après
-la clef de la première édition, c'est que cette clef ne contenait pas
-l'explication du nom de Prospère, et qu'ils ont laissé ce nom sans
-explication. Loménie de Brienne nomme Benserade au lieu de Prospère,
-et dans l'édition de l'_Histoire amoureuse de France_ de 1710 le nom
-de Benserade est substitué à celui de Prospère. Les éditions récentes
-de l'_Histoire amoureuse des Gaules_, sous format in-8º, ne sont que
-des réimpressions de l'édition de 1754, avec de nouvelles fautes
-d'impression.
-
- Page 336, ligne 20: Cambiac se retira lorsqu'il sut que Condé
- était son rival.
-
-Lenet dit: «La princesse (de Condé la mère) tint un conseil composé de
-Roquette, de la duchesse (de Châtillon), de madame de Bourgneuf, de
-Cambiac, et de moi.» Ce passage prouve que Cambiac était du conseil
-intime de la princesse douairière, et confirme tout ce que Bussy en
-dit, page 181. On doit remarquer que MADEMOISELLE et Lenet confirment
-ce que Bussy dit sur Cambiac; ce qui vient à l'appui de l'assertion de
-Bussy dans sa lettre au comte du Saint-Aignan, où il affirme que dans
-l'_Histoire amoureuse des Gaules_ il n'a fourni que la broderie, mais
-que pour les faits, il n'a écrit que ce qui était connu à la cour. Il
-y a ici de notables différences entre les diverses éditons de ce
-livre. Celle de 1710, intitulée _Histoire amoureuse de France_, donne
-sans déguisement le nom de Cambiac.
-
- Page 338, ligne 15: Publiaient l'un contre l'autre des libelles
- anonymes.
-
-Gondi répondit à tous les écrits de Chavigny par un petit écrit
-intitulé _les Contre-temps du sieur de Chavigny_; pamphlet plein de
-sel et de gaieté, qui fit, dit-on, pleurer de rage celui contre lequel
-il était dirigé.
-
- Page 339, lignes 12 et 13: En empêchant les troupes du roi de
- pénétrer dans Orléans.
-
-On fit alors une estampe satirique qui représentait MADEMOISELLE en
-amazone, armée d'un grand balai, et balayant, comme une ordure,
-Mazarin hors des portes d'Orléans.
-
- Page 341, ligne 19 et 20: Qu'il protégeait contre tous les maux
- de la guerre-civile.
-
-Brienne dit: «On eût bien pu trouver des endroits convenables, en
-Normandie, au séjour de la cour; mais on craignait de donner de la
-jalousie et du soupçon à M. de Longueville, qui faisait en sorte que
-le roi y jouissait d'une partie de ses revenus, qui empêchait qu'on
-s'y soulevât, et qu'on y causât le moindre préjudice au service de S.
-M.; mais il donnait assez à entendre qu'il ne fallait pas en demander
-davantage de lui.»
-
- Page 342, lignes 4 et 5: Et une hideuse famine.
-
-Balzac écrivait à Conrart, le 20 novembre 1651: «Quand la paix se
-ferait demain, cette courte guerre y laissera une longue mémoire des
-maux qu'elle a faits. Si on réforme et si on règle ainsi les États,
-bien heureux sont les États qu'on laisse dans le désordre et la
-corruption.»
-
-
-CHAPITRE XXIV.
-
- Page 346, ligne 5: Une actrice.
-
-Cette actrice se nommait Baron.
-
- Page 347, ligne 4: La duchesse d'Orléans.
-
-La duchesse d'Orléans mit aussi à profit la fureur du jeu, et joua ses
-meubles contre des sommes qui surpassaient leur valeur, mais dont la
-destination était marquée d'avance. Cet exemple fut imité.
-
- Page 348, ligne 15: Leurs ouvrages et leurs exemples avaient donné
- un caractère plus grave à ces réunions d'hommes de lettres.
-
-Un maître des requêtes, membre de l'Académie Française, Habert de
-Montmor, était à cette époque le Mécène des gens de lettres. Il
-cultivait également les sciences et la littérature, et faisait
-facilement des vers latins. Il avait table ouverte pour les savants et
-les beaux esprits. Il en logeait plusieurs dans son hôtel. Gassendi,
-l'homme le plus universel de son temps, ce digne rival de Galilée et
-de Kepler, ce précurseur de Newton et de Leibnitz, logea chez lui, et
-y mourut. Les réunions dont il était l'oracle et le patriarche ne
-discontinuèrent pas même pendant les crises orageuses de l'année
-suivante. On y lisait fréquemment des lettres de la reine Christine,
-alors en correspondance avec Gassendi et avec plusieurs autres savants
-de Paris, qu'elle cherchait à attirer en Suède, donnant ainsi
-l'exemple rare, parmi les souverains, de sa prédilection pour un genre
-de gloire préférable à celui des conquêtes.
-
- Page 355, ligne 7: Saint-Évremond.
-
-Saint-Évremond a fait le portrait de la comtesse d'Olonne dans le
-temps où il en était lui-même amoureux. Sa mère se nommait Marie de
-Raynier. La comtesse d'Olonne mourut le 13 juin 1714.
-
- Page 359, avant-dernière ligne: Fit échouer les projets du cardinal.
-
-La sœur cadette de la comtesse d'Olonne épousa le maréchal de la
-Ferté. Les deux sœurs se ressemblaient par les mœurs, et demeurèrent
-ensemble vers la fin de leur vie. Elles étaient d'une branche cadette
-de la maison d'Angennes. Elles moururent toutes deux en 1714.
-Saint-Simon rapporte sur elles une anecdote curieuse à l'endroit cité.
-
-
-CHAPITRE XXV.
-
- Page 362, ligne 6: Quand on veut jaser et qu'on n'ose.
-
-Loret donne une épithète à chacune de ses lettres, pour en
-caractériser par un seul mot le contenu, et il a surnommé _tremblante_
-celle du 18 août. A la page 40 du livre III, il nous apprend que sur
-le Pont-Neuf les crieurs faisaient retentir la place des nouvelles
-victoires remportées contre les mazarinistes, tandis que chez le
-maréchal de L'Hospital on faisait ceux-ci victorieux.
-
- Page 362, lignes 17 et 18: On s'empressait aux sermons du père
- Le Boux.... du père George.....
-
-Le père Berthod indique encore un autre prédicateur qui, comme le père
-George, prêchait contre Mazarin; mais il n'en donne pas le nom. Nous
-apprenons par Loret que c'était à l'église de Saint-Severin que
-prêchait le père Le Boux; le père George prêchait aux Jacobins de la
-rue Saint-Honoré.
-
- Page 365, ligne 23: Le déguisement qu'il avait emprunté.
-
-On commanda à Condé de brider un cheval, et il ne sut comment s'y
-prendre. Une autre fois, on lui donna la queue de la poêle à tenir
-pour faire cuire une omelette, et, en voulant la retourner, il la jeta
-dans le feu. M. de Saint-Aulaire, dans son _Histoire de la Fronde_, t.
-III, p. 120, se trompe lorsqu'en parlant de cette marche il dit de
-Condé, «qu'il s'acquittait mieux qu'aucun de ses compagnons des
-différents rôles que lui imposait la nécessité». Il est à présumer
-qu'il n'a lu ni la relation de Chavagnac ni celle de Gourville, qui
-sont les deux véritables autorités pour ce point d'histoire. Nemours,
-qui avait fait une traversée semblable avec Chavagnac, pour aller en
-Flandre chercher les troupes espagnoles, s'était montré encore plus
-inexpérimenté. Malgré son courage, il ne pouvait supporter la fatigue
-et les privations; et il subissait tous les inconvénients d'une
-éducation molle et efféminée.
-
- Page 365, ligne 23: Contre un gentil-homme royaliste.
-
-La Rochefoucauld nomme ce gentil-homme La Bassinière; Chavagnac le
-nomme Bassiniac. Chavagnac raconte, à la page 151, un singulier acte
-de brutalité de Condé envers Guitaut.
-
- Page 367, lignes 13 et 14: Le Languedoc ne lui eût point été
- contraire.
-
-Du Languedoc il faut excepter la ville de Toulouse, que le parlement
-eût maintenue dans le parti du roi.
-
- Page 367, ligne 23: Condé se rendit à Paris.
-
-Loret nous apprend que ce fut un jeudi que Condé entra dans Paris. Le
-bas peuple cria _vive Condé!_ et des femmes du peuple allèrent à sa
-rencontre avec des lauriers.
-
-
-CHAPITRE XXVI.
-
- Page 373, ligne 3: Il chemina lentement.
-
-Le roi alla loger au Louvre, qui était alors entouré de fossés, et non
-aux Tuileries.
-
- Page 373, note 2: _Loménie de Brienne_.
-
-On dira peut-être, au sujet de cette citation de Loménie de Brienne,
-qu'elle prouve peu, parce que dans ce passage c'est le fils du
-maréchal de Villeroi qui dément les bruits injurieux répandus sur son
-père relativement à l'éducation de Louis XIV, dont le maréchal était
-gouverneur; mais ce témoignage vaut bien celui des ennemis de Mazarin,
-qui avaient plus d'intérêt à noircir ce ministre, que Villeroi fils à
-le disculper longtemps après sa mort.
-
- Page 377, ligne 12: La dispersion du papier par ceux de la paille.
-
-L'affaire du papier, quoique réprimée, produisit cependant son effet;
-elle amena la concession des passe-ports qu'on avait refusés aux
-bourgeois députés par le roi, et la démission de Broussel de sa place
-de prévôt des marchands.
-
- Page 377, ligne 16: Les partisans du roi dans Paris.
-
-Sève, annonçant au roi qu'il était suivi par un grand nombre de ses
-concitoyens, dit: «Sire, laissez-vous vaincre à leurs prières,
-rendez-vous à leurs larmes, etc.»
-
- Page 378, note 2: Berthod.
-
-La publication récente des Mémoires du P. Berthod a jeté un jour tout
-nouveau sur cette partie importante de l'histoire de la Fronde. Quand
-les masses sont préparées à une révolution, l'influence individuelle a
-une grande puissance; quand, au contraire, elles sont opposées à tout
-changement, cette influence est nulle.
-
- Page 380, ligne 19: Jaloux de la faveur dont il jouissait.
-
-Loret lui-même, quoique bon royaliste, n'aimait pas Mazarin, et dit
-qu'il est haï des provinces.
-
- Page 382, ligne 12: Mazarin reparut.
-
-Tandis que Condé pillait les convois de grains qui entraient dans la
-capitale, Mazarin les faisait protéger par les troupes royales. Quand
-il fallut conférer pour l'entrée du roi, ce ne fut pas aux chefs des
-partis, ou au prévôt des marchands, ou au gouverneur, que l'on voulut
-avoir affaire, mais avec les six corps des marchands et avec les trois
-cents bourgeois qui commandaient la garde urbaine. Voilà de
-l'habileté. MADEMOISELLE s'enfuit, masquée et déguisée, et sous un
-faux nom, dans le carrosse de madame de Montmort. Gaston, en partant,
-ne voulut point la voir; il lui reprochait de l'avoir poussé contre la
-cour. Les caractères faibles se font justice: ils sentent qu'ils ne
-peuvent rien par eux-mêmes, et attribuent toujours aux autres les
-fautes qu'ils commettent. Tous les membres du parlement, quelles que
-fussent leurs opinions, quelle qu'eût été leur conduite, furent
-convoqués au Louvre, à la réserve d'un très-petit nombre des plus
-factieux; savoir, Broussel, Vial, de Thou, Portail, Bertaut, Croissy,
-Fouquet, Machault-Fleury. Vincennes et la Bastille furent rendus par
-Louvière et madame de Chavigny, sur un simple ordre du roi. Gaston et
-le parti des princes voulurent faire croire à la cour que Paris était
-encore trop près de la révolte; ils demandaient du temps pour disposer
-la population à recevoir le roi; mais on était trop bien instruit de
-l'état des choses pour se laisser tromper, et la cour continua sa
-marche. La même situation se retrouva pour Louis XVIII. Fouché
-persuada au conseil du roi que les jacobins étaient encore redoutables
-dans Paris, et il arrêta le monarque à Saint-Ouen; par là on crut cet
-homme nécessaire ainsi que les siens, et il souilla la royauté de son
-ministère. On apprit ainsi aux peuples que le sceptre résidait entre
-les mains de la peur. Tous les malheurs qui suivirent viennent de
-cette première faute. Lorsque Louis XVIII crut devoir s'arrêter à
-Saint-Ouen, les jacobins avaient encore moins d'influence dans Paris
-que les frondeurs lors du retour de Louis XIV. On ne sut pas séparer
-le parti conventionnel ou jacobin du parti militaire ou bonapartiste;
-ces deux partis étaient bien distincts, et opposés. Ils se réunirent
-quand ils se virent enveloppés par la royauté dans une même défiance.
-Alors le roi et la monarchie restèrent dépouillés de leurs plus fermes
-appuis, et eurent pour ennemis les bonapartistes, qui alors, ayant
-répudié leur chef, avaient intérêt à tout conserver, à tout affermir,
-et au besoin à tout reconquérir.
-
- Page 383, lignes 4, 5 et 6: Cette marche habile lui acquit l'estime
- de tous les cabinets étrangers.
-
-De même que Richelieu, Mazarin ne sépara jamais ses intérêts de ceux
-du royaume, ni le royaume de la personne du roi. Lorsque Condé voulait
-dominer le roi, Mazarin conseillait à la reine de s'unir au
-coadjuteur, qui pourtant était son plus grand ennemi; et plus tard il
-préférait mettre le roi sous le joug de Condé, et par conséquent sous
-celui de ses sujets révoltés, plutôt que sous la domination des
-Espagnols.
-
- Page 386, ligne 21: Au lieu d'armer et de se fortifier.
-
-Le roi d'Angleterre (le prétendant) prêta au cardinal de Retz jusqu'à
-cent vingt hommes pour se fortifier.
-
- Page 387, lignes 5 et 6: Où il étala tant de luxe et de
- magnificence.
-
-Pendant la durée de cette ambassade, sa dépense se montait à huit
-cents écus par jour.
-
-
-CHAPITRE XXVII.
-
- Page 392, lignes 21, 23, 24: Condé... vient siéger sur les fleurs
- de lis.
-
-Monglat dit que ce fut le 10 août que Condé vint siéger au parlement.
-
- Page 393, note 1: DE VILLEFORE, la véritable vie d'Anne-Geneviève
- de Bourbon, duchesse de Longueville, etc.
-
-L'édition qui porte pour titre: _Vie de madame de Longueville_, et
-qui est sans nom de lieu, est faite à Paris. L'auteur n'est point
-nommé, tandis qu'il l'est deux fois dans l'édition d'Amsterdam, dans
-un avis du libraire et dans un avertissement d'éditeur. L'avis du
-libraire, qui indique les retranchements qu'a subis l'édition de
-Paris, est à la fin du volume.
-
- Page 399, ligne 2: C'est dans le château de celui-ci que se fit le
- mariage.
-
-Ce mariage se fit en 1646, vers la fin de l'hiver. Mademoiselle de
-Rohan avait vingt-sept à vingt-huit ans, et était d'une vertu sévère.
-
- Page 400, ligne 9: Sa mort termina ce romanesque procès.
-
-Tancrède mourut le 1er février 1649, âgé de dix-neuf ans. Conférez
-l'_Histoire de Tancrède de Rohan_ (par le père Griffet); Liége, 1767,
-in-12, p. 55 et 91. Ce volume, par les pièces justificatives qui le
-terminent, contient quelques documents curieux pour l'histoire.
-
-
-CHAPITRE XXVIII.
-
- Page 404, ligne 21: La duchesse n'y paraissait point.
-
-Mademoiselle de Montpensier décrit, dans ses Mémoires, une fête qui
-eut lieu chez la comtesse de Choisy, où il y eut comédie et collation.
-Puis elle ajoute: «Tout ce qu'il y avait d'hommes et de femmes à Paris
-y vinrent.» Ce qui veut dire, dans son langage, qu'il n'y avait pas un
-seul homme ni une seule femme de la classe bourgeoise.
-
- Page 404, les deux dernières lignes: C'est que c'était aux
- Tuileries, où elle demeurait alors.
-
-Mademoiselle de Montpensier fut délogée des Tuileries au retour du
-roi. Il faut lire dans l'endroit cité les regrets qu'elle exprime
-d'être forcée de quitter ces magnifiques appartements, où elle avait
-toujours habité.
-
- Page 408, ligne 12: Adonnée à l'astrologie et à la divination.
-
-Il faut lire dans Segrais la curieuse histoire de l'abbé Brigalier.
-
- Page 409, lignes 27 et 28: La présidente de Pommereuil pour
- le cardinal de Retz.
-
-Le cardinal de Retz donna au roi et à la reine d'Angleterre un repas
-si magnifique, qu'il fut pendant quelques jours, dans Paris, l'objet
-principal des entretiens des cercles et des ruelles.
-
- Page 410, ligne 3: Chez la marquise de Bonnelle.
-
-C'était, à ce qu'il paraît, d'après Loret, chez la marquise de
-Bonnelle que l'on jouait alors. Le jeu à la mode était celui de
-quinola ou le reversis. Il venait d'Espagne.
-
- Page 410, lignes 6 et 7: MADEMOISELLE faisait presque toujours
- venir les vingt-quatre violons.
-
-Les vingt-quatre violons firent partie de la maison du roi, mais ils
-ne formaient pas les seuls musiciens de la chambre; il y avait encore
-les joueurs de violons ordinaires, les joueurs de hautbois, de
-_saqueboutes_ et _cornets_, les joueurs de _phiphres_, _tabourins_ et
-_muzettes_. Tous avaient des gages, et les sommes qu'ils recevaient se
-lisent p. 143, 144, 168 et 169 de l'ouvrage du sieur de LA MARINIÈRE,
-intitulé _Estat général des officiers, domestiques et commençaux de la
-Maison du Roy_; Paris, 1660, in-8º. Ce livre est curieux et peu connu,
-et il ne faut pas le confondre avec l'_État de la France_, dont on
-publiait une nouvelle édition presque tous les ans, et auquel a
-succédé l'_Almanach royal_.
-
- Page 411, ligne 2: Joints aux négociations.
-
-La duchesse d'Aiguillon négociait à Saint-Germain pour le prince de
-Condé. Voyez Chavagnac, t. I, p. 167. Il y a dans cet endroit une
-erreur de pagination.
-
- Page 411, ligne 16: La gaieté régnait au milieu des dangers.
-
-Remarquons cependant que dans le midi la guerre se faisait avec
-acharnement, et donnait lieu à d'atroces forfaits: témoin l'affaire du
-chevalier de Canolle, pendu quoique prisonnier de guerre, et celle du
-père de Chavagnac, livré par ses propres troupes et assassiné par son
-maître d'hôtel.
-
- Page 412, lignes 14 et 15: Ces divers spectacles attiraient hors
- de Paris.
-
-Ces divertissements et ces communications eurent surtout lieu lorsque
-Turenne s'était retranché derrière le bois qui est sur les hauteurs de
-Villeneuve-Saint-Georges; alors les princes se trouvaient campés
-proche de Boissy-Saint-Léger, dans la plaine qui est entre ce village
-et le bois de Villeneuve-Saint-Georges (le bois du château de La
-Grange); le bois séparait les deux camps, et formait l'intervalle
-qu'aucune des deux armées n'osait franchir.
-
-
-CHAPITRE XXIX.
-
- Page 413, ligne 2 du texte: Fut encore augmenté par l'arrivée
- du duc de Lorraine à Paris.
-
-Ce fut le 5 septembre que le duc de Lorraine vint à Paris, accompagné
-du duc de Wurtemberg. Le duc de Lorraine était né en 1604.
-
- Page 414, lignes 10, 11 et 12: Faisait profession de ne tenir à
- sa parole qu'autant que son intérêt l'y obligeait.
-
-Pavillon, dans son Testament de Charles IV, a très-bien dit de lui:
-
- Il donna librement sa foi
- Tour à tour à chaque couronne;
- Il se fit l'étrange loi
- De ne la garder à personne.
-
-Cette morale dépravée fut commune parmi les guerriers de ce temps, et
-le duc de Lorraine fit plus d'un élève. On peut lire dans les
-_Mémoires de Loménie de Brienne_, t. II, p. 295, quels affreux
-conseils donnait à ce jeune homme entrant dans le monde le duc de
-Vendôme.
-
- Page 414, ligne 20: En épousant ensuite Béatrix de Cusane,
- princesse de Cantecroix.
-
-Le mariage du duc de Lorraine avec la princesse de Cantecroix eut lieu
-en 1637, à Besançon.
-
- Page 415, ligne 25: Les déterminations de Charles IV.
-
-La duchesse de Châtillon elle-même ne craignait pas de donner de la
-jalousie à Condé, en faisant des coquetteries au duc de Lorraine.
-
- Page 416, ligne 2: Ses manières si étranges parurent piquantes.
-
-Dans une promenade au Cours que le duc de Lorraine fit avec la
-duchesse de Chevreuse, sa fille, et madame de Frontenac, sa
-conversation fut tout à fait ordinaire. Voyez les Mémoires de Conrart.
-
- Page 416, ligne 10: Les troupes de tous les partis.
-
-Les troupes du duc de Lorraine n'étaient pas les seules qui commissent
-des désordres; celles des princes, les troupes royales elles-mêmes, ne
-se conduisaient pas mieux. Pour donner une idée de l'indiscipline de
-ces dernières, il suffit de dire que le maréchal d'Hocquincourt, qui
-les commandait, ne put empêcher sa maison d'être dévastée. Chavagnac
-avoue que pendant deux jours qu'il fut cantonné à Poissy, il reçut de
-riches présents des propriétaires des environs pour empêcher qu'ils ne
-fussent pillés.
-
- Page 416, ligne 20: Le chef d'une troupe de démons que, comme
- un général d'armée...
-
-Loret, dans sa gazette, raille ainsi les Parisiens de l'accueil qu'ils
-faisaient au duc de Lorraine:
-
- Les soldats du duc de Lorraine
- Ont enfin traversé la Seine,
- Et plusieurs des gens de Paris,
- Loin d'en avoir les cœurs marris,
- Après avoir mangé leurs soupes,
- Allèrent voir passer ces troupes
- Avant-hier, qu'il faisait beau,
- Dans la plaine de Long-Boyau.
- Ils ont brûlé cinq cents villages,
- Ravi douze cents pucelages,
- Fait deux mille maris cornus,
- Et pourtant sont les bien-venus.
-
- Page 418, ligne 15: L'abbesse de Pont-aux-Dames.
-
-Conrart place ce fait le 4 juin.
-
- Page 421, lignes 6 à 8: Elles portaient des rubans, des montres
- d'or, etc.
-
-Au sujet des habillements de ces religieuses, voici comment s'exprime
-saint Vincent de Paul:
-
-«Plures vestes monialum deferunt indecentes, et immodestas. In
-locutoriis se ostentant vittis ignei coloris fulgentes; horarias
-aureas, seu horologia aurea gestitant; chirotecas etiam raras, et quas
-vocant hispanas, induunt.» (G. DELORT, _Mes Voyages aux environs de
-Paris_, in-8º, t. II, p. 173.)
-
-
-CHAPITRE XXX.
-
- Page 425, ligne 6: Où chaque guerrier se bat avec acharnement.
-
-Cette bataille eut lieu le 5 juillet. Les descriptions qu'en ont
-données les historiens que j'ai cités se ressemblent toutes, et sont
-exactes; mais elles sont dépourvues de ces scènes animées qu'on trouve
-dans les Mémoires, et dont nous avons tenté de donner une esquisse. Il
-y a dans Ramsay, ainsi que dans Désormeaux, un très-beau plan de cette
-bataille; c'est le même dans les deux ouvrages. Il a été réduit dans
-l'édition in-12 de l'ouvrage de Désormeaux.
-
- Page 425, ligne 21: En versant des torrents de sang.
-
-L'aide de camp de Chavagnac, après s'être battu en brave homme, fut
-tellement frappé d'horreur du massacre de cette journée, qu'il quitta
-l'état militaire et se fit capucin.
-
- Page 426, ligne 16: Mais nul plus que Saint-Mesgrin.
-
-Personne n'était plus aimé à la cour que Saint-Mesgrin. Malgré sa
-jeunesse, il avait commandé en chef une armée en Catalogne, et déployé
-dans cette campagne les plus grands talents pour la guerre. La reine
-mère, dont il était chéri et favorisé, le pleura, et le fit inhumer
-avec pompe à Saint-Denis. Saint-Simon donne très en détail, dans
-l'endroit cité, toute l'histoire du père de ce jeune homme, qui mourut
-en 1665, à l'âge de quatre-vingt-trois ans. Il était gendre du
-maréchal de Roquelaure, et grand sénéchal de Guyenne. Saint-Simon nous
-apprend que le vrai nom du père de Saint-Mesgrin était Esthbuert; ce
-fut par une héritière de Caussade, dont il joignit son nom au sien,
-qu'il devint Saint-Mesgrin. Dans l'insipide ouvrage de Somaize, il y a
-quelques détails sur la duchesse de Chaulnes, qui fut veuve de
-Saint-Mesgrin, et sur les femmes qui étaient ses amies. Elle est
-désignée sous le nom de Clidaris; Sophronie est madame de Sévigné; le
-Palais-Sénèque est le Palais-Royal; Barsane est cette marquise des
-Brosses dont j'ai raconté les aventures touchantes dans la Vie de
-Maucroix. Le jeune de Fouilloux s'était joint aussi à Saint-Mesgrin,
-et périt dans la même action.
-
- Page 428, lignes 8 et 9: Dans une maison de particulier.
-
-Cette maison était celle d'un nommé de La Croix, maître des comptes.
-
-
-CHAPITRE XXXI.
-
- Page 431, ligne 16: Le duc de Beaufort, le héros de la populace
- de Paris.
-
-L'hôtel de Beaufort était alors rue Quincampoix.
-
- Page 431, lignes 19, 20: Qui épouvantèrent le gouverneur, le
- prévôt des marchands, les échevins.
-
-Le carrosse du prévôt des marchands fut attaqué par la populace, et un
-échevin fut blessé. On pilla la boutique d'un armurier nommé
-Regnicourt. Un nommé L'Espinois, capitaine de son quartier, manqua
-d'être jeté à l'eau, parce qu'il était accusé d'être retz ou mazarin.
-
- Page 431, ligne 21: Et forcèrent à fuir sous divers déguisements...
-
-La maréchale de Turenne, qui demeurait alors rue Saint-Louis au
-Marais, alla rejoindre la cour; Seguier, premier président, en fit
-autant, ainsi que le roi et la reine d'Angleterre, qui se trouvaient
-alors à Paris. (Loret, liv. III, p. 64.)
-
- Page 432, ligne 9: Força de recourir à une assemblée générale.
-
-Talon donne, dans cet endroit de ses Mémoires, des renseignements
-curieux et intéressants sur les grandes et les petites assemblées de
-la ville de Paris.
-
- Page 432, lignes 16 et 17: De ses soldats déguisés en gens du peuple.
-
-Lefebvre de La Barre, prévôt des marchands, donna sa démission
-aussitôt après le tumulte.
-
- Page 432, ligne 22: A se soustraire à la fureur populaire.
-
-Les vers de Loret, quoiqu'ils soient toujours dépourvus de grâce et de
-poésie, ont, en racontant ces scènes déplorables, une naïveté qui
-plaît, parce qu'on y voit une douleur sincère dans celui qui les
-écrivait. Ce gazetier si insipide, ce versificateur si plat, était un
-des plus honnêtes hommes de cette époque; il montre partout les
-sentiments d'un bon Français; et s'il flattait les grands, il ne les
-abandonnait pas dans le malheur, comme le prouva l'affaire de Fouquet.
-
- Page 434, ligne 24: Avaient encore augmenté le resserrement de la
- population.
-
-Talon dit qu'il y avait alors cent mille personnes auxquelles la
-charité était distribuée. Le pain blanc valait le 6 juillet onze à
-douze sous la livre (c'est vingt-quatre sous d'aujourd'hui). Le pain
-bis valait sept sous (quatorze sous).
-
- Page 435, ligne 21: Pour un vol de 300,000 livres de marchandises.
-
-C'est Chavagnac lui-même qui raconte ce fait. Ces marchandises
-appartenaient à des bourgeois de Paris.
-
- Page 435, ligne 25: Gaston fit aussitôt conduire le comte de
- Rieux à la Bastille.
-
-Il est fait mention de cette affaire du comte de Rieux dans plusieurs
-des Mémoires du temps; mais c'est dans les Mémoires de Talon qu'elle
-est le mieux détaillée.
-
- Page 436, ligne 11: Beau, galant, gracieux et enjoué.
-
-Voici le portrait que Bussy-Rabutin, qui n'est pas louangeur, nous a
-laissé du duc de Nemours: «Ce duc avait les cheveux fort blonds, le
-nez bien fait, la bouche petite et de belle couleur; il avait la plus
-jolie taille du monde, et dans ses moindres actions une grâce qu'on ne
-pouvait assez admirer; l'esprit fort enjoué et badin.»
-
- Page 438, ligne 25: Pour en arracher cette détermination.
-
-Condé, par le moyen de ses liaisons avec l'Espagne, avait obtenu, au
-moyen d'une rançon, la liberté du duc de Guise, fait prisonnier par
-les Espagnol, lors de son expédition contre le royaume de Naples; mais
-en arrivant à Paris le duc de Guise se déclara pour le roi, et siégea
-dans la séance où la déclaration royale qui proscrivait Condé fut
-enregistrée. Le duc de Rohan aussi accepta l'amnistie, et ne suivit
-pas Condé.
-
- Page 439, ligne 24: Depuis qu'il n'était plus obligé de la disputer
- à Nemours.
-
-Lorsque Condé, par une habile manœuvre, eut enfermé l'armée de
-Turenne entre la sienne et celle du duc de Lorraine, il fut saisi
-d'une fièvre qui lui dura quelques jours, et l'empêcha de profiter des
-succès de ses combinaisons. Guy-Joly dit, dans ses Mémoires, que cette
-indisposition de M. le Prince fut causée par une comédienne dont il
-s'était trop approché. Ce qui me semble prouver, comme je l'ai dit,
-que Condé bien avant son départ de Paris était fort refroidi à l'égard
-de la duchesse de Châtillon.
-
- Pages 441, lignes 1 et 2: De femmes qui dans le vice conservassent
- moins de respect pour la vertu.
-
-Sauval donne encore pour amants à la duchesse de Châtillon, Bouchu,
-intendant de Bourgogne, et Cambiac, auquel il donne le titre de
-chanoine d'Alby et de Montauban. Mais Sauval, mal instruit des choses
-de la cour, a écrit longtemps après les événements. Pour tous ces
-petits faits scandaleux, qui ont de l'importance par leur influence
-sur les grands événements, il faut consulter les Mémoires des
-personnes qui ont connu les personnages mêmes auxquels ces anecdotes
-sont relatives. Les Mémoires de Montpensier, de Motteville, et surtout
-ceux de Bussy, sont les meilleures sources et les plus authentiques.
-
-
-CHAPITRE XXXII.
-
- Page 446, ligne 17: Telles étaient les dispositions où se trouvait
- Balzac.
-
-Jean-Louis Guez, seigneur de Balzac, naquit en 1594 et mourut en 1655.
-Employé d'abord à Rome sous le cardinal de la Valette, il avait été
-fait conseiller d'État.
-
- Page 448, lignes 20 et 27: Le suivirent à Nantes.
-
-Salmonet était d'avis que le cardinal de Retz s'évadât; et s'il avait
-suivi ce conseil et qu'il eût cessé d'intriguer avec ceux du parti de
-Condé, il se serait encore arrangé avec la cour, tant la possession de
-l'archevêché de Paris et son union avec le clergé de cette ville le
-rendaient puissant, et exigeaient de ménagements de la part de
-l'autorité.
-
- Page 451, lignes 17 et 18: Après ce piquant écrit: _Vita Mamurræ_.
-
-La _Vita Gargillii Mamurræ_ fut composée en 1636, et imprimée en 1643
-par Adrien de Valois, dans un recueil de pièces contre Montmaur, t. I,
-p. 23. L'Anti-Gomorrhe, t. I, p. 44, de Sallengre, est de Charles
-Vion. Sallengre cite des mots de Montmaur très-spirituels. La _Vita
-Mamurræ_ est dédiée à un nommé Ferramus, avocat; il était de Boulogne.
-
- Page 452, ligne dernière du texte: Dans cette première édition des
- poésies de Ménage.
-
-Ménage, à la cinquième édition, ajouta à l'idylle d'Alexis les deux
-vers suivants, p. 146:
-
- Digne objet de mes vœux, à qui tous les mortels
- Partout, à mon exemple, élèvent des autels.
-
-Et dans la septième, à ces mots: _à la tendre amitié_, il substitua:
-_aux lois de l'amitié_; et à ceux-ci: _et dont l'âme insensible_,--_et
-toujours insensible_.
-
-
-CHAPITRE XXXIII.
-
- Page 456, ligne 1re du texte: Le marquis de Tonquedec était...
-
-Conrart rapporte les deux versions qui coururent dans le public sur
-cette première rencontre de Tonquedec et de Rohan: la version de Rohan
-et celle de madame de Sévigné (p. 91). Celle de madame de Sévigné
-mérite le plus de confiance, et est aussi la plus vraisemblable.
-
- Page 459, lignes 22 et 23: Et Loret même en avait parlé dans sa
- gazette.
-
-Loret, dans sa _Muse historique_, annonce ainsi cette affaire.
-
- Rohan, dont le cœur et la mine
- L'ont fait parvenir à l'hermine,
- Et le marquis de Tonquedec,
- Quoique dans un lieu de respec,
- Savoir, chez Sevigny la belle,
- Eurent entre eux grosse querelle, etc.
-
- Page 461, ligne 25: Le duc de Rohan mourut.
-
-Loret a donné la date précise de la mort du duc de Rohan, dans sa
-gazette datée du 6 mars, lorsqu'il dit:
-
- Ce fut depuis sept jours en çà
- Que le noble duc trépassa, etc.
-
-
-CHAPITRE XXXIV.
-
- Page 464, ligne 1re: Scarron se maria.
-
-L'époque du mariage de Scarron avec Françoise d'Aubigné (depuis madame
-de Maintenon) se trouve exactement déterminée par la gazette de Loret;
-cependant presque tous les auteurs qui ont écrit sur elle ou sur
-Scarron l'ont ignorée, ou, ce qui est pire, lui ont assigné une fausse
-date. M. Monmerqué, si curieux et si exact dans ses recherches, ne
-donne point la date de ce mariage dans l'article _Maintenon_, dont il
-a enrichi la _Biographie Universelle_. Madame Suard et Dreux du Radier
-placent ce mariage en 1650, deux ans avant sa véritable date. Madame
-Guizot le met en 1651, probablement sur l'autorité de La Beaumelle,
-qui même va jusqu'à désigner en marge le mois d'avril; mais la date de
-l'année comme celle du mois sont également fausses. Segrais, par ses
-contradictions, est la première cause de ces erreurs; dans une page de
-ses _Souvenirs_, il dit que Scarron se maria en 1650 (voyez page 100),
-et dans une autre, p. 105, en 1651. Les auteurs subséquents ont pris à
-peu près au hasard l'une ou l'antre date, sans se douter qu'ils ne
-choisissaient qu'entre deux erreurs. Cependant, longtemps avant moi,
-les frères Parfaict, dans leur _Histoire du Théâtre français_,
-avaient, d'après la gazette de Loret, donné la véritable date. M.
-Fabien Pillet, dans l'article _Scarron_, de la _Biographie
-Universelle_, a bien dit que ce mariage eut lieu en 1652, mais sans
-aucune discussion, et sans détermination plus précise. C'est dans sa
-lettre 52, du 31 décembre 1651 (liv. II, p. 179), que Loret parle du
-projet de Scarron de se transporter en Amérique avec la sœur Céleste
-(mademoiselle de Palaiseau), quand le printemps sera venu; nulle
-mention alors que Scarron eût pris femme: c'est dans la lettre 22 du 9
-Juin 1652 (liv. III, p. 77) que Loret parle du mariage récent de
-Scarron, et de son procès avec sa belle-mère.
-
- Monsieur Scarron, esprit insigne...,
- Avait un procès d'importance,
- Lequel il a perdu tout net.
- . . . . . . . . . . . . . . .
- Car enfin ledit personnage
- Ayant contracté mariage
- Avec une épouse ou moitié,
- Qu'il a prise par amitié,
- Il était chargé, ce me semble,
- De deux pesants fardeaux ensemble.
-
-C'est à l'imitation de Scarron que Loret écrivait sa gazette en style
-burlesque. Il le regardait comme son maître et son modèle dans ce
-genre d'écrire. Il professait pour lui la plus grande admiration. Il
-donne place dans sa gazette aux plus petites choses qui le concernent.
-Si donc ce mariage avait été antérieur de plus de quinze jours à cette
-feuille du 9 juin, Loret n'aurait pas manqué d'en faire mention dans
-les gazettes antérieures; il n'en dit rien: donc c'est entre la
-gazette qui a précédé celle-ci et le 9 juin que ce mariage a eu lieu.
-
- Page 463, note 2: _Lettre_ à mademoiselle d'Aubigné.
-
-Cette curieuse lettre de Scarron est certainement adressée à
-mademoiselle d'Aubigné, quoique son nom ne soit pas dans les éditions.
-Les correspondances de Scarron, de madame de Maintenon, et de Bussy,
-ont été imprimées avec une négligence qui les rend souvent
-inintelligibles même aux plus instruits.
-
- Page 464, lignes 7 et 8: Agée de seize ans et demi.
-
-Madame de Maintenon était née le 28 novembre 1635; elle avait donc
-seize ans et demi lors de son mariage; son frère était plus jeune.
-
- Page 465, lignes 6 et 7: Contemplez cet enfant qui se joue sur le
- rivage de Sicile.
-
-Des recherches récentes, dues à un savant Italien, sur l'origine de la
-famille de Mazarin, ont constaté ces faits. Ils m'ont été communiqués
-par M. Artaud de Montor, qui a résidé longtemps en Italie, auquel nous
-devons la meilleure traduction et la meilleure vie du Dante, et tant
-d'excellents ouvrages qui concernent l'Italie. Saint-Simon, si curieux
-et si savant sur tout ce qui se rapporte aux recherches généalogiques,
-avait en quelque sorte deviné la naissance infime de Mazarin; car dans
-ses _Mémoires_, après avoir parlé des nièces du cardinal, il dit: «Si
-les pères de ces nièces n'étaient rien, leurs mères, sœurs du
-cardinal Mazarin, étaient, s'il se peut, encore moins. Jamais on n'a
-pu remonter plus haut que le père de cette fameuse éminence, ni savoir
-où elle est née, ni quoi que ce soit de sa première jeunesse. On sait
-seulement qu'ils étaient de Sicile; on les a crus des manants de la
-vallée de Mazare, qui avaient pris le nom de Mazarin, comme on voit à
-Paris des gens qui se font appeler Champagne, Bourguignon. La mère du
-cardinal était Buffalini. Son père mourut obscur à Rome, en 1654, âgé
-de soixante-dix-huit ans. Cela n'y fit pas le moindre bruit. Les
-nouvelles publiques de Rome eurent la malice d'y insérer ces mots:
-«Les lettres de Paris nous apprennent que le seigneur Pietro Mazarini,
-père du cardinal de ce nom, est mort en cette ville de Rome, etc.» (T.
-XI, p. 190.) Loménie de Brienne, qui écrivait du vivant même de
-Mazarin, et lorsqu'il était tout-puissant, ne savait rien non plus sur
-son origine; il dit, t. II, p. 10: «Que le cardinal fût de Rome ou de
-Mazara, qu'il fût né gentil-homme ou non, je laisse ces difficultés à
-débrouiller aux généalogistes.»
-
- Page 466, ligne 24: Au dur despotisme d'une parente avare.
-
-Cette parente était la comtesse de Neuillant, mère de madame la
-duchesse de Navailles.
-
- Page 466, lignes 26 et 27: On la croyait née en Amérique.
-
-Saint-Simon le croyait encore, et ignorait de qui elle était
-descendue. La justice vient tard pour les personnages qui ont exercé
-un grand pouvoir; tout ce que dit Saint-Simon sur madame de Maintenon
-est l'expression de la haine et le résultat de la plus injuste
-partialité. Il en est de même de ce qu'a dit MADAME (mère du duc
-d'Orléans, régent) dans sa correspondance. Il en est de même de
-presque tous ceux qui ont écrit sur cette femme célèbre dans le temps
-de sa faveur. Pendant tout le dix-huitième siècle les philosophes, à
-cause de sa dévotion, lui ont attribué sur les affaires une influence
-qu'elle n'avait pas, afin de pouvoir rejeter sur elle les malheurs
-publics et les désastres des dernières années du règne de Louis XIV.
-Ce n'est que de nos jours que l'on a commencé à la juger
-impartialement.
-
- Page 467, lignes 17 et 18: Loret, en devisant sur ce prétendu
- voyage dans sa bavarde gazette.
-
-Dans la lettre 25, en date du 5 octobre 1652, liv. III, p. 139, Loret
-dit:
-
- Monsieur Scarron, auteur burlesque,
- Fort aimé du comte de Fiesque,
- Est parti de cette cité
- Ayant sa femme à son côté,
- Ou du moins en étant bien proche,
- Lui dans une chaise, elle en coche,
- Pour devers la ville de Tours
- Aller attendre quelques jours
- L'embarquement pour l'Amérique,
- Où sa personne poétique
- Espère trouver guérison.
-
-Puis, dans la lettre 45, en date du 9 novembre 1652, liv. III, p. 154,
-c'est-à-dire un mois après la lettre précédente:
-
- J'avais dit, en juin ou juillet,
- Que cet esprit rare et follet,
- Admiré de tout galant homme,
- Qui le petit Scarron se nomme,
- Avait choisi par amitié
- Une jeune et belle moitié.
- J'ai dit, en une autre semaine,
- Que vers les champs de la Touraine
- Icelui s'était transporté
- Ayant sa femme à son côté,
- Avec intention formée
- (Ce disait lors la Renommée)
- D'attendre, sans y manquer,
- La saison propre à s'embarquer,
- Pour voguer en terre lointaine,
- Que l'on appelle américaine,
- En laquelle il prétend, dit-on,
- Devoir rehausser son menton.
- Or, j'ai maintenant à vous dire
- Que cet auteur à faire rire,
- Nonobstant son corps maladif,
- Est devenu génératif;
- Car un sien ami tient sans feinte
- Que sadite épouse est enceinte
- De trois ou quatre mois et plus.
- Et puis dites qu'il est perclus!
-
-Madame de Maintenon écrivait, dans une de ses lettres à son frère:
-«Vous savez que je n'ai jamais été mariée.»
-
- Page 468, lignes 15 et 16: C'est elle-même qui a fait l'aveu de ce
- dernier motif comme d'une faiblesse...
-
-Dans le passage cité de La Beaumelle, elle dit: «J'en suis punie
-aujourd'hui par l'excès de faveur; comme si Dieu m'eût dit, dans sa
-colère: Tu veux de la gloire et des louanges: eh bien! tu en auras
-jusqu'à en être rassasiée.»
-
- Pages 468 et 469, lignes dernière et première: Les doutes qu'on a
- élevés sur madame Scarron au sujet du marquis de Villarceaux.
-
-Tallemant des Réaux, après avoir rapporté un voyage que madame Scarron
-fit au château de Villarceaux avec Ninon, et l'amour que Villarceaux
-avait pour madame Scarron, et les efforts qu'il fit pour la séduire,
-termine ainsi: «On croit cependant qu'elle n'a pas franchi le pas.»
-Scarron à l'endroit cité marque le commencement de sa liaison avec
-Villarceaux, et ajoute: «Je vous en dirai demain davantage chez
-mademoiselle de Lenclos, où je me ferai porter à l'heure du dîner.»
-
- Page 469, ligne 21.
-
-La pièce de Scarron intitulée _Étrenne à mademoiselle de Lenclos_ est,
-suivant moi, du temps de la jeunesse de Scarron et de Ninon. Voici le
-passage de Saint-Simon sur la liaison de madame de Maintenon avec
-Ninon: «Elle (Ninon de Lenclos) avait été amie intime de madame de
-Maintenon tout le temps que celle-ci demeura à Paris. Madame de
-Maintenon n'aimait pas qu'on lui parlât d'elle, mais elle n'osait la
-désavouer. Elle lui a écrit de temps en temps jusqu'à sa mort avec
-amitié. Lenclos (car Ninon avait pris ce nom depuis qu'elle eut quitté
-le métier de sa jeunesse longtemps poussée) n'y était pas si réservée
-avec ses amis intimes; et quand il lui est arrivé de s'intéresser
-fortement pour quelqu'un ou quelque chose, ce qu'elle savait rendre
-rare et bien ménager, elle en écrivait à madame de Maintenon, qui la
-servait efficacement et avec promptitude; mais depuis sa grandeur
-elles ne se sont vues que deux ou trois fois, et bien en secret.»
-
- Page 472, ligne 14: Il propose des plans d'entreprise.
-
-Il s'agissait de créer des offices de _déchargeurs_ pour les
-marchandises, auxquels une compagnie aurait avancé des fonds pour
-payer les droits, et faire rendre et décharger les marchandises dans
-les magasins, aux frais, risques et périls des déchargeurs.
-
- Page 473, ligne 7: Sa femme obtint une pension.
-
-La Beaumelle place en 1653 la pension de seize cents livres que madame
-de Maintenon obtint par l'entremise de madame Fouquet.
-
- Page 473, lignes 17 et 18: Qui chantaient les louanges de la belle
- Indienne.
-
-Voici quelques vers de la pièce de La Mesnardière, intitulée _la Belle
-Indienne_, à la jeune, belle et spirituelle madame Scarron:
-
-
-_Galanterie._
-
- Quant à moi, je me persuade
- Que ce rare et plaisant malade,
- Votre fameux et cher époux,
- Se passera fort bien de vous.
- . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Et pour lui faire voir, ma belle,
- Combien votre approche est mortelle,
- Je connais des gens à la cour
- Qui, pour avoir vu certain jour
- Seulement votre gorge nue,
- En ont la fièvre continue.
- Quel devrait être leur tourment,
- S'ils vous voyaient à tout moment!
-
-Ceci prouve, au reste, qu'alors la mode pour les femmes était de se
-découvrir le sein lorsqu'elles étaient habillées; mais ce n'est pas
-sur ce ton que la Mesnardière louait les appas de la marquise de
-Rambouillet, ou de sa fille, la duchesse de Montausier. Segrais
-rapporte que Scarron avait un valet fort simple et fort benêt, auquel
-les jeunes seigneurs qui venaient chez lui s'amusaient à demander si
-son maître ne ferait pas bien un enfant à sa femme, parce qu'il
-répondait toujours: «Oui-da, monsieur, s'il plaît à Dieu.»
-
- Page 473, ligne 23: Qu'avant l'invention des sonnettes de renvoi.
-
-Saint-Simon dit aussi de l'abbé de Fleury, dans ses _Mémoires_, qu'il
-s'était rendu agréable dans plusieurs maisons, et qu'il suppléait aux
-sonnettes avant leur invention.
-
- Page 474, ligne 16: Nos recherches n'ont pu nous faire découvrir.
-
-J'ai cherché en vain l'époque de l'invention des sonnettes de renvoi
-dans les ouvrages qui décrivent l'art de la serrurerie, dans le grand
-Dictionnaire des Inventions. Elle n'est pas ancienne; et en parcourant
-les gazettes publiques du commencement de la régence, on doit pouvoir
-la déterminer facilement. Ceci m'a donné occasion de remarquer
-plusieurs passages de Saint-Simon qui nous indiquent les époques
-auxquelles il a écrit les différents volumes de ses _Mémoires_. Né en
-janvier 1675, déjà en 1699, à l'âge de vingt-quatre ans, il les avait
-commencés, puisque alors il consultait l'abbé de Rancé pour savoir si
-en sûreté de conscience il pouvait se permettre de les continuer. Ce
-qui concerne l'année 1714 a été écrit ou retouché postérieurement à
-l'année 1732 (voy. t. XI, p. 371), puisque Saint-Simon cite dans cet
-endroit ce que Du Halde lui a dit en 1732. L'année 1715 a été écrite
-en septembre 1745 (voyez t. XII, p. 248); une autre portion de ces
-_mémoires_, en 1746, c'est-à-dire plus de trente ans après
-l'événement. Le discours préliminaire, ou l'introduction, est daté de
-juillet 1743; c'est dans cette année ou dans l'année précédente qu'a
-été écrit le XVIIIe volume, qui concerne les années 1719 et 1721.
-
- Page 474, deux dernières lignes: Qu'elle fit pleuvoir sur ses
- anciennes protectrices.
-
-On trouve dans les lettres de Scarron quelques détails curieux sur les
-rapports de madame Scarron avec les grandes dames ses protectrices,
-dont quelques-unes ont été depuis protégées par elle. Scarron, t. I,
-p. 92, écrit au maréchal d'Albret: «Madame Scarron a été à
-Saint-Mandé. Elle est fort satisfaite de la civilité de madame la
-surintendante (madame Fouquet); et je la trouve si férue de ses
-attraits, que j'ai peur qu'il ne s'y mêle quelque chose d'impur. Mais
-comme elle ne va que quand ses amis la mènent, faute de carrosse, elle
-ne peut lui faire sa cour aussi souvent qu'elle le souhaite.»--Il dit
-encore au maréchal d'Albret: «Votre carrosse rendait ma petite porte
-vénérable à tous les habitants de la rue Saint-Louis.»--Dans sa lettre
-au duc d'Elbœuf, il se plaint que madame de Montchevreuil lui a
-enlevé madame Scarron.
-
-
-CHAPITRE XXXV.
-
- Page 479, avant-dernière ligne: Dans le grenier d'une maison
- voisine
-
-Le maître de la maison dans laquelle Marigny s'était retiré ne sut que
-longtemps après qu'il avait donné refuge à un criminel d'État, et les
-soins que sa servante lui avait rendus. C'est presque aussitôt après
-s'être évadé de Paris, et au commencement de l'année 1655, que Marigny
-écrivit de Bruxelles cette lettre à Gaston, qui depuis a été imprimée,
-et où il lui parle de toutes les beautés que le prince avait eu
-occasion de fréquenter autrefois pendant son séjour dans la capitale
-de la Flandre. Cette lettre nous apprend que la comtesse flamande qui
-envoya un médaillier à Gaston, dont parle mademoiselle de Montpensier,
-mais qu'elle ne nomme pas, était la marquise de Lédé.
-
-
-CHAPITRE XXXVI.
-
- Page 488, ligne 19: Nulle femme n'a jamais su mieux qu'Anne
- d'Autriche tenir un cercle.
-
-Saint-Simon dit que Louis XIV, élevé dans les cercles brillants de la
-reine sa mère, aurait voulu les faire revivre, mais qu'il ne put y
-parvenir. Ces cercles finirent avec elle.
-
- Page 490, ligne 24: Toutes les fois qu'on donnait _le Cid_.
-
-On représenta _le Cid_ aux noces de mademoiselle de Schomberg, et il
-eut alors un succès extraordinaire.
-
- Page 492, lignes 16 et 17: Dans son château de Saint-Fargeau,
- qu'elle agrandissait.
-
-Ce fut Le Vau, architecte du roi, qui fit les nouvelles constructions
-du château de Saint-Fargeau. MADEMOISELLE y dépensa plus de 200,000
-fr., valeur de cette époque (400,000 fr.). Elle avait avec elle dans
-son exil la vieille comtesse de Fiesque, puis sa belle-fille la
-comtesse de Fiesque la jeune, et madame de Frontenac. Elle eut de
-fréquentes querelles avec ces deux dernières: elle n'en était guère
-aimée, et leur rendait le change. La vieille madame de Fiesque voulut
-introduire dans le château mademoiselle d'Outrelaise, qu'à cette
-occasion Loret nomme la _divine_. Nous reviendrons sur cette
-expression, et sur mademoiselle d'Outrelaise, lorsque madame de
-Sévigné, qui fait mention d'elle, nous en fournira l'occasion.
-
- Page 492, ligne 19: Sa naine.
-
-Loret, dans sa gazette, annonce sa mort et fait son épitaphe. Il dit
-qu'en la mettant dans une petite balance, avec sa robe, sa chemise et
-sa coiffure, elle ne pesait pas plus qu'un louis d'or. Si le fait
-était rigoureusement vrai, il resterait à déterminer quel était le
-poids d'un louis d'or en 1653.
-
- Page 492, ligne 20: Entretenait une troupe de comédiens.
-
-Nous avons dit qu'on ne donnait pas une grande fête, pas un grand
-repas, sans le secours des comédiens. Ainsi lorsque le président
-Tubœuf régala toute la cour dans son château de Ruel, qui avait
-appartenu au cardinal de Richelieu, il fit représenter, avec des
-décorations de Beaubrun, la pastorale d'_Amarillis_, qui avait eu tant
-de succès l'année précédente. Beaubrun était un fameux peintre de
-portraits, qui mourut en 1692, à quatre-vingt-huit ans. Loret a décrit
-le repas donné au mois d'août à MONSIEUR par Mazarin, et où se
-trouvèrent le roi, les deux reines, c'est-à-dire la reine mère et la
-reine d'Angleterre, avec les princes ses fils, le prince et la
-princesse de Galles, le duc d'York et le duc de Glocester, qui venait
-d'arriver; et dans cette description le gazetier n'oublie pas de nous
-dire
-
- Qu'après les friands aliments
- Vinrent les divertissements,
- Savoir, d'excellentes musiques
- Et de beaux spectacles comiques.
-
-Loret nous apprend que le service fut fait en argent ou porcelaine. La
-porcelaine était donc alors en usage. Voyez Loret, liv. IV, p. 97, et
-liv. V, p. 24.
-
-Loret, en décrivant le repas donné par le duc d'Arpajon, dit:
-
- Tout y fut assez jovial,
- Car la comédie et le bal
- Qui suivirent cette abondance
- Divertirent fort l'assistance.
-
-Et aussi, lors du festin pour les noces du marquis de Bade:
-
- Enfin, après ce grand repas
- Si semé de plats et d'appas,
- On ouït quelque mélodie,
- Et sur le soir la comédie.
-
-Voyez Loret, liv. V, p. 19, lettre en date du 7 janvier 1654, et p.
-24, lettre en date du 21 février 1654. Je pourrais multiplier ces
-exemples.
-
- Page 493, ligne 25: Et celui du Petit-Bourbon.
-
-Loret nous apprend ce fait dans sa gazette du 30 août 1653:
-
- Une troupe de gens comiques
- Venus des climats italiques,
- Dimanche dernier, tout de bon,
- Firent dans le Petit-Bourbon
- L'ouverture de leur théâtre.
-
- Page 494, ligne 19: Ayant pour titre _la Nuit_.
-
-La description de ce ballet de _la Nuit_ fut imprimée chez Ballard;
-mais il en existe une copie manuscrite in-folio à la bibliothèque de
-l'institut, avec les dessins de tous les personnages revêtus de leurs
-costumes, peints à l'aquarelle. Ces costumes étaient riches en
-couleurs, chargés d'or et d'argent, de galons, et de paillettes
-brillantes, bizarres et fantastiques.
-
-Je remarque que, dans la prolixe description qu'il a donnée de ce
-ballet, Loret parle de Villequier (probablement le duc de Villequier)
-qui distribuait des billets, et faisait placer tout le monde. La rue
-qui passait devant le théâtre du Petit-Bourbon, et qui était une
-continuation de la rue actuelle des Poulies, se nomme Villequier sur
-le plan de Paris de Berey de 1654; et je crois que ce nom a échappé à
-Jaillot, et à tous les laborieux scrutateurs des origines de Paris.
-
- Page 496, lignes 12 et 13: La suite en fit voir de déplorables
- conséquences.
-
-Philippe de France ou MONSIEUR, frère de Louis XIV, naquit le 21
-septembre 1640; Louis XIV, le 5 septembre 1638. Les preuves abondent
-sur les goûts dépravés de MONSIEUR, qui inspiraient à son frère une
-juste aversion. Saint-Simon, à l'endroit cité, dit: «Le goût de
-MONSIEUR n'était pas celui des femmes, et il ne s'en cachait pas.» A
-ce ballet de _la Nuit_, le duc de Buckingham, fils de celui qui excita
-si vivement la jalousie de Louis XIII par ses attentions pour Anne
-d'Autriche, représenta le démon du feu. (Benserade, t. II, p. 57.)
-
-Je remarque dans les diverses descriptions de ce ballet que certains
-objets de luxe étaient alors d'une cherté qu'on a peine à concevoir
-aujourd'hui: ainsi Loret nous apprend qu'une orange de Portugal
-coûtait cinq livres, c'est-à-dire dix livres de notre monnaie
-actuelle. (Loret, liv. IV, p. 59.)
-
- Page 497, lignes 11 et 12: Monsieur et madame de Montausier
- étaient occupés à solliciter.
-
-La marquise était venue à Paris la première, pour solliciter Mazarin.
-Son mari ne vint l'y rejoindre qu'après la paix de Bordeaux, le 31
-juillet.
-
- Page 498, lignes 20 et 21: Ne sont pas toujours exemptes
- d'obscénités.
-
-Voyez, p. 74 de ce recueil de Sercy, une pièce intitulée _A une
-demoiselle tourmentée de vents_, dont je ne puis rien citer. Cela se
-dédiait à un aumônier du roi, et s'imprimait avec privilége du roi. Le
-privilége est du 19 janvier 1653. Le livre fut achevé d'imprimer le 24
-mars de la même année.
-
- Page 498, note 1: _Poésies choisies_, etc.
-
-C'est dans ce recueil de Sercy qu'on trouve aussi pour la première
-fois imprimés les vers pour la Guirlande de Julie, et les épigrammes,
-rondeaux et impromptus auxquels la dispute des sonnets de Job et
-d'Uranie a donné lieu.
-
-
-CHAPITRE XXXVII.
-
- Page 505, note 1: CORBINELLI, _Histoire de la maison de Gondi_.
-
-L'histoire généalogique de la maison de Gondi a été composée par
-Corbinelli, en commun avec Ant. Pezay. La duchesse de Lesdiguières en
-fit les frais. C'est un ouvrage magnifique, pour la beauté des
-portraits. Des _Anciens Historiens réduits en Maximes_, il n'y a
-d'imprimé que les extraits de Tacite.
-
- Page 505, ligne 11: Il se logea dans le quartier du Marais du
- Temple.
-
-Saint-Simon nous apprend qu'au sujet des différents quartiers de
-Paris, et des statues de nos rois qui s'y trouvaient, on disait: Henri
-IV avec son peuple sur le Pont-Neuf, Louis XIII avec les gens de
-qualité à la place Royale, et Louis XIV avec les maltôtiers à la
-place des Victoires. Sur quoi Saint-Simon ajoute: «Celle de Vendôme,
-faite longtemps depuis, ne lui a guère donné meilleure compagnie.»
-
- Page 506, ligne 3: Il l'acheta 270,000 livres.
-
-Bussy dit quatre-vingt-dix mille écus. C'était l'écu de 1641, qu'on
-appelait louis blanc; mais alors le louis d'or ne valait que 12 f., ou
-plutôt 11 f. 05. Voyez l'_Extrait de tous les Édits et déclarations
-sur les Monnaies_, 1643, in-4º. Bussy, dans l'histoire qu'il adonnée
-de cette charge de mestre de camp de la cavalerie légère, remonte
-jusqu'à sa première formation, due à un seigneur albanais nommé George
-Castriol, sous Charles VIII. Le prix de ces charges était énorme.
-Ainsi le marquis de Soyecourt vendit 400,000 liv. (800,000 fr.) la
-charge de maître de la garderobe au duc de Roquelaure, qui se maria
-ensuite à la belle du Lude (Loret, _Muse historique_, liv. IV, p. 106
-et 107). Beringhen acheta le même prix de Saint-Simon (le père de
-l'auteur des _Mémoires_), alors en disgrâce, la chaire de premier
-écuyer, et de plus 20,000 fr. de pension sa vie durant. De tels prix
-ne pouvaient provenir que des droits et priviléges lucratifs attachés
-à ces charges. Mais ce qu'on a plus de peine à comprendre, c'est le
-haut revenu des gouverneurs des petites places de guerre. Celle de
-Doullens une des moindres, valait à son gouverneur vingt mille écus
-(120,000 fr. monnaie actuelle).
-
- Page 507, ligne 26: La vicomtesse de Lisle.
-
-Cette madame de Lisle, dont parle Bussy, était probablement
-belle-fille du comte de Lisle qui en 1654 servait sous Conti, à
-l'armée de Catalogne. Voyez _Histoire de la Monarchie Françoise sous
-le règne de Louis le Grand_, 1697, in-12, t. II, p. 66, 4e édit.
-
- Page 513, ligne 1: Madame de Précy s'aperçut qu'elle était jouée.
-
-Dans les éditions de 1710 (p. 337), comme dans l'édition de 1754, le
-récit de Bussy finit ainsi: «J'en avertis madame de Monglas, ce qui
-fut cause qu'elles rompirent ensemble, et que dans la suite cette
-belle eut toutes les raisons du monde de croire que j'avais
-véritablement de l'amour pour elle.» Dans les deux éditions de Liége
-sans date, page 69 de l'une, page 207 de l'autre, on lit pour cette
-fin: «Le grand jour obligea la compagnie à se séparer, et la fin de
-cette histoire mit fin à l'entretien des quatre illustres pénitents,
-qui après une si belle préparation s'en retournèrent à Paris faire
-leurs pasques.» Au lieu de cette fin, qui est une dérision, on lit ce
-qui suit dans le manuscrit de l'Institut: «Mais madame de Monglas, qui
-était prévenue de ses artifices, lui battit froid là-dessus; et c'est
-là où finit cette plaisante affaire, à cause que la fonction de ma
-charge m'obligea d'aller à l'armée.»
-
-
-CHAPITRE XXXVIII.
-
- Page 515, ligne 8: Le nombre de mariages.
-
-Les principaux mariages qui eurent lieu pendant cet hiver dans la
-noblesse furent ceux du marquis de Bade et de la princesse de Savoie,
-et du comte d'Orval. Le grand maître de l'artillerie donna un dîner au
-roi; les religieuses même s'en mêlèrent. Il y eut un repas magnifique
-donné à la reine par l'abbé de Saint-Antoine, qui coûta 3,130 écus, ou
-environ 18,760 francs de notre monnaie actuelle.
-
- Page 517, note 1: _Description particulière du grand ballet de_
- Pélée et Thétis, etc.
-
-Dans cet ouvrage les costumes de chaque rôle sont décrits; on donne
-les noms de tous les acteurs, au nombre desquels étaient le roi de
-France, le duc d'York, la princesse d'Angleterre. Les figures de
-l'exemplaire qui est à la bibliothèque de l'Institut sont sur papier,
-mais peintes ou enluminées, et collées sur vélin. Le roi (Louis XIV)
-s'y trouve avec son costume d'Apollon. Ainsi que je l'ai déjà dit, ces
-costumes n'ont rien d'antique; ils sont bizarres, de mauvais goût,
-seulement éclatants par la richesse.
-
-Le ballet de _Pelée et Thétis_ fut joué alors, pour la dernière fois,
-en mai 1654. Cependant ce goût des ballets dura longtemps: dans un
-beau tableau de Mignard, que nous possédons, madame de Thianges est
-représentée en Thétis, tenant par la main le duc du Maine, âgé
-d'environ douze ans, costumé en guerrier, et figurant Achille
-adolescent. Loret nous apprend que des particuliers, à l'exemple du
-roi, firent jouer chez eux des ballets en action. Un sieur Maréchal
-fit représenter chez lui un ballet intitulé _les Plaisirs de la Vie_.
-
- Page 518, ligne 8: Par les révélations de La Porte.
-
-Voltaire a très-bien jugé ce fait, et bien apprécié la conduite de La
-Porte. La haine contre le cardinal l'aveugla; il crut avoir trouvé
-occasion de le perdre par la plus absurde des accusations. Mais La
-Porte était de bonne foi dans cette accusation.
-
- Page 518, ligne 24: Cette gentille Henriette.
-
-Louis XIV, à qui Henriette d'Angleterre plut peut-être trop par la
-suite, ne l'aimait pas dans sa jeunesse; ou plutôt encore adolescent,
-et dans la première effervescence des sens, l'instinct de la nature
-lui faisait préférer les femmes formées à celles qui étaient à peine
-sorties de l'enfance. En 1645, dans un bal où se trouvait la princesse
-d'Angleterre, il se disposait à commencer la danse avec Olympe
-Mancini: l'impétueuse Anne d'Autriche, qui était présente, devint
-rouge de colère, arracha à son fils la nièce du cardinal, qu'il tenait
-à la main, et le força d'aller prier la princesse d'Angleterre. Elle
-lui fit sévèrement sentir qu'étant roi, c'était à lui, plus qu'à tout
-autre, de donner l'exemple du respect et des honneurs dus au sang
-royal, et que la jeunesse de la princesse, comme lui issue de Henri
-IV, et sa parente, ne le dispensait pas de ce devoir. (Voir
-Motteville, t. XXXIX, p. 367-368.)
-
- Page 519, note 4: MONMERQUE.
-
-Le savant biographe donne sur ce sujet des détails curieux, et
-auparavant inconnus. Il rapporte une épître de Godeau, évêque de
-Vence, à Conrart, en date du 22 janvier 1655, qui prouve que la
-première partie de _Clélie_ a dû paraître en 1654. Cependant
-l'exemplaire que j'ai vu porte pour cette première partie 1656. Est-ce
-un titre renouvelé, ou une réimpression?
-
- Page 520, ligne 21: La mort du marquis de La Vieuville.
-
-La Vieuville mourut le 2 janvier 1654.
-
- Page 522, ligne 14: Ses châteaux de Vaux et de Saint-Mandé.
-
-La bibliothèque que Fouquet avait réunie à Saint-Mandé était une des
-plus belles de l'Europe.
-
- Page 523, ligne 25: De celle qu'il venait d'épouser.
-
-Turenne s'était marié en 1653, à Charlotte de Caumont, fille du
-maréchal de La Force, riche héritière, qui mourut sans enfants.
-
-
-CHAPITRE XXXIX.
-
- Page 528, ligne 13: Ce nom de Saint-Nectaire.
-
-Dans la gazette de Loret il est parlé «du bonhomme Senetaire, raffiné
-courtisan, vieil ami de maint partisan.» Ainsi Bussy, Loret, les
-Mémoires de madame de Motteville et ceux de Retz nous donnent des
-exemples de la transformation successive de ce nom de Saint-Nectaire
-en Senectaire, Senetaire, et Senneterre.
-
- Page 533, lignes 3 et 4: «_Si l'on pouvait avoir de vos poulets,
- madame, on ne ferait pas tant de cas de vos lettres._»
-
-Le mot _poulet_ signifiant un billet galant n'est pas fort ancien; il
-ne se trouve ni dans Nicot, ni dans Cotgrave. Il vient évidemment de
-l'usage d'appeler amoureusement une jeune fille _poulette_. Du temps
-de Voiture, qui s'est rendu célèbre par l'élégance de ses _poulets_,
-ce mot était fort en usage. Il l'était encore lorsque Bussy écrivait
-sa lettre à madame de Sévigné; mais, vingt-cinq ans après, Richelet
-remarqua dans son Dictionnaire (1699, in-4º, t. II, p. 199) que «le
-mot _poulet_ en ce sens (de petite lettre d'amour ou galante) n'est
-pas si en usage qu'il était autrefois.» Cependant l'Académie Française
-n'a pas cessé dans toutes les éditions de son Dictionnaire, depuis la
-première jusqu'à la dernière (1694-1835) de mettre le mot _poulet_
-avec la signification donnée par Richelet, sans reproduire sa
-remarque, qui n'a pas cessé d'être vraie.
-
- Page 536, ligne 16: La marquise d'Uxelles lui plaisait plus par
- son esprit que par sa beauté.
-
-La lettre du 20 juin 1672 nous apprend que la marquise d'Uxelles était
-devenue fort grasse, et qu'elle avait eu une intrigue avec le fils du
-duc de Longueville. La lettre du 14 août 1676 prouve son étroite
-intimité avec un nommé La Garde, dont le mariage la contrarie si
-fortement.
-
- Page 536, ligne 10: Déjà mariée en secondes noces.
-
-Anne-Élisabeth, comtesse de Lannoi, fut mariée en premières noces à
-Henri-Roger du Plessis, comte de La Roche-Guyon. Elle fut mariée en
-secondes noces au duc d'Elbeuf, le 7 mars 1648, et mourut à vingt-huit
-ans, le 3 octobre 1654.
-
- Page 537, lignes 6 et 7: Ne comptait pas une année de mariage.
-
-Il résulte des deux lettres citées de Loret que le mariage de la
-duchesse de Roquelaure a eu lieu entre le 20 et le 26 septembre 1653.
-Dans la première lettre de Loret il est parlé des fiançailles de la
-duchesse de Roquelaure, et nous y apprenons que le duc de Roquelaure
-donne à sa fiancée douze bourses parfumées, contenant six mille pièces
-d'or de onze livres dix sous chacune, faisant 69,000 livres monnaie de
-cette époque, ou 138,000 fr. valeur actuelle.
-
- Page 538, avant-dernière ligne: La cour entière fut attristée par
- sa mort.
-
-D'après la dernière lettre de Loret que nous citons, nous voyons que
-cet accouchement, à la suite duquel mourut la duchesse de Roquelaure,
-était au moins le second, et que le premier accouchement avait été
-également difficile. Loret en annonçant cette mort de la duchesse de
-Roquelaure,
-
- Plus fraîche et plus belle que Flore
-
-ajoute:
-
- Quand au Louvre on sut le trépas
- De cet objet rempli d'appas,
- Une tristesse générale
- S'empara de la cour royale;
- Et les cœurs les plus généreux,
- Qui sans doute étaient amoureux
- De ses vertus et de ses charmes,
- Versant abondance de larmes,
- Firent bien voir que cette mort
- Les touchait et les blessait fort.
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- O fleurs d'une aimable jeunesse,
- Vous êtes charmantes et belles,
- Mais vous n'êtes pas immortelles.
-
-
-
-
-DEUXIÈME PARTIE.
-
-
-CHAPITRE I.
-
- Page 3, ligne 13: Le 7 juin.
-
-Deux jours après, le jeune roi toucha les écrouelles.
-
- Page 4, ligne 17: Quand tout paraissait perdu, il sauva tout.
-
-Ce sont les expressions mêmes de la lettre de Philippe IV à Condé: «Mi
-primo, he intendido toto estava perdido, V. A. ha conservado toto.»
-
- Page 7, ligne 2: Il s'était servi de l'abbé Fouquet.
-
-L'abbé Fouquet fut soupçonné d'avoir profité de la confiance que lui
-accordait Mazarin, et des vilaines fonctions dont il l'avait chargé,
-pour assouvir ses vengeances particulières. Un jour le gardien de la
-Bastille témoignait son étonnement à la vue d'un lévrier qui se
-trouvait dans la cour, et demandait pourquoi il était là: «C'est, lui
-répondit un prisonnier, parce qu'il aura mordu le chien de l'abbé
-Fouquet.»
-
- Page 8, ligne 4: Ses intrigues avec les anciens frondeurs.
-
-Le président Le Coigneux, qui avait été un des plus violents dans le
-parlement contre Mazarin, fut un des premiers corrompus.
-
- Page 8, lignes 10 et 11: Après la mort de son oncle.
-
-L'oncle du cardinal de Retz mourut le 21 mars 1654.
-
- Page 9, lignes 7 et 8: Dans le château de Nantes.
-
-Le cardinal de Retz sortit de Vincennes pour aller à Nantes, le 30
-mars 1654.
-
- Page 11, ligne 4: Il s'évada en plein jour.
-
-Retz se sauva de Nantes le samedi 8 août, à cinq heures du soir. Il
-arriva à Belle-Isle le 14 août.
-
- Page 12, ligne 6: dans l'île Majorque.
-
-Retz pour traverser la Méditerranée s'embarqua au port de Vivaros en
-octobre 1654.
-
- Page 13, ligne 2: Que pour venir à temps.
-
-Le cardinal de Retz fit son entrée dans Rome le 28 novembre 1654.
-
- Page 13, lignes 5 et 6: Un souverain pontife.
-
-Innocent X mourut le 7 janvier 1655.
-
- Page 14, ligne 22: Soit à Belle-Isle.
-
-Je pense que ce fut de Machecoul ou de Belle-Isle, et non d'Espagne,
-comme le croit M. Monmerqué, que Retz écrivit à madame de Sévigné.
-D'abord on doit supposer que Retz, dont l'honneur se trouvait
-compromis par sa fuite, devait être empressé de faire parvenir au
-maréchal les motifs qui pouvaient l'excuser. De plus, les _Mémoires de
-Joly_ prouvent (t. XLVII, p. 322) que Retz aborda à Belle-Isle le
-vendredi 14 août, et en Espagne le 12 septembre (t. XLVII, p. 330). La
-lettre de madame de Sévigné est du 1er octobre; par conséquent celle
-de Retz a dû lui parvenir le 29 septembre au plus tard, puisqu'elle
-dit l'avoir envoyée au maréchal le 30. Il est difficile de croire
-qu'une lettre partie d'Espagne, pays avec lequel on était en guerre,
-soit parvenue à Paris, et ensuite envoyée en Bretagne, et remise au
-château des Rochers, où était madame de Sévigné, dans un espace de
-quinze à seize jours, à une époque où les communications étaient
-difficiles et lentes. Encore même, pour qu'il y ait quinze à seize
-jours d'intervalle, faut-il supposer que la lettre de Retz a été
-écrite et est partie d'Espagne le lendemain ou le surlendemain de son
-débarquement, et que Ménage l'a transmise à madame de Sévigné le jour
-même où il l'a reçue.
-
-
-CHAPITRE II.
-
- Page 18, ligne 5 du texte: Et son vicaire Chassebras.
-
-La sentence du parlement qui bannit à perpétuité Chassebras, vicaire
-de la Madeleine, est du 27 septembre 1652.
-
- Page 18, ligne 8 du texte: Le retour du jeune roi dans sa capitale.
-
-Loret (livre VI, page 106) dit qu'il y avait cent six carrosses à
-cette entrée.
-
- Page 19, ligne 7: D'une des demoiselles de Mortemart.
-
-Cette demoiselle de Mortemart, qui fut marquise de Thianges, était la
-sœur de celle qui fut depuis connue sous le nom de duchesse de
-Montespan.
-
- Page 19, ligne 9: Celui de Loménie de Brienne.
-
-Les fiançailles de Loménie de Brienne eurent lieu en décembre 1654, et
-le mariage seulement en janvier 1656. Ces détails, qui nous sont
-donnés par Loret, ont été ignorés par le spirituel éditeur des
-_Mémoires de Loménie de Brienne_, qui parle de ce mariage sans en
-donner la date.
-
- Page 19, ligne 12: Non-seulement le jeune monarque.
-
-Le roi et son frère furent de toutes les fêtes données par Mazarin,
-par le duc d'Amville, par le chancelier Seguier. Le roi dansa dans le
-ballet qui fut donné par le chancelier Seguier. Loret (liv. V, p. 77)
-fait la description d'une magnifique fête donnée par Hesselin, dans
-son palais d'Essone. Loret le nomme.
-
- Goinfre du plus haut étage,
- Rare et galant personnage.
-
-Madame de La Sablière était une demoiselle Hesselin, et cet Hesselin
-était peut-être son père.
-
-Je remarque que Loret, au milieu de ces descriptions de fêtes et de
-divertissements, liv. VI, t. II, p. 159, dans la lettre en date du 16
-octobre, fait mention d'une attaque de _cholera-morbus_ dont fut
-subitement attaqué un nommé Coquerel, directeur des carmélites,
-pendant qu'il était à Marseille:
-
- Et quoique ce mal fût mortel,
- Son bonheur cependant fut tel,
-
-qu'il en réchappa. Ainsi dès cette époque le _cholera-morbus_ était
-connu par son vrai nom et dès cette époque aussi il était considéré
-comme mortel.
-
- Page 19, ligne 16: Il y fit jouer trois nouveaux ballets.
-
-Louis XIV représentait dans le ballet des _Plaisirs_ le génie de la
-danse, un berger et un débauché; mais ce dernier rôle n'était
-introduit que pour motiver des vers contre la débauche. (Benserade, t.
-II, p. 117, 131, 137.) En février 1656, lors de la visite de la
-princesse d'Orange, Mazarin donna à dîner à toute la famille royale,
-et l'on entendit la fameuse La Barre et la signora Bergerota. Créqui
-donna à dîner au frère du roi en février (Loret, t. VII, p. 32), et
-Seguier à toute la famille royale (t. VII, p. 33 ). Mazarin donna une
-fête au duc de Mantoue, le 18 septembre. Loret dit qu'il y eut cette
-année
-
- ..... Plus de mille assemblées
- En des maisons fort signalées.
-
- Page 21, lignes 7 et 8: Composèrent dès lors des tragédies latines.
-
-Loret, qui assistait à ces représentations, dit que ces pièces latines
-furent écoutées par plus de sept mille auditeurs. Le naïf gazetier
-avoue qu'il n'a jamais su le latin. Les jésuites commencèrent d'abord
-par composer des pièces chrétiennes. On joua cette année, au collége
-de Navarre, une tragédie intitulée _Sainte Julienne_. Loret nous
-apprend que le jeune marquis de Bretoncelle joua admirablement le rôle
-de l'impératrice, et que les jeunes d'Humières, La Vallière, Colbert,
-Menardeau, Beauvais, s'attirèrent également les applaudissements de la
-docte assemblée. Il y eut une autre tragédie latine, jouée au collége
-de Clermont (aujourd'hui le collége Louis le Grand), sur un plus vaste
-théâtre; mais le sujet en était national, et tiré de l'histoire de la
-maison de Foix.
-
- Page 23, ligne 9: Le carrousel que le roi.
-
-Le roi avait pris pour devise, dans ce carrousel, un soleil avec ces
-mots: _Ne più, ne pari_; c'est en langue italienne la fameuse devise
-adoptée dans les médailles, un soleil avec ces mots: _Nec pluribus
-impar_.
-
- Page 28, ligne 7: Jusqu'à Lésigny.
-
-Lésigny est dans le département de Seine-et-Marne, près
-Brie-sur-Yères.
-
-
-CHAPITRE III.
-
- Page 32, ligne 26: La princesse de Condé, douairière.
-
-La princesse de Condé douairière mourut en 1650; le récit de sa mort,
-dans madame de Motteville, est plein d'intérêt. On n'a pas assez
-remarqué combien les _Mémoires de Madame de Motteville_ font honneur à
-son talent d'écrivain. Son style offre moins d'imagination que celui
-de madame de Sévigné; mais il est plus pur, plus travaillé; et c'est
-par cette raison peut-être qu'il a moins de charme. Elle dispose
-admirablement toutes les parties d'un récit. Ce qui est plus rare que
-son talent, c'est sa belle âme, son bon cœur, et son amour pour la
-vérité. C'est ce qui a nui à sa réputation. Comment dans le siècle où
-nous sommes, et dans celui qui l'a précédé, peut-on se résoudre à
-admirer une femme qui avec beaucoup d'esprit est pieuse, ennemie de la
-médisance, et qui se croit tenue de défendre la mémoire de sa
-maîtresse auprès de la postérité, quoique cette maîtresse fût une
-reine?
-
- Page 35, ligne 3: Qui eussent été servies de tous.
-
-Lenet en servait une: c'était une fort jolie Anglaise, nommée
-mademoiselle Gerbier. Bourdelot, médecin du prince de Condé, si connu
-par ses relations avec la reine Christine et tous les beaux esprits de
-son temps, était alors à Chantilly en même temps que Lenet, ainsi
-qu'un certain abbé de Massé, aimable et brillant d'esprit.
-
- Page 35, ligne 6: La marquise de Gouville.
-
-Le nom de la marquise de Gouville était Lucie Cotentin de Tourville,
-femme de Michel d'Argouges, marquis de Gouville.
-
-
-CHAPITRE IV.
-
- Page 40, ligne 17: Ce fut Prudhomme.
-
-Chavagnac arrive à Paris avec le duc de Candale, et dit: «Nous mîmes
-pied à terre chez Prudhomme, baigneur de réputation, où arriva dans le
-moment le maréchal d'Albret, qui vint l'embrasser (le duc de Candale),
-en lui disant qu'en quittant la botte il fallait aussi quitter
-l'altesse.»
-
- Page 40, ligne 20: La Vienne devint par la suite...
-
-Le passage des _Mémoires de Saint-Simon_, relatif à La Vienne est
-tronqué dans les œuvres de Saint-Simon données par Soulavie. Dans les
-_Mémoires_ Saint-Simon dit: «La Vienne avait passé sa vie avec les
-plus grands seigneurs, et n'avait jamais pu apprendre le moins du
-monde à vivre. C'était un gros homme noir, frais, de bonne mine, qui
-gardait encore sa moustache comme le vieux Villars; rustre,
-très-volontiers brutal; pair et compagnon avec tout le monde; n'ayant
-d'impertinent que l'écorce; honnête homme, même bon homme et
-serviable.»
-
- Page 42, ligne 6: Datée de Paris le 19 juillet.
-
-Il n'y a que cinquante lieues de Paris à Landrecies, où était Bussy;
-cependant cette lettre de madame de Sévigné, datée du 19 juillet, ne
-parvint à Bussy que le 7 août, et fut par conséquent dix-sept jours en
-route, tant le service des postes était alors lent et mal organisé.
-
- Page 43, ligne 2: Que son cousin s'était distingué à Landrecies.
-
-Monglat indique la prise de Landrecies au 14 juillet. Le même raconte
-le revers qu'essuya Bussy, et comment il se laissa prendre ses
-drapeaux. Sur cette déroute, voyez Bussy, _Mém._, t. II, p. 37. La
-tranchée devant Landrecies avait été ouverte du 26 au 27 du mois
-précédent. «Le 29, dit l'auteur de la _Monarchie Françoise_, le sieur
-de Bussy-Rabutin, mestre de camp général de la cavalerie, releva la
-tranchée, et au signal de deux coups de canon il commença sur la
-palissade un logement capable de contenir deux cents hommes, après
-avoir chassé les ennemis de la contrescarpe.» Bussy se distingua
-encore au siége de Condé le 10 août: voyez _les Fastes des Rois de la
-maison d'Orléans et celle de Bourbon_ (par le père du Londel), 1697,
-in-8º, p. 195.
-
- Page 46, ligne 19: Une petite lettre en galopant.
-
-Les contre-vérités que renferme le commencement de cette lettre sont
-prises au sérieux par M. G. de St.-G., éditeur des _Lettres de Madame
-de Sévigné_, quoique le sens ironique fût fort clair, et explicitement
-annoncé par Bussy lui-même, qui dans sa lettre du 13 août dit: «J'ai
-bien ri en _lisant vos contre-vérités_.» Bussy, _Mém._, t. II, p. 32.
-
-
-CHAPITRE V.
-
- Page 50, ligne 26: Il séduisit la femme de chambre.
-
-Dans le grand nombre de passages des Mémoires du temps où le nom de
-Bartet se trouve, il est souvent défiguré, par la faute des imprimeurs
-ou copistes, qui mettent Barlet ou Baret. Le conseiller au parlement
-de Navarre chez lequel était la femme de chambre qu'épousa Bartet se
-nommait Giraud.
-
- Page 53, ligne 7: Candale avait rendu de grands services.
-
-Certaines aventures du duc de Candale sont d'une nature si
-extraordinaire et si tragique, qu'elles pourraient fournir la matière
-de plusieurs romans. Un jour il court à franc étrier de Paris à
-Bordeaux, pour aller joindre une maîtresse qui l'attendait; il arrive
-à sa maison; il monte précipitamment les escaliers, trouve toutes les
-portes ouvertes, se précipite dans sa chambre, préoccupé du plaisir
-qu'il va éprouver en la serrant sur son sein. Là, il est frappé à la
-vue du cadavre de celle qu'il aimait, posé sur un drap mortuaire,
-entouré de six cierges, sur lequel se penchaient deux chirurgiens, qui
-considéraient avec attention les entrailles déjà séparées du corps,
-tandis que la tête, ensanglantée et défigurée, était d'un autre côté.
-Deux religieux étaient auprès, et récitaient des prières. (Voyez
-Chavagnac, _Mém._, t. I, p. 210.) Le portrait que Saint-Évremond nous
-a laissé du duc de Candale est un des meilleurs morceaux de ce
-spirituel écrivain. Sur ses amours avec madame d'Olonne, on peut
-consulter Bussy. Madame de Saint-Loup avait été sa première maîtresse.
-Il a terminé sa carrière galante par une intrigue avec la marquise de
-Gange, objet d'un attentat qui surpasse ce que les romanciers ont
-inventé de plus atroce.
-
- Page 54, ligne 4: Bartet n'obtint aucune réparation.
-
-Bartet avait été disgracié, et vécut trente ans exilé; mais Louis XIV,
-sollicité par Villeroi, lui permit de reparaître à la cour. Voyez
-_Dangeau_, sous la date du 16 janvier 1690, t. II, p. 251, édit. de
-Paul Lacroix, 1830, in-8º. Bartet mourut à Neufville, près de Lyon, en
-1707, âgé de plus de cent ans. Voyez CONRART, _Mém._, p. 270, note de
-M. Monmerqué, qui cite les _Mémoires de_ CHOISY, t. II, p. 205;
-Utrecht, 1727.
-
- Page 55, ligne 7: Sa femme se fit connaître par des désordres
- honteux.
-
-La femme de Bautru (Nicolas Ier) se nommait Marie Coulon. Le valet
-avec lequel fut surprise cette comtesse de Bautru fut condamné à être
-pendu; la peine fut commuée. Marie Coulon n'aimait pas qu'on l'appelât
-Bautru, mais Nogent, parce qu'Anne d'Autriche prononçait le premier
-nom à la manière espagnole ou italienne. Nicolas Bautru mourut à
-soixante dix-sept ans. Il disait souvent que si les Bautru étaient
-c...., ils n'étaient pas _sots_, jouant ainsi sur l'ancienne et double
-signification de ce dernier mot. Il ne faut pas confondre Marie Coulon
-avec Marthe Bigot, femme de Guillaume Bautru, frère de Nicolas Ier.
-
- Page 55, lig. 21: Madame de Roquelaure est revenue tellement belle.
-
-MADEMOISELLE, dans ses Mémoires, dit, en parlant des personnes qui
-vinrent la voir à Juvisy: «J'y vis aussi madame de Roquelaure, dont la
-beauté faisait grand bruit: assurément c'était une belle créature.»
-
- Page 57, ligne 1: Qu'il eut avec mademoiselle de Guerchy.
-
-Les noms sont en blanc dans les Mémoires de Chavagnac; mais nous
-apprenons par eux que mademoiselle de Guerchy fut piquée avec une
-épingle empoisonnée; qu'elle entra en convulsion dans le moment, et
-mourut dans les douleurs les plus horribles. Au sujet du nom de
-Montjeu, que portait Jeannin de Castille, je remarque dans Loret, liv.
-V, p. 22, que dans sa lettre en date du 7 février 1654 il est fait
-mention d'une certaine madame Mondejeu qui s'enfuit un jour de chez
-son mari et se retira au couvent. Mondejeu est-il le même nom que
-Montjeu, et est-il question dans cette anecdote de Jeannin et de sa
-femme? Je le crois.
-
-
-CHAPITRE VI.
-
- Page 60, ligne dernière: Protégea contre la main scrupuleuse d'un
- monarque.
-
-La circonstance des pincettes paraît avoir été inventée à plaisir.
-Elle ne se trouve pas dans le premier passage cité de Sauval, mais
-dans l'autre du même volume; et elle est reproduite en outre dans une
-estampe, aussi ridicule que le conte. L'abbé de Bois-Robert a fait
-des vers à la louange de la gorge de madame de Schomberg, au sujet
-d'une perle tombée dans son sein.
-
- Page 61, ligne 7: La confidente la plus intime.
-
-La pièce de Scarron intitulée _Étrennes_ doit dater du temps de la
-jeunesse de l'auteur, et est de l'époque de l'amour de Louis XIII pour
-mademoiselle de Hautefort. Elle commence ainsi:
-
- Visible déité d'un monarque amoureux.
-
-Elle est d'un style tout différent de celui qui est ordinaire à
-l'auteur. Il est probable que ce n'est que plus tard, et pour se
-distraire de ses infirmités, que Scarron adopta le burlesque, où il
-eut tant de succès.
-
- Page 61, ligne 20: Chemerault, autre dame de la reine.
-
-La Porte dit que les lettres de Chemerault au cardinal de Richelieu
-relatives à son espionnage auprès de mademoiselle de Hautefort sont au
-nombre de dix-sept, et qu'elles furent imprimées pendant les troubles
-de la Fronde. Je suis informé qu'il existe une vie manuscrite de
-madame la maréchale de Schomberg, et des lettres du maréchal à la
-suite de celles de son père, à la Bibliothèque royale.
-
- Page 63, ligne 27: Qu'elle ne se fît religieuse.
-
-C'est à cause de sa dévotion que Scarron la nomme souvent dans ses
-vers sainte Hautefort, et qu'il lui dit Votre Sainteté.
-
- Page 64, lignes 3: Elle épousa en 1646.
-
-Mademoiselle de Hautefort, qu'on appelait madame de Hautefort parce
-qu'elle était dame d'atour, avait été exilée avec sa sœur
-mademoiselle d'Escars en 1644.
-
- Page 64, note 118: Scarron, _épithalame_.
-
-Scarron dit du maréchal de Schomberg, dans cet épithalame:
-
- Il a l'âme savante et bonne
- Autant qu'un docteur de Sorbonne,
- L'esprit à son courage égal,
- Adroit à pied comme à cheval,
- Faisant toute chose sans peine,
- Où les autres perdent haleine.
- S'il chante, les plus entendus
- Au métier en sont confondus;
- S'il danse, c'est la même chose.
- . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Mais dans la paix, s'il est aimable,
- Dans la guerre il est effroyable. (P. 254)
-
-Remarquons que le mot _effroyable_ est employé ici dans le sens de ce
-qui cause et produit l'effroi, dans le sens direct et favorable, et
-non dans le sens réfléchi et défavorable; et à cet égard je dirai
-aussi que le mot _pitoyable_ appliqué à quelqu'un ne signifiait pas
-autrefois celui ou celle qui inspire la pitié, mais une personne
-susceptible de pitié, capable de se laisser fléchir. Jean-Jacques
-Rousseau, dans sa _Nouvelle Héloïse_, a encore employé ce mot dans ce
-sens.
-
- Page 66, ligne 5: La file des carrosses s'étendait.
-
-On y voyait, dit Loret,
-
- Plusieurs gens de mérite exquis,
- Des ducs, des comtes, des marquis.
-
-Puis parmi les femmes il cite la duchesse de Liancourt, connue par sa
-vertu et sa dévotion; la maréchale de La Mothe, la duchesse de
-Roquelaure, la duchesse de Choiseul-Praslin, madame Desmarest,
-accompagnée de sa fille, une des plus jolies personnes de cette
-époque; madame de Toussy, madame de Bonnelle. Le maréchal de Schomberg
-et sa femme allèrent loger à l'hôtel de Liancourt ou de La
-Rochefoucauld, rue de Seine (détruit de nos jours pour construire la
-rue des Beaux-Arts). La date de l'arrivée du duc et de la duchesse de
-Schomberg à Paris n'est pas celle de la lettre de Loret; car il est
-dit p. 64:
-
- Ledit Schomberg et son épouse,
- Depuis des jours environ douze,
- Sont dans l'hôtel de Liancour.
-
-Ainsi la lettre de Loret étant du 22 avril, il en résulterait que le
-maréchal de Schomberg et sa femme entrèrent dans Paris le 10 avril,
-qui est le jour de la mort de madame de La Flotte.
-
-
-CHAPITRE VII.
-
- Page 69, ligne première: Elle fut donc témoin de toutes les fêtes.
-
-Le duc de Gramont donna cette année une fête splendide. La reine
-elle-même donna un ballet, à la suite d'un repas, veille des Rois, où
-la fève échut au duc d'Amville. Les représentations du ballet de
-_Psyché_ se continuèrent. Il y eut chez le cardinal de Mazarin un bal
-masqué, ou les Trivelin et les Scaramouche amusèrent l'assemblée; puis
-un concert, où chantèrent Baptiste, La Barre, Saint-Hilaire, la
-signora Bergerota, le délicieux Sarcamanan. Ce furent les mêmes
-virtuoses qui chantèrent Ténèbres aux Feuillants, pendant
-l'interruption de tous les plaisirs. Le chancelier Seguier donna un
-bal masqué, où le roi dansa.
-
- Page 69, ligne 18: Le théâtre et les concerts publics.
-
-Une petite comédie intitulée _Intrigue d'amour_, d'un nommé Lambert,
-qui a échappé aux recherches exactes et minutieuses des auteurs de
-l'_Histoire du Théâtre françois_, charma aussi le public de cette
-époque. (Voyez Loret, liv. VII, p. 198, lettre en date du 16
-décembre.)
-
- Page 70, ligne 7: Les mariages.
-
-Parmi les mariages notables que l'on vit cette année furent ceux du
-marquis de La Luzerne avec la fille d'un fameux financier, nommé
-Picard; du prince d'Harcourt avec mademoiselle de Bouillon, nièce de
-Turenne; celui de Soyecourt avec la fille du président de Maisons; du
-marquis de Rambures avec mademoiselle de Nogent; du marquis de Vardes
-avec mademoiselle de Nicolaï (pauvre duchesse de Roquelaure!); de
-Bignon avec mademoiselle de Pontchartrain. Parmi les exilés qui furent
-rappelés, on remarqua le père George, capucin, ce fameux prédicateur
-de la Fronde. Mademoiselle de Montpensier (t. XLII, p. 37) fait
-mention des demoiselles d'Harcourt, privées de leur mère.
-Alphonse-Henri-Charles de Lorraine, comte d'Harcourt, fut marié, le 2
-février 1667, à mademoiselle de Brancas. Voyez _Sévigné_ (_Lettre_ en
-date du 23 mai 1667), t. I, p. 163, édit. de G. de S.-G.
-
- Page 72, ligne première: Le marquis de La Trousse.
-
-Le nom du marquis de La Trousse était Philippe-Auguste Le Hardi. La
-terre de La Trousse en Brie avait été érigée en marquisat sous son
-père, par lettres patentes de 1605 (Monmerqué).
-
- Page 72, ligne 14: Devant Capelle.
-
-La Prise de Capelle eut lieu le 18 août.
-
- Page 73, ligne 14: Bussy quitta l'armée le 2 novembre.
-
-Bussy, à son passage à Paris, put assister au nouveau ballet royal qui
-fut donné le 18 novembre.
-
- Page 73, ligne 20: Après le départ du duc de Modène.
-
-Aidé des troupes françaises commandées par le duc de Mercœur, le duc
-de Modène s'empara de Valenza le 6 septembre, ce qui contribua à
-augmenter en Italie la considération de la France. Monglat, t. LI, p.
-19.
-
- Page 81, ligne 17: L'intrigueuse vient là.
-
-On ne dit plus aujourd'hui intrigueur et intrigueuse, mais intrigant
-et intrigante. A l'époque où Saint-Évremond écrivait on ne disait ni
-l'un ni l'autre; c'était un mot forgé ou un mot nouveau, mais non
-encore adopté, et qui ne le fut de longtemps. Dans le Dictionnaire de
-Nicot, imprimé en 1666, on ne trouve ni intrigueur ni intrigant; il en
-est de même dans le Dictionnaire de Richelet, imprimé en 1680; mais on
-trouve l'un et l'autre de ces mots dans la première édition du
-Dictionnaire de l'Académie Française, qui remarque qu'intrigueuse est
-plus souvent employé qu'intrigueur; et c'est ce féminin, dont la
-désinence en _gueuse_ était désagréable, qui aura déterminé à préférer
-intrigante et intrigant.
-
-
-CHAPITRE VIII.
-
- Page 90, ligne 4 du texte: Un mot qui manque à notre langue.
-
-Les mots _infans_ et _puer_, que nous ne pouvons traduire que par le
-seul mot enfant, exprimaient chez les Romains deux âges différents de
-la vie.
-
- Page 95, note 154, ligne 3 de la note: M. de Bausset n'a pas
- bien connu.
-
-M. de Bausset, dans sa _Vie de Bossuet_, dit que cet homme illustre
-n'a commencé ses prédications à Paris que vers la fin de l'année de
-1658, par le panégyrique de saint Joseph, ce qui est une erreur. Il y
-a pareillement erreur de la part du dernier et savant éditeur des
-œuvres de Bossuet, qui, entraîné peut-être par l'assertion de M. de
-Bausset, a placé le panégyrique de sainte Thérèse à la date de l'année
-1658. Il est antérieur d'un an. Les détails que nous n'avons pu
-qu'indiquer, sur les premiers débuts de Bossuet dans la chaire
-évangélique forment une véritable lacune dans l'histoire de M. de
-Bausset, qui les a ignorés. Cette _Vie de Bossuet_ est d'ailleurs un
-ouvrage d'un grand mérite; et bien qu'elle n'ait pas eu le même succès
-que la _Vie de Fénelon_, elle lui est, suivant nous, supérieure: elle
-offrait plus de difficultés dans son exécution.
-
- Page 100, note 1: _Dissertation critique_.
-
-Ce livre fut achevé d'imprimer le 3 août 1697. Ainsi sur le titre il
-faut lire M. DC. XCVIII au lieu de M. DC. XVIII, qui est une faute de
-l'imprimeur. On a réimprimé à la suite des éditions de _Madame de
-Sévigné_ cette dissertation, ainsi que celles de Dacier et de
-Dumarsais, sur le même sujet.
-
- Page 103, ligne 4: Mazarin lui fit une pension de mille livres.
-
-M. Weiss s'est trompé quand il a dit que Richelieu avait accordé une
-pension de 1,000 francs à Beauchâteau. Cet anachronisme ne peut être
-qu'une inadvertance du savant auteur. M. Weiss dit que cet enfant
-célèbre naquit à Beauchâteau, le 8 mai 1645; j'ignore sur quelle
-autorité Loret (liv. IX, p. 25, lettre en date du 16 février) ne lui
-donne que onze ans lorsqu'en février 1658 il présenta lui-même son
-recueil imprimé à l'Académie Française. C'est dans la lettre du 1er
-novembre 1659 (liv. X, p. 170) que Loret nous apprend qu'il était en
-Espagne.
-
-
-CHAPITRE IX.
-
- Page 105, ligne 3: Qui eurent lieu dans l'intervalle de quelques
- mois.
-
-La mort du duc de Chevreuse et celle du duc de Villars produisirent
-peu de sensation, parce qu'ils étaient presque octogénaires. On
-regretta peu la mort du maréchal de La Mothe-Houdancourt, qui s'était
-montré pendant la Fronde d'une fidélité douteuse. Celle du duc
-d'Elbœuf ne fut remarquée que par la magnificence de son enterrement.
-La duchesse de Bouillon était une femme d'un grand mérite, mais dont
-on n'avait plus rien à espérer ni à craindre. La duchesse de Mercœur
-se trouvait à l'extrémité dans le moment où le roi dansait un ballet;
-et le lendemain on vint avertir qu'elle était morte. Elle mourut le 8
-février. La duchesse de Montbazon mourut à cinquante ans, encore
-belle. De tous ces décès, celui qui occasionna le plus de regrets fut
-celui de Pomponne de Bellièvre, premier président du parlement de
-Paris; non que sous plusieurs rapports ce fût un magistrat
-très-recommandable: il était paresseux et voluptueux, adonné aux
-délices de la table; mais il était en même temps généreux,
-hospitalier, bienfaisant, et jouissait avec magnificence de sa
-fortune. Sa probité, son désintéressement, son patriotisme, la fermeté
-avec laquelle il résistait au premier ministre, et le retard qu'il
-apportait à l'enregistrement des édits qui créaient de nouveaux
-impôts, l'avaient rendu cher au peuple et à sa compagnie. Mazarin fut
-le seul satisfait de sa perte; mais celle de sa nièce la duchesse de
-Mercœur, enlevée en quelques heures de maladie, lui fut
-très-sensible.
-
- Page 105, ligne 18: L'arrivée du duc de Mantoue.
-
-On ne fit pas un aussi bon accueil au duc de Mantoue qu'au duc de
-Modène, parce que, par les séductions de sa femme, le premier s'était
-laissé entraîner dans le parti de l'Espagne.
-
- Page 106, lignes 19 et 20: Le goût... pour les déguisements de
- femme.
-
-Dans le ballet nouveau de _l'Amour malade_, le jeune duc d'Amville,
-déguisé en femme, joua le rôle d'une mariée. L'ancien ballet de
-_Psyché_ fut de nouveau représenté. (Loret, liv. VIII, p. 9, du 19
-février.) MONSIEUR donna un repas magnifique au roi et à la reine et
-au cardinal, après lequel on joua la fameuse tragédie de Thomas
-Corneille, intitulée _Timocrate_; une autre fois on fit jouer les
-vingt-quatre violons. Le duc de Guise, à l'imitation du roi, fit
-représenter un ballet, où il dansa avec Beauchamps. (Loret, liv. VIII,
-p. 29.) Mais le même donna une fête plus magnifique et un repas de 200
-couverts, lorsque la princesse de Guise fut nommée abbesse de
-Montmartre. (Loret, 75.) Pendant la campagne de cette année, le
-maréchal de La Ferté traita dans son camp le roi et toute sa suite,
-avec la même magnificence, avec la même recherche de mets qu'il aurait
-pu faire à Paris. Au retour de cette campagne, Louis XIV parut masqué,
-avec toute sa cour, dans un bal magnifique, qui fut donné par le
-maréchal de L'Hôpital, gouverneur de Paris. (Loret, liv. IX, p. 21, 9
-février 1658.)
-
- Page 110, ligne 6: Après une retraite de huit jours.
-
-Madame de Motteville n'indique pas la durée de la retraite du roi à
-Vincennes; mais Loret, qui écrivait au moment même des événements, dit
-qu'elle dura une semaine.
-
- Page 110, note 175: MONTPENSIER.
-
-Il faut dans cet endroit des _Mémoires de_ MONTPENSIER substituer La
-Mothe d'Argencourt à La Mothe-Houdancourt, qui est une faute de
-copiste, ou une mauvaise correction d'éditeur. La même faute avait été
-commise dans les _Mémoires de_ LA FARE, et a été rectifiée par M. de
-Monmerqué, d'après l'autorité des manuscrits.
-
- Page 112, ligne 3: Mais un jour elle parut.
-
-Puisque Loret nomme encore mademoiselle d'Argencourt au nombre des
-filles de la reine, dans sa lettre du 26 octobre, la scène de bal dont
-parle madame de Motteville ne peut être postérieure à ce mois. Le
-départ subit de la cour en septembre, qui n'était pas ordinaire,
-annoncé par Loret, tenait peut-être à cette aventure: on comprit qu'il
-fallait se presser d'aller négocier le mariage du roi.
-
- Page 115, ligne 21: Bontemps... fut chargé de la marier.
-
-Saint-Simon remarque que dans l'acte du mariage de cette fille de
-Louis XIV il ne fut fait aucune mention de son père ni de sa mère. Il
-dit aussi que Laqueue, ce gendre de Louis XIV, ne paraissait presque
-jamais à la cour; quand il y paraissait, c'était, dit-il, comme un
-simple officier, et le moins recueilli de la foule. Bontemps ne
-laissait pas de lui donner de temps en temps de l'argent.
-(_Saint-Simon_, t. IV, p. 182.)
-
-
-CHAPITRE X.
-
- Page 120, ligne 2: Gaston et MADEMOISELLE.
-
-La lettre de Loret nous apprend que lorsque MADEMOISELLE revint à
-Paris, en 1658, elle alla loger au Luxembourg.
-
- Page 121, notes 1 et 3: _Vie de la duchesse de Longueville_,
- édit. 1739.
-
-On sait que l'édition de Paris est intitulée _De la Vie de la duchesse
-de Longueville_, et qu'on en a ôté tout ce qui pouvait avoir trait au
-jansénisme.
-
- Page 121, ligne 18: Cependant il s'y résolut.
-
-Le duc de Beaufort ne revint en cour qu'en 1658.
-
- Page 122, lignes 24 et 25: La reine d'Angleterre... eut seule la
- permission d'y rester.
-
-Encore ne resta-t-elle point à la cour. Elle se rendit cette année aux
-eaux de Bourbon.
-
- Page 123, ligne 11: Tandis que des plénipotentiaires français.
-
-Ce furent le duc de Gramont et de Lionne que Mazarin envoya comme
-négociateurs à la diète de Francfort; mais il tenait lui seul tous les
-fils de ses négociations, où il employait d'autres personnages que
-ceux qui étaient accrédités. Ainsi un castrat nommé Atto, qu'il avait
-fait venir d'Italie pour la musique, fut envoyé en Bavière, parce
-qu'il le savait bien avec l'électrice. A une autre époque il envoya
-son secrétaire particulier.
-
- Page 123, ligne 12: En Hollande.
-
-Ce fut de Thou qu'on envoya en Hollande, avec laquelle alors on était
-en paix.
-
-
-CHAPITRE XI.
-
- Page 131, ligne 25: Puisque j'ose bien juger des ouvrages de
- Chapelain.
-
-Loret disait alors:
-
- Le ciel, parmi tant de lumières,
- N'a qu'un soleil qui luise à point;
- La terre n'a qu'un Chapelain.
-
- Page 136, lignes 23 et 24: Envoya Corbinelli à sa cousine.
-
-On voit par là que Grouvelle se trompe quand il dit que madame de
-Sévigné ne connut Corbinelli qu'en 1661. Leur liaison était bien
-antérieure. Voyez la première partie de ces Mémoires, chapitre XXXVII,
-page 503, et Grouvelle, _notice sur_ CORBINELLI, dans l'édition in-12
-des _Lettres de Madame de Sévigné_, t. I, p. CXLVII.
-
-
-CHAPITRE XII.
-
- Page 146, ligne 15: Par une nouvelle et délicieuse mélodie.
-
-Lambert, Boisset et Molière (c'est le musicien, et non l'auteur)
-contribuèrent aussi à cette révolution musicale. On commençait à
-introduire alors dans les orchestres un plus grand nombre
-d'instruments; aux violons on joignit les flûtes, les clavecins, les
-guitares, les téorbes, les luths. (Loret, liv. IX, p. 26-28.) Les
-cantatrices en vogue, mesdemoiselles La Barre, Raymond et Hilaire,
-ajoutaient, par la beauté et la puissance de leur voix, aux charmes de
-la nouvelle musique.
-
- Page 146, ligne 18: C'est alors.
-
-Mazarin donna alors un grand repas, qui coûta, dit-on, 300,000 liv.;
-somme qui ne surprendra pas quand on saura qu'il y eut à la suite de
-ce repas une loterie. Loret a décrit avec beaucoup de prolixité dans
-sa gazette le bal donné par MADEMOISELLE à la cour, ainsi que les
-fêtes données par Fouquet, par Mazarin, par la duchesse de
-Lesdiguières, par la maréchale de L'Hospital, par madame de La
-Bazinière.
-
- Page 146, lignes avant-dernière et dernière: Que les promenades
- au Cours, que la foire Saint-Germain.
-
-La foire Saint-Germain se tenait à la même place où l'on a construit
-un marché qui porte aussi le nom du saint, et dans deux halles longues
-de 130 pas, larges de cent, composées d'une charpente fort exhaussée,
-divisées régulièrement en neuf rues, et partagées en vingt-quatre îles
-bordées d'un nombre considérable de loges ou de boutiques, enfermées
-dans un enclos où l'on entrait par sept portes. Cette charpente fut
-brûlée en 1763. Il n'y avait pas alors à Paris ce luxe de boutiques et
-de magasins qui depuis le siècle de Louis XIV, et surtout dans ces
-dernières années, n'a cessé de s'accroître sans fin et sans mesure; de
-sorte que l'ouverture de la foire Saint-Germain fut pendant longtemps
-un événement pour les Parisiens. Elle avait lieu le 3 février. Cette
-foire se prolongeait jusqu'à la semaine sainte, et souvent même au
-delà.
-
-De même, pour se rendre compte de l'attrait que pouvait avoir alors la
-promenade du Cours, il faut se représenter l'état de Paris à cette
-époque. Ses magnifiques boulevards n'existaient pas, ou plutôt Paris
-avait de véritables boulevards, c'est-à-dire des fortifications
-flanquées de bastions: toute la ville était entourée de remparts et de
-fossés profonds qui servaient à sa défense, mais point aux promeneurs.
-Les rues étaient étroites, resserrées; la place des Victoires, la
-place Vendôme et la place Louis XV n'existaient pas. Le Luxembourg ou
-palais d'Orléans, qui plus tard fut renfermé dans l'enceinte de Paris,
-était hors de ses murs, et ses jardins n'étaient point publics: il en
-était de même de ceux du palais Cardinal ou Palais-Royal. Les seules
-promenades publiques qui existassent dans l'intérieur de la ville se
-réduisaient donc à la place Royale (au Marais), au jardin du Temple,
-qui n'existe plus aujourd'hui, et aux Tuileries. Mais le jardin des
-Tuileries, qui fait aujourd'hui l'admiration de l'Europe, n'était pas
-tel, alors, que Le Nostre et les accroissements successifs de la
-capitale l'ont fait depuis. Subdivisé en une trentaine de
-plates-bandes ou de bosquets (dont un formait un labyrinthe)[A], tous
-égaux, séparés par des allées étroites, il était beaucoup plus
-resserré qu'aujourd'hui. A l'extrémité du massif d'arbres qui succède
-au parterre, l'espace découvert où est le grand bassin était
-l'intérieur d'un bastion dont les terrasses latérales étaient les
-faces, et dont la pointe se trouvait à l'endroit où est actuellement
-l'entrée du jardin: là existait avant nos révolutions le petit pont de
-bois qu'on nommait encore le pont tournant, quoiqu'il ne tournât plus.
-Au delà, au lieu de cette magnifique place Louis XV, de ces massifs
-d'arbres, de ces longues allées qu'on nomme les Champs-Élysées, qui
-font suite au jardin des Tuileries et se prolongent jusqu'à l'Arc de
-triomphe, on n'apercevait que des terres labourables, nues, sans une
-seule plantation. Trois routes ou chemins coupaient ces champs, et
-aboutissaient à deux portes de la ville, l'une à la porte
-Saint-Honoré, près la place actuelle de la Madeleine; l'autre à la
-porte de la Conférence, placée à l'extrémité actuelle de la terrasse
-des Tuileries du côté de la Seine. (Voyez le plan de Paris de Berey,
-en quatre feuilles). Après avoir gagné par une de ces deux portes,
-mais ordinairement par la dernière, le chemin qui bordait la rivière,
-on arrivait, après un court trajet, à la promenade que l'on nommait le
-_Cours la Reine_, parce qu'elle avait été faite par Marie de Médicis
-pendant sa régence. Cette promenade se composait de trois allées
-d'arbres, longues de six cents toises, entourées de fossés, et ayant
-aux deux extrémités deux grands portails, qui se fermaient par des
-grilles en fer. L'allée du milieu avait six à sept toises de largeur,
-et les deux autres la moitié. Un vaste espace rond, de trente-cinq
-toises de diamètre, coupait ces trois allées par le milieu. C'est dans
-cette promenade, qui ne fut détruite qu'en 1723, que la cour au temps
-de madame de Sévigné se rendait dans les beaux jours, en voiture et à
-cheval; c'était le bois de Boulogne, le Hyde-Park de Londres de cette
-époque, si toutefois ces deux promenades elles-mêmes, si brillantes au
-temps de ma jeunesse, ne sont pas passées de mode. Sauval dit qu'au
-Cours on se rencontrait, on se saluait, on se parlait, et que les
-hommes y avaient presque toujours le chapeau bas. Il en était ainsi
-avant nos révolutions, le jeudi, sur les boulevards du nord, où trois
-files de voitures se promenaient lentement, pour que les dames qui
-étaient dedans pussent s'entretenir avec les personnes de leur
-société, qui étaient à pied et à cheval; là on se disait les
-nouvelles, là on se faisait des invitations. Il n'était d'usage
-d'aller au bois de Boulogne que le dimanche, et dans l'allée de
-Longchamps; et là, comme sur les boulevards, les carrosses marchaient
-lentement ou s'arrêtaient, à cause des nombreuses conversations
-particulières. Aujourd'hui cette manière serait mortellement
-ennuyeuse; on a besoin de courir, comme des gens qui s'enfuient et
-s'évitent.
-
- [A] Conférez Segrais, _Nouvelles françaises, ou les
- Divertissements de la princesse Aurelie_, t. I, p. 147 à 155, et
- les plans de Paris de Gomboust, 1652.
-
- Page 148, lignes 21, 24, 25: Anne d'Autriche..... ne chercha point
- à mettre de digue à ce torrent de dissipation et de licence.
-
-Ce fut surtout au retour du voyage de la cour à Lyon, et dans l'hiver
-de 1659, que le goût des mascarades se répandit. La reine elle-même
-avait peine à se défendre du plaisir que causaient alors ces sortes de
-divertissements. «On se déguise souvent, dit mademoiselle de
-Montpensier; nous fîmes une mascarade la plus jolie du monde.» Elle
-rapporte qu'elle et mademoiselle de Villeroi étaient habillées en
-paysannes de la Bresse. «Mon corps, dit-elle, était lacé de perles et
-attaché avec des diamants; il y en avait partout.» Le comte de Guiche,
-le duc de Roquelaure, Puiguilhem (depuis le duc de Lauzun, qui épousa
-MADEMOISELLE), et le marquis de Villeroi, étaient au nombre des
-bergers... Le roi et tous ceux qui l'accompagnaient étaient déguisés
-en vieillards, et toutes les femmes de sa troupe en vieilles. «La
-reine, ajoute MADEMOISELLE, nous trouva fort à sa fantaisie, ce qui
-n'est pas peu. Nous allâmes à l'Arsenal, où le maréchal de la
-Meilleraye donnait une grande assemblée.» Cette même mascarade eut
-encore lieu un autre jour et de la même manière, parce que la reine, à
-qui elle avait beaucoup plu, le désira. (Montpensier, _Mém._, t. XLII,
-p. 408.) MADEMOISELLE nous donne encore des détails curieux sur la
-mascarade que firent le chevalier de Sillery, la comtesse d'Olonne et
-le prince de Marsillac, alors son amant. Toute la troupe alla
-s'habiller chez Gourville. Ces détails confirment tout ce que Bussy a
-raconté, dans son _Histoire amoureuse des Gaules_, sur ces
-personnages. Le chevalier de Gramont, qui courtisait à la même époque
-la comtesse d'Olonne, était outré que le prince de Marsillac eût mieux
-réussi que lui; et comme ce dernier ne passait pas pour avoir beaucoup
-d'esprit, Gramont avait coutume de dire que Marsillac, comme un autre
-Samson, avait vaincu ses rivaux avec une mâchoire d'âne.
-
-Il y eut encore à cette époque une aventure qui fit rire tout Paris,
-et qui prouve ce que nous avons avancé dans le texte au sujet des
-mascarades. Un jeune page de MADEMOISELLE, remarquable par la
-fraîcheur de son teint, la finesse de ses traits et sa figure
-féminine, prenait plaisir à se promener déguisé en jeune fille, à
-écouter les discours et les galanteries de ceux qui se méprenaient sur
-son sexe; mais un jeune et riche bourgeois en devint sérieusement
-amoureux: le page poussa les choses au point de se laisser emmener
-chez le bourgeois; et au moment où celui-ci se croyait au comble de
-ses vœux, le page se débat, s'échappe d'entre ses bras, s'enfuit,
-fait une chute, et laisse apercevoir sous ses jupes, au bourgeois
-étonné, ses vêtements de page. Ces scènes indécentes étaient le
-prélude de celles, bien autrement coupables, de la jeunesse de l'abbé
-de Choisy. (Conférez Montpensier, _Mém._, t. XLII, p. 330; _ibid._, p.
-389; Loret, _Muse historique_, lib. IX, p. 44, 6 juillet; _Vie de
-l'abbé de Choisy_, l'_Histoire de la comtesse de Barre_, et une note
-de M. Monmerqué dans son édition des _Lettres de Madame de Sévigné_,
-qui indique que le manuscrit, beaucoup plus complet, de cette histoire
-existe à la bibliothèque de l'Arsenal.) En 1658, le premier jour de
-carême, on vit une troupe de masques déguisés en capucins et en
-capucines. Les prédicateurs dénoncèrent en chaire cette impiété; la
-reine se fâcha, et l'on sut que les coupables étaient l'abbé de
-Villarceaux, Ivry, ce mylord anglais amant de la duchesse de
-Châtillon, le comte d'Olonne et sa femme, Jeannin, trésorier de
-l'épargne. (Loret, liv. IX, p. 31, 23 février, et p. 43, 16 mars
-1658.)
-
- Page 149, ligne 18: Ses Mémoires nous apprennent.
-
-«Les deux premiers jours, dit MADEMOISELLE (t. XLII, p. 308), après le
-départ de la cour (en 1658), je m'ennuyai un peu, particulièrement le
-temps où j'avais accoutumé d'aller au Louvre. J'en fus bientôt
-désaccoutumée. J'allais tous les jours au Cours, je me promenais deux
-ou trois fois à cheval. Mademoiselle de Villeroi y vint avec moi, et
-Bonneuil, qui était retiré à Paris, et madame de Sévigné. Hors elles,
-tout ce qui était accoutumé de se promener avec moi ne montait pas à
-cheval.» (Conférez t. I, p. 292 de la collect. de Michaud.)
-
-Ce fut pour désennuyer MADEMOISELLE pendant son exil, que Segrais, qui
-était son secrétaire, composa cette suite de petits romans intitulée
-_Nouvelles françaises, ou les Divertissements de la princesse
-Aurélie_, 1657, in-8º. Dans la première, intitulée _Eugénie_ (t. I, p.
-41), un amant se déguise en femme de chambre pour s'introduire près de
-sa maîtresse. C'est dans les Mémoires de MADEMOISELLE que nous
-trouvons les détails les plus curieux sur l'influence fâcheuse de ces
-sortes de déguisements relativement aux mœurs de la cour, et surtout
-sur celles du jeune duc d'Anjou et de ses indignes favoris, Guiche,
-Villequier, Manicamp, etc. (Voyez l'_Hist. am. des Gaules_, 1754, t.
-I, p. 49, 52, 56, 62, 132; Montpensier, t. XLII, p. 408.) Toute la
-vigilance d'Anne d'Autriche n'y put rien: peut-être eût-il mieux valu
-qu'elle en eût eu moins, et que ce jeune prince eût pu avoir à se
-défendre contre une séductrice moins âgée que la princesse Palatine.
-Un tel début, des appas si flétris, n'étaient pas propres à lui donner
-du goût pour le commerce des femmes.
-
- Page 150, ligne 9: Plusieurs mariages.
-
-C'est dans cette année que le prince de Marsillac épousa l'héritière
-de Liancourt (Loret, liv. IX, p. 67, en date du 4 mai), et que la
-fille de Servien fut mariée au marquis de Rosny (Loret, liv. IX, p.
-154, en date du 5 octobre).
-
- Page 155, note 2, _lettre autographe de Mazarin à Colbert_.
-
-Soulavie a imprimé cette lettre dans les _OEuvres de Saint-Simon_, t.
-I, p. 241, mais mutilée, et avec des fautes d'impression sans nombre:
-au lieu d'Hervart, ce financier si connu, il écrivit Hervaut; au lieu
-de madame de Venel (gouvernante des nièces de Mazarin), il met Venès;
-et ainsi du reste.
-
- Page 157, ligne 25: Il écrivait tous les jours.
-
-La première séparation de Louis XIV et de Marie de Mancini eut lieu le
-22 juin 1659. Dans la correspondance qui s'établit ensuite par lettres
-entre eux, Vivonne fut l'intermédiaire.
-
-
-CHAPITRE XIII.
-
- Page 164, ligne 3: Sa cour donnait le ton à la capitale et aux
- provinces.
-
-MADEMOISELLE, dans ses Mémoires, parle de deux jeunes femmes qu'elle
-vit à Lyon, l'une veuve d'un officier, l'autre femme d'un lieutenant
-général. Elles étaient accomplies sous le double rapport de l'esprit
-et de la figure. MADEMOISELLE, pour en faire l'éloge, dit: «Elles sont
-bien faites et spirituelles, pour femmes de province.» (Montpensier,
-t. XLII, p. 38.) Ceci rappelle ce vers de Gresset, que j'avais à tort
-attribué à Regnard dans la première édition de cet ouvrage:
-
- Elle a de fort beaux yeux, pour des yeux de province.
-
- Page 164, ligne 15: Ils furent en cela imités par les auteurs
- dramatiques.
-
-Les auteurs dramatiques mettaient alors dans la bouche des héros de
-l'antiquité les discours de galanterie et les raffinements de
-sentiments à la mode dans les ruelles. Ils travestissaient tous les
-héros de l'antiquité en seigneurs de la Fronde. Ainsi l'_Amalasonte_
-de Quinault, donnée en 1657, est une véritable précieuse; et cette
-pièce valut à l'auteur une gratification du roi. _Le Mariage de
-Cambyse_, du même auteur, est une pièce écrite dans ce style.
-Corneille le jeune, dans sa tragédie de _Bérénice_, se vantait d'avoir
-imité un roman de Scudéry.
-
- Page 166, ligne 7: La plus galante personne du monde.
-
-Nous voyons ici le mot _galante_ employé dans une signification qui
-n'a plus cours que pour le genre masculin du même adjectif. C'est
-dans ce sens qu'on dit un galant homme c'est-à-dire un honnête homme,
-un homme qui sait vivre, qui a une conduite honorable; mais on ne dit
-plus une galante femme, bien qu'on dise encore, mais dans un autre
-sens, une femme galante.
-
- Page 166, ligne 25: Donna à madame de La Fayette l'idée de tracer
- le portrait de madame de Sévigné.
-
-On a inséré ce portrait dans toutes les éditions de _Madame de
-Sévigné_, mais aucun éditeur n'a indiqué où il a été imprimé pour la
-première fois. Je n'ai pu remonter qu'à l'édition des _Lettres de
-Madame de Sévigné_ de 1734. L'éditeur, le chevalier Perrin, en
-l'insérant dans sa préface, dit: «J'ai heureusement trouvé le portrait
-qu'en fit autrefois, sous le nom d'un inconnu, madame de La
-Fayette...» Ces mots semblent indiquer que ce portrait a été trouvé
-manuscrit dans les papiers de madame de Simiane, que Perrin a eus à sa
-disposition pour la publication des lettres de madame de Sévigné, et
-qu'avant ce portrait n'avait jamais été imprimé.
-
- Page 171, avant-dernière ligne: La troisième édition de ces
- poésies.
-
-C'est dans cette troisième édition que Ménage fit paraître pour la
-première fois ses poésies grecques et italiennes; cependant la seconde
-édition (1656) contenait, p. 117, un sonnet italien à mademoiselle de
-La Vergne.
-
- Page 172, ligue 4: Un madrigal allégorique.
-
-La fin du madrigal est jolie, mais elle est de Guarini, et non de
-Ménage; et il est étonnant que celui-ci ait songé à s'approprier des
-vers si connus. La muse de Ménage, quoique si souvent gratifiée des
-dons de sa mémoire, n'en est pas devenue plus riche.
-
- Page 172, lignes avant-dernière et dernière: La septième édition,
- qui ne fut pas la dernière.
-
-C'est la huitième qui est la dernière et la meilleure, et est
-accompagnée d'excellentes tables. Toutes ces éditions sont rares. Il
-est probable qu'elles furent tirées à petit nombre. La plus jolie de
-toutes, celle imprimée par les Elzeviers, est celle que j'ai le plus
-souvent rencontrée. J'ai donné une liste de toutes ces éditions à la
-page 452 de la première partie de ces _Mémoires_.
-
- Page 174, ligne 10: M. de Noirmoutier.
-
-Louis de La Trémouille, duc de Noirmoutier, mourut en 1666, le 15
-octobre, à l'âge de cinquante-quatre ans.
-
-
-CHAPITRE XIV.
-
- Page 177, avant-dernière ligne: Un aspect de bonheur.
-
-Loret, selon sa coutume, a rempli sa gazette de la description des
-fêtes données pendant l'hiver qui précéda le départ du roi pour le
-midi. Voici celles dont nous avons tenu note, comme des plus
-remarquables. En février (le roi ne revint de Lyon qu'à cette époque),
-divers bals chez le maréchal de L'Hospital, gouverneur de Paris, chez
-le duc de Saint-Simon; ballet royal de _la Raillerie_, plusieurs fois
-dansé par le roi; concert de soixante instruments, et des chantres et
-des chanteuses, les plus remarquables; mascarade en traîneaux à la
-place Royale, où tous les jeunes seigneurs étaient masqués: toute la
-cour y assistait, et était dans l'hôtel des Hameaux; plus tard, fête
-donnée par le roi, où il y eut une loterie de 100,000 livres. Le 3
-mai, le roi fait des courses à cheval au bois de Vincennes; le 10 de
-mai, grand dîner de MONSIEUR au roi, à Saint-Cloud. Fête superbe
-donnée au roi par de Lionne, dans son château de Berny: Mazarin en fit
-les frais. Cette fête était toute diplomatique: Pimentel, le
-négociateur du roi d'Espagne, s'y trouvait, et il était le véritable
-but de la fêle. A Vincennes, revue de soldats, ballets, danses et
-parades. On joua une pastorale de Trivelin-Canaille et de Scaramouche,
-qui amusa fort, et fit beaucoup rire.
-
- Page 178, note 2: _Journal contenant_, etc.
-
-Toutes ces pièces sont de Colletet; elles furent publiées comme un
-journal, au moment même des événements; la réunion en est rare. J'en
-donne les titres d'après un exemplaire qui renferme encore un volume
-in-4º en espagnol, accompagné de plans et de portraits, qui décrit la
-marche de l'infante jusqu'à la frontière de France. A ces pièces il
-faut joindre les ouvrages que j'ai cités dans mon édition de _La
-Fontaine_ au sujet de la lettre de notre fabuliste à de Maucroix, sur
-l'entrée de la reine. Ceux qui désireraient tout connaître sur cette
-époque célèbre ne doivent pas négliger de consulter les volumes de la
-collection d'estampes sur l'histoire de France, qui est à la
-Bibliothèque Royale. Au tome XXVI, ils trouveront une très-belle
-estampe de l'entrevue des deux rois, de la reine et de l'infante, et
-une autre, de Charles Le Brun, qui représente le mariage dans l'église
-de Saint-Jean de Luz. Dans une autre estampe allégorique, un Espagnol
-dit à un Français:
-
- A voir sur vos habits ces monceaux d'aiguillettes,
- Vos poudres, vos galands, vos canons, vos manchettes,
- Rien qu'un esprit ne vous peut inspirer.
-
- Page 179, ligne 21: Pour suivre les représentations théâtrales.
-
-Le goût des spectacles faisait naître le désir de les varier. Ce fut
-au mois d'avril de l'année 1660 que plusieurs particuliers, par zèle
-pour l'art théâtral, donnèrent au public, dans la maison d'un sieur de
-La Haye, à Issy, l'exemple d'une comédie française toute chantée. La
-musique était de Lambert, les paroles de l'abbé Perrin. Cette pièce,
-exécutée par les plus belles voix de cette époque, charma les
-spectateurs. Le 30 du même mois, Mazarin la fit représenter à
-Vincennes: elle plut tellement à la cour, que Mazarin ordonna a l'abbé
-Perrin d'en composer une seconde; il fit _Ariane, ou le Mariage de
-Bacchus_. Ainsi fut fondé un spectacle qui ne pouvait se maintenir que
-par la munificence royale, et dont la pompe et la splendeur se sont
-cependant toujours accrues depuis près de deux siècles, au milieu de
-toutes les révolutions, de toutes les banqueroutes et des pénuries des
-finances, et sans que jamais le public s'y soit porté avec assez
-d'empressement pour subvenir à la dépense qu'il exige.
-
- Page 183, ligne première: En mettant de côté la soutane du
- séminariste.
-
-J'ai rapporté dans mes notes sur la _Vie de La Fontaine_ le passage
-des Mémoires manuscrits de Tallemant des Réaux qui nous apprend que
-les parents de Molière l'avaient d'abord fait étudier pour être
-d'Église; et ceci se trouve confirmé par ce qui est dit dans la _Vie_
-de notre grand comique composée par l'éditeur de ses œuvres en 1730:
-c'est ce que paraissent avoir ignoré les récents éditeurs de
-_Molière_, qui, par des arguments nullement concluants, ont rejeté le
-témoignage contemporain de Tallemant des Réaux, tandis qu'ils n'ont
-pas fait difficulté d'admettre, sans critique et sans examen, les
-faits rapportés sur Molière par Grimarest, quoique lorsque cette _Vie_
-parut Boileau ait déclaré qu'elle fourmillait d'erreurs et de contes
-absurdes. Je suis revenu sur ce point de critique littéraire dans la
-quatrième édition que j'ai préparée de l'_Histoire de La Fontaine_,
-non encore publiée.
-
- Page 184, lignes 5 et 6: Dont l'intrigue ne lui appartenait pas.
-
-Dans la pièce de Chapuzeau qui fut donnée en 1756, trois ans avant
-_les Précieuses ridicules_, il y a, comme dans cette dernière pièce,
-un homme dont la déclaration est fort mal reçue par une femme infatuée
-de bel esprit, et qui s'en venge en introduisant auprès d'elle son
-valet, déguisé en marquis magnifique, qui lui plaît beaucoup plus.
-
- Page 185, note 299: BODEAU DE SOMAIZE.
-
-Somaize ne s'est point nommé dans cette préface des _Véritables
-Précieuses_. Il accuse Molière d'avoir imité _le Médecin et les
-Précieuses_ de l'abbé de Pure, et plusieurs autres pièces italiennes;
-et il cherche à le rendre odieux aux gens de cour. Cependant ce
-misérable écrivain spécula sur le succès de la pièce de Molière, et la
-mit en mauvais vers. On voit, par l'avertissement, que les libraires
-propriétaires de l'édition de la pièce de Molière mirent opposition à
-la vente de la traduction en vers. La pièce des _Précieuses
-ridicules_, en vers (1660, in-12), est dédiée à Marie de Mancini, dont
-Somaize parle souvent dans son _Grand Dictionnaire des Précieuses_.
-Somaize composa encore _le Procès des Précieuses_, en vers burlesques
-(1660, in-12), qu'il dédia à la marquise de Monloy; c'est probablement
-cette madame de _Monlouet_ dont il est fait mention dans madame de
-Sévigné.
-
-
-CHAPITRE XV.
-
- Page 188, ligue première du texte: Mazarin n'était plus.
-
-Mazarin mourut le 9 mars, entre deux et trois heures du matin.
-
- Page 189, ligne 24: Une jeune reine déjà enceinte.
-
-La grossesse de la reine fut soupçonnée dès le 9 mai.
-
- Page 190, ligne 16: Donnèrent pendant plusieurs mois à
- Fontainebleau.
-
-Madame de Motteville avoue, en parlant des fêtes de Fontainebleau, que
-même dans le beau temps de la régence jamais la cour n'eut cet éclat;
-et ce temps de la régence était cependant celui de sa jeunesse.
-
- Page 191, ligne 2: L'amour du roi pour mademoiselle de La Vallière.
-
-Le roi parut hésiter quelque temps entre sa belle-sœur, mademoiselle
-de Pons, et La Vallière; mais l'attrait qu'eut pour lui l'amour le
-plus sincère et le plus entier, accompagné de la modestie et de la
-pudeur, l'emportèrent sur les agaceries d'Henriette d'Angleterre,
-duchesse d'Orléans, et sur les avances de mademoiselle de Pons.
-
- Page 191, ligne 3: Celui de MADAME pour Buckingham.
-
-Le duc de Buckingham était le fils de celui qui fut soupçonné d'avoir
-obtenu les bonnes grâces d'Anne d'Autriche.
-
- Page 191, ligne 4: Et ensuite pour le comte de Guiche.
-
-Madame de La Fayette nous apprend que le comte de Guiche se déguisait
-en femme pour pénétrer chez MADAME. On se rappelle ce que j'ai dit de
-ces déguisements dans les ballets du roi.
-
- Page 191, ligne 5: Celui de la duchesse de Toscane.
-
-La duchesse de Toscane avait eu le désir d'épouser Charles de
-Lorraine, qu'elle aimait. Elle n'avait pas encore rejoint son mari
-lorsqu'elle donna à penser qu'elle n'avait rien refusé à son amant.
-Choisy la compare à un ange pour la beauté, mais non pas pour la
-conduite.
-
- Page 191, ligne 13: Soit pour elle-même, soit pour une autre.
-
-Quoique Montalais, dit madame de La Fayette, eût pour amant Malicorne,
-elle était confidente de beaucoup d'autres liaisons, qu'elle
-favorisait, et dont elle se mêlait sans aucun intérêt pour elle-même,
-et par besoin d'intrigues.
-
- Pages 193 et 194, lignes dernière et première: On risqua des
- sommes énormes sur une seule carte.
-
-Fouquet dans une seule partie avec Gourville perdit 55,000 fr. en une
-demi-heure. L'abbé de Gordes, en 1660, perdit avec le roi 150,000 fr.
-en une seule séance. Il faut doubler ces sommes pour avoir le montant
-de ces pertes en valeur actuelle.
-
- Page 194, ligne 5: La magnificence des ballets royaux.
-
-Les deux ballets royaux montés dans ces deux années furent ceux de
-_l'Impatience_ et des _Saisons_; le roi dansa dans les deux. Les
-beautés de la cour qui y figurèrent furent mesdemoiselles de Pons,
-Argencourt, Villeroi, Montbazon, Châtillon, Noailles, Brancas,
-Arpajon, La Fayette, Guiche, Fouilloux, Meneville, Chemerault,
-Bonneuil, La Vallière. Le ballet des _Saisons_ fut joué à
-Fontainebleau, et eut pour décoration les beaux arbres de la forêt.
-Celui qui disposait alors les théâtres de la cour et était employé aux
-décorations était un nommé Houdin (Antoine-Léonor), architecte du
-Louvre. Nous avons de cet artiste une excellente vue en perspective,
-présentée au roi en 1661, et des plans du Louvre. C'est cet architecte
-qui probablement a bâti le palais Mazarin, où est actuellement la
-Bibliothèque Royale, dont une partie, l'hôtel de Nevers, a été
-réparée, en 1709, par Dulin. (Conférez Germain Brice, _Description de
-Paris_, 1752, in-12, t. I, p. 362.)
-
- Page 196, ligne 8: Elle se rendit au Mont Saint-Michel.
-
-L'ouvrage latin que j'ai cité, de Martin Zeiller, _Topographia
-Galliæ_, 1657, in-folio, _pars_ VIII, p. 20, donne une vue bien
-détaillée et très-exacte du Mont Saint-Michel, tel qu'il se trouvait à
-l'époque où madame de Sévigné s'y rendit avec sa fille.
-
-
-CHAPITRE XVI.
-
- Page 201, ligne 15: Profanaient par de honteux scandales.
-
-On doit lire à ce sujet les curieuses particularités que MADEMOISELLE
-nous donne sur la vie que menaient les religieuses de Perpignan, dont
-les désordres étaient publics.
-
- Page 208, ligne 1re: Jamais il ne lui refusait d'audiences
- particulières.
-
-«Ce qui m'incommodait davantage, dit Louis XIV dans ses Instructions
-au Dauphin, en parlant de Fouquet, c'est que, pour augmenter la
-réputation de son crédit, il affectait de me demander des audiences
-particulières, et que, pour ne pas lui donner de défiance, j'étais
-contraint de les lui accorder.»
-
- Page 208, ligne 21: Que le roi, furieux contre lui, voulait sa
- mort.
-
-La Fontaine, dans la lettre citée, dit, en parlant de cet événement:
-«Il est arrêté; le roi est violent contre lui, au point qu'il dit
-avoir dans les mains des pièces qui le feront pendre[B].» Racine, dans
-ses _Fragments historiques_, nous apprend qu'on avait entendu dire à
-Louis XIV que si Fouquet avait été condamné, il l'aurait laissé
-mourir.
-
- [B] L'autographe de cette lettre de La Fontaine est dans ma
- collection.
-
-Grouvelle, connu par une édition des _Lettres de Madame de Sévigné_,
-dit (t. I, p. LXXX), dans la spirituelle notice qu'il a composée sur
-sa vie, qu'au moment de l'arrestation de Fouquet elle s'était retirée
-dans sa terre, par crainte des coups d'autorité. Selon Grouvelle,
-madame de Sévigné, en butte à la haine de Louis XIV, se croyait en
-sûreté contre sa puissance dans son château des Rochers. C'est avec
-cette ignorance des faits, avec ce défaut de jugement, que l'histoire
-se trouve le plus souvent écrite.
-
-
-CHAPITRE XVII.
-
- Page 212, ligne 3: Qu'en 1659, après la mort de son collègue.
-
-Servien mourut le 16 février 1659.
-
- Page 218, ligne 27: Le payement intégral de ces ordonnances.
-
-Gourville avoue (en 1657) qu'il se fit par ce moyen de grandes
-fortunes; puis il ajoute naïvement: «Ayant tous ces exemples devant
-moi, j'en profitai beaucoup.»
-
- Page 224, ligne 10: Aux femmes de cour intrigantes.
-
-On trouve à l'endroit cité des Défenses de Fouquet un état duquel il
-résulte qu'il avait payé 245,528 livres en gratifications, en une
-seule année, à des dames de la cour, et une somme de 204,498 livres à
-madame Duplessis-Bellière seule. On sait qu'elle était sa confidente
-pour les affaires d'amour; aussi sa fille, la marquise de Créqui,
-reçut de Fouquet 200,000 livres lorsqu'elle se maria.
-
- Page 224, ligne 12: Et donnait sans cesse des fêtes et des repas
- somptueux.
-
-Mazarin lors de son départ pour Saint-Jean de Luz alla loger
-familièrement chez lui, à Vaux, le 25 juin 1659.
-
- Page 224, ligne 15: Il avait partout des agents.
-
-Ainsi nous voyons qu'il était instruit de tout ce qui se passait à la
-cour de Savoie, par une dame d'honneur qu'il pensionnait. Il avait
-envoyé de Maucroix à Rome, qui sous le faux nom d'abbé de Crécy y
-était son chargé d'affaires.
-
- Page 226, ligne 4: Le Tellier allié à sa famille.
-
-Le Tellier avait épousé la sœur de Jean-Baptiste Colbert, seigneur de
-Saint-Pouange, cousin du Colbert qui fut ministre.
-
- Page 226, ligne 6: Dans le mémoire où il lui exposait les
- malversations de Fouquet.
-
-C'est le 28 septembre 1659 que Colbert écrivit son mémoire. La copie
-qui en fut trouvée dans les papiers de Fouquet a servi à convaincre
-les juges de l'ancienne haine de Colbert contre Fouquet, et a
-contribué beaucoup à adoucir la sentence.
-
- Page 228, ligne 15: Dans une seconde lettre.
-
-Les originaux de ces deux lettres de Colbert, avec les réponses à
-mi-marge de la main de Mazarin, sont sous nos yeux: en les confrontant
-avec la publication qu'en a faite Soulavie dans cet incohérent mais
-curieux recueil d'extraits et de pièces qu'il a intitulé _OEuvres de
-Saint-Simon_, on s'aperçoit qu'il les a mal lues, et qu'il a laissé
-passer à l'impression une foule de fautes grossières. Ainsi, au
-commencement de celle qui est datée du 28 octobre 1659, au lieu de ces
-mots, «J'ai reçu à désir les dépêches, etc.,» on lit dans
-l'autographe: «J'ai reçu à Decize les dépêches, etc.» Partout où se
-trouve le nom d'Hervart, on a imprimé _Herveau_, etc.
-
- Page 232, ligne 22: Toutes les instructions dont il avait besoin.
-
-Deux jours avant sa mort, Mazarin entretint encore longtemps Louis XIV
-de ces grands objets, et lui renouvela ses dernières recommandations.
-
- Page 233, ligne 24: Il lui fit donation pleine et entière de tous
- ses biens.
-
-Si l'on en croit Fouquet dans sa défense, la fortune de Mazarin se
-montait à 40 ou 50 millions (80 ou 100 millions de notre monnaie
-actuelle).
-
- Page 236, ligne 5: Mazarin environna le roi d'une cour brillante.
-
-Ce fut en 1657 que Mazarin acheva d'organiser la maison du roi d'une
-manière somptueuse. L'état des payements de tous ceux qui se
-trouvaient gagés et employés au service du jeune roi fut alors dressé,
-et ensuite imprimé dans un livre curieux, que j'ai souvent cité, mais
-dont je donnerai ici le titre entier:
-
-_Estat général des officiers, domestiques et commensaux de la Maison
-du Roy. Ensemble l'ordre et règlement qui doit estre tenu et observé
-en la Maison de Sa Majesté, tiré des mémoires de M. de Saintot,
-maistre des cérémonies de France._ Mis en ordre par le sieur de LA
-MARINIÈRE; Paris, chez Jean Guignard, 1660, in-8º.
-
-Environ six mille noms de personnes se trouvent inscrits et classés
-dans ce livre, avec les sommes qu'elles recevaient annuellement. Mais
-«_le surintendant au gouvernement et à la conduite de la personne du
-Roy et celle de monseigneur le duc d'Anjou, monsieur le cardinal_
-MAZARIN,» s'y trouve porté, p. 113, sans désignation d'appointements.
-Cet ouvrage démontre que près de six mille personnes, appartenant
-presque toutes à la classe des bourgeois et des industriels, étaient
-salariées par le roi, et que les gages et les profits qu'elles
-tiraient de leurs places n'étaient pas le seul motif d'intérêt qui les
-attachait aux soutiens du trône. En vertu de lettres patentes de
-Charles IX, d'Henri III, renouvelées et confirmées par Henri IV, Louis
-XIII et Louis XIV, tous ces salariés formaient, en leurs qualités
-d'_officiers, domestiques, commensaux et marchands suivant la cour_,
-une classe privilégiée comme la noblesse sous le rapport des impôts,
-jouissant, comme disent les lettres patentes, eux et leurs veuves
-pendant leur viduité, «des exemptions, franchises, libertés,
-affranchissements de contributions et subventions généralement
-quelconques faites et à faire.» Toutes ces lettres patentes sont
-imprimées _in extenso_, et à la suite de _l'ordre et règlement qui
-doit estre tenu et observé en la Maison du Roy_; Paris, 1657, in-8º. A
-Paris, chez Marin Leché, imprimeur du Roi.
-
-L'état donné par La Marinière offre de singuliers contrastes
-relativement aux appointements. Le maître à danser de Sa Majesté a
-2,000 livres, son maître d'écriture 300 livres, son maître de dessin
-1,500 livres, les _galopins_ qui servaient dans la cuisine sous les
-officiers de bouche, au nombre de trois seulement, ont chacun 300
-livres, etc., etc.
-
- Page 237, ligne 20: Le soupçonneux Mazarin.
-
-La partie des Mémoires de Brienne citée ici en note en est la plus
-curieuse. Les détails sur les derniers moments de Mazarin sont d'un
-grand intérêt. C'est une belle leçon de morale que la mort de ce
-ministre, soupçonnant tout ce qui l'environne, sachant qu'il est
-condamné par les médecins; semblable à un spectre, promenant ses
-regards, dans son palais, sur ses beaux tableaux, ses riches
-ameublements; puis, disant arec amertume: «Il faut quitter tout cela,
-_Guénaud l'a dit_.»
-
- Page 240, ligne 17: L'importance des affaires dont il était chargé.
-
-Louis XIV se servit de Fouquet pour les négociations avec le roi
-d'Angleterre. Louis XIV voulait, malgré la clause du traité des
-Pyrénées, secourir le Portugal contre l'Espagne. Pour que ses ruses ne
-fussent pas découvertes, il trompa d'Estrades, son propre ambassadeur
-en Angleterre. C'était se montrer de bonne heure un vrai disciple de
-Mazarin.
-
- Page 241, ligne 1: Le Tellier, son ennemi secret.
-
-Pomponne écrivait à son père, aussitôt après la mort de Mazarin: «M.
-le procureur général et M. Le Tellier paraissent fort unis; j'espère
-qu'ils le seront toujours, c'est leur intérêt.»
-
- Page 241, lignes 17-21: Offrit à la reine d'employer ses bons
- offices pour l'influence que Mazarin lui avait fait perdre.
-
-Ceci occasionna un refroidissement entre la reine mère et Mazarin,
-dont on s'aperçoit dans une lettre que la reine mère écrivit à ce
-ministre; lettre curieuse, qui donne beaucoup à penser sur la nature
-de leur ancienne liaison. Nous avons imprimé cette lettre à la fin de
-la troisième partie de ces _Mémoires_, p. 471.
-
-
-CHAPITRE XVIII.
-
- Page 248, ligne 3: Qu'elle était aimée du roi.
-
-Madame de La Fayette dit qu'on a cru que Louis XIV vit La Vallière
-pour la première fois à Vaux; mais on se trompait: nous savons
-actuellement qu'avant cette époque il la voyait, d'une manière plus
-efficace, dans l'appartement du comte de Saint-Aignan.
-
- Page 249, ligues 24 et 25: La duchesse de Chevreuse..... sut lui
- persuader.
-
-Le voyage de la reine mère à Dampierre, chez la duchesse de Chevreuse,
-eut lieu dans les derniers jours de mai et le commencement de juin.
-
- Page 250, note 418: LOMÉNIE DE BRIENNE.
-
-Le mot de Mazarin à madame de Tubœuf, rapporté par Brienne dans cet
-endroit de ses Mémoires, «Puisqu'il faut vous donner, madame, je vous
-donne le bonjour,» ressemble beaucoup à celui d'un Anglais très-riche
-et très-avare (Elves), à qui on demandait ce qu'il donnait à son fils
-en mariage. Il entra d'abord dans une grande colère, puis termina en
-disant: «Moi, je donne... je donne mon consentement.»
-
- Page 253, lignes 19 et 20: Un officier qui n'y était pas appelé
- par son rang.
-
-Ce fut d'Artagnan (Charles de Baatz) qui arrêta Fouquet.
-
- Page 253, ligne dernière: Qui est un des plus beaux passages
- de son éloquent plaidoyer.
-
-«..... N'employa-t-il pas pour votre service tout ce qu'il avait reçu
-du prix de sa charge? Cette fois je ne puis croire que Votre Majesté
-puisse en rappeler le souvenir sans en être touchée. Que serait-ce si
-elle voyait cet infortuné, à peine connaissable, moins changé et moins
-abattu de la longueur de sa prison que du regret d'avoir pu déplaire
-à Votre Majesté, et qu'il lui dit: «Sire, j'ai failli; si Votre
-Majesté le veut, je mérite toutes sortes de supplices... Je ne me
-plains point de la colère de Votre majesté; souffrez seulement que je
-me plaigne de ses bontés. Quand est-ce qu'elles m'ont permis de
-connaître mes fautes et ma mauvaise conduite? Quand est-ce que Votre
-Majesté a fait pour moi ce que les maîtres font pour leurs esclaves
-les plus misérables, ce qu'il est besoin que Dieu fasse pour tous les
-hommes et pour les rois même, qui est de les menacer avant de les
-punir?» (Pellisson, _Premier Discours au Roi_, page 74.)
-
- Page 255, ligne 20: Dont plusieurs s'étaient enrichies.
-
-Gourville fut obligé de donner 500,000 fr. pour se racheter contre les
-poursuites de la chambre de justice, et il resta encore fort riche.
-
- Page 256, ligne 7: Dès lors son règne commença.
-
-Les Instructions de Louis XIV au Dauphin sont ce qui a été écrit de
-mieux sur l'administration d'un grand royaume. Quelle pitié qu'elles
-aient si peu profité à ses successeurs!
-
- Page 257, lignes 1 et 2: N'offre pas un second exemple.
-
-J'ai donné à dessein ici les citations pour l'affaire de Fargues,
-qu'on pourrait m'objecter si elle était telle que Lemontey la raconte;
-mais en l'approfondissant on s'aperçoit qu'elle est tout autre. Ce
-personnage n'avait pas seulement pris parti contre le roi au temps de
-la Fronde: il avait d'abord été dans le parti du roi; il s'était fait
-donner le commandement de la place de Hesdin, qu'il vendit aux
-ennemis. Il fut à la vérité, sous Mazarin, compris dans un traité, et
-il avait obtenu des lettres d'abolition pour sa trahison (Loret, liv.
-XI, page 42), mais il négligea d'obtenir sa grâce du roi. Il se tint
-caché dans une de ses terres, à Courson. S'il y avait été sous son
-nom, le roi l'aurait su. Louis XIV s'irrita de l'audace de ce traître,
-jouissant si près de lui de ses grandes richesses; il lui fit faire
-son procès. Fargues fut convaincu comme concussionnaire, et pendu.
-C'est un acte de despotisme d'autant plus blâmable, que Fargues ne fut
-point jugé par le parlement, mais par une commission. Fargues avait
-mérité la mort, mais il fallait le juger régulièrement. Toutefois, sa
-conduite avait été si odieuse, que sa condamnation ne fut point
-blâmée.
-
- Page 257, lignes 4 et 5: Lui avait reconnu une audace capable de
- tout oser.
-
-Madame de La Fayette dit, en parlant de Fouquet: «Homme d'une ambition
-sans bornes, dont les desseins étaient infinis pour les affaires aussi
-bien que pour la galanterie.»
-
-
-CHAPITRE XIX.
-
- Page 265, lignes 17 et 18: Pomponne resta dix-huit mois à la
- Ferté-sous-Jouarre.
-
-Les affaires qui appelaient Pomponne à la Ferté-sous-Jouarre
-concernaient la succession que Nicolas Ladvocat, son beau-père, avait
-laissée à sa femme. Fouquet avait contribué au mariage de Pomponne
-avec mademoiselle Ladvocat. La belle-mère de Pomponne se nommait
-Marguerite de Bouillé.
-
- Page 270, ligne 13: Dîner à l'hôtel de Nevers; et note 458:
- Cet hôtel.
-
-Ma note et mes nombreuses citations ne peuvent suffire pour redresser
-toutes les erreurs auxquelles l'hôtel de Nevers a donné lieu. Madame
-de Sévigné, Pomponne, et plusieurs de leurs contemporains, désignent
-toujours l'hôtel qu'habitait madame de Guénégaud par le nom d'_hôtel
-de Nevers_, parce qu'en effet c'était cet hôtel, situé près des fossés
-de l'ancienne enceinte de la ville et de la porte de Nesle, où est
-actuellement l'hôtel des Monnaies, que Henri de Guénégaud, ministre et
-secrétaire d'État, avait acheté, en 1641, de la princesse Marie de
-Gonzague de Clèves, veuve du duc de Nevers. Guénégaud embellit et
-rebâtit presque en entier cet hôtel; il l'agrandit, en y joignant un
-autre hôtel, plus petit, qui se trouvait voisin. Cependant on
-continuait toujours à appeler cet hôtel _hôtel de Nevers_, quoique sur
-les plans gravés de Paris, de l'année 1654, il eût déjà pris le nom
-d'_hôtel de Guénégaud_ (voyez le plan de Berey, celui de Gomboust, et
-celui de Builet). La rue des Deux-Portes, qui longeait les murs de cet
-hôtel, avait pris le nom de _rue de Nevers_, qu'elle a conservé.
-Trompé par ce nom d'hôtel de Nevers, appliqué par continuation à
-l'hôtel Guénégaud, M. Monmerqué a quelquefois cru qu'il était
-question, dans les écrits du temps, d'Anne de Gonzague ou de la
-princesse Palatine, quand il s'agissait de madame Duplessis-Guénégaud;
-ce qui l'a fait tomber dans quelques erreurs. (Voyez _Lettres de
-Sévigné_, t. I, p. 81, note _a_; _Mémoires de Coulanges_, 1820,
-in-8º, p. 383; _Biographie Universelle_, t. XXXV, p. 321, article
-POMPONNE.) Ainsi, c'est chez madame de Guénégaud qu'allait madame de
-Sévigné lorsqu'elle se rendait à l'hôtel de Nevers. C'est chez madame
-de Guénégaud que Pomponne se rendit lorsqu'il vint à Paris, au retour
-de son exil. C'est chez madame de Guénégaud, et non chez la princesse
-Palatine, qui n'habitait plus alors Paris, que Boileau lut ses
-premières satires, et Racine sa première tragédie (_Alexandre_). M. de
-Saint-Surin est donc dans l'erreur aussi à cet égard (voyez _OEuvres_
-de Boileau, édit. de 1821, t. I, p. 41 de la notice biographique).
-
-L'hôtel de Nevers, situé à côté de la tour de Nesle, et près des
-fossés de la ville et de l'ancienne enceinte, avait remplacé l'hôtel
-de Nesle. L'hôtel de Guénégaud remplaça l'hôtel de Nevers en 1652. En
-1670 le prince de Conti l'acheta, et alors il devint l'hôtel de Conti;
-et l'édifice actuel de la Monnaie a remplacé l'hôtel de Conti. Marie
-de Gonzague, qui épousa successivement Wladislas IV, et Casimir, roi
-de Pologne, a bien possédé et occupé l'hôtel de Nevers; mais il est
-douteux que sa sœur cadette, Anne de Gonzague, qui fut mariée à
-Édouard, prince palatin de Bavière, et qu'on nommait la princesse
-Palatine, ait jamais logé dans cet hôtel. Il y a trois vues
-intéressantes gravées de l'hôtel de Nevers avant qu'il eût été abattu
-en tout ou en partie pour devenir l'hôtel Guénégaud, dans Martin
-Zeiler, _Topographia Galliæ_; _Francofurti_, in-folio, t. I, pages 58,
-59 et 60.
-
-Duplessis-Guénégaud acheta non-seulement l'hôtel de Nevers, mais il
-acquit encore de la ville de Paris tous les terrains vagues laissés
-par les fossés de la ville, qui se trouvaient derrière. C'est sur ces
-terrains que l'on construisit depuis le collége des Quatre-Nations (le
-palais de l'Institut) et la rue Mazarine, tracée exactement dans la
-direction de ces anciens fossés. Les nouvelles constructions de
-l'Hôtel de Guénégaud paraissent avoir été terminées avant qu'on eût
-rien bâti sur ces anciens fossés; car ils sont tracés encore sur le
-plan de Berey en quatre feuilles, où le nom d'hôtel Guénégaud a
-remplacé celui d'hôtel de Nevers. Ce nom d'hôtel Guénégaud est aussi
-le seul qu'on trouve en cet endroit sur le grand plan de Paris de
-Gomboust, fait sous la direction de Petit, maître des fortifications
-de Paris. Il en est de même du plan de Builet, en douze feuilles; mais
-on voit que dans l'usage on continuait d'appeler cet hôtel hôtel du
-Nevers; car de Joly, dans ses _Mémoires_ (t. XLVII, p. 213), en
-racontant une émeute de la populace qui eut lieu en 1652, et qu'on fut
-obligé de réprimer par la force, dit: «Son Altesse Royale fut obligée
-d'envoyer des gardes et de faire armer des bourgeois pour dissiper une
-troupe de canaille qui voulait piller l'_hotel de Nevers_, appartenant
-au sieur de Guénégaud, secrétaire d'État.»
-
-Nous lisons dans les _Mémoires de Gourville_ (t. LII, p. 330) qu'il se
-rendit à Paris, dans une maison que madame Duplessis-Guénégaud lui
-avait fait bâtir. En effet, dans le _Paris ancien et nouveau_ de Le
-Maire, édition de 1685, t. III, p. 269, il est dit que l'hôtel de
-Sillery a été bâti, il y a environ trente ans, dans un cul-de-sac de
-l'hôtel de Conti, c'est-à-dire de l'hôtel de Guénégaud. Gourville
-était fort lié avec madame Duplessis-Guénégaud; et ce fut chez elle
-qu'il déposa ses papiers et son argent quand il partit pour faire le
-voyage de Nantes. (_Mémoires de Gourville_, t. LII, p. 354.)
-
-Après la mort de Mazarin, il y eut un autre hôtel de Nevers; ce fut la
-partie du palais Mazarin qui échut en partage à son neveu le marquis
-de Mancini, duc de Nevers. C'est celui qu'occupe aujourd'hui la
-Bibliothèque du Roi, rue de Richelieu. (Voyez _Piganiol de La Force_,
-t. III, pages 57, 58 et 140.) Je n'ai pas besoin de dire que cet hôtel
-n'a d'autre rapport que le nom avec celui qui fut occupé par les
-anciens ducs de Nevers, et dont je viens de tracer les diverses
-transformations. Madame Duplessis-Guénégaud était sœur de la
-maréchale d'Étampes, dame d'honneur de la duchesse d'Orléans
-douairière.
-
- Page 273, ligne 3: M. de Neuré, fameux astrologue.
-
-Ce Neuré ne pouvait être soupçonné de vouloir favoriser Fouquet.
-Gourville en parle comme d'un vieux philosophe qui avait pris à ferme
-un petit domaine du marquis de Vardes. C'est dans ce domaine, et par
-conséquent chez Neuré, que Vardes mit Gourville, qui y resta quelque
-temps, caché sous un nom supposé, lorsqu'on 1662 Gourville, poursuivi,
-par suite de l'affaire de Fouquet, par la chambre de justice, se
-rendit en secret à Paris, sur l'invitation de Vardes, qui avait besoin
-de conférer avec lui relativement à la fausse lettre du roi d'Espagne
-à la reine de France, écrite par Vardes et remise à la Molina, femme
-de chambre de cette dernière. Gourville raconta plaisamment comment le
-bonhomme Neuré, de fort mauvaise humeur contre les financiers et les
-traitants, louait fort la chambre de justice et la rigueur qu'elle
-mettait dans ses poursuites contre de telle gens. «Parmi ceux, dit
-Gourville, qui lui blessèrent le plus l'imagination, il me nommait
-souvent, surtout parce qu'il avait vu chez M. de La Rochefoucauld une
-pendule de grand prix, qui allait six mois, laquelle m'appartenait. Je
-ne manquais pas de l'applaudir, et de renchérir sur tout ce qu'il
-disait, et même contre moi en particulier.»
-
- Page 274, ligne 11: A la condamnation à la peine capitale.
-
-«Contre toute espérance, dit Loménie de Brienne, Fouquet eut la vie
-sauve.»
-
- Page 276, ligne 17: Ces deux vers du Tasse me reviennent en
- mémoire.
-
-La fin de l'affaire du procès de Fouquet n'a pas dû être la fin de la
-correspondance de madame de Sévigné avec Pomponne. Elle aimait à
-écrire, et sa tendresse pour sa fille n'a pas été le seul motif qui
-l'ait rendue si active dans sa correspondance épistolaire. Voici ce
-qu'elle répond aux remercîments que Pomponne lui fit sur son
-exactitude à l'instruire de tout ce qui avait concerné Fouquet: «Il me
-semble, par vos beaux remercîments que vous me donnez mon congé; mais
-je ne le prends pas encore. Je prétends vous écrire quand il me
-plaira; et dès qu'il y aura des vers du Pont-Neuf ou autres, je vous
-les enverrai fort bien.» (Lettre en date de janvier 1665.) Et en
-effet, dans un _post scriptum_ de cette même lettre, écrit plusieurs
-jours après, elle demande à Pomponne son avis sur les stances, les
-couplets qu'elle lui a envoyés. Il est probable que c'étaient quelques
-vers des nombreuses chansons que l'on fit alors contre Colbert et
-autres ennemis du surintendant, et contre les juges qui avaient opiné
-à mort.
-
- Page 278, ligne 3: Ce Puiguilhem, ce cadet de Gascogne.
-
-Lauzun était Périgourdin. Puiguilhem (l'orthographe de ce nom est
-presque toujours défigurée) est une paroisse du Périgord, à trois
-lieues au sud-ouest de Bergerac. (Conférez le _Nouveau Dénombrement du
-Royaume_, 1720, in-4º, p. 226; d'Expilly, _Grand Dictionnaire des
-Gaules et de la France_, in-folio, t. V, p. 1014.)
-
-
-CHAPITRE XX.
-
- Page 284, ligne 3: Dans cette première année.
-
-Bussy dit «qu'au lieu de ce mic-mac et des faiblesses comme du temps
-de Mazarin, on vit des hauteurs dignes d'un grand prince.»
-
- Page 284, ligne 4: Contre tous les embarras d'une disette.
-
-On fit venir des grains, qu'on vendait à bas prix au peuple. On fit à
-Paris un four ménager, pour donner le pain aux pauvres à meilleur
-marché. On vendait à Paris un setier de blé 26 livres. Louis XIV
-réduisit les dépenses des forêts, et gagnait quatre millions en
-affermant de nouveau les octrois. Il dégreva les provinces d'une
-partie de leurs tailles.
-
- Page 284, ligne 24: Sur la Lorraine et le Barrois.
-
-Le duc de Lorraine voulut vendre son duché et en frustrer son
-héritier, par amour pour la fille d'un apothicaire nommé Pajot. Louis
-XIV sut profiter de cette disposition.
-
- Page 285, ligne 6: Imprimèrent un grand respect à son nom.
-
-La lettre écrite par Louis XIV au roi de Pologne en 1663, au sujet de
-l'affaire de Rome, est un chef-d'œuvre d'adresse, de diction et de
-dignité.
-
- Page 285, ligne 15: Des provisions que pour trois ans.
-
-Pour qu'on ne pût pas murmurer de cette innovation, il commença par
-donner ainsi, pour trois ans seulement, le gouvernement de Paris au
-duc d'Aumont, l'un de ses quatre capitaines des gardes.
-
- Page 285, ligne 17: Le cardinal de Retz fut amené à donner sa
- démission.
-
-Un court billet du roi accuse au cardinal de Retz la démission de son
-archevêché. Il ne fut pas même permis à Retz de venir en cour. Il
-avait cependant été consulté sur l'affaire de Rome; et ce fut lui qui
-donna l'idée de la pyramide. (Voyez Joly, _Mémoires_, t. XLVII, page
-454, 460, 462.) Chandenier, qui avait tout quitté pour suivre le parti
-de Retz, ne voulut accepter aucun dédommagement pour sa place de
-capitaine des gardes.
-
- Page 286, ligne 11: Le jeune roi se montra moins sage que Mazarin.
-
-Entre les catholiques, les jansénistes et les protestants, venait se
-placer la secte des libertins ou incrédules, que nous avons déjà
-signalée, mais trop peu nombreuse alors et trop obscure pour que le
-gouvernement pût deviner qu'elle devînt un jour la plus dangereuse.
-Elle se moquait de tout, et son opposition au gouvernement et à
-l'Église se manifestait par des vaudevilles, des épigrammes, et de
-malignes satires. Ce fut cette année que Saint-Évremond écrivit sa
-_Conversation du maréchal d'Hocquincourt et du père Canaye_
-(Saint-Évremond, _OEuvres_, t. III, p. 54, et _Vie de Saint-Évremond_,
-par Desmaiseaux). Dans le pays de Gex, Louis XIV fit fermer cette
-année vingt-deux temples protestants; et dans le mois de juillet de
-cette même année il fit mettre à la Bastille le libraire Des Prés,
-pour avoir réimprimé la lettre de Pavillon, évêque d'Ath, où étaient
-déduites les raisons qui empêchaient cet évêque de signer les cinq
-propositions. La lettre de Racine à Vitart prouve que les jansénistes
-étaient déjà menacés dans le midi.
-
- Page 288, ligne 5: Il fut attaqué par l'abbé d'Aubignac.
-
-Voici un échantillon de la critique de l'abbé d'Aubignac: «Pour moi,
-qui depuis dix-sept ans me suis retiré dans les ténèbres de mon
-cabinet sans voir la cour, je pourrais bien en avoir oublié le langage
-aussi bien que les mystères. Mais M. Corneille, qui depuis tant
-d'années en fait un Pérou, ne devait pas tant de fois et si souvent
-donner cette qualité de suivantes aux dames et aux filles qui servent
-ces princesses, si cela ne s'accorde pas au faste et aux intrigues des
-belles cours.» Qui eût dit qu'on eût jamais osé reprocher à Corneille
-d'être homme de cour!
-
- Page 290, lignes 5 et 6: Il inséra dans ses satires les noms
- des personnes qu'il voulait livrer à la risée et au mépris
- public.
-
-Dans les éditions de 1667 et de 1669 des Satires de Boileau on trouve
-les vers suivants:
-
- Je ne puis arracher du creux de ma cervelle
- Que des vers plus forcés que ceux de _la Pucelle_.
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Faut-il d'un froid rimeur dépeindre la manie,
- Mes vers comme un torrent coulent sur le papier;
- Je rencontre à la fois Perrin et Pelletier,
- Bardou, Mauroy, Boursault, Colletet, Titreville;
- Et pour un que je veux j'en trouve plus de mille.
-
-Bien pour ces vers, qui ne frondaient que l'esprit; mais comment
-l'auteur ne se faisait-il pas des affaires avec les tribunaux pour les
-vers suivants, qui concernaient un procureur fameux, un libraire fort
-connu, un avocat, compilateur estimable et laborieux de l'histoire de
-Paris, dont il imprimait les noms dans ses satires sans aucun
-déguisement?
-
- J'appelle un chat un chat, et Rollet un fripon.
- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Faut-il peindre un fripon fameux en cette ville,
- Ma main, sans que j'y rêve, écrira Saumaville;
- Faut-il d'un sot parfait montrer l'original,
- Ma plume, au bout du vers, d'abord trouve Saufal (Sauval).
-
-Quoi qu'en ait dit M. de Saint-Surin (_OEuvres de Boileau_, t. II, p.
-271), il y a Saumaville dans l'édition de 1666; dans l'édition de 1667
-on trouve Raumaville; mais ce doit être une faute d'impression, car
-celle de 1669 porte derechef Saumaville.
-
- Page 290, note 2: RACINE, _lettres de Vitart_.
-
-Je cite ici l'édition de Racine de Geoffroy, non que ce soit la
-meilleure, mais parce que c'est dans cette édition que les lettres de
-Racine à Vitart et à l'abbé Levasseur ont été imprimées en entier, et
-d'après les originaux manuscrits. Racine le fils, en les publiant le
-premier, y avait fait des retranchements. On voit par la lettre p.
-119, que Racine, sans souvenir du passé, approuve toutes les rigueurs
-contre le surintendant. On voit aussi (t. VII, p. 22) qu'alors il
-faisait grand cas de Perrault.
-
- Page 294, ligne 3: Une cour nombreuse.
-
-Le frère du roi alla habiter le palais Cardinal ou le Palais-Royal. Il
-y donnait, ainsi qu'à Saint-Cloud, des fêtes et des repas à la famille
-royale; il allait souvent à son château de Villers-Cotterets, que
-Louis XIV lui avait donné pour apanage. Le duc de Beaufort, qui
-demeurait dans la rue Saint-Honoré, donnait aussi des repas au roi et
-à la reine, aussi bien que le président de Maisons. MONSIEUR donna au
-Palais-Royal une fête au roi et à toute sa cour.
-
- Page 294, ligne 12: Il renouvelle cet éloge.
-
-Dans la _Critique de l'École des Femmes_, Molière fait dire à son
-Dorante «qu'on peut être habile avec un point de Venise et des plumes,
-aussi bien qu'avec une perruque courte et un petit rabat uni; que la
-grande épreuve de toutes les comédies, c'est le jugement de la cour;
-que c'est son goût qu'il faut étudier pour trouver l'art de réussir;
-qu'il n'y a point de lieu où les décisions soient si justes... et
-qu'on s'y fait une manière d'esprit qui sans comparaison juge plus
-finement des choses que tout le savoir enrouillé des pédants.» Il
-reproduit les mêmes idées en vers dans _les Femmes Savantes_.
-
- Page 294, lignes 13 et 20.
-
-Voyez la tirade qui commence par ces vers:
-
- Je sais bien que souvent un cœur lâche et perfide, etc.
-
-Alors en fulminant contre les crimes, il ne craignait pas de nommer
-les criminels.
-
- Et Monleron ne doit qu'à ses crimes divers
- Ses superbes lambris, ses jardins toujours verts.
-
-Ce Monleron n'était pas un nom supposé, mais un homme très-riche, et
-vivant lorsque Boileau imprima sa satire. Tout cela a été retranché
-dans les éditions subséquentes. Voyez la note de l'édition de
-Saint-Marc, 1747, in-8º, t. I, p. 32.
-
- Page 295, ligne 11: Soixante-dix cordons bleus.
-
-Il est dit dans l'_Histoire de France en estampes_ que le roi fit
-soixante-trois chevaliers d'épée, et huit d'Église. Ce serait
-soixante-onze.
-
- Page 296, ligne 2: Du titre de _Mémoires de Coligny_.
-
-Depuis que ceci a été écrit, les vrais _Mémoires de Coligny_, dont
-cette note marginale n'était qu'un fragment, ont été publiés par la
-Société de l'Histoire de France, et ont eu pour éditeur M. Monmerqué.
-
- Page 297, ligne 19: Puis vint le célèbre carrousel; et page 298,
- note 508: _Description du Carrousel_.
-
-Il y a un exemplaire de cette description officielle du carrousel de
-1662, avec toutes les figures, supérieurement peintes en miniature, à
-la Bibliothèque de Versailles. Dans cette bibliothèque il y a encore
-deux autres ballets avec tous les personnages et leurs costumes peints
-en grand. Ce fut Fléchier qui traduisit en latin la description du
-carrousel de 1662, et le même fit des vers latins sur ce sujet. C'est
-dans ce carrousel que Louis XIV prit pour la première fois cette
-devise orgueilleuse qu'il a toujours gardée depuis, et qu'il cherche à
-justifier dans ses Instructions au Dauphin, contre les critiques
-nombreuses qu'on en a faites. On sait qu'elle avait pour corps un
-soleil éclairant le globe de ses rayons, et pour âme ces mots latins:
-_Nec pluribus impar_.
-
- Page 300, lignes 2 et 3: Aux inclinations qui pouvaient le
- distraire des soucis de la royauté.
-
-«Le roi, dit naïvement madame de Motteville, avait le cœur rempli de
-ces misères humaines qui font le faux bonheur de tous honnêtes gens.»
-
- Page 300, lignes 17 et 18: Dans le couvent des Filles Sainte-Marie
- de Chaillot.
-
-Cette retraite de La Vallière avait été précédée d'une altercation
-avec le roi. Elle eut l'esprit comme égaré d'avoir osé dissimuler avec
-lui.
-
- Page 300, ligne dernière: En faisant remettre à Marie-Thérèse.
-
-La reine connaissait bien avant cette lettre la liaison du roi avec La
-Vallière. Elle dit en espagnol à madame de Motteville, qui la vint
-voir pendant ses couches, tandis que La Vallière était présente:
-«_Esta donzella con las aracades de diamante es esta a que el rey
-quiere._»
-
- Page 301, ligne 12: A faire enfermer dans un couvent mademoiselle
- de Montalais.
-
-La lettre du roi à l'abbesse de Fontevrault lui recommande de ne
-laisser communiquer personne avec mademoiselle de Montalais. Celle-ci
-s'était non-seulement rendue la confidente des amours du comte de
-Guiche et de MADAME, mais aussi de celles de mademoiselle de
-Tonnay-Charente (depuis madame de Montespan), qui avait de
-l'inclination pour le marquis de Marmoutiers, et désirait l'épouser.
-Le comte de Guiche se déguisa plusieurs fois en femme pour pénétrer
-près de MADAME (Conrart, _Mém._, t. XLVIII, p. 280; Montpensier,
-_Mém._, t. XLIII, p. 43). Gramont avait osé disputer mademoiselle de
-La Motte-Houdancourt au roi. Il fut exilé, et alla en Angleterre
-rejoindre Saint-Évremond; mais ensuite il revint, et rentra en grâce.
-
- Page 302, ligne 14: Ils y parvinrent; et note 1: LOUIS XIV,
- _lettre_ du 20 décembre 1662.
-
-La lettre de Louis XIV adressée à l'abbesse de Fontevrault est pour
-donner la liberté à Montalais.
-
- Page 303, ligne 25: C'étaient encore des mystères.
-
-La liaison de Louis XIV avec La Vallière était encore un secret pour
-la cour lors de la naissance de la fille qui fut le premier fruit de
-cet amour. Cette enfant mourut peu après sa naissance, en novembre
-1662. Voyez Motteville, t. XL, p. 177. Nous voyons dans Loret, liv.
-XIII, p. 109, que le roi donna un dîner à Versailles; et ce fut le
-premier. Les dames à Saint-Germain allaient à la chasse avec le roi.
-Le 4 novembre la chasse de Saint-Hubert eut lieu à Saint-Germain.
-(Loret, liv. XIII, p. 170.)
-
- Page 304, ligne 2: La béatification de saint François de Sales.
-
-Ce fut l'évêque de Montpellier qui fit l'éloge de saint François de
-Sales. La canonisation de saint François de Sales eut lieu en 1665; la
-cérémonie, au mois de mai. (_Histoire de la Monarchie Françoise_,
-1697, t. II, p. 235.)
-
- Page 305, ligne 9: Quoique Corbinelli fût à Paris membre d'une
- académie italienne.
-
-L'ambassadeur de Venise était le protecteur de cette académie
-italienne. Le chevalier Amalthée et Corbinelli en étaient les
-chanceliers honoraires.
-
-
-CHAPITRE XXI.
-
- Page 313, ligne 4: Il imprimait au dehors le respect et la
- crainte.
-
-Le légat du pape et un cardinal vinrent demander pardon au roi pour ce
-qui s'était passé à Rome. En même temps Louis XIV se conduisait d'une
-manière toute chevaleresque envers ses alliés, et rendait à l'empereur
-d'Allemagne les drapeaux conquis sur les Turcs.
-
- Page 313, ligne 7: Il terminait le Louvre et commençait
- Versailles.
-
-Loret dès le mois d'octobre 1663 parle déjà du labyrinthe de
-Versailles et de la ménagerie. Le Vau était l'architecte du Louvre.
-Les grands travaux de Versailles ne commencèrent qu'en 1664. Ils ont
-coûté 116 millions ou 190 millions de notre monnaie actuelle, somme
-que Mirabeau exagérait en la portant à 1,200 millions, et Volney à
-quatre milliards six cents millions! et cela dans des _Leçons
-d'Histoire_ (1799, in-8º, p. 141). Conférez la troisième partie de
-ces _Mémoires_, p. 450.
-
- Page 314, lignes 5 et 6: Pour les recherches à faire sur toutes
- les branches d'administration du royaume.
-
-Voici ce que dit au sujet de cette circulaire M. d'Hauterive, un des
-hommes les plus instruits et les plus habiles en administration du
-règne de Napoléon: «Je viens dans le moment même de découvrir une
-minute de la circulaire qui fut adressée par Colbert, par ordre du
-roi, en 1664, à tous les intendants du royaume. Elle contient un
-système tout à fait complet de recherches sur tous les objets que j'ai
-passés trop rapidement en revue dans mes conseils (_Conseils à un
-jeune Voyageur_). Ce système présente dans de bien minutieux détails
-les rapports de toutes les administrations du royaume avec toutes les
-classes des sujets et les individus de toutes les classes. Les objets
-d'informations y sont classés d'une manière admirable; rien n'y est
-omis: produits, échanges, rangs, mœurs et usages; divisions
-géographique, administrative, ecclésiastique, militaire; ordre
-judiciaire, finances, et toutes les parties de chacune des
-administrations de l'État y sont proposés à l'examen et à l'étude de
-l'observateur officiel, pour qu'il y remarque le bien, le mal, le
-moyen d'améliorer ou le remède, et qu'il rende successivement compte
-de ses observations. Les actes de l'autorité sont tous nominativement
-mis en regard des droits et des besoins des peuples, et le ministre
-exprime sur chaque point la sollicitude du souverain sur des abus
-qu'il ignore, qu'il veut connaître, et qu'il est dans sa royale
-intention de prévenir et de réformer.»
-
- Page 314, ligne 16: Dans le _Discours au Roi_, et note 540
- _Suite du Nouveau Recueil._
-
-Le _Recueil_ où le _Discours au Roi_, de Boileau, se trouve imprimé
-pour la première fois a échappé aux nombreux commentateurs de l'auteur
-de l'_Art Poétique_, quoiqu'il ait dû être dans le temps fort répandu.
-
- Page 314, lignes 19 et 20: Les premières satires du jeune poëte;
- et note 541: _Nouveau Recueil_.
-
-Dans la satire à Molière, telle qu'elle est imprimée dans le _Recueil_
-cité, qui est de 1665, antérieur à la première édition donnée par
-l'auteur, on lit:
-
- Si je pense parler d'un galant de notre âge,
- Ma plume pour rimer rencontrera Ménage.
-
-Ainsi les commentateurs de Boileau se sont trompés quand ils ont
-avancé que ces vers n'avaient jamais été imprimés ainsi, et que cette
-variante n'avait existé que sur le manuscrit.
-
- Page 317, ligne 7: Mademoiselle de La Vallière, dont la liaison
- avec le monarque n'était plus un mystère.
-
-Dans le ballet royal des _Arts_, La Vallière jouait, déguisée en
-bergère; et Benserade fait dire à ce sujet:
-
- Et je ne pense pas que dans tout le village
- Il se rencontre un cœur mieux placé que le sien.
-
-Guéret, dans sa _Carte de la Cour_, qui parut en 1663, fait ainsi le
-portrait de Clarice: «L'ingénieuse Clarice paraît aussi beaucoup dans
-ces lieux; et si je n'ose dire hardiment qu'elle en est l'âme (comme
-plusieurs personnes disent à sa gloire), du moins j'avancerai avec
-assurance qu'elle en est un des plus beaux ornements. L'on croit que
-ses conquêtes s'étendent bien au delà de cette cour.» Et en marge il
-est écrit: _La Vallière_.
-
- Page 319, ligne 16: Plus adroitement que toutes ses femmes;
- et note 547.
-
-Les médecins prescrivirent le quinquina; ce qui prouve que ce
-médicament était connu alors.
-
-
-CHAPITRE XXII.
-
- Page 322, lignes 9 et 10: Donnèrent encore plus d'activité
- aux fêtes.
-
-La foire de Saint-Laurent cette année fut très-brillante (25 août);
-Loret, liv. XIV, p. 136. Il y eut le mariage de mademoiselle de Valois
-et celui de M. le Duc, fils du prince de Condé (Montpensier, t. XLIII,
-p. 54, 68). On donna un carrousel pour l'arrivée du légat (Loret, liv.
-XV, p. 123). Il y eut une jolie fête à Vincennes, où le roi figura. On
-y joua à l'escarpolette (Loret, liv. XIV, p. 189, 191). Il y eut
-aussi des fêtes en Bretagne pour la tenue des états (Loret, liv. XIV,
-p. 152).
-
- Page 327, lignes 15 et 18: Mademoiselle de Mortemart.... s'était
- mariée à Montespan.
-
-Nous apprenons par Loret que l'hôtel où se firent les noces de
-mademoiselle de Mortemart se nommait l'hôtel d'Antin. Le fils que
-madame de Montespan eut de son mari, et dont nous avons les Mémoires,
-imprimés par la Société des Bibliophiles, portait le titre de duc
-d'Antin.
-
- Page 327, note 549: LORET.
-
-Loret nous apprend qu'il y a une relation de ce ballet des _Arts_
-imprimée chez Ballard, et que la _Gazette_ en rapporte «maintes
-choses»: c'était la _Gazette de France_ de Renaudot, la seule qui
-existât alors. Ce ballet fut joué aussi au Palais-Royal, chez
-MONSIEUR, à la fin de février (Loret, liv. XIV, p. 35, en date du 1er
-mars).
-
- Page 329, ligne 9: Pour _mademoiselle_ DE SÉVIGNY.
-
-Loret écrit souvent Cevigny, mais quelquefois mieux Sevigny; dans
-Benserade et dans Bussy, c'est toujours Sevigny. Le goût que l'on
-avait pour la langue italienne faisait affecter les terminaisons
-italiennes.
-
- Page 330, ligne 19: Le jeu qu'on appelait _la ramasse_.
-
-Loret parle ainsi du jeu nommé _la ramasse_:
-
- Mercredi le roi notre sire,
- A qui de longs jours je désire,
- Dans Versailles traita la cour,
- Et quoique ce fût un beau jour,
- On n'y fit point, dit-on, de chasse;
- Mais le plaisir de _la ramasse_,
- Plus rapide que hasardeux,
- Les divertit une heure ou deux.
-
-Au mot _ramasse_, par un renvoi, Loret a mis en marge: _Machine de
-nouvelle invention_.
-
- Page 330, avant-dernière et dernière lignes: Toutes les fêtes
- de l'hiver furent surpassées par celles que Louis XIV donna
- au printemps.
-
-La description de ces fêtes se trouve dans toutes les éditions de
-notre grand comique. Benserade fait commencer ces fêtes le 10 mai; la
-lettre de Marigny, mélangée de prose et de vers, où elles sont
-décrites, est datée du 14 mai 1664.
-
-
-CHAPITRE XXIII.
-
- Page 334, ligne 9: Il n'a plus la faculté de brûler.
-
- Arde per voi d'Amore.
- Fuor del mio, vaga FILLI,
- Ogni più nobil core
- Non accusi però vostra bellezza
- Questo cor di rozzezza!
- Che con mille beltà vaghe, leggiadre
- Di mille e mille flamme al mondo note,
- L'arse, et l'incenerì della madre;
- E cosa incenerita arder non puote.
-
-
-CHAPITRE XXIV.
-
- Page 342, lignes 11 et 12: On lui permet d'acheter la charge de
- mestre de camp de la cavalerie légère.
-
-Bussy, dans son _Discours à ses Enfants_, et la maréchale de
-Clérambault, au mari duquel Bussy acheta cette charge de mestre de
-cavalerie, disent qu'elle coûta 90,000 écus; et Bussy, dans ses
-_Mémoires_, dit 252,000 livres. C'était environ cinq cent mille francs
-de notre monnaie actuelle.
-
- Page 350, lignes 4 et 5: Quelque épigramme comme celle que Loménie
- de Brienne lui attribue.
-
-Voici cette épigramme, dont la pointe est fondée sur le surnom de
-Louis Dieudonné, conféré à Louis XIV lors de sa naissance:
-
- Ce roi si grand, si fortuné,
- Plus sage que César, plus vaillant qu'Alexandre,
- On dit que Dieu nous l'a donné:
- Hélas! s'il voulait le reprendre!
-
- Page 353, ligne 7: Elle dit un jour à son cercle; et note 2.
-
-Cette anecdote a été racontée par Roquette, évêque d'Autun, à Boubier
-lui-même.
-
- Page 355, lignes 9 et 10: Les inscriptions et les emblèmes qui se
- voyaient au château de Bussy.
-
-On sait que Bussy avait réuni dans cette galerie les portraits de
-toutes les femmes qu'il avait aimées. Il les avait accompagnés
-d'inscriptions et d'emblèmes. Sous le portrait de la marquise de
-Monglat on lisait: «Isabelle-Cécile Hurault de Cheverny, marquise de
-Monglat, qui par son inconstance a remis en honneur la matrone
-d'Éphèse et les femmes d'Astolfe et de Joconde.» Bussy avait fait
-peindre cette marquise dans le bassin d'une balance. Elle était
-emportée par le bassin vide, et sur le plateau où elle se trouvait on
-lisait: _Levior aura_, «plus légère que l'air». Dans un autre endroit
-de sa galerie il l'avait encore fait peindre avec les emblèmes et sous
-les attributs de la Fortune, et on lisait: _Leves ambo, ambo ingratæ_,
-«toutes deux légères, toutes deux ingrates».
-
-
-CHAPITRE XXV.
-
- Page 363, lignes 8 et 9: Cette réconciliation fut sincère de part et
- d'autre.
-
-«Vous savez encore, dit-elle, notre voyage de Bourgogne, et avec
-quelle franchise je vous redonnai toute la part que vous aviez jamais
-eue dans mon amitié.»
-
- Page 364, ligne 6: Ce dernier en eut ensuite ramassé et rejoint les
- morceaux.
-
-Ce récit de Bussy-Rabutin est invraisemblable, et ne le justifie pas.
-
- Page 367, ligne 14: A sa terre des Rochers, qu'elle s'occupait
- à agrandir et à embellir.
-
-Elle acheta de nouvelles terres, fit un labyrinthe (à cette époque, à
-l'imitation de Versailles, on en faisait partout), et elle augmenta
-son parc.
-
-
-SUR DIFFÉRENTS PORTRAITS QU'ON A GRAVÉS DE MADAME DE SÉVIGNÉ.
-
-J'ai dit à la page 380 de ce volume, dans la note sur la page 14,
-lignes 10 et 15 de la première partie de ces _Mémoires_, que le
-portrait de madame de Sévigné inséré dans les éditions de 1818 et de
-1820 était un des moins ressemblants de tous ceux qui ont été gravés.
-J'ai acquis depuis la certitude que ce portrait est celui d'une autre
-femme, qui n'avait avec la célèbre madame de Sévigné aucune
-ressemblance. L'erreur est ancienne: Odieuvre, dans sa collection de
-portraits, a donné comme portrait de madame de Sévigné la figure d'une
-femme peinte par Ferdinand et gravée par Schmidt; le cadre de cette
-peinture avait les armes de Grignan et de Sévigné, et c'est ce qui a
-produit l'erreur. C'est ce portrait (dont Petitot a fait une
-miniature) qui, gravé par Masquelier, a été inséré dans les éditions
-des _Lettres de Sévigné_, de 1818 et de 1820. Le graveur Saint-Aubin,
-en le transformant pour le mettre de profil, a encore plus fait
-ressortir les dissemblances entre cette figure et celle de madame de
-Sévigné, surtout relativement à la longueur du nez. Néanmoins ce
-portrait a été reproduit un grand nombre de fois par la gravure, comme
-étant celui de madame de Sévigné.
-
-Sur environ quarante portraits gravés de madame de Sévigné, que nous
-avons eu occasion d'examiner, il y en a un qui est bien certainement
-authentique: c'est celui qui a été réduit et gravé par Édelinck,
-d'après une peinture au pastel de Nanteuil, exécutée d'après nature.
-Ce portrait, dans la gravure, a environ deux pouces et demi de
-hauteur; la tête, un pouce de hauteur. Il a depuis été gravé plus en
-grand par Delegorgue, d'après le pastel original de Nanteuil, tiré du
-cabinet de M. Traullé. Dans cette gravure ce portrait a trois pouces
-et demi de haut; mais les traits sont moins bien modelés que dans
-celui d'Édelinck, et l'on s'aperçoit qu'il a été fait sur un original
-en partie effacé par le temps. C'est ce portrait qui a été réduit, et
-plus ou moins altéré, dans les diverses gravures qu'on a insérées dans
-les nombreuses éditions de madame de Sévigné, dans les notices que
-l'on a écrites sur cette femme célèbre, et dans les diverses
-collections de personnages célèbres. Il a été habilement lithographié
-pour la collection de madame Delpech.
-
-Il y a une lithographie exécutée à Rennes, qui est un portrait de
-femme âgée, nullement ressemblant à madame de Sévigné. Pourtant au
-bas de cette lithographie on lit: _Marie-Rabutin Chantal, marquise de
-Sévigné, née en 1549, morte en 1610, dessinée et lithographiée d'après
-le portrait original de Mignard, qui existe au château des Rochers
-près Vitré_. Serait-ce le portrait de l'aïeule du marquis de Sévigné,
-retrouvé à Vitré, qui aurait donné lieu à cet exemple curieux
-d'ignorance dans le pays même où madame de Sévigné habita si
-longtemps, et où son souvenir vit encore?
-
- * * * * *
-
-Je n'ajouterai que peu de lignes à la note précédente, réimprimée
-d'après la première édition de ce volume. Je donnerai seulement le
-résultat des recherches que j'ai faites depuis sur les portraits de
-madame de Sévigné, me réservant de justifier plus tard mes assertions
-par une dissertation spéciale sur ces portraits et sur ceux de
-plusieurs femmes célèbres du temps de Louis XIV. Ce sujet a de
-l'intérêt, non-seulement pour l'histoire de madame de Sévigné, mais
-pour celle des mœurs et des habitudes du siècle où elle a vécu.
-
-Nous avons trois portraits authentiques de madame de Sévigné: celui
-qui a été gravé par Édelinck, et ensuite par Delegorgue, lithographié
-par Delpech, est le plus certain et le principal. Ce portrait est du
-temps de la régence d'Anne d'Autriche, et madame de Sévigné avait
-alors trente et un ans. Le portrait gravé et enluminé ou peint à
-l'aquarelle, gravé par Gatine et dessiné par Lanté, sous la direction
-de M. Lamésangère, d'après un original peint par Mignard, et une
-mignature sur vélin, est en pied; il a été fait à la même époque que
-le précédent; il est le même pour la tête: c'est le portrait de madame
-de Sévigné qui nous donne l'idée la plus fidèle de son port et de sa
-physionomie. Je ne parle pas des tableaux originaux d'après lesquels
-ces deux portraits ont été gravés; je ne les ai pas vus. C'est sur le
-tableau de ce portrait gravé en pied, dans lequel madame de Sévigné
-tient une lettre, d'une main et une plume de l'autre, que Ménage a
-écrit un sonnet en italien inséré dans la troisième édition de ses
-poésies, en 1658, page 16.
-
-Le portrait qui est dans l'édition des _Lettres de Sévigné_ de 1734
-diffère des deux précédents; il appartient à un âge différent, lorsque
-madame de Sévigné avait environ quarante à quarante-cinq ans; il
-provient d'un tableau qu'avait Bussy-Rabutin, et que son fils l'évêque
-de Luçon a communiqué au chevalier Perrin, ami de madame de Simiane et
-éditeur des _Lettres de Madame de Sévigné_.
-
-Le prétendu portrait de madame de Sévigné qui est dans la galerie de
-Versailles, et qui a été gravé, est la copie d'un tableau de la
-galerie du château d'Eu. Ce portrait est celui de la belle-fille de
-madame de Sévigné: c'est celui de Jeanne-Marguerite de Brehant de
-Mauron, marquise de Sévigné, et non pas celui de Marie de
-Rabutin-Chantal. Le portrait gravé par Masquelier, d'après une
-mignature de Petitot, et inséré dans l'édition des lettres de madame
-de Sévigné par M. Monmerqué, est aussi le portrait de sa belle-fille,
-et non le sien. Quant aux portraits gravés de madame de Grignan, il
-n'y a lieu à aucune rectification; ils sont tous dérivés de copies
-plus ou moins bien faites primitivement, d'après un seul et même
-original peint par Mignard.
-
-
-FIN.
-
-
-
-
-TABLE SOMMAIRE
-
-DES CHAPITRES DE CE VOLUME.
-
-
-CHAPITRE PREMIER.--1654-1655.
-
- Pages
-
- De Mazarin et de Retz.--Lettres de Retz à madame de
- Sévigné.--Lettres de madame de Sévigné à Ménage.--Détails
- sur Girault. 1
-
-
- CHAPITRE II.--1655-1656.
-
- Succès de Turenne.--Carrousel.--Mariage de mademoiselle de
- La Vergne avec le comte de La Fayette.--Madame de Sévigné
- va à Saint-Fargeau. 18
-
-
- CHAPITRE III.--1655.
-
- De la marquise de Gouville et de Bussy.--Conduite de Bussy
- à l'égard de madame de Sévigné. 30
-
-
- CHAPITRE IV.--1655.
-
- Active correspondance entre Bussy et madame de Sévigné. 37
-
-
- CHAPITRE V.--1655.
-
- De la marquise de Gouville; aventure de Bartet et du duc
- de Candale. 48
-
-
- CHAPITRE VI.--1656.
-
- De madame de Sévigné, et de Marie de Hautefort, maréchale
- de Schomberg. 59
-
-
- CHAPITRE VII.--1656.
-
- De madame de Sévigné, et du roi.--Correspondance de
- Bussy et de madame de Sévigné.--Détails sur la reine
- Christine.--Sur les _précieuses_ de cette époque.--Publication
- des _Provinciales_. 68
-
-
- CHAPITRE VIII.--1657-1658.
-
- Madame de Sévigné fait l'éducation de ses enfants.--Leurs
- caractères.--Liaison de madame de Sévigné avec l'abbé
- Arnauld.--De Bossuet. 90
-
-
- CHAPITRE IX.--1657-1658.
-
- De Louis XIV, de sa cour, de la comtesse de Choisy,
- d'Olympe Mancini, et de mademoiselle de La Mothe
- d'Argencourt. 104
-
-
- CHAPITRE X.--1658.
-
- Des partis qui se forment à la cour.--Conduite de
- Mazarin.--Madrigal de La Fontaine pour madame de
- Sévigné.--Madame de Sévigné reste à sa terre des Rochers
- avec ses trois oncles. 117
-
-
- CHAPITRE XI.--1657-1658.
-
- Correspondance de Bussy avec madame de Sévigné.--Rupture.
- --Intrigues de Bussy.--Publication de l'_Histoire amoureuse
- des Gaules_.--Conduite de madame de Sévigné à son égard. 130
-
-
- CHAPITRE XII.--1658-1659.
-
- Conduite de madame de Sévigné dans le monde.--De Louis XIV,
- et de Marie de Mancini. 145
-
-
- CHAPITRE XIII.--1658-1659.
-
- Roman de _Clélie_.--Portrait de madame de Sévigné.--Ses
- liaisons avec la famille de Lavardin, avec Costar.--Vers
- que Ménage compose pour madame de Sévigné. 162
-
-
- CHAPITRE XIV.--1659-1660.
-
- Heureux dénoûments de toutes les guerres et de toutes
- les intrigues de la Fronde.--Mariage du roi.--Mort de
- Gaston.--Les théâtres.--Vogue des _Précieuses ridicules_. 176
-
-
- CHAPITRE XV.--1661.
-
- Mort de Mazarin.--La cour à Fontainebleau.--Intrigue
- amoureuse du roi avec La Vallière.--Madame de Sévigné
- passe l'été à sa terre des Rochers, et fait un voyage
- au mont Saint-Michel. 188
-
-
- CHAPITRE XVI.--1661.
-
- Situation des affaires.--Madame de Sévigné est liée avec
- les deux fils d'Arnauld de Pomponne.--Ses espérances
- pour Fouquet.--Fouquet est arrêté. 199
-
-
- CHAPITRE XVII.--1661.
-
- Fouquet, surintendant des finances.--Ses malversations,
- et sa conduite envers Louis XIV. 209
-
-
- CHAPITRE XVIII.--1661-1664.
-
- Du procès de Fouquet. 247
-
-
- CHAPITRE XIX.--1661-1664.
-
- Des lettres de madame de Sévigné trouvées dans la cassette
- de Fouquet, et de celles qu'elle écrivit pendant la durée
- du procès de Fouquet.--Captivité et mort de Fouquet. 260
-
-
- CHAPITRE XX.--1662-1663
-
- Louis XIV et son gouvernement.--Prédications de
- Bossuet.--Représentation de _Sertorius_.--De Boileau, de
- Racine, de La Fontaine, et de Molière.--Ballets.--Intrigue
- du roi avec mademoiselle de La Mothe-Houdancourt.--Révolutions
- de cour.--Correspondance de madame de Sévigné avec madame
- de La Fayette.--Portraits de madame de Sévigné et de
- Corbinelli, par Somaize. 282
-
-
- CHAPITRE XXI.--1663-1666.
-
- De l'amour de madame de Sévigné pour ses enfants.--De
- Louis XIV, de Boileau, de Molière, de Lulli, de La Fontaine,
- et de Racine.--Fêtes.--Anne d'Autriche tombe malade.--Tendres
- soins de Louis XIV pour sa mère.--Vision de madame de
- Motteville. 307
-
-
- CHAPITRE XXII.--1663-1664.
-
- Fêtes données à la cour, dans lesquelles figure mademoiselle
- de Sévigné.--Madame de Sévigné se rend à sa terre de
- Bourbilly, et voit Bussy. 321
-
-
- CHAPITRE XXIII.--1665.
-
- Nouveaux ballets, où figure mademoiselle de Sévigné.--Vers
- que Benserade a composés à sa louange.--Fêtes et plaisirs
- auxquels madame de Sévigné prend part. Sa liaison avec
- madame Duplessis-Guénégaud.--Conduite de Bussy avec madame
- de Sévigné. 332
-
-
- CHAPITRE XXIV.--1658-1665.
-
- Des intrigues de Bussy avec madame de Monglat et la marquise
- de La Baume.--Publication des _Amours des Gaules_.--Bussy
- est mis à la Bastille.--Il obtient sa liberté, est exilé
- dans ses terres, et se réconcilie avec madame de Sévigné. 341
-
-
- CHAPITRE XXV.--1658-1668.
-
- Longue discussion entre madame de Sévigné et Bussy au
- sujet de la conduite qu'ils ont tenue l'un envers
- l'autre.--Renouvellement de leur correspondance et de leur
- intimité. 356
-
- Conclusion. 375
-
-
- NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.
-
- Première partie. 379
-
- Seconde partie. 463
-
- Table sommaire des chapitres. 515
-
-
-
-
-
-
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- The Project Gutenberg's eBook of Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal. Vol. 2/6, by Walckenaer, Charles Athanase</title>
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-<pre>
-
-The Project Gutenberg EBook of Mémoires touchant la vie et les écrits de
-Marie de Rabutin-Chantal, (2/6), by Charles Athanase Walckenaer
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
-almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
-re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
-with this eBook or online at www.gutenberg.org/license
-
-
-Title: Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, (2/6)
-
-Author: Charles Athanase Walckenaer
-
-Release Date: March 5, 2016 [EBook #51364]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: ISO-8859-1
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MÉMOIRES TOUCHANT LA VIE ***
-
-
-
-
-Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online
-Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
-file was produced from images generously made available
-by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at
-http://gallica.bnf.fr)
-
-
-
-
-
-
-</pre>
-
-
-<div class="tnote">
-<p>Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.
-L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée.
-Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.</p>
-</div>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_I"> I</a></span><br />
-<span class="pagenumh"><a id="Page_II"> II</a></span><br />
-<span class="pagenumh"><a id="Page_III"> III</a></span></p>
-
-<h1><span class="xlarge">MÉMOIRES</span><br />
-<span class="xs">SUR MADAME</span><br />
-<span class="xxlarge">DE SÉVIGNÉ.</span><br />
-<span class="large">DEUXIÈME PARTIE.</span></h1>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_IV"> IV</a></span></p>
-
-<div class="frontmatter"><br />
-<hr class="deco" />
-<p class="small">TYPOGRAPHIE DE H. FIRMIN DIDOT.&mdash;NESNIL (EURE).</p>
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_V"> V</a></span></p>
-</div>
-
-<div class="topspace titlepage">
-<p><span class="xxlarge">MÉMOIRES</span><br />
-<span class="medium">TOUCHANT</span><br />
-<span class="xlarge">LA VIE ET LES ÉCRITS</span><br />
-<span class="large">DE MARIE DE RABUTIN-CHANTAL</span><br />
-<span class="small">DAME DE BOURBILLY</span><br />
-<span class="large">MARQUISE DE SÉVIGNÉ</span>,</p>
-<p><span class="small">DURANT LE MINISTÈRE DU CARDINAL MAZARIN</span><br />
-<span class="small">ET LA JEUNESSE DE LOUIS XIV.</span>
-<span class="xs">SUIVIS</span><br />
-<span class="xs">De Notes et d'Éclaircissements.</span><br />
-<span class="xs">PAR</span><br />
-<span class="large">M. LE BARON WALCKENAER.</span></p>
-<hr class="deco" />
-<p><span class="medium">TROISIÈME ÉDITION,</span><br />
-<span class="small">REVUE ET CORRIGÉE.</span></p>
-<hr class="deco" />
-
-<p><span class="large">PARIS,</span><br />
-<span class="medium">LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET C<sup>IE</sup></span>,<br />
-<span class="xs">IMPRIMEURS DE L'INSTITUT DE FRANCE,</span><br />
-<span class="xs">RUE JACOB, 56.</span></p>
-<hr class="deco" />
-<p><span class="medium">1856.</span></p>
-</div>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_VI"> VI</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_1"> 1</a></span></p>
-<h2><span class="xxlarge">MÉMOIRES</span><br />
-<span class="large">TOUCHANT LA VIE ET LES ÉCRITS</span><br />
-<span class="xs">DE</span><br />
-<span class="medium">MARIE DE RABUTIN-CHANTAL</span>,<br />
-<span class="small">DAME DE BOURBILLY,</span><br />
-<span class="xlarge">MARQUISE DE SÉVIGNÉ.</span></h2>
-
-<p class="extra">CHAPITRE PREMIER.<br />
-<span class="medium">1654-1655.</span></p>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">Projets de Mazarin.&mdash;Fausse position de Condé.&mdash;Il est le seul
-espoir des partis intérieurs qui s'opposent à Mazarin.&mdash;Dix mille
-Français ont suivi Condé.&mdash;L'absence des plus notables se fait
-remarquer au sacre du roi.&mdash;Nouvelle crise des affaires de France.&mdash;Siége
-d'Arras par Condé.&mdash;Projet d'Hocquincourt.&mdash;Menaces
-des parlements.&mdash;Turenne fait lever le siége d'Arras.&mdash;La duchesse
-de Châtillon est employée pour traiter avec d'Hocquincourt.&mdash;Le
-jeune roi intervient en personne pour imposer silence au
-parlement.&mdash;Différence qui existe entre la position du roi d'Angleterre
-et celle du roi de France.&mdash;Le parlement hasarde des remontrances.&mdash;Mazarin
-fait des coups d'autorité.&mdash;Il y joint la
-flatterie et la corruption.&mdash;Embarras que cause à Mazarin l'inimitié
-de Retz.&mdash;Fautes de celui-ci.&mdash;Il donne la démission de son
-archevêché.&mdash;Est transporté à Nantes.&mdash;S'en échappe.&mdash;Se fracasse
-l'épaule.&mdash;Est sur le point d'être pris.&mdash;Il traverse l'Espagne,
-et arrive à Rome assez à temps pour l'élection d'un nouveau
-pape.&mdash;Il intrigue contre Mazarin.&mdash;Lettre de Retz à M<sup>me</sup> de
-Sévigné.&mdash;Différends entre Ménage et le cardinal de Retz.&mdash;Ménage
-brouillé aussi avec Bussy.&mdash;Lettre de madame de Sévigné
-à Ménage.&mdash;Elle y fait mention de Girault.&mdash;Détails sur Girault.</p>
-
-<p class="space">Nous avons laissé, dans la première partie de ces Mémoires,
-<span class="pagenum"><a id="Page_2"> 2</a></span>
-madame de Sévigné à sa terre des Rochers. Ses
-liaisons de parenté et d'amitié avec le cardinal de Retz
-l'enchaînaient aux événements politiques qui complétèrent
-le dénoûment de la Fronde; et comme ils devaient
-aussi l'occuper dans sa solitude, il est nécessaire de les
-faire connaître.</p>
-
-<p>Au milieu de toutes les fêtes et de toutes les intrigues
-secrètes, tandis que Louis grandissait, et que des maîtres
-habiles, ou mieux encore les événements de chaque
-jour, achevaient son éducation d'homme et de roi, Mazarin
-poursuivait ses projets, Condé et les Espagnols les
-leurs. Mazarin fondait son ambition sur le rétablissement
-du pouvoir royal et sur la grandeur de la France; Condé,
-sa puissance sur le renversement du ministre et sur l'ascendant
-que lui promettait la victoire; mais il était obligé
-de se prémunir contre les faveurs qu'il savait lui ravir,
-pour qu'elles ne tournassent pas uniquement au profit
-des Espagnols. Ceux-ci, de leur côté, ne secondaient
-qu'avec défiance le génie de Condé, craignant toujours
-qu'au lieu d'être un instrument de leur puissance, il ne
-devînt un obstacle par les succès même obtenus avec leurs
-propres troupes.</p>
-
-<p>Cette fausse position de Condé faisait la force de la
-France et la faiblesse de ses ennemis. Elle aurait fourni
-les moyens de terminer promptement la lutte, si cet état de
-choses n'avait pas été la suite et le résultat de divisions
-intestines. Les partis étaient comprimés, mais non anéantis;
-leurs débris s'étaient réunis. Les partisans des princes
-et ceux de Retz et des parlements, c'est-à-dire les <i>princistes</i>,
-les indépendants, les frondeurs, et même les royalistes
-mécontents, ne formaient plus qu'une seule phalange
-agissant contre Mazarin, leur ennemi commun. Ils
-<span class="pagenum"><a id="Page_3"> 3</a></span>
-entretenaient entre eux une correspondance active. Trop
-faibles pour renouveler leurs attaques à force ouverte,
-ils conspiraient dans l'ombre contre le gouvernement, et
-surtout contre la vie du premier ministre<a id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">&nbsp;[1]</a>. Toutes leurs
-espérances se rattachaient à Condé, qu'un arrêt du parlement
-avait reconnu criminel de lèse-majesté, et condamné
-à perdre ses biens, ses honneurs et sa vie, déclarant
-en même temps sa postérité déchue de tous ses
-droits à la couronne<a id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">&nbsp;[2]</a>. Dix mille Français qui avaient suivi
-Condé se trouvaient proscrits avec lui, et à leur tête on
-comptait des Montmorency, des Foix, des Duras, des La
-Trémouille, des Coligny. Le sacre du jeune roi, qui eut
-lieu à Reims le 7 juin<a id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor">&nbsp;[3]</a>, montra, par l'absence de ceux
-auxquels des droits imprescriptibles assuraient une part
-dans cette auguste cérémonie, de quels puissants soutiens
-le trône se trouvait privé, combien était large et profonde
-la blessure que la révolte faisait à la monarchie.</p>
-
-<p>L'occupation que le sacre donna au gouvernement
-français, la pénurie d'argent qu'éprouvaient les Espagnols,
-firent que le mois de juin arriva sans que dans le
-nord on fût entré en campagne. Mais depuis lors les opérations
-de la guerre, les négociations, et les intrigues, non
-moins efficaces, des ruelles furent poussées avec une prodigieuse
-activité, et mirent encore les affaires de la France
-dans une crise qui la plaçait sur le penchant de l'abîme.
-Arras était assiégé par Condé; des lignes formidables
-<span class="pagenum"><a id="Page_4"> 4</a></span>
-entouraient cette ville; sa prise paraissait certaine. Le
-duc de Lorraine, sacrifié par Fuensaldagne aux ressentiments
-et aux craintes qu'inspirait sa perfidie, avait été
-arrêté; toutes les forces d'une grande et guerrière province
-étaient tournées contre la France, et donnaient les moyens
-de pénétrer jusqu'à sa capitale<a id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor">&nbsp;[4]</a>. Les séductions de la duchesse
-de Châtillon avaient arraché au maréchal d'Hocquincourt
-la promesse de livrer au prince de Condé Péronne
-et Ham, deux des principales clefs du royaume<a id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor">&nbsp;[5]</a>. Les parlements
-essayaient de ressaisir le pouvoir qu'ils avaient
-perdu. Tous ces graves événements donnèrent à Mazarin
-et à Turenne des occasions de déployer l'activité de leur
-génie.</p>
-
-<p>Le siége d'Arras fut levé par la hardiesse de Turenne,
-qui pénétra dans ces redoutables retranchements, réputés
-infranchissables. Condé prévint la destruction de l'armée
-espagnole par une savante retraite, et couvrit la Flandre,
-qui eût été aussitôt envahie par l'armée française après sa
-victoire. Quand tout paraissait perdu, il sauva tout<a id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor">&nbsp;[6]</a>; et
-de son côté Turenne raffermit la fortune de la France au
-moment même où elle paraissait le plus ébranlée. La prise
-du Quesnoy et celle de Clermont en Argonne ne furent
-que les moindres conséquences de son succès. Les génies
-<span class="pagenum"><a id="Page_5"> 5</a></span>
-de ces deux grands capitaines parurent dans ces circonstances
-avoir changé de nature. Turenne déploya la brillante
-audace et l'irrésistible impétuosité de Condé, et
-Condé fit voir ce prudent courage, ces admirables prévoyances
-par où Turenne s'était rendu célèbre.</p>
-
-<p>Hocquincourt commandait dans Péronne, et l'on savait
-que les Espagnols lui offraient pour leur remettre cette
-place un prix supérieur à celui que le gouvernement de
-France lui promettait pour rester fidèle. La trahison qu'il
-méditait fut empêchée par la duchesse de Châtillon, qu'il
-aimait. Mazarin la mit en chartre privée chez l'abbé Fouquet,
-qui la força d'écrire au maréchal d'Hocquincourt,
-afin de l'engager à procurer sa délivrance, en acceptant
-les propositions qui lui étaient faites par le premier ministre<a id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor">&nbsp;[7]</a>.
-La maréchale d'Hocquincourt, adroite et spirituelle,
-fut aussi habilement employée par Mazarin en
-cette négociation. Elle détermina son mari à accepter les
-six cent mille livres qui lui étaient proposées, et obtint
-son consentement pour que Péronne fût livrée à leur fils
-aîné, qu'elle en fit nommer gouverneur. La duchesse de
-Châtillon fut, en vertu des mêmes stipulations, remise
-en liberté; mais le maréchal d'Hocquincourt acquit bientôt
-la preuve de ses nombreuses infidélités. Il s'était trop
-engagé, pour oser se replacer sans crainte sous la puissance
-du roi; il se jeta dans Hesdin, révolté, passa ensuite
-du côté des Espagnols, et fut tué en défendant Dunkerque<a id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor">&nbsp;[8]</a>.</p>
-
-<p>Le parlement, enhardi par les embarras du gouvernement
-<span class="pagenum"><a id="Page_6"> 6</a></span>
-et les progrès que faisait l'armée de Condé, voulut
-délibérer de nouveau sur les édits relatifs aux impôts vérifiés
-en lit de justice, sous prétexte qu'alors la présence
-du roi avait ôté la liberté des suffrages. Dans cette circonstance
-critique, Mazarin employa utilement l'intervention
-personnelle du jeune monarque, et jugea que s'il
-n'était pas encore assez mûr pour gouverner, il était d'âge
-à commencer à régner. Louis XIV partit donc un jour de
-Vincennes, et entra dans la salle du parlement assemblé,
-en justaucorps rouge, un fouet à la main, un chapeau
-gris sur la tête, et suivi de son cortége, comme lui vêtu
-en équipage de chasse. Il parla avec toute la hauteur du
-commandement, et déclara que sa volonté était que son
-parlement s'abstînt à l'avenir de toute délibération concernant
-l'administration de son royaume<a id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor">&nbsp;[9]</a>. Mazarin avait
-compris que, dans une monarchie telle que la France, il
-ne suffisait pas au ministre d'exercer l'autorité au nom du
-roi, mais que pour s'assurer une obéissance prompte,
-facile, exempte de trouble et de résistance, il fallait encore
-qu'on fût bien convaincu que les ordres que ce ministre
-donnait étaient conformes à la volonté propre du monarque.
-Ceux qui de nos jours ont rêvé en France la
-possibilité d'un roi trônant sans gouverner, et qui, dans
-leur jargon, ont appelé monarchie constitutionnelle celle
-dont le chef n'aurait qu'un pouvoir de délégation; dont le
-rôle tout passif se réduirait à accepter pour ministres, et
-à reconnaître pour seuls maîtres de la direction des affaires,
-des hommes désignés par des assemblées n'ayant
-d'autre contrôle que leur volonté, d'autre impulsion que
-leurs passions; ceux-là n'ont connu ni le caractère national,
-<span class="pagenum"><a id="Page_7"> 7</a></span>
-ni la nature humaine, ni les vrais principes qui doivent
-régir une grande nation continentale, forcée de
-maintenir son indépendance au milieu d'autres nations
-également puissantes. Là le chef du pays est nécessairement
-le chef de l'armée, et le chef de l'armée doit aussi
-indispensablement être le chef du gouvernement, et de
-droit et de fait. Le roi et le royaume, le souverain et ses
-sujets, la couronne et le sol, sont inséparables. A ce pouvoir
-nécessaire il faut tracer des limites; contre cette puissance
-obligée, il faut établir des garanties; mais si vous
-les cherchez dans des institutions qui dénaturent son principe
-et arrêtent son action, vous affaiblissez l'État, vous
-le rendez incapable de soutenir la lutte incessante contre
-les forces extérieures qui tendent à l'anéantir, vous forgez
-pour lui le joug de l'étranger, vous préparez son asservissement
-et sa mort. Dans cette puissante machine
-qui opère tant de prodiges, si vous absorbez par une seule
-goutte d'eau froide le calorique qui donnait une si grande
-force d'expansion à la vapeur, le piston retombe: ainsi
-s'affaisse subitement tout gouvernement dont le principe
-est détruit.</p>
-
-<p>Le parlement se tut devant le roi; mais cependant il ne
-lui obéit pas entièrement, et hasarda des remontrances.
-Mazarin alors se vit forcé de déployer, comme Richelieu,
-les rigueurs du pouvoir royal. Plusieurs conseillers furent
-exilés, d'autres furent mis à la Bastille<a id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor">&nbsp;[10]</a>. A ces mesures
-l'habile ministre sut joindre la flatterie, la persuasion, et,
-au besoin, la corruption. Il parvint ainsi à obtenir, sans
-résistance et sans retard, la vérification et l'enregistrement
-des édits qui créaient de nouvelles taxes. Pour désigner
-<span class="pagenum"><a id="Page_8"> 8</a></span>
-les conseillers qu'il fallait écarter par l'exil ou la
-prison, il s'était servi de l'abbé Fouquet; pour connaître
-ceux qu'il pouvait gagner, il employa Gourville, auquel
-ses liaisons et ses intrigues avec les anciens frondeurs
-avaient donné une parfaite connaissance de ceux qui dans
-le parlement étaient les plus accessibles aux insinuations
-et aux propositions qu'il fut chargé de leur faire<a id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor">&nbsp;[11]</a>.</p>
-
-<p>Le cardinal de Retz était destiné à occasionner à Mazarin
-des embarras moins grands, mais plus prolongés, que
-ceux que lui avaient présentés les parlements. Après la
-mort de son oncle, Retz, quoique captif, se trouva, par sa
-seule déclaration et le secours de ses amis, canoniquement
-et légalement archevêque de Paris. C'est alors qu'il eût pu
-résister avec avantage à son puissant ennemi<a id="FNanchor_12" href="#Footnote_12" class="fnanchor">&nbsp;[12]</a>. Il était
-soutenu par tous les curés de Paris, qui au nom de la
-religion demandaient au roi que le prélat fût rendu à
-son clergé et à son troupeau. Défendu avec chaleur par
-le pape, qui voyait avec indignation qu'on retînt en prison
-un prince de l'Église et qu'on violât des immunités
-ecclésiastiques, Retz eût obtenu promptement sa liberté,
-et eût pu présenter de grands obstacles à vaincre au ministre,
-qui voulait anéantir entièrement son influence:
-mais ces obstacles, Retz les fit de lui-même disparaître
-par ses imprudences, son défaut de jugement, de fermeté
-et de constance. Il montra pour sa propre cause
-moins d'habileté et d'intrépidité que Caumartin, Joly et
-d'Hacqueville, et déconcerta tous les efforts de leur dévouement
-pour le triomphe de ses intérêts. Il s'ennuya
-de sa prison, et ne put supporter les privations qu'elle
-lui imposait. Il craignit ou feignit de craindre que Mazarin
-<span class="pagenum"><a id="Page_9"> 9</a></span>
-ne le fît assassiner; et, contre l'avis de ses fidèles
-amis, il se dépouilla du seul bouclier qui lui restait, de la
-seule arme qu'il avait en main. Il remit au roi sa crosse
-pastorale; il se démit de son archevêché<a id="FNanchor_13" href="#Footnote_13" class="fnanchor">&nbsp;[13]</a>. Par ce grand
-sacrifice, Retz n'obtint même pas la liberté après laquelle
-il soupirait; il échangea seulement son donjon contre une
-détention moins triste et moins dure, dans le château de
-Nantes, où le maréchal de La Meilleraye le fit garder
-avec autant de soin et de vigilance qu'il l'était précédemment<a id="FNanchor_14" href="#Footnote_14" class="fnanchor">&nbsp;[14]</a>.
-La démission de Retz ne fut point acceptée par
-le pape, et Retz se proposa de la faire annuler, comme
-ayant été le résultat de la violence; mais la faiblesse qu'il
-avait eue de consentir à la donner découragea tous ses
-adhérents. On s'approche pour secourir l'homme que l'on
-voit lutter avec courage dans un combat inégal; on s'écarte
-de celui qui fuit, ou l'on reste en place pour le voir
-passer. Cette faute ne fut pas la seule que commit Retz.
-A Nantes il aurait pu, par sa conduite, trouver dans les
-fonctions de son ministère, dans l'étude et dans la retraite,
-des moyens certains d'intéresser à son sort et de changer
-sur son compte l'opinion, toujours indulgente envers le
-malheur, toujours sévère pour l'autorité, lorsqu'elle abuse
-ou même lorsqu'elle use de sa force. Il aurait ainsi réveillé
-le zèle de son clergé et de ses partisans, qui répugnaient
-à se détacher de lui. Au contraire, oubliant la
-gravité des circonstances, on le voit uniquement occupé
-à jouir des agréments de la société dont le maréchal de La
-Meilleraye eut soin de l'entourer<a id="FNanchor_15" href="#Footnote_15" class="fnanchor">&nbsp;[15]</a>; et dans les adoucissements
-<span class="pagenum"><a id="Page_10"> 10</a></span>
-apportés à sa captivité, il ne voit d'autre avantage
-que celui de pouvoir se livrer à sa passion pour les
-femmes, à ses goûts pour le monde. C'est à cette époque
-qu'il essaya, mais en vain, de séduire mademoiselle
-de La Vergne, cette amie intime de madame de Sévigné.
-«Le maréchal de La Meilleraye, dit-il, ne pouvait rien
-ajouter à la civilité avec laquelle il me garda. Tout le
-monde me voyait; on me cherchait même tous les divertissements
-possibles; j'avais presque tous les soirs la comédie;
-toutes les dames s'y trouvaient, elles y soupaient
-souvent. Madame de La Vergne, qui avait épousé en secondes
-noces M. le chevalier de Sévigné, et qui demeurait
-en Anjou avec son mari, m'y vint voir, et amena mademoiselle
-sa fille, qui est présentement madame de La
-Fayette. Elle était fort jolie et fort aimable, et elle avait
-de plus beaucoup d'air de madame de Lesdiguières. Elle
-me plut beaucoup, et la vérité est que je ne lui plus
-guère, soit qu'elle n'eût pas d'inclination pour moi, soit
-que la défiance que sa mère et son beau-père lui avaient
-donnée dès Paris même, avec application, de mes inconstances
-et de mes différentes amours, la missent en garde
-contre moi. Je me consolai de sa cruauté avec la facilité
-qui m'était assez naturelle, et la liberté que le maréchal
-de La Meilleraye me laissait avec les dames de la ville, qui,
-étant à la vérité très-entière, m'était d'un fort grand soulagement<a id="FNanchor_16" href="#Footnote_16" class="fnanchor">&nbsp;[16]</a>.»
-Quoique Retz eût donné sa parole de ne point
-chercher à s'échapper, le maréchal de La Meilleraye, qui
-ne s'y fiait pas, le faisait garder à vue. Cette gêne continuelle,
-la crainte de se voir confiné de nouveau dans une
-prison, ou transporté à Brest, lui firent prendre la résolution
-<span class="pagenum"><a id="Page_11"> 11</a></span>
-de recouvrer sa liberté. Aucun roman ne présente un
-intérêt égal à celui de sa fuite. Les moyens en furent concertés
-par Joly, le duc de Brissac et le chevalier de Sévigné.
-Il s'évada en plein jour, en présence même des surveillants
-et des sentinelles qui le gardaient<a id="FNanchor_17" href="#Footnote_17" class="fnanchor">&nbsp;[17]</a>. Ils pouvaient l'arrêter
-dans sa course en faisant feu sur lui, mais ils ne pouvaient
-courir après lui et se saisir de sa personne avant
-d'avoir rompu la porte à jour par où il était sorti, et qu'il
-avait refermée sur eux. Cela lui donna le temps de descendre,
-et de remonter avec des cordes les murs d'un
-bastion de quarante pieds de haut, puis de s'enfuir à toute
-bride sur un cheval qu'on lui avait préparé<a id="FNanchor_18" href="#Footnote_18" class="fnanchor">&nbsp;[18]</a>. A quelques
-lieues de Nantes, le cheval s'effraye, fait un écart: Retz
-tombe et se fracasse l'épaule; il se remet en selle, continue
-à courir, près de s'évanouir à chaque instant par la
-violence de la douleur. Ceux qui le poursuivent sont sur
-le point de l'atteindre; il se jette dans une meule de foin,
-et il y reste caché sept mortelles heures, entendant sans
-cesse marcher près de lui ceux qui le cherchaient; vingt
-fois au moment d'être découvert; étouffant les gémissements
-que les angoisses de sa blessure lui arrachaient.
-Enfin il arrive à Machecoul, dans le pays de Retz, chez
-son frère: il y séjourne peu de temps, et, avec son épaule
-mal remise et tourmenté par la fièvre, il passe dans une
-nacelle le petit bras de mer qui le sépare de Belle-Isle,
-s'embarque dans cette île<a id="FNanchor_19" href="#Footnote_19" class="fnanchor">&nbsp;[19]</a>, aborde en Espagne, traverse
-ce royaume dans la litière que Philippe IV lui a envoyée,
-et refuse les présents de ce monarque, ennemi de la France
-et en guerre avec elle. En Aragon il n'est point atteint
-<span class="pagenum"><a id="Page_12"> 12</a></span>
-par la peste qui ravage cette province, et s'attendrit sur
-les malheurs qu'elle cause. A la vue des belles et fertiles
-campagnes de cet Éden enchanteur qu'on nomme le
-royaume de Valence, il ne peut contenir son ravissement.
-Plus délicieusement encore ses yeux sont réjouis par une
-nation de belles femmes dans l'île de Majorque. Là, des
-religieuses toutes jeunes, fraîches, et gracieuses sous le
-voile, se présentent à lui avec leur maintien doux et virginal,
-et lui donnent dans leur couvent d'harmonieux
-concerts; elles chantent, en baissant leurs longues paupières,
-des airs plus passionnés, dit-il, que ceux de Lambert<a id="FNanchor_20" href="#Footnote_20" class="fnanchor">&nbsp;[20]</a>.
-A Minorque, il est frappé de la pittoresque magnificence
-de ces montagnes en amphithéâtre qui entourent
-le beau port de Mahon<a id="FNanchor_21" href="#Footnote_21" class="fnanchor">&nbsp;[21]</a>. Par un naufrage il est forcé
-d'aborder en Corse. A peine rembarqué, poursuivi par une
-galère turque, sur le point d'être fait prisonnier, il éprouve
-des dangers plus terribles encore: une tempête furieuse
-l'assaille, et lui montre la mort sous mille formes. Pourtant
-il touche un instant à cette imprenable forteresse de
-Porto-Longone<a id="FNanchor_22" href="#Footnote_22" class="fnanchor">&nbsp;[22]</a>, et trouve enfin terre et liberté à Piombino.
-Il termine sur la côte riante de la Toscane sa périlleuse
-navigation, et fait ensuite son entrée dans Rome<a id="FNanchor_23" href="#Footnote_23" class="fnanchor">&nbsp;[23]</a>,
-où la mort d'Innocent X, son protecteur<a id="FNanchor_24" href="#Footnote_24" class="fnanchor">&nbsp;[24]</a>, a lieu presque
-aussitôt son arrivée. Il se trouve en mesure pour assister
-au conclave qui va s'ouvrir.</p>
-
-<p>Ainsi ce captif, ce banni, cet intrigant politique, ce tribun
-turbulent, cet échappé des ruelles, semble n'avoir été
-<span class="pagenum"><a id="Page_13"> 13</a></span>
-éprouvé par tant d'aventures, sauvé miraculeusement de
-tant de périls, que pour venir à temps, avec toute la
-pompe et la magnificence d'un prince de l'Église, siéger
-parmi les membres de ce sénat auguste, dont les libres
-suffrages doivent donner au monde entier un souverain
-pontife<a id="FNanchor_25" href="#Footnote_25" class="fnanchor">&nbsp;[25]</a>.</p>
-
-<p>A Rome comme à Paris, Retz devint l'âme de toutes
-les intrigues qui s'agitaient contre Mazarin. Il se montra
-même un ennemi plus redoutable dans le conclave qu'il
-ne l'avait été dans le parlement, puisqu'il réussit à faire
-nommer pape le cardinal Chigi, que Mazarin repoussait.
-En même temps l'intrépide Chassebras, un de ses vicaires,
-quoique banni par arrêt du parlement et obligé de se cacher,
-parvenait à déconcerter toutes les mesures de la
-police, et faisait afficher dans les carrefours et les rues
-de la capitale des exhortations, des ordres, des mandements
-propres à fomenter les passions religieuses parmi
-le peuple, à produire un schisme dans le diocèse. Chassebras
-en aurait mis toutes les églises en interdit, si son
-archevêque l'avait voulu<a id="FNanchor_26" href="#Footnote_26" class="fnanchor">&nbsp;[26]</a>. Retz ne sut pas profiter de ce
-retour de la fortune. Plus habile à entraver qu'à diriger,
-comme dans tout le cours de sa vie politique, il voulait
-toujours marcher à un but mal défini, sans prendre conseil
-des événements. De ce qu'il avait contribué à la
-nomination de Chigi, il s'était persuadé que celui-ci
-se laisserait gouverner par ses conseils. Mais il s'était
-trompé sur son caractère. Alexandre VII, assis sur le
-trône pontifical, oublia bientôt les promesses et les engagements
-du cardinal Chigi; il se souvint seulement
-<span class="pagenum"><a id="Page_14"> 14</a></span>
-qu'il était pape et le père commun des fidèles. Il suivit
-dans sa politique un système tout contraire à celui qui
-eût été favorable à Retz, et dans lequel celui-ci aurait
-voulu l'engager. Au lieu de chercher à tout diviser, il
-s'efforça de tout concilier, et fit les plus grands efforts
-pour procurer entre la France et l'Espagne une paix stable.
-Il se trouva par là engagé à soutenir Mazarin, qui
-tendait au même but. Alors Retz s'aperçut, mais trop
-tard, qu'il avait eu encore cette fois tort de ne pas suivre
-les conseils de ses amis, qui l'engageaient à accepter l'appui
-que Lyonne, l'envoyé de Mazarin, lui avait offert. Il
-fut obligé de reconnaître qu'il s'était encore une fois perdu
-par son trop de confiance en lui-même; il vit que l'or qu'il
-avait prodigué, les dettes qu'il avait contractées, ses intrigues,
-si habiles et si multipliées, par lesquelles il était
-parvenu à surprendre les secrets et la correspondance de
-Lyonne, en favorisant les désordres de sa femme, et en
-fomentant la division parmi ses domestiques, n'avaient
-servi qu'à le conduire à des résultats contraires à ceux
-qu'il s'était proposé d'obtenir<a id="FNanchor_27" href="#Footnote_27" class="fnanchor">&nbsp;[27]</a>.</p>
-
-<p>Lors de sa fuite, durant le court séjour qu'il fit soit à
-Machecoul, soit à Belle-Isle<a id="FNanchor_28" href="#Footnote_28" class="fnanchor">&nbsp;[28]</a>, il éprouva le besoin de se
-justifier auprès du maréchal de la Meilleraye, dont il n'avait
-eu qu'à se louer, et qu'il compromettait gravement
-en lui manquant de parole. Mais comme il ne pouvait
-communiquer avec lui sans le compromettre encore plus,
-il prit le parti d'écrire à la marquise de Sévigné, qu'il savait
-être en relation avec le maréchal. Il l'instruisit donc
-de son évasion, en expliqua les motifs, et colora son
-<span class="pagenum"><a id="Page_15"> 15</a></span>
-manque de foi le mieux qu'il put. Craignant que cette lettre
-ne fût interceptée, il l'envoya à Ménage pour qu'il
-la fît parvenir à madame de Sévigné, en lui indiquant
-en même temps l'usage qu'elle en devait faire. Ménage
-avait eu avec le cardinal de Retz quelques démêlés,
-dont la gazette de Loret avait retenti<a id="FNanchor_29" href="#Footnote_29" class="fnanchor">&nbsp;[29]</a>; mais Ménage,
-après avoir occupé une place dans la maison du cardinal,
-était trop honnête homme pour ne pas oublier tous
-les sujets de plainte qu'il pouvait avoir eus contre lui, et
-pour ne pas lui rester fidèle dans le malheur: il paraît
-aussi que Ménage s'était brouillé, puis réconcilié, avec
-Bussy. On voit, d'après la réponse de madame de Sévigné
-à Ménage, que tout ce qui concernait son cousin Bussy
-l'intéressait vivement. Elle montre un grand empressement
-à connaître les motifs du raccommodement qui avait
-eu lieu entre lui et Ménage. Sa lettre est datée des Rochers,
-le 1<sup>er</sup> octobre 1654. Elle commence par rendre grâce à
-Ménage de la diligence qu'il a mise à lui faire parvenir la
-lettre du cardinal, qu'elle nomme toujours le coadjuteur,
-par habitude, quoiqu'à cette époque il ne portât plus ce
-titre. Elle ne doute pas que cette lettre, qu'elle a envoyée
-au maréchal, ne fasse impression sur lui; puis elle ajoute:
-«Mais voici qui est admirable, de vous voir si bien avec
-toute ma famille; il y a six mois que cela n'était pas du
-tout si bien. Je trouve que ces changements si prompts
-ressemblent fort à ceux de la cour. Je vous dirai pourtant
-qu'à mon avis cette bonne intelligence durera davantage;
-et pour moi, j'en ai une si grande joie que je ne
-puis vous la dire, au point qu'elle est. Mais, mon Dieu! où
-avez-vous été pêcher ce monsieur le grand prieur, que
-<span class="pagenum"><a id="Page_16"> 16</a></span>
-M. de Sévigné appelait toujours <i>mon oncle le Pirate</i>?
-Il s'était mis dans la tête que c'était sa bête de ressemblance,
-et je trouve qu'il avait raison. Dites-moi donc
-ce que vous pouvez avoir à faire ensemble, aussi bien
-qu'avec le comte de Bussy? J'ai une curiosité étrange que
-vous me contiez cette affaire, comme vous me l'avez promis<a id="FNanchor_30" href="#Footnote_30" class="fnanchor">&nbsp;[30]</a>.»</p>
-
-<p>Elle demande ensuite à Ménage d'accorder son amitié
-à l'abbé de Coulanges, qui se trouvait alors avec elle aux
-Rochers. «S'il est vrai, dit-elle, que vous aimiez ceux que
-j'aime, et à qui j'ai d'extrêmes obligations, je n'aurai pas
-beaucoup de peine à obtenir cette grâce de vous.»</p>
-
-<p>Ménage, un jour, enchanté d'une lettre que lui avait
-écrite mademoiselle de Chantal lorsqu'elle était son écolière,
-dit qu'il ne la donnerait pas pour trente mille livres.
-Madame de Sévigné, plaisantant sur ce fait de sa jeunesse
-(jamais aucune femme n'oublie ce qui a été dit ou fait
-de satisfaisant pour son amour-propre), termine ainsi sa
-lettre: «Je vous assure que vous devez être aussi content
-de moi que le jour où je vous écrivis une lettre de dix
-mille écus.» Puis, par un trait de coquetterie aimable,
-elle signe <i>Marie de Rabutin-Chantal</i>, de même qu'était
-signée la lettre de dix mille écus.</p>
-
-<p>Dans le post-scriptum de cette même lettre elle dit:
-«Un compliment à M. Girault; je n'ai point reçu son
-livre.» Ce livre était les <i>Miscellanea</i>, ou les Mélanges
-de Ménage, dont nous avons parlé; car dans la préface
-latine de ce recueil Ménage nous apprend que ce fut
-M. Girault qui prit soin de recueillir et de mettre en
-ordre les pièces qui s'y trouvent. Lorsque madame de
-<span class="pagenum"><a id="Page_17"> 17</a></span>
-Sévigné écrivait cette lettre, cet ouvrage venait de paraître;
-et comme elle y était louée, nul doute qu'elle n'en
-eût entretenu Ménage, si elle en avait eu connaissance.
-Girault était un ecclésiastique, bel homme et de bonne
-compagnie, qui fut le secrétaire de Ménage, et devint
-ensuite chanoine du Mans. Ce canonicat lui fut cédé par
-Scarron<a id="FNanchor_31" href="#Footnote_31" class="fnanchor">&nbsp;[31]</a>. Girault était en correspondance avec plusieurs
-beaux esprits, et s'en faisait aimer par l'empressement
-qu'il mettait à les tenir au courant de toutes les nouveautés
-littéraires<a id="FNanchor_32" href="#Footnote_32" class="fnanchor">&nbsp;[32]</a>. Son admiration pour Ménage lui fit donner
-une place dans les satires, les épigrammes et les
-diatribes que cet écrivain s'attira par sa plume caustique,
-guerroyante et pédantesque<a id="FNanchor_33" href="#Footnote_33" class="fnanchor">&nbsp;[33]</a>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_18"> 18</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE II.<br />
-<span class="medium">1655-1656.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">Succès de Turenne.&mdash;Tranquillité de la capitale.&mdash;Ballets royaux.&mdash;Le
-goût des spectacles se répand jusque dans les colléges des
-jésuites.&mdash;On mêlait les concerts aux sermons.&mdash;Pièce de Quinault
-qui renferme tous les genres.&mdash;Mariages et visites de
-princes étrangers; fêtes à cette occasion.&mdash;Le roi recevait des
-fêtes et en donnait.&mdash;Il dansait dans les ballets.&mdash;Carrousel
-pendant le carême.&mdash;Les ducs de Candale et de Guise s'y font
-remarquer.&mdash;Goût pour les devises, partagé par madame de Sévigné.&mdash;Elle
-ne quitte point Paris ni les environs.&mdash;Le maréchal
-de La Meilleraye ouvre les états généraux de Bretagne.&mdash;Mariage
-de mademoiselle de La Vergne avec le comte de La Fayette.&mdash;Madame
-de Sévigné se livre aux plaisirs du monde, et résiste à
-toutes les séductions.&mdash;Occupations de mademoiselle de Montpensier
-pendant son exil.&mdash;Madame de Sévigné va lui rendre visite à
-son château de Saint-Fargeau.</p>
-
-<p class="space">La victoire d'Arras et la continuité des succès de Turenne
-pendant toute la campagne<a id="FNanchor_34" href="#Footnote_34" class="fnanchor">&nbsp;[34]</a> firent naître dans la
-capitale et dans tout le royaume une sécurité que ne
-purent troubler ni les écrits que Retz publia pour sa défense,
-ni les résistances de son vicaire Chassebras, secrètement
-appuyées par les solitaires de Port-Royal et par
-leurs nombreux amis<a id="FNanchor_35" href="#Footnote_35" class="fnanchor">&nbsp;[35]</a>.</p>
-
-<p>On se livra aux plaisirs et à la joie que le retour du
-jeune roi dans la capitale, après ses campagnes, ne manquait
-jamais de ramener; et ce fut avec une chaleur, une
-unanimité qui surpassèrent encore celles de toutes les années
-<span class="pagenum"><a id="Page_19"> 19</a></span>
-précédentes<a id="FNanchor_36" href="#Footnote_36" class="fnanchor">&nbsp;[36]</a>. Les occasions ne manquèrent pas:
-l'entrée dans Paris du comte d'Harcourt, qui ressembla
-à une pompe triomphale; les fiançailles du fils du duc de
-Modène avec une des filles de Martinozzi, nièce du cardinal<a id="FNanchor_37" href="#Footnote_37" class="fnanchor">&nbsp;[37]</a>;
-l'arrivée de ce même duc et celle du duc de Mantoue<a id="FNanchor_38" href="#Footnote_38" class="fnanchor">&nbsp;[38]</a>;
-du duc François, frère du duc de Lorraine; de la
-princesse d'Orange<a id="FNanchor_39" href="#Footnote_39" class="fnanchor">&nbsp;[39]</a>; le mariage d'une des demoiselles de
-Mortemart<a id="FNanchor_40" href="#Footnote_40" class="fnanchor">&nbsp;[40]</a> avec le marquis de Thianges; celui de la
-Ferté; celui de Loménie de Brienne<a id="FNanchor_41" href="#Footnote_41" class="fnanchor">&nbsp;[41]</a>, fils du ministre
-d'État, avec la seconde fille de Chavigny, fournirent des
-occasions fréquentes au roi et à Mazarin de donner des
-festins et des fêtes et d'en recevoir<a id="FNanchor_42" href="#Footnote_42" class="fnanchor">&nbsp;[42]</a>. Non-seulement le
-jeune monarque ne dédaignait pas d'accepter des invitations
-qui lui étaient faites, mais il dansait et jouait dans
-les ballets qui faisaient partie des fêtes qu'on lui donnait,
-comme dans ceux qu'il faisait représenter à sa cour. Il y
-fit jouer trois nouveaux ballets, qui tous furent d'une richesse
-d'exécution que l'on crut ne pouvoir jamais être
-égalée<a id="FNanchor_43" href="#Footnote_43" class="fnanchor">&nbsp;[43]</a>. Cependant le dernier, intitulé <i>Psyché</i>, surpassa
-les deux autres en magnificence. Un essaim de beautés y
-figuraient avec le roi et l'élite des meilleurs artistes:
-<span class="pagenum"><a id="Page_20"> 20</a></span>
-Fouilloux et Menneville, qu'on nommait toujours ensemble
-quand il fallait citer des modèles de grâce; cette belle duchesse
-de Roquelaure, dont nous avons fait connaître la
-tragique destinée; la douce et mélancolique Manicamp,
-qui ne se prêtait plus que par obéissance à ces jeux mondains,
-et qui se fit carmélite aux jours saints; puis la folâtre
-Villeroy, et Neuillant, et Gramont, et beaucoup
-d'autres<a id="FNanchor_44" href="#Footnote_44" class="fnanchor">&nbsp;[44]</a>. Cependant leurs attraits ne pouvaient distraire
-le roi de cette aînée des Mancini, qui leur était bien inférieure
-en beauté. Loret, dans les longues descriptions dont
-il remplissait sa <i>Gazette</i>, ne manque pas de faire mention
-de ces attentions de Louis pour elle:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Le roi, notre monarque illustre,</p>
-<p>Menait l'infante Manciny,</p>
-<p>Des plus sages et gracieuses,</p>
-<p>Et la perle des précieuses<a id="FNanchor_45" href="#Footnote_45" class="fnanchor">&nbsp;[45]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p>Ce qui donna un caractère particulier au carnaval de
-cette année fut le grand nombre de mascarades et de folâtres
-divertissements dont Louis XIV et son frère donnaient
-les premiers l'exemple, et dont ils s'amusaient
-beaucoup. Aussi Loret remarque que</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Paris, dans la joie inondé,</p>
-<p>Est tellement dévergondé,</p>
-<p>Qu'on n'y voit que réjouissances,</p>
-<p>Que des bals, des festins, des danses,</p>
-<p>Que des repas à grands desserts,</p>
-<p>Et de mélodieux concerts<a id="FNanchor_46" href="#Footnote_46" class="fnanchor">&nbsp;[46]</a>.</p>
-
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_21"> 21</a></span>
-Cependant, de tous les genres de plaisirs, ceux que l'on
-préférait, ceux auxquels on revenait toujours, étaient les
-représentations théâtrales. Jamais les théâtres publics
-n'avaient attiré plus de spectateurs. Ce goût se répandit
-si généralement, que les jésuites, si habiles à suivre la
-pente de leur siècle, et auxquels était principalement confiée
-l'éducation de la haute noblesse, composèrent dès lors
-des tragédies latines, et les firent représenter par l'élite de
-la belle jeunesse qui s'élevait dans leurs colléges. Ces représentations
-eurent lieu devant de nombreuses assemblées
-de dignitaires de l'Église, de gens de cour, et de ce
-que Paris renfermait de plus illustre dans les lettres et
-dans l'État<a id="FNanchor_47" href="#Footnote_47" class="fnanchor">&nbsp;[47]</a>. Elles eurent le plus grand succès. Cet
-usage des jésuites a commencé sous la jeunesse de Racine,
-et a été continué sans interruption bien au delà de l'époque
-de la jeunesse de Voltaire, dont le maître, le père
-Porée, était un jésuite, auteur des meilleures de ces tragédies
-latines. C'est à ces premières impressions de collége,
-c'est à l'influence de ces maîtres habiles sur ceux qui devaient
-un jour illustrer notre littérature, et sur ceux qui
-devaient être les juges de leurs productions, que l'on
-doit, suivant nous, ce goût grec et romain, ces formes
-régulières, et un peu uniformes, qu'a prises la tragédie
-sous la plume des deux grands maîtres que nous venons
-de nommer, et sous celle de leurs nombreux imitateurs.
-Mais le grand Corneille, par la diversité de ses
-ouvrages, semblait avoir épuisé tous les genres de compositions
-scéniques: et à l'époque dont nous traitons, c'est-à-dire
-dans les années 1655 et 1656, la satiété commençait
-déjà à exiger la réunion de tous les genres, mais
-<span class="pagenum"><a id="Page_22"> 22</a></span>
-non pas encore leur mélange. Ce fut cette année que
-Quinault donna au théâtre du Marais une pièce intitulée
-<i>la Comédie sans comédie</i>, qui renfermait à la fois,
-dans un même cadre et en quatre actes, les quatre sortes
-de poëmes dramatiques connus alors, une pastorale,
-une comédie, une tragédie, et une tragi-comédie ou
-une pièce ornée de machines et de danses, c'est-à-dire
-un opéra. Remarquons que le dernier acte de cette pièce
-était une première et intéressante ébauche du plus
-bel ouvrage que Quinault composa depuis, l'opéra d'<i>Armide</i><a id="FNanchor_48" href="#Footnote_48" class="fnanchor">&nbsp;[48]</a>.</p>
-
-<p>Le carême força de suspendre les danses, les ballets, les
-mascarades; mais la fougue qui entraînait le jeune monarque
-et toute la société vers les plaisirs fit imaginer des
-moyens de les prolonger: on allia ces divertissements aux
-pompes mêmes de la religion, ou on leur donna le caractère
-de cette chevalerie antique que la religion avait autrefois
-encouragée et approuvée. C'est alors que commencèrent
-ce qu'on appelait les concerts de dévotion, qu'on nomma
-depuis <i>spirituels</i>; et ces brillants carrousels, image de nos
-vieux tournois, qui disparurent avec les années prospères
-du règne de Louis XIV, et lorsque les derniers vestiges
-des m&oelig;urs, des habitudes et des temps qu'ils rappelaient
-se furent effacés. Loret a décrit, de la même manière qu'il
-décrivait les ballets de cour, le grand concert de dévotion
-qui fut exécuté au monastère de Charonne, à l'heure de
-vêpres, par les plus célèbres musiciens, les plus fameux
-chanteurs et les meilleures cantatrices de cette époque, en
-présence du roi, de toute la cour, et d'une nombreuse assemblée
-<span class="pagenum"><a id="Page_23"> 23</a></span>
-de beau monde; concert qui fut terminé par un
-sermon du père Senault.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Le père Senault y prêcha,</p>
-<p>Et son éloquence toucha</p>
-<p>De même qu'à l'accoutumée;</p>
-<p>Bref, chacun eut l'âme charmée,</p>
-<p>En ce saint lieu de grand renom,</p>
-<p>Tant du concert que du sermon<a id="FNanchor_49" href="#Footnote_49" class="fnanchor">&nbsp;[49]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p>Le carrousel que le roi donna au Palais-Royal sembla
-réaliser les descriptions des romanciers, par la beauté des
-coursiers, les richesses et la singularité des costumes,
-l'éclat des armures, la rapidité des évolutions exécutées
-aux sons bruyants de la musique guerrière. Cette fête
-chevaleresque fut comme l'annonce de celles que Louis XIV
-devait donner par la suite, et dont la magnificence fut
-un sujet d'étonnement pour l'Europe entière<a id="FNanchor_50" href="#Footnote_50" class="fnanchor">&nbsp;[50]</a>.</p>
-
-<p>Après le roi, ceux qui se firent le plus remarquer dans
-ce carrousel furent le duc de Candale et le duc de Guise.
-En voyant ce dernier, on se rappelait ses intrigues avec
-la princesse de Gonzague, ses amours avec la comtesse de
-Bossu, qui furent suivis d'un mariage et d'une séparation;
-la constance de sa passion pour mademoiselle de
-Pons, qui le trahissait et favorisait son écuyer Malicorne;
-ses deux expéditions pour conquérir le royaume de Naples;
-sa captivité en Espagne et son arrivée à Paris, qui
-eut lieu juste au moment où il dut se rendre au lit de justice
-qui condamna à l'exil Condé, auquel il devait sa
-délivrance. Cette vie martiale, galante, si pleine d'aventures;
-le costume dont il était revêtu, sa grâce, son
-<span class="pagenum"><a id="Page_24"> 24</a></span>
-adresse dans le carrousel, tout contribuait à le rendre le
-type achevé des chevaliers du moyen âge; non tels qu'ils
-étaient en réalité, mais tels que les représentent à l'imagination,
-dans un siècle plus poli et sous des couleurs
-plus brillantes, les fictions de l'Arioste<a id="FNanchor_51" href="#Footnote_51" class="fnanchor">&nbsp;[51]</a>.</p>
-
-<p>Les boucliers de tous ceux qui figurèrent dans ce carrousel
-étaient ornés d'emblèmes ingénieux, accompagnés
-de paroles en langue espagnole, italienne ou française;
-et ce fut sans doute à ces jeunes guerriers et à l'esprit de
-galanterie qui régnait alors, à nos liaisons avec l'Espagne,
-que l'on dut ce goût pour les allégories et les devises qui
-domina durant tout ce règne, et que madame de Sévigné
-partagea<a id="FNanchor_52" href="#Footnote_52" class="fnanchor">&nbsp;[52]</a>.</p>
-
-<p>Elle était restée à Paris pendant tout l'hiver; et elle ne
-retourna point même, selon sa coutume, à sa terre des
-Rochers pendant la belle saison. On peut croire que les
-plaisirs si animés de la capitale contribuèrent à l'y retenir.
-Les fêtes de la cour, auxquelles elle était invitée, furent
-prolongées pendant tout le printemps, et ne cessèrent
-même pas lorsque le roi se fut transporté à Compiègne.
-Ce fut dans cette ville qu'on joua, le 30 mai, le nouveau
-ballet royal des <i>Bienvenus</i>, lorsque le prince Eugène
-épousa, par procuration, au nom du fils du duc de Modène,
-la fille de Martinozzi<a id="FNanchor_53" href="#Footnote_53" class="fnanchor">&nbsp;[53]</a>. C'était d'ailleurs uniquement
-par raison d'économie que madame de Sévigné allait
-se renfermer tous les ans dans son triste château de
-Bretagne, et c'était la même raison qui l'empêchait cette
-année de s'y rendre. Le maréchal de La Meilleraye fit le
-20 juin l'ouverture des états de Bretagne. Il était d'usage
-<span class="pagenum"><a id="Page_25"> 25</a></span>
-dans ces occasions, parmi la haute noblesse, de se donner
-mutuellement des festins, et madame de Sévigné avait
-éprouvé, du vivant de son mari, combien cet usage était
-dispendieux; il l'eût été encore plus pour elle cette fois.
-L'ouverture des états se faisait à Vitré<a id="FNanchor_54" href="#Footnote_54" class="fnanchor">&nbsp;[54]</a>, c'est-à-dire à
-sept kilomètres de son château, et une si grande proximité
-de l'auguste assemblée lui eût attiré un nombre illimité
-d'importuns visiteurs. Son titre de veuve et la prolongation
-de son séjour à Paris donnaient à madame de
-Sévigné les moyens de se soustraire à ces inconvénients,
-et elle en profita. D'autres motifs encore ont pu l'engager
-à s'écarter de ses habitudes. Mademoiselle de La Vergne
-épousa le 20 février de cette année (1655) François
-Mottier, comte de La Fayette, lieutenant des gardes françaises.
-Le désir de pouvoir accompagner sa jeune amie
-dans les nouvelles assemblées où son mari la présenta
-dut déterminer madame de Sévigné à agrandir encore le
-cercle de ses relations, et ajoutait aux motifs qu'elle avait
-de renoncer au voyage de Bretagne. De plus, le président
-de Maisons et plusieurs autres personnages qu'elle
-comptait au nombre de ses amis furent rappelés de leur
-exil, et revinrent dans la capitale précisément à l'époque
-où elle avait coutume de la quitter. Le besoin qu'elle
-éprouvait de s'entretenir avec eux, la satisfaction qu'elle
-avait de les revoir, l'auraient engagée à ne pas partir, lors
-même que tant d'autres causes ne l'auraient pas déterminée
-à rester.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné, en s'abandonnant ainsi au tourbillon
-du monde, en se prévalant des succès qu'elle y obtenait
-par sa jeunesse, ses charmes, son esprit; en cédant
-<span class="pagenum"><a id="Page_26"> 26</a></span>
-à l'orgueil naturel à son sexe de faire naître des passions,
-sans vouloir les partager, augmentait les dangers auxquels
-était exposée, sinon sa personne, au moins sa réputation;
-son état de veuve rendait à cet égard sa position
-plus critique. Plus elle avait d'indépendance, plus
-elle en jouissait, plus il était facile à la calomnie de la
-noircir. Quand on pense aux m&oelig;urs de cette époque, aux
-moyens puissants de séduction de tous ceux qui affichaient
-hautement à son égard leur amour et leurs espérances,
-on ne pourrait croire qu'elle fût jamais parvenue
-à échapper à tant d'écueils, si tous les témoignages contemporains
-ne concouraient à nous prouver qu'elle en est
-sortie non-seulement sans recevoir aucune atteinte, mais
-même pure de tout soupçon.</p>
-
-<p>Durant les mois d'été, le séjour de Paris, alors resserré
-par ses remparts, était encore plus incommode qu'il ne
-l'est actuellement; aussi madame de Sévigné passa presque
-entièrement cette partie de la belle saison à Livry,
-qu'elle appelait son désert; mais ce désert se trouvait
-aussitôt peuplé par une société nombreuse, aimable et
-brillante, lorsqu'elle s'y transportait. Elle fit cependant
-encore à cette époque une courte et plus lointaine excursion
-hors de la capitale; ce fut, en quelque sorte, pour
-satisfaire à un devoir que le monde, mais non pas elle,
-considérait alors comme un acte de courage. Ceci réclame
-quelques détails qui feront connaître l'esprit et les m&oelig;urs
-du temps et les différents intérêts qui divisaient alors la
-cour et la haute société.</p>
-
-<p>Mademoiselle de Montpensier n'avait vu qu'avec peine
-le triomphe de Mazarin et de la cause royale. Elle correspondait
-en secret avec le prince de Condé, et n'avait pas
-perdu entièrement l'espérance de pouvoir l'épouser un
-<span class="pagenum"><a id="Page_27"> 27</a></span>
-jour. Elle se fit un grand chagrin des succès de Turenne;
-mais son père lui causa des peines bien plus vives, et
-dont les motifs étaient plus réels. Gaston convoitait les
-grands biens de sa fille aînée, et il voulait l'obliger à en
-céder une partie aux deux filles qu'il avait eues de Marguerite
-de Lorraine, sa seconde femme. Il avait épousé
-celle-ci par amour, et elle conservait un grand empire sur
-lui. Peut-être mademoiselle de Montpensier, naturellement
-grande et généreuse, se serait-elle montrée disposée
-à des arrangements de cette nature, si on lui en avait
-parlé comme d'un sacrifice qu'il lui fallait faire en faveur
-de ses s&oelig;urs dépourvues de fortune, si on lui avait demandé
-ce sacrifice comme un don, comme une générosité
-de sa part, purement gratuite, dont on lui aurait su gré;
-mais il n'en était pas ainsi. Son père cherchait à lui arracher
-une portion de son patrimoine par la ruse et la fraude,
-et au moyen d'un compte de tutelle, où les dettes qu'il
-avait contractées envers sa fille étaient atténuées ou déguisées;
-où il faisait figurer les répétitions non fondées
-qui lui étaient allouées par des arbitres vendus à ses intérêts.
-De tels procédés exaspérèrent mademoiselle de
-Montpensier, elle résista avec hauteur et fermeté; mais,
-quoique majeure, comme elle n'était point mariée, elle
-se trouvait, comme princesse du sang, sous la puissance
-paternelle, relativement au choix de ses dames d'honneur,
-de ses gens d'affaires et de tous ceux qui composaient
-sa maison. Gaston éloignait d'elle arbitrairement
-tous ses serviteurs les plus dévoués. Il y eut alors dans la
-petite cour de <span class="small1">Mademoiselle</span> des démêlés et des intrigues
-dont elle nous a, dans ses Mémoires, donné les détails
-avec une fatigante prolixité. Comme Gaston négociait
-avec le ministre, et cherchait à rentrer en grâce,
-<span class="pagenum"><a id="Page_28"> 28</a></span>
-mademoiselle de Montpensier, qui, au contraire, se montrait
-hostile, craignit qu'on ne fît à son égard un coup
-d'autorité. Elle se soumit donc en partie à ce qu'on exigeait
-d'elle, mais non sans beaucoup de dépit et de douleur
-et sans répandre bien des larmes. Elle s'était, au
-mois de février, approchée de Paris, et elle était venue
-jusqu'à Lesigny, pour voir une maison qu'elle avait intention
-d'acheter<a id="FNanchor_55" href="#Footnote_55" class="fnanchor">&nbsp;[55]</a>. Pendant les trois ou quatre jours
-qu'elle résida dans ce lieu, elle éprouva ce que pouvait la
-disgrâce du souverain, même à l'égard d'une princesse
-généralement aimée et qu'on aurait désiré voir revenir
-dans la capitale. «Il vint du monde de Paris me voir,
-dit-elle: j'eus néanmoins plus de compliments que de
-visites; j'avais fait tout le monde malade. Tous ceux
-qui n'osaient me mander qu'ils craignaient se brouiller
-avec la cour feignirent d'être malades ou qu'il leur était
-arrivé quelque accident.»</p>
-
-<p>Madame de Sévigné ne fut point au nombre de ces
-lâches moribonds; nous en avons une preuve non douteuse,
-car nous savons qu'au mois de juillet de cette même
-année elle quitta Paris pour se rendre à Saint-Fargeau, et
-tout exprès pour faire sa cour à l'illustre exilée. C'est
-<span class="small1">Mademoiselle</span> qui nous apprend elle-même ce fait dans
-ses Mémoires; et son récit nous fait entrevoir que ce petit
-voyage, fait en compagnie avec madame de Monglat et
-madame de Lavardin, ne fut pas sans agrément pour
-notre jeune veuve.</p>
-
-<p>«J'étais, dit <span class="small1">Mademoiselle</span>, dans mon château de
-Saint-Fargeau, où, après avoir donné ordre à mes affaires<a id="FNanchor_56" href="#Footnote_56" class="fnanchor">&nbsp;[56]</a>
-(ce que je faisais deux fois la semaine), je ne songeais
-<span class="pagenum"><a id="Page_29"> 29</a></span>
-qu'à me divertir. Madame la comtesse de Maure et Mademoiselle
-de Vandy me vinrent voir, comme elles revenaient
-de Bourbon; ce me fut une visite très-agréable. Elles
-étaient des personnes d'esprit et de mérite, et que j'estime
-fort. Mesdames de Monglat, Lavardin et de Sévigné y
-vinrent exprès de Paris: la première y était déjà venue
-deux fois; madame de Sully y vint pendant qu'elles y
-étaient, et M. et madame de Béthune, qui s'en allaient
-aux eaux de Pougues: tout cela faisait une cour fort
-agréable. M. de Matha y était aussi; il commençait à être
-amoureux de madame de Frontenac. Le mari de cette
-dernière, Saujon et d'autres, s'y trouvèrent. Nous allions
-nous promener dans les plus jolies maisons des environs
-de Saint-Fargeau, où l'on me donnait de fort belles collations;
-j'en donnais aussi dans de beaux endroits des bois,
-avec mes violons: on tâchait de se divertir<a id="FNanchor_57" href="#Footnote_57" class="fnanchor">&nbsp;[57]</a>.»</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_30"> 30</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE III.<br />
-<span class="medium">1655.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Bussy continue ses assiduités auprès de madame de Sévigné.&mdash;Ses
-intrigues avec madame de Monglat.&mdash;Il se laisse aller aux
-séductions de la marquise de Gouville.&mdash;Positions des grands
-personnages pendant les troubles de la Fronde.&mdash;Le besoin que les
-princes avaient de leurs serviteurs et des nobles dans leur dépendance
-rapprochait les rangs.&mdash;Comment cet état de choses produisait
-le déréglement des m&oelig;urs.&mdash;Des filles d'honneur d'Anne
-d'Autriche.&mdash;La marquise de Gouville attachée à la princesse de
-Condé.&mdash;Détails sur cette princesse.&mdash;Lenet devient son conseiller.&mdash;Peinture
-qu'il fait de la cour de cette princesse à Chantilly.&mdash;Détails
-sur la marquise de Gouville.&mdash;Bussy lui plaît.&mdash;Le rendez-vous
-qu'il en reçoit l'empêche de faire ses adieux à madame
-de Sévigné avant de partir pour l'armée.</p>
-
-<p class="space">Pendant cette année Bussy sut mettre à profit pour ses
-amours tout le temps de son séjour à Paris, qui se prolongea
-jusqu'au moment de son départ pour l'armée. Sa
-cousine madame de Sévigné était encore, de toutes les
-femmes qu'il courtisait, celle dont l'esprit le charmait le
-plus, celle dont la conquête lui eût été le plus agréable;
-peut-être parce qu'elle était celle qui offrait le plus de
-difficultés. Cependant cette amitié et cette confiance qu'il
-en obtenait, les préférences dont elle le rendait l'objet,
-répandaient tant d'agrément sur sa vie, qu'il se montrait
-auprès d'elle aussi empressé et aussi assidu que le lui
-permettaient les liaisons, d'une autre nature, qu'il avait
-formées. Assuré de madame de Monglat comme d'un
-bien qui désormais lui appartenait, et qu'il croyait ne
-<span class="pagenum"><a id="Page_31"> 31</a></span>
-pouvoir jamais lui échapper, il se laissa entraîner aux
-séductions de la marquise de Gouville.</p>
-
-<p>Plusieurs causes contribuèrent, durant les troubles de
-la Fronde, au déréglement des m&oelig;urs. Les princes et
-les princesses qui étaient à la tête des partis, jeunes eux-mêmes,
-étaient entourés d'une jeunesse active et dévouée.
-La prudence de l'âge mûr ou la froideur de la vieillesse
-eussent été peu propres à ces intrigues aventureuses, à
-ces agitations continuelles, à ces périls toujours renaissants,
-à ces rapides vicissitudes d'opinions et de partis.
-Ces grands personnages, souvent réduits par des revers subits
-à de cruelles extrémités, recevaient de la part de la
-jeune noblesse qui les entourait, et qui était à leurs gages,
-des preuves de fidélité et de dévouement d'une nature
-telle, qu'aucune richesse ne pouvait les payer, qu'aucun
-honneur ne pouvait les récompenser. Alors il était naturel
-qu'il s'établit une sorte d'égalité entre le supérieur et
-l'inférieur, entre le chef et le subordonné, tous deux liés
-à la même cause, tous deux risquant également pour
-elle leur fortune et leur vie. Cet état de choses était
-peu favorable à une sévère morale; et les princes, dans
-l'âge où l'on se laisse facilement emporter à la fougue
-des passions, non-seulement ne s'inquiétaient pas des
-déréglements qui avaient lieu autour d'eux, mais ils en
-donnaient eux-mêmes l'exemple. Quant aux princesses,
-lors même qu'elles eussent toutes été à l'abri du reproche
-à cet égard (et il était loin d'en être ainsi), elles ne pouvaient
-ni surveiller, ni scruter rigoureusement la conduite
-de jeunes femmes souvent forcées, pour les servir, d'entreprendre
-seules des voyages périlleux, d'user de continuels
-subterfuges et de travestissements. Lorsque leur
-inconduite leur était dévoilée, elles étaient d'autant moins
-<span class="pagenum"><a id="Page_32"> 32</a></span>
-tentées de s'en courroucer et d'y mettre un terme, que
-c'était à ces liaisons coupables qu'elles devaient souvent
-les succès des intrigues qu'elles ourdissaient pour le
-triomphe de leur cause. Ceci explique cette multitude
-d'aventures galantes qui donnèrent un caractère si particulier
-aux troubles de la Fronde, où les tempêtes populaires
-et les combats sanglants se rattachaient sans cesse
-aux agitations des ruelles et aux rivalités d'amour. La
-cour même d'Anne d'Autriche ne fut pas exempte de la
-contagion générale. Des six filles d'honneur de cette reine,
-Ségur, la seule qui n'eût point d'attraits, fut la seule qui
-n'eut point d'amant<a id="FNanchor_58" href="#Footnote_58" class="fnanchor">&nbsp;[58]</a>.</p>
-
-<p>Durant ce temps de désordres, la marquise de Gouville
-avait résidé près d'une princesse plus âgée qu'Anne d'Autriche,
-mais dont la cour, soit parce qu'elle était réunie à
-celle de sa belle-fille, soit par l'effet de son choix, était
-uniquement composée de femmes jeunes, jolies, spirituelles,
-et propres à seconder les entreprises les plus hasardeuses.
-C'était cette princesse qui faillit allumer une
-guerre générale en Europe, quand Henri IV vieillissant
-s'éprit pour elle d'une folle passion; c'était cette princesse
-qui dans un âge plus avancé, encore vaniteuse et coquette,
-se vantait d'avoir eu pour amants des papes, des
-rois, des cardinaux, des princes, des ducs, et de simples
-gentils-hommes; c'était, enfin, cette Montmorency autrefois
-si belle, la princesse de Condé douairière, la mère
-du grand Condé<a id="FNanchor_59" href="#Footnote_59" class="fnanchor">&nbsp;[59]</a>.</p>
-
-<p>Lenet, du parlement de Dijon, qui était son conseiller
-intime, nous a donné une peinture intéressante et animée
-de la position critique où elle se trouva à Chantilly, lorsque
-<span class="pagenum"><a id="Page_33"> 33</a></span>
-Condé, en 1650, et dans le plus fort de la guerre civile,
-en lui laissant sa femme et son fils, se fut réfugié
-dans son gouvernement et eut levé l'étendard de la révolte.
-La princesse douairière avait besoin de correspondre
-continuellement avec ce prince, afin d'échapper à la surveillance
-de Mazarin, qui cherchait à s'emparer de sa
-belle-fille et de son petit-fils. Toutes les jeunes femmes
-qui composaient sa cour étalent continuellement agitées
-par des alternatives de crainte et d'espérance, selon les
-nouvelles que l'on recevait de Paris ou de Guienne; et, au
-milieu de toutes ces anxiétés et de ces peines, leurs inclinations
-pour le plaisir s'augmentaient encore par les
-chances de malheur auxquelles elles étaient exposées et
-par l'incertitude de leur sort dans l'avenir.</p>
-
-<p>On était alors à la fin du mois d'avril, et jamais on ne
-vit dans un séjour plus enchanteur, sous un ciel plus pur
-et par une plus douce température, un plus grand nombre
-de beautés occupées d'autant d'intrigues. Le matin, dispersées
-dans les jardins, sur la terrasse, sur les balcons
-du château, elles se promenaient solitaires, ou se réunissaient
-en groupes. Les unes, folâtres, chantaient ou récitaient
-entre elles des madrigaux, des sonnets, ou improvisaient
-des charades, des bouts-rimés, des énigmes;
-d'autres, plus sérieuses, se parlaient bas, s'écartaient,
-s'enfonçaient mystérieusement, et à pas lents, dans des
-allées du parc, ou dans des bosquets reculés; plusieurs,
-couchées sur la pelouse, assises sur les bords de l'étang,
-occupées de la lecture d'un roman ou d'une lettre, n'apercevaient
-rien de ce qui se passait autour d'elles.</p>
-
-<p>Dans la soirée on se réunissait dans la chapelle, où la
-prière se faisait en commun; toutes les dames passaient
-ensuite dans l'appartement de la princesse, et les hommes
-<span class="pagenum"><a id="Page_34"> 34</a></span>
-les y suivaient. Là on tenait conseil; on lisait les lettres
-que l'on avait reçues de la duchesse de Longueville, les
-écrits plaisants ou sérieux que l'on faisait circuler en faveur
-des princes; on se divertissait des satires, des chansons
-et des bouffonneries qui pullulaient contre le cardinal
-Mazarin; puis l'on jouait à divers jeux, et le salon
-retentissait des bonds, des claquements de mains, des ris
-bruyants de la troupe enjouée. Tout à coup un grand silence
-succédait, on se rassemblait près de la princesse
-douairière, on se pressait autour du grand fauteuil de cette
-matrone de la galanterie. On était tout attention, tout
-oreille, quand elle consentait à raconter, avec une grâce
-qui lui était particulière, les faits de sa vie passée; les intrigues
-amoureuses de la cour de Henri IV; ses premières
-entrevues avec ce glorieux monarque; comment elle le
-reconnut un jour dans la cour du château qu'elle habitait,
-au milieu de l'escorte d'un capitaine de sa vénerie,
-revêtu de la livrée d'un piqueur, avec un large emplâtre
-sur la figure, et conduisant deux lévriers en laisse. Tous
-ces récits étaient trop du goût d'un tel auditoire pour
-qu'ils ne fussent pas préférés à toute autre occupation,
-à toute autre distraction<a id="FNanchor_60" href="#Footnote_60" class="fnanchor">&nbsp;[60]</a>.</p>
-
-<p>«C'était, dit Lenet, un plaisir très-grand de voir toutes
-les jeunes dames qui composaient cette cour-là, tristes ou
-gaies, suivant les visites rares ou fréquentes qui leur venaient,
-et suivant la nature des lettres qu'elles recevaient;
-et comme on savait à peu près les affaires des unes et des
-autres, il était aisé d'entrer assez avant pour s'en divertir.
-Il y en avait qui étaient servies d'un même galant;
-d'autres qui croyaient l'être de plusieurs, et qui ne l'étaient
-<span class="pagenum"><a id="Page_35"> 35</a></span>
-de personne, et d'autres qui l'auraient voulu être
-d'un autre que de celui qui les galantisait; d'autres encore
-qui eussent souhaité d'être les seules qui eussent été
-servies de tous; et en vérité elles méritaient toutes de
-l'être<a id="FNanchor_61" href="#Footnote_61" class="fnanchor">&nbsp;[61]</a>.»</p>
-
-<p>La marquise de Gouville était, de toutes les jeunes
-femmes qui composaient la cour de Chantilly, celle qui,
-par ses charmes et la vivacité de son esprit, s'attirait le
-plus d'adorateurs. Son mari était à l'armée du prince de
-Condé<a id="FNanchor_62" href="#Footnote_62" class="fnanchor">&nbsp;[62]</a>, et elle se trouvait sous la surveillance de sa
-mère, la comtesse de Tourville; surveillance légère, qui
-servit plutôt à voiler qu'à empêcher les poursuites des
-comtes de Cessac, de Meille, de Lorges et de Guitaut, qui
-étaient devenus amoureux d'elle: ce dernier l'emporta
-sur ses rivaux<a id="FNanchor_63" href="#Footnote_63" class="fnanchor">&nbsp;[63]</a>.</p>
-
-<p>A Paris, en 1655, la marquise de Gouville fut une des
-beautés qui contribuèrent le plus à l'agrément des fêtes
-nombreuses qui eurent lieu. Elle-même en donna plusieurs,
-et réunit la société la plus brillante. On jouait chez elle
-des ballets, et le bal succédait à la comédie<a id="FNanchor_64" href="#Footnote_64" class="fnanchor">&nbsp;[64]</a>. Au milieu
-de ce grand monde de la capitale, dont elle faisait partie,
-et dont elle attirait les regards à tant de titres, le nombre
-de ses adorateurs devint bien plus considérable que lorsqu'au
-commencement de son mariage elle se trouvait sous
-la tutelle maternelle, et attachée à la petite cour de la princesse
-de Condé. Le maréchal Duplessis<a id="FNanchor_65" href="#Footnote_65" class="fnanchor">&nbsp;[65]</a>, du Lude, le beau
-<span class="pagenum"><a id="Page_36"> 36</a></span>
-Candale, le présomptueux Barlet, étaient alors ceux qui se
-disputaient ses faveurs<a id="FNanchor_66" href="#Footnote_66" class="fnanchor">&nbsp;[66]</a>. Elle vit Bussy, et il lui plut. Bussy,
-malgré ses engagements avec madame de Monglat, ne put
-se refuser à une aussi agréable conquête; mais elle fut
-cause qu'il se conduisit envers madame de Sévigné d'une
-manière à se donner les apparences de l'oubli et de l'indifférence.
-Madame de Sévigné était à Livry lorsque Bussy
-se disposait à partir pour l'armée<a id="FNanchor_67" href="#Footnote_67" class="fnanchor">&nbsp;[67]</a>. Bussy avait promis à
-sa cousine d'aller la voir dans sa retraite champêtre; mais
-fort occupé, dans les derniers moments, de son double
-amour et de ses équipages de guerre, il différa cette visite
-jusqu'à la veille de son départ. Comme il se disposait à se
-rendre à Livry, il reçut un billet d'une de ses maîtresses,
-qui l'invitait à venir la trouver. Madame de Sévigné, qui
-attendait Bussy, ne le voyant point arriver, envoya fort
-tard lui demander s'il ne viendrait pas lui dire adieu. Le
-messager de madame de Sévigné revint avec la lettre
-qu'elle lui avait remise, et lui annonça qu'il n'avait point
-trouvé M. de Bussy au Temple, ni pu savoir où il était. Le
-lendemain matin, Bussy, après avoir passé hors de chez
-lui la nuit entière, ne trouva plus un seul moment à sa
-disposition, et il partit sans avoir vu sa cousine, et sans
-savoir qu'elle lui avait écrit<a id="FNanchor_68" href="#Footnote_68" class="fnanchor">&nbsp;[68]</a>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_37"> 37</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE IV.<br />
-<span class="medium">1655</span>.</h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Bussy, pour s'excuser, écrit à sa cousine qu'il avait passé la nuit
-chez le baigneur.&mdash;Explication sur ce mot.&mdash;Ce qu'étaient les
-hôtels garnis et les bains publics sous le siècle de Louis XIV.&mdash;Madame
-de Sévigné devine Bussy, ou est instruite de ses actions.&mdash;Lettre
-qu'elle lui écrit.&mdash;Bussy lui avoue tout.&mdash;Il lui demande
-réciprocité de confiance.&mdash;L'interroge sur l'amour qu'a
-pour elle le surintendant.&mdash;Réponse de madame de Sévigné.&mdash;Correspondance
-qui s'établit entre eux.&mdash;Nouvelle lettre de madame
-de Sévigné à Bussy.&mdash;Cette correspondance augmente l'inclination
-qu'ils avaient l'un pour l'autre.&mdash;Bussy se plaint de
-n'être pas assez aimé de sa cousine.&mdash;Comment madame de Sévigné
-se défend, et se justifie de désirer que Bussy reste à l'armée.&mdash;Bussy
-envoie un messager à Paris, avec des lettres pour ses
-deux maîtresses, sans écrire à madame de Sévigné.&mdash;Reproche
-que fait à Bussy madame de Sévigné.</p>
-
-<p class="space">Lorsque Bussy fut arrivé devant Landrecies, dont l'armée
-royale avait formé le siége, il n'eut rien de plus
-pressé que d'écrire à sa cousine pour s'excuser d'avoir
-manqué à lui faire ses adieux; et pour ne pas révéler le
-secret de ses amours, il lui dit que dans la nuit qui avait
-précédé son départ il avait été coucher chez le baigneur.
-Pour bien comprendre la réponse que lui fit madame de
-Sévigné, et avoir une idée exacte des m&oelig;urs et des habitudes
-de cette époque, il faut expliquer à nos lecteurs ce
-qu'on entendait par <i>le baigneur</i>, lors de la jeunesse de
-Louis XIV.</p>
-
-<p>Il y avait alors à Paris, en plus grand nombre qu'aujourd'hui,
-<span class="pagenum"><a id="Page_38"> 38</a></span>
-des bains chauds nommés étuves pour la
-bourgeoisie, et même pour les gens de bas étage<a id="FNanchor_69" href="#Footnote_69" class="fnanchor">&nbsp;[69]</a>. On
-comptait aussi dans cette ville une quantité d'auberges et
-d'hôtelleries pour toutes les conditions, puis quelques
-hôtels garnis magnifiquement meublés<a id="FNanchor_70" href="#Footnote_70" class="fnanchor">&nbsp;[70]</a>, mais en très-petit
-nombre. Ces hôtels étaient principalement à l'usage
-de ceux de la haute noblesse qui ne faisaient pas partie
-de la cour, et qui n'avaient à Paris ni maison ni hôtel à
-eux. Pour ceux de cette classe qui en possédaient, pour
-les grands seigneurs et les gens de cour qui résidaient
-dans la capitale, il existait encore une ou deux maisons,
-un ou deux établissements d'un genre particulier, qu'il
-est difficile de définir, parce qu'il n'y en a plus de semblable:
-c'était bien un hôtel garni, où l'on se trouvait
-pourvu avec luxe de tous les besoins et de toutes les commodités
-de la vie, mais où l'on pouvait s'en procurer
-encore d'autres, qui n'existaient pas dans les meilleurs et
-les plus somptueux hôtels garnis.</p>
-
-<p>Ces maisons étaient ordinairement tenues par des
-hommes experts dans tout ce qui concernait la toilette,
-et renommés par leur habileté à coiffer les hommes et
-les femmes. Les barbiers et les baigneurs ne formaient alors
-qu'une seule et même profession; ils étaient constitués en
-corporation, sous le titre de barbiers-étuvistes; mais le
-maître de l'établissement dont nous parlons, et qu'on
-nommait <i>le baigneur</i> par excellence, n'était point soumis
-aux règlements de cette corporation. Il exerçait son état
-par un privilége spécial émané du roi lui-même, ou d'un
-des officiers de sa maison.
-<span class="pagenum"><a id="Page_39"> 39</a></span></p>
-
-<p>On se rendait chez le baigneur par différents motifs.
-D'abord par raison de santé et de propreté: c'était là que
-l'on prenait les meilleurs bains, les bains épilatoires, les
-bains mêlés de parfums et de cosmétiques, par lesquels on
-donnait plus de vigueur au corps, plus de douceur à
-la peau, plus de souplesse aux membres. Cette maison
-était pourvue d'un grand nombre de domestiques soumis,
-réservés, discrets, adroits. On s'y enfermait la veille d'un
-départ, ou le jour même d'un retour, afin de se préparer
-aux fatigues qu'on allait éprouver, ou pour se remettre de
-celles qu'on avait essuyées. Voulait-on disparaître un
-instant du monde, fuir les importuns et les ennuyeux,
-échapper à l'&oelig;il curieux de ses gens, on allait chez
-le baigneur: on s'y trouvait chez soi, on était servi,
-choyé; on s'y procurait toutes les jouissances qui caractérisent
-le luxe ou la dépravation d'une grande ville. Le
-maître de l'établissement et tous ceux qui étaient sous
-ses ordres devinaient à vos gestes, à vos regards, si
-vous vouliez garder l'incognito; et tous ceux qui vous servaient,
-et dont vous étiez le mieux connu, paraissaient ignorer
-jusqu'à votre nom. Votre entrée et votre séjour dans
-cette maison étaient pour eux comme un secret d'État,
-qu'ils ne révélaient jamais. Aussi c'était chez le baigneur
-que les femmes qui ne pouvaient autrement échapper aux
-yeux qui les surveillaient se rendaient déguisées, le visage
-masqué, seules, ou conduites par leurs amants. Enfin
-de jeunes seigneurs, amis des plaisirs sans contrainte, ou
-d'une vie peu réglée, faisaient la partie de se rendre ensemble
-chez le baigneur, et y séjournaient quelquefois plusieurs
-jours, afin de se livrer plus facilement et plus secrètement
-à leur goût pour le jeu, le vin et la débauche.
-Pourtant cette maison était tellement grande et si bien
-<span class="pagenum"><a id="Page_40"> 40</a></span>
-distribuée en corps de logis séparés, que les personnes
-sages, tranquilles ou infirmes, que des motifs de santé ou
-les aisances qu'on y trouvait y avaient conduites, n'étaient
-nullement troublées par ces hôtes bruyants et dissolus:
-elles ne pouvaient même soupçonner leur présence dans
-un lien où régnaient toujours pour elles l'ordre, la décence
-et un calme profond.</p>
-
-<p>La faculté de tenir un établissement de ce genre était
-une sorte de privilége exclusif, qui ne pouvait s'exercer
-qu'au moyen d'un haut patronage. C'était donc pour ceux
-qui y étaient propres, et qui n'y répugnaient pas, un
-moyen assuré de faire fortune. Ils étaient nécessairement
-les intermédiaires de beaucoup d'intrigues, les confidents
-de plusieurs grands personnages, les dépositaires d'importants
-secrets. Aussi les écrits du temps, qui se taisent
-sur plusieurs faits historiques, nous ont fait connaître le
-nom du plus fameux baigneur de cette époque: ce fut
-Prudhomme<a id="FNanchor_71" href="#Footnote_71" class="fnanchor">&nbsp;[71]</a>, auquel succéda plus tard La Vienne, chez
-lequel le roi lui-même, dans le temps de ses premières
-amours, allait se baigner et se parfumer. La Vienne devint
-par la suite son premier valet de chambre<a id="FNanchor_72" href="#Footnote_72" class="fnanchor">&nbsp;[72]</a>.</p>
-
-<p>Nos lecteurs, qui savent actuellement ce que c'était que
-<i>le baigneur</i>, comprendront mieux la réponse que fit à
-Bussy madame de Sévigné. Elle ne fut pas dupe de la
-feinte de son cousin, ou elle fut instruite de quelle manière
-<span class="pagenum"><a id="Page_41"> 41</a></span>
-il avait passé la nuit la veille de son départ. La lettre de
-Bussy lui était parvenue à Livry, et c'est de ce lieu que sa
-réponse est datée, le 26 juin:</p>
-
-<p>«Je me doutais bien que tôt ou tard vous me diriez
-adieu, et que si ce n'était chez moi, ce serait du camp devant
-Landrecies. Comme je ne suis pas une femme de cérémonie,
-je me contente de celui-ci, et je n'ai pas songé à
-me fâcher que vous eussiez manqué à l'autre. Je m'étais
-déjà dit vos raisons, avant que vous me les eussiez écrites;
-et je suis trop raisonnable pour trouver étrange que la
-veille d'un départ on couche chez le baigneur. Je suis
-d'une grande commodité pour la liberté publique; et pourvu
-que les bains ne soient pas chez moi, je suis contente:
-mon zèle ne me porte pas à trouver mauvais qu'il y en ait
-dans la ville<a id="FNanchor_73" href="#Footnote_73" class="fnanchor">&nbsp;[73]</a>.»</p>
-
-<p>Bussy s'aperçut que madame de Sévigné avait tout
-appris ou tout deviné, et il chercha à se faire tout pardonner,
-en l'amusant par le récit de son entrevue et de
-ses adieux. Il le fait avec beaucoup d'esprit et de gaieté,
-et parvient à tout dire, en conservant les convenances
-et une grande décence d'expression. Mais il voudrait
-ne pas faire à sa cousine, avec abandon, confidence de
-tout ce qui le concerne, sans obtenir d'elle la même
-réciprocité.</p>
-
-<p>«Mandez-moi, lui dit-il, je vous prie, des nouvelles de
-l'amour du surintendant; vous n'obligerez pas un ingrat.
-Je vais vous dire, à la pareille, des nouvelles du mien pour
-ma Chimène: il me semble que je vous fais un honnête
-<span class="pagenum"><a id="Page_42"> 42</a></span>
-parti, quand je vous offre de vous dire un secret pour des
-bagatelles.»</p>
-
-<p>En terminant, Bussy insiste encore pour que sa cousine
-lui mande l'histoire de l'amour du surintendant, quelle
-qu'elle soit. Elle lui répond sur cet article dans une lettre
-datée de Paris le 19 juillet, écrite au retour du voyage
-qu'elle avait fait à Saint-Fargeau, et dont elle fait mention
-dans cette lettre. Ce qu'elle dit nous prouve combien
-Fouquet mettait d'insistance dans le désir qu'il avait de la
-séduire, et nous éclaire sur la conduite qu'elle tenait à son
-égard, et sur son plan de défense.</p>
-
-<p>«Quoiqu'il n'y ait rien de plus galant que ce que vous
-me dites sur toute votre affaire, je ne me sens point tentée
-de vous faire une pareille confidence sur ce qui se
-passe entre le surintendant et moi; et je serais au désespoir
-de pouvoir vous mander quelque chose d'approchant.
-J'ai toujours avec lui les mêmes précautions et les mêmes
-craintes; de sorte que cela retarde notablement les progrès
-qu'il voudrait faire. Je crois qu'il se lassera enfin de
-vouloir recommencer toujours la même chose. Je ne l'ai
-vu que deux fois depuis six semaines, à cause d'un voyage
-que j'ai fait. Voilà ce que je puis vous en dire et ce qui
-en est. Usez aussi bien de mon secret que j'userai du
-vôtre; vous avez autant d'intérêt que moi de le cacher<a id="FNanchor_74" href="#Footnote_74" class="fnanchor">&nbsp;[74]</a>.»</p>
-
-<p>Dans la correspondance qui s'établit pendant cette campagne
-entre madame de Sévigné et Bussy, dont ce dernier
-a enrichi ses Mémoires, on les voit tous deux mutuellement
-charmés de leur esprit, et fiers de s'appartenir.
-<span class="pagenum"><a id="Page_43"> 43</a></span>
-Madame de Sévigné éprouve une joie sensible lorsqu'elle
-reçoit la nouvelle que son cousin s'est distingué à Landrecies<a id="FNanchor_75" href="#Footnote_75" class="fnanchor">&nbsp;[75]</a>,
-qu'il a reçu les éloges de Turenne; que Mazarin, le
-roi et toute la cour ont dit du bien de lui. Et Bussy, de
-son côté, tout amoureux qu'il est de sa cousine, et fort
-disposé à s'en montrer jaloux, apprend cependant toujours
-avec plaisir l'effet produit par ses charmes sur quelques
-personnages importants.</p>
-
-<p>«Il y a deux ou trois jours qu'en causant, lui dit-il,
-avec M. de Turenne, je vins à vous nommer. Il me demanda
-si je vous voyais: je lui dis que oui, et qu'étant
-cousins germains et de même maison, je ne voyais pas
-une femme plus souvent que vous. Il me dit qu'il vous
-connaissait, et qu'il avait été vingt fois chez vous sans
-vous rencontrer; qu'il vous estimait fort, et qu'une marque
-de cela était l'envie qu'il avait de vous voir, lui qui
-ne voyait aucune femme. Je lui dis que vous m'aviez
-parlé de lui, que vous aviez su l'honneur qu'il vous avait
-fait, et que vous m'aviez témoigné lui en être obligée.
-A propos de cela, madame, il faut que je vous dise que je
-ne pense pas qu'il y ait au monde une personne si généralement
-estimée que vous. Vous êtes les délices du genre
-humain; l'antiquité vous aurait dressé des autels, et vous
-auriez assurément été déesse de quelque chose. Dans notre
-siècle, où l'on n'est pas si prodigue d'encens, et surtout
-pour le mérite vivant, on se contente de dire qu'il n'y a
-point de femme à votre âge plus vertueuse ni plus aimable
-que vous. Je connais des princes du sang, des princes
-étrangers, des grands seigneurs façon de princes, des
-<span class="pagenum"><a id="Page_44"> 44</a></span>
-grands capitaines, des gentils-hommes, des ministres d'État,
-des magistrats et des philosophes, qui fileraient pour
-vous si vous les laissiez faire. En pouvez-vous demander
-davantage? A moins que d'en vouloir à la liberté des
-cloîtres, vous ne sauriez aller plus loin<a id="FNanchor_76" href="#Footnote_76" class="fnanchor">&nbsp;[76]</a>.»</p>
-
-<p>On ne peut donner à une femme des éloges plus satisfaisants
-pour son orgueil; et ce qui devait les rendre plus
-acceptables, c'est qu'ils étaient l'expression de la vérité, et
-non celle d'une fade adulation ou d'un sot enthousiasme.
-Madame de Sévigné ne montre pas pour son cousin la
-même admiration qu'il témoigne pour elle; cependant elle
-loue son esprit avec une sincère effusion. «Je ne crois
-pas, lui écrit-elle, avoir jamais rien lu de plus agréable
-que la description que vous me faites de l'adieu de votre
-maîtresse. Ce que vous dites, que l'Amour est un vrai <i>recommenceur</i>,
-est tellement joli et tellement vrai, que je
-suis étonnée que, l'ayant pensé mille fois, je n'aie pas eu
-l'esprit de le dire<a id="FNanchor_77" href="#Footnote_77" class="fnanchor">&nbsp;[77]</a>.»</p>
-
-<p>Bussy se plaint que sa cousine montre trop peu de tendresse
-pour lui, en paraissant si préoccupée de sa gloire et
-de son avancement. «Quand on aime bien les gens qui
-vont à l'armée, dit-il avec justesse, on a plus de crainte
-pour les dangers de leur personne que de joie dans l'espérance
-de l'honneur qu'ils vont acquérir<a id="FNanchor_78" href="#Footnote_78" class="fnanchor">&nbsp;[78]</a>.» Cependant,
-comme en même temps Bussy devine qu'il y a plus de
-<span class="pagenum"><a id="Page_45"> 45</a></span>
-dépit dans ce que sa cousine a écrit sur ce sujet, que
-d'absence de sentiment, et qu'il a la fatuité de le lui dire,
-elle lui répond de manière à tâcher de le convaincre que
-c'est bien véritablement qu'elle mérite le reproche qu'il lui
-adresse, et qu'elle ne désire pas qu'il en soit autrement.
-Ayant appris qu'il sollicitait la permission de rester à l'armée
-pendant tout l'hiver, elle lui dit: «Comme vous savez,
-mon pauvre Comte, que je vous aime un peu rustaudement,
-je voudrais qu'on vous l'accordât; car on dit qu'il
-n'y a rien qui avance tant les gens, et vous ne doutez pas
-de la passion que j'ai pour votre fortune<a id="FNanchor_79" href="#Footnote_79" class="fnanchor">&nbsp;[79]</a>.»</p>
-
-<p>Cependant la lettre dont Bussy se plaignait montrait
-bien évidemment que sa cousine conservait de la rancune
-pour la manière dont il avait agi à l'époque de son départ
-pour l'armée. Elle était piquée d'avoir été sacrifiée alors
-au désir de passer quelques heures de plus avec une maîtresse.
-Bussy avait raison d'avoir cette pensée; mais il
-avait tort de la manifester.</p>
-
-<p>«Je serais, lui avait-elle dit, une indigne cousine d'un
-si brave cousin si j'étais fâchée de vous voir cette campagne
-à la tête du plus beau corps qui soit en France, et
-dans un poste aussi glorieux que celui que vous tenez. Je
-crois que vous désavoueriez des sentiments moins nobles
-que ceux-là. Je laisse aux <i>baigneurs</i> d'en avoir de plus
-tendres et de plus faibles. Chacun aime à sa mode: pour
-moi, je fais profession d'être brave aussi bien que vous.
-Voilà les sentiments dont je veux faire parade<a id="FNanchor_80" href="#Footnote_80" class="fnanchor">&nbsp;[80]</a>.»</p>
-
-<p>Dans une autre occasion, l'empressement qu'elle met à
-<span class="pagenum"><a id="Page_46"> 46</a></span>
-écrire à son cousin, lorsqu'il la néglige, nous prouve avec
-quel soin elle cherchait à écarter d'elle tout soupçon de
-dépit ou de sentiment jaloux, quoiqu'elle ne puisse s'empêcher
-d'en laisser toujours percer quelque chose. Bussy
-avait envoyé à Paris un messager avec des lettres pour ses
-deux maîtresses, et il ne lui avait rien remis pour madame
-de Sévigné. Celle-ci profita cependant de ce même messager
-pour écrire à son cousin, afin de le féliciter sur les
-succès qu'il avait obtenus à la guerre, et dont la renommée
-l'avait instruite. Dans une autre lettre, où elle avait besoin
-de rappeler toutes celles qu'elle lui avait adressées
-depuis quelque temps, elle dit: «Je vous ai encore écrit
-par un laquais que vous avez envoyé ici, lequel était
-chargé de plusieurs lettres pour de belles dames. Je ne me
-suis pas amusée à vous chicaner de ce qu'il n'y en avait
-pas pour moi, et je vous fis une petite lettre en galoppant<a id="FNanchor_81" href="#Footnote_81" class="fnanchor">&nbsp;[81]</a>.»</p>
-
-<p>Voici en quels termes elle avait écrit à Bussy sur ce
-point délicat, dans cette petite lettre faite en <i>galoppant</i>:</p>
-
-<p>«Je me trouvai hier chez madame de Monglat, qui
-avait reçu une de vos lettres, et madame de Gouville
-aussi: je croyais en avoir une chez moi, mais je me suis
-trompée dans mon attente, et je jugeai que vous n'aviez
-pas voulu confondre tant de rares merveilles. J'en suis
-bien aise, et je prétends avoir un de ces jours <i>une voiture</i>
-à part.»</p>
-
-<p>L'allusion qu'elle fait ici à la haute renommée de Voiture
-comme épistolographe, et à la double signification
-<span class="pagenum"><a id="Page_47"> 47</a></span>
-de son nom, qui ne serait dans toute autre occasion qu'un
-simple calembour, devient dans cette circonstance un
-éloge flatteur, et un reproche aimable, empreint du sentiment
-d'une noble et juste fierté.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_48"> 48</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE V.<br />
-<span class="medium">1655.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Madame de Gouville donne une fête peu de jours après l'avanie faite
-à Bartet, son amant.&mdash;Détails sur Bartet.&mdash;Il est employé pendant
-la Fronde à d'importantes négociations.&mdash;Aventures de sa
-jeunesse, et comment il était parvenu.&mdash;Sa présomption et
-sa vanité.&mdash;Ressentiments qu'elles excitent.&mdash;Il obtient les
-faveurs de la marquise de Gouville.&mdash;Il tient un propos outrageant
-sur le duc de Candale.&mdash;Le duc de Candale s'en venge en lui
-faisant une avanie.&mdash;Pourquoi Mazarin abandonne Bartet dans
-cette circonstance.&mdash;Tout le monde rit de l'aventure de Bartet.&mdash;Épigramme
-à ce sujet.&mdash;Bussy mande à madame de Sévigné la
-querelle entre le marquis d'Humières, le comte de Nogent et la
-Châtre.&mdash;Détails sur Bautru, comte de Nogent.&mdash;Plaisanteries
-qu'il se permet au sujet de Roquelaure.&mdash;Passage d'une des lettres
-de madame de Sévigné sur la duchesse de Roquelaure.&mdash;Querelle
-entre le prince d'Harcourt et la Feuillade.&mdash;Madame de
-Sévigné trouve plaisante la captivité de la duchesse de Châtillon
-chez Fouquet.&mdash;Réflexions à ce sujet.&mdash;Bussy se rend à Compiègne.&mdash;Il
-sollicite de Mazarin de servir pendant l'hiver, et n'obtient
-rien.&mdash;Revient à Paris.&mdash;Y séjourne.&mdash;Repart pour se
-rendre à l'armée de Turenne.</p>
-
-<p class="space">Le même jour que madame de Sévigné écrivit la lettre
-que nous venons de citer, la marquise de Gouville donnait
-dans son hôtel, à Paris, une fête dont le récit remplit
-une page entière de la Gazette de Loret<a id="FNanchor_82" href="#Footnote_82" class="fnanchor">&nbsp;[82]</a>: il décrit
-le ballet, les scènes grotesques, les danses, le concert,
-et la collation. Cependant, lorsque la marquise de Gouville
-donnait cette fête, l'avanie qu'à cause d'elle avait
-<span class="pagenum"><a id="Page_49"> 49</a></span>
-éprouvée Bartet, un de ses amants, venait d'avoir lieu,
-et était l'objet des conversations générales. Madame de
-Sévigné en parle dans une lettre écrite à Bussy trois jours
-après celle dont nous avons fait mention en dernier, c'est-à-dire
-le 19 juillet<a id="FNanchor_83" href="#Footnote_83" class="fnanchor">&nbsp;[83]</a>; mais elle en parle brièvement et en
-passant, afin de ne pas blesser son cousin. Pour bien la
-comprendre, il faut suppléer aux détails qu'elle n'a pas
-eu besoin de donner en écrivant à Bussy, qui était parfaitement
-instruit sur ce qui concernait celui qui faisait
-l'objet de cette aventure.</p>
-
-<p>Quand Mazarin était exilé et proscrit par des arrêts du
-parlement, du consentement du roi, c'est-à-dire de la
-reine régente, qui parlait en son nom, il n'en continuait
-pas moins, des bords du Rhin ou de la solitude des Ardennes,
-où il s'était réfugié, à diriger les affaires. Le gouvernement
-n'était pas dans le cabinet des ministres, dans
-la salle du conseil, dans les actes authentiques publiés au
-nom du roi, mais dans les résolutions et les déterminations
-prises par la reine régente dans les conciliabules qui
-avaient lieu dans la chambre de l'exilé ou dans l'oratoire
-de la reine. Il était alors nécessaire que la reine et son
-ministre pussent communiquer entre eux continuellement,
-et de manière à ce qu'il ne restât aucune trace de ces
-communications; que le secret le plus profond et le plus
-impénétrable fût gardé sur leur but et sur leur résultat.
-De là naquit l'importance des courriers de cabinet, et l'influence
-que ces personnages subalternes prirent à cette
-époque. Comme ils auraient pu être arrêtés par les partisans
-de la Fronde ou des princes, jugés et condamnés
-<span class="pagenum"><a id="Page_50"> 50</a></span>
-par les parlements, à cause de leur correspondance
-avec un banni déclaré ennemi de l'État, ils n'étaient chargés
-d'aucune dépêche, d'aucune note, d'aucun papier;
-mais dépositaires des pensées et des intentions secrètes
-du cardinal et de la reine, ils allaient et venaient continuellement,
-portaient les paroles de l'un et de l'autre, et
-prenaient à l'égard des tiers des engagements en leurs
-noms. On voit que durant ces temps de troubles ces
-courriers de cabinet n'étaient pas seulement des porteurs
-de dépêches, mais de véritables négociateurs. A une
-époque aussi agitée, lorsque les intérêts variaient sans
-cesse et si rapidement, lorsqu'il y avait tant d'intrigues
-différentes, et qu'il fallait pour les conduire tant de dissimulation
-et d'audace; lorsque les troupes des différents
-partis envahissaient le pays, et empêchaient qu'on ne pût
-faire le plus petit trajet sans travestissement, ce rôle de
-courrier de cabinet donnait à tous ceux qui l'exerçaient
-une réputation de capacité, de courage, de prudence et
-de fidélité, qui ennoblissait leurs fonctions, et les faisait
-jouir d'une considération supérieure à celle de la charge
-dont ils étaient revêtus. Bartet fut un de ceux que la reine
-et Mazarin employèrent en cette qualité le plus souvent
-et avec le plus de succès.</p>
-
-<p>Il était fils d'un paysan du Béarn. Son père lui ayant
-donné de l'éducation, il devint avocat au parlement de Navarre.
-Il séduisit la femme de chambre de l'épouse d'un conseiller
-de ce parlement. On voulut le forcer à épouser cette
-fille, très-chérie de sa maîtresse: il s'y refusa, quitta le
-pays, s'en alla à Rome, et, recommandé par des jésuites,
-il s'attacha au duc de Bouillon, puis ensuite au prince
-Casimir, frère du roi de Pologne, et qui lui succéda au
-trône. Celui-ci, lorsqu'il fut roi, nomma Bartet son résident
-<span class="pagenum"><a id="Page_51"> 51</a></span>
-en France. Bartet se fit ainsi connaître de Mazarin et
-des autres ministres de la reine, et il obtint, par l'entremise
-de la princesse Palatine, d'être nommé secrétaire
-du cabinet<a id="FNanchor_84" href="#Footnote_84" class="fnanchor">&nbsp;[84]</a>. Bientôt il eut toute la confiance de la reine
-et de son ministre, et fut initié aux plus importants secrets
-d'État<a id="FNanchor_85" href="#Footnote_85" class="fnanchor">&nbsp;[85]</a>. Fier de ses succès, il se fit de nombreux ennemis
-par sa suffisance, sa fatuité, son ton et ses manières, qui
-auprès des personnages élevés auxquels il avait affaire
-contrastaient si fort avec son humble origine. La manifestation
-de notre propre supériorité choque l'orgueil naturel
-d'autrui, lors même qu'elle semble justifiée par la
-prééminence du talent, de la naissance ou de la fortune;
-mais l'insolence d'un parvenu semble une atteinte portée
-à tous les droits acquis: elle blesse comme une usurpation,
-et révolte comme une ingratitude. Tels étaient les sentiments
-que faisait naître Bartet, dont la causticité d'ailleurs
-n'épargnait personne, pas même ses amis et ses
-bienfaiteurs. Bartet devint amoureux de la marquise de
-Gouville. Cette femme séduisante était en même temps
-courtisée par le duc de Candale, dont la vie fut si courte
-et les aventures si nombreuses<a id="FNanchor_86" href="#Footnote_86" class="fnanchor">&nbsp;[86]</a>. Bartet, si inférieur au
-<span class="pagenum"><a id="Page_52"> 52</a></span>
-duc de Candale pour la figure et la tournure, l'emportait
-sur lui par certains avantages auxquels la marquise de
-Gouville se montrait fort sensible. Au lieu de jouir en
-secret d'un bonheur qui pouvait lui faire un ennemi puissant,
-Bartet eut l'impudence de faire parade de sa conquête
-d'une manière injurieuse pour son rival. En présence
-d'un grand nombre de personnes, dont quelques-unes faisaient
-l'éloge du duc de Candale comme du plus bel homme
-de l'époque et le plus propre à plaire aux femmes, Bartet
-dit, avec un ton dédaigneux, «que si on ôtait à ce beau
-duc ses grands cheveux, ses grands canons, ses grandes
-manchettes et ses grosses touffes de galants, il ne serait
-plus qu'un squelette et un atome.» Candale, outré de l'insolence
-de Bartet, et regardant comme au-dessous de lui
-de se mesurer avec un tel homme, se vengea en grand seigneur,
-ou, si l'on veut, en vrai brigand. Laval, son écuyer,
-à la tête de onze hommes à cheval, arrête en plein jour,
-dans la rue Saint-Thomas du Louvre, la voiture de Bartet.
-Deux des cavaliers se saisissent des chevaux, deux autres
-portent le pistolet à la gorge du cocher, deux autres
-mettent pied à terre, et entrent dans le carrosse le poignard
-à la main; ils se précipitent sur Bartet, lui coupent
-avec des ciseaux les cheveux d'un côté, et une
-moustache de l'autre; ils lui arrachent son rabat, ses canons
-et ses manchettes; et, après lui avoir appris que
-cette opération a lieu par ordre de monseigneur le duc de
-Candale, ils le laissent aller<a id="FNanchor_87" href="#Footnote_87" class="fnanchor">&nbsp;[87]</a>.
-<span class="pagenum"><a id="Page_53"> 53</a></span></p>
-
-<p>Sous Richelieu, le personnage, quelque élevé qu'il fût,
-qui aurait ainsi traité le plus obscur et le plus infime de
-ses affidés, eût été obligé de fuir, et aurait eu à supporter
-le poids d'une procédure criminelle. Mazarin, auquel
-Bartet se plaignit, lui promit justice, fit même commencer
-quelques procédures, mais n'osa pas les faire continuer.
-Candale avait rendu de grands services à Mazarin, qui
-s'était donné des torts envers lui, en ne réalisant pas la
-promesse qu'il avait faite de lui faire épouser sa nièce
-Martinozzi, mariée au prince de Conti. Mazarin ne fut
-donc pas fâché d'avoir occasion de montrer des égards
-pour ce seigneur, afin de le retenir dans son parti. D'ailleurs,
-Bartet avait été le protégé de la reine plus encore
-que celui de Mazarin, qui, dans sa correspondance écrite
-avec Anne d'Autriche, avait cherché à la prémunir contre
-les défauts du caractère de ce confident, et l'avait engagée
-à ne se fier à lui qu'avec précaution<a id="FNanchor_88" href="#Footnote_88" class="fnanchor">&nbsp;[88]</a>. Toute la
-haute noblesse était indignée de l'insolence de Bartet, et
-applaudissait à l'avanie qui lui était faite. Chavagnac, en
-racontant cette aventure, dit qu'elle fit plus de bruit
-qu'elle ne méritait<a id="FNanchor_89" href="#Footnote_89" class="fnanchor">&nbsp;[89]</a>. Madame de Sévigné n'en parle
-qu'en plaisantant, et la trouve tout à fait bien imaginée;
-elle ne doute pas que son cousin ne s'en soit fort diverti<a id="FNanchor_90" href="#Footnote_90" class="fnanchor">&nbsp;[90]</a>.
-On rit beaucoup aux dépens de Bartet, et l'on fit sur lui
-le couplet suivant, qui courut tout Paris:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i1"> Comme un autre homme</p>
-<p>Vous étiez fait, monsieur Bartet:</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_54"> 54</a></span></div>
-<p>Mais quand vous iriez chez Prudhomme,</p>
-<p>De six mois vous ne seriez fait</p>
-<p class="i1"> Comme un autre homme<a id="FNanchor_91" href="#Footnote_91" class="fnanchor">&nbsp;[91]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p>Non-seulement Bartet n'obtint aucune réparation de
-l'affront qu'il avait éprouvé, mais plus tard on le força
-de s'exiler de la cour, lorsque le duc de Candale s'y trouvait<a id="FNanchor_92" href="#Footnote_92" class="fnanchor">&nbsp;[92]</a>.
-Ainsi la différence des rangs était alors si fortement
-marquée, que ceux qui osaient s'en prévaloir pour
-conserver leurs priviléges d'insolence et de domination
-pouvaient encore faire violence à la justice et braver la
-faveur.</p>
-
-<p>Bussy et madame de Sévigné se faisaient part mutuellement
-dans leurs lettres des nouvelles qui pouvaient les
-intéresser: lui, celles de l'armée; elle, celles de la cour.
-Bussy, dans sa lettre du 17 octobre<a id="FNanchor_93" href="#Footnote_93" class="fnanchor">&nbsp;[93]</a>, entretient sa cousine
-de la querelle qui s'est élevée entre le marquis d'Humières
-et le comte de Nogent, querelle si peu honorable
-pour ce dernier. Il avait été provoqué en duel par la
-Châtre, beau-frère d'Humières, et il avait refusé de se
-battre. D'Humières, toujours bien auprès du roi et des
-ministres, devint depuis maréchal de France. Le luxe
-du grand seigneur le suivait même à l'armée. Il fut le
-premier qui s'y fit servir en vaisselle d'argent, et avec
-les mêmes recherches et la même variété de mets que
-dans son hôtel. Comme la guerre continua, et se régularisa
-en quelque sorte, ce genre de luxe fut imité par
-tous les officiers généraux, et même par les simples colonels
-<span class="pagenum"><a id="Page_55"> 55</a></span>
-et les mestres de camp<a id="FNanchor_94" href="#Footnote_94" class="fnanchor">&nbsp;[94]</a>. La Châtre nous est connu
-pas ses liaisons avec Ninon<a id="FNanchor_95" href="#Footnote_95" class="fnanchor">&nbsp;[95]</a>. Armand, comte de Nogent,
-qui se noya depuis au fameux passage du Rhin<a id="FNanchor_96" href="#Footnote_96" class="fnanchor">&nbsp;[96]</a>, était le
-fils de Nicolas de Bautru, modèle du courtisan fin, spirituel
-et bouffon. Celui-ci, arrivé à la cour d'Anne d'Autriche
-avec huit cents livres de rente, en avait cent cinquante
-mille lorsqu'il mourut. Sa femme se fit connaître par des
-désordres honteux. Il en demanda vengeance à la justice,
-et fit condamner un de ses valets, qui fut mis aux galères<a id="FNanchor_97" href="#Footnote_97" class="fnanchor">&nbsp;[97]</a>.
-Il se rendait un jour chez la reine, lorsque cette
-affaire était encore récente; et la cynique plaisanterie
-qu'il se permit pour faire rejaillir sur le duc de Roquelaure
-le ridicule dont celui-ci avait voulu le couvrir en
-présence de toute la cour, prouve qu'une partie du secret
-de la mystérieuse intrigue de la duchesse de Roquelaure
-n'avait pas échappé aux regards scrutateurs des jeunes
-courtisans<a id="FNanchor_98" href="#Footnote_98" class="fnanchor">&nbsp;[98]</a>. Cet indécent quolibet, qui fit rougir la reine,
-sert en même temps à expliquer le passage suivant de la
-lettre que madame de Sévigné écrivit à Bussy le 25 novembre<a id="FNanchor_99" href="#Footnote_99" class="fnanchor">&nbsp;[99]</a>.</p>
-
-<p>«Madame de Roquelaure est revenue tellement belle,
-qu'elle défit hier le Louvre à plate couture<a id="FNanchor_100" href="#Footnote_100" class="fnanchor">&nbsp;[100]</a>: ce qui
-donne une si terrible jalousie aux belles qui y sont, que
-<span class="pagenum"><a id="Page_56"> 56</a></span>
-par dépit on a résolu qu'elle ne serait pas des après-soupers,
-qui sont gais et galants comme vous savez.
-Madame de Fiennes voulut l'y faire demeurer hier; mais
-on comprit par la réponse de la reine qu'elle pouvait
-s'en retourner.»</p>
-
-<p>Madame de Sévigné paraît avoir ignoré le véritable
-motif de l'exclusion de la duchesse de Roquelaure des
-après-soupers; mais la duchesse de Roquelaure a dû le
-connaître ou le deviner. Les chagrins causés par des
-humiliations de cette nature, et par les remords de les
-avoir mérités, ont pu contribuer, autant que les infidélités
-de Vardes, à précipiter dans la tombe cette intéressante
-victime d'un premier amour. Une autre raison devait
-encore déterminer à ne pas admettre la duchesse de Roquelaure
-dans ces réunions familières. Le jeune duc
-d'Anjou manifestait du penchant pour elle; et le chagrin
-qu'il témoigna lorsqu'il apprit sa mort montra quelle était
-déjà la violence de sa passion<a id="FNanchor_101" href="#Footnote_101" class="fnanchor">&nbsp;[101]</a>.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné, qui ne veut rien laisser ignorer à
-Bussy de ce qui se passe dans le monde, raconte aussi dans
-la même lettre une querelle assez ridicule, mais qui n'eut
-aucune suite, entre le prince d'Harcourt, la Feuillade, qui
-fut depuis maréchal de France, et le chevalier de Gramont,
-si connu par l'histoire que le spirituel Hamilton
-nous a donnée de ses aventures galantes. La chose se passa
-chez Jannin de Castille, financier, assez bel homme, peu
-spirituel, et fort riche. Bussy a fait lui-même connaître les
-liaisons de ce personnage avec la comtesse d'Olonne<a id="FNanchor_102" href="#Footnote_102" class="fnanchor">&nbsp;[102]</a>, et
-<span class="pagenum"><a id="Page_57"> 57</a></span>
-Sauval a révélé celles qu'il eut avec mademoiselle de Guerchy,
-une des filles d'honneur de la reine<a id="FNanchor_103" href="#Footnote_103" class="fnanchor">&nbsp;[103]</a>. Mademoiselle
-de Guerchy fut depuis la maîtresse du duc de Vitry, et
-périt victime des moyens qu'employa pour la faire avorter
-une sage-femme nommée Constantin, qui fut pendue pour
-ce crime. Le comte Gaspard de Chavagnac, qui, pour
-obliger Vitry, son ami, avait conduit l'infortunée Guerchy
-chez la Constantin, fut mis en cause, et subit même une
-condamnation, qui ne fut pas capitale. Lui, qui était la
-bravoure même, raconte naïvement dans ses Mémoires la
-frayeur qu'il éprouva «quand il vit les mêmes juges avec
-lesquels il faisait tous les jours la débauche l'interroger
-avec un visage si sévère<a id="FNanchor_104" href="#Footnote_104" class="fnanchor">&nbsp;[104]</a>».</p>
-
-<p>Madame de Sévigné apprit, sans en connaître la cause,
-que la duchesse de Châtillon se trouvait captive chez
-l'abbé Fouquet; et, dans sa lettre du 5 novembre, elle
-mande cette nouvelle à son cousin en une seule ligne, en
-ajoutant: «Cela paraît fort plaisant à tout le monde<a id="FNanchor_105" href="#Footnote_105" class="fnanchor">&nbsp;[105]</a>.»
-Singulière époque que celle où l'on trouvait plaisant
-qu'une femme de ce rang, de cette naissance, qu'une
-Montmorency, que la veuve d'un Gaspard de Coligny,
-duc de Châtillon, fût retenue d'autorité en chartre privée,
-chez un abbé, son amant! Cependant la chose paraîtra
-moins étrange lorsque l'on saura que l'abbé Fouquet
-avait avec lui sa mère, qui était la vertu même<a id="FNanchor_106" href="#Footnote_106" class="fnanchor">&nbsp;[106]</a>.</p>
-
-<p>Quand Bussy reçut, le 22 novembre, cette dernière lettre
-<span class="pagenum"><a id="Page_58"> 58</a></span>
-de madame de Sévigné, il n'était plus à l'armée. Pour
-être placé sur les cadres de ceux qui continuaient à servir
-pendant la saison rigoureuse, il s'était rendu à Compiègne,
-où la cour résidait. Le cardinal lui promit de faire ce qu'il
-demandait; mais il ne lui tint pas parole. Bussy revint
-vers la fin de décembre à Paris; et, après y avoir séjourné
-tout l'hiver, il repartit le 12 mars pour Amiens, où le
-maréchal de Turenne avait assigné le rendez-vous de tous
-les officiers généraux qui dans la campagne prochaine
-devaient servir sous ses ordres<a id="FNanchor_107" href="#Footnote_107" class="fnanchor">&nbsp;[107]</a>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_59"> 59</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE VI.<br />
-<span class="medium">1656.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Madame de Sévigné est recherchée par les femmes âgées comme par
-les jeunes.&mdash;Sa jeunesse s'est passée sous le ministère de Mazarin.&mdash;Ses
-souvenirs embrassent l'époque qui l'a précédé, une partie du
-siècle de Louis XIII, puis la régence d'Anne d'Autriche et presque
-tout le siècle de Louis XIV, et les personnes qui brillèrent sous la régence
-du duc d'Orléans et qui moururent sous Louis XV.&mdash;Elle était
-liée avec madame de Chevreuse, avec la maréchale de Schomberg,
-née Marie de Hautefort.&mdash;Portrait de mademoiselle de Hautefort:
-elle est placée près d'Anne d'Autriche pour la surveiller.&mdash;Elle s'attache
-à elle.&mdash;S'attire, en la servant, les persécutions de Richelieu.&mdash;A
-la mort de ce ministre, elle est rappelée de son exil par la
-reine, qui reçoit mal ses observations relativement au cardinal
-Mazarin.&mdash;Brouillerie et raccommodement entre elle et la reine.&mdash;Mademoiselle
-de Hautefort reçoit l'ordre de quitter le Palais-Royal.&mdash;Elle
-se retire dans un couvent.&mdash;Épouse le maréchal de Schomberg.&mdash;S'efforce
-de se réconcilier avec Anne d'Autriche.&mdash;Est de
-nouveau repoussée.&mdash;Ses torts envers la reine.&mdash;Différence de
-la conduite d'Anne d'Autriche envers elle et envers la duchesse de
-Chevreuse.&mdash;Réflexions à ce sujet.&mdash;Le maréchal de Schomberg
-et sa femme se retirent dans leur gouvernement de Metz.&mdash;Ils sont
-les protecteurs des gens de lettres.&mdash;La mort de sa grand'mère
-force la maréchale de Schomberg de revenir à Paris.&mdash;Nombre de
-personnes vont à sa rencontre.&mdash;Madame de Sévigné, qui ignorait
-ce retour, n'est pas de ce nombre.&mdash;Regret qu'elle en
-éprouve.&mdash;Citation de la Gazette de Loret à ce sujet.&mdash;Mort de
-la maréchale de Schomberg.</p>
-
-<p class="space">La jeunesse de madame de Sévigné s'est écoulée tout
-entière pendant la durée du ministère du cardinal de Mazarin;
-mais les femmes qui avaient passé la leur sous le règne
-de Richelieu, attirées par la précoce maturité du jugement
-de notre jeune veuve, par son discernement, par sa discrétion,
-<span class="pagenum"><a id="Page_60"> 60</a></span>
-sa franchise, ne cultivaient pas son amitié avec moins
-d'empressement que celles dont l'âge se rapprochait du
-sien. Dans sa vieillesse, son indulgente gaieté, la réputation
-qu'elle s'était acquise par son esprit, l'égalité de son
-humeur et les agréments de son commerce, la firent
-rechercher par celles qui commençaient à briller comme
-des astres nouveaux levés sur l'horizon, vers la fin du
-siècle de Louis XIV. Celles-ci se montrèrent dans tout
-leur éclat sous la régence du duc d'Orléans, et terminèrent
-leur existence sous Louis XV. Jamais madame de Sévigné
-ne se retira du monde, et jamais le monde aussi
-ne se retira d'elle. Toujours elle aima à se répandre dans
-la société: elle lui appartint toujours. Sa vie et ses écrits
-sont donc propres à nous éclairer sur les m&oelig;urs, les habitudes
-de plusieurs générations successives et de trois règnes
-différents.</p>
-
-<p>Nous avons déjà vu la liaison qu'elle avait contractée
-avec la duchesse de Chevreuse, qui sous le règne de
-Louis XIII s'était illustrée par sa résistance au despotisme
-de Richelieu. Madame de Sévigné avait conquis l'amitié
-d'une autre femme, qui, sans posséder l'avantage d'une
-aussi grande naissance, n'avait pas donné à la reine de
-moindres preuves de dévouement et de courage que madame
-de Chevreuse: c'était Marie de Hautefort, femme
-du maréchal duc de Schomberg.</p>
-
-<p>On se souvenait encore à l'époque dont nous nous
-occupons, de l'impression qu'avait faite à la cour de
-Louis XIII cette blonde aux yeux grands et pleins de
-feu, aux traits si réguliers, aux dents si blanches, au
-teint d'une si ravissante fraîcheur. On se ressouvenait
-encore de cette gorge parfaitement belle, dont la seule
-vue protégea, contre la main scrupuleuse d'un monarque
-<span class="pagenum"><a id="Page_61"> 61</a></span>
-dévot, le billet dépositaire du secret de la reine<a id="FNanchor_108" href="#Footnote_108" class="fnanchor">&nbsp;[108]</a>. Placée
-comme dame d'atour auprès d'Anne d'Autriche par un
-ministre soupçonneux et un mari jaloux, mademoiselle de
-Hautefort s'indigna du vil rôle auquel on l'avait crue propre.
-Au lieu d'être, comme on le voulait, la surveillante
-et la délatrice d'une reine dont elle ressentait vivement le
-malheur, elle en devint l'amie la plus sincère, la confidente
-la plus intime<a id="FNanchor_109" href="#Footnote_109" class="fnanchor">&nbsp;[109]</a>. Pour lui procurer plus de liberté, pour
-diminuer l'oppression que Richelieu faisait peser sur elle
-et sur tout ce qui l'entourait, mademoiselle de Hautefort
-se prévalut des sentiments de préférence qu'elle inspira à
-un roi si froid, si faible, si scrupuleux. Pour capter sa
-confiance, elle supporta l'ennui d'un amour qui ne se laissait
-deviner que par des traits d'une jalousie bizarre ou ne
-se manifestait que par d'insipides entretiens. Marie de
-Hautefort montra pour Anne d'Autriche plus de courage
-et de dévouement encore, en bravant la colère et les persécutions
-de Richelieu, qui, ne la voyant pas répondre à
-ses desseins, la fit exiler. Il eut l'air d'envelopper dans
-la même disgrâce Chemerault, autre dame de la reine;
-mais c'était pour être instruit par elle de toutes les démarches,
-de tous les secrets de mademoiselle de Hautefort,
-qui la croyait son amie<a id="FNanchor_110" href="#Footnote_110" class="fnanchor">&nbsp;[110]</a>.
-<span class="pagenum"><a id="Page_62"> 62</a></span></p>
-
-<p>Lorsque Anne d'Autriche devint régente, elle s'empressa
-de rappeler, par une mesure générale, toutes les
-personnes qui avaient été exilées sous Richelieu; mais
-elle écrivit de sa propre main à mademoiselle de Hautefort
-de revenir près d'elle, lui disant qu'elle mourait
-d'impatience de la voir<a id="FNanchor_111" href="#Footnote_111" class="fnanchor">&nbsp;[111]</a>. Mademoiselle de Hautefort
-revint; mais elle ignorait que la nature des relations
-doive changer avec les situations: elle crut que tout
-devait être inaltérable comme ses sentiments, et elle
-éprouva combien sont différentes les affections de c&oelig;ur
-dans l'infortune ou dans la prospérité, dans l'abaissement
-ou dans la puissance. Elle avait fait naître des passions
-très-vives; mais toutes les tentatives qu'on avait faites
-pour la séduire n'avaient servi qu'à donner un nouveau
-lustre à sa vertu<a id="FNanchor_112" href="#Footnote_112" class="fnanchor">&nbsp;[112]</a>. Cette vertu s'appuyait sur une
-piété fervente<a id="FNanchor_113" href="#Footnote_113" class="fnanchor">&nbsp;[113]</a>, qui avait trouvé un nouvel aliment dans
-le malheur et dans les persécutions. Revenue à la cour
-après une si longue absence, elle fut singulièrement
-frappée des changements qui s'y étaient opérés. Elle vit
-avec peine l'ascendant que Mazarin avait pris sur la
-reine: cet ascendant ne lui paraissait pas suffisamment
-justifié par les talents de ce ministre et le besoin qu'Anne
-d'Autriche avait de lui. L'espèce d'intimité et de familiarité
-qui régnaient entre la reine et son ministre, en écartant
-même toute pensée de liaison illicite, choquaient ses scrupules
-religieux, et étaient contraires aux idées qu'elle s'était
-faites de la dignité de son sexe et de la majesté royale.
-<span class="pagenum"><a id="Page_63"> 63</a></span>
-Elle savait combien la malignité publique aimait à s'exercer
-sur ce chapitre; elle connaissait une partie des chansons,
-des satires, des épigrammes qui avaient cours: son amitié
-vive et sincère lui fit désirer ardemment d'ôter à cet
-égard tout prétexte à la calomnie. Naturellement franche,
-elle s'expliqua sans réticence et sans détour sur ce sujet
-délicat. La reine, blessée, ne lui répondit que par des paroles
-dures et des reproches sévères<a id="FNanchor_114" href="#Footnote_114" class="fnanchor">&nbsp;[114]</a>. Il y eut des larmes
-répandues, des explications vives, des réconciliations,
-des promesses, des pardons donnés et reçus<a id="FNanchor_115" href="#Footnote_115" class="fnanchor">&nbsp;[115]</a>, puis de
-nouveaux accès d'humeur et d'une brusque franchise.
-Enfin, au moment où on s'y attendait le moins, un ordre
-fut donné à mademoiselle de Hautefort de quitter le
-Palais-Royal<a id="FNanchor_116" href="#Footnote_116" class="fnanchor">&nbsp;[116]</a>. La sensible confidente, qui n'avait jamais
-prévu que son amitié, toujours la même, que son dévouement,
-toujours entier, pussent avoir ce résultat, sentit son
-c&oelig;ur se briser par tant d'ingratitude<a id="FNanchor_117" href="#Footnote_117" class="fnanchor">&nbsp;[117]</a>. Elle partit, aimée,
-vénérée de toute la cour; l'admiration qu'avaient inspirée
-sa loyauté, sa générosité, sa vertu, s'augmenta encore
-de toute la haine amassée contre le cardinal, auquel elle
-était sacrifiée. La reine, quoiqu'elle en témoignât son
-mécontentement, ne put empêcher que les personnes qui
-lui étaient le plus attachées, le plus dans sa dépendance,
-n'allassent consoler mademoiselle de Hautefort et ne plaignissent
-hautement son malheur.</p>
-
-<p>Elle se retira dans un couvent, et on craignit pendant
-quelque temps qu'elle ne se fît religieuse. Heureusement
-pour le monde, dont elle devait être le modèle, qu'un
-<span class="pagenum"><a id="Page_64"> 64</a></span>
-homme instruit, spirituel, joignant aux talents du guerrier
-tous ceux qui font briller en société<a id="FNanchor_118" href="#Footnote_118" class="fnanchor">&nbsp;[118]</a>, la rechercha,
-et lui fit agréer ses v&oelig;ux. Elle épousa en 1646 le maréchal
-duc de Schomberg. Son mari, qui avait acquis tous
-ses grades sous le règne précédent, désira, dans l'intérêt
-de son ambition, que sa femme reparût à la cour; qu'elle
-tâchât de se prévaloir de l'ancienne et longue affection
-que la reine avait eue pour elle, et qu'il ne pouvait croire
-entièrement éteinte. Pour lui obéir, elle se contraignit,
-et se dépouilla d'une fierté qui lui avait semblé noble et
-légitime. Ses efforts pour rentrer en grâce auprès d'Anne
-d'Autriche furent repoussés avec tant de hauteur, qu'elle
-ne put parvenir à déguiser la douleur qu'elle en ressentait,
-ni s'empêcher de montrer encore devant cette reine
-altière, et en présence de toute la cour, son visage baigné
-de larmes<a id="FNanchor_119" href="#Footnote_119" class="fnanchor">&nbsp;[119]</a>.</p>
-
-<p>On doit dire que pendant la Fronde la maréchale de
-Schomberg s'était liée avec la duchesse de Longueville,
-et que, sans s'engager dans aucun parti, elle avait
-paru cependant plutôt favorable que contraire à ceux
-qui étaient opposés à Mazarin; mais son mari était resté
-neutre. La duchesse de Chevreuse, qui s'était montrée
-hostile, non-seulement avait obtenu son pardon, mais
-elle avait reconquis toute la faveur et toute l'influence
-qu'elle avait eues autrefois auprès d'Anne d'Autriche.
-Cependant il existait entre la duchesse de Chevreuse et
-la maréchale de Schomberg toute la distance qui sépare
-<span class="pagenum"><a id="Page_65"> 65</a></span>
-le vice de la vertu; l'honneur, de l'intrigue; la loyauté,
-de la duplicité.</p>
-
-<p>Le maréchal de Schomberg et sa femme ne firent plus
-d'autre tentative auprès d'Anne d'Autriche et de Mazarin.
-Ils se retirèrent dans leur gouvernement de Metz; et,
-sans jamais donner de marque de mécontentement, ils
-s'acquirent par leur zèle ardent pour tout ce qui pouvait
-contribuer au bien public, l'estime et l'affection de tout le
-monde: par leur conduite ils finirent par obtenir les
-égards de la reine et de son ministre, et même par se
-concilier leur bienveillance. Ils se montrèrent tous deux
-protecteurs des gens de lettres: Scarron et le gazetier Loret
-étaient au nombre de leurs pensionnaires<a id="FNanchor_120" href="#Footnote_120" class="fnanchor">&nbsp;[120]</a>. Ils furent les
-protecteurs de Bossuet, et comme les promoteurs de son
-génie. Ce grand homme commença par être archidiacre
-à Metz, où son père résidait<a id="FNanchor_121" href="#Footnote_121" class="fnanchor">&nbsp;[121]</a>.</p>
-
-<p>Au commencement de l'année 1656, madame de La
-Flotte, grand'mère de la maréchale de Schomberg,
-mourut, âgée de quatre-vingt-sept ans; elle était la
-doyenne des dames d'atour de la reine. De tout temps vénérée
-par sa piété, elle s'était maintenue dans sa place
-en restant étrangère à toutes les intrigues, et en y donnant
-l'exemple de toutes les vertus. Personne à la cour
-ne s'abstint d'aller jeter de l'eau bénite sur sa tombe,
-et le roi s'y rendit comme les autres. Loret rapporte que
-le jeune monarque voulut voir le visage de cette défunte
-octogénaire, et en le contemplant il dit: «Voilà
-le destin qui m'attend; et ma couronne ne m'en exemptera
-pas<a id="FNanchor_122" href="#Footnote_122" class="fnanchor">&nbsp;[122]</a>.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_66"> 66</a></span>
-Cet événement força la maréchale de Schomberg et
-son mari de se rendre à Paris, où depuis longtemps ils
-n'avaient point paru. Le jour de leur arrivée fut connu
-de plusieurs personnes, qui allèrent à leur rencontre.
-Le nombre en fut si grand, que la file des carrosses s'étendait,
-si l'on en croit Loret, depuis les remparts de la
-ville jusqu'au Bourget<a id="FNanchor_123" href="#Footnote_123" class="fnanchor">&nbsp;[123]</a>.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné, quoique liée intimement avec
-la maréchale de Schomberg, ne fut pas prévenue du jour
-de son arrivée à Paris, et ne fit point partie du nombreux
-cortége qui l'accompagna à son entrée. La contrariété
-qu'elle en ressentit et la touchante expression
-de ses regrets firent assez de sensation dans le beau
-monde pour que Loret en parlât dans sa Gazette.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Même trois jours après, je sus</p>
-<p>Que madame de Sévigny,</p>
-<p>Veuve de mérite infini,</p>
-<p>Et dont le teint encor mieux brille</p>
-<p>Que de la plus aimable fille,</p>
-<p>N'ayant su le temps ni le jour</p>
-<p>Du susdit glorieux retour</p>
-<p>(Ignoré dans chaque paroisse),</p>
-<p>Faillit s'en pâmer d'angoisse.</p>
-<p>Son chagrin ne peut s'égaler;</p>
-<p>Et quand on la veut consoler</p>
-<p>Avec des fleurs de rhétorique,</p>
-<p>Sa divine bouche s'explique</p>
-<p>(Comme elle a l'esprit excellent)</p>
-<p>D'un air si noble et si galant,</p>
-<p>Et qui jamais ne l'abandonne,</p>
-<p>Que de bon c&oelig;ur je lui pardonne<a id="FNanchor_124" href="#Footnote_124" class="fnanchor">&nbsp;[124]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_67"> 67</a></span>
-Le maréchal de Schomberg ne jouit pas longtemps de
-cette manifestation de l'opinion publique, si glorieuse
-pour lui et pour sa femme, ni de l'accueil flatteur que lui
-firent le roi et la reine mère. Il mourut deux mois après
-son arrivée à Paris; son corps fut porté au château de
-Nanteuil, dans le lieu de sépulture de ses ancêtres, où sa
-veuve, qui lui survécut longtemps, lui fit ériger un monument,
-près duquel Bossuet ne manquait jamais d'aller
-prier toutes les fois qu'il passait à Nanteuil<a id="FNanchor_125" href="#Footnote_125" class="fnanchor">&nbsp;[125]</a>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_68"> 68</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE VII.<br />
-<span class="medium">1656.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Madame de Sévigné passe toute cette année à Paris.&mdash;Elle assiste
-aux fêtes nombreuses qui s'y donnent.&mdash;Elle a des occasions de
-s'entretenir familièrement avec le jeune roi.&mdash;Les partis se
-rapprochent.&mdash;Gaston s'arrange avec la cour.&mdash;On n'était pas
-satisfait du gouvernement.&mdash;Mort du grand prieur Hugues de
-Rabutin.&mdash;Cette mort n'interrompt pas les plaisirs de madame de
-Sévigné.&mdash;Bussy écrit à sa cousine les événemens de la campagne.&mdash;Condé
-délivre Valenciennes.&mdash;Turenne prend la Capelle.&mdash;Départ
-du roi pour l'armée, le 17 mai.&mdash;Bussy va en Bourgogne, et
-revient passer l'hiver à Paris.&mdash;Les plaisirs n'avaient pas cessé pendant
-l'été.&mdash;Plusieurs occasions y donnèrent lieu.&mdash;Premier
-voyage de la reine Christine en France.&mdash;Admiration qu'elle excite.&mdash;Réflexion
-sur ceux qui se démettent du trône.&mdash;Christine est
-reçue en France avec de grands honneurs.&mdash;Madame de Sévigné
-est du nombre des femmes qu'elle goûte le plus.&mdash;C'est avec la
-France que Christine avait ses principales correspondances.&mdash;La
-France avait alors la supériorité en tout, et attirait l'attention de
-l'Europe entière.&mdash;Un mouvement nouveau s'y faisait remarquer
-dans les esprits.&mdash;Entretien à ce sujet, rapporté par Saint-Évremond.&mdash;Portrait
-que Saint-Évremond trace des précieuses de cette époque,
-bien avant Molière.&mdash;Discussions produites par les jansénistes.&mdash;Courte
-exposition de ces discussions.&mdash;Publications des
-Provinciales. Jugement sur cet ouvrage.&mdash;Effet qu'il produit.</p>
-
-<p class="space">Cette circonstance de l'arrivée du maréchal et de madame
-la maréchale de Schomberg et les lettres de Bussy
-démontrent que madame de Sévigné continua de résider
-à Paris pendant le cours de cette année 1656<a id="FNanchor_126" href="#Footnote_126" class="fnanchor">&nbsp;[126]</a>. Elle fut
-<span class="pagenum"><a id="Page_69"> 69</a></span>
-donc témoin de toutes les fêles qui se donnèrent à la cour
-et chez les grands; et peut-être figura-t-elle dans les
-ballets et les mascarades, pour lesquels le jeune roi montrait
-de jour en jour plus d'inclination, et auxquels la reine
-et Mazarin se prêtaient. Le roi aimait aussi les courses
-de chevaux, les jeux de bagues, les carrousels, et il les
-renouvela cette année. Pendant le carrousel, il se plut à
-courir par la ville avec son frère sous divers déguisements,
-et à s'affranchir de toute étiquette<a id="FNanchor_127" href="#Footnote_127" class="fnanchor">&nbsp;[127]</a>. Madame de Sévigné
-dut avoir plus d'une occasion de s'entretenir avec lui,
-non-seulement au milieu de ces grands divertissements,
-mais chez la princesse de Conti, chez la duchesse de Merc&oelig;ur,
-et chez d'autres jeunes femmes d'un moindre rang,
-auxquelles elle se complaisait à faire des visites fréquentes
-et familières; et enfin chez le surintendant Fouquet, qui
-lui donnait, ainsi qu'au roi, à la reine et à toute la cour,
-de somptueux repas dans son château de Saint-Mandé<a id="FNanchor_128" href="#Footnote_128" class="fnanchor">&nbsp;[128]</a>.
-Malgré tous ces moyens de dissipation, le théâtre et les
-concerts publics n'étaient pas moins fréquentés. La médiocre
-tragédie de Thomas Corneille (<i>Timocrate</i>) eut un
-succès qui rappela celui des chefs-d'&oelig;uvre de son frère, et
-les représentations en furent suivies tout l'hiver avec un
-<span class="pagenum"><a id="Page_70"> 70</a></span>
-empressement qui n'avait pas encore été égalé<a id="FNanchor_129" href="#Footnote_129" class="fnanchor">&nbsp;[129]</a>. Le roi
-vint exprès au Théâtre du Marais, pour voir jouer cette
-pièce.</p>
-
-<p>Les ressentiments que les divisions de partis avaient
-fait naître s'affaiblissaient et disparaissaient, par l'effet de
-ces fréquentes réunions, où l'on goûtait en commun les
-mêmes plaisirs. Les mariages, que des penchants mutuels
-ou des convenances de rang et de fortune faisaient contracter,
-formaient chaque jour des alliances étroites entre
-des familles que les haines politiques séparaient auparavant.
-Les exilés étaient presque tous rappelés, et le sort
-de ceux qui ne l'étaient pas était adouci<a id="FNanchor_130" href="#Footnote_130" class="fnanchor">&nbsp;[130]</a>. On avait même
-permis à <span class="small1">Mademoiselle</span> de s'approcher de Paris, et elle
-avait profité de cette permission pour donner une fête superbe
-au roi et à la reine d'Angleterre, dans son château
-de Chilly. Gaston n'avait pas encore quitté Blois, mais il
-avait fait son arrangement avec la cour, et il devait
-bientôt y reparaître. Tous ces actes de clémence donnaient
-de la sécurité, et augmentaient l'allégresse générale.
-Elle se répandit dans les provinces, où l'on cherchait
-aussi à imiter la capitale, qui elle-même se modelait sur
-la cour.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_71"> 71</a></span>
-Ce n'est pas qu'on fût complétement satisfait: les changements
-dans les monnaies occasionnèrent des murmures;
-on avait, sur de simples soupçons, renfermé plusieurs
-personnes à la Bastille: mais ces sujets de mécontentement
-ne pouvaient contre-balancer le bien-être que l'on
-éprouvait de se voir délivré des factions et des guerres
-civiles, par le rétablissement de l'autorité royale.</p>
-
-<p>La mort de Hugues de Rabutin, grand prieur du
-Temple, qui eut lieu cette année, vers le commencement
-de juin, ne mit point obstacle aux plaisirs auxquels madame
-de Sévigné se livrait à cette brillante époque de son
-existence. Ce grand prieur avait les manières rudes et impolies
-d'un corsaire; il en avait aussi les m&oelig;urs dissolues:
-il rappelait à madame de Sévigné tous les défauts et les
-vices de son mari, sans aucune de ses qualités. Au grand
-contentement de notre jeune veuve, Hugues de Rabutin
-donna tout ce qu'il possédait à son neveu, le comte de
-Bussy.</p>
-
-<p>Celui-ci, dans les lettres qu'il écrivait à sa cousine,
-lui rendait compte des événements de la campagne<a id="FNanchor_131" href="#Footnote_131" class="fnanchor">&nbsp;[131]</a>;
-et par la part qu'il y eut, par le grade qu'il occupait
-dans l'armée, les détails auxquels il se livre sont précieux
-pour l'histoire, et plus certains que ceux des relations
-officielles; car la politique, l'intérêt du moment,
-tendent toujours dans ces sortes de relations à fausser
-la vérité. Nous apprenons encore par ces lettres de
-Bussy qu'il était en correspondance réglée avec Corbinelli,
-et que celui-ci communiquait exactement à madame
-de Sévigné toutes les nouvelles qu'il recevait par
-<span class="pagenum"><a id="Page_72"> 72</a></span>
-ce canal. Le marquis de la Trousse, cousin germain de
-madame de Sévigné, était dans l'armée; elle s'intéressait
-vivement à lui, et Bussy a grand soin de faire part à sa
-cousine de tout ce qui concerne ce jeune homme<a id="FNanchor_132" href="#Footnote_132" class="fnanchor">&nbsp;[132]</a>.</p>
-
-<p>Les événements qui font la matière des lettres de Bussy
-étaient d'une grande importance. Condé avait délivré Valenciennes
-avec autant de bonheur que Turenne avait fait
-pour Arras; et Turenne, de même que Condé, s'était
-illustré par une savante retraite, qui aux yeux des gens de
-guerre contribua plus à sa réputation qu'une victoire; ou
-plutôt cette défaite même, que l'obstination du maréchal de
-la Ferté avait causée, devint pour Turenne l'occasion d'un
-triomphe. Après une marche rapide et déguisée, il se présenta
-devant la Capelle, et prit cette place, avec tous les
-magasins que les ennemis y avaient déposés<a id="FNanchor_133" href="#Footnote_133" class="fnanchor">&nbsp;[133]</a>.</p>
-
-<p>Quoique le jeune roi allât chaque année rejoindre l'armée
-et emmenât avec lui une portion de sa cour, cependant
-la guerre n'interrompait point les plaisirs ni le
-mouvement ordinaire de la capitale. Les armées de part
-et d'autre étaient alors peu nombreuses; on ne s'était pas
-encore habitué, dans les calculs de l'ambition ou dans les
-combinaisons belliqueuses, à compter les hommes pour
-peu de chose, et l'on évitait d'ajouter aux effets destructeurs
-des combats ceux des rigueurs de l'hiver. D'un
-commun accord, on évitait de se mesurer avec ce terrible
-ennemi; on se cantonnait, et l'on restait en repos tout le
-<span class="pagenum"><a id="Page_73"> 73</a></span>
-temps que durait cet engourdissement de la nature; on
-entrait tard en campagne, et les officiers généraux ne se
-rendaient à l'armée que lorsque les opérations allaient
-commencer, c'est-à-dire en mai ou en juin; et ils revenaient
-souvent en ville en septembre et en octobre. Grâce
-au génie de Turenne, on redoutait peu les suites de la
-guerre. Avec lui toujours on espérait des succès; et lorsqu'il
-y avait des revers, on ne se laissait pas décourager,
-parce qu'on s'attendait à les voir presque aussitôt réparés.
-Ce grand capitaine prévoyait toutes les chances possibles
-de la fortune, et savait en effet la retenir avec fermeté au
-moment même où elle se disposait à lui échapper.</p>
-
-<p>Ainsi cette année le roi ne partit que le 27 mai<a id="FNanchor_134" href="#Footnote_134" class="fnanchor">&nbsp;[134]</a>, et
-il était de retour au 9 octobre<a id="FNanchor_135" href="#Footnote_135" class="fnanchor">&nbsp;[135]</a>. Bussy ne quitta l'armée
-que le 2 novembre<a id="FNanchor_136" href="#Footnote_136" class="fnanchor">&nbsp;[136]</a>, et se rendit en Bourgogne, où ses
-affaires l'appelaient; mais il passa par Paris, et revint y
-séjourner pendant l'hiver. Les plaisirs qu'on y goûtait
-n'avaient souffert aucune interruption; des occasions extraordinaires
-s'étaient présentées qui même leur avaient
-donné une nouvelle activité. Après le départ du duc de
-Modène, reçu avec une pompe et des honneurs qui excitèrent
-la jalousie et blessèrent l'orgueil du duc de Mantoue<a id="FNanchor_137" href="#Footnote_137" class="fnanchor">&nbsp;[137]</a>,
-vint la visite de la princesse d'Orange à sa mère la
-reine d'Angleterre<a id="FNanchor_138" href="#Footnote_138" class="fnanchor">&nbsp;[138]</a>, puis ensuite le premier voyage de la
-reine Christine en France. Le gouvernement du jeune
-monarque se surpassa en magnificence et en générosité
-<span class="pagenum"><a id="Page_74"> 74</a></span>
-hospitalière et chevaleresque, par la réception qui fut
-faite à cette reine virile. La curiosité qu'elle excita fut
-si vive et si générale, qu'elle fit quelque temps diversion
-à l'attention que l'on portait aux événements de la guerre,
-aux cercles des précieuses, et aux disputes religieuses,
-qui par la publication des premières Provinciales avaient
-acquis un nouveau degré de chaleur.</p>
-
-<p>Cette fille du grand Gustave, qui parvint jeune à la
-couronne, s'était rendue célèbre par l'énergie de son
-caractère, son application aux affaires, ses liaisons et
-ses correspondances avec les savants et les hommes les
-plus éminents de son temps. Elle s'était faite leur disciple,
-et se montrait digne d'être leur émule; mais à
-vingt-huit ans elle résigna son sceptre, changea de religion,
-et se retira à Rome, pour se livrer sans distraction
-à ses penchants pour l'étude. Par cet acte extraordinaire
-elle s'attira des éloges universels, et fut l'objet de l'admiration
-générale; car c'est une opinion vulgaire et une
-erreur commune de penser qu'il n'y a rien de plus grand
-que le mépris des honneurs, des richesses, et de la puissance:
-le véritable héroïsme consiste à soutenir avec
-force le fardeau d'un rang éminent quand la destinée
-nous l'a imposé, et non pas à la répudier. Quiconque
-eut son berceau placé sur un trône ne doit quitter ce
-trône que pour un tombeau. En descendre, c'est se dégrader;
-se démettre de ses devoirs n'est pas s'en affranchir,
-mais les méconnaître. L'histoire nous démontre,
-par tous ceux qui ont donné de tels exemples au monde,
-que les souverains qui veulent entrer dans la vie privée
-ne trouvent ni en eux-mêmes ni dans les autres les
-moyens de s'y faire admettre, et qu'en cherchant à
-éviter les soucis des grandeurs, ils ne peuvent se procurer
-<span class="pagenum"><a id="Page_75"> 75</a></span>
-les avantages des humbles conditions. On sait ce qu'ils ne
-sont plus, on ignore ce qu'ils sont, et on ne sait pas bien
-ce qu'ils veulent être. Dépossédés des avantages de la
-puissance, ils ne peuvent acquérir les douceurs de la liberté;
-les soupçons ombrageux de la politique poursuivent
-également le monarque qui est descendu du trône
-de plein gré et celui qui en a été précipité malgré lui:
-car en tous deux résident des droits indélébiles, que la
-force ou la volonté n'ont pu anéantir, et que la force ou
-la volonté peuvent faire renaître; tous deux éprouvent
-la même contrainte dans leurs actions et dans leurs
-paroles; ils sont hors des lois communes, et sont mal
-protégés par elles. Aussi les actes pareils à ceux de la
-reine Christine ont-ils été toujours suivis d'un long repentir:
-elle-même, malgré sa philosophie, ne put échapper
-à l'ordinaire destinée de ceux qui ont cessé de porter
-la couronne<a id="FNanchor_139" href="#Footnote_139" class="fnanchor">&nbsp;[139]</a>.</p>
-
-<p>Les dames françaises dont Christine goûta le plus l'esprit
-et les manières furent Ninon<a id="FNanchor_140" href="#Footnote_140" class="fnanchor">&nbsp;[140]</a>, les comtesses de Brégy
-et de la Suze<a id="FNanchor_141" href="#Footnote_141" class="fnanchor">&nbsp;[141]</a>, et la marquise de Sévigné. Notre jeune
-veuve avait fait sur cette reine une impression dont elle
-<span class="pagenum"><a id="Page_76"> 76</a></span>
-garda le souvenir; car lorsqu'elle fut de retour à Rome,
-elle en fit l'éloge dans une lettre qu'elle écrivit à un de ses
-correspondants de France<a id="FNanchor_142" href="#Footnote_142" class="fnanchor">&nbsp;[142]</a>.</p>
-
-<p>C'est en effet avec la France que Christine entretenait
-la plus grande partie de ses relations littéraires<a id="FNanchor_143" href="#Footnote_143" class="fnanchor">&nbsp;[143]</a>. Aucun
-autre pays n'offrait alors autant d'hommes remarquables et
-de génies supérieurs. Descartes et Corneille s'étaient, chacun
-dans leur genre, élevés à une hauteur à laquelle aucun
-de leurs contemporains en Europe ne pouvait prétendre.
-Les guerres qui avaient lieu n'étaient pas de celles où le
-sort des combats dépend uniquement de l'art de réunir à
-temps des masses énormes et nombreuses pour les précipiter
-les unes sur les autres, et où, après un immense carnage,
-celui qui pouvait faire donner la dernière réserve
-était certain de rester maître du champ de bataille. Les armées
-étaient peu nombreuses; elles pouvaient se mouvoir
-facilement: tout dépendait de l'habileté des chefs et de la
-valeur des troupes; et les nobles, qui s'y trouvaient en
-grand nombre et en formaient l'élite, leur donnaient
-l'exemple, et s'exposaient les premiers au péril. C'était
-pour la France un grand malheur, mais aussi un grand
-honneur, que les armées qui combattaient contre elle,
-comme celles qui combattaient pour elle, fussent commandées
-par des Français, et que ces Français eussent acquis
-la réputation d'être les plus grands capitaines de leur
-temps. L'Europe entière était attentive à cette lutte que
-<span class="pagenum"><a id="Page_77"> 77</a></span>
-la suite des événements avait établie entre Condé et Turenne,
-et où tous deux déployaient un génie qui accroissait
-encore leur grande renommée et excitait l'admiration
-des plus illustres guerriers.</p>
-
-<p>Ce spectacle n'était pas le seul qui fût digne de fixer
-alors l'attention des étrangers sur la France; elle en offrait
-un autre, que Christine était bien capable d'apprécier.
-Un mouvement nouveau et extraordinaire se faisait
-remarquer dans les esprits. L'exemple donné par l'hôtel de
-Rambouillet fructifiait; l'instruction se répandait, et devenait
-en honneur parmi ces nobles qui faisaient autrefois
-gloire de leur ignorance. Le spirituel Saint-Évremond
-a raconté avec sa grâce accoutumée une conversation
-dont il fut témoin, qui peint à merveille l'état de la
-cour, et le contraste qu'offraient à cette époque les jeunes
-seigneurs à la mode, et ceux qui, plus âgés, étaient
-restés partisans des anciennes m&oelig;urs et des anciennes
-habitudes.</p>
-
-<p>La présence de la reine Christine en France fut l'occasion
-de ce dialogue, dont les principaux interlocuteurs
-étaient Guillaume Bautru, comte de Serrant, connu par
-ses bons mots et son savoir, et d'autant plus grand partisan
-de la reine Christine qu'il en avait été fort goûté;
-le commandeur de Jars, de la maison de Rochechouart,
-bon guerrier, homme de grand sens, mais qui se vantait
-de ne rien devoir aux lettres ni aux sciences, et qui faisait
-gloire de mépriser ce qu'il appelait leur jargon<a id="FNanchor_144" href="#Footnote_144" class="fnanchor">&nbsp;[144]</a>; de
-Lavardin, évêque du Mans, fort décrié par ses m&oelig;urs,
-recherché pour les délices de sa table, beau parleur,
-l'ornement des cercles des précieuses, qui admiraient son
-<span class="pagenum"><a id="Page_78"> 78</a></span>
-langage fleuri, correct, mais diffus<a id="FNanchor_145" href="#Footnote_145" class="fnanchor">&nbsp;[145]</a>. D'Olonne et Saint-Évremond,
-tous deux présents, se contentèrent d'écouter,
-et ne prirent point de part à cet entretien. Mais comme
-avant qu'il ne fût terminé le comte d'Olonne quitta le
-salon, Saint-Évremond crut devoir lui envoyer dans une
-lettre le récit suivant, dont nous allons emprunter la
-substance.</p>
-
-<p>Bautru entama un éloge pompeux de la reine Christine,
-qui, disait-il, parlait huit langues, et ne s'était montrée
-étrangère à aucun genre de connaissances. Tout à coup le
-commandeur de Jars se leva, et ôtant son chapeau d'un air
-tout particulier: «Messieurs, dit-il, si la reine de Suède n'avait
-su que les coutumes de son pays, elle y serait encore:
-pour avoir appris notre langue et nos manières, pour s'être
-mise en état de réussir huit jours en France, elle a perdu
-son royaume. Voilà ce qu'ont produit sa science et ses lumières,
-que vous nous vantez.» Alors Bautru de perdre
-patience, de s'étonner qu'on puisse être si ignorant; puis
-de citer Charles-Quint, Dioclétien, Sylla, et tous ceux qui
-se sont montrés admirables en se démettant du souverain
-pouvoir; puis enfin de mettre en avant Alexandre, César,
-M. le prince de Condé, M. de Turenne, et tous les grands
-capitaines qui ont estimé les lettres et les ont cultivées.....
-Bautru aurait continué longtemps, si le commandeur, impatienté,
-ne l'eût interrompu avec tant d'impétuosité, qu'il
-fut contraint de se taire. «Vous nous en contez bien,
-dit-il, avec votre César et votre Alexandre. Je ne sais s'ils
-étaient savants ou non savants: il ne m'importe guère;
-mais je sais que de mon temps on ne faisait étudier les
-<span class="pagenum"><a id="Page_79"> 79</a></span>
-gentils-hommes que pour être d'Église; encore se contentaient-ils
-le plus souvent du latin du bréviaire. Ceux que
-l'on destinait à la cour ou à l'armée allaient honnêtement
-à l'académie; ils apprenaient à monter à cheval, à danser,
-à faire des armes, à jouer du luth, à voltiger, un
-peu de mathématique, et c'était tout. Vous aviez en France
-mille beaux gens d'armes, galants hommes. C'est ainsi
-que se formaient les de Thermes<a id="FNanchor_146" href="#Footnote_146" class="fnanchor">&nbsp;[146]</a> et les Bellegarde<a id="FNanchor_147" href="#Footnote_147" class="fnanchor">&nbsp;[147]</a>.
-Du latin! de mon temps du latin! un gentil-homme en eût
-été déshonoré. Je connais les grandes qualités de M. le
-Prince, et suis son serviteur; mais je vous dirai que le dernier
-connétable de Montmorency a su maintenir son
-crédit dans les provinces et sa considération à la cour
-sans savoir lire. Peu de latin, vous dis-je, et de bons
-Français!»</p>
-
-<p>Bautru, retenu par la goutte sur son fauteuil, ne pouvait
-se contenir; il faisait des efforts pour se lever, et allait
-répliquer, quand le prélat, charmé de trouver une si
-belle occasion de faire briller son savoir et sa belle élocution,
-étendit les bras entre les deux interlocuteurs, trois
-fois toussa avec méthode, trois fois sourit agréablement
-à l'apologiste de l'ignorance; puis, lorsqu'il crut avoir
-suffisamment composé sa physionomie, il dit qu'il allait
-concilier les deux opinions; et il prononça un discours
-gonflé de fleurs de rhétorique, chamarré de comparaisons
-subtiles, embarrassé de distinctions frivoles, obscurci par
-d'inutiles définitions; ne cessant, pendant qu'il parlait,
-d'accompagner sa voix de gestes méthodiques, marquant
-du doigt indicateur le commencement, le milieu et la fin
-<span class="pagenum"><a id="Page_80"> 80</a></span>
-de chacune de ses longues périodes. Le commandeur ne
-put y tenir. «Il faut finir la conversation, reprit-il brusquement;
-j'aime encore mieux sa science et son latin
-que le grand discours que vous faites.» Bautru, de son
-côté, avoua qu'il préférait l'agréable ignorance du commandeur
-aux paroles magnifiques du prélat.</p>
-
-<p>Ainsi finit cet entretien. L'évêque se retira en montrant
-une grande satisfaction de lui-même, et en paraissant
-avoir pitié de ces deux gentils-hommes, si peu en état
-d'apprécier la véritable éloquence et les savants artifices
-de l'argumentation, l'un parce qu'il n'avait aucune
-étude, l'autre à cause de la fausse direction des siennes<a id="FNanchor_148" href="#Footnote_148" class="fnanchor">&nbsp;[148]</a>.</p>
-
-<p>Le parti de ceux qui prônaient la doctrine du commandeur
-de Jars était partout le plus faible; le goût de l'instruction
-était général dans les hautes classes de la société;
-l'ascendant des femmes et leur influence sur le bon ton,
-le savoir-vivre et la politesse des manières, s'accroissaient
-encore par les inclinations naissantes du jeune monarque,
-par les ballets, les réunions, les divertissements,
-devenus de plus en plus fréquents. Plusieurs cercles s'étaient
-établis à l'imitation de celui de l'hôtel de Rambouillet;
-et quelques-uns offraient dans l'exagération
-de leur modèle des côtés ridicules, qui furent aussitôt
-saisis par les bons esprits, et que Saint-Évremond fit
-ressortir dans une satire intitulée <i>le Cercle</i><a id="FNanchor_149" href="#Footnote_149" class="fnanchor">&nbsp;[149]</a>. Cette pièce,
-faiblement versifiée, offre des tableaux moins comiques,
-mais peut-être plus exacts, que ceux de la comédie de
-Molière sur les précieuses, qui ne fut écrite que trois
-ans après.
-<span class="pagenum"><a id="Page_81"> 81</a></span></p>
-
-<p>Saint-Évremond, dans sa satire, nous présente d'abord
-le portrait d'un habitué</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i13"> De certaine ruelle</p>
-<p>Où la laide se rend aussi bien que la belle,</p>
-<p>Où tout âge, où tout sexe, où la ville et la cour</p>
-<p>Viennent prendre séance en l'école d'amour.</p>
-</div></div>
-
-<p>D'abord il peint la prude</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i10"> qui partage son âme</p>
-<p>Entre les feux humains et la divine flamme;</p>
-</div></div>
-
-<p>la coquette surannée, et la jeune coquette, qui n'a que la
-vanité en tête,</p>
-
-<p class="quote">Contente de l'éclat que fait la renommée;</p>
-
-<p>et la coquette solide, qui,</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i5"> opposée à tous ces vains dehors,</p>
-<p>Se veut instruire à fond des intérêts du corps.</p>
-</div></div>
-
-<p>Puis</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>L'intrigueuse vient là, par un esprit d'affaire;</p>
-<p>Écoute avec dessein, propose avec mystère;</p>
-<p>Et, tandis qu'on s'amuse à discourir d'amour,</p>
-<p>Ramasse quelque chose à porter à la cour.</p>
-</div></div>
-
-<p>Mais le portrait de la vraie précieuse, de la précieuse
-sentimentale, platonique, de la précieuse subtile et doctrinaire,
-est celui qui est tracé avec le plus de bonheur et
-de vérité:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Dans un lieu plus secret, on tient la précieuse</p>
-<p>Occupée aux leçons de morale amoureuse.</p>
-<p>Là se font distinguer les fiertés des rigueurs,</p>
-<p>Les dédains des mépris, les tourments des langueurs.</p>
-<p>On y sait démêler la crainte et les alarmes;</p>
-<p>Discerner les attraits, les appas, et les charmes:</p>
-<p>On y parle du temps que forme le désir</p>
-<p>(Mouvement incertain de peine et de plaisir).</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_82"> 82</a></span></div>
-<p>Des premiers maux d'amour on connaît la naissance;</p>
-<p>On a de leurs progrès une entière science;</p>
-<p>Et toujours on ajuste à l'ordre des douleurs</p>
-<p>Et le temps de la plainte et la saison des pleurs.</p>
-</div></div>
-
-<p>On sait que la reine Christine ayant demandé qu'on lui
-donnât une définition des précieuses, Ninon lui répondit
-que «c'étaient les jansénistes de l'amour».</p>
-
-<p>Les jansénistes faisaient alors encore plus de bruit dans
-le monde que les précieuses; mais s'ils condamnaient les
-faiblesses en religion comme les précieuses en amour,
-ils ne réduisaient pas le culte au sentiment, ils mettaient
-en pratique ses préceptes. Le nombre des solitaires de
-Port-Royal s'était accru: cependant il n'allait pas au delà
-de vingt-sept; mais ces vingt-sept personnes, par leur
-conviction profonde, par leur zèle ardent, leurs vertus,
-leur abnégation pour le monde, leur savoir, leur indépendance,
-le génie supérieur de quelques-uns d'entre eux,
-leurs amis et leurs nombreux sectateurs, partout répandus,
-formaient une association qui luttait avec l'ordre puissant
-des jésuites, avec les abus de la cour de Rome, et la molle
-complaisance des ecclésiastiques envers les puissants.</p>
-
-<p>La publication du livre d'Arnauld sur la <i>fréquente
-communion</i> avait réveillé la haine des jésuites contre la
-secte qui s'était attachée à l'<i>Augustinus</i> de Jansénius, contenant,
-selon eux, la véritable exposition de la foi catholique.
-A l'occasion de ce livre de Jansenius, on fit rédiger
-cinq propositions, qu'on prétendit être le résumé de sa
-doctrine, et on les déféra au pape, qui les condamna. Les
-jansénistes souscrivirent à cette condamnation des cinq
-propositions, mais ils soutinrent qu'elles n'étaient point
-dans Jansenius. Une assemblée d'évêques, suscitée par
-Mazarin et les jésuites, sur le rapport des commissaires
-<span class="pagenum"><a id="Page_83"> 83</a></span>
-qu'elle avait nommés, décida que les cinq propositions
-étaient dans Jansenius. Le livre d'Arnauld sur la fréquente
-communion fut en même temps déféré à la Sorbonne,
-où les docteurs se divisèrent. La dispute s'échauffa:
-soixante-dix docteurs furent expulsés. Le livre d'Arnauld
-fut censuré. Une nouvelle bulle du pape reconnut que les
-propositions étaient dans Jansenius: on rédigea un acte
-ou formulaire, que tous les prêtres, les religieux et les
-religieuses devaient souscrire, en signe de leur orthodoxie
-et de leur entière union avec le saint-siége. On avait
-à combattre une opinion évidemment contraire aux
-dogmes de l'Église comme à une saine philosophie; une
-opinion qui introduisait dans la religion la doctrine du
-fatalisme, et enlevait à l'homme son libre arbitre. Au
-lieu de recourir aux moyens de douceur et de persuasion,
-les seuls permis aux défenseurs de la foi, on employa la
-rigueur et la persécution; et en intéressant ainsi toutes les
-âmes généreuses au sort de ceux que l'erreur avait égarée,
-on fit son succès, on contribua à la propager.</p>
-
-<p>Les jansénistes voulaient à la fois résister aux décisions
-du pape et se considérer comme des fidèles qui lui étaient
-soumis comme au chef de l'Église: c'est alors que, pour
-justifier leur résistance et tranquilliser leurs consciences,
-ils imaginèrent la subtile distinction du fait et du droit.
-Ils reconnaissaient que pour être sauvé on devait une soumission
-entière, une foi divine au pape et à l'Église, dans
-tout ce qui concernait le dogme, parce que le pape et
-l'Église avaient dans ces matières une autorité divine;
-mais que quand il s'agissait d'un fait, le pape et l'Église
-ne pouvaient réclamer des fidèles qu'une foi humaine,
-c'est-à-dire que chacun était libre de décider selon sa conscience.
-On devait donc condamner les cinq propositions,
-<span class="pagenum"><a id="Page_84"> 84</a></span>
-d'après la décision du pape; mais on n'était pas forcé de
-croire d'après la seule assertion du pape et des évêques,
-que ces cinq propositions fussent dans Jansenius.</p>
-
-<p>Il y a trois principes de nos connaissances, de nos convictions:
-les sens, la raison, et la foi. Tout ce qui est surnaturel
-et touche à la révélation se juge par l'Écriture et
-les décisions de l'Église, et est du ressort de la foi; tout ce
-qui est naturel, et n'est pas relatif à la révélation, se décide
-par la raison naturelle. Quant aux faits, on n'est tenu
-qu'à en croire ses sens. Les propositions qui ne reposent que
-sur des faits, c'est aux sens seuls qu'il appartient d'en
-connaître. Dieu n'a pas voulu que jamais la foi pût anéantir
-la conviction qui résulte du témoignage des sens, ni que
-cette conviction pût être soumise en nous à aucune autorité;
-car c'eût été vouloir l'impossible, et anéantir notre
-propre nature. Les décisions du pape et de l'Église ne
-peuvent donc enchaîner la conscience en ce qui concerne
-les faits non révélés.</p>
-
-<p>Ainsi raisonnaient les jansénistes; et comme ils soutenaient
-que les propositions condamnées n'étaient pas dans
-Jansenius, ils refusaient de se soumettre à la bulle du
-pape qui déclarait qu'elles y étaient; ils prétendaient que
-le pape avait été surpris et trompé. Toute cette contestation
-reposait sur une subtilité qui semble presque puérile. Il
-était bien constant qu'on ne pouvait trouver textuellement
-les cinq propositions dans le livre de l'évêque d'Ypres;
-mais, selon les juges les plus impartiaux sur ces matières,
-ces cinq propositions résultaient des doctrines exposées
-dans ce livre, et en étaient la substance. Il fallait bien
-cependant que les jansénistes ne pensassent point ainsi,
-puisqu'ils donnaient leur consentement à la bulle qui les
-condamnait.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_85"> 85</a></span>
-Quoi qu'il en soit, le refus de reconnaître que ces cinq
-propositions fussent dans le livre de Jansenius devint le
-prétexte d'une persécution contre les vingt-sept solitaires
-de Port-Royal. On les expulsa de leur champêtre asile, et
-on les força de se disperser. Seulement Arnault d'Andilly,
-qui avait rendu de grands services à l'État dans les hauts
-emplois de la diplomatie, dont l'attachement au gouvernement
-était connu, qui inspirait la plus entière confiance
-à la reine et à Mazarin, et était aimé d'eux, obtint qu'aucune
-violence ne serait exercée contre les paisibles habitants
-de la vallée. On se contenta de leur intimer les
-ordres du roi; et la promesse qu'Arnauld avait faite en
-leur nom, qu'ils y obéiraient sur-le-champ, fut exécutée.
-«Je ne dirai point à votre éminence, écrivait Arnauld au
-cardinal, que j'obéirai; mais je lui dirai que j'ai commencé
-à obéir en quittant la sainte maison où Dieu, par sa miséricorde,
-m'a donné le dessein de finir mes jours; et je
-continuerai d'obéir en allant demain à Pomponne, que je
-ne regarde plus comme ma maison, quoique je l'aie fort
-aimée, mais comme le lieu de mon exil, et d'un exil si
-douloureux, que rien ne m'y peut faire vivre que ma confiance
-en la bonté dont la reine et votre éminence m'honorent.
-Ainsi mon prompt retour dans mon heureuse retraite
-n'étant pas une simple grâce que je demande à votre
-éminence, mais une grâce qui m'importe de tout, je la
-supplie de considérer les jours de mon bannissement
-comme elle ferait les années pour d'autres<a id="FNanchor_150" href="#Footnote_150" class="fnanchor">&nbsp;[150]</a>.»</p>
-
-<p>C'est dans ces circonstances, c'est lorsque la violation
-de tous les droits, des actes d'une tyrannie arbitraire,
-avaient rendu les jansénistes l'objet de l'intérêt général,
-<span class="pagenum"><a id="Page_86"> 86</a></span>
-que parurent les lettres intitulées <i>les Provinciales</i><a id="FNanchor_151" href="#Footnote_151" class="fnanchor">&nbsp;[151]</a>: la
-première est datée du 23 janvier 1656, et la dernière du
-24 mars 1657.</p>
-
-<p>Jamais pamphlets ne produisirent un effet plus puissant;
-jamais une cause ne fut défendue avec plus de
-talent; jamais une attaque ne fut dirigée avec une si terrible
-énergie, ni combinée et graduée avec un art plus
-subtil. Pour concevoir le succès que durent avoir ces
-écrits, qui paraissaient de mois en mois, il faut se rappeler
-ce que nous avons déjà dit, qu'à cette époque, où
-l'on remarquait tant d'ardeur pour le plaisir, tant d'intrigues
-immorales, tant d'aventures scandaleuses, le sentiment
-religieux était fortement empreint dans les esprits:
-ceux qui étaient le plus plongés dans les délices du
-monde les interrompaient souvent pour satisfaire ce besoin
-de l'âme; et même quelquefois ils les quittaient pour
-toujours, afin de s'occuper uniquement de Dieu et de
-leur salut. Leurs compagnons de plaisirs admiraient et
-enviaient leurs résolutions; et, dans le vide et l'ennui
-que laissent toujours après elles les passions satisfaites,
-ils regrettaient fréquemment de n'avoir pas le courage de
-les imiter.</p>
-
-<p>Avec une telle disposition des esprits, comment pouvait-on
-ne pas être charmé d'un écrivain qui donnait aux
-raisonnements les mieux enchaînés, aux discussions les plus
-savantes, la forme d'un dialogue animé, la gaieté d'une
-scène comique, le sel mordant d'une satire enjouée, l'autorité
-<span class="pagenum"><a id="Page_87"> 87</a></span>
-d'une doctrine irréfragable, l'entraînement de la
-plus sublime éloquence? L'intérêt qu'inspiraient de tels
-écrits s'augmentait encore quand on savait qu'ils étaient
-composés pour venger des solitaires vertueux et inoffensifs,
-de saintes et faibles religieuses, des hommes admirés
-de l'Europe entière par le noble usage qu'ils faisaient de
-leur génie et de leurs loisirs, des femmes d'un mérite
-supérieur, gloire et modèle de leur sexe; quand on
-songeait qu'ils étaient opprimés au nom de la religion
-par un ministre qui, après avoir enlevé à tous la liberté
-politique avec une armée de soldats, voulait avec une
-armée de religieux ravir aussi à tous la liberté de conscience,
-et anéantir toute discussion sur les intérêts spirituels,
-comme il l'avait déjà fait sur les intérêts temporels.</p>
-
-<p>Qu'on ne s'étonne pas qu'un livre composé pour une
-lutte qui n'existe plus, et pour un temps si différent du
-nôtre, ait survécu à l'époque qui le vit naître, aux motifs
-qui le firent écrire, et qu'il captive encore tellement notre
-attention, qu'on ne peut en quitter la lecture, lorsqu'une
-fois on l'a commencée. Ceux-là même qui l'ont le plus loué
-n'y ont vu qu'un livre de controverse religieuse, qu'un
-ouvrage de circonstance, et n'ont pas su apercevoir, sous
-la forme spéciale et théologique qui la déguise, toute la
-grandeur des questions qui y sont traitées. Les vérités
-qu'on y agite ne sont ni fugitives ni périssables; ce sont
-celles qui intéressent le plus l'homme sociable et l'homme
-religieux. Le système des opinions probables et de la direction
-d'intention, qu'est-ce autre chose que la vieille
-dispute des stoïciens et des sceptiques? Quel est celui qui
-ne fait pas un retour plein d'effroi sur lui-même, alors que
-l'auteur des Provinciales prouve, avec une évidence qui
-<span class="pagenum"><a id="Page_88"> 88</a></span>
-s'accroît à chaque page, que les principes de la morale ne
-peuvent se modifier ni se laisser fléchir; et que si par la
-faiblesse de notre nature on est amené à se permettre la
-moindre déviation, le premier pas nous conduit, par une
-route de plus en plus divergente, jusque dans l'abîme du
-crime et de la folie? Ne sentons-nous pas que nos passions,
-nos vices et notre égoïsme sont des casuistes toujours prêts
-à égarer notre conscience, et l'obligent à des capitulations
-qui tendent à altérer sa pureté, et même à la pervertir entièrement?
-Ces disputes, qui paraissent toutes théologiques,
-sur la grâce suffisante et insuffisante, diffèrent-elles
-en rien des doutes et des croyances sur l'absence ou l'existence
-de l'intervention céleste dans les choses terrestres,
-et sur la liberté de l'homme dans ses rapports avec Dieu?
-A quelle époque et chez quel peuple civilisé les philosophes
-ont-ils cessé de se partager sur ces questions, ou se sont-ils
-abstenus de les discuter? En est-il en effet de plus
-hautes? en est-il qui intéressent plus l'homme en général?
-En est-il qui embrassent d'une manière plus complète
-toute sa destinée dans sa vie présente et mortelle et dans
-son immortel avenir?</p>
-
-<p>Le voile dont se couvrait l'auteur de ces lettres, et qui
-fut quelque temps avant de pouvoir être soulevé, contribua
-encore à leur réputation. Quand on sut quel était le
-nom célèbre que cachait le nom obscur de Montalte, et
-que Blaise Pascal, connu par ses sublimes découvertes
-en physique et en mathématiques, était celui que l'on cherchait,
-la surprise se mêla à l'admiration. Tout le monde
-voulut lire ces écrits théologiques du jeune et savant géomètre.
-Madame de Sévigné, qui avait parmi les solitaires
-de Port-Royal des amis dévoués, lut donc aussi les <i>Petites
-Lettres</i> (c'est ainsi qu'on les appelait alors); elle les lut
-<span class="pagenum"><a id="Page_89"> 89</a></span>
-avec l'intérêt puissant qu'excitaient en elle le sujet et les
-personnages; elle se pénétra des doctrines qu'elles contenaient.
-Nous nous en apercevons souvent en lisant ce
-qu'elle a écrit, et par cette raison nous avons dû signaler
-l'époque de leur apparition comme une circonstance essentielle
-dans sa vie.</p>
-
-<p>L'effet des <i>Provinciales</i> ne se borna pas à exciter
-une stérile admiration. L'opinion publique fut tellement
-émue par elles, elles excitèrent une telle clameur, qu'elles
-forcèrent en quelque sorte l'autorité à permettre que les
-solitaires de Port-Royal reprissent possession de leur vallée
-chérie, et rouvrissent leur savante école: le gouvernement
-permit encore aux saintes vierges du couvent de les encourager
-par leurs prières, tandis qu'eux-mêmes les instruisaient
-par leurs discours et les édifiaient par leurs
-exemples<a id="FNanchor_152" href="#Footnote_152" class="fnanchor">&nbsp;[152]</a>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_90"> 90</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE VIII.<br />
-<span class="medium">1657-1658.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Soins que madame de Sévigné donne à l'éducation de ses deux enfants.&mdash;Leur
-amitié prouve qu'ils ont été élevés ensemble.&mdash;Services
-rendus par les jésuites à l'éducation publique.&mdash;Révolution dans
-la philosophie, produite par Descartes. Elle donne l'impulsion
-aux écrivains de Port-Royal.&mdash;Bossuet paraît.&mdash;Sa doctrine, fondée
-sur les saintes Écritures, ne s'appuie ni sur Jansenius ni sur les
-jésuites.&mdash;Madame de Sévigné fait l'éducation de ses enfants sous
-l'influence de ces divers systèmes.&mdash;Elle les résume tous en elle.&mdash;Sa
-fille s'instruit dans la philosophie de Descartes, et est moins
-religieuse que sa mère.&mdash;Son fils est conduit par l'influence du
-jansénisme aux pratiques de la plus haute dévotion.&mdash;La vie de
-l'une comme celle de l'autre prouvent combien leur éducation fut
-soignée.&mdash;Caractère de madame de Grignan.&mdash;Caractère du marquis
-de Sévigné.&mdash;Différence d'opinion entre la mère, la fille, et
-le fils, en matière de littérature.&mdash;De l'abbé Arnauld, et de l'origine
-de sa liaison avec madame de Sévigné.&mdash;Ce qu'il dit d'elle
-lorsqu'il la rencontra pour la première fois avec ses enfants.</p>
-
-<p class="space">Les deux enfants de madame de Sévigné étaient tous
-deux parvenus à cet âge qui tient le milieu entre l'enfance
-et l'adolescence, et que les anciens exprimaient par un
-mot qui manque à notre langue. Les soins qu'elle donnait
-à leur éducation devenaient de jour en jour plus importants
-et plus nécessaires; et sans doute une partie du temps
-qu'elle était habituée à sacrifier aux amusements du
-monde fut consacrée aux deux êtres qui lui étaient les
-plus chers, et vers lesquels se dirigeaient ses principales
-pensées.</p>
-
-<p>Ce n'était pas à cause de ce titre d'excellente mère
-<span class="pagenum"><a id="Page_91"> 91</a></span>
-qu'elle s'était attiré les prévenances et les assiduités
-d'un si grand nombre de ses contemporains et qu'elle
-était recherchée par les femmes les plus aimables de son
-temps; les intérêts de la société, dont elle faisait le charme,
-se trouvaient, au contraire, en opposition avec ses devoirs
-maternels. Aussi les mémoires et les correspondances de
-ces temps ne nous donnent aucun détail sur la manière
-dont madame de Sévigné dirigea l'éducation de ses enfants.
-Mais l'amitié vive et sincère qui s'établit entre le
-frère et la s&oelig;ur semble démontrer qu'ils ont été élevés
-ensemble et sous les yeux de leur mère.</p>
-
-<p>On a souvent discuté les avantages et les désavantages
-de l'éducation publique et de l'éducation particulière, et
-cherché à déterminer quelle est celle des deux qui doit
-obtenir la préférence sur l'autre. Montaigne et Pascal n'eurent
-point d'autres précepteurs que leurs pères; et nous
-savons que ceux-ci firent de l'éducation de leurs enfants
-l'&oelig;uvre principale de leur vie. Cependant ces exemples et
-plusieurs autres semblables ne décident point cette question,
-qui, comme beaucoup d'autres, n'est pas susceptible
-d'une solution absolue. Il en est des divers modes d'éducation
-comme des différentes formes de gouvernement,
-dont les perfections et les vices dépendent de ceux qui
-les dirigent. A l'époque dont nous parlons il régnait une
-grande émulation pour le perfectionnement de l'éducation
-publique. L'université de Paris, après avoir rendu d'immenses
-services pour la renaissance des lettres en Europe,
-était, comme toutes les corporations privilégiées ou sans
-rivales, restée stationnaire au milieu du mouvement progressif
-de la société et des esprits. Retranchée derrière ses
-vieux usages et ses antiques préjugés, elle serait devenue
-tout à fait impropre à remplir les fins de sa création, si les
-<span class="pagenum"><a id="Page_92"> 92</a></span>
-jésuites, en élevant partout des colléges qui ne ressortissaient
-pas à sa juridiction, et en admettant dans leur
-plan d'éducation tout ce que les m&oelig;urs et les progrès de
-la société rendaient nécessaire, n'avaient pas produit une
-heureuse émulation, et forcé l'université, au commencement
-du dix-septième siècle, à introduire quelques innovations
-dans ses statuts. Ces innovations furent en petit
-nombre et insuffisantes; cependant l'université ne put se
-décider à les faire sans jeter de hauts cris contre ceux qui
-l'y contraignaient, et sans demander aux parlements que
-les écoles de ceux-ci fussent fermées. A la suite de ces
-nouveaux statuts, imprimés en 1601, elle compare l'ordre
-des jésuites à une nouvelle Carthage qui était venue établir
-son camp sur le territoire de Rome elle-même, et à un
-astre contagieux qui produit la flétrissure et la décadence
-des études à Paris et dans toutes les académies du royaume<a id="FNanchor_153" href="#Footnote_153" class="fnanchor">&nbsp;[153]</a>.
-Mais, heureusement pour les progrès de l'enseignement
-en France et pour l'université elle-même, ses plaintes
-ne furent point écoutées. Les jésuites, protégés par le
-pape et les souverains, enlevèrent à l'université son monopole,
-et la forcèrent à faire de nouvelles altérations
-dans le plan des études, sous peine de voir déserter ses
-bancs.</p>
-
-<p>Cette révolution dans l'instruction n'était que le prélude
-d'une plus grande. La philosophie d'Aristote était
-alors exclusivement enseignée par l'université comme par
-les jésuites; et l'admiration pour le génie de cet ancien
-philosophe était telle, que ses axiomes de physique et de
-métaphysique semblaient être les dernières limites de la
-raison et celles dans lesquelles elle devait se renfermer.
-<span class="pagenum"><a id="Page_93"> 93</a></span>
-On les regardait comme des principes aussi incontestables,
-aussi hors de toute discussion que les articles de foi,
-que la religion nous ordonne de croire. Les nier eût été
-une sorte de sacrilége ou une preuve de la plus grossière
-ignorance.</p>
-
-<p>Un génie puissant, élevé chez les jésuites, venait, à
-l'époque dont nous nous occupons, de briser les entraves
-dans lesquelles la routine avait si longtemps enchaîné
-l'esprit humain, et de mettre en crédit une nouvelle philosophie:
-c'était Descartes. Toutes les intelligences vigoureuses
-s'empressèrent de se mettre à la suite de ce hardi
-novateur, de s'enrôler sous les drapeaux de ce nouveau
-chef, qui les appelait à une entière liberté, et les délivrait
-des chaînes qui jusque alors avaient arrêté leur essor.
-Les écrivains de Port-Royal durent au doute universel
-de Descartes et à ses écrits, au vaste horizon tracé par
-sa profonde métaphysique, cette méthode lumineuse de
-discussion, cette hauteur de vues, cette déduction sévère
-dans les raisonnements, cette lucidité d'expression,
-cette énergie de style qu'ils portèrent jusque dans les
-régions, auparavant si obscures, de la théologie. Par leur
-école, mais plus encore par leurs excellents livres
-élémentaires, ils opérèrent dans l'enseignement une réforme
-complète. Ils introduisirent surtout dans toutes
-les classes éclairées le goût des discussions en matière religieuse,
-et par là ils contribuèrent à accroître la ferveur
-de ceux dont la foi était ferme et sincère. Rien n'est plus
-propre à raffermir une croyance dont les semences, implantées
-dès l'enfance, ont jeté en nous de fortes et profondes
-racines, que les efforts qu'il nous faut faire pour
-repousser une autre croyance, que nous regardons comme
-fausse, et qu'on voudrait nous imposer. Ce qu'il y a de
-<span class="pagenum"><a id="Page_94"> 94</a></span>
-plus mortel pour l'esprit comme pour le c&oelig;ur, c'est l'indifférence.
-Ce vers de la comédie de Gresset,</p>
-
-<p class="quote"><i>....</i> Rien n'est vrai sur rien; qu'importe ce qu'on dit?</p>
-
-<p>est le résumé de la doctrine du type brillant et corrompu
-d'une société usée, qui n'a plus ni principe, ni croyance,
-ni morale, et où tout tend à se dissoudre.</p>
-
-<p>Tandis que Descartes démontrait l'existence de Dieu
-et l'immortalité de l'âme par les seuls secours de la raison;
-que les jansénistes semblaient concentrer tous les
-principes de la religion et de la morale dans leur doctrine
-sur la grâce; que les jésuites plaçaient tout espoir de
-salut dans une soumission aveugle à l'autorité du pape,
-un jeune homme parut tout à coup, comme un soleil d'été,
-qui en se levant darde aussitôt sur l'horizon la lumière
-et la chaleur. Survenu au milieu de ces opinions
-opposées, mais qui toutes se proposaient le même but, il
-s'appuya sur ce que chacune d'elles lui offrait de conforme
-aux Écritures et aux décisions de l'Église. Par son
-génie, par sa vaste érudition, par son saint enthousiasme,
-par sa haute éloquence, il se créa un nouvel apostolat,
-qui ne se fondait ni sur une servile obéissance à Rome,
-ni sur les subtiles doctrines de Jansenius, ni sur les concessions
-jésuitiques. Ce jeune homme, tous nos lecteurs
-l'ont nommé, c'était Bossuet.</p>
-
-<p>Ce fut en 1657 qu'il parut à Paris pour la première fois
-dans la chaire évangélique. Il prêcha le 10 mars à Saint-Thomas
-d'Aquin, et le 24 du même mois aux Feuillants,
-en présence de vingt-deux évêques; puis le 27 octobre
-suivant il prononça le panégyrique de sainte Thérèse,
-en présence de la reine mère et de toute sa cour. Dès
-ces premiers débuts il laissa bien loin derrière lui les
-<span class="pagenum"><a id="Page_95"> 95</a></span>
-Boux, les Camus, les Lingende, et les Testu, qui à
-cette époque n'avaient point de rivaux dans la prédication.</p>
-
-<p>Loret, qui l'entendit alors, et qui ne pouvait prévoir la
-réputation que ce jeune docteur, comme il l'appelle, devait
-acquérir un jour, qui ne vécut même point assez
-pour la connaître, atteste que jamais orateur chrétien n'a
-prêché avec un tel succès; et il résume, avec une précision
-qui certes ne lui est pas ordinaire, tout ce qu'il a
-dit sur l'effet que produisait le nouveau prédicateur:</p>
-
-<p class="quote">Il presse, il enflamme, il inspire<a id="FNanchor_154" href="#Footnote_154" class="fnanchor">&nbsp;[154]</a>.</p>
-
-<p>Telles étaient les diverses sortes d'influences sous lesquelles
-se trouvait placée madame de Sévigné lorsqu'elle
-s'occupait de l'éducation de ses enfants. Elle était liée
-particulièrement avec madame Duplessis-Guénégaud, une
-des amies intimes du jeune Bossuet, et elle dut le rencontrer
-fréquemment chez elle<a id="FNanchor_155" href="#Footnote_155" class="fnanchor">&nbsp;[155]</a>. Par l'oncle de son mari et
-par le cardinal de Retz, elle avait toujours eu des communications
-fréquentes avec les plus célèbres solitaires de
-Port-Royal. Les écrits de Descartes sur la philosophie,
-dont plusieurs étaient adressés à des femmes, à la reine
-Christine ou à la princesse Élisabeth, se trouvaient, comme
-les Lettres provinciales, entre les mains de toutes les personnes
-dont l'éducation était cultivée. Enfin les plus savants,
-les plus illustres dans l'ordre des jésuites étaient
-admis à la cour et dans les maisons des grands; ils se répandaient
-<span class="pagenum"><a id="Page_96"> 96</a></span>
-partout dans le monde, et ne pouvaient être
-évités. Aussi madame de Sévigné était liée avec quelques-uns
-d'entre eux, remarquables par leur esprit et leur savoir-vivre.</p>
-
-<p>C'est par de bien justes motifs que nous détaillons ici
-les influences morales et religieuses qui agissaient alors
-sur la société en France; car toutes se sont réalisées sur
-madame de Sévigné et sur ses enfants. Ceux-ci ne subirent
-que l'effet de quelques-unes; mais pour elle, il semble
-qu'elle conserva des empreintes de toutes. Ses désirs
-de religion étaient tempérés par son goût pour les plaisirs;
-la sévérité de ses principes, modifiée par une imagination
-éprise des charmes de la belle littérature; la roideur et la
-subtilité des doctrines de son jansénisme, rectifiées par un
-jugement naturellement ennemi de tout ce qui l'éloignait
-du bon sens général et de la raison commune. Elle résumait
-en elle l'élégance galante et polie de l'hôtel de Rambouillet,
-le spiritualisme de Port-Royal, l'indulgence mondaine
-des disciples de Loyola, les vives résolutions d'un Bossuet,
-et quelque chose de la sensibilité pieuse et de l'amour
-mystique d'une s&oelig;ur de Sainte-Thérèse. Sa fille, avec
-plus de beauté, eut moins d'esprit naturel, un savoir aussi
-varié et plus étendu, une tête plus forte et plus calme.
-Moins aimable, elle fut moins aimée, moins flattée par ses
-contemporains, qui l'ont jugée avec trop de sévérité, peut-être
-parce que, comme nous, ils la comparaient sans cesse
-à sa mère. Eh! quelle est la femme qui sortirait avec
-avantage d'une telle comparaison? Madame de Grignan
-avait étudié les &oelig;uvres de Descartes et les parties les plus
-abstruses de sa métaphysique; elle croyait avoir saisi l'ensemble
-du système de ce grand homme, et triomphé des
-difficultés qu'il offrait aux intelligences vulgaires. Devenue
-<span class="pagenum"><a id="Page_97"> 97</a></span>
-le disciple de cet apôtre du doute, elle se soumettait
-avec moins d'abandon que sa mère à ce que la foi commandait
-de croire; elle cherchait plus souvent ses points
-d'appui dans la philosophie cartésienne que dans les lumières
-de la révélation. Son frère, né et élevé au milieu
-des doctrines de Port-Royal, y fut toute sa vie fidèle;
-mais l'heureuse flexibilité du caractère de sa mère s'était
-chez lui convertie en une incurable légèreté: incapable
-d'éprouver aucune impression profonde et durable, il
-effleura tout, même le désordre. La femme qu'il épousa,
-et dont il n'eut point d'enfants, le ploya, dans sa vieillesse,
-aux habitudes de la plus haute dévotion.</p>
-
-<p>L'éducation ne peut tout faire; elle ne donne ni le
-génie, ni la force de réflexion, ni l'énergie de caractère,
-ni la constance des résolutions, ni la sensibilité de c&oelig;ur.
-Nous pouvons perfectionner ou détériorer la nature, mais
-nous ne pouvons suppléer à ce qu'elle n'a pas, ni lui ôter
-ce qu'elle possède. Celui qui a eu occasion de remarquer
-combien différemment la même culture et la même instruction
-profite à des esprits différents, est d'avance convaincu
-de l'absurdité du système d'Helvétius, qui soutient
-que toutes les intelligences sont égales, et proclame la
-toute-puissance de l'éducation. Non, il n'est pas vrai que
-l'influence des objets extérieurs soit la seule cause des
-modifications que nous éprouvons. Les impressions reçues
-produisent des résultats divers, selon le sujet qui les
-reçoit. L'homme n'est point une matière inerte, qu'on
-puisse façonner à volonté. Le principe vital, selon le
-plus ou moins de chaleur du sang, décompose et recompose
-différemment, dans chaque être vivant, les
-substances qu'il s'assimile; de même il y a en nous
-une âme qui élabore les sensations, les pensées, et qui
-<span class="pagenum"><a id="Page_98"> 98</a></span>
-fonctionne différemment dans chaque individu. Dans la
-multitude innombrable de créatures humaines répandues
-sur la surface de la terre, il n'y en a pas deux qui aient
-des visages semblables, des sens pareils, des facultés égales,
-des volontés identiques, ni les mêmes désirs, ni les
-mêmes passions, ni le même caractère. La lumière, telle
-qu'elle semble émaner du soleil, est pure de toute couleur,
-toujours semblable, toujours la même; mais, selon les
-corps qui la divisent, la modifient, l'absorbent ou la
-réfléchissent, elle donne le rouge, le bleu, le jaune, le
-vert, le violet, l'orange, le noir, le blanc, toutes les
-teintes, toutes les nuances. Voilà l'image de la même éducation,
-de la même instruction agissant sur les individus
-qui diffèrent par leur tempérament et leur organisation.</p>
-
-<p>Ces mémoires, si nous y donnions une suite, feraient
-connaître les qualités et les défauts du fils et de la fille de
-madame de Sévigné, et la part que l'on doit faire en eux
-au naturel, au temps, aux circonstances. Mais nous pouvons
-juger dès à présent, par l'ensemble de leur vie, combien
-fut solide et brillante l'éducation que cette mère tendre
-et éclairée sut donner à ses enfants, et combien les
-résultats en furent heureux.</p>
-
-<p>Sa fille, remarquable par son éclatante beauté, devint
-la femme d'un homme deux fois veuf, et beaucoup plus
-âgé qu'elle. Jamais elle ne fit soupçonner sa vertu: forcée
-par le rang et la place qu'occupait son mari, à une représentation
-continuelle, elle suffit à toutes les exigences du
-grand monde. Contrainte, par le goût de M. de Grignan
-pour le faste et l'ostentation, à des dépenses ruineuses,
-elle sut, par l'ordre et l'économie, trouver des ressources
-à mesure qu'il les épuisait: quand il eut consumé presque
-<span class="pagenum"><a id="Page_99"> 99</a></span>
-tout son bien, elle n'hésita pas à s'engager pour lui et à
-lui sacrifier une partie du sien.</p>
-
-<p>Le fils de madame de Sévigné fut un militaire distingué:
-il se fit remarquer par son intrépidité et son habileté,
-en Orient, dans la petite croisade de la noblesse française
-contre les Turcs qui assiégeaient Candie; en Hollande,
-dans l'armée du maréchal de Luxembourg; au sanglant
-combat de Senef et à l'attaque meurtrière du prince d'Orange.
-Gai, aimable, prévenant, poli, blond comme sa
-mère et sa s&oelig;ur, d'une figure agréable, il se fit chérir
-dans le monde, où il était fort répandu; il en adopta aussi
-les travers et les déréglements, mais sans les pousser jusqu'à
-ce degré qui entache. Après avoir brillé parmi les
-hommes de plaisir, il devint, dans sa vieillesse, le modèle
-des hommes vertueux. Sa piété, douce et indulgente,
-ne fut pas incompatible avec les délassements de l'esprit
-et le commerce des Muses; car sous le rapport de l'instruction
-les deux enfants de madame de Sévigné ne furent
-pas moins remarquables que sous celui des qualités
-sociales. Sa fille, qui savait un peu de latin et parfaitement
-bien la langue italienne, écrivait dans la sienne avec une
-pureté et un savoir qui a fait conclure de nos jours qu'elle
-devait être pédante: banale accusation, rarement méritée
-par les femmes qui s'élèvent au-dessus de la foule par des
-études sérieuses et profondes, et que renouvellent sans
-cesse l'ignorance et la frivolité, envieuses d'une supériorité
-qui les choque. Le fils de madame de Sévigné aimait les
-belles-lettres. Boileau et Racine, avec lesquels il fut lié,
-achevèrent de former son goût, qui était plus pur que
-celui de sa mère; mais les principes moins classiques de
-madame de Sévigné en littérature étaient peut-être plus
-favorables aux élans de l'imagination et à l'originalité du
-<span class="pagenum"><a id="Page_100"> 100</a></span>
-style. Le marquis de Sévigné avait un talent particulier
-pour bien lire, surtout les pièces de théâtre; ce qu'il dut
-peut-être à sa liaison intime avec la Champmêlé, dont il
-fut pendant quelque temps amoureux, autant qu'il pouvait
-l'être. Il cultiva toujours la langue latine, et s'y rendit
-très-habile. Vers la fin de ses jours, il eut une discussion
-avec le célèbre Dacier sur le sens d'un passage
-d'Horace; et sa dissertation, qui fut imprimée, lui attira
-l'approbation des érudits du temps<a id="FNanchor_156" href="#Footnote_156" class="fnanchor">&nbsp;[156]</a>.</p>
-
-<p>Ces détails suffisent pour avoir une idée des soins que
-madame de Sévigné a donnés à l'éducation de ses enfants.
-Il est probable qu'a l'époque dont nous nous occupons
-leur instruction était le motif qui la retenait à Paris et
-la forçait d'y séjourner. Un passage des mémoires de
-l'abbé Arnauld semble prouver qu'elle ne les quittait que
-rarement de vue, et qu'il était difficile de la rencontrer
-sans eux.</p>
-
-<p>L'abbé Antoine Arnauld était le fils aîné du célèbre
-Arnauld d'Andilly, dont il a été fait mention dans le chapitre
-précédent. L'abbé Arnauld avait d'abord, malgré la
-volonté de son père, choisi la profession des armes, qu'il
-quitta, parce que la mort de Feuquières lui avait ravi tout
-espoir d'avancement. Il embrassa à vingt-sept ans l'état
-ecclésiastique. Attaché à son oncle Henri Arnauld, abbé
-de Saint-Nicolas, qui fut depuis évêque d'Angers, quoique
-janséniste, l'abbé Arnauld séjourna pendant quelque temps
-<span class="pagenum"><a id="Page_101"> 101</a></span>
-chez les solitaires de Port-Royal. Il demeura attaché à
-leurs doctrines, mais par esprit de famille, et pour satisfaire
-à sa position, plutôt que par conviction. Il n'avait
-aucun goût pour les discussions théologiques, et il avait
-conservé, au contraire, de très-fortes inclinations pour le
-monde et ses jouissances. Il était lié avec plusieurs femmes
-aimables, et même avec plusieurs femmes galantes<a id="FNanchor_157" href="#Footnote_157" class="fnanchor">&nbsp;[157]</a>. Il
-était l'ami de Renaud de Sévigné; et la terre de Champiré
-que possédait celui-ci, dans le voisinage d'Angers,
-leur donnait les moyens de se voir fréquemment. Renaud
-de Sévigné passait alors presque tous ses hivers à Paris;
-et il s'y trouvait lorsqu'un procès y amena l'abbé Arnauld,
-au commencement de l'année 1657.</p>
-
-<p>«Ce fut en ce voyage, dit-il, que M. de Sévigné me fit
-faire connaissance avec l'illustre marquise de Sévigné, sa
-nièce, dont le nom vaut un éloge à ceux qui savent estimer
-l'esprit, l'agrément et la vertu. On peut dire d'elle une
-chose fort avantageuse et fort singulière; qu'une des plus
-dangereuses plumes de France [c'est Bussy-Rabutin que
-l'abbé Arnauld désigne ici] ayant entrepris de médire
-d'elle comme de beaucoup d'autres, a été contrainte, par
-la force de la vérité, de lui feindre des défauts purement
-imaginaires, ne lui en ayant pu trouver de réels. Il me
-semble que je la vois encore telle qu'elle me parut la première
-fois que j'eus l'honneur de la voir, arrivant dans le
-fond de son carrosse tout ouvert, au milieu de monsieur
-son fils et de mademoiselle sa fille; tous trois tels que les
-poëtes représentent Latone au milieu du jeune Apollon et
-de la petite Diane, tant il éclatait d'agréments et de beauté
-dans la mère et dans les enfants. Elle me fit l'honneur dès
-<span class="pagenum"><a id="Page_102"> 102</a></span>
-lors de me promettre de l'amitié, et je me tiens fort glorieux
-d'avoir conservé jusqu'à cette heure un don si cher
-et si précieux. Mais aussi je dois dire, à la louange du sexe,
-que j'ai trouvé beaucoup plus de fidélité dans mes amies
-que dans mes amis, ayant été souvent trompé par ceux-ci,
-et ne l'ayant jamais été par les premières<a id="FNanchor_158" href="#Footnote_158" class="fnanchor">&nbsp;[158]</a>.»</p>
-
-<p>Ce fut aussi cette même année que le frère de l'abbé
-Arnauld, le célèbre Arnauld de Pomponne, vit les deux
-enfants de madame de Sévigné chez leur oncle Renaud
-de Sévigné; il fut tellement frappé de leur beauté, que
-près de vingt ans après, et lorsqu'il était ministre, il se
-souvenait de cette journée, et la rappelait à la marquise
-de Sévigné. Celle-ci, en écrivant à madame de Grignan,
-lui dit: «Monsieur de Pomponne se souvient d'un jour
-que vous étiez petite fille chez mon oncle Sévigné. Vous
-étiez derrière une vitre avec votre frère, plus belle, dit-il,
-qu'un ange; vous disiez que vous étiez prisonnière, que
-vous étiez une princesse chassée de chez son père. Votre
-frère était beau comme vous. Vous aviez neuf ans. Il me
-fit souvenir de cette journée. Il n'a jamais oublié aucun
-moment où il vous a vue<a id="FNanchor_159" href="#Footnote_159" class="fnanchor">&nbsp;[159]</a>.»</p>
-
-<p>Au commencement de cette année il parut un recueil
-de vers où la louange de madame de Sévigné se trouve
-réunie à celle du roi, de Monsieur, de la reine, de Mazarin,
-des ministres, et des personnes des deux sexes les plus
-illustres. Ce recueil est un phénomène intellectuel qui serait
-à peine croyable s'il n'était si bien attesté. Le fils d'un
-comédien de Paris, nommé Beauchasteau, se montra si
-<span class="pagenum"><a id="Page_103"> 103</a></span>
-précoce, que dès l'âge de sept à huit ans il parlait plusieurs
-langues et improvisait des vers avec facilité. On le
-fit venir à la cour; on le mit à l'épreuve, et il surpassa
-encore l'idée que les récits en avaient donnée. Mazarin lui
-fit une pension de mille livres; le chancelier Séguier lui
-en accorda une de trois cents; et on publia un recueil
-in-4<sup>o</sup> de ses improvisations, avec les portraits du roi, des
-membres de la famille royale, et des personnages objets
-des madrigaux de cet Apollon enfant. Le poëte Maynard
-fut l'éditeur de ce beau volume; le portrait de Beauchasteau
-et les vers composés à sa louange n'y furent pas
-oubliés. Dès l'année 1656 Beauchasteau avait improvisé
-des vers devant Christine, et il fut de nouveau présenté
-à cette reine en 1658. Il alla en Espagne, en Angleterre,
-et parut devant Cromwell. Partout il excita le même
-étonnement, la même admiration. La personne qui l'avait
-conduit en Angleterre l'emmena en Perse, et on n'entendit
-plus parler de lui. Ainsi s'évanouit, presque aussitôt
-après sa subite apparition, cette espèce de météore
-intellectuel. Voici le quatrain que ce jeune enfant improvisa
-en voyant madame de Sévigné:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Sévigné, suspendez vos charmes</p>
-<p>Et les clartés de votre esprit?</p>
-<p>Pour nous faire rendre les armes,</p>
-<p>Voire extrême beauté suffit<a id="FNanchor_160" href="#Footnote_160" class="fnanchor">&nbsp;[160]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_104"> 104</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE IX.<br />
-<span class="medium">1657-1658.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Les nombreux décès qui ont lieu à la cour ralentissent les fêtes.&mdash;L'arrivée
-des ducs de Modène et de Mantoue et le mariage d'Olympe
-Mancini les raniment.&mdash;Les déguisements en femmes dans
-les ballets étaient fréquents.&mdash;Louis XIV aime la compagnie des
-femmes.&mdash;Il est escorté par plusieurs beautés de la cour dans ses
-promenades à cheval.&mdash;Il prend des leçons de politesse et de galanterie
-de la comtesse de Choisy.&mdash;Se montre indifférent au mariage
-d'Olympe Mancini.&mdash;Joie que la reine en ressent.&mdash;Mazarin
-fait sortir deux de ses nièces du couvent, et les introduit à la cour.&mdash;Louis
-XIV ne fait d'abord aucune attention aux nièces de Mazarin.&mdash;Il
-devient amoureux de mademoiselle de La Mothe d'Argencourt.&mdash;Mazarin
-et la reine également intéressés à s'opposer à cet
-amour.&mdash;La reine emploie la religion.&mdash;Le jeune roi fait une
-retraite, communie, et promet de se vaincre.&mdash;Mazarin découvre
-que mademoiselle d'Argencourt a un amant.&mdash;Le roi voit mademoiselle
-d'Argencourt dans un bal, et s'enflamne de nouveau pour
-elle.&mdash;Mazarin le guérit, en lui prouvant que celle qu'il aime
-le trahit pour un autre.&mdash;D'Argencourt, abandonnée du roi, veut
-se consoler avec le duc de Richelieu.&mdash;Sur la demande de la duchesse,
-elle est forcée d'entrer au couvent, où elle reste volontairement.&mdash;Liaison
-du roi avec mademoiselle de Beauvais.&mdash;Avec
-une jeune jardinière.&mdash;Il en a une fille.&mdash;Passage des Mémoires
-de Saint-Simon sur la destinée de ce premier enfant de Louis XIV.</p>
-
-<p class="space">En se livrant à l'éducation de ses enfants, madame de
-Sévigné eut cette année moins de sacrifices à faire à ses
-plaisirs que dans les années précédentes. La mort de madame
-de Mancini, du duc de Chevreuse, celle du duc de
-Villars, du maréchal de la Mothe-Houdancourt<a id="FNanchor_161" href="#Footnote_161" class="fnanchor">&nbsp;[161]</a>, du duc
-<span class="pagenum"><a id="Page_105"> 105</a></span>
-d'Elb&oelig;uf<a id="FNanchor_162" href="#Footnote_162" class="fnanchor">&nbsp;[162]</a>, de Pomponne de Bellièvre<a id="FNanchor_163" href="#Footnote_163" class="fnanchor">&nbsp;[163]</a>, de la duchesse
-de Montbazon<a id="FNanchor_164" href="#Footnote_164" class="fnanchor">&nbsp;[164]</a>, de la duchesse de Merc&oelig;ur, de la duchesse
-de Bouillon<a id="FNanchor_165" href="#Footnote_165" class="fnanchor">&nbsp;[165]</a>, de la duchesse de Roquelaure<a id="FNanchor_166" href="#Footnote_166" class="fnanchor">&nbsp;[166]</a>, qui
-eurent lieu dans l'intervalle de quelques mois, contristèrent
-la cour et la haute société, et ralentirent les fêtes et
-les divertissements. Mais cela ne pouvait durer longtemps.
-Le nombre de ceux qui dans un grand royaume sont
-attachés au service du monarque est trop considérable
-pour que les chances habituelles de la mortalité n'y portent
-pas de fréquentes atteintes; et l'habitude de voir presque
-chaque année disparaître quelques-uns de leurs plus chers
-serviteurs émousse la sensibilité des rois. Heureux encore
-quand la perte de ceux qui les ont servis avec le plus de
-zèle ne leur cause pas une satisfaction secrète, par l'occasion
-qu'elle leur fournit de conférer des grâces et d'accorder
-des faveurs aux objets de leurs plus récentes affections!</p>
-
-<p>Les plaisirs reprirent bientôt leur activité accoutumée.
-L'arrivée du duc de Mantoue à Paris, celle du duc de
-Modène, qui avait si bien soutenu les armées françaises
-contre l'Autriche; le mariage de mademoiselle de Longueville
-avec le duc de Nemours, celui d'Olympe Mancini
-avec le duc de Soissons, devinrent des prétextes pour
-bannir tous les signes de deuil et des occasions pour donner
-mutuellement des fêtes. Il y eut donc encore des repas
-<span class="pagenum"><a id="Page_106"> 106</a></span>
-splendides, des concerts, des mascarades, des danses où
-le jeune monarque et ses courtisans déployaient leurs
-grâces et leur habileté, en compagnie avec le célèbre Bauchamp,
-le Vestris et le Duport de cette époque<a id="FNanchor_167" href="#Footnote_167" class="fnanchor">&nbsp;[167]</a>. On joua
-au Louvre, avec les ballets anciens, un nouveau ballet,
-<i>l'Amour malade</i>, dont Benserade<a id="FNanchor_168" href="#Footnote_168" class="fnanchor">&nbsp;[168]</a> avait, comme de coutume,
-versifié les paroles, mais dont la musique était l'ouvrage
-d'un jeune et nouveau compositeur, nommé Baptiste
-Lully: alors on le nommait tout simplement Baptiste.
-Italien de naissance, il avait été amené jeune en France
-par le chevalier de Guise, pour être au service de <span class="small1">Mademoiselle</span>:
-il l'avait quittée lorsqu'elle fut exilée. Entré
-depuis dans la musique du roi, il commençait déjà la
-révolution musicale qui devait lui faire acquérir tant de
-réputation et de richesses<a id="FNanchor_169" href="#Footnote_169" class="fnanchor">&nbsp;[169]</a>. Dans ce nouveau ballet il
-jouait le rôle de Scaramouche; et sa petite taille, sa mine
-chétive, ses petits yeux, étaient si bien appropriés au burlesque
-de son rôle, qu'il réjouit encore plus les spectateurs
-par son jeu que par sa musique. Le goût des nobles figurants
-de ces ballets et de ces mascarades pour les déguisements
-de femmes augmentait chaque année, surtout
-pour ceux qui faisaient partie de la maison de <span class="small1">Monsieur</span>
-ou étaient attachés à ce prince<a id="FNanchor_170" href="#Footnote_170" class="fnanchor">&nbsp;[170]</a>. On remarqua aussi que
-<span class="pagenum"><a id="Page_107"> 107</a></span>
-de jour en jour le jeune roi se plaisait davantage dans la
-société des femmes; et un essaim de jeunes beautés, portées
-comme lui sur de superbes coursiers, l'entourait presque
-toujours à la chasse, et le suivait dans ses rapides et
-brillantes cavalcades.</p>
-
-<p>Mais les jeunes femmes n'étaient pas celles qu'il recherchait
-uniquement ni toujours avec le plus d'empressement.
-La comtesse de Choisy, dont le mari était chancelier
-de la maison de son frère, femme d'esprit, dans
-l'âge du retour, qui possédait toutes les grâces de la politesse
-et du bon ton, toute la science du savoir-vivre,
-toutes les perfections d'une précieuse du beau temps de
-l'hôtel de Rambouillet, avait osé dire au jeune roi que
-s'il voulait devenir un honnête homme (c'est-à-dire, dans
-le sens qu'on attachait alors à ce mot, un cavalier accompli
-sous le rapport de la galanterie et de l'élégance des
-manières), il fallait qu'il eût souvent des entretiens avec
-elle. Ce conseil fut suivi; Louis allait dîner familièrement
-chez la comtesse de Choisy, et par la suite il se ressouvint
-de son institutrice et la récompensa par une pension
-de huit mille livres<a id="FNanchor_171" href="#Footnote_171" class="fnanchor">&nbsp;[171]</a>.</p>
-
-<p>Après les préférences marquées que dans toute occasion
-Louis XIV avait montrées pour Olympe Mancini, on
-fut étonné de l'indifférence avec laquelle il apprit le
-mariage qu'elle allait contracter avec le duc de Soissons.
-On en conclut que Louis était encore trop jeune pour être
-capable d'éprouver le sentiment de l'amour, et que son
-goût pour Olympe Mancini, semblable à celui qu'il avait
-montré autrefois pour la duchesse de Châtillon, n'était
-<span class="pagenum"><a id="Page_108"> 108</a></span>
-encore que l'effet passager des premières habitudes et
-des souvenirs de l'enfance. La reine le crut ainsi, et témoigna
-ouvertement la joie qu'elle en ressentait<a id="FNanchor_172" href="#Footnote_172" class="fnanchor">&nbsp;[172]</a>. Mazarin
-fit aussi semblant d'en être satisfait; mais, devinant
-mieux le naturel du jeune monarque, il se hâta de faire
-sortir du couvent deux de ses nièces et de les produire
-à la cour.</p>
-
-<p>La plus âgée des deux, Marie Mancini, celle-là même
-qui devait inspirer à Louis XIV un attachement si vrai et
-si tendre, était une grande fille maigre, avec de longs
-bras, un long cou, un teint brun et jaune, une grande
-bouche, mais de belles dents et de grands yeux noirs,
-beaux, pleins de feux. Louis fit à elle peu d'attention<a id="FNanchor_173" href="#Footnote_173" class="fnanchor">&nbsp;[173]</a>.
-Toutefois il la préférait à sa s&oelig;ur Hortense Mancini, qui
-devint une des plus belles personnes de son temps, mais
-qui était encore dans cet âge dont Louis ne faisait que de
-sortir. Au moment où la reine se félicitait de l'indifférence
-de son fils à l'égard des femmes, et où elle espérait que de
-quelque temps du moins la tendresse qu'il avait pour sa
-mère ne serait combattue par aucun autre sentiment, elle
-s'aperçut qu'il était devenu amoureux d'une de ses filles
-d'atour. Cette fille se nommait de La Mothe d'Argencourt;
-elle n'avait ni beaucoup d'esprit ni beaucoup de beauté,
-mais pourtant toute sa personne était aimable. Elle dansait
-admirablement, et sa façon de parler, mélangée de
-douceur et de vivacité, plaisait au premier abord. Sa peau
-n'était ni très-fine ni très-blanche; mais, par une singularité
-<span class="pagenum"><a id="Page_109"> 109</a></span>
-piquante, avec de beaux yeux, bleus et des cheveux
-blonds, elle avait des sourcils noirs et bien arqués;
-sa taille était grande et svelte, les traits de son visage
-étaient fins et réguliers, et ses manières pleines de
-dignité et de grâce. S'il y a au monde quelque chose
-qu'il soit impossible de dissimuler, c'est un premier
-amour: Louis ne put dérober la connaissance de celui
-dont il était atteint aux regards vigilants des personnes
-intéressées à le surveiller. Il se divertissait quelquefois
-le soir à de petits jeux, auxquels mademoiselle d'Argencourt
-participait avec plusieurs de ses compagnes.
-Dans la familiarité suite nécessaire d'un tel amusement
-la force de la passion du jeune roi se manifesta de manière
-à alarmer la reine et Mazarin. Anne d'Autriche
-ne voulait pas que son fils avant son mariage s'échappât
-jusqu'à s'abandonner à des plaisirs que la religion réprouvait;
-et elle mettait tous ses soins à le conserver
-pur. Il paraissait impossible à Mazarin d'empêcher plus
-longtemps Louis de se livrer à ses penchants; et pour le
-maintien de son influence, il désirait que cette sensibilité
-amoureuse, qui entraînait le jeune roi vers le beau
-sexe, se dirigeât sur une de ses nièces, et non sur d'autres.
-La reine et son ministre étaient donc également
-intéressés, quoique par des motifs différents, à s'opposer
-à la passion naissante de Louis XIV pour mademoiselle
-d'Argencourt.</p>
-
-<p>La reine usa d'abord de tout le pouvoir qu'elle avait
-encore sur son fils. A son profane amour elle opposa
-cet amour de Dieu qu'elle lui avait inspiré. Elle effraya
-la conscience de ce royal adolescent, et réussit à le
-convaincre qu'il ne pouvait échapper au danger qui le
-menaçait qu'en le fuyant. Louis se retira à Vincennes,
-<span class="pagenum"><a id="Page_110"> 110</a></span>
-chez le cardinal<a id="FNanchor_174" href="#Footnote_174" class="fnanchor">&nbsp;[174]</a>. Ce ne fut pas sans de douloureux
-combats qu'il put persister dans la résolution que lui
-avaient fait prendre les deux personnes en possession de
-toute sa confiance, et auxquelles il n'ignorait pas qu'il
-était redevable de sa vie et de sa couronne. Il gémit, pria,
-soupira, se confessa, communia; et après une retraite de
-huit jours, passés dans ces exercices pieux, il reparut
-dans le monde et au milieu de sa cour, où une si longue
-absence avait été un sujet d'étonnement et d'entretiens
-continuels. Le roi évitait de se trouver avec mademoiselle
-d'Argencourt, et même de la regarder. La reine et le
-cardinal en éprouvaient une vive satisfaction, et saisissaient
-toutes les occasions de le féliciter du triomphe
-qu'il avait remporté sur lui-même<a id="FNanchor_175" href="#Footnote_175" class="fnanchor">&nbsp;[175]</a>.</p>
-
-<p>Mademoiselle d'Argencourt n'en était pas, comme Louis,
-à son début: elle avait un amant quand elle reçut la déclaration
-du jeune monarque; c'était le beau Chamarante;
-d'autres disent le marquis de Richelieu: il n'y a d'incertitude
-que sur l'un ou sur l'autre de ces personnages, et
-les mémoires qui substituent le nom de l'un à celui de
-l'autre ne commettent probablement qu'une erreur de
-date. Cependant ses liaisons avec l'un ou avec l'autre, ou
-avec tous deux successivement, étaient restées secrètes, et
-sa réputation survivait encore à sa vertu. La passion que
-le roi avait pour elle flatta sa vanité, et excita son ambition.
-Elle ne lui avait opposé qu'une résistance calculée,
-et lui avait fait promettre, si elle consentait à répondre
-à son amour, de résister toujours à sa mère et au cardinal,
-<span class="pagenum"><a id="Page_111"> 111</a></span>
-s'ils entreprenaient de la séparer de lui. Elle en
-était là lorsque Louis, cédant aux conseils d'Anne d'Autriche,
-s'était retiré à Vincennes. Toute la famille de
-mademoiselle d'Argencourt, qui avait fondé de grandes
-espérances sur sa liaison avec le roi, fut, ainsi qu'elle,
-extrêmement contrariée de le savoir renfermé et gardé
-à vue chez le cardinal. Ils pensèrent qu'il y était retenu
-malgré lui; que Mazarin et la reine croyaient que
-les refus de mademoiselle d'Argencourt de céder aux
-désirs du roi étaient moins dus à sa vertu qu'au projet
-qu'elle avait de profiter de la violence d'une première
-passion et de l'inexpérience de l'âge pour se faire épouser.
-Afin de bien dissiper ces craintes, la mère de mademoiselle
-d'Argencourt offrit au cardinal et à Anne d'Autriche
-de consentir à ce que sa fille demeurât la maîtresse
-du roi. Elle crut les contraindre à ne pas s'y opposer en
-leur faisant confidence de ce qui s'était passé dans le
-tête-à-tête entre les deux amants, et des promesses du
-roi de résister toujours aux tentatives qu'on pourrait faire
-pour le séparer de celle qu'il aimait. Ce fut un motif de
-plus pour le cardinal et pour la reine de chercher à rompre
-une liaison si menaçante pour leur autorité. La reine
-en voyant la conduite de son fils après sa retraite de
-Vincennes se flatta d'y avoir complétement réussi, et
-elle était persuadée qu'elle n'avait plus rien à redouter
-de mademoiselle d'Argencourt. Mazarin, moins confiant,
-ne cessa de faire épier la jeune fille; et, employant ses
-moyens ordinaires, l'argent et les séductions, il connut
-ses liaisons, se rendit maître de tous ses secrets, et prit
-dès lors ses mesures contre tout ce que sa famille ou elle
-pourraient tenter.</p>
-
-<p>Tant de précautions semblaient inutiles. Louis tenait
-<span class="pagenum"><a id="Page_112"> 112</a></span>
-bon, et paraissait ne plus conserver du trace de
-ce qui s'était passé: il était plutôt occupé à éviter qu'à
-rechercher mademoiselle d'Argencourt. Mais un jour elle
-parut dans un bal où il se trouvait; ses charmes étaient
-encore rehaussés par une parure pleine de goût<a id="FNanchor_176" href="#Footnote_176" class="fnanchor">&nbsp;[176]</a>. En la
-voyant entrer le roi tressaillit; mademoiselle d'Argencourt
-s'aperçut aussitôt de l'impression qu'elle produisait; et
-avec cette assurance que donne à la beauté la conscience
-de son irrésistible empire, elle s'avança vers le jeune monarque,
-lui prit la main, et le pria de danser avec elle.
-Toutes les résolutions prises et gardées avec tant de peine
-furent abandonnées à l'instant même; la main de Louis
-trembla dans celle de son amante, une sueur froide le saisit,
-il changea de visage, et fut quelque temps à se remettre.
-Tous les regards s'étaient dirigés vers lui, et cette
-scène avait eu pour témoins toute la cour. Cet événement
-devint l'objet des conversations; personne ne
-doutait que le triomphe de mademoiselle d'Argencourt
-sur le roi ne fût assuré et qu'elle ne parvînt à le rendre
-durable. La reine elle-même n'y voyait pas de remède,
-et déjà l'on faisait des projets pour s'arranger avec la
-grandeur future de cette favorite et de celle de sa
-famille.</p>
-
-<p>On se trompait; Mazarin en avait décidé autrement.
-Dès le lendemain du bal, il avait eu avec Louis un long
-entretien. A ce jeune néophyte, qui se trouvait sous le
-charme d'une passion en vain combattue, il ne parla point
-des scrupules de la religion, digue impuissante, déjà emportée
-par l'impétuosité du torrent; mais il fit entendre
-<span class="pagenum"><a id="Page_113"> 113</a></span>
-les maximes du monde, les exigences de l'opinion, ce
-que l'expérience enseigne, ce que la prudence prescrit. Il
-retraça tout ce qu'un homme, et encore plus un souverain
-qui savait s'estimer et se faire estimer des autres, avait
-droit d'exiger d'une femme quand il se donnait à elle. Il
-ne se consuma point en vaines paroles pour signaler les
-dangers de l'amour; mais il démontra bien pour tous les
-hommes, et encore plus pour un roi, la nécessité de se
-prémunir contre la perfidie de celles qui avaient le pouvoir
-de l'inspirer. Dès que Mazarin commença à entrer en
-explication, et qu'il eut parlé des promesses faites par le
-monarque à mademoiselle d'Argencourt; qu'il eut redit les
-discours qui avaient eu lieu entre les deux amants dans le
-tête-à-tête, Louis fut ébranlé, et commença à se croire
-trahi par celle qui lui était chère; mais il n'en douta plus
-quand les lettres écrites par elle à l'amant qu'elle favorisait
-lui furent remises. Celui qui les avait reçues avait eu
-la lâcheté de les livrer au ministre tout-puissant, dont il
-voulait se concilier la faveur; et Mazarin gardait depuis
-longtemps pour ce moment décisif, qu'il avait prévu,
-le secret de cette correspondance et les preuves qu'il en
-avait.</p>
-
-<p>Le dépit et l'orgueil firent ce que la religion et la raison
-n'avaient pu faire: Louis sans daigner avoir aucune explication
-avec mademoiselle d'Argencourt, ne lui témoigna
-plus que du dédain. Elle, qui ignorait la trame qu'on
-avait ourdie, crut que l'ascendant de la reine mère et de
-son ministre avait été plus fort sur le jeune roi que le
-pouvoir de ses charmes; et elle attribuait à cette cause
-l'étrange changement des manières de Louis à son égard.
-Elle ne songea donc plus qu'à se consoler de la chute de
-ses espérances avec le marquis de Richelieu. Mais la marquise
-<span class="pagenum"><a id="Page_114"> 114</a></span>
-sa femme s'étant plainte à la reine de cette liaison
-scandaleuse, mademoiselle d'Argencourt fut chassée, et
-renfermée dans le couvent des Filles de Sainte-Marie de
-Chaillot. Là elle apprit l'odieuse intrigue dont elle avait
-été la victime. Les douleurs de l'amour trahi, les mécomptes
-de l'ambition trompée, la disposèrent à écouter favorablement
-les leçons de piété et de religion qui lui furent
-données par les bonnes religieuses au milieu desquelles
-elle se trouvait; leur compassion la toucha, leurs consolations
-la convertirent; leur société lui devint agréable et
-chère: si bien que lorsqu'on lui permit de rentrer dans
-le monde, elle s'y refusa. Elle resta au couvent, et, toujours
-libre d'en sortir et sans jamais prononcer aucun
-v&oelig;u, elle y passa toute sa vie, et y mourut, chérie et
-regrettée de tous ceux qui la connurent<a id="FNanchor_177" href="#Footnote_177" class="fnanchor">&nbsp;[177]</a>.</p>
-
-<p>Après cette aventure, les penchants du jeune roi pour
-les femmes, que ses jeux d'enfance avaient donné lieu de
-soupçonner, ne furent plus un secret pour personne. La
-reine avait une femme de chambre nommée mademoiselle
-de Beauvais, qu'elle affectionnait beaucoup, à cause de sa
-dextérité, de son exquise propreté, du zèle et de l'intelligence
-qu'elle mettait à la servir. Dans l'âge du retour,
-laide et borgne, et peu scrupuleuse, mademoiselle de
-Beauvais épiait depuis longtemps les premiers effets de
-la puberté dans le jeune roi. Elle savait qu'à cet âge,
-si le c&oelig;ur sait déjà choisir ses affections, les sens obéissent
-sans discernement à une première surprise. Elle s'en
-prévalut; et le souvenir des instructions que Louis reçut
-<span class="pagenum"><a id="Page_115"> 115</a></span>
-d'elle lui devint par la suite un moyen d'élévation pour
-sa famille<a id="FNanchor_178" href="#Footnote_178" class="fnanchor">&nbsp;[178]</a>.</p>
-
-<p>Dès que le jeune roi eut appris qu'on pouvait goûter les
-jouissances de la volupté sans avoir besoin d'éprouver le
-sentiment de l'amour, la violence de ses passions l'emporta
-sur ses scrupules, mais non pas encore sur sa pudeur. Il
-n'osa pas s'attaquer à ces fleurs qui brillaient éminentes
-autour de lui, mais qui se trouvaient placées sous les regards
-et sous la protection de sa mère; les plus humbles et les
-plus cachées lui devinrent préférables, et il s'embarrassa
-peu d'avoir à se baisser pour les cueillir. Une jardinière,
-fraîche et jolie, devint enceinte de ses &oelig;uvres, et en eut
-une fille. Madame de Sévigné et les Mémoires du temps,
-qui nous entretiennent si souvent des enfants naturels de
-Louis XIV, ne parlent pas de celui-ci. Le profond mystère
-dont le jeune roi enveloppait à cette époque ses aventures
-galantes ne pouvait lui permettre d'en déclarer le
-premier fruit; l'obscurité de la condition de celle à
-laquelle il était dû l'en empêcha par la suite. Mais sa
-fille lui ressemblait trop pour qu'il pût la méconnaître.
-Bontemps, son valet de chambre et son homme de confiance,
-fut chargé de la marier à un gentil-homme nommé
-Laqueue, seigneur du lieu qui porte ce nom, à six lieues
-de Versailles. Ce gentilhomme se promettait une fortune
-d'une telle alliance, dont le secret, dit Saint-Simon, lui
-fut dit à l'oreille; mais il ne parvint jamais au delà du
-grade de capitaine de cavalerie. Sa femme était grande
-et bien faite; elle savait de qui elle tenait le jour, et
-enviait le sort de ses trois s&oelig;urs (comme elle filles naturelles),
-princesses magnifiquement mariées. Elle vécut
-<span class="pagenum"><a id="Page_116"> 116</a></span>
-ainsi vingt ans, sans sortir de son village, plus heureuse
-que si elle avait été admise à la cour. Sans l'exact Saint-Simon,
-si bien instruit des détails de ce grand règne,
-on eût ignoré jusqu'à l'existence de cette aînée de tous
-les enfants du plus illustre de nos rois<a id="FNanchor_179" href="#Footnote_179" class="fnanchor">&nbsp;[179]</a>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_117"> 117</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE X.<br />
-<span class="medium">1658.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Partis qui se forment à la cour parmi les courtisans.&mdash;Commencement
-de la faveur du prince de Marsillac.&mdash;Politique de Mazarin
-dans l'intérieur.&mdash;Il gouverne pendant la régence, par son influence
-sur la reine.&mdash;Depuis la majorité du roi, par l'ascendant
-qu'il sut prendre sur lui.&mdash;Il l'occupe des deux choses qu'il aimait
-le plus, la guerre et la galanterie.&mdash;Il le force avec autorité de
-s'occuper d'affaires.&mdash;Adresse que Mazarin met dans sa conduite
-envers les autres membres de la famille royale.&mdash;Il se concilie
-Gaston et <span class="small1">Mademoiselle</span>.&mdash;Il accorde un passe-port au médecin
-Guenaud pour aller soigner Condé, malade.&mdash;Procédés de Mazarin
-envers la princesse de Longueville.&mdash;Détails sur cette princesse
-et sur le prince de Conti.&mdash;Mazarin n'a plus d'autres ennemis à
-l'intérieur que les amis de Retz et les jansénistes.&mdash;Politique de
-Mazarin à l'extérieur.&mdash;Moyens qu'il emploie pour abattre la puissance
-de la maison d'Autriche.&mdash;L'ennemi s'empare de Rocroi.&mdash;Cette
-circonstance donne lieu à l'épître de La Fontaine à une abbesse.&mdash;Madame
-de Sévigné en entend la lecture chez Fouquet,
-et en fait l'éloge.&mdash;Madrigal de La Fontaine à ce sujet, adressé à
-madame de Sévigné.&mdash;Grandes richesses de Fouquet.&mdash;Il construit
-Vaux.&mdash;Protège les beaux esprits.&mdash;De mademoiselle de
-Scudéry et de ses romans, et de l'influence qu'elle exerçait.&mdash;Madame
-de Sévigné allait fréquemment à Vaux.&mdash;Madame Scarron,
-encore plus souvent.&mdash;Phrase d'une de ses lettres à madame Fouquet,
-au sujet des jardins de Vaux.&mdash;Madame de Sévigné va à
-sa terre des Rochers, et y passe l'automne avec ses trois oncles et
-son cousin de Coulanges.</p>
-
-<p class="space">Les plus légères préférences du jeune roi pour quelques-uns
-de ses courtisans n'étaient pas remarquées avec
-moins de soin que ses plus petites attentions envers les
-femmes. L'ambition, qui toujours veille, épiait avec une
-<span class="pagenum"><a id="Page_118"> 118</a></span>
-jalousie inquiète, ou avec une secrète joie, ses amitiés
-comme ses amours. Sa prédilection pour le prince de Marsillac
-n'avait échappé à personne, et la faveur naissante
-de ce fils du duc de La Rochefoucauld, cet ancien chef de
-la Fronde, était appuyée par la reine: tant sur le théâtre
-mouvant des cours les combinaisons de l'intérêt font
-varier rapidement les ligues et les hostilités, les ressentiments
-et les affections! Le marquis de Vardes et quelques
-autres jeunes courtisans, comme lui intimement liés
-avec le prince de Marsillac, le secondaient dans ses efforts
-pour s'assurer de plus en plus les bonnes grâces de Louis;
-mais les comtes de Soissons, de Guiche, de Villequier,
-l'abbé Fouquet, formaient, avec plusieurs autres dans la
-jeune noblesse, un parti qui lui était opposé. Mazarin
-soutenait ce parti, afin de diviser les courtisans, de les
-empêcher de se réunir contre lui, et de tenir les fils de
-leurs intrigues<a id="FNanchor_180" href="#Footnote_180" class="fnanchor">&nbsp;[180]</a>.</p>
-
-<p>Pendant la régence, Mazarin gouverna par son influence
-sur la reine. Il établit sur cette base le fondement de sa
-puissance; c'est par là qu'il parvint à triompher des parlements,
-de la cour et de la Fronde. Depuis la majorité,
-c'est par l'ascendant qu'il sut acquérir sur le jeune monarque
-qu'il assura la continuation de son autorité. Par ce
-moyen, il se rendit indépendant d'une reine qui n'était pas
-exempte de cette versatilité trop ordinaire à son sexe. Il
-est vrai qu'ainsi il mécontentait fortement celle à laquelle
-il devait son élévation, et qu'il se faisait taxer d'ingratitude
-par tous ceux qui étaient attachés à sa personne
-et reconnaissants de ses faveurs<a id="FNanchor_181" href="#Footnote_181" class="fnanchor">&nbsp;[181]</a>. Mais le rusé ministre
-savait qu'Anne d'Autriche lui avait sacrifié trop de monde
-<span class="pagenum"><a id="Page_119"> 119</a></span>
-pour pouvoir se séparer de lui; qu'elle tenait à lui par
-trop de liens pour oser même le désirer. En gouvernant
-seul et sans son appui, il flattait Louis, qui, ainsi affranchi
-de cette tutelle maternelle, ne se crut vraiment roi
-que lorsqu'il vit que son gouvernement n'était plus la
-proie des intrigues des femmes et des exigences des courtisans,
-mais qu'il reposait tout entier dans son ministre.</p>
-
-<p>Mazarin occupait sans cesse Louis des deux choses pour
-lesquelles la jeunesse se passionne le plus facilement: la
-guerre et la galanterie. Mais en flattant ainsi les penchants
-de gloire et d'amour du jeune monarque, il savait s'en
-faire estimer, et lui imprimer une haute idée de ses talents
-et de sa capacité. Bien loin, comme on l'a prétendu, de lui
-dérober le secret des affaires, il cherchait, au contraire, à
-lui faire surmonter l'ennui que toute occupation sérieuse
-cause à cet âge, où le temps semble manquer au plaisir, où
-toutes les heures qui s'écoulent sans lui semblent pénibles
-et fatigantes. Mazarin savait, d'autorité, forcer le jeune roi
-à contracter l'habitude de fixer son attention sur les détails
-de son gouvernement. Un jour, Louis XIV s'absenta à
-l'heure où le conseil se tenait. Il s'était amusé, pendant
-ce temps, à répéter avec Motteville les scènes d'un ballet
-où ils devaient jouer ensemble. Mazarin fit à ce sujet au
-roi une verte réprimande; il éloigna Motteville de la cour,
-et donna des ordres sévères à tous les jeunes courtisans
-de ne point chercher à distraire le roi lorsque son devoir
-l'appelait au conseil<a id="FNanchor_182" href="#Footnote_182" class="fnanchor">&nbsp;[182]</a>. Depuis lors, Louis XIV ne manqua
-pas d'y assister régulièrement et de prêter toute son
-attention aux affaires qui s'y traitaient.</p>
-
-<p>La conduite de Mazarin envers les autres membres de
-la famille royale ne fut pas moins adroite. Il parvint par
-<span class="pagenum"><a id="Page_120"> 120</a></span>
-ses cajoleries, ses promesses et ses négociations, à rallier
-à lui Gaston<a id="FNanchor_183" href="#Footnote_183" class="fnanchor">&nbsp;[183]</a> et <span class="small1">Mademoiselle</span><a id="FNanchor_184" href="#Footnote_184" class="fnanchor">&nbsp;[184]</a>, et à faire cesser leur correspondance
-avec Condé. Envers ce prince, son ennemi, et
-alors aussi celui de la France, Mazarin sut montrer de
-la grandeur d'âme et de la générosité. On apprit que
-Condé était tombé dangereusement malade à Bruxelles;
-Mazarin se souvint seulement que Condé était Français
-et prince du sang royal, qu'il avait rendu d'éminents
-services à son pays et à son roi; il s'empressa d'accorder
-un passeport au médecin Guenaud, pour qu'il pût
-aller donner ses soins à l'illustre malade<a id="FNanchor_185" href="#Footnote_185" class="fnanchor">&nbsp;[185]</a>. Quand on sut
-que Condé était hors de danger, Mazarin fut un des premiers
-à envoyer complimenter la duchesse de Longueville.
-Celle-ci, bien loin de favoriser, comme autrefois, la rébellion
-de son frère, ne cherchait qu'à se concilier la bienveillance
-du ministre et de la cour. Entièrement livrée à
-la plus sévère dévotion, elle entretenait une correspondance
-active avec plusieurs religieuses du couvent des Carmélites,
-et entre autres avec mademoiselle du Vigean, célèbre
-par la passion qu'elle avait inspirée à Condé et à
-Saint-Mégrin. Madame de Longueville eût voulu, à l'imitation
-de cette amie, consacrer le reste de sa vie à la
-retraite; mais ses directeurs spirituels ne le lui permirent
-pas, et lui rappelèrent que ses devoirs marquaient sa place
-près de son mari, avec lequel il fallait qu'elle se réconciliât.
-<span class="pagenum"><a id="Page_121"> 121</a></span>
-C'était peut-être la plus rigoureuse pénitence qu'ils
-pussent lui imposer; elle la subit cependant, obtint du
-duc de Longueville le pardon de ses nombreuses offenses,
-ne le quitta plus, et se montra désormais soumise à ses
-moindres volontés<a id="FNanchor_186" href="#Footnote_186" class="fnanchor">&nbsp;[186]</a>.</p>
-
-<p>Soit qu'il fût encore, dans le bien comme dans le mal,
-soumis à l'influence de sa s&oelig;ur, soit qu'il fût converti par
-les vertus de sa femme, soit enfin que l'âge eût amorti
-en lui le feu des passions et lui eût inspiré d'autres pensées,
-soit enfin par toutes ces causes réunies, le prince
-de Conti devint aussi régulier dans sa conduite, aussi
-pieux dans ses sentiments, qu'il s'était précédemment
-montré déréglé<a id="FNanchor_187" href="#Footnote_187" class="fnanchor">&nbsp;[187]</a>.</p>
-
-<p>La duchesse de Chevreuse et la princesse Palatine
-étaient depuis longtemps dévouées au premier ministre<a id="FNanchor_188" href="#Footnote_188" class="fnanchor">&nbsp;[188]</a>.
-Le duc de Beaufort fut de tous les chefs de la Fronde
-un de ceux qu'on eut le plus de peine à réduire au rôle
-de suppliant; cependant il s'y résolut, et rentra aussi en
-grâces: bientôt après il reçut de l'emploi et un commandement<a id="FNanchor_189" href="#Footnote_189" class="fnanchor">&nbsp;[189]</a>.</p>
-
-<p>Ainsi Mazarin ne rencontrait plus d'obstacles à l'intérieur.
-Les partisans du cardinal de Retz, Caumartin,
-d'Hacqueville, Joly, Laigues, d'Aubigny, Pelletier de la
-Houssaye, l'abbé de Lameth, Montrésor et autres, étaient
-trop peu nombreux, trop peu puissants pour former un
-parti; et Mazarin n'aurait fait aucune attention à eux,
-<span class="pagenum"><a id="Page_122"> 122</a></span>
-s'ils n'avaient pas été, en secret, aidés par les jansénistes.
-Par cette raison, il les surveillait de près, et faisait enfermer
-de temps en temps quelques-uns de ces opposants
-à la Bastille<a id="FNanchor_190" href="#Footnote_190" class="fnanchor">&nbsp;[190]</a>.</p>
-
-<p>C'est en quelque sorte en se jouant que Mazarin était
-parvenu à déconcerter toutes les intrigues qu'on avait ourdies
-pour le renverser ou pour entraver l'exercice de son
-pouvoir; mais les difficultés du gouvernement et la politique
-extérieure demandaient une vue plus vaste et des talents
-d'un ordre plus élevé. C'est sous ce rapport surtout
-que Mazarin se montra grand ministre. Continuant toujours
-l'&oelig;uvre de Henri IV et de Richelieu, il cherchait à affaiblir
-la puissance de la maison d'Autriche. Tous les
-moyens qui conduisaient à ce but lui paraissaient bons et
-légitimes. C'est ainsi qu'on le vit se lier avec Cromwell et
-conclure avec lui un traité. Étranger à toutes les haines
-comme à toutes les affections, Mazarin ne connaissait plus
-ni sentiment ni convenance quand la raison politique ordonnait.
-Là où il trouvait des forces, il cherchait à s'en
-saisir, quelle que fût leur origine ou leur cause. Il ne
-craignit pas de froisser tous les c&oelig;urs, de choquer les
-royales répugnances, pour arriver à ses fins; et, sur la demande
-de l'usurpateur, le roi et les princes d'Angleterre
-furent expulsés de France; la reine d'Angleterre, comme
-fille de Henri IV, eut seule la permission d'y rester<a id="FNanchor_191" href="#Footnote_191" class="fnanchor">&nbsp;[191]</a>.
-Mazarin obtint aussi de Cromwell un renfort de six mille
-hommes, qui contribuèrent au succès de la campagne de
-<span class="pagenum"><a id="Page_123"> 123</a></span>
-cette année, signalée par la prise de Montmédy, de Mardick
-et de Saint-Venant<a id="FNanchor_192" href="#Footnote_192" class="fnanchor">&nbsp;[192]</a>.</p>
-
-<p>Lors de la diète qui fut tenue à Francfort pour l'élection
-d'un empereur, Mazarin parvint à faire admettre les
-plénipotentiaires du roi de France, qui n'avait aucun
-droit d'y assister<a id="FNanchor_193" href="#Footnote_193" class="fnanchor">&nbsp;[193]</a>. L'or et l'intrigue semèrent des divisions
-dans toute l'Allemagne, obtinrent des alliés pour la
-France, créèrent des ennemis à l'Autriche. Toujours
-Mazarin joignait les négociations aux armées, et l'adresse
-à la force. La guerre se poursuivait avec activité dans les
-Pays-Bas, en Italie, en Catalogne<a id="FNanchor_194" href="#Footnote_194" class="fnanchor">&nbsp;[194]</a>, tandis que des plénipotentiaires
-français en Hollande, à Madrid, à Bruxelles,
-à Munich, travaillaient à négocier la paix, mais toujours
-sous des conditions avantageuses à la France<a id="FNanchor_195" href="#Footnote_195" class="fnanchor">&nbsp;[195]</a>.</p>
-
-<p>Malgré les succès constants de Turenne, la France
-souffrait aussi par la guerre, et n'avait pas assez de troupes
-sur pied pour se garantir des fléaux qu'elle infligeait
-aux pays ennemis. Les Espagnols s'étaient rendus maîtres
-de Rocroi, dont la garnison, commandée par l'intrépide
-Montalte, menaçait Reims, et détachait souvent des partisans.
-Ceux-ci, pour obtenir de grosses rançons, enlevaient
-des riches bourgeois dans toute la Champagne, et même
-<span class="pagenum"><a id="Page_124"> 124</a></span>
-s'avançaient jusque près de la capitale. Leur audace s'accrut
-au point que les habitants de Reims se virent obligés
-de s'armer pour défendre leur ville contre le pillage, et
-que le maréchal de l'Hôpital, gouverneur de Paris, fit
-faire des patrouilles dans la banlieue, pour arrêter ou
-effrayer ces hardis maraudeurs<a id="FNanchor_196" href="#Footnote_196" class="fnanchor">&nbsp;[196]</a>.</p>
-
-<p>Un jeune poëte de Château-Thierry, alors sans réputation,
-mais non pas sans talent (c'était La Fontaine), avait
-été invité par une abbesse de Mons à venir la trouver: il
-s'en excusa par le peu de sûreté de la route, et par la crainte
-que lui inspiraient Montalte et ses soldats. L'épître en
-vers qu'il lui adressa à ce sujet surpassait par l'esprit, la
-grâce, la facilité, l'harmonie, les meilleures lettres de
-Voiture. La Fontaine en fit la lecture chez le surintendant
-Fouquet, dont il était le pensionnaire, en présence d'un
-assez nombreux auditoire. Madame de Sévigné en faisait
-partie: elle fut charmée de cette pièce; elle exprima le
-plaisir qu'elle en ressentait, avec cet abandon et ce ton de
-franchise qui lui étaient ordinaires. La Fontaine, joyeux
-d'un tel suffrage, adressa deux jours après un dizain à
-Fouquet, dans lequel il lui dit<a id="FNanchor_197" href="#Footnote_197" class="fnanchor">&nbsp;[197]</a>:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>De Sévigné, depuis deux jours en çà,</p>
-<p>Ma lettre tient les trois parts de sa gloire,</p>
-<p>Elle lui plut, et cela se passa,</p>
-<p>Phébus tenant chez vous son consistoire.</p>
-<p>Entre les dieux (et c'est chose notoire),</p>
-<p>En me louant, Sévigné me plaça.</p>
-<p>Ingrat ne suis: son nom sera pieçà<a id="FNanchor_198" href="#Footnote_198" class="fnanchor">&nbsp;[198]</a></p>
-<p>Delà le ciel, si l'on m'en voulait croire.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_125"> 125</a></span>
-Nous dirons bientôt de quelle manière Fouquet était
-parvenu à s'emparer de l'administration des finances, et
-comment il s'était acquis une puissance qui commençait
-à porter ombrage au premier ministre. Il le surpassait par
-l'éclat de son luxe et par sa magnificence. Plus généreux
-que lui, plus homme de goût, meilleur juge en littérature,
-appréciateur plus éclairé des beaux-arts, il récompensait
-les auteurs et les artistes avec plus de discernement et plus
-de libéralité; ce qui était encore préférable, il s'en faisait
-aimer par son accueil affectueux, par la franchise, la
-simplicité et l'affabilité de ses manières. Il avait achevé
-avec une énorme dépense le beau château de Vaux-le-Vicomte,
-près de Melun. L'architecte du roi Le Vau avait
-construit les bâtiments, le peintre Lebrun les avait ornés,
-Le Nostre avait dessiné et planté les jardins et le parc<a id="FNanchor_199" href="#Footnote_199" class="fnanchor">&nbsp;[199]</a>.
-C'est dans ce somptueux séjour que Fouquet se plaisait à
-réunir, avec ce qu'il y avait de plus aimable et de plus considérable
-en France, les hommes de lettres en réputation
-et ceux dont la réputation était à faire. Chapelain, Ménage,
-Costar, la comtesse de La Suze, mademoiselle de Scudéry,
-s'y trouvaient souvent ensemble; La Fontaine y était admis
-depuis longtemps; Molière commençait à y paraître, en
-même temps qu'il venait d'obtenir pour sa troupe la permission
-de jouer à Paris. L'avocat Pellisson, qui joignait
-le génie des affaires à celui des lettres, premier commis
-de Fouquet, était son intermédiaire avec les beaux esprits.
-Pellisson s'était déclaré l'amant de mademoiselle de Scudéry,
-mais à la manière poétique de l'hôtel de Rambouillet.
-C'est là qu'on lui avait donné le nom d'Acante, et à
-<span class="pagenum"><a id="Page_126"> 126</a></span>
-elle celui de Sapho. L'admiration que mademoiselle de
-Scudéry excitait alors était grande. Un de ses contemporains
-dit qu'elle est la dixième Muse et aussi la première.
-La publication d'un nouveau volume d'un de ses interminables
-romans était un événement. Thomas Corneille,
-pour mieux recommander une de ses pièces à l'attention
-publique, a soin d'annoncer qu'elle est une imitation d'un
-des ouvrages de mademoiselle de Scudéry. On n'a pas
-assez remarqué, ce me semble, que les romans ont toujours
-exercé une grande influence sur le théâtre et la poésie.
-Le roman signale et détermine le caractère spécial de
-la littérature de chaque époque. Dans ce genre, plus que
-dans tous les autres, les auteurs originaux sont rares, les
-imitateurs abondent; par le grand nombre même de productions
-qu'il enfante et la multitude de lecteurs qu'il
-s'attire, il met en circulation les mêmes classes d'idées et
-de sentiments, donne du crédit à des manières particulières
-de voir et de sentir, introduit l'usage des mêmes
-formes de style, imprime au goût ses habitudes, impose à
-l'imagination ses préférences; il crée, enfin, une sorte
-d'atmosphère dans la littérature et dans les arts, dont le
-génie le plus puissant et le plus indépendant subit l'influence,
-et contre laquelle la froide critique cherche en
-vain à se débattre.</p>
-
-<p>Fouquet donnait à Vaux les fêtes les plus somptueuses
-que l'on eût encore vues en France. Madame de Sévigné
-allait souvent à Vaux. C'est à Vaux que la belle épouse
-du burlesque Scarron, sans aucune idée de la destinée
-qui l'attendait, demandait à madame Fouquet la permission
-de se rendre, «pour témoigner, disait-elle, sa reconnaissance
-au héros qui en était le maître; osant espérer
-qu'on ne la trouverait pas de trop dans ces allées où
-<span class="pagenum"><a id="Page_127"> 127</a></span>
-l'on pense avec tant de raison, où l'on badine avec tant
-de grâce<a id="FNanchor_200" href="#Footnote_200" class="fnanchor">&nbsp;[200]</a>.»</p>
-
-<p>Mais madame de Sévigné se déroba aux délices de
-Vaux et de Livry, aux fêtes de la cour, aux charmes
-des beaux cercles de la capitale, pour se rendre en Bretagne,
-où sa présence était nécessaire au règlement de
-ses affaires et aux embellissements qu'elle avait projetés
-au château et au parc de sa terre des Rochers.</p>
-
-<p>Cependant elle ne partit point seule: elle fut suivie ou
-accompagnée par ses deux oncles, le <i>bien bon</i> Christophe
-de Coulanges, abbé de Livry, et par son frère cadet, Charles
-de Coulanges, seigneur de Saint-Aubin, homme excellent,
-très-pieux, mais cependant naturellement jovial, grand
-joueur de mail, sans ambition, sans intrigues, et qui s'acquit,
-par son caractère et par les qualités de son c&oelig;ur et
-de son esprit, beaucoup d'amis, même dans les rangs les
-plus élevés. Il les conserva toute sa vie, quoiqu'en devenant
-âgé, il eût, pour satisfaire ses habitudes et ses inclinations,
-choqué les convenances du monde par un mariage
-inégal<a id="FNanchor_201" href="#Footnote_201" class="fnanchor">&nbsp;[201]</a>. Saint-Aubin, comme l'abbé de Coulanges, aidait
-madame de Sévigné dans l'administration de ses biens, et
-dans tous les travaux qu'elle faisait entreprendre à sa
-terre des Rochers. Aussi attaché que son frère à l'aimable
-veuve, il l'assistait de ses conseils, et elle lui abandonnait
-volontiers le soin de leur exécution. Saint-Aubin,
-comme sa nièce, aimait les bons livres, et était d'une
-<span class="pagenum"><a id="Page_128"> 128</a></span>
-complaisance infatigable quand elle lui demandait de lui
-faire des lectures.</p>
-
-<p>A ces deux oncles de madame de Sévigné vint se joindre
-bientôt un troisième: c'était Louis de Coulanges
-de Chezières<a id="FNanchor_202" href="#Footnote_202" class="fnanchor">&nbsp;[202]</a>. Celui-ci était depuis peu de retour d'un
-grand voyage qu'il avait fait en compagnie avec son
-neveu Philippe-Emmanuel de Coulanges, ce même petit
-Coulanges avec lequel madame de Sévigné avait passé
-son enfance au château de Sucy<a id="FNanchor_203" href="#Footnote_203" class="fnanchor">&nbsp;[203]</a>. Lui et de Chezières
-s'étaient mis à la suite du maréchal duc de Gramont et
-de M. de Lyonne, envoyés en ambassade à Francfort-sur-le-Mein,
-auprès des électeurs, qui y avaient été convoqués
-pour nommer un empereur. Ils avaient, en compagnie de
-Nointel, d'Amelot, de Le Camus, qui depuis devinrent
-de hauts personnages, parcouru l'Allemagne et l'Italie.
-Successivement bien accueillis à la cour de Bavière, à
-celle de Wurtemberg, de l'électeur Palatin, de Piémont,
-de Toscane, ils avaient vu à Rome le nouveau pape officier
-pendant la semaine sainte, et ils étaient de retour à
-Paris le 23 octobre 1658. Coulanges alla aussitôt en
-Picardie voir son oncle d'Ormesson, qui était intendant
-de cette province; il rejoignit ensuite son père à la campagne,
-chez la marquise de La Trousse, sa tante, dans la
-terre de ce nom. Il retrouva là aussi sa tante, ses deux
-s&oelig;urs, et sa cousine mademoiselle de La Trousse. Son oncle
-de Chezières l'avait quitté, et s'était empressé, ainsi que
-je l'ai dit, de se rendre aux Rochers<a id="FNanchor_204" href="#Footnote_204" class="fnanchor">&nbsp;[204]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_129"> 129</a></span>
-On peut juger combien madame de Sévigné dut être satisfaite
-de l'arrivée de cet oncle, qu'elle aimait à l'égal des
-deux autres. Après un voyage aussi long et aussi intéressant,
-sa conversation dut être d'autant plus délicieuse pour
-elle pendant les jours d'oisiveté qui permettent à la campagne
-de jouir du présent et de faire une pose dans la
-vie, que de Chezières était un homme ponctuel dans ses
-narrations, retenant avec soin les dates, les noms et les circonstances,
-et toujours prêt à redresser les faits et à les
-expliquer. Il aimait beaucoup le séjour des Rochers, probablement
-à cause de l'amitié qu'il portait à sa nièce; et
-il y revenait volontiers et souvent<a id="FNanchor_205" href="#Footnote_205" class="fnanchor">&nbsp;[205]</a>.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné se plaisait tant dans la société de
-ses trois oncles, qu'elle ne quitta les Rochers qu'à la fin de
-l'année et dans les derniers jours de septembre. Elle retrouva
-à Paris son cousin de Coulanges, son ami d'enfance.
-Mais il faut le laisser parler, et copier ce qu'il a
-dit lui-même dans son journal aussitôt après son retour:</p>
-
-<p>«Vers Noël, madame la marquise de Sévigné, ma cousine
-germaine, dame d'un mérite extraordinaire, et pour
-laquelle j'ai eu toute ma vie une très-tendre amitié,
-arriva de ses terres de Bretagne avec l'abbé de Coulanges,
-M. de Chezières, qui l'était allé trouver après son
-retour d'Allemagne, et M. de Saint-Aubin, ses oncles et
-les miens. J'eus la plus grande joie du monde de les embrasser
-tous, et de voir, par leur arrivée, toute ma famille
-paternelle réunie pour longtemps<a id="FNanchor_206" href="#Footnote_206" class="fnanchor">&nbsp;[206]</a>.»</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_130"> 130</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE XI.<br />
-<span class="medium">1657-1658.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Bussy poursuit son plan auprès de sa cousine.&mdash;Il savait apprécier
-son style.&mdash;Il aimait à exercer sa critique sur les auteurs les plus
-fameux.&mdash;Il se plaisait à faire confidence à sa cousine de ses intrigues
-galantes.&mdash;Lettres de Bussy à madame de Sévigné.&mdash;Ce qu'il
-a écrit à la marquise d'Uxelles.&mdash;Rupture entre Bussy et madame
-de Sévigné.&mdash;Bussy déplaît à Turenne.&mdash;Il fait sa cour à Mazarin
-et à Fouquet.&mdash;Sa galanterie lui fait des rivaux et des ennemis.&mdash;Il
-contracte des dettes.&mdash;Il remet à Fouquet la démission de sa charge.&mdash;Bussy
-reçoit de l'argent de Fouquet.&mdash;Bussy s'adonne au jeu.&mdash;Il
-a besoin d'argent pour ses équipages de campagne.&mdash;Madame
-de Sévigné consent à lui en prêter.&mdash;Des formalités empêchent la
-délivrance de la somme.&mdash;Bussy emprunte sur les diamants de madame
-de Monglat.&mdash;Il part furieux contre madame de Sévigné.&mdash;Ses
-malheurs datent de sa rupture avec elle.&mdash;Il se distingue à
-l'armée.&mdash;Il fait pendant la semaine sainte une partie de débauche
-au château de Roissy.&mdash;Bussy est disgracié pour cette
-orgie.&mdash;Il fait des vers contre Mazarin et des personnes de la cour.&mdash;Il
-compose son <i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, et y place le
-portrait de madame de Sévigné.&mdash;Il est mis à la Bastille pour ce
-libelle.&mdash;Supporte mal l'infortune.&mdash;Comment se passa la fin de
-sa vie.&mdash;Personne ne l'aimait, hors madame de Sévigné.&mdash;Cependant
-le souvenir de l'injure qu'il lui a faite excite toujours ses
-craintes.&mdash;Bussy se repent de ce qu'il a fait contre sa cousine.&mdash;Dans
-une circonstance mémorable il se conduit à son égard avec
-générosité.</p>
-
-<p class="space">Bussy se flattait peu, après une aussi longue résistance,
-de pouvoir triompher de sa cousine; mais il goûtait
-de jour en jour davantage le commerce épistolaire
-qu'il entretenait avec elle. Homme de goût et d'esprit, il
-se vantait avec quelque raison de son tact en littérature
-<span class="pagenum"><a id="Page_131"> 131</a></span>
-et de l'indépendance de ses jugements. Chapelain, dont la
-haute réputation avait résisté même à la publication de
-son poëme, n'était pas à l'abri de ses critiques. Bussy
-appréciait parfaitement le naturel, l'élégance, la variété
-et la vivacité des tours et toutes les qualités du style de
-sa cousine. Il en était charmé, et ses lettres lui causaient
-un plaisir toujours nouveau. D'ailleurs, il avait la plus
-entière confiance dans sa prudence et dans sa discrétion.
-Obligé de se soumettre à la défense qu'elle lui avait faite
-de ne jamais dans sa correspondance l'entretenir de son
-amour, il s'en dédommageait en lui faisant confidence de
-ses intrigues galantes avec d'autres femmes. Dans une
-lettre qu'il lui adressa pendant cette campagne, il lui fait
-part de sa correspondance avec la marquise d'Uxelles:</p>
-
-<p class="letter">LETTRE DE BUSSY A MADAME DE SÉVIGNÉ.</p>
-
-<p class="dater">«Au camp de Blessy, le 4 août 1657.</p>
-
-<p>«Votre lettre est fort agréable, ma belle cousine; elle
-m'a fort réjoui. Qu'on est heureux d'avoir une amie qui
-ait autant d'esprit que vous! Je ne vois rien de si juste
-que ce que vous écrivez, et l'on ne peut pas vous dire: Ce
-mot-là serait plus à propos que celui que vous avez mis.
-Quelque complaisance que je vous doive, madame, vous
-savez que je vous parle assez franchement pour ne pas
-vous dire ceci si je ne le pensais pas; et vous ne doutez
-pas que je ne m'y connaisse un peu, puisque j'ose bien
-juger des ouvrages de Chapelain<a id="FNanchor_207" href="#Footnote_207" class="fnanchor">&nbsp;[207]</a>, et que je censure assez
-justement ses pensées et ses paroles. Je vous envoie copie
-de la lettre que j'ai écrite à la marquise d'Uxelles. Elle me
-mande que si j'aime les grands yeux et les dents blanches,
-<span class="pagenum"><a id="Page_132"> 132</a></span>
-elle aime, de son côté, les gens tendres et les amoureux
-transis, et que ne me trouvant pas comme cela, je me
-tienne pour éconduit. Elle revient après; et sur ce que je
-lui mande que je la quitterai si elle me rebute, et qu'à
-moins de se déguiser en maréchale pour me surprendre,
-elle ne m'y rattrapera plus, elle me répond que je ne me
-désespère point, et qu'elle me promet de se donner à moi
-quand elle sera parvenue à la dignité pour laquelle, à ce
-qu'elle dit, on la mange jusqu'aux os; que mon poulet ne
-pouvait lui être rendu plus mal à propos, et que, n'ayant
-pas un denier, elle était dans la plus méchante humeur
-du monde<a id="FNanchor_208" href="#Footnote_208" class="fnanchor">&nbsp;[208]</a>.»</p>
-
-<p>On voit, par les particularités contenues dans cette
-lettre, qu'il existait entre Bussy et sa cousine tous les
-genres d'intimité, excepté celui qu'elle repoussait, et qui
-n'eût point été compatible avec de tels aveux. Cependant,
-c'est alors que leur liaison semblait la plus étroite, c'est
-lorsque leur amitié mutuelle s'était accrue par l'habitude
-de se communiquer leurs pensées, qu'il y eut entre eux
-une rupture absolue. L'outrage qui en fut la suite aurait
-pu rendre cette rupture définitive, si l'excellent caractère
-de madame de Sévigné, la bonté de son c&oelig;ur, le repentir
-sincère de Bussy, sa noble conduite dans une circonstance
-délicate, un orgueil de famille assez prononcé dans le
-cousin comme dans la cousine, les inclinations qu'ils
-avaient toujours eues l'un pour l'autre, n'eussent, après
-huit ans d'intervalle, opéré entre eux un rapprochement
-sincère, et renoué enfin une correspondance depuis longtemps
-interrompue.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_133"> 133</a></span>
-Mais pour bien connaître la cause de cette rupture, qui
-eut peut-être plus d'influence sur la destinée de madame
-de Sévigné qu'elle-même ne le soupçonna, il faut continuer
-à suivre les principaux détails de la vie de Bussy,
-comme nous l'avons fait jusque ici.</p>
-
-<p>Bussy dès les premiers moments qu'il fut placé sous
-les ordres du maréchal de Turenne, lui avait déplu<a id="FNanchor_209" href="#Footnote_209" class="fnanchor">&nbsp;[209]</a>:
-Bussy cependant avait un courage brillant; il était bon
-officier, entendait bien la guerre, et fit plusieurs actions
-d'éclat qui lui méritèrent les éloges de Turenne lui-même;
-mais Bussy faisait souvent des fautes par un
-excès de présomption. Il était vain et arrogant, et il
-aimait trop ses plaisirs pour ne pas souvent négliger ses
-devoirs<a id="FNanchor_210" href="#Footnote_210" class="fnanchor">&nbsp;[210]</a>. Son esprit médisant et caustique dirigeait sur
-tout le monde, et sur ses supérieurs même, des traits
-acérés<a id="FNanchor_211" href="#Footnote_211" class="fnanchor">&nbsp;[211]</a>. Trop jaloux des priviléges de sa charge, il faisait
-de son plein gré des promotions dans la cavalerie, et
-délivrait des commissions d'officier sans en référer au
-général en chef<a id="FNanchor_212" href="#Footnote_212" class="fnanchor">&nbsp;[212]</a>. Il en avait le droit; mais dans l'exercice
-de l'autorité il faut moins consulter son droit que l'intérêt
-de la chose qui nous a été confiée, et le jugement nous
-indique quand il faut aller au delà de nos pouvoirs et
-quand il faut rester en deçà. Le privilége dont Bussy
-abusait était de nature à déplaire à tout général en chef,
-même en temps de paix; en guerre il était évidemment
-<span class="pagenum"><a id="Page_134"> 134</a></span>
-nuisible au bien du service, et il entraînait de fâcheuses
-conséquences.</p>
-
-<p>Malgré son orgueil, Bussy faisait assidûment sa cour à
-Mazarin et à Fouquet, dans l'espérance d'obtenir de l'avancement
-du premier et de l'argent du second<a id="FNanchor_213" href="#Footnote_213" class="fnanchor">&nbsp;[213]</a>; or, rien
-n'était plus propre qu'une telle conduite à lui enlever l'estime
-de Turenne. Ce grand capitaine se prévalait de l'appui
-qu'il prêtait à l'État pour se maintenir dans une
-indépendance utile aux succès de ses opérations; il lui
-importait peu de déplaire au premier ministre: parfaitement
-désintéressé, il n'avait ni richesses ni faveurs à demander,
-et la nécessité de la discipline le portait à vouloir
-que les officiers sous ses ordres dépendissent de lui et non
-de Mazarin. Bussy, malgré ses pressantes sollicitations,
-n'obtenait point l'exécution des promesses qui lui avaient
-été faites. Il attribuait le défaut de succès de ses démarches
-au peu de crédit dont il jouissait près de Turenne, et
-il ne se trompait pas. Quoique Mazarin fût jaloux de Turenne,
-il lui rendait justice; il savait apprécier ses services
-et ses talents, et il le ménageait. Si Bussy avait pu obtenir
-l'appui de ce grand capitaine, Mazarin n'aurait pas osé
-lui manquer si souvent de parole.</p>
-
-<p>A tous ces mécomptes de l'ambition Bussy joignait une
-conduite propre à lui faire beaucoup d'ennemis: il ne se
-contentait pas d'une seule maîtresse, mais toutes les femmes
-qui lui plaisaient devenaient les objets de ses poursuites;
-et comme il réussissait souvent, il avait contre
-lui beaucoup d'envieux et de jaloux et un plus grand
-nombre de rivaux. Ce qu'il y avait pour lui de plus triste
-et de plus désastreux, c'est qu'il n'avait ni ordre dans ses
-<span class="pagenum"><a id="Page_135"> 135</a></span>
-affaires ni économie dans ses dépenses; son faste, son
-goût pour les plaisirs lui en faisaient faire d'excessives, et
-de très-disproportionnées à sa fortune. Les sommes qu'il
-avait empruntées au surintendant pour payer sa charge
-eussent exigé de lui qu'il fît des épargnes, afin de pouvoir
-en opérer le remboursement et en servir les intérêts; mais,
-bien loin de pouvoir y parvenir, il avait contracté de nouvelles
-dettes. Dans son marché avec Fouquet, il s'était engagé
-d'obtenir avant trois ans un grade supérieur à celui
-de mestre de camp dans la cavalerie<a id="FNanchor_214" href="#Footnote_214" class="fnanchor">&nbsp;[214]</a>, et de céder cette
-dernière charge au surintendant, qui voulait la faire passer
-dans sa famille. Pour sûreté de cette condition, Bussy
-avait remis d'avance à Fouquet la démission de sa charge;
-mais comme Bussy ne put obtenir d'avancement dans les
-délais déterminés, Fouquet refusa de lui compter les sommes
-stipulées en cas d'exécution de cette clause de leur
-contrat. Bussy voulut alors ravoir la démission souscrite
-par lui: pour forcer le surintendant à la lui rendre, il se
-servit de l'influence de l'abbé Fouquet, alors brouillé avec
-son frère, mais en grande faveur auprès de la reine mère
-et de Mazarin. Par le moyen d'une si puissante intervention,
-Bussy parvint à se faire rendre la démission qu'il
-avait donnée; mais il s'attira l'inimitié du surintendant<a id="FNanchor_215" href="#Footnote_215" class="fnanchor">&nbsp;[215]</a>.</p>
-
-<p>Pour qu'aucun travers, aucune cause de ruine ne manquât
-à Bussy, il était joueur: il est vrai que, si on l'en
-croit, il était heureux au jeu. Cependant il y a lieu de penser
-qu'il aimait à se vanter de ce qu'il gagnait, et se taisait
-sur ses pertes. Il fait mention dans ses Mémoires des
-<span class="pagenum"><a id="Page_136"> 136</a></span>
-gains considérables qu'il fit pendant qu'il était à l'armée
-de Catalogne. Ils lui suffirent pour défrayer toutes ses dépenses
-pendant cette campagne; il lui resta même encore
-dix mille écus sur cet argent<a id="FNanchor_216" href="#Footnote_216" class="fnanchor">&nbsp;[216]</a>. Dans la lettre à sa cousine
-dont nous venons de transcrire une partie, il dit qu'il a
-gagné huit cents louis<a id="FNanchor_217" href="#Footnote_217" class="fnanchor">&nbsp;[217]</a>, et qu'il est tellement en veine,
-que personne n'ose plus jouer avec lui. Cependant, lorsque
-l'année suivante le moment vint de partir pour l'armée,
-il se trouva dans une telle détresse qu'il n'avait pas
-de quoi suffire à la dépense de ses équipages<a id="FNanchor_218" href="#Footnote_218" class="fnanchor">&nbsp;[218]</a>, et si peu
-de crédit, que personne ne voulait lui prêter<a id="FNanchor_219" href="#Footnote_219" class="fnanchor">&nbsp;[219]</a>. Il ne savait
-comment se tirer d'embarras, lorsque l'évêque de Châlons,
-Jacques de Neuchèse, oncle de sa première femme, dont
-nous avons parlé précédemment<a id="FNanchor_220" href="#Footnote_220" class="fnanchor">&nbsp;[220]</a>, mourut. Cet évêque
-avait donné par contrat de mariage à sa nièce, lorsqu'elle
-épousa Bussy, une valeur de dix mille écus, et autant à
-son autre nièce madame de Sévigné; le tout était payable
-seulement après sa mort. Madame de Sévigné, qui désirait
-avoir une terre de l'évêque de Châlons rapprochée de
-Bourbilly, avait proposé à Bussy de traiter avec lui de
-ses droits dans la succession de leur oncle. Bussy, sans
-rejeter ni accepter cette proposition, mais uniquement occupé
-du soin de se tirer de la gêne où il était, envoya
-Corbinelli à sa cousine, pour lui demander en son nom
-<span class="pagenum"><a id="Page_137"> 137</a></span>
-de lui faire trouver dix mille écus: il lui offrit pour garantie
-le nouvel héritage auquel il avait droit. Madame
-de Sévigné accepta, et même elle témoigna sa joie de pouvoir
-obliger Bussy; mais elle se laissait gouverner entièrement
-pour ses intérêts pécuniaires par son oncle l'abbé
-de Coulanges; et là où elle n'avait pas vu de difficultés il
-en aperçut. L'abbé connaissait le désordre des affaires de
-Bussy, et avant de laisser grever les biens de sa nièce
-pour une somme de dix mille écus, qui valaient à peu
-près 60,000 fr. d'aujourd'hui, il voulut savoir si les biens
-de Bussy n'étaient pas déjà engagés, et s'assurer quels
-pouvaient être ses moyens de remboursement. Il envoya
-quelqu'un en Bourgogne pour prendre des informations;
-et pour déguiser ce que cette mesure avait d'offensant,
-l'abbé de Coulanges dit qu'on ne pouvait disposer des fonds
-d'une succession qui n'était pas encore partagée; et que
-par conséquent il y avait nécessité d'aller trouver l'héritier
-de M. de Neuchèse, pour s'assurer de son consentement
-relativement à l'hypothèque offerte par Bussy. Madame
-de Sévigné fit savoir à Bussy les raisons du retard du
-prêt qu'elle devait lui faire. Bussy répondit qu'il lui
-était impossible d'attendre, parce que l'armée avait déjà
-investi Dunkerque, et que s'il ne se trouvait pas à ce
-siége, il serait déshonoré: il lui offrit pour sûreté de la
-somme qu'il demandait, en attendant le retour de l'homme
-d'affaires envoyé en Bourgogne, des ordonnances de ses
-appointements pour dix mille écus, disant que, lors même
-qu'il mourrait à l'armée, il serait facile de se faire payer
-du montant de ces ordonnances jusqu'à concurrence de la
-somme prêtée, puisque cela ne dépendait que de Fouquet,
-dont la bonne volonté à l'égard de sa cousine n'était pas
-douteuse. Madame de Sévigné répondit que le surintendant
-<span class="pagenum"><a id="Page_138"> 138</a></span>
-était précisément l'homme du monde auquel
-elle consentirait le moins à demander un service d'argent.</p>
-
-<p>Cette correspondance et ces négociations avaient consumé
-du temps, et n'avaient fait qu'augmenter la détresse
-de Bussy, qui était arrivé à la veille du jour de son départ.
-La marquise de Monglat vint à son secours; elle lui
-remit ses diamants, qu'il mit en gage; il emprunta dessus
-deux mille écus: avec cet argent il partit, mais le c&oelig;ur
-ulcéré contre sa cousine, se croyant trompé par elle, et
-regardant comme fausses toutes les protestations qu'il en
-avait reçues, comme perfides tous les témoignages de tendresse
-et d'amitié qu'elle lui avait donnés. Quoiqu'il ne
-pût s'empêcher de l'aimer encore, il rompit tout commerce
-avec elle. Le dépit et l'orgueil blessé lui inspirèrent le
-même désir de vengeance que la haine, et il ne tarda pas,
-comme nous le verrons bientôt, à se satisfaire. C'est de
-cette époque que datent le déclin de la fortune de Bussy
-et tous ses malheurs. Si sa rupture avec sa cousine n'en
-fut pas la seule cause, il est certain qu'elle y contribua
-beaucoup. C'est depuis qu'il eut cessé d'avoir madame de
-Sévigné pour confidente et pour amie, depuis qu'il n'eut
-plus la crainte d'être désapprouvé par elle, depuis qu'il ne
-redouta point ses spirituelles et utiles railleries, et qu'il ne
-fut plus encouragé par ses éloges ni éclairé par ses conseils,
-qu'il passa de la prodigalité au désordre, et de la
-galanterie à la débauche.</p>
-
-<p>Au retour de cette campagne, qui fut une des plus brillantes
-et une des plus importantes par ses résultats, toute
-la jeune noblesse qui en était revenue, enivrée de ses succès
-et de la gloire commune, se livra avec plus d'emportement
-que de coutume aux plaisirs de la capitale. Bussy,
-<span class="pagenum"><a id="Page_139"> 139</a></span>
-qui s'était distingué par de beaux faits d'armes, fut un
-des plus ardents à se dédommager des ennuis et des fatigues
-de la guerre, par toutes les joyeuses folies auxquelles
-l'usage permettait de s'abandonner pendant le carnaval.
-Lui et ses compagnons habituels virent avec peine arriver
-le moment où les solennités de la semaine sainte les forceraient
-d'interrompre et de changer leur genre de vie: en le
-continuant ouvertement, ils savaient qu'ils révolteraient
-les sentiments de morale publique et s'exposeraient à des
-dangers. Vivonne, premier gentil-homme du roi, l'un
-d'entre eux, leur offrit d'aller passer ce temps de retraite et
-de pénitence à son château de Roissy, à quatre lieues de
-Paris, leur promettant que, loin de l'intrusion des fâcheux
-et des regards de tous les censeurs, ils auraient pleine liberté
-pour se réjouir et abondance de tous les moyens
-nécessaires à la satisfaction de leurs goûts. Outre Vivonne
-et Bussy, il y avait, dans le nombre de ces jeunes débauchés,
-Cavois, lieutenant au régiment des Gardes; Mancini,
-neveu du cardinal Mazarin; les comtes de Guiche et de
-Manicamp et l'abbé Le Camus, qu'on est bien étonné de
-trouver en telle compagnie, car c'est bien le même qui
-depuis, aumônier et prédicateur du roi, évêque et cardinal,
-devint un modèle de vertu, de piété et d'humilité
-chrétienne<a id="FNanchor_221" href="#Footnote_221" class="fnanchor">&nbsp;[221]</a>. En se rendant au château qui devait être le
-théâtre de leurs orgies, ces jeunes écervelés arrêtèrent en
-route un procureur nommé Chantereau; ils l'emmenèrent
-<span class="pagenum"><a id="Page_140"> 140</a></span>
-prisonnier, puis, après l'avoir enivré et s'en être divertis,
-ils le renvoyèrent. Ils se mirent ensuite à jouer gros jeu;
-puis après ils firent venir des violons. Le jour suivant, ou
-plutôt la nuit suivante, qui était celle du samedi au dimanche,
-ils firent ce qu'on appelait alors <i>media noche</i>,
-c'est-à-dire un repas au milieu de la nuit, afin de pouvoir
-s'enivrer et manger de la viande. Malgré les précautions
-qu'ils avaient prises, le bruit de leurs excès et de leurs
-débauches perça au dehors; tout ce qu'il y avait eu dans
-leurs actions de blâmable pour les bonnes m&oelig;urs, d'outrageant
-pour la religion, devint la matière de récits exagérés:
-le roi et la reine en furent informés, et Bussy et tous
-les auteurs de ces scènes scandaleuses furent exilés dans
-leurs terres<a id="FNanchor_222" href="#Footnote_222" class="fnanchor">&nbsp;[222]</a>. Cette disgrâce ôtait à Bussy tous les moyens
-d'obtenir l'accomplissement des promesses d'avancement
-qui lui avaient été faites. La sévérité dont on usa envers
-lui dans cette circonstance lui parut excessive; elle l'aigrit
-contre Mazarin, contre la reine, contre Turenne,
-contre tout ce qui était puissant et favorisé par eux. Il exhala
-d'abord, à part lui à la vérité et en secret, sa malignité
-dans des satires, des chansons, des épigrammes dirigées
-contre les courtisans, les ministres et les généraux. Il en
-divertit sa maîtresse<a id="FNanchor_223" href="#Footnote_223" class="fnanchor">&nbsp;[223]</a>. Comme elle prenait goût à ces dangereux
-exercices d'esprit, il composa, pour la satisfaire,
-le curieux et scandaleux volume qu'il intitula <i>Histoire
-amoureuse des Gaules</i>. Sous des noms déguisés et faciles
-à deviner, et sous la forme d'un roman écrit d'un style
-naturel et élégant, il y dévoila les intrigues, le libertinage
-<span class="pagenum"><a id="Page_141"> 141</a></span>
-et les turpitudes de plusieurs personnages de la cour.
-Comme il était alors au plus haut point de sa colère contre
-madame de Sévigné, il traça d'elle un portrait satirique.
-C'est ce portrait et un ou deux autres qui ont fait dire à
-Saint-Évremond, au sujet de cet ouvrage, «que son auteur
-avait dit du mal de certaines femmes dont il n'avait
-pas pu même inventer les désordres<a id="FNanchor_224" href="#Footnote_224" class="fnanchor">&nbsp;[224]</a>».</p>
-
-<p>Bussy fit quelques lectures de son ouvrage à des personnes
-sur la discrétion desquelles il pouvait compter. Son
-secret lui fut gardé pendant quelque temps; mais, ainsi
-que nous le dirons plus amplement, il fut trahi par la jalousie
-d'une de ses maîtresses. Il avait eu la faiblesse de
-prêter son manuscrit pendant vingt-quatre heures. Contre
-la foi de la promesse qui lui avait été faite, on en fit une
-copie qui servit à en faire d'autres, qui circulèrent, et l'ouvrage
-fut imprimé en Hollande, sans nom d'auteur d'abord,
-puis peu après avec le nom de l'auteur, et donnant
-la connaissance de tous les personnages dont les noms
-étaient déguisés, au moyen d'un index ou clef qu'on avait
-ajoutée et imprimée à la fin. Ce ne fut pas tout: en recopiant
-et en réimprimant cet ouvrage, on y fit des additions,
-qui en augmentèrent le venin et le scandale, et dont
-Bussy n'était pas l'auteur. Un des interlocuteurs de cette
-espèce de roman historique y parlait d'un cantique qu'on
-avait chanté, sans dire quel était ce cantique et sans en
-rien citer. On en composa un avec des couplets dirigés
-contre le roi et les femmes de la cour, et on l'intercala
-dans cet endroit de l'ouvrage de Bussy. Cette addition
-fut faite peu de temps après les premières éditions: il y
-avait encore d'autres couplets, moins coupables, qu'on lui
-<span class="pagenum"><a id="Page_142"> 142</a></span>
-attribuait alors, et qu'il affirmait n'être point de lui<a id="FNanchor_225" href="#Footnote_225" class="fnanchor">&nbsp;[225]</a>. Ses
-protestations, ses assertions, et les preuves dont il offrait
-de les appuyer, furent repoussées; il fut mis à la Bastille,
-et tomba dans une disgrâce complète.</p>
-
-<p>On verra par la suite de ces Mémoires que Bussy ne sut
-point supporter avec courage et dignité son infortune, ni
-profiter de l'intérêt que l'arbitraire dont il était victime
-attachait à sa disgrâce. Il flattait bassement ceux par lesquels
-il espérait remonter à la faveur, et il les déchirait
-en secret. Sa détention ne fut pas de longue durée; mais
-vingt années s'écoulèrent sans qu'il pût obtenir la permission
-de se montrer à la cour. Il y reparut enfin, mais humilié,
-mais sans charge, sans fonctions, sans crédit, sans
-considération, et confondu dans la foule des courtisans.
-Aussi rentra-t-il promptement dans sa retraite; il y termina
-ses jours, qu'abrégèrent de tristes débats de famille
-et un odieux procès. Saint-Évremond, qui le connut particulièrement,
-a dit de lui «qu'il n'aimait personne et
-parvint à n'être aimé de qui que ce soit». Cette dure assertion
-doit être au moins modifiée, puisqu'elle offre une
-exception dans madame de Sévigné. Cependant le commerce
-qu'elle renoua avec Bussy après leur rupture ne fut
-pas semblable à celui qu'elle entretenait avant cette époque:
-le souvenir de l'outrage qu'elle en avait reçu était
-pour son c&oelig;ur une plaie que le temps ne put entièrement
-cicatriser. On s'aperçoit, en lisant les lettres qu'elle lui a
-<span class="pagenum"><a id="Page_143"> 143</a></span>
-adressées depuis leur réconciliation, qu'une sorte de crainte
-et de défiance se mêle à l'abandon auquel elle aurait voulu
-se livrer, et qu'elle se tenait toujours sur ses gardes. Cependant
-Bussy fut pour elle l'homme le plus aimable
-et le plus spirituel, celui avec lequel elle aimait le plus
-à s'entretenir. Elle le regardait comme injustement
-persécuté, et en butte à des ennemis inférieurs à lui en
-mérite; elle aurait voulu le voir heureux, et elle était vivement
-touchée des revers de sa fortune. Bussy, après
-s'être réconcilié avec sa cousine, lui rendit toute sa confiance,
-et sentit renaître toute son affection pour elle; il
-avait la plus haute estime pour ses vertus, la plus vive
-admiration pour son esprit, la plus forte inclination pour
-son caractère, égal, sensé, aimable, aimant et gai. Le repentir
-qu'il éprouvait de l'avoir offensée fut profond et
-durable; il le peint avec énergie dans un endroit de ses
-Mémoires qu'il écrivait pour lui-même et pour ses enfants,
-avec le dessein de ne jamais les publier de son vivant.</p>
-
-<p>«Un peu avant la campagne de 1658, je me brouillai
-avec madame de Sévigné. J'eus tort dans le sujet de ma
-brouillerie; mais le ressentiment que j'en eus fut le comble
-de mon injustice. Je ne saurais assez me condamner en
-cette rencontre, ni avoir assez de regrets d'avoir offensé
-la plus jolie femme de France, ma proche parente, que
-j'avais toujours fort aimée, et de l'amitié de laquelle je
-ne pouvais pas douter. C'est une tache de ma vie, que j'essayai
-véritablement de laver quand on arrêta le surintendant
-Fouquet.»</p>
-
-<p>Bussy a raison de se vanter de la conduite qu'il tint
-dans cette dernière circonstance. Elle fut noble et généreuse,
-mais ce n'est pas encore ici l'occasion de la faire
-connaître. Le but principal de cet ouvrage nous oblige à
-<span class="pagenum"><a id="Page_144"> 144</a></span>
-perdre quelque temps Bussy de vue; nous reviendrons à
-lui lorsqu'il aura cessé d'être brouillé avec madame de
-Sévigné. Nous allons continuer à suivre celle-ci dans le
-monde, où elle brillait alors avec plus d'éclat encore que
-par le passé, et où son esprit, les charmes de sa personne
-et les agréments de son commerce lui avaient acquis une
-véritable célébrité.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_145"> 145</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE XII.<br />
-<span class="medium">1658-1659.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Ardeur pour les plaisirs pendant les deux années qui précédèrent le
-mariage de Louis.&mdash;Promenade au Cours.&mdash;Foire Saint-Germain.&mdash;Conduite
-de madame de Sévigné.&mdash;Le roi devient amoureux de
-Marie Mancini.&mdash;Le roi a une courte maladie, qui met ses jours
-en danger.&mdash;Sentiments divers des courtisans pendant cette maladie.&mdash;Affliction
-profonde de Marie de Mancini.&mdash;Le roi en est
-instruit, sa passion pour elle s'en augmente.&mdash;Anne d'Autriche
-veut la combattre.&mdash;Conduite douteuse de Mazarin à ce sujet.&mdash;L'issue
-des négociations pour le mariage de Louis XIV avec la
-princesse de Savoie est, par cette passion, rendue incertaine.&mdash;Ces
-négociations sont rompues par l'offre de l'Espagne de donner
-l'infante.&mdash;Anne d'Autriche, craignant le mariage de son fils avec
-Marie de Mancini, fait rédiger d'avance une protestation.&mdash;Le
-cardinal se détermine à envoyer sa nièce au Brouage.&mdash;On s'est
-trompé sur les intentions que l'on a supposées à Mazarin&mdash;Il entrait
-dans son plan d'inspirer des craintes à l'Espagne, de montrer
-que lui seul voulait la paix.&mdash;La violence de la passion du roi
-manqua de faire échouer ces combinaisons.&mdash;Grand caractère de
-Mazarin.&mdash;Obstacles qu'il a eu à vaincre pour parvenir à la paix
-et au mariage du roi.</p>
-
-<p class="space">Le roi et son frère entraient tous deux dans cet âge où
-le c&oelig;ur et les sens dominent trop la volonté pour qu'elle
-puisse se soumettre à la froide raison, et ne pas secouer
-le joug de ceux qui voudraient mettre un frein à des passions
-dont alors les jouissances sont si vives et les dangers
-si peu connus. Sans doute les m&oelig;urs du temps, corrompues
-par la Fronde, et l'état de désordre dont on ne faisait
-que de sortir exerçaient leur fâcheuse influence sur ces
-<span class="pagenum"><a id="Page_146"> 146</a></span>
-deux adolescents et sur toute la jeunesse qui les entourait;
-mais les inclinations naturelles du monarque et les exemples
-qu'il donna pendant la plus grande partie de son
-règne augmentèrent l'intensité du venin qui circulait à la
-cour et parmi les grands, et qui à la longue se répandit
-dans toutes les classes.</p>
-
-<p>Il est des époques où la dissolution des m&oelig;urs a été
-plus grande en France que dans les deux années qui précédèrent
-le mariage de Louis XIV; mais jamais l'entraînement
-vers le plaisir ne fut aussi fort et aussi général.
-C'est le temps où Molière<a id="FNanchor_226" href="#Footnote_226" class="fnanchor">&nbsp;[226]</a>, avec sa troupe, commençait à
-faire goûter sur la scène tout le prix du vrai et du naturel;
-où le fameux acteur Scaramouche<a id="FNanchor_227" href="#Footnote_227" class="fnanchor">&nbsp;[227]</a> y déployait une verve
-comique et bouffonne qui excitait un rire irrésistible; où
-Lully charmait les oreilles par une nouvelle et délicieuse
-mélodie<a id="FNanchor_228" href="#Footnote_228" class="fnanchor">&nbsp;[228]</a>; où le génie des machinistes paraissait avoir
-acquis toute la puissance des magiciens et des enchanteurs,
-dans le nouvel opéra de <i>l'Enlèvement d'Hélène</i><a id="FNanchor_229" href="#Footnote_229" class="fnanchor">&nbsp;[229]</a>. C'est
-alors que les promenades au Cours eurent le plus d'éclat<a id="FNanchor_230" href="#Footnote_230" class="fnanchor">&nbsp;[230]</a>;
-que la foire Saint-Germain compta ses plus beaux jours
-<span class="pagenum"><a id="Page_147"> 147</a></span>
-et ses fortunes les plus rapides. Dans ce vaste bazar, où
-l'on pénétrait par sept portes<a id="FNanchor_231" href="#Footnote_231" class="fnanchor">&nbsp;[231]</a> principales, les richesses
-du monde entier se trouvaient réunies et classées. Chaque
-profession avait son quartier séparé, et chaque chose sa
-place distincte. A tout ce qui pouvait être utile aux besoins
-de l'homme, à son luxe, à ses voluptés, se joignait
-encore tout ce qui pouvait exciter sa curiosité ou tenter sa
-cupidité: des animaux rares, des faiseurs de tours, des
-loteries, des jeux de hasard. Pendant deux mois on se
-portait en foule dans ce lieu, où aujourd'hui un marché
-se trouve ouvert toute l'année. Le peuple y allait le jour;
-la noblesse s'y rendait la nuit<a id="FNanchor_232" href="#Footnote_232" class="fnanchor">&nbsp;[232]</a>, toujours masquée et déguisée,
-sans suite, dans des carrosses sans armoiries, sans
-cortége, et seulement avec des grisons, c'est-à-dire avec
-des cochers et des laquais sans livrées, vêtus de gris et le
-visage couvert. Là, au milieu de la clarté resplendissante
-des milliers de lustres, de flambeaux, de torches et de
-feux allumés (cette foire s'ouvrait en février), on se promenait
-dans les plus belles rues, dans celles des orfèvres,
-des merciers; on achetait des bijoux, des pierreries, des
-dentelles, de riches étoffes, des parfums, des tableaux,
-des meubles magnifiques, de grands miroirs (c'était
-alors un des objets rares); l'on s'écartait dans les allées
-sombres, obscures, favorables aux entretiens mystérieux
-et solitaires; ou l'on s'asseyait à ces banques, à ces loteries
-ruineuses, et l'on profitait d'un impénétrable incognito
-pour se livrer sans mesure à la plus ruineuse
-<span class="pagenum"><a id="Page_148"> 148</a></span>
-des passions. Ainsi dans ce lieu, que l'éclat des flammes,
-l'agitation et le bruit faisaient ressembler, pendant les
-ténèbres et le silence de la nuit, à un immense palais enchanté,
-on exploitait tous les vices comme toutes les
-industries au profit d'un couvent de religieux qui en
-étaient propriétaires.</p>
-
-<p>A tous ces plaisirs publics, qui étaient les plus vifs
-parce qu'on les partageait avec plus de monde, et qu'il
-y régnait plus de liberté, il faut ajouter, pour les grands
-et pour la cour, les ballets royaux, plus fréquents que
-par le passé<a id="FNanchor_233" href="#Footnote_233" class="fnanchor">&nbsp;[233]</a>; les fêtes, les grands repas que donnaient
-Fouquet et le cardinal; les bals, les mascarades, et les
-divertissements de tous ceux qui, par leur rang et par
-leurs richesses, se trouvaient en position de les imiter<a id="FNanchor_234" href="#Footnote_234" class="fnanchor">&nbsp;[234]</a>. A
-quoi il faut joindre encore les loteries gratuites, usage
-dispendieux et magnifique que le roi introduisit alors;
-manière galante, ingénieuse et toute royale de faire des
-dons aux dames, en y joignant les piquantes surprises
-du sort, qui, seul dispensateur des préférences, ne pouvait
-causer d'offense à personne.</p>
-
-<p>Anne d'Autriche, dont les inclinations à la retraite et
-à la dévotion croissaient avec l'âge, qui s'apercevait que
-l'empire qu'elle avait eu sur ses deux fils s'affaiblissait et
-allait lui échapper entièrement, ne chercha pointa mettre
-de digue à ce torrent de dissipation et de licence, parce
-<span class="pagenum"><a id="Page_149"> 149</a></span>
-qu'elle savait qu'elle l'aurait en vain essayé, et qu'en cela
-elle eût plutôt été contrariée que secondée par son ministre.
-Elle s'en affligeait en silence, et se contentait de témoigner
-sa désapprobation, en ne se mêlant que rarement aux
-divertissements de la cour, en faisant de longues et fréquentes
-absences au monastère du Val-de-Grâce, et en
-passant la plus grande partie de son temps dans cette
-retraite ou dans son oratoire.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné, qui ne voulait ni fuir le monde ni
-partager ses travers, s'attacha surtout à la petite cour
-de <span class="small1">Mademoiselle</span>. Cette princesse, sans donner aucune
-prise à la médisance<a id="FNanchor_235" href="#Footnote_235" class="fnanchor">&nbsp;[235]</a>, ne montrait pas moins d'ardeur pour
-les plaisirs que dans sa première jeunesse. Lorsqu'au retour
-de son exil, Mazarin lui demanda ce qu'elle avait regretté
-le plus des amusements de Paris, pendant son séjour
-au château de Saint-Fargeau, elle répondit: «Les mascarades,
-la foire Saint-Germain, et la promenade au cours.»
-Ses mémoires nous apprennent qu'elle aimait singulièrement
-à aller à cheval avec madame de Sévigné, mademoiselle
-de Villeroy et madame de Bonneuil<a id="FNanchor_236" href="#Footnote_236" class="fnanchor">&nbsp;[236]</a>. C'étaient, à ce
-qu'elle nous dit, parmi les dames qui composaient sa société
-habituelle, les seules assez habiles à manier un coursier
-pour pouvoir l'accompagner dans ces sortes de promenades.
-Elle avoue aussi que pendant cet hiver de 1659
-elle allait presque tous les jours à la foire Saint-Germain<a id="FNanchor_237" href="#Footnote_237" class="fnanchor">&nbsp;[237]</a>,
-qu'elle y jouait et y gagnait souvent. Et quant aux
-<span class="pagenum"><a id="Page_150"> 150</a></span>
-mascarades, le choix des déguisements, l'oubli des convenances,
-si étrange dans une princesse si fière et si
-scrupuleuse, prouvent jusqu'à quel point elle se laissait
-dominer par son goût pour ce genre de divertissement.
-Au reste, le délire à cet égard était si général, que la reine
-elle-même, à laquelle son âge, et plus encore sa dévotion,
-interdisaient de telles licences, se surprenait à en rire, et
-ne pouvait s'empêcher d'y prendre plaisir. Quelques pertes
-cette année contristèrent le grand monde; mais plusieurs
-mariages devinrent aussi des occasions de réjouissance<a id="FNanchor_238" href="#Footnote_238" class="fnanchor">&nbsp;[238]</a>,
-entre autres celui du comte de Grignan avec
-mademoiselle de Rambouillet. Comme amie de la famille
-de Rambouillet, madame de Sévigné dut assister à ce
-mariage, se doutant peu alors que le nouveau marié serait
-un jour son gendre<a id="FNanchor_239" href="#Footnote_239" class="fnanchor">&nbsp;[239]</a>.</p>
-
-<p>C'est à cette année que se rapportent aussi les récits de
-la première partie de l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i> de
-Bussy de Rabutin; et si dans cet ouvrage les discours et les
-lettres des personnages sont supposés, les faits sont exacts
-et vrais; il n'en est pas un d'essentiel qui ne se trouve confirmé
-par les Mémoires du temps et les témoignages les
-moins suspects<a id="FNanchor_240" href="#Footnote_240" class="fnanchor">&nbsp;[240]</a>. Le tort de Bussy n'a donc pas été, comme
-on l'a accusé, d'avoir calomnié les m&oelig;urs de son temps,
-mais de s'être complu à délayer sous la forme des romans
-alors en vogue les aventures d'un très-petit nombre de
-femmes, et de n'avoir pas, comme le spirituel Hamilton
-<span class="pagenum"><a id="Page_151"> 151</a></span>
-à l'égard de la cour de Charles I<sup>er</sup>, fait connaître les
-rivalités et les intrigues de celles de la jeune cour de
-Louis XIV. Ce tableau fidèlement tracé, et pour lequel les
-matériaux ne manquent pas, ne serait pas sans intérêt
-pour l'histoire; mais il conviendrait peu à celui où madame
-de Sévigné figure sur le premier plan. Il nous suffit
-de l'avoir indiqué.</p>
-
-<p>Il n'en est pas de même des amours du roi. C'étaient
-des événements publics, qui exerçaient une grande influence
-sur la France, et par elle sur l'Europe: madame
-de Sévigné s'en montre trop préoccupée pour que nous
-puissions les écarter du cadre qui doit renfermer tout ce
-qui concerne ses écrits et sa personne, si intimement
-liés à la peinture du siècle où elle a vécu.</p>
-
-<p>Mazarin avait réussi dans ses combinaisons: le roi était
-épris de Marie de Mancini. Peu de temps avait suffi pour
-lui faire gagner l'embonpoint qui lui manquait<a id="FNanchor_241" href="#Footnote_241" class="fnanchor">&nbsp;[241]</a>; et si
-elle n'était pas devenue une beauté, elle avait acquis des
-attraits qu'on n'aurait pu deviner lorsqu'elle fut présentée
-à la cour. Son teint coloré, ses yeux vifs et brillants, sa
-physionomie ardente, la vivacité de son esprit caustique,
-son caractère ferme et décidé, l'inclination qu'elle témoignait
-ouvertement pour le jeune monarque, le soin qu'elle
-prenait publiquement de lui plaire, tout concourut à entraîner
-Louis vers elle; non par l'effet de ces subites sympathies
-qui s'emparent de toutes nos facultés, mais par
-l'influence, plus lente, plus durable, du plaisir que l'on
-trouve à fréquenter une personne qui chaque jour nous
-paraît plus aimable; dont le jugement révèle une supériorité
-que nous nous savons gré de savoir apprécier; dont
-<span class="pagenum"><a id="Page_152"> 152</a></span>
-la société nous semble toujours plus attachante; dont la
-tendresse et les accents passionnés nous font éprouver le
-besoin d'aimer avec le même abandon; qui enfin, par
-l'ascendant toujours plus grand qu'elle acquiert sur nos
-pensées, nos goûts, nos faiblesses, nos fantaisies, fascine
-nos sens, maîtrise nos affections, nous empreint de tous
-ses sentiments, et nous identifie à elle par l'harmonie
-parfaite des volontés et des désirs.</p>
-
-<p>Louis en était parvenu à ce point avec Marie de Mancini.
-En présence de tous, il lui montrait une préférence
-marquée; il se plaisait à s'entretenir seul avec elle; il
-prenait d'elle des conseils sur tout ce qui l'intéressait,
-même sur les affaires d'État. Aussi il employait tous
-les moyens pour multiplier les entrevues secrètes. Un
-jour qu'elle sortait de chez la reine et qu'elle se trouvait
-seule dans son carrosse, Louis monta sur le siége, et
-lui servit de cocher jusqu'à ce que la voiture ne fût plus
-en vue; alors il y entra, et vint se placer à côté d'elle<a id="FNanchor_242" href="#Footnote_242" class="fnanchor">&nbsp;[242]</a>.
-Louis, malgré le goût qu'il avait pour se montrer en public
-dans les ballets et les tournois, avait toujours eu
-dès sa plus tendre jeunesse cet extérieur grave et froid<a id="FNanchor_243" href="#Footnote_243" class="fnanchor">&nbsp;[243]</a>
-qui par la suite le rendit si imposant, et imprimait aux
-plus hardis le respect et la crainte. Ces caractères sérieux
-et réservés, lorsqu'on parvient à les faire descendre
-à la familiarité, passent plus facilement que d'autres
-de la familiarité à la confiance, et de la confiance
-à l'amour. Ces progrès dans les sentiments de Louis
-s'étaient surtout fait remarquer à la suite de la maladie
-<span class="pagenum"><a id="Page_153"> 153</a></span>
-dangereuse qu'il contracta au siége de Dunkerque<a id="FNanchor_244" href="#Footnote_244" class="fnanchor">&nbsp;[244]</a>. On
-eut alors tout lieu de craindre pour sa vie. Plusieurs
-courtisans trahirent leurs v&oelig;ux secrets par des mouvements
-de joie qu'ils ne purent déguiser; par d'imprudentes
-intrigues dont le frère du roi, l'héritier de la couronne,
-était l'objet. La douleur des autres témoigna, au
-contraire, de leur attachement. Mais le désespoir de
-Marie de Mancini et les larmes qu'elle répandit touchèrent
-les plus insensibles. Le roi, dans sa convalescence,
-fut instruit de tout. Il exila ceux qui avaient spéculé sur
-sa fin prochaine, et fit voir à ceux qui avaient manifesté
-des sentiments différents combien il leur savait gré de
-leur affection. Quant à Marie de Mancini, l'inclination
-qu'on lui soupçonnait pour elle se montra dès lors avec
-éclat, et prit tous les caractères d'un véritable amour.
-Spirituelle, hardie, emportée, elle était singulièrement
-propre à acquérir de l'ascendant sur un jeune monarque<a id="FNanchor_245" href="#Footnote_245" class="fnanchor">&nbsp;[245]</a>
-qui sentait le besoin d'un appui pour s'affranchir
-de l'obstacle que sa jeunesse et l'éducation maternelle
-opposaient à son entière émancipation.</p>
-
-<p>On ne tarda point à s'apercevoir de cette nouvelle passion
-du roi et des changements qui s'opéraient dans son
-caractère et dans sa conduite. Mazarin s'en réjouit; la
-fière Anne d'Autriche s'en alarma vivement: non qu'elle
-désirât reprendre sur son fils un empire que l'âge qu'il
-avait atteint ne lui permettait plus d'exercer, mais parce
-qu'elle craignit que le premier ministre, malgré l'empressement
-<span class="pagenum"><a id="Page_154"> 154</a></span>
-apparent qu'il mettait à négocier le mariage de
-Louis XIV avec la princesse de Savoie, n'eût en secret le
-projet de lui faire épouser sa nièce. Par cette raison la
-reine pressa avec ardeur la conclusion de cette grande
-affaire. Ainsi cet amour de Louis XIV, qui semblait s'accroître
-à mesure qu'approchait le moment de conclure
-un hymen qui en exigeait le sacrifice, jetait tout l'intérêt
-d'un drame sur les froides combinaisons de la politique.
-La cour s'était transportée tout entière à Lyon; l'entrevue
-avec le jeune roi et la princesse de Savoie avait eu
-lieu; tous les efforts de la sagesse maternelle pour marier
-convenablement le roi le plus jeune, le plus beau, et déjà
-le plus puissant de l'Europe, semblaient couronnés du
-succès; rien ne paraissait s'opposer à la nouvelle alliance.
-Déjà commençaient les préparatifs pour l'auguste cérémonie,
-et cependant l'on doutait encore qu'elle pût avoir
-lieu: on craignait que les résultats de tant de ressorts,
-de tant d'intrigues, de tant de conférences diplomatiques,
-ne fussent rendus inutiles par les séductions et le caractère
-énergique d'une jeune fille. Marie de Mancini avait
-déclaré ouvertement qu'elle s'opposait à ce mariage, et
-elle osait se montrer rebelle aux volontés de la reine et
-aux volontés déclarées de son oncle. Elle disait sans détour
-au jeune roi qu'il était honteux pour lui qu'on voulût
-lui donner une femme aussi laide que la princesse de
-Savoie. Au moment où tout allait se terminer, où il ne
-manquait plus que la signature aux actes que l'on avait
-déjà dressés, Mazarin rompit tout à coup les négociations,
-et le roi et la cour revinrent à Paris.</p>
-
-<p>Tout le monde sait que cette rupture subite fut due à
-l'offre que l'Espagne fit de l'infante, avec la paix. Ainsi
-l'union de deux grandes monarchies et la cessation de la
-<span class="pagenum"><a id="Page_155"> 155</a></span>
-guerre, si ardemment désirée, semblèrent dépendre de
-la volonté de Marie de Mancini, qui pouvait à elle seule
-mettre obstacle à d'aussi grands biens ou les laisser se
-réaliser. Cette puissance dont elle était investie dirigeait
-en quelque sorte sur elle les regards de toute l'Europe.
-La passion qu'elle avait inspirée au roi avait acquis toute
-l'importance d'un grand événement.</p>
-
-<p>Quoique Anne d'Autriche n'ignorât pas que Mazarin
-n'entretînt depuis longtemps des négociations secrètes
-avec l'Espagne, cependant la rupture subite de celles
-qu'il avait conduites avec la Savoie réveilla ses soupçons
-et ses défiances. Malgré sa partialité pour son ministre,
-elle s'indigna qu'il pût concevoir l'idée d'asseoir
-une de ses nièces sur le trône de France. Ses craintes
-furent assez vives pour qu'elle prit la précaution de
-faire rédiger d'avance sa protestation contre le mariage
-de Louis XIV avec Marie de Mancini, ainsi que l'acte
-par lequel cette protestation devait être enregistrée au
-parlement, à huis clos, si ce mariage avait lieu. Ces projets
-d'actes furent, selon Loménie de Brienne, montrés
-au cardinal, qui alors se détermina à envoyer sa nièce
-au Brouage et à lui faire rompre tout commerce avec
-le roi<a id="FNanchor_246" href="#Footnote_246" class="fnanchor">&nbsp;[246]</a>. Les faits de ce récit sont exacts, mais les intentions
-qu'on prête à Mazarin et les motifs auxquels
-on attribue ses actions ne le sont pas<a id="FNanchor_247" href="#Footnote_247" class="fnanchor">&nbsp;[247]</a>. Je l'ai déjà dit:
-les jugements que l'on a portés sur ce grand ministre
-n'ont été que les échos de la haine et de l'envie qu'il a
-excitées de son vivant. On ne s'est pas donné la peine
-<span class="pagenum"><a id="Page_156"> 156</a></span>
-d'étudier les ressorts de sa politique, dont les effets ont
-cependant été si heureux et si avantageux pour le roi
-et le royaume. Tous les détails des négociations du fameux
-traité des Pyrénées prouvent que Mazarin, dans les
-circonstances où se trouvaient alors l'Europe et la France,
-était incapable de se laisser séduire par une aussi misérable
-ambition que celle qu'on lui a prêtée, de s'arrêter
-un instant à une aussi chétive combinaison<a id="FNanchor_248" href="#Footnote_248" class="fnanchor">&nbsp;[248]</a>. Mais il
-convenait à sa politique à l'égard de l'Espagne d'être le
-seul et unique auteur du traité; de prouver qu'il était le
-seul aussi qui pût lever les obstacles qui s'opposaient à sa
-conclusion: il était nécessaire de faire sentir au jeune
-monarque qu'il ne violentait ses inclinations que par la
-raison d'État, et qu'il sacrifiait à la gloire du trône, à la
-prospérité du royaume, sa propre élévation et celle de sa
-famille. Il convenait aussi à sa politique, à l'attachement
-qu'il avait fait naître, d'avoir l'air de ne céder qu'aux volontés
-de la reine, et d'avoir travaillé nuit et jour contre
-lui-même, pour l'accomplissement de ses désirs; de l'avoir
-servie avec zèle, avec talent, avec désintéressement le
-plus grand, le plus entier, dans l'occasion la plus importante
-où une mère, et une mère de roi, puisse se trouver.
-Pour parvenir à tous ces résultats, dont les uns importaient
-à l'intérêt de l'État, mais dont les autres importaient
-aussi beaucoup à son intérêt propre, Mazarin devait,
-ainsi qu'il l'a fait, tolérer la passion des deux amants,
-inspirer des craintes à l'Espagne, faire suspecter ses intentions
-par la reine. L'amour du roi, sa résistance, le mécontentement
-d'Anne d'Autriche, ses consultations, ses
-<span class="pagenum"><a id="Page_157"> 157</a></span>
-projets de protestation contre un événement qu'elle redoutait,
-tout entrait dans le plan de Mazarin, tout y concourait.
-Dès qu'il crut être certain de réussir, alors il
-n'hésita plus, et il chercha de tout son pouvoir à détacher
-le jeune roi des liens qui l'enchaînaient.</p>
-
-<p>Cependant il fut sur le point d'échouer, par l'opposition
-de celle qu'il avait considérée comme le premier élément
-de succès. Marie de Mancini s'arma contre lui de tout
-l'ascendant que lui donnait l'amour sur le c&oelig;ur d'un jeune
-roi qui connaissait toute la force de sa volonté, et qui
-comprenait fort bien que, maître de la destinée des autres,
-il devait aussi l'être de la sienne. Toutefois, ne voulant
-pas faire violence à son ministre, il chercha à le séduire,
-et il lui offrit de faire sa nièce reine de France. Non-seulement
-Mazarin n'hésita pas à refuser Louis, mais il lui
-déclara qu'il aimerait mieux poignarder sa nièce de ses
-propres mains, que de voir le roi contracter avec elle une
-alliance qui n'était pas moins contraire à la dignité de sa
-couronne que préjudiciable à la France. Il dit au roi que
-s'il pouvait le croire capable de persister dans un tel dessein,
-afin d'en empêcher l'exécution il se mettrait dans
-un vaisseau avec ses nièces, et qu'il se transporterait
-avec elles au delà des mers.</p>
-
-<p>Louis XIV fut ébranlé par une aussi énergique résolution;
-cependant il écrivait tous les jours à Marie de Mancini.
-Mazarin le sut, et il adressa au jeune monarque une
-lettre qui seule suffit pour détruire les soupçons qu'on a
-dirigés contre ce ministre. Il y peint sa nièce sous les couleurs
-d'une coquette ingrate et peu digne d'affection; il
-rappelle avec énergie quels sont les devoirs du souverain
-d'un grand empire, et il démontre la nécessité de s'y soumettre.
-Cette admirable lettre acheva de rendre Louis XIV
-<span class="pagenum"><a id="Page_158"> 158</a></span>
-docile aux conseils de son premier ministre<a id="FNanchor_249" href="#Footnote_249" class="fnanchor">&nbsp;[249]</a>. Celui-ci
-se crut assez fort pour séparer d'autorité les deux amants.
-Il ordonna que Marie de Mancini et ses deux s&oelig;urs se rendraient
-à La Rochelle et au Brouage, et y resteraient jusqu'à
-la fin des négociations avec l'Espagne. Les adieux
-de Marie et de Louis furent déchirants; pourtant lorsqu'elle
-lui dit, «Vous m'aimez, vous êtes roi, et je pars,»
-elle parvint bien à faire couler ses larmes, mais elle n'obtint
-pas la révocation de l'ordre que le ministre avait
-donné. Cependant Mazarin permit encore une entrevue à
-Cognac, où le roi passait pour se rendre à Saint-Jean de
-Luz; mais avant d'y consentir le ministre avait acquis
-la certitude que son jeune maître ne changerait rien aux
-généreuses résolutions qu'il lui avait fait prendre. Il avait
-aussi eu soin d'intimider sa nièce, de manière à ce qu'elle
-n'osât point détourner Louis du grand dessein qui allait
-s'accomplir, et pour lequel l'Europe entière était dans
-l'attente. Cette entrevue des deux amants fut la dernière,
-et Mazarin s'attacha ensuite à rompre entre eux tout
-commerce<a id="FNanchor_250" href="#Footnote_250" class="fnanchor">&nbsp;[250]</a>. Lorsque la paix des Pyrénées et le mariage
-de Louis XIV avec l'infante d'Espagne Marie-Thérèse
-furent conclus, l'habileté du premier ministre excita l'admiration
-générale, et l'on rendit enfin justice à la hauteur
-de ses vues et à son désintéressement. Les sarcasmes
-clandestins de quelques courtisans haineux et spirituels,
-<span class="pagenum"><a id="Page_159"> 159</a></span>
-qui ne pouvaient lui pardonner son élévation ni le croire
-capable d'un sentiment généreux, servirent plutôt à rehausser
-qu'à troubler son triomphe. Ils lui furent même
-utiles, en lui donnant des prétextes pour écarter ceux qui,
-jugeant mal de l'époque, avaient cru pouvoir se permettre
-contre l'autorité royale les mêmes licences qu'au
-temps de la Fronde.</p>
-
-<p>Les affaires humaines changent de nature selon les circonstances
-qui les accompagnent. Pour bien juger Mazarin,
-il faut se retracer les écueils dont il était environné
-et considérer les dangers qui menaçaient le vaisseau de
-l'État lorsqu'il en tenait le gouvernail.</p>
-
-<p>Que dans un royaume où règne un calme profond,
-qu'aucune guerre ne menace au dehors, un jeune roi qui
-n'a encore gouverné que par son ministre vienne à mourir,
-et laisse la couronne à son frère, encore plus jeune que
-lui, ce n'est là qu'un événement de peu d'importance, un
-nom substitué à un autre; on ignore ce qu'eût été ce jeune
-roi, on ne sait pas encore ce que sera son successeur:
-que ce roi, au lieu de succomber à la maladie qui menaçait
-ses jours, se rétablisse, qu'il continue à aimer la même
-femme, ou porte sur une autre ses affections, il n'y a rien
-encore en cela qui intéresse le bonheur général, rien qui
-puisse exciter de fortes sympathies. C'est un sujet d'entretien
-pour la cour, et rien de plus.</p>
-
-<p>Mais telle n'était pas à cette époque la position de la
-France. La guerre avec l'Espagne continuait depuis si
-longtemps, que les deux royaumes, épuisés par leurs efforts<a id="FNanchor_251" href="#Footnote_251" class="fnanchor">&nbsp;[251]</a>,
-ne pouvaient plus prolonger, sans danger pour
-leur existence, cette lutte sanglante. L'alliance de l'Angleterre
-<span class="pagenum"><a id="Page_160"> 160</a></span>
-et de la France, opérée par Mazarin; la séparation
-de la branche autrichienne d'Allemagne de celle
-d'Espagne, adoptée comme condition de l'élection du nouvel
-empereur, qui fut également l'ouvrage de ce ministre,
-avaient préparé les succès de la vingt-quatrième campagne.
-Turenne s'y surpassa: la bataille des Dunes fut
-gagnée, Dunkerque fut pris et remis aux Anglais, Bergues
-tomba en notre pouvoir. Frappée de stupeur, l'Espagne se
-voyait sur le point de perdre toute la Flandre<a id="FNanchor_252" href="#Footnote_252" class="fnanchor">&nbsp;[252]</a>, lorsque
-la maladie du roi vint ralentir les victoires de l'armée
-française, et donner à l'ennemi le temps de se remettre
-des coups qu'on lui avait portés et d'organiser ses moyens
-de résistance. La mort du roi eût alors entièrement changé
-l'état des choses. Le duc d'Anjou avait déjà ses favoris,
-qui le gouvernaient. En montant sur le trône, il eût aussitôt
-renvoyé Mazarin. Tous les partis, que ce ministre
-était parvenu à comprimer, à réunir ou à concilier, se fussent
-de nouveau divisés, et se seraient réveillés avec leur
-ancienne fureur. Les troubles et la guerre civile auraient
-recommencé, et l'Espagne eût repris tous ses avantages,
-avec d'autant plus de facilité que la mort du duc de Modène
-et celle de Cromwell, qui eurent lieu alors, ôtaient
-à la France deux alliés utiles, l'un au nord, l'autre au
-midi, que la politique de Mazarin avait su lui ménager<a id="FNanchor_253" href="#Footnote_253" class="fnanchor">&nbsp;[253]</a>.
-Le rétablissement du roi permit au contraire de pousser
-les opérations de la guerre avec une nouvelle vigueur. Dixmude,
-<span class="pagenum"><a id="Page_161"> 161</a></span>
-Oudenarde, Menin, Gravelines furent pris, et reçurent
-des garnisons françaises. Ces succès affermissaient
-l'autorité du roi au dedans, et ôtaient aux partis tout espoir
-d'appui dans l'étranger; mais cependant ils n'assuraient
-point la paix, et cette paix si désirée n'aurait pu se
-conclure, au moins aussi promptement, ni d'une manière
-aussi avantageuse à la France, si Mazarin, par le voyage
-de la cour à Lyon, n'avait forcé l'Espagne à se hâter d'offrir
-son infante, par la crainte de voir Louis XIV épouser
-la princesse de Savoie; et l'offre de l'Espagne fût demeurée
-inutile, si Mazarin s'était laissé tenter par son ambition
-personnelle, s'il n'avait su dominer le jeune roi
-par le sentiment de sa dignité et par ses désirs de gloire;
-s'il n'était parvenu à le faire consentir à éloigner celle
-qu'il aimait, à accepter pour épouse celle pour laquelle il
-n'éprouvait que de l'indifférence<a id="FNanchor_254" href="#Footnote_254" class="fnanchor">&nbsp;[254]</a>. Dans une de ses lettres
-confidentielles à Colbert, son intendant, Mazarin proteste
-que cette affaire est la plus délicate qu'il a eu à traiter de
-sa vie; que c'est celle qui lui a donné le plus d'inquiétude
-et de peine: et quand on a approfondi cette partie
-de notre histoire, on est facilement convaincu de la vérité
-et de la sincérité de son assertion<a id="FNanchor_255" href="#Footnote_255" class="fnanchor">&nbsp;[255]</a>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_162"> 162</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE XIII.<br />
-<span class="medium">1658-1659.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Influence des m&oelig;urs sur les romans.&mdash;De nos jours ils correspondent
-aux passions populaires.&mdash;Sous Louis XIV, à celles de la cour.&mdash;Les
-deux premières parties du roman de Clélie paraissent, et ont
-un succès prodigieux.&mdash;Il est dû à ce qu'on y retrouve les peintures
-des m&oelig;urs modernes dans les temps antiques, et les portraits des
-personnages du monde moderne sous des noms anciens.&mdash;Portrait
-de la princesse Clarinte dans Clélie, qui est celui de madame de
-Sévigné.&mdash;Le portrait de madame de Sévigné par madame de la
-Fayette a été écrit en imitation de celui de Clélie.&mdash;Les liaisons
-de madame de Sévigné et les correspondances qu'elle entretint
-fournissent la preuve de cette assertion.&mdash;Elle était amie de La
-marquise de Lavardin, et liée avec Lavardin, évêque du Mans, et
-avec Costar, son archidiacre.&mdash;Elle entretint une correspondance
-suivie avec ce dernier.&mdash;Lettre de Costar à madame de Sévigné.&mdash;Celle-ci
-bien appréciée de son vivant; sa célébrité résulte du succès
-des écrits composés à sa louange.&mdash;Vers italiens de Ménage pour
-madame de Sévigné.&mdash;Plaintes qu'il fait contre elle dans son épître
-à Pellisson.&mdash;On pouvait alors sans ridicule parler un langage passionné
-aux femmes reconnues capables de faire naître les passions.&mdash;Comment
-s'expliquent les vers de Ménage, les lettres de Costar
-et la tendre déclaration du surintendant Servien à madame de
-Sévigné.&mdash;Billets de Ménage et de madame de Sévigné à ce sujet.&mdash;Age
-de Servien.&mdash;Il était borgne.&mdash;Ménage, dans ses vers, le
-compare au soleil.&mdash;Trait satirique de Boileau à ce sujet.</p>
-
-<p class="space">Nous avons précédemment remarqué l'influence du roman
-sur le théâtre et la poésie; mais le roman lui-même
-ne peut devoir son succès qu'en s'initiant à toutes les sympathies
-de la générosité des lecteurs, qu'en s'emparant des
-idées qui les préoccupent, des passions qui les poussent,
-<span class="pagenum"><a id="Page_163"> 163</a></span>
-des penchants dans lesquels ils se complaisent. Ce genre
-d'ouvrage n'est donc, à une époque donnée, que la peinture
-des sentiments et des préjugés dominants. De nos
-jours, si féconds en grands événements, en révolutions,
-en bouleversements d'États, en batailles sanglantes, en revers
-subits de fortune, le roman a revêtu les formes mâles
-et sévères de la muse historique, et rattaché ses moyens
-de plaire et d'émouvoir aux séditions populaires, aux
-chances de la guerre, au brisement des empires. Le moyen
-âge, par la multitude des événements, par ses fureurs religieuses
-et politiques, par l'incertitude et l'obscurité
-même de ses annales, devenait donc un champ favorable
-aux romanciers de notre époque: de là leur prédilection
-pour ces temps de fanatisme, d'anarchie et de violence.
-Mais dans leurs fictions, où le spectre d'airain d'une aveugle
-fatalité semble seul planer sur la destinée de l'homme;
-où les actions criminelles et les faits héroïques sont les
-résultats des combinaisons du sort; où les penchants les
-plus féroces et les plus honteux ainsi que les sentiments
-les plus purs sont représentés comme de simples variations
-de notre nature, et tour à tour peints avec une égale
-complaisance, où le bien comme le mal ne sont que des
-accidents de la vie humaine, on aperçoit sur-le-champ le
-travail des imaginations d'une époque désabusée de tout
-par des secousses répétées, et l'influence d'une société livrée
-à des agitations sans résultat, tordue violemment
-dans tous les sens, foulée, brisée; n'offrant plus que des
-individus sans lien commun, sans illusions brillantes,
-sans croyance profonde, indifférents au vice comme à la
-vertu. La Fronde ne dura pas assez, et la Ligue était depuis
-trop longtemps oubliée, pour qu'il en fût ainsi sous
-Louis XIV. Les bienfaits d'un gouvernement régulier et
-<span class="pagenum"><a id="Page_164"> 164</a></span>
-les exploits de la noblesse dans la défense de l'État ajoutaient
-encore à la splendeur du trône et à l'ascendant du
-monarque. Sa cour donnait le ton à la capitale et aux
-provinces<a id="FNanchor_256" href="#Footnote_256" class="fnanchor">&nbsp;[256]</a>: on s'intéressait à tout ce qui s'y passait, aux
-personnages qui y brillaient; c'est là qu'on cherchait des
-modèles dans la manière de parler, de se vêtir, d'agir et
-de penser. Dans le même temps, le goût pour la littérature
-ancienne se développait; l'instruction, plus répandue
-dans la noblesse comme dans le tiers état, cessait d'être
-restreinte aux seuls membres du clergé ou aux professions
-savantes: elle excitait une admiration sans bornes
-pour les beaux génies de l'antiquité. Afin de flatter ce
-double penchant, les romanciers furent donc conduits naturellement
-à transporter dans les siècles antiques les faits
-et les personnages de leur temps; et ils furent en cela
-imités par les auteurs dramatiques<a id="FNanchor_257" href="#Footnote_257" class="fnanchor">&nbsp;[257]</a>. Ces formes de composition,
-où l'éclat des héros de tous les âges et de tous les
-pays semblait rejaillir sur la France, et où tout ce qu'il
-y avait d'admirable dans le passé paraissait revivre pour
-elle, eurent alors un prodigieux succès, même parmi les
-esprits les plus éclairés. La haute classe était flattée; l'intérêt
-des autres classes était puissamment excité par le
-plaisir de deviner les événements réels et les personnages
-vivants cachés sous le voile de la fiction.</p>
-
-<p>Mademoiselle de Scudéry, que son imagination féconde,
-son style facile et gracieux, rendirent célèbre, publiait
-tous les ans, sous le nom de son frère, de nouveaux volumes
-de romans qui étaient lus avec avidité. Le succès
-<span class="pagenum"><a id="Page_165"> 165</a></span>
-des premiers volumes du Clélie, qui parurent en 1658,
-surpassa encore celui des précédents. Cet ouvrage fut d'abord
-imprimé sous le nom de Scudéry; mais on sut bientôt
-qu'il était de sa s&oelig;ur. On aimait alors à la fureur les
-portraits, et tous les beaux esprits s'exerçaient à ce genre
-d'écrits: mademoiselle de Scudéry avait prodigué les portraits
-dans Clélie. Sous des noms romains, grecs, persans,
-africains ou carthaginois, elle avait tracé ceux de presque
-toutes les personnes qui s'étaient acquis à la cour ou dans
-le monde quelque célébrité. Madame de Sévigné n'y était
-pas oubliée; elle y paraissait sous le nom de Clarinte.
-Quoique ce portrait soit écrit avec une noblesse et une
-élégance continues, sa prolixité ne serait pas du goût
-des lecteurs de nos jours. Nous nous contenterons d'en
-rapporter quelques passages, qui suffiront pour prouver
-que tout le monde s'accordait à donner à madame de Sévigné
-le même genre de louanges et à la peindre sous
-les mêmes traits.</p>
-
-<p>«La princesse Clarinte a les yeux bleus et pleins de feu.
-Elle danse merveilleusement, et ravit les yeux et le c&oelig;ur;
-sa voix est douce, juste et charmante, et elle chante d'une
-manière passionnée. Elle lit beaucoup, quoiqu'elle ne fasse
-pas le bel esprit. Elle a appris la langue africaine [italienne];
-elle chante certaines petites chansons africaines
-[italiennes] qui lui plaisent plus que celles de son pays,
-parce qu'elles sont plus passionnées. Elle aime la gloire...
-et elle a tant de jugement, qu'elle a trouvé les moyens,
-sans être ni sévère, ni sauvage, ni solitaire, de conserver
-la plus belle réputation du monde, et de la conserver dans
-une grande cour, où elle voit chez elle tout ce qu'il y a
-d'honnêtes gens, et où elle donne même de l'amour à tous
-les c&oelig;urs qui en sont capables. Ce même enjouement qui
-<span class="pagenum"><a id="Page_166"> 166</a></span>
-lui sied si bien, et qui la divertit en divertissant les autres,
-lui sert encore à faire agréablement passer pour ses
-amis beaucoup de gens qui voudraient, s'ils osaient, passer
-pour ses amants. Elle agit avec une telle conduite, que
-la médisance a toujours respecté sa vertu, et ne l'a pas fait
-soupçonner de la moindre galanterie, quoiqu'elle soit la
-plus galante personne du monde. Aussi dit-elle en riant
-qu'elle n'a jamais été amoureuse que de sa propre gloire,
-et qu'elle l'aime jusqu'à la jalousie. Quand il le faut, elle
-se passe du monde et de la cour, et se divertit à la campagne
-avec autant de tranquillité que si elle était née dans
-les bois. En effet, elle en revient aussi belle et aussi gaie
-que si elle n'était bougée d'Érico [de Paris]. Elle gagne le
-c&oelig;ur des femmes aussi bien que celui des hommes. Elle a
-surmonté l'envie et la médisance. Elle écrit comme elle
-parle, c'est-à-dire le plus galamment et le plus agréablement
-qu'il est possible. Je n'ai jamais vu ensemble tant
-d'attraits, tant d'enjouement, tant de galanterie, tant de
-lumière, tant d'innocence et de vertu; et jamais nulle
-autre personne n'a su mieux l'art d'avoir de la grâce sans
-affectation, de la raillerie sans malice, de l'enjouement
-sans folie, de la propriété sans contrainte, et de la vertu
-sans sévérité<a id="FNanchor_258" href="#Footnote_258" class="fnanchor">&nbsp;[258]</a>.»</p>
-
-<p>C'est sans doute la lecture de ce roman de Clélie qui
-donna à madame de La Fayette l'idée de tracer le portrait
-de madame de Sévigné, dont nous avons rapporté les
-principaux passages au commencement de cet ouvrage<a id="FNanchor_259" href="#Footnote_259" class="fnanchor">&nbsp;[259]</a>.
-<span class="pagenum"><a id="Page_167"> 167</a></span>
-Les détails où nous allons entrer pour achever de faire
-connaître les correspondances et les liaisons de madame
-de Sévigné pendant les deux années dont nous nous occupons
-démontreront que ce portrait fut écrit par madame
-de La Fayette à la fin de l'année 1658 ou au commencement
-de 1659.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné était l'amie de la marquise de Lavardin,
-dont le mari avait été tué au siége de Gravelines,
-en 1641. Cette liaison en avait entraîné une autre, avec
-Lavardin évêque du Mans. Cet évêque, lorsqu'il n'était
-qu'abbé, et abbé très-mondain, s'était attaché Costar,
-pour qu'il lui apprît la théologie; et dans ce but il se
-retira pendant quelque temps à Malicorne, chez sa belle-s&oelig;ur,
-la marquise de Lavardin. C'est là que madame de
-Sévigné a pu avoir occasion de connaître particulièrement
-Costar. Dans les premières années de son mariage elle
-dut le rencontrer souvent; car, quoique Costar déplût à
-madame de Rambouillet, il était particulièrement lié avec
-les hommes de lettres qu'elle recevait chez elle<a id="FNanchor_260" href="#Footnote_260" class="fnanchor">&nbsp;[260]</a>. Il s'était
-fait une grande réputation de bel esprit par sa <i>Défense de
-Voiture</i>. Il demeurait habituellement au Mans. Ce fut
-au Mans, où sans doute madame de Sévigné s'était rendue
-pour voir M. de Lavardin, que Costar, dans le mois
-de mars 1652, eut occasion de la recevoir, ainsi que nous
-l'apprenons par une lettre de l'abbé Pauquet à Conrart<a id="FNanchor_261" href="#Footnote_261" class="fnanchor">&nbsp;[261]</a>.
-<span class="pagenum"><a id="Page_168"> 168</a></span>
-Depuis qu'il était devenu archidiacre de l'évêché, Costar
-dirigeait l'éducation du fils unique de la marquise de Lavardin;
-et madame de Sévigné eut ainsi occasion d'entrer
-en correspondance avec lui. Dans les deux années dont
-nous parlons, qui précédèrent de peu la mort de Costar,
-il fit imprimer en deux gros volumes in-4<sup>o</sup> des lettres qu'il
-avait écrites à divers personnages<a id="FNanchor_262" href="#Footnote_262" class="fnanchor">&nbsp;[262]</a>. Le second de ces volumes
-contient deux lettres adressées à madame de Sévigné.
-La reine Christine avait fait un grand éloge de notre
-jeune veuve dans une lettre écrite à madame de Lavardin,
-que celle-ci avait communiquée à Costar. Madame de
-Sévigné écrivit à ce dernier, pour se plaindre de la publicité
-qu'il avait donnée à cette lettre. C'est à cette lettre
-de madame de Sévigné que répond la première des deux
-lettres de Costar. La seconde prouve encore une liaison
-plus intime. Costar avait prêté à la marquise une peau
-d'ours, qu'elle lui avait renvoyée. Elle lui avait aussi
-transmis quatre portraits écrits, dont un était celui de
-mademoiselle de Valois, fille de Gaston, et un autre, le
-sien, sous le nom d'Iris, «par un inconnu». La modestie
-de madame de Sévigné lui faisait dire que c'était un portrait
-en l'air, «car il n'y avait aucun moyen d'être si parfaite».
-C'est à ces envois et à cette autre lettre de madame
-de Sévigné que Costar répond dans la dernière qu'il lui a
-adressée. Nous allons transcrire ces deux lettres, qui ont
-échappé à tous les éditeurs de madame de Sévigné<a id="FNanchor_263" href="#Footnote_263" class="fnanchor">&nbsp;[263]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_169"> 169</a></span></p>
-<p class="letter">PREMIÈRE LETTRE DE COSTAR A MADAME DE SÉVIGNÉ.</p>
-
-<p class="titel">«Madame,</p>
-
-<p>«Je vous avoue que j'ai grand tort, et que vous avez
-raison de me vouloir du mal. Il y a quelques mois que
-madame de Lavardin me confia une belle lettre de la reine
-Christine, où Sa Majesté témoignait qu'elle était éblouie
-comme les autres des lumières de votre esprit, et enchantée
-des charmes secrets qui sont en votre aimable personne.
-Je fus tellement touché de voir la princesse du
-monde la plus éclairée rendre de si glorieux témoignages
-de votre mérite, que, ne pouvant retenir ma joie au fond
-de mon c&oelig;ur, j'en fis part à une de mes amies qui vous
-adore, madame, mais qui est aussi faible que je le suis,
-et qui ne put s'empêcher de succomber à la même tentation
-que je n'avais pas eu le courage de repousser. Ainsi,
-madame, la gloire de votre nom a volé plus loin que vous
-ne vouliez, et fait à cette heure dans l'Anjou, et peut-être
-même dans la Bretagne, un bruit qui vous importune.
-En ce cas-là, cette humilité dont vous êtes si jalouse, et
-que vous voulez conserver au milieu des qualités éclatantes
-qui ont bien de la peine à compatir avec elle, aura
-sans doute beaucoup à souffrir. Je suis cause de tout ce
-désordre par l'indiscrétion de mon zèle; et ce qui m'afflige
-davantage en cela, c'est que le repentir de ma faute
-ne m'aidera pas à la réparer. Il m'est venu en pensée de
-vous faire demander ma grâce par madame la comtesse
-de La Fayette; et je l'aurais fait, si je ne me fusse avisé
-que de ne m'adresser pas tout droit à vous, c'était vous
-ravir la gloire de faire une action de miséricorde. Je me
-promets, madame, que je l'obtiendrai de votre bonté, et
-<span class="pagenum"><a id="Page_170"> 170</a></span>
-que vous ne serez pas si cruelle que de la refuser à mes
-très-humbles supplications. Autrement, j'ose vous déclarer
-que, dans le désespoir où vous me mettrez, je pourrai
-bien me mutiner, et perdre une partie du respect que je
-vous dois. Votre modestie n'aurait pas de plus dangereux
-ennemi que moi. D'abord j'apprendrais dans les provinces
-(ce qui n'est bien su que de la cour) que vous êtes la véritable
-princesse Clarinte de l'incomparable M. de Scudéry;
-et puis je remplirais de vos louanges un second volume
-de lettres que je donnerai au public sur la fin de cette
-campagne; et enfin je célébrerais si hautement vos vertus,
-qu'on connaîtrait par toute la France que je serais
-votre admirateur passionné, quoique je n'eusse point sujet
-d'être,</p>
-
-<p class="signature">Madame,<br />
-<span class="i1">Votre très-humble serviteur,</span><br />
-<span class="i2"><span class="small1">Costar</span><a id="FNanchor_264" href="#Footnote_264" class="fnanchor">&nbsp;[264]</a>.</span>»</p>
-
-<p class="letter">SECONDE LETTRE DE COSTAR A MADAME DE SÉVIGNÉ.</p>
-
-<p class="titel">«Madame,</p>
-
-<p>«Que j'aimerai toute ma vie mon sac de poil d'ours, de
-vous avoir rendu tant de bons offices dans la gelée! Mais,
-d'autre côté, j'appréhende dorénavant de le respecter un
-peu plus qu'il ne me serait commode, et de n'avoir pas le
-c&oelig;ur de mettre les pieds dedans, tant que je m'imaginerais
-d'y apercevoir les traces des vôtres, si bien faits, si droits
-et si savants..... Je vous remercie très-humblement de vos
-<span class="pagenum"><a id="Page_171"> 171</a></span>
-quatre excellents portraits..... La peinture de mademoiselle
-de Valois est la plus jolie du monde et la plus galante,
-et celle d'Iris n'a point reçu de louange qu'elle ne mérite.
-Je croirais bien avec vous, madame, qu'elle a été faite à
-plaisir; mais je ne dirai pas comme vous: Car quel moyen
-d'être si parfaite? Ce <i>car</i> n'est bon que pour ceux qui ne
-vous virent jamais, qui ne vous ont point ouï parler, et
-qui n'ont pas compris la beauté de votre esprit, sa grâce,
-ses charmes, sa solidité, sa douceur, et mille autres qualités
-qui se trouvent en vous, et qui ne se trouvent qu'en
-vous si bien assorties. Je sais, madame, que vous avez sur
-les yeux un certain bandeau de modestie qui les empêche
-de voir en vous les choses comme elles y sont. J'oubliais
-à vous dire que l'inconnu ne vous connaît pas assez. Je ne
-suis pas trop mal satisfait de ce qu'il dit de votre visage
-et de votre taille, mais, bon Dieu! s'il était entré bien
-avant dans votre âme, il y aurait découvert bien d'autres
-trésors que ceux dont il parle<a id="FNanchor_265" href="#Footnote_265" class="fnanchor">&nbsp;[265]</a>.»</p>
-
-<p>Ainsi la célébrité de madame de Sévigné, comme femme
-éminemment aimable et spirituelle, ne fut plus renfermée
-à la cour et dans le beau monde de la capitale; elle s'étendit
-dans les provinces par la publication du Dictionnaire
-des Précieuses de Somaize, du recueil des poésies
-fugitives de Sercy<a id="FNanchor_266" href="#Footnote_266" class="fnanchor">&nbsp;[266]</a>, du roman de Clélie, de la correspondance
-de Costar, et des poésies de Ménage.</p>
-
-<p>La troisième édition de ces poésies venait de paraître<a id="FNanchor_267" href="#Footnote_267" class="fnanchor">&nbsp;[267]</a>;
-et, outre l'idylle intitulée <i>Alexis</i><a id="FNanchor_268" href="#Footnote_268" class="fnanchor">&nbsp;[268]</a>, elle contenait deux
-<span class="pagenum"><a id="Page_172"> 172</a></span>
-nouvelles pièces de vers à la louange de madame de Sévigné.
-Elles étaient écrites en italien, que madame de Sévigné
-comprenait parfaitement. L'une est un sonnet au sujet
-de son portrait<a id="FNanchor_269" href="#Footnote_269" class="fnanchor">&nbsp;[269]</a>; l'autre est un madrigal allégorique, où
-madame de Sévigné est comparée à la fleur de la <i>belladonna</i>
-(belle dame)<a id="FNanchor_270" href="#Footnote_270" class="fnanchor">&nbsp;[270]</a>. Aucune de ces deux pièces ne mérite
-d'être traduite ni citée. Mais, indépendamment des pièces
-grecques et italiennes qui parurent pour la première fois
-dans cette troisième édition, on y lit aussi des pièces en
-français qui n'avaient point paru dans les éditions précédentes,
-entre autres une épître à Pellisson, où Ménage se
-plaint amèrement à son ami,</p>
-
-<p class="quote">De l'aimable marquise<br />
-Qui lui vola sa franchise.</p>
-
-<p>Il l'appelle perfide, infidèle, orgueilleuse, cruelle, tigresse
-au c&oelig;ur d'acier; il ne songe plus à ses paroles attrayantes
-et à ses paroles charmantes que quatre-vingt-trois
-fois la nuit et trente-huit fois le jour<a id="FNanchor_271" href="#Footnote_271" class="fnanchor">&nbsp;[271]</a>. Tout le monde
-savait, lors de la publication de cette épître, que ces
-extravagances de Ménage concernaient la marquise de
-Sévigné, quoique son nom ne fût pas prononcé; mais,
-dans la crainte que la postérité l'ignorât, il a pris soin de
-le lui apprendre lui-même dans la table des matières de la
-septième édition de ses poésies, qui ne fut pas la dernière<a id="FNanchor_272" href="#Footnote_272" class="fnanchor">&nbsp;[272]</a>.
-<span class="pagenum"><a id="Page_173"> 173</a></span>
-Personne alors ne fut surpris de ce langage; aucun des
-critiques de Ménage ne l'accusa d'inconvenance à ce sujet,
-ni ne le frappa de ridicule. Ceci prouve ce que nous avons
-remarqué précédemment, que d'après les usages du beau
-monde, mis en crédit par l'hôtel de Rambouillet, il était
-permis aux hommes de parler en toute liberté d'amour,
-malgré l'inégalité de l'âge et du rang. Il semble même
-qu'on eût passé pour grossier, si envers une femme jeune,
-jolie, spirituelle, on eût paru si peu faire attention à ses
-charmes, si peu apprécier son esprit, que de ne pas lui
-faire entendre le langage flatteur et passionné auquel elle
-était accoutumée de la part de ses fervents adorateurs.
-Sans cela on ne pourrait expliquer à l'égard de madame
-de Sévigné ni les vers que Ménage lui adressa ou ceux
-qu'il a écrits à son sujet, ni les lettres galantes de Costar
-goutteux et sur le bord de la tombe, ni les déclarations
-tendres dont elle fut l'objet de la part du surintendant Servien,
-après une entrevue qu'elle avait eue avec lui relativement
-à une affaire qui dépendait de sa décision. Ménage
-avait été l'intermédiaire entre elle et ce ministre; il l'avait
-assurée du désir qu'il avait de la revoir. C'est à ce sujet
-qu'elle lui écrivait: «Vous me dites des choses si obligeantes
-de l'estime que vous avez donnée de moi à M. Servien,
-qu'encore que j'y aie peu contribué et que je craigne
-même de la détruire, je ne laisse pas pourtant d'en sentir
-une certaine gloire, que toute autre personne ne m'aurait
-pu donner<a id="FNanchor_273" href="#Footnote_273" class="fnanchor">&nbsp;[273]</a>.» Ensuite, répondant à un autre billet flatteur
-<span class="pagenum"><a id="Page_174"> 174</a></span>
-de Ménage, qui lui faisait part de l'effet que ses
-charmes avaient produit sur Servien, elle dit: «Votre
-billet est le plus joli du monde; c'est ainsi que je vous conseille
-de les faire. Je suis ravie que mes petits yeux aient
-fait de si jolies conquêtes. Je me trouverais bien honorée
-s'ils portaient le désordre jusque dans le conseil d'en haut,
-mais je crains que l'histoire ne soit telle qu'à demi. En
-tout cas, je me contente de l'estime, et je vous conjure de
-me la conserver, puisque c'est vous qui me l'avez acquise.
-Pour M. de Noirmoutier [Louis de la Trémouille, duc de
-Noirmoutier<a id="FNanchor_274" href="#Footnote_274" class="fnanchor">&nbsp;[274]</a>], j'en prendrai le soin; car il prend le chemin
-de venir céans, et c'est là que je l'attends pour lui
-gagner le c&oelig;ur. Après tout, vous avez la gloire que j'aie
-été plus friande du vôtre que de tous les autres; mais,
-quelque honte qu'il y ait pour moi au temps que j'ai employé
-à l'acquérir, j'en suis toute consolée quand je
-songe à ce qu'il vaut.»</p>
-
-<p>D'après les détails que nous avons donnés dans le commencement
-de cet ouvrage<a id="FNanchor_275" href="#Footnote_275" class="fnanchor">&nbsp;[275]</a> sur les premiers temps des
-liaisons de Ménage avec Marie de Rabutin-Chantal, nous
-n'avons pas besoin de faire remarquer à nos lecteurs tout
-ce qu'il y avait de coquetterie tendre et affectueuse dans
-ces dernières lignes de madame de Sévigné, et de l'impression
-qu'elles devaient faire sur Ménage.</p>
-
-<p>Quant à Abel Servien, il pouvait se déclarer l'adorateur
-de madame de Sévigné sans compromettre sa réputation.
-Il avait alors soixante-cinq ans, et de plus il était borgne;
-circonstance qui a fourni un trait de satire de Boileau
-<span class="pagenum"><a id="Page_175"> 175</a></span>
-contre Ménage. Celui-ci, dans son églogue intitulée
-<i>Christine</i>, avait donné à ce ministre des éloges fades et
-exagérés, et l'avait comparé au soleil; et Boileau dit:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>De là vint cet amas d'ouvrages mercenaires,</p>
-<p>Stances, odes, sonnets, épîtres liminaires,</p>
-<p>Où toujours le héros passe pour sans pareil,</p>
-<p>Et, fût-il louche et borgne, est réputé soleil<a id="FNanchor_276" href="#Footnote_276" class="fnanchor">&nbsp;[276]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_176"> 176</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE XIV.<br />
-<span class="medium">1659-1660.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-La Fronde finit comme une pièce dramatique bien combinée.&mdash;Mariage
-du roi.&mdash;Rentrée de Condé.&mdash;Mort de Gaston.&mdash;Le
-cardinal de Retz est dans l'impuissance de nuire.&mdash;Pompes de la
-rentrée du roi.&mdash;La cour avait été obligée de faire de longues
-absences hors de la capitale pendant que se traitait l'affaire de la
-paix.&mdash;La noblesse alors resta à Paris.&mdash;Le théâtre devint pour
-ses divertissements sa principale ressource.&mdash;Une grande distance
-séparait la noblesse de la bourgeoisie.&mdash;La noblesse protégeait les
-acteurs.&mdash;Ceux-ci tenaient une conduite honorable.&mdash;Plusieurs
-étaient hommes de lettres.&mdash;Les auteurs dramatiques les ménageaient.&mdash;Ils
-accordent l'entrée de leurs théâtres à tous les membres
-de l'Académie Française.&mdash;Leur fréquentation avec les gens
-de cour et les grands leur donnait, sous le rapport des manières,
-une grande supériorité sur la bourgeoisie de la capitale et sur
-la noblesse de province.&mdash;Quelques-uns étaient gentils-hommes,
-et ne perdaient point leurs priviléges en devenant acteurs.&mdash;Molière
-n'éprouva aucun obstacle pour l'établissement de son nouveau
-théâtre.&mdash;Sa troupe, inférieure à celle des deux autres théâtres.&mdash;Son
-génie était son seul moyen de succès.&mdash;Succès du
-<i>Dépit amoureux</i>.&mdash;Vogue prodigieuse des <i>Précieuses ridicules</i>.&mdash;La
-raillerie était en honneur à la cour de Louis XIV.&mdash;Les véritables
-précieuses et leurs amis furent les premiers à rire de la pièce
-de Molière.&mdash;Toute la famille de M<sup>me</sup> de Rambouillet se trouvait à
-la représentation de cette pièce.&mdash;Motifs qui font présumer que
-M<sup>me</sup> de Sévigné y était aussi.&mdash;La preuve qu'elle était alors à Paris
-résulte du récit de Tallemant sur l'affaire du marquis de Langey.&mdash;Réflexions
-sur cette affaire.</p>
-
-<p class="space">La Fronde se termina comme un poëme dramatique
-bien combiné: toutes les intrigues qu'elle avait enfantées
-se dénouèrent par un mariage; presque tous les principaux
-<span class="pagenum"><a id="Page_177"> 177</a></span>
-acteurs se réconcilièrent, et celui qui toujours et sans
-cesse avait été occupé à tout brouiller fut écarté de la
-scène. Louis XIV épousa l'infante Marie-Thérèse; le
-traité des Pyrénées fut conclu; deux grandes monarchies,
-qui se faisaient la guerre depuis vingt-cinq ans, devinrent
-alliées; les frontières de la France furent reculées
-au nord, à l'est et au sud<a id="FNanchor_277" href="#Footnote_277" class="fnanchor">&nbsp;[277]</a>. Condé fit sa soumission, et
-ramena avec lui cette courageuse noblesse qui avait suivi
-sa destinée<a id="FNanchor_278" href="#Footnote_278" class="fnanchor">&nbsp;[278]</a>; le duc de Lorraine, retenu depuis six ans
-dans les prisons d'Espagne, à cause de ses liaisons avec la
-France, en sortit<a id="FNanchor_279" href="#Footnote_279" class="fnanchor">&nbsp;[279]</a>; Retz, condamné à l'exil, forcé de
-fuir et de se cacher, ne fut plus à craindre<a id="FNanchor_280" href="#Footnote_280" class="fnanchor">&nbsp;[280]</a>; l'indécis et
-faible Gaston, qui se défiait de tout le monde et de lui-même,
-qui ne s'intéressait à personne et auquel personne
-ne s'intéressait, mourut peu après<a id="FNanchor_281" href="#Footnote_281" class="fnanchor">&nbsp;[281]</a>.</p>
-
-<p>Le faste et l'éclat qui avaient accompagné la demande
-de l'infante; les galanteries chevaleresques et les attentions
-du jeune roi pour sa femme<a id="FNanchor_282" href="#Footnote_282" class="fnanchor">&nbsp;[282]</a>; la pompe triomphale
-de leur entrée dans Paris; la magnificence des réjouissances
-publiques qui la suivit, tout contribua à répandre
-un aspect de bonheur et un air de grandeur sur les commencements
-d'un règne qui s'annonçait d'une manière si
-<span class="pagenum"><a id="Page_178"> 178</a></span>
-brillante<a id="FNanchor_283" href="#Footnote_283" class="fnanchor">&nbsp;[283]</a>. Le royaume entier semblait renouvelé et rajeuni
-par son monarque<a id="FNanchor_284" href="#Footnote_284" class="fnanchor">&nbsp;[284]</a>.</p>
-
-<p>Mais les négociations qui avaient précédé ce moment
-avaient été longues et difficiles<a id="FNanchor_285" href="#Footnote_285" class="fnanchor">&nbsp;[285]</a>; et plus on désirait les
-voir se terminer heureusement, plus on se trouvait agité
-par la crainte et par l'espérance, selon qu'on apprenait
-qu'elles avançaient vers leur terme, ou qu'elles étaient sur
-le point d'être rompues. Tout le monde paraissait pressé
-d'en finir, excepté les négociateurs eux-mêmes, Jules Mazarin
-et Louis de Haro, qui, sur leur petite île de la Bidassoa,
-combattaient ensemble de ruses et de finesses dans
-leurs interminables conférences. Ces délais, cette longue
-attente, les absences prolongées du roi, de la reine, du
-cardinal et de tous ceux de leurs maisons, avaient en
-quelque sorte dérouté les habitudes du grand monde de la
-<span class="pagenum"><a id="Page_179"> 179</a></span>
-capitale. La cour se trouvait partagée en deux, parce
-qu'une partie seulement avait pu être du voyage de Lyon;
-l'autre était restée à Paris. Le roi n'y revint qu'en février;
-Mazarin en repartit vers le milieu de l'été, pour se rendre
-à Saint-Jean de Luz<a id="FNanchor_286" href="#Footnote_286" class="fnanchor">&nbsp;[286]</a>; et le roi, la reine et leur suite
-nombreuse allèrent peu après rejoindre le ministre et voyager
-dans le midi, en attendant le terme des négociations.
-Tout ce qui n'était point du voyage n'eut aucune envie de
-quitter Paris, où l'on s'attendait de jour en jour à voir
-revenir ceux dont on s'était séparé avec tant de regret:
-de fréquents courriers apportaient de leurs nouvelles, et
-instruisaient de tout ce qui préoccupait si fortement
-les esprits. Comme l'ouverture des négociations avait suspendu
-les opérations de la guerre, nul ne se trouvait forcé
-de s'absenter. La capitale était donc pourvue d'un plus
-grand nombre de personnes de la haute noblesse, ou de
-personnes riches et vivant noblement, qu'elle n'avait coutume
-de l'être dans cette saison. Mais comme les ballets
-royaux, les fêtes et les cercles de la cour, les bals et les
-mascarades, n'avaient plus lieu, on eut plus de loisir pour
-suivre les représentations théâtrales, et elles tinrent le
-premier rang parmi les jouissances de cette année.</p>
-
-<p>Nous avons vu qu'indépendamment des deux troupes
-d'acteurs de l'hôtel de Bourgogne et du Marais, une troisième
-troupe (c'était celle de Molière) avait obtenu la
-permission de s'établir à Paris, et jouait sur le théâtre
-du Petit-Bourbon.</p>
-
-<p>Il ne faut pas oublier l'inégalité des rangs qui existait
-à cette époque, et les effets qu'elle produisait. Un intervalle
-<span class="pagenum"><a id="Page_180"> 180</a></span>
-considérable séparait le bourgeois le plus riche d'un
-noble, d'un grand seigneur. Celui-ci donnait du lustre et
-de l'importance à tous ceux qu'il admettait à l'honneur
-de sa familiarité ou aux bienfaits de sa protection. Les
-grands choisissaient de préférence pour clients ceux qui
-pouvaient rehausser l'éclat de leur rang ou contribuer à
-leurs plaisirs. De là cette faveur dont jouissaient auprès
-d'eux les artistes, les gens de lettres, les chanteurs et les
-acteurs<a id="FNanchor_287" href="#Footnote_287" class="fnanchor">&nbsp;[287]</a>. La condition de ces derniers, du moins dans la
-capitale, n'était point ravalée au-dessous de celle de la
-bourgeoisie, comme cela a lieu depuis que leur nombre
-s'est multiplié si extraordinairement avec celui des théâtres,
-et encore plus depuis que les lois ont voulu promener
-leur niveau sur tous les rangs, sur toutes les professions.
-Les lois peuvent bien contraindre les actions
-de l'homme, mais ne peuvent rien sur ses opinions: les
-lois veulent en vain établir en toute chose une parfaite
-égalité, rendre semblable ce qui diffère, rapprocher ce qui
-se repousse; l'opinion, qui exerce sur les lois mêmes son
-empire absolu, élève aussitôt ce qu'elles ont abaissé,
-abaisse ce qu'elles ont élevé, prononce ses incompatibilités
-et établit ses distinctions.</p>
-
-<p>A l'époque dont nous parlons, les princes et les grands,
-qui, à l'exemple du monarque, aimaient à s'exercer dans
-l'art théâtral, et associaient à leurs divertissements les
-acteurs, ne laissaient échapper aucune occasion de manifester
-à ceux-ci l'intérêt qu'ils leur portaient, et le cas
-qu'ils faisaient de leurs talents. Ils les aidaient à maintenir
-l'ordre dans leurs représentations; ils n'hésitaient
-pas, pour les mettre à l'abri des insultes de la foule, à
-<span class="pagenum"><a id="Page_181"> 181</a></span>
-leur prêter le secours de leurs propres gardes ou de leurs
-nombreux valets, et souvent ils ne dédaignaient pas
-d'intervenir en personne, lorsque les circonstances
-l'exigeaient. Plus honorés, les acteurs tenaient aussi une
-conduite plus honorable. Ils maintenaient dans leurs petites
-républiques une police excellente<a id="FNanchor_288" href="#Footnote_288" class="fnanchor">&nbsp;[288]</a>. Liés entre eux
-par un même intérêt et par les rapports continuels de
-leurs communs travaux, ils se secouraient mutuellement,
-et ne souffraient jamais qu'aucun d'eux, qu'elle que fût
-son infortune, tombât à la charge de la charité publique.
-Ce qui ajoutait encore à la considération dont jouissaient
-particulièrement les acteurs des deux théâtres royaux de
-l'hôtel de Bourgogne et du Marais, c'est que plusieurs
-étaient hommes de lettres, et composaient des pièces dans
-lesquelles ils jouaient. Dans ce nombre étaient Hauteroche,
-Villiers, Poisson, Champmeslé, la Thorillière: par
-ceux-ci, la nuance qui séparait les acteurs des gens de
-lettres faisant profession de travailler uniquement pour
-la scène était faible et peu marquée; car ces derniers
-étaient obligés de fréquenter les acteurs, de faire société
-avec eux; ils avaient besoin de leur appui, et semblaient
-appartenir à leur théâtre et faire partie de leur troupe. Les
-acteurs, de leur côté, se montraient dignes, par leur générosité,
-d'une telle confraternité. Ils avaient accordé à tous
-les membres de l'Académie Française le droit d'entrer à
-leur spectacle sans payer. Ainsi les acteurs, par leur liaison
-avec les beaux esprits, par la nature même de leur
-profession, possédaient toujours ce genre d'instruction
-qui contribue le plus aux agréments de la conversation,
-<span class="pagenum"><a id="Page_182"> 182</a></span>
-et leur fréquentation avec les grands leur donnait cette
-élégance dans les manières, cette pureté dans le langage,
-cette politesse naturelle, et toutes les qualités brillantes
-de l'homme du monde, alors si inégalement réparties,
-auxquelles la bourgeoisie était entièrement étrangère, et
-qu'on ne trouvait même pas parmi la noblesse de province:
-elles semblaient être l'apanage presque exclusif
-de la cour, des cercles et des ruelles de la capitale. C'était
-donc un immense avantage que de les posséder, et les
-acteurs y trouvaient pour l'exercice de leur profession
-un élément de succès: ils s'étudiaient continuellement à
-les acquérir, et parvenaient sous ce rapport à égaler leurs
-modèles. Enfin, la plupart d'entre eux étaient sortis de la
-bourgeoisie, et quelques-uns même de la noblesse. Ces
-derniers ne dérogeaient pas alors en montant sur les
-planches. Floridor, le meilleur acteur de cette époque,
-était de ce nombre. Le fisc voulut lui contester son titre,
-et le priver des priviléges et exemptions qu'il tenait de
-sa naissance; mais la justice prononça en sa faveur<a id="FNanchor_289" href="#Footnote_289" class="fnanchor">&nbsp;[289]</a>, et
-le rétablit dans ses droits, sans que pour cela il fût obligé
-de renoncer au théâtre. Plus tard, Le Noir de La Thorillière
-quitta la glorieuse profession des armes, et le grade
-de capitaine de cavalerie, pour se faire acteur; et ce fut
-avec le consentement et l'approbation du roi qu'eut lieu
-ce changement d'état<a id="FNanchor_290" href="#Footnote_290" class="fnanchor">&nbsp;[290]</a>.</p>
-
-<p>Ainsi Poquelin, ce fils d'un tapissier du roi sous les Piliers
-des halles<a id="FNanchor_291" href="#Footnote_291" class="fnanchor">&nbsp;[291]</a>, n'avait pas, autant qu'on l'a cru, trompé
-<span class="pagenum"><a id="Page_183"> 183</a></span>
-l'espoir de sa famille en mettant de côté la soutane du séminariste<a id="FNanchor_292" href="#Footnote_292" class="fnanchor">&nbsp;[292]</a>
-et la robe d'avocat, pour devenir acteur et chef
-de troupe, surtout depuis que, par la protection du prince
-de Conti et de <span class="small1">Monsieur</span>, il eut obtenu la permission de
-s'établir dans la capitale. Sa profession ne parut nullement
-incompatible avec la charge de valet de chambre du roi,
-qu'il tenait de son père, et avec l'honneur qu'il avait, lorsqu'il
-était de service, de faire quelquefois le lit de Sa Majesté<a id="FNanchor_293" href="#Footnote_293" class="fnanchor">&nbsp;[293]</a>.
-Mais si Molière était favorisé par l'opinion, les
-m&oelig;urs et les besoins de son temps<a id="FNanchor_294" href="#Footnote_294" class="fnanchor">&nbsp;[294]</a> pour l'établissement
-d'un nouveau théâtre à Paris, il trouvait de grands obstacles
-dans les deux autres théâtres, qui depuis longtemps
-étaient en possession d'attirer la foule. Les acteurs qui y
-jouaient, déjà en faveur auprès du public, avaient une
-grande supériorité sur ceux du sien; aucun auteur en réputation
-ne voulait consentir à confier ses pièces à ces comédiens
-de province, si peu habiles. Tous moyens de succès
-leur étaient donc ravis, hors un seul: le génie de celui
-qui était leur chef. Instruits par lui, inspirés par lui, les
-camarades de Molière, médiocres dans les pièces des autres,
-jouaient les siennes avec un ensemble, une verve, un
-naturel, qui ne laissaient rien à désirer. Pour que la nouvelle
-troupe réussît et l'emportât sur les deux autres, il
-fallait donc que Molière composât des pièces pour elle, et
-que ces pièces fussent supérieures à celles que l'on jouait
-aux autres théâtres: c'est ce qu'il fit, du moins pour les
-<span class="pagenum"><a id="Page_184"> 184</a></span>
-comédies. Déjà <i>les Étourdis</i> et <i>le Dépit amoureux</i> avaient
-commencé à attirer le public à son théâtre, et lui avaient
-fait entrevoir la possibilité de réussir; lorsqu'une simple
-farce en prose, en un seul acte, composée en quelques
-jours, dont l'intrigue ou la conduite, misérable en elle-même,
-ne lui appartenait pas<a id="FNanchor_295" href="#Footnote_295" class="fnanchor">&nbsp;[295]</a>, lui procura un succès prodigieux<a id="FNanchor_296" href="#Footnote_296" class="fnanchor">&nbsp;[296]</a>,
-et lui acquit tout à coup une réputation qui ne
-fit que s'accroître depuis, mais que les deux comédies en
-cinq actes et en vers qu'il avait déjà fait jouer n'avaient
-pu lui faire obtenir. Dans cette parade bouffonne, Molière
-faisait ressortir les ridicules du langage affecté et des manières
-composées de la haute classe, en montrant ce qu'ils
-devenaient lorsqu'ils étaient singés par la bourgeoisie et
-les gens de bas étage. Ces ridicules avaient déjà été signalés,
-mais personne n'avait soupçonné qu'ils fussent
-aussi comiques. Ces scènes sans liaison étaient une suite
-de peintures admirables par cet air de vérité auquel l'exagération
-même donne plus de relief; c'était une satire
-mordante, spirituelle et comique des folies les plus extravagantes,
-et des travers les plus saillants, de la société
-de cette époque. Personne ne put s'empêcher d'en rire; les
-plus grandes précieuses et leurs sectateurs s'en amusèrent
-comme les autres, tant était contagieuse cette verve de
-gaieté qui animait les dialogues dans les endroits où l'auteur
-avait placé ses traits les plus malins. «Qui ne sait
-pas supporter la raillerie, dit Loménie de Brienne dans ses
-mémoires, ne doit point vivre à la cour<a id="FNanchor_297" href="#Footnote_297" class="fnanchor">&nbsp;[297]</a>.» La raillerie
-fut à cette époque même le sujet d'un ballet, où le roi représenta
-<span class="pagenum"><a id="Page_185"> 185</a></span>
-le principal personnage<a id="FNanchor_298" href="#Footnote_298" class="fnanchor">&nbsp;[298]</a>; la cour de Louis XIV
-était essentiellement railleuse et moqueuse, et cette disposition
-générale des esprits contribua beaucoup au succès
-de Molière et aux allures franches et hardies de son génie.
-Non-seulement on ne lui en voulut point de ses piquants
-sarcasmes sur les ruelles de la capitale et sur celles des
-provinces, mais on lui en sut gré. C'est en vain que quelques
-envieux cherchèrent à animer contre lui les courtisans,
-les grands seigneurs et les grandes dames qu'il avait
-eu, disaient-ils, l'audace de traduire sur le théâtre<a id="FNanchor_299" href="#Footnote_299" class="fnanchor">&nbsp;[299]</a>; personne
-ne s'avisa de réclamer le privilége d'être sot et ridicule
-par droit de naissance. Nous savons qu'à la réserve
-de M. et de madame de Montausier, qui étaient dans leur
-gouvernement d'Angoumois, toute la famille de madame
-de Rambouillet se trouvait à la première représentation
-des <i>Précieuses</i> de Molière; Ménage y vit madame la marquise
-de Rambouillet, mademoiselle de Rambouillet, sa
-fille, madame la marquise de Grignan, son autre fille, le
-marquis de Grignan, son gendre, et leurs nombreux amis.
-Tous applaudirent à ces réjouissantes caricatures, à ces
-scènes d'un comique si vrai, si spirituel, si original surtout,
-et qui ne rappelaient en rien les imitations des pièces
-anciennes ou des pièces espagnoles, dont on était rassasié.
-On connaît le mot de Ménage et son espèce de palinodie:
-«Dès cette première représentation, dit-il, on revint du
-galimatias et du style forcé<a id="FNanchor_300" href="#Footnote_300" class="fnanchor">&nbsp;[300]</a>.» On connaît l'exclamation
-énergique d'un vieil amateur: «Courage, Molière! voilà
-de la bonne comédie.» Mais ce qui est ignoré, ce qui importe
-à notre objet, c'est que probablement madame de
-<span class="pagenum"><a id="Page_186"> 186</a></span>
-Sévigné se trouvait aussi à cette première représentation
-des <i>Précieuses ridicules</i>. Du moins est-il certain qu'elle
-était alors à Paris: nous en avons la preuve par le récit
-de Tallemant des Réaux sur l'affaire du marquis de Langey,
-dans lequel madame de Sévigné figure au nombre
-des jeunes femmes vives et légères qui ne voyaient que le
-côté plaisant de cette cause singulière, devenue le sujet
-de tous les entretiens. Elle partageait l'attention publique
-au point de faire oublier les succès prodigieux de la comédie
-des <i>Précieuses ridicules</i> et de la tragédie de <i>Bélisaire</i>
-du sieur de la Calprenède, et même les négociations
-de Saint-Jean du Luz<a id="FNanchor_301" href="#Footnote_301" class="fnanchor">&nbsp;[301]</a>. L'étrange et scandaleuse accusation
-d'une jeune femme contre un mari, si opposée à la
-réputation d'homme à bonnes fortunes qu'il s'était acquise,
-avait forcément monté toutes les conversations sur un tel
-ton de licence dans l'expression, qu'on doit peu s'étonner
-du propos que Tallemant des Réaux dit avoir été tenu
-par madame de Sévigné au marquis de Langey<a id="FNanchor_302" href="#Footnote_302" class="fnanchor">&nbsp;[302]</a>, pour
-exprimer à celui-ci qu'elle ne doutait nullement des
-moyens victorieux qu'il avait de gagner sa cause.</p>
-
-<p>Les vers énergiques de Boileau, l'absurde contradiction
-de deux jugements contraires rendus pour et contre
-un seul homme, et le plaidoyer de Lamoignon<a id="FNanchor_303" href="#Footnote_303" class="fnanchor">&nbsp;[303]</a>, amenèrent
-<span class="pagenum"><a id="Page_187"> 187</a></span>
-dans notre législation, à l'égard du mariage, un
-changement qui, considéré sous le point de vue religieux,
-n'était pas aussi fondé en raison que le pensent ceux qui
-n'ont fait attention qu'aux circonstances scandaleuses de
-cette affaire<a id="FNanchor_304" href="#Footnote_304" class="fnanchor">&nbsp;[304]</a>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_188"> 188</a></span></p><br />
-<h2 class="normal">CHAPITRE XV.<br />
-<span class="medium">1661.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Mort de Mazarin.&mdash;Une nouvelle ère commence pour la France.&mdash;La
-cour ne se sépare plus.&mdash;Elle part tout entière pour Fontainebleau.&mdash;Les
-divertissements sont interrompus à Paris dans la belle saison.&mdash;Plaisirs
-de Fontainebleau.&mdash;Intrigues amoureuses du roi avec mademoiselle
-de La Vallière;&mdash;de <span class="small1">Madame</span> avec le comte de Buckingham
-et le comte de Guiche;&mdash;de la duchesse de Toscane avec le duc
-de Lorraine.&mdash;Les personnes qui à Paris étaient invitées à la cour
-ne se trouvaient plus dans la même position à Fontainebleau.&mdash;Elles
-étaient obligées dans ce séjour à de grandes dépenses.&mdash;Madame
-de Sévigné se retire à sa terre des Rochers pendant l'été.&mdash;Durant
-l'hiver elle participe aux plaisirs de Paris.&mdash;Plusieurs mariages
-brillants y donnent lieu à des fêtes nombreuses.&mdash;On redonne
-aux théâtres les chefs-d'&oelig;uvre de Corneille.&mdash;Il compose la
-<i>Toison d'Or</i>, le premier opéra allégorique.&mdash;Molière s'essaye dans
-le genre héroïque; il y réussit peu, et revient à la comédie.&mdash;Toutes
-ces pièces furent jouées successivement à Paris, à Fontainebleau, et
-chez Fouquet à Vaux et à Saint-Mandé.&mdash;Madame de Sévigné,
-quand elle était à Paris, était de toutes les fêtes; elle ne se trouva
-point à la plus somptueuse de toutes.&mdash;Elle quitte sa terre pour
-faire un voyage au mont Saint-Michel.&mdash;Ce qu'elle écrit à sa fille
-trente ans après, au sujet de ce voyage.&mdash;Citation d'une lettre
-d'un conseiller au parlement, au sujet de madame de Sévigné et
-de sa fille, à l'époque de ce voyage.</p>
-
-<p class="space">Mazarin n'était plus: sa mort avait presque aussitôt
-suivi la paix qu'il avait conclue, et une nouvelle ère commença
-pour la France<a id="FNanchor_305" href="#Footnote_305" class="fnanchor">&nbsp;[305]</a>. La haute société prit une nouvelle
-<span class="pagenum"><a id="Page_189"> 189</a></span>
-forme; elle se trouva forcée de changer les habitudes
-qu'elle avait contractées depuis longtemps. Pendant toute
-la durée de la guerre, une portion de ceux qui la composaient,
-appelée à l'armée, que suivaient le roi, la reine
-mère et son ministre, s'absentait régulièrement de Paris
-pendant la belle saison; l'autre portion, au contraire,
-restait dans la capitale, parce que là on se trouvait plus
-à portée d'être bien instruit des événements, de communiquer
-avec les amis, les parents que l'on avait à
-la cour, foyer ambulant de toutes les intrigues et de
-toutes les ambitions. Ainsi les cercles, les divertissements
-n'éprouvaient point d'interruption; et c'est alors qu'en
-l'absence du monarque et du premier ministre, <span class="small1">Mademoiselle</span>,
-le surintendant Fouquet, ou d'autres personnages
-moins considérables, étalaient le luxe de leur grande
-fortune, et comblaient le vide produit par l'absence du
-souverain.</p>
-
-<p>Pour la première fois depuis vingt-quatre ans, cet ordre
-de choses fut changé. Toute la cour partit dès le mois d'avril
-pour Fontainebleau, avec les reines, le roi, et son
-frère <span class="small1">Monsieur</span>, qui emmenait avec lui l'aimable fille du
-roi d'Angleterre, devenue sa femme. Deux reines mères,
-celle de France et celle d'Angleterre; un jeune monarque;
-une jeune reine déjà enceinte<a id="FNanchor_306" href="#Footnote_306" class="fnanchor">&nbsp;[306]</a>; plusieurs princesses nouvellement
-mariées; un essaim de beautés empressées à
-plaire; de jeunes seigneurs, guerriers déjà illustrés par
-nombre d'actes de valeur; la sécurité qu'on ressentait en
-voyant les Condé, les Beaufort, ces redoutables héros de
-la Fronde, devenus d'assidus courtisans<a id="FNanchor_307" href="#Footnote_307" class="fnanchor">&nbsp;[307]</a>; le soulagement
-<span class="pagenum"><a id="Page_190"> 190</a></span>
-que l'on éprouvait d'être délivré d'un ministre avare, rusé,
-quinteux, sous lequel on s'était vu forcé de ployer, après
-l'avoir outragé et proscrit<a id="FNanchor_308" href="#Footnote_308" class="fnanchor">&nbsp;[308]</a>; l'espérance qui surgissait de
-voir appelé à lui succéder<a id="FNanchor_309" href="#Footnote_309" class="fnanchor">&nbsp;[309]</a> ce surintendant si poli, si aimable
-envers tous, si insinuant, si serviable envers la richesse,
-si généreux, si prodigue même envers la haute
-noblesse, le talent, la faveur ou la beauté; enfin le printemps,
-un ciel pur, les eaux du fleuve, les ombrages de la
-forêt, tout contribua à exalter la joie générale, à imprimer
-un élan vers les plaisirs, qui se manifesta avec encore plus
-de force et d'éclat que dans les années précédentes. Les
-ballets, la comédie, les concerts, les navigations sur le
-canal, les bains de rivière, les cavalcades, les carrousels,
-les promenades en calèche, les chasses, les repas en plein
-air, les jeux folâtres, les mascarades, les parties nocturnes,
-les illuminations, les feux d'artifice, donnèrent pendant
-plusieurs mois à Fontainebleau et à toutes les campagnes
-des environs un aspect de fêtes toujours varié, toujours
-plus ravissant<a id="FNanchor_310" href="#Footnote_310" class="fnanchor">&nbsp;[310]</a>. Favorisées par toutes les circonstances
-des lieux et des temps, les intrigues amoureuses se développèrent
-rapidement parmi cette brillante jeunesse, dont
-la joie était exaltée par des plaisirs sans cesse renaissants.
-Il semblait que la volupté s'empressât d'entourer de ses
-guirlandes, et de couvrir de ses fleurs, ce trône qu'elle se
-montrait jalouse de disputer à la gloire. Là se formèrent
-des liaisons qui devaient tenir une si grande place dans
-les événements de ce règne; là se développèrent des passions
-<span class="pagenum"><a id="Page_191"> 191</a></span>
-qui devaient exercer une si puissante influence sur
-les m&oelig;urs et les destinées du monde<a id="FNanchor_311" href="#Footnote_311" class="fnanchor">&nbsp;[311]</a>. L'amour du roi pour
-mademoiselle de La Vallière<a id="FNanchor_312" href="#Footnote_312" class="fnanchor">&nbsp;[312]</a>, celui de <span class="small1">Madame</span> pour Buckingham<a id="FNanchor_313" href="#Footnote_313" class="fnanchor">&nbsp;[313]</a>,
-et ensuite pour le comte de Guiche, favori de
-son mari<a id="FNanchor_314" href="#Footnote_314" class="fnanchor">&nbsp;[314]</a>; celui de la duchesse de Toscane, fille de Gaston,
-pour le duc Charles de Lorraine<a id="FNanchor_315" href="#Footnote_315" class="fnanchor">&nbsp;[315]</a>, cessèrent d'être un
-mystère pour des courtisans, si intéressés à pénétrer les
-secrets de leurs maîtres, et empressés à justifier leurs excès
-par de tels exemples. Aussi, à la réserve de la chaste
-épouse de Louis XIV, asservie, ainsi que la reine sa belle-mère,
-à une piété sévère, il n'y eut peut-être pas dans
-toute cette cour, si nombreuse en jeunes femmes, une seule
-qui ne fût alors, soit pour elle-même, soit pour une autre,
-engagée dans quelque intrigue amoureuse. Le récit des
-aventures galantes qui eurent lieu alors, et dans cette seule
-saison, a rempli plusieurs volumes, qui sont loin d'avoir
-épuisé la matière<a id="FNanchor_316" href="#Footnote_316" class="fnanchor">&nbsp;[316]</a>.</p>
-
-<p>Cette translation et ce séjour du monarque à Fontainebleau
-produisirent un changement dans l'existence des
-personnes qu'on voyait habituellement à la cour, ou qui
-se trouvaient à ces divertissements sans qu'elles fussent
-obligées d'y être, sans qu'elles possédassent aucune charge
-<span class="pagenum"><a id="Page_192"> 192</a></span>
-ou eussent aucun emploi auprès du monarque, ou auprès
-des princes. Dans la capitale, ces personnes avaient avec
-la cour des points de contact et des jouissances communes
-à tous, par le moyen des promenades publiques, des
-théâtres, et des foires, alors très-fréquentées par la haute
-société. Lorsqu'elles se rendaient aux invitations du monarque,
-des reines ou des ministres, pour ajouter aux
-agréments ou à la pompe des ballets, des carrousels, des
-banquets, elles ne changeaient en rien leur genre de vie
-habituel. Elles n'abandonnaient point leurs somptueux
-hôtels, où plusieurs rendaient aussi à la cour les repas et
-les fêtes qu'elles en avaient reçus. Ces personnes semblaient
-ainsi plutôt consentir à être de la cour, que demander
-à en être: elles n'aliénaient pas leur liberté, leur
-indépendance. Mais, en quittant leur domicile pour se transporter
-à Fontainebleau, elles se mettaient à la suite de la
-cour; elles montraient l'intention de solliciter l'honneur
-d'y être admises, de participer à l'éclat des fêtes qui s'y
-donnaient et aux plaisirs qu'on y goûtait; elles manifestaient
-la volonté de parcourir la carrière d'ambition et
-d'intrigues qui y était ouverte. Elles se trouvaient alors
-nécessairement entraînées à supporter toutes les charges
-d'une telle existence: le gros jeu, les somptueux équipages,
-un grand luxe de maison, devenaient nécessaires.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné, que l'éducation de sa fille occupait
-alors fortement, était trop raisonnable, trop économe,
-pour se placer dans une telle situation. D'ailleurs, tout le
-fracas des fêtes et des intrigues de Fontainebleau ne convenait
-nullement à ses habitudes, à ses projets, à la pureté,
-à la délicatesse de ses sentiments. Aussi pendant ce temps
-se retira-t-elle à sa terre des Rochers. Une lettre d'un conseiller
-au parlement, que nous aurons bientôt occasion de
-<span class="pagenum"><a id="Page_193"> 193</a></span>
-citer, nous prouve qu'elle s'y était rendue au commencement
-du printemps, et au moment même du départ de la
-cour pour Fontainebleau: deux lettres d'elle, l'une à Ménage<a id="FNanchor_317" href="#Footnote_317" class="fnanchor">&nbsp;[317]</a>
-et l'autre à Pomponne, nous démontrent qu'elle s'y
-trouvait encore au mois d'octobre.</p>
-
-<p>Mais il est probable qu'elle séjourna dans la capitale
-durant l'hiver qui précéda ce voyage de Fontainebleau,
-et celui qui le suivit. A la vérité, nous n'en avons d'autre
-preuve que son genre de vie pendant plusieurs des précédentes
-années, où nous la voyons assez empressée à saisir
-les occasions de s'associer aux plaisirs de la cour. Ils furent
-très-actifs et très-brillants pendant ces deux hivers,
-signalés par les négociations et la conclusion de la paix,
-la naissance d'un Dauphin<a id="FNanchor_318" href="#Footnote_318" class="fnanchor">&nbsp;[318]</a>; les mariages du duc d'Anjou
-avec Henriette d'Angleterre<a id="FNanchor_319" href="#Footnote_319" class="fnanchor">&nbsp;[319]</a>; de mademoiselle d'Orléans,
-l'une des filles de Gaston et de Marguerite de Lorraine<a id="FNanchor_320" href="#Footnote_320" class="fnanchor">&nbsp;[320]</a>,
-avec le grand-duc de Toscane; celui de Marie de Mancini
-avec le connétable de Colonne<a id="FNanchor_321" href="#Footnote_321" class="fnanchor">&nbsp;[321]</a>; celui de sa s&oelig;ur la belle
-Hortense avec Armand de La Porte, qui prit le nom de duc
-de Mazarin<a id="FNanchor_322" href="#Footnote_322" class="fnanchor">&nbsp;[322]</a>. Pendant l'un et l'autre carnaval, la joie se
-manifesta par des actions hors de toute prudence, hors
-de toute convenance. La passion pour le jeu et les mascarades
-alla toujours en croissant. On risqua des sommes
-<span class="pagenum"><a id="Page_194"> 194</a></span>
-énormes sur une seule carte<a id="FNanchor_323" href="#Footnote_323" class="fnanchor">&nbsp;[323]</a>; des personnages de haute
-distinction coururent les rues, déguisés en poissardes, en
-Scaramouches, en Trivelins<a id="FNanchor_324" href="#Footnote_324" class="fnanchor">&nbsp;[324]</a>. Durant ces deux années
-aussi, le théâtre jeta un grand éclat. Je ne veux point
-parler de la magnificence des ballets royaux<a id="FNanchor_325" href="#Footnote_325" class="fnanchor">&nbsp;[325]</a>, mais de la
-splendeur, bien préférable, que la scène reçut des chefs-d'&oelig;uvre
-dramatiques qui furent représentés alors. Le
-génie du vieux Corneille sembla se ranimer, et reprendre
-une nouvelle forme pour faire luire un dernier rayon sur
-ce nouveau règne. Corneille avait donné le premier modèle
-de la comédie dans le <i>Menteur</i>, composé le premier
-chef-d'&oelig;uvre de tragédie dans le <i>Cid</i>; dans la <i>Toison
-d'Or</i> il offrit le premier l'exemple d'une pièce à machines,
-également propre à être déclamée ou chantée, écrite avec
-noblesse, conduite avec régularité; enfin le premier exemple
-d'un bon opéra. On remit aussi alors au théâtre toutes
-les pièces qui avaient fait la gloire de ce créateur de la
-scène française, et elles excitèrent le même enthousiasme
-que dans la nouveauté. Son frère, uni avec lui d'intérêt,
-de fortune et de renommée, fit une pièce de circonstance
-intitulée <i>Camma</i>, dont le sujet avait été fourni par Fouquet.
-Le succès fut complet. Ainsi, cette époque, favorable
-pour la gloire et la prospérité de la France, le fut aussi
-pour son grand poëte<a id="FNanchor_326" href="#Footnote_326" class="fnanchor">&nbsp;[326]</a>. Molière, trop sensible aux reproches
-que lui faisaient ses Aristarques et ses ennemis,
-<span class="pagenum"><a id="Page_195"> 195</a></span>
-de ne réussir que dans la farce, voulut habiller en grande
-dame et assujettir aux belles manières sa muse joyeuse,
-énergique, un peu dévergondée, mais vive, franche, naturelle,
-et habituée à marcher librement et à visage découvert.
-Il fit <i>Don Garcie de Navarre</i>, pièce dans le genre
-noble, qui n'eut point de succès et n'en méritait pas. Mais
-celui qu'il obtint presque aussitôt après, par son <i>École
-des Maris</i>, dut lui prouver qu'il vaut mieux supporter
-les défauts de son génie que de le contraindre dans son
-allure. La troupe de Molière était la troupe en vogue,
-celle que préféraient le monarque et le public, parce
-que c'était la plus réjouissante, et la seule à qui il fût
-permis de jouer les pièces de son directeur. On lui accorda
-le théâtre du Palais-Royal, et elle jouait alternativement
-sur ce théâtre et devant la cour, au Louvre ou
-à Fontainebleau, et chez Fouquet, à Vaux ou à Saint-Mandé<a id="FNanchor_327" href="#Footnote_327" class="fnanchor">&nbsp;[327]</a>.</p>
-
-<p>Fouquet donnait encore plus fréquemment des fêtes que
-dans les années précédentes; et nous avons déjà exposé
-les motifs qui doivent faire penser que madame de Sévigné
-se trouvait à toutes ces fêtes. Cependant elle n'était pas
-présente à celle qui surpassa toutes les autres, à celle que
-Louis XIV avait demandée, à celle où Molière fit jouer
-pour la première fois la comédie des <i>Fâcheux</i>, à celle qui
-fut la dernière où Vaux resplendit d'une magnificence
-toute royale, à celle qui précéda de si peu de temps la
-chute du malheureux surintendant.</p>
-
-<p>Lorsque fut donnée cette fête, qui amusa tant le bon
-<span class="pagenum"><a id="Page_196"> 196</a></span>
-La Fontaine, et dont il nous a laissé une si charmante description<a id="FNanchor_328" href="#Footnote_328" class="fnanchor">&nbsp;[328]</a>,
-madame de Sévigné était retirée aux Rochers,
-car c'était l'époque où la cour se trouvait à Fontainebleau:
-on était au mois d'août, et tant que dura la belle saison
-madame de Sévigné ne quitta sa terre que pour faire un
-petit voyage, qui ne dut pas lui coûter une bien longue
-absence ni lui occasionner beaucoup de fatigue. Accompagnée
-de sa fille, elle se rendit au mont Saint-Michel.
-L'isolement de ce mont, sur une vaste plage couverte deux
-fois par jour des eaux de la mer; son double sommet, son
-château, son église, son abbaye; la salle où se rassemblaient
-les chevaliers de l'ordre formé sous l'invocation
-de l'archange dont il porte le nom; les prisonniers d'État
-renfermés dans ses sombres cachots; les superstitions, les
-pèlerinages dont il fut l'objet, lui ont donné depuis longtemps
-une grande célébrité<a id="FNanchor_329" href="#Footnote_329" class="fnanchor">&nbsp;[329]</a>. Pour s'y rendre, en partant
-des Rochers, madame de Sévigné n'eut qu'un trajet de
-quinze à dix-huit lieues à faire; et dans sa route elle traversait
-Fougères, où son mari avait été gouverneur, et
-dont les environs sont si riants et si fertiles. C'est à cette
-époque de sa vie que madame de Sévigné faisait allusion,
-trente ans après, lorsqu'elle écrivait de Dol à madame de
-Grignan: «Je voyais de ma chambre la mer et le mont
-Saint-Michel, ce mont si orgueilleux que vous avez vu
-<span class="pagenum"><a id="Page_197"> 197</a></span>
-si fier, et qui vous a vue si belle; je me suis souvenue
-avec tendresse de ce voyage<a id="FNanchor_330" href="#Footnote_330" class="fnanchor">&nbsp;[330]</a>.»</p>
-
-<p>En effet, madame de Grignan, si elle avait revu le mont
-Saint-Michel lorsque sa mère lui écrivait cette lettre, ne
-lui aurait pas trouvé un aspect aussi imposant qu'au temps
-de sa jeunesse. A cette époque ses deux cimes étaient couronnées
-de deux majestueuses constructions, la plus haute
-par l'abbaye, la moins élevée par le château; mais ce château
-avait été rasé en 1669. Ce mont Saint-Michel n'aurait
-pas non plus retrouvé en 1689 madame de Grignan,
-âgée de quarante-trois ans, aussi fraîche et aussi belle que
-mademoiselle de Sévigné l'était en 1661, quoiqu'elle n'eût
-à cette époque que treize ans. Sa mère ne la flattait pas,
-lorsqu'elle lui disait qu'elle était alors déjà remarquable
-par ses naissants attraits. Voici de quelle manière s'exprimait,
-dans une lettre adressée à un ami, un conseiller
-au parlement qui se trouvait à Fontainebleau le 3 novembre
-1661<a id="FNanchor_331" href="#Footnote_331" class="fnanchor">&nbsp;[331]</a>:</p>
-
-<p>«J'ai eu l'avantage d'être un mois durant voisin de madame
-de Sévigné, dont la maison n'est qu'à deux lieues de
-nous. Cette favorable conjoncture me l'a bien mieux fait
-connaître par elle-même, que par ce grand et légitime bruit
-que son mérite fait dans le monde. Je ne vous en dirai rien
-du tout et je vous renvoie, ou à la connaissance que vous
-en avez, ou à la foi publique... Mademoiselle sa fille est
-une autre merveille, dont je ne vous dirai rien non plus:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Vous la verrez, si vous ne l'avez vue,</p>
-<p>Vous la verrez, de mille attraits pourvue,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_198"> 198</a></span></div>
-<p class="i1"> Briller d'un éclat sans pareil;</p>
-<p>Et vous direz, en la voyant paraître:</p>
-<p>C'est un soleil qui ne fait que de naître</p>
-<p class="i1"> Dans le sein d'un autre soleil.</p>
-</div></div>
-
-<p>«Le lieu où ces déités me sont apparues est une maison
-située à une lieue de Vitré, grande et belle pour ses bâtiments
-et ses jardins, où madame de Sévigné passe de temps
-à autre quelques mois, et où, dans un fond de province,
-on trouve la même politesse que dans l'Ile de France.</p>
-
-<p>«J'ai encore à vous rendre compte du pèlerinage que
-j'ai fait au mont Saint-Michel... Ce mont est une chose
-singulière, où il y a une fort belle abbaye; et c'est tout
-vous dire que madame de Sévigné avait eu la même curiosité
-huit ou dix jours avant moi, et en avait été fort satisfaite;
-ce qui me donna lieu de lui en écrire, à mon retour,
-une lettre que je ne mets ici que pour vous servir
-de description de cette montagne.»</p>
-
-<p>L'emphatique description que l'anonyme adresse à madame
-de Sévigné se termine ainsi:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Vous l'avez vu, madame, et savez si je mens.</p>
-<p>Vous avez triomphé de la roche superbe;</p>
-<p>Vos beaux pieds l'ont foulée, ainsi qu'on foule l'herbe:</p>
-<p>Elle fléchit pour vous son invincible orgueil;</p>
-<p>Et, sentant sur sa croupe une charge si belle,</p>
-<p>Elle vous caressa par un muet accueil;</p>
-<p>Puis de votre départ voyant l'heure cruelle,</p>
-<p>Dans ses concavités elle en pleura le deuil.</p>
-<p>Elle ne le dit pas; et je le dis pour elle<a id="FNanchor_332" href="#Footnote_332" class="fnanchor">&nbsp;[332]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_199"> 199</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE XVI.<br />
-<span class="medium">1661.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Les peuples ressentent bien plus leurs maux après les dissensions civiles
-que pendant qu'elles durent.&mdash;Situation de la France après
-le traité des Pyrénées.&mdash;Misère du peuple.&mdash;Abus et confusion
-des pouvoirs.&mdash;Vénalité, immoralité, désordre des finances.&mdash;Craintes
-et regrets que cause la mort de Mazarin.&mdash;Personne ne
-pouvait remplir sa place.&mdash;On redoute les inclinations martiales
-de Louis XIV.&mdash;La France ressentait le besoin de la paix.&mdash;Corneille
-se rend l'organe de l'opinion publique.&mdash;Citation d'un passage
-de <i>la Toison d'Or</i>.&mdash;Le roi se résout à gouverner par lui-même.&mdash;Personne
-ne croit que cette résolution sera de longue
-durée.&mdash;Des espérances que faisaient naître ses actes.&mdash;Madame de
-Sévigné croit que le cardinal de Retz succédera au cardinal Mazarin.&mdash;Louis
-XIV ne rappelle point le cardinal de Retz, et se
-montre aussi contraire aux jansénistes que l'avait été Mazarin.&mdash;Arnauld
-d'Andilly était le seul de ce parti qui fût aimé du roi et de
-la reine mère.&mdash;Madame de Sévigné était liée avec ses deux fils,
-l'abbé Arnauld et Pomponne; détails sur ce dernier.&mdash;Il était ami
-de Fouquet.&mdash;Pomponne ne pouvait obtenir de l'avancement, parce
-qu'il appartenait à la secte des jansénistes.&mdash;Madame de Sévigné
-espère que Fouquet succédera à Mazarin.&mdash;Fouquet avait aussi
-cette espérance.&mdash;Le voyage du monarque et de sa cour en Bretagne
-est résolu.&mdash;Madame de Sévigné apprend dans sa terre des
-Rochers que Fouquet est arrêté, et que le roi a résolu sa mort.</p>
-
-<p class="space">Les maux qu'amènent à leur suite la guerre civile et la
-guerre étrangère ne sont jamais mieux sentis qu'après la
-cessation des causes qui les produisent. Dans les temps de
-violentes agitations, l'esprit, fortement préoccupé des événements,
-soutient les forces et le courage, et donne l'énergie
-nécessaire pour supporter les plus grands revers, les
-<span class="pagenum"><a id="Page_200"> 200</a></span>
-plus désastreuses calamités; mais quand le calme est rétabli,
-chacun regarde autour de soi, se ressouvient avec
-tristesse des maux passés, ressent avec douleur ceux qui
-l'affligent encore, et mesure avec effroi, par la pensée,
-les malheurs dont le présent menace l'avenir.</p>
-
-<p>Tel était le sentiment qui prévalait en France après la
-mort de Mazarin. Le monarque et sa cour se plongeaient
-dans les plaisirs; les courtisans, les ambitieux, les intrigants
-étaient pleins de joie et d'espérance; mais le peuple
-était dans l'abattement, les gens de bien et les hommes
-réfléchis s'abandonnaient à leurs sombres prévisions.</p>
-
-<p>Les abus dominaient partout; partout la vénalité et l'anarchie
-des pouvoirs; les manufactures et le commerce languissaient;
-le bas peuple, accablé d'impôts, était exposé
-à des vexations de toute espèce. La noblesse, qui conférait
-alors les priviléges, la puissance, l'exemption des charges
-publiques, était usurpée sans aucun titre, ou acquise à prix
-d'argent, ou conférée gratuitement, sans aucun service.
-Les juges, choisis par l'intrigue ou par la corruption, sans
-probité comme sans savoir, faisaient le mal au nom des
-lois et avec les formalités qu'elles prescrivent. Les fraudes
-et les subtilités de la chicane étaient encouragées, et une
-multitude de procès interminables dévoraient le patrimoine
-des familles. Dans le clergé, une licence de m&oelig;urs déplorable
-ou un rigorisme excessif. Les gens puissants, habitués
-à arracher les grâces au pouvoir par des compromis
-et des intrigues, se créaient des droits imaginaires sur tout
-ce qui était à leur bienséance. Les gouverneurs des villes
-de guerre négligeaient de faire exécuter les réparations les
-plus urgentes aux places dont la défense leur était confiée,
-et ils gardaient le produit des taxes qui leur avaient été
-abandonnées pour subvenir à cette dépense; puis ils cherchaient
-<span class="pagenum"><a id="Page_201"> 201</a></span>
-à couvrir leurs malversations par la crainte, et devenaient
-autant de petits tyrans des territoires soumis à leur
-commandement. Les marches des troupes et l'indiscipline
-des soldats occasionnaient des ravages continuels dans les
-campagnes. Les finances étaient dans un désordre inextricable;
-toutes les ressources se trouvaient épuisées. Le payement
-des sommes les plus légitimement dues était suspendu
-ou ajourné; on manquait souvent d'argent pour les dépenses
-journalières les plus urgentes, tandis que les financiers,
-les gens de cours enrichis, étalaient un luxe insolent.
-Comme il arrive toujours, le déréglement des m&oelig;urs accompagnait
-le désordre de l'État<a id="FNanchor_333" href="#Footnote_333" class="fnanchor">&nbsp;[333]</a>. Le jeu était devenu
-une passion générale et effrénée<a id="FNanchor_334" href="#Footnote_334" class="fnanchor">&nbsp;[334]</a>; la licence et le libertinage
-avaient pénétré dans toutes les classes, et profanaient
-par de honteux scandales l'austérité des cloîtres<a id="FNanchor_335" href="#Footnote_335" class="fnanchor">&nbsp;[335]</a>.</p>
-
-<p>On avait détesté Mazarin surtout à cause de son avarice,
-du trafic honteux des places, des charges et des honneurs,
-et des immenses revenus que lui donnaient les bénéfices
-ecclésiastiques et les abbayes qu'il avait accumulés sur sa
-tête; mais quand il ne fut plus, on reconnut qu'au lieu
-d'être la cause des calamités dont on se plaignait, il avait
-cherché à les prévenir, et qu'elles étaient dues principalement
-aux obstacles qu'on avait opposés à l'autorité
-royale, dont il était le dépositaire. La paix, qui était son
-ouvrage, était le premier pas et le plus important pour la
-réparation des malheurs publics. Dès qu'on le vit exercer
-enfin le pouvoir sans contrôle, on comprit que le plus sûr
-<span class="pagenum"><a id="Page_202"> 202</a></span>
-moyen qu'il avait de l'affermir dans ses mains était de
-faire cesser les abus, de rétablir l'ordre, de travailler sincèrement
-à la prospérité du royaume, de gouverner en
-vue du bien public; on savait qu'il en avait la volonté, et
-l'on avait commencé à s'apercevoir qu'il s'y appliquait
-avec succès. Ce ne fut donc pas sans une peine profonde
-que ceux même qui s'étaient montrés autrefois les plus
-contraires à Mazarin virent que la France venait d'être
-privée d'un homme d'État capable de réparer les maux
-dont elle souffrait. On s'inquiétait de voir le royaume dans
-une situation si déplorable, sans une seule tête qui pût le
-diriger. Bien loin d'avoir aucune confiance dans un roi si
-jeune, si entièrement livré à sa passion pour les plaisirs,
-on redoutait ses inclinations guerrières, et les fautes où il
-serait entraîné dès qu'il cesserait d'être dirigé par la prudence
-d'un ministre qui avait su capter sa confiance et résister
-à ses passions. On craignait l'influence qu'allait exercer
-sur lui le génie belliqueux des Condé et des Turenne
-et de toute cette jeune noblesse, qui ne connaissait d'autre
-occupation que la guerre, qui n'avait aucun autre
-moyen de se rendre nécessaire<a id="FNanchor_336" href="#Footnote_336" class="fnanchor">&nbsp;[336]</a>. Corneille se fit généreusement
-l'organe de l'opinion publique à cet égard. Dans
-cette même pièce de <i>la Toison d'Or</i>, qui lui avait été commandée
-pour flatter le jeune monarque, il osa faire comparaître
-la France, exposant elle-même, dans un dialogue
-avec la Victoire, les funestes effets de la guerre et de l'indiscipline
-militaire.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>A vaincre tant de fois mes forces s'affaiblissent,</p>
-<p>L'État est florissant, mais les peuples gémissent;</p>
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_203"> 203</a></span></p>
-<p>Leurs membres décharnés courbent sous mes hauts faits,</p>
-<p>Et la gloire du trône accable les sujets<a id="FNanchor_337" href="#Footnote_337" class="fnanchor">&nbsp;[337]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p>Cependant, aussitôt après la mort de Mazarin, le roi
-avait déclaré ses intentions de gouverner par lui-même; il
-travaillait en effet exactement avec les ministres qu'il
-s'était choisis, mais personne ne croyait à la constance de
-cette résolution<a id="FNanchor_338" href="#Footnote_338" class="fnanchor">&nbsp;[338]</a>. Depuis la mort de Henri IV on était
-habitué à voir la souveraineté ne s'exercer que par délégation,
-et par l'intermédiaire des ministres. Louis XIV lui-même,
-depuis sa majorité, n'avait montré ni les désirs ni
-les dispositions propres à changer cet état de choses. On
-l'avait vu si fortement enclin à l'amour, si occupé à jouir
-des avantages et des priviléges de la royauté, qu'on ne
-pouvait penser qu'il voulût jamais consentir à en accepter
-les charges, ni qu'il lui fût possible de s'astreindre à la contention
-d'esprit et à l'ennui journalier qu'entraîne le détail
-d'affaires difficiles et compliquées, dont la décision seule
-devait consumer la plus grande partie des heures qu'il
-était habitué à donner à la chasse, aux ballets, aux carrousels,
-aux conversations galantes. Aussi son changement
-de vie, la fermeté de ses volontés, l'application qu'il
-mettait à s'instruire sur toutes les parties du gouvernement,
-ne produisirent aucun changement sur l'opinion
-qu'on s'était formée de lui: on attribuait sa conduite à une
-sorte de présomption orgueilleuse et au plaisir que sa vanité
-lui faisait éprouver d'exercer une autorité dont il
-avait été si longtemps privé. On s'attendait de jour en
-jour à voir cesser cette ardeur de jeune homme; on croyait
-<span class="pagenum"><a id="Page_204"> 204</a></span>
-qu'il se lasserait bientôt de vouloir faire le capable, comme
-le disait sa mère; et qu'il ne tarderait pas à se décharger
-sur un premier ministre d'un fardeau beaucoup trop pesant
-pour ses mains jeunes et inexpérimentées. On ne savait
-pas que Mazarin depuis longtemps avait pris la peine
-d'exposer lui-même au jeune monarque toutes les affaires
-difficiles, et de lui communiquer les motifs des décisions;
-qu'il l'initiait à tous les secrets de sa politique; qu'il l'engageait
-sans cesse à vouloir s'appliquer aux détails de la
-haute administration; qu'il lui répétait: «qu'il n'avait
-besoin que de vouloir pour devenir le plus glorieux roi
-qui eût jamais existé<a id="FNanchor_339" href="#Footnote_339" class="fnanchor">&nbsp;[339]</a>.» Comme Louis XIV avait assez
-de jugement pour reconnaître la supériorité de son ministre,
-et qu'il le laissait agir, ou avait conçu une faible
-idée de sa capacité. Cependant Mazarin avait déclaré
-«qu'on ne le connaissait pas, et qu'il y avait en lui de
-l'étoffe pour faire quatre rois et un honnête homme<a id="FNanchor_340" href="#Footnote_340" class="fnanchor">&nbsp;[340]</a>.»</p>
-
-<p>Mais, dans l'ignorance où l'on était à cet égard, on
-blâmait ou on approuvait le gouvernement, selon les espérances
-que ses actes faisaient naître de voir la place de
-Mazarin occupée par celui que les v&oelig;ux et les prédilections
-de chacun y appelaient.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné, dont les amitiés étaient franches,
-vives et constantes, n'était pas entièrement désintéressée
-à cet égard. Après la mort du premier ministre, la noblesse
-s'était flattée d'y voir arriver le maréchal de Villeroi
-ou le grand Condé<a id="FNanchor_341" href="#Footnote_341" class="fnanchor">&nbsp;[341]</a>; mais lorsqu'on vit que ni l'un ni
-<span class="pagenum"><a id="Page_205"> 205</a></span>
-l'autre n'était admis au conseil, on prêta au roi un autre
-projet, et le bruit courut que le cardinal de Retz allait
-prendre le timon des affaires. Il avait de nombreux amis;
-il était le seul des ennemis de Mazarin que ce ministre
-eût paru redouter, le seul qu'il eût persécuté jusqu'à la
-fin. L'intérêt que l'on portait à cet illustre exilé s'augmentait
-encore de toute l'aversion qu'avait fait naître son
-heureux rival; et si Retz, après avoir été si longtemps
-en butte à une injuste animadversion, ne redevenait pas
-sur-le-champ en faveur, si le besoin qu'on avait de ses
-talents ne le faisait pas nommer ministre, du moins on
-ne doutait pas que comme archevêque de Paris on ne
-se hâtât de le rappeler, afin de rétablir la paix et le bon
-ordre dans l'administration ecclésiastique du premier diocèse
-du royaume.</p>
-
-<p>On se trompait; le roi se montra encore plus que Mazarin
-opposé à Retz, à ses amis les jansénistes, dont les
-opinions, depuis la publication des lettres de Pascal, faisaient
-cependant chaque jour des progrès parmi ce qu'il
-y avait de plus recommandable et de plus estimable dans
-la haute société. Un des plus fervents de la secte, un des
-frères de l'intraitable docteur Arnauld, avait, ainsi que
-nous l'avons dit, conservé l'affection particulière de
-Louis XIV et de la reine mère. Il la devait aux services
-qu'il avait rendus à l'État pendant sa longue vie politique;
-au respect qu'inspirait son âge, aux ouvrages par lesquels
-il avait honoré et illustré sa laborieuse retraite; à
-cette aménité de caractère, à ces formes flatteuses et polies
-qu'un long usage de la cour et du grand monde lui
-avait données. Un savant, un sage, un saint octogénaire,
-avec le doux langage et les manières gracieuses d'un courtisan,
-voilà ce qu'était Arnauld d'Andilly.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_206"> 206</a></span>
-Un de ses fils, Simon de Pomponne, par son esprit, son
-aptitude aux affaires, paraissait destiné à le reproduire.
-Comme son frère aîné, l'abbé Arnauld, dont nous avons
-parié précédemment, Pomponne était au nombre des amis
-les plus intimes de madame de Sévigné. Elle avait eu occasion
-de le connaître et de le voir souvent dans sa jeunesse
-à l'hôtel de Rambouillet, où il était admis, et chez
-la princesse Palatine, ainsi que chez madame du Plessis
-Guénégaud<a id="FNanchor_342" href="#Footnote_342" class="fnanchor">&nbsp;[342]</a>. L'intimité de Pomponne et de madame de
-Sévigné s'était accrue par les sentiments d'amitié et de
-reconnaissance qui les unissaient tous deux à Fouquet.
-Simon de Pomponne, d'abord nommé intendant à Casal,
-en 1642, avait obtenu deux ans après d'être admis dans
-les conseils du roi. Il fut successivement chargé des négociations
-de Piémont et du Montferrat, et de l'intendance
-des armées de Naples et de Catalogne; mais lorsqu'en
-1649 il demanda le consentement royal pour la
-charge de chancelier du duc d'Anjou, il lui fut refusé.
-Malgré l'appui de Fabert et les sollicitations de ses nombreux
-et puissants amis, Pomponne ne put vaincre la résistance
-de Mazarin, qui lui opposa toujours, comme un
-obstacle insurmontable pour un tel emploi, les opinions
-religieuses professées par son père et par toute sa famille<a id="FNanchor_343" href="#Footnote_343" class="fnanchor">&nbsp;[343]</a>.
-Par les mêmes motifs, le roi, depuis la mort du premier
-ministre, malgré l'estime qu'il avait conçue pour Pomponne,
-malgré la bonne opinion qu'il avait de ses talents,
-s'abstenait de lui donner de l'avancement.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_207"> 207</a></span>
-Madame du Sévigné se trouvait donc contrariée et affligée
-de voir s'évanouir les espérances que la mort de
-Mazarin lui avait fait concevoir pour l'élévation du cardinal
-de Retz et de ses autres amis; surtout sachant que la
-cause des empêchements qu'ils éprouvaient était due à
-ces opinions religieuses qui lui étaient communes avec
-tous ceux qu'elle aimait et qu'elle estimait le plus. D'un
-autre côté, l'amitié, mêlée d'amoureuse tendresse, qu'avait
-pour elle le surintendant, lui donnait lieu de croire que
-les changements nécessités par la perte du premier ministre
-seraient utiles à tous ceux qu'elle voudrait protéger,
-et par suite à l'établissement de ses enfants, surtout
-de sa fille, qui déjà commençait à être l'objet de ses
-pensées principales et de ses plus chères affections. Elle
-avait écrit au surintendant à l'occasion des affaires et du
-mariage de son cousin germain M. le marquis de la
-Trousse<a id="FNanchor_344" href="#Footnote_344" class="fnanchor">&nbsp;[344]</a>; et si Fouquet cherchait à prolonger ce commerce
-de lettres au delà de ce qui était nécessaire, c'est
-qu'il est présumable que madame de Sévigné ne désirait
-pas qu'il cessât, et qu'elle sut y répandre ce charme
-et ces agréments qui naissaient sans effort sous sa
-plume.</p>
-
-<p>Des trois ministres que Louis XIV avait choisis,
-Lyonne, Le Tellier et Fouquet, ce dernier était le seul
-qu'on croyait digne d'occuper la place de premier ministre.
-A la cour et dans tout le royaume, il comptait autant
-d'amis et de partisans que Mazarin avait eu d'ennemis ou
-d'antagonistes déclarés ou cachés. Fouquet était personnellement
-aimé et protégé par la reine mère; le roi semblait
-se plaire à travailler avec lui, et lui confiait les affaires
-<span class="pagenum"><a id="Page_208"> 208</a></span>
-les plus secrètes. Jamais il ne lui refusait d'audiences
-particulières lorsqu'il lui en demandait, et il lui en demandait
-souvent<a id="FNanchor_345" href="#Footnote_345" class="fnanchor">&nbsp;[345]</a>. Aussi, lorsqu'on sut que Fouquet, afin
-d'être compris dans la promotion des chevaliers de l'Ordre
-qui allait avoir lieu, venait de vendre sa charge de
-procureur général, et que par son conseil toute la cour
-allait faire le voyage de Nantes pour la tenue des états de
-Bretagne, on ne douta pas qu'il ne fût arrivé au plus haut
-degré de la faveur, et qu'il ne devint très-prochainement
-premier ministre<a id="FNanchor_346" href="#Footnote_346" class="fnanchor">&nbsp;[346]</a>.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné, alors aux Rochers, crut que les
-espérances qu'elle avait conçues étaient au moment de se
-réaliser. Madame de La Fayette et ses autres correspondances
-de Paris la confirmaient dans sa croyance, en lui
-annonçant que le roi allait bientôt se rendre, avec ses
-ministres, en Bretagne. Dans son château, peu éloigné
-de Nantes, madame de Sévigné attendait avec une agréable
-anxiété les nouvelles qui devaient lui arriver de
-cette ville. Elles arrivèrent en effet, mais elles lui apprirent
-que le surintendant était enfermé dans une étroite
-prison; que le roi, furieux contre lui, voulait sa mort;
-que tous ses affidés étaient arrêtés ou en fuite, tous ses
-amis dans la stupeur; que les scellés allaient être apposés
-sur tous ses papiers; que Pellisson, son premier commis,
-était conduit à la Bastille<a id="FNanchor_347" href="#Footnote_347" class="fnanchor">&nbsp;[347]</a>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_209"> 209</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE XVII.<br />
-<span class="medium">1661.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Aveux qu'a faits Louis XIV sur l'arrestation et le procès de Fouquet.&mdash;Cet
-événement mal jugé par les historiens.&mdash;Ce fut la fin du
-ministérialisme.&mdash;De la connaissance approfondie de l'affaire
-de Fouquet dépend l'intelligence complète du règne de Louis XIV.&mdash;Nomination
-de Fouquet à la surintendance des finances avec
-Servien.&mdash;Fouquet reste le seul surintendant.&mdash;Fonctions et
-attributions d'un surintendant.&mdash;Ordre qui était établi dans les
-finances.&mdash;Trois trésoreries de l'épargne.&mdash;Contrôleur ou teneur
-du registre des fonds.&mdash;Ordonnances de payement.&mdash;Billets
-de l'épargne.&mdash;Assignations et réassignations.&mdash;De quelle manière
-s'y prenaient les financiers et les traitants pour s'enrichir
-aux dépens de l'État et des particuliers.&mdash;Lorsque Fouquet parvint
-aux finances, il n'y avait ni crédit ni ressources.&mdash;Il emprunte
-sur son crédit.&mdash;Subvient à toutes les dépenses.&mdash;Fait
-disparaître tout contrôle.&mdash;Le désordre se met dans la comptabilité.&mdash;Fouquet
-lui-même ne connaît pas sa position; mais il est le
-seul maître des revenus de l'État.&mdash;Dispose d'énormes richesses.&mdash;Fait
-bâtir des palais.&mdash;Étale le luxe le plus prodigieux.&mdash;Fait
-des pensions aux hommes puissants.&mdash;Rivalise en influence
-Mazarin.&mdash;Colbert signale dans un mémoire ses malversations,
-et dresse un plan pour le perdre.&mdash;Fouquet intercepte
-la lettre.&mdash;Emploi qu'il fait de la connaissance de ce secret pour
-se maintenir.&mdash;Mazarin, ayant besoin d'argent pour conclure la
-paix, écrit à Colbert de se raccommoder avec Fouquet.&mdash;Ce que
-Colbert lui répond.&mdash;Défiance du surintendant depuis cette époque.&mdash;Il
-fortifie Belle-Isle.&mdash;Projet de résistance mis sur le papier, et
-retrouvé derrière une glace à Saint-Mandé.&mdash;Mazarin connaissait
-les grands talents de Fouquet, et ne voulait pas en priver son roi.&mdash;Comparaison
-de Mazarin et de Richelieu, de Louis XIII et de
-Louis XIV.&mdash;Richelieu força le roi à supporter son joug, Mazarin
-fit aimer le sien.&mdash;Instructions que Mazarin donne à Louis XIV, et
-comment il lui apprit à régner.&mdash;Aveux et recommandations de
-<span class="pagenum"><a id="Page_210"> 210</a></span>
-Mazarin à Louis XIV.&mdash;Position à l'égard de son roi, différente de
-celle de Richelieu.&mdash;Mazarin était moins le dominateur du monarque
-que son tuteur et son protecteur.&mdash;Tout le gouvernement,
-toute la cour étaient en lui.&mdash;Louis XIV, plein de reconnaissance
-pour Mazarin, accomplit toutes ses volontés, et suit tous ses
-conseils.&mdash;Mazarin avait conseillé à Louis XIV d'employer Fouquet.&mdash;Colbert
-est nommé pour tenir le livre des fonds.&mdash;Le roi
-déclare à Fouquet qu'il veut être instruit exactement sur ses finances.&mdash;Fouquet
-présente au roi des comptes simulés.&mdash;Il est démasqué
-secrètement par Colbert.&mdash;Le roi, s'apercevant de son
-système de déception, est résolu à le perdre.&mdash;Il dissimule avec
-lui.&mdash;Précautions qu'il avait à prendre.&mdash;Louis XIV se décide à
-différer l'arrestation de Fouquet.</p>
-
-<p class="space">Dans ses admirables <i>Instructions au Dauphin</i>,
-Louis XIV a dit que de toutes les affaires qu'il avait eues
-à traiter, l'arrestation et le procès du surintendant était
-celle qui lui avait fait le plus de peine et causé le plus
-d'embarras<a id="FNanchor_348" href="#Footnote_348" class="fnanchor">&nbsp;[348]</a>. Et cependant les historiens n'en parlent que
-brièvement, et s'étonnent que le roi ait déployé dans cette
-circonstance un appareil de puissance tout à fait inutile;
-qu'il ait usé d'une dissimulation peu digne de la majesté
-royale. C'est que jusque ici on a considéré la chute de
-Fouquet plutôt comme un incident que comme un événement
-grave; on n'y a vu qu'un acte violent de despotisme
-envers un homme auquel ses grandes qualités personnelles,
-les amis qu'il s'était faits dans la prospérité, le courage qu'il
-a montré dans l'adversité, ont attaché un intérêt puissant.</p>
-
-<p>Il y a tout autre chose dans le procès de Fouquet. Par
-les résultats qui en devaient être la suite, ce ne fut pas
-seulement un mémorable exemple des revers de la fortune
-donné par la chute d'un ministre; ce fut une véritable révolution,
-<span class="pagenum"><a id="Page_211"> 211</a></span>
-ce fut l'anéantissement du ministérialisme en
-France et le rétablissement de l'autorité royale dans
-toute sa plénitude. Ce fut la chute d'un gouvernement qui
-depuis plus d'un demi-siècle ne put jamais s'établir et se
-maintenir qu'en s'appuyant sur l'oligarchie nobiliaire, ou
-sur le frêle soutien de la faveur, que les courtisans et les
-familiers travaillaient toujours à lui enlever; consumant
-ainsi en efforts pour son existence les forces dont il avait
-besoin pour agir; faisant souvent le mal sans volonté, et
-renonçant au bien par impuissance. L'anéantissement de
-ce pouvoir, superposé à la couronne, concentra l'autorité
-dans le monarque seul, dont le droit et la puissance étaient
-hors de toute contestation, et qui loin d'avoir dans ses
-propres agents des ennemis, qui s'opposaient à lui ou cherchaient
-à le renverser, n'y trouvait plus que des instruments
-dociles, empressés, dévoués, qu'il pouvait déplacer,
-écarter, briser, selon qu'il le jugeait utile ou convenable à
-ses desseins. Alors on eut en France un roi et un gouvernement
-fort; c'est ce qu'on n'y avait pas vu depuis Henri IV.
-Mais rien ne nous montre mieux la fermeté, l'habileté et
-les lumières qui étaient nécessaires dans le souverain pour
-fonder ce gouvernement, que le procès de Fouquet. L'intelligence
-complète du règne de Louis XIV et du caractère
-de ce monarque dépend de la connaissance exacte de
-la situation des affaires lorsqu'il commença à gouverner
-par lui-même. On ne peut l'acquérir qu'en se faisant une
-idée précise de l'administration du surintendant, et en recherchant
-avec soin toutes les causes qui ont préparé
-sa chute, toutes les circonstances qui l'ont hâtée et aggravée.</p>
-
-<p>Nous avons déjà dit comment, en 1652, Fouquet, d'abord
-accolé à Servien, était devenu, par le fait, le seul
-<span class="pagenum"><a id="Page_212"> 212</a></span>
-surintendant des finances, quoique les lettres patentes qui
-le reconnaissent comme tel ne lui aient été délivrées
-qu'en 1659, après la mort de son collègue<a id="FNanchor_349" href="#Footnote_349" class="fnanchor">&nbsp;[349]</a>. Mais pour
-concevoir de quelle manière Fouquet, par le moyen de
-cette charge, qui ne lui conférait aucune part à la direction
-du gouvernement, put acquérir une puissance qui rivalisait
-avec celle du premier ministre, il est nécessaire de
-faire connaître quelle était à cette époque l'organisation
-des finances en France, et surtout le mode de comptabilité
-du trésor public ou de l'épargne, comme on disait alors.</p>
-
-<p>Un surintendant général des finances n'était point un
-comptable, mais un ordonnateur. Il ne recevait aucun
-fonds, ne dépensait aucune somme; mais il ordonnançait
-toutes les recettes et toutes les dépenses. Il n'était
-point justiciable des cours souveraines sagement instituées
-pour examiner, juger et arrêter les comptes de tous
-les comptables publics; il ne devait justifier de sa gestion
-qu'au roi. Le surintendant général n'était astreint dans
-sa gestion à aucune loi, à aucune règle particulière, qu'à
-celles qu'il plaisait au roi de lui imposer. Le compte qu'il
-rendait était un compte de clerc à maître, un compte de
-conscience<a id="FNanchor_350" href="#Footnote_350" class="fnanchor">&nbsp;[350]</a>.</p>
-
-<p>Cependant il ne faut pas croire que les finances du
-royaume et la gestion du surintendant fussent sans contrôle.
-Ce contrôle se trouvait dans les comptes des trésoriers
-<span class="pagenum"><a id="Page_213"> 213</a></span>
-de l'épargne, et dans la tenue du registre des fonds.
-Il y avait trois trésoriers de l'épargne, qui géraient à tour de
-rôle pendant un an, et qui rendaient leurs comptes à la cour
-des comptes séparément, et par exercice. Aucune somme
-ne pouvait être reçue ou payée pour le roi ou pour l'État,
-ou par le roi et par l'État, sans qu'il en fût fait écriture
-sur les registres du trésor de l'épargne. Ce trésorier ne recevait
-et ne payait que d'après les ordonnances du surintendant;
-ses registres ne faisaient connaître que la date de
-ces ordonnances, et les différends fonds sur lesquels elles
-étaient assignées. Mais près de lui se trouvait celui qui
-était chargé de tenir le registre des fonds sur lequel étaient
-enregistrées jour par jour toutes les sommes versées à l'épargne
-ou payées par elle, en vertu de toutes les ordonnances
-de recettes et de dépenses, avec les origines et les
-motifs de toutes ces ordonnances, ou de tous les payements
-et de tous les versements. Ce registre des fonds n'était point
-produit à la cour des comptes; il restait secret entre le roi et
-le surintendant. Les ordonnances de ce dernier étaient les
-seules pièces que les trésoriers de l'épargne eussent à
-produire pour la régularisation de leurs comptes, et le registre
-des fonds servait en même temps à contrôler leur
-gestion et celle du surintendant. Le teneur du registre des
-fonds et les trois trésoriers de l'épargne étaient nommés par
-le roi, et par conséquent indépendants du surintendant.</p>
-
-<p>Rien ne semblait mieux imaginé pour que le roi ou son
-gouvernement, sans être gêné par la cour des comptes
-dans l'emploi des revenus de l'État, sans lui révéler des
-secrets qu'elle ne devait pas connaître, pût la faire servir
-à faire régner l'ordre dans les finances; et aucun moyen
-ne paraissait plus simple, ni plus propre à se garantir des
-inconvénients qui pouvaient résulter, dans la comptabilité,
-<span class="pagenum"><a id="Page_214"> 214</a></span>
-de la négligence ou de l'erreur, ou à prévenir les
-abus, plus grands encore, de la collusion et de l'improbité.
-Il est vrai que si cet ordre de choses eût été maintenu,
-toute confusion eût été impossible; et quelque multipliés,
-quelques compliqués que fussent d'ailleurs les
-comptes particuliers, quelque nombreuses que fussent
-les différentes espèces de dépenses et les diverses natures
-de recettes, le souverain eût toujours pu connaître l'état
-au vrai de ses finances, la grandeur de ses charges et
-l'étendue de ses ressources. Mais ce n'était pas là ce que
-voulaient les financiers. Examinons comment ils parvinrent
-à échapper aux entraves qu'on avait mises à leurs
-fraudes et à leur rapacité.</p>
-
-<p>Toute ordonnance de payement, ou commandement
-fait à un trésorier de l'épargne de payer une somme au
-nom du roi ou de son conseil, devait être signée ou contre-signée
-par le surintendant. Mais cela ne suffisait pas encore
-pour qu'elle pût être payée. Dans cet état, une ordonnance
-de payement n'était qu'une reconnaissance de la
-dette, qu'un ordre général portant que telle dépense était
-faite; elle devait être soldée par l'épargne. Pour que l'argent
-fût délivré à la personne ainsi reconnue créancière de
-l'État, il fallait encore qu'il fût mis au bas de cette ordonnance
-un ordre particulier du surintendant, qui assignait
-sur un fonds spécial<a id="FNanchor_351" href="#Footnote_351" class="fnanchor">&nbsp;[351]</a> le payement de la somme qui y était
-mentionnée. Le trésorier de l'épargne ne pouvait et ne devait
-vous payer qu'autant qu'il avait des valeurs appartenant
-au fonds sur lequel le payement de l'ordonnance était
-assigné; et comme il n'en avait presque jamais, vu les retards
-qui avaient lieu dans la perception des diverses
-<span class="pagenum"><a id="Page_215"> 215</a></span>
-branches de revenu public, au lieu d'argent il donnait en
-échange de l'ordonnance un billet de l'épargne, qui était
-une sorte de mandat sur le traitant, le fermier de l'impôt,
-ou tel autre débiteur, envers l'épargne, du fonds sur lequel
-le payement de l'ordonnance était assigné. Par ce
-mandat, le trésorier de l'épargne déclarait qu'il tiendrait
-compte à celui-ci de la somme payée par lui sur le fonds qui
-se trouvait désigné, et qu'on lui en fournirait quittance.</p>
-
-<p>Pour la facilité des affaires et des payements, on subdivisait
-le plus souvent le montant d'une même ordonnance
-en plusieurs billets de l'épargne; et comme il y avait plusieurs
-espèces de fonds ou plusieurs sources de revenus
-publics, il y avait aussi plusieurs espèces de billets de l'épargne.
-Par la même raison, ainsi qu'il y avait des revenus
-ou des fonds encore intacts, ou dont les rentrées
-étaient certaines et prochaines au moment de l'émission
-des billets qui les concernaient, on en trouvait d'autres
-dont les rentrées étaient incertaines et éloignées; d'autres
-qui se trouvaient entièrement épuisés, sans qu'on pût en
-avoir la preuve qu'au moment de la reddition du compte.
-Il en résultait qu'il y avait des billets de l'épargne dont la
-valeur était au pair avec l'argent; d'autres, plus ou moins
-au-dessous du pair; d'autres, absolument sans valeur,
-quoique cependant tous ces billets, et les ordonnances
-qu'ils représentaient, émanassent des mêmes autorités,
-fussent revêtus des mêmes signatures. Mais les billets
-sans valeur pouvaient redevenir tout à coup supérieurs à
-ceux dont la valeur était incertaine; et voici comment:</p>
-
-<p>On assignait souvent, par erreur ou autrement, des
-ordonnances dont le montant total était quelquefois le
-triple et le quadruple du fonds qui devait les acquitter;
-cela donnait lieu à ce qu'on appelait une réassignation
-<span class="pagenum"><a id="Page_216"> 216</a></span>
-de billet, c'est-à-dire à un second ordre de payer tel
-ou tel billet sur un autre fonds que celui qui était mentionné
-dans l'ordonnance. Cette réassignation pouvait
-être faite sur un fonds du même exercice, ou, comme on
-disait, d'une même épargne; alors cette réassignation se
-mettait tout simplement au pied du billet. Mais si cet
-exercice était terminé, et qu'il fallût réassigner sur un
-autre exercice, c'est-à-dire faire peser le billet sur le
-compte d'un autre trésorier, il était nécessaire de rendre
-une ordonnance de comptant ou de remise. Cette ordonnance
-de comptant ou de remise se trouvant séparée du
-billet pour lequel elle avait été obtenue, il était facile de
-l'annexer à un autre billet, et de changer ainsi un papier
-d'une valeur incertaine ou nulle, en un autre dont la réalisation
-n'éprouvait aucun retard<a id="FNanchor_352" href="#Footnote_352" class="fnanchor">&nbsp;[352]</a>. On comprend ainsi
-sans peine de quelle manière les ordonnances de payement
-se trouvant morcelées en un grand nombre de billets assignés
-sur des fonds différents de leur mandat primitif, puis
-réassignés sur d'autres fonds, et brisés en plusieurs exercices,
-payés souvent sur des ordonnances de comptant qui
-ne leur appartenaient pas, finissaient par former dans la
-comptabilité une complication que pouvaient seuls démêler
-le surintendant, les trésoriers de l'épargne et les traitants
-qui en étaient les auteurs. On voit aussi pourquoi
-la finance était devenue un arcane, une science secrète,
-dont la connaissance était réservée à une certaine classe de
-personnes; pourquoi les financiers formaient en quelque
-sorte une classe à part, et peu estimée. Les profits que les
-trésoriers de l'épargne pouvaient faire par leur collusion
-<span class="pagenum"><a id="Page_217"> 217</a></span>
-avec les fermiers des impôts étaient énormes, puisque les
-uns pouvaient payer les ordonnances et les autres les
-taxes, avec des billets qui entre leurs mains étaient évalués
-au pair, et qui en d'autres mains, même celles des
-détenteurs primitifs, des ayant-droit, des créanciers légitimes,
-pouvaient être dépréciés au tiers, au quart, au
-dixième de leur valeur, ou même réduits à rien. Car lorsque
-les billets de l'épargne avaient vieilli, et qu'on avait
-laissé passer un trop grand nombre d'exercices sans les
-réassigner, leur réassignation devenait de plus en plus
-difficile à obtenir. Les billets récents, qui représentaient
-les besoins du moment, les dépenses courantes, obtenaient
-la préférence sur les anciens, considérés comme une dette
-surannée; et si ceux-ci n'étaient pas annulés légalement
-par un arrêt de déchéance, ils l'étaient de fait par le refus
-absolu de réassignation. On imagine facilement combien,
-dans un tel état de choses, un surintendant peu scrupuleux
-avait de moyens de s'enrichir et de dilapider la fortune
-publique; lui, qui était maître d'assigner les payements
-sur telles espèces de fonds qu'il lui plairait de choisir,
-d'accorder ou de refuser les assignations ou les réassignations,
-de faire ou de ne pas faire des ordonnances de remises;
-lui, chargé de passer les baux avec les fermiers
-des impôts; lui, qui pouvait autoriser un débiteur de l'épargne
-à retarder ou à anticiper les termes de ses payements;
-lui, enfin, qui, par l'autorité de sa charge, avait
-le pouvoir de surveiller, de corriger tous les abus, et qui
-pouvait prendre de telles mesures qu'aucun agent des
-finances ne pût faire de gains illicites sans qu'il lui en
-revînt la plus forte part. Plus la pénurie du trésor était
-grande, plus il était facile à un surintendant de malverser,
-plus il devenait difficile de le convaincre de malversation.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_218"> 218</a></span>
-A cet égard Fouquet se trouva dès son début dans la
-position la plus favorable lorsqu'il fut nommé surintendant.
-Le maréchal de la Meilleraye, qui avait dirigé les
-finances, venait de faire une véritable banqueroute en
-donnant en payement à tous les créanciers de l'État des
-billets de l'épargne assignés sur des fonds depuis longtemps
-épuisés. Nonobstant le discrédit complet produit
-par une mesure aussi déloyale, Fouquet trouva encore
-des ressources pour toutes les dépenses. Il emprunta sur
-son crédit propre, sur celui de ses amis, et prêta ensuite
-à l'épargne, mais à des intérêts considérables. Les traités
-qu'il conclut comme surintendant des Finances furent approuvés
-par le roi, c'est-à-dire par Mazarin: la nécessité
-le voulut ainsi. Mais les intérêts stipulés, quoiqu'ils
-fussent au moins de douze pour cent, et allassent même
-jusqu'à dix-huit, n'étaient pas les seuls profits de ceux
-qui s'engageaient avec Fouquet dans les affaires du gouvernement.
-Avant de traiter ils avaient soin d'acheter
-communément au denier dix, et souvent à moins, un certain
-nombre des billets de l'épargne émis par le maréchal
-de la Meilleraye; et ils stipulaient, dans les conditions de
-l'emprunt qui leur était fait, qu'outre l'intérêt convenu,
-les billets de l'épargne dont ils étaient porteurs seraient
-réassignés par des ordonnances de comptant; et par le
-moyen de cette réassignation, faite de concert avec les
-trésoriers sur des fonds disponibles, ils parvenaient à obtenir
-le payement intégral de ces ordonnances<a id="FNanchor_353" href="#Footnote_353" class="fnanchor">&nbsp;[353]</a>. Cela leur
-était d'autant plus facile que la plupart de ces prêteurs
-étaient devenus aussi, par le moyen du surintendant, les
-fermiers des impôts. Ils se payaient par leurs mains, au
-<span class="pagenum"><a id="Page_219"> 219</a></span>
-fur et à mesure des rentrées; c'est-à-dire qu'ils donnaient
-en payement de leurs engagements envers l'épargne ces
-mêmes billets de l'épargne qu'ils avaient achetés à vil
-prix et fait réassigner<a id="FNanchor_354" href="#Footnote_354" class="fnanchor">&nbsp;[354]</a>.</p>
-
-<p>Ce n'était pas encore tout. Les lois et les ordonnances
-royales, qui en tenaient lieu, ne permettaient pas à l'État
-d'emprunter à un taux plus élevé que le denier dix-huit,
-ou à cinq cinq-neuvièmes pour cent. Les cours souveraines
-chargées de la vérification des comptes ne pouvaient
-donc admettre un taux plus fort; mais comme l'intérêt
-qu'on était obligé de subir était le double et le triple de
-l'intérêt légal, les prêteurs faisaient sur les sommes qu'ils
-versaient à l'épargne la retenue de la différence, et on
-leur donnait quittance de la somme entière stipulée dans
-leurs engagements, sans faire mention de cette retenue;
-puis on faisait des ordonnances, qu'on appelait <i>ordonnances
-de fonds</i>, qui assignaient sur un fonds effectif ou
-imaginaire, au profit de gens inconnus ou supposés, le
-payement de la différence entre le taux légal et le taux
-réel de l'emprunt. Ces ordonnances, délivrées par le conseil
-des finances, contre-signées par le surintendant,
-servaient aux trésoriers de l'épargne à régulariser leur
-comptabilité. Il fallait bien, pour couvrir leur responsabilité,
-avoir recours à de fausses écritures en recettes et
-en dépenses. Les ordonnances de fonds faites au nom du
-roi et de son conseil opéraient une simulation qui mettait
-les traitants à l'abri de toute recherche<a id="FNanchor_355" href="#Footnote_355" class="fnanchor">&nbsp;[355]</a>. Ces ordonnances
-de fonds en valeurs fictives étaient cependant,
-comme les autres, scindées et converties en billets de l'épargne,
-<span class="pagenum"><a id="Page_220"> 220</a></span>
-selon que cela était nécessaire pour la commodité
-du service et la régularisation des écritures sur les différents
-fonds. Souvent le traité qui avait donné lieu à une
-ordonnance était révoqué. Alors les billets qu'on avait
-faits en exécution de cette même ordonnance devaient
-être rapportés, et biffés par le surintendant et ceux du
-conseil du roi qui avaient signé la première ordonnance,
-et qui signaient également l'ordonnance de révocation.
-Ces billets, lors même qu'ils n'étaient point biffés, se
-trouvaient nuls de droit; et de là on prenait occasion de
-négliger de les biffer et de les annuler. Mais comme ils
-pouvaient être séparés de fait des ordonnances qui les
-avaient autorisés, et se trouvaient sous la forme de billets
-de l'épargne, on parvenait, par des assignations et des
-réassignations, à déguiser entièrement leur origine, et à
-convertir en valeurs réelles des valeurs primitivement
-fictives, mais qui n'étaient plus même alors des valeurs
-fictives, qui n'étaient plus rien. Ainsi, on faisait payer
-deux fois à l'État une différence d'intérêt déjà si énormément
-usuraire.</p>
-
-<p>Celui qui tenait le registre des fonds, obligé de coucher
-sur ce registre le détail de toutes les opérations financières,
-de décharger ce même registre des traités annulés, des
-billets qui en étaient provenus, aurait pu, par l'utilité de
-son contrôle, mettre obstacle à d'aussi énormes dilapidations;
-mais ce registre, soit par l'influence de Fouquet,
-soit par négligence, soit par impéritie, ne fut pas tenu
-avec exactitude<a id="FNanchor_356" href="#Footnote_356" class="fnanchor">&nbsp;[356]</a>. Cependant la comptabilité de l'épargne,
-tout imparfaite, toute sommaire qu'elle était, aurait pu
-jeter quelque jour sur ces désastreuses opérations, et empêcher
-<span class="pagenum"><a id="Page_221"> 221</a></span>
-qu'on ne s'y livrât avec autant d'audace et d'impudeur;
-mais ce contrôle, si faible, si insuffisant, fut
-anéanti par Fouquet, non pas peut-être de dessein prémédité,
-mais par suite de l'exigence et de l'entraînement
-des affaires.</p>
-
-<p>En effet, quand il parvint aux finances, il n'y avait rien
-dans l'épargne. Par la seule confiance qu'on avait dans
-ses talents, dans sa loyauté, dans sa sincérité, dans sa
-fidélité à remplir ses engagements, il trouva les fonds dont
-on avait besoin. Plusieurs d'entre ses prêteurs étaient aussi,
-comme lui, des centres de crédit, et eurent pour plus grande
-sûreté les impôts ou les branches de revenus publics, qu'il
-leur délégua en sa qualité de surintendant; d'autres devinrent
-les principaux gérants de sa vaste administration.
-Tous avaient sa garantie personnelle pour les engagements
-contractés envers l'État; c'était à lui qu'on prêtait,
-à lui que les prêteurs avaient affaire: c'était donc en quelque
-sorte lui qui prêtait à l'État; c'est à lui seul que le
-roi ou son gouvernement était redevable<a id="FNanchor_357" href="#Footnote_357" class="fnanchor">&nbsp;[357]</a>. Comme les
-besoins d'argent étaient souvent pressants, instantanés,
-les sommes qu'on se procurait par son moyen étaient remises
-à Mazarin ou aux chefs de service, directement par
-les commis ou les caissiers du surintendant, et pour son
-propre compte<a id="FNanchor_358" href="#Footnote_358" class="fnanchor">&nbsp;[358]</a>. Le surintendant faisait ensuite des ordonnances
-pour se rembourser, et se payait par les billets de
-l'épargne faits en vertu de ces ordonnances. Ces billets
-étaient acquittés au fur et à mesure de la rentrée des impôts
-ou des différentes branches de revenus publics sur
-lesquels le payement en était assigné; et, pour éviter tout
-<span class="pagenum"><a id="Page_222"> 222</a></span>
-retard, ces sommes étaient versées directement dans les
-caisses du surintendant; de sorte que, selon l'expression
-de cette époque, l'épargne se faisait chez lui, c'est-à-dire
-que la comptabilité de l'État se trouvait confondue avec
-sa comptabilité personnelle, et celle du trésor public devenait
-celle de sa caisse particulière. Il était à la fois
-ordonnateur, receveur et payeur. Les trésoriers de l'épargne,
-qui étaient parents ou amis de Fouquet, et associés
-à ses immenses opérations, recevaient de lui les
-ordonnances et les billets acquittés: ils les enregistraient
-avec exactitude; mais comme ils ne recevaient rien que
-du papier, et ne payaient rien qu'avec du papier, leur
-comptabilité devint toute fictive: recette et dépense, tout
-se réduisait à des écritures. Les comptes des trésoriers
-de l'épargne ne pouvaient donc plus contrôler les actes
-du surintendant, puisque ces trésoriers recevaient de lui
-toutes les pièces qui devaient former et justifier ces comptes<a id="FNanchor_359" href="#Footnote_359" class="fnanchor">&nbsp;[359]</a>.
-Les profits qui résultaient pour eux de leur participation
-à tous les emprunts ne leur donnaient que le
-désir de voir prolonger un tel état de choses; leurs charges,
-étant devenues un moyen certain de s'enrichir, se
-vendaient à des prix exorbitants<a id="FNanchor_360" href="#Footnote_360" class="fnanchor">&nbsp;[360]</a>.</p>
-
-<p>Ainsi Fouquet était devenu le seul dispensateur de la
-fortune publique, et tenait dans ses mains la ruine ou la
-prospérité de tous ceux qui avaient des intérêts à régler
-avec l'État, puisqu'il pouvait à son gré accorder ou refuser,
-avancer ou retarder le payement de ce qui était dû
-par l'État, donner de la valeur à des créances simulées, et
-réduire à rien les créances les plus légitimes. Comme surintendant,
-<span class="pagenum"><a id="Page_223"> 223</a></span>
-Fouquet avait encore l'administration entière
-des colonies. Son père était le président du conseil qu'il
-avait institué pour les régir. Alors ces possessions lointaines
-n'étaient considérées que sous le rapport fiscal,
-et produisaient de si faibles revenus, que Fouquet aliéna
-l'île de Sainte-Lucie tout entière pour la modique
-somme de 39,000 liv. (78,000 fr. de notre monnaie
-actuelle)<a id="FNanchor_361" href="#Footnote_361" class="fnanchor">&nbsp;[361]</a>.</p>
-
-<p>Dans les grands mouvements de fonds, dans les opérations
-financières qui donnent lieu à une comptabilité compliquée,
-dès qu'on néglige les moyens propres à faire reconnaître
-incessamment les erreurs et les concussions, ou
-qu'on s'en écarte à dessein, le désordre s'introduit aussitôt;
-et, s'accroissant toujours, il arrive que celui même qui l'a
-voulu faire naître à son profit ne peut plus s'y reconnaître,
-et qu'il devient facile de s'en servir contre lui-même.
-C'est ce qui arriva à Fouquet. En proie aux fraudes de ses
-agents, il en vint au point de ne plus savoir quelle était sa
-position à l'égard de l'État. Il paraît constant, d'après ses
-propres défenses, que lorsqu'il fut arrêté il devait quatorze
-millions (vingt-huit millions de notre monnaie actuelle)<a id="FNanchor_362" href="#Footnote_362" class="fnanchor">&nbsp;[362]</a>;
-et il y eut dans ses comptes six millions de billets
-réassignés, pour lesquels il fut impossible de savoir
-s'ils formaient un déficit réel, ou s'ils n'avaient d'autre
-origine que des dépenses fictives résultant des ordonnances
-de différence de fonds<a id="FNanchor_363" href="#Footnote_363" class="fnanchor">&nbsp;[363]</a>.</p>
-
-<p>Mais, quelle que fût sa position, il disposait à son gré des
-<span class="pagenum"><a id="Page_224"> 224</a></span>
-revenus de la France. Les sommes qui résultaient des emprunts,
-comme les recettes qui provenaient des impôts,
-étaient versées dans ses caisses, et il avait toujours à son
-commandement des capitaux immenses en argent comptant.
-Il en usa avec une profusion inouïe; il construisit
-des palais, forma des bibliothèques, des collections d'un
-prix inestimable en tableaux et en statues<a id="FNanchor_364" href="#Footnote_364" class="fnanchor">&nbsp;[364]</a>. Il vécut avec
-une magnificence royale, joua gros jeu, eut des maîtresses
-jusque dans les rangs les plus élevés; fit des pensions aux
-courtisans besoigneux, aux femmes de cour intrigantes,
-aux artistes, aux gens de lettres, à tous ceux qui le
-louaient ou qui pouvaient lui être utiles<a id="FNanchor_365" href="#Footnote_365" class="fnanchor">&nbsp;[365]</a>. Il donnait sans
-cesse des fêtes et des repas somptueux au roi, aux reines,
-aux ministres, à la cour, aux princes, et aux étrangers illustres
-qui visitaient la France<a id="FNanchor_366" href="#Footnote_366" class="fnanchor">&nbsp;[366]</a>. Il avait partout des agents,
-et particulièrement auprès des souverains et des hommes
-puissants; ils lui rendaient compte de tout, et le servaient
-par leurs intrigues<a id="FNanchor_367" href="#Footnote_367" class="fnanchor">&nbsp;[367]</a>. Il gratifiait ses frères, ses parents, ses
-amis, des plus belles charges, soit en les achetant pour eux,
-soit en leur prêtant l'argent nécessaire pour les acquérir<a id="FNanchor_368" href="#Footnote_368" class="fnanchor">&nbsp;[368]</a>.
-C'est ainsi qu'il parvenait à usurper en quelque sorte la
-nomination aux plus hautes comme aux plus modiques
-<span class="pagenum"><a id="Page_225"> 225</a></span>
-fonctions de l'État, et à être instruit de toutes les affaires
-les plus secrètes, et les plus étrangères aux finances.
-Par ces divers moyens il s'acquit une puissance presque
-égale à celle du premier ministre, et à laquelle
-se rattachait la haute influence de tous ceux qui détestaient
-la personne de celui-ci et étaient opposés à sa
-politique; car, bien que le traité des Pyrénées eût obtenu
-l'approbation publique, et fût généralement considéré
-comme le chef-d'&oelig;uvre de l'habileté de Mazarin, cependant
-il y avait aussi un parti assez nombreux qui blâmait
-ce traité, et qui aurait voulu qu'au lieu d'arrêter le succès
-de nos armes et de chercher à contracter une alliance
-avec l'Espagne, on fît la conquête des Pays-Bas, et qu'on
-adjoignît à la France ces riches et florissantes contrées.
-Dans ce parti était Turenne, tous les hommes de guerre,
-tous les débris de la Fronde que Mazarin n'avait pu
-ou voulu rallier à lui, et aussi une grande portion de la
-noblesse indépendante. Les raisons que toutes les personnes
-de ce parti alléguaient en faveur de leur opinion
-se trouvent toutes réunies et exprimées d'une manière
-aussi piquante que spirituelle dans une lettre que Saint-Évremond,
-l'un d'eux, écrivit au marquis de Créquy, lors
-des négociations de Saint-Jean de Luz. Cette lettre, depuis
-saisie dans les papiers de Fouquet, devint la cause de
-l'exil de celui qui l'avait écrite et de son long séjour en
-Angleterre<a id="FNanchor_369" href="#Footnote_369" class="fnanchor">&nbsp;[369]</a>.</p>
-
-<p>C'est à la même époque, c'est-à-dire pendant que l'on
-traitait avec l'Espagne, que Colbert fit pour Mazarin un
-<span class="pagenum"><a id="Page_226"> 226</a></span>
-mémoire où il lui signalait les dilapidations du surintendant
-et les énormes abus qui avaient lieu dans l'administration
-des finances. Colbert était devenu, par l'entremise
-de Le Tellier, allié à sa famille<a id="FNanchor_370" href="#Footnote_370" class="fnanchor">&nbsp;[370]</a>, l'intendant de la maison
-du cardinal, et, ce qui était encore préférable, son homme
-de confiance. Dans le mémoire où il lui exposait les malversations
-de Fouquet, il proposait en même temps de le
-faire arrêter et de le faire juger par une commission; puis
-de créer une chambre de justice qui déciderait du sort de
-ceux qui s'étaient rendus complices du surintendant, et
-qui les forcerait à rendre une partie des sommes qu'ils
-avaient extorquées à l'État. Colbert, s'élevant ensuite dans
-ce mémoire à la hauteur de la tâche qu'il eut depuis à
-remplir, y développait un plan de finances fondé sur l'ordre
-et l'économie, qui fournissait les moyens de pourvoir
-aux dépenses publiques sans avoir besoin de recourir à la
-désastreuse ressource des emprunts et à de ruineuses
-anticipations.</p>
-
-<p>Ce mémoire, envoyé à Mazarin tandis qu'il était à
-Saint-Jean de Luz, fut intercepté par un employé de la
-poste aux lettres, et communiqué au surintendant; il en
-prit copie, et le laissa ensuite parvenir à sa destination<a id="FNanchor_371" href="#Footnote_371" class="fnanchor">&nbsp;[371]</a>.
-Mais, embarrassé sur les mesures qu'il lui fallait prendre
-pour déconcerter le projet formé contre lui, il appela près
-de lui Gourville, et lui fit part de ce qu'il avait découvert.
-Gourville, pour parer aux dangers qui menaçaient Fouquet,
-fit voir une habileté consommée et une présence
-d'esprit admirable. Mazarin avait besoin d'argent pour le
-<span class="pagenum"><a id="Page_227"> 227</a></span>
-succès de ses négociations; et si elles réussissaient, il lui en
-fallait encore plus pour les dépenses qu'occasionnerait le
-mariage du roi. Il en demandait donc au surintendant.
-Celui-ci lui dépêcha Gourville pour s'expliquer avec lui
-sur cette demande. Gourville exposa que tous les fonds
-dont le surintendant pouvait disposer étaient épuisés, qu'il
-ne pouvait plus en trouver que sur son crédit; mais que ce
-crédit n'était fondé que sur l'opinion de la faveur dont il
-jouissait auprès du roi et de son éminence. Il était donc
-bien important, si l'on voulait que le surintendant continuât
-à rendre les mêmes services, que des marques signalées
-de confiance lui fussent données, et qu'on fît disparaître,
-autrement que par de vagues assurances, les bruits
-qui couraient que par suite des calomnies du sieur Colbert,
-et à son instigation, la disgrâce du surintendant était imminente.
-Tant que la moindre trace de cette opinion subsisterait,
-il ne fallait pas espérer que le surintendant ni aucun
-de ses amis pussent trouver un seul prêteur. Dans une
-seconde conférence qui eut lieu sur ce sujet entre Mazarin
-et Fouquet, ce dernier confirma tout ce qu'avait dit Gourville.
-Le surintendant se répandit en même temps en
-plaintes amères sur Colbert, et laissa percer qu'il avait
-connaissance du mémoire que celui-ci avait écrit contre
-lui. Cependant Fouquet affirmait que Colbert avait été le
-premier à lui faire des offres de service, et qu'il ne s'était
-déclaré son ennemi que parce qu'il avait refusé d'accéder
-aux demandes injustes de plusieurs de ses parents.</p>
-
-<p>Mazarin, pour obtenir les millions dont il avait besoin,
-se détermina à donner toute satisfaction au surintendant,
-à écrire à Colbert dans le plus grand détail, et, sans
-émettre aucune opinion sur les accusations dirigées contre
-<span class="pagenum"><a id="Page_228"> 228</a></span>
-le surintendant, ni sur les justifications qu'il faisait valoir,
-il exhorta Colbert à aller voir ce dernier aussitôt qu'il
-serait de retour à Paris, et à travailler à détruire dans
-son esprit l'idée que lui, Colbert, était son ennemi personnel.</p>
-
-<p>Colbert, dans une longue lettre qu'il écrivit à Mazarin,
-en réponse à celle dont nous venons de faire l'analyse,
-examine avec une grande sagacité comment le mémoire
-qu'il avait envoyé à son éminence, connu de lui seul, a pu
-l'être de Fouquet. Après avoir épuisé tous les moyens par
-lesquels on peut supposer que ce secret a été divulgué,
-Colbert conclut qu'il n'y en a qu'un seul possible: c'est la
-trahison du sieur Nouveau, officier des postes, qu'il n'hésite
-pas à croire coupable; et à cet égard il ne se trompait
-pas<a id="FNanchor_372" href="#Footnote_372" class="fnanchor">&nbsp;[372]</a>. Dans une seconde lettre, qui fait suite à la première,
-Colbert se justifie des accusations que Fouquet avait portées
-contre lui, et avoue les obligations qu'il lui a: il
-prouve qu'au lieu de se montrer ingrat envers le surintendant,
-il a cherché, au contraire, à lui rendre le plus éminent
-de tous les services, en l'engageant à renoncer à des pratiques
-et à des opérations qui pouvaient nuire à sa réputation
-et avoir pour lui les plus fâcheuses conséquences.
-Malgré cet avertissement, les rapines et les dilapidations
-de Fouquet et de ses agents n'ont fait qu'augmenter.
-C'est alors que Colbert a cru de son devoir de s'écarter du
-surintendant, et d'avoir avec lui le moins de relations possible<a id="FNanchor_373" href="#Footnote_373" class="fnanchor">&nbsp;[373]</a>.
-Quant au désir que Fouquet témoignait de faire
-cesser cet état de choses, et de bien vivre avec Colbert,
-<span class="pagenum"><a id="Page_229"> 229</a></span>
-celui-ci répond: «Cela lui sera très-facile: car ou il
-changera de conduite, ou votre éminence agréera celle
-qu'il tient, ou l'excusera sur la disposition présente des
-affaires, ou enfin elle trouvera que ses bonnes qualités
-doivent l'emporter sur ses mauvaises; et, dans quelque
-cas que ce soit, je n'aurai aucune peine à me conformer
-aux intentions de votre éminence, lui pouvant protester
-devant Dieu qu'elles ont toujours été et seront
-toujours les règles des mouvements de mon esprit<a id="FNanchor_374" href="#Footnote_374" class="fnanchor">&nbsp;[374]</a>.»</p>
-
-<p>Lorsque après le mariage du roi toute la cour et les ministres
-revinrent à Paris, Colbert eut avec Fouquet l'entretien
-que Mazarin avait désiré; mais cet entretien ne calma
-pas les craintes et les défiances du surintendant, peut-être
-même ne fit-il que les augmenter. Le sentiment des
-dangers dont il se croyait menacé le troubla au point de
-lui faire prendre les mesures les plus imprudentes, de
-former les desseins les plus insensés. Confiant dans le
-grand nombre d'amis, d'obligés et de créatures qu'il avait
-dans les plus hautes places comme dans les plus infimes,
-il traça un plan d'instruction sur ce que tous auraient à
-faire dans le cas où, arrêté à l'improviste, il n'aurait pas
-le temps de fuir. Il fortifia Belle-Isle, qu'il avait achetée.
-Son projet ne tendait à rien moins qu'à une résistance à
-main armée, à une rébellion ouverte. La mort de Mazarin
-vint bientôt soulager Fouquet, et effacer de son esprit
-toute pensée de cette nature. Les souvenirs de la Fronde
-avaient pu lui faire concevoir la possibilité de lutter avec
-un ministre, mais non pas avec le roi; et d'ailleurs, bien
-<span class="pagenum"><a id="Page_230"> 230</a></span>
-loin de soupçonner qu'il eût rien à redouter, il se croyait
-en faveur. Cependant le brouillon de son ancien projet,
-trouvé derrière un miroir dans sa maison de Saint-Mandé,
-forma la base de l'accusation dirigée contre lui, compromit
-toutes les personnes qui y étaient nommées, et faillit
-lui coûter la vie<a id="FNanchor_375" href="#Footnote_375" class="fnanchor">&nbsp;[375]</a>.</p>
-
-<p>Fouquet se trompait sur les intentions de Mazarin, qui
-n'étaient nullement hostiles à son égard. Mazarin rendait
-justice à ses grands talents, et aurait voulu même n'en pas
-priver son roi.</p>
-
-<p>Les moyens qu'avait employés Richelieu pour gouverner
-Louis XIII furent les mêmes que ceux dont
-Mazarin fit usage pour conserver son ascendant sur
-Louis XIV. Tout le secret de ces deux ministres fut de
-démontrer sans cesse à leurs souverains que les membres
-de leurs familles, les plus chers objets de leurs affections,
-les courtisans, les prêtres, les guerriers, les gens
-de loi, cherchaient tous également à se servir de l'autorité
-royale, ou à mettre obstacle à son action, par un seul
-et unique motif, leur intérêt propre. Il était facile à ces
-ministres de prouver que cet intérêt était presque toujours
-en opposition directe à celui de la puissance royale et à la
-prospérité du royaume, dont les rois étaient comptables
-envers Dieu et envers leurs sujets. Le père comme le fils
-eurent assez de jugement et de discernement pour reconnaître
-qu'une partie des haines que s'attirait celui auquel
-ils résignaient leur pouvoir était due à sa fermeté pour
-soutenir leur sceptre et accroître la splendeur de la monarchie.
-Tels furent les seuls points de ressemblance entre
-les deux rois et les deux ministres; mais la différence des
-<span class="pagenum"><a id="Page_231"> 231</a></span>
-âges et des caractères fit naître dans leurs positions,
-leurs sentiments et leur conduite plus de contrastes que
-de similitudes. Richelieu imposa son joug à son maître, et
-le lui fit détester; Mazarin accoutuma son pupille à se
-soumettre au sien, et le lui fit aimer. Les deux rois éprouvaient
-également le besoin de se laisser conduire; mais
-dans Louis XIII ce sentiment n'était que la conscience de
-sa faiblesse et de son impéritie; dans Louis XIV c'était
-l'instinct d'une âme énergique et élevée, qui se sent capable
-d'égaler de grands modèles, mais qui reconnaît le
-besoin de s'instruire et redoute son inexpérience. Comment
-Louis XIV n'aurait-il pas conçu de l'attachement
-pour Mazarin? Dès que ce roi enfant eut atteint l'âge de raison,
-ne vit-il pas de ses yeux Mazarin proscrit, dépouillé
-de tous ses biens, menacé de perdre la vie, en butte à la
-violence de tous les partis, uniquement parce qu'il soutenait
-les droits de la couronne contre le peuple, le parlement
-et les nobles? Ce fils, l'objet de tous les soins et de
-toute la tendresse de sa mère, dès qu'il fut capable d'un
-sentiment, put-il ne pas se montrer sensible aux larmes de
-cette mère, à ses gémissements, à ses anxiétés, à ses ressentiments,
-lorsqu'elle fut forcée de consentir à l'éloignement
-de celui qui était son seul appui, son seul conseil?
-Ne fut-il pas habitué par elle à prier Dieu sans cesse à ses
-côtés pour le succès de tout ce qu'entreprenait le cardinal?
-Les premières peines qu'éprouva Louis XIV, ce fut
-donc Mazarin qui les causa; les premiers v&oelig;ux qu'il forma
-furent pour Mazarin, et les premiers plaisirs qu'il goûta
-lui vinrent aussi de Mazarin; car c'est dans la famille de
-ce ministre qu'il trouva les aimables compagnes de ses
-jeux d'enfance. L'une d'elles fut l'objet de la plus forte
-passion de son adolescence; et quand, jeune homme, il
-<span class="pagenum"><a id="Page_232"> 232</a></span>
-put comprendre ce que c'était que la gloire, les premiers
-préceptes qu'il en reçut lui furent donnés par Mazarin. Ce
-ministre lui inculqua un juste mépris pour les rois fainéants;
-il lui inspira la crainte de se voir classé parmi
-eux, et il fortifia en lui la volonté de régner par lui-même.
-L'admiration de Louis XIV pour Mazarin et la confiance
-qu'il avait en lui durent s'accroître encore lorsque, après
-le refus de le laisser épouser sa nièce, il le vit, au milieu
-des douleurs de la goutte, hâter sa fin prochaine par un
-travail excessif, afin de terminer les négociations du mariage
-avec l'infante, auxquelles étaient attachés la paix,
-le repos et l'avenir de la France<a id="FNanchor_376" href="#Footnote_376" class="fnanchor">&nbsp;[376]</a>.</p>
-
-<p>Louis XIV, qui se trouvait à cette époque de la vie où
-l'on n'est point en garde contre les illusions, fut vivement
-touché des derniers témoignages de tendresse qui lui furent
-donnés par Mazarin et des dernières marques de
-ses sollicitudes. En effet, ce ministre déjà condamné par
-les médecins, certain de mourir, comprimant ses douleurs,
-surmontant sa faiblesse, et, selon l'énergique expression
-de madame de Motteville, faisant bonne mine à
-la mort<a id="FNanchor_377" href="#Footnote_377" class="fnanchor">&nbsp;[377]</a>, ne perdit pas un moment pour donner au jeune
-roi toutes les instructions dont il avait besoin. Il tint de
-fréquents conseils, afin de le mettre au courant de toutes
-les affaires qui devaient s'y traiter; et après ces conseils
-il passait encore trois ou quatre heures avec son royal
-élève dans des conférences particulières. De peur que sa
-mémoire ne pût retenir tous les enseignements qu'il lui
-<span class="pagenum"><a id="Page_233"> 233</a></span>
-donnait, il prenait ensuite le soin de les rédiger par écrit,
-afin que lorsqu'il aurait cessé de vivre, Louis XIV pût y
-recourir. Il lui démontrait la nécessité de régir par lui-même
-toutes les grandes affaires et de les embrasser dans
-tous leurs détails; surtout de mettre de l'ordre dans les
-finances, et de ne s'en fier qu'à lui-même pour ce ressort
-principal de son gouvernement, comme pour la guerre et
-pour les négociations avec les puissances. Il lui recommanda
-de ne livrer aucun de ses secrets ni à sa femme,
-ni à ses maîtresses, ni à ses courtisans, ni à ses domestiques;
-de n'avoir ni favori ni premier ministre<a id="FNanchor_378" href="#Footnote_378" class="fnanchor">&nbsp;[378]</a>; et de
-veiller, au contraire, à ce que les ministres qu'il choisirait
-se renfermassent chacun dans les attributions de leur département,
-et ne s'occupassent que des affaires qu'il leur
-confierait.</p>
-
-<p>Lorsque Mazarin s'aperçut que son dernier jour approchait,
-il fit au jeune roi une confession entière; lui révéla
-les abus auxquels pour garder le pouvoir il avait été obligé
-de participer; ceux qu'il n'avait pu empêcher: il ne lui
-cacha pas quelle était son immense fortune<a id="FNanchor_379" href="#Footnote_379" class="fnanchor">&nbsp;[379]</a>, et par quels
-moyens il l'avait acquise; le sort futur et la grandeur
-de sa famille et de son nom, cet ouvrage de toute sa vie,
-il mit tout à la disposition de son royal élève, et par un
-acte authentique il lui fit donation pleine et entière de
-tous ses biens<a id="FNanchor_380" href="#Footnote_380" class="fnanchor">&nbsp;[380]</a>. L'effet de cette franchise fut tel que Mazarin
-l'avait prévu. Louis XIV, plus pénétré de reconnaissance
-pour les éminents services de son ministre, après
-<span class="pagenum"><a id="Page_234"> 234</a></span>
-ces humiliants aveux, qu'il ne l'était avant, n'accepta rien
-du don qui lui était fait; il rendit à Mazarin toutes ses
-richesses, quoiqu'elles fussent assez considérables pour
-tenter la cupidité d'un roi.</p>
-
-<p>Le grand mérite de Richelieu et de Mazarin, comme
-ministres ambitieux de gouverner, fut d'avoir su discerner
-le caractère du souverain dont le pouvoir leur était délégué,
-et d'y avoir assujetti leur conduite. Louis XIII et
-Louis XIV différaient encore plus par le naturel que par
-l'âge. Le premier, timide, indolent, soupçonneux, réservé;
-le second, fier, impétueux, énergique, ferme et constant
-dans ses résolutions; capable d'effort et d'application.
-Richelieu berça son roi dans sa faiblesse, et le retint dans
-la retraite et dans l'obscurité de la vie privée, afin qu'il
-n'eût ni la possibilité ni l'envie de lui reprendre un pouvoir
-qu'il ne lui laissait qu'à regret; il le domina toujours,
-et régna par lui, sur lui, et sans lui. Mazarin, au contraire,
-mit toujours en avant son roi dès qu'il fut sorti de
-l'enfance; il l'exerça de bonne heure à remplir les fonctions
-royales; il lui en montra toutes les difficultés, et
-l'instruisit sur les moyens de les surmonter; il mit tout
-son art à s'immiscer dans sa confiance, et composa avec
-ses passions pour les diriger; mais il sut leur résister et les
-dominer, lorsqu'elles compromettaient l'intérêt de l'État
-et la dignité du trône<a id="FNanchor_381" href="#Footnote_381" class="fnanchor">&nbsp;[381]</a>: il le tint sans cesse près de lui à
-l'armée, dans le cabinet, dans les voyages; il partageait
-et soignait ses plaisirs, mais le forçait de s'adjoindre à
-ses occupations; et, bien loin de réprimer ses impérieuses
-dispositions, il s'en servait pour dégager son autorité de
-<span class="pagenum"><a id="Page_235"> 235</a></span>
-toutes les influences qui pouvaient l'entraver<a id="FNanchor_382" href="#Footnote_382" class="fnanchor">&nbsp;[382]</a>: peu soucieux
-de cultiver dans son élève les vertus de l'homme
-privé, mais actif, mais habile à développer dans cette
-âme altière toutes les qualités d'un grand roi.</p>
-
-<p>Richelieu et Mazarin n'étaient rien par eux-mêmes, et
-ne s'étaient élevés ni par la naissance ni par l'influence
-des richesses ou d'un sang illustre; ils ne pouvaient gouverner
-qu'en comprimant les grands et la cour. Richelieu
-y parvint par les échafauds et la terreur, et il fit si bien
-qu'il n'y eut plus de cour ni de courtisans. Il manifesta
-toute la force de son despotisme en isolant son roi de sa
-mère, de sa femme, de tous les princes de son sang, et
-même de ses favoris et de ses familiers quand ils lui portaient
-ombrage. Mazarin, au contraire, affermit sa puissance
-en y agglomérant tous les intérêts personnels, en
-ralliant autour du monarque toute sa famille, autour
-du trône tous les grands du royaume; en faisant cesser
-les craintes et en suscitant les espérances. Mazarin
-parvint au même but que Richelieu par des moyens non-seulement
-différents, mais contraires. Richelieu affligea
-et humilia la vieillesse de Louis XIII par de sanglantes
-proscriptions contre ceux qui avaient été le plus honorés
-de la confiance et de la faveur royale; jamais Mazarin ne
-mit obstacle ni aux amitiés ni aux amours de la jeunesse
-de Louis XIV, ni à sa tendresse filiale; mais il sut lui faire
-comprendre que tous les intérêts étaient continuellement
-en lutte contre celui dont le devoir est de défendre l'intérêt
-public; qu'un roi était un être à part, qui n'était ni
-fils, ni parent, ni ami, ni amant, là où les affaires de son
-<span class="pagenum"><a id="Page_236"> 236</a></span>
-royaume étaient engagées; que lui seul était responsable
-de tout le mal qu'il n'empêchait pas, de tout le bien qui
-était à faire, et qui ne se réalisait pas<a id="FNanchor_383" href="#Footnote_383" class="fnanchor">&nbsp;[383]</a>.</p>
-
-<p>Bien loin d'écarter du roi la foule des courtisans, comme
-Richelieu l'avait fait, Mazarin environna le monarque d'une
-cour brillante. Mais l'habile ministre, pour n'avoir rien à
-redouter de cette cour, voulut en être le chef; il voulut
-qu'elle lui appartînt, qu'elle se confondît avec sa propre
-maison; et en la composant, la payant et la dirigeant lui-même,
-il en obtint tous les avantages, et évita tous les
-inconvénients dont Richelieu n'avait pu se garantir qu'en
-l'anéantissant. C'est là une des parties de la politique de
-Mazarin qui a été la moins comprise. Ce faste royal qu'il
-affecta, ces superbes colléges qu'il fonda, ces magnifiques
-palais qu'il orna, ces repas somptueux, ces fêtes qu'il donna,
-ces gardes, ces officiers dont il entourait le faste de sa maison,
-tandis que celle du jeune roi était, sans lui, petite,
-mesquine et mal payée, tout cela a été attribué à son orgueil,
-tandis que c'était, au contraire, l'effet d'une prudence
-consommée et d'une haute prévision. Il évitait par
-ce moyen les fortes influences qui n'auraient pas manqué
-de s'exercer à l'entour de son royal pupille, par les grandes
-charges et les riches emplois de ceux qui auraient été
-attachés à sa personne. Par l'attitude que Mazarin avait
-prise, il ne semblait point être, comme Richelieu, l'usurpateur
-du sceptre royal, le dominateur de la couronne;
-mais, comme lui, il voulait montrer qu'il en soutenait tout
-le poids, et paraissait en être moins l'agent et le serviteur
-que le protecteur et l'appui. Cette déférence qu'avaient
-pour lui la reine mère et le roi en souscrivant à cet ordre
-<span class="pagenum"><a id="Page_237"> 237</a></span>
-de choses lui soumit les grands et les courtisans, rendit
-l'obéissance facile, et l'obséquiosité même honorable.
-Comme le séjour de Vincennes était favorable à sa santé,
-la cour s'y transportait souvent tout entière<a id="FNanchor_384" href="#Footnote_384" class="fnanchor">&nbsp;[384]</a>. Les conseils
-ne se tinrent plus, vers la fin, que dans sa chambre à
-coucher<a id="FNanchor_385" href="#Footnote_385" class="fnanchor">&nbsp;[385]</a>. Le roi veillait lui-même à ce qu'on ne l'interrompît
-point dans ses heures de travail, à ce qu'on ne troublât
-pas celles de son repos. Ses envieux et ses ennemis s'indignaient
-de ces attentions du jeune monarque, et les regardaient
-comme une profanation de la majesté royale; ils
-disaient énergiquement que jamais ministre n'avait fait
-plus que Mazarin litière de la royauté<a id="FNanchor_386" href="#Footnote_386" class="fnanchor">&nbsp;[386]</a>. C'est qu'en effet le
-roi, la cour, l'État, tout se confondait alors dans la personne
-de ce ministre, qui jamais ne rendit de plus signalés
-services que quand il fut près de descendre dans la tombe.</p>
-
-<p>Je ne dirai plus qu'un mot sur Richelieu et Mazarin.
-Tons deux moururent, après avoir agrandi le royaume et
-consolidé la monarchie, sans être regrettés. Louis XIII
-lui-même se réjouit de la mort de son ministre; mais
-Louis XIV pleura le sien. Le soupçonneux Mazarin crut
-s'apercevoir, dans les derniers jours de la maladie qui le
-conduisit au tombeau, que le jeune roi était empressé de
-sortir de sa tutelle, et qu'il désirait peut-être sa mort:
-cette idée accrut les douleurs de ses derniers moments<a id="FNanchor_387" href="#Footnote_387" class="fnanchor">&nbsp;[387]</a>.
-Son erreur fut comme une juste punition de son ambition;
-car au contraire Louis XIV fut le seul qui après la mort
-de Mazarin montra cet abattement, cette tristesse insurmontable
-<span class="pagenum"><a id="Page_238"> 238</a></span>
-qui accompagne la perte de quelqu'un qui
-nous est cher et qui laisse un grand vide dans notre existence.
-Depuis, par tous ses discours et toutes ses actions, le
-monarque n'a pas donné lieu de douter de la sincérité de
-ses regrets; il accomplit religieusement toutes les dernières
-volontés de Mazarin, quoiqu'elles le forçassent à
-conférer à la famille de ce ministre des faveurs exorbitantes;
-il exécuta tout ce qu'il avait prescrit, en mourant,
-relativement aux affaires d'État; et Mazarin dans la tombe
-sembla gouverner encore la France<a id="FNanchor_388" href="#Footnote_388" class="fnanchor">&nbsp;[388]</a>. Cette haute opinion
-que le monarque avait de son ministre et la reconnaissance
-qu'il croyait lui devoir lui firent traiter dans le commencement
-avec des égards et des honneurs qui n'étaient
-dus qu'à un prince du sang ce pauvre et ridicule Armand
-de La Porte, auquel on imposa l'immense fortune et le
-nom de Mazarin, avec une des plus belles et des plus spirituelles
-femmes de ce temps<a id="FNanchor_389" href="#Footnote_389" class="fnanchor">&nbsp;[389]</a>. A une époque où il n'était
-plus permis de douter que Louis XIV n'eût le désir et le
-talent de gouverner par lui-même, il a plusieurs fois déclaré
-que si Mazarin avait vécu, il lui aurait laissé longtemps
-encore entre les mains le pouvoir et la conduite des
-affaires. Dans plusieurs de ses lettres et de ses écrits,
-Louis XIV donne fréquemment l'épithète de grand homme
-à Mazarin<a id="FNanchor_390" href="#Footnote_390" class="fnanchor">&nbsp;[390]</a>. Il consultait souvent les instructions qu'il lui
-avait laissées<a id="FNanchor_391" href="#Footnote_391" class="fnanchor">&nbsp;[391]</a>; il se plaisait à lire, en présence de Condé
-<span class="pagenum"><a id="Page_239"> 239</a></span>
-et de ceux qui avaient été le plus opposés à Mazarin, les
-passages les plus remarquables de ces instructions, afin
-de justifier la haute estime qu'il avait pour sa mémoire<a id="FNanchor_392" href="#Footnote_392" class="fnanchor">&nbsp;[392]</a>.
-Rien n'est plus à la gloire de Mazarin, rien n'est plus
-propre à nous faire concevoir une grande idée de ses talents
-et de sa capacité, que cette opinion qu'avait de lui
-un monarque qui, de tous ceux qui ont occupé un trône,
-s'est montré le plus judicieux et le plus habile appréciateur
-des hommes.</p>
-
-<p>Rien aussi ne prouve plus le discernement et l'impartialité
-de Mazarin, et combien, même à son lit de mort,
-il avait à c&oelig;ur l'intérêt du monarque et de la monarchie,
-que le conseil qu'il donna à Louis XIV, dans ses derniers
-moments, d'employer Fouquet<a id="FNanchor_393" href="#Footnote_393" class="fnanchor">&nbsp;[393]</a>. Il le lui indiqua comme
-l'homme le plus capable de le bien seconder dans l'administration
-de son royaume, comme celui de tous les ministres
-qui connaissait le mieux les personnes et les ressources
-de la France; mais en même temps il recommanda
-au jeune roi de faire cesser les dilapidations du
-surintendant et de ses agents, en établissant un ordre
-rigoureux dans les finances. Il l'instruisit des moyens
-d'y parvenir, et pour les mettre en &oelig;uvre il lui donna
-Colbert.</p>
-
-<p>Colbert fut donc nommé intendant des finances, et
-chargé de tenir ce fameux registre des fonds dont nous
-avons parlé<a id="FNanchor_394" href="#Footnote_394" class="fnanchor">&nbsp;[394]</a>.
-<span class="pagenum"><a id="Page_240"> 240</a></span></p>
-
-<p>Louis XIV, dès les premiers jours qu'il travailla avec
-Fouquet, l'avertit que son intention était d'être instruit
-de tout ce qui concernait ses finances, et de donner tous
-ses soins à cette partie de son gouvernement. Il lui défendit
-de signer aucun traité, aucun bail à ferme, sans lui
-en donner connaissance<a id="FNanchor_395" href="#Footnote_395" class="fnanchor">&nbsp;[395]</a>. Si Fouquet avait su aussi bien
-que Mazarin discerner le caractère du jeune roi, il n'eût
-pas manqué d'y conformer sa conduite: il eût avoué les
-fautes du passé, indiqué les moyens de les réparer, organisé
-l'avenir. Grand financier et bon administrateur, il se
-serait associé à la gloire de ce beau règne, il en eût augmenté
-l'éclat, et eût joué un rôle non pas plus glorieux,
-mais plus brillant, que celui de Colbert.</p>
-
-<p>Fouquet crut que la mort de Mazarin l'avait délivré
-du seul obstacle qui s'opposait à son ambition<a id="FNanchor_396" href="#Footnote_396" class="fnanchor">&nbsp;[396]</a>. Sa supériorité
-sur Le Tellier et sur de Lionne (ministres cependant
-très-habiles<a id="FNanchor_397" href="#Footnote_397" class="fnanchor">&nbsp;[397]</a>); l'importance des affaires dont il était
-chargé; la préférence que le roi lui accordait, en traitant
-avec lui seul les affaires les plus délicates et les plus secrètes<a id="FNanchor_398" href="#Footnote_398" class="fnanchor">&nbsp;[398]</a>;
-la multitude de clients, d'amis, de pensionnaires
-qu'il avait près du monarque, dans toute la France,
-dans toutes les branches d'administration; la faveur de
-la reine mère; enfin la composition du conseil, qui lorsqu'on
-opinait se bornait à trois voix, dont une, celle de
-de Lionne, lui était vendue<a id="FNanchor_399" href="#Footnote_399" class="fnanchor">&nbsp;[399]</a>, tels étaient les motifs de la
-confiance de Fouquet, les causes de son aveuglement.
-<span class="pagenum"><a id="Page_241"> 241</a></span></p>
-
-<p>Le Tellier, son ennemi secret, dissimulait, et paraissait
-ne mettre aucun obstacle au désir que le surintendant
-avait d'occuper le premier rang<a id="FNanchor_400" href="#Footnote_400" class="fnanchor">&nbsp;[400]</a>. Colbert travaillait dans
-l'ombre.</p>
-
-<p>Tout semblait en apparence favorable aux desseins de
-Fouquet. Louis XIV s'était laissé jusque alors guider par
-sa mère et par Mazarin, tant pour les choses qui lui étaient
-personnelles que pour celles de l'État, et Fouquet ne pouvait
-se persuader qu'il voulût sérieusement régler par lui-même
-les unes et les autres, et reprendre à la fois l'autorité
-d'un roi et les pénibles fonctions d'un premier ministre<a id="FNanchor_401" href="#Footnote_401" class="fnanchor">&nbsp;[401]</a>.
-Déjà donc le surintendant assignait le terme, peu
-éloigné, où son jeune maître, fatigué de tant de détails, si
-propres à le rebuter, allait le charger d'un fardeau que son
-inexpérience et le seul attrait de la nouveauté l'avaient
-engagé à essayer de soulever. La fascination de Fouquet à
-cet égard était telle, qu'il offrit à la reine mère d'employer
-ses bons offices et la faveur dont il jouissait pour
-lui redonner l'influence qu'elle avait eue autrefois sur son
-fils, et que Mazarin par ses conseils, qui furent alors taxés
-de noire ingratitude, lui avait fait perdre<a id="FNanchor_402" href="#Footnote_402" class="fnanchor">&nbsp;[402]</a>. Pour s'acquérir
-sur les affaires ecclésiastiques la même prépondérance
-qu'il se promettait dans toutes les autres parties dit
-gouvernement, lorsqu'il faisait ces offres à la reine mère,
-Fouquet négociait en même temps avec le cardinal de Retz,
-afin d'obtenir de lui, à prix d'argent, qu'il donnât sa démission
-<span class="pagenum"><a id="Page_242"> 242</a></span>
-de l'archevêché de Paris. Le surintendant ne
-doutait pas qu'il ne lui fût facile de faire ensuite nommer
-à ce siége si envié un de ses frères, déjà archevêque<a id="FNanchor_403" href="#Footnote_403" class="fnanchor">&nbsp;[403]</a>.</p>
-
-<p>La présomption, défaut ordinaire des esprits prompts,
-faciles, féconds en ressources, empêcha Fouquet de reconnaître
-les dangers de la route où il s'engageait. Il en
-fut averti cependant par ses principaux collaborateurs, et
-surtout par le plus habile et le plus clairvoyant de tous,
-Pellisson<a id="FNanchor_404" href="#Footnote_404" class="fnanchor">&nbsp;[404]</a>; mais il ne voulut pas se rendre à leurs conseils:
-peut-être ne le pouvait-il plus. Il continua hardiment
-son système de fraude et de déception, et présenta
-au roi de faux états de situation, qui, sans qu'il le sût,
-étaient aussitôt rectifiés par Colbert, au moyen du registre
-des fonds et des écritures de l'épargne, tenus alors
-sous son inspection avec une rigoureuse exactitude. Les
-états au vrai, présentés chaque jour au roi par Colbert,
-dévoilèrent toutes les concussions et les fourberies du surintendant,
-et les plaies profondes faites à l'État par sa
-connivence avec les traitants ou les fermiers des impôts.
-Louis XIV fut outré de se voir ainsi joué par son ministre,
-et de se trouver en quelque sorte sous sa dépendance
-pour la partie principale de son gouvernement. Le nombre
-des amis et des créatures que se faisait le surintendant en
-prodiguant l'argent du royaume, son luxe, ses fêtes somptueuses,
-les prétentions qu'il manifestait de remplacer
-Mazarin, ses intrigues, le grand nombre de ses partisans,
-la haute opinion qu'on avait de lui, tout contribua
-à accroître encore l'animadversion du jeune monarque.
-<span class="pagenum"><a id="Page_243"> 243</a></span>
-Dès lors le plan que Colbert avait proposé autrefois à Mazarin
-pour mettre en jugement ce grand coupable, et opérer
-le rétablissement des finances, fut de nouveau reproduit.
-Louis XIV l'adopta; et il ajouta encore à la rigueur
-des mesures qu'il contenait contre la personne de Fouquet<a id="FNanchor_405" href="#Footnote_405" class="fnanchor">&nbsp;[405]</a>.
-Ce plan une fois arrêté, il fallut forcément en différer
-l'exécution. Fouquet n'avait pas cessé de fortifier
-Belle-Isle, où il aurait pu se retirer et chercher à produire
-quelque mouvement parmi la jeune noblesse et le
-peuple de la Bretagne et de la Normandie, deux provinces
-écrasées d'impôts et fort mécontentes. De plus, les priviléges
-de la charge de surintendant, qui soustrayaient
-Fouquet à la juridiction des cours souveraines, et le rendaient
-justiciable du roi seul, autorisaient bien la formation
-d'une commission spéciale nommée par le roi pour
-juger Fouquet, conformément au plan proposé par Colbert;
-mais cette forme était à juste titre considérée comme
-illégale, injuste et despotique, par les parlements; et Fouquet
-n'était pas seulement surintendant général des finances,
-il était encore procureur général du parlement de
-Paris. Nul doute que cette puissante compagnie, si on
-avait voulu faire juger par commission son principal officier,
-ne s'y fût opposée, et n'eût évoqué cette affaire comme
-étant du ressort de sa juridiction. Il fallait donc différer l'accusation
-de Fouquet et bien dissimuler les projets formés
-contre lui, jusqu'à ce qu'on l'eût déterminé à vendre sa
-charge de procureur général; et, comme je l'ai dit, on en
-vint à bout en lui donnant l'espoir d'être compris dans la
-promotion de chevaliers des ordres du roi, qui allait avoir
-lieu<a id="FNanchor_406" href="#Footnote_406" class="fnanchor">&nbsp;[406]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_244"> 244</a></span>
-Il ne faut pas partager l'erreur où sont tombés ici tous
-les historiens, et considérer cette époque du règne de
-Louis XIV comme celle qui l'a suivie, lorsque le roi, affermi
-par l'exercice de sa puissance, ôtait par sa seule
-parole jusqu'à la pensée même de lui résister. Lors même
-que les grandes crises politiques sont apaisées, il existe
-toujours, quand elles sont récentes, des habitudes d'insubordination
-qui excitent les justes craintes du pouvoir
-et augmentent ses embarras. Nous voyons par des lettres
-non encore publiées de Mazarin<a id="FNanchor_407" href="#Footnote_407" class="fnanchor">&nbsp;[407]</a> à Colbert, qui sont sous
-nos yeux, que tandis que ce ministre était occupé à Saint-Jean-de-Luz
-aux négociations de la paix, il craignait
-que la Normandie, à laquelle cette paix ne plaisait pas,
-ne se soulevât, et qu'il faisait surveiller cette province.
-Dans le même temps, malgré son opposition et les ordres
-formels du roi, Mazarin ne put empêcher Turenne d'offrir
-et d'envoyer de l'argent et des troupes au duc d'York,
-dans le but de rétablir son frère Charles II sur le trône,
-quoique rien ne fût plus contraire à la politique que le
-ministre avait adoptée dans les intérêts de la France<a id="FNanchor_408" href="#Footnote_408" class="fnanchor">&nbsp;[408]</a>.
-Louis XIV, qui n'ignorait aucun des obstacles qu'il avait
-fallu vaincre, devait craindre que sa jeunesse et l'opinion
-que l'on avait de son inexpérience et de son peu de
-connaissance des affaires ne fussent la cause de nouvelles
-désobéissances. Il faut aussi rappeler que Fouquet
-n'était pas seulement un habile financier, qui dans des
-<span class="pagenum"><a id="Page_245"> 245</a></span>
-occasions importantes avait su créer des ressources et
-réaliser des sommes immenses, lorsque l'État était dans
-un discrédit complet; Fouquet était encore un grand ministre,
-à vues étendues et profondes; il était le seul qui
-dans le conseil eût songé aux intérêts du commerce.
-Plusieurs vaisseaux armés pour son compte fréquentèrent
-les Antilles, le Sénégal, la côte de Guinée, Madagascar,
-Cayenne, Terre-Neuve. Il encouragea les particuliers à
-s'intéresser dans ces différentes entreprises; et c'est à lui
-que les colonies françaises durent de pouvoir se soutenir
-contre les rivalités de l'Espagne, de l'Angleterre, de la
-Hollande. Il établit un fret sur les vaisseaux étrangers
-pour protéger la navigation: la pêche de la sardine à
-Belle-Isle, qui produisit plusieurs millions à l'État, lui était
-due entièrement<a id="FNanchor_409" href="#Footnote_409" class="fnanchor">&nbsp;[409]</a>. Il était donc aussi considéré, aussi
-aimé des commerçants, des bourgeois, que des courtisans
-et des hommes de lettres: pour tous il semblait
-être le ministre indispensable.</p>
-
-<p>Un autre motif encore plus fort que tous ceux que
-nous venons d'énumérer forçait Louis XIV de différer
-l'exécution du projet conçu contre Fouquet: c'était le
-manque d'argent. Fouquet devait faire des versements,
-mais il fallait en attendre les échéances. Telle était la
-pénurie de l'épargne, que, quoique ces versements eussent
-été effectués au moment de l'arrestation de Fouquet,
-Louis XIV se vit obligé d'écrire au duc de Mazarin pour
-lui demander de lui prêter deux millions<a id="FNanchor_410" href="#Footnote_410" class="fnanchor">&nbsp;[410]</a>.
-<span class="pagenum"><a id="Page_246"> 246</a></span></p>
-
-<p>Enfin, une raison majeure d'intérêt public fixait une
-époque avant laquelle on ne pouvait songer à rien entreprendre
-contre Fouquet. L'arrestation et la mise en jugement
-du surintendant, la création d'une chambre de justice,
-entraînaient la résiliation de tous les baux, de tous les
-traités à ferme conclus avec ceux qui devaient être cités
-devant cette chambre; tous ces baux, tous ces traités
-devaient être promptement renouvelés, afin que la perception
-des impôts et des différentes branches de revenus
-publics n'éprouvât point de retard. Cela ne pouvait se
-faire avec avantage qu'en automne; et lorsque Louis XIV
-eut arrêté dans son esprit l'exécution du projet de Colbert,
-on n'était encore qu'au printemps<a id="FNanchor_411" href="#Footnote_411" class="fnanchor">&nbsp;[411]</a>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_247"> 247</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE XVIII<br />
-<span class="medium">1661-1664.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Fouquet cherche à séduire mademoiselle de La Vallière.&mdash;Le roi,
-dans un moment de colère, veut le faire arrêter au milieu d'une fête
-qu'il lui donnait.&mdash;La reine-mère l'en empêche.&mdash;Fouquet a connaissance
-de l'ordre qu'avait donné le roi.&mdash;Fouquet fait à Louis XIV
-un aveu des abus qu'il s'était permis, et promet une réforme complète.&mdash;Cet
-aveu ne satisfait pas Louis XIV.&mdash;Différence des effets
-produits par les gains illicites de Mazarin et par ceux de Fouquet,
-relativement à l'État.&mdash;Louis XIV ne pouvait pardonner à Fouquet
-sans détruire le plan qu'il avait formé pour la restauration des
-finances.&mdash;Fouquet de son côté ne pouvait reculer.&mdash;Il continue
-dans le même système de corruption et de profusion.&mdash;Louis XIV
-dissimule.&mdash;Il fait arrêter le surintendant.&mdash;Beau trait d'éloquence
-de Pellisson au sujet de la dissimulation du roi, qui a causé la perte
-de Fouquet.&mdash;Louis XIV établit l'ordre dans ses finances.&mdash;On
-poursuit les traitants, et on fait rentrer à l'épargne des sommes
-considérables.&mdash;L'affaire de Fouquet était un coup d'État, par le
-grand nombre de personnes qui furent citées à la chambre de justice.&mdash;Rigueur
-mise dans le procès de Fouquet; effet qu'elle produit.&mdash;Manière
-dont on a jugé la conduite de Louis XIV en cette
-circonstance.&mdash;Position des hommes qui exercent le pouvoir, à
-l'égard de leur siècle et de la postérité.</p>
-
-<p class="space">Ce fut avec peine que le jeune roi se soumit à une
-aussi longue dissimulation. La contrainte qu'il éprouvait
-pour laisser croire au surintendant qu'il était dupe
-de ses stratagèmes augmentait l'irritation que lui causait
-un délai nécessaire. Cependant Fouquet, plongé dans une
-funeste sécurité, continuait son genre de vie habituel,
-mêlant toujours la galanterie aux affaires. Il chercha à
-<span class="pagenum"><a id="Page_248"> 248</a></span>
-séduire la belle La Vallière, et voulut acheter ses faveurs
-à prix d'argent. La résistance qu'il éprouva lui fit découvrir
-qu'elle était aimée du roi. Possesseur d'un secret
-encore ignoré de toute la cour, Fouquet crut pouvoir en
-profiter pour son ambition<a id="FNanchor_412" href="#Footnote_412" class="fnanchor">&nbsp;[412]</a>. Ne doutant pas que les promesses
-d'un ministre aussi puissant que lui ne pouvaient
-qu'être agréables à mademoiselle de La Vallière, il s'empressa
-de l'entretenir en particulier, et de lui offrir son concours
-pour tirer le plus d'avantages possible de sa position.
-La douce, la modeste La Vallière, que l'amour seul avait
-entraînée hors de la route de l'honneur, et qui ne voyait
-dans le beau et jeune Louis que l'amant et non le roi,
-rougit en écoutant le surintendant, et se retira sans lui répondre.
-Fouquet interpréta ce silence en sa faveur, et le
-regarda comme un consentement qu'un reste de pudeur
-dans une jeune fille encore novice ne lui avait pas permis
-d'exprimer d'une manière plus explicite<a id="FNanchor_413" href="#Footnote_413" class="fnanchor">&nbsp;[413]</a>. Mais La Vallière
-était restée muette d'étonnement et de honte, en apprenant
-qu'une autre personne que celle qui servait d'intermédiaire
-entre elle et le roi avait connaissance de sa coupable
-liaison. En faisant à son amant le sacrifice de sa vertu,
-elle avait obtenu de lui la promesse que sa réputation serait
-respectée et que le voile le plus épais couvrirait
-leurs amours. Quelle fut sa douleur d'apprendre que le
-seul bien qui lui restât allait lui échapper! Elle redit tout
-au roi, en répandant d'abondantes larmes. La fureur de
-Louis XIV contre le surintendant fut portée au plus
-<span class="pagenum"><a id="Page_249"> 249</a></span>
-haut degré. Il n'y avait donc plus de secret dont cet audacieux
-ministre ne parvînt à se procurer la connaissance?
-Ses perfides intrigues le poursuivaient sans cesse et partout,
-jusque dans son intérieur le plus intime, jusque
-dans le c&oelig;ur de celle qu'il aimait! Il aspirait au moment
-où il lui serait enfin permis d'en faire justice. C'est alors
-que Fouquet, toujours abusé, toujours dans l'opinion qu'il
-était l'homme le plus agréable à son roi, le seul nécessaire,
-lui donna à Vaux cette magnifique fête dont nous
-avons parlé. Ce jour, Louis XIV aperçut, dans un des cabinets
-du château de Vaux, un portrait de mademoiselle
-de La Vallière, qu'un peintre avait exécuté sans qu'elle le
-sût. A la vue de ce portrait, le jeune monarque ne put
-contenir son ressentiment. Il éclata: dans son premier
-mouvement, il donna l'ordre d'arrêter le surintendant au
-milieu même de la fête, et dans sa propre maison. La
-reine mère, qui se trouvait là, n'eut pas de peine à démontrer
-à son fils l'inconvenance du lieu et du moment, et
-l'ordre fut révoqué<a id="FNanchor_414" href="#Footnote_414" class="fnanchor">&nbsp;[414]</a>. La reine mère avait attribué la
-colère du roi à un mouvement de jalousie; mais elle
-apprit bientôt que cette cause de l'animadversion de son
-fils envers le surintendant n'était pas la seule: elle fut
-instruite de tous les projets formés depuis longtemps
-contre lui. La duchesse de Chevreuse, qui avait beaucoup
-de crédit sur son esprit, sut lui persuader de n'y mettre
-aucun obstacle. Cette intrigante duchesse était devenue
-l'ennemie du surintendant depuis qu'elle avait épousé en
-secret de Laigues, qui croyait avoir à s'en plaindre<a id="FNanchor_415" href="#Footnote_415" class="fnanchor">&nbsp;[415]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_250"> 250</a></span>
-Cependant le mouvement de colère auquel Louis XIV
-s'était abandonné, cet ordre donné et révoqué trahit ses
-desseins, et Fouquet en fut averti par madame Duplessis-Bellière,
-un de ses plus habiles et de ses plus courageux
-agents, dans les affaires de finances comme
-dans les intrigues d'amour<a id="FNanchor_416" href="#Footnote_416" class="fnanchor">&nbsp;[416]</a>. Fouquet aperçut dès lors
-toute la profondeur du précipice où il était près de tomber.
-Il crut pouvoir éviter sa chute en imitant Mazarin:
-il fit au roi l'aveu de ses fautes, et promit une réforme
-complète. Mais son aveu et ses promesses ne conjurèrent
-pas l'orage, et ne firent que lui en déguiser les approches.
-Louis XIV sembla pardonner, et dissimula si profondément
-ses sentiments et ses pensées, qu'il fit illusion à Fouquet,
-et le persuada qu'il n'avait plus rien à redouter<a id="FNanchor_417" href="#Footnote_417" class="fnanchor">&nbsp;[417]</a>.
-Les aveux de Fouquet n'avaient été que partiels; et alors,
-bien loin de satisfaire Louis XIV, ils furent à ses yeux
-un tort de plus, puisqu'ils lui paraissaient une nouvelle
-ruse pour le tromper encore. Fouquet chercha aussi maladroitement
-(on le voit par ses défenses) à s'autoriser de
-l'exemple qu'avait donné le premier ministre, et à s'excuser
-par les pratiques que celui-ci s'était permises. Mais
-rien n'était semblable ni dans la position ni dans la nature
-de la culpabilité. Mazarin, en cumulant des abbayes,
-en recevant de l'argent pour les charges qu'il conférait
-ou pour les grâces qu'il accordait, en dépensant pour
-sa maison les sommes destinées à la maison du roi<a id="FNanchor_418" href="#Footnote_418" class="fnanchor">&nbsp;[418]</a>,
-enlevait les moyens de s'enrichir à des courtisans ambitieux,
-avides et frondeurs; mais ces concussions ne
-<span class="pagenum"><a id="Page_251"> 251</a></span>
-diminuaient en rien les revenus publics; car aucune des
-sommes dont Mazarin faisait son profit n'était destinée
-à entrer dans l'épargne; Mazarin ne faisait donc rien
-perdre à l'État<a id="FNanchor_419" href="#Footnote_419" class="fnanchor">&nbsp;[419]</a>. Fouquet, au contraire, ne s'enrichissait
-qu'en le ruinant de plus en plus, puisque c'étaient
-les produits mêmes des impôts, dont il était chargé de
-faire opérer les rentrées et de surveiller l'emploi, qu'il
-dilapidait et laissait dilapider. Déjà il avait dévoré en
-avance quatre années des revenus de la France. Quand
-Mazarin, après avoir reculé les limites du royaume et
-raffermi la couronne sur la tête de son roi, lui rendit
-son immense fortune, celui-ci dut être satisfait de pouvoir,
-en la lui conférant par un acte émané de sa royale
-volonté, récompenser d'un seul coup, et magnifiquement,
-les longs et immenses services de son fidèle ministre.
-Il faisait par là une action qui avait sur son gouvernement
-une heureuse influence, en montrant une
-générosité sans bornes envers celui qui l'avait servi ainsi
-que l'État avec un entier dévouement. Mais en pardonnant
-à Fouquet Louis XIV eût encouragé les rapines et la
-déloyauté. Le surintendant absous, il devenait impossible
-de poursuivre ses agents, et de faire annuler les engagements
-ruineux qu'il avait fait contracter à l'État. Sans
-cette dernière mesure, toute amélioration dans les finances
-devenait impossible. A cette époque il n'y avait pas de
-grosses dettes publiques fondées, et reconnues inaltérables,
-inviolables; point de théories du crédit qui fissent
-considérer comme une chose funeste de manifester l'intention
-d'affranchir l'État des dettes usuraires qu'on avait
-contractées en son nom. Un autre ordre de choses avait
-<span class="pagenum"><a id="Page_252"> 252</a></span>
-fait adopter d'autres principes; et le roi, en forçant les
-financiers et les maltôtiers<a id="FNanchor_420" href="#Footnote_420" class="fnanchor">&nbsp;[420]</a>, comme on les appelait alors,
-à rendre une partie de leurs immenses profits, se rendait
-populaire et s'attirait l'approbation générale, lors même
-que tout le monde eût été persuadé que ces profits n'avaient
-pu avoir lieu qu'au moyen des opérations faites
-par le gouvernement et sous le sceau et avec l'approbation
-de ceux qui agissaient en son nom.</p>
-
-<p>Fouquet se trouvait d'ailleurs dans l'impossibilité de
-remplir les promesses de réforme qu'il faisait à Louis XIV.
-Il était lui-même entraîné dans le gouffre où il entraînait
-le royaume. Pour rester en place, et rentrer comme surintendant
-dans les voies du devoir et de la conscience, il
-eût fallu que Fouquet devînt cruel et perfide, et qu'il
-étouffât en lui les sentiments les plus chers et les plus sacrés;
-qu'il trahît, qu'il poursuivît, qu'il précipitât dans
-l'abîme ceux-là même avec lesquels il avait contracté, au
-nom de l'État, des engagements usuraires, et avec lesquels
-il avait connivé pour couvrir tous les genres d'irrégularités;
-et ceux-là étaient ses parents, ses amis, ses partisans
-à la cour, ses pensionnaires, ses maîtresses, ses
-clients, ses protégés. Fouquet avait dans le c&oelig;ur de la
-bonté, de la générosité; dans le caractère et dans ses
-relations particulières, de la franchise et de la grandeur
-d'âme; il lui était donc impossible de prendre une résolution
-qui aurait entraîné de telles conséquences. Il ne vit
-de salut que dans la continuation de son système de profusion
-et de corruption, et par la nécessité même où il se
-<span class="pagenum"><a id="Page_253"> 253</a></span>
-trouvait de monter encore ou de tomber, il poursuivit
-ce système avec plus d'intrépidité qu'il ne l'avait fait
-sous Mazarin; de telle sorte qu'il n'y avait presque pas
-une seule personne qui approchât du roi qui ne lui fût
-vendue<a id="FNanchor_421" href="#Footnote_421" class="fnanchor">&nbsp;[421]</a>. Le roi, qui s'en aperçut, pour mieux déguiser
-ses desseins, et à mesure que le moment approchait
-de les mettre à exécution, se vit obligé de donner au
-surintendant des preuves simulées d'une faveur toujours
-croissante. Louis XIV paraissait avoir pour Fouquet la
-plus sincère affection, pour ses conseils la plus grande
-déférence; il multipliait les entretiens particuliers qu'il
-avait avec lui, et semblait vouloir ne décider que par lui
-les affaires les plus importantes<a id="FNanchor_422" href="#Footnote_422" class="fnanchor">&nbsp;[422]</a>. «On ne doutait pas, dit
-madame de La Fayette, que le surintendant ne fût appelé
-à gouverner<a id="FNanchor_423" href="#Footnote_423" class="fnanchor">&nbsp;[423]</a>.» Louis XIV n'osa pas se fier à son capitaine
-des gardes, ni à ses officiers les plus intimes, quand il fallut
-sévir contre son ministre. Il cacha avec soin son secret
-jusqu'au moment où il donna l'ordre de l'arrestation; et il
-chargea de l'exécution de cet ordre un officier qui n'y
-était pas appelé par son rang<a id="FNanchor_424" href="#Footnote_424" class="fnanchor">&nbsp;[424]</a>. Cette constante dissimulation
-du monarque, en donnant trop de sécurité à Fouquet,
-l'empêcha de céder aux conseils qui lui étaient donnés, et
-arracha à son défenseur, le généreux Pellisson, un cri de
-douleur qui est un des plus beaux passages de son éloquent
-plaidoyer<a id="FNanchor_425" href="#Footnote_425" class="fnanchor">&nbsp;[425]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_254"> 254</a></span>
-Cependant Fouquet pressentit le danger qui le menaçait.
-La reine mère, qui le protégeait, lui avait fait dire
-de se défier de la duchesse de Chevreuse. Avant de partir
-pour Nantes, il eut à ce sujet un entretien avec Loménie
-de Brienne, dont le père avait la confiance du roi, et auquel
-celui-ci s'était ouvert de ses projets sur Fouquet.
-Loménie de Brienne nous peint, dans ses Mémoires, la
-cruelle perplexité à laquelle était en proie le malheureux
-surintendant au sujet de ce fatal voyage. Il hésitait à
-l'entreprendre, et aurait mieux aimé fuir et se retirer à
-Venise ou à Livourne. Il était abattu, consterné; mais,
-après bien des alternatives, un peu rassuré en se rappelant
-les promesses que le roi lui avait faites, il se décida
-à partir, en compagnie avec de Lionne, son ami<a id="FNanchor_426" href="#Footnote_426" class="fnanchor">&nbsp;[426]</a>.</p>
-
-<p>Nous avons ailleurs détaillé les circonstances de son
-arrestation, raconté les émotions du sensible La Fontaine,
-lorsqu'il contempla les murs de la prison où son
-bienfaiteur était enfermé<a id="FNanchor_427" href="#Footnote_427" class="fnanchor">&nbsp;[427]</a>.</p>
-
-<p>Après l'arrestation de Fouquet, Louis XIV abolit la
-charge de surintendant, et en fit lui-même les fonctions.
-Colbert établit un ordre admirable dans les recettes et
-dans les dépenses; il mit le roi à portée de connaître à
-tous les instants les ressources dont il pouvait disposer<a id="FNanchor_428" href="#Footnote_428" class="fnanchor">&nbsp;[428]</a>.
-C'était le roi qui signait toutes les ordonnances, et
-qui au commencement de chaque année arrêtait de sa
-propre main, sur le livre des fonds, toutes les recettes
-qui étaient à faire, et après l'année expirée toutes les
-<span class="pagenum"><a id="Page_255"> 255</a></span>
-recettes et toutes les dépenses qui avaient été effectuées<a id="FNanchor_429" href="#Footnote_429" class="fnanchor">&nbsp;[429]</a>.</p>
-
-<p>Le procès de Fouquet donna les moyens de poursuivre
-les traitants; d'annuler les traités qui avaient été conclus
-avec eux; d'affermer les impôts avec d'autant plus
-de profit que les nouveaux fermiers, contractant directement
-avec le roi, n'ignoraient pas qu'il avait lui-même
-pris connaissance de leurs marchés, et que, bien
-loin de redouter aucune recherche, aucune rigueur de sa
-part, ils espéraient, en remplissant avec fidélité leurs engagements,
-s'enrichir, et en même temps acquérir de la
-faveur et du crédit.</p>
-
-<p>Les papiers saisis chez Fouquet furent portés directement
-au roi, qui les examina lui-même, connut ainsi les
-ennemis cachés de son gouvernement, les secrets des plus
-puissantes familles et les intrigues ourdies à l'entour du
-trône. La création d'une chambre de justice pour rechercher
-les malversations qui avaient pu être faites dans les
-finances touchait les plus grandes familles de robe et
-d'épée, dont plusieurs s'étaient enrichies par les prêts usuraires
-faits à Fouquet ou par ses dons et ses prodigalités<a id="FNanchor_430" href="#Footnote_430" class="fnanchor">&nbsp;[430]</a>;
-de sorte que son arrestation ne fut pas une disgrâce
-seulement personnelle, mais un acte qui eut tout l'éclat
-et tout le retentissement d'une affaire générale et d'un
-coup d'État. Elle répandit parmi les grands et les courtisans
-une crainte qui les rendit plus souples et plus obéissants,
-et inspira la terreur aux concussionnaires. Le secret
-avec lequel cette affaire fut conduite, la dissimulation
-<span class="pagenum"><a id="Page_256"> 256</a></span>
-qui la prépara, la rigueur des ordres qui furent donnés,
-l'inflexibilité qu'on déploya à l'égard de ceux qui en
-étaient frappés, tout fit reconnaître dans le jeune élève
-de Mazarin l'habileté de son maître, unie au caractère
-altier et énergique de Richelieu. Personne ne douta plus
-que Louis XIV n'eût la volonté et les moyens de gouverner
-par lui-même; et dès lors son règne commença<a id="FNanchor_431" href="#Footnote_431" class="fnanchor">&nbsp;[431]</a>. La
-puissance est comme le crédit, dont les résultats dépendent
-moins des moyens réels dont on peut disposer que
-de l'opinion qu'on parvient à faire prévaloir de leur
-existence et de leur efficacité.</p>
-
-<p>La rigueur dont on usa envers Fouquet pendant tout
-le cours de son procès prouve que Louis XIV voulait faire
-en lui un grand exemple, et ne laisse aucun doute que
-son intention était de le faire condamner à mort<a id="FNanchor_432" href="#Footnote_432" class="fnanchor">&nbsp;[432]</a>. Peut-être
-cette intention, trop ouvertement manifestée, la violence
-des accusateurs, l'iniquité des procédures, contribuèrent-elles,
-encore plus que l'éloquence et l'habileté
-employées dans la défense, à sauver la vie du coupable. Il
-fut condamné à l'exil perpétuel et à la confiscation de tous
-ses biens. Louis XIV, qui avait trouvé un obstacle à ses
-volontés dans la conscience des juges, aggrava la peine:
-il retint, malgré ce jugement, le surintendant en captivité,
-et le fit garder avec une sévérité qui ne s'adoucit
-que dans les dernières années de la vie du malheureux
-prisonnier. D'où vient cette longue persévérance de
-Louis XIV dans un acte de cruauté dont avant la révocation
-<span class="pagenum"><a id="Page_257"> 257</a></span>
-de l'édit de Nantes son long règne n'offre pas un
-second exemple<a id="FNanchor_433" href="#Footnote_433" class="fnanchor">&nbsp;[433]</a>? Voulait-il empêcher Fouquet de trahir
-les secrets de l'État qu'il lui avait confiés? Redoutait-il
-toujours l'effet de ses intrigues? Lui avait-il reconnu une
-audace capable de tout oser<a id="FNanchor_434" href="#Footnote_434" class="fnanchor">&nbsp;[434]</a>? Quoi qu'il en soit, la disgrâce
-du surintendant, dès qu'elle fut connue, fit taire
-l'envie que sa haute prospérité avait inspirée. La dureté
-avec laquelle il fut traité pendant tout le cours de son
-procès excita la compassion dans tous les c&oelig;urs généreux.
-On le plaignit, et l'intérêt que ses amis et ses partisans
-prenaient à son sort devint général. La sentence rendue
-contre lui parut rigoureuse, et son inexécution et la peine
-plus forte qu'on y substitua furent considérées avec raison
-comme une violation de tous les principes de justice.
-L'odieux d'un tel abus de pouvoir rejaillit sur Colbert et
-sur Le Tellier, qui étaient regardés comme les persécuteurs
-acharnés du surintendant: le nombre de satires,
-d'épigrammes, de libelles par lesquels s'exhala la haine
-qu'avaient fait naître ces deux ministres fut grand, et
-rappela le temps de la Fronde et des Mazarinades<a id="FNanchor_435" href="#Footnote_435" class="fnanchor">&nbsp;[435]</a>. Peut-être
-ce soulèvement de l'opinion contribua-t-il à empêcher
-Louis XIV de céder au sentiment de la clémence;
-peut-être sentait-il le besoin de donner à des ministres
-dévoués une garantie, en leur sacrifiant celui dont le nom
-était comme un drapeau sous lequel se ralliaient tous
-leurs ennemis. Le caractère généreux de Fouquet, ses
-<span class="pagenum"><a id="Page_258"> 258</a></span>
-longues souffrances, ont fait oublier ses torts à la postérité,
-qui n'a vu dans la conduite de Louis XIV à
-son égard qu'un acte inutile de cruauté, de vengeance
-et de despotisme. Il est bien difficile, et peut-être même
-impossible, de bien juger certaines actions du pouvoir,
-d'en bien déterminer les causes, d'en apprécier les motifs,
-lorsque les hommes et les circonstances qui les ont nécessitées
-ont disparu. Ceux qui ont été mêlés d'une manière
-active aux affaires humaines savent de combien d'éléments
-frivoles et impurs, qu'enfantent l'intérêt, la
-légèreté et l'ignorance, se forme quelquefois l'opinion publique.
-Ils sont convaincus qu'il est impossible d'opérer
-le bien, si l'on a la faiblesse de vouloir courtiser
-toujours cette reine du monde, quelquefois si belle
-et si pure, mais quelquefois hideuse comme une prostituée.
-Qui n'a pas le courage de renoncer aux jugements
-précipités et inconstants de ses contemporains
-doit renoncer à les gouverner, à guider leurs destinées,
-à conduire un peuple à la gloire, à la prospérité, au
-bonheur. Cependant rien n'exige plus d'énergie dans
-le caractère que le sacrifice de cette satisfaction que
-l'on éprouve par l'approbation générale donnée à celles
-de nos actions qui ont pour but le bien public. C'est la
-récompense la plus précieuse, la seule précieuse, pour
-les grandes âmes. Quelle force de vertu, quelle fermeté
-de conscience, quelle haute sagesse ne réclament pas
-l'abandon de cette enivrante popularité et le courage de
-braver l'aveugle haine et les sinistres attentats dont elle
-cherche à nous rendre victime, pour accomplir, après de
-pénibles efforts, ce qui mérite de tous la reconnaissance
-et l'amour! Toutefois, il semble que dans une aussi pénible
-position la vertu peut trouver un dédommagement
-<span class="pagenum"><a id="Page_259"> 259</a></span>
-dans l'impartiale justice de la postérité.&mdash;Non; il faut
-renoncer à ce consolant espoir: cette précieuse et unique
-récompense n'est qu'une illusion, et l'arrêt rendu en présence
-des faits et des personnes est presque toujours irrévocable:
-les moyens manquent aussi bien que la volonté
-pour rectifier cet arrêt, lorsque le temps et la tombe ont
-fait disparaître tous les témoins qui pouvaient guider la
-justice humaine. Elle est vraiment dure la condition de
-l'homme d'État, qui, pour être digne de la mission que
-la Providence lui a imposée, doit se soumettre d'avance
-à subir les injustes condamnations du siècle qui l'a vu
-naître et des siècles à venir, et qui ne peut penser qu'à
-Dieu seul pour apprécier le mérite ou le démérite de ses
-actions!</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_260"> 260</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE XIX.<br />
-<span class="medium">1661-1664.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Plusieurs lettres de madame de Sévigné sont trouvées dans les papiers
-du surintendant.&mdash;Louis XIV en prend connaissance.&mdash;Il en
-parle de manière à ne laisser aucune prise à la malignité publique;
-cependant elle s'exerce sur cet incident.&mdash;Chagrin qu'en ressent
-madame de Sévigné.&mdash;Lettre qu'elle écrit à Pomponne à ce sujet.&mdash;Madame
-de Sévigné se montre plus attachée aux amis du surintendant,
-parce qu'ils étaient exilés. Simon de Pomponne était de
-ce nombre.&mdash;Noble conduite des gens de lettres envers Fouquet.&mdash;Mademoiselle
-de Scudéry correspond avec lui.&mdash;Madame de
-Sévigné écrit à Ménage pour l'engager à détruire les bruits qui
-couraient sur son compte au sujet des lettres trouvées chez Fouquet.&mdash;Citation
-de cette lettre.&mdash;Fouquet comparait devant le
-tribunal qui doit le juger.&mdash;Madame de Sévigné, alors à Paris,
-écrit à Pomponne plusieurs lettres sur ce procès.&mdash;Position de
-Pomponne.&mdash;Intérêt des lettres que madame de Sévigné lui adresse
-au sujet de Fouquet.&mdash;Faveur dont madame de Sévigné jouissait
-auprès de la cour et de Louis XIV.&mdash;Fidélité de madame de Sévigné
-au malheur.&mdash;Sa sensibilité pour Fouquet partagée par madame
-de Guénégaud, avec laquelle elle était liée&mdash;Détails sur
-Arnauld d'Andilly;&mdash;sur le procès de Fouquet;&mdash;sur madame de
-Guénégaud.&mdash;L'hôtel de Nevers, des lettres de madame de Sévigné,
-et l'hôtel Guénégaud.&mdash;Madame de Sévigné agissait en
-faveur du surintendant.&mdash;Elle craignait qu'il ne fût condamné à
-mort.&mdash;Ses anxiétés pendant le procès.&mdash;Apparition d'une comète.&mdash;L'effet
-qu'elle produit sur les esprits.&mdash;Ce qu'en dit de Neuré.&mdash;Détails
-sur de Neuré.&mdash;Madame de Sévigné annonce à Pomponne
-que Fouquet a la vie sauve.&mdash;Louis XIV aurait voulu le
-faire condamner à mort.&mdash;Madame de Sévigné craint qu'on n'empoisonne
-Fouquet; la vue de la comète la rassure.&mdash;Madame de
-Sévigné mande à Pomponne le départ de Fouquet pour Pignerol.&mdash;Louis
-XIV, par la sévérité de son maintien, inspirait le respect
-et la crainte.&mdash;Les lettres de madame de Sévigné à Pomponne ne
-<span class="pagenum"><a id="Page_261"> 261</a></span>
-sont pas inférieures aux autres qu'elle a écrites.&mdash;Suite de l'histoire
-de Fouquet.&mdash;Il n'obtient la permission de voir sa femme
-qu'au bout de sept ans de captivité.&mdash;Son entrevue avec Lauzun.&mdash;Sa
-mort obscure.&mdash;On est incertain s'il est mort avant ou après
-avoir recouvré son entière liberté.</p>
-
-<p class="space">Comme tous ceux qui ont de nombreuses affaires dont
-les documents devront être réunis sous leurs yeux lorsqu'ils
-auront à s'en occuper, Fouquet conservait avec soin
-toutes ses lettres. Elles furent saisies. Les correspondances
-qu'il entretenait avec plusieurs femmes de la cour se trouvaient
-réunies dans des cassettes particulières<a id="FNanchor_436" href="#Footnote_436" class="fnanchor">&nbsp;[436]</a>. Celles-ci
-furent portées directement au roi, qui les examina. Il en
-trouva un certain nombre de madame de Sévigné, qui
-attirèrent son attention par l'enjouement, la grâce et la
-facilité du style. Mais quoiqu'il eût dit, et que Le Tellier
-eût répété après lui, que ces lettres, uniquement relatives
-à des affaires de famille, ne pouvaient que faire honneur
-à celle qui les avait écrites, dès qu'on en connut
-l'existence la malignité publique s'exerça sur notre aimable
-veuve. On voit par la lettre suivante, que madame
-de Sévigné écrivit alors à de Pomponne, combien elle
-était péniblement affectée des discours qu'on tenait à ce
-sujet dans le monde.</p>
-
-<p class="letter">LETTRE DE MADAME DE SÉVIGNÉ A M. DE POMPONNE.</p>
-
-<p class="dater">«Aux Rochers, ce 11 octobre 1661.</p>
-
-<p>«Il n'y a rien de plus vrai, que l'amitié se réchauffe
-quand on est dans les mêmes intérêts. Vous m'avez écrit
-si obligeamment là-dessus, que je ne puis y répondre plus
-<span class="pagenum"><a id="Page_262"> 262</a></span>
-juste qu'en vous assurant que j'ai les mêmes sentiments
-pour vous que vous avez pour moi, et qu'en un mot je vous
-honore et vous estime d'une façon toute particulière. Mais
-que dites-vous de tout ce qu'on a trouvé dans ces cassettes?
-Eussiez-vous jamais cru que mes pauvres lettres,
-pleines du mariage de M. de La Trousse et de toutes les
-affaires de sa maison, se trouvassent placées si mystérieusement?
-Je vous assure, quelque gloire que je puisse tirer
-par ceux qui me feront justice, de n'avoir jamais eu avec lui
-d'autre commerce que celui-là, que je ne laisse pas d'être
-sensiblement touchée de me voir obligée de me justifier,
-et peut-être fort inutilement, à l'égard de mille personnes
-qui ne comprendront jamais cette vérité. Je pense que
-vous comprenez bien la douleur que cela fait à un c&oelig;ur
-comme le mien. Je vous conjure de dire sur cela ce que
-vous savez. Je ne puis avoir trop d'amis en cette occasion.
-J'attends avec impatience monsieur votre frère (l'abbé
-Arnauld)<a id="FNanchor_437" href="#Footnote_437" class="fnanchor">&nbsp;[437]</a>, pour me consoler un peu avec lui de cette bizarre
-aventure; cependant je ne laisse pas de souhaiter
-de tout mon c&oelig;ur du soulagement aux malheureux, et je
-vous demande toujours, monsieur, la consolation de votre
-amitié<a id="FNanchor_438" href="#Footnote_438" class="fnanchor">&nbsp;[438]</a>.</p>
-
-<hr class="tb" />
-
-<p>Simon de Pomponne, lorsque madame de Sévigné lui
-écrivait cette lettre, subissait le sort de plusieurs amis du
-surintendant, qui, sans être inculpés ni impliqués en
-rien dans son procès, et même sans être entièrement en
-disgrâce, avaient cependant, par mesure de précaution,
-été envoyés en exil. Les amis du surintendant étaient
-<span class="pagenum"><a id="Page_263"> 263</a></span>
-aussi ceux de madame de Sévigné, et ils lui étaient devenus
-plus chers depuis qu'ils étaient malheureux et persécutés.
-Aussi se montrait-elle très-active dans sa correspondance
-avec eux, afin d'avoir plus fréquemment de
-leurs nouvelles, et de ne pas laisser échapper une seule
-occasion de leur être utile.</p>
-
-<p>On connaît la noble conduite des gens de lettres envers
-Fouquet, qui s'était montré leur protecteur éclairé. Tous
-lui restèrent attachés dans son infortune<a id="FNanchor_439" href="#Footnote_439" class="fnanchor">&nbsp;[439]</a>; et peut-être
-est-ce le concours unanime de leurs écrits qui a le plus
-contribué à intéresser si puissamment la postérité en sa
-faveur et à couvrir d'un voile les torts graves qui avaient
-fait de sa chute une des nécessités du bien public. Mademoiselle
-de Scudéry ne cessa point de lui écrire pendant
-tout le temps de sa captivité. Ce fut elle aussi qui s'éleva
-avec le plus de force contre ceux qui prenaient occasion
-des lettres trouvées dans les cassettes du surintendant
-pour se permettre des insinuations calomnieuses contre
-madame de Sévigné<a id="FNanchor_440" href="#Footnote_440" class="fnanchor">&nbsp;[440]</a>.</p>
-
-<p>Les bruits qu'on répandait à ce sujet la tourmentaient
-tellement, qu'elle s'adressait à tous ses amis pour les engager
-à détruire ce qu'ils avaient d'injurieux à son égard.
-Elle en écrivit à Ménage; mais lui n'avait pas attendu
-ses instances pour s'acquitter de ce devoir, avec tout
-le zèle que lui inspirait son vif et ancien attachement.
-Dans la réponse qu'il lui adressa, il lui manda ce qu'il
-avait déjà fait; et en même temps il lui donna des nouvelles
-de la querelle survenue au sujet de la préséance
-<span class="pagenum"><a id="Page_264"> 264</a></span>
-des ambassadeurs de France et d'Espagne à Londres,
-qui fut sur le point d'occasionner le renouvellement
-de la guerre. C'est à cette lettre qu'elle répondit des
-Rochers par celle qu'elle lui écrivit en date du 22 octobre.</p>
-
-<p>«Je me doutais, dit-elle, que vous auriez prévenu ma
-prière, et qu'il ne fallait rien dire à un ami si généreux
-que vous. Je suis au désespoir de ce qu'au lieu de vous
-écrire, comme je le fis, je ne vous envoyai pas tout d'un
-train une lettre de remercîments. Je m'en acquitte présentement,
-et vous supplie de croire que j'ai toute la reconnaissance
-que je dois de vos bontés. Je vous demande
-un compliment à mademoiselle de Scudéry sur le même
-sujet. Vous m'avez fait un extrême plaisir de me mander
-le détail de la grande nouvelle dont il est présentement
-question. Il n'en fallait pas une moindre pour faire oublier
-toutes celles que l'on découvre tous les jours dans les cassettes
-de M. le surintendant. Je voudrais de tout mon
-c&oelig;ur que cela le fît oublier lui-même<a id="FNanchor_441" href="#Footnote_441" class="fnanchor">&nbsp;[441]</a>.»</p>
-
-<p>Il n'en était pas ainsi. Le procès de Fouquet se suivait
-avec ardeur, mais le nombre de pièces qu'il fallait dépouiller
-pour dresser un acte d'accusation de cette nature
-était immense. Trois ans se passèrent avant que l'accusé
-pût comparaître devant les magistrats commis pour le
-juger. Le surintendant fut amené pour la première fois
-devant ce tribunal illégal qu'il récusait, le 14 novembre
-1664. Madame de Sévigné se trouvait alors à Paris. L'attention
-générale était en quelque sorte concentrée sur cette
-grande affaire. On s'en entretenait sans cesse; on en recueillait
-<span class="pagenum"><a id="Page_265"> 265</a></span>
-avec avidité les moindres détails de la bouche des
-juges ou des personnes qui leur appartenaient. Madame
-de Sévigné, outre le vif intérêt qu'elle y prenait elle-même,
-avait encore un motif particulier pour s'informer
-de tout avec exactitude. Elle s'était imposé la tâche de
-tenir au courant de toutes les phases et de toutes les circonstances
-du procès Simon de Pomponne et les autres
-exilés amis du surintendant, de manière à les mettre à
-portée d'apprécier avec exactitude les motifs de crainte ou
-d'espérance qu'on pouvait avoir.</p>
-
-<p>Simon de Pomponne, devenu suspect au roi par son
-amitié pour Fouquet<a id="FNanchor_442" href="#Footnote_442" class="fnanchor">&nbsp;[442]</a> et son jansénisme, avait d'abord
-été exilé à Verdun; mais, protégé par de Lionne, qui était
-resté ministre, et aussi par Bertillac, trésorier de la reine
-mère, de Pomponne, après un an de séjour à Verdun, eut
-la permission de se rendre à La Ferté-sous-Jouarre, où des
-affaires de famille réclamaient sa présence<a id="FNanchor_443" href="#Footnote_443" class="fnanchor">&nbsp;[443]</a>. De Pomponne
-resta dix-huit mois à La Ferté-sous-Jouarre. Ce ne fut
-qu'après ce temps écoulé qu'il lui fut permis de se retirer
-à sa terre de Pomponne; et c'est là que madame de Sévigné
-lui adressait les lettres où elle lui rendait compte de
-ce qui se passait à Paris, et surtout de tout ce qui concernait
-le procès de Fouquet.</p>
-
-<p>Toutes les lettres que de Pomponne recevait de madame
-de Sévigné, il les communiquait à son père, le célèbre
-Arnauld d'Andilly, qui se trouvait alors avec lui, et qu'on
-avait forcé aussi, à cause du surintendant, de s'éloigner
-<span class="pagenum"><a id="Page_266"> 266</a></span>
-de Port-Royal. Ces mêmes lettres étaient ensuite transmises
-au château de Fresne, peu éloigné de celui de Pomponne<a id="FNanchor_444" href="#Footnote_444" class="fnanchor">&nbsp;[444]</a>.
-Madame de Guénégaud, qui revint à Paris et rejoignit
-madame de Sévigné avant la fin du procès, madame
-Duplessis-Bellière<a id="FNanchor_445" href="#Footnote_445" class="fnanchor">&nbsp;[445]</a>, et d'autres exilés amis et amies
-du surintendant, s'adressaient à de Pomponne pour en
-avoir des nouvelles, et pour s'informer de ce que madame
-de Sévigné lui en avait écrit. Madame de Sévigné ne l'ignorait
-pas. Aussi écrivait-elle exactement ce qu'elle appelait
-elle-même la gazette du procès.</p>
-
-<p>Les lettres qui renferment cette gazette sont peut-être
-de tous les écrits qui nous restent de madame de Sévigné
-ceux qui témoignent le plus de la sensibilité de son c&oelig;ur,
-de sa grandeur d'âme, de sa constance et de son désintéressement
-dans le commerce de l'amitié. Lorsqu'elle les
-écrivit, elle était, ainsi qu'on le verra bientôt, en grande
-faveur à la cour. Elle avait autant d'admiration que d'affection
-pour Louis XIV; elle pensait déjà à l'établissement
-de sa fille; et ces nouveaux liens, ces intérêts si
-grands et si chers, ne l'arrêtèrent pas, et ne l'empêchèrent
-point de manifester les tendres et vives sympathies qui
-l'attachaient toujours à ses anciens amis, en butte aux rigueurs
-du pouvoir, et d'épancher tous les sentiments que
-lui inspiraient ses vives anxiétés sur le sort qui attendait
-le malheureux surintendant.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné ne doutait point que les lettres
-qu'elle écrivait à de Pomponne ne fussent décachetées et
-<span class="pagenum"><a id="Page_267"> 267</a></span>
-lues par les agents du gouvernement; mais elle ne s'en
-inquiète pas, et elle mande à son correspondant que pour
-continuer à lui écrire, elle a seulement besoin de savoir
-si ses lettres lui parviennent<a id="FNanchor_446" href="#Footnote_446" class="fnanchor">&nbsp;[446]</a>.</p>
-
-<p>Ces lettres parurent pour la première fois en 1756,
-dans un recueil séparé, dont l'éditeur est resté inconnu<a id="FNanchor_447" href="#Footnote_447" class="fnanchor">&nbsp;[447]</a>.</p>
-
-<p>La première de ces lettres est datée du 17 novembre
-1664; la dernière, du mois de janvier 1665, ce qui comprend
-un intervalle de temps d'un mois et demi<a id="FNanchor_448" href="#Footnote_448" class="fnanchor">&nbsp;[448]</a>. Ces
-lettres renferment les seuls détails authentiques relatifs
-au procès de Fouquet étrangers aux actes juridiques et
-aux actes officiels; et, dans un procès de cette nature, ces
-détails sont les plus intéressants et même les plus importants
-de tous, parce que les récits qu'ils contiennent sont
-les vraies pièces d'après lesquelles la postérité juge les
-juges et l'accusation.</p>
-
-<p>Dans ces lettres, madame de Sévigné ne nomme jamais
-l'illustre accusé que <i>notre cher ami</i><a id="FNanchor_449" href="#Footnote_449" class="fnanchor">&nbsp;[449]</a>; et tous les traits de
-présence d'esprit, de fermeté et de dignité de caractère
-qu'il déploie, elle les note avec soin, et n'oublie aucune
-des circonstances, quelque minutieuses qu'elles soient, qui
-peuvent leur donner du relief. En les racontant, elle verse
-des larmes<a id="FNanchor_450" href="#Footnote_450" class="fnanchor">&nbsp;[450]</a>. Elle n'approuve pas cependant que son ami
-s'impatiente contre ses juges; quelquefois elle dit: «Cette
-manière n'est pas bonne. Il se corrigera; mais, en vérité,
-<span class="pagenum"><a id="Page_268"> 268</a></span>
-la patience échappe, et il me semble que je ferais tout
-comme lui<a id="FNanchor_451" href="#Footnote_451" class="fnanchor">&nbsp;[451]</a>.»</p>
-
-<p>A mesure qu'approche l'instant qui doit décider du sort
-de Fouquet, madame de Sévigné ne paraît plus susceptible
-de s'occuper d'autre chose, et, au lieu de vouloir se
-distraire de sa douleur, elle se complaît dans tout ce qui
-la lui rappelle, dans tout ce qui peut l'accroître. Elle se
-transporte dans une maison voisine de l'Arsenal, uniquement
-pour voir passer Fouquet; et, protégée par son
-masque, elle a enfin cette triste satisfaction; mais ses
-jambes tremblent, et son c&oelig;ur bat si fort qu'elle est sur
-le point de se trouver mal<a id="FNanchor_452" href="#Footnote_452" class="fnanchor">&nbsp;[452]</a>.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné fait ressortir, avec une raillerie
-piquante ou une indignation amère, la partialité de certains
-juges, leur lâcheté, et l'animosité de Colbert, qu'elle
-appelle <i>Petit</i><a id="FNanchor_453" href="#Footnote_453" class="fnanchor">&nbsp;[453]</a>. Ce n'est pas qu'elle s'aveugle entièrement
-sur les torts de son ami. Elle comprenait bien quelles
-étaient les parties faibles ou glissantes, comme elle les appelle,
-de la défense<a id="FNanchor_454" href="#Footnote_454" class="fnanchor">&nbsp;[454]</a>; mais elles augmentaient ses peines,
-sans rien diminuer de sa compassion. Ce qui lui importait
-dans cette cause n'était pas la culpabilité ou l'innocence
-de l'accusé; c'était le danger qui le menaçait, et les chances
-qu'il pouvait avoir d'y échapper ou d'y succomber. Et à
-cet égard les différentes phases du procès et les alternatives
-de crainte et d'espérance qu'elles faisaient naître
-la tenaient dans un état d'angoisse que sa plume nous
-peint à merveille.</p>
-
-<p>«Je ne crois pas, dit-elle, qu'il m'ait reconnue; mais je
-<span class="pagenum"><a id="Page_269"> 269</a></span>
-vous avoue que j'ai été extrêmement saisie quand je l'ai
-vu entrer dans cette petite porte. Si vous saviez combien
-on est malheureux quand on a le c&oelig;ur fait comme je l'ai,
-vous auriez pitié de moi; mais je pense que vous n'en êtes
-pas quitte à meilleur marché, de la manière dont je vous
-connais. J'ai été voir votre chère voisine (madame Duplessis-Guénégaud);
-je vous plains autant de ne l'avoir plus,
-que nous nous trouvons heureux de l'avoir. Nous avons
-bien parlé de notre cher ami (Fouquet). Elle a vu Sapho
-(mademoiselle Scudéry), qui lui a donné du courage. Pour
-moi, j'irai demain en reprendre chez elle; car de temps en
-temps je sens que j'ai besoin de reconfort. Ce n'est pas que
-l'on ne dise mille choses qui doivent donner de l'espérance;
-mais, mon Dieu, j'ai l'imagination si vive, que tout,
-ce qui est incertain me fait mourir<a id="FNanchor_455" href="#Footnote_455" class="fnanchor">&nbsp;[455]</a>.»</p>
-
-<p>A cette époque la pénurie des finances et le système
-d'économie substitué par Colbert à celui des emprunts
-firent supprimer un quartier des rentes sur l'hôtel de
-ville, ce qui ajouta encore au mécontentement qu'occasionnait
-le procès de Fouquet. Madame de Sévigné avait
-de ces rentes, et elle dit au sujet du retranchement et du
-procès: «L'émotion est grande, mais la dureté l'est encore
-plus. Ne trouvez-vous pas que c'est entreprendre bien
-des choses à la fois? Celle qui me touche le plus n'est pas
-celle qui me fait perdre une partie de mon bien<a id="FNanchor_456" href="#Footnote_456" class="fnanchor">&nbsp;[456]</a>.»</p>
-
-<p>Il est souvent fait mention dans ces lettres du vieil
-ami, c'est-à-dire du père de M. de Pomponne, d'Arnauld
-d'Andilly, qui, malgré son grand âge, suivait avec un vif
-intérêt tous les détails du fameux procès. Le chancelier
-<span class="pagenum"><a id="Page_270"> 270</a></span>
-Pierre Seguier, dévoué à Colbert, présidait le tribunal
-avec une révoltante partialité. Comme il affectait une dévotion
-sévère, et que le chef-d'&oelig;uvre de Molière, le <i>Tartufe</i>,
-faisait alors grand bruit, Arnauld d'Andilly disait
-au sujet de Seguier, que c'était Pierrot métamorphosé en
-Tartufe<a id="FNanchor_457" href="#Footnote_457" class="fnanchor">&nbsp;[457]</a>. Madame de Sévigné fut si charmée de ce bon
-mot, qu'elle déclara être au désespoir de ne l'avoir pas dit
-la première. Le même aveu lui échappe, et elle éprouve le
-même plaisir, toutes les fois qu'on lui raconte une saillie,
-un trait d'esprit, une réflexion juste, une maxime utile,
-exprimée d'un manière vive et piquante.</p>
-
-<p>Pendant tout le cours du procès madame de Sévigné
-allait souvent dîner à l'hôtel de Nevers<a id="FNanchor_458" href="#Footnote_458" class="fnanchor">&nbsp;[458]</a>, chez madame
-Duplessis-Guénégaud, dont le mari, autrefois ministre
-et secrétaire d'État, se trouvait impliqué dans la disgrâce
-du surintendant. Madame Duplessis-Guénégaud avait,
-pendant la Fronde, servi la cour avec zèle, en cherchant
-à réconcilier le prince de Condé avec la reine. C'était une
-femme d'un grand sens, spirituelle, pleine de bonté et de
-dévouement pour ses amis. «Avec elle, dit madame de
-<span class="pagenum"><a id="Page_271"> 271</a></span>
-Motteville, on goûtait le véritable plaisir de la société
-agréable et vertueuse. Madame de Sévigné, qui trouvait
-dans le c&oelig;ur de madame de Guénégaud les mêmes sympathies
-que celles qu'elle éprouvait, sentait encore s'augmenter
-l'affection qu'elle avait pour elle. Rien n'étreint
-plus fortement les n&oelig;uds de l'amitié que lorsqu'on participe
-aux mêmes peines et aux mêmes émotions.</p>
-
-<p>Il ne suffisait pas à madame de Sévigné de s'apitoyer
-sur le sort de son ami: elle agissait vivement, et sollicitait
-en sa faveur d'Ormesson, qui, nommé juge rapporteur
-du procès, pouvait avoir une si grande influence sur le
-jugement.</p>
-
-<p>«Voilà qui est donc fait, dit-elle, c'est à M. d'Ormesson
-à parler; il doit récapituler toute l'affaire: cela durera
-encore toute la semaine prochaine, c'est-à-dire qu'entre ci
-et là ce n'est pas vivre que la vie que nous passerons.
-Pour moi, je ne suis pas reconnaissable, et je ne crois pas
-que je puisse aller jusque là. M. d'Ormesson m'a priée de
-ne plus le voir que l'affaire ne soit jugée. Il est dans le
-conclave, il ne veut pas avoir de commerce avec le monde;
-il affecte une grande réserve; il ne parle point, il écoute:
-et j'ai eu ce plaisir, en lui disant adieu, de lui dire tout
-ce que je pense<a id="FNanchor_459" href="#Footnote_459" class="fnanchor">&nbsp;[459]</a>.»</p>
-
-<p>La famille de Fouquet et ses affidés ne croyaient point
-qu'il pût être condamné à mort. Cette sécurité faisait mal
-à madame de Sévigné, intimement liée avec plusieurs ennemis
-du surintendant: elle n'ignorait ni leurs dispositions,
-ni leur puissance, ni les intentions du roi. Aussi
-elle n'aimait à parler de cette affaire qu'avec madame Duplessis-Guénégaud,
-<span class="pagenum"><a id="Page_272"> 272</a></span>
-qui partageait toutes ses craintes.
-Cependant elle écrivait: «Au fond de mon c&oelig;ur, j'ai un
-petit brin d'espérance. Je ne sais d'où il me vient et où il
-va; et même il n'est pas assez grand pour que je puisse
-dormir en repos<a id="FNanchor_460" href="#Footnote_460" class="fnanchor">&nbsp;[460]</a>.»</p>
-
-<p>Si l'arrêt est tel qu'elle peut l'espérer, elle pense à la
-joie qu'elle aura d'envoyer un courrier, à bride abattue,
-porter cette nouvelle à de Pomponne. Toutes ses craintes
-se renouvellent, parce qu'elle a su que le roi avait dit à son
-lever «que Fouquet était un homme dangereux<a id="FNanchor_461" href="#Footnote_461" class="fnanchor">&nbsp;[461]</a>». Et en
-effet un tel propos de la part du roi, dans la situation
-où se trouvait l'affaire, était une condamnation; c'était
-ravir l'indépendance aux juges et l'impartialité à la
-justice.</p>
-
-<p>Aussi, lorsque madame de Sévigné apprit que d'Ormesson
-avait opiné au bannissement perpétuel de l'accusé et
-à la confiscation de tous ses biens, elle s'en réjouit, et, en
-annonçant cette nouvelle à de Pomponne, elle ajoute:
-«M. d'Ormesson a couronné par là sa réputation. L'avis
-est un peu sévère; mais prions Dieu qu'il soit suivi.» En
-effet, le rapport de M. d'Ormesson et son opinion modérée
-lui donnèrent dans le monde la réputation d'un
-homme de talent et de courage.</p>
-
-<p>Les premiers juges qui opinèrent après le rapporteur
-furent Saint-Hélène et Pussort, l'oncle de Colbert. Fouquet,
-mais en vain, les avait récusés tous deux. Ils conclurent
-à ce que l'accusé eût la tête tranchée. Mais un des
-juges, nommé Berrier, voué à Colbert et à toutes ses haines,
-<span class="pagenum"><a id="Page_273"> 273</a></span>
-devint fou pendant qu'on était aux opinions, et avant
-le jugement. Dans cet intervalle aussi une comète apparut;
-M. de Neuré, fameux astrologue, assurait qu'elle était
-d'une grandeur considérable. Tout cela mit les esprits en
-émoi, et ajoutait aux agitations de madame de Sévigné.
-C'est très-sérieusement qu'elle entretient de Pomponne du
-pronostic de cette comète. Ce n'étaient pas seulement les
-femmes qui croyaient alors à l'influence des astres sur les
-affaires humaines<a id="FNanchor_462" href="#Footnote_462" class="fnanchor">&nbsp;[462]</a>, c'étaient aussi des hommes remarquables
-par leur esprit et leurs lumières. Cependant Fouquet
-n'avait pas cette faiblesse; et lorsqu'il sut que l'on
-rattachait l'apparition de la comète à ce qui lui arrivait
-de personnel, il dit spirituellement: «La comète me fait
-trop d'honneur<a id="FNanchor_463" href="#Footnote_463" class="fnanchor">&nbsp;[463]</a>.»</p>
-
-<p>Mais plus le moment qui devait décider de son sort,
-s'approchait, plus l'on s'occupait de lui, plus s'augmentaient
-aussi les anxiétés de madame de Sévigné.
-«Tout le monde, dit-elle, s'intéresse dans cette grande
-affaire. On ne parle d'autre chose; on raisonne, on tire
-des conséquences, on compte sur ses doigts, on s'attendrit,
-on craint, on souhaite, on hait, on admire, on est
-triste, on est accablé; enfin, mon pauvre monsieur, c'est
-une chose extraordinaire que l'état où l'on est présentement,
-c'est une chose divine que la résignation et la fermeté
-de notre cher malheureux. Il sait tous les jours ce
-qui se passe, et il faudrait faire des volumes à sa
-louange<a id="FNanchor_464" href="#Footnote_464" class="fnanchor">&nbsp;[464]</a>.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_274"> 274</a></span>
-Enfin, le samedi 20 décembre madame de Sévigné
-envoie un courrier à de Pomponne, pour lui annoncer que
-Fouquet a la vie sauve. Dans la lettre qu'elle écrivit
-ensuite, quoiqu'elle ait appris que le roi avait aggravé la
-peine, changé l'exil en prison et refusé à Fouquet sa
-femme, elle ne veut pas que de Pomponne rabatte rien de
-la joie qu'a dû lui causer l'arrivée de son courrier. «La
-mienne, dit-elle, est augmentée s'il se peut, et le procédé
-me fait mieux voir la grandeur de notre victoire.» Elle
-avait raison: le roi prouvait par cet abus de sa puissance
-combien il avait compté sur la condamnation à la
-peine capitale<a id="FNanchor_465" href="#Footnote_465" class="fnanchor">&nbsp;[465]</a>. Fouquet ne l'ignorait pas, ainsi que le
-prouve le passage suivant de la lettre où madame de Sévigné
-raconte ce qui eut lieu lorsqu'on reconduisit le surintendant
-en prison, après qu'il eut entendu la lecture de
-l'arrêt qui le condamnait. «Cependant M. Fouquet est allé
-dans la chambre de M. d'Artagnan: pendant qu'il y était,
-il a vu par la fenêtre passer M. d'Ormesson, qui venait de
-reprendre quelques papiers qui étaient entre les mains de
-M. d'Artagnan. M. Fouquet l'a aperçu; il l'a salué avec
-un visage ouvert et plein de joie et de reconnaissance; il
-lui a même crié qu'il était son humble serviteur. M. d'Ormesson
-lui a rendu son salut avec une grande civilité,
-et s'en est venu, le c&oelig;ur tout serré, me conter ce qu'il
-avait vu<a id="FNanchor_466" href="#Footnote_466" class="fnanchor">&nbsp;[466]</a>.»</p>
-
-<p>Comme on avait séparé Fouquet, non-seulement de sa
-femme, mais de son médecin resté son ami, et de son plus
-fidèle domestique, on crut que ses ennemis, après l'avoir
-<span class="pagenum"><a id="Page_275"> 275</a></span>
-vu échapper à regret à une exécution publique, avaient
-formé le projet de l'empoisonner. En tout temps, une
-des premières punitions que subissent ceux qui tiennent
-le pouvoir quand ils s'écartent des formes de la justice
-est d'être aussitôt jugés capables des crimes les plus
-odieux.</p>
-
-<p>«Si vous saviez, dit madame de Sévigné, comme cette
-cruauté paraît à tout le monde, de lui avoir ôté Pecquet et
-Lavallée! C'est une chose inconcevable; on en tire des conséquences
-fâcheuses, dont Dieu le préserve, comme il a
-fait jusque ici!» Puis après cette citation, <i>Tantæne animis
-c&oelig;lestibus iræ</i>, qui prouve ses études classiques, elle
-ajoute: «Mais non, ce n'est point de si haut que cela
-vient. De telles vengeances, rudes et basses, ne sauraient
-partir d'un c&oelig;ur comme celui de notre maître. On se sert
-de son nom, et on le profane, comme vous voyez.» Cependant
-elle a vu le même jour la comète avec sa longue
-queue, et elle y met une partie de ses espérances<a id="FNanchor_467" href="#Footnote_467" class="fnanchor">&nbsp;[467]</a>. Puis
-ses soupçons lui reviennent, et elle écrit à son correspondant:
-«Soyons comme lui, ayons du courage, et ne nous
-accoutumons pas à la joie que nous donna l'admirable
-arrêt de samedi. Il a couru un bruit qu'il était malade.
-Tout le monde disait: Quoi, déjà<a id="FNanchor_468" href="#Footnote_468" class="fnanchor">&nbsp;[468]</a>!...»</p>
-
-<p>Il fallait que la crainte de voir condamner à mort le
-surintendant eût été bien forte et bien générale, pour que
-madame de Sévigné donnât l'épithète d'admirable à un
-arrêt qui consommait la ruine totale de l'accusé et le condamnait
-à un exil perpétuel. Tous ceux qui à la cour lui
-étaient attachés dans son malheur s'efforçaient de lire sur
-<span class="pagenum"><a id="Page_276"> 276</a></span>
-le visage du monarque l'espérance d'un meilleur avenir.
-Mais madame de Sévigné, à qui Louis XIV n'adressa jamais
-que des paroles agréables et flatteuses, nous prouve,
-par ce qu'elle dit de lui à ce sujet, qu'il eut dès sa jeunesse
-cet air digne et réservé qui ne permettait pas de pouvoir
-deviner aucune des pensées qui l'occupaient ou des
-sentiments dont il était agité, et qu'il conservait même au
-milieu des fêtes et des plaisirs cet aspect sévère qui imposait
-à tous ceux qui l'approchaient. Après avoir raconté à
-de Pomponne les détails qu'elle a appris sur le voyage de
-Fouquet à sa prison de Pignerol, d'où il ne devait plus
-sortir, elle parle ensuite des égards que d'Artagnan, chargé
-de le conduire, avait pour lui. «On espère toujours des
-adoucissements à son sort; je les espère aussi. L'espérance
-m'a trop bien servie pour l'abandonner. Ce n'est
-pas que toutes les fois qu'à nos ballets je regarde notre
-maître, ces deux vers du Tasse ne me reviennent en mémoire:</p>
-
-<p class="quote">Goffredo ascolta, e in rigida sembianza<br />
-Porge più di timor che di speranza<a id="FNanchor_469" href="#Footnote_469" class="fnanchor">&nbsp;[469]</a>.»</p>
-
-<p>Louis XIV avait trop de grandeur d'âme et un c&oelig;ur
-trop généreux pour conserver du ressentiment contre ceux
-qui s'étaient montrés sensibles à l'amitié et étaient restés
-fidèles à l'infortune. Les amis et les parents de Fouquet
-rentrèrent en grâce auprès du jeune monarque; plusieurs
-même jouirent de toute sa faveur, et firent un chemin
-rapide; mais il ne se relâcha en rien de ses rigueurs
-contre le prisonnier de Pignerol. Le temps travaille vite
-<span class="pagenum"><a id="Page_277"> 277</a></span>
-pour ceux qui sont heureux. Bientôt Fouquet, avec lequel
-il était devenu impossible de communiquer, pour lequel
-il était défendu de solliciter, fut oublié. Ceux même
-qui l'avaient chéri le plus, qui lui avaient donné les plus
-grandes preuves de dévouement, satisfaits d'avoir, par la
-courageuse conduite qu'ils avaient tenue au moment du
-procès, contribué à lui sauver la vie, n'en parlèrent plus.
-De nouveaux événements, plus importants, se succédèrent
-avec rapidité, et attirèrent l'attention publique. Madame
-de Sévigné, dans une lettre écrite à sa fille huit ans
-après le jugement rendu contre Fouquet, nous apprend
-qu'il supportait héroïquement sa prison<a id="FNanchor_470" href="#Footnote_470" class="fnanchor">&nbsp;[470]</a>, et qu'il espérait
-de voir alléger sa peine. Mais la manière dont elle en
-parle prouve bien que, même chez elle, le souvenir de
-cet ami de sa jeunesse s'était affaibli avec les années, et
-qu'entièrement livrée à d'autres intérêts et d'autres affections,
-elle en était peu préoccupée. Les espérances qu'avait
-alors Fouquet de voir se relâcher les rigueurs de sa
-captivité furent encore longues à se réaliser; car ce ne fut
-que dix ans après qu'il lui fut permis de s'entretenir
-avec sa femme<a id="FNanchor_471" href="#Footnote_471" class="fnanchor">&nbsp;[471]</a>. C'était l'époque où Lauzun fut aussi enfermé
-à Pignerol<a id="FNanchor_472" href="#Footnote_472" class="fnanchor">&nbsp;[472]</a>. Les chambres des deux prisonniers
-étaient l'une au-dessous de l'autre. Par un trou que Lauzun
-pratiqua, il parvint à communiquer avec Fouquet<a id="FNanchor_473" href="#Footnote_473" class="fnanchor">&nbsp;[473]</a>.
-Quelle fut la surprise de celui-ci, qui depuis quinze ans
-<span class="pagenum"><a id="Page_278"> 278</a></span>
-avait été tenu au secret, et dans une ignorance complète
-de tout ce qui s'était passé dans le monde, de voir ce Puiguilhem,
-ce cadet de Gascogne, qu'il avait laissé jeune
-homme, pointant à peine à la cour, lui raconter comment
-il avait été fait général des dragons, capitaine des gardes
-du corps, général d'armée; puis lui donner les détails des
-dispositions prises pour son mariage avec la grande <span class="small1">Mademoiselle</span>,
-mariage qui devait se faire avec le consentement
-du roi! Fouquet crut que Puiguilhem était devenu
-fou, et n'était enfermé que pour cette cause; sa surprise
-fut au comble lorsqu'on lui assura que M. de Lauzun n'avait
-rien dit qui ne fût vrai<a id="FNanchor_474" href="#Footnote_474" class="fnanchor">&nbsp;[474]</a>. Enfin la captivité de Fouquet
-devint moins sévère; il put voir sa famille, et même
-les officiers et les habitants de la ville de Pignerol<a id="FNanchor_475" href="#Footnote_475" class="fnanchor">&nbsp;[475]</a>. Il
-paraît qu'on finit alors par lui accorder la permission de
-sortir de sa prison, pour aller aux eaux de Bourbonne y
-rétablir sa santé. Si cette permission fut accordée, elle
-parvint trop tard à Pignerol; Fouquet n'était déjà plus.
-Dans une lettre datée du 3 avril 1680, madame de Sévigné
-exprime en deux ou trois lignes le chagrin que lui
-cause l'annonce de cette mort; mais elle paraît en même
-temps bien plus affectée de légères altérations qu'éprouvait
-alors la santé de madame de Grignan, que de la perte
-de cet ami de sa jeunesse<a id="FNanchor_476" href="#Footnote_476" class="fnanchor">&nbsp;[476]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_279"> 279</a></span>
-Ainsi, cet homme dont l'existence avait eu tant de
-splendeur et d'éclat, et qui pendant les neuf dernières
-années de sa prospérité avait été entouré de tant de
-clients, de protégés, de partisans et de flatteurs; qui avait
-eu si souvent pour hôtes, à sa table, des rois et des reines;
-qui, avide de toutes les jouissances des sens et de l'esprit,
-s'était saturé de toutes les délices de la vie, après une
-captivité qui dura dix-neuf ans, disparut du monde, tellement
-oublié, tellement délaissé, obscur, inaperçu, que
-ce fut un problème, même parmi ses amis d'autrefois,
-de savoir s'il était mort en prison, ou quelques jours après
-avoir recouvré sa pleine et entière liberté<a id="FNanchor_477" href="#Footnote_477" class="fnanchor">&nbsp;[477]</a>.</p>
-
-<p>Voltaire lui-même ayant paru incertain sur le lieu où
-mourut Fouquet, on a, selon l'usage, cherché à fonder
-sur ce doute les plus étranges romans. On a fait du surintendant
-un ermite des Cévennes, et on a voulu trouver
-en lui l'Homme au masque de fer. Aujourd'hui aucun
-doute sur ce sujet n'est permis pour qui sait apprécier la
-valeur des preuves historiques, et dégager leur lumière
-vive et pure des brouillards dont la crédulité et l'amour
-du merveilleux se plaisent souvent à l'envelopper. Des
-actes authentiques et notariés et la correspondance de
-Louvois avec Saint-Mars démontrent que Fouquet est
-mort à Pignerol, où alors se trouvaient présents sa femme
-et un de ses fils, auxquels son corps fut livré pour être inhumé
-selon leur volonté<a id="FNanchor_478" href="#Footnote_478" class="fnanchor">&nbsp;[478]</a>. Cette mort presque subite contraria
-<span class="pagenum"><a id="Page_280"> 280</a></span>
-les généreuses intentions de Louis XIV et de ses
-ministres, qui depuis longtemps avaient résolu de donner
-la liberté au surintendant<a id="FNanchor_479" href="#Footnote_479" class="fnanchor">&nbsp;[479]</a>. A cette époque (en 1680)
-les ministres savaient que Fouquet n'était plus à craindre
-pour eux; qu'il ne pouvait plus participer aux affaires,
-ni rentrer en grâce auprès du monarque. Le temps avait
-diminué l'importance des secrets d'État qui avaient
-forcé Louis XIV à faire subir à Fouquet une si longue et si
-dure incarcération. Les événements qui s'étaient passés
-avaient cessé d'en faire craindre la divulgation. La mort
-de Fouquet enleva à Louis XIV tout le fruit de sa tardive
-clémence, et vint donner à une juste punition ce caractère
-d'implacable cruauté, qui eût disparu si ce grand coupable,
-devenu un homme sage et pieux, eût passé les
-restes d'une vie qui pouvait encore longtemps se prolonger,
-auprès de son héroïque femme et dans le sein de sa
-famille, encore riche, heureuse et puissante, par les bienfaits
-du monarque. Les graves délits du surintendant
-furent oubliés; on ne se souvint plus que de ses talents,
-de sa prospérité, de sa chute et de ses souffrances. Sa
-mort, qui sembla prématurée, fit même soupçonner un
-crime; et le procès qui lui fut fait est devenu le canevas
-banal sur lequel aiment à broder ceux qui s'imposent la
-tâche facile d'émouvoir la sensibilité des lecteurs vulgaires,
-et qui ne voient dans les actes du pouvoir que des motifs
-<span class="pagenum"><a id="Page_281"> 281</a></span>
-de haine, de vengeance, et d'odieuse tyrannie; et dans
-ceux qu'il est obligé de frapper, que des héros du malheur
-et des victimes innocentes.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_282"> 282</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE XX.<br />
-<span class="medium">1662-1663.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Louis XIV prend en main les rênes de son gouvernement.&mdash;Situation
-critique des affaires.&mdash;Ses réformes.&mdash;Ordre qu'il introduit
-dans les finances.&mdash;Il assure la préséance de ses ambassadeurs.&mdash;Sépare
-le pouvoir judiciaire du pouvoir administratif, et restreint
-la puissance des gouverneurs de place.&mdash;Nomination de Péréfixe
-à l'archevêché de Paris.&mdash;Prédications de Bossuet.&mdash;L'activité
-des esprits trouve un aliment dans les controverses religieuses.&mdash;Commencements
-des persécutions religieuses.&mdash;Mesures de
-Louis XIV contre le jansénisme et les protestants.&mdash;Zèle religieux
-du prince de Conti.&mdash;L'opposition politique ne se manifeste que
-par des vaudevilles et des épigrammes.&mdash;Goût de la nation pour la
-littérature dramatique.&mdash;Protection accordée par Louis XIV aux
-gens de lettres; bienfaits qu'il répand sur eux.&mdash;Corneille se remet
-à composer pour le théâtre, et donne <i>Sertorius</i>.&mdash;Il fait des vers à
-la louange du roi.&mdash;Libelle de l'abbé d'Aubignac contre Corneille.&mdash;Succès
-de l'<i>École des Femmes</i>.&mdash;Guerre littéraire qu'il occasionne.&mdash;Molière
-répond à ses ennemis par la <i>Critique de l'École
-des Femmes</i>.&mdash;Vers de Boileau à sa louange.&mdash;Boileau n'avait
-rien publié, mais ses premières Satires étaient connues.&mdash;Nouvelle
-génération d'écrivains qui fait la guerre aux coteries littéraires.&mdash;Vives
-attaques de Boileau.&mdash;Racine commence en province; il
-est lié avec La Fontaine.&mdash;Ces quatre poëtes jettent un vif éclat sur
-le règne de Louis XIV.&mdash;Ce roi, après avoir organisé l'État, s'occupe
-de régler sa cour.&mdash;Différence de la position des souverains
-de cette époque avec ceux d'aujourd'hui.&mdash;La cour renfermait alors
-en hommes tout ce qui faisait la gloire et la force du pays.&mdash;Molière
-ne put peindre impunément les ridicules que parce qu'il était
-protégé par le roi.&mdash;Boileau fut obligé de modérer l'âcreté de ses
-Satires.&mdash;Nominations de cordons bleus.&mdash;Condé est admis à en
-choisir un.&mdash;Il nomme Guitaut, ami de madame de Sévigné, son
-voisin en Bourgogne.&mdash;Fureur du comte de Coligny à ce sujet. Louis
-<span class="pagenum"><a id="Page_283"> 283</a></span>
-XIV institue les justaucorps bleus.&mdash;Privilége qu'il y attache.&mdash;Il
-s'occupe de ses fêtes aussi bien que de ses négociations.&mdash;Ballet
-d'<i>Hercule amoureux</i>.&mdash;Beau carrousel donné en 1662.&mdash;Louis
-XIV se laisse aller à son penchant pour les femmes.&mdash;La
-cour est remplie d'intrigues amoureuses.&mdash;La comtesse de Soissons
-est contre La Vallière.&mdash;Ne pouvant réussir auprès du roi, elle
-favorise ses amours avec La Mothe-Houdancourt.&mdash;La Vallière en
-conçoit un si grand chagrin, qu'elle se retire à Chaillot.&mdash;Le roi
-va la reprendre.&mdash;Intrigue coupable ourdie par la comtesse de
-Soissons, Vardes et mademoiselle Montalais, pour faire chasser La
-Vallière.&mdash;Intrigues de <span class="small1">Madame</span> avec le comte de Guiche, de La
-Mothe-Houdancourt avec le comte de Gramont.&mdash;Toutes ces intrigues
-n'aboutissent qu'à faire expulser de la cour la comtesse de
-Soissons, le comte de Gramont, le comte de Guiche, et occasionnent
-la disgrâce, non méritée, du duc et de la duchesse de Navailles.&mdash;Corbinelli,
-l'ami de madame de Sévigné, mêlé dans l'affaire de
-mademoiselle Montalais et du comte de Guiche.&mdash;Point de lettres
-de madame de Sévigné pendant cette année; elle s'éloigne peu de
-la capitale.&mdash;Madame de La Fayette, pendant qu'elle en était
-absente, dut l'instruire de ce qui se passait à Fontainebleau, à Saint-Cloud,
-à Versailles.&mdash;Madame de Sévigné présente à la cour sa
-fille, qui figure dans les ballets royaux.&mdash;Liée avec les religieuses
-de Sainte-Marie, elle a dû assister au panégyrique de saint François
-de Sales.&mdash;Corbinelli est membre d'une académie italienne.&mdash;Le
-<i>Grand Dictionnaire des Précieuses</i> paraît.&mdash;Portrait que
-l'auteur fait de madame de Sévigné et de Corbinelli.</p>
-
-<p class="space">Revenons sur nos pas. Oublions Fouquet, Mazarin, la
-Fronde, l'hôtel de Rambouillet, et toutes les intrigues et
-tous les acteurs de ces temps: ils ne sont plus. Louis XIV
-règne; et, comme il le dit lui-même dans le premier conseil
-qu'il tint, «La face du théâtre change<a id="FNanchor_480" href="#Footnote_480" class="fnanchor">&nbsp;[480]</a>». Elle change
-en effet, avec la rapidité qu'imprime toujours aux affaires
-et aux destinées d'un grand État l'homme qui, né pour
-<span class="pagenum"><a id="Page_284"> 284</a></span>
-commander aux autres, est appelé à exercer le pouvoir
-quand toutes les résistances ont cessé, et que tous les partis
-se sont mutuellement anéantis par leurs excès<a id="FNanchor_481" href="#Footnote_481" class="fnanchor">&nbsp;[481]</a>. Dans
-cette première année, où il eut à lutter contre tous les embarras
-d'une disette<a id="FNanchor_482" href="#Footnote_482" class="fnanchor">&nbsp;[482]</a>, Louis XIV licencia la plus grande
-partie de son armée, et rendit ainsi, sans trouble, une
-foule de bras à l'agriculture et à l'industrie; il établit
-l'ordre et l'économie dans toutes les parties de l'administration;
-réduisit le taux des impôts, qui était excessif,
-et cependant augmenta leurs produits par de fortes réductions
-dans les frais de perception, et par une répartition
-plus égale. Les habitants du Boulonais, se trouvant lésés
-par les mesures qu'il prit à cet effet, se révoltèrent; il les
-châtia sévèrement. «La coutume de nos voisins (dit-il
-dans ses Instructions au Dauphin, en parlant de cette révolte
-et de la promptitude qu'il mit à la réprimer) est
-d'attendre leurs ressources des révolutions de la France<a id="FNanchor_483" href="#Footnote_483" class="fnanchor">&nbsp;[483]</a>.»
-Il régla toutes ses dépenses sur le pied de paix, et en
-même temps éleva son revenu sur le pied de guerre; imitant
-ainsi la politique des Romains, chez qui la guerre
-était toujours populaire, parce que pour y subvenir on
-répandait l'aisance parmi les citoyens, en dissipant les
-trésors amassés pendant la paix. Louis XIV dans cette
-même année acquit, par une cession, des droits sur la
-Lorraine et le Barrois<a id="FNanchor_484" href="#Footnote_484" class="fnanchor">&nbsp;[484]</a>, et acheta Dunkerque au roi d'Angleterre.
-Il protégea le Portugal contre l'Espagne, l'empereur
-<span class="pagenum"><a id="Page_285"> 285</a></span>
-et Venise contre les Turcs, l'électeur de Mayence
-contre ses sujets, la Hollande contre l'Angleterre et contre
-l'évêque de Munster. A Londres et à Rome, il assura
-le rang de préséance à ses ambassadeurs, avec une fermeté
-et une hauteur qui étonnèrent l'Europe, accrurent
-la dignité de sa couronne, et imprimèrent un grand respect à
-son nom<a id="FNanchor_485" href="#Footnote_485" class="fnanchor">&nbsp;[485]</a>. Il mit tous ses soins à régulariser l'action
-de la puissance royale, de manière à empêcher les factions
-de renaître. Il cassa des arrêts que le parlement avait rendus
-pour la libre circulation des grains. Par lui, le pouvoir
-judiciaire se trouva nettement séparé du pouvoir civil,
-et le pouvoir administratif de la force militaire. Afin
-de tenir celle-ci dans une dépendance plus étroite, il ne
-donna plus aux commandants des places de guerre et
-aux titulaires des grands gouvernements, des provisions
-que pour trois ans<a id="FNanchor_486" href="#Footnote_486" class="fnanchor">&nbsp;[486]</a>.</p>
-
-<p>Le cardinal de Retz fut amené à donner sa démission
-pure et simple de son archevêché de Paris; et Louis XIV,
-en nommant à ce premier siége du royaume Péréfixe, qui
-avait été son précepteur et lui était tout dévoué, ajoutait
-encore à la stabilité du trône par la sanction que la religion
-lui donne<a id="FNanchor_487" href="#Footnote_487" class="fnanchor">&nbsp;[487]</a>. La puissance de la religion sur les esprits
-était grande alors. Le jeune Bossuet, par sa profonde doctrine,
-<span class="pagenum"><a id="Page_286"> 286</a></span>
-par son zèle de missionnaire, par sa chaleur d'apôtre,
-par son éloquence inégale, mais souvent sublime,
-donnait à cette époque un vif éclat à la chaire évangélique.
-Les excellents traités des solitaires de Port-Royal,
-et les lettres piquantes de Pascal, alors si répandues et si
-goûtées, donnaient aux prédicateurs un auditoire préparé
-à tout ce que la croyance catholique peut acquérir d'empire
-sur les esprits. Banni du domaine de la politique, le
-génie de la controverse, des cabales et des partis s'était
-réfugié dans les régions de la théologie. A cet égard le
-jeune roi se montra moins sage que Mazarin; il commença
-dès lors à s'engager dans la route qui contribua tant à rendre
-déplorable la fin de son règne, si lumineux à son matin,
-si éclatant à son midi. Il voulut employer la contrainte
-là où la contrainte ne peut rien. Il commença par de légères
-mais injustes persécutions contre les jansénistes et
-les protestants, quoique les premiers professassent, dans
-leurs déclarations du moins, la plus entière soumission
-au pape et à son autorité, et que le culte des seconds se
-trouvât sous la protection des édits rendus par les prédécesseurs
-de Louis XIV et confirmés par lui. Un grand
-nombre de temples protestants, qu'on prétendit avoir été
-ouverts contrairement aux ordonnances, furent fermés.
-Le prince de Conti, qui commandait en Languedoc, était
-devenu dévot; il fanatisait les peuples en envoyant de
-tous côtés d'ardents et intolérants missionnaires, et il
-expulsait les comédiens dans toute l'étendue de son gouvernement<a id="FNanchor_488" href="#Footnote_488" class="fnanchor">&nbsp;[488]</a>.
-<span class="pagenum"><a id="Page_287"> 287</a></span></p>
-
-<p>Cependant le goût général de la nation, et de Louis XIV
-lui-même, pour les représentations théâtrales et la littérature
-dramatique, s'accroissait toujours. Une nouvelle
-troupe, après celle de Molière, s'était encore établie à Paris,
-sous la protection de <span class="small1">Mademoiselle</span>; elle était dirigée
-par un certain Dorimon, ainsi que Molière auteur et acteur,
-mais qui n'avait que ces points de ressemblance avec
-le grand comique. Aussi cette troupe ne put-elle se maintenir;
-le haut patronage qui la soutenait vint bientôt à lui
-manquer<a id="FNanchor_489" href="#Footnote_489" class="fnanchor">&nbsp;[489]</a>. Louis XIV, qui voulait tout asservir aux besoins
-de sa politique, mécontent que sa cousine eût refusé
-d'épouser le roi de Portugal, l'exila de la cour, et la força
-de se retirer encore une fois à son château de Saint-Fargeau<a id="FNanchor_490" href="#Footnote_490" class="fnanchor">&nbsp;[490]</a>.
-Mais les deux Corneille eurent part aux bienfaits
-que le jeune roi répandait alors sur les gens de lettres<a id="FNanchor_491" href="#Footnote_491" class="fnanchor">&nbsp;[491]</a>; et
-quoique cette part fût modique, elle suffit pour les attirer
-à Paris, et ramener dans la carrière du théâtre le vieil
-auteur de <i>Cinna</i> et des <i>Horaces</i>; il produisit <i>Sertorius</i>, et
-ce fut son dernier chef-d'&oelig;uvre. De tous les poëtes du
-temps qui firent des vers à la louange de Louis XIV, en
-échange des dons qu'ils en avaient reçus, ce fut encore
-l'auteur du <i>Cid</i> qui sut faire entendre les accents les plus
-nobles et les plus harmonieux pour célébrer un monarque
-qui connaissait si bien</p>
-
-<p class="quote">L'art de se faire craindre et de se faire aimer.....<br />
-Qui prévient l'espérance et surprend les souhaits.</p>
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_288"> 288</a></span>
-Dans l'effusion de sa reconnaissance, le poëte termine en
-disant:</p>
-
-<p class="quote">Commande, et j'entreprends; ordonne, et j'exécute<a id="FNanchor_492" href="#Footnote_492" class="fnanchor">&nbsp;[492]</a>.</p>
-
-<p>Les nouveaux succès de Corneille excitèrent encore
-l'envie contre ce grand homme: il fut attaqué par l'abbé
-d'Aubignac, et défendu par de Visé, mais beaucoup mieux
-encore par sa réputation et son génie<a id="FNanchor_493" href="#Footnote_493" class="fnanchor">&nbsp;[493]</a>. Cependant cette
-guerre littéraire ne fut rien en comparaison de celle que
-fit naître contre Molière la réussite de <i>l'École des Femmes</i>.
-Depuis le <i>Cid</i> jamais pièce de théâtre n'avait eu une telle
-vogue; et aucune n'excita un si violent soulèvement, ni
-ne donna lieu contre son auteur à tant de virulentes attaques.
-Molière, fort de l'approbation du public, osa se venger
-de ses détracteurs en les traduisant tous sur la scène,
-dans la petite pièce intitulée <i>la Critique de l'École des
-Femmes</i>. Tous ceux qui avaient écrit contre la nouvelle
-comédie, ou qui la désapprouvaient par leurs discours,
-prétendaient que c'était une production médiocre, dépourvue
-de goût, de décence et de raison, et sans aucune
-connaissance des règles de l'art. A ces jugements iniques
-le jeune Boileau opposa le sien, qui fut celui de la postérité.
-Dans les stances qu'il adressa à ce sujet à l'auteur
-des <i>Précieuses ridicules</i>, il lui disait:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_289"> 289</a></span></div>
-<p>Ta muse avec utilité</p>
-<p>Dit plaisamment la vérité;</p>
-<p>Chacun profite à ton école:</p>
-<p>Tout en est beau, tout en est bon,</p>
-<p>Et ta plus burlesque parole</p>
-<p>Est souvent un docte sermon<a id="FNanchor_494" href="#Footnote_494" class="fnanchor">&nbsp;[494]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p>Boileau n'avait encore rien publié, et cependant nous
-voyons, par le libelle de l'abbé d'Aubignac contre Corneille,
-et par les lettres particulières de Racine, que déjà
-le suffrage de <i>monsieur Despréaux</i> faisait autorité<a id="FNanchor_495" href="#Footnote_495" class="fnanchor">&nbsp;[495]</a>.
-C'est que déjà il avait composé trois de ses satires; qu'il
-en avait fait des lectures; et que ses vers précis, nombreux,
-élégants, abondants en saillies, s'étaient gravés
-dans la mémoire d'un grand nombre de personnes, et
-étaient cités avant d'avoir été rendus publics. Molière et
-Boileau se présentaient à la nouvelle génération, dont ils
-faisaient partie, pour accomplir une même mission. Leur
-talent était divers, leurs moyens différents, mais leur but
-était le même. Tous deux venaient faire une guerre implacable
-aux vices, aux ridicules et aux travers de la société
-de leur temps, et voulaient venger la raison et le
-bon goût, du pédantisme, de l'hypocrisie et du faux
-bel esprit. Tous deux, sans autre appui que leur génie,
-se déclaraient avec courage contre les coteries littéraires
-et les ruelles, qui, à l'imitation de l'hôtel de Rambouillet,
-avaient la prétention de servir de modèle au beau monde
-et de régler ses m&oelig;urs, ses manières, ses jugements et
-son langage. Boileau, plus jeune, indépendant, insouciant
-<span class="pagenum"><a id="Page_290"> 290</a></span>
-des richesses, sans ambition, sans fortune à conserver,
-sans fortune à faire, sans protecteurs à ménager, sans autre
-passion que celle des vers, mit dans ses attaques plus
-d'audace, de brusquerie et de rudesse. Dès son début, il
-inséra dans ses satires les noms des personnes qu'il voulait
-livrer à la risée ou au mépris public<a id="FNanchor_496" href="#Footnote_496" class="fnanchor">&nbsp;[496]</a>. Chapelain lui-même,
-cet oracle de la littérature, dont le grand Corneille
-ne parlait qu'avec respect, ne fut pas à l'abri des atteintes
-du jeune et intrépide réformateur du Parnasse. Cependant
-Chapelain jouissait de la faveur et de la confiance du monarque,
-et il était pour les gens de lettres le distributeur
-des grâces du pouvoir. Le jeune Racine, qui, au sortir
-de la sévère discipline des solitaires de Port-Royal, ne
-s'était occupé qu'à faire des vers et des dettes, avait obtenu
-par Chapelain, pour une ode assez médiocre, une
-gratification du roi de 800 livres. Retiré en province chez
-un oncle dont il espérait un bénéfice, il étudiait avec dégoût
-la théologie, et avec délices les poëtes grecs et latins.
-Il tâchait de se consoler de son exil en entretenant une
-correspondance avec La Fontaine<a id="FNanchor_497" href="#Footnote_497" class="fnanchor">&nbsp;[497]</a>. Celui-ci, moins inconnu
-alors que Racine, mais encore peu célèbre, après
-avoir partagé l'exil d'un de ses parents, ami du surintendant
-et enveloppé dans sa disgrâce, de retour dans
-sa ville natale, y cultivait les Muses pour ses amis et pour
-lui-même, sans prôneurs et sans ennemis. Encouragé,
-comme il l'avait été par Fouquet, par la plus aimable des
-nièces de Mazarin, Marianne Mancini, qui venait d'épouser
-<span class="pagenum"><a id="Page_291"> 291</a></span>
-le duc de Bouillon et de Château-Thierry<a id="FNanchor_498" href="#Footnote_498" class="fnanchor">&nbsp;[498]</a>, La Fontaine,
-déjà lié avec Molière, le fut bientôt avec Boileau;
-et par lui Racine devint l'ami de tous les trois. Ces quatre
-hommes, depuis réunis à Paris, surent s'apprécier mutuellement,
-et opposèrent par leur union une force invincible
-à leurs antagonistes. Ils répandirent un grand éclat
-sur ce règne par des chefs-d'&oelig;uvre de genres très-différents,
-mais tous remarquables par le naturel, la grâce, le
-goût, la vigueur et les richesses d'un style toujours approprié
-au sujet.</p>
-
-<p>Louis XIV ne crut pas sa tâche accomplie lorsqu'il eut
-réglé les finances, l'administration intérieure, la force
-militaire, la politique étrangère; lorsqu'il eut pourvu à
-ce qui concernait la religion, la justice, la prospérité des
-lettres et des arts. A lui, jeune roi, qui voulait dominer
-non-seulement par son rang, mais par sa volonté propre,
-sur tant de guerriers, d'hommes d'État, de courtisans
-habiles et spirituels, qui presque tous l'avaient vu naître
-ou ne l'avaient vu qu'enfant et adolescent, docile et soumis
-à sa mère ou au directeur de son éducation; à lui, dis-je,
-il importait avant tout de savoir imposer à tous et
-dans tous les instants. C'est dans ce but qu'il organisa sa
-cour; et il le fit de manière à la rendre un modèle pour
-les autres souverains de l'Europe. A cet égard Louis XIV
-ne fut en rien redevable aux leçons de Mazarin, il dut son
-succès à son caractère, à ses inclinations naturelles, qui
-le portaient vers ce qui avait de la dignité, de l'élévation,
-de la grandeur, de la magnificence; et aussi à cet orgueil
-qu'avait eu soin d'entretenir en lui l'éducation maternelle;
-orgueil qui ne ressemblait en rien à celui des autres
-<span class="pagenum"><a id="Page_292"> 292</a></span>
-hommes. C'était chez lui un sentiment infus avec la vie,
-tel seulement qu'il peut en naître un dans le c&oelig;ur d'un
-enfant né roi; sentiment qui a commencé avec lui, grandi
-avec lui, que l'âge n'a cessé d'accroître et de renforcer en
-lui; devenu tellement naturel, que la conscience qu'il lui
-donnait de sa supériorité le faisait paraître à ceux qui
-l'approchaient un être supérieur. On s'est étonné que
-Louis XIV n'oubliât jamais ce qu'il était, et qu'il ne le
-laissât pas oublier aux autres, même dans la familiarité
-la plus intime, même dans le sein des plaisirs et dans le
-tumulte de la joie: c'est que, lors même qu'il l'eût voulu,
-cela lui eût été impossible: il eût fallu pour cela qu'il se
-dépouillât de son individualité.</p>
-
-<p>Depuis que les progrès du commerce et de l'industrie
-ont réparti plus également les richesses; qu'elles
-ne sont plus exclusivement l'apanage du rang et de la
-naissance, depuis que l'instruction est plus généralement
-répandue; que le grand nombre de journaux et
-que la multiplicité des livres ont rendu tous les genres
-de connaissances accessibles à tous; que les communications
-entre les différents États sont devenues plus
-promptes et plus faciles; et que, par toutes ces causes,
-il s'est créé dans les masses, en dehors des souverains,
-une force qui leur est étrangère, les gouvernement
-se trouvent dans l'obligation de diriger cette
-force ou de la comprimer: sans quoi elle les entrave
-dans leurs fonctions, et les désordres qui s'introduisent
-dans les mouvements sociaux brisent bientôt le sceptre
-et l'épée de celui qui se montre impuissant à les diriger
-et à les régler. Partout, depuis que le système
-des emprunts et du crédit public a placé les gouvernements
-sous l'influence et presque sous la dépendance
-<span class="pagenum"><a id="Page_293"> 293</a></span>
-de cette force, une cour splendide, richement
-rétribuée, affaiblit plutôt qu'elle n'affermit le monarque;
-c'est de lui qu'elle reçoit tout, et elle ne lui donne
-rien. Ce n'est point par elle qu'elle agit sur le peuple;
-elle l'en sépare.</p>
-
-<p>Mais il n'en était pas ainsi lorsqu'il existait encore
-des princes, des grands, qui, propriétaires d'immenses
-domaines, étaient revêtus de droits et de priviléges attachés
-à leurs possessions, à leurs titres, sources de puissance
-réelle. Sans doute les progrès successifs de l'autorité
-royale avaient fort réduit ces droits, ces priviléges; mais
-ils ne les avaient pas anéantis. Alors une cour avec son
-cérémonial, son étiquette, les devoirs qu'elle imposait,
-ralliait tous ces hommes à la personne du monarque: elle
-les plaçait sous sa dépendance et sans cesse sous ses yeux;
-elle donnait les moyens de s'en faire craindre, et, ce qui
-était mieux, de s'en faire aimer. Une cour n'était pas
-alors une cause de dépenses inutiles, une vaniteuse et
-nuisible superfétation de la dignité royale: c'était un
-moyen de gouvernement, un des ressorts les plus puissants
-du pouvoir.</p>
-
-<p>Louis XIV le comprit; et en cela, comme dans tout le
-reste, il ne forma pas dès l'abord de combinaisons profondes,
-de plan prémédité de despotisme, comme l'a cru
-un écrivain ingénieux, mais systématique. De même que
-tous les véritables hommes d'État, il discerna les nécessités
-de sa position, et sut y pourvoir. C'est en cela que
-consiste le grand art de régner. Prétendre fonder des constitutions
-ou agir d'une manière efficace sur les destinées
-d'un peuple avec une autorité incertaine ou flottante,
-c'est entreprendre d'élever un édifice lorsqu'un tremblement
-de terre secoue le sol sur lequel on veut construire.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_294"> 294</a></span>
-Les résultats prouvèrent combien Louis XIV eut raison
-de mettre une grande importance à rassembler autour de
-lui une cour nombreuse et splendide. Tout ce qui faisait
-la gloire et la richesse de l'État s'y centralisa; là se
-trouva réuni tout ce qu'il y avait de plus illustre dans la
-religion, les armes et la magistrature. Ce ne fut qu'en se
-mettant sous l'égide du monarque et de ses courtisans que
-les gens de lettres, cessant d'appartenir à des coteries
-puissantes, purent trouver quelque indépendance<a id="FNanchor_499" href="#Footnote_499" class="fnanchor">&nbsp;[499]</a>. Ainsi
-Molière, en frondant des gens de cour dans sa comédie
-des <i>Fâcheux</i>, a grand soin de faire un pompeux éloge de
-la cour; et il renouvelle cet éloge dans ses autres pièces,
-toutes les fois qu'il en trouve l'occasion<a id="FNanchor_500" href="#Footnote_500" class="fnanchor">&nbsp;[500]</a>. Boileau fut
-recherché, dès son début, par des hommes du plus haut
-rang, qui aimaient à lui entendre réciter ses satires; tous
-faisaient partie de la cour, et jouissaient d'une grande faveur
-auprès du monarque: il n'en fallut pas davantage
-pour que le poëte qui s'était proposé pour modèle le virulent
-Juvénal se rapprochât de la manière d'Horace,
-et retranchât, lorsqu'il la fit imprimer, les vers les plus
-énergiques de sa première satire<a id="FNanchor_501" href="#Footnote_501" class="fnanchor">&nbsp;[501]</a>. Par une complaisance
-de courtisan, il adoucit la teinte trop sombre de ses tableaux,
-et se prit à diriger, de préférence, ses attaques
-contre le mauvais goût en littérature, plutôt que contre les
-mauvaises inclinations et les mauvaises m&oelig;urs. S'il attaqua
-quelquefois celles-ci, ce fut avec ménagement, et en
-<span class="pagenum"><a id="Page_295"> 295</a></span>
-évitant de lancer ces traits acérés qui auraient pu atteindre
-les puissants de la cour. Il fit la satire des ridicules
-de son siècle, et en épargna les vices. Les peintures
-trop fidèles et trop vives de ceux-ci eussent offensé le monarque,
-et démenti une partie des éloges que sa muse se
-plaisait à lui prodiguer.</p>
-
-<p>Louis XIV trouva dans la réserve que s'était imposée
-Mazarin de ne nommer aucun chevalier des Ordres, un
-moyen de donner à sa cour un grand éclat. Il put, sans
-violer les statuts, faire en une seule fois une promotion
-de soixante et dix cordons bleus. Tout ce qu'il y avait de
-plus considérable et de plus respectable en France par
-le rang et l'influence, l'âge et les services, se trouva donc
-redevable au jeune monarque de la plus grande et de la
-plus enviée des distinctions honorifiques. A ce sujet,
-Louis XIV eut pour le prince de Condé une déférence
-qui flatta beaucoup le héros: il lui accorda le pouvoir de
-nommer, par désignation, un chevalier des Ordres<a id="FNanchor_502" href="#Footnote_502" class="fnanchor">&nbsp;[502]</a>. Le
-choix de Condé tomba sur le comte de Guitaut, son premier
-gentil-homme, ami de madame de Sévigné et son voisin
-en Bourgogne, puisqu'il était, par sa femme, possesseur
-de la seigneurie d'Époisses, dont Bourbilly relevait comme
-fief. Cette préférence de Condé pour Guitaut mit en fureur
-un autre des zélés partisans et des serviteurs les
-plus courageux du prince, le comte de Coligny, qui l'abandonna
-depuis lors et resta brouillé avec lui. Coligny
-a exhalé sa haine en traçant de Condé, sur les marges
-d'un Psautier, un portrait hideux du héros, qui contient
-les révélations les plus singulières. Cette virulente diatribe,
-<span class="pagenum"><a id="Page_296"> 296</a></span>
-évidemment calomnieuse sur plusieurs points, a été décorée
-par plusieurs auteurs du titre de <i>Mémoires de Jean
-de Coligny</i>, et imprimée dans un recueil où on ne s'attendrait
-pas à la trouver<a id="FNanchor_503" href="#Footnote_503" class="fnanchor">&nbsp;[503]</a>.</p>
-
-<p>Louis XIV, non encore entièrement satisfait des honneurs
-qu'il avait répandus autour de lui par cette grande
-promotion des chevaliers des Ordres, imagina une nouvelle
-distinction tenant entièrement à sa personne, qu'il pouvait
-donner ou retirer à volonté; pour laquelle il n'était astreint
-à aucune règle, et qui, uniquement de mise à la cour,
-ne fût point un indice des services rendus à l'État, mais
-une marque de la bienveillance particulière du monarque
-et de sa faveur spéciale. Il donna, par brevet, la permission
-de se parer de justaucorps bleus absolument pareils à
-ceux qu'il portait lui-même. Ceux qui obtinrent de ces
-brevets contractaient l'obligation de se montrer assidus
-auprès de sa personne, et avaient seuls la permission de
-l'accompagner dans ses chasses et dans ses promenades à
-la campagne. Le grand Condé et les plus illustres guerriers
-sollicitèrent cette frivole faveur, et se montrèrent
-jaloux de porter cette livrée de courtisan<a id="FNanchor_504" href="#Footnote_504" class="fnanchor">&nbsp;[504]</a>.</p>
-
-<p>Les fêtes qui eurent lieu se ressentirent de la nouvelle
-splendeur de la cour. Louis XIV s'en occupait avec autant
-d'ardeur que s'il n'avait pas eu d'autres soins<a id="FNanchor_505" href="#Footnote_505" class="fnanchor">&nbsp;[505]</a>. Il se
-<span class="pagenum"><a id="Page_297"> 297</a></span>
-montrait ambitieux de suffire à tout, de régler tout par
-lui-même. Ainsi qu'autrefois Clovis, qui, au milieu de
-l'embarras de ses conquêtes, avait écrit à Théodoric pour
-qu'il lui envoyât des musiciens italiens, Louis XIV, dans
-le même temps que les affaires de ses ambassadeurs l'obligeaient
-à multiplier les dépêches diplomatiques, écrivait
-au duc de Parme pour le prier de lui procurer un bon
-Arlequin, et au duc de Toscane, pour lui recommander
-de ne pas permettre qu'un virtuose qui se rendait en
-Italie excédât le congé qui lui avait été donné<a id="FNanchor_506" href="#Footnote_506" class="fnanchor">&nbsp;[506]</a>. Louis
-aimait encore, comme par le passé, à paraître dans les ballets
-qu'il faisait composer; il figura dans celui qu'on donna
-cette année sous le titre d'<i>Hercule amoureux</i>. Le machiniste
-s'y surpassa par la magnificence des décorations;
-Benserade, par les louanges ingénieuses données au roi,
-et par la finesse des allusions aux jeunes seigneurs, et à
-toutes les beautés de la cour qui chantaient, jouaient et
-dansaient avec le roi<a id="FNanchor_507" href="#Footnote_507" class="fnanchor">&nbsp;[507]</a>.</p>
-
-<p>Puis vint ce célèbre carrousel qui a fait changer le nom
-de cette grande place des Tuileries où il fut exécuté. La
-reine était le prétexte de toute cette pompe vraiment étonnante;
-mais la belle La Vallière en était le motif secret.
-La reine semblait être celle à laquelle s'adressaient tous
-les hommages; La Vallière était la divinité invisible et
-cachée de celui qui avait tout ordonné: vers celle-ci se
-reportaient souvent les regards du souverain, comme
-pour l'assurer que c'était l'amour qu'elle inspirait, que
-c'était l'admiration de ses charmes qui mettait en mouvement
-<span class="pagenum"><a id="Page_298"> 298</a></span>
-ces héros si magnifiquement parés, ces superbes
-coursiers, et cette foule immense rassemblée pour jouir
-du plus magnifique spectacle qu'on eût encore contemplé:
-car ce n'était point cette fois une fête pour la cour, c'était
-une fête pour la capitale, pour la France, pour l'Europe.
-Par le grand nombre des étrangers qu'elle attira dans
-Paris, le fisc recueillit des sommes plus fortes que celles
-que le trésor avait dépensées pour en faire les apprêts;
-ce qui ne doit point étonner. Les frais les plus considérables
-ne furent pas à la charge de l'État, mais tombèrent
-principalement sur les princes et les grands seigneurs
-qui y figurèrent, et qui cherchèrent à se surpasser mutuellement
-par la richesse de leurs costumes, l'éclat de
-leurs armes et la beauté de leurs coursiers. Tous firent
-à cette occasion<a id="FNanchor_508" href="#Footnote_508" class="fnanchor">&nbsp;[508]</a> des dépenses considérables; et plusieurs,
-pour y subvenir, furent obligés de s'endetter.
-Ce fut un avantage pour le roi, qui voyait ainsi cette
-noblesse naguère si fière, si turbulente, se placer d'elle-même,
-de plus en plus, sous sa dépendance, par une
-folle vanité et par des prodigalités que lui-même lui
-suggérait.</p>
-
-<p>Cependant Louis XIV ne cessait de tenir toujours hautes
-et fermes les rênes de son vaste gouvernement. Il se montrait
-vigilant, prompt et décisif pour les grandes affaires,
-laborieux et infatigable dans les détails. On avait renoncé
-à le conduire, en lui inspirant le goût de l'indolence et de
-l'oisiveté, qu'on regardait comme inhérent au titre de roi;
-mais l'ambition crut pouvoir mettre à profit, pour ses
-<span class="pagenum"><a id="Page_299"> 299</a></span>
-desseins et ses intérêts particuliers, le penchant immodéré
-pour les femmes qui se manifestait dans Louis avec plus
-de violence encore que dans son aïeul Henri IV, parce
-qu'il était monté plus jeune sur le trône. Les licences qu'il
-se permettait dans ce genre, il ne pouvait prétendre à les
-réprimer dans les jeunes courtisans qui l'entouraient; et
-l'on vit toute la cour, à l'imitation du monarque, remplie
-d'intrigues amoureuses. Le détail de celles qui eurent
-lieu cette année remplirait un volume, en retranchant
-les additions romanesques ou niaises dont on les a surchargées.
-Il suffira, pour notre but, de rappeler ici celles
-qui peuvent servir à éclairer la correspondance de madame
-de Sévigné, et à faire connaître les personnages
-avec lesquels elle fut liée.</p>
-
-<p>La comtesse de Soissons (Olympe Mancini) avait en
-vain cherché à rallumer dans le c&oelig;ur du roi une passion
-depuis longtemps éteinte; mais par son esprit, par cette
-liberté de paroles qu'on ne peut refuser à une ancienne
-intimité, par l'effet de l'habitude et des souvenirs,
-Louis XIV se plaisait dans sa société<a id="FNanchor_509" href="#Footnote_509" class="fnanchor">&nbsp;[509]</a>, et il allait souvent
-la voir: elle ne désespéra pas de reprendre sur
-lui assez de son ancienne influence pour satisfaire son
-orgueil et de faire réussir ses ambitieux projets. Profondément
-corrompue, elle se rendit la confidente de ses
-amours et l'entremetteuse de ses plaisirs. Elle l'encourageait
-dans ses goûts de volupté; et ses conseils flatteurs
-avaient d'autant plus de succès sur son esprit, qu'il
-pensait que si la politique et le bien de ses sujets avaient
-exigé qu'il se fît violence et qu'il sacrifiât les sentiments
-<span class="pagenum"><a id="Page_300"> 300</a></span>
-les plus chers à son c&oelig;ur, il avait aussi, par là, acquis
-le droit de se livrer aux inclinations plus ou moins durables
-qui pouvaient le distraire des soucis de la royauté<a id="FNanchor_510" href="#Footnote_510" class="fnanchor">&nbsp;[510]</a>.
-La comtesse de Soissons favorisa les visites nocturnes
-du roi à l'appartement des filles d'honneur de la reine,
-où Louis XIV allait s'entretenir tête à tête avec l'une
-d'elles, la belle La Mothe-Houdancourt. La comtesse
-de Soissons haïssait La Vallière, uniquement parce que
-celle-ci aimait trop sincèrement le roi pour le tromper, et
-qu'elle avait pour se prêter à des intrigues trop de simplicité
-et de vertu. Tout sentiment pur et désintéressé
-est vertueux, quoique, par la faiblesse de notre nature,
-il puisse nous conduire à des actions que condamne la
-morale et que les lois sociales réprouvent. Louis XIV
-parut assez captivé par les charmes de sa nouvelle maîtresse,
-pour que la sensible La Vallière essayât d'aller
-ensevelir pour toujours dans le couvent des Filles-Sainte-Marie
-de Chaillot sa douleur et son amour. Sa fuite
-réveilla toute la passion que le roi avait pour elle. Il alla
-lui-même se faire ouvrir les portes de la sainte retraite
-qu'elle avait choisie, et l'arracha, tout éplorée, à son
-repentir et à son Dieu<a id="FNanchor_511" href="#Footnote_511" class="fnanchor">&nbsp;[511]</a>.</p>
-
-<p>La comtesse de Soissons n'ayant pu réussir à se délivrer
-de La Vallière par l'inconstance du roi, chercha à
-exciter contre elle le ressentiment de la reine, et, par ce
-moyen, à la faire expulser des Tuileries. Elle crut y parvenir
-en faisant remettre à Marie-Thérèse une fausse
-<span class="pagenum"><a id="Page_301"> 301</a></span>
-lettre de son père, le roi d'Espagne. L'écriture de cette
-lettre avait été habilement imitée; le style et les expressions,
-en langue espagnole, étaient conformes à ce qui
-émanait ordinairement de la plume de ce roi. Mais cette
-noire trame, ourdie par des moyens si coupables, auxquels
-se mêlèrent les intrigues de <span class="small1">Madame</span> et de son amant,
-le comte de Guiche, celles de Marsillac, de Vardes, de
-la duchesse de Châtillon et du chevalier de Gramont,
-n'aboutit qu'à rendre Louis XIV plus amoureux de La
-Vallière; qu'à faire expulser de la cour la comtesse de
-Soissons, le comte de Guiche, le chevalier de Gramont<a id="FNanchor_512" href="#Footnote_512" class="fnanchor">&nbsp;[512]</a>;
-et à faire renfermer dans un couvent mademoiselle de
-Montalais, une des filles d'honneur de <span class="small1">Madame</span>, qui,
-amie de La Vallière, avait abusé de sa confiance, et s'était
-rendue la confidente et l'agent le plus actif de toutes
-ces perfidies<a id="FNanchor_513" href="#Footnote_513" class="fnanchor">&nbsp;[513]</a>.</p>
-
-<p>Tous ces événements eurent lieu pendant cette année
-(1662); mais ils eurent des suites qui produisirent
-quelque temps après la disgrâce de la duchesse de Navailles
-et de son mari, victimes de la calomnie et de leur
-attachement à ce que le devoir et l'honneur leur prescrivaient<a id="FNanchor_514" href="#Footnote_514" class="fnanchor">&nbsp;[514]</a>.
-Puis l'on vit plus tard le long exil du marquis de
-Vardes, le plus coupable de tous, dont les fourberies
-furent enfin démasquées; et aussi le renvoi définitif du
-<span class="pagenum"><a id="Page_302"> 302</a></span>
-comte de Guiche, ainsi que beaucoup d'autres révolutions
-de cour, produites par la même cause.</p>
-
-<p>Corbinelli, que nous avons déjà fait connaître comme
-ami intime de madame de Sévigné, l'était aussi de mademoiselle
-de Montalais. Celle-ci avait déposé toutes les
-lettres qui lui avaient été personnellement adressées entre
-les mains de son amant Malicorne et de Corbinelli. Dans le
-nombre de ces lettres étaient celles que le comte de Guiche,
-amant de <span class="small1">Madame</span>, lui avait écrites. Malicorne et Corbinelli,
-voyant avec peine mademoiselle de Montalais
-oubliée dans sa captivité par les personnages puissants
-qu'elle avait servis, voulurent les forcer à s'occuper de
-ses intérêts et à employer leur crédit et leur influence pour
-lui faire recouvrer sa liberté. Ils y parvinrent en profitant
-de l'important dépôt dont ils étaient nantis. La
-mère du comte de la Fayette, supérieure du couvent de
-Chaillot, cette ancienne fille d'honneur d'Anne d'Autriche,
-qui avait été l'objet des froides et pudiques amours
-de Louis XIII, intervint dans cette affaire. Le maréchal
-duc de Gramont, père du comte de Guiche, le courtisan
-le plus délié et le plus recherché à la cour, s'y employa
-d'une manière active; et de Vardes, amoureux aussi de
-<span class="small1">Madame</span>, fit tous ses efforts pour que Corbinelli lui remît
-les lettres du comte de Guiche, dont il était dépositaire<a id="FNanchor_515" href="#Footnote_515" class="fnanchor">&nbsp;[515]</a>.
-L'étroite liaison que Corbinelli contracta à cette époque
-avec le marquis de Vardes fut un des principaux obstacles
-qui s'opposèrent par suite à sa fortune<a id="FNanchor_516" href="#Footnote_516" class="fnanchor">&nbsp;[516]</a>.</p>
-
-<p>Il ne nous reste malheureusement aucune lettre de
-<span class="pagenum"><a id="Page_303"> 303</a></span>
-madame de Sévigné pendant toute la durée de cette
-année, si pleine d'événements qui devaient l'intéresser
-vivement. Nous n'avons pu découvrir aucune pièce,
-aucun document qui se rattache à elle, et qui nous apprenne
-d'une manière certaine où elle séjournait en 1662,
-si ce fut à Bourbilly, aux Rochers, ou dans son hôtel à
-Paris. Mais tout fait présumer qu'elle ne quitta pas la capitale
-pendant la durée des fêtes; qu'elle assista au carrousel,
-à la représentation des ballets royaux; et que si
-elle alla visiter une de ses terres pendant la belle saison,
-elle connut en partie tout ce qui agitait en secret la cour,
-par la correspondance qu'elle entretenait alors avec son
-amie la plus intime, madame de La Fayette. Celle-ci avait
-formé avec le duc de La Rochefoucauld une union si constante
-que la mort seule put la dissoudre. Madame de La
-Fayette était très-avant dans la faveur de <span class="small1">Madame</span>, dont
-elle a écrit la vie; et elle la suivait partout, quoiqu'elle
-n'eût aucune charge dans sa maison. Elle connut peut-être
-mieux, et plus promptement que tout autre, les
-intrigues compliquées dont les sombres allées, les voûtes
-de verdure et les ruelles de Fontainebleau, de Saint-Germain,
-de Versailles, de Saint-Cloud, furent successivement
-le théâtre. Longtemps après, les récits plus ou
-moins véridiques qu'on a faits les ont rendues publiques;
-mais alors c'étaient encore des mystères que des
-voiles impénétrables dérobaient aux regards curieux ou
-intéressés des courtisans<a id="FNanchor_517" href="#Footnote_517" class="fnanchor">&nbsp;[517]</a>.</p>
-
-<p>Un des motifs qui doivent faire croire que madame de
-Sévigné séjourna à Paris dans cette année 1662, et
-qu'elle s'y trouvait du moins encore au milieu d'avril,
-<span class="pagenum"><a id="Page_304"> 304</a></span>
-c'est qu'alors on célébra dans l'église des Filles de Sainte-Marie
-la béatification de François de Sales; et, par la
-liaison qui avait existé entre ce saint évêque et la pieuse
-Chantal<a id="FNanchor_518" href="#Footnote_518" class="fnanchor">&nbsp;[518]</a>, cette cérémonie était en quelque sorte une fête
-de famille pour madame de Sévigné. Plusieurs de ses lettres
-nous démontrent combien elle avait d'attachement
-pour les filles de Sainte-Marie, combien elle aimait à aller
-les visiter dans leurs couvents. Il est probable que ce fut
-à elles qu'elle confia pendant quelque temps l'éducation
-de sa fille chérie, dont elle eût, dit-elle, la barbarie de
-se séparer. Elle la mit au couvent un peu avant l'époque
-dont nous traitons, probablement pour mieux la préparer
-à l'accomplissement du plus grand des devoirs religieux<a id="FNanchor_519" href="#Footnote_519" class="fnanchor">&nbsp;[519]</a>.</p>
-
-<p>Ce qui confirme toutes nos conjectures relativement au
-séjour de madame de Sévigné dans la capitale pendant
-la plus grande partie de cette année, ou peut-être pendant
-toute cette année, c'est qu'elle paraît avoir été occupée
-à instruire sa fille pour la produire dans le monde.
-Nous apprenons par des vers de Saint-Pavin adressés à
-mademoiselle Marguerite-Françoise de Sévigné, à l'époque
-où elle devait être âgée de quatorze ans, que la jeune
-Manon, comme on avait coutume de l'appeler, s'offensait
-déjà qu'on lui donnât ce nom; qu'elle commençait à faire
-le charme de la société de sa mère, où on ne l'appelait
-que la belle Madelonne; qu'abandonnant les oiseaux et
-les poupées, elle avait pris goût au jeu de reversi<a id="FNanchor_520" href="#Footnote_520" class="fnanchor">&nbsp;[520]</a>. Ce fut
-<span class="pagenum"><a id="Page_305"> 305</a></span>
-pendant l'hiver qui termina cette année et qui commença
-l'année 1663 que madame de Sévigné présenta<a id="FNanchor_521" href="#Footnote_521" class="fnanchor">&nbsp;[521]</a> pour la
-première fois sa fille à la cour, où nous la verrons figurer
-dans les ballets royaux. A cette époque, madame de Sévigné
-n'avait point de motif pour rechercher la solitude;
-elle se trouvait portée par sa position, comme elle l'était
-par ses inclinations, à se répandre dans le monde. Nous
-avons des preuves qu'on s'y occupait beaucoup d'elle.
-Quoique Corbinelli fût, à Paris, membre d'une académie
-italienne, qu'il avait contribué à former<a id="FNanchor_522" href="#Footnote_522" class="fnanchor">&nbsp;[522]</a>, cependant
-nous apprenons par le <i>Grand Dictionnaire des Précieuses</i>,
-publié alors, que Corbinelli devait la plus grande
-partie de sa célébrité à un portrait de madame de Sévigné
-qu'on disait avoir été écrit par lui, et aussi à l'avantage
-qu'il avait d'être compté au nombre des amis de notre
-belle veuve. De Somaize, dans son dictionnaire, n'a pas
-manqué de donner un article sur madame de Sévigné,
-qu'il désigne sous le nom de <i>Sophronie</i>; et un autre plus
-court sur Corbinelli, qu'il nomme <i>Corbulon</i><a id="FNanchor_523" href="#Footnote_523" class="fnanchor">&nbsp;[523]</a>. Nous citerons
-ces deux articles, qui, quoique d'un médiocre écrivain,
-acquièrent cependant de l'importance par la date de
-leur publication. La plus simple esquisse, tracée d'après
-nature, vaut mieux, pour la ressemblance, que la peinture
-la plus savamment élaborée loin de l'objet qu'on a
-voulu représenter, ou longtemps après qu'il a disparu.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_306"> 306</a></span></p>
-<p class="quote"><span class="small1">«Sophronie</span> (la marquise de Sévigné).</p>
-
-<p>«Sophronie est une veuve de qualité; le mérite de cette
-précieuse est égal à sa naissance; son esprit est vif et enjoué,
-et elle est plus propre à la joie qu'au chagrin. Cependant
-il est aisé de juger par sa conduite que la joie
-chez elle ne produit pas l'amour; car elle n'en a que pour
-celles de son sexe, et se contente de donner son estime aux
-hommes; encore ne la donne-t-elle pas aisément. Elle a
-une promptitude d'esprit la plus grande du monde à connaître
-les choses et à en juger. Elle est blonde, et a une
-blancheur qui répond admirablement à la beauté de ses
-cheveux. Les traits de son visage sont déliés, son teint est
-uni; et tout cela ensemble compose une des plus agréables
-femmes d'Athènes [Paris]. Mais si son visage attire les
-regards, son esprit charme les oreilles, et engage tous
-ceux qui l'entendent ou lisent ce qu'elle écrit. Les plus
-habiles font vanité d'avoir son approbation. Ménandre
-[Ménage] a chanté dans ses vers les louanges de cette illustre
-personne. Cresante [Chapelain] est un de ceux qui
-la visitent le plus souvent. Elle aime la musique et hait
-mortellement la satire. Elle loge au quartier de Léolie
-[le Marais du Temple].»</p>
-
-<p class="quote"><span class="small1">Corbulon</span> (Corbinelli)<a id="FNanchor_524" href="#Footnote_524" class="fnanchor">&nbsp;[524]</a>.</p>
-
-<p>«Corbulon est illustre dans l'empire des précieuses,
-pour avoir fait le portrait de Sophronie, où il a parfaitement
-réussi, et pour être de plus son lecteur. Il est natif
-de l'Étrurie, et fort noble; il a l'esprit fin et beaucoup
-de douceur. Il aime fort la musique, et loge au quartier
-de Léolie [le Marais du Temple].»</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_307"> 307</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE XXI.<br />
-<span class="medium">1663-1666.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Réflexions sur les sentiments maternels.&mdash;Amour de madame de
-Sévigné pour ses enfants, et particulièrement pour sa fille.&mdash;Constance
-et durée de son affection pour elle.&mdash;Comment on doit désormais
-la considérer et la juger.&mdash;La tendresse de madame de
-Sévigné pour sa fille nous a valu ses Lettres.&mdash;Elles sont des mémoires
-curieux du siècle de Louis XIV.&mdash;Chaque année ajoute à
-la splendeur de ce règne.&mdash;Louis XIV envoie de puissants secours
-à l'empereur d'Allemagne.&mdash;Soins que Louis XIV se donnait
-pour maintenir la discipline, pour régler l'intérieur.&mdash;Circulaire
-envoyée par ses ordres aux intendants.&mdash;Travaux entrepris au
-Louvre et à Versailles.&mdash;Jonction des deux mers par un canal.&mdash;Encouragements
-donnés aux génies qui surgissent à cette époque.&mdash;Boileau
-fait paraître son <i>Discours au roi</i> et ses premières <i>Satires</i>.&mdash;La
-Fontaine, ses <i>Contes</i>.&mdash;Molière fait jouer les trois
-première actes de son <i>Tartufe</i>.&mdash;De Molière et de Lulli.&mdash;De
-Boileau, de La Fontaine et de Racine.&mdash;Les fêtes de Louis XIV
-étalent données pour mademoiselle de La Vallière.&mdash;Sa liaison avec
-le roi devient publique.&mdash;La reine mère voulut en vain s'y opposer.&mdash;Elle
-tombe malade.&mdash;Soins de Louis XIV pour sa mère.&mdash;Témoignage
-que lui rend madame de Motteville.&mdash;Louis XIV exige
-que les dames de la cour suivent mademoiselle de La Vallière.</p>
-
-<p class="space">Les sentiments énergiques et durables se rencontrent
-rarement: des désirs modérés, des volontés faibles ou
-changeantes, sont le partage du plus grand nombre. C'est
-là un des bienfaits de la nature. Si une vive et forte sensibilité,
-quand elle est satisfaite, exalte l'âme jusqu'au
-plus haut degré de félicité auquel l'humanité puisse parvenir,
-elle la plonge aussi dans le plus profond abîme de
-<span class="pagenum"><a id="Page_308"> 308</a></span>
-douleur et d'amertume quand elle est dépouillée de ses
-illusions ou déchue de ses espérances. Cependant comment
-se fait-il que le vulgaire se complaise dans la peinture
-des passions les plus délirantes, qu'il n'éprouva jamais,
-qu'il n'est pas même susceptible d'éprouver? C'est
-que ces passions, qui ne sont toujours au fond que l'amour
-ou l'ambition différemment modifiés, se rattachent aux
-plus impérieux besoins de notre nature, à nos penchants
-les plus universels, les plus irrésistibles; à cette sympathie
-qui entraîne les deux sexes l'un vers l'autre, ou à cette
-aversion pour toute contrainte, à ce désir de domination, à
-cette avidité pour les richesses, à ces jouissances de luxe,
-à ces émotions de haine, à ces désirs de vengeance, à ces
-mouvements d'orgueil et de vanité, que tous conçoivent
-parce que tous les ont éprouvés ou les éprouvent plus ou
-moins fortement. Mais, par la même raison, les passions
-qui sont les résultats de circonstances moins générales, ou
-qui naissent de notre organisation ou des facultés qui nous
-sont particulières, rencontrent moins de sympathie, ou
-n'en rencontrent point du tout; et dans ce dernier cas
-ceux qui en sont les témoins, ne pouvant les concevoir, en
-rejettent l'existence, et considèrent comme de simples apparences,
-ou comme des émotions factices, tout ce qui
-émane de sentiments étrangers à leur nature, et selon eux
-à toute nature humaine. Cependant il est de violents penchants
-dont personne ne conteste la réalité, quoiqu'il n'y
-ait qu'une certaine classe d'individus qui soient appelés à
-les partager. La nature nous en fournit des exemples journaliers,
-et qu'il nous est impossible de méconnaître sans
-cesser d'obéir à cette loi de notre raison qui veut que des
-effets toujours semblables nous paraissent produits par des
-causes semblables. L'amour maternel est dans le genre de
-<span class="pagenum"><a id="Page_309"> 309</a></span>
-ces passions exceptionnelles que tout le monde conçoit,
-sans qu'on se sente capable de les éprouver. Par une sage
-disposition de la Providence, cette passion n'a jamais plus
-de force chez les femmes que lorsque leurs enfants, en
-bas âge, réclament plus de soins, plus de vigilance, une
-protection plus constante. Aussi toutes les faiblesses,
-toutes les douleurs, toutes les anxiétés d'une mère pour
-son jeune enfant, émeuvent les personnes même qui ne
-sont pas destinées à éprouver le sentiment qui les fait
-naître; dès expériences journalières leur ont démontré la
-présence de ce sentiment dans le c&oelig;ur de toutes les mères,
-et cette conviction leur suffit pour sympathiser avec toutes
-celles qui l'éprouvent. L'affection qui unit une mère à son
-enfant devenu grand, qui la surpasse par les forces du
-corps ou de l'intelligence, qui n'a plus besoin de ses soins,
-qui a pris son essor, a formé d'autres liens, qui n'est plus
-identifié avec elle par ses désirs et son amour, se conçoit
-bien encore comme un sentiment tendre, calme, réglé par
-la raison et avoué par elle, mais nullement comme une passion,
-parce qu'habituellement la tendresse maternelle n'a
-point alors cette force entraînante, irrésistible, qui caractérise
-la passion. Cependant il peut arriver que cet instinct,
-que ce besoin qui unit d'une manière si intime une
-mère à l'innocence au berceau, s'accroisse encore par les
-charmes attirants de l'adolescence, par l'éclatante beauté
-de la jeunesse, par les talents brillants, les qualités aimables
-et les hautes vertus d'un âge plus avancé; qu'ainsi
-l'amour maternel, au lieu de diminuer avec le temps, ne
-fasse que s'augmenter et se développer avec une chaleur et
-une énergie toujours croissantes; et qu'enfin dans le c&oelig;ur
-d'une mère exempte de tout autre attachement il prenne
-le caractère d'une de ces passions ardentes qui absorbent
-<span class="pagenum"><a id="Page_310"> 310</a></span>
-une vie tout entière. Mais comme une telle passion doit
-être aussi rare que la réunion des circonstances qui peuvent
-la faire naître, comme elle contredit l'expérience
-journalière, elle ne sera pas toujours comprise, et trouvera
-beaucoup d'incrédules.</p>
-
-<p>Tel a été le sort de madame de Sévigné. Toutes les affections,
-toute la sensibilité de cette âme aimante s'étaient
-concentrées sur ses enfants, et plus particulièrement sur
-sa fille. L'admiration qui se joignait à la tendresse
-qu'elle avait pour elle lui faisait toujours croire qu'elle
-ne pouvait jamais la chérir et la louer assez, et toujours
-craindre de n'en être pas assez aimée. Il est difficile
-que l'expression si souvent répétée d'un sentiment qui
-par sa force et sa durée est une sorte de phénomène ne
-fatigue pas promptement; aussi a-t-on reproché aux lettres
-de madame de Sévigné ces éloges continuels donnés à
-sa fille, ces regrets sans cesse renouvelés, et ces répétitions
-fréquentes sur la douleur qu'elle éprouve d'en être séparée.
-On a cru qu'il y avait chez elle à cet égard défaut
-de sincérité, ou tout au moins exagération; et il devait en
-être ainsi, d'après les raisons que nous venons d'exposer.</p>
-
-<p>Par les réflexions qui précèdent, je ne prétends pas que
-l'on doive se plaire à la lecture de toutes les lettres où
-madame de Sévigné a répandu avec tant de profusion, et
-sous des formes toujours variées, ses vives émotions;
-qu'on doive trouver les expressions de sa tendresse aussi
-naturelles que si elles étaient celles d'un amant à sa maîtresse,
-quoique cependant elles soient aussi tendres, aussi
-passionnées, quoiqu'elles soient les indices d'un sentiment
-aussi vrai et plus durable: j'ai voulu seulement avertir
-mes lecteurs que, parvenu à l'époque où madame de
-Sévigné a présenté sa fille dans le monde, c'est en
-<span class="pagenum"><a id="Page_311"> 311</a></span>
-qualité de mère que nous aurons à les entretenir de cette
-femme célèbre. Ils doivent encore être prévenus que ce
-n'est point seulement d'une mère tendre, affectionnée, dont
-il s'agira désormais dans cet ouvrage, mais d'une mère
-dont le c&oelig;ur était frappé d'une véritable passion, et que
-cette passion ne différait de celle à laquelle on a donné
-trop exclusivement le nom d'amour, qu'en ce qu'au lieu
-de diminuer, comme elle, par l'effet du temps, de l'âge et
-de l'absence, elle croissait toujours en force par toutes
-ces causes. Ce n'est point là un éloge que nous voulons
-faire de madame de Sévigné, c'est simplement un fait que
-nous voulons signaler: parce qu'il est nécessaire que nos
-lecteurs le connaissent, pour bien saisir le but déguisé ou
-avoué, secret ou patent, de toutes ses actions, de toutes
-ses pensées, pendant les années de sa vie qui nous
-restent à parcourir. Ce fait fut de bonne heure reconnu
-par ses contemporains. Le grand Arnauld reprochait à
-madame de Sévigné qu'elle faisait de sa fille son idole, et
-il l'avait surnommée la jolie païenne. Au reste, pardonnons-lui
-ce besoin qu'elle éprouvait de s'occuper toujours
-de celle qu'elle chérissait, de lui écrire sans cesse lorsqu'elle
-en était séparée, de chercher à lui plaire, à la distraire,
-à l'intéresser par des traits d'esprit, d'imagination,
-des réflexions sérieuses des nouvelles plaisantes; pardonnons-lui
-ses écarts, ses redites, ses divagations, ses faiblesses,
-ces susceptibilités d'un c&oelig;ur trop sensible, et les
-désirs insatiables de cette amitié goulue, comme dit Molière<a id="FNanchor_525" href="#Footnote_525" class="fnanchor">&nbsp;[525]</a>;
-pardonnons-lui tout cela, puisque c'est à cela que
-nous devons les mémoires les plus amusants, les mieux
-<span class="pagenum"><a id="Page_312"> 312</a></span>
-écrits, les particularités les plus curieuses de l'histoire du
-règne de Louis XIV.</p>
-
-<p>De ce règne chaque année accroissait l'éclat. La France
-était en paix avec toute l'Europe; mais le jeune roi avait
-envoyé un puissant secours à l'empereur d'Allemagne
-contre les Turcs. Les nombreuses lettres qu'il écrivit à
-Coligny, auquel il avait confié le commandement de cette
-petite armée, nous prouvent combien il avait à c&oelig;ur l'honneur
-des armes françaises, la bonne discipline des troupes;
-combien il se donnait de peines et de soins pour récompenser
-les belles actions. Ces lettres sont des instructions particulières
-propres à Louis XIV, lettres confidentielles, et indépendantes
-de celles que ses ministres écrivaient en son
-nom pour les besoins du service<a id="FNanchor_526" href="#Footnote_526" class="fnanchor">&nbsp;[526]</a>. Il nous reste encore de lui
-d'autres lettres, écrites alors à La Feuillade, parti pour la
-même expédition à la tête d'un bon nombre de gentils-hommes
-volontaires, où nous voyons comme ce jeune
-roi savait surveiller ses généraux<a id="FNanchor_527" href="#Footnote_527" class="fnanchor">&nbsp;[527]</a>, et se faire instruire
-par plus d'une voie de la conduite de chacun. La même
-sagesse, la même sollicitude se font voir dans les lettres
-adressées au duc de Beaufort<a id="FNanchor_528" href="#Footnote_528" class="fnanchor">&nbsp;[528]</a> et à Vivonne, relativement
-à l'expédition de Gigeri en Afrique, et dans celles
-qu'il écrivit au marquis de Tracy, qui commandait dans
-les colonies<a id="FNanchor_529" href="#Footnote_529" class="fnanchor">&nbsp;[529]</a>. A cette époque Louis XIV n'employait les
-<span class="pagenum"><a id="Page_313"> 313</a></span>
-forces de la France que pour protéger la civilisation et la
-chrétienté contre la barbarie du mahométisme, et délivrer
-les mers de la tyrannie et de la cruauté des pirates<a id="FNanchor_530" href="#Footnote_530" class="fnanchor">&nbsp;[530]</a>. En
-même temps que par tous ses actes il imprimait au dehors
-le respect et la crainte<a id="FNanchor_531" href="#Footnote_531" class="fnanchor">&nbsp;[531]</a>, tout était par lui au dedans assujetti
-à des formes régulières, à des améliorations rapides
-et successives. Il terminait le Louvre et commençait Versailles<a id="FNanchor_532" href="#Footnote_532" class="fnanchor">&nbsp;[532]</a>;
-il ordonnait que le projet de canal conçu pour la
-jonction des deux mers fût exécuté<a id="FNanchor_533" href="#Footnote_533" class="fnanchor">&nbsp;[533]</a>; il donnait, par la
-construction des routes, une nouvelle vie au commerce
-intérieur; il faisait renaître le commerce maritime, en
-encourageant l'esprit d'association et en autorisant l'établissement
-d'une Compagnie des Indes orientales<a id="FNanchor_534" href="#Footnote_534" class="fnanchor">&nbsp;[534]</a>; il enrichissait
-les artistes en leur confiant d'importants travaux;
-il acquérait pour son compte la manufacture des
-Gobelins<a id="FNanchor_535" href="#Footnote_535" class="fnanchor">&nbsp;[535]</a>, pour placer ensuite à la tête de cet établissement
-le peintre Le Brun; et la musique, la danse,
-l'art du décorateur, étaient naturalisés en France, avec
-des conditions de perfectionnement toujours croissantes
-par la fondation de l'Opéra<a id="FNanchor_536" href="#Footnote_536" class="fnanchor">&nbsp;[536]</a>. Lorsqu'il voyageait, le
-jeune roi avait soin de faire prévenir les autorités de tous
-les lieux où il devait se rendre, afin qu'elles avertissent
-les habitants des campagnes et des villes du jour et de
-l'heure de son passage, et que tous ceux qui auraient à
-<span class="pagenum"><a id="Page_314"> 314</a></span>
-former des plaintes ou des demandes pussent les lui présenter
-en personne<a id="FNanchor_537" href="#Footnote_537" class="fnanchor">&nbsp;[537]</a>. En même temps Colbert, par ses
-ordres, envoyait à tous les intendants du royaume une
-circulaire qui contenait un système entier et complet
-d'instruction, pour les recherches à faire sur toutes les
-branches de l'administration de la France<a id="FNanchor_538" href="#Footnote_538" class="fnanchor">&nbsp;[538]</a>.</p>
-
-<p>Par une rencontre heureuse, des génies d'un ordre supérieur
-se développaient à la même époque pour célébrer
-les merveilles du nouveau règne, et en augmenter le nombre
-par leurs immortels chefs-d'&oelig;uvre. Les derniers
-rayons de la gloire du grand Corneille brillaient encore à
-l'aurore de celle de Louis XIV; et alors que Racine, encore
-inconnu, faisait entendre les premiers accents de sa
-muse harmonieuse<a id="FNanchor_539" href="#Footnote_539" class="fnanchor">&nbsp;[539]</a>, les premiers vers de Boileau furent
-publiés dans un recueil, sans l'aveu de leur auteur. Dans
-le <i>Discours au Roi</i>, tous les genres de mérite qui distinguaient
-le jeune monarque et le recommandaient à l'amour
-du peuple y étaient dignement célébrés<a id="FNanchor_540" href="#Footnote_540" class="fnanchor">&nbsp;[540]</a>. Le recueil qui
-contenait ce discours renfermait aussi les premières satires
-du jeune poëte, où Ménage et Chapelain<a id="FNanchor_541" href="#Footnote_541" class="fnanchor">&nbsp;[541]</a>, ces hautes
-puissances littéraires, étaient attaqués sans ménagements,
-et où Molière était exalté et vengé de tous ses critiques.
-<span class="pagenum"><a id="Page_315"> 315</a></span>
-Racine venait de débuter au théâtre par une pièce assez
-faible, et La Fontaine avait mis en même temps au jour
-quelques-uns de ses Contes. Les écrits de ces quatre amis,
-qui se succédèrent rapidement, ne tardèrent pas à opérer
-une révolution dans le goût du public; et de tous les
-poëtes (trop prônés d'abord, trop dépréciés depuis) du
-règne de Richelieu, de la Fronde et de Mazarin, un seul
-resta debout, ce fut Corneille; semblable à un grand colosse
-qu'aurait entouré de ruines un tremblement de terre,
-sans pouvoir ébranler sa masse, et qui devient plus imposant
-et plus majestueux par les vieux débris couchés
-sur le sol et par les nouvelles constructions qu'on y a
-élevées.</p>
-
-<p>Mais Molière était alors le seul des quatre nouveaux
-poëtes dont la réputation fût faite, dont le mérite fût reconnu<a id="FNanchor_542" href="#Footnote_542" class="fnanchor">&nbsp;[542]</a>
-et universellement apprécié; le seul qui fût en possession
-de la faveur du roi. Déjà, dans une de ces fêtes
-brillantes données à la cour, où il figurait toujours et comme
-auteur et comme acteur, on avait représenté les trois premiers
-actes (les seuls qui fussent achevés) de son plus
-étonnant chef-d'&oelig;uvre, le <i>Tartufe</i>. Pour Louis XIV,
-tout divertissement eût été incomplet sans l'esprit de Molière
-et la musique de Lulli: les sons mélodieux de ce
-dernier étaient fort bien assortis à ces ballets magnifiques
-où le jeune monarque aimait à développer ses talents pour
-la danse; et ils convenaient aux madrigaux, aux allégories
-ingénieuses et quelquefois graveleuses que composait
-Benserade; mais le génie de Molière n'avait aucune
-analogie avec ces brillantes fadaises. Il était difficile de
-comprendre comment la comédie maligne et moqueuse,
-<span class="pagenum"><a id="Page_316"> 316</a></span>
-avec son franc-parler, ses mordantes saillies, pouvait se
-mêler à toute cette pompe, à tout ce bruit, à tout ce mouvement,
-de manière à ne pas former un ensemble qui ne
-fût pas incohérent. N'importe, il le fallait; le roi demandait,
-et Molière se prêtait à tout pour lui plaire; de là
-<i>l'Impromptu de Versailles</i>, <i>le Mariage forcé</i>, <i>la Princesse
-d'Élide</i><a id="FNanchor_543" href="#Footnote_543" class="fnanchor">&nbsp;[543]</a>, compositions irrégulières, indéfinissables,
-dans lesquelles l'auteur, sachant faire ployer son art aux
-fantaisies du monarque, écrivait encore des scènes empreintes
-de naturel et de comique; et dans les efforts
-même qu'il faisait pour échapper aux difficultés qu'on
-lui imposait, mêlant ensemble la prose et les vers, des
-airs et du dialogue, du récitatif et des danses, des sujets
-sérieux et des jeux bouffons, il inventait de nouveaux
-genres de compositions scéniques, qui ont eu depuis leurs
-théâtres spéciaux, et ont contribué à varier les plaisirs
-des représentations théâtrales chez la nation qui a toujours
-montré pour elles le plus de prédilection et a su le
-mieux les apprécier.</p>
-
-<p>Ce n'était pas le besoin de vaines distractions qui engageait
-Louis XIV à prodiguer des sommes considérables
-pour donner des fêtes splendides, à l'époque même où
-il cherchait, par une sévère économie, à mettre de l'ordre
-dans ses finances. Mais de même que ses désirs de
-gloire le portaient à violenter ses habitudes, à se condamner
-tous les jours à plusieurs heures de travail fastidieux,
-pour être puissant et redouté en Europe; de même l'amour
-l'excitait à se montrer généreux et galant, à déployer
-ses grâces et son adresse dans des exercices de
-<span class="pagenum"><a id="Page_317"> 317</a></span>
-corps; à se montrer vêtu avec goût et magnificence au
-milieu de son brillant cortége; à paraître toujours plus
-grand et plus aimable, pour être toujours plus admiré et
-plus aimé. Personne n'ignorait, depuis quelque temps,
-que ces fêtés multipliées, données sous divers prétextes
-aux reines ou à <span class="small1">Madame</span>, avaient lieu principalement
-pour mademoiselle de La Vallière, dont la liaison avec
-le monarque n'était plus un mystère<a id="FNanchor_544" href="#Footnote_544" class="fnanchor">&nbsp;[544]</a>. Divers emblèmes
-de ces fêtes, les vers qu'on y récitait, les airs qu'on y
-chantait, faisaient des allusions non déguisées aux inclinations
-amoureuses du roi, à celle qui en était l'objet,
-et à toutes les liaisons de même nature qui avaient lieu
-dans cette cour galante et voluptueuse. Si Benserade se
-les permettait, c'est qu'il savait que c'était un moyen
-de plaire au roi, qui, fier et orgueilleux de sa belle maîtresse
-et de l'amour qu'il lui inspirait<a id="FNanchor_545" href="#Footnote_545" class="fnanchor">&nbsp;[545]</a>, croyait qu'il
-était au-dessous de sa dignité de feindre et de se cacher;
-qui éprouvait le besoin de faire connaître son bonheur,
-et d'y faire participer une cour jeune, indulgente et
-facile.</p>
-
-<p>Anne d'Autriche, ne pouvant empêcher les écarts de
-son fils, avait voulu l'engager à sauver au moins les apparences.
-Mais tous ses efforts, et les vertueuses résistances
-ménagées ou appuyées par elle, ne servirent qu'à
-irriter le jeune monarque: il signala ses impérieuses volontés
-par d'éclatantes disgrâces, dans lesquelles Anne
-d'Autriche parut elle-même enveloppée. Mais alors elle
-tomba malade; et l'affection que son fils lui portait se
-<span class="pagenum"><a id="Page_318"> 318</a></span>
-manifesta par des actes touchants, qu'à tort on a cru peu
-dignes de la majesté de l'histoire. L'histoire, au contraire,
-ne doit rien laisser en oubli de tout cc qui peut contribuer
-à nous mieux faire connaître les personnages qui ont
-exercé une grande influence sur les destinées des hommes
-et des États.</p>
-
-<p>Tant que Louis XIV put craindre de perdre sa mère,
-toutes les réjouissances furent suspendues. Les emportements
-de l'amour ne l'empêchèrent pas de consacrer à cette
-mère chérie tous les moments que les affaires de son
-royaume lui laissaient pendant le jour. La nuit, il couchait
-près d'elle tout habillé, sur un matelas qu'il faisait
-étendre au pied de son lit. Madame de Motteville, qui
-veilla seule plusieurs fois auprès d'Anne d'Autriche, vit
-dormir le roi dans cette situation. Son visage, qui brillait
-alors de tout l'éclat de la première jeunesse, acquérait,
-dit-elle, par le sommeil, plus de douceur, sans rien perdre
-de sa beauté et de sa majesté. Madame de Motteville
-montre dans tout ce qu'elle a écrit un jugement exquis et
-un rare discernement; mais elle avait cependant, comme
-toutes les femmes de son temps, la mémoire remplie de faits
-chevaleresques et des aventures amoureuses des héros de
-l'Arioste, d'Astrée, d'Amadis, des romans de La Calprenède
-et de mademoiselle de Scudéry. C'étaient les lectures
-favorites des femmes les plus spirituelles de cette époque.
-Madame de Motteville, d'un âge déjà mûr, avoue avec
-naïveté qu'en contemplant le jeune monarque ainsi endormi,
-oubliant la tristesse et les inquiétudes que lui
-causait l'état où se trouvait la reine mère, il lui est arrivé
-quelquefois, dans le silence de la nuit, de s'abandonner
-aux rêves de son imagination, et que, moitié éveillée moitié
-assoupie, elle croyait être une jeune princesse qui, après
-<span class="pagenum"><a id="Page_319"> 319</a></span>
-mille courses aventureuses, avait été transportée dans l'épaisseur
-d'un bois ou sur le rivage de la mer, où un beau
-guerrier, un héros illustre, accablé par la fatigue et plongé
-dans un profond sommeil, s'était offert à ses regards<a id="FNanchor_546" href="#Footnote_546" class="fnanchor">&nbsp;[546]</a>.
-Puis, honteuse de ces folles pensées et de l'impression
-qu'elle en ressentait, elle se levait de dessus son fauteuil,
-et se mettait à genoux, priant Dieu avec ferveur pour celui
-qui les lui avait inspirées. Ce mélange d'émotions
-sensuelles ou profanes et de sensibilité religieuse caractérise
-surtout les personnages de ce temps, et se retrouve
-dans presque tous.</p>
-
-<p>Louis XIV ne se reposait sur personne pour la surveillance
-des soins dont dépendaient les jours de sa mère.
-«Il l'assistait, dit madame de Motteville, avec une application
-incroyable; il aidait à la changer de lit, et la servait
-mieux et plus adroitement que toutes ses femmes<a id="FNanchor_547" href="#Footnote_547" class="fnanchor">&nbsp;[547]</a>.»
-Ce témoignage rendu à la piété filiale de Louis XIV est
-d'autant moins suspect, que madame de Motteville, amie
-de madame de Navailles, ne jouissait pas de la faveur du
-roi; il attribuait à ses conseils la sévérité de sa mère à
-son égard, et il pensa un instant à la séparer d'elle en
-l'exilant.</p>
-
-<p>Lorsque Anne d'Autriche fut convalescente, Louis XIV
-lui témoigna son repentir des chagrins qu'il lui avait causés;
-mais il ne se montra pas plus disposé à en tarir la
-source. Au contraire, son amour pour La Vallière continuant
-à prévaloir sur toute autre considération, il déclara
-que, sous peine d'encourir sa disgrâce, les dames de qualité
-devaient la suivre. Cette résolution du jeune monarque
-<span class="pagenum"><a id="Page_320"> 320</a></span>
-remplit pendant quelque temps la cour d'intrigues et
-de cabales; les résistances et les complaisances auxquelles
-elle donna lieu devinrent l'origine de l'abaissement
-des uns et de l'élévation des autres<a id="FNanchor_548" href="#Footnote_548" class="fnanchor">&nbsp;[548]</a>.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_321"> 321</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE XXII.<br />
-<span class="medium">1663-1664.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Nouvelles fêtes à la cour.&mdash;Mademoiselle de Sévigné y paraît.&mdash;Mot
-du marquis de Tréville en la voyant.&mdash;Détails sur ce qui la
-concerne.&mdash;Comparée avec sa mère.&mdash;Éloge et reproche que lui
-adresse La Fontaine.&mdash;Elle danse dans le ballet du roi.&mdash;Vers de
-Benserade faits pour elle dans ce ballet.&mdash;Éloges qu'en fait Loret
-dans sa gazette.&mdash;Loret dit que La Vallière est digne d'avoir un
-balustre.&mdash;Usage du balustre.&mdash;Éloge que Loret fait de mademoiselle
-de Mortemart, devenue madame de Montespan.&mdash;La liberté
-dans le langage ne choquait point alors.&mdash;La semaine sainte interrompt
-les fêtes.&mdash;Diverses causes les font recommencer avec plus
-d'ardeur.&mdash;Mademoiselle de Sévigné reparaît dans le ballet des
-<i>Amants déguisés</i>.&mdash;Vers de Benserade pour elle dans ce ballet.&mdash;Éloge
-que Loret fait de ce ballet et de mademoiselle de Sévigné.&mdash;Divertissements
-de cette année, plus variés que de coutume.&mdash;Jeux
-de la ramasse.&mdash;Foire Saint-Germain.&mdash;Bal masqué donné
-par la reine.&mdash;Ballet des <i>Amants déguisés</i>.&mdash;Fêtes du mois de
-mai de 1664.&mdash;Il est probable que madame de Sévigné s'y est
-trouvée avec sa fille.&mdash;Elle se rend à sa terre de Bourbilly, et se
-retrouve avec Bussy.&mdash;Il y a tout lieu de croire que son départ
-de la capitale n'eut lieu qu'après celui de la cour.</p>
-
-<p class="space">Si on excepte le temps que dura la maladie de la reine
-mère, et les intervalles qui paraissaient bien longs du
-carême et de la semaine sainte, pendant lesquels le jeune
-abbé Bossuet faisait entendre des paroles fortes et sévères<a id="FNanchor_549" href="#Footnote_549" class="fnanchor">&nbsp;[549]</a>,
-les années du nouveau règne s'écoulaient dans une suite
-presque continuelle de bals, de jeux, de spectacles et de
-<span class="pagenum"><a id="Page_322"> 322</a></span>
-divertissements. Durant cette année (1663), des mariages
-et des naissances dans la famille royale et dans d'autres
-grandes familles; la création de nouveaux ducs et pairs;
-les grâces du roi, répandues sur plusieurs de ses serviteurs;
-la présence du prince royal de Danemark et des
-envoyés de la confédération des Suisses à Paris; l'arrivée
-d'un légat du pape; le retour du prince et de la princesse
-de Conti dans la capitale, et plusieurs autres circonstances
-moins importantes, donnèrent encore plus d'activité
-aux fêtes, et les rendirent plus fréquentes<a id="FNanchor_550" href="#Footnote_550" class="fnanchor">&nbsp;[550]</a>.</p>
-
-<p>Ce fut dans ces fêtes que parut pour la première fois
-à la cour la fille de madame de Sévigné. Elle avait quinze
-ans: en la voyant, le marquis de Tréville, connu par son
-esprit et par ses bons mots, dit: «Cette beauté brûlera
-le monde.» Et en effet au teint éclatant d'une blonde
-mademoiselle de Sévigné joignait les traits les plus réguliers
-et une taille svelte, aux formes les plus gracieuses;
-elle montrait alors une intelligence prompte et facile. Sa
-mère sut mettre à profit ces dispositions naturelles, par
-l'éducation la plus complète et la mieux dirigée. Lorsque
-cette éducation fut terminée, mademoiselle de Sévigné
-écrivait non-seulement sa langue, mais encore la langue
-italienne, avec beaucoup de pureté; elle savait un peu de
-latin, et, selon la coutume de cette époque, parmi les
-femmes d'un certain rang, de ne point rester étrangères
-à tout ce qui faisait l'entretien des hommes, elle apprit
-la philosophie de Descartes, dont on s'occupait beaucoup
-alors. L'application qu'elle mettait aux études sérieuses
-<span class="pagenum"><a id="Page_323"> 323</a></span>
-n'avait point nui à l'acquisition des talents ni aux arts
-d'agrément. Elle excellait surtout dans la danse, et ce
-fut sans doute ce qui lui valut l'honneur d'être admise,
-si jeune, à danser avec le roi<a id="FNanchor_551" href="#Footnote_551" class="fnanchor">&nbsp;[551]</a>. On ne peut disconvenir
-qu'en la laissant déployer toutes ses grâces et tous ses
-attraits aux yeux d'un monarque facile à enflammer,
-et en la produisant de si bonne heure au milieu d'une
-cour voluptueuse, madame de Sévigné ne s'abandonnât
-avec trop peu de prudence aux jouissances de l'orgueil
-maternel. Heureusement pour elle et pour sa fille, la
-prédiction du marquis de Tréville ne s'accomplit pas.
-Mademoiselle de Sévigné a donné une preuve de plus
-que la beauté et la supériorité du savoir et des talents ne
-suffisent pas seules pour faire naître les grandes passions;
-que l'admiration ne produit pas toujours la tendresse; et
-que l'esprit et les yeux peuvent être satisfaits sans que
-le c&oelig;ur soit touché. Beaucoup plus belle que sa mère,
-plus savante peut-être, plus habile dans les arts d'agrément,
-mademoiselle de Sévigné, avec une riche dot,
-dans tout l'éclat de la jeunesse, eut de la peine à rencontrer
-un parti sortable, et ne fit jamais naître l'amour;
-tandis que tous les hommes qui voyaient madame de
-Sévigné se passionnaient pour elle, et qu'elle aurait pu,
-même après un veuvage déjà avancé, choisir un époux
-à son gré et contracter encore un mariage brillant, si sa
-tendresse pour ses enfants, et surtout pour sa fille, ne l'en
-eût empêchée. La cause de ceci nous est connue: mademoiselle
-de Sévigné était froide et réservée, et son
-premier abord avait quelque chose de dédaigneux; elle
-ne possédait pas la moindre étincelle de ce feu qui animait
-<span class="pagenum"><a id="Page_324"> 324</a></span>
-sa mère; elle n'avait rien de cette vivacité affectueuse,
-de cette sensibilité exquise, de cette verve spirituelle,
-qui charmait tant dans madame de Sévigné, et
-lui prêtaient des attraits souvent enivrants pour ceux à
-qui elle voulait plaire; et elle le voulait presque pour tous.
-Elle mettait son bonheur à être recherchée, admirée,
-louée, et surtout à être aimée. Il n'en était pas ainsi de
-mademoiselle de Sévigné: sa froideur était si connue, si
-généralement sentie, que La Fontaine lui en fait un reproche
-dans une fable qu'il lui a dédiée; mais, avec ce
-tact fin qui le caractérise, il déguise le blâme sous les
-termes ambigus d'un éloge:</p>
-
-<p class="quote">Vous qui naquîtes toute belle,<br />
-A votre indifférence près<a id="FNanchor_552" href="#Footnote_552" class="fnanchor">&nbsp;[552]</a>.</p>
-
-<p>Ainsi, selon La Fontaine, une femme ne pouvait être
-parfaitement belle si elle était indifférente. La Fontaine
-avait raison: la beauté froide est cette Galatée muette
-et immobile, cette statue de la fable, que le souffle divin
-n'a point animée, et qui ne peut inspirer d'amour qu'à celui
-dont elle fut l'ouvrage. Si, comme Pygmalion, madame
-de Sévigné eût pu transmettre son âme à celle qui lui devait
-la vie, à celle qu'elle s'était plu à former et à combler
-de tant de perfections, elle n'eût pas été la seule à la chérir,
-à s'occuper d'elle avec délices, à épuiser en sa faveur
-toutes les formes de l'éloge, toutes les expressions de la
-tendresse; et cette beauté, comme avait dit le marquis
-de Tréville, eût brûlé le monde. Mais celle qui était remarquable
-par ses attraits fut admirée; celle qui se montra
-<span class="pagenum"><a id="Page_325"> 325</a></span>
-sage dans sa conduite fut estimée, et ce fut tout. Tout...,
-je me trompe: celle qui ne chercha point à plaire déplut,
-celle qui mit trop peu de prix à paraître aimable ne fut
-point aimée. Dans le monde moral, comme dans le
-monde physique, toujours les conséquences sont conformes
-aux prémisses.</p>
-
-<p>Au temps dont nous nous occupons, on cherchait à la
-voir, on aimait à la regarder comme un astre nouvellement
-levé sur l'horizon: on ne voulait point la
-juger. Au milieu de tant de beautés ravissantes, la jeune
-Sévigné apparaissait semblable à une des fleurs, à peine
-entr'ouverte, d'un buisson de roses, mais brillant par de
-si fraîches et de si vives couleurs, qu'elle fixe les regards
-de préférence à toutes les autres. Ce fut en janvier 1663,
-et dans le <i>ballet des Arts</i>, qu'elle dansa pour la première
-fois: la sensation qu'elle produisit fut grande; c'est ce
-que Benserade fait entendre dans les premiers vers récités
-dans ce ballet, à son sujet:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Déjà cette beauté fait craindre sa puissance;</p>
-<p>Et, pour nous mettre en butte à d'extrêmes dangers,</p>
-<p>Elle entre justement dans l'âge où l'on commence</p>
-<p>A distinguer les loups d'avecque les bergers.</p>
-</div></div>
-
-<p>Dans ce même ballet, qui fut joué pendant tout l'hiver,
-le roi représentait un berger<a id="FNanchor_553" href="#Footnote_553" class="fnanchor">&nbsp;[553]</a>, <span class="small1">Madame</span> jouait le
-rôle de Pallas, et mademoiselle de Sévigné dansait avec
-elle, dans la septième entrée, avec mesdemoiselles de
-Mortemart, de Saint-Simon et de La Vallière. Toutes les
-quatre étaient vêtues en Amazones. Les vers chantés ou
-récités à cette occasion pour mademoiselle de Sévigné,
-<span class="pagenum"><a id="Page_326"> 326</a></span>
-démontrent tout ce qu'on permettait de licence à la muse
-de Benserade dans ces représentations théâtrales, où se
-trouvaient cependant deux reines, et où la plus jeune
-figurait comme actrice.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><span class="i2"><i>Pour mademoiselle de</i> <span class="small1">Sévigny</span>, Amazone.</span></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Belle et jeune guerrière, une preuve assez bonne</p>
-<p>Qu'on suit d'une Amazone et la règle et les v&oelig;ux,</p>
-<p>C'est qu'on n'a qu'un teton: je crois, Dieu me pardonne,</p>
-<p class="i2"> Que vous en avez déjà deux<a id="FNanchor_554" href="#Footnote_554" class="fnanchor">&nbsp;[554]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p>Loret, en rendant compte de la première représentation
-de ce ballet, dans sa Gazette du 20 janvier 1663,
-après avoir décrit l'entrée de <span class="small1">Madame</span> et des demoiselles
-Saint-Simon, Mortemart et La Vallière, ajoute:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Sévigny, pour qui l'assemblée</p>
-<p>Était de merveille comblée,</p>
-<p>Chacun paraissant enchanté</p>
-<p>De sa danse et de sa beauté.</p>
-<p>Fille jeune, fille brillante,</p>
-<p>Fille de mine ravissante,</p>
-<p>Et dont les jolis agréments</p>
-<p>Charment les c&oelig;urs à tous moments<a id="FNanchor_555" href="#Footnote_555" class="fnanchor">&nbsp;[555]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p>Loret fait ensuite l'éloge du roi, qu'il appelle un brave
-porte-couronne. Le plaisir que Louis XIV prenait à ces
-danses et à ces divertissements était singulièrement
-augmenté par les éloges détournés et les allusions ingénieuses
-qu'ils suggéraient à Benserade dans la composition
-des vers de ces ballets.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_327"> 327</a></span>
-On joua encore de nouveau, l'année suivante, le
-<i>ballet des Arts</i>: les mêmes personnages y figurèrent;
-et parmi les belles dont Loret fait l'éloge, au sujet
-de cette reprise, mademoiselle de Sévigné n'est pas oubliée:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Les autres beautés renommées,</p>
-<p>Qu'ailleurs j'ai toutefois nommées,</p>
-<p>C'était Saint-Simon, Sévigny</p>
-<p>De mérite presque infini;</p>
-<p>La Vallière, autre fille illustre,</p>
-<p>Digne un jour d'avoir un balustre.</p>
-</div></div>
-
-<p>Ce dernier vers fait allusion à l'usage où l'on était
-d'entourer d'un balustre l'estrade sur laquelle le lit était
-élevé; ce qui n'avait lieu que pour les rois, les reines, et
-les personnages d'une haute distinction. Mademoiselle de
-Mortemart, qui figurait encore dans ce ballet avec mademoiselle
-de Sévigné, comme une des quatre Amazones,
-s'était mariée à Montespan depuis la première représentation;
-et c'est par cette raison que Loret la nomme la
-défunte Mortemart, car, dit-il,</p>
-
-<p class="quote">Depuis qu'elle n'est plus pucelle,<br />
-Ce n'est plus ainsi qu'on l'appelle<a id="FNanchor_556" href="#Footnote_556" class="fnanchor">&nbsp;[556]</a>.</p>
-
-<p>On voit d'après cette citation, à laquelle je pourrais en
-joindre d'autres, que les gazettes de Loret, qui ne circulaient
-qu'à la cour et dans le beau monde, étaient écrites
-d'un style aussi libre que les ballets de Benserade. L'on
-doit, d'après cela, moins s'étonner de certaines expressions
-de Molière et des auteurs de ce temps, et par conséquent
-de celles qui se présentaient sous la plume de
-<span class="pagenum"><a id="Page_328"> 328</a></span>
-madame de Sévigné, ou qui lui échappaient dans la vivacité
-du dialogue. Quoiqu'elle eût passé sa première jeunesse
-parmi les précieuses, la mobilité de son imagination
-lui faisait facilement adopter les nouveaux usages
-qui étaient favorables à la gaieté de son caractère.</p>
-
-<p>Le carême et la semaine sainte vinrent interrompre tout
-divertissement mondain, et ramenèrent le règne des prédicateurs
-et les somptueuses cérémonies ecclésiastiques.
-Dans celles-ci, la musique de La Barre, de Boisset, de
-Hottman, de Molière (j'entends le musicien, et non pas le
-poëte), et les belles voix des demoiselles Hilaire, Saint-Christophe
-et Cercamanans, faisaient, comme dans les
-fêtes profanes, les délices des assistants<a id="FNanchor_557" href="#Footnote_557" class="fnanchor">&nbsp;[557]</a>. Les deux reines
-et les personnes pieuses joignaient, à leur exemple, aux
-actes de dévotion, qui étaient de rigueur, de fréquents
-voyages à l'ermitage du mont Valérien, alors occupé par
-des dominicains; ce pèlerinage était fort en vogue<a id="FNanchor_558" href="#Footnote_558" class="fnanchor">&nbsp;[558]</a>.</p>
-
-<p>Après ce temps de pénitence et de privations, les
-plaisirs recommencèrent par des festins, des bals donnés
-par le roi et les grands de la cour<a id="FNanchor_559" href="#Footnote_559" class="fnanchor">&nbsp;[559]</a>, auxquels succédèrent
-des chasses brillantes à Versailles, à Vincennes et à Chantilly;
-puis, la foire Saint-Laurent, qui jamais n'avait eu
-tant d'éclat<a id="FNanchor_560" href="#Footnote_560" class="fnanchor">&nbsp;[560]</a>.</p>
-
-<p>Lorsque l'hiver survint, au commencement de l'année
-suivante, on monta un nouveau ballet, intitulé <i>les</i>
-<span class="pagenum"><a id="Page_329"> 329</a></span>
-<i>Amours déguisés</i>. Mademoiselle de Sévigné était un
-trop grand ornement de ces ballets, pour que le roi ne
-désirât pas qu'elle figurât dans tous. Elle était dans celui
-de l'année 1664 au nombre des Amours déguisés en
-Nymphes maritimes, avec mademoiselle d'Elb&oelig;uf, madame
-de Montespan et madame de Vibraye: Benserade
-termine les vers qu'il fit pour elle, à cette occasion, par
-un compliment à sa mère<a id="FNanchor_561" href="#Footnote_561" class="fnanchor">&nbsp;[561]</a>:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><i>Pour mademoiselle</i> <span class="small1">de Sévigny</span>,<br />
-<i>Amour déguisé en Nymphe maritime</i>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Vous travestir ainsi, c'est bien être ingénu,</p>
-<p>Amour! c'est comme si, pour n'être pas connu,</p>
-<p class="i2"> Avec une innocence extrême,</p>
-<p class="i2"> Vous vous déguisiez en vous-même.</p>
-<p>Elle a vos traits, vos feux, et votre air engageant,</p>
-<p>Et, de même que vous, sourit en égorgeant.</p>
-<p class="i2"> Enfin, qui fit l'une a fait l'autre,</p>
-<p>Et, jusques à sa mère, elle est comme la vôtre.</p>
-</div></div>
-
-<p>Loret, dans sa gazette, a fait une description pompeuse
-de la première représentation de ce ballet, qui eut
-lieu dans le milieu de février 1664. On voit, par son
-récit, que les grands de la cour y figuraient avec les
-acteurs et les actrices les plus renommés, avec</p>
-
-<p class="quote">L'excellent acter Floridor,<br />
-Qui vaut mieux que son pesant d'or,</p>
-
-<p>et la célèbre Des&oelig;illets, et Montfleury et sa fille. Après
-avoir, selon son usage, commencé par l'éloge du roi, de
-<span class="small1">Monsieur</span>, des reines, des princesses, Loret en vient
-<span class="pagenum"><a id="Page_330"> 330</a></span>
-aux filles d'honneur, et termine tous ces éloges par celui
-de mademoiselle de Sévigné.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>J'ai pensé faire une folie</p>
-<p>En oubliant cette jolie,</p>
-<p>Cette pucelle Sévigny,</p>
-<p>Objet de mérite infini.</p>
-<p>Certes, moi qui l'ai deux fois vue</p>
-<p>De divers agréments pourvue,</p>
-<p>Et d'une très-rare beauté,</p>
-<p>Aux ballets de Sa Majesté,</p>
-<p>Si quelqu'un s'en venait me dire,</p>
-<p>Et fût-ce le roi notre sire:</p>
-<p>As-tu rien vu de plus mignon?</p>
-<p>Je lui dirais hardiment: Non<a id="FNanchor_562" href="#Footnote_562" class="fnanchor">&nbsp;[562]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p>La reine mère, se ployant aux goûts et aux désirs de
-son fils, donna un bal masqué vers la fin du carnaval.
-A tous les plaisirs des années précédentes, la rigueur
-du froid en fit joindre un d'un genre tout nouveau:
-c'était le jeu qu'on appelle <i>la ramasse</i>, qui eut alors
-une grande vogue. Ce jeu consistait à se faire précipiter
-de haut en bas avec une grande rapidité, au
-moyen d'une machine qui devait ressembler à celle des
-montagnes russes, que nous avons vue de nos jours<a id="FNanchor_563" href="#Footnote_563" class="fnanchor">&nbsp;[563]</a>.
-La foire Saint-Germain offrit aussi cette fois une richesse
-et une pompe extraordinaires; elle fut plus fréquentée,
-eut un aspect encore plus gai, plus animé que dans les
-années précédentes.</p>
-
-<p>Mais toutes les fêtes de l'hiver furent surpassées par
-celles que Louis XIV donna au printemps, dans le parc
-<span class="pagenum"><a id="Page_331"> 331</a></span>
-de Versailles: elles commencèrent le 7 mai, et durèrent
-six jours. Le décorateur Vigarani donna pour titre à ces
-fêtes: <i>les Plaisirs de l'île enchantée</i>. Comme celles du
-Carrousel et des Tuileries, elles laissèrent un long souvenir.
-Benserade<a id="FNanchor_564" href="#Footnote_564" class="fnanchor">&nbsp;[564]</a> composa des sonnets, des madrigaux
-et des quatrains, contenant l'éloge de tous ceux qui y
-figuraient, à commencer par le roi. Molière, à cette occasion,
-composa <i>la Princesse d'Élide</i> et <i>le Mariage forcé</i><a id="FNanchor_565" href="#Footnote_565" class="fnanchor">&nbsp;[565]</a>.
-Nous ne pouvons douter que madame de Sévigné et sa
-fille n'aient assisté à ces fêtes, qui eurent lieu au commencement
-de mai, surtout si nous remarquons que mademoiselle
-de Sévigné participait à la représentation de
-<i>l'Amour déguisé</i>, qui fut donnée chez <span class="small1">Monsieur</span>, au Palais-Royal,
-à la fin de février. Cependant nous n'avons
-aucune preuve directe de leur présence à Versailles à
-cette époque; et nous savons que madame de Sévigné se
-rendit cette année dans sa terre de Bourbilly, en Bourgogne,
-où elle se retrouva dans la société de son cousin
-Bussy<a id="FNanchor_566" href="#Footnote_566" class="fnanchor">&nbsp;[566]</a>; mais ses départs pour la province n'avaient
-ordinairement lieu que lorsque la cour quittait la capitale
-pour transporter son séjour à Saint-Germain, à Compiègne
-ou à Fontainebleau.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_332"> 332</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE XXIII.<br />
-<span class="medium">1665.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Aucune femme ne figurait dans les fêtes de Versailles.&mdash;Nouveau ballet
-donné à la cour.&mdash;Mademoiselle de Sévigné y figure sous le costume
-d'Omphale.&mdash;Vers de Benserade à sa louange.&mdash;Madrigal
-en langue italienne composé pour elle par Ménage.&mdash;Épigramme du
-même sur madame de Sévigné.&mdash;Les éloges donnés à son teint, dans
-cette pièce, sont confirmés par Bussy et madame de la Fayette.&mdash;Le
-temps entre 1663 et 1669 fut le plus heureux de la vie de madame
-de Sévigné.&mdash;Elle le passa dans la société de ses anciens amis et
-amants et dans des fêtes continuelles.&mdash;Intrigues de cour qui donnaient
-un grand intérêt à ces fêtes.&mdash;Madame de Sévigné était répandue
-dans la société des gens de robe et de finance, comme parmi
-ceux de la cour.&mdash;Elle était liée avec madame Duplessis-Guénégaud;
-elle l'allait voir à Fresnes, où celle-ci donnait des fêtes fréquentes.&mdash;Madame
-de Guénégaud donne un ballet à mascarades à Fresnes,
-lors du mariage de sa fille.&mdash;Son mari est obligé de rendre des
-comptes, et elle est privée d'une partie de sa fortune.&mdash;Louis XIV
-contraint à l'obéissance, par des moyens despotiques, tous ceux
-qui résistent à ses ordonnances.&mdash;Bussy est arrêté et mis à la
-Bastille.</p>
-
-<p class="space">Si madame de Sévigné se trouva avec sa fille aux fêtes
-de Versailles, elles furent toutes deux au nombre des
-spectatrices, et mademoiselle de Sévigné n'eut point de
-rôle à jouer; ce qui ne doit point étonner, puisque aucune
-dame de la cour ne figura dans ces fêtes. Il y eut une
-course de bague, où les hommes se montrèrent sous divers
-déguisements. Louis XIV y parut habillé d'abord en
-berger, et ensuite sous le costume du chevalier Roger, ce
-fameux paladin du poëme de l'Arioste. Il y eut des festins,
-<span class="pagenum"><a id="Page_333"> 333</a></span>
-des feux d'artifice, la comédie, des cavalcades, mais
-aucune représentation de ballet royal<a id="FNanchor_567" href="#Footnote_567" class="fnanchor">&nbsp;[567]</a>.</p>
-
-<p>On en composa un nouveau pour l'hiver suivant. Il était
-intitulé: <i>la Naissance de Vénus</i>. Le duc de Saint-Aignan
-en était l'inventeur; Benserade avait mis ses idées en vers;
-Vigarani avait construit les décorations; les deux plus fameuses
-cantatrices de l'époque, mademoiselle Hilaire et
-mademoiselle Christophe, y faisaient entendre leurs voix.
-Mademoiselle de Sévigné, sous le costume d'Omphale,
-figurait avec le roi dans la dernière entrée de ce ballet.
-Les vers de Benserade que l'on y récitait à la louange de
-la jeune Omphale contenaient aussi un éloge de sa mère;
-et tout le monde applaudissait le poëte qui, au milieu de
-tant de licence, rendait justice à la vertu, et savait être
-flatteur sans flatterie.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i3"><i>Pour mademoiselle</i> <span class="small1">de Sévigny</span>,<br />
-Omphale.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Blondins accoutumés à faire des conquêtes,</p>
-<p>Devant ce jeune objet si charmant et si doux,</p>
-<p class="i1"> Tous grands héros que vous êtes,</p>
-<p>Il ne faut pas laisser pourtant de filer doux.</p>
-<p>L'ingrate foule aux pieds Hercule et sa massue;</p>
-<p>Quelle que soit l'offrande, elle n'est point reçue:</p>
-<p>Elle verrait mourir le plus fidèle amant,</p>
-<p>Faute de l'assister d'un regard seulement.</p>
-<p>Injuste procédé, sotte façon de faire,</p>
-<p>Que la pucelle tient de madame sa mère,</p>
-<p>Et que la bonne dame au courage inhumain,</p>
-<p>Se lassant aussi peu d'être belle que sage,</p>
-<p>Encore tous les jours applique à son usage,</p>
-<p class="i2"> Au détriment du genre humain<a id="FNanchor_568" href="#Footnote_568" class="fnanchor">&nbsp;[568]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p>Mademoiselle de Sévigné avait alors atteint l'âge de
-<span class="pagenum"><a id="Page_334"> 334</a></span>
-dix-sept ans; ses charmes avaient acquis tous leurs développements,
-et sa beauté était déjà devenue célèbre.
-Ménage, dans la nouvelle édition de ses poésies, avait
-adressé un madrigal en vers italiens «à la très-belle et
-très-vertueuse demoiselle Françoise de Sévigné». Il la
-prie de ne pas croire son c&oelig;ur insensible, parce qu'il
-ne ressent pas pour elle l'amour qu'elle inspire à tous;
-mais ce c&oelig;ur a déjà été enflammé par sa mère, et réduit
-en cendre par elle: il n'a plus la faculté de brûler<a id="FNanchor_569" href="#Footnote_569" class="fnanchor">&nbsp;[569]</a>.
-Ménage ne croyait pas qu'il y eût du ridicule dans
-de pareilles fadaises, parce qu'il les écrivait en langue
-étrangère. Il donne encore, dans une petite pièce qu'il
-a intitulée, à la manière des anciens, <i>Épigramme</i>, parce
-qu'elle était courte, des éloges à mademoiselle de Sévigné;
-mais ce n'est que pour rehausser ceux de sa mère.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><i>A madame la marquise</i> <span class="small1">de Sévigny</span>.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i2">ÉPIGRAMME.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Je l'ai dit dans la famille,</p>
-<p>Et je le dirai toujours,</p>
-<p>Vous n'aimez point votre fille,</p>
-<p>Ce miracle de nos jours.</p>
-<p>Par l'éclat incomparable</p>
-<p>De votre teint, de vos yeux,</p>
-<p>Par votre esprit adorable,</p>
-<p>Vous l'effacez en tous lieux<a id="FNanchor_570" href="#Footnote_570" class="fnanchor">&nbsp;[570]</a>.</p>
-</div></div>
-
-<p>Cet éloge était vrai sous le rapport de l'esprit, vrai
-sous le rapport de la vivacité des yeux. On pourrait
-<span class="pagenum"><a id="Page_335"> 335</a></span>
-croire, relativement à ce que Ménage dit du «teint incomparable,»
-qu'il fait son métier de poëte et d'amant, et
-qu'il flatte; car mademoiselle de Sévigné était blonde
-comme sa mère, et dans toute sa fraîcheur. Cependant
-l'assertion de Ménage est confirmée par les portraits que
-Bussy-Rabutin et madame de La Fayette ont faits de madame
-de Sévigné. Le premier commence le sien en disant:
-«Madame de Sévigné a d'ordinaire le plus beau teint du
-monde<a id="FNanchor_571" href="#Footnote_571" class="fnanchor">&nbsp;[571]</a>....» La seconde, en s'adressant à madame de
-Sévigné elle-même, dit: «Je ne veux point vous accabler
-de louanges, ni m'amuser à vous dire que votre taille
-est admirable, que votre teint a une fleur qui assure que
-vous n'avez que vingt ans<a id="FNanchor_572" href="#Footnote_572" class="fnanchor">&nbsp;[572]</a>....» Madame de Sévigné en
-avait environ trente-trois lorsque ces deux portraits furent
-écrits, et on doit remarquer que l'intention de Bussy,
-dans le sien, était de la déprécier, et non de la louer; de
-l'offenser, et non pas de la flatter. Il est vrai que lorsque
-Ménage écrivit son épigramme, elle avait quelques années
-déplus: elle était âgée d'environ trente-huit ans; mais
-c'est à cet âge que, dans nos climats du moins, les femmes
-prennent un embonpoint, signe de force et de santé,
-qui leur donne un teint plus égal, plus reposé, non aussi
-frais, mais plus vif que dans leur première jeunesse. C'est
-cette seconde jeunesse, c'est cette jeunesse de l'âge mûr,
-qui est dans la vie comme le second mouvement de la
-séve des végétaux dans le déclin de l'année, et que l'on a
-nommée avec énergie le regain de la beauté.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_336"> 336</a></span>
-On peut affirmer, avec toute certitude, que cette époque
-a été pour madame de Sévigné la plus heureuse.
-Lorsqu'on réfléchit à sa fortune, à son rang, à sa position
-dans le monde, à son organisation vive et sensible, accessible
-à toutes les impressions agréables, parfaitement
-adaptée aux jouissances de son temps, il est permis de
-croire qu'il est peu de femmes qui aient jamais été appelées
-à jouir d'un aussi grand bonheur. Tous ses amis de
-la Fronde étaient rentrés. Le cardinal de Retz lui-même
-avait obtenu la permission de se rendre à Fontainebleau,
-et de se présenter devant le roi; madame de Sévigné était
-allée à sa rencontre jusqu'à Saint-Denis. S'il ne lui fut plus
-permis de demeurer à la cour, si la carrière de l'ambition
-lui fut pour toujours fermée, il fut plus entièrement livré
-à ses amis et à ceux dont il se faisait chérir. Il n'erra plus
-loin de sa patrie; et après tant d'agitations, dans sa belle
-retraite de Commercy, il put passer dans le repos les dernières
-années de sa vie<a id="FNanchor_573" href="#Footnote_573" class="fnanchor">&nbsp;[573]</a>. Il s'y occupa de philosophie,
-de métaphysique<a id="FNanchor_574" href="#Footnote_574" class="fnanchor">&nbsp;[574]</a>, et s'amusa à rédiger ses Mémoires,
-qui lui ont acquis, comme écrivain, le premier rang en
-ce genre. Les autres amis de madame de Sévigné, Turenne,
-le comte du Lude, Tonquedec, le gai Marigny,
-et tant d'autres, restés en faveur, ou pardonnés, étaient
-revenus de leur exil. Ainsi tous ceux qui l'avaient vue
-entrer à la cour et dans le monde, elle les retrouvait;
-ils composaient encore sa société intime, et, toujours
-belle, riche, spirituelle, elle jouissait également des nouveaux
-<span class="pagenum"><a id="Page_337"> 337</a></span>
-hommages que ses charmes lui attiraient parmi
-les jeunes gens, et de ceux que depuis longtemps lui rendaient
-ses anciens adorateurs. Mais les succès qu'elle obtenait
-n'étaient rien en comparaison des jouissances que
-lui donnaient ceux de sa fille. C'est par elle, c'est pour
-elle, qu'elle semblait vivre et plaire, pour elle qu'elle
-éprouvait tant d'orgueil et de délices à ces ballets. La
-jeunesse et les grâces de mademoiselle de Sévigné attiraient
-tous les regards; et jamais peut-être les fêtes ne
-furent plus multipliées que depuis sa présentation à la
-cour jusqu'à son mariage, c'est-à-dire depuis l'année 1663
-jusqu'à l'année 1669. Il y en avait sans cesse, il y en avait
-partout; car on ne se contentait pas de celles que donnaient
-le roi et les princes: à leur imitation, les personnages
-qui, par leur rang ou leur fortune, tenaient un grand
-état de maison avaient aussi leurs ballets, leurs mascarades,
-leurs musiciens et leurs danseurs.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné était invitée aux fêtes les plus
-magnifiques: elle n'était pas seulement répandue dans la
-noblesse; ses liaisons avec Fouquet lui avaient procuré des
-amis parmi les gens de robe et parmi ceux de la haute
-finance. Ainsi qu'on l'a vu, madame Duplessis-Guénégaud
-avait conçu une vive amitié pour elle: cette amitié
-s'était augmentée par l'intérêt qu'elle lui vit prendre au
-surintendant, lors du fameux procès; ce qui faisait dire
-alors en plaisantant, à madame de Sévigné, que madame
-de Guénégaud l'aimait «par réverbération.» Madame de
-Sévigné nous dépeint madame de Guénégaud «comme
-une femme d'un grand esprit et de grandes vues, et qui
-avait un grand art de posséder une grande fortune<a id="FNanchor_575" href="#Footnote_575" class="fnanchor">&nbsp;[575]</a>.»
-<span class="pagenum"><a id="Page_338"> 338</a></span>
-Ceci est dit à cause des fêtes brillantes que M. et Madame
-de Guénégaud donnèrent dans le magnifique hôtel qu'ils
-avaient fait construire sur l'emplacement de l'hôtel de
-Nevers, et dans leur beau château de Fresnes. La plus
-remarquable de ces fêtes eut lieu à Paris en 1665, lors
-du mariage de mademoiselle de Guénégaud avec le duc
-de Caderousse<a id="FNanchor_576" href="#Footnote_576" class="fnanchor">&nbsp;[576]</a>. Les amis de madame de Guénégaud y
-exécutèrent un ballet-mascarade, intitulé: <i>les Muets du
-Grand Seigneur</i>. Madame de Guénégaud y était désignée
-sous le nom d'Amalthée; et voilà pourquoi madame
-de Sévigné la nomme si souvent ainsi dans sa correspondance.</p>
-
-<p>On voyait dans ce ballet des démons habillés sous
-mille formes différentes, pour faire invasion dans le
-beau palais d'Amalthée, c'est-à-dire dans cet hôtel de
-Guénégaud, qu'on nommait encore l'hôtel de Nevers.
-Puis les ombres racontaient ce qu'elles avaient observé
-de la vie intérieure d'Amalthée; ce qui leur donnait occasion
-de dévoiler sa bonté, sa générosité, toutes les qualités
-qui la faisaient chérir, et de varier, au moyen des
-caractères de chaque démon, les louanges délicates qui
-lui étaient adressées.</p>
-
-<p>Lorsque Duplessis-Guénégaud jouissait ainsi avec profusion
-de sa grande fortune, il n'ignorait pas que l'examen
-de la chambre de justice chargée de prononcer
-sur la gestion de ceux qui avaient eu part aux opérations
-du surintendant tendait à l'en priver<a id="FNanchor_577" href="#Footnote_577" class="fnanchor">&nbsp;[577]</a>; mais en ne
-changeant rien à sa manière de vivre il croyait montrer
-<span class="pagenum"><a id="Page_339"> 339</a></span>
-par là qu'il n'avait rien à craindre des poursuites dirigées
-contre lui, et qu'il suffisait seulement de gagner du temps:
-il espérait que Louis XIV se relâcherait des mesures de
-rigueur que l'on présumait lui être inspirées par les ennemis
-du surintendant.</p>
-
-<p>Mais au milieu des pompes et des délices de sa cour,
-dont il paraissait uniquement occupé, le jeune monarque
-poursuivait ses desseins avec une constance et une ardeur
-que nul autre souverain n'a égalées. Malheureusement
-il ne connaissait que les mesures despotiques, dont
-le règne de Richelieu et l'anarchie de la Fronde lui avaient
-facilité l'emploi, en donnant lieu de penser qu'ils étaient
-les seuls moyens de gouvernement possibles et efficaces<a id="FNanchor_578" href="#Footnote_578" class="fnanchor">&nbsp;[578]</a>.
-La Bastille et le For-l'Évêque se remplissaient de financiers,
-de maltôtiers, prévenus de prévarications; de gentils-hommes
-et de militaires qui, au mépris des ordonnances,
-s'étaient battus en duel ou étaient accusés de
-contraventions à d'autres édits du roi<a id="FNanchor_579" href="#Footnote_579" class="fnanchor">&nbsp;[579]</a>; de jansénistes
-qui s'opposaient au formulaire et à la bulle du
-pape Alexandre VII, pour l'enregistrement de laquelle
-Louis XIV s'était rendu lui-même au parlement et
-avait fait violence à cette compagnie<a id="FNanchor_580" href="#Footnote_580" class="fnanchor">&nbsp;[580]</a>. On emprisonnait
-aussi arbitrairement tous ceux qui avaient offensé, soit
-par leurs écrits, soit par leurs discours, la personne du
-roi ou mal parlé de son gouvernement, ou même qui
-étaient simplement soupçonnés de ce délit. Dans le
-nombre de ces derniers se trouvait le comte de Bussy de
-<span class="pagenum"><a id="Page_340"> 340</a></span>
-Rabutin; il fut arrêté le 17 avril 1665, et renfermé à la
-Bastille<a id="FNanchor_581" href="#Footnote_581" class="fnanchor">&nbsp;[581]</a>. Pour bien connaître les causes de son arrestation,
-il faut reprendre la suite de ses aventures, et l'histoire
-de sa liaison et de ses rapports avec madame de
-Sévigné, depuis l'époque où nous avons cessé d'en entretenir
-nos lecteurs, jusqu'à cet événement même, qui
-eut une si triste influence sur le reste de sa vie. Ce récit
-fera le sujet des deux chapitres suivants.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_341"> 341</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE XXIV.<br />
-<span class="medium">1658-1665.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Bussy abandonne le parti de Condé.&mdash;Il se rend désagréable au roi.&mdash;Désordre
-de ses affaires.&mdash;Il a recours au surintendant,&mdash;et
-ensuite au roi.&mdash;Il n'obtient rien.&mdash;Il se retire dans sa terre.&mdash;Ses
-amours avec madame de Monglat.&mdash;C'est pour son amusement
-qu'il compose l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i>.&mdash;Il en fait des
-lectures.&mdash;Il en prête le manuscrit à la marquise de La Baume.&mdash;Aventure
-de la marquise de La Baume avec le duc de Candale.&mdash;Elle
-est mise au couvent.&mdash;Billet d'elle trouvé dans les papiers de
-Fouquet.&mdash;Elle tire copie du manuscrit de l'<i>Histoire amoureuse
-des Gaules</i>.&mdash;Bussy assure à celui-ci que cette copie est brûlée.&mdash;Le
-jeune Louvois devient l'ami de madame de La Baume.&mdash;Bussy
-se répand en injures contre elle.&mdash;Elle fait imprimer, pour se venger,
-l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, et y ajoute une clef.&mdash;L'ouvrage
-était interpolé.&mdash;Déchaînement général contre Bussy.&mdash;Il
-fait remettre au roi son manuscrit original.&mdash;Bussy n'a jamais
-osé rien écrire contre Louis XIV.&mdash;Preuves de ce fait.&mdash;Louis XIV
-en était convaincu.&mdash;Louis XIV ne détestait pas la satire contre ceux
-qui l'entouraient.&mdash;Il ne la souffrait pas contre lui.&mdash;Louis XIV
-accorde une entrevue particulière à Bussy.&mdash;Il approuve sa nomination
-à l'Académie Française.&mdash;Condé et son parti sont furieux
-contre Bussy.&mdash;Louis XIV fait mettre Bussy à la Bastille, pour le
-sauver de ses ennemis.&mdash;Une jeune religieuse devient amoureuse
-de lui.&mdash;Il tombe malade de tristesse.&mdash;On le force à vendre sa
-charge de mestre de camp de cavalerie.&mdash;Il obtient sa liberté.&mdash;Il
-est exilé dans sa terre.&mdash;Il est trompé.&mdash;Chagrin qu'il en ressent.&mdash;Il
-se réconcilie avec sa cousine la marquise de Sévigné.&mdash;Elle
-lui rend son amitié, mais non pas sa confiance.</p>
-
-<p class="space">Bussy, malgré ses efforts<a id="FNanchor_582" href="#Footnote_582" class="fnanchor">&nbsp;[582]</a>, ne put jamais recueillir de
-sa défection du parti de Condé le prix qu'il en avait espéré.
-<span class="pagenum"><a id="Page_342"> 342</a></span>
-En abandonnant dans un moment décisif ce parti
-pour s'offrir à Mazarin dans le temps où ce ministre était le
-plus détesté, il s'était fait des ennemis de tous les partisans
-des princes, du parlement et de la Fronde. Il perdit ainsi
-l'appui et l'affection de tous ceux qu'il avait quittés, et
-n'obtint pas la confiance de ceux à qui il s'était donné.
-Il ne réussit point à la cour: on y redoutait son esprit
-caustique et railleur; on y détestait son caractère égoïste,
-vaniteux, faux et versatile. Le pire, c'est qu'il devint personnellement
-désagréable au roi. Comme il servait avec
-distinction, on lui permit cependant d'acheter la charge de
-mestre de camp de la cavalerie légère; mais cette grâce,
-dont on pensa qu'il devait se contenter, lui fut onéreuse
-par le prix considérable qu'il fut obligé d'y mettre<a id="FNanchor_583" href="#Footnote_583" class="fnanchor">&nbsp;[583]</a>. Il
-était déjà obéré quand il fit l'acquisition de cette charge;
-pour la payer, il eut recours au surintendant, et se trouva
-ainsi forcé à des déférences et à des souplesses envers un
-homme qu'il détestait, parce qu'il était son rival auprès
-de sa cousine. Mais ses sentiments secrets étaient ignorés;
-on n'en pouvait juger que par ses actions. Son intimité et
-ses liaisons avec Fouquet, auquel il était obligé de rendre
-continuellement des devoirs par les besoins qu'il avait de
-lui, le rendirent de plus en plus suspect à Mazarin. Cependant
-il n'obtint pas non plus tout ce qu'il désirait du
-surintendant, qui ne l'aimait pas; et sa fortune continua
-à se délabrer par son inconduite et sa prodigalité.</p>
-
-<p>Mazarin mourut; et l'arrestation de Fouquet et la saisie
-de ses papiers firent connaître au roi l'engagement que
-<span class="pagenum"><a id="Page_343"> 343</a></span>
-Bussy avait pris de donner sa démission de la charge de
-mestre de camp de la cavalerie légère en faveur du surintendant,
-afin que celui-ci pût en disposer et la faire donner
-à un de ses parents ou à quelqu'un qui lui fût dévoué.
-Dès ce moment Bussy devint suspect à Louis XIV. En vain
-Bussy faisait partout et en toute occasion l'éloge du roi<a id="FNanchor_584" href="#Footnote_584" class="fnanchor">&nbsp;[584]</a>,
-en vain il devint un souple et obséquieux courtisan: il ne
-put obtenir ni argent, ni grade, ni honneurs, ni même un
-accueil gracieux<a id="FNanchor_585" href="#Footnote_585" class="fnanchor">&nbsp;[585]</a>. Le roi lui montra toujours un visage
-froid et sévère. On ne lui payait pas la pension qui lui
-était due pour sa charge de mestre de camp; il ne fut point
-compris dans la nombreuse promotion qui eut lieu de chevaliers
-des Ordres, faveur à laquelle il avait des droits,
-et que le maréchal de Turenne, qu'il s'était aliéné, refusa
-de demander pour lui<a id="FNanchor_586" href="#Footnote_586" class="fnanchor">&nbsp;[586]</a>. Enfin, il ne fut pas même désigné
-pour figurer dans le fameux carrousel de 1662, où il ne
-pouvait se trouver comme simple spectateur, puisque
-tous ceux qui avaient comme lui commandé en chef à la
-guerre y figuraient. Le dépit et la nécessité de déguiser
-sa disgrâce obligèrent donc Bussy à se retirer dans sa
-terre. Là, son amour pour la marquise de Monglat le
-consolait en partie de ses revers de fortune et des mécomptes
-de l'ambition. Cependant, comme dans le malheur
-l'esprit est plus accessible aux soupçons, et le c&oelig;ur
-plus susceptible et plus exigeant, Bussy crut s'apercevoir
-que son adversité et sa défaveur auprès du roi refroidissaient
-la passion que la marquise lui avait montrée
-jusque alors; mais par ses protestations et par les témoignages
-<span class="pagenum"><a id="Page_344"> 344</a></span>
-de sa tendresse elle parvint à dissiper ces noires
-impressions de jalousie<a id="FNanchor_587" href="#Footnote_587" class="fnanchor">&nbsp;[587]</a>.</p>
-
-<p>C'était pour plaire à la marquise de Monglat et pour
-son amusement que Bussy, deux ans auparavant (en 1660)
-avait mis par écrit, sous la forme d'un petit roman<a id="FNanchor_588" href="#Footnote_588" class="fnanchor">&nbsp;[588]</a> et
-sous des noms supposés, le récit de quelques intrigues
-amoureuses de plusieurs dames de la cour et une partie
-des siennes. Il y avait dans ce petit ouvrage des anecdotes
-scandaleuses, mais vraies; des portraits satiriques, mais
-ressemblants et spirituellement touchés. Il n'en fallait pas
-tant sur un pareil sujet pour exciter vivement la curiosité.
-Bussy ne se contenta point de régaler madame de Monglat
-de sa maligne production; il en fit quelques lectures à
-plusieurs de ses amis, et bientôt l'existence de cet ouvrage
-fut connue à la cour. Ceux qui l'avaient entendu lire parlèrent
-avec exagération de ce qu'il renfermait de piquant
-et de spirituel, et donnèrent grande envie aux jeunes
-gens et aux jeunes femmes de le connaître. Les sollicitations
-dont Bussy fut assiégé à ce sujet flattèrent son
-amour-propre d'auteur, et le firent céder plusieurs fois
-aux instances qui lui étaient faites; ce qui accrut la célébrité
-de l'ouvrage.</p>
-
-<p>Une dame que Bussy avait courtisée avec succès, sans
-qu'il cessât d'aimer madame de Monglat, désira vivement
-connaître cet écrit, dont tout le monde parlait. Cette
-dame (Bussy ne la désigne pas autrement dans ses Mémoires)
-était alors renfermée au couvent de la Miséricorde,
-par lettre de cachet obtenue par son mari. Elle
-<span class="pagenum"><a id="Page_345"> 345</a></span>
-ne pouvait sortir, mais il était assez facile de la voir; et
-dans le dessein de la satisfaire, Bussy se rendit à la
-grille du parloir du couvent au jour et à l'heure qu'elle
-lui avait indiqués. Cependant il ne put, dans ce rendez-vous,
-avoir avec elle un assez long tête-à-tête pour lui
-donner une lecture entière de son ouvrage. Elle le supplia
-de vouloir bien lui prêter son manuscrit, promettant de
-ne le garder que deux jours<a id="FNanchor_589" href="#Footnote_589" class="fnanchor">&nbsp;[589]</a>, et de ne le communiquer
-à personne.</p>
-
-<p>Cette dame était la marquise de La Baume, connue par
-ses attraits, ses caprices, son humeur quinteuse, et le
-scandale de sa vie. C'était la nièce du premier maréchal
-de Villeroi, et la mère de celui qui fut depuis le maréchal
-de Tallard<a id="FNanchor_590" href="#Footnote_590" class="fnanchor">&nbsp;[590]</a>; enfin la belle-s&oelig;ur de cette marquise de
-Courcelles dont nous parlerons plus amplement dans la
-suite de ces Mémoires. La marquise de La Baume demeurait
-à Lyon. La mort de son amant, le duc de Candale,
-l'avait plongée dans le désespoir. Le jour même qu'elle
-en apprit la nouvelle, son mari, qu'elle détestait, entra
-dans sa chambre au moment où on la peignait; et il se mit
-à la louer sur ses cheveux, d'un blond admirable, et remarquables
-par leur abondance et leur longueur. Obsédée
-par la douleur qu'il lui fallait cacher, et dépitée des fadeurs
-et des tendresses maritales, voulant s'en délivrer
-à tout prix, elle saisit fortement sa belle chevelure dans
-une de ses mains, et, de l'autre, prenant ses ciseaux,
-<span class="pagenum"><a id="Page_346"> 346</a></span>
-elle la coupa tout entière<a id="FNanchor_591" href="#Footnote_591" class="fnanchor">&nbsp;[591]</a>. Prodigue et adonnée au jeu, le
-besoin d'argent la rendait souvent peu scrupuleuse sur les
-moyens d'en obtenir. On en eut la preuve par ce billet
-écrit de sa main, qui fut trouvé parmi les papiers de Fouquet,
-et qu'elle lui avait adressé dans un temps où elle
-voulait obtenir de lui dix mille écus: «Je ne vous aime
-point, je hais le péché, mais je crains encore plus la nécessité;
-c'est pourquoi venez tantôt me voir<a id="FNanchor_592" href="#Footnote_592" class="fnanchor">&nbsp;[592]</a>.» On ignore
-quelles furent les nouvelles galanteries qui, mettant à
-bout la patience du mari de la marquise de La Baume, le
-forcèrent à la faire mettre au couvent, et de quelle manière
-a commencé sa liaison avec Bussy. Ce que nous savons,
-c'est qu'elle fut en partie fidèle à la promesse qu'elle
-lui avait faite, et qu'elle lui rendit son manuscrit au bout
-de deux jours; mais elle se garda bien de lui dire que,
-dans ce court intervalle de temps, elle en avait tiré une
-copie.</p>
-
-<p>Bussy apprit peu après, par madame de Sourdis, qu'il
-était trahi, et qu'une copie de son ouvrage avait été
-communiquée à plusieurs personnes par madame de La
-Baume. Il eut avec elle une explication très-vive, après
-laquelle ils se séparèrent brouillés<a id="FNanchor_593" href="#Footnote_593" class="fnanchor">&nbsp;[593]</a>. Le comte du Lude
-cependant se fit médiateur entre eux: il alla trouver la
-marquise de La Baume, et obtint d'elle de brûler lui-même
-en sa présence la copie de l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i>
-qu'elle possédait. Le comte du Lude fit ensuite part
-à Bussy du succès de sa négociation. D'après ce qui avait
-été convenu, Bussy promit, de son côté, de ne rien dire
-<span class="pagenum"><a id="Page_347"> 347</a></span>
-et de ne rien faire qui fût contraire aux intérêts de la
-marquise de La Baume; de ne jamais parler d'elle, ni en
-bien ni en mal.</p>
-
-<p>Mais dans les deux parties contractantes il n'y avait
-aucune sincérité: après avoir tous deux trompé leur négociateur,
-elles voulaient se tromper mutuellement<a id="FNanchor_594" href="#Footnote_594" class="fnanchor">&nbsp;[594]</a>. Le
-jeune Louvois, fils du chancelier Le Tellier, déjà dans les
-charges, et qui depuis s'acquit comme ministre une si
-grand célébrité, devint l'amant favorisé de la marquise
-de La Baume. Ce fut là l'origine de l'inimitié qui subsista
-toujours entre Louvois et Bussy. Depuis lors Bussy ne
-parla plus qu'avec mépris de cette marquise; et elle le
-méritait bien, si, comme il l'avance dans ses Mémoires,
-après avoir été longtemps la maîtresse de Louvois, elle
-descendit ensuite à son égard au rôle ignoble de confidente<a id="FNanchor_595" href="#Footnote_595" class="fnanchor">&nbsp;[595]</a>.</p>
-
-<p>Quoi qu'il en soit, il paraît constant que ce fut la marquise
-de La Baume qui communiqua d'abord, à tous ceux
-qui voulaient le lire ou le copier, l'ouvrage de Bussy. Cet
-ouvrage se répandit par les copies qui en furent faites;
-mais cette publicité clandestine ne suffisait point à la
-marquise, qui, toujours plus animée contre Bussy, voulait
-se venger de lui en lui mettant sur les bras un plus
-grand nombre d'ennemis. Elle fit imprimer l'ouvrage en
-Hollande. Cette première édition in-18, avec les types
-des Elzeviers, sans date ni nom d'imprimeur, portant
-le nom de Liége pour lieu d'impression et pour fleuron
-une croix de Saint-André, paraît avoir été mise au
-jour à la fin de l'année 1664, ou au commencement
-<span class="pagenum"><a id="Page_348"> 348</a></span>
-de 1665<a id="FNanchor_596" href="#Footnote_596" class="fnanchor">&nbsp;[596]</a>. Cette édition semble conforme au manuscrit primitif;
-mais l'auteur avait eu soin d'atténuer le venin de son
-ouvrage en donnant à des faits trop véridiques une apparence
-romanesque, et en masquant les personnes par des
-noms supposés. La marquise de la Baume, en livrant
-l'ouvrage à l'impression, y ajouta une clef, où les noms
-véritables se trouvaient en regard de ceux que l'auteur
-leur avait substitués. Alors cet ouvrage, par le fait de
-l'impression et par la divulgation des personnages, changea
-entièrement de nature. Il devait être, dans l'intention
-de Bussy, un roman spirituel et amusant, où la malignité
-des gens de cour devait avoir le plaisir de deviner
-les allusions à des intrigues qui leur étaient connues, et
-de saisir la ressemblance des portraits, en apparence imaginaires,
-avec les individus qui avaient pu servir de modèles.
-Au moyen de la clef, le livre prit le caractère d'un
-libelle odieux et déhonté, où l'on dévoilait aux provinces
-et à l'étranger les m&oelig;urs de la cour, et les déportements
-scandaleux de femmes d'une grande naissance;
-où des hommes revêtus de hautes dignités, ou environnés
-de gloire, étaient représentés sous des couleurs fantasques
-ou ridicules.</p>
-
-<p>Alors le déchaînement contre Bussy devint général. Il
-en craignit les suites; et, sachant que son ouvrage avait
-été dénoncé au roi<a id="FNanchor_597" href="#Footnote_597" class="fnanchor">&nbsp;[597]</a>, il lui fit remettre le manuscrit original
-par le duc de Saint-Aignan, son ami, qui supplia
-<span class="pagenum"><a id="Page_349"> 349</a></span>
-même temps le monarque de daigner le lire en entier.
-Quoique Louis XIV fût mentionné dans cet ouvrage,
-Bussy pouvait, sans y rien changer, désirer qu'il en prît
-lecture.</p>
-
-<p>On a dit que la principale cause de la longue disgrâce
-de Bussy et son emprisonnement provenaient d'un cantique
-obscène contre Louis XIV, qui se trouve inséré dans
-les éditions de l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i> que l'on
-a faites après la première; mais, quoique cette opinion
-soit générale, elle n'en est pas moins fausse, et elle
-prouve seulement qu'on ne s'est pas donné la peine d'étudier
-les événements de cette époque, le caractère des
-personnages qui y ont joué un rôle, leur position, et les
-intérêts qui les faisaient agir.</p>
-
-<p>D'abord Bussy ne s'est jamais servi, en écrivant, d'expressions
-obscènes. Dans les récits des nombreuses aventures
-galantes et licencieuses qui se trouvent dans ses
-Mémoires, il n'y a pas un seul de ses vers ni une seule
-ligne de sa prose qui puissent fournir un exemple d'un
-mot que le bon goût ne puisse avouer, ou que le bon ton
-réprouve. Dans tout ce qu'il a écrit, il prend soin d'éviter
-les mots ignobles; et quand il est forcé de parler des
-choses qui les expriment, il a soin d'user à dessein de
-périphrases obscures. D'ailleurs, quoiqu'il se soit permis
-des épigrammes, des chansons, des traits satiriques en
-vers et en prose contre tous ceux qu'il n'aimait pas, hommes
-et femmes, financiers, gens de robe, gens de cour,
-généraux, ministres, princes du sang même, jamais cependant
-il n'osa s'attaquer au roi, autrement que par des
-plaintes amères sur ses injustices à son égard. Ses discours,
-ses écrits, livrés au grand jour de l'impression; ses lettres
-particulières les plus secrètes, les plus confidentielles,
-<span class="pagenum"><a id="Page_350"> 350</a></span>
-sont marquées au coin de l'enthousiasme le plus grand
-pour Louis XIV, de la louange la plus sincère ou de la
-flatterie la plus basse. Lors même qu'on accorderait qu'il
-lui est échappé contre le roi quelque épigramme, comme
-celle que Loménie de Brienne lui attribue<a id="FNanchor_598" href="#Footnote_598" class="fnanchor">&nbsp;[598]</a>, et que nous ne
-croyons pas être de lui, ce ne serait pas une raison suffisante
-pour qu'on pût supposer qu'il ait écrit l'infâme et
-burlesque cantique qu'on a laissé passer sous son nom. Si
-jamais Louis XIV eût seulement soupçonné Bussy capable
-de l'insulter à ce point, jamais sa liberté ne lui aurait été
-rendue, et il serait mort dans un des cachots de la Bastille.
-Le chancelier Seguier, qui se montra si souple dans
-l'affaire de Fouquet; le duc de Saint-Aignan, ce courtisan
-si fin, si délié, si dévoué, qui ne cessa jamais d'être
-le confident le plus intime et le plus utile des amours de
-son maître, étaient aussi les amis particuliers de Bussy.
-Le duc de Saint-Aignan, qui non-seulement ne l'abandonna
-pas dans la disgrâce, mais qui le servit avec chaleur
-auprès du roi, eût-il osé avouer son amitié pour Bussy,
-s'il n'avait pas eu la conviction que celui-ci n'avait ni rien
-dit ni rien écrit contre Louis XIV? Bussy lui-même, livré
-au pouvoir de ses ennemis, sous les verrous de la Bastille,
-exhorte dans ses défenses ses amis à le renier, à
-l'abandonner, s'ils le croient coupable d'un tel délit. Il
-offre sa tête à l'échafaud, si l'on fournit la moindre preuve
-qu'il soit l'auteur des chansons et des écrits satiriques
-contre le roi qu'on a voulu lui attribuer. Il défie de montrer
-une seule ligne de lui où il soit question du roi, sans
-qu'elle ne contienne son éloge; il se soumet aux peines les
-plus rigoureuses, si l'on peut le convaincre qu'il ait tenu
-<span class="pagenum"><a id="Page_351"> 351</a></span>
-au sujet du roi le moindre propos qui soit contraire aux
-sentiments qu'il a manifestés par écrit. Bussy eût-il tenu
-ce langage s'il avait pu croire que le résultat pût lui être
-contraire? Trois éditions successives de l'<i>Histoire amoureuse
-des Gaules</i>, sous la rubrique de Liége, parurent
-sans le cantique que les imprimeurs de Hollande eurent
-l'impudence d'y insérer depuis<a id="FNanchor_599" href="#Footnote_599" class="fnanchor">&nbsp;[599]</a>.</p>
-
-<p>Louis XIV était lui-même convaincu que Bussy n'avait
-ni la volonté ni l'audace de s'attaquer à lui. Conformément
-à la demande qu'il lui avait faite, il lut son livre.
-Cette lecture eut lieu vers la fin de mars 1665, au retour
-d'un voyage que le roi fit à Chartres pour un pèlerinage à
-la sainte Vierge, afin d'accomplir un v&oelig;u que la reine
-avait fait pendant sa grossesse<a id="FNanchor_600" href="#Footnote_600" class="fnanchor">&nbsp;[600]</a>. Cet acte de dévotion
-sincère n'empêchait pas que le roi ne fût alors dans une
-disposition d'esprit très-propre à se plaire aux récits des
-aventures galantes dont se composait l'ouvrage de Bussy,
-et aux traits satiriques qui y étaient répandus. Les intrigues
-d'amour tenaient alors une grande place dans la vie
-de Louis XIV; et pourvu que le sarcasme ne l'atteignît
-pas, il se plaisait à le voir lancer contre ceux qui, maintenant
-si souples et si soumis, s'étaient montrés si arrogants
-et si remuants pendant sa minorité. Là se trouve
-<span class="pagenum"><a id="Page_352"> 352</a></span>
-le secret de la haute protection qu'il accordait à Molière,
-et de la hardiesse des scènes de cet auteur. L'ouvrage de
-Bussy, bien loin donc de déplaire à Louis XIV, l'amusa;
-mais il ne lui inspira aucune estime pour son auteur, et
-encore moins d'affection: il regarda Bussy comme un
-homme dangereux, qu'il fallait peut-être contenir, même
-ménager, et surveiller toujours. Bussy lui ayant demandé
-la faveur d'une audience particulière, il la lui accorda.
-Bussy fut touché jusqu'aux larmes de la manière aimable
-dont il fut accueilli: le roi lui promit de ne prêter l'oreille
-à aucune accusation, sans lui donner les moyens de se justifier;
-et, de son côté, Bussy fit serment de ne se permettre
-aucune action, aucun écrit, aucun discours qui pût déplaire
-au roi<a id="FNanchor_601" href="#Footnote_601" class="fnanchor">&nbsp;[601]</a>. Ce qui démontre, malgré ce qui se passa ensuite,
-que Louis XIV était sincère dans ses promesses, c'est l'approbation
-qu'il donna au choix que l'Académie Française
-fit de Bussy pour remplacer Perrot d'Ablancourt<a id="FNanchor_602" href="#Footnote_602" class="fnanchor">&nbsp;[602]</a>.</p>
-
-<p>Cette indulgence et cette bienveillance apparentes furent
-ce qui perdit Bussy. Tous ceux qui se trouvaient
-blessés par la publicité donnée à son ouvrage s'agitèrent.
-Lenet, qui, comme nous l'avons vu, était l'ami de sa
-jeunesse, mais dévoué aux Condés, rompit avec lui<a id="FNanchor_603" href="#Footnote_603" class="fnanchor">&nbsp;[603]</a>. Il
-fut un des plus ardents à faire entendre de vives réclamations
-contre l'espèce d'autorisation ou de tolérance accordée
-à un ouvrage qui contenait des outrages contre le
-premier prince du sang, le plus grand guerrier de son siècle.
-On produisit des chansons, des épigrammes, des libelles
-récemment composés contre le roi et son gouvernement,
-<span class="pagenum"><a id="Page_353"> 353</a></span>
-que l'on attribuait à Bussy. Il était généralement considéré
-comme le plus bel esprit de la cour; admiré au delà
-de son mérite, plus redouté que redoutable. Il ne fut pas
-difficile de persuader à la reine mère, dont le nom se
-trouvait souvent dans ces pièces satiriques, de se joindre
-aux ennemis de Bussy pour appeler contre lui des mesures
-de rigueur. Elle dit un jour, à son cercle: «Je suis surprise
-que monsieur le Prince, qui ne passe pas pour endurant,
-souffre patiemment ce que Bussy a dit de lui<a id="FNanchor_604" href="#Footnote_604" class="fnanchor">&nbsp;[604]</a>.» Ces paroles
-réveillèrent la fureur du grand Condé; et il se proposait
-de faire un affront à Bussy; celui-ci ne l'ignorait
-pas, et il ne marchait qu'armé et cuirassé. Louis XIV,
-pour éviter un éclat et pour prévenir des violences qu'il
-eût été obligé de punir, fit, ainsi que nous l'avons dit,
-arrêter Bussy. Il fut conduit à la Bastille le 17 avril 1665<a id="FNanchor_605" href="#Footnote_605" class="fnanchor">&nbsp;[605]</a>.
-Les accusations se renouvelèrent avec plus de force contre
-l'imprudent auteur de l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i>.
-On le représenta comme un factieux, et on parvint à donner
-quelque vraisemblance aux assertions qui le faisaient
-auteur de certains écrits contre le roi, récemment publiés
-dans l'étranger. Le président Tardieu, celui-là même dont
-les vers de Boileau ont rendu célèbres la sordide avarice
-et la funeste fin<a id="FNanchor_606" href="#Footnote_606" class="fnanchor">&nbsp;[606]</a>, fut chargé d'interroger Bussy au sujet de
-ces libelles. Louis XIV demeura convaincu qu'il n'en était
-pas l'auteur; mais il le retint cependant à la Bastille, autant
-pour donner satisfaction à ses ennemis que pour
-<span class="pagenum"><a id="Page_354"> 354</a></span>
-le protéger contre leur fureur. Bussy tomba malade de
-tristesse. Dans sa convalescence, le désir de faire cesser
-sa captivité lui faisait adresser sans cesse au roi et à la reine
-mère des placets où il prodiguait les éloges les plus emphatiques
-et les supplications les plus basses. Il assiégeait
-de ses lettres le duc de Saint-Aignan, Montausier, Le Tellier,
-l'archevêque de Paris, tous ceux qu'il savait à la
-cour lui porter de l'intérêt. Ils intercédaient en sa faveur
-auprès du roi; mais Louis XIV ne répondait à aucune
-de ces sollicitations<a id="FNanchor_607" href="#Footnote_607" class="fnanchor">&nbsp;[607]</a>. Ce ne fut qu'après que Bussy eut
-consenti à résigner à Coislin sa charge de mestre de camp
-de la cavalerie légère, pour une somme moindre que celle
-qu'elle lui avait coûté, qu'il obtint enfin un adoucissement
-à son sort. Il sortit de la Bastille le 17 mai 1666, et il lui
-fut permis d'aller chez le chirurgien Dallancé (le même qui
-avait secouru Marigny) pour y rétablir sa santé<a id="FNanchor_608" href="#Footnote_608" class="fnanchor">&nbsp;[608]</a>. Dans le
-mois d'août suivant, il fut exilé dans sa terre. Il partit le
-6 septembre de Paris, et arriva quatre jours après dans
-son château de Bussy, où il commença une vie de retraite
-qui aurait pu être heureuse, s'il avait su bannir de son
-c&oelig;ur les passions qui le dominaient. Mais l'amour et l'ambition
-ne cessaient point de le tourmenter. Pendant son
-séjour à la Bastille, une jeune religieuse, âgée de moins
-de vingt ans, s'était éprise de lui, et voulait tout sacrifier
-pour contribuer à sa délivrance. Ce fut lorsqu'il recevait
-une preuve si touchante d'un attachement auquel il ne répondit
-pas, qu'il apprit que madame de Monglat le trahissait,
-et en aimait un autre. Elle était la femme dont il
-<span class="pagenum"><a id="Page_355"> 355</a></span>
-se croyait le plus aimé, et il la jugeait incapable de l'abandonner
-dans le malheur<a id="FNanchor_609" href="#Footnote_609" class="fnanchor">&nbsp;[609]</a>; aussi son désespoir ne se
-peut décrire quand il fut certain qu'elle le trompait: «Je
-faillis en mourir, dit-il, et je suis venu, à la fin, à ce
-bienheureux état d'indifférence qu'elle méritait il y avait
-longtemps<a id="FNanchor_610" href="#Footnote_610" class="fnanchor">&nbsp;[610]</a>.» Mais on pourrait douter, malgré cette assertion,
-que ce bienheureux état ait jamais existé pour lui:
-quatorze ans après sa rupture avec madame de Monglat,
-il faisait des vers contre elle; et les inscriptions et les
-emblèmes qui se voyaient au château de Bussy, et qui
-y sont peut-être encore, sont des preuves irrécusables
-que le souvenir de cette infidélité lui fut toujours
-amer<a id="FNanchor_611" href="#Footnote_611" class="fnanchor">&nbsp;[611]</a>.</p>
-
-<p>Cependant madame de Sévigné, que Bussy avait si
-odieusement outragée, voulut se rapprocher de lui quand
-elle le sut malheureux et captif: ce qui s'est passé entre
-elle et lui à cette époque orageuse de leur liaison sera
-l'objet du chapitre suivant.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_356"> 356</a></span></p>
-<h2 class="normal">CHAPITRE XXV.<br />
-<span class="medium">1658-1668.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="hanging indent">
-Attachement réciproque de madame de Sévigné et de Bussy.&mdash;Bussy
-se repent vivement d'avoir offensé sa cousine.&mdash;Belle conduite de
-Bussy envers elle, lors des lettres qui furent trouvées chez Fouquet.&mdash;Discussion
-qu'il eut à ce sujet avec de Rouville, son beau-frère.&mdash;Madame
-de Sévigné est sensible au procédé de Bussy.&mdash;Ce qui
-s'était passé à l'égard du portrait de madame de Sévigné de l'<i>Histoire
-amoureuse des Gaules</i>.&mdash;Madame de Sévigné prête de l'argent
-à Bussy.&mdash;Bussy et madame de Sévigné se voient en Bourgogne,
-et sont charmés l'un de l'autre.&mdash;Madame de Sévigné apprend
-qu'il court des copies de l'ouvrage de Bussy.&mdash;Elle rompt tout
-commerce avec lui.&mdash;Il est mis à la Bastille.&mdash;L'intérêt que lui
-porte madame de Sévigné se réveille.&mdash;Elle envoie savoir de ses
-nouvelles.&mdash;Elle se brouille avec la marquise de La Baume.&mdash;Rapports
-inexacts faits à Bussy sur madame de Sévigné.&mdash;Il la croit
-contre lui.&mdash;Elle est la première à l'aller voir chez Dallancé.&mdash;Ils
-n'osent s'expliquer, et se séparent à moitié réconciliés.&mdash;Leur
-correspondance recommence.&mdash;Lettre de Bussy à madame de
-Sévigné, contenant le récit d'une visite au château de Bourbilly.&mdash;Madame
-de Sévigné met peu d'empressement à répondre.&mdash;Reproche
-que lui en fait Bussy.&mdash;Il lui confie toutes ses affaires.&mdash;Peu
-satisfait d'elle, il est quelque temps sans lui écrire.&mdash;Elle lui rappelle
-qu'elle lui a écrit la dernière.&mdash;Explication entre Bussy et
-madame de Sévigné.&mdash;Bussy retrace sa conduite envers elle, et il
-lui reproche de l'avoir abandonné.&mdash;Nouvelle lettre de Bussy qui
-renouvelle les reproches de la première.&mdash;Madame de Sévigné
-répond par une longue apologie.&mdash;Réplique de Bussy.&mdash;Madame
-de Sévigné lui demande la généalogie des Rabutins.&mdash;Nouvelles
-explications, et nouvelles réfutations de madame de Sévigné des
-reproches de Bussy.&mdash;Fin de cette discussion.&mdash;Bussy écrit à sa
-cousine qu'il se rend à discrétion.&mdash;Réplique aimable de madame
-de Sévigné.&mdash;Renouvellement de leur correspondance et de leur
-intimité.</p>
-
-<p class="space"><span class="pagenum"><a id="Page_357"> 357</a></span>
-Quoique, dans le nombre de ceux qui composaient la
-société de madame de Sévigné, Bussy n'était pas celui
-qui lui paraissait le moins exempt de défauts, c'était celui
-pour lequel elle se sentait cependant la plus forte inclination.
-D'un autre côté, si, dans toutes les femmes que Bussy
-avait connues, madame de Sévigné n'était pas celle qui
-lui avait inspiré le plus violent amour, ce fut celle vers
-laquelle il se sentait le plus constamment attiré par les
-liens les plus durables, par la confiance la plus intime,
-par l'estime la mieux sentie. Madame de Sévigné admirait
-dans son cousin les talents militaires, une bravoure brillante,
-les grâces du courtisan, le savoir et les talents de
-l'homme de lettres. Elle exagérait beaucoup sans doute
-son mérite, surtout sous ce dernier rapport; toutefois, elle
-avait raison de le considérer comme un des hommes les
-plus spirituels de la cour, un de ceux qui parlaient et écrivaient
-avec le plus de facilité et de pureté. Lui, ne faisait
-que porter sur sa cousine un jugement équitable, quand il
-voyait en elle la femme la plus aimable de son temps,
-celle qui dans un cercle, ou la plume à la main, possédait
-le plus de moyens de plaire. Il la flattait quand il lui
-disait qu'elle était la plus jolie femme de France; mais il
-lui rendait justice quand il se montrait persuadé qu'elle
-était la femme la plus attrayante et du mérite le plus
-accompli.</p>
-
-<p>Tous les deux éprouvaient une peine extrême de se
-trouver brouillés l'un avec l'autre, parce qu'en effet en
-rompant ensemble chacun avait perdu son plus sincère
-admirateur, son confident le plus intime. Madame de Sévigné
-ressentait contre son cousin un courroux qui n'était
-que trop justifié par les mortifications que son perfide écrit
-lui faisait subir; mais elle avait en même temps de vifs
-<span class="pagenum"><a id="Page_358"> 358</a></span>
-regrets que les conseils de son oncle lui eussent fait perdre
-l'occasion de rendre à son cousin le service qu'il lui
-avait demandé, et de lui avoir donné lieu de soupçonner
-sa sincérité et son amitié. Quant à Bussy, il éprouvait un
-remords profond de s'être vengé d'une manière si cruelle.
-C'est lui-même qui nous le dit<a id="FNanchor_612" href="#Footnote_612" class="fnanchor">&nbsp;[612]</a>. Il ne pouvait se pardonner
-«d'avoir offensé une femme jolie, excellente, sa
-proche parente, qu'il avait toujours aimée et de l'amitié
-de laquelle il ne pouvait pas douter».</p>
-
-<p>Avec ces mutuelles dispositions, la moindre circonstance
-pouvait opérer une réconciliation. Cette circonstance
-se présenta.</p>
-
-<p>Lorsqu'on sut que parmi les papiers saisis chez le surintendant
-il se trouvait un grand nombre de lettres qui
-lui avaient été adressées par madame de Sévigné, la malignité
-publique, qui, telle qu'un génie infernal, se comptait
-surtout dans la chute de ce qu'il y a de plus pur et
-de plus parfait, s'empara aussitôt d'une réputation qu'elle
-s'était vue contrainte de respecter jusque ici, pour se donner
-le plaisir de la déchirer. Elle y procéda avec cette dextérité
-cruelle que donne l'envie qui s'attache à la vertu: on fouilla
-dans le passé, on rappela toutes les attentions, tous les
-soins, toutes les galanteries de Fouquet pour madame de
-Sévigné. Si jusque ici, disait-on, elle avait échappé aux
-soupçons qui pour tant d'autres s'étaient convertis en certitude,
-c'est qu'elle avait su mieux dissimuler et mieux
-sauver les apparences. En vain ses nombreux amis s'efforçaient-ils
-de persuader que sa correspondance avec le
-surintendant n'était relative qu'à des affaires de famille;
-<span class="pagenum"><a id="Page_359"> 359</a></span>
-en vain on citait, pour le prouver, les paroles du roi et
-de son ministre: Fouquet n'avait pas coutume de serrer
-des papiers d'affaires dans sa cassette réservée. On savait
-quelles étaient les lettres de mademoiselle de Menneville,
-et de plusieurs autres dames de la cour, qui avaient été
-trouvées dans cette mystérieuse cassette: pouvait-on
-croire que celles de madame de Sévigné fissent exception
-et fussent d'une autre nature?</p>
-
-<p>Il est des circonstances où l'on donne plus de poids aux
-accusations quand on cherche à les combattre: telle était
-la position où se trouvait placée madame de Sévigné.
-Tâcher de repousser les soupçons auxquels elle était en
-butte, c'était déjà reconnaître qu'ils pouvaient être fondés,
-et renoncer à ce juste orgueil d'une bonne conscience, qui
-nous persuade que nous sommes au-dessus des atteintes
-de la calomnie; avoir la force de les mépriser est peut-être
-le moyen le plus efficace de les anéantir. D'ailleurs, la
-faveur dont madame de Sévigné jouissait à la cour,
-la manière dont le monarque s'exprimait sur son compte,
-ne permettaient pas d'en agir avec elle comme avec celles
-dont les papiers trouvés chez Fouquet avaient mis à nu
-les intrigues et la vénalité, et dont la conduite scandaleuse
-avait été punie par l'exil ou le couvent. C'était avec
-ménagement qu'on se permettait contre elle les plus perfides
-insinuations; c'était avec de cruelles réticences, avec
-de malins sourires, ou un air de compassion et de tristesse
-hypocrite, qu'on s'entretenait de ses liaisons avec le surintendant,
-et des malheureuses lettres qu'on avait trouvées
-dans la fatale cassette. On peut se présenter en face
-devant la diffamation qui se produit dans les carrefours,
-ou qui s'annonce à son de trompe; mais celle qui s'enferme
-dans des réduits, qui ne parle qu'à l'oreille, qui renie ses
-<span class="pagenum"><a id="Page_360"> 360</a></span>
-actes et dissimule son visage, comment l'atteindre? Cependant
-les blessures faites par des coups portés dans
-l'ombre ne sont ni moins nombreuses ni moins douloureuses;
-le feu attisé pour consumer ce que vous avez de
-plus cher, votre honneur, votre bonne renommée, n'en
-est pas moins dévorant, quoiqu'il couve et se propage sous
-la cendre, et qu'il ne jette point de flamme. Ainsi, madame
-de Sévigné, journellement exposée à des attaques qu'elle
-ignorait, se trouvait dans l'impuissance de se justifier, en
-faisant connaître quelles avaient été ses relations avec
-Fouquet, et en mettant au grand jour sa sincérité, son désintéressement
-et l'innocence de sa vie.</p>
-
-<p>Bussy fut celui qui ressentit plus vivement toute la peine
-qu'elle éprouvait: comme parent, il s'indigna des discours
-qu'on tenait sur son compte; il s'en affligea comme
-amant. Les sentiments de tendresse qu'il avait autrefois
-ressentis pour cette cousine si bonne, si aimable, si séduisante,
-et qui jamais n'avaient été entièrement éteints, se
-réveillèrent alors avec force. Le remords de l'avoir offensée,
-d'avoir contribué à accroître contre elle la puissance
-des calomniateurs; le besoin qu'il éprouvait de laver,
-comme il le dit lui-même, une tache dans sa vie, le portèrent
-à défendre la réputation de madame de Sévigné,
-à la justifier de tous les torts qu'on voulait lui imputer<a id="FNanchor_613" href="#Footnote_613" class="fnanchor">&nbsp;[613]</a>.</p>
-
-<p>Cependant Bussy, en homme qui par sa propre expérience
-a acquis des preuves répétées de la fragilité des
-femmes, crut devoir agir avec prudence. Avant de se déclarer
-le champion de l'honneur de sa cousine avec toute
-l'énergie et la hauteur que comportaient l'orgueil de son caractère
-et ses titres de gentil-homme et de guerrier, il crut
-<span class="pagenum"><a id="Page_361"> 361</a></span>
-devoir s'assurer si, comme on le prétendait, les lettres
-qu'elle avait écrites à Fouquet n'étaient pas de nature à
-ébranler la confiance qu'on devait avoir dans sa vertu.
-Laissons-le s'expliquer lui-même sur ce sujet délicat:
-«Avant de m'embarquer, dit-il, à la défense de la marquise,
-je consultai Le Tellier, qui seul avait vu, avec le
-roi, les lettres qui étaient dans la cassette de Fouquet.
-Il me dit que celles de la marquise étaient d'une amie qui
-avait bien de l'esprit, qu'elles avaient bien plus réjoui le
-roi que les douceurs des autres; mais que le surintendant
-avait mal à propos mêlé l'amour avec l'amitié.»</p>
-
-<p>Sûr de son fait, Bussy se fit hautement, avec chaleur
-et en toute occasion, l'avocat de madame de Sévigné. Il
-éleva la voix contre tous ceux qui voulaient la confondre
-avec les maîtresses de Fouquet. De Rouville, beau-frère
-de Bussy, ignorant ce qu'il pensait à cet égard, parla un
-jour, dans une société où ils se trouvaient tous deux,
-de l'intrigue de la jolie marquise de Sévigné comme
-d'une chose connue, avérée et démontrée par ses lettres.
-Bussy prit la parole pour lui répondre, et donna avec
-calme des explications qui satisfirent toutes les personnes
-présentes à cette discussion, à la réserve de Rouville, qui
-souffrait impatiemment, surtout de la part d'un beau-frère,
-de se trouver convaincu d'avoir mal parlé d'une
-femme digne de considération et de respect. Comme
-tous ceux qui n'ont ni assez de justice dans le c&oelig;ur ni
-assez de loyauté dans le caractère pour convenir qu'ils
-ont tort, et qui, dans l'impuissance de réfuter la défense,
-s'attaquent au défenseur, de Rouville dit à Bussy: «Il est
-bien plaisant de vous voir défendre si fortement madame
-de Sévigné, après en avoir parlé comme vous avez fait.»&mdash;«Jamais,
-répondit Bussy d'une voix tonnante, je n'ai
-<span class="pagenum"><a id="Page_362"> 362</a></span>
-attaqué sa vertu.»&mdash;«Après avoir fait tant de bruit
-contre elle, dit de Rouville, il vous sied mal de trouver
-mauvais que d'autres en fassent.»&mdash;«Je le trouve très-mauvais,
-au contraire, répondit Bussy; et je n'aime le
-bruit que quand je le fais moi-même<a id="FNanchor_614" href="#Footnote_614" class="fnanchor">&nbsp;[614]</a>.»</p>
-
-<p>Nous ignorons comment se termina cette querelle entre
-les deux beaux-frères; mais ce que nous en savons nous
-prouve l'ardeur avec laquelle Bussy plaida la cause de sa
-cousine. Rien ne contribua plus à rectifier l'opinion sur
-madame de Sévigné, et à lui faire rendre enfin toute la
-justice qui lui était due, que le témoignage d'un parent
-avec lequel elle était depuis longtemps brouillée, qui avait
-donné des preuves publiques d'animosité contre elle, qui
-par son caractère était porté au dénigrement, dont l'esprit
-malin et caustique aimait singulièrement à s'exercer
-contre les femmes, et se plaisait à en médire. Le bien que
-Bussy fit à madame de Sévigné dans cette circonstance
-surpassa de beaucoup le mal qu'il lui avait fait par son
-écrit; ou plutôt on peut dire avec vérité qu'il lui eût été
-impossible de lui faire autant de bien, s'il ne lui avait pas
-fait tant de mal.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné fut extrêmement touchée de la
-conduite de son cousin. A cette époque l'<i>Histoire amoureuse
-des Gaules</i> n'était connue que par quelques lectures
-qu'en avait faites Bussy, devant un très-petit nombre
-de personnes, dont les indiscrétions avaient seules
-donné connaissance à madame de Sévigné du portrait satirique
-que son cousin avait fait d'elle. Madame de Monglat,
-qui désirait gagner l'affection de madame de Sévigné,
-lui dit qu'elle avait obligé Bussy à retrancher de
-<span class="pagenum"><a id="Page_363"> 363</a></span>
-sa scandaleuse histoire tout ce qui la concernait, et qu'elle
-l'avait fait consentir à brûler devant elle toute cette partie
-de son ouvrage.</p>
-
-<p>Alors rien ne s'opposait plus à une réconciliation que
-madame de Sévigné ne désirait pas moins que Bussy.
-Elle eut lieu lorsque, en 1662, madame de Sévigné revint
-à Paris, après avoir passé en Bretagne les six premiers
-mois qui suivirent l'arrestation de Fouquet. Cette réconciliation
-fut sincère de part et d'autre, et cimentée par
-un échange mutuel de bons offices<a id="FNanchor_615" href="#Footnote_615" class="fnanchor">&nbsp;[615]</a>. Bussy, dont les
-affaires étaient toujours en désordre, ayant eu besoin
-(en 1663) d'une somme de quatre mille livres pour se
-rendre au camp de Marsal, les trouva dans la bourse de
-sa cousine. Ils se virent ensuite familièrement en Bourgogne,
-car il y a lieu de présumer que ce fut au commencement
-de l'année 1664 que Bussy se rendit dans sa terre pour
-y recevoir le maréchal Duplessis-Praslin, qui allait à Lyon
-prendre le commandement de l'armée d'Italie<a id="FNanchor_616" href="#Footnote_616" class="fnanchor">&nbsp;[616]</a>; madame
-de Sévigné les reçut tous deux dans son château de Bourbilly,
-où alors elle se trouvait<a id="FNanchor_617" href="#Footnote_617" class="fnanchor">&nbsp;[617]</a>. Quoi qu'il en soit, il est
-certain que ce fut au retour d'un voyage fait en Bourgogne
-que Bussy et madame de Sévigné revinrent mutuellement
-charmés l'un de l'autre; c'est à cette époque que
-leur liaison reprit ce caractère d'intimité qui leur rappelait
-à tous deux les belles années de leur jeunesse<a id="FNanchor_618" href="#Footnote_618" class="fnanchor">&nbsp;[618]</a>.</p>
-
-<p>Cet heureux temps ne fut pas de longue durée. Le manuscrit
-<span class="pagenum"><a id="Page_364"> 364</a></span>
-de l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, qui fut prêté à
-la marquise de La Baume, contenait le portrait de madame
-de Sévigné, soit qu'il n'eût jamais été retranché de l'ouvrage,
-soit, comme le prétend Bussy, qu'après avoir été déchiré,
-et non pas brûlé, en présence de la marquise de Monglat
-et de son mari, ce dernier en eût ensuite ramassé et
-rejoint les morceaux, et en eût fait faire une copie que
-Bussy voulut revoir, et qu'il eût la faiblesse de prêter à la
-marquise de La Baume, dont il ne pouvait prévoir la trahison<a id="FNanchor_619" href="#Footnote_619" class="fnanchor">&nbsp;[619]</a>.
-Ce qu'il y a de certain, c'est que madame de Sévigné
-fut à peine de retour à Paris, qu'on la prévint que Bussy
-la trompait; qu'il n'avait point détruit le portrait satirique
-qu'il avait fait d'elle; on assurait même l'avoir vu entre les
-mains de la marquise de La Baume. Madame de Sévigné
-n'ajouta aucune foi aux bruits qui couraient à cet égard.
-Elle crut que c'était une invention des ennemis de Bussy,
-devenus nombreux et implacables depuis qu'il circulait
-des copies de son scandaleux libelle. Mais il fallut bien se
-rendre à l'évidence lorsque l'ouvrage fut imprimé. Madame
-de Sévigné eut le c&oelig;ur navré d'une telle perfidie. Aussitôt
-qu'elle eut vu le livre, convaincue par ses propres yeux
-qu'on lui avait dit la vérité, elle en parla à Bussy, qu'elle
-rencontra avec toute la cour chez <span class="small1">Monsieur</span>, au Palais-Royal.
-Bussy resta d'abord interdit par la vivacité de ses
-reproches; mais ensuite il chercha à lui persuader qu'il
-avait réellement retranché de son ouvrage les passages
-qui la concernaient, et qu'il fallait que depuis ils eussent
-été rétablis de mémoire par celle qui avait voulu se venger
-de lui, en livrant à l'impression ce qu'il ne lui avait
-communiqué que sous le sceau du secret. Madame de Sévigné
-<span class="pagenum"><a id="Page_365"> 365</a></span>
-ne fut pas dupe des mensonges de son cousin. Dès
-ce moment il ne lui fut plus possible d'avoir confiance en
-lui, ni d'être pour lui ce qu'elle avait été.</p>
-
-<p>Cependant, ce fut presque aussitôt après cette explication
-que Bussy fut mis à la Bastille. On sut que la publication
-de son ouvrage était la principale cause de son
-arrestation, et que cette publication était due à la trahison
-de la marquise de La Baume, avec laquelle il s'était
-brouillé<a id="FNanchor_620" href="#Footnote_620" class="fnanchor">&nbsp;[620]</a>. Madame de Sévigné n'eut plus le même ressentiment
-contre Bussy dès qu'elle le sut malheureux: elle
-envoya s'informer de sa santé; mais il paraît qu'on n'eut
-pas soin d'instruire le prisonnier de ces marques d'intérêt
-qui lui étaient données par sa cousine. On lui dit, au
-contraire, que, très-animée contre lui, elle se répandait
-en plaintes amères sur l'indignité de ses procédés. Il n'en
-était rien: madame de Sévigné ne parlait de Bussy qu'avec
-attendrissement, et pour exprimer la peine qu'elle
-éprouvait de le savoir captif. Elle rompit tout commerce
-avec la marquise de La Baume<a id="FNanchor_621" href="#Footnote_621" class="fnanchor">&nbsp;[621]</a>, condamna hautement sa
-conduite, et soutint qu'une femme ne doit jamais chercher
-à se venger des injures qui lui sont faites, parce que pour
-atteindre ce but il faut qu'elle abdique cette vertu du c&oelig;ur
-qui est le plus bel attribut de son sexe, la bonté. Bussy, qui,
-malgré la haute opinion qu'il avait de sa cousine, ne connaissait
-pas toute sa grandeur d'âme, ajouta foi aux rapports
-mensongers qui lui étaient faits. Madame de Sévigné
-ne fut donc point au nombre des personnes avec lesquelles
-il chercha à se mettre en communication dans sa prison.
-Il ne la pria point d'intercéder en sa faveur, et préféra
-<span class="pagenum"><a id="Page_366"> 366</a></span>
-s'adresser pour cet objet à madame de Motteville, avec
-laquelle il était lié d'une manière bien moins intime<a id="FNanchor_622" href="#Footnote_622" class="fnanchor">&nbsp;[622]</a>.</p>
-
-<p>Cependant, lorsque Bussy sortit de la Bastille, la première
-personne qui vint le voir chez Dalancé, ce fut
-madame de Sévigné. Cette visite, à laquelle il ne s'attendait
-pas, lui fit un plaisir extrême, malgré les torts qu'il
-supposait à sa cousine; il en avait envers elle de si graves,
-qu'il n'osa pas lui faire des reproches. Il évita donc avec
-soin une explication; madame de Sévigné, qui croyait
-n'avoir pas besoin d'en donner, n'en provoqua aucune.
-Ils se séparèrent avec les dehors d'une apparente cordialité
-et les sentiments d'une défiance réciproque<a id="FNanchor_623" href="#Footnote_623" class="fnanchor">&nbsp;[623]</a>.</p>
-
-<p>Telles étaient leurs dispositions l'un envers l'autre lorsque
-leur correspondance recommença; mais ce fut d'abord,
-comme on va le voir, lentement et péniblement.</p>
-
-<p>Bussy, retiré dans sa terre, où il resta exilé pendant
-dix-sept ans, écrivit le premier à sa cousine une lettre affectueuse
-et galante<a id="FNanchor_624" href="#Footnote_624" class="fnanchor">&nbsp;[624]</a>. Il venait de visiter le château de
-Bourbilly, et se rappelait avec tristesse la dernière et aimable
-réception que sa cousine lui avait faite dans ce séjour.</p>
-
-<p>«Je fus hier à Bourbilly, dit-il; jamais je n'ai été si
-surpris, ma belle cousine. Je trouvai cette maison belle;
-et quand j'en cherchai la raison, après le mépris que
-j'en avais fait il y a deux ans, il me sembla que cela
-venait de votre absence. En effet, vous et mademoiselle
-de Sévigné enlaidissez ce qui vous environne; et vous
-fîtes ce tour-là il y a deux ans à votre maison. Il n'y a
-<span class="pagenum"><a id="Page_367"> 367</a></span>
-rien de si vrai; et je vous donne avis que si vous la vendez
-jamais, vous fassiez ces marchés par procureur; car
-votre présence en diminuerait le prix. En arrivant, le
-soleil, qu'on n'avait pas vu depuis deux jours, commença
-à paraître, et lui et votre fermier firent bien les honneurs
-de la maison: celui-ci en me faisant une bonne collation,
-et l'autre en dorant toutes les chambres que les
-Christophle<a id="FNanchor_625" href="#Footnote_625" class="fnanchor">&nbsp;[625]</a> et les Guy<a id="FNanchor_626" href="#Footnote_626" class="fnanchor">&nbsp;[626]</a>, s'étaient contentés de tapisser
-de leurs armes. J'y étais allé en famille, qui fut aussi
-satisfaite de cette maison que moi. Les Rabutins vivants,
-voyant tant d'écussons, s'estimèrent encore davantage,
-connaissant par là ce que les Rabutins morts faisaient de
-cette maison.»</p>
-
-<p>Madame de Sévigné était en Bretagne, à sa terre des
-Rochers, qu'elle s'occupait à agrandir et à embellir, lorsqu'elle
-reçut cette lettre de son cousin. Elle ne mit pas
-beaucoup d'empressement à répondre. Elle attendit l'époque
-de son retour à Paris. Sa réponse est du 20 mai
-1667, c'est-à-dire postérieure de quatre mois et demi à
-la lettre que Bussy lui avait écrite. Elle excuse, mais assez
-mal, ce long retard<a id="FNanchor_627" href="#Footnote_627" class="fnanchor">&nbsp;[627]</a>. Bussy lui en fait de légers reproches<a id="FNanchor_628" href="#Footnote_628" class="fnanchor">&nbsp;[628]</a>.
-Madame de Sévigné répondit encore; mais comme
-nous n'avons pas sa lettre, nous ne pouvons juger si Bussy
-fut mécontent de ce qu'elle avait de nouveau trop tardé à
-lui écrire, ou s'il fut peu satisfait des choses qu'elle lui avait
-<span class="pagenum"><a id="Page_368"> 368</a></span>
-écrites: ce qui est certain, c'est qu'il suspendit alors sa
-correspondance avec elle. Dans sa dernière lettre, cependant,
-il avait montré la plus entière confiance dans sa cousine;
-il lui avait fait part de ses affaires, il lui avait envoyé
-copie de toutes les lettres qu'il avait adressées au roi.</p>
-
-<p>Madame de Sévigné fut étonnée du long silence de
-Bussy à son égard, et désira y mettre fin. Soit qu'elle se
-reprochât d'y avoir donné lieu en tardant trop à lui répondre,
-soit qu'elle se repentît de la manière dont elle
-lui avait répondu, soit par toute autre cause, elle se décida
-à lui écrire de nouveau. Dans sa lettre en date du 6
-juin 1668, lettre très-courte mais très-significative, elle
-rappelle à son cousin que c'est elle qui lui a écrit la dernière;
-qu'elle a de trop légitimes sujets de plaintes contre
-lui pour qu'il en ajoute de nouveaux en la négligeant.</p>
-
-<p>Alors commence une longue explication, que quelques
-mots dits chez Dalancé auraient rendue inutile; mais
-nous ne devons point regretter que ces mots n'aient point
-été prononcés, car nous n'aurions pas les lettres qui nous
-font le mieux connaître le noble caractère de madame de
-Sévigné.</p>
-
-<p>La défense de Bussy contre la trop juste accusation
-que lui intente sa cousine est un chef-d'&oelig;uvre d'adresse.
-Il commence d'abord par faire l'éloge de son accusatrice,
-et il accompagne cet éloge de phrases pleines de tendresse
-et de galanterie. Il avoue qu'il a été bien coupable;
-mais du moins les remords de sa faute ont été sincères,
-tandis que sa cousine ne paraît pas avoir fait franchement
-le sacrifice de son ressentiment, et qu'elle semble
-même se repentir de lui avoir pardonné<a id="FNanchor_629" href="#Footnote_629" class="fnanchor">&nbsp;[629]</a>. Il lui rappelle
-<span class="pagenum"><a id="Page_369"> 369</a></span>
-que lorsqu'ils étaient encore brouillés, il prit sa défense
-contre ses calomniateurs, et qu'au contraire elle l'a
-abandonné lorsqu'il était accablé par ses ennemis: «Ces
-changements, dit-il, sont étranges en vous, car vous
-êtes pleine de douceur et d'amitié pour moi: seulement,
-vous n'avez pas la force de résister à la mode, et je n'y
-suis plus: voilà mon malheur.»</p>
-
-<p>Madame de Sévigné ne fit point d'abord de réponse à
-cette lettre, ce qui laissa le temps à son cousin de lui en
-écrire une autre, très-courte, six semaines après<a id="FNanchor_630" href="#Footnote_630" class="fnanchor">&nbsp;[630]</a>. Dans
-celle-ci, Bussy demande à madame de Sévigné de le recommander
-à un conseiller rapporteur dans un procès
-qu'il avait au grand conseil, si toutefois elle ne craint pas
-de se compromettre en témoignant de l'intérêt pour un
-homme tombé en disgrâce.</p>
-
-<p>Alors madame de Sévigné n'y peut tenir, elle éclate;
-et dans une longue lettre, écrite avec une éloquente impétuosité,
-elle accable son cousin de toute la puissance et
-de toute la force de la vérité, et termine, sans aigreur,
-par les assurances de sa tendresse, exprimées de la manière
-la plus vive et la plus aimable.</p>
-
-<p>Elle commence cette lettre remarquable en lui disant<a id="FNanchor_631" href="#Footnote_631" class="fnanchor">&nbsp;[631]</a>:</p>
-
-<p>«Mon cousin, apprenez de moi que ce n'est pas la mode
-de m'accuser de faiblesse pour mes amis. J'en ai beaucoup
-d'autres, comme dit madame de Bouillon, mais je
-n'ai pas celle-là. Cette pensée n'est que dans votre tête;
-et j'ai fait ici mes preuves de générosité sur le sujet des
-disgraciés, qui m'ont mise en honneur dans beaucoup de
-bons lieux, que je vous dirais bien si je voulais. Je ne
-<span class="pagenum"><a id="Page_370"> 370</a></span>
-crois donc pas mériter ce reproche: il faut que vous rayiez
-cet article sur le mémoire de mes défauts... Mais venons
-à vous.»</p>
-
-<p>Elle y vient en effet; et c'est pour lui montrer toutes
-les contradictions, les absurdités dans lesquelles lui,
-homme d'esprit, était tombé, par l'impossibilité de se justifier
-autrement que par des impostures. Elle réfute les
-sophismes par lesquels il a voulu rejeter sur elle des torts
-qui étaient les siens; elle déjoue toutes les ruses de son
-esprit, et le poursuit dans tous les subterfuges de sa conscience;
-puis, certaine qu'il ne peut rien opposer à l'évidence
-des faits, à la force des arguments, elle termine
-ainsi:</p>
-
-<p>«Voilà ce que je voulais vous dire une fois en ma vie,
-en vous conjurant d'ôter de votre esprit que ce soit moi
-qui ait tort. Gardez ma lettre, et la relisez, si jamais la
-fantaisie vous prenait de le croire; et soyez juste là-dessus,
-comme si vous jugiez d'une chose qui se fût passée entre
-deux autres personnes: que votre intérêt ne vous fasse
-pas voir ce qui n'est pas. Avouez que vous avez cruellement
-offensé l'amitié qui était entre nous, et je suis désarmée.
-Mais de croire que si vous répondez, je puisse
-jamais me taire, vous auriez tort, car ce m'est impossible.
-Je verbaliserai toujours; au lieu d'écrire en deux mots,
-comme je vous l'avais promis, j'écrirai en deux mille; et
-enfin j'en ferai tant par des lettres d'une longueur cruelle
-et d'un ennui mortel, que je vous obligerai, malgré vous,
-à me demander pardon, c'est-à-dire à me demander la
-vie. Faites-le donc de bonne grâce.»</p>
-
-<p>Bussy pourtant ne voulut pas accepter tout ce que
-cette lettre avait d'accablant pour lui. Dans une réponse
-très-longue, et qui commence sur le ton le plus sérieux
-<span class="pagenum"><a id="Page_371"> 371</a></span>
-et le plus froid<a id="FNanchor_632" href="#Footnote_632" class="fnanchor">&nbsp;[632]</a>, il cherche par de nouvelles explications
-à démontrer que si les torts qu'il a eus ont été les plus
-graves, ce n'est pas une raison pour donner à sa cousine
-le droit de penser qu'elle n'en a eu aucun. Toute sa lettre
-se résume par les paroles suivantes, qui étaient sincères,
-et qui même, dans l'accusation qu'elles renferment, n'étaient
-pas dénuées de vérité<a id="FNanchor_633" href="#Footnote_633" class="fnanchor">&nbsp;[633]</a>:</p>
-
-<p>«Je vous avoue que j'ai mille fois plus de torts que
-vous, parce que ma représaille a été plus forte que l'offense
-que vous m'aviez faite, et que je ne devais pas
-m'emporter si fort contre une jolie femme comme vous,
-ma proche parente, et que j'avais toujours bien aimée:
-pardonnez-moi donc, ma cousine, et oublions le passé au
-point de ne nous en souvenir jamais. Quand je serai persuadé
-de votre bonne foi dans votre retour pour moi, je
-vous aimerai mille fois plus que je n'ai jamais fait; car,
-après avoir ce qu'on appelle tourné et viré, je vous
-trouve la plus agréable femme de France.»</p>
-
-<p>Madame de Sévigné n'ignorait pas que pour mieux
-convaincre il faut quelquefois ne pas montrer trop d'empressement
-à le faire, et qu'on a plus de facilité à détruire
-une opinion quand la chaleur de l'esprit est refroidie
-et laisse au jugement toute sa liberté. Au lieu donc de répondre
-à son cousin sur ce que renfermait sa dernière
-lettre, elle se contenta de lui en accuser réception, promettant
-d'y faire de longues apostilles quand elle en aura
-le loisir. Pour le moment elle lui demande les copies des
-titres de la maison de Rabutin, pour M. de Caumartin,
-qui s'occupe de mettre en ordre les preuves de noblesse
-<span class="pagenum"><a id="Page_372"> 372</a></span>
-relatives aux familles de la province: «Ne manquez
-pas à cela, lui dit-elle: il y va de l'honneur de notre maison;
-on ne peut être plus vive sur cela que je le suis.
-Adieu, faites réponse à ceci; je vous écrirai plus à loisir<a id="FNanchor_634" href="#Footnote_634" class="fnanchor">&nbsp;[634]</a>.»</p>
-
-<p>Bussy transmet à sa cousine les pièces qu'elle réclame<a id="FNanchor_635" href="#Footnote_635" class="fnanchor">&nbsp;[635]</a>,
-et en même temps il montre une grande impatience de
-recevoir son commentaire à la dernière lettre qu'il lui a
-écrite.</p>
-
-<p>Enfin arrive la réponse de madame de Sévigné à cette
-lettre de son cousin<a id="FNanchor_636" href="#Footnote_636" class="fnanchor">&nbsp;[636]</a>, cette <i>duplique</i> à la réplique,
-comme elle l'appelle plaisamment. Elle insiste cette fois,
-plus fortement que la première, pour prouver qu'elle n'a
-pas eu les premiers torts, et elle entre à cet égard dans
-de grandes explications; peut-être parce que c'était là le
-point le plus difficile de la cause. Il lui était impossible
-de trouver l'argent que lui avait demandé Bussy, «à moins,
-dit-elle, de l'aller prendre dans la bourse du surintendant,
-où je n'ai rien voulu chercher ni trouver. Ensuite elle
-remet dans tout son jour, mais avec gaieté, et dans un style
-tout différent de celui de sa première lettre, toute la
-cruauté, tout l'odieux des procédés de Bussy à son égard,
-qui après un raccommodement, après qu'elle s'était remise
-avec lui de bonne foi, l'avait livrée sans pitié aux
-brigands, «c'est-à-dire, dit-elle, à madame de La Baume.
-Ne me dites point que c'est la faute d'un autre, cela
-n'est point vrai; c'est la vôtre purement: c'est sur
-cela que je vous donnerais un beau soufflet, si j'avais
-<span class="pagenum"><a id="Page_373"> 373</a></span>
-l'honneur d'être près de vous, et que vous me vinssiez
-conter ces lanternes.» Afin d'adoucir tout le mordant de
-ses arguments, elle termine en disant: «Adieu, comte;
-je suis lasse d'écrire, et non pas de lire tous les endroits
-tendres et obligeants que vous avez semés dans votre
-lettre<a id="FNanchor_637" href="#Footnote_637" class="fnanchor">&nbsp;[637]</a>.»</p>
-
-<p>Bussy voulut ne pas avoir l'air de se montrer assez
-peu galant, de continuer une discussion où sa cousine
-voulait avoir le dernier: il commence sa réponse par
-déclarer que, sans même demander à capituler, il se rend
-à discrétion. «On ne peut pas être moins capable de triplique
-que je le suis, ma belle cousine: pourquoi m'y
-voulez-vous obliger? Je me suis rendu dans la réplique
-que je vous ai faite; je vous ai demandé la vie. Vous me
-voulez tuer à terre, et cela est un peu inhumain. Je ne
-pensais pas que vous vous mêlassiez, vous autres belles,
-d'avoir de la cruauté sur d'autres chapitres que celui de
-l'amour. Cessez donc, petite brutale, de vouloir souffleter
-un homme qui se jette à vos pieds et qui vous avoue sa
-faute, et qui vous prie de la lui pardonner. Si vous n'êtes
-pas encore contente des termes dont je me sers en cette
-rencontre, envoyez-moi un modèle de la satisfaction que
-vous souhaitez, et je vous la renverrai écrite et signée de
-ma main, contre-signée d'un secrétaire, et scellée du
-sceau de mes armes. Que vous faut-il davantage<a id="FNanchor_638" href="#Footnote_638" class="fnanchor">&nbsp;[638]</a>?»</p>
-
-<p>«Levez-vous, comte, dit madame de Sévigné dans sa
-réponse à cette dernière lettre de Bussy, je ne veux point
-vous tuer à terre; ou reprenez votre épée, pour recommencer
-<span class="pagenum"><a id="Page_374"> 374</a></span>
-le combat. Mais il vaut mieux que je vous donne
-la vie et que nous vivions en paix<a id="FNanchor_639" href="#Footnote_639" class="fnanchor">&nbsp;[639]</a>.»</p>
-
-<p>Ainsi finit cette explication; les résultats en furent
-heureux. Par là madame de Sévigné et Bussy se purgèrent
-de toutes ces humeurs rancuneuses, de toutes ces
-réticences qui sont mortelles en amitié. En même temps,
-le désir qu'ils avaient de se plaire et de renouer leur correspondance
-les porta à adoucir les reproches qu'ils s'adressaient,
-par des éloges si flatteurs et des protestations
-si affectueuses, qu'ils restèrent pleinement rassurés sur
-les dispositions où ils se trouvaient l'un envers l'autre.
-Les restes d'animosité et de défiance qu'ils avaient conservés
-se dissipèrent. Si l'intimité de leur commerce fut
-quelquefois troublée par de légers nuages, du moins elle
-n'éprouva plus d'interruption; leur correspondance redevint
-fréquente et active; et les liens de parenté, le voisinage
-de leurs terres, l'admiration qu'ils avaient l'un pour
-l'autre, tout leur fit un besoin de se communiquer leurs
-pensées: ce besoin devint une habitude que la mort seule
-eut le pouvoir de rompre.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_375"> 375</a></span></p>
-
-<p class="space">Nous finissons ici cette seconde partie des Mémoires
-sur madame de Sévigné. Celles qui suivent resteront peut-être
-encore longtemps entre les mains de leur auteur, si
-nous nous déterminons à les mettre au jour. Il y a plus de
-dix ans que nous avons composé et achevé cet ouvrage.
-Un motif qui paraîtrait bien léger, mais qui est pour nous
-d'un grand poids, nous a engagé à donner nos soins à
-la publication de ces deux volumes, lorsque tout concourait
-à nous écarter d'un tel travail, et que nous éprouvions
-une extrême répugnance à soumettre au jugement
-du public une production étrangère aux travaux qui nous
-occupent exclusivement. Ce qui doit nous servir d'excuse,
-c'est que ces deux parties forment un tout distinct, et
-ont une utilité spéciale. En effet:</p>
-
-<p>Dans la première partie prenant madame de Sévigné
-au berceau, nous l'avons montrée recevant la plus heureuse
-éducation, sans qu'il en coûtât aucun sacrifice aux
-moindres joies de son enfance; puis au sein des richesses
-goûtant d'abord tout le bonheur et éprouvant ensuite
-toutes les peines de l'état conjugal; veuve, enfin, et encore
-jeune et belle, sachant, au milieu de la plus effroyable
-licence, se conserver pure, quoique sans cesse assiégée
-par les plus dangereuses séductions.</p>
-
-<p>Dans la seconde partie on a vu madame de Sévigné,
-femme aimable et mère héroïque, se consacrer à l'éducation
-de ses enfants sans rompre avec le monde, sans fuir
-les hommages que ses charmes et les grâces de son esprit
-lui attiraient. L'histoire de son siècle, celle des personnages
-qui lui furent attachés par les liens du sang ou de
-l'amitié, ou que subjugua une plus forte passion; la description
-<span class="pagenum"><a id="Page_376"> 376</a></span>
-des m&oelig;urs et des habitudes des temps qu'elle a
-traversés, nous ont occupé autant qu'elle-même; de
-sorte que ces deux parties forment, nous le croyons, une
-introduction complète à ce recueil des lettres que nous
-devons aux besoins de son c&oelig;ur maternel, en proie aux
-tourments de l'absence. Lorsque ce recueil parut, on ne
-le considéra que comme une &oelig;uvre littéraire, que comme
-une longue et charmante causerie, qui offrait un parfait
-modèle du style épistolaire; mais un des hommes les plus
-spirituels de cette époque, qui avait vu finir le grand
-siècle, écrivait, après en avoir achevé la lecture:</p>
-
-<p>«Je n'ai jamais eu l'imagination aussi frappée: il m'a
-semblé que d'un coup de baguette, comme par magie,
-elle avait fait sortir cet ancien monde, que nous avons
-vu si différent de celui-ci, pour le faire passer en revue
-devant moi<a id="FNanchor_640" href="#Footnote_640" class="fnanchor">&nbsp;[640]</a>.»</p>
-
-<p>Cet ancien monde est encore bien plus différent du
-nôtre que celui du milieu du dix-huitième siècle, dont il
-est fait mention dans la lettre du duc de Villars-Brancas,
-que nous venons de citer; mais les vives peintures que
-madame de Sévigné en a tracées, obscurcies par le
-temps, ont besoin, pour reprendre tout leur éclat, qu'une
-main réparatrice en fasse ressortir les curieux détails et
-les principales figures, et nous montre combien les tableaux
-dont ils font partie sont féconds en instructions
-historiques.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_377"> 377</a></span></p>
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_378"> 378</a></span></p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_379"> 379</a></span></p>
-<div class="topspace eclair">
-<p><span class="xlarge">NOTES</span><br />
-<span class="xs">ET</span><br />
-<span class="large">ÉCLAIRCISSEMENTS.</span></p>
-</div>
-
-<div class="chapter">
-<p class="extra"><span class="xxlarge">NOTES</span><br />
-<span class="xs">ET</span><br />
-<span class="xlarge">ÉCLAIRCISSEMENTS.</span></p>
-<hr class="tb" />
-<span class="xlarge">PREMIÈRE PARTIE.</span>
-<hr class="tb" />
-<span class="large">CHAPITRE PREMIER.</span>
-</div>
-
-<p class="pnote">Page 3, ligne 25: Le pain des pauvres.</p>
-
-<p>Il faut remarquer que ce ne fut que longtemps après la mort de madame
-de Sévigné que Fremyot de Chantal fut déclarée sainte. Elle fut
-d'abord béatifiée par les filles entre les bras desquelles elle mourut.
-Cette béatification fut confirmée par le pape en 1751; mais sainte
-Chantal ne fut canonisée qu'en 1767, le 16 juillet.</p>
-
-<p class="pnote">Page 7, ligne 7: Ce fut le célèbre Cromwell.</p>
-
-<p>Tout ce que nous savons du fameux Cromwell à l'époque du combat
-de l'île de Ré semble réfuter la supposition qu'il s'y soit trouvé.
-Le nom de Cromwell n'est pas rare en Angleterre; peut-être le guerrier
-qui blessa mortellement le baron de Chantal portait-il ce nom,
-et cela aura occasionné une méprise. Les Anglais furent ensuite repoussés
-de l'île de Ré par Toiras. Cotin a célébré ce succès dans un
-cantique. Voyez <i>Poésies chrétiennes</i> de l'abbé Cotin, 1668, in-12,
-pages 112 à 118.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE II.</p>
-
-<p class="pnote">Page 10, ligne 5: Le joli village de Sucy.</p>
-
-<p>Ce nom est écrit <i>Sussy</i> sur la plupart des cartes, et on l'avait
-<span class="pagenum"><a id="Page_380"> 380</a></span>
-converti en <i>Sully</i> dans plusieurs éditions des lettres de madame
-de Sévigné, ce qui a causé beaucoup du méprises de la part des
-éditeurs.</p>
-
-<p class="pnote">Page 10, ligne 7: Emmanuel y était né.</p>
-
-<p>Pour preuve du lieu de naissance de Coulanges, on peut conférer
-à l'endroit cité les vers qu'il adresse à un vieux lit de famille retrouvé
-à Sucy, et qui commencent ainsi:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Enfin je vous revois, vieux lit de damas vert;</p>
-<p>Je vous revois, vieux lit si chéri de mes pères,</p>
-<p class="i2"> Où jadis toutes mes grand'mères,</p>
-<p>Lorsque Dieu leur donnait d'heureux accouchements,</p>
-<p>De leur fécondité recevaient compliments.</p>
-</div></div>
-
-<p>Coulanges était né en 1631.</p>
-
-<p class="pnote">Page 14, ligne 11-16.</p>
-
-<p>Nous avons plusieurs portraits gravés de madame de Sévigné; un
-des moins ressemblants, ou plutôt un des plus certainement faux est
-celui qui est dans la meilleure édition de ses lettres, 1<sup>re</sup> et 2<sup>e</sup> édit. de
-M. Monmerqué, 1818 et 1820, in-8<sup>o</sup>. Un des meilleurs est celui qui
-est dans l'édition de Simart, 1734; il est gravé par Jacques Chereau,
-et pour un âge plus avancé que celui qui a été gravé par
-Edelinck, d'après un pastel de Nanteuil. Conférez la notice qui est
-à la fin de ce volume <i>sur les différents portraits de madame de
-Sévigné</i>.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE IV.</p>
-
-<p class="pnote">Page 31, ligne 27: Polie sans affectation.</p>
-
-<p>Huet s'exprime sur madame de Rambouillet exactement comme
-Fléchier: <i>Maxima erat hoc tempore Rambullietanæ domus celebritas,
-quam magnopere exornaverat Catharina Vivonnæa, marchione
-Rambullieto pridem viduata, primaria femina natalibus,
-ita animis et moribus vere Romana</i>.&mdash;Huetii <i>Commentarius de
-rebus ad eum pertinentibus</i>, p. 212.</p>
-
-<p class="pnote">Page 35, ligne 14: Durant le temps de leur règne.</p>
-
-<p>Balzac écrivait à Conrart: «Votre mauvaise santé vous permet-elle
-de fréquenter souvent le temple des Muses, de l'Honneur et de
-<span class="pagenum"><a id="Page_381"> 381</a></span>
-la Vertu? (C'est le nom que je donne d'ordinaire à l'hôtel Rambouillet.)
-La déesse qui y préside est-elle toujours favorable à vos v&oelig;ux?»
-<i>Lettre de Balzac à Conrart</i>, p. 26. Et encore: «Je n'écris pas à
-madame la marquise de Rambouillet, mais je ne laisse pas d'être
-toujours un de ses dévots, et d'avoir la vénération que les hommes
-doivent aux choses divines.» Ibid., p. 215. La Mesnardière, dans son
-<i>Hymne sur les plus belles connaissances de la nature</i>, Poésies,
-Paris, 1656, in-folio, p. 89, compare la marquise de Rambouillet
-aux astres, et il la nomme l'arbitre du destin; il ne croit pas, après
-tant de louanges, lui en donner une plus grande que de lui dire
-qu'elle a enfanté Julie:</p>
-
-<p class="quote">Sang des héros de France et des dieux d'Italie,<br />
-Et, pour comble d'honneur, la mère de Julie.</p>
-
-<p>Voyez encore à ce sujet la dédicace du troisième acte de la <i>traduction
-du Berger fidèle</i>, 1665, in-12, et la troisième partie de
-ces <i>Mémoires</i>, p. 455.</p>
-
-
-<p class="echap">CHAPITRE V.</p>
-
-<p class="pnote">Page 38, ligne 3 du texte: Les rideaux de soie bleue.</p>
-
-<p>Sauval a décrit très en détail l'hôtel que madame de Rambouillet
-fit construire avec une si parfaite intelligence des distributions intérieures,
-avec tant de goût et d'élégance dans l'architecture, que cet
-hôtel devint un modèle pour les constructions de même nature. Sauval
-mourut en 1670. Son ouvrage n'a été imprimé que cinquante-quatre
-ans après, en 1724. L'emphase qu'il met dans quelques-uns
-de ses écrits lui attira un sarcasme de Boileau. Voyez satire <span class="small1">VII</span>, t. I,
-p. 175, édit. de Saint-Surin. Si ce défaut existait dans ses <i>Recherches
-sur Paris</i>, ses éditeurs l'ont fait disparaître. L'ouvrage de
-Sauval a aussi été lu et revu en manuscrit non-seulement par Colbert,
-mais aussi par Costar, Pellisson et le père Le Long.</p>
-
-<p>C'est dans la chambre bleue de l'hôtel de Rambouillet que Voiture
-demandait, dans sa lettre à mademoiselle de Bourbon, qu'il lui fût
-dressé un pavillon de gaze, où il serait servi et traité magnifiquement
-par deux demoiselles, en réparation du tort qu'on lui avait fait.</p>
-
-<p>Dans tout le cours de la description que donne Sauval de l'hôtel
-de Rambouillet, il se conforme à l'usage galant et respectueux de son
-temps: il n'a désigné madame de Rambouillet que par le nom d'Arthénice,
-<span class="pagenum"><a id="Page_382"> 382</a></span>
-anagramme de celui de Catherine, qui était le sien. Segrais,
-secrétaire de <i>Mademoiselle</i>, fille de Gaston d'Orléans, habitué au
-Luxembourg, où il logeait, s'étonnait de ne pouvoir parvenir auprès
-de madame de Rambouillet que par «une enfilade de pièces, d'antichambres,
-de chambres et de cabinets.» Voyez Segrais, <i>&OElig;uvres</i>,
-1755, t. I, p. 20.</p>
-
-<p>La position précise de l'hôtel de Rambouillet dans la rue Saint-Thomas
-du Louvre n'a été indiquée par aucun des auteurs qui ont
-écrit sur Paris. Le plan de Berey dressé en 1654 nous jetterait à cet
-égard dans l'erreur, parce qu'il fait par son dessin une confusion de
-l'hôtel de Rambouillet et de celui de Chevreuse, et que le nom du premier
-hôtel est placé après celui de Chevreuse, et plus près de la rue
-du Doyenné. Mais ce plan est bien inférieur à celui de Gomboust, levé
-et dressé géométriquement, sous l'inspection de Petit, directeur des
-fortifications de Paris. Sur ce plan, l'on trouve que l'hôtel de Rambouillet
-touche à l'hôtel de Chevreuse, mais est plus rapproché de la
-place du Palais-Royal; cet hôtel touche aux Quinze-Vingts, hospice qui
-bordait la place du Palais-Royal. Le Jardin de Rambouillet avait pour
-mur mitoyen, sur le derrière, le petit enclos qui formait le cimetière
-des Quinze-Vingts. Sur le plan de Paris de Buillet, dressé en 1676,
-toute la partie de l'enclos des Quinze-Vingts sur la rue Saint-Thomas
-du Louvre est pointillé comme consistant en maisons jusqu'à l'hôtel
-de Longueville, le seul hôtel qui y soit marqué. L'hôtel de Rambouillet,
-qui alors portait le titre d'hôtel de Montausier, n'y est point
-marqué. On n'y trouve nommé que l'hôtel de Longueville, qui allait
-de la rue Saint-Thomas du Louvre à la rue Saint-Nicaise; mais c'est
-une omission qu'on a réparée dans une nouvelle édition de ce plan,
-corrigé par Jaillot en 1707. On trouve sur ce plan rectifié l'hôtel de
-Rambouillet parfaitement bien dessiné, à côté de l'hôtel Longueville,
-avec l'élévation des bâtiments, la cour, le parterre. Dans le plan en détail
-de Lacaille, 1714, in folio (quartier du Palais-Royal, pl. <span class="small1">XI</span>), on
-lit la description de l'hôtel de Rambouillet, imprimée derrière la
-planche. Sur le plan dit de Turgot, en perspective, et terminé en 1739,
-on voit cet hôtel dessiné; mais le jardin semble déjà occupé par d'autres
-constructions, et ce plan, comme celui de Lacaille, donne des
-constructions particulières, faites sur la rue, et dépendant de l'enclos
-des Quinze-Vingts. L'entrée de cet hospice se trouvait rue Saint-Honoré,
-vis-à-vis la rue de Richelieu, et les rues de Rohan et de Valois
-<span class="pagenum"><a id="Page_383"> 383</a></span>
-en occupent actuellement l'emplacement. Le plan de Turgot nous
-montre rue Saint-Nicaise, entre cette rue et la rue Matignon, près
-de l'hôtel de Créquy et plus près du quai, un assez grand hôtel,
-nommé l'hôtel de Crussol. L'éditeur de la dernière édition de Germain
-Brice, de 1752, t. I, p. 190, s'est trompé; il dit: «que l'hôtel
-Montausier, autrefois l'hôtel de Rambouillet, appartient à présent à
-Jean-Charles de Crussol d'Uzès, et qu'il se nomme hôtel d'Uzès.» Il
-est certain que l'hôtel de Rambouillet porte le nom d'hôtel d'Uzès sur
-le plan de Buillet, revu par Jaillot en 1707; sur celui de Regnard,
-revu par Jaillot en 1717, et sur un plan mauvais de de Fer, de 1692.
-En 1739, les ducs d'Uzès ont dû demeurer à l'hôtel Crussol. Depuis,
-ils ont encore changé de demeure, et ont fait construire, sur
-les dessins de Le Doux, ce magnifique hôtel rue Montmartre, où on
-avait placé l'administration des douanes.</p>
-
-<p>Il y a eu à Paris au moins trois hôtels ou habitations dites de Rambouillet;
-ce qui a causé des confusions et des erreurs dont les historiens
-les plus exacts et les plus savants de la ville de Paris n'ont pas
-toujours su se garantir. On compte d'abord sous ce nom: 1<sup>o</sup> l'hôtel
-de Rambouillet qu'a occupé le marquis de Rambouillet et ses ancêtres,
-qui fut acheté en 1602 par le duc de Merc&oelig;ur, pour agrandir le
-sien. C'est en partie sur l'emplacement de cet hôtel qu'a été construit
-le palais Cardinal, nommé depuis Palais-Royal; 2<sup>o</sup> le marquis de
-Rambouillet a occupé depuis l'hôtel de Pisani ou de son beau-père,
-qui ainsi que nous l'avons expliqué ailleurs, devint le fameux hôtel
-de Rambouillet; 3<sup>o</sup> Enfin, il y avait la maison des quatre pavillons,
-avec le vaste endos de Reuilly, dans le hameau de ce nom, englobé
-depuis dans le faubourg Saint-Antoine, qui, à cause du financier
-Rambouillet de la Sablière, fut quelquefois nommé aussi hôtel Rambouillet.
-Jaillot, trompé par un vice de rédaction qui se trouve dans
-cet endroit de l'ouvrage de Sauval, a confondu les deux premiers hôtels;
-d'autres auteurs ont confondu les deux derniers, et le marquis
-avec le financier. Dans la <i>Description nouvelle de la ville de Paris,
-par M. B***</i> (Germain Brice), imprimée en 1685, l'hôtel de
-Rambouillet porte le nom d'hôtel de Montausier, parce qu'après la
-mort de la marquise de Rambouillet il appartenait au duc de Montausier,
-qui avait épousé Julie d'Angennes, unique héritière des biens
-de la maison de Rambouillet, ses deux frères étant morts, ainsi que
-sa s&oelig;ur madame de Grignan, et les deux s&oelig;urs qui lui restaient s'étant
-faites religieuses.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_384"> 384</a></span>
-L'ouvrage de Colletet, intitulé <i>Ville de Paris</i>, que j'ai cité, quoique
-portant sur le frontispice de mon exemplaire la date de 1689,
-doit être de l'année 1671, puisque le privilége est du mois de juillet
-1671; et même il ne paraît être qu'un livre plus ancien, antérieur
-à 1665, plusieurs fois réimprimé. Ce qui semble prouver qu'on a seulement
-changé le titre, c'est que l'auteur, p. 108, s'exprime ainsi:
-«L'hostel de Rambouillet, rue Saint-Thomas du Louvre, où loge aussi
-M<sup>gr</sup> le duc de Montausier, mon illustre maître et Mécène.» Ceci paraît
-écrit antérieurement à la mort de madame de Rambouillet, lorsque
-son gendre et sa fille demeurèrent avec elle. Quoi qu'il en soit,
-immédiatement après cet article, François Colletet ajoute: «Autre
-hôtel de Rambouillet, au bout du faubourg Saint-Antoine, qui est la
-maison des quatre pavillons.»</p>
-
-<p>Selon Sauval, l'hôtel de Montausier ou de Rambouillet, avant de
-porter le nom de Pisani, avait porté les noms d'O et de Noirmoutier.
-Outre les erreurs commises par ceux qui ont étudié l'ancienne
-topographie de Paris, il y a celles de ceux qui ne la connaissent pas
-du tout, dont je ne parlerai pas. Je remarquerai seulement que
-M. Taschereau, écrivain consciencieux et exact, dans sa <i>Vie de Molière</i>
-(p. 350), introduit encore un nouveau sujet de confusion dont
-personne ne s'était avisé, en affirmant que le célèbre hôtel de Rambouillet
-était situé rue des Fossés-Montmartre, sur l'emplacement des
-maisons 1 et 3; et il cite pour garant la <i>Gazette des Tribunaux</i>,
-du 27 mai 1827. C'est assurément là une des erreurs les plus fortes
-et les plus manifestes que l'on ait commises sur cette matière. J'ignore
-ce qui l'a causée, n'ayant point la <i>Gazette</i> que l'on cite; mais
-je remarquerai qu'il a peut-être encore existé à Paris un quatrième
-hôtel de Rambouillet, indépendamment des trois que j'ai mentionnés;
-car Rambouillet de la Sablière et sa femme n'ont jamais habité
-la maison des quatre pavillons, qui était pour Rambouillet le père
-une maison de plaisance, et non de ville. Il se pourrait donc que la
-maison dont a parlé la <i>Gazette des Tribunaux</i> eût pris le nom
-d'hôtel de Rambouillet d'après Rambouillet de la Sablière, surtout
-dans les derniers temps du siècle de Louis XIV, et lorsque le fameux
-hôtel de Rambouillet avait pris le nom d'hôtel de Montausier. Alors ce
-nom de Rambouillet ne se trouva plus attaché dans Paris et dans ses
-faubourgs qu'à des propriétés appartenant à la famille du financier
-Rambouillet, qui n'avait rien de commun avec celle des d'Angennes
-<span class="pagenum"><a id="Page_385"> 385</a></span>
-ou du marquis de Rambouillet. L'emplacement de l'hôtel où demeurait
-madame de la Sablière serait d'autant plus intéressant à découvrir
-que La Fontaine y a passé vingt ans de sa vie.</p>
-
-<p>On lit dans les <i>Mémoires</i> de Retz, de Motteville, de la Rochefoucauld
-et autres, que le prince de Condé, retiré à Saint-Maur, et le
-duc d'Orléans, qui se trouvait à Paris, se rendirent à Rambouillet
-pour conférer ensemble. Comme ce nom de Rambouillet sans autre
-explication doit s'entendre de la ville qui est à treize lieues de Paris,
-on cherche le motif qui a pu engager ces princes à se transporter
-si loin. Mais les <i>Mémoires</i> de Talon nous expliquent que ce Rambouillet
-était «la maison du jardin de Rambouillet, qui est dans Reuilly,
-hors de la porte Saint-Antoine.» Ce lieu se trouvait effectivement entre
-Saint-Maur et le palais du Luxembourg. (Talon, <i>Mém.</i>, collection de
-Petitot, t. LXII, p. 227 et 235.) Dans le portefeuille XXV de la collection
-intitulée <i>l'Histoire de France par estampes</i>, Bibliothèque du
-Roi, il y a un plan du combat du faubourg Saint-Antoine, entre Condé
-et Turenne, le 2 juillet 1652, où l'on voit ce qu'était ce faubourg de
-Paris à cette époque; on y trouve Reuilly et le clos de Rambouillet,
-avec le plan du jardin. La gravure de ce plan est moderne; mais il
-a été probablement copié sur un plan ancien, dressé pour les campagnes
-de Condé ou de Turenne. Dans l'édition de Germain Brice que
-nous avons citée, il est dit qu'assez proche de l'hôtel d'Uzès on a
-établi depuis fort peu de temps une nouvelle manufacture de fer
-fondu, dont on fait des ouvrages de serrurerie d'une beauté qui n'avait
-point encore paru dans ce genre, sous la conduite de M. de
-Réaumur, de l'Académie des Sciences. Piganiol de la Force, <i>Description
-historique de Paris</i>, 1765, t. II, p. 350, dit aussi que l'hôtel
-de Rambouillet prit le nom d'hôtel Montausier, qu'il a porté jusqu'à
-la mort du duc de Montausier, arrivée en 1690, et qu'après il fut
-appelé hôtel d'Uzès, parce que Marie-Julie de Saint-Maur épousa Emmanuel
-de Crussol, duc d'Uzès. Piganiol dit encore, p. 348, qu'en
-sortant du Palais-Royal, et en entrant dans la rue des Filles-Saint-Thomas,
-on voit l'hôtel d'Uzès. Mais Saint-Foix, dans ses <i>Essais historiques
-sur Paris</i>, t. I, p. 325, dit, en parlant de la rue Saint-Thomas
-du Louvre: «Vers le milieu de cette rue, cette maison bâtie
-de pierres et de briques, qui appartient aujourd'hui à M. Artaud,
-était, il y a cent ans, l'hôtel de Rambouillet, tant célébré par mademoiselle
-de Scudéry et les autres beaux esprits de ce temps-là.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_386"> 386</a></span>
-N'oublions pas de rappeler que l'hôtel de Rambouillet porte le nom
-d'hôtel d'Uzès sur le beau plan de Paris de Buillet, architecte du roi
-et de la ville, en 12 feuilles, augmenté par Jaillot en 1707, et pareillement
-sur un autre plan de Bernard Jaillot, en 4 feuilles, dédié à
-Bignon, prévôt des marchands. Cependant, en 1714, Lacaille, dans
-sa description du plan du quartier du Palais-Royal, ne lui donne pas
-d'autre nom que celui d'hôtel de Rambouillet; ce qui prouve que
-les noms d'hôtel de Montausier, d'hôtel d'Uzès, qui avaient succédé,
-n'avaient pas fait dans l'usage disparaître l'ancien nom. Je remarquerai
-aussi qu'autrefois le côté occidental de la rue Saint-Thomas du
-Louvre s'avançait jusqu'à l'alignement de la rue Saint-Honoré, et
-resserrait, avec le côté oriental de la rue Froidmanteau, qui a gardé
-son prolongement, la place qui est devant le Palais-Royal: cela est
-encore ainsi dans le grand plan de 1739. L'hôtel Rambouillet, situé
-au n<sup>o</sup> 15, où était l'hôtel de Belgique lorsque j'écrivis cette note il y
-a douze ans, occupait donc à peu près le milieu de la rue, comme le
-disent les descriptions, tandis que son emplacement actuel se trouve
-au commencement, parce qu'on a abattu les maisons qui de ce côté
-prolongeaient la rue jusqu'à l'alignement transversal de la rue Saint-Honoré.
-Le plan manuscrit qui fut fait pour l'agrandissement de la
-place du Palais-Royal, en 1719, par le régent, et qui contient toute la
-rue Saint-Thomas du Louvre, existe à la Bibliothèque du Roi, portefeuille
-III des <i>Détails topographiques sur Paris</i>. On y voit qu'entre
-le bout de la rue Saint-Thomas du Louvre, du côté de la rue Saint-Honoré
-et de l'hôtel de Montausier, il y avait six maisons, et que cet
-hôtel resserrait plus l'hôtel de Longueville de ce côté que du côté de
-la rue Saint-Nicaise, et faisait un angle droit enfoncé avec le terrain
-de l'hôtel de Longueville, qui était sur cette rue. Les plans anciens
-prouvent que l'hôtel de Longueville n'avait pas une aussi longue façade
-sur la rue Saint-Thomas du Louvre, et que dans les agrandissements
-qu'il a subis de ce côté il a englobé une partie de l'hôtel de
-Rambouillet.</p>
-
-<p>Il existe un plan gravé <i>de la paroisse royale de Saint-Germain
-l'Auxerrois, fait par les soins du curé de ladite paroisse, en 1698</i>;
-l'hôtel d'Uzès et l'hôtel de Longueville s'y trouvent dessinés, mais
-leur cour intérieure et leur principale entrée sont tracées de sorte
-que ces deux hôtels semblent séparés par des maisons, quoique primitivement
-ils se touchassent. Il y a un autre plan de la même paroisse,
-<span class="pagenum"><a id="Page_387"> 387</a></span>
-plus beau et mieux gravé, intitulé <i>Plan de la paroisse de Saint-Germain
-l'Auxerrois divisé en neuf quartiers</i>, fait par l'ordre
-de M. Labrue, curé de ladite paroisse, en octobre 1730, levé géométriquement
-par M. Faure. Dans toute la rue des Filles-Saint-Thomas,
-on ne voit sur ce plan, qui est très-grand, qu'un seul hôtel: c'est celui
-de Longueville. Mais, comme sur le plan de Turgot, on voit l'hôtel
-Crussol, dans la rue Saint-Nicaise et sur le Carrousel, attenant à l'hôtel
-de Longueville, du côté du quai. Comme l'hôtel de Montausier est
-encore entier sur le plan manuscrit de 1719, c'est entre cette année et
-1739 qu'est l'époque où l'hôtel de Rambouillet a disparu, et fut converti
-en maisons particulières; et que les Crussol, ducs d'Uzès, ont
-été occuper leur nouvel hôtel, rue Saint-Nicaise. C'est donc en copiant
-les anciennes éditions que les éditeurs de Germain Brice, en 1752,
-ont encore placé l'hôtel d'Uzès rue Saint-Thomas du Louvre: il n'y
-était plus. Il y a un plan gravé, de Lenoir, des bâtiments construits
-sur les terrains des Quinze-Vingts, qui éclaircit les changements faits
-dans ce quartier. Il existe aussi des vues de l'hôtel de Longueville,
-gravées par Jean Marot, qui nous le montrent tel qu'il était primitivement;
-mais je n'en connais pas de l'hôtel de Rambouillet.</p>
-
-<p class="pnote"> 38, ligne 13 et 14: A travers les colonnes dorées de cette alcôve.</p>
-
-<p>Je ne trouve le mot <i>alcôve</i> dans aucun de nos dictionnaires antérieurs
-à celui de Richelet, en 1680. Il n'est point dans le <i>Thresor de
-la Langue Françoise</i>, par Jean Nicot (sic), 1606, in-folio, ni dans le
-<i>Grand Dictionnaire François-Latin, recueilli de plusieurs hommes
-doctes, entre autres de M. Nicod</i> (sic), 1625, in-4<sup>o</sup>; il n'est
-point dans le <i>Dictionnaire François et Anglois de Cotgrave</i>, en
-1632. La Fontaine, dans son roman de <i>Psyché</i>, en 1669, fait mention
-des alcôves comme d'une nouveauté, et pour le mot et pour la chose.
-(Voyez <i>&OElig;uvres de La Fontaine</i>, édition 1827, in-8<sup>o</sup>, t. V, p. 57.)
-Furetière avait employé le mot <i>alcôve</i> avant La Fontaine, dans son
-<i>Roman comique</i>, qui parut en 1666. Dans la nouvelle de <i>l'Amour
-égaré</i> on lit: «Elle avait certains jours destinés à recevoir le monde
-dans son alcôve.» (<i>Roman comique</i>, édit. 1724, Amsterdam, in-12,
-p. 208.) <i>Le Lutrin</i>, qui fut publié en 1674, contient, comme tout le
-monde sait, un vers où se trouve le mot <i>alcôve</i>, ch. I, vers 57. Ce
-sont là, selon ce que j'ai pu découvrir, les premiers auteurs où ce
-mot se voit employé; mais une preuve qu'il était nouveau, c'est
-<span class="pagenum"><a id="Page_388"> 388</a></span>
-qu'on ne savait de quel genre il devait être. Scarron, madame de
-Villedieu, un puriste nommé Milon, souvent cité comme autorité
-par les auteurs de ce temps, tenaient pour le masculin; d'Ablancourt,
-Boileau, Ménage, le voulaient féminin. Richelet en 1680,
-et l'Académie en 1694, dans leurs dictionnaires, ne se décidèrent
-pour aucun de ces deux genres, et laissèrent la chose indécise
-(voyez Alamand, <i>Nouvelles Observations</i>, ou <i>guerre civile des
-François sur la Langue</i>, 1688, in-12, p. 89 ). L'usage a fait prévaloir
-le féminin. Félibien des Avaux, dans le livre intitulé <i>Plans et
-description des deux plus belles maisons de Pline le consul</i>, ne
-traduit jamais le <i>cubiculum dormitorium</i>, ou le <i>zoteca</i>, par alcôve,
-quoique ce fût le mot propre. M. Mazois, au contraire, n'a pas hésité
-à rendre ces mots par celui d'alcôve; il a raison. (Voyez <i>Palais de
-Scaurus</i>, deuxième édition, 1622, in-8<sup>o</sup>, p. 96.) Le mot français
-<i>alcôve</i> vient de l'espagnol <i>alcoba</i>, qui signifie une chambre à coucher;
-et le mot espagnol vient du mot arabe <i>al-cobba</i>, qui signifie
-un dôme, une voûte.</p>
-
-<p>Ces alcôves étaient très-vastes, et formaient une petite chambre
-renfermée dans une plus grande. Le lit était placé au milieu, sur une
-estrade, souvent entouré d'un balustre, et laissant de chaque côté une
-vaste ruelle. Aussi la conclusion de la requête de Ribercour, dans le
-<i>Procès des Précieuses</i>, de Somaize, est que, pour leur châtiment,</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p> Le lit desdites femelles</p>
-<p>Soit les deux côtés sans ruelles,</p>
-<p>Et qu'il soit mesmement placé</p>
-<p>Sans être du tout exaucé.</p>
-</div></div>
-
-<p>Cette conclusion hostile y est répétée trois fois.</p>
-
-<p>On lit dans le <i>Jeu poétique</i>, à M. des Yvetaux, du père Le
-Moine:</p>
-
-<p class="quote">On n'y voit point le sang des races dévorées,<br />
-En estrades d'ivoire, en alcôves dorées.</p>
-
-<p>(<i>Recueil des plus belles Pièces des Poëtes françois</i>, 1692, in-12,
-t. III, p. 337.)</p>
-
-<p>Cet exhaussement des lits était fort ancien; et Sauval, t. II, p. 280,
-remarquant que dès le règne de Charles V les lits étaient placés sur
-une estrade, ajoute: «Par là il se voit que sous Charles V les alcôves,
-<span class="pagenum"><a id="Page_389"> 389</a></span>
-dont les dames «de notre siècle s'attribuent l'invention, étaient
-en usage.» Non; car l'estrade seule ne constitue pas l'alcôve. Ainsi
-ce passage de Sauval, au lieu de contredire l'assertion de Tallemant,
-la confirme, puisqu'il nous apprend que l'usage des alcôves était récent,
-et qu'on en attribuait l'invention aux femmes. Scarron, dans
-ses &oelig;uvres, parle plusieurs fois des alcôves: «Il y avait des meubles,
-des alcôves, des estrades, et une provision de bonne senteur.»
-(<i>Le Chastiment de l'Avarice</i>, dans les <i>Dernières &OElig;uvres</i> de Scarron;
-1700, in-12, p. 112.)</p>
-
-<p class="quote">Les tapis chinois sont foulés<br />
-Dans leurs alcôves bien meublés.</p>
-
-<p>(Scarron, <i>la Baronéide</i>, dans les <i>Dernières &OElig;uvres</i>, 1700, in-12,
-p. 175.)</p>
-
-<p>L'usage des femmes de réunir le matin la société dans leurs alcôves
-fit que le mot <i>ruelle</i> s'employa pour celui de <i>réduit</i>, puis pour ceux
-d'<i>assemblée</i>, de <i>cercle</i>, d'<i>académie</i>. Cependant ces mots n'étaient
-pas tout à fait synonymes.</p>
-
-<p>Boileau a dit:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Ne vous enivrez pas des éloges flatteurs</p>
-<p>Qu'un amas quelquefois de vains admirateurs</p>
-<p>Vous donne en ces <i>réduits</i>, prompts à crier merveille.</p>
-</div></div>
-
-<p>Et ailleurs:</p>
-
-<p class="quote">Que de son nom, chanté par la bouche des belles,<br />
-Benserade en tous lieux amuse les <i>ruelles</i>.</p>
-
-<p>Furetière, dans son <i>Roman bourgeois</i>, nous fournit les passages
-suivants, qui prouvent ce que nous avançons: «La qualité la plus
-nécessaire à un poëte pour se mettre en réputation, c'est de hanter
-la cour ou d'y avoir été nourri; car un poëte bourgeois, ou vivant
-bourgeoisement, y est peu considéré. Je voudrais qu'il eût accès dans
-toutes les <i>ruelles</i>, <i>réduits</i> et <i>académies illustres</i>.» (T. I, p. 162.)
-Tout ce passage est contre Benserade; et en général ce roman de
-Furetière est plein d'allusions à des personnages du temps, mais qui ne
-sont pas comprises, faute d'un commentaire, dont cet ouvrage ne serait
-pas indigne. Voici encore les autres passages qui prouvent que Furetière
-faisait une distinction entre les mots <i>réduits</i> et <i>ruelles</i>, liv. I;
-<span class="pagenum"><a id="Page_390"> 390</a></span>
-p. 147: «On permit aussi à Javotte de voir le beau monde, de faire
-des visites dans les beaux <i>réduits</i>, et de se mêler en des compagnies
-d'<i>illustres</i> et de <i>précieuses</i>.» Page 166: «J'avoue bien, Pancrace,
-que ceux qui sont déjà en réputation, et dont les ouvrages ont été
-loués dans les <i>ruelles</i> et par la cabale, l'ont pu conserver dans leurs
-recueils.» Page 171: «Car, comme dans les académies de jeu on
-pipe souvent avec de faux dés et de fausses cartes; de même, dans les
-<i>réduits académiques</i>, on pipe souvent l'impromptu.» Et, page 150:
-«Il s'amassait tous les jours bonne compagnie chez Angélique. Quelques
-fois on y traitait des questions curieuses; d'autres fois on y
-tenait des conversations galantes, et on tâchait d'imiter tout ce qui
-se pratique dans les <i>belles ruelles</i> par les précieuses du premier
-ordre.» Ainsi, le mot <i>réduit</i> s'employait de préférence pour les assemblées
-qui se tenaient dans d'autres chambres que celles où étaient
-des alcôves, et chez des hommes; quoique cependant Somaize mette
-parmi ceux qui tenaient <i>ruelles</i> Ménage et l'abbé Testu.</p>
-
-<p>Somaize désigne comme les principaux introducteurs des ruelles
-de son temps l'abbé Bellebat et l'abbé du Buisson (voyez page 311).
-Dans la comédie intitulée <i>les Véritables Précieuses</i>, on lit ce dialogue,
-page 32:</p>
-
-<p class="quote"><span class="i2">LE BARON.</span></p>
-
-<p>Avez-vous grande foule d'alcovistes chez vous? Qui préside? Qui
-est de quartier?</p>
-
-<p class="quote"><span class="i2">ISABELLE.</span></p>
-
-<p>Nous en avons plusieurs de la vieille roche.</p>
-
-<p>Dans le <i>Grand Dictionnaire des Précieuses, ou la clef des
-ruelles</i>, 1660 (ouvrage de Somaize différent de celui qui est intitulé
-aussi <i>Grand Dictionnaire des Précieuses, historique, critique</i>,
-1661, 2 vol. in-12), p. 79, on lit que ces mots, <i>qui préside? qui
-est de quartier chez vous?</i> sont synonymes de <i>Qui est-ce qui vient
-souvent vous voir?</i></p>
-
-<p>Cet usage de recevoir dans les alcôves en produisit un autre, qui
-subsista longtemps: ce fut celui qu'avaient les jeunes mariées de
-recevoir, assises sur leur lit, en grande parure, les visites qui leur
-étaient faites le lendemain de leurs noces.</p>
-
-<p>Saint-Simon (<i>Mémoires complets et authentiques</i>, t. I, p. 277),
-parlant de son mariage, dit:</p>
-
-<p>«Nous couchâmes dans le grand appartement de l'hôtel de Lorges.
-<span class="pagenum"><a id="Page_391"> 391</a></span>
-Le lendemain, M. d'Anneuil, qui logeait vis-à-vis, nous donna un
-grand dîner, après lequel la mariée reçut sur son lit toute la France
-à l'hôtel de Lorges, où les devoirs de la vie civile et la curiosité attirèrent
-la foule....» «Le lendemain elle reçut toute la cour sur son
-lit, dans l'appartement de la duchesse d'Arpajon, comme plus
-commode, parce qu'il était de plain pied.» (Page 278.)</p>
-
-<p>En parlant de sa belle-s&oelig;ur, Saint-Simon dit: «Mademoiselle de
-Quentin ne tarda pas à avoir son tour. M. de Lausun la vit sur le lit
-de sa s&oelig;ur, avec plusieurs autres filles à marier.» Quand de Lausun
-est marié avec mademoiselle de Quentin, il dit, en parlant du duc
-de Lausun: «Le lendemain, il fit trophée de ses prouesses. Sa femme
-vit le monde sur son lit.» (Page 280.) Puis, pour le jour d'après,
-il ajoute: «Elle vit toute la cour sur son lit, et tout s'y passa
-comme à mon mariage.»</p>
-
-<p>Le même Saint-Simon (t. II, p. 125 et 126), en parlant du mariage
-de mademoiselle d'Aubigné, nièce de madame de Maintenon, avec
-le comte d'Ayen, dit: «La déclaration s'en fit le mardi 11 mars. Le
-lendemain madame de Maintenon se mit sur son lit, au sortir de
-table, et les portes furent ouvertes aux compliments de toute la
-cour.» Ceci se passait avant la messe de mariage; après cette messe,
-Saint-Simon ajoute encore: «L'après-dînée, madame de Maintenon,
-sur son lit, et la comtesse d'Ayen sur un autre, dans une autre
-pièce joignante, reçurent encore toute la cour.»</p>
-
-<p>C'est sur cet usage que La Bruyère s'exprime en ces termes:</p>
-
-<p>«Le bel et judicieux usage que celui qui, préférant une sorte
-d'effronterie aux bienséances et à la pudeur, expose une femme d'une
-seule nuit, sur un lit, comme sur un théâtre, pour y faire pendant
-quelques jours un ridicule personnage, et la livre en cet état à la curiosité
-de l'un ou de l'autre sexe, qui, connus ou inconnus, accourent
-de toute une ville à ce spectacle pendant qu'il dure! Que manque-t-il
-à une telle coutume pour être entièrement bizarre et incompréhensible,
-que d'être lue dans quelque relation de la Mingrélie?»</p>
-
-<p class="signature">(La Bruyère, <i>Caractères</i>, ch. VII, <i>De la Ville</i>.)</p>
-
-<p>Cet usage continua dans le dix-huitième siècle. Au sujet du mariage
-du duc de Berri, en 1710, on lit dans Saint-Simon:</p>
-
-<p>«Au sortir de table, le roi alla dans l'aile neuve, à l'appartement
-des mariés. Toute la cour, hommes et femmes, l'attendait, en haie
-dans la galerie, et l'y suivit avec tout ce qui avait été du souper. Le
-<span class="pagenum"><a id="Page_392"> 392</a></span>
-cardinal Janson fit la bénédiction du lit. Le coucher ne fut pas long.
-Le roi donna la chemise à M. le duc de Berri.»</p>
-
-<p>Le même Saint-Simon, en racontant le mariage du fils de Tallard
-avec une fille du prince de Rohan, qui eut lieu chez la duchesse de
-Ventadour, en 1713, dit, t. X, p. 455: «Le lendemain la mariée
-reçut sur le lit la duchesse de Ventadour, les visites de toute la cour,
-et celles que les duchesses ont accoutumé de recevoir des personnes
-royales.» Voy. la note, p. 697, de notre édition de La Bruyère.</p>
-
-<p class="pnote"> 38, ligne 4: N'y laissait pénétrer qu'un demi-jour azuré.</p>
-
-<p>Dans la pièce de Somaize, Roguespine, un des personnages, dit
-(<i>Procès des Précieuses</i>, p. 47):</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Je considérais fort la chambre</p>
-<p>Dans laquelle à loisir je vis</p>
-<p>Des précieuses de Paris</p>
-<p>Une longue et nombreuse bande.</p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p>Cette chambre était assez sombre;</p>
-<p>Le grand jour n'y pouvait entrer,</p>
-<p>A cause qu'elles font tirer,</p>
-<p>Pour l'empêcher de trop paraître,</p>
-<p>Des rideaux devant la fenêtre;</p>
-<p>Sachant que la grande clarté</p>
-<p>Efface un peu la beauté.</p>
-<p>J'y remarque de plus ensuite,</p>
-<p>Quoique la chambre fût petite,</p>
-<p>Un paravent qui s'étendait</p>
-<p>Jusque près de la cheminée.</p>
-</div></div>
-
-<p class="pnote">Page 39, ligne 5: C'était mademoiselle Paulet.</p>
-
-<p>Mademoiselle Paulet était la fille d'un Languedocien, Charles Paulet,
-secrétaire du roi, qui inventa le fameux impôt de <i>la paulette</i>. Si l'on
-en croit Tallemant des Réaux, mademoiselle Paulet fut galante dans
-sa jeunesse; mais l'amitié de madame de Clermont d'Entragues,
-femme d'une grande vertu, la remit en crédit. «Madame de Rambouillet,
-dit-il, la reçut pour son amie; et la grande vertu de cette
-dame purifia pour ainsi dire mademoiselle Paulet qui depuis fut
-<span class="pagenum"><a id="Page_393"> 393</a></span>
-chérie et estimée de tout le monde.» (Tallemant, <i>Historiettes</i>,
-p. 200.) Mademoiselle Paulet avait une très-belle voix. Lorsqu'elle
-vint pour la première fois à Rambouillet, madame de Rambouillet la
-fit recevoir à l'entrée du bourg par les plus jolies filles du lieu,
-couronnées de fleurs; une d'entre elles lui présenta les clefs du château,
-et on tira deux petites pièces d'artillerie. Mademoiselle Paulet
-mourut en 1651, chez madame de Clermont en Gascogne.</p>
-
-<p class="pnote">Page 40, ligne 2: Madame Duplessis.</p>
-
-<p>La maison de madame Duplessis-Guénégaud était le rendez-vous
-de ce qu'il y avait de plus distingué à la cour et à la ville. Ce fut elle
-qui depuis contribua à former la société de Fouquet, et qui lui
-indiqua les gens de lettres et les hommes de mérite qu'il devait
-protéger.</p>
-
-<p class="pnote">Page 40, ligne 9: de la fameuse guirlande.</p>
-
-<p>Dans le <i>Hueliana</i>, page 105, le don de cette guirlande est rapporté
-à l'année 1633 ou 1634, au lieu de 1640, qui est sa véritable
-date. Ce beau manuscrit a été vendu 14,510 fr. à la vente de
-La Vallière.</p>
-
-<p class="pnote">Page 40, ligne 15: Moitié assis, moitié couchés sur leurs manteaux.</p>
-
-<p>Roguespine, dans la pièce de Somaize, continuant sa description,
-dit:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Pour ne pas perdre le moment</p>
-<p>Que j'avais de lorgner ces belles</p>
-<p>Dedans l'une de leurs ruelles.</p>
-<p>Seize environ elles étaient;</p>
-<p>De plus, toutes elles avaient,</p>
-<p>Au moins il ne s'en fallait guère,</p>
-<p>Assis sur leurs manteaux par terre,</p>
-<p>Paraissant fort humiliés,</p>
-<p>Un homme chacune à leurs pieds;</p>
-<p>Sans ceux qui, très-fort à leur aise,</p>
-<p>Étaient assis dans une chaise,</p>
-<p>Et faisaient peu les courtisans.</p>
-</div></div>
-
-<p>Dans <i>la Comtesse d'Escarbagnas</i>, un homme ridicule qui cherche
-à singer les airs du grand monde s'assoit au pied de la comtesse pour
-<span class="pagenum"><a id="Page_394"> 394</a></span>
-écouter la comédie.&mdash;Dans le récit d'un bal de province, le comte
-de Bussy, en parlant du comte de Souvré, dit: «Il était au premier
-rang de ceux qui étaient assis sur leurs manteaux.»</p>
-
-<p class="pnote">Page 40, ligne 20.</p>
-
-<p>Somaize parle dans son Dictionnaire de madame du Vigean, sous
-le nom de Valérie, page 36 de la clef; et t. II, page 195 du Dictionnaire,
-il lui donne le nom de mademoiselle.&mdash;Voiture et l'annotateur
-des chansons manuscrites lui donnent le titre de madame, et ce dernier
-nous apprend qu'elle était s&oelig;ur de la duchesse de Richelieu.</p>
-
-<p class="pnote">Page 41, ligne 8: Toutes les dames tenaient une petite badine.</p>
-
-<p>Roguespine dans Somaize, continuant sa narration, dit:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>La plupart encore d'entre elles,</p>
-<p>Soit des laides, ou soit des belles,</p>
-<p>Tenaient avec un air badin</p>
-<p>Chacune une canne à la main,</p>
-<p>La faisant brandiller sans cesse.</p>
-</div></div>
-
-<p class="pnote">Page 41, lignes 13: Les blancs et gros panaches de leurs petits chapeaux.</p>
-
-<p>Roguespine dit encore:</p>
-
-<p class="quote">Ils avaient, selon leurs coutumes,<br />
-Des chapeaux tout chargés de plumes.</p>
-
-<p>L'auteur du <i>Récit de la Farce des Précieuses</i>; Anvers (1660,
-p. 19), dans le récit du costume de Mascarille, fait mention de son
-chapeau, si petit «qu'il était aisé de juger que le marquis le portait
-bien plus souvent dans la main que sur la tête.» Ce récit est de
-mademoiselle Desjardin; il a été composé après la première représentation
-des <i>Précieuses</i>, et avant que la pièce ne fût imprimée. Il
-est en forme de lettre adressée à une dame dont le nom, omis comme
-celui de l'auteur, était madame de Morangis. J'ai puisé ces détails
-dans les manuscrits de Conrart qui sont à la bibliothèque de l'Arsenal,
-n<sup>o</sup> 902; on y trouve une copie du <i>Récit</i>, t. IX, p. 1017.</p>
-
-<p class="pnote">Page 41, ligne 20: Chapelain.</p>
-
-<p>Le cardinal de Retz dit que Chapelain avait de l'esprit; et Retz
-<span class="pagenum"><a id="Page_395"> 395</a></span>
-était bon juge en cette matière. (Voyez <i>Collection des Mémoires</i>
-de Petitot, t. XLIV, p. 158.)</p>
-
-<p class="pnote">Page 41, ligne 22: L'abbé Bossuet, le petit abbé Godeau.</p>
-
-<p>L'abbé Godeau était parent de Conrart, et ce fut lui qui le produisit
-à l'hôtel de Rambouillet.&mdash;Bossuet, né en 1627, n'avait que
-dix-sept ans en 1644; mais on sait qu'il fut très-précoce, et l'on connaît
-le mot de Voiture sur un sermon récité par lui à l'âge de seize ans
-à l'hôtel de Rambouillet.</p>
-
-<p class="pnote">Page 42, ligne 18: Voiture demeure dans cette rue.</p>
-
-<p>Voiture mourut rue Saint-Thomas du Louvre, le 27 mai 1648.</p>
-
-<p class="pnote">Page 44, ligne 18: Afin de ne pas froisser ses canons.</p>
-
-<p>A l'époque du mariage de madame de Sévigné, on portait de grands
-canons; on les portait moins longs lorsque Molière s'en moquait dans
-<i>les Précieuses ridicules</i>, en 1659; puis huit ans après, lorsque <i>le
-Misanthrope</i> fut représenté en 1667, les grands canons redevinrent
-à la mode.</p>
-
-<p>Molière a dit dans <i>l'École des Maris</i>, acte I, scène 1:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Et de ces grands canons où, comme en des entraves,</p>
-<p>On met tous les matins ses deux jambes esclaves,</p>
-<p>Et par qui nous voyons ces messieurs les galants</p>
-<p>Marcher écarquillés ainsi que des volants.</p>
-</div></div>
-
-<p>La pièce de Molière fut donnée en 1661. L'auteur des <i>Lois de la
-Galanterie</i>, que l'on trouve dans le <i>Recueil des pièces choisies en
-prose</i>, publié en 1658, s'exprime exactement de la même manière:
-«Si quelques-uns disaient encore autrefois qu'ils se formalisaient de
-ce rond de botte fait comme le chapiteau d'une torche, dont l'on
-avait tant de peine à conserver la circonférence, qu'il fallait marcher
-en écarquillant les jambes, comme si l'on eût quelque mal caché;
-et si depuis, ayant quitté l'usage des bottes, et porté de simples
-canons de la grandeur d'un vertugadin, on en a fait de pareilles
-plaintes, c'était ne pas considérer que ces gens qui observent ces
-modes vont à pied le moins qu'ils peuvent. D'ailleurs, quoiqu'il n'y
-ait guère que cela ait été critiqué, la mode est déjà changée. Les
-genouillières rondes et étalées n'ont été que pour les grosses bottes,
-<span class="pagenum"><a id="Page_396"> 396</a></span>
-les bottes mignonnes ayant été ravalées depuis jusqu'aux éperons, et
-n'ayant eu qu'un bec rehaussé devant et derrière. Quant aux canons
-de linge qu'on étalait au-dessus, nous les approuvions bien dans leur
-simplicité, quand ils étaient fort larges et de toile de batiste bien empesée,
-quoique l'on ait dit que cela ressemblait à une lanterne de papier,
-et qu'une lingère du Palais s'en servit un soir, mettant sa chandelle
-au milieu, pour la garder contre le vent. Afin de les orner davantage,
-nous voulions dès lors que d'ordinaire il y eût double et triple
-rang de toile, soit de batiste, soit de Hollande; et d'ailleurs cela était
-encore mieux s'il s'y pouvait avoir deux ou trois rangs de point de
-Gênes. Ce qui accompagnait le jabot devait être de même parure
-(p. 66 et 67).... Depuis que, l'usage des bottes étant aboli, si ce n'est
-pour aller à la guerre ou se promener aux champs, les grands canons
-ont été en crédit, soit de toile simple, ou ornés de belles dentelles; à
-quoi il fallut que les vrais galants se soient accoutumés, parce que
-c'était un équipage magnifique, et que d'ailleurs cela servait grandement
-à cacher la défectuosité de quelques jambes cagneuses ou trop
-menues. Mais s'il arrive que maintenant la mode de ces canons se
-passe, il faut que chacun porte des bas de soie..... L'on a aussi
-porté des canons d'étoffe au lieu de ceux de toile.....»</p>
-
-<p>Scarron, continuant le portrait dont nous avons cité le commencement,
-dit:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Il avait deux canons, ou plutôt deux rotondes,</p>
-<p>Dont le tour surpassait celui des tables rondes;</p>
-<p>Il chantait en entrant je ne sais quel vieux air,</p>
-<p>S'appuyait d'une canne, et marchait du bel air.</p>
-<p>Après avoir fourni sa vaste révérence,</p>
-<p>Se balançant le corps avecque violence,</p>
-<p>Il me dit..... etc.</p>
-</div></div>
-
-<p>Dans la description que fait Loret de son noble de province, il
-dit, livre VII, p. 87, <i>lettre 22</i>, du 3 juin:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i1"> Il portait en son haut de chausse</p>
-<p class="i1"> Des galons jusqu'à seize cent.</p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p>Ce <i>nobilis</i> voyait avec ravissement</p>
-<p class="i1"> Ses rubans de couleur exquise,</p>
-<p class="i1"> Et ses canons d'étoffe grise,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_397"> 397</a></span></div>
-<p>Qui de rondeur, chacun à part,</p>
-<p>Avaient deux aunes et mi-quart.</p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p>De petits enfants à jaquette</p>
-<p>Qui jouaient à cligne-musette:</p>
-<p>Deux d'entre eux s'allèrent cacher</p>
-<p>(Pour se faire longtemps chercher)</p>
-<p>Sous les canons du gentil-homme.</p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p>Ils étaient spacieux assez</p>
-<p>Qu'on ne leur voyait pieds ni tête, etc.</p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p>Ma muse et moi nous maintenons</p>
-<p>Que ces démesurés canons</p>
-<p>Sont une extravagante mode,</p>
-<p>Laide, embarrassante, incommode:</p>
-<p>Cependant messieurs les coquets</p>
-<p>Disent qu'outre leurs doux caquets,</p>
-<p>Cet attirail est nécessaire</p>
-<p>Pour ravir, pour charmer, pour plaire;</p>
-<p>Que l'honneur, l'esprit, la vertu,</p>
-<p>Sont estimés moins qu'un fétu</p>
-<p>Dans l'empire des amourettes;</p>
-<p>Et que pour dompter des coquettes,</p>
-<p>Des Suzons, Fanchons et Nanons,</p>
-<p>On ne le peut pas sans canons.</p>
-</div></div>
-
-<p class="pnote">Page 48, ligne 6: <span class="small1">La séparation</span>.</p>
-
-<p>Ce rondeau ne se trouve pas dans la première édition de Voiture,
-1650, in-4<sup>o</sup>. C'est dans cette première édition qu'est le seul bon
-portrait de Voiture; il est gravé par Nanteuil, d'après Philippe de
-Champagne. Il y a eu une seconde édition de la même année, in-4<sup>o</sup>,
-corrigée et augmentée. Celle que je cite, in-12, est la meilleure, et
-le rondeau s'y trouve.</p>
-
-<p class="pnote">Page 49, ligne 12: Parce qu'il est votre grand madrigalier.</p>
-
-<p>Conrart avait surnommé La Sablière le grand madrigalier français.
-Voy. Ancillon, <i>Vie des Personnages célèbres</i>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_398"> 398</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page 50, ligne 1: De toutes les façons, etc.</p>
-
-<p>Dans les éditions de Montreuil, cette pièce y est intitulée <i>Pour
-madame de Sévigny jouant à colin-maillard</i> (on écrivait alors
-Sevigny au lieu de Sévigné; Scarron et Bussy-Rabutin n'écrivent
-pas autrement). Dans le recueil de Sercy, où cette pièce avait paru
-d'abord, le nom de madame de Sévigné ne se trouve pas. Les &oelig;uvres
-de Montreuil contiennent en outre deux lettres adressées par lui à
-madame de Sévigné, pag. 5, 107 de l'édit. 1666, et 4 et 72 de l'édit.
-de 1671. Il faut que les éditeurs de madame de Sévigné n'aient point
-connu ces lettres, puisqu'ils ne les ont pas, selon leur plan, réimprimées
-avec les siennes. La seconde édition du recueil de Montreuil
-ne paraît être qu'une réimpression de la première: elle est seulement
-moins belle. La meilleure pièce de Montreuil n'est point dans ce
-recueil: c'est son épître à Martin Pinchesne, qu'il a imprimée dans les
-&oelig;uvres de ce dernier après la mort de l'auteur. On a souvent confondu
-Mathieu Montreuil avec Jean Montreuil, son frère aîné, qui fut
-un des plus jolis hommes de France. (Retz, <i>Mém.</i>, t. XLV, p. 181 et
-191.) Ce dernier fut très-utile à la cause des princes, par son esprit et
-son adresse; il fut reçu de l'Académie Française, et mourut à trente-sept
-ans. Petitot, ou l'ancien éditeur des Mémoires de Joly, <i>Collection
-des Mémoires</i>, t. XLVII, p. 107, confond, dans une de ses notes,
-Mathieu avec Jean. (Voy. Pellisson, <i>Hist. de l'Académie Française</i>,
-1729, in-4<sup>o</sup>, p. 261 à 265). Il paraîtrait, d'après un passage des
-<i>Mém. de Conrart</i>, t. XLVIII, p. 57, que Montreuil l'académicien a
-été secrétaire des commandements de <span class="small1">Madame</span>, femme de Gaston.</p>
-
-<p class="pnote">Page 51, lignes 9 et 10: Faisons encore jouer madame de Sévigné
-à colin-maillard.</p>
-
-<p>Le jeu de colin-maillard, qui nous paraît si enfantin, était alors fort
-à la mode parmi les gens du grand monde. Le comte de Gramont,
-dans ses Mémoires, parle du goût de mademoiselle Stewart pour
-ce jeu. La mode le maintint longtemps en vogue. Loret, dans sa
-<i>Muse historique</i>, liv. III, p. 7, lettre 2, du 14 janvier 1652, en
-parlant des divertissements qui se donnent chez <span class="small1">Mademoiselle</span>, dit:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Enfin, en ce palais d'honneur</p>
-<p>On a ce merveilleux bonheur</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_399"> 399</a></span></div>
-<p>De s'y réjouir d'importance;</p>
-<p>Et, mieux que pas un lieu en France,</p>
-<p>Comédie, bal, en tout temps,</p>
-<p>Y rendent les esprits contents.</p>
-<p>Au chagrin on y fait la moue,</p>
-<p>Et tous les soirs presque on y joue</p>
-<p>A ce jeu plaisant et gaillard</p>
-<p>Qu'on appelle colin-maillard.</p>
-</div></div>
-
-<p>Louis XIV aimait ce divertissement dans sa jeunesse. Un jour qu'il
-y jouait chez madame de Puisieux, il mit son cordon bleu autour de
-Puisieux pour mieux se déguiser; et cela plus tard fit nommer Puisieux
-chevalier des ordres. Saint-Simon, t. IV, p. 288 (chapitre 24).</p>
-
-<p class="pnote">Page 52, ligne 16: Des fauteuils, des chaises et des placets.</p>
-
-<p>J'ai fait mention des placets, ci-dessus, page 41, ligne 17.</p>
-
-<p>Boileau a dit dans sa satire:</p>
-
-<p class="quote">Saint-Amand n'eut du ciel que sa veine en partage:<br />
-Un lit et deux <i>placets</i> composaient tout son bien.</p>
-
-<p>Dans le Lutrin:</p>
-
-<p class="quote">En achevant ces mots, cette amante enflammée<br />
-Sur un <i>placet</i> voisin tombe demi-pâmée.</p>
-
-<p>Brienne dit, p. 203: «Cependant la reine me fit donner un <i>placet</i>.»
-Et p. 218: «Mon père....., comme il ne pouvait se tenir debout,
-s'asseyait sur un <i>placet</i> qui était au bout de la table.»</p>
-
-<p class="pnote">Page 53, lignes 9 et 10: <i>Théodore vierge et martyre</i>,
-tragédie chrétienne.</p>
-
-<p>C'est de cette tragédie que Voltaire a dit qu'il n'y avait rien de
-si mauvais. Il a épuisé à son égard les expressions les plus dures que
-le mépris et le dégoût peuvent inspirer. Sa critique est outrée, et
-on aurait d'après elle une fausse idée de la pièce. On la lit sans
-ennui; Corneille s'y retrouve assez souvent. Elle eut du succès en
-province, mais n'en eut aucun à Paris. Elle a été bien appréciée par
-François de Neufchâteau.
-<span class="pagenum"><a id="Page_400"> 400</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page 55, ligne 8: Tout le monde dirigea ses regards sur l'ecclésiastique
-adolescent.</p>
-
-<p>Bossuet fut introduit à l'hôtel de Rambouillet par le marquis de
-Feuquières, et y prêcha un sermon à l'âge de seize ans. Il vint à Paris
-en 1642, et ce ne fut que postérieurement qu'il alla résider à Metz,
-pour y achever ses études ecclésiastiques.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE VI.</p>
-
-<p class="pnote">Page 59, ligne 6: Un <i>honnête homme</i>.</p>
-
-<p>Voici comment s'exprime l'auteur des <i>Lois de la Galanterie</i> à
-l'endroit cité: «Il faut que chacun sache que le parfait courtisan que
-le comte Balthazar de Chastillon a voulu décrire en langage italien,
-et l'honnête homme que le sieur Faret a entrepris de dépeindre en
-français, ne sont autre chose qu'un vrai galant.» Le mot <i>gentleman</i>
-en anglais correspond à plusieurs de ces significations vagues,
-et à nuances diverses, du mot honnête homme dans le siècle de
-Louis XIV.</p>
-
-<p class="pnote">Page 60, ligne dernière: Boileau l'a cependant employée depuis.</p>
-
-<p>Boileau a dit dans une de ses épîtres, longtemps après madame de
-La Fayette:</p>
-
-<p class="quote">Les yeux, d'un tel discours faiblement éblouis,<br />
-Bientôt dans ce tableau reconnaîtraient Louis.</p>
-
-<p>Le poëte Lebrun a fait sur ces vers la remarque suivante: «Des
-yeux éblouis d'un discours, c'est-il bien français? On n'est point ébloui
-de ce qu'on ne voit pas. M. Auger s'étonne avec raison d'une telle
-critique de la part d'un poëte, et répond que chaque jour on emprunte
-des mots à un ordre de sensations, pour les appliquer à un
-autre. Mais l'expression de madame de La Fayette, quoique en apparence
-semblable, est tout autre et bien plus hardie que celle de
-Boileau; car c'est réellement, et non pas au figuré, qu'elle affirme
-que madame de Sévigné, par sa conversation, éblouissait les yeux.</p>
-
-<p class="pnote">Page 63, ligne 19.</p>
-
-<p class="quote">Ma plume, pour rimer, rencontrera Ménage.</p>
-
-<p>Presque tous les commentateurs de Boileau ont commis une erreur,
-lorsqu'ils ont dit que ce vers et celui qui le précède n'avaient existé
-<span class="pagenum"><a id="Page_401"> 401</a></span>
-qu'en manuscrit. Cette satire adressée à Molière parut pour la première
-fois dans le <i>Recueil de Vers choisis</i>, imprimé en 1665, sans
-nom de ville ni d'imprimeur, avec une sphère sur le titre. Les vers
-sur Ménage s'y trouvent tels que nous les avons rapportés.</p>
-
-<p class="pnote">Page 63, ligne 23: Substitua l'abbé de Pure.</p>
-
-<p class="quote">Si je veux d'un galant dépeindre la figure,<br />
-Ma plume, pour rimer, rencontrera de Pure.</p>
-
-<p>Voyez <i>Nouveau Recueil</i>, etc., 1665, in-12, p. 24.</p>
-
-<p class="pnote">Page 68, ligne 3: L'interprétation que nous leur avons donnée.</p>
-
-<p>M. Monmerqué (t. I, p. 39) fixe la date de la lettre que j'ai citée
-à l'année 1655: je la crois postérieure. Cette lettre se rattache à
-celle du n<sup>o</sup> 29, p. 55, et à celle qui a été publiée dans les <i>Mémoires
-de Coulanges</i>, p. 323; ce qui doit faire croire qu'il y est question de
-Servien, et non de Fouquet. De même, la lettre du 12 janvier, t. I,
-p. 16, que nous avons citée en second, classée par M. Monmerqué
-sous l'année 1654, nous paraît devoir être placée sous l'année 1652,
-lorsque madame de Sévigné revint de Bretagne après son veuvage,
-Conférez Loret, <i>Muse historique</i>, t. I, p. 157, en date du 19 novembre
-1651.</p>
-
-<p class="pnote">Page 70, note 2: <span class="small1">Bussy</span>, <i>Histoire amoureuse des Gaules</i>.</p>
-
-<p>L'édition que j'ai citée dans cette note et dans plusieurs autres me
-paraît être l'édition originale du fameux ouvrage de Bussy. Elle est
-in-18, sans date, sans nom de libraire ni d'imprimeur, et ayant seulement
-une croix de Saint-André sur le frontispice. L'ouvrage commence
-au haut de la page, sans que le titre soit répété. La pagination
-se suit jusqu'à la page 190, puis elle recommence à l'histoire
-d'Ardelise jusqu'à la page 69, et ensuite il y a une clef. Le caractère
-est beau et semblable à celui des Elzevirs. Il y a du même ouvrage
-une autre édition pareillement indiquée comme étant imprimée
-à Liége, sans date ni nom d'imprimeur, mais avec un grand fleuron
-triangulaire sur le frontispice: ce volume, moins bien imprimé que
-le précédent, a 208 pages, sans la clef; la pagination se suit, et
-l'historiette de Ménage est à la page 189. Barbier a commis une faute
-grave, dans son Dictionnaire des Anonymes, en confondant, t. I, p. 46,
-l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i> de Bussy avec le recueil intitulé:
-<span class="pagenum"><a id="Page_402"> 402</a></span>
-<i>les Amours des Dames de notre siècle</i>, recueil de libelles composés
-par différentes mains, la plupart de Sandraz de Courtils. A la vérité,
-dans l'édition de 1754, en 4 volumes, on a compris toutes ces
-petites chroniques scandaleuses sous le titre général d'<i>Amours des
-Gaules</i>, et on a attribué le tout à Bussy; mais il n'y a de lui dans ces
-4 volumes que le 1<sup>er</sup>; et cette édition de ses <i>Amours des Gaules</i>, quoique
-la plus connue, n'est pas bonne. Nous reviendrons sur ce recueil
-au sujet d'une autre édition, où les vrais noms sont mieux indiqués
-que dans l'édition de 1754, et que nous avons découverte depuis.
-Nous prouverons aussi que les <i>Amours des Gaules</i> de Bussy ont été
-composées en 1659 et 1660, mais n'ont été imprimées qu'en 1662. Les
-diverses pièces renfermées dans le recueil intitulé <i>les Amours des
-Dames de notre siècle</i> sont toutes postérieures à cette époque.
-(Voyez la III<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, p. 445.)</p>
-
-<p class="pnote">Page 75, ligne 10: Telle était Montreuil.</p>
-
-<p class="quote">On ne voit point mes vers, à l'envi de Montreuil,<br />
-Grossir impunément les feuillets d'un recueil.</p>
-
-<p class="signature"><span class="small1">Boileau</span>, <i>satire</i> VII.</p>
-
-<p>M. de Saint-Surin, dans son commentaire, a dit à tort que le Montreuil
-dont parle Boileau fut de l'Académie Française. Il le confond
-avec son frère, qui en fut, et mourut en 1650 sans avoir rien publié.
-Pellisson, dans son <i>Histoire de l'Académie Française</i>, et Saint-Marc,
-probablement d'après Pellisson, prétendent que le véritable nom est
-Montreul. Cela se peut; mais dans les deux éditions que Mathieu
-Montreuil a publiées lui-même de ses ouvrages, l'i s'y trouve; il y a
-Montreüil, et jamais Montreul. Voyez <i>&OElig;uvres de Montreuil</i>, édit.
-1666, p. 5, et édit. 1671, p. 4.</p>
-
-<p class="pnote">Page 75, ligne dernière: Ce chansonnier de la Fronde, gros, court.</p>
-
-<p>Le poëte Saint-Amand, dans son poëme sur la Vigne, s'exprime
-ainsi sur Marigny, dont il était l'ami:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Marigny, rond en toute sorte,</p>
-<p>Qui parmi les brocs te transporte,</p>
-<p>Et dont l'humeur, que je chéris,</p>
-<p>M'a pu faire quitter Paris.</p>
-</div></div>
-
-<p>La petite seigneurie de Marigny était située près de Nevers.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_403"> 403</a></span></p>
-<p class="pnote">Page 76, ligne 11: Saint-Pavin, le petit bossu.</p>
-
-<p>Le nom de Saint-Pavin était Denis Sanguin de Saint-Pavin. Titon
-du Tillet (<i>Parnasse Français</i>, 1722, in-folio, p. 298) nous apprend
-que de son temps la maison de Saint-Pavin appartenait au duc de
-Lorges. Je ne sais où M. Durozoir (<i>Biographie universelle</i>, t. XL,
-p. 36) a trouvé que Saint-Pavin le poëte avait été pourvu de l'abbaye
-de Livry, et qu'il avait précédé l'abbé de Coulanges à cette abbaye.
-Je crois qu'il a confondu avec le poëte Saint-Pavin Denis Sanguin
-de Saint-Pavin, évêque de Senlis, qui en effet fut pourvu de l'abbaye
-de Livry après, et non avant, l'abbé de Coulanges. L'abbé Le B&oelig;uf
-dit avoir vu dans l'église Notre-Dame de Livry la tombe d'un M. Sanguin,
-seigneur de Livry, mort en 1650. C'était peut-être celle de
-Christophe Sanguin, seigneur de Livry. (Voyez <i>Histoire du Diocèse
-de Paris</i>, t. VI, p. 197.) M. Gault de Saint-Germain, dans une
-note sur les Lettres de madame de Sévigné, t. III, p. 275, a dit que
-Saint-Pavin était abbé de Livry; et c'est probablement dans cet auteur,
-si rempli d'inexactitudes, que M. Durozoir aura puisé ce fait.</p>
-
-<p class="pnote">Page 77, ligne 11: Amenant avec lui ses compagnons de plaisir.</p>
-
-<p>Parmi les joyeux convives qui fréquentaient le plus la maison de
-Saint-Pavin et venaient avec lui chez l'abbé de Coulanges, madame
-de Sévigné nomme Saint-Germain.</p>
-
-<p class="pnote">Page 79, ligne 7: Sont faits égaux comme de cire.</p>
-
-<p>Vers de Marot dans l'épigramme qui commence ainsi:</p>
-
-<p class="quote">Monsieur l'abbé et monsieur son valet<br />
-Sont faits égaux tous deux comme de cire.</p>
-
-<p class="pnote">Page 79, avant-dernière ligne: Les éloges que dans la suite Boileau.</p>
-
-<p class="quote">Que Segrais, dans l'églogue, en charme les forêts.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE VII</p>
-
-<p class="pnote">Page 85, ligne 4, note 1.</p>
-
-<p>«Les quatre grands diseurs de bons mots de notre temps, dit Ménage,
-étaient Angevins: M. le prince de Guémenée, M. de Beautru,
-M. le comte de Lude, et M. le marquis de Jarzé.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_404"> 404</a></span></p>
-<p class="pnote">Page 88, ligne 14: Une ode de Racan adressée au père de Bussy.</p>
-
-<p>Nous citerons ici une belle strophe de cette ode de Racan, dont
-Bussy, puisqu'il l'admirait tant, aurait dû profiter.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Que sert aux courtisans ce pompeux appareil,</p>
-<p>Dont ils vont dans la lice éblouir le soleil,</p>
-<p class="i2"> Des trésors de Pactole?</p>
-<p>La gloire qui les suit après tant de travaux</p>
-<p>Se passe en moins de temps que la poudre qui vole</p>
-<p class="i2"> Du pied de leurs chevaux.</p>
-</div></div>
-
-<p>Bussy fut reçu à l'Académie Française en 1665, à l'âge de quarante-sept
-ans.</p>
-
-<p class="pnote">Page 91, ligne 9: Agé de près de vingt ans.</p>
-
-<p>Bussy naquit à Épiry, en 1618; il eut quatre frères, et par leur mort
-il resta l'unique rejeton de la descendance mâle des Rabutins dans
-la branche cadette. Il entra dans la carrière militaire en 1634, et se
-distingua au siége de La Motte en Lorraine. Il fut fait mestre de camp
-d'infanterie en 1638, après trois campagnes. C'est en 1644 qu'il
-acheta 12,000 écus la lieutenance des chevau-légers. C'était la compagnie
-d'ordonnance de Henri de Bourbon, prince de Condé, gouverneur
-de Bourgogne, père du grand Condé. C'est aussi en 1644 que le
-père de Bussy mourut, et que, par la protection du prince de Condé,
-il devint lieutenant du roi en Nivernais; il fit le 18 février 1645 son
-entrée dans cette province.</p>
-
-<p class="pnote">Page 91, ligne 11: Qui comptait environ vingt-cinq ans.</p>
-
-<p>Bussy dit dans ses <i>Mémoires</i> (t. I, p. 3, édit. in-12) qu'il est né à
-Épiry, le vendredi saint, troisième avril 1618. Selon Monmerqué,
-on devrait lire, d'après un manuscrit, le treizième d'avril: différence
-peu importante. Cette date est confirmée par le tableau généalogique
-des Rabutins, extrait de la bibliothèque de Dijon, publié dans les <i>Lettres
-inédites</i> (Paris, 1819, in-12), et aussi par son épitaphe, composée
-par la comtesse d'Alets, qui donne à son père soixante-quinze ans au
-moment de sa mort, arrivée le 9 avril 1693. Cependant Bussy, dans ses
-Mémoires, dit, sous la date de 1638, en marge (t. I, p. 38 de l'édit.
-in-12, et p. 47 de l'édit. in-4<sup>o</sup>): «Ma maîtresse avait vingt-cinq ans;
-je n'en avais guère plus de seize;» et en 1640, suivant toujours le même
-<span class="pagenum"><a id="Page_405"> 405</a></span>
-système, il ne se donne que dix-huit ans, et il dit (t. I, p. 54 de l'édit.
-in-12, ou t. I, p. 67 de l'édit. in-4<sup>o</sup>): «Avec tout cela, une femme de
-quinze ans n'en peut guère savoir plus qu'elle n'en savait; pour moi,
-qui en avais dix-huit, j'étais bien plus habile.» La marge porte en cet
-endroit 1640. Le premier éditeur des Mémoires de Bussy s'est aperçu
-de cette contradiction, et a cherché à y remédier dans l'errata. Il a
-corrigé pour la page 3, c'est-à-dire à la date de la naissance, 1622 au
-lieu de 1618; et à la page 6 il met dans le texte, en toutes lettres,
-«plus de vingt» au lieu de plus de dix-huit. Ces deux corrections se
-contredisent; il y en a une évidemment fausse. La première est pour
-faire concorder la date de seize ans que Bussy se donne à la page 47,
-et dont l'éditeur ne parle pas: et en effet, s'il était né en 1622, il
-n'aurait eu que seize ans en 1638. La seconde correction, au contraire,
-est pour faire concorder la date de la page 63 avec celle qui a été donnée à
-la page 3 pour la naissance; car, né en 1618, Bussy en 1640 avait vingt-deux
-ans, et non dix-huit, comme il le dit; mais s'il était né en 1622, il
-n'en avait plus que dix-huit. On doit se rappeler que les Mémoires de
-Bussy n'ont paru qu'en 1696, trois ans après sa mort. S'il les avait publiés
-lui-même, il aurait achevé de les rédiger, et il eût fait disparaître
-ces contradictions. C'est probablement d'après ces erreurs de l'éditeur
-(qui est, je crois, le père Bouhours) qu'Auger, dans son article Bussy
-(<i>Biographie universelle</i>, t. VI, p. 374), fait débuter Bussy dans la
-carrière militaire à l'âge de douze ans, ce qui est invraisemblable; il fit,
-au contraire, des études brillantes et complètes, qui ne furent terminées
-qu'à seize ans. Il ne commença sa carrière militaire, au siége de La
-Motte en Lorraine, qu'en 1624. Mais je m'aperçois qu'Auger a puisé
-cette erreur dans la notice de Grouvelle sur Bussy-Rabutin (Lettres
-de Sévigné, édition d'Herhan; 1811, in-12, t. I, p. 134.)</p>
-
-<p class="pnote">Page 91, ligne dernière: François de L'Hospital.&mdash;Et page 92, ligne 12:</p>
-
-<p class="quote">Elle vécut avec Louis de Lorraine.</p>
-
-<p>François de L'Hospital, comte de Rosny, seigneur du Hallier, fut abbé
-de Sainte-Geneviève et évêque de Meaux, sous Henri IV; il fut fait maréchal
-de France le 23 avril 1643, et mourut le 20 avril 1660, âgé de
-soixante-dix-sept ans; il était donc né en 1583, et avait cinquante-cinq
-ans lors de la visite que lui fit Bussy en 1638. Sa première femme,
-Charlotte des Essarts, était fille unique de François des Essarts, seigneur
-de Sautour, qui fut tué à Trèves, en 1590. Ce fut vers cette époque qu'elle
-<span class="pagenum"><a id="Page_406"> 406</a></span>
-vécut avec Henri IV. Elle en eut deux filles légitimées, qui eurent le titre
-de princesses. La première, Jeanne-Baptiste de Bourbon, mourut abbesse
-de Fontevrault, le 16 juillet 1680; la seconde, abbesse de Chilly,
-le 10 février 1680; elle se nommait Marie-Henriette de Bourbon. On a
-prétendu que Charlotte des Essarts avait été mariée clandestinement au
-cardinal de Guise, par contrat de mariage du 4 février 1611. Ce fait
-est probable. Il en eut cinq enfants: trois garçons et deux filles. La
-seconde, Louise de Lorraine, dame de Romorantin, dont il est question
-dans les Mémoires de Bussy, épousa, le 24 novembre 1639, Claude
-Pot, seigneur de Rhodes, grand maître des cérémonies de France.
-Elle mourut sans enfants, à Paris, le 15 juillet 1652. Il en sera souvent
-fait mention dans cet ouvrage. La Borde (t. II, p. 200 de son édition
-<i>des Amours du grand Alcandre</i>) inscrit deux fois, comme deux
-enfants différents, Louise de Lorraine, dame de Romorantin, et
-Louise de Lorraine, sans titre. C'est une erreur: il n'y en a qu'une.
-Le même confond les enfants de Henri IV avec ceux du cardinal de
-Guise. Charlotte des Essarts, ou la maréchale de L'Hospital, étant
-morte le 8 juillet 1651, le maréchal de L'Hospital se remaria à Claudine-Françoise
-Mignot, fille d'une herbière du Brachet, près de Grenoble,
-et alors veuve de Pierre de Portes, trésorier de la province
-du Dauphiné. Ce mariage se fit le 24 août 1653. Après la mort du
-maréchal de L'Hospital, Claudine Mignot se remaria une troisième
-fois, dans son hôtel, à Paris, rue des Fossés-Montmartre, le 4 novembre
-1672, à Jean-Casimir, autrefois roi de Pologne, et alors
-abbé commendataire de Saint-Germain des Prés, de Saint-Saurin à
-Évreux, et d'autres abbayes, et qui mourut le 16 décembre suivant.
-Claudine Mignot vécut jusqu'au 30 novembre 1711.</p>
-
-<p class="pnote">Page 94, ligne 11: Plus jeune que lui.</p>
-
-<p>Bussy dit cependant: «Mademoiselle Romorantin avait vingt ans,
-et je n'en avais pas dix-sept.» Mais il nous apprend que ce fut en 1639
-qu'il passa l'hiver à Chalons. Né en 1618, il avait donc alors vingt et
-un ans. On comprend cette préoccupation de Bussy, qui le porte à se
-rajeunir toujours de trois ou quatre ans. Toutes les faiblesses qui
-tiennent à l'orgueil ou à la vanité, il les avait.</p>
-
-<p class="pnote">Page 98, ligne 4: Elle devint veuve en 1650.</p>
-
-<p>Pendant les grandes intrigues de madame de Rhodes à Paris, Bussy
-en était absent, et suivait un autre parti. Fort liée avec mademoiselle
-<span class="pagenum"><a id="Page_407"> 407</a></span>
-de Chevreuse, dont elle favorisa les amours avec le cardinal de
-Retz, madame de Rhodes fut sur le point d'épouser, par l'entremise
-de mademoiselle de Chevreuse, le président de Bellièvre.</p>
-
-<p class="pnote">Page 101, ligne dernière: Bussy épousa peu de temps après
-mademoiselle de Toulongeon.</p>
-
-<p>Bussy épousa Gabrielle de Toulongeon, fille d'Antoine de Toulongeon,
-gouverneur de Pignerol, et de Françoise de Rabutin, fille du
-baron de Chantal, à Alonne près d'Autun, le 28 mai 1643.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE VIII.</p>
-
-<p class="pnote">Page 116, note 1.</p>
-
-<p>Je remarque que quoique les Mémoires de Bussy n'aient été imprimés
-qu'en 1696, c'est-à-dire deux ans après son <i>Discours à ses
-Enfants</i>, le nom de madame de Sévigné, qui était en toutes lettres
-dans le Discours, se trouve en blanc dans les Mémoires.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE IX.</p>
-
-<p class="pnote">Page 119, ligne 3 du texte: Il eut la douleur de perdre sa femme.</p>
-
-<p>Dans la généalogie de Marie de Rabutin par le comte de Bussy, publiée
-dans les <i>Lettres inédites de madame de Sévigné</i> (1819, p. 18),
-qui a été reproduite par M. Gault de Saint-Germain dans son édition
-de <i>Sévigné</i> (t. I, p. 72), on place la mort de Gabrielle de Toulongeon
-en 1648. C'est évidemment une erreur, qui tient à ce que les Mémoires
-de Rabutin portent en marge dans cet endroit l'année 1648;
-mais l'auteur dit dans son texte que trois jours après il apprit aussi
-la mort du prince de Condé; et cette mort eut lieu le 28 décembre
-1646.</p>
-
-<p>M. Weiss, dans la <i>Biographie universelle</i> (t. IX, p. 391), indique
-une date un peu différente; mais cette différence ne provient que de
-celle qui existe entre l'ancien et le nouveau calendrier; il paraît, d'après
-cela, que Gabrielle Toulongeon mourut vers le 15 décembre 1646.</p>
-
-<p class="pnote">Page 120, ligne 24.</p>
-
-<p>Le <i>lambel</i> dont madame de Sévigné parle dans cette lettre est une
-barre crénelée qu'on met dans les armoiries, pour indiquer une
-branche cadette ou collatérale. Ainsi la maison d'Orléans avait les
-<span class="pagenum"><a id="Page_408"> 408</a></span>
-mêmes armes que le roi de France, les trois fleurs de lis, mais
-surmontées d'un <i>lambel</i>.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE X.</p>
-
-<p class="pnote">Page 125, ligne 16: D'un vieux bourgeois nommé le Boccage,
-propriétaire d'un domaine.</p>
-
-<p>D'après le nom du personnage, il est évident que ce domaine
-était celui de Lagrange au Bocage, à quatre lieues et demie de Sens
-et à quatre lieues au nord-est de la commanderie de Launay, nommée
-Lanny, par erreur du graveur, sur la carte de Cassini. Il y a un
-court article sur cette commanderie dans le grand Dictionnaire de la
-France d'Expilly.</p>
-
-<p class="pnote">Page 125, ligne 27: Et, de plus, millionnaire.</p>
-
-<p>Bussy dit qu'elle avait quatre cent mille écus de bien, c'est-à-dire
-deux millions quatre cent mille livres, monnaie de cette époque.
-C'est près de cinq millions de notre monnaie actuelle.</p>
-
-<p class="pnote">Page 127, ligne 26: Qu'ils restaient toujours impunis.</p>
-
-<p>Le père du comte de Chavagnac, despote altier, voulait, comme
-ancien chef huguenot, forcer son fils à épouser la veuve d'un M. de
-Montbrun, fille de Courval, et très-riche héritière. Il la fit enlever, au
-nom de son fils, par quinze gentils-hommes de ses amis ou vassaux.
-Elle était vieille et laide, et sans esprit; elle voulut réclamer, intenter
-un procès, et protester contre un mariage fruit de la force: celui
-qu'on voulait lui faire épouser ne désirait pas plus qu'elle-même ce
-mariage. Chavagnac parvint à contraindre son fils, aussi bien que la
-veuve, en menaçant de se porter contre tous deux à de plus grandes
-violences; et le mariage fut maintenu.</p>
-
-<p class="pnote">Page 129, note 1: <span class="small1">L'abbé de Choisy</span>, <i>Vie de Madame de Miramion</i>.</p>
-
-<p>L'édition in-12 de la <i>Vie de madame de Miramion</i> (1707) n'est que
-la réimpression de l'in-4<sup>o</sup>, accompagnée d'un beau portrait de cette
-dame, par Edelinck, qui a été réduit par le même graveur dans l'édition
-in-12.</p>
-
-<p class="pnote">Page 132, ligne 26: Grand-père du mari qu'elle avait perdu.</p>
-
-<p>Ce M. de Choisy, conseiller d'État, était un des frères du père de
-<span class="pagenum"><a id="Page_409"> 409</a></span>
-l'abbé de Choisy, l'auteur des <i>Mémoires</i>, puisqu'il est dit page 19
-de la <i>Vie de madame de Miramion</i>, que lui, abbé de Choisy, était
-cousin germain de madame de Miramion, c'est-à-dire de son mari.</p>
-
-<p class="pnote">Page 133, ligne 23: Sur la route qui conduit de Saint-Cloud au mont
-Valérien.</p>
-
-<p>Bussy désigne très-exactement l'emplacement où se trouvait posée
-sa petite troupe. C'était «au-dessus du jardin de madame du Tillet,
-que Philippe de France acheta pour agrandir le sien.» Ainsi, cet
-emplacement doit être actuellement renfermé dans le parc de Saint-Cloud.</p>
-
-<p class="pnote">Page 134, ligne 9: Avant d'entrer dans le bois de Boulogne.</p>
-
-<p>C'est ainsi que s'exprime Bussy; ce qui prouve que dès lors la route
-directe de Saint-Cloud à Issy, qui oblige de passer deux fois la rivière,
-était déjà pratiquée, et qu'il y avait un bac vis-à-vis le <i>Point
-du Jour</i>.</p>
-
-<p class="pnote">Page 138, ligne 3: Un chevalier de Malte.</p>
-
-<p>Il est probable que ce chevalier était Guy de Rabutin, le dernier
-des frères suivants de Bussy, qui mourut au Temple, un an après
-cet enlèvement de madame de Miramion.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XI.</p>
-
-<p class="pnote">Page 150, ligne 8 du texte: Au nord de Montargis.</p>
-
-<p>L'abbaye de Ferrières se trouve à peu de distance de la jonction
-du Loing avec une petite rivière nommée Cléry. Il est dit dans la
-<i>Gallia Christiana</i>, t. XII, p. 160: «<i>Ferrariæ a ferri venis, e quibus
-elicitum olim metallum, nomen videntur invenisse; Ferrariæ
-positus est locus in Wastiniensi pago</i> (le Gâtinais), <i>ad Clarisam
-amnem, in Lupum</i> (le Loing) <i>influentem; tribus admodum
-leucis ab urbe Montis Argivi</i>.»</p>
-
-<p class="pnote">Page 151, ligne 1: Dont il fut fait évêque.</p>
-
-<p>Jacques de Nuchèze naquit en 1591, le 26 octobre, de Jacques Nuchèze,
-baron de Bussy-les-Francs, et de Marguerite Fremyot, s&oelig;ur
-de sainte Chantal. Il fut nommé évêque comte de Châlons en 1624,
-<span class="pagenum"><a id="Page_410"> 410</a></span>
-et mourut en mai 1652, âgé de soixante-six ans et six mois, après
-avoir occupé trente-trois ans le siége de Châlons-sur-Saône, dont il
-fut le soixante-dix-neuvième évêque.</p>
-
-<p class="pnote">Page 154, ligne 13: La belle terre de Savigny-sur-Orges.</p>
-
-<p>Conférez Le B&oelig;uf, <i>Histoire de Diocèse de Paris</i>, t. XII, p. 70,
-et Monmerqué, <i>Sévigné</i>, t. II, p. 180. Cette terre de Savigny, qui
-avait appartenu au comte de Montrevel, devint la propriété du marquis
-de Vins, qui la possédait en 1708. Le comte du Luc, héritier de
-la marquise de Vins, a depuis eu cette terre, et y est décédé, en juillet
-1740.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XII.</p>
-
-<p class="pnote">Page 166, ligne 15: La reine est si bonne.</p>
-
-<p>Ce mot est de La Feuillade, le père de celui qui fut à la cour de
-Louis XIV, et auquel nous devons la place des Victoires.</p>
-
-<p class="pnote">Page 180, ligne 28: Et le marquis de Sévigné.</p>
-
-<p>Conrart dit: «Le marquis de Sévigné était étrangement frondeur,
-comme parent du coadjuteur.» Mais dans la phrase suivante Conrart
-a commis une erreur, que son savant éditeur, M. Monmerqué,
-a relevée.</p>
-
-<p class="pnote">Page 161, ligne 17.</p>
-
-<p>Ce fut le 13 septembre que la reine se retira à Ruel. Ce château
-était celui que le cardinal de Richelieu avait laissé à sa nièce, la duchesse
-d'Aiguillon.</p>
-
-<p class="pnote">Page 181, ligne 19: Ramena la reine à Paris.</p>
-
-<p>«La reine, dit madame de Motteville, partit de Saint-Germain pour
-revenir à Paris la veille de la Toussaint.»</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XIII.</p>
-
-<p class="pnote">Page 184, ligne 28: Au premier jour de l'an mil sept cent quarante-neuf.</p>
-
-<p>Il faut corriger le second vers de cette petite pièce, et changer les
-mots de <i>mil sept cent soixante-neuf</i> en ceux de <i>mil sept cent quarante-neuf</i>,
-<span class="pagenum"><a id="Page_411"> 411</a></span>
-faute qui se trouve dans les &oelig;uvres de Marigny et dans le
-<i>Recueil des plus belles Pièces des Poëtes français</i>, chez de Sercy.
-Cela est démontré par le recueil de Sercy, où cette pièce a été imprimée
-pour la première fois, en 1653. On voit par là combien une seule
-faute d'impression peut jeter de confusion dans les recherches historiques,
-combien il est essentiel de toujours recourir aux éditions originales,
-et de se défier des réimpressions. Le mot <i>franchise</i> signifiait
-liberté à cette époque. Il y en a des exemples sans nombre.</p>
-
-<p class="pnote">Page 190, ligne 5: Le lendemain du jour qui suivit le départ de cette
-lettre.</p>
-
-<p>L'attaque de Charenton eut lieu le 8 février. Le départ de Bussy de
-Saint-Denis eut lieu le 6 et non pas le 10, comme on a mis par faute
-d'impression dans les <i>Mémoires de Bussy</i>. Comme la lettre qu'il
-adressa à madame de Sévigné est antérieure d'un jour à ce départ,
-elle doit porter la date du 5 février, au lieu du 15. Ni le P. d'Avrigny,
-dans son ouvrage sur le règne de Louis XIV, ni aucun des éditeurs
-des lettres de madame de Sévigné, ne se sont aperçus de cette contradiction;
-tous ont reproduit les erreurs de chiffres que l'imprimeur
-ou les copistes ont introduites dans les <i>Mémoires de Bussy</i>.</p>
-
-<p class="pnote">Page 191, ligne 4: La lettre suivante pour madame de Sévigné.</p>
-
-<p>Je rectifie encore ici les dates des lettres de Bussy, que les éditeurs
-de ses <i>Mémoires</i> et, par suite, ceux des <i>Lettres de madame de Sévigné</i>,
-ont altérées. En effet, au lieu des 25 et 26 mars pour ces deux
-lettres, il faut 5 et 6 mars. Nous savons, par les <i>Mémoires de Monglat</i>,
-t. L, p. 159, et <i>d'Omer Talon</i>, t. LXI, p. 424, que la ville de
-Brie-Comte-Robert fut pillée le 27 février, et que son château se rendit
-le 28. Bussy dit que cette expédition ne dura que huit jours, et
-qu'il écrivit à sa cousine, au sujet de ses chevaux, aussitôt après son
-retour; ce qui nous porte juste au 5 mars, le mois de février n'ayant
-que 28 jours. D'ailleurs, il parle, dans sa lettre, de la paix comme
-entravée par les négociations et n'étant pas encore conclue. S'il
-avait écrit le 26 mars, il n'aurait pas ignoré que cette paix était signée
-depuis quinze jours. Aucun des éditeurs de <i>Madame de Sévigné</i> n'a
-soupçonné cette erreur, et la correction doit être faite dans toutes
-les éditions.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_412"> 412</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page 195, ligne 20: Les projets de mariage...</p>
-
-<p>Pendant son voyage à Dijon, Bussy voulut épouser la fille du président
-B***; mais il prétend que L*** (probablement Lenet) fit manquer
-l'affaire.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XIV.</p>
-
-<p class="pnote">Page 108, ligne 21: Telle était son intention; mais le soir même...</p>
-
-<p>Bussy dit que cette conversation qu'il eut avec le prince de Condé
-eut lieu le mardi, et que l'arrestation des princes se fit le même jour;
-mais tous les Mémoires du temps placent au 18 cette arrestation. Il
-y a donc erreur de date dans Bussy. Ses <i>Mémoires</i> en renferment
-de plus fortes, et nous en avons signalé quelques-unes.</p>
-
-<p class="pnote">Page 203, ligne dernière: Son mariage projeté avec Louise de Rouville.</p>
-
-<p>Louise de Rouville, que Bussy-Rabutin épousa en secondes noces,
-était fille du second lit de Jacques de Rouville (chevalier d'honneur
-de madame la duchesse de Montpensier) et d'Isabelle de Longueval.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XV.</p>
-
-<p class="pnote">Page 214, ligne 21: Le poëte Marlet.</p>
-
-<p>Guy-Patin le nomme Morlet. Sa satire était intitulée: <i>la Custode
-du Lit de la Reine</i>.</p>
-
-<p class="pnote">Page 220, note 1: <i>Le Secret, ou les véritables causes</i>, etc.</p>
-
-<p>Cet écrit, peu connu, qui parut presque aussitôt après la sortie
-des princes, dévoile toutes les intrigues de la cour aussi complétement
-que l'ont fait les Mémoires que l'on a publiés depuis. On y
-trouve, page 45, la phrase latine que le coadjuteur improvisa dans
-une séance du parlement, comme étant une citation de Cicéron.</p>
-
-<p class="pnote">Page 221, ligne dernière: Sévigné, de race frondeuse.</p>
-
-<p>Loret écrit Cevigny, et ailleurs Sevigny; c'est de cette dernière
-manière qu'on écrivait alors habituellement ce nom.</p>
-
-<p class="pnote">Page 221, lignes 20 et 21: Sa protectrice mademoiselle de Longueville.</p>
-
-<p>Elle était fille du duc de Longueville et de Louise de Bourbon-Soissons,
-sa première femme. Formée à l'hôtel de Rambouillet, elle partagea
-<span class="pagenum"><a id="Page_413"> 413</a></span>
-sa vie entre la culture des lettres et l'administration de ses
-grands biens. Elle occupait à Paris, de moitié avec la princesse de
-Carignan, sa tante, ce magnifique hôtel de Soissons qui a été abattu,
-et que la halle aux blés a remplacé. Loret, liv. I, p. 9, nous apprend
-que la duchesse de Nemours était blonde. Le château de Trie, près
-de Coulommiers, lui appartenait. Elle mourut en 1707, à quatre-vingt-six
-ans. Saint-Simon raconte différemment des autres auteurs
-l'anecdote piquante du confesseur.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XVI.</p>
-
-<p class="pnote">Page 225, note 3: <span class="small1">Costar</span>, <i>Lettres</i>.</p>
-
-<p>Le premier recueil des Lettres de Costar, publié par Costar lui-même,
-est dédié à Fouquet. Dans sa préface, il parle «des faveurs
-continuelles dont il a eu la bonté de le prévenir.» Le vrai nom de
-Costar était Coustart. Voyez à ce sujet le <i>Ménagiana</i> et la lettre que
-Costar adressa à son cousin de Coustart, part. II, p. 773, lettre 23;
-et la <i>Vie de Costar</i>, t. VI, p. 233 des <i>Historiettes</i> de Tallemant des
-Réaux, édit. in-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p class="pnote">Page 225, ligne 18: Leur château de Champiré près Segré; et p. 226,
-ligne 1: Renaud de Sévigné.</p>
-
-<p>Costar écrit Sévigny, comme tous ceux de son temps. Il reproche
-galamment à mademoiselle de Lavergue d'avoir la bouche trop petite.&mdash;Aucun
-livre n'est inutile: après avoir cherché Champiré dans le
-dictionnaire de la poste aux lettres et dans tous les dictionnaires de
-géographie de la France les plus amples, j'ai trouvé dans le <i>Journal
-de la Mode</i>, ou <i>Revue du Monde élégant</i>, quatrième année, douzième
-livraison, à la p. 32, dans la liste des souscripteurs pour ces
-deux filles héroïques, Marie Bossy et Charlotte Moreau, «le comte de
-Narcé, au château de Champiré, près Segré.» Nul doute que ce château
-ne soit celui qui a appartenu à Renaud de Sévigné.</p>
-
-<p class="pnote">Page 226, ligne 14: Qu'à la sérieuse et savante comtesse
-de La Fayette.</p>
-
-<p>Auger et M. de Saint-Surin font naître madame de La Fayette en
-1632; mais Grouvelle, dans son édition des <i>Lettres de madame de
-Sévigné</i>, l'auteur de la notice sur madame de La Fayette dans la
-<i>Galerie Française</i>, et celui de la Collection des meilleurs romans
-(Dauthereau, 1827, in-18), la font naître en 1633.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_414"> 414</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page 228, ligne 26: Une satire intitulée <i>la Mazarinade</i>.</p>
-
-<p>Le passage de Guy-Joly prouve que <i>la Mazarinade</i> fut écrite en
-1649.</p>
-
-<p class="pnote">Page 229, ligne dernière: Mais à la mode du Marais.</p>
-
-<p>Cette s&oelig;ur de Scarron, qui fut maîtresse du marquis de Tresme,
-était fort belle. Scarron avait une autre s&oelig;ur. Une des deux aimait
-le vin.</p>
-
-<p class="pnote">Page 230, ligne 3: Qui mourut dans le cours de l'année 1650.</p>
-
-<p>Denon, conteur aimable, espiègle et spirituel, a fait à M. de Saint-Aulaire
-un récit sur Marion de Lorme, que l'historien de la Fronde
-a pris au sérieux, et qu'il a de bonne foi inséré dans son histoire,
-t. I, p. 58, et t. III, p. 51, parmi les pièces justificatives. Je parle
-de la première édition de cet ouvrage. On en a fait depuis une seconde:
-j'ignore si cette anecdote y a été reproduite.</p>
-
-<p class="pnote">Page 230, ligne 5: Afin de ne voir son mari ni dans ce monde
-ni dans l'autre.</p>
-
-<p>Tallemant attribue ce mot à la comtesse de la Suze, et le <i>Ménagiana</i>
-à mademoiselle de Montausier.</p>
-
-<p class="pnote">Page 231, ligne 8: Un sujet bachique.</p>
-
-<p>Le sujet de l'autre tableau était le ravissement de saint Paul.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XVII.</p>
-
-<p class="pnote">Page 236, ligne 17: Anne de Lenclos a vécu près de quatre-vingt-dix ans.</p>
-
-<p>Voltaire, qui était fils du notaire de mademoiselle de Lenclos, nous
-a conservé sur elle quelques anecdotes précieuses, mais plutôt d'après
-les souvenirs de l'abbé de Châteauneuf que d'après les siens propre;
-il a écrit avec légèreté, et n'a pas pris la peine, dans ce qu'il a dit
-de cette femme célèbre, de se mettre d'accord avec lui-même. Il ne
-lui fut présenté que peu de temps avant qu'elle mourût. Elle avait
-alors quatre-vingt-neuf ans, et lui onze et demi, et non treize, comme
-<span class="pagenum"><a id="Page_415"> 415</a></span>
-il le dit. Il donne, dans ses <i>Mélanges</i>, t. XLIII, édit. Renouard,
-p. 470, soixante-dix ans à Ninon lors de son aventure avec Châteauneuf;
-et dans le <i>Dictionnaire philosophique</i>, t. XXXV, p. 224, il
-ne lui en donne plus que soixante à cette même époque; il dit aussi,
-p. 125, qu'il a vu Ninon décrépite à l'âge de quatre-vingts ans;
-et il oublie que lorsque Ninon avait quatre-vingts ans, lui, Voltaire,
-n'avait que deux ans. A quatre-vingt-neuf ans elle sut apprécier
-dans le jeune Arouet le génie précoce d'un enfant de onze ans,
-puisqu'elle lui légua une assez forte somme pour acheter des livres.
-Bret a recueilli, sans choix et sans critique, tous les contes qu'il a
-trouvés épars dans les recueils d'ana. Douxmesnil a écrit avec plus
-de discernement, d'après les récits et les souvenirs de Fontenelle et
-de la comtesse de Sandwich, de l'abbé Fraguier et de l'abbé Gedoyn,
-qui tous cependant n'avaient connu Ninon que dans sa vieillesse.
-Tous ces ouvrages doivent être employés avec précaution. On trouve
-de meilleurs et de plus sûrs matériaux dans les Mémoires du temps
-écrits par les contemporains de Ninon, surtout dans les Mémoires de
-Tallemant des Réaux, qui étaient manuscrits lorsque nous en avons
-fait usage; ainsi que dans les &oelig;uvres de Saint-Évremond, dans les
-lettres de madame de Sévigné, de madame de Maintenon, et dans
-les Mémoires de Saint-Simon.</p>
-
-<p class="pnote">Page 239, ligne 1: Et qui n'engage à aucune reconnaissance.</p>
-
-<p>Il est probable que l'abbé de Châteauneuf, qui tenait la doctrine
-de Ninon de sa propre bouche, l'a rendue dans les mêmes mots.
-Aussi nous n'y avons rien changé.</p>
-
-<p class="pnote">Page 239, ligne 2: Abandonnée à elle-même dès l'âge de quinze ans.</p>
-
-<p>Elle perdit sa mère à quatorze ans, en 1630, et son père à quinze,
-en 1631.</p>
-
-<p class="pnote">Page 240, ligne 10.</p>
-
-<p>Dans la pièce gracieuse, mais beaucoup trop longue, de la Mesnardière,
-que nous citons; intitulée: <i>Galanterie à mademoiselle de
-Lenclos</i>, le poëte lui dit:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Prenez soin de corriger</p>
-<p>Votre enfant Amour, qui m'outrage.</p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_416"> 416</a></span></div>
-<p>Pardonnez-moi si je le chasse:</p>
-<p>Mais que voulez-vous que j'en fasse?</p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p>Mais, pour dormir en patience</p>
-<p>Et conserver quelque embonpoint,</p>
-<p>Ninon, que ne ferait-on point?</p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p>J'observe.............</p>
-<p>Qu'il m'aime fort auprès de vous;</p>
-<p>Et pour moi, j'y voudrais bien être.</p>
-<p>Mais aussi je voudrais connaître</p>
-<p>Que sa maman n'aimât que moi;</p>
-<p>Et je doute fort que le roi</p>
-<p>Puisse avoir ce crédit en France.</p>
-</div></div>
-
-<p class="pnote">Page 241, ligne 6: Un attrait inexprimable.</p>
-
-<p>Au-devant des Mémoires de Bret sur Ninon est une réduction de
-son portrait peint par Ferdinand, et qui peut nous donner quelque
-idée de ses traits; mais son portrait de profil, que M. Renouard a inséré
-dans son édition de Voltaire, est tout à fait faux et imaginaire.</p>
-
-<p class="pnote">Page 244, ligne 5: Le gentil et spirituel Charleval.</p>
-
-<p>Charleval mourut en 1693.</p>
-
-<p class="pnote">Page 244, ligne 10: Le marquis de Soyecourt, si fameux
-dans les annales de la galanterie.</p>
-
-<p>C'est de Soyecourt (on prononçait Saucourt) que Benserade a dit,
-au sujet d'un ballet où il représentait un diable:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Contre ce fier démon voyez-vous aujourd'hui</p>
-<p class="i4"> Femme qui tienne?</p>
-<p>Et toutes cependant sont contentes de lui,</p>
-<p class="i4"> Jusqu'à la sienne.</p>
-</div></div>
-
-<p class="pnote">Page 248, ligne 14: D'une manière peu honorable.</p>
-
-<p>Tallemant dit que Lenclos se conduisit indignement dans le duel
-avec Chaban, et que son action pouvait passer pour un assassinat.
-<span class="pagenum"><a id="Page_417"> 417</a></span>
-Chaban avait un pied dans la portière de sa voiture lorsque Lenclos
-le perça de son épée.</p>
-
-<p class="pnote">Page 248, ligne 15: Lenclos jouait fort bien du luth.</p>
-
-<p>C'est ce qui a fait dire que Ninon était fille d'un joueur de luth;
-mais Douxmesnil réfute cette erreur, mieux instruit à cet égard que
-Voltaire, qui la reproduit.</p>
-
-<p class="pnote">Page 249, lignes 3 et 5: Saint-Étienne fut le premier amant de Ninon.</p>
-
-<p>Chocquart de Saint-Étienne, originaire d'Amiens, servit pendant
-vingt-cinq campagnes avec une valeur extraordinaire: d'abord comme
-chevau-léger, puis en qualité de maréchal des logis, d'aide-major, de
-cornette, de lieutenant et de capitaine dans les régiments de cavalerie
-de Bussy de Vère, Mérinville-Pardaillan et Plessis-Praslin. Louis XIV
-lui accorda des lettres de noblesse pour lui et ses descendants, le 19
-septembre 1660.</p>
-
-<p class="pnote">Page 249, lignes dernières: Elle comptait au nombre de ses amis plusieurs
-créatures du cardinal.</p>
-
-<p>Bois-Robert était très-lié avec Ninon, et on sait quelles étaient
-les m&oelig;urs de cet abbé. Tallemant raconte qu'un jour on faisait la
-guerre à Bois-Robert sur le vice honteux qu'on lui connaissait; il
-ne se défendit que faiblement, en disant: On ne doit pas parler de
-cela en présence de mademoiselle de Lenclos. (Voyez le <i>Ménagiana</i>,
-t. I, p. 45.)</p>
-
-<p class="pnote">Page 250, ligne 7: Ce fut Marion de Lorme, selon Chavagnac.</p>
-
-<p>Dans les Mémoires de Chavagnac, les personnages ne sont pas nommés,
-et Marion de Lorme n'est désignée que par des astérisques. La
-troisième édition de ces Mémoires, 1721, in-12, n'est qu'une réimpression
-de la première, et a de même les noms en blanc. Dulaure,
-qui rapporte ce passage dans son Histoire de Paris, a mis les noms en
-toutes lettres, mais sans en prévenir ses lecteurs. Richelieu naquit
-le 5 septembre 1585. C'est dans les Mémoires de Chavagnac que Bret
-semble avoir puisé le fait que Richelieu fit de vaines tentatives auprès
-de Ninon.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_418"> 418</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page 250, ligne 24: Raré, cet aimable garçon.</p>
-
-<p>Saint-Simon fait mention d'une madame de Langle qui était fille
-de M. de Raré.</p>
-
-<p class="pnote">Page 251, ligne 8: Une circonstance peu importante.</p>
-
-<p>Tallemant dit que la jeune Ninon, sévèrement surveillée par sa
-mère, ayant un jour aperçu Raré dans la rue, descendit en toute
-hâte de chez elle pour lui parler. Un mendiant vint troubler leur conversation.
-N'ayant point d'argent à lui donner, elle se hâta de lui
-remettre un mouchoir bordé d'une belle dentelle, en lui disant:
-«Va-t'en;» et elle se débarrassa ainsi de ce témoin importun.</p>
-
-<p class="pnote">Page 251, ligne 15: Elle alla se jeter dans un couvent, et annonça
-l'intention d'y rester.</p>
-
-<p>Scarron confirme ceci, et, dans son épître à Sarrasin, dit:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Puis j'aurais su...</p>
-<p>Ce que l'on dit du bel et saint exemple</p>
-<p>Que la Ninon donne à tous les mondains,</p>
-<p>En se logeant avecques les nonains;</p>
-<p>Combien de pleurs la pauvre jouvencelle</p>
-<p>A répandus quand sa mère, sans elle,</p>
-<p>Cierges brûlant, et portant écussons,</p>
-<p>Prêtres chantant leurs funèbres chansons,</p>
-<p>Voulut aller, de linge enveloppée,</p>
-<p>Servir aux vers d'une franche lippée.</p>
-</div></div>
-
-<p>La fin de cette épître prouve qu'elle a été écrite trois jours après
-la mort de la mère de Ninon:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Fait à Paris, dessous ma cheminée,</p>
-<p>Par moi Scarron, carcasse décharnée,</p>
-<p>Trois jours après que les yeux furent clos</p>
-<p>Pour tout jamais à la mère Lenclos.</p>
-</div></div>
-
-<p class="pnote">Page 252, ligne 11: De Bois-Dauphin (Souvré).</p>
-
-<p>Madeleine de Souvré, femme de Philippe-Emmanuel de Laval,
-marquis de Sablé, seigneur de Bois-Dauphin, mourut en 1678.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_419"> 419</a></span></p>
-<p class="pnote">Page 252, ligne 21: Coligny, marquis d'Andelot, depuis duc de
-Châtillon.</p>
-
-<p>Gaspard, duc de Châtillon, marquis d'Andelot, mourut lieutenant
-général, le 9 février 1649, à l'attaque de Charenton. Il eut en 1641
-le régiment de Piémont. Il paraît, en comparant les <i>Mémoires</i> de
-Chavagnac avec les autres récits, que Chavagnac a mal compris son
-frère, ou que ses souvenirs, en écrivant, l'ont trompé. Le frère de
-Chavagnac était l'ami intime de d'Andelot, et il paraît avoir aimé
-Marion de Lorme à la même époque où d'Andelot se passionna pour
-Ninon. C'est dans les <i>Mémoires</i> de Chavagnac qu'on trouve le récit
-le mieux circonstancié de la mort de Châtillon; Chavagnac se trouvait
-près de lui au moment fatal.</p>
-
-<p class="pnote">Page 254, ligne 3: A Châtillon succéda Miossens, depuis maréchal
-d'Albret.</p>
-
-<p>Miossens ou Miossans est une des douze grandes baronnies du
-Béarn. Le nom de Miossens était Charles Amanien d'Albret. Il
-mourut en 1678; en lui s'éteignit la postérité masculine des Miossens.</p>
-
-<p class="pnote">Page 254, lignes 13 et 15: D'Elbène était connu par l'originalité de son esprit.</p>
-
-<p>Guy d'Elbène fut marié à Charlotte Refuge, qui, dit-on, lui apporta
-en dot quatre-vingts procès. Elle mourut le 3 septembre 1680.
-En 1649 d'Elbène fut envoyé à Rome. (Voyez <span class="small1">Retz</span>, <i>Mém.</i>, t. XLV,
-p. 56.) Guy d'Elbène mourut à l'hôpital. (Voyez la lettre de Ninon
-à Saint-Évremond, dans Douxmesnil, p. 194.) Un Alphonse d'Elbène,
-peut-être le frère de celui-ci, fut évêque d'Orléans en 1646, et
-mourut le 2 mai 1665. Il en est parlé dans le Voyage de Chapelle
-et Bachaumont, 1755, in-12.</p>
-
-<p class="pnote">Page 255, lignes 26 à 27: Ses liaisons avec le chevalier de Méré datent de cette époque.</p>
-
-<p>George Brossin, chevalier et marquis de Méré, descendait d'une ancienne
-famille du Poitou. Il était cadet, et avait fait quelques campagnes
-sur mer. Il se retira dans une terre qu'il avait en Poitou.
-«La société de madame la marquise de Pont, sa belle-s&oelig;ur, n'a pas
-<span class="pagenum"><a id="Page_420"> 420</a></span>
-peu contribué à le détacher du monde et de la cour. Il lui laissa
-tout son bien.»</p>
-
-<p class="pnote">Page 256, ligne 3: Le cardinal archevêque de Lyon lui rendit de fréquentes visites.</p>
-
-<p>Le caractère sévère de du Plessis de Richelieu, son âge et sa piété
-bien connue, le mettent à l'abri de tout soupçon dans ses relations
-avec Ninon; voilà pourquoi j'ai dû interpréter favorablement ce passage
-assez singulier des <i>Mémoires</i> de Tallemant: «Elle se mit dans
-un couvent: le cardinal de Lyon devint amoureux de sa belle humeur,
-et fit quelques folies pour elle». Dans un autre endroit de ses <i>Mémoires</i>,
-Tallemant parle d'un abbé de Richelieu qui entretenait
-Claudine Colletet. Cet abbé était probablement neveu du cardinal et
-du ministre. Conférez <i>&OElig;uvres de La Fontaine</i>, édit. 1828, t. VI,
-p. 270.</p>
-
-<p class="pnote">Page 259, lignes 1 et 2: Cette réponse à la reine, qui, selon Saint-Simon et Chavagnac.....</p>
-
-<p>Douxmesnil (p. 154) a tort de vouloir faire considérer ce fait
-comme invraisemblable. Il est attesté par les meilleures autorités,
-par les hommes les mieux instruits sur ce qui concerne Ninon: Chavagnac,
-Tallemant des Réaux, Saint-Simon et Voltaire. Il se peut
-que sous Louis XV, en 1751, lorsque Douxmesnil écrivait, on s'inquiétât
-peu des liaisons amoureuses et de la conduite scandaleuse
-ou non des femmes nobles ou non nobles; mais il n'en était pas
-ainsi sous la régence d'Anne d'Autriche, ni même sous le règne de
-Louis XIV, qui plus tard, et lorsqu'il avait tant de motifs pour être
-indulgent sur cet article, obligea cependant mademoiselle de La Force
-à mettre un terme à son genre de vie peu réglé et à se retirer dans
-un couvent. Conférez l'<i>Histoire de la Vie et des Ouvrages de La
-Fontaine</i>, troisième édition, page 513.</p>
-
-<p class="pnote">Page 259, ligne 3: Qu'elle laissa Ninon en repos.</p>
-
-<p>Chavagnac dit que la reine, en apprenant cette réponse, dit en
-riant: «Fi! la vilaine! qu'elle s'en aille où elle voudra. «Ceci est
-plus dans le caractère d'Anne d'Autriche que ce que dit Saint-Simon.
-<span class="pagenum"><a id="Page_421"> 421</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page 259, ligne 20.</p>
-
-<p>Voltaire attribue ce mot à Ninon même; mais le <i>Ménagiana</i> est
-une autorité antérieure et préférable. Le mot est meilleur dans la
-bouche d'un autre que dans celle de Ninon.</p>
-
-<p class="pnote">Pages 260, lignes 2 et 3: Émery vivait depuis longtemps avec la femme de Coulon.</p>
-
-<p>Un de ces couplets, dans mon recueil manuscrit, se termine
-ainsi:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p>Ne t'étonne pas si Coulon</p>
-<p>Aime bien la fille Ninon,</p>
-<p>Car il a droit de représailles.</p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p class="i1"> Daye d'Andaye.</p>
-</div></div>
-
-<p>Dans mon exemplaire il y a cette note marginale. «Ninon est celle
-qu'on appelle aujourd'hui mademoiselle de Lenclos.» Cette note a été
-évidemment écrite dans la dernière époque de la vie de Ninon, et
-prouve ce que nous avons dit sur la manière de la désigner. Il a été
-fait de ces recueils manuscrits de chansons et de vaudevilles satiriques
-un grand nombre de copies. Il y en a dans diverses bibliothèques
-particulières, à la Bibliothèque du Roi, à la Bibliothèque
-Mazarine, et ailleurs. Il y a dans les <i>Mémoires</i> de Tallemant
-le récit d'une dispute entre Coulon et sa femme, en présence de
-madame de Tallemant, au sujet d'Émery, mais qui est trop ignoble
-pour pouvoir être rapportée.</p>
-
-<p class="pnote">Page 261, lignes 4 et 5: Il (d'Aubijoux) mourut le 9 novembre 1656.</p>
-
-<p>François-Jacques d'Aubijoux était baron de Castelnau, de Bonnefons,
-de Sauveterre et de Casaubon. Sa famille descendait d'un frère
-du cardinal d'Amboise. Les vers du <i>Voyage de Chapelle et Bachaumont</i>
-dont nous parlons sont ceux qui commencent ainsi:</p>
-
-<p class="quote">Sous ce berceau, qu'Amour exprès, etc.</p>
-
-<p>La mort du comte d'Aubijoux, qui arriva en 1656, nous fait penser
-que ce voyage eut lieu en 1655. L'édition faite sur le meilleur
-<span class="pagenum"><a id="Page_422"> 422</a></span>
-manuscrit est celle de La Haye, 1732, chez Pierre Gosse. Saint-Marc,
-le seul qui ait exécuté sur cet auteur un travail d'éditeur, en fait
-l'aveu; mais il dit qu'il a connu trop tard cette édition pour pouvoir
-en faire usage. Toutes les éditions postérieures à celle de Saint-Marc
-ne sont que des réimpressions de la sienne. La plus mauvaise et la plus
-belle est celle de Lille, 1826, in-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p class="pnote">Page 263, ligne 11: D'un oculiste nommé Thévenin.</p>
-
-<p>Tallemant nous apprend que madame Thévenin, la femme de l'oculiste,
-était la tante de M. Paget. (Tallemant, <i>Historiettes</i>, t. II,
-p. 232.)</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XVIII.</p>
-
-<p class="pnote">Page 265, note 2, et page 269, note 1: <span class="small1">Bussy</span>, <i>Hist. am. des Gaules</i>.</p>
-
-<p>J'ai cité quatre éditions primitives de l'ouvrage de Bussy: la première
-ayant pour titre: <i>Histoire amoureuse des Gaules</i>; Liége,
-sans nom d'imprimeur, sans date, de 208 pages, petit in-12. Le
-morceau sur madame de Sévigné est pages 170-171. Le titre du livre
-porte des arabesques en triangle. Le titre de l'autre édition est pareil,
-porte aussi le nom de Liége, mais a une croix de Saint-André noire
-et pleine. Cette édition est faite avec des caractères elzéviriens, et
-sur plus beau papier que la précédente. Elle a deux paginations.
-Le morceau sur madame de Sévigné commence à la page 23, et se
-termine à la page 46 de la seconde pagination. Dans ces deux éditions
-les noms sont déguisés, et il y a une clef à la fin. Le cantique
-inséré page 236 de l'édition de 1754, qui commence ainsi,</p>
-
-<p class="quote">Que Deodatus est heureux, etc.,</p>
-
-<p>ne se trouve dans aucune des deux éditions primitives. Deux autres
-éditions portent la date de 1666; l'une, intitulée: <i>Édit. nouvelle</i>, a
-une clef; l'autre porte le nom de Bussy, et est, je crois, la première
-avec les noms réels insérés dans le texte. Une autre édition du même
-ouvrage, intitulée <i>Histoire amoureuse de France</i>, chez Adrian
-Moetjens, 1710, 2 vol. in-12, minces, a aussi les noms réels. Elle
-n'a point été connue de l'éditeur de 1754, qui a rétabli ces noms uniquement
-d'après la clef; mais cette clef ne les donne pas tous, de sorte
-que l'éditeur a laissé dans certains endroits des noms feints, dont
-les véritables étaient donnés par l'édition de 1710. Il y a dans cette
-<span class="pagenum"><a id="Page_423"> 423</a></span>
-édition de 1710 un frontispice gravé, qui paraît être de l'invention de
-Bussy, car il y a au bas: <i>Bus. inv.</i>&mdash;<i>Rabut. excud.</i> C'est peut-être
-la réduction d'un dessin du manuscrit original. Il représente une
-Renommée, à la trompette de laquelle est attaché un drapeau portant
-l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i>. Cette renommée s'envole
-au-dessus du globe de la terre, sur lequel on lit ces mots: <i>la Gaule</i>;
-un Amour dirige des flèches sur l'endroit où ce mot est écrit, et un
-groupe de petits Zéphyrs se précipite sur le même lieu. Dans cette édition
-de 1710 on trouve le cantique, mais à la fin, et avec d'autres
-vers de Bussy. Le volume est terminé par la lettre de Bussy au
-duc de Saint-Aignan, qui est placée en tête dans l'édition de 1754.
-Le morceau sur madame de Sévigné est aux pages 281-308. Cette
-édition de 1710 est presque entièrement conforme au manuscrit de
-l'<i>Histoire amoureuse de France</i> qui est dans la bibliothèque de l'Institut,
-n<sup>o</sup> 220, in-4<sup>o</sup>, quoiqu'elle n'ait point été faite sur ce manuscrit,
-comme le prouvent des variantes importantes. Ce manuscrit commence
-par la relation des amours de la cour de Savoie, et ne contient
-ensuite que l'<i>Histoire amoureuse de France</i>.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XIX.</p>
-
-<p class="pnote">Page 273, ligne 12: Il (Scarron) se décida à s'embarquer.</p>
-
-<p>Une femme, nommée Céleste Palaiseau, devait accompagner
-Scarron dans ce voyage. C'était une fille bien née, qu'il avait séduite
-dans sa jeunesse. Elle s'était faite ensuite religieuse. Son couvent
-ayant été supprimé en raison des dettes qu'il avait contractées, Scarron
-l'avait reprise avec lui par commisération. (Conférez la note
-suivante.)</p>
-
-<p class="pnote">Page 274, ligue 12: Cependant la première embarcation pour la nouvelle colonie eut lieu.</p>
-
-<p>La Martinière, dans la <i>Vie de Scarron</i>, t. I, p. 47, et madame
-Guizot, dans la <i>Vie des Poëtes Français</i>, t. I, p. 485, ont confondu
-les dates relatives à la formation de cette compagnie et au mariage
-de Scarron. Cette compagnie se forma en l'année 1651, et le mariage
-de Scarron ne se fit que l'année suivante. Nous mettrons ici les
-extraits des lettres de Scarron et de Loret relatifs à cette curieuse
-affaire.
-<span class="pagenum"><a id="Page_424"> 424</a></span></p>
-
-<p>«Je jurerais bien qu'arrivant à l'Amérique, où mon chien de destin
-me mène....» <i>Lettre à la comtesse de Fiesque</i>, dans les <i>&OElig;uvres
-de Scarron</i>, t. I, p. 34.</p>
-
-<p>«Mais mon chien de destin m'emmène dans un mois aux Indes
-occidentales; ou plutôt j'y suis poussé par une sorte de gens fâcheux
-qui se sont depuis peu élevés dans Paris, et qui se font appeler <i>pousseurs
-de beaux sentiments</i>. On ne demande plus parmi eux si on
-est honnête homme; on demande si on pousse de beaux sentiments.
-Voilà, notre cher ami, le plus spirituel de l'Europe, ce qui me fait
-fuir en Amérique. Je me suis donc mis pour mille écus dans la nouvelle
-compagnie des Indes, qui va faire une colonie à trois degrés de
-la ligne, sur les bords de l'Orillane et de l'Orénoque. Adieu, France;
-adieu, Paris; adieu, tigresses déguisées en anges; adieu, Ménage, Sarrazin,
-Marigny: je renonce aux vers burlesques, aux romans comiques
-et aux comédies, pour aller dans un pays où il n'y aura ni faux
-béats, ni filoux de dévotion, ni inquisition, ni hiver qui m'assassine,
-ni fluxion qui m'estropie, ni guerre qui me fasse mourir de faim.»
-Scarron, <i>&OElig;uvres</i>, 1737, t. I, p. 41.</p>
-
-<p>Madame Guizot regrettait de ne pas connaître la date de cette lettre
-de Scarron; on voit, par la gazette de Loret, liv. II, p. 14, lettre 4,
-en date du 22 janvier 1652, qu'elle a dû être écrite en décembre 1651:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Une prudente maréchale</p>
-<p>Dans l'Amérique occidentale</p>
-<p>Va, dit-on, planter le piquet:</p>
-<p>Non pas pour jouer au piquet,</p>
-<p>Ni planter des choux ni des raves,</p>
-<p>Mais pour, en trafiquant d'esclaves,</p>
-<p>Gagner bravement tous les ans</p>
-<p>Des cent cinquante mille francs;</p>
-<p>Ninon, la belle courtisane,</p>
-<p>Et le sieur d'Aubigny, dit-on,</p>
-<p>Parent du défunt roi breton.</p>
-</div></div>
-
-<p>Et liv. II, p. 179 (lettre en date du 31 décembre), Loret dit encore:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Monsieur Scarron, dit-on, se pique</p>
-<p>De transporter dans l'Amérique</p>
-<p>Son corps maigret, faible et menu,</p>
-<p>Quand le printemps sera venu;</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_425"> 425</a></span></div>
-<p>Et que l'aimable s&oelig;ur Céleste,</p>
-<p>Qui pour l'esprit en a de reste,</p>
-<p>Doit être aussi, sans manquement,</p>
-<p>Comprise en cet embarquement.</p>
-</div></div>
-
-<p>Cet embarquement eut lieu un peu au-dessous de Paris, le 13 mai
-1652, ainsi que nous l'apprend la gazette de Loret:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Hier samedi, chose certaine,</p>
-<p>Sur le beau fleuve de la Seine,</p>
-<p>S'embarquèrent dessous Paris,</p>
-<p>Tant veufs que garçons, que maris,</p>
-<p>Non point pour aller en Afrique</p>
-<p>Mais en un coin de l'Amérique,</p>
-<p>Des hommes jusques à sept cents,</p>
-<p>Sans y comprendre les absents;</p>
-<p>De plus, sept douzaines de filles,</p>
-<p>Pour établir là des familles,</p>
-<p>Et multiplier audit lieu,</p>
-<p>Selon l'ordonnance de Dieu.</p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p class="i4"><span class="small1">Loret</span>, III, 57<sup>e</sup> lettre, du 10 mai 1652, p. 68.</p>
-</div></div>
-
-<p>Un abbé de Mariveau, qui était le chef principal de l'entreprise,
-se noya dans la Seine, près du Cours, en voulant sauter dans le
-bateau. (Cf. Raynal, <i>Hist. des Établissements européens dans les
-deux Mondes</i>, édit 1820, in-8<sup>o</sup>, t. VII, p. 44, et Ternaux-Compans,
-<i>Notice hist. sur la Guyane française</i>, 1843, in-8<sup>o</sup>, p. 50 à 59.)</p>
-
-<p class="pnote">Page 276, ligne 6: Ménage, qui n'aimait pas le marquis.</p>
-
-<p>Tallemant rapporte que Ménage disait sans cesse à madame de Sévigné
-que son plus grand malheur était d'avoir épousé le marquis de
-Sévigné, et qu'il n'était personne qui, les connaissant tous deux,
-ne dit aussitôt: «Quel homme pour une telle femme!»</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XX.</p>
-
-<p class="pnote">Page 279, ligne 21: Un des fils Galland, avocat célèbre.</p>
-
-<p>Il paraît que l'avocat Gondran est le même qui fut greffier du
-grand conseil, et dont Loret, dans l'endroit cité, fait un grand éloge
-<span class="pagenum"><a id="Page_426"> 426</a></span>
-comme royaliste, et comme homme charitable. Galland son père était
-peut-être celui auquel on doit un <i>Traité sur le Franc-Alleu</i>, cité par
-de Marca dans son <i>Histoire de Béarn</i>, p. 850, à l'<i>errata</i>.</p>
-
-<p class="pnote">Page 280, ligne 6: Avec La Roche-Giffard, gentil-homme breton.</p>
-
-<p>Ce La Roche-Giffard prit le parti de la Fronde, et fut tué à l'attaque
-de la porte Saint-Antoine.</p>
-
-<p class="pnote">Page 281, ligne 5: Le jeune abbé d'Aumale.</p>
-
-<p>L'abbé d'Aumale fut sacré archevêque de Reims sous le nom de
-Henri IV, en 1651. Il épousa Marie d'Orléans, fille unique du duc de
-Longueville, en 1657, et mourut le 5 janvier 1659.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXI.</p>
-
-<p class="pnote">Page 286, ligne dernière, et 287, ligne première: Il (le marquis de Sévigné) ne fut.</p>
-
-<p>Conrart dit de Sévigné: «Quoiqu'il eût quelque esprit et qu'il fût
-bien fait de sa personne, on ne s'accommodait point de lui, et il
-passait presque partout pour un fâcheux.» Ceci a été écrit avant
-la comédie de Molière, et démontre que cette expression était en
-usage avant notre grand comique.</p>
-
-<p class="pnote">Page 289, ligne 24: Portaient ainsi un remède à la sédition.</p>
-
-<p>Le prévôt des marchands et toute la cour, intimidés de la hardiesse
-et de l'insolence des séditieux, voulaient qu'Anne d'Autriche
-allât loger avec le roi à l'hôtel de ville; mais elle eut plus de courage
-et de tête que tout ce qui l'entourait, et comprit toute l'importance
-d'une telle démarche.</p>
-
-<p class="pnote">Page 292, ligne 11: Ce parti, proposé par de vils et ambitieux courtisans.</p>
-
-<p>M. de Saint-Aulaire ne parle qu'obscurément de ce projet, et
-semble l'attribuer à la reine. Anne d'Autriche gardait bien ses secrets;
-on voit que même avec le maréchal Duplessis, qui lui était tout dévoué,
-elle dissimulait, et qu'elle ne laissa pas percer vis-à-vis de lui
-le projet qu'elle avait de faire arrêter M. le Prince: alors elle voulut
-<span class="pagenum"><a id="Page_427"> 427</a></span>
-envoyer Duplessis en province. (Voyez Duplessis, <i>Mémoires</i>, t. LVII,
-p. 363-368.)</p>
-
-<p class="pnote">Page 292, ligne 21: Les députés de la noblesse et des provinces.</p>
-
-<p>Les députés de la noblesse s'étaient d'abord réunis chez le duc
-de Nemours; depuis, ils tinrent leurs assemblées aux Cordeliers.</p>
-
-<p class="pnote">Page 294, ligne 11: Que des personnes qui détestaient ce ministre.</p>
-
-<p>Villeroy, Roquelaure, Joyeuse, qui occupaient les premières charges
-de la cour, étaient du parti de <i>Monsieur</i>, ou du duc d'Orléans. «Je
-n'ai, disait Anne d'Autriche dans un moment de découragement, que
-des traîtres et des poltrons à l'entour de moi.»</p>
-
-<p class="pnote">Page 294, ligne 15: Secondée par la duchesse de Navailles.</p>
-
-<p>C'est à Mazarin que Navailles devait son titre de duc.</p>
-
-<p class="pnote">Page 299, ligne 12: Les théâtres, aussi encombrés de spectateurs.</p>
-
-<p>La foule se portait surtout au théâtre de la rue Guénégaud, où
-les allusions à ce qui se passait en Angleterre, et l'impopularité du
-grand Condé, firent accueillir froidement la pièce nouvelle du grand
-Corneille, <i>Don Sanche d'Aragon</i>, tandis que son frère (qui se faisait
-appeler Corneille Delisle) s'attirait des applaudissements pour sa
-comédie intitulée <i>l'Amour à la Mode</i>; il y donnait dans Oronte le
-type de tous les petits maîtres qui ont été depuis mis au théâtre. <i>Don
-Sanche</i> fut imprimé en 1650, mais ne fut joué qu'en 1651; le prince
-de Condé a donc pu y assister. Ceci rectifie ce qu'a dit M. Taschereau,
-<i>Vie de Corneille</i>, 1829, in-8<sup>o</sup>, p. 159.</p>
-
-<p class="pnote">Pages 299, deux dernières lignes: Dont elle gratifiait deux fois la semaine toute la haute société.</p>
-
-<p>Le mariage du duc de Merc&oelig;ur avec une fille de Mancini, nièce du
-cardinal, fut une occasion de fêtes; il en était de même pour le mariage
-projeté de mademoiselle de Chevreuse et du prince de Conti. Les
-occasions qu'on cherchait à faire naître pour déterminer <i>Mademoiselle</i>
-et sa s&oelig;ur la duchesse d'Alençon, ainsi que mademoiselle de Longueville
-et d'autres riches partis, étaient aussi des motifs puissants pour
-toutes ces réjouissances. Les ambassadeurs étrangers, qui étaient
-<span class="pagenum"><a id="Page_428"> 428</a></span>
-invités à toutes ces réunions, voulurent faire honneur à leur nation,
-et rendirent des fêtes non moins splendides. L'ambassadeur de Venise
-en donna une magnifique, dans les premiers jours de novembre 1651.
-Elle commença par une collation, puis après il y eut comédie, ensuite
-bal, puis le dîner, après feu d'artifice, et enfin concert. Ces fêtes duraient
-presque toujours toute la journée. Dans les fêtes que donnait
-<span class="small1">Mademoiselle</span>, elle faisait venir aussi des acteurs; après la comédie,
-on dansait, on jouait au colin-maillard. Toute la famille royale d'Angleterre
-se trouvait à ces réunions, et ce fut alors que le duc d'York
-fut sur le point d'épouser mademoiselle de Longueville. (Montpensier,
-<i>Mémoires</i>, t. XLI, p. 156.)</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXII.</p>
-
-<p class="pnote">Page 307, ligne 21: Du grand prieur de Malte.</p>
-
-<p>Le grand prieur de Malte, Hugues Rabutin, mourut en 1656; il
-était né en 1588.</p>
-
-<p class="pnote">Page 308, ligne 15: A la place, celle de mon veuvage.</p>
-
-<p>J'ai suppléé dans ce passage ces mots: <i>et le commencement d'une
-existence</i>, qui ne se trouvent point dans le texte; ce texte est incomplet
-sans cela. Si le texte original est conforme à l'impression, c'est
-madame de Sévigné elle-même qui aura fait cette omission, ce qui
-arrive fréquemment lorsqu'on écrit rapidement une lettre, et sans
-la relire. Cela est évident; le <i>qui</i> et tout ce qu'il régit ne peuvent se
-rapporter à l'année de son veuvage, mais à sa vie entière; le sens et
-les adjectifs féminins le font assez connaître. Ce passage et une
-grande portion de cette lettre ont été donnés au public pour la première
-fois dans l'édition de M. Monmerqué; mais aucun éditeur n'a
-remarqué que la phrase était incomplète.</p>
-
-<p class="pnote">Page 315, ligne 17: Le seul parmi les parlements du royaume qui se fût déclaré pour lui.</p>
-
-<p>Le parlement de Bordeaux ne se sépara des autres parlements qu'en
-haine du duc d'Épernon, que la reine s'obstina à vouloir maintenir
-comme gouverneur de Guyenne.</p>
-
-<p class="pnote">Page 317, ligne 12: A l'exclusion de Mazarin, qu'ils détestaient.</p>
-
-<p>La Rochefoucauld, la duchesse de Nemours et plusieurs autres crurent
-<span class="pagenum"><a id="Page_429"> 429</a></span>
-que Châteauneuf était parvenu à gagner les bonnes grâces de la
-reine, et que Mazarin n'était plus désiré que par les partisans qu'il
-avait à la cour, qui s'agitaient pour le faire revenir, en haine des ministres
-et de Châteauneuf; mais une élude approfondie de tous les
-documents de cette époque démontre qu'il n'en était pas ainsi, et
-que tous ceux qui l'ont cru ont été trompés par la profonde dissimulation
-d'Anne d'Autriche. Conférez surtout les <i>Mémoires</i> de Duplessis-Praslin,
-t. LVII, p. 336.</p>
-
-<p class="pnote">Page 318, ligne 17: Par un arrêt il confirma celui de Mazarin.</p>
-
-<p>Les précédents arrêts de la même cour, des 7 et 8 février, 11 mars,
-2 et 8 août, rendus pour le même objet et dans la même année, se
-trouvent, avec l'arrêt cité, dans un recueil que nous possédons.
-L'arrêt cité fut rendu le 29 décembre; il est signé Du Tillet. Il fut
-publié à son de trompe, dans tous les carrefours de Paris, le vendredi
-30 décembre 1651, ville et faubourgs, par Canto, juré-crieur ordinaire
-du roi, accompagné de trois trompettes de S. M.</p>
-
-<p class="pnote">Pages 318 et 319, lignes dernière et première: Qu'on s'interdisait même contre les pirates.</p>
-
-<p>Heureusement que cette atrocité n'eut d'autre suite que celle d'occasionner
-les plaisanteries de Marigny, qui dressa un état de répartition
-des 150,000 livres accordées pour la tête de Mazarin, et mettait
-tant pour le nez, tant pour les oreilles, tant pour la langue de M. le
-cardinal, tant pour les membres, etc.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXIII.</p>
-
-<p class="pnote">Page 323, ligne 23: La cour même et la plus grande partie des royalistes.</p>
-
-<p>Loret emploie dans cet endroit le mot <i>royaliste</i>, que nous avons
-conservé.</p>
-
-<p class="pnote">Page 327, note 1<sup>re</sup>: Chavagnac.</p>
-
-<p>Ces <i>Mémoires</i> de Chavagnac sont fort curieux, et ils auraient dû,
-ainsi que ceux de Bussy et de Navailles, être insérés par Petitot dans
-sa collection, plutôt que les Mémoires anonymes relatifs au dix-septième
-<span class="pagenum"><a id="Page_430"> 430</a></span>
-siècle, qui sont supposés; compilation médiocre, qui n'apprend
-rien qu'on ne trouve ailleurs.</p>
-
-<p class="pnote">Page 327, ligne 14: A lever un régiment pour ce prince.</p>
-
-<p>Il y avait encore à cette époque un reste de ligue parmi les seigneurs
-huguenots, puisqu'ils faisaient une pension de huit mille livres au
-père du comte de Chavagnac. (Chavagnac, <i>Mémoires</i>, t. I, p. 141.)</p>
-
-<p class="pnote">Pages 328, lignes 13 et 14: C'est pourquoi il s'attachait à se rendre maître de l'esprit du duc d'Orléans.</p>
-
-<p>Il est difficile de deviner ce qui a pu porter Lemontey à faire du
-cardinal de Retz un factieux dans la première partie de sa vie, un
-héros dans la seconde, si ce n'est la manie d'établir des contrastes
-piquants, et d'entasser des phrases ingénieuses aux dépens de la vérité.
-Cependant la lecture seule des <i>Mémoires</i> du cardinal de Retz,
-faite avec discernement, suffit pour démentir l'idée que Lemontey
-veut en donner. Cet auteur ne paraît avoir étudié l'histoire de la
-Fronde que dans les <i>Mémoires</i> de Retz; et il était difficile de choisir
-un guide plus infidèle et plus partial.</p>
-
-<p class="pnote">Page 329, lignes 23 et 24: Et voulait brûler la maison où elles s'étaient réfugiées.</p>
-
-<p>Cette maison appartenait à un nommé Vaurouy.</p>
-
-<p class="pnote">Page 331, ligne 6: Cependant Innocent.</p>
-
-<p>C'est par une distraction bien singulière qu'Anquetil a écrit (dans
-l'<i>Intrigue du Cabinet</i>, t. IV, p. 145) <i>Léon X</i>, au lieu d'<i>Innocent X</i>.
-Cette faute n'est point corrigée dans l'<i>errata</i>.</p>
-
-<p class="pnote">Page 333, ligne 8: La duchesse d'Aiguillon et Fabert.</p>
-
-<p>Fabert était tout dévoué à Mazarin, qui lui avait confié l'importante
-place de Sedan, et lui avait donné ses nièces à garder.</p>
-
-<p class="pnote">Page 334, ligne 7: Une autorité au moins nominale.</p>
-
-<p>Condé adjoignit à son frère, pour commander sous son nom, le
-comte de Marsin, un des généraux les plus expérimentés.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_431"> 431</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page 334, lignes 9 et 10: A des libelles outrageants pour tous deux.</p>
-
-<p>Conrart, à l'endroit cité, a le passage suivant: «On assure qu'ils
-(Jarzé et Sarrazin) ajoutaient qu'étant survenu quelque chose de
-pressé, où il fallait avoir les ordres du prince de Conti, on les avait
-été chercher dans la chambre de madame de Longueville, où on les
-trouva tous deux au même lit. Ces placards se sont vus imprimés.»</p>
-
-<p class="pnote">Page 334, ligne dernière: Négligeait par trop le soin de sa personne.</p>
-
-<p>Cette malpropreté était de famille; car le grand Condé, selon <i>Mademoiselle</i>,
-était remarquable sous ce rapport. (Montpensier, <i>Mém.</i>,
-t. XLI, p. 314; t. XLII, p. 220.)</p>
-
-<p class="pnote">Page 336, ligne 8: A la muse spirituelle de Benserade.</p>
-
-<p>Cette chanson de Benserade commençait ainsi:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Châtillon, gardez vos appas</p>
-<p> Pour une autre conquête:</p>
-<p class="i2"> Si vous êtes prête,</p>
-<p class="i2"> Le roi ne l'est pas.</p>
-</div></div>
-
-<p>Bussy, dans son <i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, rapporte le premier
-vers de cette chanson, et nomme l'auteur, Prospère. Ce qui
-prouve encore que les éditeurs de l'édition de 1754 ont mis les noms
-d'après la clef de la première édition, c'est que cette clef ne contenait
-pas l'explication du nom de Prospère, et qu'ils ont laissé ce nom
-sans explication. Loménie de Brienne nomme Benserade au lieu de
-Prospère, et dans l'édition de l'<i>Histoire amoureuse de France</i> de
-1710 le nom de Benserade est substitué à celui de Prospère. Les
-éditions récentes de l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, sous format
-in-8<sup>o</sup>, ne sont que des réimpressions de l'édition de 1754, avec de nouvelles
-fautes d'impression.</p>
-
-<p class="pnote">Page 336, ligne 20: Cambiac se retira lorsqu'il sut que Condé était son rival.</p>
-
-<p>Lenet dit: «La princesse (de Condé la mère) tint un conseil composé
-de Roquette, de la duchesse (de Châtillon), de madame de Bourgneuf,
-de Cambiac, et de moi.» Ce passage prouve que Cambiac était du
-conseil intime de la princesse douairière, et confirme tout ce que
-Bussy en dit, page 181. On doit remarquer que <span class="small1">Mademoiselle</span> et Lenet
-<span class="pagenum"><a id="Page_432"> 432</a></span>
-confirment ce que Bussy dit sur Cambiac; ce qui vient à l'appui de
-l'assertion de Bussy dans sa lettre au comte du Saint-Aignan, où il
-affirme que dans l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i> il n'a fourni que
-la broderie, mais que pour les faits, il n'a écrit que ce qui était connu
-à la cour. Il y a ici de notables différences entre les diverses éditons
-de ce livre. Celle de 1710, intitulée <i>Histoire amoureuse de
-France</i>, donne sans déguisement le nom de Cambiac.</p>
-
-<p class="pnote">Page 338, ligne 15: Publiaient l'un contre l'autre des libelles anonymes.</p>
-
-<p>Gondi répondit à tous les écrits de Chavigny par un petit écrit intitulé
-<i>les Contre-temps du sieur de Chavigny</i>; pamphlet plein de sel
-et de gaieté, qui fit, dit-on, pleurer de rage celui contre lequel il était
-dirigé.</p>
-
-<p class="pnote">Page 339, lignes 12 et 13: En empêchant les troupes du roi de pénétrer dans Orléans.</p>
-
-<p>On fit alors une estampe satirique qui représentait <span class="small1">Mademoiselle</span>
-en amazone, armée d'un grand balai, et balayant, comme une ordure,
-Mazarin hors des portes d'Orléans.</p>
-
-<p class="pnote">Page 341, ligne 19 et 20: Qu'il protégeait contre tous les maux de la guerre-civile.</p>
-
-<p>Brienne dit: «On eût bien pu trouver des endroits convenables, en
-Normandie, au séjour de la cour; mais on craignait de donner de la
-jalousie et du soupçon à M. de Longueville, qui faisait en sorte que
-le roi y jouissait d'une partie de ses revenus, qui empêchait qu'on
-s'y soulevât, et qu'on y causât le moindre préjudice au service de
-S. M.; mais il donnait assez à entendre qu'il ne fallait pas en demander
-davantage de lui.»</p>
-
-<p class="pnote">Page 342, lignes 4 et 5: Et une hideuse famine.</p>
-
-<p>Balzac écrivait à Conrart, le 20 novembre 1651: «Quand la paix
-se ferait demain, cette courte guerre y laissera une longue mémoire
-des maux qu'elle a faits. Si on réforme et si on règle ainsi les États,
-bien heureux sont les États qu'on laisse dans le désordre et la corruption.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_433"> 433</a></span></p>
-<p class="echap">CHAPITRE XXIV.</p>
-
-<p class="pnote">Page 346, ligne 5: Une actrice.</p>
-
-<p>Cette actrice se nommait Baron.</p>
-
-<p class="pnote">Page 347, ligne 4: La duchesse d'Orléans.</p>
-
-<p>La duchesse d'Orléans mit aussi à profit la fureur du jeu, et joua
-ses meubles contre des sommes qui surpassaient leur valeur, mais
-dont la destination était marquée d'avance. Cet exemple fut imité.</p>
-
-<p class="pnote">Page 348, ligne 15: Leurs ouvrages et leurs exemples avaient donné un caractère plus grave à ces réunions d'hommes de lettres.</p>
-
-<p>Un maître des requêtes, membre de l'Académie Française, Habert de
-Montmor, était à cette époque le Mécène des gens de lettres. Il cultivait
-également les sciences et la littérature, et faisait facilement
-des vers latins. Il avait table ouverte pour les savants et les beaux
-esprits. Il en logeait plusieurs dans son hôtel. Gassendi, l'homme le
-plus universel de son temps, ce digne rival de Galilée et de Kepler, ce
-précurseur de Newton et de Leibnitz, logea chez lui, et y mourut. Les
-réunions dont il était l'oracle et le patriarche ne discontinuèrent pas
-même pendant les crises orageuses de l'année suivante. On y lisait
-fréquemment des lettres de la reine Christine, alors en correspondance
-avec Gassendi et avec plusieurs autres savants de Paris, qu'elle cherchait
-à attirer en Suède, donnant ainsi l'exemple rare, parmi les souverains,
-de sa prédilection pour un genre de gloire préférable à celui
-des conquêtes.</p>
-
-<p class="pnote">Page 355, ligne 7: Saint-Évremond.</p>
-
-<p>Saint-Évremond a fait le portrait de la comtesse d'Olonne dans le
-temps où il en était lui-même amoureux. Sa mère se nommait Marie
-de Raynier. La comtesse d'Olonne mourut le 13 juin 1714.</p>
-
-<p class="pnote">Page 359, avant-dernière ligne: Fit échouer les projets du cardinal.</p>
-
-<p>La s&oelig;ur cadette de la comtesse d'Olonne épousa le maréchal de la
-Ferté. Les deux s&oelig;urs se ressemblaient par les m&oelig;urs, et demeurèrent
-ensemble vers la fin de leur vie. Elles étaient d'une branche cadette de
-la maison d'Angennes. Elles moururent toutes deux en 1714. Saint-Simon
-rapporte sur elles une anecdote curieuse à l'endroit cité.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_434"> 434</a></span></p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXV.</p>
-
-<p class="pnote">Page 362, ligne 6: Quand on veut jaser et qu'on n'ose.</p>
-
-<p>Loret donne une épithète à chacune de ses lettres, pour en caractériser
-par un seul mot le contenu, et il a surnommé <i>tremblante</i> celle
-du 18 août. A la page 40 du livre III, il nous apprend que sur le Pont-Neuf
-les crieurs faisaient retentir la place des nouvelles victoires
-remportées contre les mazarinistes, tandis que chez le maréchal de
-L'Hospital on faisait ceux-ci victorieux.</p>
-
-<p class="pnote">Page 362, lignes 17 et 18: On s'empressait aux sermons du père Le Boux.... du père George.....</p>
-
-<p>Le père Berthod indique encore un autre prédicateur qui, comme le
-père George, prêchait contre Mazarin; mais il n'en donne pas le nom.
-Nous apprenons par Loret que c'était à l'église de Saint-Severin que
-prêchait le père Le Boux; le père George prêchait aux Jacobins de la
-rue Saint-Honoré.</p>
-
-<p class="pnote">Page 365, ligne 23: Le déguisement qu'il avait emprunté.</p>
-
-<p>On commanda à Condé de brider un cheval, et il ne sut comment
-s'y prendre. Une autre fois, on lui donna la queue de la poêle à tenir
-pour faire cuire une omelette, et, en voulant la retourner, il la jeta
-dans le feu. M. de Saint-Aulaire, dans son <i>Histoire de la Fronde</i>, t. III,
-p. 120, se trompe lorsqu'en parlant de cette marche il dit de Condé,
-«qu'il s'acquittait mieux qu'aucun de ses compagnons des différents
-rôles que lui imposait la nécessité». Il est à présumer qu'il n'a lu ni
-la relation de Chavagnac ni celle de Gourville, qui sont les deux
-véritables autorités pour ce point d'histoire. Nemours, qui avait fait
-une traversée semblable avec Chavagnac, pour aller en Flandre chercher
-les troupes espagnoles, s'était montré encore plus inexpérimenté.
-Malgré son courage, il ne pouvait supporter la fatigue et les privations;
-et il subissait tous les inconvénients d'une éducation molle et
-efféminée.</p>
-
-<p class="pnote">Page 365, ligne 23: Contre un gentil-homme royaliste.</p>
-
-<p>La Rochefoucauld nomme ce gentil-homme La Bassinière; Chavagnac
-le nomme Bassiniac. Chavagnac raconte, à la page 151, un
-singulier acte de brutalité de Condé envers Guitaut.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_435"> 435</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page 367, lignes 13 et 14: Le Languedoc ne lui eût point été contraire.</p>
-
-<p>Du Languedoc il faut excepter la ville de Toulouse, que le parlement eût maintenue dans le parti du roi.</p>
-
-<p class="pnote">Page 367, ligne 23: Condé se rendit à Paris.</p>
-
-<p>Loret nous apprend que ce fut un jeudi que Condé entra dans Paris.
-Le bas peuple cria <i>vive Condé!</i> et des femmes du peuple allèrent
-à sa rencontre avec des lauriers.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXVI.</p>
-
-<p class="pnote">Page 373, ligne 3: Il chemina lentement.</p>
-
-<p>Le roi alla loger au Louvre, qui était alors entouré de fossés, et
-non aux Tuileries.</p>
-
-<p class="pnote">Page 373, note 2: <i>Loménie de Brienne</i>.</p>
-
-<p>On dira peut-être, au sujet de cette citation de Loménie de Brienne,
-qu'elle prouve peu, parce que dans ce passage c'est le fils du maréchal
-de Villeroi qui dément les bruits injurieux répandus sur son père
-relativement à l'éducation de Louis XIV, dont le maréchal était gouverneur;
-mais ce témoignage vaut bien celui des ennemis de Mazarin,
-qui avaient plus d'intérêt à noircir ce ministre, que Villeroi fils
-à le disculper longtemps après sa mort.</p>
-
-<p class="pnote">Page 377, ligne 12: La dispersion du papier par ceux de la paille.</p>
-
-<p>L'affaire du papier, quoique réprimée, produisit cependant son
-effet; elle amena la concession des passe-ports qu'on avait refusés
-aux bourgeois députés par le roi, et la démission de Broussel de sa
-place de prévôt des marchands.</p>
-
-<p class="pnote">Page 377, ligne 16: Les partisans du roi dans Paris.</p>
-
-<p>Sève, annonçant au roi qu'il était suivi par un grand nombre de
-ses concitoyens, dit: «Sire, laissez-vous vaincre à leurs prières,
-rendez-vous à leurs larmes, etc.»</p>
-
-<p class="pnote">Page 378, note 2: Berthod.</p>
-
-<p>La publication récente des Mémoires du P. Berthod a jeté un jour
-<span class="pagenum"><a id="Page_436"> 436</a></span>
-tout nouveau sur cette partie importante de l'histoire de la Fronde.
-Quand les masses sont préparées à une révolution, l'influence individuelle
-a une grande puissance; quand, au contraire, elles sont opposées
-à tout changement, cette influence est nulle.</p>
-
-<p class="pnote">Page 380, ligne 19: Jaloux de la faveur dont il jouissait.</p>
-
-<p>Loret lui-même, quoique bon royaliste, n'aimait pas Mazarin, et
-dit qu'il est haï des provinces.</p>
-
-<p class="pnote">Page 382, ligne 12: Mazarin reparut.</p>
-
-<p>Tandis que Condé pillait les convois de grains qui entraient dans la
-capitale, Mazarin les faisait protéger par les troupes royales. Quand
-il fallut conférer pour l'entrée du roi, ce ne fut pas aux chefs des partis,
-ou au prévôt des marchands, ou au gouverneur, que l'on voulut
-avoir affaire, mais avec les six corps des marchands et avec les trois
-cents bourgeois qui commandaient la garde urbaine. Voilà de l'habileté.
-<span class="small1">Mademoiselle</span> s'enfuit, masquée et déguisée, et sous un faux
-nom, dans le carrosse de madame de Montmort. Gaston, en partant,
-ne voulut point la voir; il lui reprochait de l'avoir poussé contre la
-cour. Les caractères faibles se font justice: ils sentent qu'ils ne peuvent
-rien par eux-mêmes, et attribuent toujours aux autres les fautes
-qu'ils commettent. Tous les membres du parlement, quelles que fussent
-leurs opinions, quelle qu'eût été leur conduite, furent convoqués
-au Louvre, à la réserve d'un très-petit nombre des plus factieux;
-savoir, Broussel, Vial, de Thou, Portail, Bertaut, Croissy, Fouquet,
-Machault-Fleury. Vincennes et la Bastille furent rendus par Louvière
-et madame de Chavigny, sur un simple ordre du roi. Gaston et le parti
-des princes voulurent faire croire à la cour que Paris était encore trop
-près de la révolte; ils demandaient du temps pour disposer la population
-à recevoir le roi; mais on était trop bien instruit de l'état des
-choses pour se laisser tromper, et la cour continua sa marche. La
-même situation se retrouva pour Louis XVIII. Fouché persuada au
-conseil du roi que les jacobins étaient encore redoutables dans Paris,
-et il arrêta le monarque à Saint-Ouen; par là on crut cet homme
-nécessaire ainsi que les siens, et il souilla la royauté de son ministère.
-On apprit ainsi aux peuples que le sceptre résidait entre les mains de
-la peur. Tous les malheurs qui suivirent viennent de cette première
-faute. Lorsque Louis XVIII crut devoir s'arrêter à Saint-Ouen, les jacobins
-<span class="pagenum"><a id="Page_437"> 437</a></span>
-avaient encore moins d'influence dans Paris que les frondeurs lors
-du retour de Louis XIV. On ne sut pas séparer le parti conventionnel
-ou jacobin du parti militaire ou bonapartiste; ces deux partis étaient
-bien distincts, et opposés. Ils se réunirent quand ils se virent enveloppés
-par la royauté dans une même défiance. Alors le roi et la monarchie
-restèrent dépouillés de leurs plus fermes appuis, et eurent pour
-ennemis les bonapartistes, qui alors, ayant répudié leur chef, avaient
-intérêt à tout conserver, à tout affermir, et au besoin à tout reconquérir.</p>
-
-<p class="pnote">Page 383, lignes 4, 5 et 6: Cette marche habile lui acquit l'estime
-de tous les cabinets étrangers.</p>
-
-<p>De même que Richelieu, Mazarin ne sépara jamais ses intérêts de
-ceux du royaume, ni le royaume de la personne du roi. Lorsque
-Condé voulait dominer le roi, Mazarin conseillait à la reine de s'unir
-au coadjuteur, qui pourtant était son plus grand ennemi; et plus
-tard il préférait mettre le roi sous le joug de Condé, et par conséquent
-sous celui de ses sujets révoltés, plutôt que sous la domination
-des Espagnols.</p>
-
-<p class="pnote">Page 386, ligne 21: Au lieu d'armer et de se fortifier.</p>
-
-<p>Le roi d'Angleterre (le prétendant) prêta au cardinal de Retz jusqu'à
-cent vingt hommes pour se fortifier.</p>
-
-<p class="pnote">Page 387, lignes 5 et 6: Où il étala tant de luxe et de magnificence.</p>
-
-<p>Pendant la durée de cette ambassade, sa dépense se montait à huit
-cents écus par jour.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXVII.</p>
-
-<p class="pnote">Page 392, lignes 21, 23, 24: Condé... vient siéger sur les fleurs de lis.</p>
-
-<p>Monglat dit que ce fut le 10 août que Condé vint siéger au parlement.</p>
-
-<p class="pnote">Page 393, note 1: <span class="small1">De Villefore</span>, la véritable vie d'Anne-Geneviève de Bourbon, duchesse de Longueville, etc.</p>
-
-<p>L'édition qui porte pour titre: <i>Vie de madame de Longueville</i>, et
-<span class="pagenum"><a id="Page_438"> 438</a></span>
-qui est sans nom de lieu, est faite à Paris. L'auteur n'est point nommé,
-tandis qu'il l'est deux fois dans l'édition d'Amsterdam, dans un avis
-du libraire et dans un avertissement d'éditeur. L'avis du libraire,
-qui indique les retranchements qu'a subis l'édition de Paris, est à la
-fin du volume.</p>
-
-<p class="pnote">Page 399, ligne 2: C'est dans le château de celui-ci que se fit le mariage.</p>
-
-<p>Ce mariage se fit en 1646, vers la fin de l'hiver. Mademoiselle
-de Rohan avait vingt-sept à vingt-huit ans, et était d'une vertu sévère.</p>
-
-<p class="pnote">Page 400, ligne 9: Sa mort termina ce romanesque procès.</p>
-
-<p>Tancrède mourut le 1<sup>er</sup> février 1649, âgé de dix-neuf ans. Conférez
-l'<i>Histoire de Tancrède de Rohan</i> (par le père Griffet); Liége, 1767,
-in-12, p. 55 et 91. Ce volume, par les pièces justificatives qui le terminent,
-contient quelques documents curieux pour l'histoire.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXVIII.</p>
-
-<p class="pnote">Page 404, ligne 21: La duchesse n'y paraissait point.</p>
-
-<p>Mademoiselle de Montpensier décrit, dans ses Mémoires, une fête
-qui eut lieu chez la comtesse de Choisy, où il y eut comédie et collation.
-Puis elle ajoute: «Tout ce qu'il y avait d'hommes et de femmes
-à Paris y vinrent.» Ce qui veut dire, dans son langage, qu'il n'y
-avait pas un seul homme ni une seule femme de la classe bourgeoise.</p>
-
-<p class="pnote">Page 404, les deux dernières lignes: C'est que c'était aux Tuileries, où elle demeurait alors.</p>
-
-<p>Mademoiselle de Montpensier fut délogée des Tuileries au retour du
-roi. Il faut lire dans l'endroit cité les regrets qu'elle exprime d'être
-forcée de quitter ces magnifiques appartements, où elle avait toujours
-habité.</p>
-
-<p class="pnote">Page 408, ligne 12: Adonnée à l'astrologie et à la divination.</p>
-
-<p>Il faut lire dans Segrais la curieuse histoire de l'abbé Brigalier.</p>
-
-<p class="pnote">Page 409, lignes 27 et 28: La présidente de Pommereuil pour le cardinal de Retz.</p>
-
-<p>Le cardinal de Retz donna au roi et à la reine d'Angleterre un repas
-<span class="pagenum"><a id="Page_439"> 439</a></span>
-si magnifique, qu'il fut pendant quelques jours, dans Paris, l'objet
-principal des entretiens des cercles et des ruelles.</p>
-
-<p class="pnote">Page 410, ligne 3: Chez la marquise de Bonnelle.</p>
-
-<p>C'était, à ce qu'il paraît, d'après Loret, chez la marquise de Bonnelle
-que l'on jouait alors. Le jeu à la mode était celui de quinola ou
-le reversis. Il venait d'Espagne.</p>
-
-<p class="pnote">Page 410, lignes 6 et 7: <span class="small1">Mademoiselle</span> faisait presque toujours venir les vingt-quatre violons.</p>
-
-<p>Les vingt-quatre violons firent partie de la maison du roi, mais ils
-ne formaient pas les seuls musiciens de la chambre; il y avait encore
-les joueurs de violons ordinaires, les joueurs de hautbois, de <i>saqueboutes</i>
-et <i>cornets</i>, les joueurs de <i>phiphres</i>, <i>tabourins</i> et <i>muzettes</i>.
-Tous avaient des gages, et les sommes qu'ils recevaient se lisent
-p. 143, 144, 168 et 169 de l'ouvrage du sieur de <span class="small1">la Marinière</span>, intitulé
-<i>Estat général des officiers, domestiques et commençaux de la
-Maison du Roy</i>; Paris, 1660, in-8<sup>o</sup>. Ce livre est curieux et peu connu,
-et il ne faut pas le confondre avec l'<i>État de la France</i>, dont on
-publiait une nouvelle édition presque tous les ans, et auquel a succédé
-l'<i>Almanach royal</i>.</p>
-
-<p class="pnote">Page 411, ligne 2: Joints aux négociations.</p>
-
-<p>La duchesse d'Aiguillon négociait à Saint-Germain pour le prince de
-Condé. Voyez Chavagnac, t. I, p. 167. Il y a dans cet endroit une
-erreur de pagination.</p>
-
-<p class="pnote">Page 411, ligne 16: La gaieté régnait au milieu des dangers.</p>
-
-<p>Remarquons cependant que dans le midi la guerre se faisait avec
-acharnement, et donnait lieu à d'atroces forfaits: témoin l'affaire du
-chevalier de Canolle, pendu quoique prisonnier de guerre, et celle du
-père de Chavagnac, livré par ses propres troupes et assassiné par son
-maître d'hôtel.</p>
-
-<p class="pnote">Page 412, lignes 14 et 15: Ces divers spectacles attiraient hors de Paris.</p>
-
-<p>Ces divertissements et ces communications eurent surtout lieu lorsque
-Turenne s'était retranché derrière le bois qui est sur les hauteurs
-de Villeneuve-Saint-Georges; alors les princes se trouvaient campés
-proche de Boissy-Saint-Léger, dans la plaine qui est entre ce village
-<span class="pagenum"><a id="Page_440"> 440</a></span>
-et le bois de Villeneuve-Saint-Georges (le bois du château de La Grange);
-le bois séparait les deux camps, et formait l'intervalle qu'aucune des
-deux armées n'osait franchir.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXIX.</p>
-
-<p class="pnote">Page 413, ligne 2 du texte: Fut encore augmenté par l'arrivée du duc de Lorraine à Paris.</p>
-
-<p>Ce fut le 5 septembre que le duc de Lorraine vint à Paris, accompagné
-du duc de Wurtemberg. Le duc de Lorraine était né en 1604.</p>
-
-<p class="pnote">Page 414, lignes 10, 11 et 12: Faisait profession de ne tenir à sa parole qu'autant que son intérêt l'y obligeait.</p>
-
-<p>Pavillon, dans son Testament de Charles IV, a très-bien dit de
-lui:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Il donna librement sa foi</p>
-<p>Tour à tour à chaque couronne;</p>
-<p class="i1"> Il se fit l'étrange loi</p>
-<p>De ne la garder à personne.</p>
-</div></div>
-
-<p>Cette morale dépravée fut commune parmi les guerriers de ce
-temps, et le duc de Lorraine fit plus d'un élève. On peut lire dans les
-<i>Mémoires de Loménie de Brienne</i>, t. II, p. 295, quels affreux conseils
-donnait à ce jeune homme entrant dans le monde le duc de
-Vendôme.</p>
-
-<p class="pnote">Page 414, ligne 20: En épousant ensuite Béatrix de Cusane, princesse de Cantecroix.</p>
-
-<p>Le mariage du duc de Lorraine avec la princesse de Cantecroix eut
-lieu en 1637, à Besançon.</p>
-
-<p class="pnote">Page 415, ligne 25: Les déterminations de Charles IV.</p>
-
-<p>La duchesse de Châtillon elle-même ne craignait pas de donner de
-la jalousie à Condé, en faisant des coquetteries au duc de Lorraine.</p>
-
-<p class="pnote">Page 416, ligne 2: Ses manières si étranges parurent piquantes.</p>
-
-<p>Dans une promenade au Cours que le duc de Lorraine fit avec la
-<span class="pagenum"><a id="Page_441"> 441</a></span>
-duchesse de Chevreuse, sa fille, et madame de Frontenac, sa conversation
-fut tout à fait ordinaire. Voyez les Mémoires de Conrart.</p>
-
-<p class="pnote">Page 416, ligne 10: Les troupes de tous les partis.</p>
-
-<p>Les troupes du duc de Lorraine n'étaient pas les seules qui commissent
-des désordres; celles des princes, les troupes royales elles-mêmes,
-ne se conduisaient pas mieux. Pour donner une idée de l'indiscipline
-de ces dernières, il suffit de dire que le maréchal d'Hocquincourt,
-qui les commandait, ne put empêcher sa maison d'être
-dévastée. Chavagnac avoue que pendant deux jours qu'il fut cantonné
-à Poissy, il reçut de riches présents des propriétaires des
-environs pour empêcher qu'ils ne fussent pillés.</p>
-
-<p class="pnote">Page 416, ligne 20: Le chef d'une troupe de démons que, comme un général d'armée...</p>
-
-<p>Loret, dans sa gazette, raille ainsi les Parisiens de l'accueil qu'ils
-faisaient au duc de Lorraine:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Les soldats du duc de Lorraine</p>
-<p>Ont enfin traversé la Seine,</p>
-<p>Et plusieurs des gens de Paris,</p>
-<p>Loin d'en avoir les c&oelig;urs marris,</p>
-<p>Après avoir mangé leurs soupes,</p>
-<p>Allèrent voir passer ces troupes</p>
-<p>Avant-hier, qu'il faisait beau,</p>
-<p>Dans la plaine de Long-Boyau.</p>
-<p>Ils ont brûlé cinq cents villages,</p>
-<p>Ravi douze cents pucelages,</p>
-<p>Fait deux mille maris cornus,</p>
-<p>Et pourtant sont les bien-venus.</p>
-</div></div>
-
-<p class="pnote">Page 418, ligne 15: L'abbesse de Pont-aux-Dames.</p>
-
-<p>Conrart place ce fait le 4 juin.</p>
-
-<p class="pnote">Page 421, lignes 6 à 8: Elles portaient des rubans, des montres d'or, etc.</p>
-
-<p>Au sujet des habillements de ces religieuses, voici comment s'exprime
-saint Vincent de Paul:</p>
-
-<p>«Plures vestes monialum deferunt indecentes, et immodestas. In
-<span class="pagenum"><a id="Page_442"> 442</a></span>
-locutoriis se ostentant vittis ignei coloris fulgentes; horarias aureas,
-seu horologia aurea gestitant; chirotecas etiam raras, et quas vocant
-hispanas, induunt.» (<span class="small1">G. Delort</span>, <i>Mes Voyages aux environs de
-Paris</i>, in-8<sup>o</sup>, t. II, p. 173.)</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXX.</p>
-
-<p class="pnote">Page 425, ligne 6: Où chaque guerrier se bat avec acharnement.</p>
-
-<p>Cette bataille eut lieu le 5 juillet. Les descriptions qu'en ont données
-les historiens que j'ai cités se ressemblent toutes, et sont exactes;
-mais elles sont dépourvues de ces scènes animées qu'on trouve
-dans les Mémoires, et dont nous avons tenté de donner une esquisse.
-Il y a dans Ramsay, ainsi que dans Désormeaux, un très-beau plan
-de cette bataille; c'est le même dans les deux ouvrages. Il a été réduit
-dans l'édition in-12 de l'ouvrage de Désormeaux.</p>
-
-<p class="pnote">Page 425, ligne 21: En versant des torrents de sang.</p>
-
-<p>L'aide de camp de Chavagnac, après s'être battu en brave homme,
-fut tellement frappé d'horreur du massacre de cette journée, qu'il
-quitta l'état militaire et se fit capucin.</p>
-
-<p class="pnote">Page 426, ligne 16: Mais nul plus que Saint-Mesgrin.</p>
-
-<p>Personne n'était plus aimé à la cour que Saint-Mesgrin. Malgré sa
-jeunesse, il avait commandé en chef une armée en Catalogne, et déployé
-dans cette campagne les plus grands talents pour la guerre.
-La reine mère, dont il était chéri et favorisé, le pleura, et le fit inhumer
-avec pompe à Saint-Denis. Saint-Simon donne très en détail, dans
-l'endroit cité, toute l'histoire du père de ce jeune homme, qui mourut
-en 1665, à l'âge de quatre-vingt-trois ans. Il était gendre du maréchal
-de Roquelaure, et grand sénéchal de Guyenne. Saint-Simon nous apprend
-que le vrai nom du père de Saint-Mesgrin était Esthbuert; ce fut par
-une héritière de Caussade, dont il joignit son nom au sien, qu'il devint
-Saint-Mesgrin. Dans l'insipide ouvrage de Somaize, il y a quelques
-détails sur la duchesse de Chaulnes, qui fut veuve de Saint-Mesgrin, et
-sur les femmes qui étaient ses amies. Elle est désignée sous le nom de
-Clidaris; Sophronie est madame de Sévigné; le Palais-Sénèque est le
-Palais-Royal; Barsane est cette marquise des Brosses dont j'ai raconté
-les aventures touchantes dans la Vie de Maucroix. Le jeune de Fouilloux
-s'était joint aussi à Saint-Mesgrin, et périt dans la même action.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_443"> 443</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page 428, lignes 8 et 9: Dans une maison de particulier.</p>
-
-<p>Cette maison était celle d'un nommé de La Croix, maître des
-comptes.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXXI.</p>
-
-<p class="pnote">Page 431, ligne 16: Le duc de Beaufort, le héros de la populace de Paris.</p>
-
-<p>L'hôtel de Beaufort était alors rue Quincampoix.</p>
-
-<p class="pnote">Page 431, lignes 19, 20: Qui épouvantèrent le gouverneur, le prévôt des marchands, les échevins.</p>
-
-<p>Le carrosse du prévôt des marchands fut attaqué par la populace,
-et un échevin fut blessé. On pilla la boutique d'un armurier nommé
-Regnicourt. Un nommé L'Espinois, capitaine de son quartier, manqua
-d'être jeté à l'eau, parce qu'il était accusé d'être retz ou mazarin.</p>
-
-<p class="pnote">Page 431, ligne 21: Et forcèrent à fuir sous divers déguisements...</p>
-
-<p>La maréchale de Turenne, qui demeurait alors rue Saint-Louis au
-Marais, alla rejoindre la cour; Seguier, premier président, en fit autant,
-ainsi que le roi et la reine d'Angleterre, qui se trouvaient alors
-à Paris. (Loret, liv. III, p. 64.)</p>
-
-<p class="pnote">Page 432, ligne 9: Força de recourir à une assemblée générale.</p>
-
-<p>Talon donne, dans cet endroit de ses Mémoires, des renseignements
-curieux et intéressants sur les grandes et les petites assemblées
-de la ville de Paris.</p>
-
-<p class="pnote">Page 432, lignes 16 et 17: De ses soldats déguisés en gens du peuple.</p>
-
-<p>Lefebvre de La Barre, prévôt des marchands, donna sa démission
-aussitôt après le tumulte.</p>
-
-<p class="pnote">Page 432, ligne 22: A se soustraire à la fureur populaire.</p>
-
-<p>Les vers de Loret, quoiqu'ils soient toujours dépourvus de grâce
-et de poésie, ont, en racontant ces scènes déplorables, une naïveté
-qui plaît, parce qu'on y voit une douleur sincère dans celui qui les
-écrivait. Ce gazetier si insipide, ce versificateur si plat, était un
-<span class="pagenum"><a id="Page_444"> 444</a></span>
-des plus honnêtes hommes de cette époque; il montre partout les sentiments
-d'un bon Français; et s'il flattait les grands, il ne les abandonnait
-pas dans le malheur, comme le prouva l'affaire de Fouquet.</p>
-
-<p class="pnote">Page 434, ligne 24: Avaient encore augmenté le resserrement de la population.</p>
-
-<p>Talon dit qu'il y avait alors cent mille personnes auxquelles la charité
-était distribuée. Le pain blanc valait le 6 juillet onze à douze
-sous la livre (c'est vingt-quatre sous d'aujourd'hui). Le pain bis valait
-sept sous (quatorze sous).</p>
-
-<p class="pnote">Page 435, ligne 21: Pour un vol de 300,000 livres de marchandises.</p>
-
-<p>C'est Chavagnac lui-même qui raconte ce fait. Ces marchandises
-appartenaient à des bourgeois de Paris.</p>
-
-<p class="pnote">Page 435, ligne 25: Gaston fit aussitôt conduire le comte de Rieux à la Bastille.</p>
-
-<p>Il est fait mention de cette affaire du comte de Rieux dans plusieurs
-des Mémoires du temps; mais c'est dans les Mémoires de
-Talon qu'elle est le mieux détaillée.</p>
-
-<p class="pnote">Page 436, ligne 11: Beau, galant, gracieux et enjoué.</p>
-
-<p>Voici le portrait que Bussy-Rabutin, qui n'est pas louangeur, nous
-a laissé du duc de Nemours: «Ce duc avait les cheveux fort blonds,
-le nez bien fait, la bouche petite et de belle couleur; il avait la plus
-jolie taille du monde, et dans ses moindres actions une grâce qu'on
-ne pouvait assez admirer; l'esprit fort enjoué et badin.»</p>
-
-<p class="pnote">Page 438, ligne 25: Pour en arracher cette détermination.</p>
-
-<p>Condé, par le moyen de ses liaisons avec l'Espagne, avait obtenu,
-au moyen d'une rançon, la liberté du duc de Guise, fait prisonnier
-par les Espagnol, lors de son expédition contre le royaume de Naples;
-mais en arrivant à Paris le duc de Guise se déclara pour le
-roi, et siégea dans la séance où la déclaration royale qui proscrivait
-Condé fut enregistrée. Le duc de Rohan aussi accepta l'amnistie, et
-ne suivit pas Condé.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_445"> 445</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page 439, ligne 24: Depuis qu'il n'était plus obligé de la disputer à Nemours.</p>
-
-<p>Lorsque Condé, par une habile man&oelig;uvre, eut enfermé l'armée de
-Turenne entre la sienne et celle du duc de Lorraine, il fut saisi d'une
-fièvre qui lui dura quelques jours, et l'empêcha de profiter des succès
-de ses combinaisons. Guy-Joly dit, dans ses Mémoires, que cette
-indisposition de M. le Prince fut causée par une comédienne dont il
-s'était trop approché. Ce qui me semble prouver, comme je l'ai dit,
-que Condé bien avant son départ de Paris était fort refroidi à l'égard
-de la duchesse de Châtillon.</p>
-
-<p class="pnote">Pages 441, lignes 1 et 2: De femmes qui dans le vice conservassent moins de respect pour la vertu.</p>
-
-<p>Sauval donne encore pour amants à la duchesse de Châtillon, Bouchu,
-intendant de Bourgogne, et Cambiac, auquel il donne le titre
-de chanoine d'Alby et de Montauban. Mais Sauval, mal instruit des
-choses de la cour, a écrit longtemps après les événements. Pour tous
-ces petits faits scandaleux, qui ont de l'importance par leur influence
-sur les grands événements, il faut consulter les Mémoires des personnes
-qui ont connu les personnages mêmes auxquels ces anecdotes
-sont relatives. Les Mémoires de Montpensier, de Motteville, et surtout
-ceux de Bussy, sont les meilleures sources et les plus authentiques.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXXII.</p>
-
-<p class="pnote">Page 446, ligne 17: Telles étaient les dispositions où se trouvait Balzac.</p>
-
-<p>Jean-Louis Guez, seigneur de Balzac, naquit en 1594 et mourut
-en 1655. Employé d'abord à Rome sous le cardinal de la Valette, il
-avait été fait conseiller d'État.</p>
-
-<p class="pnote">Page 448, lignes 20 et 27: Le suivirent à Nantes.</p>
-
-<p>Salmonet était d'avis que le cardinal de Retz s'évadât; et s'il avait
-suivi ce conseil et qu'il eût cessé d'intriguer avec ceux du parti de
-Condé, il se serait encore arrangé avec la cour, tant la possession
-de l'archevêché de Paris et son union avec le clergé de cette ville
-le rendaient puissant, et exigeaient de ménagements de la part de
-l'autorité.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_446"> 446</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page 451, lignes 17 et 18: Après ce piquant écrit: <i>Vita Mamurræ</i>.</p>
-
-<p>La <i>Vita Gargillii Mamurræ</i> fut composée en 1636, et imprimée
-en 1643 par Adrien de Valois, dans un recueil de pièces contre Montmaur,
-t. I, p. 23. L'Anti-Gomorrhe, t. I, p. 44, de Sallengre, est de
-Charles Vion. Sallengre cite des mots de Montmaur très-spirituels.
-La <i>Vita Mamurræ</i> est dédiée à un nommé Ferramus, avocat; il
-était de Boulogne.</p>
-
-<p class="pnote">Page 452, ligne dernière du texte: Dans cette première édition des poésies de Ménage.</p>
-
-<p>Ménage, à la cinquième édition, ajouta à l'idylle d'Alexis les deux
-vers suivants, p. 146:</p>
-
-<p class="quote">Digne objet de mes v&oelig;ux, à qui tous les mortels<br />
-Partout, à mon exemple, élèvent des autels.</p>
-
-<p>Et dans la septième, à ces mots: <i>à la tendre amitié</i>, il substitua:
-<i>aux lois de l'amitié</i>; et à ceux-ci: <i>et dont l'âme insensible</i>,&mdash;<i>et
-toujours insensible</i>.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXXIII.</p>
-
-<p class="pnote">Page 456, ligne 1<sup>re</sup> du texte: Le marquis de Tonquedec était...</p>
-
-<p>Conrart rapporte les deux versions qui coururent dans le public
-sur cette première rencontre de Tonquedec et de Rohan: la version
-de Rohan et celle de madame de Sévigné (p. 91). Celle de madame de
-Sévigné mérite le plus de confiance, et est aussi la plus vraisemblable.</p>
-
-<p class="pnote">Page 459, lignes 22 et 23: Et Loret même en avait parlé dans sa gazette.</p>
-
-<p>Loret, dans sa <i>Muse historique</i>, annonce ainsi cette affaire.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Rohan, dont le c&oelig;ur et la mine</p>
-<p>L'ont fait parvenir à l'hermine,</p>
-<p>Et le marquis de Tonquedec,</p>
-<p>Quoique dans un lieu de respec,</p>
-<p>Savoir, chez Sevigny la belle,</p>
-<p>Eurent entre eux grosse querelle, etc.</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_447"> 447</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page 461, ligne 25: Le duc de Rohan mourut.</p>
-
-<p>Loret a donné la date précise de la mort du duc de Rohan, dans
-sa gazette datée du 6 mars, lorsqu'il dit:</p>
-
-<p class="quote">Ce fut depuis sept jours en çà<br />
-Que le noble duc trépassa, etc.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXXIV.</p>
-
-<p class="pnote">Page 464, ligne 1<sup>re</sup>: Scarron se maria.</p>
-
-<p>L'époque du mariage de Scarron avec Françoise d'Aubigné (depuis
-madame de Maintenon) se trouve exactement déterminée par la gazette
-de Loret; cependant presque tous les auteurs qui ont écrit sur
-elle ou sur Scarron l'ont ignorée, ou, ce qui est pire, lui ont assigné
-une fausse date. M. Monmerqué, si curieux et si exact dans ses
-recherches, ne donne point la date de ce mariage dans l'article
-<i>Maintenon</i>, dont il a enrichi la <i>Biographie Universelle</i>. Madame
-Suard et Dreux du Radier placent ce mariage en 1650, deux ans avant
-sa véritable date. Madame Guizot le met en 1651, probablement sur
-l'autorité de La Beaumelle, qui même va jusqu'à désigner en marge le
-mois d'avril; mais la date de l'année comme celle du mois sont également
-fausses. Segrais, par ses contradictions, est la première cause
-de ces erreurs; dans une page de ses <i>Souvenirs</i>, il dit que Scarron
-se maria en 1650 (voyez page 100), et dans une autre, p. 105, en
-1651. Les auteurs subséquents ont pris à peu près au hasard l'une ou
-l'antre date, sans se douter qu'ils ne choisissaient qu'entre deux
-erreurs. Cependant, longtemps avant moi, les frères Parfaict, dans
-leur <i>Histoire du Théâtre français</i>, avaient, d'après la gazette de
-Loret, donné la véritable date. M. Fabien Pillet, dans l'article <i>Scarron</i>,
-de la <i>Biographie Universelle</i>, a bien dit que ce mariage eut lieu
-en 1652, mais sans aucune discussion, et sans détermination plus
-précise. C'est dans sa lettre 52, du 31 décembre 1651 (liv. II, p. 179),
-que Loret parle du projet de Scarron de se transporter en Amérique
-avec la s&oelig;ur Céleste (mademoiselle de Palaiseau), quand le printemps
-sera venu; nulle mention alors que Scarron eût pris femme: c'est
-dans la lettre 22 du 9 Juin 1652 (liv. III, p. 77) que Loret parle du
-mariage récent de Scarron, et de son procès avec sa belle-mère.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Monsieur Scarron, esprit insigne...,</p>
-<p>Avait un procès d'importance,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_448"> 448</a></span></div>
-<p>Lequel il a perdu tout net.</p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p>Car enfin ledit personnage</p>
-<p>Ayant contracté mariage</p>
-<p>Avec une épouse ou moitié,</p>
-<p>Qu'il a prise par amitié,</p>
-<p>Il était chargé, ce me semble,</p>
-<p>De deux pesants fardeaux ensemble.</p>
-</div></div>
-
-<p>C'est à l'imitation de Scarron que Loret écrivait sa gazette en style
-burlesque. Il le regardait comme son maître et son modèle dans ce
-genre d'écrire. Il professait pour lui la plus grande admiration. Il
-donne place dans sa gazette aux plus petites choses qui le concernent.
-Si donc ce mariage avait été antérieur de plus de quinze jours à
-cette feuille du 9 juin, Loret n'aurait pas manqué d'en faire mention
-dans les gazettes antérieures; il n'en dit rien: donc c'est entre la
-gazette qui a précédé celle-ci et le 9 juin que ce mariage a eu lieu.</p>
-
-<p class="pnote">Page 463, note 2: <i>Lettre</i> à mademoiselle d'Aubigné.</p>
-
-<p>Cette curieuse lettre de Scarron est certainement adressée à mademoiselle
-d'Aubigné, quoique son nom ne soit pas dans les éditions.
-Les correspondances de Scarron, de madame de Maintenon, et de
-Bussy, ont été imprimées avec une négligence qui les rend souvent
-inintelligibles même aux plus instruits.</p>
-
-<p class="pnote">Page 464, lignes 7 et 8: Agée de seize ans et demi.</p>
-
-<p>Madame de Maintenon était née le 28 novembre 1635; elle avait
-donc seize ans et demi lors de son mariage; son frère était plus jeune.</p>
-
-<p class="pnote">Page 465, lignes 6 et 7: Contemplez cet enfant qui se joue sur le rivage de Sicile.</p>
-
-<p>Des recherches récentes, dues à un savant Italien, sur l'origine de
-la famille de Mazarin, ont constaté ces faits. Ils m'ont été communiqués
-par M. Artaud de Montor, qui a résidé longtemps en
-Italie, auquel nous devons la meilleure traduction et la meilleure
-vie du Dante, et tant d'excellents ouvrages qui concernent l'Italie.
-Saint-Simon, si curieux et si savant sur tout ce qui se rapporte
-aux recherches généalogiques, avait en quelque sorte deviné
-la naissance infime de Mazarin; car dans ses <i>Mémoires</i>, après
-avoir parlé des nièces du cardinal, il dit: «Si les pères de ces
-nièces n'étaient rien, leurs mères, s&oelig;urs du cardinal Mazarin,
-<span class="pagenum"><a id="Page_449"> 449</a></span>
-étaient, s'il se peut, encore moins. Jamais on n'a pu remonter plus
-haut que le père de cette fameuse éminence, ni savoir où elle est
-née, ni quoi que ce soit de sa première jeunesse. On sait seulement
-qu'ils étaient de Sicile; on les a crus des manants de la vallée de Mazare,
-qui avaient pris le nom de Mazarin, comme on voit à Paris des
-gens qui se font appeler Champagne, Bourguignon. La mère du cardinal
-était Buffalini. Son père mourut obscur à Rome, en 1654, âgé
-de soixante-dix-huit ans. Cela n'y fit pas le moindre bruit. Les nouvelles
-publiques de Rome eurent la malice d'y insérer ces mots: «Les
-lettres de Paris nous apprennent que le seigneur Pietro Mazarini, père
-du cardinal de ce nom, est mort en cette ville de Rome, etc.» (T. XI,
-p. 190.) Loménie de Brienne, qui écrivait du vivant même de Mazarin,
-et lorsqu'il était tout-puissant, ne savait rien non plus sur son
-origine; il dit, t. II, p. 10: «Que le cardinal fût de Rome ou de
-Mazara, qu'il fût né gentil-homme ou non, je laisse ces difficultés à
-débrouiller aux généalogistes.»</p>
-
-<p class="pnote">Page 466, ligne 24: Au dur despotisme d'une parente avare.</p>
-
-<p>Cette parente était la comtesse de Neuillant, mère de madame la
-duchesse de Navailles.</p>
-
-<p class="pnote">Page 466, lignes 26 et 27: On la croyait née en Amérique.</p>
-
-<p>Saint-Simon le croyait encore, et ignorait de qui elle était descendue.
-La justice vient tard pour les personnages qui ont exercé un
-grand pouvoir; tout ce que dit Saint-Simon sur madame de Maintenon
-est l'expression de la haine et le résultat de la plus injuste partialité.
-Il en est de même de ce qu'a dit <span class="small1">Madame</span> (mère du duc d'Orléans,
-régent) dans sa correspondance. Il en est de même de presque
-tous ceux qui ont écrit sur cette femme célèbre dans le temps de sa
-faveur. Pendant tout le dix-huitième siècle les philosophes, à cause
-de sa dévotion, lui ont attribué sur les affaires une influence qu'elle
-n'avait pas, afin de pouvoir rejeter sur elle les malheurs publics et
-les désastres des dernières années du règne de Louis XIV. Ce n'est
-que de nos jours que l'on a commencé à la juger impartialement.</p>
-
-<p class="pnote">Page 467, lignes 17 et 18: Loret, en devisant sur ce prétendu voyage dans sa bavarde gazette.</p>
-
-<p>Dans la lettre 25, en date du 5 octobre 1652, liv. III, p. 139,
-Loret dit:
-<span class="pagenum"><a id="Page_450"> 450</a></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Monsieur Scarron, auteur burlesque,</p>
-<p>Fort aimé du comte de Fiesque,</p>
-<p>Est parti de cette cité</p>
-<p>Ayant sa femme à son côté,</p>
-<p>Ou du moins en étant bien proche,</p>
-<p>Lui dans une chaise, elle en coche,</p>
-<p>Pour devers la ville de Tours</p>
-<p>Aller attendre quelques jours</p>
-<p>L'embarquement pour l'Amérique,</p>
-<p>Où sa personne poétique</p>
-<p>Espère trouver guérison.</p>
-</div></div>
-
-<p>Puis, dans la lettre 45, en date du 9 novembre 1652, liv. III,
-p. 154, c'est-à-dire un mois après la lettre précédente:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>J'avais dit, en juin ou juillet,</p>
-<p>Que cet esprit rare et follet,</p>
-<p>Admiré de tout galant homme,</p>
-<p>Qui le petit Scarron se nomme,</p>
-<p>Avait choisi par amitié</p>
-<p>Une jeune et belle moitié.</p>
-<p>J'ai dit, en une autre semaine,</p>
-<p>Que vers les champs de la Touraine</p>
-<p>Icelui s'était transporté</p>
-<p>Ayant sa femme à son côté,</p>
-<p>Avec intention formée</p>
-<p>(Ce disait lors la Renommée)</p>
-<p>D'attendre, sans y manquer,</p>
-<p>La saison propre à s'embarquer,</p>
-<p>Pour voguer en terre lointaine,</p>
-<p>Que l'on appelle américaine,</p>
-<p>En laquelle il prétend, dit-on,</p>
-<p>Devoir rehausser son menton.</p>
-<p>Or, j'ai maintenant à vous dire</p>
-<p>Que cet auteur à faire rire,</p>
-<p>Nonobstant son corps maladif,</p>
-<p>Est devenu génératif;</p>
-<p>Car un sien ami tient sans feinte</p>
-<p>Que sadite épouse est enceinte</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_451"> 451</a></span></div>
-<p>De trois ou quatre mois et plus.</p>
-<p>Et puis dites qu'il est perclus!</p>
-</div></div>
-
-<p>Madame de Maintenon écrivait, dans une de ses lettres à son frère:
-«Vous savez que je n'ai jamais été mariée.»</p>
-
-<p class="pnote">Page 468, lignes 15 et 16: C'est elle-même qui a fait l'aveu de ce dernier motif comme d'une faiblesse...</p>
-
-<p>Dans le passage cité de La Beaumelle, elle dit: «J'en suis punie
-aujourd'hui par l'excès de faveur; comme si Dieu m'eût dit, dans
-sa colère: Tu veux de la gloire et des louanges: eh bien! tu en
-auras jusqu'à en être rassasiée.»</p>
-
-<p class="pnote">Pages 468 et 469, lignes dernière et première: Les doutes qu'on a élevés sur madame Scarron au sujet du marquis de Villarceaux.</p>
-
-<p>Tallemant des Réaux, après avoir rapporté un voyage que madame
-Scarron fit au château de Villarceaux avec Ninon, et l'amour que Villarceaux
-avait pour madame Scarron, et les efforts qu'il fit pour la séduire,
-termine ainsi: «On croit cependant qu'elle n'a pas franchi le pas.»
-Scarron à l'endroit cité marque le commencement de sa liaison avec
-Villarceaux, et ajoute: «Je vous en dirai demain davantage chez
-mademoiselle de Lenclos, où je me ferai porter à l'heure du dîner.»</p>
-
-<p class="pnote">Page 469, ligne 21.</p>
-
-<p>La pièce de Scarron intitulée <i>Étrenne à mademoiselle de Lenclos</i>
-est, suivant moi, du temps de la jeunesse de Scarron et de
-Ninon. Voici le passage de Saint-Simon sur la liaison de madame
-de Maintenon avec Ninon: «Elle (Ninon de Lenclos) avait été
-amie intime de madame de Maintenon tout le temps que celle-ci
-demeura à Paris. Madame de Maintenon n'aimait pas qu'on lui
-parlât d'elle, mais elle n'osait la désavouer. Elle lui a écrit de temps
-en temps jusqu'à sa mort avec amitié. Lenclos (car Ninon avait pris
-ce nom depuis qu'elle eut quitté le métier de sa jeunesse longtemps
-poussée) n'y était pas si réservée avec ses amis intimes; et quand
-il lui est arrivé de s'intéresser fortement pour quelqu'un ou quelque
-chose, ce qu'elle savait rendre rare et bien ménager, elle en
-écrivait à madame de Maintenon, qui la servait efficacement et
-avec promptitude; mais depuis sa grandeur elles ne se sont vues
-que deux ou trois fois, et bien en secret.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_452"> 452</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page 472, ligne 14: Il propose des plans d'entreprise.</p>
-
-<p>Il s'agissait de créer des offices de <i>déchargeurs</i> pour les marchandises,
-auxquels une compagnie aurait avancé des fonds pour payer les
-droits, et faire rendre et décharger les marchandises dans les magasins,
-aux frais, risques et périls des déchargeurs.</p>
-
-<p class="pnote">Page 473, ligne 7: Sa femme obtint une pension.</p>
-
-<p>La Beaumelle place en 1653 la pension de seize cents livres que
-madame de Maintenon obtint par l'entremise de madame Fouquet.</p>
-
-<p class="pnote">Page 473, lignes 17 et 18: Qui chantaient les louanges de la belle Indienne.</p>
-
-<p>Voici quelques vers de la pièce de La Mesnardière, intitulée <i>la
-Belle Indienne</i>, à la jeune, belle et spirituelle madame Scarron:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i3"><i>Galanterie.</i></p>
-</div>
-<div class="stanza">
-<p>Quant à moi, je me persuade</p>
-<p>Que ce rare et plaisant malade,</p>
-<p>Votre fameux et cher époux,</p>
-<p>Se passera fort bien de vous.</p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p>Et pour lui faire voir, ma belle,</p>
-<p>Combien votre approche est mortelle,</p>
-<p>Je connais des gens à la cour</p>
-<p>Qui, pour avoir vu certain jour</p>
-<p>Seulement votre gorge nue,</p>
-<p>En ont la fièvre continue.</p>
-<p>Quel devrait être leur tourment,</p>
-<p>S'ils vous voyaient à tout moment!</p>
-</div></div>
-
-<p>Ceci prouve, au reste, qu'alors la mode pour les femmes était de
-se découvrir le sein lorsqu'elles étaient habillées; mais ce n'est pas
-sur ce ton que la Mesnardière louait les appas de la marquise de Rambouillet,
-ou de sa fille, la duchesse de Montausier. Segrais rapporte
-que Scarron avait un valet fort simple et fort benêt, auquel les jeunes
-seigneurs qui venaient chez lui s'amusaient à demander si son
-maître ne ferait pas bien un enfant à sa femme, parce qu'il répondait
-toujours: «Oui-da, monsieur, s'il plaît à Dieu.»</p>
-
-<p class="pnote">Page 473, ligne 23: Qu'avant l'invention des sonnettes de renvoi.</p>
-
-<p>Saint-Simon dit aussi de l'abbé de Fleury, dans ses <i>Mémoires</i>,
-<span class="pagenum"><a id="Page_453"> 453</a></span>
-qu'il s'était rendu agréable dans plusieurs maisons, et qu'il suppléait
-aux sonnettes avant leur invention.</p>
-
-<p class="pnote">Page 474, ligne 16: Nos recherches n'ont pu nous faire découvrir.</p>
-
-<p>J'ai cherché en vain l'époque de l'invention des sonnettes de renvoi
-dans les ouvrages qui décrivent l'art de la serrurerie, dans le
-grand Dictionnaire des Inventions. Elle n'est pas ancienne; et en
-parcourant les gazettes publiques du commencement de la régence,
-on doit pouvoir la déterminer facilement. Ceci m'a donné occasion
-de remarquer plusieurs passages de Saint-Simon qui nous indiquent
-les époques auxquelles il a écrit les différents volumes de ses <i>Mémoires</i>.
-Né en janvier 1675, déjà en 1699, à l'âge de vingt-quatre ans, il les
-avait commencés, puisque alors il consultait l'abbé de Rancé pour savoir
-si en sûreté de conscience il pouvait se permettre de les continuer.
-Ce qui concerne l'année 1714 a été écrit ou retouché postérieurement
-à l'année 1732 (voy. t. XI, p. 371), puisque Saint-Simon cite dans cet
-endroit ce que Du Halde lui a dit en 1732. L'année 1715 a été écrite
-en septembre 1745 (voyez t. XII, p. 248); une autre portion de ces
-<i>mémoires</i>, en 1746, c'est-à-dire plus de trente ans après l'événement.
-Le discours préliminaire, ou l'introduction, est daté de juillet 1743;
-c'est dans cette année ou dans l'année précédente qu'a été écrit le
-XVIII<sup>e</sup> volume, qui concerne les années 1719 et 1721.</p>
-
-<p class="pnote">Page 474, deux dernières lignes: Qu'elle fit pleuvoir sur ses anciennes protectrices.</p>
-
-<p>On trouve dans les lettres de Scarron quelques détails curieux sur
-les rapports de madame Scarron avec les grandes dames ses protectrices,
-dont quelques-unes ont été depuis protégées par elle. Scarron,
-t. I, p. 92, écrit au maréchal d'Albret: «Madame Scarron a été à
-Saint-Mandé. Elle est fort satisfaite de la civilité de madame la surintendante
-(madame Fouquet); et je la trouve si férue de ses attraits,
-que j'ai peur qu'il ne s'y mêle quelque chose d'impur. Mais comme
-elle ne va que quand ses amis la mènent, faute de carrosse, elle ne
-peut lui faire sa cour aussi souvent qu'elle le souhaite.»&mdash;Il dit
-encore au maréchal d'Albret: «Votre carrosse rendait ma petite
-porte vénérable à tous les habitants de la rue Saint-Louis.»&mdash;Dans
-sa lettre au duc d'Elb&oelig;uf, il se plaint que madame de Montchevreuil
-lui a enlevé madame Scarron.
-<span class="pagenum"><a id="Page_454"> 454</a></span></p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXXV.</p>
-
-<p class="pnote">Page 479, avant-dernière ligne: Dans le grenier d'une maison voisine.</p>
-
-<p>Le maître de la maison dans laquelle Marigny s'était retiré ne sut
-que longtemps après qu'il avait donné refuge à un criminel d'État,
-et les soins que sa servante lui avait rendus. C'est presque aussitôt
-après s'être évadé de Paris, et au commencement de l'année 1655,
-que Marigny écrivit de Bruxelles cette lettre à Gaston, qui depuis a
-été imprimée, et où il lui parle de toutes les beautés que le prince
-avait eu occasion de fréquenter autrefois pendant son séjour dans la
-capitale de la Flandre. Cette lettre nous apprend que la comtesse
-flamande qui envoya un médaillier à Gaston, dont parle mademoiselle
-de Montpensier, mais qu'elle ne nomme pas, était la marquise de Lédé.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXXVI.</p>
-
-<p class="pnote">Page 488, ligne 19: Nulle femme n'a jamais su mieux qu'Anne d'Autriche tenir un cercle.</p>
-
-<p>Saint-Simon dit que Louis XIV, élevé dans les cercles brillants de
-la reine sa mère, aurait voulu les faire revivre, mais qu'il ne put y
-parvenir. Ces cercles finirent avec elle.</p>
-
-<p class="pnote">Page 490, ligne 24: Toutes les fois qu'on donnait <i>le Cid</i>.</p>
-
-<p>On représenta <i>le Cid</i> aux noces de mademoiselle de Schomberg,
-et il eut alors un succès extraordinaire.</p>
-
-<p class="pnote">Page 492, lignes 16 et 17: Dans son château de Saint-Fargeau, qu'elle agrandissait.</p>
-
-<p>Ce fut Le Vau, architecte du roi, qui fit les nouvelles constructions
-du château de Saint-Fargeau. <span class="small1">Mademoiselle</span> y dépensa plus
-de 200,000 fr., valeur de cette époque (400,000 fr.). Elle avait avec
-elle dans son exil la vieille comtesse de Fiesque, puis sa belle-fille la
-comtesse de Fiesque la jeune, et madame de Frontenac. Elle eut de
-fréquentes querelles avec ces deux dernières: elle n'en était guère
-aimée, et leur rendait le change. La vieille madame de Fiesque
-voulut introduire dans le château mademoiselle d'Outrelaise, qu'à
-cette occasion Loret nomme la <i>divine</i>. Nous reviendrons sur cette
-expression, et sur mademoiselle d'Outrelaise, lorsque madame de
-Sévigné, qui fait mention d'elle, nous en fournira l'occasion.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_455"> 455</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page 492, ligne 19: Sa naine.</p>
-
-<p>Loret, dans sa gazette, annonce sa mort et fait son épitaphe. Il
-dit qu'en la mettant dans une petite balance, avec sa robe, sa chemise
-et sa coiffure, elle ne pesait pas plus qu'un louis d'or. Si le fait
-était rigoureusement vrai, il resterait à déterminer quel était le
-poids d'un louis d'or en 1653.</p>
-
-<p class="pnote">Page 492, ligne 20: Entretenait une troupe de comédiens.</p>
-
-<p>Nous avons dit qu'on ne donnait pas une grande fête, pas un
-grand repas, sans le secours des comédiens. Ainsi lorsque le président
-Tub&oelig;uf régala toute la cour dans son château de Ruel, qui avait
-appartenu au cardinal de Richelieu, il fit représenter, avec des décorations
-de Beaubrun, la pastorale d'<i>Amarillis</i>, qui avait eu tant de
-succès l'année précédente. Beaubrun était un fameux peintre de portraits,
-qui mourut en 1692, à quatre-vingt-huit ans. Loret a décrit le
-repas donné au mois d'août à <span class="small1">Monsieur</span> par Mazarin, et où se trouvèrent
-le roi, les deux reines, c'est-à-dire la reine mère et la reine
-d'Angleterre, avec les princes ses fils, le prince et la princesse de
-Galles, le duc d'York et le duc de Glocester, qui venait d'arriver; et
-dans cette description le gazetier n'oublie pas de nous dire</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Qu'après les friands aliments</p>
-<p>Vinrent les divertissements,</p>
-<p>Savoir, d'excellentes musiques</p>
-<p>Et de beaux spectacles comiques.</p>
-</div></div>
-
-<p>Loret nous apprend que le service fut fait en argent ou porcelaine.
-La porcelaine était donc alors en usage. Voyez Loret, liv. IV, p. 97,
-et liv. V, p. 24.</p>
-
-<p>Loret, en décrivant le repas donné par le duc d'Arpajon, dit:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Tout y fut assez jovial,</p>
-<p>Car la comédie et le bal</p>
-<p>Qui suivirent cette abondance</p>
-<p>Divertirent fort l'assistance.</p>
-</div></div>
-
-<p>Et aussi, lors du festin pour les noces du marquis de Bade:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Enfin, après ce grand repas</p>
-<p>Si semé de plats et d'appas,</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_456"> 456</a></span></div>
-<p>On ouït quelque mélodie,</p>
-<p>Et sur le soir la comédie.</p>
-</div></div>
-
-<p>Voyez Loret, liv. V, p. 19, lettre en date du 7 janvier 1654, et
-p. 24, lettre en date du 21 février 1654. Je pourrais multiplier ces
-exemples.</p>
-
-<p class="pnote">Page 493, ligne 25: Et celui du Petit-Bourbon.</p>
-
-<p>Loret nous apprend ce fait dans sa gazette du 30 août 1653:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Une troupe de gens comiques</p>
-<p>Venus des climats italiques,</p>
-<p>Dimanche dernier, tout de bon,</p>
-<p>Firent dans le Petit-Bourbon</p>
-<p>L'ouverture de leur théâtre.</p>
-</div></div>
-
-<p class="pnote">Page 494, ligne 19: Ayant pour titre <i>la Nuit</i>.</p>
-
-<p>La description de ce ballet de <i>la Nuit</i> fut imprimée chez Ballard;
-mais il en existe une copie manuscrite in-folio à la bibliothèque de
-l'institut, avec les dessins de tous les personnages revêtus de leurs
-costumes, peints à l'aquarelle. Ces costumes étaient riches en couleurs,
-chargés d'or et d'argent, de galons, et de paillettes brillantes,
-bizarres et fantastiques.</p>
-
-<p>Je remarque que, dans la prolixe description qu'il a donnée de ce
-ballet, Loret parle de Villequier (probablement le duc de Villequier)
-qui distribuait des billets, et faisait placer tout le monde. La rue qui
-passait devant le théâtre du Petit-Bourbon, et qui était une continuation
-de la rue actuelle des Poulies, se nomme Villequier sur le
-plan de Paris de Berey de 1654; et je crois que ce nom a échappé
-à Jaillot, et à tous les laborieux scrutateurs des origines de Paris.</p>
-
-<p class="pnote">Page 496, lignes 12 et 13: La suite en fit voir de déplorables conséquences.</p>
-
-<p>Philippe de France ou <span class="small1">Monsieur</span>, frère de Louis XIV, naquit le 21
-septembre 1640; Louis XIV, le 5 septembre 1638. Les preuves abondent
-sur les goûts dépravés de <span class="small1">Monsieur</span>, qui inspiraient à son frère
-une juste aversion. Saint-Simon, à l'endroit cité, dit: «Le goût de
-<span class="small1">Monsieur</span> n'était pas celui des femmes, et il ne s'en cachait pas.» A
-ce ballet de <i>la Nuit</i>, le duc de Buckingham, fils de celui qui excita
-si vivement la jalousie de Louis XIII par ses attentions pour Anne
-d'Autriche, représenta le démon du feu. (Benserade, t. II, p. 57.)</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_457"> 457</a></span>
-Je remarque dans les diverses descriptions de ce ballet que certains
-objets de luxe étaient alors d'une cherté qu'on a peine à
-concevoir aujourd'hui: ainsi Loret nous apprend qu'une orange de
-Portugal coûtait cinq livres, c'est-à-dire dix livres de notre monnaie
-actuelle. (Loret, liv. IV, p. 59.)</p>
-
-<p class="pnote">Page 497, lignes 11 et 12: Monsieur et madame de Montausier étaient occupés à solliciter.</p>
-
-<p>La marquise était venue à Paris la première, pour solliciter Mazarin.
-Son mari ne vint l'y rejoindre qu'après la paix de Bordeaux, le
-31 juillet.</p>
-
-<p class="pnote">Page 498, lignes 20 et 21: Ne sont pas toujours exemptes d'obscénités.</p>
-
-<p>Voyez, p. 74 de ce recueil de Sercy, une pièce intitulée <i>A une demoiselle
-tourmentée de vents</i>, dont je ne puis rien citer. Cela se
-dédiait à un aumônier du roi, et s'imprimait avec privilége du roi.
-Le privilége est du 19 janvier 1653. Le livre fut achevé d'imprimer
-le 24 mars de la même année.</p>
-
-<p class="pnote">Page 498, note 1: <i>Poésies choisies</i>, etc.</p>
-
-<p>C'est dans ce recueil de Sercy qu'on trouve aussi pour la première
-fois imprimés les vers pour la Guirlande de Julie, et les épigrammes,
-rondeaux et impromptus auxquels la dispute des sonnets de Job et
-d'Uranie a donné lieu.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXXVII.</p>
-
-<p class="pnote">Page 505, note 1: <span class="small1">Corbinelli</span>, <i>Histoire de la maison de Gondi</i>.</p>
-
-<p>L'histoire généalogique de la maison de Gondi a été composée par
-Corbinelli, en commun avec Ant. Pezay. La duchesse de Lesdiguières
-en fit les frais. C'est un ouvrage magnifique, pour la beauté des portraits.
-Des <i>Anciens Historiens réduits en Maximes</i>, il n'y a d'imprimé
-que les extraits de Tacite.</p>
-
-<p class="pnote">Page 505, ligne 11: Il se logea dans le quartier du Marais du Temple.</p>
-
-<p>Saint-Simon nous apprend qu'au sujet des différents quartiers de
-Paris, et des statues de nos rois qui s'y trouvaient, on disait: Henri IV
-avec son peuple sur le Pont-Neuf, Louis XIII avec les gens de qualité
-<span class="pagenum"><a id="Page_458"> 458</a></span>
-à la place Royale, et Louis XIV avec les maltôtiers à la place des
-Victoires. Sur quoi Saint-Simon ajoute: «Celle de Vendôme, faite
-longtemps depuis, ne lui a guère donné meilleure compagnie.»</p>
-
-<p class="pnote">Page 506, ligne 3: Il l'acheta 270,000 livres.</p>
-
-<p>Bussy dit quatre-vingt-dix mille écus. C'était l'écu de 1641, qu'on
-appelait louis blanc; mais alors le louis d'or ne valait que 12 f., ou
-plutôt 11 f. 05. Voyez l'<i>Extrait de tous les Édits et déclarations sur
-les Monnaies</i>, 1643, in-4<sup>o</sup>. Bussy, dans l'histoire qu'il adonnée de cette
-charge de mestre de camp de la cavalerie légère, remonte jusqu'à sa
-première formation, due à un seigneur albanais nommé George Castriol,
-sous Charles VIII. Le prix de ces charges était énorme. Ainsi le
-marquis de Soyecourt vendit 400,000 liv. (800,000 fr.) la charge de
-maître de la garderobe au duc de Roquelaure, qui se maria ensuite à
-la belle du Lude (Loret, <i>Muse historique</i>, liv. IV, p. 106 et 107).
-Beringhen acheta le même prix de Saint-Simon (le père de l'auteur
-des <i>Mémoires</i>), alors en disgrâce, la chaire de premier écuyer, et de
-plus 20,000 fr. de pension sa vie durant. De tels prix ne pouvaient
-provenir que des droits et priviléges lucratifs attachés à ces charges. Mais
-ce qu'on a plus de peine à comprendre, c'est le haut revenu des gouverneurs
-des petites places de guerre. Celle de Doullens une des moindres,
-valait à son gouverneur vingt mille écus (120,000 fr. monnaie actuelle).</p>
-
-<p class="pnote">Page 507, ligne 26: La vicomtesse de Lisle.</p>
-
-<p>Cette madame de Lisle, dont parle Bussy, était probablement
-belle-fille du comte de Lisle qui en 1654 servait sous Conti, à l'armée
-de Catalogne. Voyez <i>Histoire de la Monarchie Françoise sous le
-règne de Louis le Grand</i>, 1697, in-12, t. II, p. 66, 4<sup>e</sup> édit.</p>
-
-<p class="pnote">Page 513, ligne 1: Madame de Précy s'aperçut qu'elle était jouée.</p>
-
-<p>Dans les éditions de 1710 (p. 337), comme dans l'édition de 1754, le
-récit de Bussy finit ainsi: «J'en avertis madame de Monglas, ce qui
-fut cause qu'elles rompirent ensemble, et que dans la suite cette belle
-eut toutes les raisons du monde de croire que j'avais véritablement
-de l'amour pour elle.» Dans les deux éditions de Liége sans date,
-page 69 de l'une, page 207 de l'autre, on lit pour cette fin: «Le
-grand jour obligea la compagnie à se séparer, et la fin de cette histoire
-mit fin à l'entretien des quatre illustres pénitents, qui après une
-si belle préparation s'en retournèrent à Paris faire leurs pasques.»
-<span class="pagenum"><a id="Page_459"> 459</a></span>
-Au lieu de cette fin, qui est une dérision, on lit ce qui suit dans le
-manuscrit de l'Institut: «Mais madame de Monglas, qui était prévenue
-de ses artifices, lui battit froid là-dessus; et c'est là où finit cette
-plaisante affaire, à cause que la fonction de ma charge m'obligea
-d'aller à l'armée.»</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXXVIII.</p>
-
-<p class="pnote">Page 515, ligne 8: Le nombre de mariages.</p>
-
-<p>Les principaux mariages qui eurent lieu pendant cet hiver dans la
-noblesse furent ceux du marquis de Bade et de la princesse de Savoie,
-et du comte d'Orval. Le grand maître de l'artillerie donna un dîner au
-roi; les religieuses même s'en mêlèrent. Il y eut un repas magnifique
-donné à la reine par l'abbé de Saint-Antoine, qui coûta 3,130 écus,
-ou environ 18,760 francs de notre monnaie actuelle.</p>
-
-<p class="pnote">Page 517, note 1: <i>Description particulière du grand ballet de</i> Pélée et Thétis, etc.</p>
-
-<p>Dans cet ouvrage les costumes de chaque rôle sont décrits; on
-donne les noms de tous les acteurs, au nombre desquels étaient le roi
-de France, le duc d'York, la princesse d'Angleterre. Les figures de
-l'exemplaire qui est à la bibliothèque de l'Institut sont sur papier,
-mais peintes ou enluminées, et collées sur vélin. Le roi (Louis XIV) s'y
-trouve avec son costume d'Apollon. Ainsi que je l'ai déjà dit, ces
-costumes n'ont rien d'antique; ils sont bizarres, de mauvais goût,
-seulement éclatants par la richesse.</p>
-
-<p>Le ballet de <i>Pelée et Thétis</i> fut joué alors, pour la dernière fois,
-en mai 1654. Cependant ce goût des ballets dura longtemps: dans
-un beau tableau de Mignard, que nous possédons, madame de Thianges
-est représentée en Thétis, tenant par la main le duc du Maine, âgé
-d'environ douze ans, costumé en guerrier, et figurant Achille adolescent.
-Loret nous apprend que des particuliers, à l'exemple du roi,
-firent jouer chez eux des ballets en action. Un sieur Maréchal fit représenter
-chez lui un ballet intitulé <i>les Plaisirs de la Vie</i>.</p>
-
-<p class="pnote">Page 518, ligne 8: Par les révélations de La Porte.</p>
-
-<p>Voltaire a très-bien jugé ce fait, et bien apprécié la conduite de
-La Porte. La haine contre le cardinal l'aveugla; il crut avoir trouvé
-occasion de le perdre par la plus absurde des accusations. Mais La
-Porte était de bonne foi dans cette accusation.
-<span class="pagenum"><a id="Page_460"> 460</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page 518, ligne 24: Cette gentille Henriette.</p>
-
-<p>Louis XIV, à qui Henriette d'Angleterre plut peut-être trop par la
-suite, ne l'aimait pas dans sa jeunesse; ou plutôt encore adolescent,
-et dans la première effervescence des sens, l'instinct de la nature lui
-faisait préférer les femmes formées à celles qui étaient à peine
-sorties de l'enfance. En 1645, dans un bal où se trouvait la princesse
-d'Angleterre, il se disposait à commencer la danse avec Olympe
-Mancini: l'impétueuse Anne d'Autriche, qui était présente, devint
-rouge de colère, arracha à son fils la nièce du cardinal, qu'il tenait à
-la main, et le força d'aller prier la princesse d'Angleterre. Elle lui
-fit sévèrement sentir qu'étant roi, c'était à lui, plus qu'à tout autre,
-de donner l'exemple du respect et des honneurs dus au sang royal,
-et que la jeunesse de la princesse, comme lui issue de Henri IV, et
-sa parente, ne le dispensait pas de ce devoir. (Voir Motteville,
-t. XXXIX, p. 367-368.)</p>
-
-<p class="pnote">Page 519, note 4: M<span class="small1">onmerque</span>.</p>
-
-<p>Le savant biographe donne sur ce sujet des détails curieux, et auparavant
-inconnus. Il rapporte une épître de Godeau, évêque de
-Vence, à Conrart, en date du 22 janvier 1655, qui prouve que la
-première partie de <i>Clélie</i> a dû paraître en 1654. Cependant l'exemplaire
-que j'ai vu porte pour cette première partie 1656. Est-ce un
-titre renouvelé, ou une réimpression?</p>
-
-<p class="pnote">Page 520, ligne 21: La mort du marquis de La Vieuville.</p>
-
-<p>La Vieuville mourut le 2 janvier 1654.</p>
-
-<p class="pnote">Page 522, ligne 14: Ses châteaux de Vaux et de Saint-Mandé.</p>
-
-<p>La bibliothèque que Fouquet avait réunie à Saint-Mandé était une
-des plus belles de l'Europe.</p>
-
-<p class="pnote">Page 523, ligne 25: De celle qu'il venait d'épouser.</p>
-
-<p>Turenne s'était marié en 1653, à Charlotte de Caumont, fille du
-maréchal de La Force, riche héritière, qui mourut sans enfants.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXXIX.</p>
-
-<p class="pnote">Page 528, ligne 13: Ce nom de Saint-Nectaire.</p>
-
-<p>Dans la gazette de Loret il est parlé «du bonhomme Senetaire,
-<span class="pagenum"><a id="Page_461"> 461</a></span>
-raffiné courtisan, vieil ami de maint partisan.» Ainsi Bussy, Loret,
-les Mémoires de madame de Motteville et ceux de Retz nous donnent
-des exemples de la transformation successive de ce nom de Saint-Nectaire
-en Senectaire, Senetaire, et Senneterre.</p>
-
-<p class="pnote">Page 533, lignes 3 et 4: «<i>Si l'on pouvait avoir de vos poulets, madame, on ne ferait pas tant de cas de vos lettres.</i>»</p>
-
-<p>Le mot <i>poulet</i> signifiant un billet galant n'est pas fort ancien; il
-ne se trouve ni dans Nicot, ni dans Cotgrave. Il vient évidemment
-de l'usage d'appeler amoureusement une jeune fille <i>poulette</i>. Du
-temps de Voiture, qui s'est rendu célèbre par l'élégance de ses <i>poulets</i>,
-ce mot était fort en usage. Il l'était encore lorsque Bussy écrivait
-sa lettre à madame de Sévigné; mais, vingt-cinq ans après,
-Richelet remarqua dans son Dictionnaire (1699, in-4<sup>o</sup>, t. II, p. 199)
-que «le mot <i>poulet</i> en ce sens (de petite lettre d'amour ou galante)
-n'est pas si en usage qu'il était autrefois.» Cependant l'Académie
-Française n'a pas cessé dans toutes les éditions de son Dictionnaire,
-depuis la première jusqu'à la dernière (1694-1835) de mettre le mot
-<i>poulet</i> avec la signification donnée par Richelet, sans reproduire sa
-remarque, qui n'a pas cessé d'être vraie.</p>
-
-<p class="pnote">Page 536, ligne 16: La marquise d'Uxelles lui plaisait plus par son esprit que par sa beauté.</p>
-
-<p>La lettre du 20 juin 1672 nous apprend que la marquise d'Uxelles
-était devenue fort grasse, et qu'elle avait eu une intrigue avec le
-fils du duc de Longueville. La lettre du 14 août 1676 prouve son
-étroite intimité avec un nommé La Garde, dont le mariage la contrarie
-si fortement.</p>
-
-<p class="pnote">Page 536, ligne 10: Déjà mariée en secondes noces.</p>
-
-<p>Anne-Élisabeth, comtesse de Lannoi, fut mariée en premières noces
-à Henri-Roger du Plessis, comte de La Roche-Guyon. Elle fut mariée
-en secondes noces au duc d'Elbeuf, le 7 mars 1648, et mourut à
-vingt-huit ans, le 3 octobre 1654.</p>
-
-<p class="pnote">Page 537, lignes 6 et 7: Ne comptait pas une année de mariage.</p>
-
-<p>Il résulte des deux lettres citées de Loret que le mariage de la
-duchesse de Roquelaure a eu lieu entre le 20 et le 26 septembre 1653.
-Dans la première lettre de Loret il est parlé des fiançailles de la duchesse
-<span class="pagenum"><a id="Page_462"> 462</a></span>
-de Roquelaure, et nous y apprenons que le duc de Roquelaure
-donne à sa fiancée douze bourses parfumées, contenant six mille
-pièces d'or de onze livres dix sous chacune, faisant 69,000 livres
-monnaie de cette époque, ou 138,000 fr. valeur actuelle.</p>
-
-<p class="pnote">Page 538, avant-dernière ligne: La cour entière fut attristée par sa mort.</p>
-
-<p>D'après la dernière lettre de Loret que nous citons, nous voyons
-que cet accouchement, à la suite duquel mourut la duchesse de Roquelaure,
-était au moins le second, et que le premier accouchement
-avait été également difficile. Loret en annonçant cette mort de la
-duchesse de Roquelaure,</p>
-
-<p class="quote">Plus fraîche et plus belle que Flore</p>
-
-<p>ajoute:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Quand au Louvre on sut le trépas</p>
-<p>De cet objet rempli d'appas,</p>
-<p>Une tristesse générale</p>
-<p>S'empara de la cour royale;</p>
-<p>Et les c&oelig;urs les plus généreux,</p>
-<p>Qui sans doute étaient amoureux</p>
-<p>De ses vertus et de ses charmes,</p>
-<p>Versant abondance de larmes,</p>
-<p>Firent bien voir que cette mort</p>
-<p>Les touchait et les blessait fort.</p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p>O fleurs d'une aimable jeunesse,</p>
-<p>Vous êtes charmantes et belles,</p>
-<p>Mais vous n'êtes pas immortelles.</p>
-</div></div>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_463"> 463</a></span></p>
-<p class="extra"><span class="xlarge">DEUXIÈME PARTIE.</span><br />
-<span class="large">CHAPITRE I</span>.</p>
-<hr class="tb" />
-</div>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_3">3</a>, ligne 13: Le 7 juin.</p>
-
-<p>Deux jours après, le jeune roi toucha les écrouelles.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_4">4</a>, ligne 17: Quand tout paraissait perdu, il sauva tout.</p>
-
-<p>Ce sont les expressions mêmes de la lettre de Philippe IV à Condé:
-«Mi primo, he intendido toto estava perdido, V. A. ha conservado
-toto.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_8">8</a>, ligne 2: Il s'était servi de l'abbé Fouquet.</p>
-
-<p>L'abbé Fouquet fut soupçonné d'avoir profité de la confiance que
-lui accordait Mazarin, et des vilaines fonctions dont il l'avait chargé,
-pour assouvir ses vengeances particulières. Un jour le gardien de
-la Bastille témoignait son étonnement à la vue d'un lévrier qui se
-trouvait dans la cour, et demandait pourquoi il était là: «C'est, lui
-répondit un prisonnier, parce qu'il aura mordu le chien de l'abbé
-Fouquet.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_8">8</a>, ligne 4: Ses intrigues avec les anciens frondeurs.</p>
-
-<p>Le président Le Coigneux, qui avait été un des plus violents dans
-le parlement contre Mazarin, fut un des premiers corrompus.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_8">8</a>, lignes 10 et 11: Après la mort de son oncle.</p>
-
-<p>L'oncle du cardinal de Retz mourut le 21 mars 1654.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_9">9</a>, lignes 7 et 8: Dans le château de Nantes.</p>
-
-<p>Le cardinal de Retz sortit de Vincennes pour aller à Nantes, le
-30 mars 1654.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_464"> 464</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_11">11</a>, ligne 4: Il s'évada en plein jour.</p>
-
-<p>Retz se sauva de Nantes le samedi 8 août, à cinq heures du soir. Il
-arriva à Belle-Isle le 14 août.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_12">12</a>, ligne 6: dans l'île Majorque.</p>
-
-<p>Retz pour traverser la Méditerranée s'embarqua au port de Vivaros
-en octobre 1654.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_13">13</a>, ligne 2: Que pour venir à temps.</p>
-
-<p>Le cardinal de Retz fit son entrée dans Rome le 28 novembre 1654.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_13">13</a>, lignes 5 et 6: Un souverain pontife.</p>
-
-<p>Innocent X mourut le 7 janvier 1655.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_14">14</a>, ligne 22: Soit à Belle-Isle.</p>
-
-<p>Je pense que ce fut de Machecoul ou de Belle-Isle, et non d'Espagne,
-comme le croit M. Monmerqué, que Retz écrivit à madame de Sévigné.
-D'abord on doit supposer que Retz, dont l'honneur se trouvait
-compromis par sa fuite, devait être empressé de faire parvenir au
-maréchal les motifs qui pouvaient l'excuser. De plus, les <i>Mémoires de
-Joly</i> prouvent (t. XLVII, p. 322) que Retz aborda à Belle-Isle le
-vendredi 14 août, et en Espagne le 12 septembre (t. XLVII, p. 330).
-La lettre de madame de Sévigné est du 1<sup>er</sup> octobre; par conséquent
-celle de Retz a dû lui parvenir le 29 septembre au plus tard, puisqu'elle
-dit l'avoir envoyée au maréchal le 30. Il est difficile de croire
-qu'une lettre partie d'Espagne, pays avec lequel on était en guerre,
-soit parvenue à Paris, et ensuite envoyée en Bretagne, et remise au
-château des Rochers, où était madame de Sévigné, dans un espace
-de quinze à seize jours, à une époque où les communications étaient
-difficiles et lentes. Encore même, pour qu'il y ait quinze à seize jours
-d'intervalle, faut-il supposer que la lettre de Retz a été écrite et
-est partie d'Espagne le lendemain ou le surlendemain de son débarquement,
-et que Ménage l'a transmise à madame de Sévigné le jour
-même où il l'a reçue.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE II.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_18">18</a>, ligne 5 du texte: Et son vicaire Chassebras.</p>
-
-<p>La sentence du parlement qui bannit à perpétuité Chassebras, vicaire
-de la Madeleine, est du 27 septembre 1652.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_465"> 465</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_18">18</a>, ligne 8 du texte: Le retour du jeune roi dans sa capitale.</p>
-
-<p>Loret (livre VI, page 106) dit qu'il y avait cent six carrosses à
-cette entrée.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_19">19</a>, ligne 7: D'une des demoiselles de Mortemart.</p>
-
-<p>Cette demoiselle de Mortemart, qui fut marquise de Thianges, était
-la s&oelig;ur de celle qui fut depuis connue sous le nom de duchesse de
-Montespan.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_19">19</a>, ligne 9: Celui de Loménie de Brienne.</p>
-
-<p>Les fiançailles de Loménie de Brienne eurent lieu en décembre 1654,
-et le mariage seulement en janvier 1656. Ces détails, qui nous sont
-donnés par Loret, ont été ignorés par le spirituel éditeur des <i>Mémoires
-de Loménie de Brienne</i>, qui parle de ce mariage sans en
-donner la date.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_19">19</a>, ligne 12: Non-seulement le jeune monarque.</p>
-
-<p>Le roi et son frère furent de toutes les fêtes données par Mazarin,
-par le duc d'Amville, par le chancelier Seguier. Le roi dansa dans le
-ballet qui fut donné par le chancelier Seguier. Loret (liv. V, p. 77)
-fait la description d'une magnifique fête donnée par Hesselin, dans
-son palais d'Essone. Loret le nomme.</p>
-
-<p class="quote">Goinfre du plus haut étage,<br />
-Rare et galant personnage.</p>
-
-<p>Madame de La Sablière était une demoiselle Hesselin, et cet Hesselin
-était peut-être son père.</p>
-
-<p>Je remarque que Loret, au milieu de ces descriptions de fêtes et
-de divertissements, liv. VI, t. II, p. 159, dans la lettre en date du
-16 octobre, fait mention d'une attaque de <i>cholera-morbus</i> dont fut
-subitement attaqué un nommé Coquerel, directeur des carmélites,
-pendant qu'il était à Marseille:</p>
-
-<p class="quote">Et quoique ce mal fût mortel,<br />
-Son bonheur cependant fut tel,</p>
-
-<p>qu'il en réchappa. Ainsi dès cette époque le <i>cholera-morbus</i> était
-connu par son vrai nom et dès cette époque aussi il était considéré
-comme mortel.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_466"> 466</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_19">19</a>, ligne 16: Il y fit jouer trois nouveaux ballets.</p>
-
-<p>Louis XIV représentait dans le ballet des <i>Plaisirs</i> le génie de la
-danse, un berger et un débauché; mais ce dernier rôle n'était introduit
-que pour motiver des vers contre la débauche. (Benserade,
-t. II, p. 117, 131, 137.) En février 1656, lors de la visite de la
-princesse d'Orange, Mazarin donna à dîner à toute la famille royale,
-et l'on entendit la fameuse La Barre et la signora Bergerota. Créqui
-donna à dîner au frère du roi en février (Loret, t. VII, p. 32), et
-Seguier à toute la famille royale (t. VII, p. 33 ). Mazarin donna une
-fête au duc de Mantoue, le 18 septembre. Loret dit qu'il y eut cette
-année</p>
-
-<p class="quote"><span class="i2"> <b>.....</b> </span>Plus de mille assemblées<br />
-En des maisons fort signalées.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_21">21</a>, lignes 7 et 8: Composèrent dès lors des tragédies latines.</p>
-
-<p>Loret, qui assistait à ces représentations, dit que ces pièces latines
-furent écoutées par plus de sept mille auditeurs. Le naïf gazetier
-avoue qu'il n'a jamais su le latin. Les jésuites commencèrent d'abord
-par composer des pièces chrétiennes. On joua cette année, au collége
-de Navarre, une tragédie intitulée <i>Sainte Julienne</i>. Loret nous apprend
-que le jeune marquis de Bretoncelle joua admirablement le
-rôle de l'impératrice, et que les jeunes d'Humières, La Vallière, Colbert,
-Menardeau, Beauvais, s'attirèrent également les applaudissements
-de la docte assemblée. Il y eut une autre tragédie latine, jouée
-au collége de Clermont (aujourd'hui le collége Louis le Grand), sur
-un plus vaste théâtre; mais le sujet en était national, et tiré de l'histoire
-de la maison de Foix.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_23">23</a>, ligne 9: Le carrousel que le roi.</p>
-
-<p>Le roi avait pris pour devise, dans ce carrousel, un soleil avec ces
-mots: <i>Ne più, ne pari</i>; c'est en langue italienne la fameuse devise
-adoptée dans les médailles, un soleil avec ces mots: <i>Nec pluribus
-impar</i>.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_28">28</a>, ligne 7: Jusqu'à Lésigny.</p>
-
-<p>Lésigny est dans le département de Seine-et-Marne, près Brie-sur-Yères.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_467"> 467</a></span></p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE III.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_32">32</a>, ligne 26: La princesse de Condé, douairière.</p>
-
-<p>La princesse de Condé douairière mourut en 1650; le récit de sa
-mort, dans madame de Motteville, est plein d'intérêt. On n'a pas assez
-remarqué combien les <i>Mémoires de Madame de Motteville</i> font honneur
-à son talent d'écrivain. Son style offre moins d'imagination que
-celui de madame de Sévigné; mais il est plus pur, plus travaillé;
-et c'est par cette raison peut-être qu'il a moins de charme. Elle dispose
-admirablement toutes les parties d'un récit. Ce qui est plus rare
-que son talent, c'est sa belle âme, son bon c&oelig;ur, et son amour pour
-la vérité. C'est ce qui a nui à sa réputation. Comment dans le siècle
-où nous sommes, et dans celui qui l'a précédé, peut-on se résoudre
-à admirer une femme qui avec beaucoup d'esprit est pieuse, ennemie
-de la médisance, et qui se croit tenue de défendre la mémoire de sa
-maîtresse auprès de la postérité, quoique cette maîtresse fût une
-reine?</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_35">35</a>, ligne 3: Qui eussent été servies de tous.</p>
-
-<p>Lenet en servait une: c'était une fort jolie Anglaise, nommée mademoiselle
-Gerbier. Bourdelot, médecin du prince de Condé, si connu
-par ses relations avec la reine Christine et tous les beaux esprits de
-son temps, était alors à Chantilly en même temps que Lenet, ainsi
-qu'un certain abbé de Massé, aimable et brillant d'esprit.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_35">35</a>, ligne 6: La marquise de Gouville.</p>
-
-<p>Le nom de la marquise de Gouville était Lucie Cotentin de Tourville,
-femme de Michel d'Argouges, marquis de Gouville.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE IV.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_40">40</a>, ligne 17: Ce fut Prudhomme.</p>
-
-<p>Chavagnac arrive à Paris avec le duc de Candale, et dit: «Nous
-mîmes pied à terre chez Prudhomme, baigneur de réputation, où
-arriva dans le moment le maréchal d'Albret, qui vint l'embrasser
-[le duc de Candale], en lui disant qu'en quittant la botte il fallait
-aussi quitter l'altesse.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_468"> 468</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_40">40</a>, ligne 20: La Vienne devint par la suite...</p>
-
-<p>Le passage des <i>Mémoires de Saint-Simon</i>, relatif à La Vienne est
-tronqué dans les &oelig;uvres de Saint-Simon données par Soulavie. Dans
-les <i>Mémoires</i> Saint-Simon dit: «La Vienne avait passé sa vie avec
-les plus grands seigneurs, et n'avait jamais pu apprendre le moins
-du monde à vivre. C'était un gros homme noir, frais, de bonne
-mine, qui gardait encore sa moustache comme le vieux Villars;
-rustre, très-volontiers brutal; pair et compagnon avec tout le monde;
-n'ayant d'impertinent que l'écorce; honnête homme, même bon
-homme et serviable.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_42">42</a>, ligne 6: Datée de Paris le 19 juillet.</p>
-
-<p>Il n'y a que cinquante lieues de Paris à Landrecies, où était Bussy;
-cependant cette lettre de madame de Sévigné, datée du 19 juillet, ne
-parvint à Bussy que le 7 août, et fut par conséquent dix-sept jours en
-route, tant le service des postes était alors lent et mal organisé.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_43">43</a>, ligne 2: Que son cousin s'était distingué à Landrecies.</p>
-
-<p>Monglat indique la prise de Landrecies au 14 juillet. Le même
-raconte le revers qu'essuya Bussy, et comment il se laissa prendre ses
-drapeaux. Sur cette déroute, voyez Bussy, <i>Mém.</i>, t. II, p. 37. La
-tranchée devant Landrecies avait été ouverte du 26 au 27 du mois
-précédent. «Le 29, dit l'auteur de la <i>Monarchie Françoise</i>, le sieur
-de Bussy-Rabutin, mestre de camp général de la cavalerie, releva
-la tranchée, et au signal de deux coups de canon il commença sur
-la palissade un logement capable de contenir deux cents hommes,
-après avoir chassé les ennemis de la contrescarpe.» Bussy se distingua
-encore au siége de Condé le 10 août: voyez <i>les Fastes des
-Rois de la maison d'Orléans et celle de Bourbon</i> (par le père du
-Londel), 1697, in-8<sup>o</sup>, p. 195.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_46">46</a>, ligne 19: Une petite lettre en galopant.</p>
-
-<p>Les contre-vérités que renferme le commencement de cette lettre
-sont prises au sérieux par M. G. de St.-G., éditeur des <i>Lettres de Madame
-de Sévigné</i>, quoique le sens ironique fût fort clair, et explicitement
-annoncé par Bussy lui-même, qui dans sa lettre du 13 août dit:
-«J'ai bien ri en <i>lisant vos contre-vérités</i>.» Bussy, <i>Mém.</i>, t. II, p. 32.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_469"> 469</a></span></p>
-<p class="echap">CHAPITRE V.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_50">50</a>, ligne 26: Il séduisit la femme de chambre.</p>
-
-<p>Dans le grand nombre de passages des Mémoires du temps où le
-nom de Bartet se trouve, il est souvent défiguré, par la faute des imprimeurs
-ou copistes, qui mettent Barlet ou Baret. Le conseiller au
-parlement de Navarre chez lequel était la femme de chambre qu'épousa
-Bartet se nommait Giraud.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_53">53</a>, ligne 7: Candale avait rendu de grands services.</p>
-
-<p>Certaines aventures du duc de Candale sont d'une nature si extraordinaire
-et si tragique, qu'elles pourraient fournir la matière de plusieurs
-romans. Un jour il court à franc étrier de Paris à Bordeaux,
-pour aller joindre une maîtresse qui l'attendait; il arrive à sa maison;
-il monte précipitamment les escaliers, trouve toutes les portes ouvertes,
-se précipite dans sa chambre, préoccupé du plaisir qu'il va éprouver
-en la serrant sur son sein. Là, il est frappé à la vue du cadavre
-de celle qu'il aimait, posé sur un drap mortuaire, entouré de six
-cierges, sur lequel se penchaient deux chirurgiens, qui considéraient
-avec attention les entrailles déjà séparées du corps, tandis que la tête,
-ensanglantée et défigurée, était d'un autre côté. Deux religieux étaient
-auprès, et récitaient des prières. (Voyez Chavagnac, <i>Mém.</i>, t. I,
-p. 210.) Le portrait que Saint-Évremond nous a laissé du duc de Candale
-est un des meilleurs morceaux de ce spirituel écrivain. Sur ses
-amours avec madame d'Olonne, on peut consulter Bussy. Madame de
-Saint-Loup avait été sa première maîtresse. Il a terminé sa carrière
-galante par une intrigue avec la marquise de Gange, objet d'un attentat
-qui surpasse ce que les romanciers ont inventé de plus atroce.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_54">54</a>, ligne 4: Bartet n'obtint aucune réparation.</p>
-
-<p>Bartet avait été disgracié, et vécut trente ans exilé; mais Louis XIV,
-sollicité par Villeroi, lui permit de reparaître à la cour. Voyez <i>Dangeau</i>,
-sous la date du 16 janvier 1690, t. II, p. 251, édit. de Paul Lacroix,
-1830, in-8<sup>o</sup>. Bartet mourut à Neufville, près de Lyon, en 1707, âgé de
-plus de cent ans. Voyez <span class="small1">Conrart</span>, <i>Mém.</i>, p. 270, note de M. Monmerqué,
-qui cite les <i>Mémoires de</i> <span class="small1">Choisy</span>, t. II, p. 205; Utrecht, 1727.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_470"> 470</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_55">55</a>, ligne 7: Sa femme se fit connaître par des désordres honteux.</p>
-
-<p>La femme de Bautru (Nicolas I<sup>er</sup>) se nommait Marie Coulon. Le
-valet avec lequel fut surprise cette comtesse de Bautru fut condamné
-à être pendu; la peine fut commuée. Marie Coulon n'aimait pas qu'on
-l'appelât Bautru, mais Nogent, parce qu'Anne d'Autriche prononçait
-le premier nom à la manière espagnole ou italienne. Nicolas Bautru
-mourut à soixante dix-sept ans. Il disait souvent que si les Bautru
-étaient c...., ils n'étaient pas <i>sots</i>, jouant ainsi sur l'ancienne et
-double signification de ce dernier mot. Il ne faut pas confondre
-Marie Coulon avec Marthe Bigot, femme de Guillaume Bautru, frère
-de Nicolas I<sup>er</sup>.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_55">55</a>, lig. 21: Madame de Roquelaure est revenue tellement belle.</p>
-
-<p><span class="small1">Mademoiselle</span>, dans ses Mémoires, dit, en parlant des personnes
-qui vinrent la voir à Juvisy: «J'y vis aussi madame de Roquelaure, dont
-la beauté faisait grand bruit: assurément c'était une belle créature.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_57">57</a>, ligne 1: Qu'il eut avec mademoiselle de Guerchy.</p>
-
-<p>Les noms sont en blanc dans les Mémoires de Chavagnac; mais
-nous apprenons par eux que mademoiselle de Guerchy fut piquée
-avec une épingle empoisonnée; qu'elle entra en convulsion dans le
-moment, et mourut dans les douleurs les plus horribles. Au sujet du
-nom de Montjeu, que portait Jeannin de Castille, je remarque dans
-Loret, liv. V, p. 22, que dans sa lettre en date du 7 février 1654
-il est fait mention d'une certaine madame Mondejeu qui s'enfuit un
-jour de chez son mari et se retira au couvent. Mondejeu est-il le
-même nom que Montjeu, et est-il question dans cette anecdote de
-Jeannin et de sa femme? Je le crois.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE VI.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_60">60</a>, ligne dernière: Protégea contre la main scrupuleuse d'un monarque.</p>
-
-<p>La circonstance des pincettes paraît avoir été inventée à plaisir.
-Elle ne se trouve pas dans le premier passage cité de Sauval, mais
-dans l'autre du même volume; et elle est reproduite en outre dans
-une estampe, aussi ridicule que le conte. L'abbé de Bois-Robert a
-<span class="pagenum"><a id="Page_471"> 471</a></span>
-fait des vers à la louange de la gorge de madame de Schomberg, au
-sujet d'une perle tombée dans son sein.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_61">61</a>, ligne 7: La confidente la plus intime.</p>
-
-<p>La pièce de Scarron intitulée <i>Étrennes</i> doit dater du temps de
-la jeunesse de l'auteur, et est de l'époque de l'amour de Louis XIII
-pour mademoiselle de Hautefort. Elle commence ainsi:</p>
-
-<p class="quote">Visible déité d'un monarque amoureux.</p>
-
-<p>Elle est d'un style tout différent de celui qui est ordinaire à l'auteur.
-Il est probable que ce n'est que plus tard, et pour se distraire de ses
-infirmités, que Scarron adopta le burlesque, où il eut tant de succès.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_61">61</a>, ligne 20: Chemerault, autre dame de la reine.</p>
-
-<p>La Porte dit que les lettres de Chemerault au cardinal de Richelieu
-relatives à son espionnage auprès de mademoiselle de Hautefort
-sont au nombre de dix-sept, et qu'elles furent imprimées pendant
-les troubles de la Fronde. Je suis informé qu'il existe une vie manuscrite
-de madame la maréchale de Schomberg, et des lettres du
-maréchal à la suite de celles de son père, à la Bibliothèque royale.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_63">63</a>, ligne 27: Qu'elle ne se fît religieuse.</p>
-
-<p>C'est à cause de sa dévotion que Scarron la nomme souvent dans
-ses vers sainte Hautefort, et qu'il lui dit Votre Sainteté.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_64">64</a>, lignes 3: Elle épousa en 1646.</p>
-
-<p>Mademoiselle de Hautefort, qu'on appelait madame de Hautefort
-parce qu'elle était dame d'atour, avait été exilée avec sa s&oelig;ur mademoiselle
-d'Escars en 1644.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_64">64</a>, note 118: Scarron, <i>épithalame</i>.</p>
-
-<p>Scarron dit du maréchal de Schomberg, dans cet épithalame:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Il a l'âme savante et bonne</p>
-<p>Autant qu'un docteur de Sorbonne,</p>
-<p>L'esprit à son courage égal,</p>
-<p>Adroit à pied comme à cheval,</p>
-<p>Faisant toute chose sans peine,</p>
-<p>Où les autres perdent haleine.</p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_472"> 472</a></span></div>
-<p>S'il chante, les plus entendus</p>
-<p>Au métier en sont confondus;</p>
-<p>S'il danse, c'est la même chose.</p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p>Mais dans la paix, s'il est aimable,</p>
-<p>Dans la guerre il est effroyable. (P. 254)</p>
-</div></div>
-
-<p>Remarquons que le mot <i>effroyable</i> est employé ici dans le sens
-de ce qui cause et produit l'effroi, dans le sens direct et favorable,
-et non dans le sens réfléchi et défavorable; et à cet égard je dirai
-aussi que le mot <i>pitoyable</i> appliqué à quelqu'un ne signifiait pas autrefois
-celui ou celle qui inspire la pitié, mais une personne susceptible
-de pitié, capable de se laisser fléchir. Jean-Jacques Rousseau,
-dans sa <i>Nouvelle Héloïse</i>, a encore employé ce mot dans ce sens.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_66">66</a>, ligne 5: La file des carrosses s'étendait.</p>
-
-<p>On y voyait, dit Loret,</p>
-
-<p class="quote">Plusieurs gens de mérite exquis,<br />
-Des ducs, des comtes, des marquis.</p>
-
-<p>Puis parmi les femmes il cite la duchesse de Liancourt, connue par
-sa vertu et sa dévotion; la maréchale de La Mothe, la duchesse de
-Roquelaure, la duchesse de Choiseul-Praslin, madame Desmarest, accompagnée
-de sa fille, une des plus jolies personnes de cette époque;
-madame de Toussy, madame de Bonnelle. Le maréchal de Schomberg
-et sa femme allèrent loger à l'hôtel de Liancourt ou de La Rochefoucauld,
-rue de Seine (détruit de nos jours pour construire la rue
-des Beaux-Arts). La date de l'arrivée du duc et de la duchesse de Schomberg
-à Paris n'est pas celle de la lettre de Loret; car il est dit p. 64:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Ledit Schomberg et son épouse,</p>
-<p>Depuis des jours environ douze,</p>
-<p>Sont dans l'hôtel de Liancour.</p>
-</div></div>
-
-<p>Ainsi la lettre de Loret étant du 22 avril, il en résulterait que le
-maréchal de Schomberg et sa femme entrèrent dans Paris le 10 avril,
-qui est le jour de la mort de madame de La Flotte.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_473"> 473</a></span></p>
-<p class="echap">CHAPITRE VII.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_69">69</a>, ligne première: Elle fut donc témoin de toutes les fêtes.</p>
-
-<p>Le duc de Gramont donna cette année une fête splendide. La reine
-elle-même donna un ballet, à la suite d'un repas, veille des Rois, où la
-fève échut au duc d'Amville. Les représentations du ballet de <i>Psyché</i>
-se continuèrent. Il y eut chez le cardinal de Mazarin un bal masqué, ou
-les Trivelin et les Scaramouche amusèrent l'assemblée; puis un concert,
-où chantèrent Baptiste, La Barre, Saint-Hilaire, la signora Bergerota,
-le délicieux Sarcamanan. Ce furent les mêmes virtuoses qui
-chantèrent Ténèbres aux Feuillants, pendant l'interruption de tous les
-plaisirs. Le chancelier Seguier donna un bal masqué, où le roi dansa.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_69">69</a>, ligne 18: Le théâtre et les concerts publics.</p>
-
-<p>Une petite comédie intitulée <i>Intrigue d'amour</i>, d'un nommé Lambert,
-qui a échappé aux recherches exactes et minutieuses des auteurs
-de l'<i>Histoire du Théâtre françois</i>, charma aussi le public de cette
-époque. (Voyez Loret, liv. VII, p. 198, lettre en date du 16 décembre.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_70">70</a>, ligne 7: Les mariages.</p>
-
-<p>Parmi les mariages notables que l'on vit cette année furent ceux du
-marquis de La Luzerne avec la fille d'un fameux financier, nommé
-Picard; du prince d'Harcourt avec mademoiselle de Bouillon, nièce de
-Turenne; celui de Soyecourt avec la fille du président de Maisons; du
-marquis de Rambures avec mademoiselle de Nogent; du marquis de
-Vardes avec mademoiselle de Nicolaï (pauvre duchesse de Roquelaure!);
-de Bignon avec mademoiselle de Pontchartrain. Parmi les
-exilés qui furent rappelés, on remarqua le père George, capucin, ce
-fameux prédicateur de la Fronde. Mademoiselle de Montpensier
-(t. XLII, p. 37) fait mention des demoiselles d'Harcourt, privées de
-leur mère. Alphonse-Henri-Charles de Lorraine, comte d'Harcourt, fut
-marié, le 2 février 1667, à mademoiselle de Brancas. Voyez <i>Sévigné</i>
-(<i>Lettre</i> en date du 23 mai 1667), t. I, p. 163, édit. de G. de S.-G.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_72">72</a>, ligne première: Le marquis de La Trousse.</p>
-
-<p>Le nom du marquis de La Trousse était Philippe-Auguste Le Hardi.
-<span class="pagenum"><a id="Page_474"> 474</a></span>
-La terre de La Trousse en Brie avait été érigée en marquisat sous
-son père, par lettres patentes de 1605 (Monmerqué).</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_72">72</a>, ligne 14: Devant Capelle.</p>
-
-<p>La Prise de Capelle eut lieu le 18 août.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_73">73</a>, ligne 14: Bussy quitta l'armée le 2 novembre.</p>
-
-<p>Bussy, à son passage à Paris, put assister au nouveau ballet royal
-qui fut donné le 18 novembre.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_73">73</a>, ligne 20: Après le départ du duc de Modène.</p>
-
-<p>Aidé des troupes françaises commandées par le duc de Merc&oelig;ur,
-le duc de Modène s'empara de Valenza le 6 septembre, ce qui contribua
-à augmenter en Italie la considération de la France. Monglat,
-t. LI, p. 19.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_81">81</a>, ligne 17: L'intrigueuse vient là.</p>
-
-<p>On ne dit plus aujourd'hui intrigueur et intrigueuse, mais intrigant
-et intrigante. A l'époque où Saint-Évremond écrivait on ne disait
-ni l'un ni l'autre; c'était un mot forgé ou un mot nouveau, mais non
-encore adopté, et qui ne le fut de longtemps. Dans le Dictionnaire de
-Nicot, imprimé en 1666, on ne trouve ni intrigueur ni intrigant; il
-en est de même dans le Dictionnaire de Richelet, imprimé en 1680;
-mais on trouve l'un et l'autre de ces mots dans la première édition
-du Dictionnaire de l'Académie Française, qui remarque qu'intrigueuse
-est plus souvent employé qu'intrigueur; et c'est ce féminin, dont la
-désinence en <i>gueuse</i> était désagréable, qui aura déterminé à préférer
-intrigante et intrigant.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE VIII.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_90">90</a>, ligne 4 du texte: Un mot qui manque à notre langue.</p>
-
-<p>Les mots <i>infans</i> et <i>puer</i>, que nous ne pouvons traduire que par
-le seul mot enfant, exprimaient chez les Romains deux âges différents
-de la vie.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_95">95</a>, note 154, ligne 3 de la note: M. de Bausset n'a pas bien connu.</p>
-
-<p>M. de Bausset, dans sa <i>Vie de Bossuet</i>, dit que cet homme illustre
-<span class="pagenum"><a id="Page_475"> 475</a></span>
-n'a commencé ses prédications à Paris que vers la fin de l'année de
-1658, par le panégyrique de saint Joseph, ce qui est une erreur. Il
-y a pareillement erreur de la part du dernier et savant éditeur des
-&oelig;uvres de Bossuet, qui, entraîné peut-être par l'assertion de M. de
-Bausset, a placé le panégyrique de sainte Thérèse à la date de l'année
-1658. Il est antérieur d'un an. Les détails que nous n'avons pu
-qu'indiquer, sur les premiers débuts de Bossuet dans la chaire évangélique
-forment une véritable lacune dans l'histoire de M. de Bausset,
-qui les a ignorés. Cette <i>Vie de Bossuet</i> est d'ailleurs un ouvrage
-d'un grand mérite; et bien qu'elle n'ait pas eu le même succès
-que la <i>Vie de Fénelon</i>, elle lui est, suivant nous, supérieure: elle
-offrait plus de difficultés dans son exécution.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_100">100</a>, note 1: <i>Dissertation critique</i>.</p>
-
-<p>Ce livre fut achevé d'imprimer le 3 août 1697. Ainsi sur le titre il
-faut lire M. DC. XCVIII au lieu de M. DC. XVIII, qui est une faute
-de l'imprimeur. On a réimprimé à la suite des éditions de <i>Madame
-de Sévigné</i> cette dissertation, ainsi que celles de Dacier et de Dumarsais,
-sur le même sujet.</p>
-
-<p class="pnote">Page 103, ligne 4: Mazarin lui fit une pension de mille livres.</p>
-
-<p>M. Weiss s'est trompé quand il a dit que Richelieu avait accordé
-une pension de 1,000 francs à Beauchâteau. Cet anachronisme ne peut
-être qu'une inadvertance du savant auteur. M. Weiss dit que cet
-enfant célèbre naquit à Beauchâteau, le 8 mai 1645; j'ignore sur quelle
-autorité Loret (liv. IX, p. 25, lettre en date du 16 février) ne lui
-donne que onze ans lorsqu'en février 1658 il présenta lui-même son
-recueil imprimé à l'Académie Française. C'est dans la lettre du 1<sup>er</sup> novembre
-1659 (liv. X, p. 170) que Loret nous apprend qu'il était en
-Espagne.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE IX.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_105">105</a>, ligne 3: Qui eurent lieu dans l'intervalle de quelques mois.</p>
-
-<p>La mort du duc de Chevreuse et celle du duc de Villars produisirent
-peu de sensation, parce qu'ils étaient presque octogénaires. On
-regretta peu la mort du maréchal de La Mothe-Houdancourt, qui
-s'était montré pendant la Fronde d'une fidélité douteuse. Celle du duc
-d'Elb&oelig;uf ne fut remarquée que par la magnificence de son enterrement.
-<span class="pagenum"><a id="Page_476"> 476</a></span>
-La duchesse de Bouillon était une femme d'un grand mérite,
-mais dont on n'avait plus rien à espérer ni à craindre. La duchesse
-de Merc&oelig;ur se trouvait à l'extrémité dans le moment où le roi dansait
-un ballet; et le lendemain on vint avertir qu'elle était morte.
-Elle mourut le 8 février. La duchesse de Montbazon mourut à cinquante
-ans, encore belle. De tous ces décès, celui qui occasionna le
-plus de regrets fut celui de Pomponne de Bellièvre, premier président
-du parlement de Paris; non que sous plusieurs rapports ce fût un
-magistrat très-recommandable: il était paresseux et voluptueux,
-adonné aux délices de la table; mais il était en même temps généreux,
-hospitalier, bienfaisant, et jouissait avec magnificence de sa
-fortune. Sa probité, son désintéressement, son patriotisme, la fermeté
-avec laquelle il résistait au premier ministre, et le retard qu'il
-apportait à l'enregistrement des édits qui créaient de nouveaux impôts,
-l'avaient rendu cher au peuple et à sa compagnie. Mazarin fut
-le seul satisfait de sa perte; mais celle de sa nièce la duchesse de
-Merc&oelig;ur, enlevée en quelques heures de maladie, lui fut très-sensible.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_105">105</a>, ligne 18: L'arrivée du duc de Mantoue.</p>
-
-<p>On ne fit pas un aussi bon accueil au duc de Mantoue qu'au duc
-de Modène, parce que, par les séductions de sa femme, le premier
-s'était laissé entraîner dans le parti de l'Espagne.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_106">106</a>, lignes 19 et 20: Le goût... pour les déguisements de femme.</p>
-
-<p>Dans le ballet nouveau de <i>l'Amour malade</i>, le jeune duc d'Amville,
-déguisé en femme, joua le rôle d'une mariée. L'ancien ballet de <i>Psyché</i>
-fut de nouveau représenté. (Loret, liv. VIII, p. 9, du 19 février.)
-<span class="small1">Monsieur</span> donna un repas magnifique au roi et à la reine et au cardinal,
-après lequel on joua la fameuse tragédie de Thomas Corneille,
-intitulée <i>Timocrate</i>; une autre fois on fit jouer les vingt-quatre violons.
-Le duc de Guise, à l'imitation du roi, fit représenter un ballet,
-où il dansa avec Beauchamps. (Loret, liv. VIII, p. 29.) Mais le même
-donna une fête plus magnifique et un repas de 200 couverts, lorsque
-la princesse de Guise fut nommée abbesse de Montmartre. (Loret, 75.)
-Pendant la campagne de cette année, le maréchal de La Ferté traita
-dans son camp le roi et toute sa suite, avec la même magnificence,
-avec la même recherche de mets qu'il aurait pu faire à Paris. Au retour
-de cette campagne, Louis XIV parut masqué, avec toute sa cour,
-<span class="pagenum"><a id="Page_477"> 477</a></span>
-dans un bal magnifique, qui fut donné par le maréchal de L'Hôpital,
-gouverneur de Paris. (Loret, liv. IX, p. 21, 9 février 1658.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_110">110</a>, ligne 6: Après une retraite de huit jours.</p>
-
-<p>Madame de Motteville n'indique pas la durée de la retraite du roi
-à Vincennes; mais Loret, qui écrivait au moment même des événements,
-dit qu'elle dura une semaine.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_110">110</a>, note 175: <span class="small1">Montpensier</span>.</p>
-
-<p>Il faut dans cet endroit des <i>Mémoires de</i> <span class="small1">Montpensier</span> substituer
-La Mothe d'Argencourt à La Mothe-Houdancourt, qui est une faute de
-copiste, ou une mauvaise correction d'éditeur. La même faute avait
-été commise dans les <i>Mémoires de</i> <span class="small1">La Fare</span>, et a été rectifiée par M. de
-Monmerqué, d'après l'autorité des manuscrits.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_112">112</a>, ligne 3: Mais un jour elle parut.</p>
-
-<p>Puisque Loret nomme encore mademoiselle d'Argencourt au nombre
-des filles de la reine, dans sa lettre du 26 octobre, la scène de
-bal dont parle madame de Motteville ne peut être postérieure à ce
-mois. Le départ subit de la cour en septembre, qui n'était pas ordinaire,
-annoncé par Loret, tenait peut-être à cette aventure: on
-comprit qu'il fallait se presser d'aller négocier le mariage du roi.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_115">115</a>, ligne 21: Bontemps... fut chargé de la marier.</p>
-
-<p>Saint-Simon remarque que dans l'acte du mariage de cette fille de
-Louis XIV il ne fut fait aucune mention de son père ni de sa mère.
-Il dit aussi que Laqueue, ce gendre de Louis XIV, ne paraissait presque
-jamais à la cour; quand il y paraissait, c'était, dit-il, comme un simple
-officier, et le moins recueilli de la foule. Bontemps ne laissait pas de
-lui donner de temps en temps de l'argent. (<i>Saint-Simon</i>, t. IV, p. 182.)</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE X.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_120">120</a>, ligne 2: Gaston et <span class="small1">Mademoiselle</span>.</p>
-
-<p>La lettre de Loret nous apprend que lorsque <span class="small1">Mademoiselle</span> revint
-à Paris, en 1658, elle alla loger au Luxembourg.
-<span class="pagenum"><a id="Page_478"> 478</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_121">121</a>, notes 186 et 188: <i>Vie de la duchesse de Longueville</i>, édit. 1739.</p>
-
-<p>On sait que l'édition de Paris est intitulée <i>De la Vie de la duchesse
-de Longueville</i>, et qu'on en a ôté tout ce qui pouvait avoir trait au
-jansénisme.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_121">121</a>, ligne 18: Cependant il s'y résolut.</p>
-
-<p>Le duc de Beaufort ne revint en cour qu'en 1658.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_122">122</a>, lignes 24 et 25: La reine d'Angleterre... eut seule la permission d'y rester.</p>
-
-<p>Encore ne resta-t-elle point à la cour. Elle se rendit cette année
-aux eaux de Bourbon.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_123">123</a>, ligne 11: Tandis que des plénipotentiaires français.</p>
-
-<p>Ce furent le duc de Gramont et de Lionne que Mazarin envoya
-comme négociateurs à la diète de Francfort; mais il tenait lui seul
-tous les fils de ses négociations, où il employait d'autres personnages
-que ceux qui étaient accrédités. Ainsi un castrat nommé Atto, qu'il
-avait fait venir d'Italie pour la musique, fut envoyé en Bavière, parce
-qu'il le savait bien avec l'électrice. A une autre époque il envoya
-son secrétaire particulier.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_123">123</a>, ligne 12: En Hollande.</p>
-
-<p>Ce fut de Thou qu'on envoya en Hollande, avec laquelle alors
-on était en paix.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XI.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_131">131</a>, ligne 25: Puisque j'ose bien juger des ouvrages de Chapelain.</p>
-
-<p>Loret disait alors:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Le ciel, parmi tant de lumières,</p>
-<p>N'a qu'un soleil qui luise à point;</p>
-<p>La terre n'a qu'un Chapelain.</p>
-</div></div>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_136">136</a>, lignes 23 et 24: Envoya Corbinelli à sa cousine.</p>
-
-<p>On voit par là que Grouvelle se trompe quand il dit que madame de
-<span class="pagenum"><a id="Page_479"> 479</a></span>
-Sévigné ne connut Corbinelli qu'en 1661. Leur liaison était bien antérieure.
-Voyez la première partie de ces Mémoires, chapitre XXXVII,
-page 503, et Grouvelle, <i>notice sur</i> <span class="small1">Corbinelli</span>, dans l'édition in-12
-des <i>Lettres de Madame de Sévigné</i>, t. I, p. <span class="small1">CXLVII</span>.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XII.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_146">146</a>, ligne 15: Par une nouvelle et délicieuse mélodie.</p>
-
-<p>Lambert, Boisset et Molière (c'est le musicien, et non l'auteur)
-contribuèrent aussi à cette révolution musicale. On commençait à
-introduire alors dans les orchestres un plus grand nombre d'instruments;
-aux violons on joignit les flûtes, les clavecins, les guitares,
-les téorbes, les luths. (Loret, liv. IX, p. 26-28.) Les cantatrices en
-vogue, mesdemoiselles La Barre, Raymond et Hilaire, ajoutaient,
-par la beauté et la puissance de leur voix, aux charmes de la nouvelle
-musique.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_146">146</a>, ligne 18: C'est alors.</p>
-
-<p>Mazarin donna alors un grand repas, qui coûta, dit-on, 300,000 liv.;
-somme qui ne surprendra pas quand on saura qu'il y eut à la suite de
-ce repas une loterie. Loret a décrit avec beaucoup de prolixité dans sa
-gazette le bal donné par <span class="small1">Mademoiselle</span> à la cour, ainsi que les fêtes
-données par Fouquet, par Mazarin, par la duchesse de Lesdiguières,
-par la maréchale de L'Hospital, par madame de La Bazinière.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_146">146</a>, lignes avant-dernière et dernière: Que les promenades au Cours, que la foire Saint-Germain.</p>
-
-<p>La foire Saint-Germain se tenait à la même place où l'on a construit
-un marché qui porte aussi le nom du saint, et dans deux halles longues
-de 130 pas, larges de cent, composées d'une charpente fort
-exhaussée, divisées régulièrement en neuf rues, et partagées en vingt-quatre
-îles bordées d'un nombre considérable de loges ou de boutiques,
-enfermées dans un enclos où l'on entrait par sept portes. Cette
-charpente fut brûlée en 1763. Il n'y avait pas alors à Paris ce luxe
-de boutiques et de magasins qui depuis le siècle de Louis XIV, et
-surtout dans ces dernières années, n'a cessé de s'accroître sans fin
-et sans mesure; de sorte que l'ouverture de la foire Saint-Germain fut
-pendant longtemps un événement pour les Parisiens. Elle avait lieu
-<span class="pagenum"><a id="Page_480"> 480</a></span>
-le 3 février. Cette foire se prolongeait jusqu'à la semaine sainte, et
-souvent même au delà.</p>
-
-<p>De même, pour se rendre compte de l'attrait que pouvait avoir alors
-la promenade du Cours, il faut se représenter l'état de Paris à cette
-époque. Ses magnifiques boulevards n'existaient pas, ou plutôt Paris
-avait de véritables boulevards, c'est-à-dire des fortifications flanquées
-de bastions: toute la ville était entourée de remparts et de fossés profonds
-qui servaient à sa défense, mais point aux promeneurs. Les rues
-étaient étroites, resserrées; la place des Victoires, la place Vendôme
-et la place Louis XV n'existaient pas. Le Luxembourg ou palais d'Orléans,
-qui plus tard fut renfermé dans l'enceinte de Paris, était hors
-de ses murs, et ses jardins n'étaient point publics: il en était de même
-de ceux du palais Cardinal ou Palais-Royal. Les seules promenades
-publiques qui existassent dans l'intérieur de la ville se réduisaient donc
-à la place Royale (au Marais), au jardin du Temple, qui n'existe
-plus aujourd'hui, et aux Tuileries. Mais le jardin des Tuileries, qui
-fait aujourd'hui l'admiration de l'Europe, n'était pas tel, alors, que
-Le Nostre et les accroissements successifs de la capitale l'ont fait
-depuis. Subdivisé en une trentaine de plates-bandes ou de bosquets
-(dont un formait un labyrinthe)<a id="FNanchor_A" href="#Footnote_A" class="fnanchor">&nbsp;[A]</a>., tous égaux, séparés par des allées
-étroites, il était beaucoup plus resserré qu'aujourd'hui. A l'extrémité
-du massif d'arbres qui succède au parterre, l'espace découvert où est
-le grand bassin était l'intérieur d'un bastion dont les terrasses latérales
-étaient les faces, et dont la pointe se trouvait à l'endroit où est
-actuellement l'entrée du jardin: là existait avant nos révolutions le
-petit pont de bois qu'on nommait encore le pont tournant, quoiqu'il
-ne tournât plus. Au delà, au lieu de cette magnifique place Louis XV,
-de ces massifs d'arbres, de ces longues allées qu'on nomme les
-Champs-Élysées, qui font suite au jardin des Tuileries et se prolongent
-jusqu'à l'Arc de triomphe, on n'apercevait que des terres labourables,
-nues, sans une seule plantation. Trois routes ou chemins coupaient
-ces champs, et aboutissaient à deux portes de la ville, l'une à la
-porte Saint-Honoré, près la place actuelle de la Madeleine; l'autre à la
-porte de la Conférence, placée à l'extrémité actuelle de la terrasse des
-Tuileries du côté de la Seine. (Voyez le plan de Paris de Berey, en quatre
-feuilles). Après avoir gagné par une de ces deux portes, mais ordinairement
-<span class="pagenum"><a id="Page_481"> 481</a></span>
-par la dernière, le chemin qui bordait la rivière, on arrivait,
-après un court trajet, à la promenade que l'on nommait le <i>Cours la
-Reine</i>, parce qu'elle avait été faite par Marie de Médicis pendant sa
-régence. Cette promenade se composait de trois allées d'arbres, longues
-de six cents toises, entourées de fossés, et ayant aux deux extrémités
-deux grands portails, qui se fermaient par des grilles en fer. L'allée
-du milieu avait six à sept toises de largeur, et les deux autres la
-moitié. Un vaste espace rond, de trente-cinq toises de diamètre, coupait
-ces trois allées par le milieu. C'est dans cette promenade, qui ne
-fut détruite qu'en 1723, que la cour au temps de madame de Sévigné
-se rendait dans les beaux jours, en voiture et à cheval; c'était le bois
-de Boulogne, le Hyde-Park de Londres de cette époque, si toutefois
-ces deux promenades elles-mêmes, si brillantes au temps de ma jeunesse,
-ne sont pas passées de mode. Sauval dit qu'au Cours on se rencontrait,
-on se saluait, on se parlait, et que les hommes y avaient
-presque toujours le chapeau bas. Il en était ainsi avant nos révolutions,
-le jeudi, sur les boulevards du nord, où trois files de voitures
-se promenaient lentement, pour que les dames qui étaient dedans
-pussent s'entretenir avec les personnes de leur société, qui étaient à
-pied et à cheval; là on se disait les nouvelles, là on se faisait des
-invitations. Il n'était d'usage d'aller au bois de Boulogne que le dimanche,
-et dans l'allée de Longchamps; et là, comme sur les boulevards,
-les carrosses marchaient lentement ou s'arrêtaient, à cause des
-nombreuses conversations particulières. Aujourd'hui cette manière
-serait mortellement ennuyeuse; on a besoin de courir, comme des
-gens qui s'enfuient et s'évitent.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_148">148</a>, lignes 21, 24, 25: Anne d'Autriche..... ne chercha point à mettre de digue à ce torrent de dissipation et de licence.</p>
-
-<p>Ce fut surtout au retour du voyage de la cour à Lyon, et dans
-l'hiver de 1659, que le goût des mascarades se répandit. La reine
-elle-même avait peine à se défendre du plaisir que causaient alors ces
-sortes de divertissements. «On se déguise souvent, dit mademoiselle
-de Montpensier; nous fîmes une mascarade la plus jolie du monde.»
-Elle rapporte qu'elle et mademoiselle de Villeroi étaient habillées en
-paysannes de la Bresse. «Mon corps, dit-elle, était lacé de perles et
-attaché avec des diamants; il y en avait partout.» Le comte de
-Guiche, le duc de Roquelaure, Puiguilhem (depuis le duc de Lauzun,
-qui épousa <span class="small1">Mademoiselle</span>), et le marquis de Villeroi, étaient au nombre
-<span class="pagenum"><a id="Page_482"> 482</a></span>
- des bergers... Le roi et tous ceux qui l'accompagnaient étaient
-déguisés en vieillards, et toutes les femmes de sa troupe en vieilles.
-«La reine, ajoute <span class="small1">Mademoiselle</span>, nous trouva fort à sa fantaisie, ce
-qui n'est pas peu. Nous allâmes à l'Arsenal, où le maréchal de la
-Meilleraye donnait une grande assemblée.» Cette même mascarade
-eut encore lieu un autre jour et de la même manière, parce que la
-reine, à qui elle avait beaucoup plu, le désira. (Montpensier, <i>Mém.</i>,
-t. XLII, p. 408.) <span class="small1">Mademoiselle</span> nous donne encore des détails curieux
-sur la mascarade que firent le chevalier de Sillery, la comtesse d'Olonne
-et le prince de Marsillac, alors son amant. Toute la troupe alla
-s'habiller chez Gourville. Ces détails confirment tout ce que Bussy
-a raconté, dans son <i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, sur ces personnages.
-Le chevalier de Gramont, qui courtisait à la même époque la
-comtesse d'Olonne, était outré que le prince de Marsillac eût mieux
-réussi que lui; et comme ce dernier ne passait pas pour avoir beaucoup
-d'esprit, Gramont avait coutume de dire que Marsillac, comme
-un autre Samson, avait vaincu ses rivaux avec une mâchoire d'âne.</p>
-
-<p>Il y eut encore à cette époque une aventure qui fit rire tout Paris,
-et qui prouve ce que nous avons avancé dans le texte au sujet des
-mascarades. Un jeune page de <span class="small1">Mademoiselle</span>, remarquable par la
-fraîcheur de son teint, la finesse de ses traits et sa figure féminine,
-prenait plaisir à se promener déguisé en jeune fille, à écouter les discours
-et les galanteries de ceux qui se méprenaient sur son sexe;
-mais un jeune et riche bourgeois en devint sérieusement amoureux:
-le page poussa les choses au point de se laisser emmener chez le
-bourgeois; et au moment où celui-ci se croyait au comble de ses
-v&oelig;ux, le page se débat, s'échappe d'entre ses bras, s'enfuit, fait une
-chute, et laisse apercevoir sous ses jupes, au bourgeois étonné, ses
-vêtements de page. Ces scènes indécentes étaient le prélude de celles,
-bien autrement coupables, de la jeunesse de l'abbé de Choisy. (Conférez
-Montpensier, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 330; <i>ibid.</i>, p. 389; Loret,
-<i>Muse historique</i>, lib. IX, p. 44, 6 juillet; <i>Vie de l'abbé de Choisy</i>,
-l'<i>Histoire de la comtesse de Barre</i>, et une note de M. Monmerqué
-dans son édition des <i>Lettres de Madame de Sévigné</i>, qui indique que
-le manuscrit, beaucoup plus complet, de cette histoire existe à la bibliothèque
-de l'Arsenal.) En 1658, le premier jour de carême, on vit une
-troupe de masques déguisés en capucins et en capucines. Les prédicateurs
-dénoncèrent en chaire cette impiété; la reine se fâcha, et
-l'on sut que les coupables étaient l'abbé de Villarceaux, Ivry, ce mylord
-<span class="pagenum"><a id="Page_483"> 483</a></span>
-anglais amant de la duchesse de Châtillon, le comte d'Olonne et sa
-femme, Jeannin, trésorier de l'épargne. (Loret, liv. IX, p. 31,
-23 février, et p. 43, 16 mars 1658.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_149">149</a>, ligne 18: Ses Mémoires nous apprennent.</p>
-
-<p>«Les deux premiers jours, dit <span class="small1">Mademoiselle</span> (t. XLII, p. 308),
-après le départ de la cour (en 1658), je m'ennuyai un peu, particulièrement
-le temps où j'avais accoutumé d'aller au Louvre. J'en fus
-bientôt désaccoutumée. J'allais tous les jours au Cours, je me promenais
-deux ou trois fois à cheval. Mademoiselle de Villeroi y vint avec
-moi, et Bonneuil, qui était retiré à Paris, et madame de Sévigné. Hors
-elles, tout ce qui était accoutumé de se promener avec moi ne montait
-pas à cheval.» (Conférez t. I, p. 292 de la collect. de Michaud.)</p>
-
-<p>Ce fut pour désennuyer <span class="small1">Mademoiselle</span> pendant son exil, que Segrais,
-qui était son secrétaire, composa cette suite de petits romans
-intitulée <i>Nouvelles françaises, ou les Divertissements de la princesse
-Aurélie</i>, 1657, in-8<sup>o</sup>. Dans la première, intitulée <i>Eugénie</i>
-(t. I, p. 41), un amant se déguise en femme de chambre pour s'introduire
-près de sa maîtresse. C'est dans les Mémoires de <span class="small1">Mademoiselle</span>
-que nous trouvons les détails les plus curieux sur l'influence
-fâcheuse de ces sortes de déguisements relativement aux m&oelig;urs de
-la cour, et surtout sur celles du jeune duc d'Anjou et de ses indignes
-favoris, Guiche, Villequier, Manicamp, etc. (Voyez l'<i>Hist. am. des
-Gaules</i>, 1754, t. I, p. 49, 52, 56, 62, 132; Montpensier, t. XLII,
-p. 408.) Toute la vigilance d'Anne d'Autriche n'y put rien: peut-être
-eût-il mieux valu qu'elle en eût eu moins, et que ce jeune prince
-eût pu avoir à se défendre contre une séductrice moins âgée que la
-princesse Palatine. Un tel début, des appas si flétris, n'étaient pas
-propres à lui donner du goût pour le commerce des femmes.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_150">150</a>, ligne 9: Plusieurs mariages.</p>
-
-<p>C'est dans cette année que le prince de Marsillac épousa l'héritière
-de Liancourt (Loret, liv. IX, p. 67, en date du 4 mai), et que
-la fille de Servien fut mariée au marquis de Rosny (Loret, liv. IX,
-p. 154, en date du 5 octobre).</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_155">155</a>, note 247, <i>lettre autographe de Mazarin à Colbert</i>.</p>
-
-<p>Soulavie a imprimé cette lettre dans les <i>&OElig;uvres de Saint-Simon</i>, t. I,
-p. 241, mais mutilée, et avec des fautes d'impression sans nombre:
-<span class="pagenum"><a id="Page_484"> 484</a></span>
-au lieu d'Hervart, ce financier si connu, il écrivit Hervaut; au lieu
-de madame de Venel (gouvernante des nièces de Mazarin), il met
-Venès; et ainsi du reste.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_157">157</a>, ligne 25: Il écrivait tous les jours.</p>
-
-<p>La première séparation de Louis XIV et de Marie de Mancini eut
-lieu le 22 juin 1659. Dans la correspondance qui s'établit ensuite par
-lettres entre eux, Vivonne fut l'intermédiaire.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XIII.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_164">164</a>, ligne 3: Sa cour donnait le ton à la capitale et aux provinces.</p>
-
-<p><span class="small1">Mademoiselle</span>, dans ses Mémoires, parle de deux jeunes femmes
-qu'elle vit à Lyon, l'une veuve d'un officier, l'autre femme d'un lieutenant
-général. Elles étaient accomplies sous le double rapport de
-l'esprit et de la figure. <span class="small1">Mademoiselle</span>, pour en faire l'éloge, dit:
-«Elles sont bien faites et spirituelles, pour femmes de province.»
-(Montpensier, t. XLII, p. 38.) Ceci rappelle ce vers de Gresset, que
-j'avais à tort attribué à Regnard dans la première édition de cet ouvrage:</p>
-
-<p class="quote">Elle a de fort beaux yeux, pour des yeux de province.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_164">164</a>, ligne 15: Ils furent en cela imités par les auteurs dramatiques.</p>
-
-<p>Les auteurs dramatiques mettaient alors dans la bouche des héros
-de l'antiquité les discours de galanterie et les raffinements de sentiments
-à la mode dans les ruelles. Ils travestissaient tous les héros de
-l'antiquité en seigneurs de la Fronde. Ainsi l'<i>Amalasonte</i> de Quinault,
-donnée en 1657, est une véritable précieuse; et cette pièce valut à
-l'auteur une gratification du roi. <i>Le Mariage de Cambyse</i>, du même
-auteur, est une pièce écrite dans ce style. Corneille le jeune, dans sa
-tragédie de <i>Bérénice</i>, se vantait d'avoir imité un roman de Scudéry.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_166">166</a>, ligne 7: La plus galante personne du monde.</p>
-
-<p>Nous voyons ici le mot <i>galante</i> employé dans une signification qui
-<span class="pagenum"><a id="Page_485"> 485</a></span>
-n'a plus cours que pour le genre masculin du même adjectif. C'est
-dans ce sens qu'on dit un galant homme c'est-à-dire un honnête
-homme, un homme qui sait vivre, qui a une conduite honorable;
-mais on ne dit plus une galante femme, bien qu'on dise encore, mais
-dans un autre sens, une femme galante.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_166">166</a>, ligne 25: Donna à madame de La Fayette l'idée de tracer le portrait de madame de Sévigné.</p>
-
-<p>On a inséré ce portrait dans toutes les éditions de <i>Madame de
-Sévigné</i>, mais aucun éditeur n'a indiqué où il a été imprimé pour la
-première fois. Je n'ai pu remonter qu'à l'édition des <i>Lettres de Madame
-de Sévigné</i> de 1734. L'éditeur, le chevalier Perrin, en l'insérant
-dans sa préface, dit: «J'ai heureusement trouvé le portrait qu'en
-fit autrefois, sous le nom d'un inconnu, madame de La Fayette...»
-Ces mots semblent indiquer que ce portrait a été trouvé manuscrit
-dans les papiers de madame de Simiane, que Perrin a eus à sa disposition
-pour la publication des lettres de madame de Sévigné, et
-qu'avant ce portrait n'avait jamais été imprimé.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_171">171</a>, avant-dernière ligne: La troisième édition de ces poésies.</p>
-
-<p>C'est dans cette troisième édition que Ménage fit paraître pour la
-première fois ses poésies grecques et italiennes; cependant la seconde
-édition (1656) contenait, p. 117, un sonnet italien à mademoiselle
-de La Vergne.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_172">172</a>, ligue 4: Un madrigal allégorique.</p>
-
-<p>La fin du madrigal est jolie, mais elle est de Guarini, et non de
-Ménage; et il est étonnant que celui-ci ait songé à s'approprier des
-vers si connus. La muse de Ménage, quoique si souvent gratifiée des
-dons de sa mémoire, n'en est pas devenue plus riche.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_172">172</a>, lignes avant-dernière et dernière: La septième édition, qui ne fut pas la dernière.</p>
-
-<p>C'est la huitième qui est la dernière et la meilleure, et est accompagnée
-d'excellentes tables. Toutes ces éditions sont rares. Il est probable
-qu'elles furent tirées à petit nombre. La plus jolie de toutes,
-celle imprimée par les Elzeviers, est celle que j'ai le plus souvent
-<span class="pagenum"><a id="Page_486"> 486</a></span>
-rencontrée. J'ai donné une liste de toutes ces éditions à la page 452
-de la première partie de ces <i>Mémoires</i>.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_174">174</a>, ligne 10: M. de Noirmoutier.</p>
-
-<p>Louis de La Trémouille, duc de Noirmoutier, mourut en 1666, le
-15 octobre, à l'âge de cinquante-quatre ans.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XIV.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_177">177</a>, avant-dernière ligne: Un aspect de bonheur.</p>
-
-<p>Loret, selon sa coutume, a rempli sa gazette de la description
-des fêtes données pendant l'hiver qui précéda le départ du roi pour
-le midi. Voici celles dont nous avons tenu note, comme des plus remarquables.
-En février (le roi ne revint de Lyon qu'à cette époque),
-divers bals chez le maréchal de L'Hospital, gouverneur de Paris, chez
-le duc de Saint-Simon; ballet royal de <i>la Raillerie</i>, plusieurs fois dansé
-par le roi; concert de soixante instruments, et des chantres et des
-chanteuses, les plus remarquables; mascarade en traîneaux à la place
-Royale, où tous les jeunes seigneurs étaient masqués: toute la cour y
-assistait, et était dans l'hôtel des Hameaux; plus tard, fête donnée par
-le roi, où il y eut une loterie de 100,000 livres. Le 3 mai, le roi fait
-des courses à cheval au bois de Vincennes; le 10 de mai, grand dîner
-de <span class="small1">Monsieur</span> au roi, à Saint-Cloud. Fête superbe donnée au roi par de
-Lionne, dans son château de Berny: Mazarin en fit les frais. Cette fête
-était toute diplomatique: Pimentel, le négociateur du roi d'Espagne,
-s'y trouvait, et il était le véritable but de la fêle. A Vincennes, revue
-de soldats, ballets, danses et parades. On joua une pastorale de Trivelin-Canaille
-et de Scaramouche, qui amusa fort, et fit beaucoup
-rire.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_178">178</a>, note 284: <i>Journal contenant</i>, etc.</p>
-
-<p>Toutes ces pièces sont de Colletet; elles furent publiées comme
-un journal, au moment même des événements; la réunion en est rare.
-J'en donne les titres d'après un exemplaire qui renferme encore un
-volume in-4<sup>o</sup> en espagnol, accompagné de plans et de portraits, qui
-décrit la marche de l'infante jusqu'à la frontière de France. A ces
-pièces il faut joindre les ouvrages que j'ai cités dans mon édition
-de <i>La Fontaine</i> au sujet de la lettre de notre fabuliste à de Maucroix,
-<span class="pagenum"><a id="Page_487"> 487</a></span>
-sur l'entrée de la reine. Ceux qui désireraient tout connaître
-sur cette époque célèbre ne doivent pas négliger de consulter les
-volumes de la collection d'estampes sur l'histoire de France, qui est
-à la Bibliothèque Royale. Au tome XXVI, ils trouveront une très-belle
-estampe de l'entrevue des deux rois, de la reine et de l'infante, et
-une autre, de Charles Le Brun, qui représente le mariage dans l'église
-de Saint-Jean de Luz. Dans une autre estampe allégorique, un Espagnol
-dit à un Français:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>A voir sur vos habits ces monceaux d'aiguillettes,</p>
-<p>Vos poudres, vos galands, vos canons, vos manchettes,</p>
-<p class="i2"> Rien qu'un esprit ne vous peut inspirer.</p>
-</div></div>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_179">179</a>, ligne 21: Pour suivre les représentations théâtrales.</p>
-
-<p>Le goût des spectacles faisait naître le désir de les varier. Ce fut au
-mois d'avril de l'année 1660 que plusieurs particuliers, par zèle pour
-l'art théâtral, donnèrent au public, dans la maison d'un sieur de La
-Haye, à Issy, l'exemple d'une comédie française toute chantée. La
-musique était de Lambert, les paroles de l'abbé Perrin. Cette pièce,
-exécutée par les plus belles voix de cette époque, charma les spectateurs.
-Le 30 du même mois, Mazarin la fit représenter à Vincennes:
-elle plut tellement à la cour, que Mazarin ordonna a l'abbé Perrin
-d'en composer une seconde; il fit <i>Ariane, ou le Mariage de Bacchus</i>.
-Ainsi fut fondé un spectacle qui ne pouvait se maintenir que par la
-munificence royale, et dont la pompe et la splendeur se sont cependant
-toujours accrues depuis près de deux siècles, au milieu de toutes
-les révolutions, de toutes les banqueroutes et des pénuries des finances,
-et sans que jamais le public s'y soit porté avec assez d'empressement
-pour subvenir à la dépense qu'il exige.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_183">183</a>, ligne première: En mettant de côté la soutane du séminariste.</p>
-
-<p>J'ai rapporté dans mes notes sur la <i>Vie de La Fontaine</i> le passage
-des Mémoires manuscrits de Tallemant des Réaux qui nous apprend
-que les parents de Molière l'avaient d'abord fait étudier pour être d'Église;
-et ceci se trouve confirmé par ce qui est dit dans la <i>Vie</i> de notre
-grand comique composée par l'éditeur de ses &oelig;uvres en 1730: c'est
-ce que paraissent avoir ignoré les récents éditeurs de <i>Molière</i>, qui,
-par des arguments nullement concluants, ont rejeté le témoignage
-<span class="pagenum"><a id="Page_488"> 488</a></span>
-contemporain de Tallemant des Réaux, tandis qu'ils n'ont pas fait
-difficulté d'admettre, sans critique et sans examen, les faits rapportés
-sur Molière par Grimarest, quoique lorsque cette <i>Vie</i> parut
-Boileau ait déclaré qu'elle fourmillait d'erreurs et de contes absurdes.
-Je suis revenu sur ce point de critique littéraire dans la quatrième
-édition que j'ai préparée de l'<i>Histoire de La Fontaine</i>, non encore
-publiée.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_184">184</a>, lignes 5 et 6: Dont l'intrigue ne lui appartenait pas.</p>
-
-<p>Dans la pièce de Chapuzeau qui fut donnée en 1756, trois ans avant
-<i>les Précieuses ridicules</i>, il y a, comme dans cette dernière pièce,
-un homme dont la déclaration est fort mal reçue par une femme infatuée
-de bel esprit, et qui s'en venge en introduisant auprès d'elle
-son valet, déguisé en marquis magnifique, qui lui plaît beaucoup plus.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_185">185</a>, note 299: <span class="small1">Bodeau de Somaize</span>.</p>
-
-<p>Somaize ne s'est point nommé dans cette préface des <i>Véritables
-Précieuses</i>. Il accuse Molière d'avoir imité <i>le Médecin et les Précieuses</i>
-de l'abbé de Pure, et plusieurs autres pièces italiennes; et il
-cherche à le rendre odieux aux gens de cour. Cependant ce misérable
-écrivain spécula sur le succès de la pièce de Molière, et la mit en
-mauvais vers. On voit, par l'avertissement, que les libraires propriétaires
-de l'édition de la pièce de Molière mirent opposition à la vente
-de la traduction en vers. La pièce des <i>Précieuses ridicules</i>, en
-vers (1660, in-12), est dédiée à Marie de Mancini, dont Somaize
-parle souvent dans son <i>Grand Dictionnaire des Précieuses</i>. Somaize
-composa encore <i>le Procès des Précieuses</i>, en vers burlesques (1660,
-in-12), qu'il dédia à la marquise de Monloy; c'est probablement
-cette madame de <i>Monlouet</i> dont il est fait mention dans madame de
-Sévigné.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XV.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_188">188</a>, ligue première du texte: Mazarin n'était plus.</p>
-
-<p>Mazarin mourut le 9 mars, entre deux et trois heures du matin.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_189">189</a>, ligne 24: Une jeune reine déjà enceinte.</p>
-
-<p>La grossesse de la reine fut soupçonnée dès le 9 mai.
-<span class="pagenum"><a id="Page_489"> 489</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_190">190</a>, ligne 16: Donnèrent pendant plusieurs mois à Fontainebleau.</p>
-
-<p>Madame de Motteville avoue, en parlant des fêtes de Fontainebleau,
-que même dans le beau temps de la régence jamais la cour n'eut
-cet éclat; et ce temps de la régence était cependant celui de sa jeunesse.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_191">191</a>, ligne 2: L'amour du roi pour mademoiselle de La Vallière.</p>
-
-<p>Le roi parut hésiter quelque temps entre sa belle-s&oelig;ur, mademoiselle
-de Pons, et La Vallière; mais l'attrait qu'eut pour lui l'amour
-le plus sincère et le plus entier, accompagné de la modestie et de la
-pudeur, l'emportèrent sur les agaceries d'Henriette d'Angleterre, duchesse
-d'Orléans, et sur les avances de mademoiselle de Pons.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_191">191</a>, ligne 3: Celui de <span class="small1">Madame</span> pour Buckingham.</p>
-
-<p>Le duc de Buckingham était le fils de celui qui fut soupçonné d'avoir
-obtenu les bonnes grâces d'Anne d'Autriche.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_191">191</a>, ligne 4: Et ensuite pour le comte de Guiche.</p>
-
-<p>Madame de La Fayette nous apprend que le comte de Guiche se
-déguisait en femme pour pénétrer chez <span class="small1">Madame</span>. On se rappelle ce
-que j'ai dit de ces déguisements dans les ballets du roi.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_191">191</a>, ligne 5: Celui de la duchesse de Toscane.</p>
-
-<p>La duchesse de Toscane avait eu le désir d'épouser Charles de
-Lorraine, qu'elle aimait. Elle n'avait pas encore rejoint son mari
-lorsqu'elle donna à penser qu'elle n'avait rien refusé à son amant.
-Choisy la compare à un ange pour la beauté, mais non pas pour la
-conduite.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_191">191</a>, ligne 13: Soit pour elle-même, soit pour une autre.</p>
-
-<p>Quoique Montalais, dit madame de La Fayette, eût pour amant
-Malicorne, elle était confidente de beaucoup d'autres liaisons, qu'elle
-favorisait, et dont elle se mêlait sans aucun intérêt pour elle-même,
-et par besoin d'intrigues.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_490"> 490</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Pages <a href="#Page_193">193</a> et <a href="#Page_194">194</a>, lignes dernière et première: On risqua des sommes énormes sur une seule carte.</p>
-
-<p>Fouquet dans une seule partie avec Gourville perdit 55,000 fr.
-en une demi-heure. L'abbé de Gordes, en 1660, perdit avec le roi
-150,000 fr. en une seule séance. Il faut doubler ces sommes pour
-avoir le montant de ces pertes en valeur actuelle.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_194">194</a>, ligne 5: La magnificence des ballets royaux.</p>
-
-<p>Les deux ballets royaux montés dans ces deux années furent ceux
-de <i>l'Impatience</i> et des <i>Saisons</i>; le roi dansa dans les deux. Les
-beautés de la cour qui y figurèrent furent mesdemoiselles de Pons,
-Argencourt, Villeroi, Montbazon, Châtillon, Noailles, Brancas,
-Arpajon, La Fayette, Guiche, Fouilloux, Meneville, Chemerault,
-Bonneuil, La Vallière. Le ballet des <i>Saisons</i> fut joué à Fontainebleau,
-et eut pour décoration les beaux arbres de la forêt. Celui qui disposait
-alors les théâtres de la cour et était employé aux décorations
-était un nommé Houdin (Antoine-Léonor), architecte du Louvre.
-Nous avons de cet artiste une excellente vue en perspective, présentée
-au roi en 1661, et des plans du Louvre. C'est cet architecte
-qui probablement a bâti le palais Mazarin, où est actuellement la
-Bibliothèque Royale, dont une partie, l'hôtel de Nevers, a été réparée,
-en 1709, par Dulin. (Conférez Germain Brice, <i>Description de
-Paris</i>, 1752, in-12, t. I, p. 362.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_196">196</a>, ligne 8: Elle se rendit au Mont Saint-Michel.</p>
-
-<p>L'ouvrage latin que j'ai cité, de Martin Zeiller, <i>Topographia
-Galliæ</i>, 1657, in-folio, <i>pars</i> <span class="small1">VIII</span>, p. 20, donne une vue bien détaillée
-et très-exacte du Mont Saint-Michel, tel qu'il se trouvait à l'époque
-où madame de Sévigné s'y rendit avec sa fille.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XVI.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_201">201</a>, ligne 15: Profanaient par de honteux scandales.</p>
-
-<p>On doit lire à ce sujet les curieuses particularités que <span class="small1">Mademoiselle</span>
-nous donne sur la vie que menaient les religieuses de Perpignan,
-dont les désordres étaient publics.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_491"> 491</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_208">208</a>, ligne 1<sup>re</sup>: Jamais il ne lui refusait d'audiences particulières.</p>
-
-<p>«Ce qui m'incommodait davantage, dit Louis XIV dans ses Instructions
-au Dauphin, en parlant de Fouquet, c'est que, pour augmenter
-la réputation de son crédit, il affectait de me demander des
-audiences particulières, et que, pour ne pas lui donner de défiance,
-j'étais contraint de les lui accorder.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_208">208</a>, ligne 21: Que le roi, furieux contre lui, voulait sa mort.</p>
-
-<p>La Fontaine, dans la lettre citée, dit, en parlant de cet événement:
-«Il est arrêté; le roi est violent contre lui, au point qu'il dit
-avoir dans les mains des pièces qui le feront pendre<a id="FNanchor_B" href="#Footnote_B" class="fnanchor">&nbsp;[B]</a>.» Racine,
-dans ses <i>Fragments historiques</i>, nous apprend qu'on avait entendu
-dire à Louis XIV que si Fouquet avait été condamné, il l'aurait
-laissé mourir.</p>
-
-<p>Grouvelle, connu par une édition des <i>Lettres de Madame de Sévigné</i>,
-dit (t. I, p. <span class="small1">LXXX</span>), dans la spirituelle notice qu'il a composée
-sur sa vie, qu'au moment de l'arrestation de Fouquet elle
-s'était retirée dans sa terre, par crainte des coups d'autorité. Selon
-Grouvelle, madame de Sévigné, en butte à la haine de Louis XIV, se
-croyait en sûreté contre sa puissance dans son château des Rochers.
-C'est avec cette ignorance des faits, avec ce défaut de jugement, que
-l'histoire se trouve le plus souvent écrite.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XVII.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_212">212</a>, ligne 3: Qu'en 1659, après la mort de son collègue.</p>
-
-<p>Servien mourut le 16 février 1659.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_218">218</a>, ligne 27: Le payement intégral de ces ordonnances.</p>
-
-<p>Gourville avoue (en 1657) qu'il se fit par ce moyen de grandes
-fortunes; puis il ajoute naïvement: «Ayant tous ces exemples devant
-moi, j'en profitai beaucoup.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_224">224</a>, ligne 10: Aux femmes de cour intrigantes.</p>
-
-<p>On trouve à l'endroit cité des Défenses de Fouquet un état duquel
-<span class="pagenum"><a id="Page_492"> 492</a></span>
-il résulte qu'il avait payé 245,528 livres en gratifications, en une
-seule année, à des dames de la cour, et une somme de 204,498 livres
-à madame Duplessis-Bellière seule. On sait qu'elle était sa confidente
-pour les affaires d'amour; aussi sa fille, la marquise de Créqui, reçut
-de Fouquet 200,000 livres lorsqu'elle se maria.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_224">224</a>, ligne 12: Et donnait sans cesse des fêtes et des repas somptueux.</p>
-
-<p>Mazarin lors de son départ pour Saint-Jean de Luz alla loger
-familièrement chez lui, à Vaux, le 25 juin 1659.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_224">224</a>, ligne 15: Il avait partout des agents.</p>
-
-<p>Ainsi nous voyons qu'il était instruit de tout ce qui se passait à la
-cour de Savoie, par une dame d'honneur qu'il pensionnait. Il avait
-envoyé de Maucroix à Rome, qui sous le faux nom d'abbé de
-Crécy y était son chargé d'affaires.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_226">226</a>, ligne 4: Le Tellier allié à sa famille.</p>
-
-<p>Le Tellier avait épousé la s&oelig;ur de Jean-Baptiste Colbert, seigneur
-de Saint-Pouange, cousin du Colbert qui fut ministre.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_226">226</a>, ligne 6: Dans le mémoire où il lui exposait les malversations de Fouquet.</p>
-
-<p>C'est le 28 septembre 1659 que Colbert écrivit son mémoire. La
-copie qui en fut trouvée dans les papiers de Fouquet a servi à convaincre
-les juges de l'ancienne haine de Colbert contre Fouquet, et
-a contribué beaucoup à adoucir la sentence.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_228">228</a>, ligne 15: Dans une seconde lettre.</p>
-
-<p>Les originaux de ces deux lettres de Colbert, avec les réponses à
-mi-marge de la main de Mazarin, sont sous nos yeux: en les confrontant
-avec la publication qu'en a faite Soulavie dans cet incohérent
-mais curieux recueil d'extraits et de pièces qu'il a intitulé <i>&OElig;uvres
-de Saint-Simon</i>, on s'aperçoit qu'il les a mal lues, et qu'il a laissé
-passer à l'impression une foule de fautes grossières. Ainsi, au commencement
-de celle qui est datée du 28 octobre 1659, au lieu de ces
-mots, «J'ai reçu à désir les dépêches, etc.,» on lit dans l'autographe:
-<span class="pagenum"><a id="Page_493"> 493</a></span>
-«J'ai reçu à Decize les dépêches, etc.» Partout où se trouve
-le nom d'Hervart, on a imprimé <i>Herveau</i>, etc.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_232">232</a>, ligne 22: Toutes les instructions dont il avait besoin.</p>
-
-<p>Deux jours avant sa mort, Mazarin entretint encore longtemps
-Louis XIV de ces grands objets, et lui renouvela ses dernières recommandations.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_233">233</a>, ligne 24: Il lui fit donation pleine et entière de tous ses
-biens.</p>
-
-<p>Si l'on en croit Fouquet dans sa défense, la fortune de Mazarin se
-montait à 40 ou 50 millions (80 ou 100 millions de notre monnaie
-actuelle).</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_236">236</a>, ligne 5: Mazarin environna le roi d'une cour brillante.</p>
-
-<p>Ce fut en 1657 que Mazarin acheva d'organiser la maison du roi
-d'une manière somptueuse. L'état des payements de tous ceux qui se
-trouvaient gagés et employés au service du jeune roi fut alors dressé,
-et ensuite imprimé dans un livre curieux, que j'ai souvent cité, mais
-dont je donnerai ici le titre entier:</p>
-
-<p><i>Estat général des officiers, domestiques et commensaux de la
-Maison du Roy. Ensemble l'ordre et règlement qui doit estre tenu
-et observé en la Maison de Sa Majesté, tiré des mémoires de M. de
-Saintot, maistre des cérémonies de France.</i> Mis en ordre par le
-sieur de <span class="small1">La Marinière</span>; Paris, chez Jean Guignard, 1660, in-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p>Environ six mille noms de personnes se trouvent inscrits et classés
-dans ce livre, avec les sommes qu'elles recevaient annuellement. Mais
-«<i>le surintendant au gouvernement et à la conduite de la personne
-du Roy et celle de monseigneur le duc d'Anjou, monsieur le cardinal</i>
-<span class="small1">Mazarin</span>,» s'y trouve porté, p. 113, sans désignation d'appointements.
-Cet ouvrage démontre que près de six mille personnes, appartenant
-presque toutes à la classe des bourgeois et des industriels,
-étaient salariées par le roi, et que les gages et les profits qu'elles tiraient
-de leurs places n'étaient pas le seul motif d'intérêt qui les attachait
-aux soutiens du trône. En vertu de lettres patentes de Charles IX,
-d'Henri III, renouvelées et confirmées par Henri IV, Louis XIII et
-Louis XIV, tous ces salariés formaient, en leurs qualités d'<i>officiers,
-domestiques, commensaux et marchands suivant la cour</i>, une
-<span class="pagenum"><a id="Page_494"> 494</a></span>
-classe privilégiée comme la noblesse sous le rapport des impôts,
-jouissant, comme disent les lettres patentes, eux et leurs veuves
-pendant leur viduité, «des exemptions, franchises, libertés, affranchissements
-de contributions et subventions généralement quelconques
-faites et à faire.» Toutes ces lettres patentes sont imprimées <i>in
-extenso</i>, et à la suite de <i>l'ordre et règlement qui doit estre tenu
-et observé en la Maison du Roy</i>; Paris, 1657, in-8<sup>o</sup>. A Paris, chez
-Marin Leché, imprimeur du Roi.</p>
-
-<p>L'état donné par La Marinière offre de singuliers contrastes relativement
-aux appointements. Le maître à danser de Sa Majesté a 2,000 livres,
-son maître d'écriture 300 livres, son maître de dessin 1,500 livres,
-les <i>galopins</i> qui servaient dans la cuisine sous les officiers de
-bouche, au nombre de trois seulement, ont chacun 300 livres, etc., etc.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_237">237</a>, ligne 20: Le soupçonneux Mazarin.</p>
-
-<p>La partie des Mémoires de Brienne citée ici en note en est la plus
-curieuse. Les détails sur les derniers moments de Mazarin sont d'un
-grand intérêt. C'est une belle leçon de morale que la mort de ce
-ministre, soupçonnant tout ce qui l'environne, sachant qu'il est condamné
-par les médecins; semblable à un spectre, promenant ses
-regards, dans son palais, sur ses beaux tableaux, ses riches ameublements;
-puis, disant arec amertume: «Il faut quitter tout cela,
-<i>Guénaud l'a dit</i>.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_240">240</a>, ligne 17: L'importance des affaires dont il était chargé.</p>
-
-<p>Louis XIV se servit de Fouquet pour les négociations avec le roi
-d'Angleterre. Louis XIV voulait, malgré la clause du traité des Pyrénées,
-secourir le Portugal contre l'Espagne. Pour que ses ruses ne
-fussent pas découvertes, il trompa d'Estrades, son propre ambassadeur
-en Angleterre. C'était se montrer de bonne heure un vrai disciple
-de Mazarin.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_241">241</a>, ligne 1: Le Tellier, son ennemi secret.</p>
-
-<p>Pomponne écrivait à son père, aussitôt après la mort de Mazarin:
-«M. le procureur général et M. Le Tellier paraissent fort unis; j'espère
-qu'ils le seront toujours, c'est leur intérêt.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_241">241</a>, lignes 17-21: Offrit à la reine d'employer ses bons offices pour l'influence que Mazarin lui avait fait perdre.</p>
-
-<p>Ceci occasionna un refroidissement entre la reine mère et Mazarin,
-<span class="pagenum"><a id="Page_495"> 495</a></span>
-dont on s'aperçoit dans une lettre que la reine mère écrivit à ce
-ministre; lettre curieuse, qui donne beaucoup à penser sur la nature
-de leur ancienne liaison. Nous avons imprimé cette lettre à la fin
-de la troisième partie de ces <i>Mémoires</i>, p. 471.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XVIII.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_248">248</a>, ligne 3: Qu'elle était aimée du roi.</p>
-
-<p>Madame de La Fayette dit qu'on a cru que Louis XIV vit La Vallière
-pour la première fois à Vaux; mais on se trompait: nous savons
-actuellement qu'avant cette époque il la voyait, d'une manière
-plus efficace, dans l'appartement du comte de Saint-Aignan.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_249">249</a>, ligues 24 et 25: La duchesse de Chevreuse..... sut lui persuader.</p>
-
-<p>Le voyage de la reine mère à Dampierre, chez la duchesse de
-Chevreuse, eut lieu dans les derniers jours de mai et le commencement
-de juin.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_250">250</a>, note 418: <span class="small1">Loménie de Brienne</span>.</p>
-
-<p>Le mot de Mazarin à madame de Tub&oelig;uf, rapporté par Brienne dans
-cet endroit de ses Mémoires, «Puisqu'il faut vous donner, madame,
-je vous donne le bonjour,» ressemble beaucoup à celui d'un Anglais
-très-riche et très-avare (Elves), à qui on demandait ce qu'il donnait
-à son fils en mariage. Il entra d'abord dans une grande colère, puis
-termina en disant: «Moi, je donne... je donne mon consentement.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_253">253</a>, lignes 19 et 20: Un officier qui n'y était pas appelé par son rang.</p>
-
-<p>Ce fut d'Artagnan (Charles de Baatz) qui arrêta Fouquet.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_253">253</a>, ligne dernière: Qui est un des plus beaux passages de son éloquent plaidoyer.</p>
-
-<p>«..... N'employa-t-il pas pour votre service tout ce qu'il avait
-reçu du prix de sa charge? Cette fois je ne puis croire que Votre Majesté
-puisse en rappeler le souvenir sans en être touchée. Que serait-ce
-si elle voyait cet infortuné, à peine connaissable, moins changé et
-moins abattu de la longueur de sa prison que du regret d'avoir pu
-<span class="pagenum"><a id="Page_496"> 496</a></span>
-déplaire à Votre Majesté, et qu'il lui dit: «Sire, j'ai failli; si Votre
-Majesté le veut, je mérite toutes sortes de supplices... Je ne me
-plains point de la colère de Votre majesté; souffrez seulement que
-je me plaigne de ses bontés. Quand est-ce qu'elles m'ont permis de
-connaître mes fautes et ma mauvaise conduite? Quand est-ce que Votre
-Majesté a fait pour moi ce que les maîtres font pour leurs esclaves
-les plus misérables, ce qu'il est besoin que Dieu fasse pour tous
-les hommes et pour les rois même, qui est de les menacer avant de
-les punir?» (Pellisson, <i>Premier Discours au Roi</i>, page 74.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_255">255</a>, ligne 20: Dont plusieurs s'étaient enrichies.</p>
-
-<p>Gourville fut obligé de donner 500,000 fr. pour se racheter contre
-les poursuites de la chambre de justice, et il resta encore fort
-riche.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_256">256</a>, ligne 7: Dès lors son règne commença.</p>
-
-<p>Les Instructions de Louis XIV au Dauphin sont ce qui a été écrit
-de mieux sur l'administration d'un grand royaume. Quelle pitié
-qu'elles aient si peu profité à ses successeurs!</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_257">257</a>, lignes 1 et 2: N'offre pas un second exemple.</p>
-
-<p>J'ai donné à dessein ici les citations pour l'affaire de Fargues,
-qu'on pourrait m'objecter si elle était telle que Lemontey la raconte;
-mais en l'approfondissant on s'aperçoit qu'elle est tout autre. Ce personnage
-n'avait pas seulement pris parti contre le roi au temps de
-la Fronde: il avait d'abord été dans le parti du roi; il s'était fait
-donner le commandement de la place de Hesdin, qu'il vendit aux
-ennemis. Il fut à la vérité, sous Mazarin, compris dans un traité, et
-il avait obtenu des lettres d'abolition pour sa trahison (Loret, liv. XI,
-page 42), mais il négligea d'obtenir sa grâce du roi. Il se tint caché
-dans une de ses terres, à Courson. S'il y avait été sous son nom,
-le roi l'aurait su. Louis XIV s'irrita de l'audace de ce traître, jouissant
-si près de lui de ses grandes richesses; il lui fit faire son procès.
-Fargues fut convaincu comme concussionnaire, et pendu. C'est un
-acte de despotisme d'autant plus blâmable, que Fargues ne fut point
-jugé par le parlement, mais par une commission. Fargues avait mérité
-la mort, mais il fallait le juger régulièrement. Toutefois, sa conduite
-avait été si odieuse, que sa condamnation ne fut point blâmée.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_497"> 497</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_257">257</a>, lignes 4 et 5: Lui avait reconnu une audace capable de tout oser.</p>
-
-<p>Madame de La Fayette dit, en parlant de Fouquet: «Homme d'une
-ambition sans bornes, dont les desseins étaient infinis pour les affaires
-aussi bien que pour la galanterie.»</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XIX.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_265">265</a>, lignes 17 et 18: Pomponne resta dix-huit mois à la Ferté-sous-Jouarre.</p>
-
-<p>Les affaires qui appelaient Pomponne à la Ferté-sous-Jouarre concernaient
-la succession que Nicolas Ladvocat, son beau-père, avait
-laissée à sa femme. Fouquet avait contribué au mariage de Pomponne
-avec mademoiselle Ladvocat. La belle-mère de Pomponne se nommait
-Marguerite de Bouillé.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_270">270</a>, ligne 13: Dîner à l'hôtel de Nevers; et note 458: Cet hôtel.</p>
-
-<p>Ma note et mes nombreuses citations ne peuvent suffire pour
-redresser toutes les erreurs auxquelles l'hôtel de Nevers a donné
-lieu. Madame de Sévigné, Pomponne, et plusieurs de leurs contemporains,
-désignent toujours l'hôtel qu'habitait madame de Guénégaud
-par le nom d'<i>hôtel de Nevers</i>, parce qu'en effet c'était cet
-hôtel, situé près des fossés de l'ancienne enceinte de la ville et de la
-porte de Nesle, où est actuellement l'hôtel des Monnaies, que Henri de
-Guénégaud, ministre et secrétaire d'État, avait acheté, en 1641, de
-la princesse Marie de Gonzague de Clèves, veuve du duc de Nevers.
-Guénégaud embellit et rebâtit presque en entier cet hôtel; il l'agrandit,
-en y joignant un autre hôtel, plus petit, qui se trouvait voisin. Cependant
-on continuait toujours à appeler cet hôtel <i>hôtel de Nevers</i>, quoique
-sur les plans gravés de Paris, de l'année 1654, il eût déjà pris le
-nom d'<i>hôtel de Guénégaud</i> (voyez le plan de Berey, celui de Gomboust,
-et celui de Builet). La rue des Deux-Portes, qui longeait les murs de
-cet hôtel, avait pris le nom de <i>rue de Nevers</i>, qu'elle a conservé.
-Trompé par ce nom d'hôtel de Nevers, appliqué par continuation à
-l'hôtel Guénégaud, M. Monmerqué a quelquefois cru qu'il était question,
-dans les écrits du temps, d'Anne de Gonzague ou de la princesse
-Palatine, quand il s'agissait de madame Duplessis-Guénégaud; ce qui
-l'a fait tomber dans quelques erreurs. (Voyez <i>Lettres de Sévigné</i>, t. I,
-<span class="pagenum"><a id="Page_498"> 498</a></span>
-p. 81, note <i>a</i>; <i>Mémoires de Coulanges</i>, 1820, in-8<sup>o</sup>, p. 383; <i>Biographie
-Universelle</i>, t. XXXV, p. 321, article <span class="small1">Pomponne</span>.) Ainsi, c'est
-chez madame de Guénégaud qu'allait madame de Sévigné lorsqu'elle
-se rendait à l'hôtel de Nevers. C'est chez madame de Guénégaud que
-Pomponne se rendit lorsqu'il vint à Paris, au retour de son exil. C'est
-chez madame de Guénégaud, et non chez la princesse Palatine, qui
-n'habitait plus alors Paris, que Boileau lut ses premières satires, et
-Racine sa première tragédie (<i>Alexandre</i>). M. de Saint-Surin est donc
-dans l'erreur aussi à cet égard (voyez <i>&OElig;uvres</i> de Boileau, édit. de
-1821, t. I, p. 41 de la notice biographique).</p>
-
-<p>L'hôtel de Nevers, situé à côté de la tour de Nesle, et près des
-fossés de la ville et de l'ancienne enceinte, avait remplacé l'hôtel de
-Nesle. L'hôtel de Guénégaud remplaça l'hôtel de Nevers en 1652. En
-1670 le prince de Conti l'acheta, et alors il devint l'hôtel de Conti;
-et l'édifice actuel de la Monnaie a remplacé l'hôtel de Conti. Marie de
-Gonzague, qui épousa successivement Wladislas IV, et Casimir, roi
-de Pologne, a bien possédé et occupé l'hôtel de Nevers; mais il est
-douteux que sa s&oelig;ur cadette, Anne de Gonzague, qui fut mariée à
-Édouard, prince palatin de Bavière, et qu'on nommait la princesse
-Palatine, ait jamais logé dans cet hôtel. Il y a trois vues intéressantes
-gravées de l'hôtel de Nevers avant qu'il eût été abattu en tout ou en
-partie pour devenir l'hôtel Guénégaud, dans Martin Zeiler, <i>Topographia
-Galliæ</i>; <i>Francofurti</i>, in-folio, t. I, pages 58, 59 et 60.</p>
-
-<p>Duplessis-Guénégaud acheta non-seulement l'hôtel de Nevers, mais
-il acquit encore de la ville de Paris tous les terrains vagues laissés par
-les fossés de la ville, qui se trouvaient derrière. C'est sur ces terrains
-que l'on construisit depuis le collége des Quatre-Nations (le palais de
-l'Institut) et la rue Mazarine, tracée exactement dans la direction de
-ces anciens fossés. Les nouvelles constructions de l'Hôtel de Guénégaud
-paraissent avoir été terminées avant qu'on eût rien bâti sur ces
-anciens fossés; car ils sont tracés encore sur le plan de Berey en
-quatre feuilles, où le nom d'hôtel Guénégaud a remplacé celui d'hôtel
-de Nevers. Ce nom d'hôtel Guénégaud est aussi le seul qu'on trouve
-en cet endroit sur le grand plan de Paris de Gomboust, fait sous la
-direction de Petit, maître des fortifications de Paris. Il en est de
-même du plan de Builet, en douze feuilles; mais on voit que dans
-l'usage on continuait d'appeler cet hôtel hôtel du Nevers; car de
-Joly, dans ses <i>Mémoires</i> (t. XLVII, p. 213), en racontant une émeute
-de la populace qui eut lieu en 1652, et qu'on fut obligé de réprimer
-<span class="pagenum"><a id="Page_499"> 499</a></span>
-par la force, dit: «Son Altesse Royale fut obligée d'envoyer des
-gardes et de faire armer des bourgeois pour dissiper une troupe de
-canaille qui voulait piller l'<i>hotel de Nevers</i>, appartenant au sieur de
-Guénégaud, secrétaire d'État.»</p>
-
-<p>Nous lisons dans les <i>Mémoires de Gourville</i> (t. LII, p. 330) qu'il
-se rendit à Paris, dans une maison que madame Duplessis-Guénégaud
-lui avait fait bâtir. En effet, dans le <i>Paris ancien et nouveau</i> de
-Le Maire, édition de 1685, t. III, p. 269, il est dit que l'hôtel de
-Sillery a été bâti, il y a environ trente ans, dans un cul-de-sac de
-l'hôtel de Conti, c'est-à-dire de l'hôtel de Guénégaud. Gourville était
-fort lié avec madame Duplessis-Guénégaud; et ce fut chez elle qu'il
-déposa ses papiers et son argent quand il partit pour faire le voyage
-de Nantes. (<i>Mémoires de Gourville</i>, t. LII, p. 354.)</p>
-
-<p>Après la mort de Mazarin, il y eut un autre hôtel de Nevers; ce
-fut la partie du palais Mazarin qui échut en partage à son neveu le
-marquis de Mancini, duc de Nevers. C'est celui qu'occupe aujourd'hui
-la Bibliothèque du Roi, rue de Richelieu. (Voyez <i>Piganiol de La Force</i>,
-t. III, pages 57, 58 et 140.) Je n'ai pas besoin de dire que cet hôtel
-n'a d'autre rapport que le nom avec celui qui fut occupé par les anciens
-ducs de Nevers, et dont je viens de tracer les diverses transformations.
-Madame Duplessis-Guénégaud était s&oelig;ur de la maréchale
-d'Étampes, dame d'honneur de la duchesse d'Orléans douairière.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_273">273</a>, ligne 3: M. de Neuré, fameux astrologue.</p>
-
-<p>Ce Neuré ne pouvait être soupçonné de vouloir favoriser Fouquet.
-Gourville en parle comme d'un vieux philosophe qui avait pris à
-ferme un petit domaine du marquis de Vardes. C'est dans ce domaine,
-et par conséquent chez Neuré, que Vardes mit Gourville, qui y
-resta quelque temps, caché sous un nom supposé, lorsqu'on 1662
-Gourville, poursuivi, par suite de l'affaire de Fouquet, par la chambre
-de justice, se rendit en secret à Paris, sur l'invitation de Vardes, qui
-avait besoin de conférer avec lui relativement à la fausse lettre du
-roi d'Espagne à la reine de France, écrite par Vardes et remise à la
-Molina, femme de chambre de cette dernière. Gourville raconta
-plaisamment comment le bonhomme Neuré, de fort mauvaise humeur
-contre les financiers et les traitants, louait fort la chambre de justice
-et la rigueur qu'elle mettait dans ses poursuites contre de telle gens.
-«Parmi ceux, dit Gourville, qui lui blessèrent le plus l'imagination,
-il me nommait souvent, surtout parce qu'il avait vu chez M. de La
-<span class="pagenum"><a id="Page_500"> 500</a></span>
-Rochefoucauld une pendule de grand prix, qui allait six mois, laquelle
-m'appartenait. Je ne manquais pas de l'applaudir, et de renchérir sur
-tout ce qu'il disait, et même contre moi en particulier.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_274">274</a>, ligne 11: A la condamnation à la peine capitale.</p>
-
-<p>«Contre toute espérance, dit Loménie de Brienne, Fouquet eut la
-vie sauve.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_276">276</a>, ligne 17: Ces deux vers du Tasse me reviennent en mémoire.</p>
-
-<p>La fin de l'affaire du procès de Fouquet n'a pas dû être la fin de la
-correspondance de madame de Sévigné avec Pomponne. Elle aimait
-à écrire, et sa tendresse pour sa fille n'a pas été le seul motif qui l'ait
-rendue si active dans sa correspondance épistolaire. Voici ce qu'elle
-répond aux remercîments que Pomponne lui fit sur son exactitude
-à l'instruire de tout ce qui avait concerné Fouquet: «Il me semble,
-par vos beaux remercîments que vous me donnez mon congé;
-mais je ne le prends pas encore. Je prétends vous écrire quand il me
-plaira; et dès qu'il y aura des vers du Pont-Neuf ou autres, je vous
-les enverrai fort bien.» (Lettre en date de janvier 1665.) Et en
-effet, dans un <i>post scriptum</i> de cette même lettre, écrit plusieurs
-jours après, elle demande à Pomponne son avis sur les stances, les
-couplets qu'elle lui a envoyés. Il est probable que c'étaient quelques
-vers des nombreuses chansons que l'on fit alors contre Colbert et
-autres ennemis du surintendant, et contre les juges qui avaient
-opiné à mort.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_278">278</a>, ligne 3: Ce Puiguilhem, ce cadet de Gascogne.</p>
-
-<p>Lauzun était Périgourdin. Puiguilhem (l'orthographe de ce nom est
-presque toujours défigurée) est une paroisse du Périgord, à trois
-lieues au sud-ouest de Bergerac. (Conférez le <i>Nouveau Dénombrement
-du Royaume</i>, 1720, in-4<sup>o</sup>, p. 226; d'Expilly, <i>Grand Dictionnaire
-des Gaules et de la France</i>, in-folio, t. V, p. 1014.)</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XX.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_284">284</a>, ligne 3: Dans cette première année.</p>
-
-<p>Bussy dit «qu'au lieu de ce mic-mac et des faiblesses comme du
-temps de Mazarin, on vit des hauteurs dignes d'un grand prince.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_501"> 501</a></span></p>
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_284">284</a>, ligne 4: Contre tous les embarras d'une disette.</p>
-
-<p>On fit venir des grains, qu'on vendait à bas prix au peuple. On fit à
-Paris un four ménager, pour donner le pain aux pauvres à meilleur
-marché. On vendait à Paris un setier de blé 26 livres. Louis XIV réduisit
-les dépenses des forêts, et gagnait quatre millions en affermant
-de nouveau les octrois. Il dégreva les provinces d'une partie de leurs
-tailles.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_284">284</a>, ligne 24: Sur la Lorraine et le Barrois.</p>
-
-<p>Le duc de Lorraine voulut vendre son duché et en frustrer son héritier,
-par amour pour la fille d'un apothicaire nommé Pajot. Louis XIV
-sut profiter de cette disposition.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_285">285</a>, ligne 6: Imprimèrent un grand respect à son nom.</p>
-
-<p>La lettre écrite par Louis XIV au roi de Pologne en 1663, au sujet
-de l'affaire de Rome, est un chef-d'&oelig;uvre d'adresse, de diction et de
-dignité.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_285">285</a>, ligne 15: Des provisions que pour trois ans.</p>
-
-<p>Pour qu'on ne pût pas murmurer de cette innovation, il commença
-par donner ainsi, pour trois ans seulement, le gouvernement de Paris
-au duc d'Aumont, l'un de ses quatre capitaines des gardes.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_285">285</a>, ligne 17: Le cardinal de Retz fut amené à donner sa démission.</p>
-
-<p>Un court billet du roi accuse au cardinal de Retz la démission de
-son archevêché. Il ne fut pas même permis à Retz de venir en cour.
-Il avait cependant été consulté sur l'affaire de Rome; et ce fut lui
-qui donna l'idée de la pyramide. (Voyez Joly, <i>Mémoires</i>, t. XLVII,
-page 454, 460, 462.) Chandenier, qui avait tout quitté pour suivre
-le parti de Retz, ne voulut accepter aucun dédommagement pour sa
-place de capitaine des gardes.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_286">286</a>, ligne 11: Le jeune roi se montra moins sage que Mazarin.</p>
-
-<p>Entre les catholiques, les jansénistes et les protestants, venait se
-placer la secte des libertins ou incrédules, que nous avons déjà signalée,
-mais trop peu nombreuse alors et trop obscure pour que le
-gouvernement pût deviner qu'elle devînt un jour la plus dangereuse.
-Elle se moquait de tout, et son opposition au gouvernement et à
-<span class="pagenum"><a id="Page_502"> 502</a></span>
-l'Église se manifestait par des vaudevilles, des épigrammes, et de
-malignes satires. Ce fut cette année que Saint-Évremond écrivit sa
-<i>Conversation du maréchal d'Hocquincourt et du père Canaye</i>
-(Saint-Évremond, <i>&OElig;uvres</i>, t. III, p. 54, et <i>Vie de Saint-Évremond</i>,
-par Desmaiseaux). Dans le pays de Gex, Louis XIV fit fermer cette
-année vingt-deux temples protestants; et dans le mois de juillet de
-cette même année il fit mettre à la Bastille le libraire Des Prés, pour
-avoir réimprimé la lettre de Pavillon, évêque d'Ath, où étaient déduites
-les raisons qui empêchaient cet évêque de signer les cinq
-propositions. La lettre de Racine à Vitart prouve que les jansénistes
-étaient déjà menacés dans le midi.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_288">288</a>, ligne 5: Il fut attaqué par l'abbé d'Aubignac.</p>
-
-<p>Voici un échantillon de la critique de l'abbé d'Aubignac: «Pour moi,
-qui depuis dix-sept ans me suis retiré dans les ténèbres de mon cabinet
-sans voir la cour, je pourrais bien en avoir oublié le langage aussi
-bien que les mystères. Mais M. Corneille, qui depuis tant d'années en
-fait un Pérou, ne devait pas tant de fois et si souvent donner cette
-qualité de suivantes aux dames et aux filles qui servent ces princesses,
-si cela ne s'accorde pas au faste et aux intrigues des belles cours.»
-Qui eût dit qu'on eût jamais osé reprocher à Corneille d'être homme
-de cour!</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_290">290</a>, lignes 5 et 6: Il inséra dans ses satires les noms des personnes qu'il voulait livrer à la risée et au mépris public.</p>
-
-<p>Dans les éditions de 1667 et de 1669 des Satires de Boileau on
-trouve les vers suivants:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Je ne puis arracher du creux de ma cervelle</p>
-<p>Que des vers plus forcés que ceux de <i>la Pucelle</i>.</p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p>Faut-il d'un froid rimeur dépeindre la manie,</p>
-<p>Mes vers comme un torrent coulent sur le papier;</p>
-<p>Je rencontre à la fois Perrin et Pelletier,</p>
-<p>Bardou, Mauroy, Boursault, Colletet, Titreville;</p>
-<p>Et pour un que je veux j'en trouve plus de mille.</p>
-</div></div>
-
-<p>Bien pour ces vers, qui ne frondaient que l'esprit; mais comment
-l'auteur ne se faisait-il pas des affaires avec les tribunaux pour les
-vers suivants, qui concernaient un procureur fameux, un libraire fort
-<span class="pagenum"><a id="Page_503"> 503</a></span>
-connu, un avocat, compilateur estimable et laborieux de l'histoire de
-Paris, dont il imprimait les noms dans ses satires sans aucun déguisement?</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>J'appelle un chat un chat, et Rollet un fripon.</p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p>Faut-il peindre un fripon fameux en cette ville,</p>
-<p>Ma main, sans que j'y rêve, écrira Saumaville;</p>
-<p>Faut-il d'un sot parfait montrer l'original,</p>
-<p>Ma plume, au bout du vers, d'abord trouve Saufal (Sauval).</p>
-</div></div>
-
-<p>Quoi qu'en ait dit M. de Saint-Surin (<i>&OElig;uvres de Boileau</i>, t. II,
-p. 271), il y a Saumaville dans l'édition de 1666; dans l'édition de
-1667 on trouve Raumaville; mais ce doit être une faute d'impression,
-car celle de 1669 porte derechef Saumaville.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_290">290</a>, note 497: <span class="small1">Racine</span>, <i>lettres de Vitart</i>.</p>
-
-<p>Je cite ici l'édition de Racine de Geoffroy, non que ce soit la meilleure,
-mais parce que c'est dans cette édition que les lettres de Racine
-à Vitart et à l'abbé Levasseur ont été imprimées en entier, et
-d'après les originaux manuscrits. Racine le fils, en les publiant le premier,
-y avait fait des retranchements. On voit par la lettre p. 119,
-que Racine, sans souvenir du passé, approuve toutes les rigueurs
-contre le surintendant. On voit aussi (t. VII, p. 22) qu'alors il faisait
-grand cas de Perrault.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_294">294</a>, ligne 3: Une cour nombreuse.</p>
-
-<p>Le frère du roi alla habiter le palais Cardinal ou le Palais-Royal. Il
-y donnait, ainsi qu'à Saint-Cloud, des fêtes et des repas à la famille
-royale; il allait souvent à son château de Villers-Cotterets, que
-Louis XIV lui avait donné pour apanage. Le duc de Beaufort, qui demeurait
-dans la rue Saint-Honoré, donnait aussi des repas au roi et
-à la reine, aussi bien que le président de Maisons. <span class="small1">Monsieur</span> donna
-au Palais-Royal une fête au roi et à toute sa cour.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_294">294</a>, ligne 12: Il renouvelle cet éloge.</p>
-
-<p>Dans la <i>Critique de l'École des Femmes</i>, Molière fait dire à son
-Dorante «qu'on peut être habile avec un point de Venise et des plumes,
-aussi bien qu'avec une perruque courte et un petit rabat uni;
-que la grande épreuve de toutes les comédies, c'est le jugement de
-<span class="pagenum"><a id="Page_504"> 504</a></span>
-la cour; que c'est son goût qu'il faut étudier pour trouver l'art de réussir;
-qu'il n'y a point de lieu où les décisions soient si justes... et
-qu'on s'y fait une manière d'esprit qui sans comparaison juge plus
-finement des choses que tout le savoir enrouillé des pédants.» Il reproduit
-les mêmes idées en vers dans <i>les Femmes Savantes</i>.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_294">294</a>, lignes 13 et 20.</p>
-
-<p>Voyez la tirade qui commence par ces vers:</p>
-
-<p class="quote">Je sais bien que souvent un c&oelig;ur lâche et perfide, etc.</p>
-
-<p>Alors en fulminant contre les crimes, il ne craignait pas de nommer
-les criminels.</p>
-
-<p class="quote">Et Monleron ne doit qu'à ses crimes divers<br />
-Ses superbes lambris, ses jardins toujours verts.</p>
-
-<p>Ce Monleron n'était pas un nom supposé, mais un homme très-riche,
-et vivant lorsque Boileau imprima sa satire. Tout cela a été
-retranché dans les éditions subséquentes. Voyez la note de l'édition
-de Saint-Marc, 1747, in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 32.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_295">295</a>, ligne 11: Soixante-dix cordons bleus.</p>
-
-<p>Il est dit dans l'<i>Histoire de France en estampes</i> que le roi fit
-soixante-trois chevaliers d'épée, et huit d'Église. Ce serait soixante-onze.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_296">296</a>, ligne 2: Du titre de <i>Mémoires de Coligny</i>.</p>
-
-<p>Depuis que ceci a été écrit, les vrais <i>Mémoires de Coligny</i>, dont
-cette note marginale n'était qu'un fragment, ont été publiés par la
-Société de l'Histoire de France, et ont eu pour éditeur M. Monmerqué.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_297">297</a>, ligne 19: Puis vint le célèbre carrousel; et page 298, note 508: <i>Description du Carrousel</i>.</p>
-
-<p>Il y a un exemplaire de cette description officielle du carrousel de
-1662, avec toutes les figures, supérieurement peintes en miniature, à
-la Bibliothèque de Versailles. Dans cette bibliothèque il y a encore
-deux autres ballets avec tous les personnages et leurs costumes peints
-en grand. Ce fut Fléchier qui traduisit en latin la description du carrousel
-de 1662, et le même fit des vers latins sur ce sujet. C'est dans
-ce carrousel que Louis XIV prit pour la première fois cette devise
-orgueilleuse qu'il a toujours gardée depuis, et qu'il cherche à justifier
-dans ses Instructions au Dauphin, contre les critiques nombreuses
-<span class="pagenum"><a id="Page_505"> 505</a></span>
-qu'on en a faites. On sait qu'elle avait pour corps un soleil
-éclairant le globe de ses rayons, et pour âme ces mots latins: <i>Nec
-pluribus impar</i>.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_300">300</a>, lignes 2 et 3: Aux inclinations qui pouvaient le distraire des soucis de la royauté.</p>
-
-<p>«Le roi, dit naïvement madame de Motteville, avait le c&oelig;ur rempli
-de ces misères humaines qui font le faux bonheur de tous honnêtes
-gens.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_300">300</a>, lignes 17 et 18: Dans le couvent des Filles Sainte-Marie
-de Chaillot.</p>
-
-<p>Cette retraite de La Vallière avait été précédée d'une altercation
-avec le roi. Elle eut l'esprit comme égaré d'avoir osé dissimuler avec
-lui.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_300">300</a>, ligne dernière: En faisant remettre à Marie-Thérèse.</p>
-
-<p>La reine connaissait bien avant cette lettre la liaison du roi avec
-La Vallière. Elle dit en espagnol à madame de Motteville, qui la vint
-voir pendant ses couches, tandis que La Vallière était présente: «<i>Esta
-donzella con las aracades de diamante es esta a que el rey
-quiere.</i>»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_301">301</a>, ligne 12: A faire enfermer dans un couvent mademoiselle de Montalais.</p>
-
-<p>La lettre du roi à l'abbesse de Fontevrault lui recommande de ne
-laisser communiquer personne avec mademoiselle de Montalais. Celle-ci
-s'était non-seulement rendue la confidente des amours du comte de
-Guiche et de <span class="small1">Madame</span>, mais aussi de celles de mademoiselle de Tonnay-Charente
-(depuis madame de Montespan), qui avait de l'inclination
-pour le marquis de Marmoutiers, et désirait l'épouser. Le comte de
-Guiche se déguisa plusieurs fois en femme pour pénétrer près de <span class="small1">Madame</span>
-(Conrart, <i>Mém.</i>, t. XLVIII, p. 280; Montpensier, <i>Mém.</i>, t. XLIII,
-p. 43). Gramont avait osé disputer mademoiselle de La Motte-Houdancourt
-au roi. Il fut exilé, et alla en Angleterre rejoindre Saint-Évremond;
-mais ensuite il revint, et rentra en grâce.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_302">302</a>, ligne 14: Ils y parvinrent; et note 1: <span class="small1">Louis XIV</span>, <i>lettre</i> du 20 décembre 1662.</p>
-
-<p>La lettre de Louis XIV adressée à l'abbesse de Fontevrault est
-pour donner la liberté à Montalais.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_506"> 506</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_303">303</a>, ligne 25: C'étaient encore des mystères.</p>
-
-<p>La liaison de Louis XIV avec La Vallière était encore un secret pour
-la cour lors de la naissance de la fille qui fut le premier fruit de
-cet amour. Cette enfant mourut peu après sa naissance, en novembre
-1662. Voyez Motteville, t. XL, p. 177. Nous voyons dans Loret,
-liv. XIII, p. 109, que le roi donna un dîner à Versailles; et ce fut le
-premier. Les dames à Saint-Germain allaient à la chasse avec le roi.
-Le 4 novembre la chasse de Saint-Hubert eut lieu à Saint-Germain.
-(Loret, liv. XIII, p. 170.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_304">304</a>, ligne 2: La béatification de saint François de Sales.</p>
-
-<p>Ce fut l'évêque de Montpellier qui fit l'éloge de saint François de
-Sales. La canonisation de saint François de Sales eut lieu en 1665; la
-cérémonie, au mois de mai. (<i>Histoire de la Monarchie Françoise</i>,
-1697, t. II, p. 235.)</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_305">305</a>, ligne 9: Quoique Corbinelli fût à Paris membre d'une académie italienne.</p>
-
-<p>L'ambassadeur de Venise était le protecteur de cette académie italienne.
-Le chevalier Amalthée et Corbinelli en étaient les chanceliers
-honoraires.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXI.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_313">313</a>, ligne 4: Il imprimait au dehors le respect et la crainte.</p>
-
-<p>Le légat du pape et un cardinal vinrent demander pardon au roi
-pour ce qui s'était passé à Rome. En même temps Louis XIV se
-conduisait d'une manière toute chevaleresque envers ses alliés,
-et rendait à l'empereur d'Allemagne les drapeaux conquis sur les
-Turcs.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_313">313</a>, ligne 7: Il terminait le Louvre et commençait Versailles.</p>
-
-<p>Loret dès le mois d'octobre 1663 parle déjà du labyrinthe de Versailles
-et de la ménagerie. Le Vau était l'architecte du Louvre. Les
-grands travaux de Versailles ne commencèrent qu'en 1664. Ils ont
-coûté 116 millions ou 190 millions de notre monnaie actuelle, somme
-que Mirabeau exagérait en la portant à 1,200 millions, et Volney à
-quatre milliards six cents millions! et cela dans des <i>Leçons d'Histoire</i>
-<span class="pagenum"><a id="Page_507"> 507</a></span>
-(1799, in-8<sup>o</sup>, p. 141). Conférez la troisième partie de ces <i>Mémoires</i>,
-p. 450.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_314">314</a>, lignes 5 et 6: Pour les recherches à faire sur toutes les branches d'administration du royaume.</p>
-
-<p>Voici ce que dit au sujet de cette circulaire M. d'Hauterive, un
-des hommes les plus instruits et les plus habiles en administration
-du règne de Napoléon: «Je viens dans le moment même de découvrir
-une minute de la circulaire qui fut adressée par Colbert, par ordre du
-roi, en 1664, à tous les intendants du royaume. Elle contient un système
-tout à fait complet de recherches sur tous les objets que j'ai
-passés trop rapidement en revue dans mes conseils (<i>Conseils à un
-jeune Voyageur</i>). Ce système présente dans de bien minutieux détails
-les rapports de toutes les administrations du royaume avec toutes les
-classes des sujets et les individus de toutes les classes. Les objets
-d'informations y sont classés d'une manière admirable; rien n'y est
-omis: produits, échanges, rangs, m&oelig;urs et usages; divisions géographique,
-administrative, ecclésiastique, militaire; ordre judiciaire,
-finances, et toutes les parties de chacune des administrations de
-l'État y sont proposés à l'examen et à l'étude de l'observateur officiel,
-pour qu'il y remarque le bien, le mal, le moyen d'améliorer ou le
-remède, et qu'il rende successivement compte de ses observations.
-Les actes de l'autorité sont tous nominativement mis en regard des
-droits et des besoins des peuples, et le ministre exprime sur chaque
-point la sollicitude du souverain sur des abus qu'il ignore, qu'il veut
-connaître, et qu'il est dans sa royale intention de prévenir et de réformer.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_314">314</a>, ligne 16: Dans le <i>Discours au Roi</i>, et note 540 <i>Suite du Nouveau Recueil.</i></p>
-
-<p>Le <i>Recueil</i> où le <i>Discours au Roi</i>, de Boileau, se trouve imprimé
-pour la première fois a échappé aux nombreux commentateurs de
-l'auteur de l'<i>Art Poétique</i>, quoiqu'il ait dû être dans le temps fort
-répandu.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_314">314</a>, lignes 19 et 20: Les premières satires du jeune poëte; et note 541: <i>Nouveau Recueil</i>.</p>
-
-<p>Dans la satire à Molière, telle qu'elle est imprimée dans le <i>Recueil</i>
-<span class="pagenum"><a id="Page_508"> 508</a></span>
-cité, qui est de 1665, antérieur à la première édition donnée par l'auteur,
-on lit:</p>
-
-<p class="quote">Si je pense parler d'un galant de notre âge,<br />
-Ma plume pour rimer rencontrera Ménage.</p>
-
-<p>Ainsi les commentateurs de Boileau se sont trompés quand ils ont
-avancé que ces vers n'avaient jamais été imprimés ainsi, et que cette
-variante n'avait existé que sur le manuscrit.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_317">317</a>, ligne 7: Mademoiselle de La Vallière, dont la liaison avec le monarque n'était plus un mystère.</p>
-
-<p>Dans le ballet royal des <i>Arts</i>, La Vallière jouait, déguisée en bergère;
-et Benserade fait dire à ce sujet:</p>
-
-<p class="quote">Et je ne pense pas que dans tout le village<br />
-Il se rencontre un c&oelig;ur mieux placé que le sien.</p>
-
-<p>Guéret, dans sa <i>Carte de la Cour</i>, qui parut en 1663, fait ainsi le
-portrait de Clarice: «L'ingénieuse Clarice paraît aussi beaucoup dans
-ces lieux; et si je n'ose dire hardiment qu'elle en est l'âme (comme
-plusieurs personnes disent à sa gloire), du moins j'avancerai avec
-assurance qu'elle en est un des plus beaux ornements. L'on croit que
-ses conquêtes s'étendent bien au delà de cette cour.» Et en marge
-il est écrit: <i>La Vallière</i>.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_319">319</a>, ligne 16: Plus adroitement que toutes ses femmes; et note 547.</p>
-
-<p>Les médecins prescrivirent le quinquina; ce qui prouve que ce
-médicament était connu alors.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXII.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_322">322</a>, lignes 9 et 10: Donnèrent encore plus d'activité aux fêtes.</p>
-
-<p>La foire de Saint-Laurent cette année fut très-brillante (25 août);
-Loret, liv. XIV, p. 136. Il y eut le mariage de mademoiselle de Valois
-et celui de M. le Duc, fils du prince de Condé (Montpensier, t. XLIII,
-p. 54, 68). On donna un carrousel pour l'arrivée du légat (Loret,
-liv. XV, p. 123). Il y eut une jolie fête à Vincennes, où le roi figura.
-On y joua à l'escarpolette (Loret, liv. XIV, p. 189, 191). Il y eut
-<span class="pagenum"><a id="Page_509"> 509</a></span>
-aussi des fêtes en Bretagne pour la tenue des états (Loret, liv. XIV,
-p. 152).</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_327">327</a>, lignes 15 et 18: Mademoiselle de Mortemart.... s'était mariée à Montespan.</p>
-
-<p>Nous apprenons par Loret que l'hôtel où se firent les noces de mademoiselle
-de Mortemart se nommait l'hôtel d'Antin. Le fils que madame
-de Montespan eut de son mari, et dont nous avons les Mémoires,
-imprimés par la Société des Bibliophiles, portait le titre de duc
-d'Antin.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_327">327</a>, note 549: <span class="small1">Loret</span>.</p>
-
-<p>Loret nous apprend qu'il y a une relation de ce ballet des <i>Arts</i> imprimée
-chez Ballard, et que la <i>Gazette</i> en rapporte «maintes choses»:
-c'était la <i>Gazette de France</i> de Renaudot, la seule qui existât
-alors. Ce ballet fut joué aussi au Palais-Royal, chez <span class="small1">Monsieur</span>, à la fin
-de février (Loret, liv. XIV, p. 35, en date du 1<sup>er</sup> mars).</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_329">329</a>, ligne 9: Pour <i>mademoiselle</i> <span class="small1">de Sévigny</span>.</p>
-
-<p>Loret écrit souvent Cevigny, mais quelquefois mieux Sevigny;
-dans Benserade et dans Bussy, c'est toujours Sevigny. Le goût que
-l'on avait pour la langue italienne faisait affecter les terminaisons italiennes.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_330">330</a>, ligne 19: Le jeu qu'on appelait <i>la ramasse</i>.</p>
-
-<p>Loret parle ainsi du jeu nommé <i>la ramasse</i>:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Mercredi le roi notre sire,</p>
-<p>A qui de longs jours je désire,</p>
-<p>Dans Versailles traita la cour,</p>
-<p>Et quoique ce fût un beau jour,</p>
-<p>On n'y fit point, dit-on, de chasse;</p>
-<p>Mais le plaisir de <i>la ramasse</i>,</p>
-<p>Plus rapide que hasardeux,</p>
-<p>Les divertit une heure ou deux.</p>
-</div></div>
-
-<p>Au mot <i>ramasse</i>, par un renvoi, Loret a mis en marge: <i>Machine
-de nouvelle invention</i>.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_330">330</a>, avant-dernière et dernière lignes: Toutes les fêtes de l'hiver furent surpassées par celles que Louis XIV donna au printemps.</p>
-
-<p>La description de ces fêtes se trouve dans toutes les éditions de
-<span class="pagenum"><a id="Page_510"> 510</a></span>
-notre grand comique. Benserade fait commencer ces fêtes le 10 mai;
-la lettre de Marigny, mélangée de prose et de vers, où elles sont
-décrites, est datée du 14 mai 1664.</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXIII.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_334">334</a>, ligne 9: Il n'a plus la faculté de brûler.</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Arde per voi d'Amore.</p>
-<p>Fuor del mio, vaga <span class="small1">Filli</span>,</p>
-<p>Ogni più nobil core</p>
-<p>Non accusi però vostra bellezza</p>
-<p>Questo cor di rozzezza!</p>
-<p>Che con mille beltà vaghe, leggiadre</p>
-<p>Di mille e mille flamme al mondo note,</p>
-<p>L'arse, et l'incenerì della madre;</p>
-<p>E cosa incenerita arder non puote.</p>
-</div></div>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXIV.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_342">342</a>, lignes 11 et 12: On lui permet d'acheter la charge de mestre de camp de la cavalerie légère.</p>
-
-<p>Bussy, dans son <i>Discours à ses Enfants</i>, et la maréchale de Clérambault,
-au mari duquel Bussy acheta cette charge de mestre de cavalerie,
-disent qu'elle coûta 90,000 écus; et Bussy, dans ses <i>Mémoires</i>,
-dit 252,000 livres. C'était environ cinq cent mille francs de notre
-monnaie actuelle.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_350">350</a>, lignes 4 et 5: Quelque épigramme comme celle que Loménie de Brienne lui attribue.</p>
-
-<p>Voici cette épigramme, dont la pointe est fondée sur le surnom de
-Louis Dieudonné, conféré à Louis XIV lors de sa naissance:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i2"> Ce roi si grand, si fortuné,</p>
-<p>Plus sage que César, plus vaillant qu'Alexandre,</p>
-<p class="i2"> On dit que Dieu nous l'a donné:</p>
-<p class="i2"> Hélas! s'il voulait le reprendre!</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_511"> 511</a></span></p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_353">353</a>, ligne 7: Elle dit un jour à son cercle; et note 605.</p>
-
-<p>Cette anecdote a été racontée par Roquette, évêque d'Autun, à
-Boubier lui-même.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_355">355</a>, lignes 9 et 10: Les inscriptions et les emblèmes qui se voyaient au château de Bussy.</p>
-
-<p>On sait que Bussy avait réuni dans cette galerie les portraits de toutes
-les femmes qu'il avait aimées. Il les avait accompagnés d'inscriptions
-et d'emblèmes. Sous le portrait de la marquise de Monglat on
-lisait: «Isabelle-Cécile Hurault de Cheverny, marquise de Monglat,
-qui par son inconstance a remis en honneur la matrone d'Éphèse
-et les femmes d'Astolfe et de Joconde.» Bussy avait fait peindre
-cette marquise dans le bassin d'une balance. Elle était emportée par
-le bassin vide, et sur le plateau où elle se trouvait on lisait: <i>Levior
-aura</i>, «plus légère que l'air». Dans un autre endroit de sa galerie
-il l'avait encore fait peindre avec les emblèmes et sous les attributs
-de la Fortune, et on lisait: <i>Leves ambo, ambo ingratæ</i>, «toutes
-deux légères, toutes deux ingrates».</p>
-
-<p class="echap">CHAPITRE XXV.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_363">363</a>, lignes 8 et 9: Cette réconciliation fut sincère de part et d'autre.</p>
-
-<p>«Vous savez encore, dit-elle, notre voyage de Bourgogne, et avec
-quelle franchise je vous redonnai toute la part que vous aviez jamais
-eue dans mon amitié.»</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_364">364</a>, ligne 6: Ce dernier en eut ensuite ramassé et rejoint les morceaux.</p>
-
-<p>Ce récit de Bussy-Rabutin est invraisemblable, et ne le justifie
-pas.</p>
-
-<p class="pnote">Page <a href="#Page_367">367</a>, ligne 14: A sa terre des Rochers, qu'elle s'occupait à agrandir et à embellir.</p>
-
-<p>Elle acheta de nouvelles terres, fit un labyrinthe (à cette époque, à
-l'imitation de Versailles, on en faisait partout), et elle augmenta son
-parc.</p>
-
-<hr class="deco" />
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_512"> 512</a></span></p>
-
-<p class="subh">SUR DIFFÉRENTS PORTRAITS QU'ON A GRAVÉS DE MADAME DE SÉVIGNÉ.</p>
-
-<p>J'ai dit à la page 380 de ce volume, dans la note sur la page 14, lignes
-10 et 15 de la première partie de ces <i>Mémoires</i>, que le portrait
-de madame de Sévigné inséré dans les éditions de 1818 et de 1820 était
-un des moins ressemblants de tous ceux qui ont été gravés. J'ai acquis
-depuis la certitude que ce portrait est celui d'une autre femme, qui
-n'avait avec la célèbre madame de Sévigné aucune ressemblance.
-L'erreur est ancienne: Odieuvre, dans sa collection de portraits, a
-donné comme portrait de madame de Sévigné la figure d'une femme
-peinte par Ferdinand et gravée par Schmidt; le cadre de cette peinture
-avait les armes de Grignan et de Sévigné, et c'est ce qui a produit
-l'erreur. C'est ce portrait (dont Petitot a fait une miniature) qui,
-gravé par Masquelier, a été inséré dans les éditions des <i>Lettres de
-Sévigné</i>, de 1818 et de 1820. Le graveur Saint-Aubin, en le transformant
-pour le mettre de profil, a encore plus fait ressortir les dissemblances
-entre cette figure et celle de madame de Sévigné, surtout relativement
-à la longueur du nez. Néanmoins ce portrait a été reproduit un grand
-nombre de fois par la gravure, comme étant celui de madame de
-Sévigné.</p>
-
-<p>Sur environ quarante portraits gravés de madame de Sévigné, que
-nous avons eu occasion d'examiner, il y en a un qui est bien certainement
-authentique: c'est celui qui a été réduit et gravé par Édelinck,
-d'après une peinture au pastel de Nanteuil, exécutée d'après nature. Ce
-portrait, dans la gravure, a environ deux pouces et demi de hauteur;
-la tête, un pouce de hauteur. Il a depuis été gravé plus en grand par
-Delegorgue, d'après le pastel original de Nanteuil, tiré du cabinet de
-M. Traullé. Dans cette gravure ce portrait a trois pouces et demi de
-haut; mais les traits sont moins bien modelés que dans celui d'Édelinck,
-et l'on s'aperçoit qu'il a été fait sur un original en partie effacé
-par le temps. C'est ce portrait qui a été réduit, et plus ou moins altéré,
-dans les diverses gravures qu'on a insérées dans les nombreuses éditions
-de madame de Sévigné, dans les notices que l'on a écrites sur
-cette femme célèbre, et dans les diverses collections de personnages
-célèbres. Il a été habilement lithographié pour la collection de madame
-Delpech.</p>
-
-<p>Il y a une lithographie exécutée à Rennes, qui est un portrait de
-femme âgée, nullement ressemblant à madame de Sévigné. Pourtant
-<span class="pagenum"><a id="Page_513"> 513</a></span>
-au bas de cette lithographie on lit: <i>Marie-Rabutin Chantal, marquise
-de Sévigné, née en 1549, morte en 1610, dessinée et lithographiée
-d'après le portrait original de Mignard, qui existe au château
-des Rochers près Vitré</i>. Serait-ce le portrait de l'aïeule du
-marquis de Sévigné, retrouvé à Vitré, qui aurait donné lieu à cet
-exemple curieux d'ignorance dans le pays même où madame de Sévigné
-habita si longtemps, et où son souvenir vit encore?</p>
-
-<hr class="tb" />
-
-<p>Je n'ajouterai que peu de lignes à la note précédente, réimprimée
-d'après la première édition de ce volume. Je donnerai seulement le
-résultat des recherches que j'ai faites depuis sur les portraits de
-madame de Sévigné, me réservant de justifier plus tard mes assertions
-par une dissertation spéciale sur ces portraits et sur ceux de
-plusieurs femmes célèbres du temps de Louis XIV. Ce sujet a de
-l'intérêt, non-seulement pour l'histoire de madame de Sévigné, mais
-pour celle des m&oelig;urs et des habitudes du siècle où elle a vécu.</p>
-
-<p>Nous avons trois portraits authentiques de madame de Sévigné:
-celui qui a été gravé par Édelinck, et ensuite par Delegorgue, lithographié
-par Delpech, est le plus certain et le principal. Ce portrait est du
-temps de la régence d'Anne d'Autriche, et madame de Sévigné avait
-alors trente et un ans. Le portrait gravé et enluminé ou peint à l'aquarelle,
-gravé par Gatine et dessiné par Lanté, sous la direction de M. Lamésangère,
-d'après un original peint par Mignard, et une mignature
-sur vélin, est en pied; il a été fait à la même époque que le précédent;
-il est le même pour la tête: c'est le portrait de madame de Sévigné
-qui nous donne l'idée la plus fidèle de son port et de sa physionomie.
-Je ne parle pas des tableaux originaux d'après lesquels ces deux portraits
-ont été gravés; je ne les ai pas vus. C'est sur le tableau de ce portrait
-gravé en pied, dans lequel madame de Sévigné tient une lettre,
-d'une main et une plume de l'autre, que Ménage a écrit un sonnet en
-italien inséré dans la troisième édition de ses poésies, en 1658, page 16.</p>
-
-<p>Le portrait qui est dans l'édition des <i>Lettres de Sévigné</i> de 1734
-diffère des deux précédents; il appartient à un âge différent, lorsque
-madame de Sévigné avait environ quarante à quarante-cinq ans; il
-provient d'un tableau qu'avait Bussy-Rabutin, et que son fils l'évêque
-de Luçon a communiqué au chevalier Perrin, ami de madame de
-Simiane et éditeur des <i>Lettres de Madame de Sévigné</i>.</p>
-
-<p>Le prétendu portrait de madame de Sévigné qui est dans la galerie
-de Versailles, et qui a été gravé, est la copie d'un tableau de la galerie
-<span class="pagenum"><a id="Page_514"> 514</a></span>
-du château d'Eu. Ce portrait est celui de la belle-fille de madame
-de Sévigné: c'est celui de Jeanne-Marguerite de Brehant de
-Mauron, marquise de Sévigné, et non pas celui de Marie de Rabutin-Chantal.
-Le portrait gravé par Masquelier, d'après une mignature
-de Petitot, et inséré dans l'édition des lettres de madame de Sévigné
-par M. Monmerqué, est aussi le portrait de sa belle-fille, et
-non le sien. Quant aux portraits gravés de madame de Grignan, il
-n'y a lieu à aucune rectification; ils sont tous dérivés de copies plus
-ou moins bien faites primitivement, d'après un seul et même original
-peint par Mignard.</p>
-
-<p class="end">FIN.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_515"> 515</a></span></p>
-
-
-<div class="chapter">
-<div class="footnotes">
-<h2 class="normal">NOTES:</h2>
-<div class="footnote">
-
-<p><a id="Footnote_1" href="#FNanchor_1" class="label">[1]</a> <span class="small1">Motteville,</span> <i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 364, 365.</p>
-
-<p><a id="Footnote_2" href="#FNanchor_2" class="label">[2]</a> <span class="small1">Desormaux,</span> <i>Histoire de Louis de Bourbon, prince de Condé,
-second du nom</i>, 1779, in-12, t. IV, p. 14 et 15.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. V, p. 12,
-24 janvier 1654, p. 37, 40.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. L, p. 430.</p>
-
-<p><a id="Footnote_3" href="#FNanchor_3" class="label">[3]</a> <span class="small1">Brienne</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXVI, p. 219.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. L,
-p. 534.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLI, p. 444.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, lib. V, p. 72,
-13 juin 1654.</p>
-
-<p><a id="Footnote_4" href="#FNanchor_4" class="label">[4]</a> <span class="small1">Desormeaux</span>, <i>Hist. de Condé</i>, t. IV, p. 18.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>,
-t. L, p. 438.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, t. XLI, p. 427.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. V, p. 30,
-33, 82, 14 mars et 4 juillet 1654.</p>
-
-<p><a id="Footnote_5" href="#FNanchor_5" class="label">[5]</a> <i>Mss. de l'hôtel de Condé</i> cités par <span class="small1">Desormeaux</span> dans l'<i>Hist. de
-Condé</i>, t. IV, p. 45, 68.&mdash;<span class="small1">Navailles</span>, <i>Mém.</i>, 1701, in-12, p. 167.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>,
-<i>Hist. am. des Gaules</i>, t. I, p. 199, édit. 1754.&mdash;Ibid.,
-<i>Hist. am. de France</i>, p. 216 et 239.&mdash;Ibid., <i>Hist. am. de France</i>,
-édit. de Liége, p. 160 à 189, édit. 1<sup>re</sup>; p. 130 et 154, édit. 2<sup>e</sup>.</p>
-</div>
-<div class="footnote">
-
-<p><a id="Footnote_6" href="#FNanchor_6" class="label">[6]</a> <span class="small1">De Ramsay</span>, <i>Hist. de Turenne</i>, liv. IV, t. II, p. 18, édit. in-12,
-et la planche 6 de l'atlas.</p>
-
-<p><a id="Footnote_7" href="#FNanchor_7" class="label">[7]</a> <span class="small1">Desormeaux</span>, <i>Hist. de Condé</i>, t. IV, p. 49.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. V,
-p. 118, 12 septembre 1654.&mdash;<span class="small1">Raguenet</span>, <i>Hist. du vicomte de Turenne</i>,
-p. 238 à 255.</p>
-
-<p><a id="Footnote_8" href="#FNanchor_8" class="label">[8]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. L, p. 469.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 426,
-429.&mdash;<span class="small1">De Ramsay</span>, <i>Hist. de Turenne</i>, t. II, p. 47 et 87, édit. in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_9" href="#FNanchor_9" class="label">[9]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 363.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, t. L, p. 458.</p>
-
-<p><a id="Footnote_10" href="#FNanchor_10" class="label">[10]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 301.</p>
-
-<p><a id="Footnote_11" href="#FNanchor_11" class="label">[11]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 397.</p>
-
-<p><a id="Footnote_12" href="#FNanchor_12" class="label">[12]</a> <span class="small1">Retz</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVI, p. 243.&mdash;<span class="small1">Guy-Joly</span>, t. XLVII, p. 262.</p>
-
-<p><a id="Footnote_13" href="#FNanchor_13" class="label">[13]</a> <span class="small1">Guy-Joly</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 292.</p>
-
-<p><a id="Footnote_14" href="#FNanchor_14" class="label">[14]</a> <span class="small1">Retz</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVI, p. 253 et 254.</p>
-
-<p><a id="Footnote_15" href="#FNanchor_15" class="label">[15]</a> <span class="small1">Guy-Joly</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 294.&mdash;<span class="small1">Retz</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVI,
-p. 253.</p>
-
-<p><a id="Footnote_16" href="#FNanchor_16" class="label">[16]</a> <span class="small1">Retz</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVI, p. 253, ou p. 437 de l'édit. Champollion.</p>
-
-<p><a id="Footnote_17" href="#FNanchor_17" class="label">[17]</a> <span class="small1">Retz</span>, t. XLVI, p. 258, 201 et 273.</p>
-
-<p><a id="Footnote_18" href="#FNanchor_18" class="label">[18]</a> Ibid., p. 271.&mdash;<span class="small1">Guy-Joly</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 312 à 317.</p>
-
-<p><a id="Footnote_19" href="#FNanchor_19" class="label">[19]</a> <span class="small1">Retz</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVI, p. 281.</p>
-
-<p><a id="Footnote_20" href="#FNanchor_20" class="label">[20]</a> <span class="small1">Retz</span>, <i>Mém.</i>, t. LXVI, p. 285.&mdash;<span class="small1">Guy-Joly</span>, t. XLVII, p. 238.</p>
-
-<p><a id="Footnote_21" href="#FNanchor_21" class="label">[21]</a> <span class="small1">Retz</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVI, p. 287.</p>
-
-<p><a id="Footnote_22" href="#FNanchor_22" class="label">[22]</a> Ibid., p. 293.</p>
-
-<p><a id="Footnote_23" href="#FNanchor_23" class="label">[23]</a> <span class="small1">Guy-Joly</span>, t. XLVII, p. 345 (le 28 novembre 1655).</p>
-
-<p><a id="Footnote_24" href="#FNanchor_24" class="label">[24]</a> <span class="small1">Retz</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVI, p. 303.</p>
-
-<p><a id="Footnote_25" href="#FNanchor_25" class="label">[25]</a> <span class="small1">Retz</span>, t. XLVI, p. 305, 348.&mdash;<span class="small1">Guy-Joly</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 372
-et 374.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, t. L, p. 471.</p>
-
-<p><a id="Footnote_26" href="#FNanchor_26" class="label">[26]</a> <span class="small1">Guy-Joly</span>, t. XLVII, p. 387 et 388.</p>
-
-<p><a id="Footnote_27" href="#FNanchor_27" class="label">[27]</a> <span class="small1">Retz</span>, t. XLVI, p. 344.&mdash;<span class="small1">Joly</span>, t. XLVII, p. 372-374.</p>
-
-<p><a id="Footnote_28" href="#FNanchor_28" class="label">[28]</a> <span class="small1">Guy-Joly</span>, t. LXVII, p. 322, 323, 330.&mdash;<span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, 1820,
-in-8<sup>o</sup>, t. I<sup>er</sup>, p. 28. Cette lettre de Retz ne fut point écrite d'Espagne.</p>
-
-<p><a id="Footnote_29" href="#FNanchor_29" class="label">[29]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. III, p. 140, 5 octobre 1652; <i>Ménagiana</i>,
-t. II, p. 5.</p>
-
-<p><a id="Footnote_30" href="#FNanchor_30" class="label">[30]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 1, 28 et 29 (1<sup>er</sup> octobre 1654), édit.
-1820, et t. I, p. 34 et 37, édit. de G. de St.-G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_31" href="#FNanchor_31" class="label">[31]</a> <i>Ménagiana</i>, t. II, p. 5; t. III, p. 192 et 193.&mdash;<span class="small1">Bruzen de la
-Martinière</span>, <i>Hist. de M. Scarron</i>, t. I, p. 58 des <i>&OElig;uvres</i>, édit. 1737,
-in-18.&mdash;Voyez la première partie de ces Mémoires, p. 452.</p>
-
-<p><a id="Footnote_32" href="#FNanchor_32" class="label">[32]</a> <span class="small1">Tallemant des Réaux</span>, t. V, p. 257, édit. in-8<sup>o</sup>; t. IX, p. 123,
-édit. in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_33" href="#FNanchor_33" class="label">[33]</a> Jean <span class="small1">Bernier</span>, <i>Anti-Ménagiana</i>, p. 43.&mdash;Gilles <span class="small1">Boileau</span>, <i>Avis
-à M. Ménage sur son églogue intitulée Christine</i>, dans le <i>Recueil
-des pièces choisies de</i> <span class="small1">La Monnoye</span>, 1714, t. I, p. 278, préface.</p>
-
-<p><a id="Footnote_34" href="#FNanchor_34" class="label">[34]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. L, p. 459.&mdash;<span class="small1">Ramsay</span>, <i>Hist. de Turenne</i>,
-t. II, liv. IV, p. 17 à 69, édit. in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_35" href="#FNanchor_35" class="label">[35]</a> <span class="small1">Retz</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 382, 391, 535.</p>
-
-<p><a id="Footnote_36" href="#FNanchor_36" class="label">[36]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, t. II, liv. VI, p. 17, <i>lettre</i> en date du
-30 janvier 1655.&mdash;Ibid., p. 6 et 12.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 369.</p>
-
-<p><a id="Footnote_37" href="#FNanchor_37" class="label">[37]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VI, p. 79, 106; liv. VII, p. 6, 7 et 19.</p>
-
-<p><a id="Footnote_38" href="#FNanchor_38" class="label">[38]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VI, p. 141, 190 et 199, <i>lettre</i> en date du 24 déc. 1655.</p>
-
-<p><a id="Footnote_39" href="#FNanchor_39" class="label">[39]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 22, <i>lettre</i> 6, en date du 5 février.</p>
-
-<p><a id="Footnote_40" href="#FNanchor_40" class="label">[40]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VI, p. 82.</p>
-
-<p><a id="Footnote_41" href="#FNanchor_41" class="label">[41]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VI, p. 193, <i>lettre</i> en date du 18 décembre 1655, et
-liv. VII, p. 13, <i>lettre</i> en date du 12 janvier 1656. Ce Brienne est
-celui dont M. Barrière a publié les Mémoires.</p>
-
-<p><a id="Footnote_42" href="#FNanchor_42" class="label">[42]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. V, p. 77; liv. VII, p. 32 et 33, et p. 37, en date du
-4 mars 1656.</p>
-
-<p><a id="Footnote_43" href="#FNanchor_43" class="label">[43]</a> <span class="small1">Benserade</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. II, p. 117.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 20, en
-date du 19 février 1656.</p>
-
-<p><a id="Footnote_44" href="#FNanchor_44" class="label">[44]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VI, p. 12, 67, 69, 107, 141, 143, 193.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>,
-<i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 369.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 2, 3, 5, 14, 15, 19,
-43 (<i>lettre</i> du 25 janvier); liv. VIII, p. 43.&mdash;<span class="small1">Benserade</span>, <i>&OElig;uvres</i>,
-t. II, p. 172.</p>
-
-<p><a id="Footnote_45" href="#FNanchor_45" class="label">[45]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VI, p. 141, 142, 143; liv. VII, p. 23 et 25.</p>
-
-<p><a id="Footnote_46" href="#FNanchor_46" class="label">[46]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse hist.</i>, liv. VI, p. 17, <i>lettre</i> en date du 30 janvier
-1655, et ibid., p. 6 et 12.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 307, 369.</p>
-
-<p><a id="Footnote_47" href="#FNanchor_47" class="label">[47]</a> <span class="small1">Loret</span>, t. II, liv. IV, p. 118 et 127 (7 et 21 août 1655).</p>
-
-<p><a id="Footnote_48" href="#FNanchor_48" class="label">[48]</a> Frères <span class="small1">Parfaict</span>, <i>Histoire du Théâtre François</i>, t. VIII, p. 129
-à 140.&mdash;<span class="small1">Quinault</span>, <i>&OElig;uvres</i>, 1715, in-12, t. I<sup>er</sup>, p. 260 à 358.</p>
-
-<p><a id="Footnote_49" href="#FNanchor_49" class="label">[49]</a> <span class="small1">Loret</span>, t. II, liv. VI, p. 127, <i>lettre</i> 31, en date du 25 août 1655.</p>
-
-<p><a id="Footnote_50" href="#FNanchor_50" class="label">[50]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 58, 60.&mdash;<span class="small1">Sauval</span>, <i>Galanteries
-des Rois de France</i>, 1738, t. II, p. 10.</p>
-
-<p><a id="Footnote_51" href="#FNanchor_51" class="label">[51]</a> <i>Mémoires de</i> <span class="small1">Guise</span>.&mdash;<span class="small1">Pastoret</span> fils, <i>Révolution de Naples</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_52" href="#FNanchor_52" class="label">[52]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 372.</p>
-
-<p><a id="Footnote_53" href="#FNanchor_53" class="label">[53]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv, VI, p. 78, 79, 81.&mdash;<span class="small1">Benserade</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. II, p. 113.</p>
-
-<p><a id="Footnote_54" href="#FNanchor_54" class="label">[54]</a> <i>Registres des états de Bretagne</i>, mss. Bibl. du roi; Bl. Mant.,
-n<sup>o</sup> 75, p. 324 à 329.</p>
-
-<p><a id="Footnote_55" href="#FNanchor_55" class="label">[55]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLI, p. 487.</p>
-
-<p><a id="Footnote_56" href="#FNanchor_56" class="label">[56]</a> Sur les constructions et les embellissements que <span class="small1">Mademoiselle</span>
-fit alors exécuter à son château de Saint-Fargeau, consultez M. le
-baron <span class="small1">Chaillou des Barres</span>, <i>Châteaux d'Ancy-le-Franc, de Saint-Fargeau</i>
-et <i>de Tanlay</i>, 1845, in-4<sup>o</sup>, p. 71.</p>
-
-<p><a id="Footnote_57" href="#FNanchor_57" class="label">[57]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLI, p. 473 et 474.</p>
-
-<p><a id="Footnote_58" href="#FNanchor_58" class="label">[58]</a> <span class="small1">Sauval</span>, <i>Galanteries des Rois de France</i>, édit. 1738, t. II, p. 59.</p>
-
-<p><a id="Footnote_59" href="#FNanchor_59" class="label">[59]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XLI, p. 95.</p>
-
-<p><a id="Footnote_60" href="#FNanchor_60" class="label">[60]</a> <span class="small1">Lenet</span>, t. LIII, p. 139, 140, 142, 143.</p>
-
-<p><a id="Footnote_61" href="#FNanchor_61" class="label">[61]</a> <span class="small1">Lenet</span>, <i>Mém.</i>, t. LIII, p. 112, 143, 155.</p>
-
-<p><a id="Footnote_62" href="#FNanchor_62" class="label">[62]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLI, p. 190.</p>
-
-<p><a id="Footnote_63" href="#FNanchor_63" class="label">[63]</a> <span class="small1">Lenet</span>, <i>Mém.</i>, t. LIII, p. 112, 113, 154, 155, 239, 266 et 513;
-t. LIV, p. 213.&mdash;<span class="small1">Coligny-Saligny</span>, <i>Mém.</i>, 1841, in-8<sup>o</sup>, p. 24 à 31.</p>
-
-<p><a id="Footnote_64" href="#FNanchor_64" class="label">[64]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VI, p. 106, du 17 juillet 1655.</p>
-
-<p><a id="Footnote_65" href="#FNanchor_65" class="label">[65]</a> <span class="small1">Segrais</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 127.</p>
-
-<p><a id="Footnote_66" href="#FNanchor_66" class="label">[66]</a> <span class="small1">Conrart</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVIII, p. 200.</p>
-
-<p><a id="Footnote_67" href="#FNanchor_67" class="label">[67]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>lettres</i> (26 juin et 3 juillet 1655), t. I, p. 30 et 32, édit.
-M.; t. I, p. 38 et 40, édit. G. C'est bien de la marquise de Gouville
-qu'il est question en cet endroit.</p>
-
-<p><a id="Footnote_68" href="#FNanchor_68" class="label">[68]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, édit. 1721, t. II, p. 14, et t. II, p. 17 de l'édit.
-in-4<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_69" href="#FNanchor_69" class="label">[69]</a> <span class="small1">Sauval</span>, <i>Antiquités de Paris</i>, t. II, p. 650.</p>
-
-<p><a id="Footnote_70" href="#FNanchor_70" class="label">[70]</a> <i>Livre commode, contenant les adresses de la ville de Paris</i>,
-1692, in-8<sup>o</sup>, p. 54 à 89.</p>
-
-<p><a id="Footnote_71" href="#FNanchor_71" class="label">[71]</a> <span class="small1">Chavagnac</span>, <i>Mém.</i>, 1699, in-12, t. I, p. 207.&mdash;<span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>,
-t. LXIII, p. 304 (Prud'homme fournissait de l'argent au duc de la
-Feuillade).</p>
-
-<p><a id="Footnote_72" href="#FNanchor_72" class="label">[72]</a> <i>France galante, ou Hist. am. de la Cour</i>, 1695, in-12, p. 134;
-<i>Hist. am. des Gaules</i>, 1754, t. II, p. 326, 331.&mdash;<span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>
-(4 avril 1671), t. II, p. 3, édit. de Monmerqué.&mdash;<span class="small1">Saint-Simon</span>,
-<i>&OElig;uvres complètes</i>, 1791, in-8<sup>o</sup>, t. I<sup>er</sup>, p. 75.&mdash;Ibid., <i>Mém. authentiques</i>,
-t. II, p. 81, 82. Voyez ci-après, p. 54.</p>
-
-<p><a id="Footnote_73" href="#FNanchor_73" class="label">[73]</a> <i>Supplément aux Mém. et Lettres de M. le comte de Bussy</i>,
-t. I, p. 49.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, 1721, in-12, t. II, p. 14; t. II, p. 17 de
-l'édit. in-4<sup>o</sup>.&mdash;<span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (3 juillet 1655), t. I, p. 30 et 32, édit.
-Monmerqué; ou t. I, p. 38 et 40 de l'édit. de G. de S.-G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_74" href="#FNanchor_74" class="label">[74]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 36, édit. de M.; ou p. 46, édit. de G.;
-<i>Supplément aux Mém. de</i> <span class="small1">Bussy</span>, t. I, p. 51; <i>Mém.</i>, t. II, p. 27,
-édit. in-12, et p. 35 de l'édit. in-4<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_75" href="#FNanchor_75" class="label">[75]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mémoires</i>, t. L, p. 461; <i>Histoire de la Monarchie
-françoise sous le règne de Louis le Grand</i>, 4<sup>e</sup> édition, 1697, in-12,
-p. 72.</p>
-
-<p><a id="Footnote_76" href="#FNanchor_76" class="label">[76]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 47, in-12, et p. 56 de l'in-4<sup>o</sup>.&mdash;<span class="small1">Sévigné</span>,
-<i>Lettres</i> (7 octobre 1655), t. I, p. 42, édit. M.; t. I, p. 52, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_77" href="#FNanchor_77" class="label">[77]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>lettre</i> en date du 19 juillet 1655, t. I, p. 130, et t. I,
-p. 45, édit. de G. de S.-G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_78" href="#FNanchor_78" class="label">[78]</a> <i>Lettre de Bussy</i>, en date du 13 août 1655.&mdash;Dans <span class="small1">Sévigné</span>,
-<i>Lettres</i>, t. I, p. 40, édit. M.; p. 49.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 32,
-in-12, et dans l'édit. in-4<sup>o</sup>, t. II, p. 38.</p>
-
-<p><a id="Footnote_79" href="#FNanchor_79" class="label">[79]</a> <span class="small1">Sévigny</span>, <i>Lettres</i> (25 novembre 1655), t. I, p. 56, édit. G., p. 45,
-édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_80" href="#FNanchor_80" class="label">[80]</a> <span class="small1">Sévigny</span>, <i>Lettres</i> (20 juin 1655), t. I, p. 31, édit. M., ou p. 39,
-édit. G.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i> t. II, p. 15 de l'in-12; de l'édit. in-4<sup>o</sup>, p. 18.</p>
-
-<p><a id="Footnote_81" href="#FNanchor_81" class="label">[81]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (14 juillet, t. I, p. 33), édit. M.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>,
-t. II, p. 23 de l'édit. in-12, et t. II, p. 28 de l'édit. in-4<sup>o</sup>.&mdash;<i>Lettres
-de</i> <span class="small1">Sévigné</span>, t. I, p. 42 et 45 de l'édit. de G. de S.-G.; t. I, p. 35 et 36,
-édit. M. (19 juillet).</p>
-
-<p><a id="Footnote_82" href="#FNanchor_82" class="label">[82]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VI, p. 106, <i>lettre</i> 28 juillet 1655.</p>
-
-<p><a id="Footnote_83" href="#FNanchor_83" class="label">[83]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 juillet 1655), t. I, p. 37, édit de M., et t. I,
-p. 46, édit. de G. de S.-G.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 28, in-12, et de
-l'in-4<sup>o</sup>, t. II, p. 34.</p>
-
-<p><a id="Footnote_84" href="#FNanchor_84" class="label">[84]</a> <span class="small1">Conrart</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVIII, p. 267.</p>
-
-<p><a id="Footnote_85" href="#FNanchor_85" class="label">[85]</a> <span class="small1">Conrart</span>, t. XLVIII, p. 260 à 270.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLI,
-p. 136, 326, 488; t. XLII, p. 22.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIX,
-p. 115, 116 et 210.&mdash;<span class="small1">Retz</span>, t. XLV, p. 279, 282, 380, 388, 412, 422,
-459; t. XLVI, p. 329.&mdash;<span class="small1">Guy-Joly</span>, t. XLVII, p. 230.&mdash;<span class="small1">Nemours</span>,
-t. XXXIV, p. 510.&mdash;<span class="small1">Conrart</span>, t. XLVIII, p. 230.&mdash;<span class="small1">La Rochefoucauld</span>,
-t. LI, p. 95 et 96.&mdash;<span class="small1">Duplessis</span>, t. LVII, p. 370 et 372.&mdash;<span class="small1">Loret</span>,
-liv. III, 1652, p. 178; liv. V, 1654, p. 17.</p>
-
-<p><a id="Footnote_86" href="#FNanchor_86" class="label">[86]</a> <span class="small1">Chavagnac</span>, <i>Mém.</i>, t. I, p. 165, 185, 208, 210, 220, 226, 227.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>,
-t. XXXIX, p. 210.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. L, p. 394.&mdash;<span class="small1">Conrart</span>,
-t. XLVIII, p. 265.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>, <i>Hist. am. des Gaules</i>, t. I,
-p. 1 à 42, édit. 1754.&mdash;<span class="small1">Sauval</span>, <i>Galanteries des Rois de France</i>
-t. II, p. 60, 61, 206.&mdash;<span class="small1">Retz</span>, t. XLV, p. 113.&mdash;<span class="small1">Saint-Évremond</span>,
-<i>&OElig;uvres</i>, 1753, in-12, t. I, p. v et p. 34; t. III, p. 154 à 180; t. VII,
-p. 42.</p>
-
-<p><a id="Footnote_87" href="#FNanchor_87" class="label">[87]</a> <span class="small1">Chavagnac</span>, <i>Mém.</i>, t. I, p. 220.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLI,
-p. 489.&mdash;<span class="small1">Conrart</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVIII, p. 265.</p>
-
-<p><a id="Footnote_88" href="#FNanchor_88" class="label">[88]</a> <i>Lettres du cardinal Mazarin à la reine</i>, 1836, in-8<sup>o</sup>, p. 419;
-<i>lettre</i> en date du 27 novembre 1641.</p>
-
-<p><a id="Footnote_89" href="#FNanchor_89" class="label">[89]</a> <span class="small1">Chavagnac</span>, t. I, p. 220.</p>
-
-<p><a id="Footnote_90" href="#FNanchor_90" class="label">[90]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 juillet 1655), t. I, p. 37, édit. de Monmerqué;
-t. I, p. 47, édit. de G. de S.-G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_91" href="#FNanchor_91" class="label">[91]</a> <span class="small1">Conrart</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVIII, p. 263, note 1. Voyez ci-dessus, p. 40.</p>
-
-<p><a id="Footnote_92" href="#FNanchor_92" class="label">[92]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 22.</p>
-
-<p><a id="Footnote_93" href="#FNanchor_93" class="label">[93]</a> <span class="small1">Bussy</span>, dans les <i>Lettres de</i> <span class="small1">Sévigné</span>, t. I, p. 43 de l'édit. M.;
-t. I, p. 53 de l'édit. de G. de S.-G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_94" href="#FNanchor_94" class="label">[94]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 287.</p>
-
-<p><a id="Footnote_95" href="#FNanchor_95" class="label">[95]</a> Voyez la première partie de ces Mémoires, ch. <span class="small1">XVI</span>, p. 244.</p>
-
-<p><a id="Footnote_96" href="#FNanchor_96" class="label">[96]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (17 juin 1672), t. II, p. 468, édit. M., et
-t. III, p. 61, édit. G. de S.-G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_97" href="#FNanchor_97" class="label">[97]</a> <i>Ménagiana</i>, t. I, p. 67, 140, 267.</p>
-
-<p><a id="Footnote_98" href="#FNanchor_98" class="label">[98]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 48 et 49.</p>
-
-<p><a id="Footnote_99" href="#FNanchor_99" class="label">[99]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (25 novembre 1655), t. I, p. 46, édit. de
-M.; t. I, p. 59, édit. de G. de S.-G.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 54,
-édit. in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_100" href="#FNanchor_100" class="label">[100]</a> Conférez <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 137.</p>
-
-<p><a id="Footnote_101" href="#FNanchor_101" class="label">[101]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 268 et 269.</p>
-
-<p><a id="Footnote_102" href="#FNanchor_102" class="label">[102]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Histoire amoureuse de la France</i>, édit. 1710, p. 26, 31,
-55.&mdash;<i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, édit. 1754, t. I, p. 23, 28,
-32, 42, 52.</p>
-
-<p><a id="Footnote_103" href="#FNanchor_103" class="label">[103]</a> <span class="small1">Sauval</span>, <i>Galanteries des Rois de France</i>, 1738, t. II, p. 73.</p>
-
-<p><a id="Footnote_104" href="#FNanchor_104" class="label">[104]</a> <span class="small1">Gaspard</span>, comte de <span class="small1">Chavagnac</span>, <i>Mém.</i>, t. I, p. 220 à 222, édit.
-de Besançon, 1699, in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_105" href="#FNanchor_105" class="label">[105]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (25 novembre 1655), t. I, p. 45, et p. 56 de
-l'édit. de G. de S.-G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_106" href="#FNanchor_106" class="label">[106]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, t. XLII, p. 148.</p>
-
-<p><a id="Footnote_107" href="#FNanchor_107" class="label">[107]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 54 et 57 de l'édit. in-12.&mdash;Ibid., t. II,
-p. 65 et 68 de l'édit. in-4<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_108" href="#FNanchor_108" class="label">[108]</a> <span class="small1">Sauval</span>, <i>Galanteries des Rois de France</i>, 1738, in-12, t. II,
-p. 18 et 277.&mdash;<span class="small1">Dreux du Radier</span>, <i>Mémoires et Anecdotes des Reines
-et Régentes de France</i>; Amsterdam, 1782, t. VI, p. 294.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>,
-<i>Mém.</i>, t. XXXVI, p. 370 et 379.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, t. XLIII, p. 63.</p>
-
-<p><a id="Footnote_109" href="#FNanchor_109" class="label">[109]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXVI, p. 378 et 379.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>,
-t. XLIII, p. 251.&mdash;<span class="small1">La Porte</span>, <i>Mém.</i>, t. LIX, p. 394.&mdash;<span class="small1">Scarron</span>,
-<i>&OElig;uvres</i>, t. VIII, p. 399.</p>
-
-<p><a id="Footnote_110" href="#FNanchor_110" class="label">[110]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, <i>loc. cit.</i>&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. XLIII, p. 241.&mdash;<span class="small1">La
-Porte</span>, <i>Mém.</i>, t. LIX, p. 394.</p>
-
-<p><a id="Footnote_111" href="#FNanchor_111" class="label">[111]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXVII, p. 71.</p>
-
-<p><a id="Footnote_112" href="#FNanchor_112" class="label">[112]</a> <span class="small1">La Porte</span>, <i>Mém.</i>, t. LIX, p. 391 et 392.&mdash;<span class="small1">Scarron</span>, <i>&OElig;uvres</i>,
-t. VIII, p. 190.</p>
-
-<p><a id="Footnote_113" href="#FNanchor_113" class="label">[113]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXVII, p. 63.&mdash;<span class="small1">La Porte</span>, t. LIX,
-p. 407.&mdash;<span class="small1">Scarron</span>, t. VIII, p. 160, 162, 168.</p>
-
-<p><a id="Footnote_114" href="#FNanchor_114" class="label">[114]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XXXVII, p. 32.</p>
-
-<p><a id="Footnote_115" href="#FNanchor_115" class="label">[115]</a> <i>Ibid.</i>, p. 36.</p>
-
-<p><a id="Footnote_116" href="#FNanchor_116" class="label">[116]</a> <i>Ibid.</i>, p. 63.&mdash;<span class="small1">La Porte</span>, t. LIX, p. 407.</p>
-
-<p><a id="Footnote_117" href="#FNanchor_117" class="label">[117]</a> <i>Ibid.</i>, p. 65.&mdash;<span class="small1">La Porte</span>, <i>loc. cit.</i></p>
-
-<p><a id="Footnote_118" href="#FNanchor_118" class="label">[118]</a> <span class="small1">Scarron</span>, <i>Épithalame ou ce qu'il vous plaira sur le mariage
-de M. le maréchal de Schomberg et de madame de Hautefort,
-&OElig;uvres</i>, t. VIII, p. 252 et 254.</p>
-
-<p><a id="Footnote_119" href="#FNanchor_119" class="label">[119]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXVII, p. 277.</p>
-
-<p><a id="Footnote_120" href="#FNanchor_120" class="label">[120]</a> <span class="small1">Scarron</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. VIII, p. 160, 162, 168, 247 et 399.</p>
-
-<p><a id="Footnote_121" href="#FNanchor_121" class="label">[121]</a> <span class="small1">De Bausset</span>, <i>Hist. de Bossuet</i>, 1814, in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 38 et 39.</p>
-
-<p><a id="Footnote_122" href="#FNanchor_122" class="label">[122]</a> <span class="small1">Loret</span>, t. VII, p. 62, <i>lettre</i> en date du 22 avril 1656.</p>
-
-<p><a id="Footnote_123" href="#FNanchor_123" class="label">[123]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. VII, p. 63, <i>lettre 16</i>, en date du
-22 avril 1656.</p>
-
-<p><a id="Footnote_124" href="#FNanchor_124" class="label">[124]</a> <i>Ibid.</i></p>
-
-<p><a id="Footnote_125" href="#FNanchor_125" class="label">[125]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. VII, p. 68, <i>lettre 17</i>, en date
-du 29 avril 1656, p. 97, <i>lettre 25</i>, en date du 24 juin.&mdash;<span class="small1">De Barante</span>,
-dans la <i>Biographie universelle</i>, art. <i>Bossuet</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_126" href="#FNanchor_126" class="label">[126]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>lettre</i> du 22 avril 1656, liv. VII, p. 62.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>,
-dans <i>Lettres</i> de <span class="small1">Sévigné</span>, t. I, p. 48 et 51, lettres du 2 et 9 juillet 1656,
-éd. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_127" href="#FNanchor_127" class="label">[127]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 1 et 2, <i>lettre</i> en date du 1<sup>er</sup> janvier 1656,
-p. 14, 15, 19, 29; <i>lettres</i> en date des 22 et 29 janvier, 19 février
-1656.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 1 et 2.&mdash;<span class="small1">Benserade</span>, <i>&OElig;uvres</i>,
-t. II, p. 142 à 172.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 23, 61, <i>lettres</i> en date des
-2 février et 2 avril 1656.</p>
-
-<p><a id="Footnote_128" href="#FNanchor_128" class="label">[128]</a> <span class="small1">Loret</span>, t. VII, p. 35, <i>lettre</i> en date du 26 janvier 1656; <i>lettres</i>
-en date des 27 mai et 19 août 1656, p. 191; <i>lettre</i> en date du 2 décembre
-1656, p. 50, 53, 54; <i>lettres</i> en date des 25 mars et 1<sup>er</sup> avril.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>,
-t. XXXIX, p. 371.</p>
-
-<p><a id="Footnote_129" href="#FNanchor_129" class="label">[129]</a> Frères <span class="small1">Parfaict</span>, <i>Hist. du Théâtre François</i>, t. VII, p. 178 à
-182.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 198, du 16 décembre 1656.&mdash;Ibid., p. 176,
-apostille de la <i>lettre</i> en date du 5 novembre 1656.</p>
-
-<p><a id="Footnote_130" href="#FNanchor_130" class="label">[130]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 48, 51.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 3;
-<i>lettre</i> en date du 1<sup>er</sup> janvier 1656.&mdash;<span class="small1">Sévigné</span>, <i>lettre</i> de madame de
-Coulanges du 24 juin. 1695.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 78, en date du
-20 mars 1656, et p. 29, 30, 35, 36, 103; <i>lettres</i> en date des 19 février,
-18 avril, 24 juin et 1<sup>er</sup> juillet 1656.&mdash;<span class="small1">Sévigné</span>, <i>lettre</i> en date
-du 15 mai 1671, t. II, p. 72, édit. de G. de St.-G., et 2 novembre
-1673, t. III, p. 203.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 104, <i>lettre</i> en date du
-1<sup>er</sup> juillet 1656.</p>
-
-<p><a id="Footnote_131" href="#FNanchor_131" class="label">[131]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 65 et 72 de l'in-12.&mdash;Ibid., t. II, p. 78
-et 87 de l'in-4<sup>o</sup>.&mdash;<span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, édit. Monm., t. I, p. 48 et 51;
-t. I, p. 59 et 82, édit. de G. de St.-G. (9 et 20 juillet 1656).</p>
-
-<p><a id="Footnote_132" href="#FNanchor_132" class="label">[132]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 50, note <i>b</i>, édit. M. (9 juillet 1656).</p>
-
-<p><a id="Footnote_133" href="#FNanchor_133" class="label">[133]</a> <span class="small1">Desormeaux</span>, <i>Histoire du grand Condé</i>, t. IV, p. 79, 86, 93.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>,
-<i>Mém.</i>, t. LI, p. 7.&mdash;<span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 303.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>,
-<i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 392.&mdash;<span class="small1">Raguenet</span>, <i>Hist. de Turenne</i>,
-édit. de 1769, p. 264.&mdash;<span class="small1">Bussy-Rabutin</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 72,
-80, 82, édit. in-12; <i>Discours de</i> <span class="small1">Bussy</span> <i>à ses Enfants</i>, p. 282, 302.</p>
-
-<p><a id="Footnote_134" href="#FNanchor_134" class="label">[134]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 84, <i>lettre</i> en date du 27 mai 1656.</p>
-
-<p><a id="Footnote_135" href="#FNanchor_135" class="label">[135]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 10.</p>
-
-<p><a id="Footnote_136" href="#FNanchor_136" class="label">[136]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 84 et 86.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 181, <i>lettre</i>
-en date du 18 novembre 1656.</p>
-
-<p><a id="Footnote_137" href="#FNanchor_137" class="label">[137]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 1.</p>
-
-<p><a id="Footnote_138" href="#FNanchor_138" class="label">[138]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 22, <i>lettre</i> en date du 5 février.</p>
-
-<p><a id="Footnote_139" href="#FNanchor_139" class="label">[139]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 41, 46, <i>lettres</i> en date des 18 mai et 9 septembre
-1656; p. 50, 119, 126, <i>lettre</i> en date du 12 août, et p. 143,
-144, 150, 155, 178; liv. VIII, p. 180, 181, 183, <i>lettres</i> en date des
-17 et 24 novembre 1657; liv. IX, p. 34, 42, 43, des 2 et 16 mars
-1658.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, t. LI, p. 12.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 376,
-384, 390 et 392.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 54, 55, 58, 73.&mdash;Ibid.,
-t. XLII, p. 266 à 268.&mdash;<span class="small1">Bussy-Rabutin</span>, <i>Hist. am. des
-Gaules</i>, t. I, p. 180 à 190, édit. 1754.&mdash;<span class="small1">Catteau-Catteville</span>,
-<i>Hist. de Christine</i>, 1815, in-8<sup>o</sup>, t. II, p. 34, 37, 43, 48, 60, 61, 62.&mdash;Ibid.,
-t. I, p. 29; <i>Ménagiana</i>, t. II, p. 257.</p>
-
-<p><a id="Footnote_140" href="#FNanchor_140" class="label">[140]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 392.</p>
-
-<p><a id="Footnote_141" href="#FNanchor_141" class="label">[141]</a> <span class="small1">Catteau-Catteville</span>, <i>Hist. de Christine</i>, t. II, p. 61.</p>
-
-<p><a id="Footnote_142" href="#FNanchor_142" class="label">[142]</a> <i>Lettres de</i> <span class="small1">Costar</span>, seconde partie, 1659, in-4<sup>o</sup>, <i>lettre</i> 199,
-p. 419.&mdash;<span class="small1">Menagii</span> <i>Poemata</i>, 1656, in-8<sup>o</sup>, p. 76.&mdash;<i>Lezione d</i>'<span class="small1">Egedio
-Menagio</span> <i>sopra in sonetto VII di messer Francesco Petrarca</i>,
-p. 62, 68 et 74, dans <i>Historia Mulierum Philosophorum</i>; Lugduni,
-1690, in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_143" href="#FNanchor_143" class="label">[143]</a> <i>Ménagiana</i>, t. I, p. 220, t. IV, p. 24.</p>
-
-<p><a id="Footnote_144" href="#FNanchor_144" class="label">[144]</a> <span class="small1">Saint-Évremond</span>, <i>&OElig;uvres</i>, édit. 1753, t. II, p. 79 à 83.</p>
-
-<p><a id="Footnote_145" href="#FNanchor_145" class="label">[145]</a> <span class="small1">Des Maizeaux</span>, <i>Vie de Saint-Évremond</i>, dans les <i>&OElig;uvres</i>,
-t. I, p. 78, 83.</p>
-
-<p><a id="Footnote_146" href="#FNanchor_146" class="label">[146]</a> Paul de la Barthe, maréchal de Thermes.</p>
-
-<p><a id="Footnote_147" href="#FNanchor_147" class="label">[147]</a> Le duc de Bellegarde, grand écuyer.</p>
-
-<p><a id="Footnote_148" href="#FNanchor_148" class="label">[148]</a> <span class="small1">Saint-Évremond</span>, t. II, p. 83.</p>
-
-<p><a id="Footnote_149" href="#FNanchor_149" class="label">[149]</a> Ibid., p. 83, 85.</p>
-
-<p><a id="Footnote_150" href="#FNanchor_150" class="label">[150]</a> <span class="small1">Arnauld</span> d'<span class="small1">Andilly</span>, <i>Mémoires</i>, t. XXXIV, p. 89, 94.</p>
-
-<p><a id="Footnote_151" href="#FNanchor_151" class="label">[151]</a> <i>Les Provinciales, ou les Lettres écrites par Louis de Montalte
-à un provincial de ses amis et aux RR. PP. jésuites, sur le
-sujet de la morale et de la politique des saints Pères</i>; Cologne,
-1657, in-18, Elzeviers, p. 1 et 369.</p>
-
-<p><a id="Footnote_152" href="#FNanchor_152" class="label">[152]</a> <span class="small1">Petitot</span>, <i>Notice sur Port-Royal</i>, dans la <i>Collection des Mémoires
-sur l'Hist. de France</i>, t. XXXIII, p. 137.</p>
-
-<p><a id="Footnote_153" href="#FNanchor_153" class="label">[153]</a> <span class="small1">Crévier</span>, <i>Hist. de l'Université de Paris</i>, t. VII, p. 60.</p>
-
-<p><a id="Footnote_154" href="#FNanchor_154" class="label">[154]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 36 et 162 (10 et 24 mars 1857).&mdash;Ibid., liv. VIII,
-p. 28, 48, 200.&mdash;<span class="small1">De Bausset</span>, <i>Vie de Bossuet</i>, 1814, in-8<sup>o</sup>, t. I,
-p. 130. M. de Bausset n'a pas bien connu ces premiers commencements
-de Bossuet, ni bien déterminé les dates de ses premières compositions.
-<i>&OElig;uvres de Bossuet</i>; Versailles, 1816, in-8<sup>o</sup>, t. XVI, p. 463.</p>
-
-<p><a id="Footnote_155" href="#FNanchor_155" class="label">[155]</a> <span class="small1">De Bausset</span>, <i>Hist. de Bossuet</i>, t. I, p. 21.</p>
-
-<p><a id="Footnote_156" href="#FNanchor_156" class="label">[156]</a> <i>Dissertation critique sur l'Art poétique d'Horace, où l'on
-donne une idée générale des pièces de théâtre, où l'on examine
-si un poëte doit préférer les caractères connus aux caractères
-inventez</i>; Paris, chez Barthélemy Girin, M. DC. XVIII (sic), in-12.&mdash;<span class="small1">Sévigné</span>,
-<i>Lettres</i>, t. I, p. 314, et t. II, p. 6, édit. 1820, in-8<sup>o</sup>
-(1<sup>er</sup> avril et 8 avril 1671).</p>
-
-<p><a id="Footnote_157" href="#FNanchor_157" class="label">[157]</a> <span class="small1">Petitot</span>, <i>Notice sur l'abbé Arnauld</i>, t. XXXIV, p. 112.</p>
-
-<p><a id="Footnote_158" href="#FNanchor_158" class="label">[158]</a> <i>Mémoires de l'abbé</i> <span class="small1">Arnauld</span> dans la <i>Collection de Petitot</i>,
-in 8<sup>o</sup>, t. XXXIV, p. 314; t. II, p. 62 et 63 de l'édit. 1756.</p>
-
-<p><a id="Footnote_159" href="#FNanchor_159" class="label">[159]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, en date du 15 janvier 1674, t. III, p. 210, édit.
-M., ou t. III, p. 307, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_160" href="#FNanchor_160" class="label">[160]</a> <i>La Lyre du jeune Apollon, ou la Muse naissante du petit</i>
-<span class="small1">Beauchasteau</span>, 1657, in-4<sup>o</sup>, p. 160.&mdash;<span class="small1">Du Tillet</span>, <i>Parnasse français</i>,
-in-folio, p. 321.&mdash;<span class="small1">Weiss</span>, <i>Biographie universelle</i>, t. III, p. 621.&mdash;<span class="small1">Loret</span>,
-liv. IX, p. 6 (12 janvier 1658), et p. 25, liv. X, p. 170.</p>
-
-<p><a id="Footnote_161" href="#FNanchor_161" class="label">[161]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 2, 13, 17 et 22, <i>lettres</i> en date des 6 janvier,
-3, 10 et 26 février 1657.&mdash;Ibid., liv. VIII, p. 47 (7 avril).</p>
-
-<p><a id="Footnote_162" href="#FNanchor_162" class="label">[162]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 182 (1<sup>er</sup> décembre 1657).</p>
-
-<p><a id="Footnote_163" href="#FNanchor_163" class="label">[163]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 405.&mdash;<span class="small1">Guy-Joly</span>, t. XLVII, p. 414,
-415.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 20.&mdash;<span class="small1">Guy-Patin</span>, <i>Lettres</i>, p. 132.</p>
-
-<p><a id="Footnote_164" href="#FNanchor_164" class="label">[164]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 412.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, t. VIII, p. 63.</p>
-
-<p><a id="Footnote_165" href="#FNanchor_165" class="label">[165]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 22 (10 février 1657), p. 103 (10 juillet 1657).&mdash;<span class="small1">Motteville</span>,
-t. XXXIX, p. 398.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, t. LI, p. 20.</p>
-
-<p><a id="Footnote_166" href="#FNanchor_166" class="label">[166]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, t. XLII, p. 264, 268.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 195,
-22 décembre 1657.</p>
-
-<p><a id="Footnote_167" href="#FNanchor_167" class="label">[167]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 20, 38, 64.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 11
-(20 janvier), p. 29 (24 février), p. 73 (26 mai), p. 41 (17 mars),
-p. 185 (8 décembre 1657).&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. IX, p. 21 (9 février 1658).</p>
-
-<p><a id="Footnote_168" href="#FNanchor_168" class="label">[168]</a> <span class="small1">Benserade</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. II, p. 173, 178 et 182.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. VIII,
-p. 9 (20 janvier), p. 15 (27 janvier), p. 21 (10 février), p. 29 (19 février).&mdash;<span class="small1">Loret</span>,
-liv. VIII, p. 75.</p>
-
-<p><a id="Footnote_169" href="#FNanchor_169" class="label">[169]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 400.&mdash;<span class="small1">Sevelinges</span>, article <i>Lully</i>
-dans la <i>Biographie universelle</i>, t. XXV, p. 423.</p>
-
-<p><a id="Footnote_170" href="#FNanchor_170" class="label">[170]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 9, 15, 21 (20 et 27 janvier, et 10 février
-1657).</p>
-
-<p><a id="Footnote_171" href="#FNanchor_171" class="label">[171]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 59 (28 avril).&mdash;<span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém., Notice sur
-sa vie</i>, t. LXIII, p. 124.</p>
-
-<p><a id="Footnote_172" href="#FNanchor_172" class="label">[172]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 400.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>,
-liv. VIII, p. 29 (<i>lettre</i> en date du 24 février 1657).</p>
-
-<p><a id="Footnote_173" href="#FNanchor_173" class="label">[173]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 400.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>, t. XLII,
-p. 120.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 114.</p>
-
-<p><a id="Footnote_174" href="#FNanchor_174" class="label">[174]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. IX, p. 15 (26 janvier 1658).&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX,
-p. 401.</p>
-
-<p><a id="Footnote_175" href="#FNanchor_175" class="label">[175]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 272, lig. 1 (lisez La Mothe d'Argencourt
-au lieu de La Mothe-Houdancourt).</p>
-
-<p><a id="Footnote_176" href="#FNanchor_176" class="label">[176]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 400.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. IX, p. 168, en date
-du 26 octobre, <i>lettre 42</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_177" href="#FNanchor_177" class="label">[177]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 400, 404, 435.&mdash;<span class="small1">La Fare</span>, chap. <span class="small1">IV</span>,
-t. LXV, p. 157.&mdash;<span class="small1">Dreux du Radier</span>, <i>Mém. des Reines et Régents
-de France</i>, 1782, t. VI, p. 363 à 373.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>, t. XLII,
-p. 348.</p>
-
-<p><a id="Footnote_178" href="#FNanchor_178" class="label">[178]</a> <span class="small1">Saint-Simon</span>, <i>Mém.</i>, 1829, in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 124, ch. XIV.</p>
-
-<p><a id="Footnote_179" href="#FNanchor_179" class="label">[179]</a> <span class="small1">Saint-Simon</span>, <i>Mém.</i>, 1829, in-8<sup>o</sup>, t. IV, p. 192, ch. <span class="small1">XIV</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_180" href="#FNanchor_180" class="label">[180]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 411.</p>
-
-<p><a id="Footnote_181" href="#FNanchor_181" class="label">[181]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mémoires inédits</i>, 1828, t. II, p. 46.</p>
-
-<p><a id="Footnote_182" href="#FNanchor_182" class="label">[182]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 409.</p>
-
-<p><a id="Footnote_183" href="#FNanchor_183" class="label">[183]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 153.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>, t. XLII, p. 153.</p>
-
-<p><a id="Footnote_184" href="#FNanchor_184" class="label">[184]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 104, 169, 198, 207, 208,
-215, 238.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 98, 114 (en date du 6 août 1657), p. 121
-(13 août), p. 181.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 34.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>,
-<i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 47.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. IX, p. 5 (2 janvier 1658).</p>
-
-<p><a id="Footnote_185" href="#FNanchor_185" class="label">[185]</a> <span class="small1">Guy-Patin</span>, <i>Lettres</i>, t. V, p. 145.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 421.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>,
-<i>Mém.</i>, t. LI, p. 26.&mdash;<span class="small1">Desormeaux</span>, <i>Histoire de Condé</i>,
-t. IV, p. 102.</p>
-
-<p><a id="Footnote_186" href="#FNanchor_186" class="label">[186]</a> <i>Vie de madame de Longueville</i>, édit. 1739, t. II, p. 10, 11, 18,
-22, 24 et 26.</p>
-
-<p><a id="Footnote_187" href="#FNanchor_187" class="label">[187]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 220 et 221.</p>
-
-<p><a id="Footnote_188" href="#FNanchor_188" class="label">[188]</a> <i>Vie de la duchesse de Longueville</i>; Amsterdam, 1739, in-12,
-t. II, p. 26.</p>
-
-<p><a id="Footnote_189" href="#FNanchor_189" class="label">[189]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 299.</p>
-
-<p><a id="Footnote_190" href="#FNanchor_190" class="label">[190]</a> <span class="small1">Guy-Joly</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 410.&mdash;<span class="small1">Petitot</span>, <i>Notice sur Port-Royal</i>,
-t. XXXIII, p. 137.</p>
-
-<p><a id="Footnote_191" href="#FNanchor_191" class="label">[191]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 136 (18 septembre), p. 156 (13 octobre).</p>
-
-<p><a id="Footnote_192" href="#FNanchor_192" class="label">[192]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 24, 37.&mdash;<span class="small1">Raguenet</span>, <i>Vie de Turenne</i>,
-p. 270.&mdash;<span class="small1">Desormeaux</span>, <i>Hist. de Condé</i>, t. IV, p. 103.&mdash;<span class="small1">Jacques II</span>,
-<i>Mémoires</i>, t. II, p. 116.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 120, 123, 131, 142
-(13 août, 1<sup>er</sup> et 22 septembre).&mdash;<span class="small1">Ramsay</span>, <i>Hist. de Turenne</i>, t. II,
-p. 72, 80, édit. in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_193" href="#FNanchor_193" class="label">[193]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 38 et 40.&mdash;<span class="small1">Gramont</span>, <i>Mém.</i>, t. LVI,
-p. 275, 436, 445, 452, 463, 464, 477.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 106,
-136 et 143 (21 juillet, 8 et 12 septembre).&mdash;<span class="small1">Guy-Patin</span>, <i>Lettres</i>,
-t. V, p. 137.</p>
-
-<p><a id="Footnote_194" href="#FNanchor_194" class="label">[194]</a> <span class="small1">Monglat</span>, t. LI, p. 64.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 115 et 116.</p>
-
-<p><a id="Footnote_195" href="#FNanchor_195" class="label">[195]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 162 (27 octobre).</p>
-
-<p><a id="Footnote_196" href="#FNanchor_196" class="label">[196]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 111 (28 juillet).&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 38;
-<i>Hist. de la vie et des ouvrages de la Fontaine</i>, 3<sup>e</sup> éd., t. I, p. 37.</p>
-
-<p><a id="Footnote_197" href="#FNanchor_197" class="label">[197]</a> <span class="small1">La Fontaine</span>, <i>&OElig;uvres</i>, édit. 1827, t. VI, p. 260.</p>
-
-<p><a id="Footnote_198" href="#FNanchor_198" class="label">[198]</a> Longtemps.</p>
-
-<p><a id="Footnote_199" href="#FNanchor_199" class="label">[199]</a> <span class="small1">Fouquet</span>, <i>Conclusions de ses Défenses</i>; Elzeviers, 1668, in-18,
-p. 90.</p>
-
-<p><a id="Footnote_200" href="#FNanchor_200" class="label">[200]</a> <span class="small1">Maintenon</span>, <i>Lettres</i>, 1756, in-12, t. I, p. 24, <i>lettre à madame
-Fouquet</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_201" href="#FNanchor_201" class="label">[201]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (4 mai 1672), t. I, p. 420, M.; (6 octobre 1679)
-t. V, p. 452, 455, 458; (10 et 15 novembre 1688) t. VIII, p. 149, 153;
-(19 novembre) p. 164; (6 décembre 1688) p. 192; et dans l'édition
-de Gault de Saint-Germain, voyez t. VI, p. 152; t. VIII, p. 436, 440,
-444, 446, 476; conférez 3<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, ch. VIII, p. 133.</p>
-
-<p><a id="Footnote_202" href="#FNanchor_202" class="label">[202]</a> <span class="small1">Coulanges</span>, <i>Mémoires</i>, 1820, in-8<sup>o</sup>, p. 2 et 49; conf. 3<sup>e</sup> partie,
-ch. VIII, p. 132.</p>
-
-<p><a id="Footnote_203" href="#FNanchor_203" class="label">[203]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (22 juillet 1676), t. IV, p. 382; dans G. de
-St.-G., t. V, p. 31.</p>
-
-<p><a id="Footnote_204" href="#FNanchor_204" class="label">[204]</a> <span class="small1">Coulanges</span>, <i>Mémoires</i>, p. 49.</p>
-
-<p><a id="Footnote_205" href="#FNanchor_205" class="label">[205]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (5 août 1671), t. II, p. 143; (23 août 1671)
-t. II, p. 168; (30 avril 1675) t. III, p. 264; (10 mai 1675) t. III,
-p. 266; (2 octobre 1675) t. IV, p. 13; t. V, p. 224; conférez dans
-l'édition de Gault de St.-Germain, t. II, p. 172, 202; t. III, p. 41, 383.</p>
-
-<p><a id="Footnote_206" href="#FNanchor_206" class="label">[206]</a> <span class="small1">Coulanges</span>, <i>Mémoires</i>, p. 49 et 50.</p>
-
-<p><a id="Footnote_207" href="#FNanchor_207" class="label">[207]</a> Conférez <span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 21, <i>lettre</i> du 5 février 1656.</p>
-
-<p><a id="Footnote_208" href="#FNanchor_208" class="label">[208]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, 1721, in-12, t. II p. 90; édit. in-4<sup>o</sup>, t. II, p. 109;
-<i>Supplément</i>, t. I, p. 158.&mdash;<span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 53.</p>
-
-<p><a id="Footnote_209" href="#FNanchor_209" class="label">[209]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 85, 89 de l'édit. in-12.&mdash;Ibid., t. II,
-p. 203 et 207 de l'édit. in-4<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_210" href="#FNanchor_210" class="label">[210]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 100 à 109 de l'édit. in-12, p. 137 et 335
-de l'édit. in-4<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_211" href="#FNanchor_211" class="label">[211]</a> <span class="small1">Saint-Évremond</span>, <i>lettre touchant la destinée du comte de
-Bussy-Rabutin</i>, <i>&OElig;uvres</i>, 1753, in-12, t. IX, p. 119.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>,
-<i>Mém.</i>, t. II, p. 43, édit. in-12; t. II, p. 91 et 95, édit. in-4<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_212" href="#FNanchor_212" class="label">[212]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 91, passim.</p>
-
-<p><a id="Footnote_213" href="#FNanchor_213" class="label">[213]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 105.</p>
-
-<p><a id="Footnote_214" href="#FNanchor_214" class="label">[214]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 107 et 108 de l'édit. in-12, et t. II, p. 129
-de l'édit. in-4<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_215" href="#FNanchor_215" class="label">[215]</a> Ibid., <i>Mém.</i>, t. II, p. 140 à 146, édit. in-12, et t. II, p. 171 à
-177 de l'édit. in-4<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_216" href="#FNanchor_216" class="label">[216]</a> <span class="small1">Bussy</span>, t. I, p. 456, édit. in-12, et t. I, p. 561 de l'édit. in-4<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_217" href="#FNanchor_217" class="label">[217]</a> <span class="small1">Sévigné</span> (lettre de Bussy, 4 août 1657), t. I, p. 66, édit. G, t. I,
-p. 54, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_218" href="#FNanchor_218" class="label">[218]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 109 de l'édit. in-12, ou t. II, p. 132 de
-l'édit. in-4<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_219" href="#FNanchor_219" class="label">[219]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, passage inédit inséré dans les notes sur <span class="small1">Sévigné</span>,
-<i>Lettres</i>, édit. 1820, t. I, p. 141, et <i>Lettres</i> de <span class="small1">Sévigné</span>, 29 juillet
-1668, t. I, p. 133 et 134.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 157.</p>
-
-<p><a id="Footnote_220" href="#FNanchor_220" class="label">[220]</a> Voyez 1<sup>re</sup> partie, ch. XI, p. 149 et 150.</p>
-
-<p><a id="Footnote_221" href="#FNanchor_221" class="label">[221]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 48, du 7 avril 1657.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>,
-t. XL, p. 7.&mdash;<span class="small1">Dangeau</span>, <i>Nouveaux Mémoires</i>, dans l'<i>Essai sur l'établissement
-monarchique de Louis XIV</i>, par Lemontey, p. 23.&mdash;<span class="small1">De
-Subligny</span>, <i>Muse Dauphine</i>, p. 112; <i>Hist. de la Vie et des Ouvrages
-de La Fontaine</i>, 3<sup>e</sup> édit., p. 410.&mdash;<span class="small1">La Fontaine</span>, <i>&OElig;uvres</i>,
-1827, t. VI, p. 162.</p>
-
-<p><a id="Footnote_222" href="#FNanchor_222" class="label">[222]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 153 et 155, édit. in-12.&mdash;Ibid., t. II,
-p. 179 de l'édit. in-4<sup>o</sup>.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>, <i>Hist. amour. de France</i>, 1710,
-p. 273.&mdash;Ibid., édit. 1754, t. I, p. 234.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, t. XL, p. 6.</p>
-
-<p><a id="Footnote_223" href="#FNanchor_223" class="label">[223]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 162.</p>
-
-<p><a id="Footnote_224" href="#FNanchor_224" class="label">[224]</a> <span class="small1">Saint-Évremond</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. IX, p. 119.</p>
-
-<p><a id="Footnote_225" href="#FNanchor_225" class="label">[225]</a> Le fameux cantique <i>Alleluia</i> ne se trouve point dans les deux
-premières éditions de l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, imprimées
-à Liége, sans date. La première où il se rencontre, et où se trouve
-aussi le nom de <span class="small1">Bussy</span>, est celle qui est intitulée <i>Histoire amoureuse
-de France</i>, par <span class="small1">Bussy-Rabutin</span>, 1660, petit in-12 de 237 pages.
-Conférez la 3<sup>e</sup> partie, ch. I, p. 3, et p. 447 et 448.</p>
-
-<p><a id="Footnote_226" href="#FNanchor_226" class="label">[226]</a> <i>Vie de</i> <span class="small1">Molière</span>, p. <span class="small1">XVIII</span>, dans les <i>&OElig;uvres de M. de Molière</i>,
-La Haye, 1735.&mdash;<span class="small1">La Fontaine</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. VI, p. 40, <i>lettre à de
-Maucroix</i>.&mdash;Frères <span class="small1">Parfaict</span>, <i>Hist. du Théâtre françois</i>, t. VIII,
-p. 233 à 242.</p>
-
-<p><a id="Footnote_227" href="#FNanchor_227" class="label">[227]</a> <i>Vie de Scaramouche.</i>&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. IX, p. 46, 23 mars 1658.</p>
-
-<p><a id="Footnote_228" href="#FNanchor_228" class="label">[228]</a> <span class="small1">Benserade</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. II, p. 191 à 211.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. IX, p. 8,
-26, 28, 34, 35.</p>
-
-<p><a id="Footnote_229" href="#FNanchor_229" class="label">[229]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 198 (22 décembre 1657).&mdash;Ibid., liv. IX, p. 9
-(19 janvier), et p. 45 (23 mars 1658).</p>
-
-<p><a id="Footnote_230" href="#FNanchor_230" class="label">[230]</a> Conférez le Plan de Paris de Berey, en quatre feuilles.&mdash;<span class="small1">Sauval</span>,
-<i>Hist. et Recherches sur les Antiquités de Paris</i>, t. II, p. 287.&mdash;<span class="small1">Segrais</span>,
-<i>Les Nouvelles françoises, ou les Divertissements de la
-princesse Aurélie</i>, t. I, p. 147 à 155.</p>
-
-<p><a id="Footnote_231" href="#FNanchor_231" class="label">[231]</a> <span class="small1">Sauval</span>, <i>Histoire et Recherches sur les Antiquités de Paris</i>,
-in-fol., t. I, p. 664, 666.</p>
-
-<p><a id="Footnote_232" href="#FNanchor_232" class="label">[232]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 285, 384, 389, 390.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>,
-<i>Amours des Gaules</i>, t. I, p. 25, 49, 52, 54, 56, 62, 132.</p>
-
-<p><a id="Footnote_233" href="#FNanchor_233" class="label">[233]</a> <span class="small1">Benserade</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. II, p. 191 à 211.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. IX, p. 8,
-p. 26, 28, 34 et 35.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 285, 330, 384,
-389, 408.&mdash;<span class="small1">Saint-Simon</span>, <i>Mém. complets et authentiques</i>, t. III,
-ch. <span class="small1">XII</span>.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 46.</p>
-
-<p><a id="Footnote_234" href="#FNanchor_234" class="label">[234]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. IX, p. 10 (19 janvier 1658), p. 26, 41, 127.&mdash;Ibid.,
-liv. IX, 26 février 1658.&mdash;Ibid., p. 26, 41, 127, 158.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>,
-<i>Mém.</i>, t. XLII, p. 276.</p>
-
-<p><a id="Footnote_235" href="#FNanchor_235" class="label">[235]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 47.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 114, 121,
-129.</p>
-
-<p><a id="Footnote_236" href="#FNanchor_236" class="label">[236]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, t. XLII, p. 308.</p>
-
-<p><a id="Footnote_237" href="#FNanchor_237" class="label">[237]</a> Ibid., p. 276-411.&mdash;<span class="small1">Sauval</span>, <i>Hist. et Recherches sur les Antiquités
-de Paris</i>, in-fol., t. I, p. 664.</p>
-
-<p><a id="Footnote_238" href="#FNanchor_238" class="label">[238]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 238, 255, 257, 305, 308, 309,
-345.</p>
-
-<p><a id="Footnote_239" href="#FNanchor_239" class="label">[239]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 330.&mdash;Ibid., p. 389.&mdash;<span class="small1">Loret</span>,
-<i>Muse historique</i>, liv. IX, p. 44, 284, 286, 408, 409.</p>
-
-<p><a id="Footnote_240" href="#FNanchor_240" class="label">[240]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 423.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>, t. XLII, p. 278.&mdash;<span class="small1">Loret</span>,
-liv. IX, p. 18, 67 (4 mai), p. 54 (6 avril), p. 154 (5 octobre).</p>
-
-<p><a id="Footnote_241" href="#FNanchor_241" class="label">[241]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 452.</p>
-
-<p><a id="Footnote_242" href="#FNanchor_242" class="label">[242]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 384.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>, <i>Am. des Gaules</i>,
-t. I, p. 29, édit. 1754.</p>
-
-<p><a id="Footnote_243" href="#FNanchor_243" class="label">[243]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 362.</p>
-
-<p><a id="Footnote_244" href="#FNanchor_244" class="label">[244]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 362.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. IX, p. 107
-et 112 (13 et 20 juillet 1658).&mdash;<span class="small1">Guy-Patin</span>, <i>Lettres</i>, t. V, p. 249.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>,
-t. XXXIX, p. 429, 436.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>, t. XLII, p. 344.</p>
-
-<p><a id="Footnote_245" href="#FNanchor_245" class="label">[245]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIV, p. 382.</p>
-
-<p><a id="Footnote_246" href="#FNanchor_246" class="label">[246]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mémoires inédits</i>, t. II, p. 46, et 49, 50
-et 342.</p>
-
-<p><a id="Footnote_247" href="#FNanchor_247" class="label">[247]</a> <i>Lettre autographe de Mazarin à Colbert</i>, en date du 22 octobre
-1659, cote 37 de la Bibl. du Roi.</p>
-
-<p><a id="Footnote_248" href="#FNanchor_248" class="label">[248]</a> <i>Lettres du cardinal Mazarin</i>; Amsterdam, 1745, 2 vol. in-12,
-t. I, p. 315, 368, 375; t. II, p. 62.</p>
-
-<p><a id="Footnote_249" href="#FNanchor_249" class="label">[249]</a> Cette lettre curieuse a été publiée, sur l'autographe de Mazarin,
-dans le <i>Bulletin de la Société d'Hist. de France</i>, n<sup>o</sup> VI (décembre),
-t. I, p. 176 à 188. Elle se trouvait déjà imprimée dans les <i>Lettres du
-cardinal</i> <span class="small1">Mazarin</span>, t. I, p. 303, 322, Amsterdam; 1745, in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_250" href="#FNanchor_250" class="label">[250]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mémoires</i>, t. LI, p. 115.&mdash;<span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII,
-p. 196.&mdash;<span class="small1">La Fayette</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIV, p. 384.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, t. XL,
-p. 11, 19, 23.</p>
-
-<p><a id="Footnote_251" href="#FNanchor_251" class="label">[251]</a> <span class="small1">Desormeaux</span>, <i>Hist. du grand Condé</i>, t. IV, p. 117.</p>
-
-<p><a id="Footnote_252" href="#FNanchor_252" class="label">[252]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, t. LXII, p. 317, 342.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, t. LI, p. 50, 64.&mdash;<span class="small1">Desormeaux</span>,
-<i>Hist. du grand Condé</i>, t. IV, p. 132, 145, 147, 148;
-<i>Vie de Turenne</i>, t. II, p. 101.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 433.</p>
-
-<p><a id="Footnote_253" href="#FNanchor_253" class="label">[253]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. L, p. 478.&mdash;<span class="small1">Desormeaux</span>, <i>Hist. du grand
-Condé</i>, t. IV, p. 117.&mdash;<span class="small1">Ramsay</span>, <i>Hist. du vicomte de Turenne</i>,
-t. II, p. 114.</p>
-
-<p><a id="Footnote_254" href="#FNanchor_254" class="label">[254]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Discours à ses Enfants</i>, 1694, p. 89 et 95.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>,
-t. LI, p. 56, 64.&mdash;<span class="small1">Brienne</span>, t. XXXVI, p. 240 à 243.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>,
-t. XXXIX, p. 33.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>, t. XLII, p. 343.</p>
-
-<p><a id="Footnote_255" href="#FNanchor_255" class="label">[255]</a> <i>Lettre de Mazarin à Colbert</i>, mss. de la Bibl. du Roi.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>,
-t. XL, p. 1 à 3.&mdash;<span class="small1">Choisy</span>, t. LXIII, p. 95.</p>
-
-<p><a id="Footnote_256" href="#FNanchor_256" class="label">[256]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 388.</p>
-
-<p><a id="Footnote_257" href="#FNanchor_257" class="label">[257]</a> Frères <span class="small1">Parfaict</span>, <i>Hist. du Théâtre françois</i>, t. VIII, p. 196 et
-197.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. IX, p. 169; liv. VIII, p. 77.</p>
-
-<p><a id="Footnote_258" href="#FNanchor_258" class="label">[258]</a> <i>Clélie, histoire romaine</i>, par <span class="small1">M. de Scudéry</span>, gouverneur de
-Notre-Dame de la Garde; suite de la troisième partie; chez Augustin
-Courbé, 1658, in-8<sup>o</sup>, p. 1331-1333. Conférez encore p. 1397, 1409,
-1402, 1416, 1417, 1422, 1424, 1425.</p>
-
-<p><a id="Footnote_259" href="#FNanchor_259" class="label">[259]</a> Voyez <i>Lettres de Madame de</i> <span class="small1">Sévigné</span>, t. I, p. <span class="small1">XXIV</span>, éd. de 1734.
-C'est dans cette édition que ce portrait a été imprimé pour la première
-fois, t. I, p. <span class="small1">XXXIV</span>, dans l'édit. de 1754.</p>
-
-<p><a id="Footnote_260" href="#FNanchor_260" class="label">[260]</a> <i>Vie de</i> <span class="small1">M. Costar</span>, dans <i>Tallemant des Réaux</i>;, t. VI, p. 280,
-284, édit. in-8<sup>o</sup>, 1635; et t. IV, p. 89, ou t. VII, p. 6 de l'édit. in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_261" href="#FNanchor_261" class="label">[261]</a> <i>Lettre de l'abbé Pauquet à Conrart</i>, en date du 5 mars 1652,
-extraite des manuscrits de Conrart, Bibliothèque de l'Arsenal, t. IX,
-p. 877; communiquée par M. Monmerqué.</p>
-
-<p><a id="Footnote_262" href="#FNanchor_262" class="label">[262]</a> <i>Lettres de</i> <span class="small1">M. Costar</span>; chez Augustin Courbé, Paris, 1658, in-4<sup>o</sup>;
-<i>Lettres de</i> <span class="small1">M. Costar</span>, seconde partie; chez Augustin Courbé, 1659,
-in-4<sup>o</sup>.&mdash;Costar mourut le 3 mai 1660.</p>
-
-<p><a id="Footnote_263" href="#FNanchor_263" class="label">[263]</a> <i>Lettres de</i> <span class="small1">M. Costar</span>, seconde partie: à Paris, chez Augustin
-Courbé, 1659, in-4<sup>o</sup>, p. 19, <i>lettre 199</i>, p. 308, 812.</p>
-
-<p><a id="Footnote_264" href="#FNanchor_264" class="label">[264]</a> <i>Lettres de</i> <span class="small1">M. Costar</span>, seconde partie; à Paris, chez Augustin
-Courbé, 1659, in-4<sup>o</sup>, p. 419, <i>lettre 199</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_265" href="#FNanchor_265" class="label">[265]</a> <i>Lettres de</i> <span class="small1">Costar</span>, seconde partie, p. 812, <i>lettre 308</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_266" href="#FNanchor_266" class="label">[266]</a> Voyez ci-dessus, I<sup>re</sup> partie, chap. XXXVI, p. 498, 2<sup>e</sup> édit.</p>
-
-<p><a id="Footnote_267" href="#FNanchor_267" class="label">[267]</a> <span class="small1">Ægidii Menagii</span> <i>Poemata</i>, édit. 3<sup>a</sup>, 1658, in-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_268" href="#FNanchor_268" class="label">[268]</a> <span class="small1">Ægidii Menagii</span> <i>Poemata</i>, p. 170, édit. 1680, ou p. 158, édit.
-1663.</p>
-
-<p><a id="Footnote_269" href="#FNanchor_269" class="label">[269]</a> <i>Sopra il ritratto della bellissima signora marchesa di Sevigny</i>,
-dans le <span class="small1">Menagii</span> <i>Poem.</i>, 4<sup>e</sup> édit., p. 305; 7<sup>e</sup> édit., p. 289, sonetto 2.</p>
-
-<p><a id="Footnote_270" href="#FNanchor_270" class="label">[270]</a> <i>Pianto di bella donna; madrigale per la signora marchesa
-di Sevigny</i>, madrigale 12, p. 813 de la 4<sup>e</sup> édit.</p>
-
-<p><a id="Footnote_271" href="#FNanchor_271" class="label">[271]</a> <span class="small1">Ægidii Menagii</span> <i>Poemata</i>, 3<sup>a</sup> édit., in-8<sup>o</sup>, p. 111.&mdash;Ibid., 4<sup>a</sup>
-édit., Elzeviers, 1663, in-18, liv. IV, p. 268.</p>
-
-<p><a id="Footnote_272" href="#FNanchor_272" class="label">[272]</a> <span class="small1">Ægidii Menagii</span> <i>Poemata</i>, 1680, septima editio, apud Petrum Le
-Petit, liv. IV, p. 260, et la table des matières au mot <i>Sévigny</i>.&mdash;Ibid.,
-1687; Amstelodami, apud Westenium, octava édit., p. 296, et la
-table des matières, p. 337, au mot <i>Sévigny</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_273" href="#FNanchor_273" class="label">[273]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, édit. de Monmerqué, 1820, in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 55,
-n<sup>o</sup> 29.&mdash;Ibid., édit. de Gault de Saint-Germain, t. I, p. 68, <i>lettre
-31</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_274" href="#FNanchor_274" class="label">[274]</a> <i>Lettre de madame de</i> <span class="small1">Sévigné</span> <i>à</i> <span class="small1">Ménage</span>, dans les <i>Mémoires de</i>
-<span class="small1">Coulanges</span> publiés par M. Monmerqué, 1820, in-8<sup>o</sup>, p. 324.</p>
-
-<p><a id="Footnote_275" href="#FNanchor_275" class="label">[275]</a> Voyez ci-dessus, I<sup>re</sup> partie, ch. X, de 185 à 191, surtout à la p. 182.</p>
-
-<p><a id="Footnote_276" href="#FNanchor_276" class="label">[276]</a> <span class="small1">Boileau</span>, épître IX, vers 142 à 140.&mdash;<span class="small1">Menagii</span> <i>Poemata</i>, <i>Christine</i>,
-éclogue; 4<sup>e</sup> édit., Elzeviers, p. 169 du liv. I. Éclogues et idylles,
-7<sup>e</sup> édit., 1680, in-12, p. 180. Ménage avait dit:</p>
-
-<p class="quote">Le grand, l'illustre Abel, cet esprit sans pareil,<br />
-Plus clair, plus pénétrant que les traits du soleil.</p>
-
-<p><a id="Footnote_277" href="#FNanchor_277" class="label">[277]</a> <span class="small1">Brienne</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXVI, p. 244.</p>
-
-<p><a id="Footnote_278" href="#FNanchor_278" class="label">[278]</a> <span class="small1">Desormeaux</span>, <i>Hist. de Louis de Bourbon, second du nom,
-prince de Condé</i>, t. IV, p. 162.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, t. XL, p. 39.</p>
-
-<p><a id="Footnote_279" href="#FNanchor_279" class="label">[279]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. X, p. 190 (6 décembre 1659).&mdash;<span class="small1">Guy-Joly</span>, <i>Mém.</i>,
-t. XLVII, p. 435.</p>
-
-<p><a id="Footnote_280" href="#FNanchor_280" class="label">[280]</a> <i>Hist. de la Mon. fr.</i>, 1697, t. II, p. 14.&mdash;<i>Mém.</i> de <span class="small1">Rais</span>, 1836,
-t. I, p. 584 de la collect. Michaud.</p>
-
-<p><a id="Footnote_281" href="#FNanchor_281" class="label">[281]</a> Le 2 février 1661. Voy. <span class="small1">Loret</span>, liv. XI, p. 24 (<i>lettre</i> du 7 février).</p>
-
-<p><a id="Footnote_282" href="#FNanchor_282" class="label">[282]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XI, p. 133-136.&mdash;<span class="small1">La Fontaine</span>, <i>&OElig;uvres</i>, édit. 1827,
-t. VI, p. 458 à 467.</p>
-
-<p><a id="Footnote_283" href="#FNanchor_283" class="label">[283]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. X, p. 23 (9 février), 28, 31, 35, 46,
-53, 68, 70, 77, 83.&mdash;<span class="small1">Benserade</span>, <i>&OElig;uvres</i>, p. 207.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>,
-t. XLII, p. 407.</p>
-
-<p><a id="Footnote_284" href="#FNanchor_284" class="label">[284]</a> <i>Journal contenant la relation véritable du voyage du Roi et
-de son Éminence</i>, 1659, in-4<sup>o</sup> (12 décembre 1659).&mdash;<i>Suite du Journal
-historique du Voyage.</i>&mdash;<i>Journal historique</i>, 3<sup>e</sup> partie.&mdash;<i>Traité
-de paix</i> en 124 articles, signé le 7 novembre 1659; in-4<sup>o</sup>,
-64 pages.&mdash;<i>Nouveau Journal historique, contenant la relation
-véritable de ce qui s'est passé au voyage de Son Éminence et aux
-cérémonies du mariage de Sa Majesté, célébrées à Fontainebleau
-et à Saint-Jean de Luz</i>; 1660, in-4<sup>o</sup> (22 mai).&mdash;<i>Nouvelle Relation
-contenant l'entretien et le serment des Rois</i>; 1660, in-4<sup>o</sup>.&mdash;<i>Suite de
-la nouvelle Relation contenant la marche de Leurs Majestés</i>; 1660,
-in-4<sup>o</sup>, 8 pages (avec le portrait de Marie-Thérèse, par Larmesin).&mdash;<i>Relation
-du Retour de Leurs Majestés jusqu'à Fontainebleau</i>,
-8 pages.&mdash;<i>Le triomphe de la France pour l'entrée royale de
-Leurs Majestés</i>; 1660, in-4<sup>o</sup>.&mdash;<i>Nouvelle Relation de l'Entrée royale</i>,
-le 26 août 1660; in-4<sup>o</sup> de 24 pages.&mdash;<i>La véritable Explication en
-prose et en vers des figures thermes, etc.</i>; 1660, in-4<sup>o</sup> de 20 pages.</p>
-
-<p><a id="Footnote_285" href="#FNanchor_285" class="label">[285]</a> Conférez <i>Lettres du cardinal</i> <span class="small1">Mazarin</span>, 2 vol., 1745, in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_286" href="#FNanchor_286" class="label">[286]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, lib. X, p. 97.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>,
-t. XL, p. 6.</p>
-
-<p><a id="Footnote_287" href="#FNanchor_287" class="label">[287]</a> <span class="small1">Chapuzeau</span>, <i>Hist. du Théâtre françois</i>, p. 139-185.</p>
-
-<p><a id="Footnote_288" href="#FNanchor_288" class="label">[288]</a> Voyez <span class="small1">Chapuzeau</span>, <i>Hist. du Théâtre franç.</i>, 1674, in-12, p. 121
-et 156.&mdash;Les frères <span class="small1">Parfaict</span>, <i>Hist. du Théâtre franç.</i>, t. XI, p. 284
-à 326.</p>
-
-<p><a id="Footnote_289" href="#FNanchor_289" class="label">[289]</a> Frères <span class="small1">Parfaict</span>, <i>Hist. du Théâtre franç.</i>, t. VIII, p. 18.</p>
-
-<p><a id="Footnote_290" href="#FNanchor_290" class="label">[290]</a> <i>Ibid.</i>, t. XI, p. 326.&mdash;<span class="small1">Aimé Martin</span>, <i>Hist. de la Troupe de Molière</i>,
-dans son édition de Molière, t. I, p. <span class="small1">CLXXXVI</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_291" href="#FNanchor_291" class="label">[291]</a> <span class="small1">De La Marinière</span>, <i>Estat général des officiers de la maison du
-Roy</i>, 1660, in-8<sup>o</sup>, p. 84: «TAPISSIERS, Jean Poquelin et Jean son
-fils [c'est Molière], en survivance, 300 livres.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_292" href="#FNanchor_292" class="label">[292]</a> <span class="small1">Tallemant des Réaux</span>, <i>Mém.</i>, t. VI, p. 22, édit. in-8<sup>o</sup>, et t. X,
-p. 51, édit. in-12.&mdash;<i>&OElig;uvres de</i> <span class="small1">La Fontaine</span>, t. VI, p. 509, édit. 1823.</p>
-
-<p><a id="Footnote_293" href="#FNanchor_293" class="label">[293]</a> <span class="small1">Chapuzeau</span>, <i>Hist. du Théâtre franç.</i>, 1678, in-12, p. 139.</p>
-
-<p><a id="Footnote_294" href="#FNanchor_294" class="label">[294]</a> <span class="small1">Beauchamps</span>, <i>Recherches sur les Théâtres de France</i>, t. III,
-p. 146 et 364.</p>
-
-<p><a id="Footnote_295" href="#FNanchor_295" class="label">[295]</a> Conférez <i>le Cercle des Femmes, ou le Secret du lit nuptial</i>,
-de <span class="small1">Chapuzeau</span>, 1656.</p>
-
-<p><a id="Footnote_296" href="#FNanchor_296" class="label">[296]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. X, p. 192 (6 décembre 1659).</p>
-
-<p><a id="Footnote_297" href="#FNanchor_297" class="label">[297]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mém. inédits</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_298" href="#FNanchor_298" class="label">[298]</a> <i>&OElig;uvres de</i> <span class="small1">Benserade</span>, t. II, p. 207.</p>
-
-<p><a id="Footnote_299" href="#FNanchor_299" class="label">[299]</a> <span class="small1">Bodeau de Somaize</span>, <i>les Véritables Précieuses</i>, 1660, préface, p. 1.</p>
-
-<p><a id="Footnote_300" href="#FNanchor_300" class="label">[300]</a> <i>Ménagiana</i>, t. II, p. 65.</p>
-
-<p><a id="Footnote_301" href="#FNanchor_301" class="label">[301]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse histor.</i>, liv. X, p. 24, 109, 151, 297.&mdash;Les frères
-<span class="small1">Parfaict</span>, <i>Hist. du Théâtre franç.</i>, t. VIII, p. 297.&mdash;<span class="small1">François de
-Neufchateau</span>, <i>Esprit du grand Corneille</i>, p. 254.</p>
-
-<p><a id="Footnote_302" href="#FNanchor_302" class="label">[302]</a> <span class="small1">Tallemant des Réaux</span>, <i>Mémoires</i>, t. VI, p. 189, 195, 205 de
-l'édit. in 8<sup>o</sup>, ou t. X, p. 191, 196, 207.&mdash;Extraits des <i>manuscrits de
-Pierre le Gouz</i>, dans <span class="small1">Barrière</span>, <i>La cour et la Ville sous Louis XIV
-et Louis XV</i>, p. 53.</p>
-
-<p><a id="Footnote_303" href="#FNanchor_303" class="label">[303]</a> <span class="small1">Boileau</span>, satire VIII, v. 143 à 146, t. I, p. 126, édit. de Saint-Marc,
-1747.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. IX, p. 199; <i>ibid.</i>, liv. X,
-p. 19, <i>lettre</i> du 1<sup>er</sup> février 1659.</p>
-
-<p><a id="Footnote_304" href="#FNanchor_304" class="label">[304]</a> <i>Journal du Palais</i>, 4<sup>e</sup> édition, 1755, in-fol., t. I, p. 780-789;
-<span class="small1">Lamoignon</span>, <i>Plaidoyer pour le Congrès</i>, 1680, in-18, p. 6; <span class="small1">Boucher</span>
-d'<span class="small1">Argis</span>, <i>Principes sur la nullité du mariage pour cause d'impuissance</i>,
-1756, in-8<sup>o</sup>, p. 5, 63.</p>
-
-<p><a id="Footnote_305" href="#FNanchor_305" class="label">[305]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mém. inéd.</i>, t. II, p. 142.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>,
-<i>Mém.</i>, t. XLII, p. 536.&mdash;<span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 345.&mdash;<span class="small1">Loret</span>,
-liv. XII, p. 41 (<i>lettre</i> du 13 mars 1661).&mdash;<span class="small1">Coulanges</span>, <i>Mém.</i>, p. 379.</p>
-
-<p><a id="Footnote_306" href="#FNanchor_306" class="label">[306]</a> <span class="small1">Louis XIV</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. V, p. 8.</p>
-
-<p><a id="Footnote_307" href="#FNanchor_307" class="label">[307]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i> t. XL, p. 115.</p>
-
-<p><a id="Footnote_308" href="#FNanchor_308" class="label">[308]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. L, p. 112-114.</p>
-
-<p><a id="Footnote_309" href="#FNanchor_309" class="label">[309]</a> <span class="small1">Guy-Patin</span>, <i>Lettres</i>, t. V, p. 205 (<i>lettre</i> du 5 avril 1661).</p>
-
-<p><a id="Footnote_310" href="#FNanchor_310" class="label">[310]</a> <span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 289.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, t. XL, p. 111-137.&mdash;<span class="small1">La
-Fayette</span>, t. LXIV, p. 145.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, t. XII, p. 71 (7 mai),
-p. 95 (9 janvier).</p>
-
-<p><a id="Footnote_311" href="#FNanchor_311" class="label">[311]</a> <span class="small1">Gramont</span>, <i>Mém.</i>, t. LVII, p. 88.</p>
-
-<p><a id="Footnote_312" href="#FNanchor_312" class="label">[312]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XL, p. 134 et 136.&mdash;<span class="small1">La Fayette</span>, t. LXIV,
-p. 397 à 402.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, t. LI, p. 119.&mdash;<i>Hist. de la Vie et des
-Ouvrages de la Fontaine</i>, 3<sup>e</sup> édit., p. 84 à 85.</p>
-
-<p><a id="Footnote_313" href="#FNanchor_313" class="label">[313]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIV, p. 375, 381, 391, 393.</p>
-
-<p><a id="Footnote_314" href="#FNanchor_314" class="label">[314]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, t. XLIII, p. 21.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, t. XL, p. 124.&mdash;<span class="small1">La
-Fayette</span>, t. LXIV, p. 400.</p>
-
-<p><a id="Footnote_315" href="#FNanchor_315" class="label">[315]</a> <span class="small1">Choisy</span>, t. LXIII, p. 237.</p>
-
-<p><a id="Footnote_316" href="#FNanchor_316" class="label">[316]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Histoire d'Henriette</i>, t. LXIV, p. 409, 411.&mdash;<span class="small1">Bussy-Rabutin</span>,
-<i>Histoire amoureuse des Gaules</i>; <i>Galanteries de la Cour
-de France</i>; <i>la France galante</i>; <i>Amours des Dames illustres</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_317" href="#FNanchor_317" class="label">[317]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 58 et 60, édit. Monmerqué.</p>
-
-<p><a id="Footnote_318" href="#FNanchor_318" class="label">[318]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XII, p. 173 (6 novembre 1665).&mdash;<span class="small1">Motteville</span>,
-t. XL, p. 154.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>, t. XLIII, p. 21.</p>
-
-<p><a id="Footnote_319" href="#FNanchor_319" class="label">[319]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XII, p. 55 (2 avril 1661).</p>
-
-<p><a id="Footnote_320" href="#FNanchor_320" class="label">[320]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 108.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. XI, p. 188 (27 novembre
-1660).&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. XII, p. 61 (23 avril 1661).</p>
-
-<p><a id="Footnote_321" href="#FNanchor_321" class="label">[321]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XII, p. 39.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, t. XL, p. 89 (5 mars 1661).</p>
-
-<p><a id="Footnote_322" href="#FNanchor_322" class="label">[322]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, t. XII, p. 39.&mdash;<span class="small1">Guy-Patin</span>, <i>Lettres</i>,
-t. V, p. 201.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, t. XL, p. 89.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>, t. XLIII,
-p. 3.</p>
-
-<p><a id="Footnote_323" href="#FNanchor_323" class="label">[323]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 333, 334, 336.&mdash;<span class="small1">Gui-Joly</span>, <i>Mém.</i>,
-t. XLVII, p. 339.</p>
-
-<p><a id="Footnote_324" href="#FNanchor_324" class="label">[324]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, t. XII, p. 14 (22 avril 1661).</p>
-
-<p><a id="Footnote_325" href="#FNanchor_325" class="label">[325]</a> <span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 289.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, <i>Muse histor.</i>, liv. XI,
-p. 142; liv. XII, p. 30 et 34.&mdash;<span class="small1">Benserade</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. II, p. 217, 231.</p>
-
-<p><a id="Footnote_326" href="#FNanchor_326" class="label">[326]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XII, p. 19 et 31.&mdash;<span class="small1">François de Neufchateau</span>,
-<i>Esprit du grand Corneille</i>, p. 265 à 281.</p>
-
-<p><a id="Footnote_327" href="#FNanchor_327" class="label">[327]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XI, p. 170, <i>lettre</i> du 30 octobre
-1660; liv. XII, p. 110, 129, 136, 183 et 184; <i>lettres</i> des 17 juin 1660,
-20, 27 août et 19 novembre 1661.</p>
-
-<p><a id="Footnote_328" href="#FNanchor_328" class="label">[328]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 120.&mdash;<i>Hist. de la Vie et des Ouvrages
-de La Fontaine</i>, p. 74 à 91.&mdash;<span class="small1">La Fontaine</span>, <i>&OElig;uvres</i>, édit. 1827,
-t. V, p. 473.</p>
-
-<p><a id="Footnote_329" href="#FNanchor_329" class="label">[329]</a> <span class="small1">Noual de la Houssaye</span>, <i>Voyage au mont Saint-Michel et à la
-Roche aux Fées</i>, 1811, in-18.&mdash;<span class="small1">Piganiol de la Force</span>, <i>Nouvelle
-Description de la France</i>, 1754, in-12, t. IX, p. 521.&mdash;Martin <span class="small1">Zeiller</span>,
-<i>Topographia Galliæ</i>; Francofurti, pars 8, p. 20, 1657, in-folio.</p>
-
-<p><a id="Footnote_330" href="#FNanchor_330" class="label">[330]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (en date du 9 mai 1689), t. VIII, p. 469, édit.
-de Monmerqué.&mdash;<i>Ibid.</i>, t. IX, p. 301, édit. de G. de S.-Germ.</p>
-
-<p><a id="Footnote_331" href="#FNanchor_331" class="label">[331]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, t. VIII, p. 463, édit. de Monmerqué, note <i>a</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_332" href="#FNanchor_332" class="label">[332]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, édit. de Monmerqué, 1820, in-8<sup>o</sup>, t. VIII,
-p. 463. M. Monmerqué a trouvé une copie de cette lettre dans le ms.
-n<sup>o</sup> 902, in-fol., t. IX, p. 484, de la Bibliothèque de l'Arsenal.</p>
-
-<p><a id="Footnote_333" href="#FNanchor_333" class="label">[333]</a> <span class="small1">Louis XIV</span>, <i>Mémoires historiques, &OElig;uvres</i>, t. I, p. 9 à 57.</p>
-
-<p><a id="Footnote_334" href="#FNanchor_334" class="label">[334]</a> <span class="small1">Gourville</span>, t. LII, p. 331, 332, 334.&mdash;<span class="small1">Gramont</span>, <i>Mémoires</i>,
-t. LVII, p. 89.</p>
-
-<p><a id="Footnote_335" href="#FNanchor_335" class="label">[335]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 480.</p>
-
-<p><a id="Footnote_336" href="#FNanchor_336" class="label">[336]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 426.</p>
-
-<p><a id="Footnote_337" href="#FNanchor_337" class="label">[337]</a> <i>La Toison d'Or</i>, prologue, scène 1, vers 30-23, <i>Théâtre de</i> <span class="small1">Pierre
-Corneille</span>, revu et corrigé par l'auteur, 1692, in-12, t. IV, p. 246.</p>
-
-<p><a id="Footnote_338" href="#FNanchor_338" class="label">[338]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mém. inéd.</i>; t. II, p. 156, 157; <span class="small1">Choisy</span>,
-<i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 209, 211, 223.</p>
-
-<p><a id="Footnote_339" href="#FNanchor_339" class="label">[339]</a> <span class="small1">Mazarin</span>, <i>Lettres</i>, 1745, in-12, t. I, p. 2, 15, 27 (<i>lettres au
-Roi</i>, des 29, 30 juin et 2 juillet 1659).</p>
-
-<p><a id="Footnote_340" href="#FNanchor_340" class="label">[340]</a> <span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 192.</p>
-
-<p><a id="Footnote_341" href="#FNanchor_341" class="label">[341]</a> <span class="small1">Desormeaux</span>, <i>Hist. de Condé</i>, t. IV, p. 189.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>,
-t. LI.</p>
-
-<p><a id="Footnote_342" href="#FNanchor_342" class="label">[342]</a> <i>Recueil de quelques Pièces nouvelles et galantes</i>, Cologne,
-Pierre Marteau, 1667, 2<sup>e</sup> partie, p. 79 à 80.&mdash;<span class="small1">Monmerqué</span>, <i>Biographie
-universelle</i>, t. XXXV, p. 32, article <i>Pomponne</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_343" href="#FNanchor_343" class="label">[343]</a> <i>Lettres et pièces tirées des manuscrits de</i> <span class="small1">Pomponne</span>, à la suite
-des <i>Mémoires de Coulanges</i>; Paris, J.-J. Blaise, 1820, p. 376.</p>
-
-<p><a id="Footnote_344" href="#FNanchor_344" class="label">[344]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, t. I, <i>Lettres</i>, p. 59 (<i>lettre</i> en date du 11 octobre 1661).</p>
-
-<p><a id="Footnote_345" href="#FNanchor_345" class="label">[345]</a> Louis XIV, <i>Instructions au Dauphin</i>, t. I, p. 103 des <i>&OElig;uvres</i>
-(année 1661).</p>
-
-<p><a id="Footnote_346" href="#FNanchor_346" class="label">[346]</a> <span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 111.</p>
-
-<p><a id="Footnote_347" href="#FNanchor_347" class="label">[347]</a> <span class="small1">La Fontaine</span>, <i>lettre</i> à de Maucroix, <i>&OElig;uvres</i>, t. VI, p. 484.&mdash;<span class="small1">Loret</span>,
-liv. XII, p. 142, 143 et 154.&mdash;<span class="small1">Racine</span>, <i>Fragments historiques</i>,
-dans les <i>Mémoires sur la Vie de J. Racine</i>, 1747, in-12,
-part. 2, p. 22.</p>
-
-<p><a id="Footnote_348" href="#FNanchor_348" class="label">[348]</a> <span class="small1">Louis XIV</span>, <i>Instructions au Dauphin</i>, dans les <i>&OElig;uvres</i>, t. I,
-p. 101 à 113.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, t. XL, p. 139.</p>
-
-<p><a id="Footnote_349" href="#FNanchor_349" class="label">[349]</a> <span class="small1">Fouquet</span>, <i>Défenses</i>, édit. Elzev., 1665, in-18, t. II, p. 58, 60, 81,
-91.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. L, p. 398; t. LI, p. 70.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, <i>Muse
-historique</i>, liv. IV, p. 20; liv. X, p. 29 (<i>lettres</i> du 8 février 1653
-et du 22 février 1659).</p>
-
-<p><a id="Footnote_350" href="#FNanchor_350" class="label">[350]</a> <span class="small1">Pellisson</span>, <i>2<sup>e</sup> Discours</i> pour Fouquet, t. II, p. 120 des <i>&OElig;uvres
-diverses</i>, 1735, in-12 (<i>Lettres et Provisions de MM. Servien et Fouquet,
-de la surintendance des finances</i>, en date du 8 février 1653);
-dans <span class="small1">Fouquet</span>, <i>Défenses</i>, t. II, p. 353.&mdash;<i>Ibid.</i>, t. I, p. 50; t. II, p. 58.</p>
-
-<p><a id="Footnote_351" href="#FNanchor_351" class="label">[351]</a> <span class="small1">Pellisson</span>, <i>&OElig;uvres diverses</i>, t. II, p. 144, 145, 150.</p>
-
-<p><a id="Footnote_352" href="#FNanchor_352" class="label">[352]</a> <span class="small1">Pellisson</span>, <i>2<sup>e</sup> Discours au Roi pour la Défense de Fouquet</i>,
-dans les <i>&OElig;uvres diverses</i>, t. II, p. 152, 154, 160.</p>
-
-<p><a id="Footnote_353" href="#FNanchor_353" class="label">[353]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 314, 317, 318, 319, 322.</p>
-
-<p><a id="Footnote_354" href="#FNanchor_354" class="label">[354]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 314 et 319.</p>
-
-<p><a id="Footnote_355" href="#FNanchor_355" class="label">[355]</a> <span class="small1">Pellisson</span>, <i>2<sup>e</sup> Discours au Roi</i>, t. II, p. 136 et 149.</p>
-
-<p><a id="Footnote_356" href="#FNanchor_356" class="label">[356]</a> <span class="small1">Pellisson</span>, <i>2<sup>e</sup> Discours, &OElig;uvres diverses</i>, t. II, p. 131.</p>
-
-<p><a id="Footnote_357" href="#FNanchor_357" class="label">[357]</a> <span class="small1">Pellisson</span>, <i>&OElig;uvres diverses</i>, t. II, p. 96 et 108.</p>
-
-<p><a id="Footnote_358" href="#FNanchor_358" class="label">[358]</a> Ibid. p. 138.</p>
-
-<p><a id="Footnote_359" href="#FNanchor_359" class="label">[359]</a> <span class="small1">Pellisson</span>, <i>&OElig;uvres diverses</i>, t. II, p. 132.</p>
-
-<p><a id="Footnote_360" href="#FNanchor_360" class="label">[360]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 322.</p>
-
-<p><a id="Footnote_361" href="#FNanchor_361" class="label">[361]</a> <i>De la Production de</i> <span class="small1">M. Fouquet</span> <i>contre celle de</i> <span class="small1">M. Talon</span>, t. III
-des <i>Défenses</i>, p. 350 à 368.</p>
-
-<p><a id="Footnote_362" href="#FNanchor_362" class="label">[362]</a> <span class="small1">Pellisson</span>, <i>2<sup>e</sup> Discours</i>, t. II, p. 141 à 176.</p>
-
-<p><a id="Footnote_363" href="#FNanchor_363" class="label">[363]</a> <span class="small1">Fouquet</span>, <i>Défenses</i>, t. II, p. 333; t. III, p. 233.&mdash;<span class="small1">Pellisson</span>,
-<i>&OElig;uvres diverses</i>, t. II, p. 262.</p>
-
-<p><a id="Footnote_364" href="#FNanchor_364" class="label">[364]</a> <span class="small1">Fouquet</span>, <i>Défenses</i>, t. III, p. 138.</p>
-
-<p><a id="Footnote_365" href="#FNanchor_365" class="label">[365]</a> <span class="small1">Fouquet</span>, t. III des <i>Défenses</i>, p. 181, 186 et 201.&mdash;<span class="small1">Louis XIV</span>,
-<i>&OElig;uvres</i>, t. II, p. 25.</p>
-
-<p><a id="Footnote_366" href="#FNanchor_366" class="label">[366]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. X, p. 114; liv. XI, p. 113; liv. XII, p. 14, 109, 129,
-132, 136.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 81.</p>
-
-<p><a id="Footnote_367" href="#FNanchor_367" class="label">[367]</a> <span class="small1">Louis XIV</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. I, p. 102.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII,
-p. 368.&mdash;<span class="small1">Sauval</span>, <i>Amours des Rois de France</i>, t. II, p. 111;
-<i>Vie de Maucroix</i>; <i>Histoire de la Vie et des Ouvrages de</i> <span class="small1">La
-Fontaine</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_368" href="#FNanchor_368" class="label">[368]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 107, 108, 142, 170 et 171.&mdash;<span class="small1">Fouquet</span>, <i>Défenses</i>,
-t. VIII, p. 105.</p>
-
-<p><a id="Footnote_369" href="#FNanchor_369" class="label">[369]</a> <span class="small1">Des Maizeaux</span>, <i>Vie de Saint-Évremond</i>, dans les <i>&OElig;uvres de</i>
-<span class="small1">Saint-Évremond</span>, t. I, p. 36 et 52.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 106.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>,
-t. XL, p. 140.</p>
-
-<p><a id="Footnote_370" href="#FNanchor_370" class="label">[370]</a> <i>Vie de Colbert</i> (par Sandraz de Courtils); Cologne, 1695, p. 4.</p>
-
-<p><a id="Footnote_371" href="#FNanchor_371" class="label">[371]</a> <span class="small1">Fouquet</span>, <i>Défenses</i>, t. II, p. 26 et 36.&mdash;<span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII,
-p. 326.&mdash;<span class="small1">Saint-Simon</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. I, p. 221 (octobre 1659), t. IX,
-p. 274 (janvier 1660); ibid., t. IX, p. 280, 282.</p>
-
-<p><a id="Footnote_372" href="#FNanchor_372" class="label">[372]</a> <span class="small1">Saint-Simon</span>, <i>&OElig;uvres complètes</i>, édit. 1791, t. IX, p. 274 à 287;
-<span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 326.</p>
-
-<p><a id="Footnote_373" href="#FNanchor_373" class="label">[373]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 322 et 325.&mdash;<span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII,
-p. 251.</p>
-
-<p><a id="Footnote_374" href="#FNanchor_374" class="label">[374]</a> <i>Lettres</i> de <span class="small1">Colbert</span> à <span class="small1">Mazarin</span>, <i>mss. autographes à la Bibliothèque
-du Roi</i>.&mdash;<span class="small1">Saint-Simon</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. IX, p. 274, 287, édit.
-1791.</p>
-
-<p><a id="Footnote_375" href="#FNanchor_375" class="label">[375]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 337, 338 et 340.</p>
-
-<p><a id="Footnote_376" href="#FNanchor_376" class="label">[376]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 92, 93, 111.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, t. XL,
-p. 100.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. X, p. 166.&mdash;<i>Lettres du cardinal</i> <span class="small1">Mazarin</span>,
-1745, in-12, t. I, p. 2, 15, 20, 27, 42, 62, 315, 318, 375, 377; t. II,
-p. 301.</p>
-
-<p><a id="Footnote_377" href="#FNanchor_377" class="label">[377]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XL, p. 80.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. XI, p. 117.</p>
-
-<p><a id="Footnote_378" href="#FNanchor_378" class="label">[378]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mémoires inédits</i>, t. II, p. 131.</p>
-
-<p><a id="Footnote_379" href="#FNanchor_379" class="label">[379]</a> <span class="small1">Fouquet</span>, <i>Défenses</i>, t. II, p. 21. Si l'on en croit Fouquet, la fortune
-de Mazarin se montait à 40 ou 50 millions, 80 ou 100 millions
-de notre monnaie actuelle.</p>
-
-<p><a id="Footnote_380" href="#FNanchor_380" class="label">[380]</a> <span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 198, 201.</p>
-
-<p><a id="Footnote_381" href="#FNanchor_381" class="label">[381]</a> <span class="small1">Mazarin</span>, <i>Lettres</i>, 1745, in-12, t. I, p. 70 à 81, 282 et 286, 363
-à 368; <i>lettres</i> en date des 16 juillet, 28 et 29 août 1659.</p>
-
-<p><a id="Footnote_382" href="#FNanchor_382" class="label">[382]</a> <span class="small1">Mazarin</span>, <i>Lettres</i>, 2 vol. in-12, 1745, t. I, p. 284 et 286, du
-26 août 1659.</p>
-
-<p><a id="Footnote_383" href="#FNanchor_383" class="label">[383]</a> <span class="small1">Gramont</span>, <i>Mémoires</i>, t. LVII, p. 89.</p>
-
-<p><a id="Footnote_384" href="#FNanchor_384" class="label">[384]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. X, p. 83 (en date du 31 mai 1659).</p>
-
-<p><a id="Footnote_385" href="#FNanchor_385" class="label">[385]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mémoires inédits</i>, 1828, in-8<sup>o</sup>, t. II, p. 299,
-ch. <span class="small1">XIII</span>.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. XI, p. 182 (20 novembre 1660).</p>
-
-<p><a id="Footnote_386" href="#FNanchor_386" class="label">[386]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 112.</p>
-
-<p><a id="Footnote_387" href="#FNanchor_387" class="label">[387]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mémoires inédits</i>, t. II, p. 111.</p>
-
-<p><a id="Footnote_388" href="#FNanchor_388" class="label">[388]</a> <span class="small1">Pomponne</span>, <i>lettre à Arnauld d'Andilly</i>, en date du 9 mars,
-<i>Mém. de Coulanges</i>, p. 381.&mdash;<span class="small1">La Fayette</span>, <i>Mém.</i>, t LXIV, p. 375, 377.</p>
-
-<p><a id="Footnote_389" href="#FNanchor_389" class="label">[389]</a> <i>Lettre de</i> <span class="small1">Pomponne</span> <i>à Arnauld d'Andilly</i>, <i>Mém. de</i> <span class="small1">Coulanges</span>,
-p. 378.</p>
-
-<p><a id="Footnote_390" href="#FNanchor_390" class="label">[390]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Lettres</i>, t. VI, p. 12 et 15.</p>
-
-<p><a id="Footnote_391" href="#FNanchor_391" class="label">[391]</a> <span class="small1">Pomponne</span>, <i>lettre à Arnauld d'Andilly</i>, <i>Mém. de</i> <span class="small1">Coulanges</span>,
-p. 378; <i>lettre</i> en date du 4 février 1661.</p>
-
-<p><a id="Footnote_392" href="#FNanchor_392" class="label">[392]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XL, p. 104.</p>
-
-<p><a id="Footnote_393" href="#FNanchor_393" class="label">[393]</a> <span class="small1">Pomponne</span>, <i>lettre à Arnauld d'Andilly</i>, dans les <i>Mém.</i> de <span class="small1">Coulanges</span>,
-p. 379.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XL, p. 132.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>,
-t. LI, p. 123.</p>
-
-<p><a id="Footnote_394" href="#FNanchor_394" class="label">[394]</a> <span class="small1">Fouquet</span>, <i>Recueil des Défenses</i>, t. I, p. 61.&mdash;<span class="small1">Louis xiv</span>, <i>&OElig;uvres</i>,
-t. I, p. 33.&mdash;Conférez ci-dessus, p. 213 et 220.</p>
-
-<p><a id="Footnote_395" href="#FNanchor_395" class="label">[395]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 325.</p>
-
-<p><a id="Footnote_396" href="#FNanchor_396" class="label">[396]</a> <span class="small1">Pelisson</span>, <i>&OElig;uvres inédites</i>, t. II, p. 114, 116.</p>
-
-<p><a id="Footnote_397" href="#FNanchor_397" class="label">[397]</a> Conférez <span class="small1">Mignet</span>, <i>Introduction aux négociations relatives à
-la succession d'Espagne sous Louis XIV</i>, t. I, p. <span class="small1">LVI</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_398" href="#FNanchor_398" class="label">[398]</a> <span class="small1">Choisy</span>, t. LXIII, p. 248.</p>
-
-<p><a id="Footnote_399" href="#FNanchor_399" class="label">[399]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 53.</p>
-
-<p><a id="Footnote_400" href="#FNanchor_400" class="label">[400]</a> <i>Lettre de Pomponne à Arnauld d'Andilly</i>, en date du 19 mars
-1661, dans les <i>Mém.</i> de <span class="small1">Coulanges</span>, p. 382, in-8<sup>o</sup>.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>,
-t. XL, p. 132.</p>
-
-<p><a id="Footnote_401" href="#FNanchor_401" class="label">[401]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIV, p. 376.</p>
-
-<p><a id="Footnote_402" href="#FNanchor_402" class="label">[402]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XL, p. 158.</p>
-
-<p><a id="Footnote_403" href="#FNanchor_403" class="label">[403]</a> <span class="small1">Guy-Joly</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 445.</p>
-
-<p><a id="Footnote_404" href="#FNanchor_404" class="label">[404]</a> <span class="small1">Pellisson</span>, <i>&OElig;uvres mêlées</i>, t. II, p. 120 et 123.&mdash;<span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>,
-t. LXIII, p. 122.</p>
-
-<p><a id="Footnote_405" href="#FNanchor_405" class="label">[405]</a> <span class="small1">Fouquet</span>, <i>Défenses</i>, t. II, p. 26 et 36, et ci-dessus.</p>
-
-<p><a id="Footnote_406" href="#FNanchor_406" class="label">[406]</a> <span class="small1">Gourville</span>, t. LIII, p. 337, 346.&mdash;<span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mém.
-inédits</i>, t. II, p. 179.&mdash;<span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 248, 249, 251, 261,
-262, 263.</p>
-
-<p><a id="Footnote_407" href="#FNanchor_407" class="label">[407]</a> <i>Lettre de</i> <span class="small1">Mazarin</span> <i>à Colbert</i>, en date du 22 octobre 1659, <i>mss.
-de la Bibliothèque du Roi</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_408" href="#FNanchor_408" class="label">[408]</a> <i>Vie de</i> <span class="small1">Jacques II</span>, <i>roi d'Angleterre, d'après les Mémoires
-écrits de sa propre main</i>, in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 124 à 137.</p>
-
-<p><a id="Footnote_409" href="#FNanchor_409" class="label">[409]</a> <span class="small1">Forbonnais</span>, <i>Recherches et considérations sur les finances de
-France</i>, édit. in-12, 1758, t. II, p. 120, 121.</p>
-
-<p><a id="Footnote_410" href="#FNanchor_410" class="label">[410]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, dans ses <i>&OElig;uvres</i>, t. V, p. 54.&mdash;Ibid., <i>Instructions
-de Louis XIV pour le Dauphin</i>, dans ses <i>&OElig;uvres</i>, t. II, p. 57.</p>
-
-<p><a id="Footnote_411" href="#FNanchor_411" class="label">[411]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. V, p. 53, <i>lettre à la reine-mère</i>, en date
-du 5 septembre.&mdash;<span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 248 à 251.</p>
-
-<p><a id="Footnote_412" href="#FNanchor_412" class="label">[412]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIV, p. 317, 377, 404, 413.</p>
-
-<p><a id="Footnote_413" href="#FNanchor_413" class="label">[413]</a> <i>Histoire de la Vie et des Ouvrages de</i> <span class="small1">La Fontaine</span>, 3<sup>e</sup> édit.,
-p. 70.&mdash;Idem, <i>&OElig;uvres complètes de</i> <i>La Fontaine</i>, édit. 1827,
-t. VI, p. 473.</p>
-
-<p><a id="Footnote_414" href="#FNanchor_414" class="label">[414]</a> <span class="small1">Racine</span>, <i>Fragments historiques</i>, t. VI, p. 335 des <i>&OElig;uvres</i>,
-édit. de Geoffroy.&mdash;<span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mémoires inédits</i>, t. II,
-p. 177.&mdash;<span class="small1">Choisy</span>, <i>Mémoires</i>, t. LXIII, p. 253.</p>
-
-<p><a id="Footnote_415" href="#FNanchor_415" class="label">[415]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mémoires</i>, t. XL, p. 132.</p>
-
-<p><a id="Footnote_416" href="#FNanchor_416" class="label">[416]</a> <span class="small1">Fouquet</span>, <i>Défenses</i>, t. II, p. 15 et 16, édit. in-18, Elzeviers.</p>
-
-<p><a id="Footnote_417" href="#FNanchor_417" class="label">[417]</a> Ibid., p. 100.&mdash;<span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 256.</p>
-
-<p><a id="Footnote_418" href="#FNanchor_418" class="label">[418]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mém. inédits</i>, t. II, p. 136, 138, 142.</p>
-
-<p><a id="Footnote_419" href="#FNanchor_419" class="label">[419]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XL, p. 106.</p>
-
-<p><a id="Footnote_420" href="#FNanchor_420" class="label">[420]</a> Voyez les caricatures qui furent faites contre les maltôtiers en
-1661, dans le XXVII<sup>e</sup> vol. de l'<i>Hist. de Fr. par estampes</i>, à la Bibliothèque
-Royale.</p>
-
-<p><a id="Footnote_421" href="#FNanchor_421" class="label">[421]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Instructions pour le Dauphin son fils</i>, dans ses
-<i>&OElig;uvres</i>, t. I, p. 109 à 114.</p>
-
-<p><a id="Footnote_422" href="#FNanchor_422" class="label">[422]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 120 à 122.&mdash;<span class="small1">Choisy</span>, t. LXIII, p. 251.</p>
-
-<p><a id="Footnote_423" href="#FNanchor_423" class="label">[423]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIV, p. 403.</p>
-
-<p><a id="Footnote_424" href="#FNanchor_424" class="label">[424]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mém. inédits</i>, t. II, p. 205.&mdash;<span class="small1">La Fayette</span>,
-<i>Mém.</i>, t. LXIV, p. 404.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 170.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>,
-<i>Mém.</i>, t. XL, p. 41.</p>
-
-<p><a id="Footnote_425" href="#FNanchor_425" class="label">[425]</a> <span class="small1">Pellisson</span>, <i>Discours au Roi</i>, t. II, p. 274.</p>
-
-<p><a id="Footnote_426" href="#FNanchor_426" class="label">[426]</a> <span class="small1">Loménie</span> de <span class="small1">Brienne</span>, <i>Mémoires inédits</i>, t. II, p. 183 à 186.</p>
-
-<p><a id="Footnote_427" href="#FNanchor_427" class="label">[427]</a> <i>Hist. de la Vie et des Ouvrages de J. de la Fontaine</i>, 3<sup>e</sup> édit.,
-p. 112.</p>
-
-<p><a id="Footnote_428" href="#FNanchor_428" class="label">[428]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Instructions pour le Dauphin, son fils</i>, dans ses
-<i>&OElig;uvres</i>, t. I, p. 104, 108.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mémoires</i>, t. LI, p. 123.</p>
-
-<p><a id="Footnote_429" href="#FNanchor_429" class="label">[429]</a> <span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 277.</p>
-
-<p><a id="Footnote_430" href="#FNanchor_430" class="label">[430]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XL, p. 162.&mdash;<span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII,
-p. 354.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. XII, p. 187.</p>
-
-<p><a id="Footnote_431" href="#FNanchor_431" class="label">[431]</a> <span class="small1">La Fare</span>, <i>Mém.</i>, t. LXV, p. 149, 145.&mdash;<span class="small1">Louis xiv</span>, <i>&OElig;uvres</i>,
-t. I, p. 37, 39.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, t. LI, p. 511.</p>
-
-<p><a id="Footnote_432" href="#FNanchor_432" class="label">[432]</a> <span class="small1">Racine</span>, <i>Fragments historiques</i>, t. VI, p. 335 des <i>&OElig;uvres</i>.&mdash;<span class="small1">Fouquet</span>,
-<i>Défenses</i>, t. I, p. 141, 142.&mdash;<span class="small1">Guy-Patin</span>, <i>Lettres</i>, t. V,
-p. 218, 219 et 244; <i>lettre</i> en date du 14 juillet 1662.</p>
-
-<p><a id="Footnote_433" href="#FNanchor_433" class="label">[433]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 48.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. XI, p. 42 (1660).&mdash;<span class="small1">Lemontey</span>,
-<i>Essai sur l'établissement monarchique de Louis XIV</i>,
-p. 455-460.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>, <i>Discours à ses Enfants</i>, p. 309.</p>
-
-<p><a id="Footnote_434" href="#FNanchor_434" class="label">[434]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIV, p. 379.</p>
-
-<p><a id="Footnote_435" href="#FNanchor_435" class="label">[435]</a> <i>Tableau de la Vie et du Gouvernement de MM. les cardinaux
-Richelieu et Mazarin et de M. Colbert</i>, etc., 1694, in-12, p. 220-234.</p>
-
-<p><a id="Footnote_436" href="#FNanchor_436" class="label">[436]</a> <span class="small1">Conrart</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVIII, p. 256 à 259.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, LXL,
-p. 162.</p>
-
-<p><a id="Footnote_437" href="#FNanchor_437" class="label">[437]</a> Voyez ci-dessus, p. 205 et 206.</p>
-
-<p><a id="Footnote_438" href="#FNanchor_438" class="label">[438]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 58, édit. de Monmerqué, 1820; t. I,
-p. 86 de l'édit. de G. de S.-G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_439" href="#FNanchor_439" class="label">[439]</a> <i>Histoire de la Vie et des Ouvrages de La Fontaine</i>, 3<sup>e</sup> édition,
-p. 390.</p>
-
-<p><a id="Footnote_440" href="#FNanchor_440" class="label">[440]</a> <i>Ménagiana</i>, t. I, p. 19.</p>
-
-<p><a id="Footnote_441" href="#FNanchor_441" class="label">[441]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 60, édit. 1820; ou t. I, p. 96, édit.
-de G. de S.-G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_442" href="#FNanchor_442" class="label">[442]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, t. I, p. 58, note <i>a</i>, édit. 1820.&mdash;<span class="small1">Petitot</span>, <i>Notice sur
-Port-Royal</i>, dans les <i>Mémoires</i>, t. XXXIII, p. 161.</p>
-
-<p><a id="Footnote_443" href="#FNanchor_443" class="label">[443]</a> L'abbé <span class="small1">Arnauld</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIV, p. 318.&mdash;<span class="small1">Monmerqué</span>, dans
-les <i>Mém. de Coulanges</i>, p. 383, et l'article <i>Pomponne</i>, dans la <i>Biographie
-universelle</i>, t. XXXV, p. 321.</p>
-
-<p><a id="Footnote_444" href="#FNanchor_444" class="label">[444]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 62 (en date du 17 novembre).</p>
-
-<p><a id="Footnote_445" href="#FNanchor_445" class="label">[445]</a> <i>Lettre de madame Duplessis-Bellière à Pomponne</i>, dans les
-<i>Mémoires de</i> <span class="small1">Conrart</span>, t. XLVIII, p. 259, datée de Châlons le 19
-septembre 1661.</p>
-
-<p><a id="Footnote_446" href="#FNanchor_446" class="label">[446]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 79 (en date du 24 au 26 novembre).</p>
-
-<p><a id="Footnote_447" href="#FNanchor_447" class="label">[447]</a> <i>Lettres de madame de S*** à M. de Pompone</i>; à Amsterdam,
-1756, in-12 (73 pages).</p>
-
-<p><a id="Footnote_448" href="#FNanchor_448" class="label">[448]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 62-105, édit. Monm.; t. I, p. 100 à 149
-de l'édit. de G. de S.-G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_449" href="#FNanchor_449" class="label">[449]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, t. I, p. 65.</p>
-
-<p><a id="Footnote_450" href="#FNanchor_450" class="label">[450]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 66, 69-84 (du 18 novembre 1664).</p>
-
-<p><a id="Footnote_451" href="#FNanchor_451" class="label">[451]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 70.</p>
-
-<p><a id="Footnote_452" href="#FNanchor_452" class="label">[452]</a> Ibid., p. 77 (en date du 27 novembre).</p>
-
-<p><a id="Footnote_453" href="#FNanchor_453" class="label">[453]</a> Ibid., p. 67.</p>
-
-<p><a id="Footnote_454" href="#FNanchor_454" class="label">[454]</a> Ibid., p. 71 (en date du 20 novembre 1664).</p>
-
-<p><a id="Footnote_455" href="#FNanchor_455" class="label">[455]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 78 (27 novembre 1664).</p>
-
-<p><a id="Footnote_456" href="#FNanchor_456" class="label">[456]</a> Ibid., ibid.</p>
-
-<p><a id="Footnote_457" href="#FNanchor_457" class="label">[457]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 82 (<i>lettre</i> en date du 1<sup>er</sup> décembre
-1664).</p>
-
-<p><a id="Footnote_458" href="#FNanchor_458" class="label">[458]</a> Cet hôtel, placé où est actuellement l'hôtel des Monnaies, acheté
-par Guénégaud à la duchesse de Nevers, en 1641, fut nommé l'hôtel
-Guénégaud. Conférez: <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 373.&mdash;<span class="small1">Gourville</span>,
-<i>Mém.</i>, t. LII, p. 351.&mdash;<span class="small1">Berey</span>, <i>Plan de Paris</i>, en quatre
-feuilles, 1654.&mdash;<span class="small1">Jaillot</span>, <i>Recherches sur Paris</i>, quartier Saint-Germain
-des Prés, t. V, p. 54, 68, 69.&mdash;M. B*** (Germain Brice),
-<i>Description nouvelle de ce qu'il y a de plus remarquable dans la
-ville de Paris</i>, 1685, in-12, t. II, p. 217; édit. de 1698, p. 389.&mdash;<span class="small1">Le
-Maire</span>, <i>Paris ancien et nouveau</i>, 1685, t. III, p. 237.&mdash;<span class="small1">Piganiol
-de la Force</span>, <i>Description de Paris</i>, t. VIII, p. 231.&mdash;<span class="small1">Gourville</span>,
-<i>Mém.</i>, t. LII, p. 330.&mdash;<span class="small1">Joly</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 213.</p>
-
-<p><a id="Footnote_459" href="#FNanchor_459" class="label">[459]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, édit. de Monmerqué, t. I, p. 88 (en date du
-5 décembre 1664).</p>
-
-<p><a id="Footnote_460" href="#FNanchor_460" class="label">[460]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 90, édit. 1820 (en date du 9 novembre
-1664).</p>
-
-<p><a id="Footnote_461" href="#FNanchor_461" class="label">[461]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 96 (en date du 17 décembre 1664).</p>
-
-<p><a id="Footnote_462" href="#FNanchor_462" class="label">[462]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 97 (du 17 décembre 1664).&mdash;<span class="small1">Gourville</span>,
-<i>Mém.</i>, t. LII, p. 360.</p>
-
-<p><a id="Footnote_463" href="#FNanchor_463" class="label">[463]</a> <span class="small1">Choisy</span>, <i>Mémoires</i>, t. LXIV, p. 249 à 265.</p>
-
-<p><a id="Footnote_464" href="#FNanchor_464" class="label">[464]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 99 (en date du 17 décembre 1664).</p>
-
-<p><a id="Footnote_465" href="#FNanchor_465" class="label">[465]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mémoires inédits</i>, t. II, p. 211.</p>
-
-<p><a id="Footnote_466" href="#FNanchor_466" class="label">[466]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 104 (en date du 22 décembre
-1664).</p>
-
-<p><a id="Footnote_467" href="#FNanchor_467" class="label">[467]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, p. 105 et 106.</p>
-
-<p><a id="Footnote_468" href="#FNanchor_468" class="label">[468]</a> Ibid., p. 107.</p>
-
-<p><a id="Footnote_469" href="#FNanchor_469" class="label">[469]</a> <span class="small1">Tasso</span>, <i>Gerusalemme liberata</i>, canto V, st. 35.</p>
-
-<p><a id="Footnote_470" href="#FNanchor_470" class="label">[470]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. II, p. 369 (en date du 23 mars 1672).</p>
-
-<p><a id="Footnote_471" href="#FNanchor_471" class="label">[471]</a> <i>Lettre de Louvois</i>, du 18 octobre 1672, dans <span class="small1">Delort</span>, <i>Histoire
-de la Détention des Philosophes</i>, etc., t. I, p. 40 et 195.</p>
-
-<p><a id="Footnote_472" href="#FNanchor_472" class="label">[472]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. V, p. 394 (en date du 27 février 1679).&mdash;<span class="small1">Saint-Simon</span>,
-<i>&OElig;uvres</i>, t. X, p. 137-138.</p>
-
-<p><a id="Footnote_473" href="#FNanchor_473" class="label">[473]</a> <i>Lettre de Louvois</i>, avril 1680.</p>
-
-<p><a id="Footnote_474" href="#FNanchor_474" class="label">[474]</a> Voyez les <i>Lettres de Louvois</i>, en date des 24 janvier et 18 avril
-1680, dans <span class="small1">Delort</span>, <i>Histoire de la Détention des Philosophes et des
-Gens de lettres</i>, t. I, p. 314 et 317.</p>
-
-<p><a id="Footnote_475" href="#FNanchor_475" class="label">[475]</a> <i>Lettres de Louvois</i>, 15 février, 6 mars et 10 mai 1679, dans
-<span class="small1">Delort</span>, <i>Histoire de la Détention des Philosophes et des Gens de
-lettres</i>, t. I, p. 286.</p>
-
-<p><a id="Footnote_476" href="#FNanchor_476" class="label">[476]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>lettre</i> du 3 avril 1680, t. VI, p. 217.</p>
-
-<p><a id="Footnote_477" href="#FNanchor_477" class="label">[477]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 401.&mdash;<span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, 5, 6 avril
-1680, t. VI, p. 223.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>, <i>Lettres</i>, t. IV, p. 428.&mdash;<span class="small1">Baroletti</span>,
-<i>Notice sur la mort du surintendant Fouquet</i>, Turin, 1812, in-4<sup>o</sup>.&mdash;<i>Mercure
-de France</i>, octobre 1754, p. 142 et 143.</p>
-
-<p><a id="Footnote_478" href="#FNanchor_478" class="label">[478]</a> <i>Lettres de Louvois</i> à Saint-Mars depuis les années 1672 à 1680,
-dans <span class="small1">Delort</span>, <i>Hist. de la détention de Fouquet, de Pellisson et
-Lauzun</i>, t. I de l'<i>Hist. de la Détention des Philosophes et des Gens
-de lettres</i>, p. 195, 321.</p>
-
-<p><a id="Footnote_479" href="#FNanchor_479" class="label">[479]</a> <span class="small1">Paroletti</span>, <i>Notice sur la mort du surintendant Fouquet</i>,
-Turin, 1812, in-4<sup>o</sup>.&mdash;<span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 461.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>,
-<i>Lettres</i>, t. IV, p. 428.</p>
-
-<p><a id="Footnote_480" href="#FNanchor_480" class="label">[480]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mémoires inédits</i>, t. II, p. 156 et 157.&mdash;<span class="small1">Gramont</span>,
-<i>Mémoires</i>, t. LVII, p. 90 et 430.</p>
-
-<p><a id="Footnote_481" href="#FNanchor_481" class="label">[481]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 56.</p>
-
-<p><a id="Footnote_482" href="#FNanchor_482" class="label">[482]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XIII, p. 56, 58, 70.&mdash;<span class="small1">Colletet</span>,
-<i>Abrégé des Annales de Paris</i>, 1664, in-12, p. 423.</p>
-
-<p><a id="Footnote_483" href="#FNanchor_483" class="label">[483]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Instructions pour le Dauphin son fils</i>, dans ses
-<i>&OElig;uvres</i>, t. I, p. 211, 216, 227.</p>
-
-<p><a id="Footnote_484" href="#FNanchor_484" class="label">[484]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 126.</p>
-
-<p><a id="Footnote_485" href="#FNanchor_485" class="label">[485]</a> <span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 271.&mdash;<span class="small1">Joly</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 460.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>,
-<i>Mémoires</i>, t. LI, p. 128.&mdash;<span class="small1">Louis xiv</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. V,
-p. 110, 119; <i>lettres au roi de Pologne</i>, en date du 1<sup>er</sup> et du 9 février
-1663.</p>
-
-<p><a id="Footnote_486" href="#FNanchor_486" class="label">[486]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Instructions pour le Dauphin son fils</i>, dans ses
-<i>&OElig;uvres</i>, t. I, p. 197, 198.</p>
-
-<p><a id="Footnote_487" href="#FNanchor_487" class="label">[487]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XIII, p. 35 (4 mars 1662); dans <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>&OElig;uvres</i>,
-t. I, p. 197; ibid., t. V, p. 81 (<i>lettre</i> en date du 17 mars 1662).&mdash;<span class="small1">Joly</span>,
-<i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 454, 460 et 462.</p>
-
-<p><a id="Footnote_488" href="#FNanchor_488" class="label">[488]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XIII, p. 52 (<i>lettre</i> du 1<sup>er</sup> avril
-1662). Vingt-deux temples protestants furent fermés dans le seul pays
-de Gex.&mdash;<span class="small1">Racine</span>, <i>lettre à Vitart</i>, en date du 25 juillet, p. 162 et
-165, t. VI des <i>&OElig;uvres</i>, dans l'édit. d'Aimé Martin.&mdash;<span class="small1">Guy-Patin</span>,
-<i>Lettres</i>, t. V, p. 22 (en date du 14 juillet 1662).</p>
-
-<p><a id="Footnote_489" href="#FNanchor_489" class="label">[489]</a> Frères <span class="small1">Parfaict</span>, <i>Hist. du Theâtre françois</i>, t. IX, p. 1 et 64.&mdash;<span class="small1">Loret</span>,
-<i>Muse historique</i>, liv. XIII, p. 165 (28 octobre, 7 janvier 1662).</p>
-
-<p><a id="Footnote_490" href="#FNanchor_490" class="label">[490]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, t. XLIII, p. 26, 28, 31.</p>
-
-<p><a id="Footnote_491" href="#FNanchor_491" class="label">[491]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. I, p. 223.</p>
-
-<p><a id="Footnote_492" href="#FNanchor_492" class="label">[492]</a> <span class="small1">Corneille</span>, <i>Remercîments au roi</i>, t. XI, p. 95, édit. de Lefèvre,
-in-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_493" href="#FNanchor_493" class="label">[493]</a> <i>Deux dissertations concernant le poëme dramatique, en forme
-de remarques sur deux tragédies de M. Corneille, intitulées</i> Sophonisbe
-<i>et</i> Sertorius, <i>envoyées à madame la duchesse R***</i> (Richelieu);
-Paris, l'abbé <span class="small1">d'Aubignac</span>, chez Jacques Dubreuil, 1663, petit
-in-12 de 104 pages.&mdash;<span class="small1">Visé</span>, <i>Défence</i> (sic) <i>du Sertorius de
-M. Corneille</i>, dédiée à M. de Guise, 1663, in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_494" href="#FNanchor_494" class="label">[494]</a> <span class="small1">Boileau</span>, <i>&OElig;uvres</i>, édition de Berriat Saint-Prix, 1830, in-8<sup>o</sup>,
-t. II, p. 436, ou de l'édit. de Saint-Surin, 1821, t. II, p. 523; édit.
-de Saint-Marc, 1747, p. 417.</p>
-
-<p><a id="Footnote_495" href="#FNanchor_495" class="label">[495]</a> <span class="small1">Racine</span>, t. VII, p. 173, édit. de Geoffroy.</p>
-
-<p><a id="Footnote_496" href="#FNanchor_496" class="label">[496]</a> <span class="small1">Boileau</span>, <i>Satire VII</i>, édit. 1666, p. 68 et 69; édit. 1667, p. 4,
-et édit. 1669, p. 9.</p>
-
-<p><a id="Footnote_497" href="#FNanchor_497" class="label">[497]</a> <span class="small1">Racine</span>, <i>&OElig;uvres</i>, <i>lettres</i> à Vitart, t. VII, p. 107 de l'édit. 1808,
-in 8<sup>o</sup>, et t. I, p. 119.</p>
-
-<p><a id="Footnote_498" href="#FNanchor_498" class="label">[498]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XIII, p. 58 (22 avril 1662).</p>
-
-<p><a id="Footnote_499" href="#FNanchor_499" class="label">[499]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XI, p. 59, liv. XIII, p. 69, 130, 154, 199; 13 mars,
-26 août, 7 octobre 1662, 17 avril 1660.</p>
-
-<p><a id="Footnote_500" href="#FNanchor_500" class="label">[500]</a> <span class="small1">Molière</span>, <i>Critique de l'École des Femmes</i>, scène <span class="small1">IV</span> (<span class="small1">VI</span> par
-faute d'impression), p. 86 de la première édition, 1663, et aussi dans
-les <i>Femmes savantes</i>, acte IV, scène III.</p>
-
-<p><a id="Footnote_501" href="#FNanchor_501" class="label">[501]</a> Voyez <i>Satires de B***</i>, édit. de 1660, p. 4 et 5.</p>
-
-<p><a id="Footnote_502" href="#FNanchor_502" class="label">[502]</a> <span class="small1">Desormeaux</span>, <i>Histoire de Louis II, prince de Condé</i>, t. IV,
-p. 197, édit. in-12; <i>Histoire de France en estampes</i>, in-folio, année
-1682, t. XXVIII (Bibliothèque royale).</p>
-
-<p><a id="Footnote_503" href="#FNanchor_503" class="label">[503]</a> <i>Mémoires de Jean de Coligny</i>, dans <span class="small1">Musset-Pathay</span>, <i>Contes
-historiques</i>, 1826, in-8<sup>o</sup>, p. 234 et 237.&mdash;<i>Lettres</i> de <span class="small1">Sévigné</span>, édit.
-de Monmerqué, t. I, p. 120, note <i>a</i>; t. II, p. 16, à la note de la <i>lettre</i>
-du 25 octobre 1673.&mdash;Depuis les Mémoires complets de Coligny
-ont été imprimés.</p>
-
-<p><a id="Footnote_504" href="#FNanchor_504" class="label">[504]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 191.&mdash;<span class="small1">Louis xiv</span>, <i>&OElig;uvres</i>, Paris, 1806,
-t. VI, p. 375. (Modèle du brevet de justaucorps bleu accordé à Condé.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_505" href="#FNanchor_505" class="label">[505]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XIII, p. 2, 15, 18, 21, 23, 199,
-<i>lettres</i> en date des 7 et 28 janvier, 11, 14 février, 24 décembre 1662.</p>
-
-<p><a id="Footnote_506" href="#FNanchor_506" class="label">[506]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. II, p. 25, <i>Vies de plusieurs Personnages
-célèbres</i>, t. I, p. 158, article <i>Clovis</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_507" href="#FNanchor_507" class="label">[507]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XIII, p. 29, 32, 59.&mdash;<span class="small1">Benserade</span>, t. II, p. 254-280.</p>
-
-<p><a id="Footnote_508" href="#FNanchor_508" class="label">[508]</a> <i>Description du carrousel</i> en 1667, in-folio, 1670, format atlas,
-orné de figures.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. XIII, p. 67 et 85, 6 mai, 10 juin 1662.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>,
-t. XLIII, p. 42.</p>
-
-<p><a id="Footnote_509" href="#FNanchor_509" class="label">[509]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Hist. d'Henriette d'Angleterre</i>, t. LXIV, p. 381.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>,
-<i>Mém.</i>, t. XL, p. 173.</p>
-
-<p><a id="Footnote_510" href="#FNanchor_510" class="label">[510]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XL, p. 70.</p>
-
-<p><a id="Footnote_511" href="#FNanchor_511" class="label">[511]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Hist. d'Henriette d'Angleterre</i>, t. LXIV, p. 412-415.&mdash;<span class="small1">Conrart</span>,
-<i>Mém.</i>, t. XLVIII, p. 282.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, t. XL,
-p. 170 et 179.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLIII, p. 23, 43, 44.&mdash;Voy.
-ci-après la III<sup>e</sup> partie, chap. <span class="small1">XII</span>, p. 209.</p>
-
-<p><a id="Footnote_512" href="#FNanchor_512" class="label">[512]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLIII, p. 43, 44.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, t. XL,
-p. 174, 175.&mdash;<span class="small1">Louis xiv</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. V, p. 160.&mdash;<span class="small1">La Fayette</span>,
-<i>Hist. d'Henriette d'Angleterre</i>, t. LXIV, p. 407.&mdash;<span class="small1">Hamilton</span>,
-<i>Mém. de Gramont</i>, t. I, p. 103, édit. de ses <i>&OElig;uvres</i> par Renouard,
-1812, in-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_513" href="#FNanchor_513" class="label">[513]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Hist. d'Henriette d'Angleterre</i>, t. LXIV, p. 407,
-408, 422, 423, 424.&mdash;<span class="small1">Louis xiv</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. V, p. 90, <i>lettre</i> en date
-du 22 août.&mdash;<span class="small1">Conrart</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVIII, p. 280.</p>
-
-<p><a id="Footnote_514" href="#FNanchor_514" class="label">[514]</a> Voyez ci-après, III<sup>e</sup> partie, chap. <span class="small1">XII</span>, p. 197.</p>
-
-<p><a id="Footnote_515" href="#FNanchor_515" class="label">[515]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Histoire d'Henriette</i>, t. LXIV, p. 427.&mdash;<span class="small1">Louis xiv</span>,
-<i>&OElig;uvres</i>, t. V, p. 103 (lettre du 20 décembre 1662).&mdash;Maréchal
-<span class="small1">de Gramont</span>, <i>Mém.</i>, t. LVII, p. 93.</p>
-
-<p><a id="Footnote_516" href="#FNanchor_516" class="label">[516]</a> <span class="small1">Conrart</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVIII, p. 283.</p>
-
-<p><a id="Footnote_517" href="#FNanchor_517" class="label">[517]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XIII, p. 69, 100-170, 13 mai, 1<sup>er</sup> juillet, 4 nov. 1662.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>,
-t. XL, p. 177.&mdash;<span class="small1">La Fayette</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIV, p. 395.</p>
-
-<p><a id="Footnote_518" href="#FNanchor_518" class="label">[518]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XIII, p. 62 (16 avril 1662).</p>
-
-<p><a id="Footnote_519" href="#FNanchor_519" class="label">[519]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (6 mai 1676), t. IV, p. 422, édit. de G. de
-S. G., t. IV, p. 281, édit. M.</p>
-
-<p><a id="Footnote_520" href="#FNanchor_520" class="label">[520]</a> <span class="small1">Saint-Surin</span>, <i>Notice sur Sévigné</i>, et <i>Lettres de Saint-Pavin</i> à
-<i>madame de Sévigné</i>, t. I, p. 84, et p. <span class="small1">VII</span> et <span class="small1">VIII</span> des <i>Pièces préliminaires</i>,
-dans l'édit. de Monmerqué des <i>Lettres</i> de <span class="small1">Sévigné</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_521" href="#FNanchor_521" class="label">[521]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, édit. de 1734, p. <span class="small1">XIX</span> de la préface du chevalier
-Perrin, ou t. I, p. <span class="small1">XXVI</span> de l'édit. de 1754.</p>
-
-<p><a id="Footnote_522" href="#FNanchor_522" class="label">[522]</a> <span class="small1">Loret</span>, lib. VIII, p. 148 (<i>lettre</i> du 29 avril 1657).</p>
-
-<p><a id="Footnote_523" href="#FNanchor_523" class="label">[523]</a> <span class="small1">De Somaize</span>, <i>Grand Dictionnaire des Précieuses</i>, 1661, in-12,
-t. II, p. 150.&mdash;<span class="small1">La Clef</span>, p. 15, Sophronie, <i>madame la marquise
-de Seuigny</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_524" href="#FNanchor_524" class="label">[524]</a> <span class="small1">De Somaize</span>, le <i>Grand Dictionnaire des Précieuses</i>, 1661,
-in-12, t. I, p. 93.</p>
-
-<p><a id="Footnote_525" href="#FNanchor_525" class="label">[525]</a> <span class="small1">Molière</span>, <i>École des Femmes</i>, acte II, scène <span class="small1">III</span>, p. 24 de l'édition
-de 1663; t. III, p. 26 de l'édition d'Auger.</p>
-
-<p><a id="Footnote_526" href="#FNanchor_526" class="label">[526]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. V; <i>Lettres</i>, p. 203-205, 208, 209, 260
-(des 7 et 15 août 1664).</p>
-
-<p><a id="Footnote_527" href="#FNanchor_527" class="label">[527]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, t. V, p. 179-220.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 131.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>,
-<i>Mém.</i>, t II, p. 208 et 209, édit. in-12.</p>
-
-<p><a id="Footnote_528" href="#FNanchor_528" class="label">[528]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. V, p. 145, 193, 210, 228, 264, 269, 281,
-291, 305, 311, 318, 356, 365, 368, 377, 380, 384, 388, 403.</p>
-
-<p><a id="Footnote_529" href="#FNanchor_529" class="label">[529]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. V, p. 262.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. XV, p. 63.</p>
-
-<p><a id="Footnote_530" href="#FNanchor_530" class="label">[530]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. V, p. 205-225.</p>
-
-<p><a id="Footnote_531" href="#FNanchor_531" class="label">[531]</a> <span class="small1">La Fare</span>, <i>Mémoires</i>, t. LXV, p. 149.&mdash;<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI,
-p. 130.</p>
-
-<p><a id="Footnote_532" href="#FNanchor_532" class="label">[532]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XIV, p. 58-61 (21 et 28 avril 1664).</p>
-
-<p><a id="Footnote_533" href="#FNanchor_533" class="label">[533]</a> <i>Histoire de la Monarchie Françoise</i>, 1697, in-12, t. II, p. 236.</p>
-
-<p><a id="Footnote_534" href="#FNanchor_534" class="label">[534]</a> Ibid., t. II, p. 226 et 166.</p>
-
-<p><a id="Footnote_535" href="#FNanchor_535" class="label">[535]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XIV, p. 124 (en date du 29 juillet 1663).</p>
-
-<p><a id="Footnote_536" href="#FNanchor_536" class="label">[536]</a> <span class="small1">La Fontaine</span>, <i>&OElig;uvres</i>, édit. 1827, t. VI, p. 109, note 1.</p>
-
-<p><a id="Footnote_537" href="#FNanchor_537" class="label">[537]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, t. V, p. 204 et 205 (<i>lettre</i> à Courtin, datée de Fontainebleau,
-le 10 août 1664).</p>
-
-<p><a id="Footnote_538" href="#FNanchor_538" class="label">[538]</a> <span class="small1">D'Hauterive</span>, <i>Quelques Conseils à un jeune Voyageur</i> (16 avril
-1826), in-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_539" href="#FNanchor_539" class="label">[539]</a> François <span class="small1">de Neufchateau</span>, <i>Esprit du grand Corneille</i>,
-p. 434.</p>
-
-<p><a id="Footnote_540" href="#FNanchor_540" class="label">[540]</a> <i>Suite du Nouveau Recueil de plusieurs pièces diverses et galantes
-de ce temps</i>, 1665, p. 82 et 86 (avec la sphère).</p>
-
-<p><a id="Footnote_541" href="#FNanchor_541" class="label">[541]</a> <i>Nouveau Recueil de plusieurs pièces diverses et galantes de
-ce temps</i>, in-12, p. 24, la satire à Molière; p. 56, la satire à La
-Mothe Le Vayer.</p>
-
-<p><a id="Footnote_542" href="#FNanchor_542" class="label">[542]</a> Frères <span class="small1">Parfaict</span>, <i>Hist. du Théâtre françois</i>, t. IX, p. 304.</p>
-
-<p><a id="Footnote_543" href="#FNanchor_543" class="label">[543]</a> <span class="small1">Molière</span>, édit. d'Auger, t. III, p. 386, et t. III, p. 296, édit.
-d'Aimé Martin.</p>
-
-<p><a id="Footnote_544" href="#FNanchor_544" class="label">[544]</a> <span class="small1">Benserade</span>, t. II, p. 237.&mdash;<span class="small1">Gueret</span>, <i>Carte de la Cour</i>, 1663,
-p. 69.</p>
-
-<p><a id="Footnote_545" href="#FNanchor_545" class="label">[545]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XL, p. 141, 212 et 213.</p>
-
-<p><a id="Footnote_546" href="#FNanchor_546" class="label">[546]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mémoires</i>, t. XL, p. 185-186.</p>
-
-<p><a id="Footnote_547" href="#FNanchor_547" class="label">[547]</a> Ibid., p. 186.</p>
-
-<p><a id="Footnote_548" href="#FNanchor_548" class="label">[548]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XL, p. 199, 201, 203, 211, 213, 218, 225.</p>
-
-<p><a id="Footnote_549" href="#FNanchor_549" class="label">[549]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XV, p. 66 (15 mai 1664).</p>
-
-<p><a id="Footnote_550" href="#FNanchor_550" class="label">[550]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XV, p. 33, 61, 123, 165, 195-203, 200, 3 mars, 28 avril,
-29 juillet, 6 octobre, 1<sup>er</sup> et 15 décembre 1663.&mdash;<span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>,
-t. XL, p. 195.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLIII, p. 54-67.</p>
-
-<p><a id="Footnote_551" href="#FNanchor_551" class="label">[551]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. II, p. 92.</p>
-
-<p><a id="Footnote_552" href="#FNanchor_552" class="label">[552]</a> <span class="small1">La Fontaine</span>, <i>Fables</i>, liv. IV, fable 1; <span class="small1">I</span>; t. I, p. 177 des <i>&OElig;uvres</i>
-de <span class="small1">La Fontaine</span>, édit. 1827, in-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_553" href="#FNanchor_553" class="label">[553]</a> <span class="small1">Benserade</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. II, p. 285, 288.</p>
-
-<p><a id="Footnote_554" href="#FNanchor_554" class="label">[554]</a> <span class="small1">Benserade</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. II, p. 299.</p>
-
-<p><a id="Footnote_555" href="#FNanchor_555" class="label">[555]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XIV, p. 10.</p>
-
-<p><a id="Footnote_556" href="#FNanchor_556" class="label">[556]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XIV, p. 26 (17 février).</p>
-
-<p><a id="Footnote_557" href="#FNanchor_557" class="label">[557]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XIV, p. 46 (31 mars 1663).</p>
-
-<p><a id="Footnote_558" href="#FNanchor_558" class="label">[558]</a> Ibid., p. 13, 18, 48 et 49 (27 janvier, 3 février, 17 mars, et 7 avril
-1663).</p>
-
-<p><a id="Footnote_559" href="#FNanchor_559" class="label">[559]</a> Id., liv. XIV, p. 188, 192 (17 et 24 novembre 1663).&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>,
-<i>Mém.</i>, t. XLIII, p. 54.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, liv. XIV, p. 33 (3 mai).</p>
-
-<p><a id="Footnote_560" href="#FNanchor_560" class="label">[560]</a> Id., liv. XIV, p. 139, 140 (25 août), p. 174 (20 octobre).</p>
-
-<p><a id="Footnote_561" href="#FNanchor_561" class="label">[561]</a> <span class="small1">Benserade</span>, <i>&OElig;uvres</i>, 1697, t. II, p. 316.&mdash;LORET, liv. XV, p. 25,
-<i>lettre 6</i>, en date du 9 février 1664.</p>
-
-<p><a id="Footnote_562" href="#FNanchor_562" class="label">[562]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XV, p. 27 (16 février 1664).&mdash;Ibid., p. 32 et 33, et 35
-(1<sup>er</sup> mars).</p>
-
-<p><a id="Footnote_563" href="#FNanchor_563" class="label">[563]</a> Ibid., pag. 18 (2 février).</p>
-
-<p><a id="Footnote_564" href="#FNanchor_564" class="label">[564]</a> <span class="small1">Benserade</span>, <i>&OElig;uvres</i>, t. II, p. 319 à 324.</p>
-
-<p><a id="Footnote_565" href="#FNanchor_565" class="label">[565]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historiques</i>, liv. XV, p. 73.&mdash;<span class="small1">Benserade</span>, t. II,
-p. 319, 324.&mdash;<span class="small1">Molière</span>, <i>&OElig;uvres</i> t. III, p. 105 à 150, édit. d'Auger;
-t. III, p. 447, édit. d'Aimé Martin.&mdash;<span class="small1">Marigny</span>, <i>Relation des fêtes
-que le roi a données aux reines dans le parc de Versailles</i> (14 mai
-1664), dans les <i>&OElig;uvres de</i> <span class="small1">Marigny</span>, p. 34.&mdash;<i>Les Plaisirs de l'île
-enchantée</i>, 1 vol. in-folio, accompagné de neuf planches gravées par
-<span class="small1">Israel Sylvestre</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_566" href="#FNanchor_566" class="label">[566]</a> <i>Lettre de Bussy à madame de Sévigné</i>, le 21 novembre 1866,
-dans <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 109, édit. M.; t. I, p. 154, édit. G.</p>
-
-<p><a id="Footnote_567" href="#FNanchor_567" class="label">[567]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XV, p. 73.</p>
-
-<p><a id="Footnote_568" href="#FNanchor_568" class="label">[568]</a> <span class="small1">Benserade</span>, t. II, p. 364.&mdash;<span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XVI,
-p. 23.</p>
-
-<p><a id="Footnote_569" href="#FNanchor_569" class="label">[569]</a> <span class="small1">Ægidii Menagii</span>, 1680, in-12, édit. 7<sup>me</sup>, p. 304.</p>
-
-<p><a id="Footnote_570" href="#FNanchor_570" class="label">[570]</a> <span class="small1">Ægidii Menagii</span>, 4<sup>e</sup> édit., 1663, p. 288. Ménage supprima cette
-pièce, et elle ne se trouve plus dans la 7<sup>e</sup> édition de ses poésies,
-publiée en 1680.</p>
-
-<p><a id="Footnote_571" href="#FNanchor_571" class="label">[571]</a> <span class="small1">Bussy de Rabutin</span>, <i>Hist. am. des Gaules</i>, édit. 1754, t. I, p. 242.&mdash;<i>Hist.
-amoureuse de France</i>, p. M***, 1710, in-12, p. 283.</p>
-
-<p><a id="Footnote_572" href="#FNanchor_572" class="label">[572]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, édit. de G. de S.-G., t. I, p. <span class="small1">CXXIX</span>; édit. de
-Grouvelle, 1811, t. I, p. <span class="small1">CLXIX</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_573" href="#FNanchor_573" class="label">[573]</a> <span class="small1">Guy-Joly</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 446-468, 470, 473-474.&mdash;<span class="small1">Louis xiv</span>,
-<i>&OElig;uvres</i>, t. V, p. 81 (<i>lettre</i> en date du 17 mars 1662).&mdash;Ibid., t. V,
-p. 186 (en date du 27 mai 1685).</p>
-
-<p><a id="Footnote_574" href="#FNanchor_574" class="label">[574]</a> Conférez <span class="small1">M. Cousin</span>, <i>Journal des Savants</i>, 1842.</p>
-
-<p><a id="Footnote_575" href="#FNanchor_575" class="label">[575]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. V, p. 192, édit. de Monmerqué, <i>lettre</i> en
-date du 18 août.</p>
-
-<p><a id="Footnote_576" href="#FNanchor_576" class="label">[576]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 168, édit. de Monmerqué; <i>Lettres à
-Pomponne</i> en date du 18 novembre 1664; <i>Pièces galantes</i>, 1667,
-Cologne, chez Pierre Marteau, seconde partie, p. 79 à 93.</p>
-
-<p><a id="Footnote_577" href="#FNanchor_577" class="label">[577]</a> <span class="small1">Hénault</span>, <i>Abrégé chronologique</i>, t. III, p. 651.</p>
-
-<p><a id="Footnote_578" href="#FNanchor_578" class="label">[578]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLIII, p. 35, 38, 39.</p>
-
-<p><a id="Footnote_579" href="#FNanchor_579" class="label">[579]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XIII, p. 41 (18 mars).&mdash;Ibid., liv. XIV, p. 56.&mdash;<span class="small1">Choisy</span>,
-<i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 277.</p>
-
-<p><a id="Footnote_580" href="#FNanchor_580" class="label">[580]</a> <i>Abrégé chronologique des principaux événements qui ont précédé
-la constitution</i> Unigenitus; Utrecht, 1730, in-24, p. 10.&mdash;<span class="small1">Guy-Patin</span>,
-<i>Lettres</i>, t. V, p. 22.</p>
-
-<p><a id="Footnote_581" href="#FNanchor_581" class="label">[581]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mémoires</i>, t. II, p. 301, édit. 1721, in-12.&mdash;Ibid., t. II,
-p. 399, édit. in-4<sup>o</sup>.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>, <i>Discours à ses Enfants</i>, p. 374.</p>
-
-<p><a id="Footnote_582" href="#FNanchor_582" class="label">[582]</a> Voyez ci-dessus, chapitre XI, p. 130 à 144.</p>
-
-<p><a id="Footnote_583" href="#FNanchor_583" class="label">[583]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Discours à ses Enfants</i>, 1694, in-12, p. 403.&mdash;<i>Mémoires</i>,
-t. II, p. 354. Bussy acheta cette charge 252,000 livres, environ
-500,000 francs monnaie actuelle.</p>
-
-<p><a id="Footnote_584" href="#FNanchor_584" class="label">[584]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 171.</p>
-
-<p><a id="Footnote_585" href="#FNanchor_585" class="label">[585]</a> Ibid., t. II, p. 167.</p>
-
-<p><a id="Footnote_586" href="#FNanchor_586" class="label">[586]</a> Ibid., t. II, p. 179.</p>
-
-<p><a id="Footnote_587" href="#FNanchor_587" class="label">[587]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 182.</p>
-
-<p><a id="Footnote_588" href="#FNanchor_588" class="label">[588]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>lettre au duc de Saint-Aignan</i>, dans ses <i>Mémoires</i>, t. II,
-p. 326 de l'édit. in-12.&mdash;Ibid., édit. in-4<sup>o</sup>, t. II, p. 162.</p>
-
-<p><a id="Footnote_589" href="#FNanchor_589" class="label">[589]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 194.&mdash;<span class="small1">Bussy de Rabutin</span>, <i>Supplément
-aux Mémoires et Lettres</i>, t. I, p. 65.</p>
-
-<p><a id="Footnote_590" href="#FNanchor_590" class="label">[590]</a> <span class="small1">Saint-Simon</span>, <i>Mém.</i>, ch. XXXVII, t. X, p. 449 et 450.&mdash;Ibid.,
-t. V, chap. VII, p. 102 et 103.&mdash;<span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. V, p. 377,
-note <i>b</i>, édit. de Monmerqué.&mdash;<span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 400.&mdash;<span class="small1">Chavagnac</span>,
-<i>Mém.</i>, t. I, p. 198.&mdash;<span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 418.</p>
-
-<p><a id="Footnote_591" href="#FNanchor_591" class="label">[591]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 400.</p>
-
-<p><a id="Footnote_592" href="#FNanchor_592" class="label">[592]</a> <span class="small1">Conrart</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVIII, p. 258.</p>
-
-<p><a id="Footnote_593" href="#FNanchor_593" class="label">[593]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Discours à ses Enfants</i>, 1694, in-12, p. 373.</p>
-
-<p><a id="Footnote_594" href="#FNanchor_594" class="label">[594]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 200 à 214.</p>
-
-<p><a id="Footnote_595" href="#FNanchor_595" class="label">[595]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Supplément</i>, t. I, p. 65.</p>
-
-<p><a id="Footnote_596" href="#FNanchor_596" class="label">[596]</a> <i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, Liége, in-18, en deux parties,
-dont la première a 190 pages, la seconde 69, et la clef.&mdash;<span class="small1">Sévigné</span>,
-<i>lettre de Bussy-Rabutin</i> en date du 19 juillet 1669, t. I, p. 136,
-édit. de Monmerqué.</p>
-
-<p><a id="Footnote_597" href="#FNanchor_597" class="label">[597]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 200.</p>
-
-<p><a id="Footnote_598" href="#FNanchor_598" class="label">[598]</a> <span class="small1">De Brienne</span>, <i>Mém. inédits</i>, t. II, p. 304, ch. <span class="small1">XXVIII</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_599" href="#FNanchor_599" class="label">[599]</a> La première avec une croix de Saint-André sur le titre, et deux
-paginations finissant, l'une à la page 190, l'autre à 69; la seconde
-(suivant nous), avec une arabesque triangulaire sous le titre, et une
-seule pagination finissant p. 208: ces deux éditions sont sans date; la
-troisième avec une sphère sur le titre, intitulée <i>édition nouvelle</i>,
-portant la date de 1666, et n'ayant qu'une seule pagination finissant à
-la p. 260.</p>
-
-<p><a id="Footnote_600" href="#FNanchor_600" class="label">[600]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XVI, p. 149.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II,
-p. 297, 298.</p>
-
-<p><a id="Footnote_601" href="#FNanchor_601" class="label">[601]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 283.</p>
-
-<p><a id="Footnote_602" href="#FNanchor_602" class="label">[602]</a> Ibid., p. 295.</p>
-
-<p><a id="Footnote_603" href="#FNanchor_603" class="label">[603]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Supplément</i>, I<sup>re</sup> <i>partie</i>, p. 68.</p>
-
-<p><a id="Footnote_604" href="#FNanchor_604" class="label">[604]</a> <span class="small1">Bouhier</span>, <i>Manuscrits</i> cités dans <i>la Cour et la Ville</i>, publiés
-par M. Barrière, p. 464.</p>
-
-<p><a id="Footnote_605" href="#FNanchor_605" class="label">[605]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. I, p. 301.&mdash;<span class="small1">Bussy</span>, <i>Discours à ses Enfants</i>,
-p. 374.</p>
-
-<p><a id="Footnote_606" href="#FNanchor_606" class="label">[606]</a> <span class="small1">Boileau</span>, <i>Satire X</i>, v. 253 à 328, t. I, p. 182 à 185 de l'édit. de
-Saint-Marc, 1747, in-8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_607" href="#FNanchor_607" class="label">[607]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 336-356-358-367-368-370-372.</p>
-
-<p><a id="Footnote_608" href="#FNanchor_608" class="label">[608]</a> Voyez la I<sup>re</sup> partie de ces Mémoires, ch. XXXV, p. 479. Dallancé
-mourut fort riche, et laissa un fils, physicien célèbre. Conférez
-<span class="small1">Boileau</span>, Sat. X, v. 434, t. I, p. 194 de l'édit. de Saint-Marc.</p>
-
-<p><a id="Footnote_609" href="#FNanchor_609" class="label">[609]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 362.</p>
-
-<p><a id="Footnote_610" href="#FNanchor_610" class="label">[610]</a> Ibid.</p>
-
-<p><a id="Footnote_611" href="#FNanchor_611" class="label">[611]</a> <span class="small1">Millin</span>, <i>Voyages dans les départements du Midi</i>, t. I, p. 210,
-213.&mdash;<span class="small1">Corrard de Breban</span>, <i>Souvenirs d'une visite aux ruines
-d'Alise et au château de Bussy-Rabutin</i>, Troyes, 1833, p. 18.</p>
-
-<p><a id="Footnote_612" href="#FNanchor_612" class="label">[612]</a> <span class="small1">Bussy, comte de Rabutin</span>, <i>Mém. mss.</i> cités dans Monmerqué,
-<i>Lettres</i> de <span class="small1">Sévigné</span>, t. I, p. 56.</p>
-
-<p><a id="Footnote_613" href="#FNanchor_613" class="label">[613]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 57, édit. 1820.</p>
-
-<p><a id="Footnote_614" href="#FNanchor_614" class="label">[614]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém. mss.</i>; dans <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, édit. 1820, t. I, p. 58.</p>
-
-<p><a id="Footnote_615" href="#FNanchor_615" class="label">[615]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>lettre</i> en date du 26 juillet 1668, t. I, p. 129.</p>
-
-<p><a id="Footnote_616" href="#FNanchor_616" class="label">[616]</a> <span class="small1">Bussy-Rabutin</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 201.</p>
-
-<p><a id="Footnote_617" href="#FNanchor_617" class="label">[617]</a> <span class="small1">Bussy-Rabutin</span>, <i>lettre à madame de Sévigné</i> (datée de Forléans,
-le 21 novembre 1666), t. I, p. 109 et 110 de l'édit. de Monmerqué.</p>
-
-<p><a id="Footnote_618" href="#FNanchor_618" class="label">[618]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 129, en date du 26 juillet 1668.</p>
-
-<p><a id="Footnote_619" href="#FNanchor_619" class="label">[619]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>lettre</i> en date du 29 juillet 1669, t. I, p. 135.</p>
-
-<p><a id="Footnote_620" href="#FNanchor_620" class="label">[620]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>lettre</i> en date du 20 juillet 1668, t. I, p. 131.</p>
-
-<p><a id="Footnote_621" href="#FNanchor_621" class="label">[621]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>loc. cit.</i></p>
-
-<p><a id="Footnote_622" href="#FNanchor_622" class="label">[622]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. III, p. 337.</p>
-
-<p><a id="Footnote_623" href="#FNanchor_623" class="label">[623]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 131-137 (<i>lettre de madame de Sévigné</i>,
-en date du 26 juillet, et <i>de Bussy</i>, en date du 29).</p>
-
-<p><a id="Footnote_624" href="#FNanchor_624" class="label">[624]</a> <span class="small1">Bussy</span> (<i>lettre</i> du 21 novembre 1666), dans <span class="small1">Sévigné</span>, t. I, p. 109.</p>
-
-<p><a id="Footnote_625" href="#FNanchor_625" class="label">[625]</a> Christophle de Rabutin, seigneur de Sully et de Bourbilly, né
-vers 1500, mort en 1529.</p>
-
-<p><a id="Footnote_626" href="#FNanchor_626" class="label">[626]</a> Guy de Rabutin, né en 1532, le premier qui porta le titre de baron
-de Chantal.</p>
-
-<p><a id="Footnote_627" href="#FNanchor_627" class="label">[627]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 111 (en date du 20 mai 1667).</p>
-
-<p><a id="Footnote_628" href="#FNanchor_628" class="label">[628]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 113 (<i>lettre de</i> <span class="small1">Bussy</span>, en date du
-23 mai 1667).</p>
-
-<p><a id="Footnote_629" href="#FNanchor_629" class="label">[629]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 121 (le 9 janvier 1668).</p>
-
-<p><a id="Footnote_630" href="#FNanchor_630" class="label">[630]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 126 (en date du 17 juillet 1668).</p>
-
-<p><a id="Footnote_631" href="#FNanchor_631" class="label">[631]</a> Ibid., p. 127 (en date du 26 juillet 1668).</p>
-
-<p><a id="Footnote_632" href="#FNanchor_632" class="label">[632]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 133 (<i>lettre</i> en date du 29 juillet 1668).</p>
-
-<p><a id="Footnote_633" href="#FNanchor_633" class="label">[633]</a> Ibid., p. 138 (<i>lettre</i> du 29 juillet 1668).</p>
-
-<p><a id="Footnote_634" href="#FNanchor_634" class="label">[634]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, t. I, p. 143, édit. de Monmerqué (<i>lettre</i> en date du
-14 août 1668).</p>
-
-<p><a id="Footnote_635" href="#FNanchor_635" class="label">[635]</a> Ibid., p. 144 (<i>lettre</i> en date du 14 août).</p>
-
-<p><a id="Footnote_636" href="#FNanchor_636" class="label">[636]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>lettre</i> en date du 28 août 1668, t. I, p. 145.</p>
-
-<p><a id="Footnote_637" href="#FNanchor_637" class="label">[637]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 146, <i>lettre</i> en date du 28 août 1669.</p>
-
-<p><a id="Footnote_638" href="#FNanchor_638" class="label">[638]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 149, <i>lettre de</i> <span class="small1">Bussy</span>, en date du dernier
-août 1668.</p>
-
-<p><a id="Footnote_639" href="#FNanchor_639" class="label">[639]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 150 (en date du 4 septembre 1668).</p>
-
-<p><a id="Footnote_640" href="#FNanchor_640" class="label">[640]</a> Duc de <span class="small1">Villars-Brancas</span>, <i>Lettre</i> dans l'édition de Sévigné de
-M. Monmerqué, 1820, in-8<sup>o</sup>, t. I, p. <span class="small1">XXIV</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_A" href="#FNanchor_A" class="label">[A]</a> Conférez Segrais, <i>Nouvelles françaises, ou les Divertissements de la princesse
-Aurelie</i>, t. I, p. 147 à 155, et les plans de Paris de Gomboust, 1652.</p>
-
-<p><a id="Footnote_B" href="#FNanchor_B" class="label">[B]</a> L'autographe de cette lettre de La Fontaine est dans ma collection.</p>
- </div>
- </div>
-</div>
-
-<div class="chapter">
-<h2 class="normal">TABLE DES MATIÈRES</h2>
-<p class="subh"><b>TABLE SOMMAIRE</b><br />
-<b>DES CHAPITRES DE CE VOLUME.</b></p>
-</div>
-
-<table id="ToC" summary="contents">
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE PREMIER.&mdash;1654-1655</th>
-</tr>
-<tr>
-<td>&nbsp;</td>
-<td class="tdr">Pages.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">De Mazarin et de Retz.&mdash;Lettres de Retz à madame de
-Sévigné.&mdash;Lettres de madame de Sévigné à Ménage.&mdash;Détails sur
-Girault.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_1">1</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE II.&mdash;1655-1656.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Succès de Turenne.&mdash;Carrousel.&mdash;Mariage de mademoiselle
-de La Vergne avec le comte de La Fayette.&mdash;Madame de Sévigné
-va à Saint-Fargeau.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_18">18</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE III.&mdash;1655.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">De la marquise de Gouville et de Bussy.&mdash;Conduite de Bussy
-à l'égard de madame de Sévigné.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_30">30</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE IV.&mdash;1655.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Active correspondance entre Bussy et madame de Sévigné.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_37">37</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE V.&mdash;1655.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">De la marquise de Gouville; aventure de Bartet et du duc de
-Candale.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_48">48</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE VI.&mdash;1656.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">De madame de Sévigné, et de Marie de Hautefort, maréchale
-de Schomberg.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_59">59</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE VII.&mdash;1656.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">De madame de Sévigné, et du roi.&mdash;Correspondance de Bussy
-et de madame de Sévigné.&mdash;Détails sur la reine Christine.&mdash;Sur
-les <i>précieuses</i> de cette époque.&mdash;Publication
-des <i>Provinciales</i>.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_68">68</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE VIII.&mdash;1657-1658.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Madame de Sévigné fait l'éducation de ses enfants.&mdash;Leurs
-caractères.&mdash;Liaison de madame de Sévigné avec l'abbé
-Arnauld.&mdash;De Bossuet.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_90">90</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE IX.&mdash;1657-1658.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">De Louis XIV, de sa cour, de la comtesse de Choisy, d'Olympe
-Mancini, et de mademoiselle de La Mothe d'Argencourt.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_104">104</a>
-<span class="pagenum"><a id="Page_516"> 516</a></span></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE X.&mdash;1658.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Des partis qui se forment à la cour.&mdash;Conduite de
-Mazarin.&mdash;Madrigal de La Fontaine pour madame de
-Sévigné.&mdash;Madame de Sévigné reste à sa terre des
-Rochers avec ses trois oncles.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_117">117</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XI.&mdash;1657-1658.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Correspondance de Bussy avec madame de Sévigné.&mdash;Rupture.&mdash;Intrigues
-de Bussy.&mdash;Publication de l'<i>Histoire amoureuse
-des Gaules</i>.&mdash;Conduite de madame de Sévigné à son égard.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_130">130</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XII.&mdash;1658-1659.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Conduite de madame de Sévigné dans le monde.&mdash;De Louis XIV,
-et de Marie de Mancini.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_145">145</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XIII.&mdash;1658-1659.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Roman de <i>Clélie</i>.&mdash;Portrait de madame de Sévigné.&mdash;Ses
-liaisons avec la famille de Lavardin, avec Costar.&mdash;Vers que
-Ménage compose pour madame de Sévigné.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_162">162</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XIV.&mdash;1659-1660.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Heureux dénoûments de toutes les guerres et de toutes les
-intrigues de la Fronde.&mdash;Mariage du roi.&mdash;Mort de
-Gaston.&mdash;Les théâtres.&mdash;Vogue des <i>Précieuses ridicules</i>.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_176">176</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XV.&mdash;1661.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Mort de Mazarin.&mdash;La cour à Fontainebleau.&mdash;Intrigue
-amoureuse du roi avec La Vallière.&mdash;Madame de Sévigné passe
-l'été à sa terre des Rochers, et fait un voyage au mont
-Saint-Michel.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_188">188</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XVI.&mdash;1661.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Situation des affaires.&mdash;Madame de Sévigné est liée avec les
-deux fils d'Arnauld de Pomponne.&mdash;Ses espérances pour
-Fouquet.&mdash;Fouquet est arrêté.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_199">199</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XVII.&mdash;1661.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Fouquet, surintendant des finances.&mdash;Ses malversations, et sa
-conduite envers Louis XIV.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_209">209</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XVIII.&mdash;1661-1664.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Du procès de Fouquet.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_247">247</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XIX.&mdash;1661-1664.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Des lettres de madame de Sévigné trouvées dans la cassette de
-Fouquet, et de celles qu'elle écrivit pendant la durée du
-procès de Fouquet.&mdash;Captivité et mort de Fouquet.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_260">260</a>
-<span class="pagenum"><a id="Page_517"> 517</a></span></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XX.&mdash;1662-1663</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Louis XIV et son gouvernement.&mdash;Prédications de Bossuet.&mdash;Représentation
-de <i>Sertorius</i>.&mdash;De Boileau, de Racine, de
-La Fontaine, et de Molière.&mdash;Ballets.&mdash;Intrigue du roi avec
-mademoiselle de La Mothe-Houdancourt.&mdash;Révolutions de
-cour.&mdash;Correspondance de madame de Sévigné avec madame
-de La Fayette.&mdash;Portraits de madame de Sévigné et de Corbinelli,
-par Somaize.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_282">282</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XXI.&mdash;1663-1666.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">De l'amour de madame de Sévigné pour ses enfants.&mdash;De
-Louis XIV, de Boileau, de Molière, de Lulli, de La Fontaine,
-et de Racine.&mdash;Fêtes.&mdash;Anne d'Autriche tombe malade.&mdash;Tendres
-soins de Louis XIV pour sa mère.&mdash;Vision de madame
-de Motteville.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_307">307</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XXII.&mdash;1663-1664.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Fêtes données à la cour, dans lesquelles figure mademoiselle
-de Sévigné.&mdash;Madame de Sévigné se rend à sa terre de Bourbilly,
-et voit Bussy.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_321">321</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XXIII.&mdash;1665.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Nouveaux ballets, où figure mademoiselle de Sévigné.&mdash;Vers que
-Benserade a composés à sa louange.&mdash;Fêtes et plaisirs auxquels
-madame de Sévigné prend part. Sa liaison avec madame
-Duplessis-Guénégaud.&mdash;Conduite de Bussy avec madame
-de Sévigné.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_332">332</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XXIV.&mdash;1658-1665.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Des intrigues de Bussy avec madame de Monglat et la marquise
-de La Baume.&mdash;Publication des <i>Amours des Gaules</i>.&mdash;Bussy
-est mis à la Bastille.&mdash;Il obtient sa liberté, est exilé dans
-ses terres, et se réconcilie avec madame de Sévigné.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_341">341</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XXV.&mdash;1658-1668.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Longue discussion entre madame de Sévigné et Bussy au
-sujet de la conduite qu'ils ont tenue l'un envers
-l'autre.&mdash;Renouvellement de leur correspondance et de
-leur intimité.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_356">356</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Conclusion.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_375">375</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<th>NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.</th>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Première partie.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_379">379</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Seconde partie.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_463">463</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Table sommaire des chapitres.</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_515">515</a>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_518"> 518</a></span></td>
-</tr>
-</table>
-
-
-
-
-
-
-
-
-<pre>
-
-
-
-
-
-End of the Project Gutenberg EBook of Mémoires touchant la vie et les écrits
-de Marie de Rabutin-Chantal, (2/6), by Charles Athanase Walckenaer
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-*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MÉMOIRES TOUCHANT LA VIE ***
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-Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
-
-
-Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
-
-Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
-electronic works in formats readable by the widest variety of computers
-including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
-because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
-people in all walks of life.
-
-Volunteers and financial support to provide volunteers with the
-assistance they need, are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
-goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
-remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
-Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
-and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
-To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
-and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
-and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
-
-
-Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
-Foundation
-
-The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
-501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
-state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
-Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
-number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
-http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
-Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
-permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
-
-The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
-Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
-throughout numerous locations. Its business office is located at
-809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
-business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
-information can be found at the Foundation's web site and official
-page at http://pglaf.org
-
-For additional contact information:
- Dr. Gregory B. Newby
- Chief Executive and Director
- gbnewby@pglaf.org
-
-
-Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
-Literary Archive Foundation
-
-Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
-spread public support and donations to carry out its mission of
-increasing the number of public domain and licensed works that can be
-freely distributed in machine readable form accessible by the widest
-array of equipment including outdated equipment. Many small donations
-($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
-status with the IRS.
-
-The Foundation is committed to complying with the laws regulating
-charities and charitable donations in all 50 states of the United
-States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
-considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
-with these requirements. We do not solicit donations in locations
-where we have not received written confirmation of compliance. To
-SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
-particular state visit http://pglaf.org
-
-While we cannot and do not solicit contributions from states where we
-have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
-against accepting unsolicited donations from donors in such states who
-approach us with offers to donate.
-
-International donations are gratefully accepted, but we cannot make
-any statements concerning tax treatment of donations received from
-outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
-
-Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
-methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
-ways including checks, online payments and credit card donations.
-To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
-
-
-Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
-works.
-
-Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
-concept of a library of electronic works that could be freely shared
-with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
-Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
-
-
-Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
-editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
-unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
-keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
-
-
-Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
-
- http://www.gutenberg.org
-
-This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
-including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
-Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
-subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
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