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You may copy it, give it away or -re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included -with this eBook or online at www.gutenberg.org/license - - -Title: Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, (2/6) - -Author: Charles Athanase Walckenaer - -Release Date: March 5, 2016 [EBook #51364] - -Language: French - -Character set encoding: UTF-8 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MÉMOIRES TOUCHANT LA VIE *** - - - - -Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online -Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at -http://gallica.bnf.fr) - - - - - - - -Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par -le typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été -conservée et n'a pas été harmonisée. Les numéros des pages -blanches n'ont pas été repris. - - - - - MÉMOIRES - SUR MADAME - DE SÉVIGNÉ. - - DEUXIÈME PARTIE. - - -TYPOGRAPHIE DE H. FIRMIN DIDOT.--NESNIL (EURE). - - - - - MÉMOIRES - TOUCHANT - LA VIE ET LES ÉCRITS - DE MARIE DE RABUTIN-CHANTAL - DAME DE BOURBILLY - MARQUISE DE SÉVIGNÉ, - DURANT LE MINISTÈRE DU CARDINAL MAZARIN - ET LA JEUNESSE DE LOUIS XIV. - - SUIVIS - De Notes et d'Éclaircissements. - PAR - M. LE BARON WALCKENAER. - - TROISIÈME ÉDITION, - REVUE ET CORRIGÉE. - - PARIS, - LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET CIE, - IMPRIMEURS DE L'INSTITUT DE FRANCE, - RUE JACOB, 56. - - 1856. - - - - - MÉMOIRES - TOUCHANT LA VIE ET LES ÉCRITS - DE - MARIE DE RABUTIN-CHANTAL, - DAME DE BOURBILLY, - MARQUISE DE SÉVIGNÉ. - - - - -CHAPITRE PREMIER. - -1654-1655. - - Projets de Mazarin.--Fausse position de Condé.--Il est le seul - espoir des partis intérieurs qui s'opposent à Mazarin.--Dix mille - Français ont suivi Condé.--L'absence des plus notables se fait - remarquer au sacre du roi.--Nouvelle crise des affaires de - France.--Siége d'Arras par Condé.--Projet - d'Hocquincourt.--Menaces des parlements.--Turenne fait lever le - siége d'Arras.--La duchesse de Châtillon est employée pour - traiter avec d'Hocquincourt.--Le jeune roi intervient en personne - pour imposer silence au parlement.--Différence qui existe entre - la position du roi d'Angleterre et celle du roi de France.--Le - parlement hasarde des remontrances.--Mazarin fait des coups - d'autorité.--Il y joint la flatterie et la corruption.--Embarras - que cause à Mazarin l'inimitié de Retz.--Fautes de celui-ci.--Il - donne la démission de son archevêché.--Est transporté à - Nantes.--S'en échappe.--Se fracasse l'épaule.--Est sur le point - d'être pris.--Il traverse l'Espagne, et arrive à Rome assez à - temps pour l'élection d'un nouveau pape.--Il intrigue contre - Mazarin.--Lettre de Retz à Mme de Sévigné.--Différends entre - Ménage et le cardinal de Retz.--Ménage brouillé aussi avec - Bussy.--Lettre de madame de Sévigné à Ménage.--Elle y fait - mention de Girault.--Détails sur Girault. - - -Nous avons laissé, dans la première partie de ces Mémoires, madame de -Sévigné à sa terre des Rochers. Ses liaisons de parenté et d'amitié -avec le cardinal de Retz l'enchaînaient aux événements politiques qui -complétèrent le dénoûment de la Fronde; et comme ils devaient aussi -l'occuper dans sa solitude, il est nécessaire de les faire connaître. - -Au milieu de toutes les fêtes et de toutes les intrigues secrètes, -tandis que Louis grandissait, et que des maîtres habiles, ou mieux -encore les événements de chaque jour, achevaient son éducation d'homme -et de roi, Mazarin poursuivait ses projets, Condé et les Espagnols les -leurs. Mazarin fondait son ambition sur le rétablissement du pouvoir -royal et sur la grandeur de la France; Condé, sa puissance sur le -renversement du ministre et sur l'ascendant que lui promettait la -victoire; mais il était obligé de se prémunir contre les faveurs qu'il -savait lui ravir, pour qu'elles ne tournassent pas uniquement au -profit des Espagnols. Ceux-ci, de leur côté, ne secondaient qu'avec -défiance le génie de Condé, craignant toujours qu'au lieu d'être un -instrument de leur puissance, il ne devînt un obstacle par les succès -même obtenus avec leurs propres troupes. - -Cette fausse position de Condé faisait la force de la France et la -faiblesse de ses ennemis. Elle aurait fourni les moyens de terminer -promptement la lutte, si cet état de choses n'avait pas été la suite -et le résultat de divisions intestines. Les partis étaient comprimés, -mais non anéantis; leurs débris s'étaient réunis. Les partisans des -princes et ceux de Retz et des parlements, c'est-à -dire les -_princistes_, les indépendants, les frondeurs, et même les royalistes -mécontents, ne formaient plus qu'une seule phalange agissant contre -Mazarin, leur ennemi commun. Ils entretenaient entre eux une -correspondance active. Trop faibles pour renouveler leurs attaques à -force ouverte, ils conspiraient dans l'ombre contre le gouvernement, -et surtout contre la vie du premier ministre[1]. Toutes leurs -espérances se rattachaient à Condé, qu'un arrêt du parlement avait -reconnu criminel de lèse-majesté, et condamné à perdre ses biens, ses -honneurs et sa vie, déclarant en même temps sa postérité déchue de -tous ses droits à la couronne[2]. Dix mille Français qui avaient suivi -Condé se trouvaient proscrits avec lui, et à leur tête on comptait des -Montmorency, des Foix, des Duras, des La Trémouille, des Coligny. Le -sacre du jeune roi, qui eut lieu à Reims le 7 juin[3], montra, par -l'absence de ceux auxquels des droits imprescriptibles assuraient une -part dans cette auguste cérémonie, de quels puissants soutiens le -trône se trouvait privé, combien était large et profonde la blessure -que la révolte faisait à la monarchie. - -L'occupation que le sacre donna au gouvernement français, la pénurie -d'argent qu'éprouvaient les Espagnols, firent que le mois de juin -arriva sans que dans le nord on fût entré en campagne. Mais depuis -lors les opérations de la guerre, les négociations, et les intrigues, -non moins efficaces, des ruelles furent poussées avec une prodigieuse -activité, et mirent encore les affaires de la France dans une crise -qui la plaçait sur le penchant de l'abîme. Arras était assiégé par -Condé; des lignes formidables entouraient cette ville; sa prise -paraissait certaine. Le duc de Lorraine, sacrifié par Fuensaldagne aux -ressentiments et aux craintes qu'inspirait sa perfidie, avait été -arrêté; toutes les forces d'une grande et guerrière province étaient -tournées contre la France, et donnaient les moyens de pénétrer jusqu'à -sa capitale[4]. Les séductions de la duchesse de Châtillon avaient -arraché au maréchal d'Hocquincourt la promesse de livrer au prince de -Condé Péronne et Ham, deux des principales clefs du royaume[5]. Les -parlements essayaient de ressaisir le pouvoir qu'ils avaient perdu. -Tous ces graves événements donnèrent à Mazarin et à Turenne des -occasions de déployer l'activité de leur génie. - -Le siége d'Arras fut levé par la hardiesse de Turenne, qui pénétra -dans ces redoutables retranchements, réputés infranchissables. Condé -prévint la destruction de l'armée espagnole par une savante retraite, -et couvrit la Flandre, qui eût été aussitôt envahie par l'armée -française après sa victoire. Quand tout paraissait perdu, il sauva -tout[6]; et de son côté Turenne raffermit la fortune de la France au -moment même où elle paraissait le plus ébranlée. La prise du Quesnoy -et celle de Clermont en Argonne ne furent que les moindres -conséquences de son succès. Les génies de ces deux grands capitaines -parurent dans ces circonstances avoir changé de nature. Turenne -déploya la brillante audace et l'irrésistible impétuosité de Condé, et -Condé fit voir ce prudent courage, ces admirables prévoyances par où -Turenne s'était rendu célèbre. - -Hocquincourt commandait dans Péronne, et l'on savait que les Espagnols -lui offraient pour leur remettre cette place un prix supérieur à celui -que le gouvernement de France lui promettait pour rester fidèle. La -trahison qu'il méditait fut empêchée par la duchesse de Châtillon, -qu'il aimait. Mazarin la mit en chartre privée chez l'abbé Fouquet, -qui la força d'écrire au maréchal d'Hocquincourt, afin de l'engager à -procurer sa délivrance, en acceptant les propositions qui lui étaient -faites par le premier ministre[7]. La maréchale d'Hocquincourt, -adroite et spirituelle, fut aussi habilement employée par Mazarin en -cette négociation. Elle détermina son mari à accepter les six cent -mille livres qui lui étaient proposées, et obtint son consentement -pour que Péronne fût livrée à leur fils aîné, qu'elle en fit nommer -gouverneur. La duchesse de Châtillon fut, en vertu des mêmes -stipulations, remise en liberté; mais le maréchal d'Hocquincourt -acquit bientôt la preuve de ses nombreuses infidélités. Il s'était -trop engagé, pour oser se replacer sans crainte sous la puissance du -roi; il se jeta dans Hesdin, révolté, passa ensuite du côté des -Espagnols, et fut tué en défendant Dunkerque[8]. - -Le parlement, enhardi par les embarras du gouvernement et les progrès -que faisait l'armée de Condé, voulut délibérer de nouveau sur les -édits relatifs aux impôts vérifiés en lit de justice, sous prétexte -qu'alors la présence du roi avait ôté la liberté des suffrages. Dans -cette circonstance critique, Mazarin employa utilement l'intervention -personnelle du jeune monarque, et jugea que s'il n'était pas encore -assez mûr pour gouverner, il était d'âge à commencer à régner. Louis -XIV partit donc un jour de Vincennes, et entra dans la salle du -parlement assemblé, en justaucorps rouge, un fouet à la main, un -chapeau gris sur la tête, et suivi de son cortége, comme lui vêtu en -équipage de chasse. Il parla avec toute la hauteur du commandement, et -déclara que sa volonté était que son parlement s'abstînt à l'avenir de -toute délibération concernant l'administration de son royaume[9]. -Mazarin avait compris que, dans une monarchie telle que la France, il -ne suffisait pas au ministre d'exercer l'autorité au nom du roi, mais -que pour s'assurer une obéissance prompte, facile, exempte de trouble -et de résistance, il fallait encore qu'on fût bien convaincu que les -ordres que ce ministre donnait étaient conformes à la volonté propre -du monarque. Ceux qui de nos jours ont rêvé en France la possibilité -d'un roi trônant sans gouverner, et qui, dans leur jargon, ont appelé -monarchie constitutionnelle celle dont le chef n'aurait qu'un pouvoir -de délégation; dont le rôle tout passif se réduirait à accepter pour -ministres, et à reconnaître pour seuls maîtres de la direction des -affaires, des hommes désignés par des assemblées n'ayant d'autre -contrôle que leur volonté, d'autre impulsion que leurs passions; -ceux-là n'ont connu ni le caractère national, ni la nature humaine, -ni les vrais principes qui doivent régir une grande nation -continentale, forcée de maintenir son indépendance au milieu d'autres -nations également puissantes. Là le chef du pays est nécessairement le -chef de l'armée, et le chef de l'armée doit aussi indispensablement -être le chef du gouvernement, et de droit et de fait. Le roi et le -royaume, le souverain et ses sujets, la couronne et le sol, sont -inséparables. A ce pouvoir nécessaire il faut tracer des limites; -contre cette puissance obligée, il faut établir des garanties; mais si -vous les cherchez dans des institutions qui dénaturent son principe et -arrêtent son action, vous affaiblissez l'État, vous le rendez -incapable de soutenir la lutte incessante contre les forces -extérieures qui tendent à l'anéantir, vous forgez pour lui le joug de -l'étranger, vous préparez son asservissement et sa mort. Dans cette -puissante machine qui opère tant de prodiges, si vous absorbez par une -seule goutte d'eau froide le calorique qui donnait une si grande force -d'expansion à la vapeur, le piston retombe: ainsi s'affaisse -subitement tout gouvernement dont le principe est détruit. - -Le parlement se tut devant le roi; mais cependant il ne lui obéit pas -entièrement, et hasarda des remontrances. Mazarin alors se vit forcé -de déployer, comme Richelieu, les rigueurs du pouvoir royal. Plusieurs -conseillers furent exilés, d'autres furent mis à la Bastille[10]. A -ces mesures l'habile ministre sut joindre la flatterie, la persuasion, -et, au besoin, la corruption. Il parvint ainsi à obtenir, sans -résistance et sans retard, la vérification et l'enregistrement des -édits qui créaient de nouvelles taxes. Pour désigner les conseillers -qu'il fallait écarter par l'exil ou la prison, il s'était servi de -l'abbé Fouquet; pour connaître ceux qu'il pouvait gagner, il employa -Gourville, auquel ses liaisons et ses intrigues avec les anciens -frondeurs avaient donné une parfaite connaissance de ceux qui dans le -parlement étaient les plus accessibles aux insinuations et aux -propositions qu'il fut chargé de leur faire[11]. - -Le cardinal de Retz était destiné à occasionner à Mazarin des embarras -moins grands, mais plus prolongés, que ceux que lui avaient présentés -les parlements. Après la mort de son oncle, Retz, quoique captif, se -trouva, par sa seule déclaration et le secours de ses amis, -canoniquement et légalement archevêque de Paris. C'est alors qu'il eût -pu résister avec avantage à son puissant ennemi[12]. Il était soutenu -par tous les curés de Paris, qui au nom de la religion demandaient au -roi que le prélat fût rendu à son clergé et à son troupeau. Défendu -avec chaleur par le pape, qui voyait avec indignation qu'on retînt en -prison un prince de l'Église et qu'on violât des immunités -ecclésiastiques, Retz eût obtenu promptement sa liberté, et eût pu -présenter de grands obstacles à vaincre au ministre, qui voulait -anéantir entièrement son influence: mais ces obstacles, Retz les fit -de lui-même disparaître par ses imprudences, son défaut de jugement, -de fermeté et de constance. Il montra pour sa propre cause moins -d'habileté et d'intrépidité que Caumartin, Joly et d'Hacqueville, et -déconcerta tous les efforts de leur dévouement pour le triomphe de ses -intérêts. Il s'ennuya de sa prison, et ne put supporter les privations -qu'elle lui imposait. Il craignit ou feignit de craindre que Mazarin -ne le fît assassiner; et, contre l'avis de ses fidèles amis, il se -dépouilla du seul bouclier qui lui restait, de la seule arme qu'il -avait en main. Il remit au roi sa crosse pastorale; il se démit de son -archevêché[13]. Par ce grand sacrifice, Retz n'obtint même pas la -liberté après laquelle il soupirait; il échangea seulement son donjon -contre une détention moins triste et moins dure, dans le château de -Nantes, où le maréchal de La Meilleraye le fit garder avec autant de -soin et de vigilance qu'il l'était précédemment[14]. La démission de -Retz ne fut point acceptée par le pape, et Retz se proposa de la faire -annuler, comme ayant été le résultat de la violence; mais la faiblesse -qu'il avait eue de consentir à la donner découragea tous ses -adhérents. On s'approche pour secourir l'homme que l'on voit lutter -avec courage dans un combat inégal; on s'écarte de celui qui fuit, ou -l'on reste en place pour le voir passer. Cette faute ne fut pas la -seule que commit Retz. A Nantes il aurait pu, par sa conduite, trouver -dans les fonctions de son ministère, dans l'étude et dans la retraite, -des moyens certains d'intéresser à son sort et de changer sur son -compte l'opinion, toujours indulgente envers le malheur, toujours -sévère pour l'autorité, lorsqu'elle abuse ou même lorsqu'elle use de -sa force. Il aurait ainsi réveillé le zèle de son clergé et de ses -partisans, qui répugnaient à se détacher de lui. Au contraire, -oubliant la gravité des circonstances, on le voit uniquement occupé à -jouir des agréments de la société dont le maréchal de La Meilleraye -eut soin de l'entourer[15]; et dans les adoucissements apportés à sa -captivité, il ne voit d'autre avantage que celui de pouvoir se livrer -à sa passion pour les femmes, à ses goûts pour le monde. C'est à cette -époque qu'il essaya, mais en vain, de séduire mademoiselle de La -Vergne, cette amie intime de madame de Sévigné. «Le maréchal de La -Meilleraye, dit-il, ne pouvait rien ajouter à la civilité avec -laquelle il me garda. Tout le monde me voyait; on me cherchait même -tous les divertissements possibles; j'avais presque tous les soirs la -comédie; toutes les dames s'y trouvaient, elles y soupaient souvent. -Madame de La Vergne, qui avait épousé en secondes noces M. le -chevalier de Sévigné, et qui demeurait en Anjou avec son mari, m'y -vint voir, et amena mademoiselle sa fille, qui est présentement madame -de La Fayette. Elle était fort jolie et fort aimable, et elle avait de -plus beaucoup d'air de madame de Lesdiguières. Elle me plut beaucoup, -et la vérité est que je ne lui plus guère, soit qu'elle n'eût pas -d'inclination pour moi, soit que la défiance que sa mère et son -beau-père lui avaient donnée dès Paris même, avec application, de mes -inconstances et de mes différentes amours, la missent en garde contre -moi. Je me consolai de sa cruauté avec la facilité qui m'était assez -naturelle, et la liberté que le maréchal de La Meilleraye me laissait -avec les dames de la ville, qui, étant à la vérité très-entière, -m'était d'un fort grand soulagement[16].» Quoique Retz eût donné sa -parole de ne point chercher à s'échapper, le maréchal de La -Meilleraye, qui ne s'y fiait pas, le faisait garder à vue. Cette gêne -continuelle, la crainte de se voir confiné de nouveau dans une prison, -ou transporté à Brest, lui firent prendre la résolution de recouvrer -sa liberté. Aucun roman ne présente un intérêt égal à celui de sa -fuite. Les moyens en furent concertés par Joly, le duc de Brissac et -le chevalier de Sévigné. Il s'évada en plein jour, en présence même -des surveillants et des sentinelles qui le gardaient[17]. Ils -pouvaient l'arrêter dans sa course en faisant feu sur lui, mais ils ne -pouvaient courir après lui et se saisir de sa personne avant d'avoir -rompu la porte à jour par où il était sorti, et qu'il avait refermée -sur eux. Cela lui donna le temps de descendre, et de remonter avec des -cordes les murs d'un bastion de quarante pieds de haut, puis de -s'enfuir à toute bride sur un cheval qu'on lui avait préparé[18]. A -quelques lieues de Nantes, le cheval s'effraye, fait un écart: Retz -tombe et se fracasse l'épaule; il se remet en selle, continue à -courir, près de s'évanouir à chaque instant par la violence de la -douleur. Ceux qui le poursuivent sont sur le point de l'atteindre; il -se jette dans une meule de foin, et il y reste caché sept mortelles -heures, entendant sans cesse marcher près de lui ceux qui le -cherchaient; vingt fois au moment d'être découvert; étouffant les -gémissements que les angoisses de sa blessure lui arrachaient. Enfin -il arrive à Machecoul, dans le pays de Retz, chez son frère: il y -séjourne peu de temps, et, avec son épaule mal remise et tourmenté par -la fièvre, il passe dans une nacelle le petit bras de mer qui le -sépare de Belle-Isle, s'embarque dans cette île[19], aborde en -Espagne, traverse ce royaume dans la litière que Philippe IV lui a -envoyée, et refuse les présents de ce monarque, ennemi de la France et -en guerre avec elle. En Aragon il n'est point atteint par la peste -qui ravage cette province, et s'attendrit sur les malheurs qu'elle -cause. A la vue des belles et fertiles campagnes de cet Éden -enchanteur qu'on nomme le royaume de Valence, il ne peut contenir son -ravissement. Plus délicieusement encore ses yeux sont réjouis par une -nation de belles femmes dans l'île de Majorque. Là , des religieuses -toutes jeunes, fraîches, et gracieuses sous le voile, se présentent à -lui avec leur maintien doux et virginal, et lui donnent dans leur -couvent d'harmonieux concerts; elles chantent, en baissant leurs -longues paupières, des airs plus passionnés, dit-il, que ceux de -Lambert[20]. A Minorque, il est frappé de la pittoresque magnificence -de ces montagnes en amphithéâtre qui entourent le beau port de -Mahon[21]. Par un naufrage il est forcé d'aborder en Corse. A peine -rembarqué, poursuivi par une galère turque, sur le point d'être fait -prisonnier, il éprouve des dangers plus terribles encore: une tempête -furieuse l'assaille, et lui montre la mort sous mille formes. -Pourtant il touche un instant à cette imprenable forteresse de -Porto-Longone[22], et trouve enfin terre et liberté à Piombino. Il -termine sur la côte riante de la Toscane sa périlleuse navigation, et -fait ensuite son entrée dans Rome[23], où la mort d'Innocent X, son -protecteur[24], a lieu presque aussitôt son arrivée. Il se trouve en -mesure pour assister au conclave qui va s'ouvrir. - -Ainsi ce captif, ce banni, cet intrigant politique, ce tribun -turbulent, cet échappé des ruelles, semble n'avoir été éprouvé par -tant d'aventures, sauvé miraculeusement de tant de périls, que pour -venir à temps, avec toute la pompe et la magnificence d'un prince de -l'Église, siéger parmi les membres de ce sénat auguste, dont les -libres suffrages doivent donner au monde entier un souverain -pontife[25]. - -A Rome comme à Paris, Retz devint l'âme de toutes les intrigues qui -s'agitaient contre Mazarin. Il se montra même un ennemi plus -redoutable dans le conclave qu'il ne l'avait été dans le parlement, -puisqu'il réussit à faire nommer pape le cardinal Chigi, que Mazarin -repoussait. En même temps l'intrépide Chassebras, un de ses vicaires, -quoique banni par arrêt du parlement et obligé de se cacher, parvenait -à déconcerter toutes les mesures de la police, et faisait afficher -dans les carrefours et les rues de la capitale des exhortations, des -ordres, des mandements propres à fomenter les passions religieuses -parmi le peuple, à produire un schisme dans le diocèse. Chassebras en -aurait mis toutes les églises en interdit, si son archevêque l'avait -voulu[26]. Retz ne sut pas profiter de ce retour de la fortune. Plus -habile à entraver qu'à diriger, comme dans tout le cours de sa vie -politique, il voulait toujours marcher à un but mal défini, sans -prendre conseil des événements. De ce qu'il avait contribué à la -nomination de Chigi, il s'était persuadé que celui-ci se laisserait -gouverner par ses conseils. Mais il s'était trompé sur son caractère. -Alexandre VII, assis sur le trône pontifical, oublia bientôt les -promesses et les engagements du cardinal Chigi; il se souvint -seulement qu'il était pape et le père commun des fidèles. Il suivit -dans sa politique un système tout contraire à celui qui eût été -favorable à Retz, et dans lequel celui-ci aurait voulu l'engager. Au -lieu de chercher à tout diviser, il s'efforça de tout concilier, et -fit les plus grands efforts pour procurer entre la France et l'Espagne -une paix stable. Il se trouva par là engagé à soutenir Mazarin, qui -tendait au même but. Alors Retz s'aperçut, mais trop tard, qu'il avait -eu encore cette fois tort de ne pas suivre les conseils de ses amis, -qui l'engageaient à accepter l'appui que Lyonne, l'envoyé de Mazarin, -lui avait offert. Il fut obligé de reconnaître qu'il s'était encore -une fois perdu par son trop de confiance en lui-même; il vit que l'or -qu'il avait prodigué, les dettes qu'il avait contractées, ses -intrigues, si habiles et si multipliées, par lesquelles il était -parvenu à surprendre les secrets et la correspondance de Lyonne, en -favorisant les désordres de sa femme, et en fomentant la division -parmi ses domestiques, n'avaient servi qu'à le conduire à des -résultats contraires à ceux qu'il s'était proposé d'obtenir[27]. - -Lors de sa fuite, durant le court séjour qu'il fit soit à Machecoul, -soit à Belle-Isle[28], il éprouva le besoin de se justifier auprès du -maréchal de la Meilleraye, dont il n'avait eu qu'à se louer, et qu'il -compromettait gravement en lui manquant de parole. Mais comme il ne -pouvait communiquer avec lui sans le compromettre encore plus, il prit -le parti d'écrire à la marquise de Sévigné, qu'il savait être en -relation avec le maréchal. Il l'instruisit donc de son évasion, en -expliqua les motifs, et colora son manque de foi le mieux qu'il put. -Craignant que cette lettre ne fût interceptée, il l'envoya à Ménage -pour qu'il la fît parvenir à madame de Sévigné, en lui indiquant en -même temps l'usage qu'elle en devait faire. Ménage avait eu avec le -cardinal de Retz quelques démêlés, dont la gazette de Loret avait -retenti[29]; mais Ménage, après avoir occupé une place dans la maison -du cardinal, était trop honnête homme pour ne pas oublier tous les -sujets de plainte qu'il pouvait avoir eus contre lui, et pour ne pas -lui rester fidèle dans le malheur: il paraît aussi que Ménage s'était -brouillé, puis réconcilié, avec Bussy. On voit, d'après la réponse de -madame de Sévigné à Ménage, que tout ce qui concernait son cousin -Bussy l'intéressait vivement. Elle montre un grand empressement à -connaître les motifs du raccommodement qui avait eu lieu entre lui et -Ménage. Sa lettre est datée des Rochers, le 1er octobre 1654. Elle -commence par rendre grâce à Ménage de la diligence qu'il a mise à lui -faire parvenir la lettre du cardinal, qu'elle nomme toujours le -coadjuteur, par habitude, quoiqu'à cette époque il ne portât plus ce -titre. Elle ne doute pas que cette lettre, qu'elle a envoyée au -maréchal, ne fasse impression sur lui; puis elle ajoute: «Mais voici -qui est admirable, de vous voir si bien avec toute ma famille; il y a -six mois que cela n'était pas du tout si bien. Je trouve que ces -changements si prompts ressemblent fort à ceux de la cour. Je vous -dirai pourtant qu'à mon avis cette bonne intelligence durera -davantage; et pour moi, j'en ai une si grande joie que je ne puis vous -la dire, au point qu'elle est. Mais, mon Dieu! où avez-vous été pêcher -ce monsieur le grand prieur, que M. de Sévigné appelait toujours _mon -oncle le Pirate_? Il s'était mis dans la tête que c'était sa bête de -ressemblance, et je trouve qu'il avait raison. Dites-moi donc ce que -vous pouvez avoir à faire ensemble, aussi bien qu'avec le comte de -Bussy? J'ai une curiosité étrange que vous me contiez cette affaire, -comme vous me l'avez promis[30].» - -Elle demande ensuite à Ménage d'accorder son amitié à l'abbé de -Coulanges, qui se trouvait alors avec elle aux Rochers. «S'il est -vrai, dit-elle, que vous aimiez ceux que j'aime, et à qui j'ai -d'extrêmes obligations, je n'aurai pas beaucoup de peine à obtenir -cette grâce de vous.» - -Ménage, un jour, enchanté d'une lettre que lui avait écrite -mademoiselle de Chantal lorsqu'elle était son écolière, dit qu'il ne -la donnerait pas pour trente mille livres. Madame de Sévigné, -plaisantant sur ce fait de sa jeunesse (jamais aucune femme n'oublie -ce qui a été dit ou fait de satisfaisant pour son amour-propre), -termine ainsi sa lettre: «Je vous assure que vous devez être aussi -content de moi que le jour où je vous écrivis une lettre de dix mille -écus.» Puis, par un trait de coquetterie aimable, elle signe _Marie de -Rabutin-Chantal_, de même qu'était signée la lettre de dix mille écus. - -Dans le post-scriptum de cette même lettre elle dit: «Un compliment à -M. Girault; je n'ai point reçu son livre.» Ce livre était les -_Miscellanea_, ou les Mélanges de Ménage, dont nous avons parlé; car -dans la préface latine de ce recueil Ménage nous apprend que ce fut M. -Girault qui prit soin de recueillir et de mettre en ordre les pièces -qui s'y trouvent. Lorsque madame de Sévigné écrivait cette lettre, -cet ouvrage venait de paraître; et comme elle y était louée, nul doute -qu'elle n'en eût entretenu Ménage, si elle en avait eu connaissance. -Girault était un ecclésiastique, bel homme et de bonne compagnie, qui -fut le secrétaire de Ménage, et devint ensuite chanoine du Mans. Ce -canonicat lui fut cédé par Scarron[31]. Girault était en -correspondance avec plusieurs beaux esprits, et s'en faisait aimer par -l'empressement qu'il mettait à les tenir au courant de toutes les -nouveautés littéraires[32]. Son admiration pour Ménage lui fit donner -une place dans les satires, les épigrammes et les diatribes que cet -écrivain s'attira par sa plume caustique, guerroyante et -pédantesque[33]. - - [1] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. 364, 365. - - [2] DESORMEAUX, _Histoire de Louis de Bourbon, prince de Condé, - second du nom_, 1779, in-12, t. IV, p. 14 et 15.--LORET, liv. V, - p. 12, 24 janvier 1654, p. 37, 40.--MONGLAT, _Mém._, t. L, p. - 430. - - [3] BRIENNE, _Mém._, t. XXXVI, p. 219.--MONGLAT, _Mém._, t. L, p. - 534.--MONTPENSIER, _Mém._, t. XLI, p. 444.--LORET, lib. V, p. 72, - 13 juin 1654. - - [4] DESORMEAUX, _Hist. de Condé_, t. IV, p. 18.--MONGLAT, _Mém._, - t. L, p. 438.--MOTTEVILLE, t. XLI, p. 427.--LORET, liv. V, p. 30, - 33, 82, 14 mars et 4 juillet 1654. - - [5] _Mss. de l'hôtel de Condé_ cités par DESORMEAUX dans l'_Hist. - de Condé_, t. IV, p. 45, 68.--NAVAILLES, _Mém._, 1701, in-12, p. - 167.--BUSSY, _Hist. am. des Gaules_, t. I, p. 199, édit. - 1754.--Ibid., _Hist. am. de France_, p. 216 et 239.--Ibid., - _Hist. am. de France_, édit. de Liége, p. 160 à 189, édit. 1re; - p. 130 et 154, édit. 2e. - - [6] DE RAMSAY, _Hist. de Turenne_, liv. IV, t. II, p. 18, édit. - in-12, et la planche 6 de l'atlas. - - [7] DESORMEAUX, _Hist. de Condé_, t. IV, p. 49.--LORET, liv. V, - p. 118, 12 septembre 1654.--RAGUENET, _Hist. du vicomte de - Turenne_, p. 238 à 255. - - [8] MONGLAT, _Mém._, t. L, p. 469.--MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 426, - 429.--DE RAMSAY, _Hist. de Turenne_, t. II, p. 47 et 87, édit. - in-12. - - [9] MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 363.--MONGLAT, t. L, p. 458. - - [10] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 301. - - [11] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 397. - - [12] RETZ, _Mém._, t. XLVI, p. 243.--GUY-JOLY, t. XLVII, p. 262. - - [13] GUY-JOLY, _Mém._, t. XLVII, p. 292. - - [14] RETZ, _Mém._, t. XLVI, p. 253 et 254. - - [15] GUY-JOLY, _Mém._, t. XLVII, p. 294.--RETZ, _Mém._, t. XLVI, - p. 253. - - [16] RETZ, _Mém._, t. XLVI, p. 253, ou p. 437 de l'édit. - Champollion. - - [17] RETZ, t. XLVI, p. 258, 201 et 273. - - [18] Ibid., p. 271.--GUY-JOLY, _Mém._, t. XLVII, p. 312 à 317. - - [19] RETZ, _Mém._, t. XLVI, p. 281. - - [20] RETZ, _Mém._, t. LXVI, p. 285.--GUY-JOLY, t. XLVII, p. 238. - - [21] RETZ, _Mém._, t. XLVI, p. 287. - - [22] Ibid., p. 293. - - [23] GUY-JOLY, t. XLVII, p. 345 (le 28 novembre 1655). - - [24] RETZ, _Mém._, t. XLVI, p. 303. - - [25] RETZ, t. XLVI, p. 305, 348.--GUY-JOLY, _Mém._, t. XLVII, p. - 372 et 374.--MONGLAT, t. L, p. 471. - - [26] GUY-JOLY, t. XLVII, p. 387 et 388. - - [27] RETZ, t. XLVI, p. 344.--JOLY, t. XLVII, p. 372-374. - - [28] GUY-JOLY, t. LXVII, p. 322, 323, 330.--SÉVIGNÉ, _Lettres_, - 1820, in-8º, t. Ier, p. 28. Cette lettre de Retz ne fut point - écrite d'Espagne. - - [29] LORET, _Muse historique_, liv. III, p. 140, 5 octobre 1652; - _Ménagiana_, t. II, p. 5. - - [30] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 1, 28 et 29 (1er octobre 1654), - édit. 1820, et t. I, p. 34 et 37, édit. de G. de St.-G. - - [31] _Ménagiana_, t. II, p. 5; t. III, p. 192 et 193.--BRUZEN DE - LA MARTINIÈRE, _Hist. de M. Scarron_, t. I, p. 58 des _OEuvres_, - édit. 1737, in-18.--Voyez la première partie de ces Mémoires, p. - 452. - - [32] TALLEMANT DES RÉAUX, t. V, p. 257, édit. in-8º; t. IX, p. - 123, édit. in-12. - - [33] Jean BERNIER, _Anti-Ménagiana_, p. 43.--Gilles BOILEAU, - _Avis à M. Ménage sur son églogue intitulée Christine_, dans le - _Recueil des pièces choisies de_ LA MONNOYE, 1714, t. I, p. 278, - préface. - - - - -CHAPITRE II. - -1655-1656. - - Succès de Turenne.--Tranquillité de la capitale.--Ballets - royaux.--Le goût des spectacles se répand jusque dans les - colléges des jésuites.--On mêlait les concerts aux - sermons.--Pièce de Quinault qui renferme tous les - genres.--Mariages et visites de princes étrangers; fêtes à cette - occasion.--Le roi recevait des fêtes et en donnait.--Il dansait - dans les ballets.--Carrousel pendant le carême.--Les ducs de - Candale et de Guise s'y font remarquer.--Goût pour les devises, - partagé par madame de Sévigné.--Elle ne quitte point Paris ni les - environs.--Le maréchal de La Meilleraye ouvre les états généraux - de Bretagne.--Mariage de mademoiselle de La Vergne avec le comte - de La Fayette.--Madame de Sévigné se livre aux plaisirs du monde, - et résiste à toutes les séductions.--Occupations de mademoiselle - de Montpensier pendant son exil.--Madame de Sévigné va lui rendre - visite à son château de Saint-Fargeau. - - -La victoire d'Arras et la continuité des succès de Turenne pendant -toute la campagne[34] firent naître dans la capitale et dans tout le -royaume une sécurité que ne purent troubler ni les écrits que Retz -publia pour sa défense, ni les résistances de son vicaire Chassebras, -secrètement appuyées par les solitaires de Port-Royal et par leurs -nombreux amis[35]. - -On se livra aux plaisirs et à la joie que le retour du jeune roi dans -la capitale, après ses campagnes, ne manquait jamais de ramener; et ce -fut avec une chaleur, une unanimité qui surpassèrent encore celles de -toutes les années précédentes[36]. Les occasions ne manquèrent pas: -l'entrée dans Paris du comte d'Harcourt, qui ressembla à une pompe -triomphale; les fiançailles du fils du duc de Modène avec une des -filles de Martinozzi, nièce du cardinal[37]; l'arrivée de ce même duc -et celle du duc de Mantoue[38]; du duc François, frère du duc de -Lorraine; de la princesse d'Orange[39]; le mariage d'une des -demoiselles de Mortemart[40] avec le marquis de Thianges; celui de la -Ferté; celui de Loménie de Brienne[41], fils du ministre d'État, avec -la seconde fille de Chavigny, fournirent des occasions fréquentes au -roi et à Mazarin de donner des festins et des fêtes et d'en -recevoir[42]. Non-seulement le jeune monarque ne dédaignait pas -d'accepter des invitations qui lui étaient faites, mais il dansait et -jouait dans les ballets qui faisaient partie des fêtes qu'on lui -donnait, comme dans ceux qu'il faisait représenter à sa cour. Il y fit -jouer trois nouveaux ballets, qui tous furent d'une richesse -d'exécution que l'on crut ne pouvoir jamais être égalée[43]. Cependant -le dernier, intitulé _Psyché_, surpassa les deux autres en -magnificence. Un essaim de beautés y figuraient avec le roi et l'élite -des meilleurs artistes: Fouilloux et Menneville, qu'on nommait -toujours ensemble quand il fallait citer des modèles de grâce; cette -belle duchesse de Roquelaure, dont nous avons fait connaître la -tragique destinée; la douce et mélancolique Manicamp, qui ne se -prêtait plus que par obéissance à ces jeux mondains, et qui se fit -carmélite aux jours saints; puis la folâtre Villeroy, et Neuillant, et -Gramont, et beaucoup d'autres[44]. Cependant leurs attraits ne -pouvaient distraire le roi de cette aînée des Mancini, qui leur était -bien inférieure en beauté. Loret, dans les longues descriptions dont -il remplissait sa _Gazette_, ne manque pas de faire mention de ces -attentions de Louis pour elle: - - Le roi, notre monarque illustre, - Menait l'infante Manciny, - Des plus sages et gracieuses, - Et la perle des précieuses[45]. - -Ce qui donna un caractère particulier au carnaval de cette année fut -le grand nombre de mascarades et de folâtres divertissements dont -Louis XIV et son frère donnaient les premiers l'exemple, et dont ils -s'amusaient beaucoup. Aussi Loret remarque que - - Paris, dans la joie inondé, - Est tellement dévergondé, - Qu'on n'y voit que réjouissances, - Que des bals, des festins, des danses, - Que des repas à grands desserts, - Et de mélodieux concerts[46]. - - -Cependant, de tous les genres de plaisirs, ceux que l'on préférait, -ceux auxquels on revenait toujours, étaient les représentations -théâtrales. Jamais les théâtres publics n'avaient attiré plus de -spectateurs. Ce goût se répandit si généralement, que les jésuites, si -habiles à suivre la pente de leur siècle, et auxquels était -principalement confiée l'éducation de la haute noblesse, composèrent -dès lors des tragédies latines, et les firent représenter par l'élite -de la belle jeunesse qui s'élevait dans leurs colléges. Ces -représentations eurent lieu devant de nombreuses assemblées de -dignitaires de l'Église, de gens de cour, et de ce que Paris -renfermait de plus illustre dans les lettres et dans l'État[47]. Elles -eurent le plus grand succès. Cet usage des jésuites a commencé sous la -jeunesse de Racine, et a été continué sans interruption bien au delà -de l'époque de la jeunesse de Voltaire, dont le maître, le père Porée, -était un jésuite, auteur des meilleures de ces tragédies latines. -C'est à ces premières impressions de collége, c'est à l'influence de -ces maîtres habiles sur ceux qui devaient un jour illustrer notre -littérature, et sur ceux qui devaient être les juges de leurs -productions, que l'on doit, suivant nous, ce goût grec et romain, ces -formes régulières, et un peu uniformes, qu'a prises la tragédie sous -la plume des deux grands maîtres que nous venons de nommer, et sous -celle de leurs nombreux imitateurs. Mais le grand Corneille, par la -diversité de ses ouvrages, semblait avoir épuisé tous les genres de -compositions scéniques: et à l'époque dont nous traitons, c'est-à -dire -dans les années 1655 et 1656, la satiété commençait déjà à exiger la -réunion de tous les genres, mais non pas encore leur mélange. Ce fut -cette année que Quinault donna au théâtre du Marais une pièce -intitulée _la Comédie sans comédie_, qui renfermait à la fois, dans un -même cadre et en quatre actes, les quatre sortes de poëmes dramatiques -connus alors, une pastorale, une comédie, une tragédie, et une -tragi-comédie ou une pièce ornée de machines et de danses, -c'est-à -dire un opéra. Remarquons que le dernier acte de cette pièce -était une première et intéressante ébauche du plus bel ouvrage que -Quinault composa depuis, l'opéra d'_Armide_[48]. - -Le carême força de suspendre les danses, les ballets, les mascarades; -mais la fougue qui entraînait le jeune monarque et toute la société -vers les plaisirs fit imaginer des moyens de les prolonger: on allia -ces divertissements aux pompes mêmes de la religion, ou on leur donna -le caractère de cette chevalerie antique que la religion avait -autrefois encouragée et approuvée. C'est alors que commencèrent ce -qu'on appelait les concerts de dévotion, qu'on nomma depuis -_spirituels_; et ces brillants carrousels, image de nos vieux -tournois, qui disparurent avec les années prospères du règne de Louis -XIV, et lorsque les derniers vestiges des mÅ“urs, des habitudes et des -temps qu'ils rappelaient se furent effacés. Loret a décrit, de la même -manière qu'il décrivait les ballets de cour, le grand concert de -dévotion qui fut exécuté au monastère de Charonne, à l'heure de -vêpres, par les plus célèbres musiciens, les plus fameux chanteurs et -les meilleures cantatrices de cette époque, en présence du roi, de -toute la cour, et d'une nombreuse assemblée de beau monde; concert -qui fut terminé par un sermon du père Senault. - - Le père Senault y prêcha, - Et son éloquence toucha - De même qu'à l'accoutumée; - Bref, chacun eut l'âme charmée, - En ce saint lieu de grand renom, - Tant du concert que du sermon[49]. - -Le carrousel que le roi donna au Palais-Royal sembla réaliser les -descriptions des romanciers, par la beauté des coursiers, les -richesses et la singularité des costumes, l'éclat des armures, la -rapidité des évolutions exécutées aux sons bruyants de la musique -guerrière. Cette fête chevaleresque fut comme l'annonce de celles que -Louis XIV devait donner par la suite, et dont la magnificence fut un -sujet d'étonnement pour l'Europe entière[50]. - -Après le roi, ceux qui se firent le plus remarquer dans ce carrousel -furent le duc de Candale et le duc de Guise. En voyant ce dernier, on -se rappelait ses intrigues avec la princesse de Gonzague, ses amours -avec la comtesse de Bossu, qui furent suivis d'un mariage et d'une -séparation; la constance de sa passion pour mademoiselle de Pons, qui -le trahissait et favorisait son écuyer Malicorne; ses deux expéditions -pour conquérir le royaume de Naples; sa captivité en Espagne et son -arrivée à Paris, qui eut lieu juste au moment où il dut se rendre au -lit de justice qui condamna à l'exil Condé, auquel il devait sa -délivrance. Cette vie martiale, galante, si pleine d'aventures; le -costume dont il était revêtu, sa grâce, son adresse dans le -carrousel, tout contribuait à le rendre le type achevé des chevaliers -du moyen âge; non tels qu'ils étaient en réalité, mais tels que les -représentent à l'imagination, dans un siècle plus poli et sous des -couleurs plus brillantes, les fictions de l'Arioste[51]. - -Les boucliers de tous ceux qui figurèrent dans ce carrousel étaient -ornés d'emblèmes ingénieux, accompagnés de paroles en langue -espagnole, italienne ou française; et ce fut sans doute à ces jeunes -guerriers et à l'esprit de galanterie qui régnait alors, à nos -liaisons avec l'Espagne, que l'on dut ce goût pour les allégories et -les devises qui domina durant tout ce règne, et que madame de Sévigné -partagea[52]. - -Elle était restée à Paris pendant tout l'hiver; et elle ne retourna -point même, selon sa coutume, à sa terre des Rochers pendant la belle -saison. On peut croire que les plaisirs si animés de la capitale -contribuèrent à l'y retenir. Les fêtes de la cour, auxquelles elle -était invitée, furent prolongées pendant tout le printemps, et ne -cessèrent même pas lorsque le roi se fut transporté à Compiègne. Ce -fut dans cette ville qu'on joua, le 30 mai, le nouveau ballet royal -des _Bienvenus_, lorsque le prince Eugène épousa, par procuration, au -nom du fils du duc de Modène, la fille de Martinozzi[53]. C'était -d'ailleurs uniquement par raison d'économie que madame de Sévigné -allait se renfermer tous les ans dans son triste château de Bretagne, -et c'était la même raison qui l'empêchait cette année de s'y rendre. -Le maréchal de La Meilleraye fit le 20 juin l'ouverture des états de -Bretagne. Il était d'usage dans ces occasions, parmi la haute -noblesse, de se donner mutuellement des festins, et madame de Sévigné -avait éprouvé, du vivant de son mari, combien cet usage était -dispendieux; il l'eût été encore plus pour elle cette fois. -L'ouverture des états se faisait à Vitré[54], c'est-à -dire à sept -kilomètres de son château, et une si grande proximité de l'auguste -assemblée lui eût attiré un nombre illimité d'importuns visiteurs. Son -titre de veuve et la prolongation de son séjour à Paris donnaient à -madame de Sévigné les moyens de se soustraire à ces inconvénients, et -elle en profita. D'autres motifs encore ont pu l'engager à s'écarter -de ses habitudes. Mademoiselle de La Vergne épousa le 20 février de -cette année (1655) François Mottier, comte de La Fayette, lieutenant -des gardes françaises. Le désir de pouvoir accompagner sa jeune amie -dans les nouvelles assemblées où son mari la présenta dut déterminer -madame de Sévigné à agrandir encore le cercle de ses relations, et -ajoutait aux motifs qu'elle avait de renoncer au voyage de Bretagne. -De plus, le président de Maisons et plusieurs autres personnages -qu'elle comptait au nombre de ses amis furent rappelés de leur exil, -et revinrent dans la capitale précisément à l'époque où elle avait -coutume de la quitter. Le besoin qu'elle éprouvait de s'entretenir -avec eux, la satisfaction qu'elle avait de les revoir, l'auraient -engagée à ne pas partir, lors même que tant d'autres causes ne -l'auraient pas déterminée à rester. - -Madame de Sévigné, en s'abandonnant ainsi au tourbillon du monde, en -se prévalant des succès qu'elle y obtenait par sa jeunesse, ses -charmes, son esprit; en cédant à l'orgueil naturel à son sexe de -faire naître des passions, sans vouloir les partager, augmentait les -dangers auxquels était exposée, sinon sa personne, au moins sa -réputation; son état de veuve rendait à cet égard sa position plus -critique. Plus elle avait d'indépendance, plus elle en jouissait, plus -il était facile à la calomnie de la noircir. Quand on pense aux mÅ“urs -de cette époque, aux moyens puissants de séduction de tous ceux qui -affichaient hautement à son égard leur amour et leurs espérances, on -ne pourrait croire qu'elle fût jamais parvenue à échapper à tant -d'écueils, si tous les témoignages contemporains ne concouraient à -nous prouver qu'elle en est sortie non-seulement sans recevoir aucune -atteinte, mais même pure de tout soupçon. - -Durant les mois d'été, le séjour de Paris, alors resserré par ses -remparts, était encore plus incommode qu'il ne l'est actuellement; -aussi madame de Sévigné passa presque entièrement cette partie de la -belle saison à Livry, qu'elle appelait son désert; mais ce désert se -trouvait aussitôt peuplé par une société nombreuse, aimable et -brillante, lorsqu'elle s'y transportait. Elle fit cependant encore à -cette époque une courte et plus lointaine excursion hors de la -capitale; ce fut, en quelque sorte, pour satisfaire à un devoir que le -monde, mais non pas elle, considérait alors comme un acte de courage. -Ceci réclame quelques détails qui feront connaître l'esprit et les -mÅ“urs du temps et les différents intérêts qui divisaient alors la -cour et la haute société. - -Mademoiselle de Montpensier n'avait vu qu'avec peine le triomphe de -Mazarin et de la cause royale. Elle correspondait en secret avec le -prince de Condé, et n'avait pas perdu entièrement l'espérance de -pouvoir l'épouser un jour. Elle se fit un grand chagrin des succès de -Turenne; mais son père lui causa des peines bien plus vives, et dont -les motifs étaient plus réels. Gaston convoitait les grands biens de -sa fille aînée, et il voulait l'obliger à en céder une partie aux deux -filles qu'il avait eues de Marguerite de Lorraine, sa seconde femme. -Il avait épousé celle-ci par amour, et elle conservait un grand empire -sur lui. Peut-être mademoiselle de Montpensier, naturellement grande -et généreuse, se serait-elle montrée disposée à des arrangements de -cette nature, si on lui en avait parlé comme d'un sacrifice qu'il lui -fallait faire en faveur de ses sÅ“urs dépourvues de fortune, si on lui -avait demandé ce sacrifice comme un don, comme une générosité de sa -part, purement gratuite, dont on lui aurait su gré; mais il n'en était -pas ainsi. Son père cherchait à lui arracher une portion de son -patrimoine par la ruse et la fraude, et au moyen d'un compte de -tutelle, où les dettes qu'il avait contractées envers sa fille étaient -atténuées ou déguisées; où il faisait figurer les répétitions non -fondées qui lui étaient allouées par des arbitres vendus à ses -intérêts. De tels procédés exaspérèrent mademoiselle de Montpensier, -elle résista avec hauteur et fermeté; mais, quoique majeure, comme -elle n'était point mariée, elle se trouvait, comme princesse du sang, -sous la puissance paternelle, relativement au choix de ses dames -d'honneur, de ses gens d'affaires et de tous ceux qui composaient sa -maison. Gaston éloignait d'elle arbitrairement tous ses serviteurs les -plus dévoués. Il y eut alors dans la petite cour de MADEMOISELLE des -démêlés et des intrigues dont elle nous a, dans ses Mémoires, donné -les détails avec une fatigante prolixité. Comme Gaston négociait avec -le ministre, et cherchait à rentrer en grâce, mademoiselle de -Montpensier, qui, au contraire, se montrait hostile, craignit qu'on ne -fît à son égard un coup d'autorité. Elle se soumit donc en partie à ce -qu'on exigeait d'elle, mais non sans beaucoup de dépit et de douleur -et sans répandre bien des larmes. Elle s'était, au mois de février, -approchée de Paris, et elle était venue jusqu'à Lesigny, pour voir une -maison qu'elle avait intention d'acheter[55]. Pendant les trois ou -quatre jours qu'elle résida dans ce lieu, elle éprouva ce que pouvait -la disgrâce du souverain, même à l'égard d'une princesse généralement -aimée et qu'on aurait désiré voir revenir dans la capitale. «Il vint -du monde de Paris me voir, dit-elle: j'eus néanmoins plus de -compliments que de visites; j'avais fait tout le monde malade. Tous -ceux qui n'osaient me mander qu'ils craignaient se brouiller avec la -cour feignirent d'être malades ou qu'il leur était arrivé quelque -accident.» - -Madame de Sévigné ne fut point au nombre de ces lâches moribonds; nous -en avons une preuve non douteuse, car nous savons qu'au mois de -juillet de cette même année elle quitta Paris pour se rendre à -Saint-Fargeau, et tout exprès pour faire sa cour à l'illustre exilée. -C'est MADEMOISELLE qui nous apprend elle-même ce fait dans ses -Mémoires; et son récit nous fait entrevoir que ce petit voyage, fait -en compagnie avec madame de Monglat et madame de Lavardin, ne fut pas -sans agrément pour notre jeune veuve. - -«J'étais, dit MADEMOISELLE, dans mon château de Saint-Fargeau, où, -après avoir donné ordre à mes affaires[56] (ce que je faisais deux -fois la semaine), je ne songeais qu'à me divertir. Madame la comtesse -de Maure et Mademoiselle de Vandy me vinrent voir, comme elles -revenaient de Bourbon; ce me fut une visite très-agréable. Elles -étaient des personnes d'esprit et de mérite, et que j'estime fort. -Mesdames de Monglat, Lavardin et de Sévigné y vinrent exprès de Paris: -la première y était déjà venue deux fois; madame de Sully y vint -pendant qu'elles y étaient, et M. et madame de Béthune, qui s'en -allaient aux eaux de Pougues: tout cela faisait une cour fort -agréable. M. de Matha y était aussi; il commençait à être amoureux de -madame de Frontenac. Le mari de cette dernière, Saujon et d'autres, -s'y trouvèrent. Nous allions nous promener dans les plus jolies -maisons des environs de Saint-Fargeau, où l'on me donnait de fort -belles collations; j'en donnais aussi dans de beaux endroits des bois, -avec mes violons: on tâchait de se divertir[57].» - - [34] MONGLAT, _Mém._, t. L, p. 459.--RAMSAY, _Hist. de Turenne_, - t. II, liv. IV, p. 17 à 69, édit. in-12. - - [35] RETZ, _Mém._, t. XLVII, p. 382, 391, 535. - - [36] LORET, _Muse historique_, t. II, liv. VI, p. 17, _lettre_ en - date du 30 janvier 1655.--Ibid., p. 6 et 12.--MOTTEVILLE, t. - XXXIX, p. 369. - - [37] LORET, liv. VI, p. 79, 106; liv. VII, p. 6, 7 et 19. - - [38] LORET, liv. VI, p. 141, 190 et 199, _lettre_ en date du 24 - déc. 1655. - - [39] LORET, liv. VII, p. 22, _lettre_ 6, en date du 5 février. - - [40] LORET, liv. VI, p. 82. - - [41] LORET, liv. VI, p. 193, _lettre_ en date du 18 décembre - 1655, et liv. VII, p. 13, _lettre_ en date du 12 janvier 1656. Ce - Brienne est celui dont M. Barrière a publié les Mémoires. - - [42] LORET, liv. V, p. 77; liv. VII, p. 32 et 33, et p. 37, en - date du 4 mars 1656. - - [43] BENSERADE, _OEuvres_, t. II, p. 117.--LORET, liv. VII, p. - 20, en date du 19 février 1656. - - [44] LORET, liv. VI, p. 12, 67, 69, 107, 141, 143, - 193.--MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. 369.--LORET, liv. VII, p. - 2, 3, 5, 14, 15, 19, 43 (_lettre_ du 25 janvier); liv. VIII, p. - 43.--BENSERADE, _OEuvres_, t. II, p. 172. - - [45] LORET, liv. VI, p. 141, 142, 143; liv. VII, p. 23 et 25. - - [46] LORET, _Muse hist._, liv. VI, p. 17, _lettre_ en date du 30 - janvier 1655, et ibid., p. 6 et 12.--MOTTEVILLE, _Mém._, t. - XXXIX, p. 307, 369. - - [47] LORET, t. II, liv. IV, p. 118 et 127 (7 et 21 août 1655). - - [48] Frères PARFAICT, _Histoire du Théâtre François_, t. VIII, p. - 129 à 140.--QUINAULT, _OEuvres_, 1715, in-12, t. Ier, p. 260 à - 358. - - [49] LORET, t. II, liv. VI, p. 127, _lettre_ 31, en date du 25 - août 1655. - - [50] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 58, 60.--SAUVAL, - _Galanteries des Rois de France_, 1738, t. II, p. 10. - - [51] _Mémoires de_ GUISE.--PASTORET fils, _Révolution de Naples_. - - [52] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. 372. - - [53] LORET, liv, VI, p. 78, 79, 81.--BENSERADE, _OEuvres_, t. II, - p. 113. - - [54] _Registres des états de Bretagne_, mss. Bibl. du roi; Bl. - Mant., no 75, p. 324 à 329. - - [55] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLI, p. 487. - - [56] Sur les constructions et les embellissements que - MADEMOISELLE fit alors exécuter à son château de Saint-Fargeau, - consultez M. le baron CHAILLOU DES BARRES, _Châteaux - d'Ancy-le-Franc, de Saint-Fargeau_ et _de Tanlay_, 1845, in-4º, - p. 71. - - [57] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLI, p. 473 et 474. - - - - -CHAPITRE III. - -1655. - - Bussy continue ses assiduités auprès de madame de Sévigné.--Ses - intrigues avec madame de Monglat.--Il se laisse aller aux - séductions de la marquise de Gouville.--Positions des grands - personnages pendant les troubles de la Fronde.--Le besoin que les - princes avaient de leurs serviteurs et des nobles dans leur - dépendance rapprochait les rangs.--Comment cet état de choses - produisait le déréglement des mÅ“urs.--Des filles d'honneur - d'Anne d'Autriche.--La marquise de Gouville attachée à la - princesse de Condé.--Détails sur cette princesse.--Lenet devient - son conseiller.--Peinture qu'il fait de la cour de cette - princesse à Chantilly.--Détails sur la marquise de - Gouville.--Bussy lui plaît.--Le rendez-vous qu'il en reçoit - l'empêche de faire ses adieux à madame de Sévigné avant de partir - pour l'armée. - - -Pendant cette année Bussy sut mettre à profit pour ses amours tout le -temps de son séjour à Paris, qui se prolongea jusqu'au moment de son -départ pour l'armée. Sa cousine madame de Sévigné était encore, de -toutes les femmes qu'il courtisait, celle dont l'esprit le charmait le -plus, celle dont la conquête lui eût été le plus agréable; peut-être -parce qu'elle était celle qui offrait le plus de difficultés. -Cependant cette amitié et cette confiance qu'il en obtenait, les -préférences dont elle le rendait l'objet, répandaient tant d'agrément -sur sa vie, qu'il se montrait auprès d'elle aussi empressé et aussi -assidu que le lui permettaient les liaisons, d'une autre nature, qu'il -avait formées. Assuré de madame de Monglat comme d'un bien qui -désormais lui appartenait, et qu'il croyait ne pouvoir jamais lui -échapper, il se laissa entraîner aux séductions de la marquise de -Gouville. - -Plusieurs causes contribuèrent, durant les troubles de la Fronde, au -déréglement des mÅ“urs. Les princes et les princesses qui étaient à la -tête des partis, jeunes eux-mêmes, étaient entourés d'une jeunesse -active et dévouée. La prudence de l'âge mûr ou la froideur de la -vieillesse eussent été peu propres à ces intrigues aventureuses, à ces -agitations continuelles, à ces périls toujours renaissants, à ces -rapides vicissitudes d'opinions et de partis. Ces grands personnages, -souvent réduits par des revers subits à de cruelles extrémités, -recevaient de la part de la jeune noblesse qui les entourait, et qui -était à leurs gages, des preuves de fidélité et de dévouement d'une -nature telle, qu'aucune richesse ne pouvait les payer, qu'aucun -honneur ne pouvait les récompenser. Alors il était naturel qu'il -s'établit une sorte d'égalité entre le supérieur et l'inférieur, entre -le chef et le subordonné, tous deux liés à la même cause, tous deux -risquant également pour elle leur fortune et leur vie. Cet état de -choses était peu favorable à une sévère morale; et les princes, dans -l'âge où l'on se laisse facilement emporter à la fougue des passions, -non-seulement ne s'inquiétaient pas des déréglements qui avaient lieu -autour d'eux, mais ils en donnaient eux-mêmes l'exemple. Quant aux -princesses, lors même qu'elles eussent toutes été à l'abri du reproche -à cet égard (et il était loin d'en être ainsi), elles ne pouvaient ni -surveiller, ni scruter rigoureusement la conduite de jeunes femmes -souvent forcées, pour les servir, d'entreprendre seules des voyages -périlleux, d'user de continuels subterfuges et de travestissements. -Lorsque leur inconduite leur était dévoilée, elles étaient d'autant -moins tentées de s'en courroucer et d'y mettre un terme, que c'était -à ces liaisons coupables qu'elles devaient souvent les succès des -intrigues qu'elles ourdissaient pour le triomphe de leur cause. Ceci -explique cette multitude d'aventures galantes qui donnèrent un -caractère si particulier aux troubles de la Fronde, où les tempêtes -populaires et les combats sanglants se rattachaient sans cesse aux -agitations des ruelles et aux rivalités d'amour. La cour même d'Anne -d'Autriche ne fut pas exempte de la contagion générale. Des six filles -d'honneur de cette reine, Ségur, la seule qui n'eût point d'attraits, -fut la seule qui n'eut point d'amant[58]. - -Durant ce temps de désordres, la marquise de Gouville avait résidé -près d'une princesse plus âgée qu'Anne d'Autriche, mais dont la cour, -soit parce qu'elle était réunie à celle de sa belle-fille, soit par -l'effet de son choix, était uniquement composée de femmes jeunes, -jolies, spirituelles, et propres à seconder les entreprises les plus -hasardeuses. C'était cette princesse qui faillit allumer une guerre -générale en Europe, quand Henri IV vieillissant s'éprit pour elle -d'une folle passion; c'était cette princesse qui dans un âge plus -avancé, encore vaniteuse et coquette, se vantait d'avoir eu pour -amants des papes, des rois, des cardinaux, des princes, des ducs, et -de simples gentils-hommes; c'était, enfin, cette Montmorency autrefois -si belle, la princesse de Condé douairière, la mère du grand -Condé[59]. - -Lenet, du parlement de Dijon, qui était son conseiller intime, nous a -donné une peinture intéressante et animée de la position critique où -elle se trouva à Chantilly, lorsque Condé, en 1650, et dans le plus -fort de la guerre civile, en lui laissant sa femme et son fils, se fut -réfugié dans son gouvernement et eut levé l'étendard de la révolte. La -princesse douairière avait besoin de correspondre continuellement avec -ce prince, afin d'échapper à la surveillance de Mazarin, qui cherchait -à s'emparer de sa belle-fille et de son petit-fils. Toutes les jeunes -femmes qui composaient sa cour étalent continuellement agitées par des -alternatives de crainte et d'espérance, selon les nouvelles que l'on -recevait de Paris ou de Guienne; et, au milieu de toutes ces anxiétés -et de ces peines, leurs inclinations pour le plaisir s'augmentaient -encore par les chances de malheur auxquelles elles étaient exposées et -par l'incertitude de leur sort dans l'avenir. - -On était alors à la fin du mois d'avril, et jamais on ne vit dans un -séjour plus enchanteur, sous un ciel plus pur et par une plus douce -température, un plus grand nombre de beautés occupées d'autant -d'intrigues. Le matin, dispersées dans les jardins, sur la terrasse, -sur les balcons du château, elles se promenaient solitaires, ou se -réunissaient en groupes. Les unes, folâtres, chantaient ou récitaient -entre elles des madrigaux, des sonnets, ou improvisaient des charades, -des bouts-rimés, des énigmes; d'autres, plus sérieuses, se parlaient -bas, s'écartaient, s'enfonçaient mystérieusement, et à pas lents, dans -des allées du parc, ou dans des bosquets reculés; plusieurs, couchées -sur la pelouse, assises sur les bords de l'étang, occupées de la -lecture d'un roman ou d'une lettre, n'apercevaient rien de ce qui se -passait autour d'elles. - -Dans la soirée on se réunissait dans la chapelle, où la prière se -faisait en commun; toutes les dames passaient ensuite dans -l'appartement de la princesse, et les hommes les y suivaient. Là on -tenait conseil; on lisait les lettres que l'on avait reçues de la -duchesse de Longueville, les écrits plaisants ou sérieux que l'on -faisait circuler en faveur des princes; on se divertissait des -satires, des chansons et des bouffonneries qui pullulaient contre le -cardinal Mazarin; puis l'on jouait à divers jeux, et le salon -retentissait des bonds, des claquements de mains, des ris bruyants de -la troupe enjouée. Tout à coup un grand silence succédait, on se -rassemblait près de la princesse douairière, on se pressait autour du -grand fauteuil de cette matrone de la galanterie. On était tout -attention, tout oreille, quand elle consentait à raconter, avec une -grâce qui lui était particulière, les faits de sa vie passée; les -intrigues amoureuses de la cour de Henri IV; ses premières entrevues -avec ce glorieux monarque; comment elle le reconnut un jour dans la -cour du château qu'elle habitait, au milieu de l'escorte d'un -capitaine de sa vénerie, revêtu de la livrée d'un piqueur, avec un -large emplâtre sur la figure, et conduisant deux lévriers en laisse. -Tous ces récits étaient trop du goût d'un tel auditoire pour qu'ils ne -fussent pas préférés à toute autre occupation, à toute autre -distraction[60]. - -«C'était, dit Lenet, un plaisir très-grand de voir toutes les jeunes -dames qui composaient cette cour-là , tristes ou gaies, suivant les -visites rares ou fréquentes qui leur venaient, et suivant la nature -des lettres qu'elles recevaient; et comme on savait à peu près les -affaires des unes et des autres, il était aisé d'entrer assez avant -pour s'en divertir. Il y en avait qui étaient servies d'un même -galant; d'autres qui croyaient l'être de plusieurs, et qui ne -l'étaient de personne, et d'autres qui l'auraient voulu être d'un -autre que de celui qui les galantisait; d'autres encore qui eussent -souhaité d'être les seules qui eussent été servies de tous; et en -vérité elles méritaient toutes de l'être[61].» - -La marquise de Gouville était, de toutes les jeunes femmes qui -composaient la cour de Chantilly, celle qui, par ses charmes et la -vivacité de son esprit, s'attirait le plus d'adorateurs. Son mari -était à l'armée du prince de Condé[62], et elle se trouvait sous la -surveillance de sa mère, la comtesse de Tourville; surveillance -légère, qui servit plutôt à voiler qu'à empêcher les poursuites des -comtes de Cessac, de Meille, de Lorges et de Guitaut, qui étaient -devenus amoureux d'elle: ce dernier l'emporta sur ses rivaux[63]. - -A Paris, en 1655, la marquise de Gouville fut une des beautés qui -contribuèrent le plus à l'agrément des fêtes nombreuses qui eurent -lieu. Elle-même en donna plusieurs, et réunit la société la plus -brillante. On jouait chez elle des ballets, et le bal succédait à la -comédie[64]. Au milieu de ce grand monde de la capitale, dont elle -faisait partie, et dont elle attirait les regards à tant de titres, le -nombre de ses adorateurs devint bien plus considérable que lorsqu'au -commencement de son mariage elle se trouvait sous la tutelle -maternelle, et attachée à la petite cour de la princesse de Condé. Le -maréchal Duplessis[65], du Lude, le beau Candale, le présomptueux -Barlet, étaient alors ceux qui se disputaient ses faveurs[66]. Elle -vit Bussy, et il lui plut. Bussy, malgré ses engagements avec madame -de Monglat, ne put se refuser à une aussi agréable conquête; mais elle -fut cause qu'il se conduisit envers madame de Sévigné d'une manière à -se donner les apparences de l'oubli et de l'indifférence. Madame de -Sévigné était à Livry lorsque Bussy se disposait à partir pour -l'armée[67]. Bussy avait promis à sa cousine d'aller la voir dans sa -retraite champêtre; mais fort occupé, dans les derniers moments, de -son double amour et de ses équipages de guerre, il différa cette -visite jusqu'à la veille de son départ. Comme il se disposait à se -rendre à Livry, il reçut un billet d'une de ses maîtresses, qui -l'invitait à venir la trouver. Madame de Sévigné, qui attendait Bussy, -ne le voyant point arriver, envoya fort tard lui demander s'il ne -viendrait pas lui dire adieu. Le messager de madame de Sévigné revint -avec la lettre qu'elle lui avait remise, et lui annonça qu'il n'avait -point trouvé M. de Bussy au Temple, ni pu savoir où il était. Le -lendemain matin, Bussy, après avoir passé hors de chez lui la nuit -entière, ne trouva plus un seul moment à sa disposition, et il partit -sans avoir vu sa cousine, et sans savoir qu'elle lui avait écrit[68]. - - [58] SAUVAL, _Galanteries des Rois de France_, édit. 1738, t. II, - p. 59. - - [59] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XLI, p. 95. - - [60] LENET, t. LIII, p. 139, 140, 142, 143. - - [61] LENET, _Mém._, t. LIII, p. 112, 143, 155. - - [62] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLI, p. 190. - - [63] LENET, _Mém._, t. LIII, p. 112, 113, 154, 155, 239, 266 et - 513; t. LIV, p. 213.--COLIGNY-SALIGNY, _Mém._, 1841, in-8º, p. 24 - à 31. - - [64] LORET, liv. VI, p. 106, du 17 juillet 1655. - - [65] SEGRAIS, _Mém._, t. II, p. 127. - - [66] CONRART, _Mém._, t. XLVIII, p. 200. - - [67] SÉVIGNÉ, _lettres_ (26 juin et 3 juillet 1655), t. I, p. 30 - et 32, édit. M.; t. I, p. 38 et 40, édit. G. C'est bien de la - marquise de Gouville qu'il est question en cet endroit. - - [68] BUSSY, _Mém._, édit. 1721, t. II, p. 14, et t. II, p. 17 de - l'édit. in-4º. - - - - -CHAPITRE IV. - -1655. - - Bussy, pour s'excuser, écrit à sa cousine qu'il avait passé la - nuit chez le baigneur.--Explication sur ce mot.--Ce qu'étaient - les hôtels garnis et les bains publics sous le siècle de Louis - XIV.--Madame de Sévigné devine Bussy, ou est instruite de ses - actions.--Lettre qu'elle lui écrit.--Bussy lui avoue tout.--Il - lui demande réciprocité de confiance.--L'interroge sur l'amour - qu'a pour elle le surintendant.--Réponse de madame de - Sévigné.--Correspondance qui s'établit entre eux.--Nouvelle - lettre de madame de Sévigné à Bussy.--Cette correspondance - augmente l'inclination qu'ils avaient l'un pour l'autre.--Bussy - se plaint de n'être pas assez aimé de sa cousine.--Comment madame - de Sévigné se défend, et se justifie de désirer que Bussy reste à - l'armée.--Bussy envoie un messager à Paris, avec des lettres pour - ses deux maîtresses, sans écrire à madame de Sévigné.--Reproche - que fait à Bussy madame de Sévigné. - - -Lorsque Bussy fut arrivé devant Landrecies, dont l'armée royale avait -formé le siége, il n'eut rien de plus pressé que d'écrire à sa cousine -pour s'excuser d'avoir manqué à lui faire ses adieux; et pour ne pas -révéler le secret de ses amours, il lui dit que dans la nuit qui avait -précédé son départ il avait été coucher chez le baigneur. Pour bien -comprendre la réponse que lui fit madame de Sévigné, et avoir une idée -exacte des mÅ“urs et des habitudes de cette époque, il faut expliquer -à nos lecteurs ce qu'on entendait par _le baigneur_, lors de la -jeunesse de Louis XIV. - -Il y avait alors à Paris, en plus grand nombre qu'aujourd'hui, des -bains chauds nommés étuves pour la bourgeoisie, et même pour les gens -de bas étage[69]. On comptait aussi dans cette ville une quantité -d'auberges et d'hôtelleries pour toutes les conditions, puis quelques -hôtels garnis magnifiquement meublés[70], mais en très-petit nombre. -Ces hôtels étaient principalement à l'usage de ceux de la haute -noblesse qui ne faisaient pas partie de la cour, et qui n'avaient à -Paris ni maison ni hôtel à eux. Pour ceux de cette classe qui en -possédaient, pour les grands seigneurs et les gens de cour qui -résidaient dans la capitale, il existait encore une ou deux maisons, -un ou deux établissements d'un genre particulier, qu'il est difficile -de définir, parce qu'il n'y en a plus de semblable: c'était bien un -hôtel garni, où l'on se trouvait pourvu avec luxe de tous les besoins -et de toutes les commodités de la vie, mais où l'on pouvait s'en -procurer encore d'autres, qui n'existaient pas dans les meilleurs et -les plus somptueux hôtels garnis. - -Ces maisons étaient ordinairement tenues par des hommes experts dans -tout ce qui concernait la toilette, et renommés par leur habileté à -coiffer les hommes et les femmes. Les barbiers et les baigneurs ne -formaient alors qu'une seule et même profession; ils étaient -constitués en corporation, sous le titre de barbiers-étuvistes; mais -le maître de l'établissement dont nous parlons, et qu'on nommait _le -baigneur_ par excellence, n'était point soumis aux règlements de cette -corporation. Il exerçait son état par un privilége spécial émané du -roi lui-même, ou d'un des officiers de sa maison. - -On se rendait chez le baigneur par différents motifs. D'abord par -raison de santé et de propreté: c'était là que l'on prenait les -meilleurs bains, les bains épilatoires, les bains mêlés de parfums et -de cosmétiques, par lesquels on donnait plus de vigueur au corps, plus -de douceur à la peau, plus de souplesse aux membres. Cette maison -était pourvue d'un grand nombre de domestiques soumis, réservés, -discrets, adroits. On s'y enfermait la veille d'un départ, ou le jour -même d'un retour, afin de se préparer aux fatigues qu'on allait -éprouver, ou pour se remettre de celles qu'on avait essuyées. -Voulait-on disparaître un instant du monde, fuir les importuns et les -ennuyeux, échapper à l'Å“il curieux de ses gens, on allait chez le -baigneur: on s'y trouvait chez soi, on était servi, choyé; on s'y -procurait toutes les jouissances qui caractérisent le luxe ou la -dépravation d'une grande ville. Le maître de l'établissement et tous -ceux qui étaient sous ses ordres devinaient à vos gestes, à vos -regards, si vous vouliez garder l'incognito; et tous ceux qui vous -servaient, et dont vous étiez le mieux connu, paraissaient ignorer -jusqu'à votre nom. Votre entrée et votre séjour dans cette maison -étaient pour eux comme un secret d'État, qu'ils ne révélaient jamais. -Aussi c'était chez le baigneur que les femmes qui ne pouvaient -autrement échapper aux yeux qui les surveillaient se rendaient -déguisées, le visage masqué, seules, ou conduites par leurs amants. -Enfin de jeunes seigneurs, amis des plaisirs sans contrainte, ou d'une -vie peu réglée, faisaient la partie de se rendre ensemble chez le -baigneur, et y séjournaient quelquefois plusieurs jours, afin de se -livrer plus facilement et plus secrètement à leur goût pour le jeu, le -vin et la débauche. Pourtant cette maison était tellement grande et si -bien distribuée en corps de logis séparés, que les personnes sages, -tranquilles ou infirmes, que des motifs de santé ou les aisances qu'on -y trouvait y avaient conduites, n'étaient nullement troublées par ces -hôtes bruyants et dissolus: elles ne pouvaient même soupçonner leur -présence dans un lien où régnaient toujours pour elles l'ordre, la -décence et un calme profond. - -La faculté de tenir un établissement de ce genre était une sorte de -privilége exclusif, qui ne pouvait s'exercer qu'au moyen d'un haut -patronage. C'était donc pour ceux qui y étaient propres, et qui n'y -répugnaient pas, un moyen assuré de faire fortune. Ils étaient -nécessairement les intermédiaires de beaucoup d'intrigues, les -confidents de plusieurs grands personnages, les dépositaires -d'importants secrets. Aussi les écrits du temps, qui se taisent sur -plusieurs faits historiques, nous ont fait connaître le nom du plus -fameux baigneur de cette époque: ce fut Prudhomme[71], auquel succéda -plus tard La Vienne, chez lequel le roi lui-même, dans le temps de ses -premières amours, allait se baigner et se parfumer. La Vienne devint -par la suite son premier valet de chambre[72]. - -Nos lecteurs, qui savent actuellement ce que c'était que _le -baigneur_, comprendront mieux la réponse que fit à Bussy madame de -Sévigné. Elle ne fut pas dupe de la feinte de son cousin, ou elle fut -instruite de quelle manière il avait passé la nuit la veille de son -départ. La lettre de Bussy lui était parvenue à Livry, et c'est de ce -lieu que sa réponse est datée, le 26 juin: - -«Je me doutais bien que tôt ou tard vous me diriez adieu, et que si ce -n'était chez moi, ce serait du camp devant Landrecies. Comme je ne -suis pas une femme de cérémonie, je me contente de celui-ci, et je -n'ai pas songé à me fâcher que vous eussiez manqué à l'autre. Je -m'étais déjà dit vos raisons, avant que vous me les eussiez écrites; -et je suis trop raisonnable pour trouver étrange que la veille d'un -départ on couche chez le baigneur. Je suis d'une grande commodité pour -la liberté publique; et pourvu que les bains ne soient pas chez moi, -je suis contente: mon zèle ne me porte pas à trouver mauvais qu'il y -en ait dans la ville[73].» - -Bussy s'aperçut que madame de Sévigné avait tout appris ou tout -deviné, et il chercha à se faire tout pardonner, en l'amusant par le -récit de son entrevue et de ses adieux. Il le fait avec beaucoup -d'esprit et de gaieté, et parvient à tout dire, en conservant les -convenances et une grande décence d'expression. Mais il voudrait ne -pas faire à sa cousine, avec abandon, confidence de tout ce qui le -concerne, sans obtenir d'elle la même réciprocité. - -«Mandez-moi, lui dit-il, je vous prie, des nouvelles de l'amour du -surintendant; vous n'obligerez pas un ingrat. Je vais vous dire, à la -pareille, des nouvelles du mien pour ma Chimène: il me semble que je -vous fais un honnête parti, quand je vous offre de vous dire un -secret pour des bagatelles.» - -En terminant, Bussy insiste encore pour que sa cousine lui mande -l'histoire de l'amour du surintendant, quelle qu'elle soit. Elle lui -répond sur cet article dans une lettre datée de Paris le 19 juillet, -écrite au retour du voyage qu'elle avait fait à Saint-Fargeau, et dont -elle fait mention dans cette lettre. Ce qu'elle dit nous prouve -combien Fouquet mettait d'insistance dans le désir qu'il avait de la -séduire, et nous éclaire sur la conduite qu'elle tenait à son égard, -et sur son plan de défense. - -«Quoiqu'il n'y ait rien de plus galant que ce que vous me dites sur -toute votre affaire, je ne me sens point tentée de vous faire une -pareille confidence sur ce qui se passe entre le surintendant et moi; -et je serais au désespoir de pouvoir vous mander quelque chose -d'approchant. J'ai toujours avec lui les mêmes précautions et les -mêmes craintes; de sorte que cela retarde notablement les progrès -qu'il voudrait faire. Je crois qu'il se lassera enfin de vouloir -recommencer toujours la même chose. Je ne l'ai vu que deux fois depuis -six semaines, à cause d'un voyage que j'ai fait. Voilà ce que je puis -vous en dire et ce qui en est. Usez aussi bien de mon secret que -j'userai du vôtre; vous avez autant d'intérêt que moi de le -cacher[74].» - -Dans la correspondance qui s'établit pendant cette campagne entre -madame de Sévigné et Bussy, dont ce dernier a enrichi ses Mémoires, on -les voit tous deux mutuellement charmés de leur esprit, et fiers de -s'appartenir. Madame de Sévigné éprouve une joie sensible lorsqu'elle -reçoit la nouvelle que son cousin s'est distingué à Landrecies[75], -qu'il a reçu les éloges de Turenne; que Mazarin, le roi et toute la -cour ont dit du bien de lui. Et Bussy, de son côté, tout amoureux -qu'il est de sa cousine, et fort disposé à s'en montrer jaloux, -apprend cependant toujours avec plaisir l'effet produit par ses -charmes sur quelques personnages importants. - -«Il y a deux ou trois jours qu'en causant, lui dit-il, avec M. de -Turenne, je vins à vous nommer. Il me demanda si je vous voyais: je -lui dis que oui, et qu'étant cousins germains et de même maison, je ne -voyais pas une femme plus souvent que vous. Il me dit qu'il vous -connaissait, et qu'il avait été vingt fois chez vous sans vous -rencontrer; qu'il vous estimait fort, et qu'une marque de cela était -l'envie qu'il avait de vous voir, lui qui ne voyait aucune femme. Je -lui dis que vous m'aviez parlé de lui, que vous aviez su l'honneur -qu'il vous avait fait, et que vous m'aviez témoigné lui en être -obligée. A propos de cela, madame, il faut que je vous dise que je ne -pense pas qu'il y ait au monde une personne si généralement estimée -que vous. Vous êtes les délices du genre humain; l'antiquité vous -aurait dressé des autels, et vous auriez assurément été déesse de -quelque chose. Dans notre siècle, où l'on n'est pas si prodigue -d'encens, et surtout pour le mérite vivant, on se contente de dire -qu'il n'y a point de femme à votre âge plus vertueuse ni plus aimable -que vous. Je connais des princes du sang, des princes étrangers, des -grands seigneurs façon de princes, des grands capitaines, des -gentils-hommes, des ministres d'État, des magistrats et des -philosophes, qui fileraient pour vous si vous les laissiez faire. En -pouvez-vous demander davantage? A moins que d'en vouloir à la liberté -des cloîtres, vous ne sauriez aller plus loin[76].» - -On ne peut donner à une femme des éloges plus satisfaisants pour son -orgueil; et ce qui devait les rendre plus acceptables, c'est qu'ils -étaient l'expression de la vérité, et non celle d'une fade adulation -ou d'un sot enthousiasme. Madame de Sévigné ne montre pas pour son -cousin la même admiration qu'il témoigne pour elle; cependant elle -loue son esprit avec une sincère effusion. «Je ne crois pas, lui -écrit-elle, avoir jamais rien lu de plus agréable que la description -que vous me faites de l'adieu de votre maîtresse. Ce que vous dites, -que l'Amour est un vrai _recommenceur_, est tellement joli et -tellement vrai, que je suis étonnée que, l'ayant pensé mille fois, je -n'aie pas eu l'esprit de le dire[77].» - -Bussy se plaint que sa cousine montre trop peu de tendresse pour lui, -en paraissant si préoccupée de sa gloire et de son avancement. «Quand -on aime bien les gens qui vont à l'armée, dit-il avec justesse, on a -plus de crainte pour les dangers de leur personne que de joie dans -l'espérance de l'honneur qu'ils vont acquérir[78].» Cependant, comme -en même temps Bussy devine qu'il y a plus de dépit dans ce que sa -cousine a écrit sur ce sujet, que d'absence de sentiment, et qu'il a -la fatuité de le lui dire, elle lui répond de manière à tâcher de le -convaincre que c'est bien véritablement qu'elle mérite le reproche -qu'il lui adresse, et qu'elle ne désire pas qu'il en soit autrement. -Ayant appris qu'il sollicitait la permission de rester à l'armée -pendant tout l'hiver, elle lui dit: «Comme vous savez, mon pauvre -Comte, que je vous aime un peu rustaudement, je voudrais qu'on vous -l'accordât; car on dit qu'il n'y a rien qui avance tant les gens, et -vous ne doutez pas de la passion que j'ai pour votre fortune[79].» - -Cependant la lettre dont Bussy se plaignait montrait bien évidemment -que sa cousine conservait de la rancune pour la manière dont il avait -agi à l'époque de son départ pour l'armée. Elle était piquée d'avoir -été sacrifiée alors au désir de passer quelques heures de plus avec -une maîtresse. Bussy avait raison d'avoir cette pensée; mais il avait -tort de la manifester. - -«Je serais, lui avait-elle dit, une indigne cousine d'un si brave -cousin si j'étais fâchée de vous voir cette campagne à la tête du plus -beau corps qui soit en France, et dans un poste aussi glorieux que -celui que vous tenez. Je crois que vous désavoueriez des sentiments -moins nobles que ceux-là . Je laisse aux _baigneurs_ d'en avoir de plus -tendres et de plus faibles. Chacun aime à sa mode: pour moi, je fais -profession d'être brave aussi bien que vous. Voilà les sentiments dont -je veux faire parade[80].» - -Dans une autre occasion, l'empressement qu'elle met à écrire à son -cousin, lorsqu'il la néglige, nous prouve avec quel soin elle -cherchait à écarter d'elle tout soupçon de dépit ou de sentiment -jaloux, quoiqu'elle ne puisse s'empêcher d'en laisser toujours percer -quelque chose. Bussy avait envoyé à Paris un messager avec des lettres -pour ses deux maîtresses, et il ne lui avait rien remis pour madame de -Sévigné. Celle-ci profita cependant de ce même messager pour écrire à -son cousin, afin de le féliciter sur les succès qu'il avait obtenus à -la guerre, et dont la renommée l'avait instruite. Dans une autre -lettre, où elle avait besoin de rappeler toutes celles qu'elle lui -avait adressées depuis quelque temps, elle dit: «Je vous ai encore -écrit par un laquais que vous avez envoyé ici, lequel était chargé de -plusieurs lettres pour de belles dames. Je ne me suis pas amusée à -vous chicaner de ce qu'il n'y en avait pas pour moi, et je vous fis -une petite lettre en galoppant[81].» - -Voici en quels termes elle avait écrit à Bussy sur ce point délicat, -dans cette petite lettre faite en _galoppant_: - -«Je me trouvai hier chez madame de Monglat, qui avait reçu une de vos -lettres, et madame de Gouville aussi: je croyais en avoir une chez -moi, mais je me suis trompée dans mon attente, et je jugeai que vous -n'aviez pas voulu confondre tant de rares merveilles. J'en suis bien -aise, et je prétends avoir un de ces jours _une voiture_ à part.» - -L'allusion qu'elle fait ici à la haute renommée de Voiture comme -épistolographe, et à la double signification de son nom, qui ne -serait dans toute autre occasion qu'un simple calembour, devient dans -cette circonstance un éloge flatteur, et un reproche aimable, empreint -du sentiment d'une noble et juste fierté. - - [69] SAUVAL, _Antiquités de Paris_, t. II, p. 650. - - [70] _Livre commode, contenant les adresses de la ville de - Paris_, 1692, in-8º, p. 54 à 89. - - [71] CHAVAGNAC, _Mém._, 1699, in-12, t. I, p. 207.--CHOISY, - _Mém._, t. LXIII, p. 304 (Prud'homme fournissait de l'argent au - duc de la Feuillade). - - [72] _France galante, ou Hist. am. de la Cour_, 1695, in-12, p. - 134; _Hist. am. des Gaules_, 1754, t. II, p. 326, 331.--SÉVIGNÉ, - _Lettres_ (4 avril 1671), t. II, p. 3, édit. de - Monmerqué.--SAINT-SIMON, _OEuvres complètes_, 1791, in-8º, t. - Ier, p. 75.--Ibid., _Mém. authentiques_, t. II, p. 81, 82. Voyez - ci-après, p. 54. - - [73] _Supplément aux Mém. et Lettres de M. le comte de Bussy_, t. - I, p. 49.--BUSSY, _Mém._, 1721, in-12, t. II, p. 14; t. II, p. 17 - de l'édit. in-4º.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (3 juillet 1655), t. I, p. - 30 et 32, édit. Monmerqué; ou t. I, p. 38 et 40 de l'édit. de G. - de S.-G. - - [74] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 36, édit. de M.; ou p. 46, - édit. de G.; _Supplément aux Mém. de_ BUSSY, t. I, p. 51; _Mém._, - t. II, p. 27, édit. in-12, et p. 35 de l'édit. in-4º. - - [75] MONGLAT, _Mémoires_, t. L, p. 461; _Histoire de la Monarchie - françoise sous le règne de Louis le Grand_, 4e édition, 1697, - in-12, p. 72. - - [76] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 47, in-12, et p. 56 de - l'in-4º.--SÉVIGNÉ, _Lettres_ (7 octobre 1655), t. I, p. 42, édit. - M.; t. I, p. 52, édit. G. - - [77] SÉVIGNÉ, _lettre_ en date du 19 juillet 1655, t. I, p. 130, - et t. I, p. 45, édit. de G. de S.-G. - - [78] _Lettre de Bussy_, en date du 13 août 1655.--Dans SÉVIGNÉ, - _Lettres_, t. I, p. 40, édit. M.; p. 49.--BUSSY, _Mém._, t. II, - p. 32, in-12, et dans l'édit. in-4º, t. II, p. 38. - - [79] SÉVIGNY, _Lettres_ (25 novembre 1655), t. I, p. 56, édit. - G., p. 45, édit. M. - - [80] SÉVIGNY, _Lettres_ (20 juin 1655), t. I, p. 31, édit. M., ou - p. 39, édit. G.--BUSSY, _Mém._ t. II, p. 15 de l'in-12; de - l'édit. in-4º, p. 18. - - [81] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (14 juillet, t. I, p. 33), édit. - M.--BUSSY, _Mém._, t. II, p. 23 de l'édit. in-12, et t. II, p. 28 - de l'édit. in-4º.--_Lettres de_ SÉVIGNÉ, t. I, p. 42 et 45 de - l'édit. de G. de S.-G.; t. I, p. 35 et 36, édit. M. (19 juillet). - - - - -CHAPITRE V. - -1655. - - Madame de Gouville donne une fête peu de jours après l'avanie - faite à Bartet, son amant.--Détails sur Bartet.--Il est employé - pendant la Fronde à d'importantes négociations.--Aventures de sa - jeunesse, et comment il était parvenu.--Sa présomption et sa - vanité.--Ressentiments qu'elles excitent.--Il obtient les faveurs - de la marquise de Gouville.--Il tient un propos outrageant sur le - duc de Candale.--Le duc de Candale s'en venge en lui faisant une - avanie.--Pourquoi Mazarin abandonne Bartet dans cette - circonstance.--Tout le monde rit de l'aventure de - Bartet.--Épigramme à ce sujet.--Bussy mande à madame de Sévigné - la querelle entre le marquis d'Humières, le comte de Nogent et la - Châtre.--Détails sur Bautru, comte de Nogent.--Plaisanteries - qu'il se permet au sujet de Roquelaure.--Passage d'une des - lettres de madame de Sévigné sur la duchesse de - Roquelaure.--Querelle entre le prince d'Harcourt et la - Feuillade.--Madame de Sévigné trouve plaisante la captivité de la - duchesse de Châtillon chez Fouquet.--Réflexions à ce - sujet.--Bussy se rend à Compiègne.--Il sollicite de Mazarin de - servir pendant l'hiver, et n'obtient rien.--Revient à Paris.--Y - séjourne.--Repart pour se rendre à l'armée de Turenne. - - -Le même jour que madame de Sévigné écrivit la lettre que nous venons -de citer, la marquise de Gouville donnait dans son hôtel, à Paris, une -fête dont le récit remplit une page entière de la Gazette de -Loret[82]: il décrit le ballet, les scènes grotesques, les danses, le -concert, et la collation. Cependant, lorsque la marquise de Gouville -donnait cette fête, l'avanie qu'à cause d'elle avait éprouvée Bartet, -un de ses amants, venait d'avoir lieu, et était l'objet des -conversations générales. Madame de Sévigné en parle dans une lettre -écrite à Bussy trois jours après celle dont nous avons fait mention en -dernier, c'est-à -dire le 19 juillet[83]; mais elle en parle brièvement -et en passant, afin de ne pas blesser son cousin. Pour bien la -comprendre, il faut suppléer aux détails qu'elle n'a pas eu besoin de -donner en écrivant à Bussy, qui était parfaitement instruit sur ce qui -concernait celui qui faisait l'objet de cette aventure. - -Quand Mazarin était exilé et proscrit par des arrêts du parlement, du -consentement du roi, c'est-à -dire de la reine régente, qui parlait en -son nom, il n'en continuait pas moins, des bords du Rhin ou de la -solitude des Ardennes, où il s'était réfugié, à diriger les affaires. -Le gouvernement n'était pas dans le cabinet des ministres, dans la -salle du conseil, dans les actes authentiques publiés au nom du roi, -mais dans les résolutions et les déterminations prises par la -reine régente dans les conciliabules qui avaient lieu dans la -chambre de l'exilé ou dans l'oratoire de la reine. Il était alors -nécessaire que la reine et son ministre pussent communiquer entre eux -continuellement, et de manière à ce qu'il ne restât aucune trace de -ces communications; que le secret le plus profond et le plus -impénétrable fût gardé sur leur but et sur leur résultat. De là naquit -l'importance des courriers de cabinet, et l'influence que ces -personnages subalternes prirent à cette époque. Comme ils auraient pu -être arrêtés par les partisans de la Fronde ou des princes, jugés et -condamnés par les parlements, à cause de leur correspondance avec un -banni déclaré ennemi de l'État, ils n'étaient chargés d'aucune -dépêche, d'aucune note, d'aucun papier; mais dépositaires des pensées -et des intentions secrètes du cardinal et de la reine, ils allaient et -venaient continuellement, portaient les paroles de l'un et de l'autre, -et prenaient à l'égard des tiers des engagements en leurs noms. On -voit que durant ces temps de troubles ces courriers de cabinet -n'étaient pas seulement des porteurs de dépêches, mais de véritables -négociateurs. A une époque aussi agitée, lorsque les intérêts -variaient sans cesse et si rapidement, lorsqu'il y avait tant -d'intrigues différentes, et qu'il fallait pour les conduire tant de -dissimulation et d'audace; lorsque les troupes des différents partis -envahissaient le pays, et empêchaient qu'on ne pût faire le plus petit -trajet sans travestissement, ce rôle de courrier de cabinet donnait à -tous ceux qui l'exerçaient une réputation de capacité, de courage, de -prudence et de fidélité, qui ennoblissait leurs fonctions, et les -faisait jouir d'une considération supérieure à celle de la charge dont -ils étaient revêtus. Bartet fut un de ceux que la reine et Mazarin -employèrent en cette qualité le plus souvent et avec le plus de -succès. - -Il était fils d'un paysan du Béarn. Son père lui ayant donné de -l'éducation, il devint avocat au parlement de Navarre. Il séduisit la -femme de chambre de l'épouse d'un conseiller de ce parlement. On -voulut le forcer à épouser cette fille, très-chérie de sa maîtresse: -il s'y refusa, quitta le pays, s'en alla à Rome, et, recommandé par -des jésuites, il s'attacha au duc de Bouillon, puis ensuite au prince -Casimir, frère du roi de Pologne, et qui lui succéda au trône. -Celui-ci, lorsqu'il fut roi, nomma Bartet son résident en France. -Bartet se fit ainsi connaître de Mazarin et des autres ministres de la -reine, et il obtint, par l'entremise de la princesse Palatine, d'être -nommé secrétaire du cabinet[84]. Bientôt il eut toute la confiance de -la reine et de son ministre, et fut initié aux plus importants secrets -d'État[85]. Fier de ses succès, il se fit de nombreux ennemis par sa -suffisance, sa fatuité, son ton et ses manières, qui auprès des -personnages élevés auxquels il avait affaire contrastaient si fort -avec son humble origine. La manifestation de notre propre supériorité -choque l'orgueil naturel d'autrui, lors même qu'elle semble justifiée -par la prééminence du talent, de la naissance ou de la fortune; mais -l'insolence d'un parvenu semble une atteinte portée à tous les droits -acquis: elle blesse comme une usurpation, et révolte comme une -ingratitude. Tels étaient les sentiments que faisait naître Bartet, -dont la causticité d'ailleurs n'épargnait personne, pas même ses amis -et ses bienfaiteurs. Bartet devint amoureux de la marquise de -Gouville. Cette femme séduisante était en même temps courtisée par le -duc de Candale, dont la vie fut si courte et les aventures si -nombreuses[86]. Bartet, si inférieur au duc de Candale pour la figure -et la tournure, l'emportait sur lui par certains avantages auxquels la -marquise de Gouville se montrait fort sensible. Au lieu de jouir en -secret d'un bonheur qui pouvait lui faire un ennemi puissant, Bartet -eut l'impudence de faire parade de sa conquête d'une manière -injurieuse pour son rival. En présence d'un grand nombre de personnes, -dont quelques-unes faisaient l'éloge du duc de Candale comme du plus -bel homme de l'époque et le plus propre à plaire aux femmes, Bartet -dit, avec un ton dédaigneux, «que si on ôtait à ce beau duc ses grands -cheveux, ses grands canons, ses grandes manchettes et ses grosses -touffes de galants, il ne serait plus qu'un squelette et un atome.» -Candale, outré de l'insolence de Bartet, et regardant comme au-dessous -de lui de se mesurer avec un tel homme, se vengea en grand seigneur, -ou, si l'on veut, en vrai brigand. Laval, son écuyer, à la tête de -onze hommes à cheval, arrête en plein jour, dans la rue Saint-Thomas -du Louvre, la voiture de Bartet. Deux des cavaliers se saisissent des -chevaux, deux autres portent le pistolet à la gorge du cocher, deux -autres mettent pied à terre, et entrent dans le carrosse le poignard à -la main; ils se précipitent sur Bartet, lui coupent avec des ciseaux -les cheveux d'un côté, et une moustache de l'autre; ils lui arrachent -son rabat, ses canons et ses manchettes; et, après lui avoir appris -que cette opération a lieu par ordre de monseigneur le duc de Candale, -ils le laissent aller[87]. - -Sous Richelieu, le personnage, quelque élevé qu'il fût, qui aurait -ainsi traité le plus obscur et le plus infime de ses affidés, eût été -obligé de fuir, et aurait eu à supporter le poids d'une procédure -criminelle. Mazarin, auquel Bartet se plaignit, lui promit justice, -fit même commencer quelques procédures, mais n'osa pas les faire -continuer. Candale avait rendu de grands services à Mazarin, qui -s'était donné des torts envers lui, en ne réalisant pas la promesse -qu'il avait faite de lui faire épouser sa nièce Martinozzi, mariée au -prince de Conti. Mazarin ne fut donc pas fâché d'avoir occasion de -montrer des égards pour ce seigneur, afin de le retenir dans son -parti. D'ailleurs, Bartet avait été le protégé de la reine plus encore -que celui de Mazarin, qui, dans sa correspondance écrite avec Anne -d'Autriche, avait cherché à la prémunir contre les défauts du -caractère de ce confident, et l'avait engagée à ne se fier à lui -qu'avec précaution[88]. Toute la haute noblesse était indignée de -l'insolence de Bartet, et applaudissait à l'avanie qui lui était -faite. Chavagnac, en racontant cette aventure, dit qu'elle fit plus de -bruit qu'elle ne méritait[89]. Madame de Sévigné n'en parle qu'en -plaisantant, et la trouve tout à fait bien imaginée; elle ne doute pas -que son cousin ne s'en soit fort diverti[90]. On rit beaucoup aux -dépens de Bartet, et l'on fit sur lui le couplet suivant, qui courut -tout Paris: - - Comme un autre homme - Vous étiez fait, monsieur Bartet: - Mais quand vous iriez chez Prudhomme, - De six mois vous ne seriez fait - Comme un autre homme[91]. - -Non-seulement Bartet n'obtint aucune réparation de l'affront qu'il -avait éprouvé, mais plus tard on le força de s'exiler de la cour, -lorsque le duc de Candale s'y trouvait[92]. Ainsi la différence des -rangs était alors si fortement marquée, que ceux qui osaient s'en -prévaloir pour conserver leurs priviléges d'insolence et de domination -pouvaient encore faire violence à la justice et braver la faveur. - -Bussy et madame de Sévigné se faisaient part mutuellement dans leurs -lettres des nouvelles qui pouvaient les intéresser: lui, celles de -l'armée; elle, celles de la cour. Bussy, dans sa lettre du 17 -octobre[93], entretient sa cousine de la querelle qui s'est élevée -entre le marquis d'Humières et le comte de Nogent, querelle si peu -honorable pour ce dernier. Il avait été provoqué en duel par la -Châtre, beau-frère d'Humières, et il avait refusé de se battre. -D'Humières, toujours bien auprès du roi et des ministres, devint -depuis maréchal de France. Le luxe du grand seigneur le suivait même à -l'armée. Il fut le premier qui s'y fit servir en vaisselle d'argent, -et avec les mêmes recherches et la même variété de mets que dans son -hôtel. Comme la guerre continua, et se régularisa en quelque sorte, ce -genre de luxe fut imité par tous les officiers généraux, et même par -les simples colonels et les mestres de camp[94]. La Châtre nous est -connu pas ses liaisons avec Ninon[95]. Armand, comte de Nogent, qui se -noya depuis au fameux passage du Rhin[96], était le fils de Nicolas de -Bautru, modèle du courtisan fin, spirituel et bouffon. Celui-ci, -arrivé à la cour d'Anne d'Autriche avec huit cents livres de rente, en -avait cent cinquante mille lorsqu'il mourut. Sa femme se fit connaître -par des désordres honteux. Il en demanda vengeance à la justice, et -fit condamner un de ses valets, qui fut mis aux galères[97]. Il se -rendait un jour chez la reine, lorsque cette affaire était encore -récente; et la cynique plaisanterie qu'il se permit pour faire -rejaillir sur le duc de Roquelaure le ridicule dont celui-ci avait -voulu le couvrir en présence de toute la cour, prouve qu'une partie du -secret de la mystérieuse intrigue de la duchesse de Roquelaure n'avait -pas échappé aux regards scrutateurs des jeunes courtisans[98]. Cet -indécent quolibet, qui fit rougir la reine, sert en même temps à -expliquer le passage suivant de la lettre que madame de Sévigné -écrivit à Bussy le 25 novembre[99]. - -«Madame de Roquelaure est revenue tellement belle, qu'elle défit hier -le Louvre à plate couture[100]: ce qui donne une si terrible jalousie -aux belles qui y sont, que par dépit on a résolu qu'elle ne serait -pas des après-soupers, qui sont gais et galants comme vous savez. -Madame de Fiennes voulut l'y faire demeurer hier; mais on comprit par -la réponse de la reine qu'elle pouvait s'en retourner.» - -Madame de Sévigné paraît avoir ignoré le véritable motif de -l'exclusion de la duchesse de Roquelaure des après-soupers; mais la -duchesse de Roquelaure a dû le connaître ou le deviner. Les chagrins -causés par des humiliations de cette nature, et par les remords de les -avoir mérités, ont pu contribuer, autant que les infidélités de -Vardes, à précipiter dans la tombe cette intéressante victime d'un -premier amour. Une autre raison devait encore déterminer à ne pas -admettre la duchesse de Roquelaure dans ces réunions familières. Le -jeune duc d'Anjou manifestait du penchant pour elle; et le chagrin -qu'il témoigna lorsqu'il apprit sa mort montra quelle était déjà la -violence de sa passion[101]. - -Madame de Sévigné, qui ne veut rien laisser ignorer à Bussy de ce qui -se passe dans le monde, raconte aussi dans la même lettre une querelle -assez ridicule, mais qui n'eut aucune suite, entre le prince -d'Harcourt, la Feuillade, qui fut depuis maréchal de France, et le -chevalier de Gramont, si connu par l'histoire que le spirituel -Hamilton nous a donnée de ses aventures galantes. La chose se passa -chez Jannin de Castille, financier, assez bel homme, peu spirituel, et -fort riche. Bussy a fait lui-même connaître les liaisons de ce -personnage avec la comtesse d'Olonne[102], et Sauval a révélé celles -qu'il eut avec mademoiselle de Guerchy, une des filles d'honneur de la -reine[103]. Mademoiselle de Guerchy fut depuis la maîtresse du duc de -Vitry, et périt victime des moyens qu'employa pour la faire avorter -une sage-femme nommée Constantin, qui fut pendue pour ce crime. Le -comte Gaspard de Chavagnac, qui, pour obliger Vitry, son ami, avait -conduit l'infortunée Guerchy chez la Constantin, fut mis en cause, et -subit même une condamnation, qui ne fut pas capitale. Lui, qui était -la bravoure même, raconte naïvement dans ses Mémoires la frayeur qu'il -éprouva «quand il vit les mêmes juges avec lesquels il faisait tous -les jours la débauche l'interroger avec un visage si sévère[104]». - -Madame de Sévigné apprit, sans en connaître la cause, que la duchesse -de Châtillon se trouvait captive chez l'abbé Fouquet; et, dans sa -lettre du 5 novembre, elle mande cette nouvelle à son cousin en une -seule ligne, en ajoutant: «Cela paraît fort plaisant à tout le -monde[105].» Singulière époque que celle où l'on trouvait plaisant -qu'une femme de ce rang, de cette naissance, qu'une Montmorency, que -la veuve d'un Gaspard de Coligny, duc de Châtillon, fût retenue -d'autorité en chartre privée, chez un abbé, son amant! Cependant la -chose paraîtra moins étrange lorsque l'on saura que l'abbé Fouquet -avait avec lui sa mère, qui était la vertu même[106]. - -Quand Bussy reçut, le 22 novembre, cette dernière lettre de madame de -Sévigné, il n'était plus à l'armée. Pour être placé sur les cadres de -ceux qui continuaient à servir pendant la saison rigoureuse, il -s'était rendu à Compiègne, où la cour résidait. Le cardinal lui promit -de faire ce qu'il demandait; mais il ne lui tint pas parole. Bussy -revint vers la fin de décembre à Paris; et, après y avoir séjourné -tout l'hiver, il repartit le 12 mars pour Amiens, où le maréchal de -Turenne avait assigné le rendez-vous de tous les officiers généraux -qui dans la campagne prochaine devaient servir sous ses ordres[107]. - - [82] LORET, liv. VI, p. 106, _lettre_ 28 juillet 1655. - - [83] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 juillet 1655), t. I, p. 37, édit de - M., et t. I, p. 46, édit. de G. de S.-G.--BUSSY, _Mém._, t. II, - p. 28, in-12, et de l'in-4º, t. II, p. 34. - - [84] CONRART, _Mém._, t. XLVIII, p. 267. - - [85] CONRART, t. XLVIII, p. 260 à 270.--MONTPENSIER, _Mém._, t. - XLI, p. 136, 326, 488; t. XLII, p. 22.--MOTTEVILLE, _Mém._, t. - XXXIX, p. 115, 116 et 210.--RETZ, t. XLV, p. 279, 282, 380, 388, - 412, 422, 459; t. XLVI, p. 329.--GUY-JOLY, t. XLVII, p. - 230.--NEMOURS, t. XXXIV, p. 510.--CONRART, t. XLVIII, p. 230.--LA - ROCHEFOUCAULD, t. LI, p. 95 et 96.--DUPLESSIS, t. LVII, p. 370 et - 372.--LORET, liv. III, 1652, p. 178; liv. V, 1654, p. 17. - - [86] CHAVAGNAC, _Mém._, t. I, p. 165, 185, 208, 210, 220, 226, - 227.--MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 210.--MONGLAT, _Mém._, t. L, p. - 394.--CONRART, t. XLVIII, p. 265.--BUSSY, _Hist. am. des Gaules_, - t. I, p. 1 à 42, édit. 1754.--SAUVAL, _Galanteries des Rois de - France_ t. II, p. 60, 61, 206.--RETZ, t. XLV, p. - 113.--SAINT-ÉVREMOND, _OEuvres_, 1753, in-12, t. I, p. v et p. - 34; t. III, p. 154 à 180; t. VII, p. 42. - - [87] CHAVAGNAC, _Mém._, t. I, p. 220.--MONTPENSIER, _Mém._, t. - XLI, p. 489.--CONRART, _Mém._, t. XLVIII, p. 265. - - [88] _Lettres du cardinal Mazarin à la reine_, 1836, in-8º, p. - 419; _lettre_ en date du 27 novembre 1641. - - [89] CHAVAGNAC, t. I, p. 220. - - [90] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (19 juillet 1655), t. I, p. 37, édit. de - Monmerqué; t. I, p. 47, édit. de G. de S.-G. - - [91] CONRART, _Mém._, t. XLVIII, p. 263, note 1. Voyez ci-dessus, - p. 40. - - [92] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 22. - - [93] BUSSY, dans les _Lettres de_ SÉVIGNÉ, t. I, p. 43 de l'édit. - M.; t. I, p. 53 de l'édit. de G. de S.-G. - - [94] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 287. - - [95] Voyez la première partie de ces Mémoires, ch. XVI, p. 244. - - [96] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (17 juin 1672), t. II, p. 468, édit. M., - et t. III, p. 61, édit. G. de S.-G. - - [97] _Ménagiana_, t. I, p. 67, 140, 267. - - [98] _Ibid._, t. III, p. 48 et 49. - - [99] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (25 novembre 1655), t. I, p. 46, édit. de - M.; t. I, p. 59, édit. de G. de S.-G.--BUSSY, _Mém._, t. II, p. - 54, édit. in-12. - - [100] Conférez MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 137. - - [101] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 268 et 269. - - [102] BUSSY, _Histoire amoureuse de la France_, édit. 1710, p. - 26, 31, 55.--_Histoire amoureuse des Gaules_, édit. 1754, t. I, - p. 23, 28, 32, 42, 52. - - [103] SAUVAL, _Galanteries des Rois de France_, 1738, t. II, p. - 73. - - [104] GASPARD, comte de CHAVAGNAC, _Mém._, t. I, p. 220 à 222, - édit. de Besançon, 1699, in-12. - - [105] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (25 novembre 1655), t. I, p. 45, et p. - 56 de l'édit. de G. de S.-G. - - [106] MONTPENSIER, t. XLII, p. 148. - - [107] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 54 et 57 de l'édit. in-12.--Ibid., - t. II, p. 65 et 68 de l'édit. in-4º. - - - - -CHAPITRE VI. - -1656. - - Madame de Sévigné est recherchée par les femmes âgées comme par - les jeunes.--Sa jeunesse s'est passée sous le ministère de - Mazarin.--Ses souvenirs embrassent l'époque qui l'a précédé, une - partie du siècle de Louis XIII, puis la régence d'Anne d'Autriche - et presque tout le siècle de Louis XIV, et les personnes qui - brillèrent sous la régence du duc d'Orléans et qui moururent sous - Louis XV.--Elle était liée avec madame de Chevreuse, avec la - maréchale de Schomberg, née Marie de Hautefort.--Portrait de - mademoiselle de Hautefort: elle est placée près d'Anne d'Autriche - pour la surveiller.--Elle s'attache à elle.--S'attire, en la - servant, les persécutions de Richelieu.--A la mort de ce - ministre, elle est rappelée de son exil par la reine, qui reçoit - mal ses observations relativement au cardinal - Mazarin.--Brouillerie et raccommodement entre elle et la - reine.--Mademoiselle de Hautefort reçoit l'ordre de quitter le - Palais-Royal.--Elle se retire dans un couvent.--Épouse le - maréchal de Schomberg.--S'efforce de se réconcilier avec Anne - d'Autriche.--Est de nouveau repoussée.--Ses torts envers la - reine.--Différence de la conduite d'Anne d'Autriche envers elle - et envers la duchesse de Chevreuse.--Réflexions à ce sujet.--Le - maréchal de Schomberg et sa femme se retirent dans leur - gouvernement de Metz.--Ils sont les protecteurs des gens de - lettres.--La mort de sa grand'mère force la maréchale de - Schomberg de revenir à Paris.--Nombre de personnes vont à sa - rencontre.--Madame de Sévigné, qui ignorait ce retour, n'est pas - de ce nombre.--Regret qu'elle en éprouve.--Citation de la Gazette - de Loret à ce sujet.--Mort de la maréchale de Schomberg. - - -La jeunesse de madame de Sévigné s'est écoulée tout entière pendant la -durée du ministère du cardinal de Mazarin; mais les femmes qui avaient -passé la leur sous le règne de Richelieu, attirées par la précoce -maturité du jugement de notre jeune veuve, par son discernement, par -sa discrétion, sa franchise, ne cultivaient pas son amitié avec moins -d'empressement que celles dont l'âge se rapprochait du sien. Dans sa -vieillesse, son indulgente gaieté, la réputation qu'elle s'était -acquise par son esprit, l'égalité de son humeur et les agréments de -son commerce, la firent rechercher par celles qui commençaient à -briller comme des astres nouveaux levés sur l'horizon, vers la fin du -siècle de Louis XIV. Celles-ci se montrèrent dans tout leur éclat sous -la régence du duc d'Orléans, et terminèrent leur existence sous Louis -XV. Jamais madame de Sévigné ne se retira du monde, et jamais le monde -aussi ne se retira d'elle. Toujours elle aima à se répandre dans la -société: elle lui appartint toujours. Sa vie et ses écrits sont donc -propres à nous éclairer sur les mÅ“urs, les habitudes de plusieurs -générations successives et de trois règnes différents. - -Nous avons déjà vu la liaison qu'elle avait contractée avec la -duchesse de Chevreuse, qui sous le règne de Louis XIII s'était -illustrée par sa résistance au despotisme de Richelieu. Madame de -Sévigné avait conquis l'amitié d'une autre femme, qui, sans posséder -l'avantage d'une aussi grande naissance, n'avait pas donné à la reine -de moindres preuves de dévouement et de courage que madame de -Chevreuse: c'était Marie de Hautefort, femme du maréchal duc de -Schomberg. - -On se souvenait encore à l'époque dont nous nous occupons, de -l'impression qu'avait faite à la cour de Louis XIII cette blonde aux -yeux grands et pleins de feu, aux traits si réguliers, aux dents si -blanches, au teint d'une si ravissante fraîcheur. On se ressouvenait -encore de cette gorge parfaitement belle, dont la seule vue protégea, -contre la main scrupuleuse d'un monarque dévot, le billet dépositaire -du secret de la reine[108]. Placée comme dame d'atour auprès d'Anne -d'Autriche par un ministre soupçonneux et un mari jaloux, mademoiselle -de Hautefort s'indigna du vil rôle auquel on l'avait crue propre. Au -lieu d'être, comme on le voulait, la surveillante et la délatrice -d'une reine dont elle ressentait vivement le malheur, elle en devint -l'amie la plus sincère, la confidente la plus intime[109]. Pour lui -procurer plus de liberté, pour diminuer l'oppression que Richelieu -faisait peser sur elle et sur tout ce qui l'entourait, mademoiselle de -Hautefort se prévalut des sentiments de préférence qu'elle inspira à -un roi si froid, si faible, si scrupuleux. Pour capter sa confiance, -elle supporta l'ennui d'un amour qui ne se laissait deviner que par -des traits d'une jalousie bizarre ou ne se manifestait que par -d'insipides entretiens. Marie de Hautefort montra pour Anne d'Autriche -plus de courage et de dévouement encore, en bravant la colère et les -persécutions de Richelieu, qui, ne la voyant pas répondre à ses -desseins, la fit exiler. Il eut l'air d'envelopper dans la même -disgrâce Chemerault, autre dame de la reine; mais c'était pour être -instruit par elle de toutes les démarches, de tous les secrets de -mademoiselle de Hautefort, qui la croyait son amie[110]. - -Lorsque Anne d'Autriche devint régente, elle s'empressa de rappeler, -par une mesure générale, toutes les personnes qui avaient été exilées -sous Richelieu; mais elle écrivit de sa propre main à mademoiselle de -Hautefort de revenir près d'elle, lui disant qu'elle mourait -d'impatience de la voir[111]. Mademoiselle de Hautefort revint; mais -elle ignorait que la nature des relations doive changer avec les -situations: elle crut que tout devait être inaltérable comme ses -sentiments, et elle éprouva combien sont différentes les affections de -cÅ“ur dans l'infortune ou dans la prospérité, dans l'abaissement ou -dans la puissance. Elle avait fait naître des passions très-vives; -mais toutes les tentatives qu'on avait faites pour la séduire -n'avaient servi qu'à donner un nouveau lustre à sa vertu[112]. Cette -vertu s'appuyait sur une piété fervente[113], qui avait trouvé un -nouvel aliment dans le malheur et dans les persécutions. Revenue à la -cour après une si longue absence, elle fut singulièrement frappée des -changements qui s'y étaient opérés. Elle vit avec peine l'ascendant -que Mazarin avait pris sur la reine: cet ascendant ne lui paraissait -pas suffisamment justifié par les talents de ce ministre et le besoin -qu'Anne d'Autriche avait de lui. L'espèce d'intimité et de familiarité -qui régnaient entre la reine et son ministre, en écartant même toute -pensée de liaison illicite, choquaient ses scrupules religieux, et -étaient contraires aux idées qu'elle s'était faites de la dignité de -son sexe et de la majesté royale. Elle savait combien la malignité -publique aimait à s'exercer sur ce chapitre; elle connaissait une -partie des chansons, des satires, des épigrammes qui avaient cours: -son amitié vive et sincère lui fit désirer ardemment d'ôter à cet -égard tout prétexte à la calomnie. Naturellement franche, elle -s'expliqua sans réticence et sans détour sur ce sujet délicat. La -reine, blessée, ne lui répondit que par des paroles dures et des -reproches sévères[114]. Il y eut des larmes répandues, des -explications vives, des réconciliations, des promesses, des pardons -donnés et reçus[115], puis de nouveaux accès d'humeur et d'une brusque -franchise. Enfin, au moment où on s'y attendait le moins, un ordre fut -donné à mademoiselle de Hautefort de quitter le Palais-Royal[116]. La -sensible confidente, qui n'avait jamais prévu que son amitié, toujours -la même, que son dévouement, toujours entier, pussent avoir ce -résultat, sentit son cÅ“ur se briser par tant d'ingratitude[117]. Elle -partit, aimée, vénérée de toute la cour; l'admiration qu'avaient -inspirée sa loyauté, sa générosité, sa vertu, s'augmenta encore de -toute la haine amassée contre le cardinal, auquel elle était -sacrifiée. La reine, quoiqu'elle en témoignât son mécontentement, ne -put empêcher que les personnes qui lui étaient le plus attachées, le -plus dans sa dépendance, n'allassent consoler mademoiselle de -Hautefort et ne plaignissent hautement son malheur. - -Elle se retira dans un couvent, et on craignit pendant quelque temps -qu'elle ne se fît religieuse. Heureusement pour le monde, dont elle -devait être le modèle, qu'un homme instruit, spirituel, joignant aux -talents du guerrier tous ceux qui font briller en société[118], la -rechercha, et lui fit agréer ses vÅ“ux. Elle épousa en 1646 le -maréchal duc de Schomberg. Son mari, qui avait acquis tous ses grades -sous le règne précédent, désira, dans l'intérêt de son ambition, que -sa femme reparût à la cour; qu'elle tâchât de se prévaloir de -l'ancienne et longue affection que la reine avait eue pour elle, et -qu'il ne pouvait croire entièrement éteinte. Pour lui obéir, elle se -contraignit, et se dépouilla d'une fierté qui lui avait semblé noble -et légitime. Ses efforts pour rentrer en grâce auprès d'Anne -d'Autriche furent repoussés avec tant de hauteur, qu'elle ne put -parvenir à déguiser la douleur qu'elle en ressentait, ni s'empêcher de -montrer encore devant cette reine altière, et en présence de toute la -cour, son visage baigné de larmes[119]. - -On doit dire que pendant la Fronde la maréchale de Schomberg s'était -liée avec la duchesse de Longueville, et que, sans s'engager dans -aucun parti, elle avait paru cependant plutôt favorable que contraire -à ceux qui étaient opposés à Mazarin; mais son mari était resté -neutre. La duchesse de Chevreuse, qui s'était montrée hostile, -non-seulement avait obtenu son pardon, mais elle avait reconquis toute -la faveur et toute l'influence qu'elle avait eues autrefois auprès -d'Anne d'Autriche. Cependant il existait entre la duchesse de -Chevreuse et la maréchale de Schomberg toute la distance qui sépare -le vice de la vertu; l'honneur, de l'intrigue; la loyauté, de la -duplicité. - -Le maréchal de Schomberg et sa femme ne firent plus d'autre tentative -auprès d'Anne d'Autriche et de Mazarin. Ils se retirèrent dans leur -gouvernement de Metz; et, sans jamais donner de marque de -mécontentement, ils s'acquirent par leur zèle ardent pour tout ce qui -pouvait contribuer au bien public, l'estime et l'affection de tout le -monde: par leur conduite ils finirent par obtenir les égards de la -reine et de son ministre, et même par se concilier leur bienveillance. -Ils se montrèrent tous deux protecteurs des gens de lettres: Scarron -et le gazetier Loret étaient au nombre de leurs pensionnaires[120]. -Ils furent les protecteurs de Bossuet, et comme les promoteurs de son -génie. Ce grand homme commença par être archidiacre à Metz, où son -père résidait[121]. - -Au commencement de l'année 1656, madame de La Flotte, grand'mère de la -maréchale de Schomberg, mourut, âgée de quatre-vingt-sept ans; elle -était la doyenne des dames d'atour de la reine. De tout temps vénérée -par sa piété, elle s'était maintenue dans sa place en restant -étrangère à toutes les intrigues, et en y donnant l'exemple de toutes -les vertus. Personne à la cour ne s'abstint d'aller jeter de l'eau -bénite sur sa tombe, et le roi s'y rendit comme les autres. Loret -rapporte que le jeune monarque voulut voir le visage de cette défunte -octogénaire, et en le contemplant il dit: «Voilà le destin qui -m'attend; et ma couronne ne m'en exemptera pas[122].» - -Cet événement força la maréchale de Schomberg et son mari de se rendre -à Paris, où depuis longtemps ils n'avaient point paru. Le jour de leur -arrivée fut connu de plusieurs personnes, qui allèrent à leur -rencontre. Le nombre en fut si grand, que la file des carrosses -s'étendait, si l'on en croit Loret, depuis les remparts de la ville -jusqu'au Bourget[123]. - -Madame de Sévigné, quoique liée intimement avec la maréchale de -Schomberg, ne fut pas prévenue du jour de son arrivée à Paris, et ne -fit point partie du nombreux cortége qui l'accompagna à son entrée. La -contrariété qu'elle en ressentit et la touchante expression de ses -regrets firent assez de sensation dans le beau monde pour que Loret en -parlât dans sa Gazette. - - Même trois jours après, je sus - Que madame de Sévigny, - Veuve de mérite infini, - Et dont le teint encor mieux brille - Que de la plus aimable fille, - N'ayant su le temps ni le jour - Du susdit glorieux retour - (Ignoré dans chaque paroisse), - Faillit s'en pâmer d'angoisse. - Son chagrin ne peut s'égaler; - Et quand on la veut consoler - Avec des fleurs de rhétorique, - Sa divine bouche s'explique - (Comme elle a l'esprit excellent) - D'un air si noble et si galant, - Et qui jamais ne l'abandonne, - Que de bon cÅ“ur je lui pardonne[124]. - - -Le maréchal de Schomberg ne jouit pas longtemps de cette manifestation -de l'opinion publique, si glorieuse pour lui et pour sa femme, ni de -l'accueil flatteur que lui firent le roi et la reine mère. Il mourut -deux mois après son arrivée à Paris; son corps fut porté au château de -Nanteuil, dans le lieu de sépulture de ses ancêtres, où sa veuve, qui -lui survécut longtemps, lui fit ériger un monument, près duquel -Bossuet ne manquait jamais d'aller prier toutes les fois qu'il passait -à Nanteuil[125]. - - [108] SAUVAL, _Galanteries des Rois de France_, 1738, in-12, t. - II, p. 18 et 277.--DREUX DU RADIER, _Mémoires et Anecdotes des - Reines et Régentes de France_; Amsterdam, 1782, t. VI, p. - 294.--MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXVI, p. 370 et 379.--MONGLAT, t. - XLIII, p. 63. - - [109] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXVI, p. 378 et 379.--MONGLAT, - _Mém._, t. XLIII, p. 251.--LA PORTE, _Mém._, t. LIX, p. - 394.--SCARRON, _OEuvres_, t. VIII, p. 399. - - [110] MOTTEVILLE, _Mém._, _loc. cit._--MONGLAT, _Mém._, t. XLIII, - p. 241.--LA PORTE, _Mém._, t. LIX, p. 394. - - [111] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXVII, p. 71. - - [112] LA PORTE, _Mém._, t. LIX, p. 391 et 392.--SCARRON, - _OEuvres_, t. VIII, p. 190. - - [113] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXVII, p. 63.--LA PORTE, t. LIX, p. - 407.--SCARRON, t. VIII, p. 160, 162, 168. - - [114] MOTTEVILLE, t. XXXVII, p. 32. - - [115] _Ibid._, p. 36. - - [116] _Ibid._, p. 63.--LA PORTE, t. LIX, p. 407. - - [117] _Ibid._, p. 65.--LA PORTE, _loc. cit._ - - [118] SCARRON, _Épithalame ou ce qu'il vous plaira sur le mariage - de M. le maréchal de Schomberg et de madame de Hautefort, - OEuvres_, t. VIII, p. 252 et 254. - - [119] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXVII, p. 277. - - [120] SCARRON, _OEuvres_, t. VIII, p. 160, 162, 168, 247 et 399. - - [121] DE BAUSSET, _Hist. de Bossuet_, 1814, in-8º, t. I, p. 38 et - 39. - - [122] LORET, t. VII, p. 62, _lettre_ en date du 22 avril 1656. - - [123] LORET, _Muse historique_, liv. VII, p. 63, _lettre 16_, en - date du 22 avril 1656. - - [124] _Ibid._ - - [125] LORET, _Muse historique_, liv. VII, p. 68, _lettre 17_, en - date du 29 avril 1656, p. 97, _lettre 25_, en date du 24 - juin.--DE BARANTE, dans la _Biographie universelle_, art. - _Bossuet_. - - - - -CHAPITRE VII. - -1656. - - Madame de Sévigné passe toute cette année à Paris.--Elle assiste - aux fêtes nombreuses qui s'y donnent.--Elle a des occasions de - s'entretenir familièrement avec le jeune roi.--Les partis se - rapprochent.--Gaston s'arrange avec la cour.--On n'était pas - satisfait du gouvernement.--Mort du grand prieur Hugues de - Rabutin.--Cette mort n'interrompt pas les plaisirs de madame de - Sévigné.--Bussy écrit à sa cousine les événemens de la - campagne.--Condé délivre Valenciennes.--Turenne prend la - Capelle.--Départ du roi pour l'armée, le 17 mai.--Bussy va en - Bourgogne, et revient passer l'hiver à Paris.--Les plaisirs - n'avaient pas cessé pendant l'été.--Plusieurs occasions y - donnèrent lieu.--Premier voyage de la reine Christine en - France.--Admiration qu'elle excite.--Réflexion sur ceux qui se - démettent du trône.--Christine est reçue en France avec de grands - honneurs.--Madame de Sévigné est du nombre des femmes qu'elle - goûte le plus.--C'est avec la France que Christine avait ses - principales correspondances.--La France avait alors la - supériorité en tout, et attirait l'attention de l'Europe - entière.--Un mouvement nouveau s'y faisait remarquer dans les - esprits.--Entretien à ce sujet, rapporté par - Saint-Évremond.--Portrait que Saint-Évremond trace des précieuses - de cette époque, bien avant Molière.--Discussions produites par - les jansénistes.--Courte exposition de ces - discussions.--Publications des Provinciales. Jugement sur cet - ouvrage.--Effet qu'il produit. - - -Cette circonstance de l'arrivée du maréchal et de madame la maréchale -de Schomberg et les lettres de Bussy démontrent que madame de Sévigné -continua de résider à Paris pendant le cours de cette année 1656[126]. -Elle fut donc témoin de toutes les fêles qui se donnèrent à la cour -et chez les grands; et peut-être figura-t-elle dans les ballets et les -mascarades, pour lesquels le jeune roi montrait de jour en jour plus -d'inclination, et auxquels la reine et Mazarin se prêtaient. Le roi -aimait aussi les courses de chevaux, les jeux de bagues, les -carrousels, et il les renouvela cette année. Pendant le carrousel, il -se plut à courir par la ville avec son frère sous divers déguisements, -et à s'affranchir de toute étiquette[127]. Madame de Sévigné dut avoir -plus d'une occasion de s'entretenir avec lui, non-seulement au milieu -de ces grands divertissements, mais chez la princesse de Conti, chez -la duchesse de MercÅ“ur, et chez d'autres jeunes femmes d'un moindre -rang, auxquelles elle se complaisait à faire des visites fréquentes et -familières; et enfin chez le surintendant Fouquet, qui lui donnait, -ainsi qu'au roi, à la reine et à toute la cour, de somptueux repas -dans son château de Saint-Mandé[128]. Malgré tous ces moyens de -dissipation, le théâtre et les concerts publics n'étaient pas moins -fréquentés. La médiocre tragédie de Thomas Corneille (_Timocrate_) eut -un succès qui rappela celui des chefs-d'Å“uvre de son frère, et les -représentations en furent suivies tout l'hiver avec un empressement -qui n'avait pas encore été égalé[129]. Le roi vint exprès au Théâtre -du Marais, pour voir jouer cette pièce. - -Les ressentiments que les divisions de partis avaient fait naître -s'affaiblissaient et disparaissaient, par l'effet de ces fréquentes -réunions, où l'on goûtait en commun les mêmes plaisirs. Les mariages, -que des penchants mutuels ou des convenances de rang et de fortune -faisaient contracter, formaient chaque jour des alliances étroites -entre des familles que les haines politiques séparaient auparavant. -Les exilés étaient presque tous rappelés, et le sort de ceux qui ne -l'étaient pas était adouci[130]. On avait même permis à MADEMOISELLE -de s'approcher de Paris, et elle avait profité de cette permission -pour donner une fête superbe au roi et à la reine d'Angleterre, dans -son château de Chilly. Gaston n'avait pas encore quitté Blois, mais il -avait fait son arrangement avec la cour, et il devait bientôt y -reparaître. Tous ces actes de clémence donnaient de la sécurité, et -augmentaient l'allégresse générale. Elle se répandit dans les -provinces, où l'on cherchait aussi à imiter la capitale, qui elle-même -se modelait sur la cour. - -Ce n'est pas qu'on fût complétement satisfait: les changements dans -les monnaies occasionnèrent des murmures; on avait, sur de simples -soupçons, renfermé plusieurs personnes à la Bastille: mais ces sujets -de mécontentement ne pouvaient contre-balancer le bien-être que l'on -éprouvait de se voir délivré des factions et des guerres civiles, par -le rétablissement de l'autorité royale. - -La mort de Hugues de Rabutin, grand prieur du Temple, qui eut lieu -cette année, vers le commencement de juin, ne mit point obstacle aux -plaisirs auxquels madame de Sévigné se livrait à cette brillante -époque de son existence. Ce grand prieur avait les manières rudes et -impolies d'un corsaire; il en avait aussi les mÅ“urs dissolues: il -rappelait à madame de Sévigné tous les défauts et les vices de son -mari, sans aucune de ses qualités. Au grand contentement de notre -jeune veuve, Hugues de Rabutin donna tout ce qu'il possédait à son -neveu, le comte de Bussy. - -Celui-ci, dans les lettres qu'il écrivait à sa cousine, lui rendait -compte des événements de la campagne[131]; et par la part qu'il y eut, -par le grade qu'il occupait dans l'armée, les détails auxquels il se -livre sont précieux pour l'histoire, et plus certains que ceux des -relations officielles; car la politique, l'intérêt du moment, tendent -toujours dans ces sortes de relations à fausser la vérité. Nous -apprenons encore par ces lettres de Bussy qu'il était en -correspondance réglée avec Corbinelli, et que celui-ci communiquait -exactement à madame de Sévigné toutes les nouvelles qu'il recevait par -ce canal. Le marquis de la Trousse, cousin germain de madame de -Sévigné, était dans l'armée; elle s'intéressait vivement à lui, et -Bussy a grand soin de faire part à sa cousine de tout ce qui concerne -ce jeune homme[132]. - -Les événements qui font la matière des lettres de Bussy étaient d'une -grande importance. Condé avait délivré Valenciennes avec autant de -bonheur que Turenne avait fait pour Arras; et Turenne, de même que -Condé, s'était illustré par une savante retraite, qui aux yeux des -gens de guerre contribua plus à sa réputation qu'une victoire; ou -plutôt cette défaite même, que l'obstination du maréchal de la Ferté -avait causée, devint pour Turenne l'occasion d'un triomphe. Après une -marche rapide et déguisée, il se présenta devant la Capelle, et prit -cette place, avec tous les magasins que les ennemis y avaient -déposés[133]. - -Quoique le jeune roi allât chaque année rejoindre l'armée et emmenât -avec lui une portion de sa cour, cependant la guerre n'interrompait -point les plaisirs ni le mouvement ordinaire de la capitale. Les -armées de part et d'autre étaient alors peu nombreuses; on ne s'était -pas encore habitué, dans les calculs de l'ambition ou dans les -combinaisons belliqueuses, à compter les hommes pour peu de chose, et -l'on évitait d'ajouter aux effets destructeurs des combats ceux des -rigueurs de l'hiver. D'un commun accord, on évitait de se mesurer avec -ce terrible ennemi; on se cantonnait, et l'on restait en repos tout le -temps que durait cet engourdissement de la nature; on entrait tard en -campagne, et les officiers généraux ne se rendaient à l'armée que -lorsque les opérations allaient commencer, c'est-à -dire en mai ou en -juin; et ils revenaient souvent en ville en septembre et en octobre. -Grâce au génie de Turenne, on redoutait peu les suites de la guerre. -Avec lui toujours on espérait des succès; et lorsqu'il y avait des -revers, on ne se laissait pas décourager, parce qu'on s'attendait à -les voir presque aussitôt réparés. Ce grand capitaine prévoyait toutes -les chances possibles de la fortune, et savait en effet la retenir -avec fermeté au moment même où elle se disposait à lui échapper. - -Ainsi cette année le roi ne partit que le 27 mai[134], et il était de -retour au 9 octobre[135]. Bussy ne quitta l'armée que le 2 -novembre[136], et se rendit en Bourgogne, où ses affaires -l'appelaient; mais il passa par Paris, et revint y séjourner pendant -l'hiver. Les plaisirs qu'on y goûtait n'avaient souffert aucune -interruption; des occasions extraordinaires s'étaient présentées qui -même leur avaient donné une nouvelle activité. Après le départ du duc -de Modène, reçu avec une pompe et des honneurs qui excitèrent la -jalousie et blessèrent l'orgueil du duc de Mantoue[137], vint la -visite de la princesse d'Orange à sa mère la reine d'Angleterre[138], -puis ensuite le premier voyage de la reine Christine en France. Le -gouvernement du jeune monarque se surpassa en magnificence et en -générosité hospitalière et chevaleresque, par la réception qui fut -faite à cette reine virile. La curiosité qu'elle excita fut si vive et -si générale, qu'elle fit quelque temps diversion à l'attention que -l'on portait aux événements de la guerre, aux cercles des précieuses, -et aux disputes religieuses, qui par la publication des premières -Provinciales avaient acquis un nouveau degré de chaleur. - -Cette fille du grand Gustave, qui parvint jeune à la couronne, s'était -rendue célèbre par l'énergie de son caractère, son application aux -affaires, ses liaisons et ses correspondances avec les savants et les -hommes les plus éminents de son temps. Elle s'était faite leur -disciple, et se montrait digne d'être leur émule; mais à vingt-huit -ans elle résigna son sceptre, changea de religion, et se retira à -Rome, pour se livrer sans distraction à ses penchants pour l'étude. -Par cet acte extraordinaire elle s'attira des éloges universels, et -fut l'objet de l'admiration générale; car c'est une opinion vulgaire -et une erreur commune de penser qu'il n'y a rien de plus grand que le -mépris des honneurs, des richesses, et de la puissance: le véritable -héroïsme consiste à soutenir avec force le fardeau d'un rang éminent -quand la destinée nous l'a imposé, et non pas à la répudier. Quiconque -eut son berceau placé sur un trône ne doit quitter ce trône que pour -un tombeau. En descendre, c'est se dégrader; se démettre de ses -devoirs n'est pas s'en affranchir, mais les méconnaître. L'histoire -nous démontre, par tous ceux qui ont donné de tels exemples au monde, -que les souverains qui veulent entrer dans la vie privée ne trouvent -ni en eux-mêmes ni dans les autres les moyens de s'y faire admettre, -et qu'en cherchant à éviter les soucis des grandeurs, ils ne peuvent -se procurer les avantages des humbles conditions. On sait ce qu'ils -ne sont plus, on ignore ce qu'ils sont, et on ne sait pas bien ce -qu'ils veulent être. Dépossédés des avantages de la puissance, ils ne -peuvent acquérir les douceurs de la liberté; les soupçons ombrageux de -la politique poursuivent également le monarque qui est descendu du -trône de plein gré et celui qui en a été précipité malgré lui: car en -tous deux résident des droits indélébiles, que la force ou la volonté -n'ont pu anéantir, et que la force ou la volonté peuvent faire -renaître; tous deux éprouvent la même contrainte dans leurs actions et -dans leurs paroles; ils sont hors des lois communes, et sont mal -protégés par elles. Aussi les actes pareils à ceux de la reine -Christine ont-ils été toujours suivis d'un long repentir: elle-même, -malgré sa philosophie, ne put échapper à l'ordinaire destinée de ceux -qui ont cessé de porter la couronne[139]. - -Les dames françaises dont Christine goûta le plus l'esprit et les -manières furent Ninon[140], les comtesses de Brégy et de la Suze[141], -et la marquise de Sévigné. Notre jeune veuve avait fait sur cette -reine une impression dont elle garda le souvenir; car lorsqu'elle fut -de retour à Rome, elle en fit l'éloge dans une lettre qu'elle écrivit -à un de ses correspondants de France[142]. - -C'est en effet avec la France que Christine entretenait la plus grande -partie de ses relations littéraires[143]. Aucun autre pays n'offrait -alors autant d'hommes remarquables et de génies supérieurs. Descartes -et Corneille s'étaient, chacun dans leur genre, élevés à une hauteur à -laquelle aucun de leurs contemporains en Europe ne pouvait prétendre. -Les guerres qui avaient lieu n'étaient pas de celles où le sort des -combats dépend uniquement de l'art de réunir à temps des masses -énormes et nombreuses pour les précipiter les unes sur les autres, et -où, après un immense carnage, celui qui pouvait faire donner la -dernière réserve était certain de rester maître du champ de bataille. -Les armées étaient peu nombreuses; elles pouvaient se mouvoir -facilement: tout dépendait de l'habileté des chefs et de la valeur des -troupes; et les nobles, qui s'y trouvaient en grand nombre et en -formaient l'élite, leur donnaient l'exemple, et s'exposaient les -premiers au péril. C'était pour la France un grand malheur, mais aussi -un grand honneur, que les armées qui combattaient contre elle, comme -celles qui combattaient pour elle, fussent commandées par des -Français, et que ces Français eussent acquis la réputation d'être les -plus grands capitaines de leur temps. L'Europe entière était attentive -à cette lutte que la suite des événements avait établie entre Condé -et Turenne, et où tous deux déployaient un génie qui accroissait -encore leur grande renommée et excitait l'admiration des plus -illustres guerriers. - -Ce spectacle n'était pas le seul qui fût digne de fixer alors -l'attention des étrangers sur la France; elle en offrait un autre, que -Christine était bien capable d'apprécier. Un mouvement nouveau et -extraordinaire se faisait remarquer dans les esprits. L'exemple donné -par l'hôtel de Rambouillet fructifiait; l'instruction se répandait, et -devenait en honneur parmi ces nobles qui faisaient autrefois gloire de -leur ignorance. Le spirituel Saint-Évremond a raconté avec sa grâce -accoutumée une conversation dont il fut témoin, qui peint à merveille -l'état de la cour, et le contraste qu'offraient à cette époque les -jeunes seigneurs à la mode, et ceux qui, plus âgés, étaient restés -partisans des anciennes mÅ“urs et des anciennes habitudes. - -La présence de la reine Christine en France fut l'occasion de ce -dialogue, dont les principaux interlocuteurs étaient Guillaume Bautru, -comte de Serrant, connu par ses bons mots et son savoir, et d'autant -plus grand partisan de la reine Christine qu'il en avait été fort -goûté; le commandeur de Jars, de la maison de Rochechouart, bon -guerrier, homme de grand sens, mais qui se vantait de ne rien devoir -aux lettres ni aux sciences, et qui faisait gloire de mépriser ce -qu'il appelait leur jargon[144]; de Lavardin, évêque du Mans, fort -décrié par ses mÅ“urs, recherché pour les délices de sa table, beau -parleur, l'ornement des cercles des précieuses, qui admiraient -son langage fleuri, correct, mais diffus[145]. D'Olonne et -Saint-Évremond, tous deux présents, se contentèrent d'écouter, et ne -prirent point de part à cet entretien. Mais comme avant qu'il ne fût -terminé le comte d'Olonne quitta le salon, Saint-Évremond crut devoir -lui envoyer dans une lettre le récit suivant, dont nous allons -emprunter la substance. - -Bautru entama un éloge pompeux de la reine Christine, qui, disait-il, -parlait huit langues, et ne s'était montrée étrangère à aucun genre de -connaissances. Tout à coup le commandeur de Jars se leva, et ôtant son -chapeau d'un air tout particulier: «Messieurs, dit-il, si la reine de -Suède n'avait su que les coutumes de son pays, elle y serait encore: -pour avoir appris notre langue et nos manières, pour s'être mise en -état de réussir huit jours en France, elle a perdu son royaume. Voilà -ce qu'ont produit sa science et ses lumières, que vous nous vantez.» -Alors Bautru de perdre patience, de s'étonner qu'on puisse être si -ignorant; puis de citer Charles-Quint, Dioclétien, Sylla, et tous ceux -qui se sont montrés admirables en se démettant du souverain pouvoir; -puis enfin de mettre en avant Alexandre, César, M. le prince de Condé, -M. de Turenne, et tous les grands capitaines qui ont estimé les -lettres et les ont cultivées..... Bautru aurait continué longtemps, si -le commandeur, impatienté, ne l'eût interrompu avec tant -d'impétuosité, qu'il fut contraint de se taire. «Vous nous en contez -bien, dit-il, avec votre César et votre Alexandre. Je ne sais s'ils -étaient savants ou non savants: il ne m'importe guère; mais je sais -que de mon temps on ne faisait étudier les gentils-hommes que pour -être d'Église; encore se contentaient-ils le plus souvent du latin du -bréviaire. Ceux que l'on destinait à la cour ou à l'armée allaient -honnêtement à l'académie; ils apprenaient à monter à cheval, à danser, -à faire des armes, à jouer du luth, à voltiger, un peu de -mathématique, et c'était tout. Vous aviez en France mille beaux gens -d'armes, galants hommes. C'est ainsi que se formaient les de -Thermes[146] et les Bellegarde[147]. Du latin! de mon temps du latin! -un gentil-homme en eût été déshonoré. Je connais les grandes qualités -de M. le Prince, et suis son serviteur; mais je vous dirai que le -dernier connétable de Montmorency a su maintenir son crédit dans les -provinces et sa considération à la cour sans savoir lire. Peu de -latin, vous dis-je, et de bons Français!» - -Bautru, retenu par la goutte sur son fauteuil, ne pouvait se contenir; -il faisait des efforts pour se lever, et allait répliquer, quand le -prélat, charmé de trouver une si belle occasion de faire briller son -savoir et sa belle élocution, étendit les bras entre les deux -interlocuteurs, trois fois toussa avec méthode, trois fois sourit -agréablement à l'apologiste de l'ignorance; puis, lorsqu'il crut avoir -suffisamment composé sa physionomie, il dit qu'il allait concilier les -deux opinions; et il prononça un discours gonflé de fleurs de -rhétorique, chamarré de comparaisons subtiles, embarrassé de -distinctions frivoles, obscurci par d'inutiles définitions; ne -cessant, pendant qu'il parlait, d'accompagner sa voix de gestes -méthodiques, marquant du doigt indicateur le commencement, le milieu -et la fin de chacune de ses longues périodes. Le commandeur ne put y -tenir. «Il faut finir la conversation, reprit-il brusquement; j'aime -encore mieux sa science et son latin que le grand discours que vous -faites.» Bautru, de son côté, avoua qu'il préférait l'agréable -ignorance du commandeur aux paroles magnifiques du prélat. - -Ainsi finit cet entretien. L'évêque se retira en montrant une grande -satisfaction de lui-même, et en paraissant avoir pitié de ces deux -gentils-hommes, si peu en état d'apprécier la véritable éloquence et -les savants artifices de l'argumentation, l'un parce qu'il n'avait -aucune étude, l'autre à cause de la fausse direction des siennes[148]. - -Le parti de ceux qui prônaient la doctrine du commandeur de Jars était -partout le plus faible; le goût de l'instruction était général dans -les hautes classes de la société; l'ascendant des femmes et leur -influence sur le bon ton, le savoir-vivre et la politesse des -manières, s'accroissaient encore par les inclinations naissantes du -jeune monarque, par les ballets, les réunions, les divertissements, -devenus de plus en plus fréquents. Plusieurs cercles s'étaient établis -à l'imitation de celui de l'hôtel de Rambouillet; et quelques-uns -offraient dans l'exagération de leur modèle des côtés ridicules, qui -furent aussitôt saisis par les bons esprits, et que Saint-Évremond fit -ressortir dans une satire intitulée _le Cercle_[149]. Cette pièce, -faiblement versifiée, offre des tableaux moins comiques, mais -peut-être plus exacts, que ceux de la comédie de Molière sur les -précieuses, qui ne fut écrite que trois ans après. - -Saint-Évremond, dans sa satire, nous présente d'abord le portrait d'un -habitué - - De certaine ruelle - Où la laide se rend aussi bien que la belle, - Où tout âge, où tout sexe, où la ville et la cour - Viennent prendre séance en l'école d'amour. - -D'abord il peint la prude - - qui partage son âme - Entre les feux humains et la divine flamme; - -la coquette surannée, et la jeune coquette, qui n'a que la vanité en -tête, - - Contente de l'éclat que fait la renommée; - -et la coquette solide, qui, - - opposée à tous ces vains dehors, - Se veut instruire à fond des intérêts du corps. - -Puis - - L'intrigueuse vient là , par un esprit d'affaire; - Écoute avec dessein, propose avec mystère; - Et, tandis qu'on s'amuse à discourir d'amour, - Ramasse quelque chose à porter à la cour. - -Mais le portrait de la vraie précieuse, de la précieuse sentimentale, -platonique, de la précieuse subtile et doctrinaire, est celui qui est -tracé avec le plus de bonheur et de vérité: - - Dans un lieu plus secret, on tient la précieuse - Occupée aux leçons de morale amoureuse. - Là se font distinguer les fiertés des rigueurs, - Les dédains des mépris, les tourments des langueurs. - On y sait démêler la crainte et les alarmes; - Discerner les attraits, les appas, et les charmes: - On y parle du temps que forme le désir - (Mouvement incertain de peine et de plaisir). - Des premiers maux d'amour on connaît la naissance; - On a de leurs progrès une entière science; - Et toujours on ajuste à l'ordre des douleurs - Et le temps de la plainte et la saison des pleurs. - -On sait que la reine Christine ayant demandé qu'on lui donnât une -définition des précieuses, Ninon lui répondit que «c'étaient les -jansénistes de l'amour». - -Les jansénistes faisaient alors encore plus de bruit dans le monde que -les précieuses; mais s'ils condamnaient les faiblesses en religion -comme les précieuses en amour, ils ne réduisaient pas le culte au -sentiment, ils mettaient en pratique ses préceptes. Le nombre des -solitaires de Port-Royal s'était accru: cependant il n'allait pas au -delà de vingt-sept; mais ces vingt-sept personnes, par leur conviction -profonde, par leur zèle ardent, leurs vertus, leur abnégation pour le -monde, leur savoir, leur indépendance, le génie supérieur de -quelques-uns d'entre eux, leurs amis et leurs nombreux sectateurs, -partout répandus, formaient une association qui luttait avec l'ordre -puissant des jésuites, avec les abus de la cour de Rome, et la molle -complaisance des ecclésiastiques envers les puissants. - -La publication du livre d'Arnauld sur la _fréquente communion_ avait -réveillé la haine des jésuites contre la secte qui s'était attachée à -l'_Augustinus_ de Jansénius, contenant, selon eux, la véritable -exposition de la foi catholique. A l'occasion de ce livre de -Jansenius, on fit rédiger cinq propositions, qu'on prétendit être le -résumé de sa doctrine, et on les déféra au pape, qui les condamna. Les -jansénistes souscrivirent à cette condamnation des cinq propositions, -mais ils soutinrent qu'elles n'étaient point dans Jansenius. Une -assemblée d'évêques, suscitée par Mazarin et les jésuites, sur le -rapport des commissaires qu'elle avait nommés, décida que les cinq -propositions étaient dans Jansenius. Le livre d'Arnauld sur la -fréquente communion fut en même temps déféré à la Sorbonne, où les -docteurs se divisèrent. La dispute s'échauffa: soixante-dix docteurs -furent expulsés. Le livre d'Arnauld fut censuré. Une nouvelle bulle du -pape reconnut que les propositions étaient dans Jansenius: on rédigea -un acte ou formulaire, que tous les prêtres, les religieux et les -religieuses devaient souscrire, en signe de leur orthodoxie et de leur -entière union avec le saint-siége. On avait à combattre une opinion -évidemment contraire aux dogmes de l'Église comme à une saine -philosophie; une opinion qui introduisait dans la religion la doctrine -du fatalisme, et enlevait à l'homme son libre arbitre. Au lieu de -recourir aux moyens de douceur et de persuasion, les seuls permis aux -défenseurs de la foi, on employa la rigueur et la persécution; et en -intéressant ainsi toutes les âmes généreuses au sort de ceux que -l'erreur avait égarée, on fit son succès, on contribua à la propager. - -Les jansénistes voulaient à la fois résister aux décisions du pape et -se considérer comme des fidèles qui lui étaient soumis comme au chef -de l'Église: c'est alors que, pour justifier leur résistance et -tranquilliser leurs consciences, ils imaginèrent la subtile -distinction du fait et du droit. Ils reconnaissaient que pour être -sauvé on devait une soumission entière, une foi divine au pape et à -l'Église, dans tout ce qui concernait le dogme, parce que le pape et -l'Église avaient dans ces matières une autorité divine; mais que quand -il s'agissait d'un fait, le pape et l'Église ne pouvaient réclamer des -fidèles qu'une foi humaine, c'est-à -dire que chacun était libre de -décider selon sa conscience. On devait donc condamner les cinq -propositions, d'après la décision du pape; mais on n'était pas forcé -de croire d'après la seule assertion du pape et des évêques, que ces -cinq propositions fussent dans Jansenius. - -Il y a trois principes de nos connaissances, de nos convictions: les -sens, la raison, et la foi. Tout ce qui est surnaturel et touche à la -révélation se juge par l'Écriture et les décisions de l'Église, et est -du ressort de la foi; tout ce qui est naturel, et n'est pas relatif à -la révélation, se décide par la raison naturelle. Quant aux faits, on -n'est tenu qu'à en croire ses sens. Les propositions qui ne reposent -que sur des faits, c'est aux sens seuls qu'il appartient d'en -connaître. Dieu n'a pas voulu que jamais la foi pût anéantir la -conviction qui résulte du témoignage des sens, ni que cette conviction -pût être soumise en nous à aucune autorité; car c'eût été vouloir -l'impossible, et anéantir notre propre nature. Les décisions du pape -et de l'Église ne peuvent donc enchaîner la conscience en ce qui -concerne les faits non révélés. - -Ainsi raisonnaient les jansénistes; et comme ils soutenaient que les -propositions condamnées n'étaient pas dans Jansenius, ils refusaient -de se soumettre à la bulle du pape qui déclarait qu'elles y étaient; -ils prétendaient que le pape avait été surpris et trompé. Toute cette -contestation reposait sur une subtilité qui semble presque puérile. Il -était bien constant qu'on ne pouvait trouver textuellement les cinq -propositions dans le livre de l'évêque d'Ypres; mais, selon les juges -les plus impartiaux sur ces matières, ces cinq propositions -résultaient des doctrines exposées dans ce livre, et en étaient la -substance. Il fallait bien cependant que les jansénistes ne pensassent -point ainsi, puisqu'ils donnaient leur consentement à la bulle qui les -condamnait. - -Quoi qu'il en soit, le refus de reconnaître que ces cinq propositions -fussent dans le livre de Jansenius devint le prétexte d'une -persécution contre les vingt-sept solitaires de Port-Royal. On les -expulsa de leur champêtre asile, et on les força de se disperser. -Seulement Arnault d'Andilly, qui avait rendu de grands services à -l'État dans les hauts emplois de la diplomatie, dont l'attachement au -gouvernement était connu, qui inspirait la plus entière confiance à la -reine et à Mazarin, et était aimé d'eux, obtint qu'aucune violence ne -serait exercée contre les paisibles habitants de la vallée. On se -contenta de leur intimer les ordres du roi; et la promesse qu'Arnauld -avait faite en leur nom, qu'ils y obéiraient sur-le-champ, fut -exécutée. «Je ne dirai point à votre éminence, écrivait Arnauld au -cardinal, que j'obéirai; mais je lui dirai que j'ai commencé à obéir -en quittant la sainte maison où Dieu, par sa miséricorde, m'a donné le -dessein de finir mes jours; et je continuerai d'obéir en allant demain -à Pomponne, que je ne regarde plus comme ma maison, quoique je l'aie -fort aimée, mais comme le lieu de mon exil, et d'un exil si -douloureux, que rien ne m'y peut faire vivre que ma confiance en la -bonté dont la reine et votre éminence m'honorent. Ainsi mon prompt -retour dans mon heureuse retraite n'étant pas une simple grâce que je -demande à votre éminence, mais une grâce qui m'importe de tout, je la -supplie de considérer les jours de mon bannissement comme elle ferait -les années pour d'autres[150].» - -C'est dans ces circonstances, c'est lorsque la violation de tous les -droits, des actes d'une tyrannie arbitraire, avaient rendu les -jansénistes l'objet de l'intérêt général, que parurent les lettres -intitulées _les Provinciales_[151]: la première est datée du 23 -janvier 1656, et la dernière du 24 mars 1657. - -Jamais pamphlets ne produisirent un effet plus puissant; jamais une -cause ne fut défendue avec plus de talent; jamais une attaque ne fut -dirigée avec une si terrible énergie, ni combinée et graduée avec un -art plus subtil. Pour concevoir le succès que durent avoir ces écrits, -qui paraissaient de mois en mois, il faut se rappeler ce que nous -avons déjà dit, qu'à cette époque, où l'on remarquait tant d'ardeur -pour le plaisir, tant d'intrigues immorales, tant d'aventures -scandaleuses, le sentiment religieux était fortement empreint dans les -esprits: ceux qui étaient le plus plongés dans les délices du monde -les interrompaient souvent pour satisfaire ce besoin de l'âme; et même -quelquefois ils les quittaient pour toujours, afin de s'occuper -uniquement de Dieu et de leur salut. Leurs compagnons de plaisirs -admiraient et enviaient leurs résolutions; et, dans le vide et l'ennui -que laissent toujours après elles les passions satisfaites, ils -regrettaient fréquemment de n'avoir pas le courage de les imiter. - -Avec une telle disposition des esprits, comment pouvait-on ne pas être -charmé d'un écrivain qui donnait aux raisonnements les mieux -enchaînés, aux discussions les plus savantes, la forme d'un dialogue -animé, la gaieté d'une scène comique, le sel mordant d'une satire -enjouée, l'autorité d'une doctrine irréfragable, l'entraînement de la -plus sublime éloquence? L'intérêt qu'inspiraient de tels écrits -s'augmentait encore quand on savait qu'ils étaient composés pour -venger des solitaires vertueux et inoffensifs, de saintes et faibles -religieuses, des hommes admirés de l'Europe entière par le noble usage -qu'ils faisaient de leur génie et de leurs loisirs, des femmes d'un -mérite supérieur, gloire et modèle de leur sexe; quand on songeait -qu'ils étaient opprimés au nom de la religion par un ministre qui, -après avoir enlevé à tous la liberté politique avec une armée de -soldats, voulait avec une armée de religieux ravir aussi à tous la -liberté de conscience, et anéantir toute discussion sur les intérêts -spirituels, comme il l'avait déjà fait sur les intérêts temporels. - -Qu'on ne s'étonne pas qu'un livre composé pour une lutte qui n'existe -plus, et pour un temps si différent du nôtre, ait survécu à l'époque -qui le vit naître, aux motifs qui le firent écrire, et qu'il captive -encore tellement notre attention, qu'on ne peut en quitter la lecture, -lorsqu'une fois on l'a commencée. Ceux-là même qui l'ont le plus loué -n'y ont vu qu'un livre de controverse religieuse, qu'un ouvrage de -circonstance, et n'ont pas su apercevoir, sous la forme spéciale et -théologique qui la déguise, toute la grandeur des questions qui y sont -traitées. Les vérités qu'on y agite ne sont ni fugitives ni -périssables; ce sont celles qui intéressent le plus l'homme sociable -et l'homme religieux. Le système des opinions probables et de la -direction d'intention, qu'est-ce autre chose que la vieille dispute -des stoïciens et des sceptiques? Quel est celui qui ne fait pas un -retour plein d'effroi sur lui-même, alors que l'auteur des -Provinciales prouve, avec une évidence qui s'accroît à chaque page, -que les principes de la morale ne peuvent se modifier ni se laisser -fléchir; et que si par la faiblesse de notre nature on est amené à se -permettre la moindre déviation, le premier pas nous conduit, par une -route de plus en plus divergente, jusque dans l'abîme du crime et de -la folie? Ne sentons-nous pas que nos passions, nos vices et notre -égoïsme sont des casuistes toujours prêts à égarer notre conscience, -et l'obligent à des capitulations qui tendent à altérer sa pureté, et -même à la pervertir entièrement? Ces disputes, qui paraissent toutes -théologiques, sur la grâce suffisante et insuffisante, diffèrent-elles -en rien des doutes et des croyances sur l'absence ou l'existence de -l'intervention céleste dans les choses terrestres, et sur la liberté -de l'homme dans ses rapports avec Dieu? A quelle époque et chez quel -peuple civilisé les philosophes ont-ils cessé de se partager sur ces -questions, ou se sont-ils abstenus de les discuter? En est-il en effet -de plus hautes? en est-il qui intéressent plus l'homme en général? En -est-il qui embrassent d'une manière plus complète toute sa destinée -dans sa vie présente et mortelle et dans son immortel avenir? - -Le voile dont se couvrait l'auteur de ces lettres, et qui fut quelque -temps avant de pouvoir être soulevé, contribua encore à leur -réputation. Quand on sut quel était le nom célèbre que cachait le nom -obscur de Montalte, et que Blaise Pascal, connu par ses sublimes -découvertes en physique et en mathématiques, était celui que l'on -cherchait, la surprise se mêla à l'admiration. Tout le monde voulut -lire ces écrits théologiques du jeune et savant géomètre. Madame de -Sévigné, qui avait parmi les solitaires de Port-Royal des amis -dévoués, lut donc aussi les _Petites Lettres_ (c'est ainsi qu'on les -appelait alors); elle les lut avec l'intérêt puissant qu'excitaient -en elle le sujet et les personnages; elle se pénétra des doctrines -qu'elles contenaient. Nous nous en apercevons souvent en lisant ce -qu'elle a écrit, et par cette raison nous avons dû signaler l'époque -de leur apparition comme une circonstance essentielle dans sa vie. - -L'effet des _Provinciales_ ne se borna pas à exciter une stérile -admiration. L'opinion publique fut tellement émue par elles, elles -excitèrent une telle clameur, qu'elles forcèrent en quelque sorte -l'autorité à permettre que les solitaires de Port-Royal reprissent -possession de leur vallée chérie, et rouvrissent leur savante école: -le gouvernement permit encore aux saintes vierges du couvent de les -encourager par leurs prières, tandis qu'eux-mêmes les instruisaient -par leurs discours et les édifiaient par leurs exemples[152]. - - [126] LORET, _lettre_ du 22 avril 1656, liv. VII, p. 62.--BUSSY, - dans _Lettres_ de SÉVIGNÉ, t. I, p. 48 et 51, lettres du 2 et 9 - juillet 1656, éd. M. - - [127] LORET, liv. VII, p. 1 et 2, _lettre_ en date du 1er janvier - 1656, p. 14, 15, 19, 29; _lettres_ en date des 22 et 29 janvier, - 19 février 1656.--MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 1 et 2.--BENSERADE, - _OEuvres_, t. II, p. 142 à 172.--LORET, liv. VII, p. 23, 61, - _lettres_ en date des 2 février et 2 avril 1656. - - [128] LORET, t. VII, p. 35, _lettre_ en date du 26 janvier 1656; - _lettres_ en date des 27 mai et 19 août 1656, p. 191; _lettre_ en - date du 2 décembre 1656, p. 50, 53, 54; _lettres_ en date des 25 - mars et 1er avril.--MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 371. - - [129] Frères PARFAICT, _Hist. du Théâtre François_, t. VII, p. - 178 à 182.--LORET, liv. VII, p. 198, du 16 décembre 1656.--Ibid., - p. 176, apostille de la _lettre_ en date du 5 novembre 1656. - - [130] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 48, 51.--LORET, liv. VII, - p. 3; _lettre_ en date du 1er janvier 1656.--SÉVIGNÉ, _lettre_ de - madame de Coulanges du 24 juin. 1695.--LORET, liv. VII, p. 78, en - date du 20 mars 1656, et p. 29, 30, 35, 36, 103; _lettres_ en - date des 19 février, 18 avril, 24 juin et 1er juillet - 1656.--SÉVIGNÉ, _lettre_ en date du 15 mai 1671, t. II, p. 72, - édit. de G. de St.-G., et 2 novembre 1673, t. III, p. - 203.--LORET, liv. VII, p. 104, _lettre_ en date du 1er juillet - 1656. - - [131] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 65 et 72 de l'in-12.--Ibid., t. - II, p. 78 et 87 de l'in-4º.--SÉVIGNÉ, _Lettres_, édit. Monm., t. - I, p. 48 et 51; t. I, p. 59 et 82, édit. de G. de St.-G. (9 et 20 - juillet 1656). - - [132] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 50, note _b_, édit. M. (9 - juillet 1656). - - [133] DESORMEAUX, _Histoire du grand Condé_, t. IV, p. 79, 86, - 93.--MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 7.--GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. - 303.--MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. 392.--RAGUENET, _Hist. de - Turenne_, édit. de 1769, p. 264.--BUSSY-RABUTIN, _Mém._, t. II, - p. 72, 80, 82, édit. in-12; _Discours de_ BUSSY _à ses Enfants_, - p. 282, 302. - - [134] LORET, liv. VII, p. 84, _lettre_ en date du 27 mai 1656. - - [135] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 10. - - [136] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 84 et 86.--LORET, liv. VII, p. - 181, _lettre_ en date du 18 novembre 1656. - - [137] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 1. - - [138] LORET, liv. VII, p. 22, _lettre_ en date du 5 février. - - [139] LORET, liv. VII, p. 41, 46, _lettres_ en date des 18 mai et - 9 septembre 1656; p. 50, 119, 126, _lettre_ en date du 12 août, - et p. 143, 144, 150, 155, 178; liv. VIII, p. 180, 181, 183, - _lettres_ en date des 17 et 24 novembre 1657; liv. IX, p. 34, 42, - 43, des 2 et 16 mars 1658.--MONGLAT, t. LI, p. 12.--MOTTEVILLE, - t. XXXIX, p. 376, 384, 390 et 392.--MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, - p. 54, 55, 58, 73.--Ibid., t. XLII, p. 266 à 268.--BUSSY-RABUTIN, - _Hist. am. des Gaules_, t. I, p. 180 à 190, édit. - 1754.--CATTEAU-CATTEVILLE, _Hist. de Christine_, 1815, in-8º, t. - II, p. 34, 37, 43, 48, 60, 61, 62.--Ibid., t. I, p. 29; - _Ménagiana_, t. II, p. 257. - - [140] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. 392. - - [141] CATTEAU-CATTEVILLE, _Hist. de Christine_, t. II, p. 61. - - [142] _Lettres de_ COSTAR, seconde partie, 1659, in-4º, _lettre_ - 199, p. 419.--MENAGII _Poemata_, 1656, in-8º, p. 76.--_Lezione - d_'EGEDIO MENAGIO _sopra in sonetto VII di messer Francesco - Petrarca_, p. 62, 68 et 74, dans _Historia Mulierum - Philosophorum_; Lugduni, 1690, in-12. - - [143] _Ménagiana_, t. I, p. 220, t. IV, p. 24. - - [144] SAINT-ÉVREMOND, _OEuvres_, édit. 1753, t. II, p. 79 à 83. - - [145] DES MAIZEAUX, _Vie de Saint-Évremond_, dans les _OEuvres_, - t. I, p. 78, 83. - - [146] Paul de la Barthe, maréchal de Thermes. - - [147] Le duc de Bellegarde, grand écuyer. - - [148] SAINT-ÉVREMOND, t. II, p. 83. - - [149] Ibid., p. 83, 85. - - [150] ARNAULD d'ANDILLY, _Mémoires_, t. XXXIV, p. 89, 94. - - [151] _Les Provinciales, ou les Lettres écrites par Louis de - Montalte à un provincial de ses amis et aux RR. PP. jésuites, sur - le sujet de la morale et de la politique des saints Pères_; - Cologne, 1657, in-18, Elzeviers, p. 1 et 369. - - [152] PETITOT, _Notice sur Port-Royal_, dans la _Collection des - Mémoires sur l'Hist. de France_, t. XXXIII, p. 137. - - - - -CHAPITRE VIII. - -1657-1658. - - Soins que madame de Sévigné donne à l'éducation de ses deux - enfants.--Leur amitié prouve qu'ils ont été élevés - ensemble.--Services rendus par les jésuites à l'éducation - publique.--Révolution dans la philosophie, produite par - Descartes. Elle donne l'impulsion aux écrivains de - Port-Royal.--Bossuet paraît.--Sa doctrine, fondée sur les saintes - Écritures, ne s'appuie ni sur Jansenius ni sur les - jésuites.--Madame de Sévigné fait l'éducation de ses enfants sous - l'influence de ces divers systèmes.--Elle les résume tous en - elle.--Sa fille s'instruit dans la philosophie de Descartes, et - est moins religieuse que sa mère.--Son fils est conduit par - l'influence du jansénisme aux pratiques de la plus haute - dévotion.--La vie de l'une comme celle de l'autre prouvent - combien leur éducation fut soignée.--Caractère de madame de - Grignan.--Caractère du marquis de Sévigné.--Différence d'opinion - entre la mère, la fille, et le fils, en matière de - littérature.--De l'abbé Arnauld, et de l'origine de sa liaison - avec madame de Sévigné.--Ce qu'il dit d'elle lorsqu'il la - rencontra pour la première fois avec ses enfants. - - -Les deux enfants de madame de Sévigné étaient tous deux parvenus à cet -âge qui tient le milieu entre l'enfance et l'adolescence, et que les -anciens exprimaient par un mot qui manque à notre langue. Les soins -qu'elle donnait à leur éducation devenaient de jour en jour plus -importants et plus nécessaires; et sans doute une partie du temps -qu'elle était habituée à sacrifier aux amusements du monde fut -consacrée aux deux êtres qui lui étaient les plus chers, et vers -lesquels se dirigeaient ses principales pensées. - -Ce n'était pas à cause de ce titre d'excellente mère qu'elle s'était -attiré les prévenances et les assiduités d'un si grand nombre de ses -contemporains et qu'elle était recherchée par les femmes les plus -aimables de son temps; les intérêts de la société, dont elle faisait -le charme, se trouvaient, au contraire, en opposition avec ses devoirs -maternels. Aussi les mémoires et les correspondances de ces temps ne -nous donnent aucun détail sur la manière dont madame de Sévigné -dirigea l'éducation de ses enfants. Mais l'amitié vive et sincère qui -s'établit entre le frère et la sÅ“ur semble démontrer qu'ils ont été -élevés ensemble et sous les yeux de leur mère. - -On a souvent discuté les avantages et les désavantages de l'éducation -publique et de l'éducation particulière, et cherché à déterminer -quelle est celle des deux qui doit obtenir la préférence sur l'autre. -Montaigne et Pascal n'eurent point d'autres précepteurs que leurs -pères; et nous savons que ceux-ci firent de l'éducation de leurs -enfants l'Å“uvre principale de leur vie. Cependant ces exemples et -plusieurs autres semblables ne décident point cette question, qui, -comme beaucoup d'autres, n'est pas susceptible d'une solution absolue. -Il en est des divers modes d'éducation comme des différentes formes de -gouvernement, dont les perfections et les vices dépendent de ceux qui -les dirigent. A l'époque dont nous parlons il régnait une grande -émulation pour le perfectionnement de l'éducation publique. -L'université de Paris, après avoir rendu d'immenses services pour la -renaissance des lettres en Europe, était, comme toutes les -corporations privilégiées ou sans rivales, restée stationnaire au -milieu du mouvement progressif de la société et des esprits. -Retranchée derrière ses vieux usages et ses antiques préjugés, elle -serait devenue tout à fait impropre à remplir les fins de sa -création, si les jésuites, en élevant partout des colléges qui ne -ressortissaient pas à sa juridiction, et en admettant dans leur plan -d'éducation tout ce que les mÅ“urs et les progrès de la société -rendaient nécessaire, n'avaient pas produit une heureuse émulation, et -forcé l'université, au commencement du dix-septième siècle, à -introduire quelques innovations dans ses statuts. Ces innovations -furent en petit nombre et insuffisantes; cependant l'université ne put -se décider à les faire sans jeter de hauts cris contre ceux qui l'y -contraignaient, et sans demander aux parlements que les écoles de -ceux-ci fussent fermées. A la suite de ces nouveaux statuts, imprimés -en 1601, elle compare l'ordre des jésuites à une nouvelle Carthage qui -était venue établir son camp sur le territoire de Rome elle-même, et à -un astre contagieux qui produit la flétrissure et la décadence des -études à Paris et dans toutes les académies du royaume[153]. Mais, -heureusement pour les progrès de l'enseignement en France et pour -l'université elle-même, ses plaintes ne furent point écoutées. Les -jésuites, protégés par le pape et les souverains, enlevèrent à -l'université son monopole, et la forcèrent à faire de nouvelles -altérations dans le plan des études, sous peine de voir déserter ses -bancs. - -Cette révolution dans l'instruction n'était que le prélude d'une plus -grande. La philosophie d'Aristote était alors exclusivement enseignée -par l'université comme par les jésuites; et l'admiration pour le génie -de cet ancien philosophe était telle, que ses axiomes de physique et -de métaphysique semblaient être les dernières limites de la raison et -celles dans lesquelles elle devait se renfermer. On les regardait -comme des principes aussi incontestables, aussi hors de toute -discussion que les articles de foi, que la religion nous ordonne de -croire. Les nier eût été une sorte de sacrilége ou une preuve de la -plus grossière ignorance. - -Un génie puissant, élevé chez les jésuites, venait, à l'époque dont -nous nous occupons, de briser les entraves dans lesquelles la routine -avait si longtemps enchaîné l'esprit humain, et de mettre en crédit -une nouvelle philosophie: c'était Descartes. Toutes les intelligences -vigoureuses s'empressèrent de se mettre à la suite de ce hardi -novateur, de s'enrôler sous les drapeaux de ce nouveau chef, qui les -appelait à une entière liberté, et les délivrait des chaînes qui -jusque alors avaient arrêté leur essor. Les écrivains de Port-Royal -durent au doute universel de Descartes et à ses écrits, au vaste -horizon tracé par sa profonde métaphysique, cette méthode lumineuse de -discussion, cette hauteur de vues, cette déduction sévère dans les -raisonnements, cette lucidité d'expression, cette énergie de style -qu'ils portèrent jusque dans les régions, auparavant si obscures, de -la théologie. Par leur école, mais plus encore par leurs excellents -livres élémentaires, ils opérèrent dans l'enseignement une réforme -complète. Ils introduisirent surtout dans toutes les classes éclairées -le goût des discussions en matière religieuse, et par là ils -contribuèrent à accroître la ferveur de ceux dont la foi était ferme -et sincère. Rien n'est plus propre à raffermir une croyance dont les -semences, implantées dès l'enfance, ont jeté en nous de fortes et -profondes racines, que les efforts qu'il nous faut faire pour -repousser une autre croyance, que nous regardons comme fausse, et -qu'on voudrait nous imposer. Ce qu'il y a de plus mortel pour -l'esprit comme pour le cÅ“ur, c'est l'indifférence. Ce vers de la -comédie de Gresset, - - .... Rien n'est vrai sur rien; qu'importe ce qu'on dit? - -est le résumé de la doctrine du type brillant et corrompu d'une -société usée, qui n'a plus ni principe, ni croyance, ni morale, et où -tout tend à se dissoudre. - -Tandis que Descartes démontrait l'existence de Dieu et l'immortalité -de l'âme par les seuls secours de la raison; que les jansénistes -semblaient concentrer tous les principes de la religion et de la -morale dans leur doctrine sur la grâce; que les jésuites plaçaient -tout espoir de salut dans une soumission aveugle à l'autorité du pape, -un jeune homme parut tout à coup, comme un soleil d'été, qui en se -levant darde aussitôt sur l'horizon la lumière et la chaleur. Survenu -au milieu de ces opinions opposées, mais qui toutes se proposaient le -même but, il s'appuya sur ce que chacune d'elles lui offrait de -conforme aux Écritures et aux décisions de l'Église. Par son génie, -par sa vaste érudition, par son saint enthousiasme, par sa haute -éloquence, il se créa un nouvel apostolat, qui ne se fondait ni sur -une servile obéissance à Rome, ni sur les subtiles doctrines de -Jansenius, ni sur les concessions jésuitiques. Ce jeune homme, tous -nos lecteurs l'ont nommé, c'était Bossuet. - -Ce fut en 1657 qu'il parut à Paris pour la première fois dans la -chaire évangélique. Il prêcha le 10 mars à Saint-Thomas d'Aquin, et le -24 du même mois aux Feuillants, en présence de vingt-deux évêques; -puis le 27 octobre suivant il prononça le panégyrique de sainte -Thérèse, en présence de la reine mère et de toute sa cour. Dès ces -premiers débuts il laissa bien loin derrière lui les Boux, les Camus, -les Lingende, et les Testu, qui à cette époque n'avaient point de -rivaux dans la prédication. - -Loret, qui l'entendit alors, et qui ne pouvait prévoir la réputation -que ce jeune docteur, comme il l'appelle, devait acquérir un jour, qui -ne vécut même point assez pour la connaître, atteste que jamais -orateur chrétien n'a prêché avec un tel succès; et il résume, avec une -précision qui certes ne lui est pas ordinaire, tout ce qu'il a dit sur -l'effet que produisait le nouveau prédicateur: - - Il presse, il enflamme, il inspire[154]. - -Telles étaient les diverses sortes d'influences sous lesquelles se -trouvait placée madame de Sévigné lorsqu'elle s'occupait de -l'éducation de ses enfants. Elle était liée particulièrement avec -madame Duplessis-Guénégaud, une des amies intimes du jeune Bossuet, et -elle dut le rencontrer fréquemment chez elle[155]. Par l'oncle de son -mari et par le cardinal de Retz, elle avait toujours eu des -communications fréquentes avec les plus célèbres solitaires de -Port-Royal. Les écrits de Descartes sur la philosophie, dont plusieurs -étaient adressés à des femmes, à la reine Christine ou à la princesse -Élisabeth, se trouvaient, comme les Lettres provinciales, entre les -mains de toutes les personnes dont l'éducation était cultivée. Enfin -les plus savants, les plus illustres dans l'ordre des jésuites étaient -admis à la cour et dans les maisons des grands; ils se répandaient -partout dans le monde, et ne pouvaient être évités. Aussi madame de -Sévigné était liée avec quelques-uns d'entre eux, remarquables par -leur esprit et leur savoir-vivre. - -C'est par de bien justes motifs que nous détaillons ici les influences -morales et religieuses qui agissaient alors sur la société en France; -car toutes se sont réalisées sur madame de Sévigné et sur ses enfants. -Ceux-ci ne subirent que l'effet de quelques-unes; mais pour elle, il -semble qu'elle conserva des empreintes de toutes. Ses désirs de -religion étaient tempérés par son goût pour les plaisirs; la sévérité -de ses principes, modifiée par une imagination éprise des charmes de -la belle littérature; la roideur et la subtilité des doctrines de son -jansénisme, rectifiées par un jugement naturellement ennemi de tout ce -qui l'éloignait du bon sens général et de la raison commune. Elle -résumait en elle l'élégance galante et polie de l'hôtel de -Rambouillet, le spiritualisme de Port-Royal, l'indulgence mondaine des -disciples de Loyola, les vives résolutions d'un Bossuet, et quelque -chose de la sensibilité pieuse et de l'amour mystique d'une sÅ“ur de -Sainte-Thérèse. Sa fille, avec plus de beauté, eut moins d'esprit -naturel, un savoir aussi varié et plus étendu, une tête plus forte et -plus calme. Moins aimable, elle fut moins aimée, moins flattée par ses -contemporains, qui l'ont jugée avec trop de sévérité, peut-être parce -que, comme nous, ils la comparaient sans cesse à sa mère. Eh! quelle -est la femme qui sortirait avec avantage d'une telle comparaison? -Madame de Grignan avait étudié les Å“uvres de Descartes et les parties -les plus abstruses de sa métaphysique; elle croyait avoir saisi -l'ensemble du système de ce grand homme, et triomphé des difficultés -qu'il offrait aux intelligences vulgaires. Devenue le disciple de cet -apôtre du doute, elle se soumettait avec moins d'abandon que sa mère à -ce que la foi commandait de croire; elle cherchait plus souvent ses -points d'appui dans la philosophie cartésienne que dans les lumières -de la révélation. Son frère, né et élevé au milieu des doctrines de -Port-Royal, y fut toute sa vie fidèle; mais l'heureuse flexibilité du -caractère de sa mère s'était chez lui convertie en une incurable -légèreté: incapable d'éprouver aucune impression profonde et durable, -il effleura tout, même le désordre. La femme qu'il épousa, et dont il -n'eut point d'enfants, le ploya, dans sa vieillesse, aux habitudes de -la plus haute dévotion. - -L'éducation ne peut tout faire; elle ne donne ni le génie, ni la force -de réflexion, ni l'énergie de caractère, ni la constance des -résolutions, ni la sensibilité de cÅ“ur. Nous pouvons perfectionner ou -détériorer la nature, mais nous ne pouvons suppléer à ce qu'elle n'a -pas, ni lui ôter ce qu'elle possède. Celui qui a eu occasion de -remarquer combien différemment la même culture et la même instruction -profite à des esprits différents, est d'avance convaincu de -l'absurdité du système d'Helvétius, qui soutient que toutes les -intelligences sont égales, et proclame la toute-puissance de -l'éducation. Non, il n'est pas vrai que l'influence des objets -extérieurs soit la seule cause des modifications que nous éprouvons. -Les impressions reçues produisent des résultats divers, selon le sujet -qui les reçoit. L'homme n'est point une matière inerte, qu'on puisse -façonner à volonté. Le principe vital, selon le plus ou moins de -chaleur du sang, décompose et recompose différemment, dans chaque être -vivant, les substances qu'il s'assimile; de même il y a en nous une -âme qui élabore les sensations, les pensées, et qui fonctionne -différemment dans chaque individu. Dans la multitude innombrable de -créatures humaines répandues sur la surface de la terre, il n'y en a -pas deux qui aient des visages semblables, des sens pareils, des -facultés égales, des volontés identiques, ni les mêmes désirs, ni les -mêmes passions, ni le même caractère. La lumière, telle qu'elle semble -émaner du soleil, est pure de toute couleur, toujours semblable, -toujours la même; mais, selon les corps qui la divisent, la modifient, -l'absorbent ou la réfléchissent, elle donne le rouge, le bleu, le -jaune, le vert, le violet, l'orange, le noir, le blanc, toutes les -teintes, toutes les nuances. Voilà l'image de la même éducation, de la -même instruction agissant sur les individus qui diffèrent par leur -tempérament et leur organisation. - -Ces mémoires, si nous y donnions une suite, feraient connaître les -qualités et les défauts du fils et de la fille de madame de Sévigné, -et la part que l'on doit faire en eux au naturel, au temps, aux -circonstances. Mais nous pouvons juger dès à présent, par l'ensemble -de leur vie, combien fut solide et brillante l'éducation que cette -mère tendre et éclairée sut donner à ses enfants, et combien les -résultats en furent heureux. - -Sa fille, remarquable par son éclatante beauté, devint la femme d'un -homme deux fois veuf, et beaucoup plus âgé qu'elle. Jamais elle ne fit -soupçonner sa vertu: forcée par le rang et la place qu'occupait son -mari, à une représentation continuelle, elle suffit à toutes les -exigences du grand monde. Contrainte, par le goût de M. de Grignan -pour le faste et l'ostentation, à des dépenses ruineuses, elle sut, -par l'ordre et l'économie, trouver des ressources à mesure qu'il les -épuisait: quand il eut consumé presque tout son bien, elle n'hésita -pas à s'engager pour lui et à lui sacrifier une partie du sien. - -Le fils de madame de Sévigné fut un militaire distingué: il se fit -remarquer par son intrépidité et son habileté, en Orient, dans la -petite croisade de la noblesse française contre les Turcs qui -assiégeaient Candie; en Hollande, dans l'armée du maréchal de -Luxembourg; au sanglant combat de Senef et à l'attaque meurtrière du -prince d'Orange. Gai, aimable, prévenant, poli, blond comme sa mère et -sa sÅ“ur, d'une figure agréable, il se fit chérir dans le monde, où il -était fort répandu; il en adopta aussi les travers et les -déréglements, mais sans les pousser jusqu'à ce degré qui entache. -Après avoir brillé parmi les hommes de plaisir, il devint, dans sa -vieillesse, le modèle des hommes vertueux. Sa piété, douce et -indulgente, ne fut pas incompatible avec les délassements de l'esprit -et le commerce des Muses; car sous le rapport de l'instruction les -deux enfants de madame de Sévigné ne furent pas moins remarquables que -sous celui des qualités sociales. Sa fille, qui savait un peu de latin -et parfaitement bien la langue italienne, écrivait dans la sienne avec -une pureté et un savoir qui a fait conclure de nos jours qu'elle -devait être pédante: banale accusation, rarement méritée par les -femmes qui s'élèvent au-dessus de la foule par des études sérieuses et -profondes, et que renouvellent sans cesse l'ignorance et la frivolité, -envieuses d'une supériorité qui les choque. Le fils de madame de -Sévigné aimait les belles-lettres. Boileau et Racine, avec lesquels il -fut lié, achevèrent de former son goût, qui était plus pur que celui -de sa mère; mais les principes moins classiques de madame de Sévigné -en littérature étaient peut-être plus favorables aux élans de -l'imagination et à l'originalité du style. Le marquis de Sévigné -avait un talent particulier pour bien lire, surtout les pièces de -théâtre; ce qu'il dut peut-être à sa liaison intime avec la Champmêlé, -dont il fut pendant quelque temps amoureux, autant qu'il pouvait -l'être. Il cultiva toujours la langue latine, et s'y rendit -très-habile. Vers la fin de ses jours, il eut une discussion avec le -célèbre Dacier sur le sens d'un passage d'Horace; et sa dissertation, -qui fut imprimée, lui attira l'approbation des érudits du temps[156]. - -Ces détails suffisent pour avoir une idée des soins que madame de -Sévigné a donnés à l'éducation de ses enfants. Il est probable qu'a -l'époque dont nous nous occupons leur instruction était le motif qui -la retenait à Paris et la forçait d'y séjourner. Un passage des -mémoires de l'abbé Arnauld semble prouver qu'elle ne les quittait que -rarement de vue, et qu'il était difficile de la rencontrer sans eux. - -L'abbé Antoine Arnauld était le fils aîné du célèbre Arnauld -d'Andilly, dont il a été fait mention dans le chapitre précédent. -L'abbé Arnauld avait d'abord, malgré la volonté de son père, choisi la -profession des armes, qu'il quitta, parce que la mort de Feuquières -lui avait ravi tout espoir d'avancement. Il embrassa à vingt-sept ans -l'état ecclésiastique. Attaché à son oncle Henri Arnauld, abbé de -Saint-Nicolas, qui fut depuis évêque d'Angers, quoique janséniste, -l'abbé Arnauld séjourna pendant quelque temps chez les solitaires de -Port-Royal. Il demeura attaché à leurs doctrines, mais par esprit de -famille, et pour satisfaire à sa position, plutôt que par conviction. -Il n'avait aucun goût pour les discussions théologiques, et il avait -conservé, au contraire, de très-fortes inclinations pour le monde et -ses jouissances. Il était lié avec plusieurs femmes aimables, et même -avec plusieurs femmes galantes[157]. Il était l'ami de Renaud de -Sévigné; et la terre de Champiré que possédait celui-ci, dans le -voisinage d'Angers, leur donnait les moyens de se voir fréquemment. -Renaud de Sévigné passait alors presque tous ses hivers à Paris; et il -s'y trouvait lorsqu'un procès y amena l'abbé Arnauld, au commencement -de l'année 1657. - -«Ce fut en ce voyage, dit-il, que M. de Sévigné me fit faire -connaissance avec l'illustre marquise de Sévigné, sa nièce, dont le -nom vaut un éloge à ceux qui savent estimer l'esprit, l'agrément et la -vertu. On peut dire d'elle une chose fort avantageuse et fort -singulière; qu'une des plus dangereuses plumes de France [c'est -Bussy-Rabutin que l'abbé Arnauld désigne ici] ayant entrepris de -médire d'elle comme de beaucoup d'autres, a été contrainte, par la -force de la vérité, de lui feindre des défauts purement imaginaires, -ne lui en ayant pu trouver de réels. Il me semble que je la vois -encore telle qu'elle me parut la première fois que j'eus l'honneur de -la voir, arrivant dans le fond de son carrosse tout ouvert, au milieu -de monsieur son fils et de mademoiselle sa fille; tous trois tels que -les poëtes représentent Latone au milieu du jeune Apollon et de la -petite Diane, tant il éclatait d'agréments et de beauté dans la mère -et dans les enfants. Elle me fit l'honneur dès lors de me promettre -de l'amitié, et je me tiens fort glorieux d'avoir conservé jusqu'à -cette heure un don si cher et si précieux. Mais aussi je dois dire, à -la louange du sexe, que j'ai trouvé beaucoup plus de fidélité dans mes -amies que dans mes amis, ayant été souvent trompé par ceux-ci, et ne -l'ayant jamais été par les premières[158].» - -Ce fut aussi cette même année que le frère de l'abbé Arnauld, le -célèbre Arnauld de Pomponne, vit les deux enfants de madame de Sévigné -chez leur oncle Renaud de Sévigné; il fut tellement frappé de leur -beauté, que près de vingt ans après, et lorsqu'il était ministre, il -se souvenait de cette journée, et la rappelait à la marquise de -Sévigné. Celle-ci, en écrivant à madame de Grignan, lui dit: «Monsieur -de Pomponne se souvient d'un jour que vous étiez petite fille chez mon -oncle Sévigné. Vous étiez derrière une vitre avec votre frère, plus -belle, dit-il, qu'un ange; vous disiez que vous étiez prisonnière, que -vous étiez une princesse chassée de chez son père. Votre frère était -beau comme vous. Vous aviez neuf ans. Il me fit souvenir de cette -journée. Il n'a jamais oublié aucun moment où il vous a vue[159].» - -Au commencement de cette année il parut un recueil de vers où la -louange de madame de Sévigné se trouve réunie à celle du roi, de -Monsieur, de la reine, de Mazarin, des ministres, et des personnes des -deux sexes les plus illustres. Ce recueil est un phénomène -intellectuel qui serait à peine croyable s'il n'était si bien attesté. -Le fils d'un comédien de Paris, nommé Beauchasteau, se montra si -précoce, que dès l'âge de sept à huit ans il parlait plusieurs -langues et improvisait des vers avec facilité. On le fit venir à la -cour; on le mit à l'épreuve, et il surpassa encore l'idée que les -récits en avaient donnée. Mazarin lui fit une pension de mille livres; -le chancelier Séguier lui en accorda une de trois cents; et on publia -un recueil in-4º de ses improvisations, avec les portraits du roi, des -membres de la famille royale, et des personnages objets des madrigaux -de cet Apollon enfant. Le poëte Maynard fut l'éditeur de ce beau -volume; le portrait de Beauchasteau et les vers composés à sa louange -n'y furent pas oubliés. Dès l'année 1656 Beauchasteau avait improvisé -des vers devant Christine, et il fut de nouveau présenté à cette reine -en 1658. Il alla en Espagne, en Angleterre, et parut devant Cromwell. -Partout il excita le même étonnement, la même admiration. La personne -qui l'avait conduit en Angleterre l'emmena en Perse, et on n'entendit -plus parler de lui. Ainsi s'évanouit, presque aussitôt après sa subite -apparition, cette espèce de météore intellectuel. Voici le quatrain -que ce jeune enfant improvisa en voyant madame de Sévigné: - - Sévigné, suspendez vos charmes - Et les clartés de votre esprit? - Pour nous faire rendre les armes, - Voire extrême beauté suffit[160]. - - [153] CRÉVIER, _Hist. de l'Université de Paris_, t. VII, p. 60. - - [154] LORET, liv. VIII, p. 36 et 162 (10 et 24 mars - 1857).--Ibid., liv. VIII, p. 28, 48, 200.--DE BAUSSET, _Vie de - Bossuet_, 1814, in-8º, t. I, p. 130. M. de Bausset n'a pas bien - connu ces premiers commencements de Bossuet, ni bien déterminé - les dates de ses premières compositions. _OEuvres de Bossuet_; - Versailles, 1816, in-8º, t. XVI, p. 463. - - [155] DE BAUSSET, _Hist. de Bossuet_, t. I, p. 21. - - [156] _Dissertation critique sur l'Art poétique d'Horace, où l'on - donne une idée générale des pièces de théâtre, où l'on examine si - un poëte doit préférer les caractères connus aux caractères - inventez_; Paris, chez Barthélemy Girin, M. DC. XVIII (sic), - in-12.--SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 314, et t. II, p. 6, édit. - 1820, in-8º (1er avril et 8 avril 1671). - - [157] PETITOT, _Notice sur l'abbé Arnauld_, t. XXXIV, p. 112. - - [158] _Mémoires de l'abbé_ ARNAULD dans la _Collection de - Petitot_, in 8º, t. XXXIV, p. 314; t. II, p. 62 et 63 de l'édit. - 1756. - - [159] SÉVIGNÉ, _Lettres_, en date du 15 janvier 1674, t. III, p. - 210, édit. M., ou t. III, p. 307, édit. G. - - [160] _La Lyre du jeune Apollon, ou la Muse naissante du petit_ - BEAUCHASTEAU, 1657, in-4º, p. 160.--DU TILLET, _Parnasse - français_, in-folio, p. 321.--WEISS, _Biographie universelle_, t. - III, p. 621.--LORET, liv. IX, p. 6 (12 janvier 1658), et p. 25, - liv. X, p. 170. - - - - -CHAPITRE IX. - -1657-1658. - - Les nombreux décès qui ont lieu à la cour ralentissent les - fêtes.--L'arrivée des ducs de Modène et de Mantoue et le mariage - d'Olympe Mancini les raniment.--Les déguisements en femmes dans - les ballets étaient fréquents.--Louis XIV aime la compagnie des - femmes.--Il est escorté par plusieurs beautés de la cour dans ses - promenades à cheval.--Il prend des leçons de politesse et de - galanterie de la comtesse de Choisy.--Se montre indifférent au - mariage d'Olympe Mancini.--Joie que la reine en ressent.--Mazarin - fait sortir deux de ses nièces du couvent, et les introduit à la - cour.--Louis XIV ne fait d'abord aucune attention aux nièces de - Mazarin.--Il devient amoureux de mademoiselle de La Mothe - d'Argencourt.--Mazarin et la reine également intéressés à - s'opposer à cet amour.--La reine emploie la religion.--Le jeune - roi fait une retraite, communie, et promet de se - vaincre.--Mazarin découvre que mademoiselle d'Argencourt a un - amant.--Le roi voit mademoiselle d'Argencourt dans un bal, et - s'enflamne de nouveau pour elle.--Mazarin le guérit, en lui - prouvant que celle qu'il aime le trahit pour un - autre.--D'Argencourt, abandonnée du roi, veut se consoler avec le - duc de Richelieu.--Sur la demande de la duchesse, elle est forcée - d'entrer au couvent, où elle reste volontairement.--Liaison du - roi avec mademoiselle de Beauvais.--Avec une jeune - jardinière.--Il en a une fille.--Passage des Mémoires de - Saint-Simon sur la destinée de ce premier enfant de Louis XIV. - - -En se livrant à l'éducation de ses enfants, madame de Sévigné eut -cette année moins de sacrifices à faire à ses plaisirs que dans les -années précédentes. La mort de madame de Mancini, du duc de Chevreuse, -celle du duc de Villars, du maréchal de la Mothe-Houdancourt[161], du -duc d'ElbÅ“uf[162], de Pomponne de Bellièvre[163], de la duchesse de -Montbazon[164], de la duchesse de MercÅ“ur, de la duchesse de -Bouillon[165], de la duchesse de Roquelaure[166], qui eurent lieu dans -l'intervalle de quelques mois, contristèrent la cour et la haute -société, et ralentirent les fêtes et les divertissements. Mais cela ne -pouvait durer longtemps. Le nombre de ceux qui dans un grand royaume -sont attachés au service du monarque est trop considérable pour que -les chances habituelles de la mortalité n'y portent pas de fréquentes -atteintes; et l'habitude de voir presque chaque année disparaître -quelques-uns de leurs plus chers serviteurs émousse la sensibilité des -rois. Heureux encore quand la perte de ceux qui les ont servis avec le -plus de zèle ne leur cause pas une satisfaction secrète, par -l'occasion qu'elle leur fournit de conférer des grâces et d'accorder -des faveurs aux objets de leurs plus récentes affections! - -Les plaisirs reprirent bientôt leur activité accoutumée. L'arrivée du -duc de Mantoue à Paris, celle du duc de Modène, qui avait si bien -soutenu les armées françaises contre l'Autriche; le mariage de -mademoiselle de Longueville avec le duc de Nemours, celui d'Olympe -Mancini avec le duc de Soissons, devinrent des prétextes pour bannir -tous les signes de deuil et des occasions pour donner mutuellement des -fêtes. Il y eut donc encore des repas splendides, des concerts, des -mascarades, des danses où le jeune monarque et ses courtisans -déployaient leurs grâces et leur habileté, en compagnie avec le -célèbre Bauchamp, le Vestris et le Duport de cette époque[167]. On -joua au Louvre, avec les ballets anciens, un nouveau ballet, _l'Amour -malade_, dont Benserade[168] avait, comme de coutume, versifié les -paroles, mais dont la musique était l'ouvrage d'un jeune et nouveau -compositeur, nommé Baptiste Lully: alors on le nommait tout simplement -Baptiste. Italien de naissance, il avait été amené jeune en France par -le chevalier de Guise, pour être au service de MADEMOISELLE: il -l'avait quittée lorsqu'elle fut exilée. Entré depuis dans la musique -du roi, il commençait déjà la révolution musicale qui devait lui faire -acquérir tant de réputation et de richesses[169]. Dans ce nouveau -ballet il jouait le rôle de Scaramouche; et sa petite taille, sa mine -chétive, ses petits yeux, étaient si bien appropriés au burlesque de -son rôle, qu'il réjouit encore plus les spectateurs par son jeu que -par sa musique. Le goût des nobles figurants de ces ballets et de ces -mascarades pour les déguisements de femmes augmentait chaque année, -surtout pour ceux qui faisaient partie de la maison de MONSIEUR ou -étaient attachés à ce prince[170]. On remarqua aussi que de jour en -jour le jeune roi se plaisait davantage dans la société des femmes; et -un essaim de jeunes beautés, portées comme lui sur de superbes -coursiers, l'entourait presque toujours à la chasse, et le suivait -dans ses rapides et brillantes cavalcades. - -Mais les jeunes femmes n'étaient pas celles qu'il recherchait -uniquement ni toujours avec le plus d'empressement. La comtesse de -Choisy, dont le mari était chancelier de la maison de son frère, femme -d'esprit, dans l'âge du retour, qui possédait toutes les grâces de la -politesse et du bon ton, toute la science du savoir-vivre, toutes les -perfections d'une précieuse du beau temps de l'hôtel de Rambouillet, -avait osé dire au jeune roi que s'il voulait devenir un honnête homme -(c'est-à -dire, dans le sens qu'on attachait alors à ce mot, un -cavalier accompli sous le rapport de la galanterie et de l'élégance -des manières), il fallait qu'il eût souvent des entretiens avec elle. -Ce conseil fut suivi; Louis allait dîner familièrement chez la -comtesse de Choisy, et par la suite il se ressouvint de son -institutrice et la récompensa par une pension de huit mille -livres[171]. - -Après les préférences marquées que dans toute occasion Louis XIV avait -montrées pour Olympe Mancini, on fut étonné de l'indifférence avec -laquelle il apprit le mariage qu'elle allait contracter avec le duc de -Soissons. On en conclut que Louis était encore trop jeune pour être -capable d'éprouver le sentiment de l'amour, et que son goût pour -Olympe Mancini, semblable à celui qu'il avait montré autrefois pour la -duchesse de Châtillon, n'était encore que l'effet passager des -premières habitudes et des souvenirs de l'enfance. La reine le crut -ainsi, et témoigna ouvertement la joie qu'elle en ressentait[172]. -Mazarin fit aussi semblant d'en être satisfait; mais, devinant mieux -le naturel du jeune monarque, il se hâta de faire sortir du couvent -deux de ses nièces et de les produire à la cour. - -La plus âgée des deux, Marie Mancini, celle-là même qui devait -inspirer à Louis XIV un attachement si vrai et si tendre, était une -grande fille maigre, avec de longs bras, un long cou, un teint brun et -jaune, une grande bouche, mais de belles dents et de grands yeux -noirs, beaux, pleins de feux. Louis fit à elle peu d'attention[173]. -Toutefois il la préférait à sa sÅ“ur Hortense Mancini, qui devint une -des plus belles personnes de son temps, mais qui était encore dans cet -âge dont Louis ne faisait que de sortir. Au moment où la reine se -félicitait de l'indifférence de son fils à l'égard des femmes, et où -elle espérait que de quelque temps du moins la tendresse qu'il avait -pour sa mère ne serait combattue par aucun autre sentiment, elle -s'aperçut qu'il était devenu amoureux d'une de ses filles d'atour. -Cette fille se nommait de La Mothe d'Argencourt; elle n'avait ni -beaucoup d'esprit ni beaucoup de beauté, mais pourtant toute sa -personne était aimable. Elle dansait admirablement, et sa façon de -parler, mélangée de douceur et de vivacité, plaisait au premier abord. -Sa peau n'était ni très-fine ni très-blanche; mais, par une -singularité piquante, avec de beaux yeux, bleus et des cheveux -blonds, elle avait des sourcils noirs et bien arqués; sa taille était -grande et svelte, les traits de son visage étaient fins et réguliers, -et ses manières pleines de dignité et de grâce. S'il y a au monde -quelque chose qu'il soit impossible de dissimuler, c'est un premier -amour: Louis ne put dérober la connaissance de celui dont il était -atteint aux regards vigilants des personnes intéressées à le -surveiller. Il se divertissait quelquefois le soir à de petits jeux, -auxquels mademoiselle d'Argencourt participait avec plusieurs de ses -compagnes. Dans la familiarité suite nécessaire d'un tel amusement la -force de la passion du jeune roi se manifesta de manière à alarmer la -reine et Mazarin. Anne d'Autriche ne voulait pas que son fils avant -son mariage s'échappât jusqu'à s'abandonner à des plaisirs que la -religion réprouvait; et elle mettait tous ses soins à le conserver -pur. Il paraissait impossible à Mazarin d'empêcher plus longtemps -Louis de se livrer à ses penchants; et pour le maintien de son -influence, il désirait que cette sensibilité amoureuse, qui entraînait -le jeune roi vers le beau sexe, se dirigeât sur une de ses nièces, et -non sur d'autres. La reine et son ministre étaient donc également -intéressés, quoique par des motifs différents, à s'opposer à la -passion naissante de Louis XIV pour mademoiselle d'Argencourt. - -La reine usa d'abord de tout le pouvoir qu'elle avait encore sur son -fils. A son profane amour elle opposa cet amour de Dieu qu'elle lui -avait inspiré. Elle effraya la conscience de ce royal adolescent, et -réussit à le convaincre qu'il ne pouvait échapper au danger qui le -menaçait qu'en le fuyant. Louis se retira à Vincennes, chez le -cardinal[174]. Ce ne fut pas sans de douloureux combats qu'il put -persister dans la résolution que lui avaient fait prendre les deux -personnes en possession de toute sa confiance, et auxquelles il -n'ignorait pas qu'il était redevable de sa vie et de sa couronne. Il -gémit, pria, soupira, se confessa, communia; et après une retraite de -huit jours, passés dans ces exercices pieux, il reparut dans le monde -et au milieu de sa cour, où une si longue absence avait été un sujet -d'étonnement et d'entretiens continuels. Le roi évitait de se trouver -avec mademoiselle d'Argencourt, et même de la regarder. La reine et le -cardinal en éprouvaient une vive satisfaction, et saisissaient toutes -les occasions de le féliciter du triomphe qu'il avait remporté sur -lui-même[175]. - -Mademoiselle d'Argencourt n'en était pas, comme Louis, à son début: -elle avait un amant quand elle reçut la déclaration du jeune monarque; -c'était le beau Chamarante; d'autres disent le marquis de Richelieu: -il n'y a d'incertitude que sur l'un ou sur l'autre de ces personnages, -et les mémoires qui substituent le nom de l'un à celui de l'autre ne -commettent probablement qu'une erreur de date. Cependant ses liaisons -avec l'un ou avec l'autre, ou avec tous deux successivement, étaient -restées secrètes, et sa réputation survivait encore à sa vertu. La -passion que le roi avait pour elle flatta sa vanité, et excita son -ambition. Elle ne lui avait opposé qu'une résistance calculée, et lui -avait fait promettre, si elle consentait à répondre à son amour, de -résister toujours à sa mère et au cardinal, s'ils entreprenaient de -la séparer de lui. Elle en était là lorsque Louis, cédant aux conseils -d'Anne d'Autriche, s'était retiré à Vincennes. Toute la famille de -mademoiselle d'Argencourt, qui avait fondé de grandes espérances sur -sa liaison avec le roi, fut, ainsi qu'elle, extrêmement contrariée de -le savoir renfermé et gardé à vue chez le cardinal. Ils pensèrent -qu'il y était retenu malgré lui; que Mazarin et la reine croyaient que -les refus de mademoiselle d'Argencourt de céder aux désirs du roi -étaient moins dus à sa vertu qu'au projet qu'elle avait de profiter de -la violence d'une première passion et de l'inexpérience de l'âge pour -se faire épouser. Afin de bien dissiper ces craintes, la mère de -mademoiselle d'Argencourt offrit au cardinal et à Anne d'Autriche de -consentir à ce que sa fille demeurât la maîtresse du roi. Elle crut -les contraindre à ne pas s'y opposer en leur faisant confidence de ce -qui s'était passé dans le tête-à -tête entre les deux amants, et des -promesses du roi de résister toujours aux tentatives qu'on pourrait -faire pour le séparer de celle qu'il aimait. Ce fut un motif de plus -pour le cardinal et pour la reine de chercher à rompre une liaison si -menaçante pour leur autorité. La reine en voyant la conduite de son -fils après sa retraite de Vincennes se flatta d'y avoir complétement -réussi, et elle était persuadée qu'elle n'avait plus rien à redouter -de mademoiselle d'Argencourt. Mazarin, moins confiant, ne cessa de -faire épier la jeune fille; et, employant ses moyens ordinaires, -l'argent et les séductions, il connut ses liaisons, se rendit maître -de tous ses secrets, et prit dès lors ses mesures contre tout ce que -sa famille ou elle pourraient tenter. - -Tant de précautions semblaient inutiles. Louis tenait bon, et -paraissait ne plus conserver du trace de ce qui s'était passé: il -était plutôt occupé à éviter qu'à rechercher mademoiselle -d'Argencourt. Mais un jour elle parut dans un bal où il se trouvait; -ses charmes étaient encore rehaussés par une parure pleine de -goût[176]. En la voyant entrer le roi tressaillit; mademoiselle -d'Argencourt s'aperçut aussitôt de l'impression qu'elle produisait; et -avec cette assurance que donne à la beauté la conscience de son -irrésistible empire, elle s'avança vers le jeune monarque, lui prit la -main, et le pria de danser avec elle. Toutes les résolutions prises et -gardées avec tant de peine furent abandonnées à l'instant même; la -main de Louis trembla dans celle de son amante, une sueur froide le -saisit, il changea de visage, et fut quelque temps à se remettre. Tous -les regards s'étaient dirigés vers lui, et cette scène avait eu pour -témoins toute la cour. Cet événement devint l'objet des conversations; -personne ne doutait que le triomphe de mademoiselle d'Argencourt sur -le roi ne fût assuré et qu'elle ne parvînt à le rendre durable. La -reine elle-même n'y voyait pas de remède, et déjà l'on faisait des -projets pour s'arranger avec la grandeur future de cette favorite et -de celle de sa famille. - -On se trompait; Mazarin en avait décidé autrement. Dès le lendemain du -bal, il avait eu avec Louis un long entretien. A ce jeune néophyte, -qui se trouvait sous le charme d'une passion en vain combattue, il ne -parla point des scrupules de la religion, digue impuissante, déjà -emportée par l'impétuosité du torrent; mais il fit entendre les -maximes du monde, les exigences de l'opinion, ce que l'expérience -enseigne, ce que la prudence prescrit. Il retraça tout ce qu'un homme, -et encore plus un souverain qui savait s'estimer et se faire estimer -des autres, avait droit d'exiger d'une femme quand il se donnait à -elle. Il ne se consuma point en vaines paroles pour signaler les -dangers de l'amour; mais il démontra bien pour tous les hommes, et -encore plus pour un roi, la nécessité de se prémunir contre la -perfidie de celles qui avaient le pouvoir de l'inspirer. Dès que -Mazarin commença à entrer en explication, et qu'il eut parlé des -promesses faites par le monarque à mademoiselle d'Argencourt; qu'il -eut redit les discours qui avaient eu lieu entre les deux amants dans -le tête-à -tête, Louis fut ébranlé, et commença à se croire trahi par -celle qui lui était chère; mais il n'en douta plus quand les lettres -écrites par elle à l'amant qu'elle favorisait lui furent remises. -Celui qui les avait reçues avait eu la lâcheté de les livrer au -ministre tout-puissant, dont il voulait se concilier la faveur; et -Mazarin gardait depuis longtemps pour ce moment décisif, qu'il avait -prévu, le secret de cette correspondance et les preuves qu'il en -avait. - -Le dépit et l'orgueil firent ce que la religion et la raison n'avaient -pu faire: Louis sans daigner avoir aucune explication avec -mademoiselle d'Argencourt, ne lui témoigna plus que du dédain. Elle, -qui ignorait la trame qu'on avait ourdie, crut que l'ascendant de la -reine mère et de son ministre avait été plus fort sur le jeune roi que -le pouvoir de ses charmes; et elle attribuait à cette cause l'étrange -changement des manières de Louis à son égard. Elle ne songea donc plus -qu'à se consoler de la chute de ses espérances avec le marquis de -Richelieu. Mais la marquise sa femme s'étant plainte à la reine de -cette liaison scandaleuse, mademoiselle d'Argencourt fut chassée, et -renfermée dans le couvent des Filles de Sainte-Marie de Chaillot. Là -elle apprit l'odieuse intrigue dont elle avait été la victime. Les -douleurs de l'amour trahi, les mécomptes de l'ambition trompée, la -disposèrent à écouter favorablement les leçons de piété et de religion -qui lui furent données par les bonnes religieuses au milieu desquelles -elle se trouvait; leur compassion la toucha, leurs consolations la -convertirent; leur société lui devint agréable et chère: si bien que -lorsqu'on lui permit de rentrer dans le monde, elle s'y refusa. Elle -resta au couvent, et, toujours libre d'en sortir et sans jamais -prononcer aucun vÅ“u, elle y passa toute sa vie, et y mourut, chérie -et regrettée de tous ceux qui la connurent[177]. - -Après cette aventure, les penchants du jeune roi pour les femmes, que -ses jeux d'enfance avaient donné lieu de soupçonner, ne furent plus un -secret pour personne. La reine avait une femme de chambre nommée -mademoiselle de Beauvais, qu'elle affectionnait beaucoup, à cause de -sa dextérité, de son exquise propreté, du zèle et de l'intelligence -qu'elle mettait à la servir. Dans l'âge du retour, laide et borgne, et -peu scrupuleuse, mademoiselle de Beauvais épiait depuis longtemps les -premiers effets de la puberté dans le jeune roi. Elle savait qu'à cet -âge, si le cÅ“ur sait déjà choisir ses affections, les sens obéissent -sans discernement à une première surprise. Elle s'en prévalut; et le -souvenir des instructions que Louis reçut d'elle lui devint par la -suite un moyen d'élévation pour sa famille[178]. - -Dès que le jeune roi eut appris qu'on pouvait goûter les jouissances -de la volupté sans avoir besoin d'éprouver le sentiment de l'amour, la -violence de ses passions l'emporta sur ses scrupules, mais non pas -encore sur sa pudeur. Il n'osa pas s'attaquer à ces fleurs qui -brillaient éminentes autour de lui, mais qui se trouvaient placées -sous les regards et sous la protection de sa mère; les plus humbles et -les plus cachées lui devinrent préférables, et il s'embarrassa peu -d'avoir à se baisser pour les cueillir. Une jardinière, fraîche et -jolie, devint enceinte de ses Å“uvres, et en eut une fille. Madame de -Sévigné et les Mémoires du temps, qui nous entretiennent si souvent -des enfants naturels de Louis XIV, ne parlent pas de celui-ci. Le -profond mystère dont le jeune roi enveloppait à cette époque ses -aventures galantes ne pouvait lui permettre d'en déclarer le premier -fruit; l'obscurité de la condition de celle à laquelle il était dû -l'en empêcha par la suite. Mais sa fille lui ressemblait trop pour -qu'il pût la méconnaître. Bontemps, son valet de chambre et son homme -de confiance, fut chargé de la marier à un gentil-homme nommé Laqueue, -seigneur du lieu qui porte ce nom, à six lieues de Versailles. Ce -gentilhomme se promettait une fortune d'une telle alliance, dont le -secret, dit Saint-Simon, lui fut dit à l'oreille; mais il ne parvint -jamais au delà du grade de capitaine de cavalerie. Sa femme était -grande et bien faite; elle savait de qui elle tenait le jour, et -enviait le sort de ses trois sÅ“urs (comme elle filles naturelles), -princesses magnifiquement mariées. Elle vécut ainsi vingt ans, sans -sortir de son village, plus heureuse que si elle avait été admise à la -cour. Sans l'exact Saint-Simon, si bien instruit des détails de ce -grand règne, on eût ignoré jusqu'à l'existence de cette aînée de tous -les enfants du plus illustre de nos rois[179]. - - [161] LORET, liv. VIII, p. 2, 13, 17 et 22, _lettres_ en date des - 6 janvier, 3, 10 et 26 février 1657.--Ibid., liv. VIII, p. 47 (7 - avril). - - [162] LORET, liv. VIII, p. 182 (1er décembre 1657). - - [163] MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 405.--GUY-JOLY, t. XLVII, p. 414, - 415.--MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 20.--GUY-PATIN, _Lettres_, p. - 132. - - [164] MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 412.--LORET, t. VIII, p. 63. - - [165] LORET, liv. VIII, p. 22 (10 février 1657), p. 103 (10 - juillet 1657).--MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 398.--MONGLAT, t. LI, p. - 20. - - [166] MONTPENSIER, t. XLII, p. 264, 268.--LORET, liv. VIII, p. - 195, 22 décembre 1657. - - [167] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 20, 38, 64.--LORET, liv. VIII, - p. 11 (20 janvier), p. 29 (24 février), p. 73 (26 mai), p. 41 (17 - mars), p. 185 (8 décembre 1657).--LORET, liv. IX, p. 21 (9 - février 1658). - - [168] BENSERADE, _OEuvres_, t. II, p. 173, 178 et 182.--LORET, - liv. VIII, p. 9 (20 janvier), p. 15 (27 janvier), p. 21 (10 - février), p. 29 (19 février).--LORET, liv. VIII, p. 75. - - [169] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 400.--SEVELINGES, article - _Lully_ dans la _Biographie universelle_, t. XXV, p. 423. - - [170] LORET, liv. VIII, p. 9, 15, 21 (20 et 27 janvier, et 10 - février 1657). - - [171] LORET, liv. VIII, p. 59 (28 avril).--CHOISY, _Mém., Notice - sur sa vie_, t. LXIII, p. 124. - - [172] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. 400.--LORET, _Muse - historique_, liv. VIII, p. 29 (_lettre_ en date du 24 février - 1657). - - [173] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. 400.--MONTPENSIER, t. - XLII, p. 120.--MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 114. - - [174] LORET, liv. IX, p. 15 (26 janvier 1658).--MOTTEVILLE, t. - XXXIX, p. 401. - - [175] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 272, lig. 1 (lisez La - Mothe d'Argencourt au lieu de La Mothe-Houdancourt). - - [176] MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 400.--LORET, liv. IX, p. 168, en - date du 26 octobre, _lettre 42_. - - [177] MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 400, 404, 435.--LA FARE, chap. IV, - t. LXV, p. 157.--DREUX DU RADIER, _Mém. des Reines et Régents de - France_, 1782, t. VI, p. 363 à 373.--MONTPENSIER, t. XLII, p. - 348. - - [178] SAINT-SIMON, _Mém._, 1829, in-8º, t. I, p. 124, ch. XIV. - - [179] SAINT-SIMON, _Mém._, 1829, in-8º, t. IV, p. 192, ch. XIV. - - - - -CHAPITRE X. - -1658. - - Partis qui se forment à la cour parmi les - courtisans.--Commencement de la faveur du prince de - Marsillac.--Politique de Mazarin dans l'intérieur.--Il gouverne - pendant la régence, par son influence sur la reine.--Depuis la - majorité du roi, par l'ascendant qu'il sut prendre sur lui.--Il - l'occupe des deux choses qu'il aimait le plus, la guerre et la - galanterie.--Il le force avec autorité de s'occuper - d'affaires.--Adresse que Mazarin met dans sa conduite envers les - autres membres de la famille royale.--Il se concilie Gaston et - MADEMOISELLE.--Il accorde un passe-port au médecin Guenaud pour - aller soigner Condé, malade.--Procédés de Mazarin envers la - princesse de Longueville.--Détails sur cette princesse et sur le - prince de Conti.--Mazarin n'a plus d'autres ennemis à l'intérieur - que les amis de Retz et les jansénistes.--Politique de Mazarin à - l'extérieur.--Moyens qu'il emploie pour abattre la puissance de - la maison d'Autriche.--L'ennemi s'empare de Rocroi.--Cette - circonstance donne lieu à l'épître de La Fontaine à une - abbesse.--Madame de Sévigné en entend la lecture chez Fouquet, et - en fait l'éloge.--Madrigal de La Fontaine à ce sujet, adressé à - madame de Sévigné.--Grandes richesses de Fouquet.--Il construit - Vaux.--Protège les beaux esprits.--De mademoiselle de Scudéry et - de ses romans, et de l'influence qu'elle exerçait.--Madame de - Sévigné allait fréquemment à Vaux.--Madame Scarron, encore plus - souvent.--Phrase d'une de ses lettres à madame Fouquet, au sujet - des jardins de Vaux.--Madame de Sévigné va à sa terre des - Rochers, et y passe l'automne avec ses trois oncles et son cousin - de Coulanges. - - -Les plus légères préférences du jeune roi pour quelques-uns de ses -courtisans n'étaient pas remarquées avec moins de soin que ses plus -petites attentions envers les femmes. L'ambition, qui toujours veille, -épiait avec une jalousie inquiète, ou avec une secrète joie, ses -amitiés comme ses amours. Sa prédilection pour le prince de Marsillac -n'avait échappé à personne, et la faveur naissante de ce fils du duc -de La Rochefoucauld, cet ancien chef de la Fronde, était appuyée par -la reine: tant sur le théâtre mouvant des cours les combinaisons de -l'intérêt font varier rapidement les ligues et les hostilités, les -ressentiments et les affections! Le marquis de Vardes et quelques -autres jeunes courtisans, comme lui intimement liés avec le prince de -Marsillac, le secondaient dans ses efforts pour s'assurer de plus en -plus les bonnes grâces de Louis; mais les comtes de Soissons, de -Guiche, de Villequier, l'abbé Fouquet, formaient, avec plusieurs -autres dans la jeune noblesse, un parti qui lui était opposé. Mazarin -soutenait ce parti, afin de diviser les courtisans, de les empêcher de -se réunir contre lui, et de tenir les fils de leurs intrigues[180]. - -Pendant la régence, Mazarin gouverna par son influence sur la reine. -Il établit sur cette base le fondement de sa puissance; c'est par là -qu'il parvint à triompher des parlements, de la cour et de la Fronde. -Depuis la majorité, c'est par l'ascendant qu'il sut acquérir sur le -jeune monarque qu'il assura la continuation de son autorité. Par ce -moyen, il se rendit indépendant d'une reine qui n'était pas exempte de -cette versatilité trop ordinaire à son sexe. Il est vrai qu'ainsi il -mécontentait fortement celle à laquelle il devait son élévation, et -qu'il se faisait taxer d'ingratitude par tous ceux qui étaient -attachés à sa personne et reconnaissants de ses faveurs[181]. Mais le -rusé ministre savait qu'Anne d'Autriche lui avait sacrifié trop de -monde pour pouvoir se séparer de lui; qu'elle tenait à lui par trop -de liens pour oser même le désirer. En gouvernant seul et sans son -appui, il flattait Louis, qui, ainsi affranchi de cette tutelle -maternelle, ne se crut vraiment roi que lorsqu'il vit que son -gouvernement n'était plus la proie des intrigues des femmes et des -exigences des courtisans, mais qu'il reposait tout entier dans son -ministre. - -Mazarin occupait sans cesse Louis des deux choses pour lesquelles la -jeunesse se passionne le plus facilement: la guerre et la galanterie. -Mais en flattant ainsi les penchants de gloire et d'amour du jeune -monarque, il savait s'en faire estimer, et lui imprimer une haute idée -de ses talents et de sa capacité. Bien loin, comme on l'a prétendu, de -lui dérober le secret des affaires, il cherchait, au contraire, à lui -faire surmonter l'ennui que toute occupation sérieuse cause à cet âge, -où le temps semble manquer au plaisir, où toutes les heures qui -s'écoulent sans lui semblent pénibles et fatigantes. Mazarin savait, -d'autorité, forcer le jeune roi à contracter l'habitude de fixer son -attention sur les détails de son gouvernement. Un jour, Louis XIV -s'absenta à l'heure où le conseil se tenait. Il s'était amusé, pendant -ce temps, à répéter avec Motteville les scènes d'un ballet où ils -devaient jouer ensemble. Mazarin fit à ce sujet au roi une verte -réprimande; il éloigna Motteville de la cour, et donna des ordres -sévères à tous les jeunes courtisans de ne point chercher à distraire -le roi lorsque son devoir l'appelait au conseil[182]. Depuis lors, -Louis XIV ne manqua pas d'y assister régulièrement et de prêter toute -son attention aux affaires qui s'y traitaient. - -La conduite de Mazarin envers les autres membres de la famille royale -ne fut pas moins adroite. Il parvint par ses cajoleries, ses -promesses et ses négociations, à rallier à lui Gaston[183] et -MADEMOISELLE[184], et à faire cesser leur correspondance avec Condé. -Envers ce prince, son ennemi, et alors aussi celui de la France, -Mazarin sut montrer de la grandeur d'âme et de la générosité. On -apprit que Condé était tombé dangereusement malade à Bruxelles; -Mazarin se souvint seulement que Condé était Français et prince du -sang royal, qu'il avait rendu d'éminents services à son pays et à son -roi; il s'empressa d'accorder un passeport au médecin Guenaud, pour -qu'il pût aller donner ses soins à l'illustre malade[185]. Quand on -sut que Condé était hors de danger, Mazarin fut un des premiers à -envoyer complimenter la duchesse de Longueville. Celle-ci, bien loin -de favoriser, comme autrefois, la rébellion de son frère, ne cherchait -qu'à se concilier la bienveillance du ministre et de la cour. -Entièrement livrée à la plus sévère dévotion, elle entretenait une -correspondance active avec plusieurs religieuses du couvent des -Carmélites, et entre autres avec mademoiselle du Vigean, célèbre par -la passion qu'elle avait inspirée à Condé et à Saint-Mégrin. Madame de -Longueville eût voulu, à l'imitation de cette amie, consacrer le reste -de sa vie à la retraite; mais ses directeurs spirituels ne le lui -permirent pas, et lui rappelèrent que ses devoirs marquaient sa place -près de son mari, avec lequel il fallait qu'elle se réconciliât. -C'était peut-être la plus rigoureuse pénitence qu'ils pussent lui -imposer; elle la subit cependant, obtint du duc de Longueville le -pardon de ses nombreuses offenses, ne le quitta plus, et se montra -désormais soumise à ses moindres volontés[186]. - -Soit qu'il fût encore, dans le bien comme dans le mal, soumis à -l'influence de sa sÅ“ur, soit qu'il fût converti par les vertus de sa -femme, soit enfin que l'âge eût amorti en lui le feu des passions et -lui eût inspiré d'autres pensées, soit enfin par toutes ces causes -réunies, le prince de Conti devint aussi régulier dans sa conduite, -aussi pieux dans ses sentiments, qu'il s'était précédemment montré -déréglé[187]. - -La duchesse de Chevreuse et la princesse Palatine étaient depuis -longtemps dévouées au premier ministre[188]. Le duc de Beaufort fut de -tous les chefs de la Fronde un de ceux qu'on eut le plus de peine à -réduire au rôle de suppliant; cependant il s'y résolut, et rentra -aussi en grâces: bientôt après il reçut de l'emploi et un -commandement[189]. - -Ainsi Mazarin ne rencontrait plus d'obstacles à l'intérieur. Les -partisans du cardinal de Retz, Caumartin, d'Hacqueville, Joly, -Laigues, d'Aubigny, Pelletier de la Houssaye, l'abbé de Lameth, -Montrésor et autres, étaient trop peu nombreux, trop peu puissants -pour former un parti; et Mazarin n'aurait fait aucune attention à eux, -s'ils n'avaient pas été, en secret, aidés par les jansénistes. Par -cette raison, il les surveillait de près, et faisait enfermer de temps -en temps quelques-uns de ces opposants à la Bastille[190]. - -C'est en quelque sorte en se jouant que Mazarin était parvenu à -déconcerter toutes les intrigues qu'on avait ourdies pour le renverser -ou pour entraver l'exercice de son pouvoir; mais les difficultés du -gouvernement et la politique extérieure demandaient une vue plus vaste -et des talents d'un ordre plus élevé. C'est sous ce rapport surtout -que Mazarin se montra grand ministre. Continuant toujours l'Å“uvre de -Henri IV et de Richelieu, il cherchait à affaiblir la puissance de la -maison d'Autriche. Tous les moyens qui conduisaient à ce but lui -paraissaient bons et légitimes. C'est ainsi qu'on le vit se lier avec -Cromwell et conclure avec lui un traité. Étranger à toutes les haines -comme à toutes les affections, Mazarin ne connaissait plus ni -sentiment ni convenance quand la raison politique ordonnait. Là où il -trouvait des forces, il cherchait à s'en saisir, quelle que fût leur -origine ou leur cause. Il ne craignit pas de froisser tous les cÅ“urs, -de choquer les royales répugnances, pour arriver à ses fins; et, sur -la demande de l'usurpateur, le roi et les princes d'Angleterre furent -expulsés de France; la reine d'Angleterre, comme fille de Henri IV, -eut seule la permission d'y rester[191]. Mazarin obtint aussi de -Cromwell un renfort de six mille hommes, qui contribuèrent au succès -de la campagne de cette année, signalée par la prise de Montmédy, de -Mardick et de Saint-Venant[192]. - -Lors de la diète qui fut tenue à Francfort pour l'élection d'un -empereur, Mazarin parvint à faire admettre les plénipotentiaires du -roi de France, qui n'avait aucun droit d'y assister[193]. L'or et -l'intrigue semèrent des divisions dans toute l'Allemagne, obtinrent -des alliés pour la France, créèrent des ennemis à l'Autriche. Toujours -Mazarin joignait les négociations aux armées, et l'adresse à la force. -La guerre se poursuivait avec activité dans les Pays-Bas, en Italie, -en Catalogne[194], tandis que des plénipotentiaires français en -Hollande, à Madrid, à Bruxelles, à Munich, travaillaient à négocier la -paix, mais toujours sous des conditions avantageuses à la France[195]. - -Malgré les succès constants de Turenne, la France souffrait aussi par -la guerre, et n'avait pas assez de troupes sur pied pour se garantir -des fléaux qu'elle infligeait aux pays ennemis. Les Espagnols -s'étaient rendus maîtres de Rocroi, dont la garnison, commandée par -l'intrépide Montalte, menaçait Reims, et détachait souvent des -partisans. Ceux-ci, pour obtenir de grosses rançons, enlevaient des -riches bourgeois dans toute la Champagne, et même s'avançaient jusque -près de la capitale. Leur audace s'accrut au point que les habitants -de Reims se virent obligés de s'armer pour défendre leur ville contre -le pillage, et que le maréchal de l'Hôpital, gouverneur de Paris, fit -faire des patrouilles dans la banlieue, pour arrêter ou effrayer ces -hardis maraudeurs[196]. - -Un jeune poëte de Château-Thierry, alors sans réputation, mais non pas -sans talent (c'était La Fontaine), avait été invité par une abbesse de -Mons à venir la trouver: il s'en excusa par le peu de sûreté de la -route, et par la crainte que lui inspiraient Montalte et ses soldats. -L'épître en vers qu'il lui adressa à ce sujet surpassait par l'esprit, -la grâce, la facilité, l'harmonie, les meilleures lettres de Voiture. -La Fontaine en fit la lecture chez le surintendant Fouquet, dont il -était le pensionnaire, en présence d'un assez nombreux auditoire. -Madame de Sévigné en faisait partie: elle fut charmée de cette pièce; -elle exprima le plaisir qu'elle en ressentait, avec cet abandon et ce -ton de franchise qui lui étaient ordinaires. La Fontaine, joyeux d'un -tel suffrage, adressa deux jours après un dizain à Fouquet, dans -lequel il lui dit[197]: - - De Sévigné, depuis deux jours en çà , - Ma lettre tient les trois parts de sa gloire, - Elle lui plut, et cela se passa, - Phébus tenant chez vous son consistoire. - Entre les dieux (et c'est chose notoire), - En me louant, Sévigné me plaça. - Ingrat ne suis: son nom sera pieçà [198] - Delà le ciel, si l'on m'en voulait croire. - -Nous dirons bientôt de quelle manière Fouquet était parvenu à -s'emparer de l'administration des finances, et comment il s'était -acquis une puissance qui commençait à porter ombrage au premier -ministre. Il le surpassait par l'éclat de son luxe et par sa -magnificence. Plus généreux que lui, plus homme de goût, meilleur juge -en littérature, appréciateur plus éclairé des beaux-arts, il -récompensait les auteurs et les artistes avec plus de discernement et -plus de libéralité; ce qui était encore préférable, il s'en faisait -aimer par son accueil affectueux, par la franchise, la simplicité et -l'affabilité de ses manières. Il avait achevé avec une énorme dépense -le beau château de Vaux-le-Vicomte, près de Melun. L'architecte du roi -Le Vau avait construit les bâtiments, le peintre Lebrun les avait -ornés, Le Nostre avait dessiné et planté les jardins et le parc[199]. -C'est dans ce somptueux séjour que Fouquet se plaisait à réunir, avec -ce qu'il y avait de plus aimable et de plus considérable en France, -les hommes de lettres en réputation et ceux dont la réputation était à -faire. Chapelain, Ménage, Costar, la comtesse de La Suze, mademoiselle -de Scudéry, s'y trouvaient souvent ensemble; La Fontaine y était admis -depuis longtemps; Molière commençait à y paraître, en même temps qu'il -venait d'obtenir pour sa troupe la permission de jouer à Paris. -L'avocat Pellisson, qui joignait le génie des affaires à celui des -lettres, premier commis de Fouquet, était son intermédiaire avec les -beaux esprits. Pellisson s'était déclaré l'amant de mademoiselle de -Scudéry, mais à la manière poétique de l'hôtel de Rambouillet. C'est -là qu'on lui avait donné le nom d'Acante, et à elle celui de Sapho. -L'admiration que mademoiselle de Scudéry excitait alors était grande. -Un de ses contemporains dit qu'elle est la dixième Muse et aussi la -première. La publication d'un nouveau volume d'un de ses interminables -romans était un événement. Thomas Corneille, pour mieux recommander -une de ses pièces à l'attention publique, a soin d'annoncer qu'elle -est une imitation d'un des ouvrages de mademoiselle de Scudéry. On n'a -pas assez remarqué, ce me semble, que les romans ont toujours exercé -une grande influence sur le théâtre et la poésie. Le roman signale et -détermine le caractère spécial de la littérature de chaque époque. -Dans ce genre, plus que dans tous les autres, les auteurs originaux -sont rares, les imitateurs abondent; par le grand nombre même de -productions qu'il enfante et la multitude de lecteurs qu'il s'attire, -il met en circulation les mêmes classes d'idées et de sentiments, -donne du crédit à des manières particulières de voir et de sentir, -introduit l'usage des mêmes formes de style, imprime au goût ses -habitudes, impose à l'imagination ses préférences; il crée, enfin, une -sorte d'atmosphère dans la littérature et dans les arts, dont le génie -le plus puissant et le plus indépendant subit l'influence, et contre -laquelle la froide critique cherche en vain à se débattre. - -Fouquet donnait à Vaux les fêtes les plus somptueuses que l'on eût -encore vues en France. Madame de Sévigné allait souvent à Vaux. C'est -à Vaux que la belle épouse du burlesque Scarron, sans aucune idée de -la destinée qui l'attendait, demandait à madame Fouquet la permission -de se rendre, «pour témoigner, disait-elle, sa reconnaissance au héros -qui en était le maître; osant espérer qu'on ne la trouverait pas de -trop dans ces allées où l'on pense avec tant de raison, où l'on -badine avec tant de grâce[200].» - -Mais madame de Sévigné se déroba aux délices de Vaux et de Livry, aux -fêtes de la cour, aux charmes des beaux cercles de la capitale, pour -se rendre en Bretagne, où sa présence était nécessaire au règlement de -ses affaires et aux embellissements qu'elle avait projetés au château -et au parc de sa terre des Rochers. - -Cependant elle ne partit point seule: elle fut suivie ou accompagnée -par ses deux oncles, le _bien bon_ Christophe de Coulanges, abbé de -Livry, et par son frère cadet, Charles de Coulanges, seigneur de -Saint-Aubin, homme excellent, très-pieux, mais cependant naturellement -jovial, grand joueur de mail, sans ambition, sans intrigues, et qui -s'acquit, par son caractère et par les qualités de son cÅ“ur et de son -esprit, beaucoup d'amis, même dans les rangs les plus élevés. Il les -conserva toute sa vie, quoiqu'en devenant âgé, il eût, pour satisfaire -ses habitudes et ses inclinations, choqué les convenances du monde par -un mariage inégal[201]. Saint-Aubin, comme l'abbé de Coulanges, aidait -madame de Sévigné dans l'administration de ses biens, et dans tous les -travaux qu'elle faisait entreprendre à sa terre des Rochers. Aussi -attaché que son frère à l'aimable veuve, il l'assistait de ses -conseils, et elle lui abandonnait volontiers le soin de leur -exécution. Saint-Aubin, comme sa nièce, aimait les bons livres, et -était d'une complaisance infatigable quand elle lui demandait de lui -faire des lectures. - -A ces deux oncles de madame de Sévigné vint se joindre bientôt un -troisième: c'était Louis de Coulanges de Chezières[202]. Celui-ci -était depuis peu de retour d'un grand voyage qu'il avait fait en -compagnie avec son neveu Philippe-Emmanuel de Coulanges, ce même petit -Coulanges avec lequel madame de Sévigné avait passé son enfance au -château de Sucy[203]. Lui et de Chezières s'étaient mis à la suite du -maréchal duc de Gramont et de M. de Lyonne, envoyés en ambassade à -Francfort-sur-le-Mein, auprès des électeurs, qui y avaient été -convoqués pour nommer un empereur. Ils avaient, en compagnie de -Nointel, d'Amelot, de Le Camus, qui depuis devinrent de hauts -personnages, parcouru l'Allemagne et l'Italie. Successivement bien -accueillis à la cour de Bavière, à celle de Wurtemberg, de l'électeur -Palatin, de Piémont, de Toscane, ils avaient vu à Rome le nouveau pape -officier pendant la semaine sainte, et ils étaient de retour à Paris -le 23 octobre 1658. Coulanges alla aussitôt en Picardie voir son oncle -d'Ormesson, qui était intendant de cette province; il rejoignit -ensuite son père à la campagne, chez la marquise de La Trousse, sa -tante, dans la terre de ce nom. Il retrouva là aussi sa tante, ses -deux sÅ“urs, et sa cousine mademoiselle de La Trousse. Son oncle de -Chezières l'avait quitté, et s'était empressé, ainsi que je l'ai dit, -de se rendre aux Rochers[204]. - -On peut juger combien madame de Sévigné dut être satisfaite de -l'arrivée de cet oncle, qu'elle aimait à l'égal des deux autres. Après -un voyage aussi long et aussi intéressant, sa conversation dut être -d'autant plus délicieuse pour elle pendant les jours d'oisiveté qui -permettent à la campagne de jouir du présent et de faire une pose dans -la vie, que de Chezières était un homme ponctuel dans ses narrations, -retenant avec soin les dates, les noms et les circonstances, et -toujours prêt à redresser les faits et à les expliquer. Il aimait -beaucoup le séjour des Rochers, probablement à cause de l'amitié qu'il -portait à sa nièce; et il y revenait volontiers et souvent[205]. - -Madame de Sévigné se plaisait tant dans la société de ses trois -oncles, qu'elle ne quitta les Rochers qu'à la fin de l'année et dans -les derniers jours de septembre. Elle retrouva à Paris son cousin de -Coulanges, son ami d'enfance. Mais il faut le laisser parler, et -copier ce qu'il a dit lui-même dans son journal aussitôt après son -retour: - -«Vers Noël, madame la marquise de Sévigné, ma cousine germaine, dame -d'un mérite extraordinaire, et pour laquelle j'ai eu toute ma vie une -très-tendre amitié, arriva de ses terres de Bretagne avec l'abbé de -Coulanges, M. de Chezières, qui l'était allé trouver après son retour -d'Allemagne, et M. de Saint-Aubin, ses oncles et les miens. J'eus la -plus grande joie du monde de les embrasser tous, et de voir, par leur -arrivée, toute ma famille paternelle réunie pour longtemps[206].» - - [180] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. 411. - - [181] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mémoires inédits_, 1828, t. II, p. 46. - - [182] MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 409. - - [183] LORET, liv. VIII, p. 153.--MONTPENSIER, t. XLII, p. 153. - - [184] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 104, 169, 198, 207, 208, - 215, 238.--LORET, liv. VIII, p. 98, 114 (en date du 6 août 1657), - p. 121 (13 août), p. 181.--MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. - 34.--MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. 47.--LORET, liv. IX, p. 5 - (2 janvier 1658). - - [185] GUY-PATIN, _Lettres_, t. V, p. 145.--MOTTEVILLE, t. XXXIX, - p. 421.--MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 26.--DESORMEAUX, _Histoire de - Condé_, t. IV, p. 102. - - [186] _Vie de madame de Longueville_, édit. 1739, t. II, p. 10, - 11, 18, 22, 24 et 26. - - [187] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 220 et 221. - - [188] _Vie de la duchesse de Longueville_; Amsterdam, 1739, - in-12, t. II, p. 26. - - [189] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 299. - - [190] GUY-JOLY, _Mém._, t. XLVII, p. 410.--PETITOT, _Notice sur - Port-Royal_, t. XXXIII, p. 137. - - [191] LORET, liv. VIII, p. 136 (18 septembre), p. 156 (13 - octobre). - - [192] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 24, 37.--RAGUENET, _Vie de - Turenne_, p. 270.--DESORMEAUX, _Hist. de Condé_, t. IV, p. - 103.--JACQUES II, _Mémoires_, t. II, p. 116.--LORET, liv. VIII, - p. 120, 123, 131, 142 (13 août, 1er et 22 septembre).--RAMSAY, - _Hist. de Turenne_, t. II, p. 72, 80, édit. in-12. - - [193] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 38 et 40.--GRAMONT, _Mém._, t. - LVI, p. 275, 436, 445, 452, 463, 464, 477.--LORET, liv. VIII, p. - 106, 136 et 143 (21 juillet, 8 et 12 septembre).--GUY-PATIN, - _Lettres_, t. V, p. 137. - - [194] MONGLAT, t. LI, p. 64.--LORET, liv. VIII, p. 115 et 116. - - [195] LORET, liv. VIII, p. 162 (27 octobre). - - [196] LORET, liv. VIII, p. 111 (28 juillet).--MONGLAT, _Mém._, t. - LI, p. 38; _Hist. de la vie et des ouvrages de la Fontaine_, 3e - éd., t. I, p. 37. - - [197] LA FONTAINE, _OEuvres_, édit. 1827, t. VI, p. 260. - - [198] Longtemps. - - [199] FOUQUET, _Conclusions de ses Défenses_; Elzeviers, 1668, - in-18, p. 90. - - [200] MAINTENON, _Lettres_, 1756, in-12, t. I, p. 24, _lettre à - madame Fouquet_. - - [201] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (4 mai 1672), t. I, p. 420, M.; (6 - octobre 1679) t. V, p. 452, 455, 458; (10 et 15 novembre 1688) t. - VIII, p. 149, 153; (19 novembre) p. 164; (6 décembre 1688) p. - 192; et dans l'édition de Gault de Saint-Germain, voyez t. VI, p. - 152; t. VIII, p. 436, 440, 444, 446, 476; conférez 3e partie de - ces _Mémoires_, ch. VIII, p. 133. - - [202] COULANGES, _Mémoires_, 1820, in-8º, p. 2 et 49; conf. 3e - partie, ch. VIII, p. 132. - - [203] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (22 juillet 1676), t. IV, p. 382; dans - G. de St.-G., t. V, p. 31. - - [204] COULANGES, _Mémoires_, p. 49. - - [205] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (5 août 1671), t. II, p. 143; (23 août - 1671) t. II, p. 168; (30 avril 1675) t. III, p. 264; (10 mai - 1675) t. III, p. 266; (2 octobre 1675) t. IV, p. 13; t. V, p. - 224; conférez dans l'édition de Gault de St.-Germain, t. II, p. - 172, 202; t. III, p. 41, 383. - - [206] COULANGES, _Mémoires_, p. 49 et 50. - - - - -CHAPITRE XI. - -1657-1658. - - Bussy poursuit son plan auprès de sa cousine.--Il savait - apprécier son style.--Il aimait à exercer sa critique sur les - auteurs les plus fameux.--Il se plaisait à faire confidence à sa - cousine de ses intrigues galantes.--Lettres de Bussy à madame de - Sévigné.--Ce qu'il a écrit à la marquise d'Uxelles.--Rupture - entre Bussy et madame de Sévigné.--Bussy déplaît à Turenne.--Il - fait sa cour à Mazarin et à Fouquet.--Sa galanterie lui fait des - rivaux et des ennemis.--Il contracte des dettes.--Il remet à - Fouquet la démission de sa charge.--Bussy reçoit de l'argent de - Fouquet.--Bussy s'adonne au jeu.--Il a besoin d'argent pour ses - équipages de campagne.--Madame de Sévigné consent à lui en - prêter.--Des formalités empêchent la délivrance de la - somme.--Bussy emprunte sur les diamants de madame de Monglat.--Il - part furieux contre madame de Sévigné.--Ses malheurs datent de sa - rupture avec elle.--Il se distingue à l'armée.--Il fait pendant - la semaine sainte une partie de débauche au château de - Roissy.--Bussy est disgracié pour cette orgie.--Il fait des vers - contre Mazarin et des personnes de la cour.--Il compose son - _Histoire amoureuse des Gaules_, et y place le portrait de madame - de Sévigné.--Il est mis à la Bastille pour ce libelle.--Supporte - mal l'infortune.--Comment se passa la fin de sa vie.--Personne ne - l'aimait, hors madame de Sévigné.--Cependant le souvenir de - l'injure qu'il lui a faite excite toujours ses craintes.--Bussy - se repent de ce qu'il a fait contre sa cousine.--Dans une - circonstance mémorable il se conduit à son égard avec générosité. - - -Bussy se flattait peu, après une aussi longue résistance, de pouvoir -triompher de sa cousine; mais il goûtait de jour en jour davantage le -commerce épistolaire qu'il entretenait avec elle. Homme de goût et -d'esprit, il se vantait avec quelque raison de son tact en littérature -et de l'indépendance de ses jugements. Chapelain, dont la haute -réputation avait résisté même à la publication de son poëme, n'était -pas à l'abri de ses critiques. Bussy appréciait parfaitement le -naturel, l'élégance, la variété et la vivacité des tours et toutes les -qualités du style de sa cousine. Il en était charmé, et ses lettres -lui causaient un plaisir toujours nouveau. D'ailleurs, il avait la -plus entière confiance dans sa prudence et dans sa discrétion. Obligé -de se soumettre à la défense qu'elle lui avait faite de ne jamais dans -sa correspondance l'entretenir de son amour, il s'en dédommageait en -lui faisant confidence de ses intrigues galantes avec d'autres femmes. -Dans une lettre qu'il lui adressa pendant cette campagne, il lui fait -part de sa correspondance avec la marquise d'Uxelles: - - -LETTRE DE BUSSY A MADAME DE SÉVIGNÉ. - - «Au camp de Blessy, le 4 août 1657. - - «Votre lettre est fort agréable, ma belle cousine; elle m'a fort - réjoui. Qu'on est heureux d'avoir une amie qui ait autant - d'esprit que vous! Je ne vois rien de si juste que ce que vous - écrivez, et l'on ne peut pas vous dire: Ce mot-là serait plus à - propos que celui que vous avez mis. Quelque complaisance que je - vous doive, madame, vous savez que je vous parle assez - franchement pour ne pas vous dire ceci si je ne le pensais pas; - et vous ne doutez pas que je ne m'y connaisse un peu, puisque - j'ose bien juger des ouvrages de Chapelain[207], et que je - censure assez justement ses pensées et ses paroles. Je vous - envoie copie de la lettre que j'ai écrite à la marquise - d'Uxelles. Elle me mande que si j'aime les grands yeux et les - dents blanches, elle aime, de son côté, les gens tendres et les - amoureux transis, et que ne me trouvant pas comme cela, je me - tienne pour éconduit. Elle revient après; et sur ce que je lui - mande que je la quitterai si elle me rebute, et qu'à moins de se - déguiser en maréchale pour me surprendre, elle ne m'y rattrapera - plus, elle me répond que je ne me désespère point, et qu'elle me - promet de se donner à moi quand elle sera parvenue à la dignité - pour laquelle, à ce qu'elle dit, on la mange jusqu'aux os; que - mon poulet ne pouvait lui être rendu plus mal à propos, et que, - n'ayant pas un denier, elle était dans la plus méchante humeur du - monde[208].» - -On voit, par les particularités contenues dans cette lettre, qu'il -existait entre Bussy et sa cousine tous les genres d'intimité, excepté -celui qu'elle repoussait, et qui n'eût point été compatible avec de -tels aveux. Cependant, c'est alors que leur liaison semblait la plus -étroite, c'est lorsque leur amitié mutuelle s'était accrue par -l'habitude de se communiquer leurs pensées, qu'il y eut entre eux une -rupture absolue. L'outrage qui en fut la suite aurait pu rendre cette -rupture définitive, si l'excellent caractère de madame de Sévigné, la -bonté de son cÅ“ur, le repentir sincère de Bussy, sa noble conduite -dans une circonstance délicate, un orgueil de famille assez prononcé -dans le cousin comme dans la cousine, les inclinations qu'ils avaient -toujours eues l'un pour l'autre, n'eussent, après huit ans -d'intervalle, opéré entre eux un rapprochement sincère, et renoué -enfin une correspondance depuis longtemps interrompue. - -Mais pour bien connaître la cause de cette rupture, qui eut peut-être -plus d'influence sur la destinée de madame de Sévigné qu'elle-même ne -le soupçonna, il faut continuer à suivre les principaux détails de la -vie de Bussy, comme nous l'avons fait jusque ici. - -Bussy dès les premiers moments qu'il fut placé sous les ordres du -maréchal de Turenne, lui avait déplu[209]: Bussy cependant avait un -courage brillant; il était bon officier, entendait bien la guerre, et -fit plusieurs actions d'éclat qui lui méritèrent les éloges de Turenne -lui-même; mais Bussy faisait souvent des fautes par un excès de -présomption. Il était vain et arrogant, et il aimait trop ses plaisirs -pour ne pas souvent négliger ses devoirs[210]. Son esprit médisant et -caustique dirigeait sur tout le monde, et sur ses supérieurs même, des -traits acérés[211]. Trop jaloux des priviléges de sa charge, il -faisait de son plein gré des promotions dans la cavalerie, et -délivrait des commissions d'officier sans en référer au général en -chef[212]. Il en avait le droit; mais dans l'exercice de l'autorité il -faut moins consulter son droit que l'intérêt de la chose qui nous a -été confiée, et le jugement nous indique quand il faut aller au delà -de nos pouvoirs et quand il faut rester en deçà . Le privilége dont -Bussy abusait était de nature à déplaire à tout général en chef, même -en temps de paix; en guerre il était évidemment nuisible au bien du -service, et il entraînait de fâcheuses conséquences. - -Malgré son orgueil, Bussy faisait assidûment sa cour à Mazarin et à -Fouquet, dans l'espérance d'obtenir de l'avancement du premier et de -l'argent du second[213]; or, rien n'était plus propre qu'une telle -conduite à lui enlever l'estime de Turenne. Ce grand capitaine se -prévalait de l'appui qu'il prêtait à l'État pour se maintenir dans une -indépendance utile aux succès de ses opérations; il lui importait peu -de déplaire au premier ministre: parfaitement désintéressé, il n'avait -ni richesses ni faveurs à demander, et la nécessité de la discipline -le portait à vouloir que les officiers sous ses ordres dépendissent de -lui et non de Mazarin. Bussy, malgré ses pressantes sollicitations, -n'obtenait point l'exécution des promesses qui lui avaient été faites. -Il attribuait le défaut de succès de ses démarches au peu de crédit -dont il jouissait près de Turenne, et il ne se trompait pas. Quoique -Mazarin fût jaloux de Turenne, il lui rendait justice; il savait -apprécier ses services et ses talents, et il le ménageait. Si Bussy -avait pu obtenir l'appui de ce grand capitaine, Mazarin n'aurait pas -osé lui manquer si souvent de parole. - -A tous ces mécomptes de l'ambition Bussy joignait une conduite propre -à lui faire beaucoup d'ennemis: il ne se contentait pas d'une seule -maîtresse, mais toutes les femmes qui lui plaisaient devenaient les -objets de ses poursuites; et comme il réussissait souvent, il avait -contre lui beaucoup d'envieux et de jaloux et un plus grand nombre de -rivaux. Ce qu'il y avait pour lui de plus triste et de plus -désastreux, c'est qu'il n'avait ni ordre dans ses affaires ni -économie dans ses dépenses; son faste, son goût pour les plaisirs lui -en faisaient faire d'excessives, et de très-disproportionnées à sa -fortune. Les sommes qu'il avait empruntées au surintendant pour payer -sa charge eussent exigé de lui qu'il fît des épargnes, afin de pouvoir -en opérer le remboursement et en servir les intérêts; mais, bien loin -de pouvoir y parvenir, il avait contracté de nouvelles dettes. Dans -son marché avec Fouquet, il s'était engagé d'obtenir avant trois ans -un grade supérieur à celui de mestre de camp dans la cavalerie[214], -et de céder cette dernière charge au surintendant, qui voulait la -faire passer dans sa famille. Pour sûreté de cette condition, Bussy -avait remis d'avance à Fouquet la démission de sa charge; mais comme -Bussy ne put obtenir d'avancement dans les délais déterminés, Fouquet -refusa de lui compter les sommes stipulées en cas d'exécution de cette -clause de leur contrat. Bussy voulut alors ravoir la démission -souscrite par lui: pour forcer le surintendant à la lui rendre, il se -servit de l'influence de l'abbé Fouquet, alors brouillé avec son -frère, mais en grande faveur auprès de la reine mère et de Mazarin. -Par le moyen d'une si puissante intervention, Bussy parvint à se faire -rendre la démission qu'il avait donnée; mais il s'attira l'inimitié du -surintendant[215]. - -Pour qu'aucun travers, aucune cause de ruine ne manquât à Bussy, il -était joueur: il est vrai que, si on l'en croit, il était heureux au -jeu. Cependant il y a lieu de penser qu'il aimait à se vanter de ce -qu'il gagnait, et se taisait sur ses pertes. Il fait mention dans ses -Mémoires des gains considérables qu'il fit pendant qu'il était à -l'armée de Catalogne. Ils lui suffirent pour défrayer toutes ses -dépenses pendant cette campagne; il lui resta même encore dix mille -écus sur cet argent[216]. Dans la lettre à sa cousine dont nous venons -de transcrire une partie, il dit qu'il a gagné huit cents louis[217], -et qu'il est tellement en veine, que personne n'ose plus jouer avec -lui. Cependant, lorsque l'année suivante le moment vint de partir pour -l'armée, il se trouva dans une telle détresse qu'il n'avait pas de -quoi suffire à la dépense de ses équipages[218], et si peu de crédit, -que personne ne voulait lui prêter[219]. Il ne savait comment se tirer -d'embarras, lorsque l'évêque de Châlons, Jacques de Neuchèse, oncle de -sa première femme, dont nous avons parlé précédemment[220], mourut. -Cet évêque avait donné par contrat de mariage à sa nièce, lorsqu'elle -épousa Bussy, une valeur de dix mille écus, et autant à son autre -nièce madame de Sévigné; le tout était payable seulement après sa -mort. Madame de Sévigné, qui désirait avoir une terre de l'évêque de -Châlons rapprochée de Bourbilly, avait proposé à Bussy de traiter avec -lui de ses droits dans la succession de leur oncle. Bussy, sans -rejeter ni accepter cette proposition, mais uniquement occupé du soin -de se tirer de la gêne où il était, envoya Corbinelli à sa cousine, -pour lui demander en son nom de lui faire trouver dix mille écus: il -lui offrit pour garantie le nouvel héritage auquel il avait droit. -Madame de Sévigné accepta, et même elle témoigna sa joie de pouvoir -obliger Bussy; mais elle se laissait gouverner entièrement pour ses -intérêts pécuniaires par son oncle l'abbé de Coulanges; et là où elle -n'avait pas vu de difficultés il en aperçut. L'abbé connaissait le -désordre des affaires de Bussy, et avant de laisser grever les biens -de sa nièce pour une somme de dix mille écus, qui valaient à peu près -60,000 fr. d'aujourd'hui, il voulut savoir si les biens de Bussy -n'étaient pas déjà engagés, et s'assurer quels pouvaient être ses -moyens de remboursement. Il envoya quelqu'un en Bourgogne pour prendre -des informations; et pour déguiser ce que cette mesure avait -d'offensant, l'abbé de Coulanges dit qu'on ne pouvait disposer des -fonds d'une succession qui n'était pas encore partagée; et que par -conséquent il y avait nécessité d'aller trouver l'héritier de M. de -Neuchèse, pour s'assurer de son consentement relativement à -l'hypothèque offerte par Bussy. Madame de Sévigné fit savoir à Bussy -les raisons du retard du prêt qu'elle devait lui faire. Bussy répondit -qu'il lui était impossible d'attendre, parce que l'armée avait déjà -investi Dunkerque, et que s'il ne se trouvait pas à ce siége, il -serait déshonoré: il lui offrit pour sûreté de la somme qu'il -demandait, en attendant le retour de l'homme d'affaires envoyé en -Bourgogne, des ordonnances de ses appointements pour dix mille écus, -disant que, lors même qu'il mourrait à l'armée, il serait facile de se -faire payer du montant de ces ordonnances jusqu'à concurrence de la -somme prêtée, puisque cela ne dépendait que de Fouquet, dont la bonne -volonté à l'égard de sa cousine n'était pas douteuse. Madame de -Sévigné répondit que le surintendant était précisément l'homme du -monde auquel elle consentirait le moins à demander un service -d'argent. - -Cette correspondance et ces négociations avaient consumé du temps, et -n'avaient fait qu'augmenter la détresse de Bussy, qui était arrivé à -la veille du jour de son départ. La marquise de Monglat vint à son -secours; elle lui remit ses diamants, qu'il mit en gage; il emprunta -dessus deux mille écus: avec cet argent il partit, mais le cÅ“ur -ulcéré contre sa cousine, se croyant trompé par elle, et regardant -comme fausses toutes les protestations qu'il en avait reçues, comme -perfides tous les témoignages de tendresse et d'amitié qu'elle lui -avait donnés. Quoiqu'il ne pût s'empêcher de l'aimer encore, il rompit -tout commerce avec elle. Le dépit et l'orgueil blessé lui inspirèrent -le même désir de vengeance que la haine, et il ne tarda pas, comme -nous le verrons bientôt, à se satisfaire. C'est de cette époque que -datent le déclin de la fortune de Bussy et tous ses malheurs. Si sa -rupture avec sa cousine n'en fut pas la seule cause, il est certain -qu'elle y contribua beaucoup. C'est depuis qu'il eut cessé d'avoir -madame de Sévigné pour confidente et pour amie, depuis qu'il n'eut -plus la crainte d'être désapprouvé par elle, depuis qu'il ne redouta -point ses spirituelles et utiles railleries, et qu'il ne fut plus -encouragé par ses éloges ni éclairé par ses conseils, qu'il passa de -la prodigalité au désordre, et de la galanterie à la débauche. - -Au retour de cette campagne, qui fut une des plus brillantes et une -des plus importantes par ses résultats, toute la jeune noblesse qui en -était revenue, enivrée de ses succès et de la gloire commune, se livra -avec plus d'emportement que de coutume aux plaisirs de la capitale. -Bussy, qui s'était distingué par de beaux faits d'armes, fut un des -plus ardents à se dédommager des ennuis et des fatigues de la guerre, -par toutes les joyeuses folies auxquelles l'usage permettait de -s'abandonner pendant le carnaval. Lui et ses compagnons habituels -virent avec peine arriver le moment où les solennités de la semaine -sainte les forceraient d'interrompre et de changer leur genre de vie: -en le continuant ouvertement, ils savaient qu'ils révolteraient les -sentiments de morale publique et s'exposeraient à des dangers. -Vivonne, premier gentil-homme du roi, l'un d'entre eux, leur offrit -d'aller passer ce temps de retraite et de pénitence à son château de -Roissy, à quatre lieues de Paris, leur promettant que, loin de -l'intrusion des fâcheux et des regards de tous les censeurs, ils -auraient pleine liberté pour se réjouir et abondance de tous les -moyens nécessaires à la satisfaction de leurs goûts. Outre Vivonne et -Bussy, il y avait, dans le nombre de ces jeunes débauchés, Cavois, -lieutenant au régiment des Gardes; Mancini, neveu du cardinal Mazarin; -les comtes de Guiche et de Manicamp et l'abbé Le Camus, qu'on est bien -étonné de trouver en telle compagnie, car c'est bien le même qui -depuis, aumônier et prédicateur du roi, évêque et cardinal, devint un -modèle de vertu, de piété et d'humilité chrétienne[221]. En se rendant -au château qui devait être le théâtre de leurs orgies, ces jeunes -écervelés arrêtèrent en route un procureur nommé Chantereau; ils -l'emmenèrent prisonnier, puis, après l'avoir enivré et s'en être -divertis, ils le renvoyèrent. Ils se mirent ensuite à jouer gros jeu; -puis après ils firent venir des violons. Le jour suivant, ou plutôt la -nuit suivante, qui était celle du samedi au dimanche, ils firent ce -qu'on appelait alors _media noche_, c'est-à -dire un repas au milieu de -la nuit, afin de pouvoir s'enivrer et manger de la viande. Malgré les -précautions qu'ils avaient prises, le bruit de leurs excès et de leurs -débauches perça au dehors; tout ce qu'il y avait eu dans leurs actions -de blâmable pour les bonnes mÅ“urs, d'outrageant pour la religion, -devint la matière de récits exagérés: le roi et la reine en furent -informés, et Bussy et tous les auteurs de ces scènes scandaleuses -furent exilés dans leurs terres[222]. Cette disgrâce ôtait à Bussy -tous les moyens d'obtenir l'accomplissement des promesses d'avancement -qui lui avaient été faites. La sévérité dont on usa envers lui dans -cette circonstance lui parut excessive; elle l'aigrit contre Mazarin, -contre la reine, contre Turenne, contre tout ce qui était puissant et -favorisé par eux. Il exhala d'abord, à part lui à la vérité et en -secret, sa malignité dans des satires, des chansons, des épigrammes -dirigées contre les courtisans, les ministres et les généraux. Il en -divertit sa maîtresse[223]. Comme elle prenait goût à ces dangereux -exercices d'esprit, il composa, pour la satisfaire, le curieux et -scandaleux volume qu'il intitula _Histoire amoureuse des Gaules_. Sous -des noms déguisés et faciles à deviner, et sous la forme d'un roman -écrit d'un style naturel et élégant, il y dévoila les intrigues, le -libertinage et les turpitudes de plusieurs personnages de la cour. -Comme il était alors au plus haut point de sa colère contre madame de -Sévigné, il traça d'elle un portrait satirique. C'est ce portrait et -un ou deux autres qui ont fait dire à Saint-Évremond, au sujet de cet -ouvrage, «que son auteur avait dit du mal de certaines femmes dont il -n'avait pas pu même inventer les désordres[224]». - -Bussy fit quelques lectures de son ouvrage à des personnes sur la -discrétion desquelles il pouvait compter. Son secret lui fut gardé -pendant quelque temps; mais, ainsi que nous le dirons plus amplement, -il fut trahi par la jalousie d'une de ses maîtresses. Il avait eu la -faiblesse de prêter son manuscrit pendant vingt-quatre heures. Contre -la foi de la promesse qui lui avait été faite, on en fit une copie qui -servit à en faire d'autres, qui circulèrent, et l'ouvrage fut imprimé -en Hollande, sans nom d'auteur d'abord, puis peu après avec le nom de -l'auteur, et donnant la connaissance de tous les personnages dont les -noms étaient déguisés, au moyen d'un index ou clef qu'on avait ajoutée -et imprimée à la fin. Ce ne fut pas tout: en recopiant et en -réimprimant cet ouvrage, on y fit des additions, qui en augmentèrent -le venin et le scandale, et dont Bussy n'était pas l'auteur. Un des -interlocuteurs de cette espèce de roman historique y parlait d'un -cantique qu'on avait chanté, sans dire quel était ce cantique et sans -en rien citer. On en composa un avec des couplets dirigés contre le -roi et les femmes de la cour, et on l'intercala dans cet endroit de -l'ouvrage de Bussy. Cette addition fut faite peu de temps après les -premières éditions: il y avait encore d'autres couplets, moins -coupables, qu'on lui attribuait alors, et qu'il affirmait n'être -point de lui[225]. Ses protestations, ses assertions, et les preuves -dont il offrait de les appuyer, furent repoussées; il fut mis à la -Bastille, et tomba dans une disgrâce complète. - -On verra par la suite de ces Mémoires que Bussy ne sut point supporter -avec courage et dignité son infortune, ni profiter de l'intérêt que -l'arbitraire dont il était victime attachait à sa disgrâce. Il -flattait bassement ceux par lesquels il espérait remonter à la faveur, -et il les déchirait en secret. Sa détention ne fut pas de longue -durée; mais vingt années s'écoulèrent sans qu'il pût obtenir la -permission de se montrer à la cour. Il y reparut enfin, mais humilié, -mais sans charge, sans fonctions, sans crédit, sans considération, et -confondu dans la foule des courtisans. Aussi rentra-t-il promptement -dans sa retraite; il y termina ses jours, qu'abrégèrent de tristes -débats de famille et un odieux procès. Saint-Évremond, qui le connut -particulièrement, a dit de lui «qu'il n'aimait personne et parvint à -n'être aimé de qui que ce soit». Cette dure assertion doit être au -moins modifiée, puisqu'elle offre une exception dans madame de -Sévigné. Cependant le commerce qu'elle renoua avec Bussy après leur -rupture ne fut pas semblable à celui qu'elle entretenait avant cette -époque: le souvenir de l'outrage qu'elle en avait reçu était pour son -cÅ“ur une plaie que le temps ne put entièrement cicatriser. On -s'aperçoit, en lisant les lettres qu'elle lui a adressées depuis leur -réconciliation, qu'une sorte de crainte et de défiance se mêle à -l'abandon auquel elle aurait voulu se livrer, et qu'elle se tenait -toujours sur ses gardes. Cependant Bussy fut pour elle l'homme le plus -aimable et le plus spirituel, celui avec lequel elle aimait le plus à -s'entretenir. Elle le regardait comme injustement persécuté, et en -butte à des ennemis inférieurs à lui en mérite; elle aurait voulu le -voir heureux, et elle était vivement touchée des revers de sa fortune. -Bussy, après s'être réconcilié avec sa cousine, lui rendit toute sa -confiance, et sentit renaître toute son affection pour elle; il avait -la plus haute estime pour ses vertus, la plus vive admiration pour son -esprit, la plus forte inclination pour son caractère, égal, sensé, -aimable, aimant et gai. Le repentir qu'il éprouvait de l'avoir -offensée fut profond et durable; il le peint avec énergie dans un -endroit de ses Mémoires qu'il écrivait pour lui-même et pour ses -enfants, avec le dessein de ne jamais les publier de son vivant. - -«Un peu avant la campagne de 1658, je me brouillai avec madame de -Sévigné. J'eus tort dans le sujet de ma brouillerie; mais le -ressentiment que j'en eus fut le comble de mon injustice. Je ne -saurais assez me condamner en cette rencontre, ni avoir assez de -regrets d'avoir offensé la plus jolie femme de France, ma proche -parente, que j'avais toujours fort aimée, et de l'amitié de laquelle -je ne pouvais pas douter. C'est une tache de ma vie, que j'essayai -véritablement de laver quand on arrêta le surintendant Fouquet.» - -Bussy a raison de se vanter de la conduite qu'il tint dans cette -dernière circonstance. Elle fut noble et généreuse, mais ce n'est pas -encore ici l'occasion de la faire connaître. Le but principal de cet -ouvrage nous oblige à perdre quelque temps Bussy de vue; nous -reviendrons à lui lorsqu'il aura cessé d'être brouillé avec madame de -Sévigné. Nous allons continuer à suivre celle-ci dans le monde, où -elle brillait alors avec plus d'éclat encore que par le passé, et où -son esprit, les charmes de sa personne et les agréments de son -commerce lui avaient acquis une véritable célébrité. - - [207] Conférez LORET, liv. VII, p. 21, _lettre_ du 5 février - 1656. - - [208] BUSSY, _Mém._, 1721, in-12, t. II p. 90; édit. in-4º, t. - II, p. 109; _Supplément_, t. I, p. 158.--SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. - I, p. 53. - - [209] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 85, 89 de l'édit. in-12.--Ibid., - t. II, p. 203 et 207 de l'édit. in-4º. - - [210] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 100 à 109 de l'édit. in-12, p. 137 - et 335 de l'édit. in-4º. - - [211] SAINT-ÉVREMOND, _lettre touchant la destinée du comte de - Bussy-Rabutin_, _OEuvres_, 1753, in-12, t. IX, p. 119.--BUSSY, - _Mém._, t. II, p. 43, édit. in-12; t. II, p. 91 et 95, édit. - in-4º. - - [212] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 91, passim. - - [213] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 105. - - [214] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 107 et 108 de l'édit. in-12, et t. - II, p. 129 de l'édit. in-4º. - - [215] Ibid., _Mém._, t. II, p. 140 à 146, édit. in-12, et t. II, - p. 171 à 177 de l'édit. in-4º. - - [216] BUSSY, t. I, p. 456, édit. in-12, et t. I, p. 561 de - l'édit. in-4º. - - [217] SÉVIGNÉ (lettre de Bussy, 4 août 1657), t. I, p. 66, édit. - G, t. I, p. 54, édit. M. - - [218] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 109 de l'édit. in-12, ou t. II, p. - 132 de l'édit. in-4º. - - [219] BUSSY, _Mém._, passage inédit inséré dans les notes sur - SÉVIGNÉ, _Lettres_, édit. 1820, t. I, p. 141, et _Lettres_ de - SÉVIGNÉ, 29 juillet 1668, t. I, p. 133 et 134.--BUSSY, _Mém._, t. - II, p. 157. - - [220] Voyez 1re partie, ch. XI, p. 149 et 150. - - [221] LORET, liv. VIII, p. 48, du 7 avril 1657.--MOTTEVILLE, - _Mém._, t. XL, p. 7.--DANGEAU, _Nouveaux Mémoires_, dans l'_Essai - sur l'établissement monarchique de Louis XIV_, par Lemontey, p. - 23.--DE SUBLIGNY, _Muse Dauphine_, p. 112; _Hist. de la Vie et - des Ouvrages de La Fontaine_, 3e édit., p. 410.--LA FONTAINE, - _OEuvres_, 1827, t. VI, p. 162. - - [222] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 153 et 155, édit. in-12.--Ibid., - t. II, p. 179 de l'édit. in-4º.--BUSSY, _Hist. amour. de France_, - 1710, p. 273.--Ibid., édit. 1754, t. I, p. 234.--MOTTEVILLE, t. - XL, p. 6. - - [223] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 162. - - [224] SAINT-ÉVREMOND, _OEuvres_, t. IX, p. 119. - - [225] Le fameux cantique _Alleluia_ ne se trouve point dans les - deux premières éditions de l'_Histoire amoureuse des Gaules_, - imprimées à Liége, sans date. La première où il se rencontre, et - où se trouve aussi le nom de BUSSY, est celle qui est intitulée - _Histoire amoureuse de France_, par BUSSY-RABUTIN, 1660, petit - in-12 de 237 pages. Conférez la 3e partie, ch. I, p. 3, et p. 447 - et 448. - - - - -CHAPITRE XII. - -1658-1659. - - Ardeur pour les plaisirs pendant les deux années qui précédèrent - le mariage de Louis.--Promenade au Cours.--Foire - Saint-Germain.--Conduite de madame de Sévigné.--Le roi devient - amoureux de Marie Mancini.--Le roi a une courte maladie, qui met - ses jours en danger.--Sentiments divers des courtisans pendant - cette maladie.--Affliction profonde de Marie de Mancini.--Le roi - en est instruit, sa passion pour elle s'en augmente.--Anne - d'Autriche veut la combattre.--Conduite douteuse de Mazarin à ce - sujet.--L'issue des négociations pour le mariage de Louis XIV - avec la princesse de Savoie est, par cette passion, rendue - incertaine.--Ces négociations sont rompues par l'offre de - l'Espagne de donner l'infante.--Anne d'Autriche, craignant le - mariage de son fils avec Marie de Mancini, fait rédiger d'avance - une protestation.--Le cardinal se détermine à envoyer sa nièce au - Brouage.--On s'est trompé sur les intentions que l'on a supposées - à Mazarin--Il entrait dans son plan d'inspirer des craintes à - l'Espagne, de montrer que lui seul voulait la paix.--La violence - de la passion du roi manqua de faire échouer ces - combinaisons.--Grand caractère de Mazarin.--Obstacles qu'il a eu - à vaincre pour parvenir à la paix et au mariage du roi. - - -Le roi et son frère entraient tous deux dans cet âge où le cÅ“ur et -les sens dominent trop la volonté pour qu'elle puisse se soumettre à -la froide raison, et ne pas secouer le joug de ceux qui voudraient -mettre un frein à des passions dont alors les jouissances sont si -vives et les dangers si peu connus. Sans doute les mÅ“urs du temps, -corrompues par la Fronde, et l'état de désordre dont on ne faisait que -de sortir exerçaient leur fâcheuse influence sur ces deux adolescents -et sur toute la jeunesse qui les entourait; mais les inclinations -naturelles du monarque et les exemples qu'il donna pendant la plus -grande partie de son règne augmentèrent l'intensité du venin qui -circulait à la cour et parmi les grands, et qui à la longue se -répandit dans toutes les classes. - -Il est des époques où la dissolution des mÅ“urs a été plus grande en -France que dans les deux années qui précédèrent le mariage de Louis -XIV; mais jamais l'entraînement vers le plaisir ne fut aussi fort et -aussi général. C'est le temps où Molière[226], avec sa troupe, -commençait à faire goûter sur la scène tout le prix du vrai et du -naturel; où le fameux acteur Scaramouche[227] y déployait une verve -comique et bouffonne qui excitait un rire irrésistible; où Lully -charmait les oreilles par une nouvelle et délicieuse mélodie[228]; où -le génie des machinistes paraissait avoir acquis toute la puissance -des magiciens et des enchanteurs, dans le nouvel opéra de -_l'Enlèvement d'Hélène_[229]. C'est alors que les promenades au Cours -eurent le plus d'éclat[230]; que la foire Saint-Germain compta ses -plus beaux jours et ses fortunes les plus rapides. Dans ce vaste -bazar, où l'on pénétrait par sept portes[231] principales, les -richesses du monde entier se trouvaient réunies et classées. Chaque -profession avait son quartier séparé, et chaque chose sa place -distincte. A tout ce qui pouvait être utile aux besoins de l'homme, à -son luxe, à ses voluptés, se joignait encore tout ce qui pouvait -exciter sa curiosité ou tenter sa cupidité: des animaux rares, des -faiseurs de tours, des loteries, des jeux de hasard. Pendant deux mois -on se portait en foule dans ce lieu, où aujourd'hui un marché se -trouve ouvert toute l'année. Le peuple y allait le jour; la noblesse -s'y rendait la nuit[232], toujours masquée et déguisée, sans suite, -dans des carrosses sans armoiries, sans cortége, et seulement avec des -grisons, c'est-à -dire avec des cochers et des laquais sans livrées, -vêtus de gris et le visage couvert. Là , au milieu de la clarté -resplendissante des milliers de lustres, de flambeaux, de torches et -de feux allumés (cette foire s'ouvrait en février), on se promenait -dans les plus belles rues, dans celles des orfèvres, des merciers; on -achetait des bijoux, des pierreries, des dentelles, de riches étoffes, -des parfums, des tableaux, des meubles magnifiques, de grands miroirs -(c'était alors un des objets rares); l'on s'écartait dans les allées -sombres, obscures, favorables aux entretiens mystérieux et solitaires; -ou l'on s'asseyait à ces banques, à ces loteries ruineuses, et l'on -profitait d'un impénétrable incognito pour se livrer sans mesure à la -plus ruineuse des passions. Ainsi dans ce lieu, que l'éclat des -flammes, l'agitation et le bruit faisaient ressembler, pendant les -ténèbres et le silence de la nuit, à un immense palais enchanté, on -exploitait tous les vices comme toutes les industries au profit d'un -couvent de religieux qui en étaient propriétaires. - -A tous ces plaisirs publics, qui étaient les plus vifs parce qu'on les -partageait avec plus de monde, et qu'il y régnait plus de liberté, il -faut ajouter, pour les grands et pour la cour, les ballets royaux, -plus fréquents que par le passé[233]; les fêtes, les grands repas que -donnaient Fouquet et le cardinal; les bals, les mascarades, et les -divertissements de tous ceux qui, par leur rang et par leurs -richesses, se trouvaient en position de les imiter[234]. A quoi il -faut joindre encore les loteries gratuites, usage dispendieux et -magnifique que le roi introduisit alors; manière galante, ingénieuse -et toute royale de faire des dons aux dames, en y joignant les -piquantes surprises du sort, qui, seul dispensateur des préférences, -ne pouvait causer d'offense à personne. - -Anne d'Autriche, dont les inclinations à la retraite et à la dévotion -croissaient avec l'âge, qui s'apercevait que l'empire qu'elle avait eu -sur ses deux fils s'affaiblissait et allait lui échapper entièrement, -ne chercha pointa mettre de digue à ce torrent de dissipation et de -licence, parce qu'elle savait qu'elle l'aurait en vain essayé, et -qu'en cela elle eût plutôt été contrariée que secondée par son -ministre. Elle s'en affligeait en silence, et se contentait de -témoigner sa désapprobation, en ne se mêlant que rarement aux -divertissements de la cour, en faisant de longues et fréquentes -absences au monastère du Val-de-Grâce, et en passant la plus grande -partie de son temps dans cette retraite ou dans son oratoire. - -Madame de Sévigné, qui ne voulait ni fuir le monde ni partager ses -travers, s'attacha surtout à la petite cour de MADEMOISELLE. Cette -princesse, sans donner aucune prise à la médisance[235], ne montrait -pas moins d'ardeur pour les plaisirs que dans sa première jeunesse. -Lorsqu'au retour de son exil, Mazarin lui demanda ce qu'elle avait -regretté le plus des amusements de Paris, pendant son séjour au -château de Saint-Fargeau, elle répondit: «Les mascarades, la foire -Saint-Germain, et la promenade au cours.» Ses mémoires nous apprennent -qu'elle aimait singulièrement à aller à cheval avec madame de Sévigné, -mademoiselle de Villeroy et madame de Bonneuil[236]. C'étaient, à ce -qu'elle nous dit, parmi les dames qui composaient sa société -habituelle, les seules assez habiles à manier un coursier pour pouvoir -l'accompagner dans ces sortes de promenades. Elle avoue aussi que -pendant cet hiver de 1659 elle allait presque tous les jours à la -foire Saint-Germain[237], qu'elle y jouait et y gagnait souvent. Et -quant aux mascarades, le choix des déguisements, l'oubli des -convenances, si étrange dans une princesse si fière et si scrupuleuse, -prouvent jusqu'à quel point elle se laissait dominer par son goût pour -ce genre de divertissement. Au reste, le délire à cet égard était si -général, que la reine elle-même, à laquelle son âge, et plus encore sa -dévotion, interdisaient de telles licences, se surprenait à en rire, -et ne pouvait s'empêcher d'y prendre plaisir. Quelques pertes cette -année contristèrent le grand monde; mais plusieurs mariages devinrent -aussi des occasions de réjouissance[238], entre autres celui du comte -de Grignan avec mademoiselle de Rambouillet. Comme amie de la famille -de Rambouillet, madame de Sévigné dut assister à ce mariage, se -doutant peu alors que le nouveau marié serait un jour son gendre[239]. - -C'est à cette année que se rapportent aussi les récits de la première -partie de l'_Histoire amoureuse des Gaules_ de Bussy de Rabutin; et si -dans cet ouvrage les discours et les lettres des personnages sont -supposés, les faits sont exacts et vrais; il n'en est pas un -d'essentiel qui ne se trouve confirmé par les Mémoires du temps et les -témoignages les moins suspects[240]. Le tort de Bussy n'a donc pas -été, comme on l'a accusé, d'avoir calomnié les mÅ“urs de son temps, -mais de s'être complu à délayer sous la forme des romans alors en -vogue les aventures d'un très-petit nombre de femmes, et de n'avoir -pas, comme le spirituel Hamilton à l'égard de la cour de Charles Ier, -fait connaître les rivalités et les intrigues de celles de la jeune -cour de Louis XIV. Ce tableau fidèlement tracé, et pour lequel les -matériaux ne manquent pas, ne serait pas sans intérêt pour l'histoire; -mais il conviendrait peu à celui où madame de Sévigné figure sur le -premier plan. Il nous suffit de l'avoir indiqué. - -Il n'en est pas de même des amours du roi. C'étaient des événements -publics, qui exerçaient une grande influence sur la France, et par -elle sur l'Europe: madame de Sévigné s'en montre trop préoccupée pour -que nous puissions les écarter du cadre qui doit renfermer tout ce qui -concerne ses écrits et sa personne, si intimement liés à la peinture -du siècle où elle a vécu. - -Mazarin avait réussi dans ses combinaisons: le roi était épris de -Marie de Mancini. Peu de temps avait suffi pour lui faire gagner -l'embonpoint qui lui manquait[241]; et si elle n'était pas devenue une -beauté, elle avait acquis des attraits qu'on n'aurait pu deviner -lorsqu'elle fut présentée à la cour. Son teint coloré, ses yeux vifs -et brillants, sa physionomie ardente, la vivacité de son esprit -caustique, son caractère ferme et décidé, l'inclination qu'elle -témoignait ouvertement pour le jeune monarque, le soin qu'elle prenait -publiquement de lui plaire, tout concourut à entraîner Louis vers -elle; non par l'effet de ces subites sympathies qui s'emparent de -toutes nos facultés, mais par l'influence, plus lente, plus durable, -du plaisir que l'on trouve à fréquenter une personne qui chaque jour -nous paraît plus aimable; dont le jugement révèle une supériorité que -nous nous savons gré de savoir apprécier; dont la société nous semble -toujours plus attachante; dont la tendresse et les accents passionnés -nous font éprouver le besoin d'aimer avec le même abandon; qui enfin, -par l'ascendant toujours plus grand qu'elle acquiert sur nos pensées, -nos goûts, nos faiblesses, nos fantaisies, fascine nos sens, maîtrise -nos affections, nous empreint de tous ses sentiments, et nous -identifie à elle par l'harmonie parfaite des volontés et des désirs. - -Louis en était parvenu à ce point avec Marie de Mancini. En présence -de tous, il lui montrait une préférence marquée; il se plaisait à -s'entretenir seul avec elle; il prenait d'elle des conseils sur tout -ce qui l'intéressait, même sur les affaires d'État. Aussi il employait -tous les moyens pour multiplier les entrevues secrètes. Un jour -qu'elle sortait de chez la reine et qu'elle se trouvait seule dans son -carrosse, Louis monta sur le siége, et lui servit de cocher jusqu'à ce -que la voiture ne fût plus en vue; alors il y entra, et vint se placer -à côté d'elle[242]. Louis, malgré le goût qu'il avait pour se montrer -en public dans les ballets et les tournois, avait toujours eu dès sa -plus tendre jeunesse cet extérieur grave et froid[243] qui par la -suite le rendit si imposant, et imprimait aux plus hardis le respect -et la crainte. Ces caractères sérieux et réservés, lorsqu'on parvient -à les faire descendre à la familiarité, passent plus facilement que -d'autres de la familiarité à la confiance, et de la confiance à -l'amour. Ces progrès dans les sentiments de Louis s'étaient surtout -fait remarquer à la suite de la maladie dangereuse qu'il contracta au -siége de Dunkerque[244]. On eut alors tout lieu de craindre pour sa -vie. Plusieurs courtisans trahirent leurs vÅ“ux secrets par des -mouvements de joie qu'ils ne purent déguiser; par d'imprudentes -intrigues dont le frère du roi, l'héritier de la couronne, était -l'objet. La douleur des autres témoigna, au contraire, de leur -attachement. Mais le désespoir de Marie de Mancini et les larmes -qu'elle répandit touchèrent les plus insensibles. Le roi, dans sa -convalescence, fut instruit de tout. Il exila ceux qui avaient spéculé -sur sa fin prochaine, et fit voir à ceux qui avaient manifesté des -sentiments différents combien il leur savait gré de leur affection. -Quant à Marie de Mancini, l'inclination qu'on lui soupçonnait pour -elle se montra dès lors avec éclat, et prit tous les caractères d'un -véritable amour. Spirituelle, hardie, emportée, elle était -singulièrement propre à acquérir de l'ascendant sur un jeune -monarque[245] qui sentait le besoin d'un appui pour s'affranchir de -l'obstacle que sa jeunesse et l'éducation maternelle opposaient à son -entière émancipation. - -On ne tarda point à s'apercevoir de cette nouvelle passion du roi et -des changements qui s'opéraient dans son caractère et dans sa -conduite. Mazarin s'en réjouit; la fière Anne d'Autriche s'en alarma -vivement: non qu'elle désirât reprendre sur son fils un empire que -l'âge qu'il avait atteint ne lui permettait plus d'exercer, mais parce -qu'elle craignit que le premier ministre, malgré l'empressement -apparent qu'il mettait à négocier le mariage de Louis XIV avec la -princesse de Savoie, n'eût en secret le projet de lui faire épouser sa -nièce. Par cette raison la reine pressa avec ardeur la conclusion de -cette grande affaire. Ainsi cet amour de Louis XIV, qui semblait -s'accroître à mesure qu'approchait le moment de conclure un hymen qui -en exigeait le sacrifice, jetait tout l'intérêt d'un drame sur les -froides combinaisons de la politique. La cour s'était transportée tout -entière à Lyon; l'entrevue avec le jeune roi et la princesse de Savoie -avait eu lieu; tous les efforts de la sagesse maternelle pour marier -convenablement le roi le plus jeune, le plus beau, et déjà le plus -puissant de l'Europe, semblaient couronnés du succès; rien ne -paraissait s'opposer à la nouvelle alliance. Déjà commençaient les -préparatifs pour l'auguste cérémonie, et cependant l'on doutait encore -qu'elle pût avoir lieu: on craignait que les résultats de tant de -ressorts, de tant d'intrigues, de tant de conférences diplomatiques, -ne fussent rendus inutiles par les séductions et le caractère -énergique d'une jeune fille. Marie de Mancini avait déclaré -ouvertement qu'elle s'opposait à ce mariage, et elle osait se montrer -rebelle aux volontés de la reine et aux volontés déclarées de son -oncle. Elle disait sans détour au jeune roi qu'il était honteux pour -lui qu'on voulût lui donner une femme aussi laide que la princesse de -Savoie. Au moment où tout allait se terminer, où il ne manquait plus -que la signature aux actes que l'on avait déjà dressés, Mazarin rompit -tout à coup les négociations, et le roi et la cour revinrent à Paris. - -Tout le monde sait que cette rupture subite fut due à l'offre que -l'Espagne fit de l'infante, avec la paix. Ainsi l'union de deux -grandes monarchies et la cessation de la guerre, si ardemment -désirée, semblèrent dépendre de la volonté de Marie de Mancini, qui -pouvait à elle seule mettre obstacle à d'aussi grands biens ou les -laisser se réaliser. Cette puissance dont elle était investie -dirigeait en quelque sorte sur elle les regards de toute l'Europe. La -passion qu'elle avait inspirée au roi avait acquis toute l'importance -d'un grand événement. - -Quoique Anne d'Autriche n'ignorât pas que Mazarin n'entretînt depuis -longtemps des négociations secrètes avec l'Espagne, cependant la -rupture subite de celles qu'il avait conduites avec la Savoie réveilla -ses soupçons et ses défiances. Malgré sa partialité pour son ministre, -elle s'indigna qu'il pût concevoir l'idée d'asseoir une de ses nièces -sur le trône de France. Ses craintes furent assez vives pour qu'elle -prit la précaution de faire rédiger d'avance sa protestation contre le -mariage de Louis XIV avec Marie de Mancini, ainsi que l'acte par -lequel cette protestation devait être enregistrée au parlement, à huis -clos, si ce mariage avait lieu. Ces projets d'actes furent, selon -Loménie de Brienne, montrés au cardinal, qui alors se détermina à -envoyer sa nièce au Brouage et à lui faire rompre tout commerce avec -le roi[246]. Les faits de ce récit sont exacts, mais les intentions -qu'on prête à Mazarin et les motifs auxquels on attribue ses actions -ne le sont pas[247]. Je l'ai déjà dit: les jugements que l'on a portés -sur ce grand ministre n'ont été que les échos de la haine et de -l'envie qu'il a excitées de son vivant. On ne s'est pas donné la peine -d'étudier les ressorts de sa politique, dont les effets ont cependant -été si heureux et si avantageux pour le roi et le royaume. Tous les -détails des négociations du fameux traité des Pyrénées prouvent que -Mazarin, dans les circonstances où se trouvaient alors l'Europe et la -France, était incapable de se laisser séduire par une aussi misérable -ambition que celle qu'on lui a prêtée, de s'arrêter un instant à une -aussi chétive combinaison[248]. Mais il convenait à sa politique à -l'égard de l'Espagne d'être le seul et unique auteur du traité; de -prouver qu'il était le seul aussi qui pût lever les obstacles qui -s'opposaient à sa conclusion: il était nécessaire de faire sentir au -jeune monarque qu'il ne violentait ses inclinations que par la raison -d'État, et qu'il sacrifiait à la gloire du trône, à la prospérité du -royaume, sa propre élévation et celle de sa famille. Il convenait -aussi à sa politique, à l'attachement qu'il avait fait naître, d'avoir -l'air de ne céder qu'aux volontés de la reine, et d'avoir travaillé -nuit et jour contre lui-même, pour l'accomplissement de ses désirs; de -l'avoir servie avec zèle, avec talent, avec désintéressement le plus -grand, le plus entier, dans l'occasion la plus importante où une mère, -et une mère de roi, puisse se trouver. Pour parvenir à tous ces -résultats, dont les uns importaient à l'intérêt de l'État, mais dont -les autres importaient aussi beaucoup à son intérêt propre, Mazarin -devait, ainsi qu'il l'a fait, tolérer la passion des deux amants, -inspirer des craintes à l'Espagne, faire suspecter ses intentions par -la reine. L'amour du roi, sa résistance, le mécontentement d'Anne -d'Autriche, ses consultations, ses projets de protestation contre un -événement qu'elle redoutait, tout entrait dans le plan de Mazarin, -tout y concourait. Dès qu'il crut être certain de réussir, alors il -n'hésita plus, et il chercha de tout son pouvoir à détacher le jeune -roi des liens qui l'enchaînaient. - -Cependant il fut sur le point d'échouer, par l'opposition de celle -qu'il avait considérée comme le premier élément de succès. Marie de -Mancini s'arma contre lui de tout l'ascendant que lui donnait l'amour -sur le cÅ“ur d'un jeune roi qui connaissait toute la force de sa -volonté, et qui comprenait fort bien que, maître de la destinée des -autres, il devait aussi l'être de la sienne. Toutefois, ne voulant pas -faire violence à son ministre, il chercha à le séduire, et il lui -offrit de faire sa nièce reine de France. Non-seulement Mazarin -n'hésita pas à refuser Louis, mais il lui déclara qu'il aimerait mieux -poignarder sa nièce de ses propres mains, que de voir le roi -contracter avec elle une alliance qui n'était pas moins contraire à la -dignité de sa couronne que préjudiciable à la France. Il dit au roi -que s'il pouvait le croire capable de persister dans un tel dessein, -afin d'en empêcher l'exécution il se mettrait dans un vaisseau avec -ses nièces, et qu'il se transporterait avec elles au delà des mers. - -Louis XIV fut ébranlé par une aussi énergique résolution; cependant il -écrivait tous les jours à Marie de Mancini. Mazarin le sut, et il -adressa au jeune monarque une lettre qui seule suffit pour détruire -les soupçons qu'on a dirigés contre ce ministre. Il y peint sa nièce -sous les couleurs d'une coquette ingrate et peu digne d'affection; il -rappelle avec énergie quels sont les devoirs du souverain d'un grand -empire, et il démontre la nécessité de s'y soumettre. Cette admirable -lettre acheva de rendre Louis XIV docile aux conseils de son premier -ministre[249]. Celui-ci se crut assez fort pour séparer d'autorité les -deux amants. Il ordonna que Marie de Mancini et ses deux sÅ“urs se -rendraient à La Rochelle et au Brouage, et y resteraient jusqu'à la -fin des négociations avec l'Espagne. Les adieux de Marie et de Louis -furent déchirants; pourtant lorsqu'elle lui dit, «Vous m'aimez, vous -êtes roi, et je pars,» elle parvint bien à faire couler ses larmes, -mais elle n'obtint pas la révocation de l'ordre que le ministre avait -donné. Cependant Mazarin permit encore une entrevue à Cognac, où le -roi passait pour se rendre à Saint-Jean de Luz; mais avant d'y -consentir le ministre avait acquis la certitude que son jeune maître -ne changerait rien aux généreuses résolutions qu'il lui avait fait -prendre. Il avait aussi eu soin d'intimider sa nièce, de manière à ce -qu'elle n'osât point détourner Louis du grand dessein qui allait -s'accomplir, et pour lequel l'Europe entière était dans l'attente. -Cette entrevue des deux amants fut la dernière, et Mazarin s'attacha -ensuite à rompre entre eux tout commerce[250]. Lorsque la paix des -Pyrénées et le mariage de Louis XIV avec l'infante d'Espagne -Marie-Thérèse furent conclus, l'habileté du premier ministre excita -l'admiration générale, et l'on rendit enfin justice à la hauteur de -ses vues et à son désintéressement. Les sarcasmes clandestins de -quelques courtisans haineux et spirituels, qui ne pouvaient lui -pardonner son élévation ni le croire capable d'un sentiment généreux, -servirent plutôt à rehausser qu'à troubler son triomphe. Ils lui -furent même utiles, en lui donnant des prétextes pour écarter ceux -qui, jugeant mal de l'époque, avaient cru pouvoir se permettre contre -l'autorité royale les mêmes licences qu'au temps de la Fronde. - -Les affaires humaines changent de nature selon les circonstances qui -les accompagnent. Pour bien juger Mazarin, il faut se retracer les -écueils dont il était environné et considérer les dangers qui -menaçaient le vaisseau de l'État lorsqu'il en tenait le gouvernail. - -Que dans un royaume où règne un calme profond, qu'aucune guerre ne -menace au dehors, un jeune roi qui n'a encore gouverné que par son -ministre vienne à mourir, et laisse la couronne à son frère, encore -plus jeune que lui, ce n'est là qu'un événement de peu d'importance, -un nom substitué à un autre; on ignore ce qu'eût été ce jeune roi, on -ne sait pas encore ce que sera son successeur: que ce roi, au lieu de -succomber à la maladie qui menaçait ses jours, se rétablisse, qu'il -continue à aimer la même femme, ou porte sur une autre ses affections, -il n'y a rien encore en cela qui intéresse le bonheur général, rien -qui puisse exciter de fortes sympathies. C'est un sujet d'entretien -pour la cour, et rien de plus. - -Mais telle n'était pas à cette époque la position de la France. La -guerre avec l'Espagne continuait depuis si longtemps, que les deux -royaumes, épuisés par leurs efforts[251], ne pouvaient plus prolonger, -sans danger pour leur existence, cette lutte sanglante. L'alliance de -l'Angleterre et de la France, opérée par Mazarin; la séparation de la -branche autrichienne d'Allemagne de celle d'Espagne, adoptée comme -condition de l'élection du nouvel empereur, qui fut également -l'ouvrage de ce ministre, avaient préparé les succès de la -vingt-quatrième campagne. Turenne s'y surpassa: la bataille des Dunes -fut gagnée, Dunkerque fut pris et remis aux Anglais, Bergues tomba en -notre pouvoir. Frappée de stupeur, l'Espagne se voyait sur le point de -perdre toute la Flandre[252], lorsque la maladie du roi vint ralentir -les victoires de l'armée française, et donner à l'ennemi le temps de -se remettre des coups qu'on lui avait portés et d'organiser ses moyens -de résistance. La mort du roi eût alors entièrement changé l'état des -choses. Le duc d'Anjou avait déjà ses favoris, qui le gouvernaient. En -montant sur le trône, il eût aussitôt renvoyé Mazarin. Tous les -partis, que ce ministre était parvenu à comprimer, à réunir ou à -concilier, se fussent de nouveau divisés, et se seraient réveillés -avec leur ancienne fureur. Les troubles et la guerre civile auraient -recommencé, et l'Espagne eût repris tous ses avantages, avec d'autant -plus de facilité que la mort du duc de Modène et celle de Cromwell, -qui eurent lieu alors, ôtaient à la France deux alliés utiles, l'un au -nord, l'autre au midi, que la politique de Mazarin avait su lui -ménager[253]. Le rétablissement du roi permit au contraire de pousser -les opérations de la guerre avec une nouvelle vigueur. Dixmude, -Oudenarde, Menin, Gravelines furent pris, et reçurent des garnisons -françaises. Ces succès affermissaient l'autorité du roi au dedans, et -ôtaient aux partis tout espoir d'appui dans l'étranger; mais cependant -ils n'assuraient point la paix, et cette paix si désirée n'aurait pu -se conclure, au moins aussi promptement, ni d'une manière aussi -avantageuse à la France, si Mazarin, par le voyage de la cour à Lyon, -n'avait forcé l'Espagne à se hâter d'offrir son infante, par la -crainte de voir Louis XIV épouser la princesse de Savoie; et l'offre -de l'Espagne fût demeurée inutile, si Mazarin s'était laissé tenter -par son ambition personnelle, s'il n'avait su dominer le jeune roi par -le sentiment de sa dignité et par ses désirs de gloire; s'il n'était -parvenu à le faire consentir à éloigner celle qu'il aimait, à -accepter pour épouse celle pour laquelle il n'éprouvait que de -l'indifférence[254]. Dans une de ses lettres confidentielles à -Colbert, son intendant, Mazarin proteste que cette affaire est la plus -délicate qu'il a eu à traiter de sa vie; que c'est celle qui lui a -donné le plus d'inquiétude et de peine: et quand on a approfondi cette -partie de notre histoire, on est facilement convaincu de la vérité et -de la sincérité de son assertion[255]. - - [226] _Vie de_ MOLIÈRE, p. XVIII, dans les _OEuvres de M. de - Molière_, La Haye, 1735.--LA FONTAINE, _OEuvres_, t. VI, p. 40, - _lettre à de Maucroix_.--Frères PARFAICT, _Hist. du Théâtre - françois_, t. VIII, p. 233 à 242. - - [227] _Vie de Scaramouche._--LORET, liv. IX, p. 46, 23 mars 1658. - - [228] BENSERADE, _OEuvres_, t. II, p. 191 à 211.--LORET, liv. IX, - p. 8, 26, 28, 34, 35. - - [229] LORET, liv. VIII, p. 198 (22 décembre 1657).--Ibid., liv. - IX, p. 9 (19 janvier), et p. 45 (23 mars 1658). - - [230] Conférez le Plan de Paris de Berey, en quatre - feuilles.--SAUVAL, _Hist. et Recherches sur les Antiquités de - Paris_, t. II, p. 287.--SEGRAIS, _Les Nouvelles françoises, ou - les Divertissements de la princesse Aurélie_, t. I, p. 147 à 155. - - [231] SAUVAL, _Histoire et Recherches sur les Antiquités de - Paris_, in-fol., t. I, p. 664, 666. - - [232] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 285, 384, 389, - 390.--BUSSY, _Amours des Gaules_, t. I, p. 25, 49, 52, 54, 56, - 62, 132. - - [233] BENSERADE, _OEuvres_, t. II, p. 191 à 211.--LORET, liv. IX, - p. 8, p. 26, 28, 34 et 35.--MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 285, - 330, 384, 389, 408.--SAINT-SIMON, _Mém. complets et - authentiques_, t. III, ch. XII.--MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 46. - - [234] LORET, liv. IX, p. 10 (19 janvier 1658), p. 26, 41, - 127.--Ibid., liv. IX, 26 février 1658.--Ibid., p. 26, 41, 127, - 158.--MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 276. - - [235] MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 47.--LORET, liv. VIII, p. 114, - 121, 129. - - [236] MONTPENSIER, t. XLII, p. 308. - - [237] Ibid., p. 276-411.--SAUVAL, _Hist. et Recherches sur les - Antiquités de Paris_, in-fol., t. I, p. 664. - - [238] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 238, 255, 257, 305, 308, - 309, 345. - - [239] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 330.--Ibid., p. - 389.--LORET, _Muse historique_, liv. IX, p. 44, 284, 286, 408, - 409. - - [240] MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 423.--MONTPENSIER, t. XLII, p. - 278.--LORET, liv. IX, p. 18, 67 (4 mai), p. 54 (6 avril), p. 154 - (5 octobre). - - [241] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. 452. - - [242] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 384.--BUSSY, _Am. des - Gaules_, t. I, p. 29, édit. 1754. - - [243] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 362. - - [244] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 362.--LORET, liv. IX, p. - 107 et 112 (13 et 20 juillet 1658).--GUY-PATIN, _Lettres_, t. V, - p. 249.--MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 429, 436.--MONTPENSIER, t. - XLII, p. 344. - - [245] LA FAYETTE, _Mém._, t. LXIV, p. 382. - - [246] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mémoires inédits_, t. II, p. 46, et - 49, 50 et 342. - - [247] _Lettre autographe de Mazarin à Colbert_, en date du 22 - octobre 1659, cote 37 de la Bibl. du Roi. - - [248] _Lettres du cardinal Mazarin_; Amsterdam, 1745, 2 vol. - in-12, t. I, p. 315, 368, 375; t. II, p. 62. - - [249] Cette lettre curieuse a été publiée, sur l'autographe de - Mazarin, dans le _Bulletin de la Société d'Hist. de France_, no - VI (décembre), t. I, p. 176 à 188. Elle se trouvait déjà imprimée - dans les _Lettres du cardinal_ MAZARIN, t. I, p. 303, 322, - Amsterdam; 1745, in-12. - - [250] MONGLAT, _Mémoires_, t. LI, p. 115.--CHOISY, _Mém._, t. - LXIII, p. 196.--LA FAYETTE, _Mém._, t. LXIV, p. 384.--MOTTEVILLE, - t. XL, p. 11, 19, 23. - - [251] DESORMEAUX, _Hist. du grand Condé_, t. IV, p. 117. - - [252] MONTPENSIER, t. LXII, p. 317, 342.--MONGLAT, t. LI, p. 50, - 64.--DESORMEAUX, _Hist. du grand Condé_, t. IV, p. 132, 145, 147, - 148; _Vie de Turenne_, t. II, p. 101.--MOTTEVILLE, _Mém._, t. - XXXIX, p. 433. - - [253] MONGLAT, _Mém._, t. L, p. 478.--DESORMEAUX, _Hist. du grand - Condé_, t. IV, p. 117.--RAMSAY, _Hist. du vicomte de Turenne_, t. - II, p. 114. - - [254] BUSSY, _Discours à ses Enfants_, 1694, p. 89 et - 95.--MONGLAT, t. LI, p. 56, 64.--BRIENNE, t. XXXVI, p. 240 à - 243.--MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 33.--MONTPENSIER, t. XLII, p. 343. - - [255] _Lettre de Mazarin à Colbert_, mss. de la Bibl. du - Roi.--MOTTEVILLE, t. XL, p. 1 à 3.--CHOISY, t. LXIII, p. 95. - - - - -CHAPITRE XIII. - -1658-1659. - - Influence des mÅ“urs sur les romans.--De nos jours ils - correspondent aux passions populaires.--Sous Louis XIV, à celles - de la cour.--Les deux premières parties du roman de Clélie - paraissent, et ont un succès prodigieux.--Il est dû à ce qu'on y - retrouve les peintures des mÅ“urs modernes dans les temps - antiques, et les portraits des personnages du monde moderne sous - des noms anciens.--Portrait de la princesse Clarinte dans Clélie, - qui est celui de madame de Sévigné.--Le portrait de madame de - Sévigné par madame de la Fayette a été écrit en imitation de - celui de Clélie.--Les liaisons de madame de Sévigné et les - correspondances qu'elle entretint fournissent la preuve de cette - assertion.--Elle était amie de La marquise de Lavardin, et liée - avec Lavardin, évêque du Mans, et avec Costar, son - archidiacre.--Elle entretint une correspondance suivie avec ce - dernier.--Lettre de Costar à madame de Sévigné.--Celle-ci bien - appréciée de son vivant; sa célébrité résulte du succès des - écrits composés à sa louange.--Vers italiens de Ménage pour - madame de Sévigné.--Plaintes qu'il fait contre elle dans son - épître à Pellisson.--On pouvait alors sans ridicule parler un - langage passionné aux femmes reconnues capables de faire naître - les passions.--Comment s'expliquent les vers de Ménage, les - lettres de Costar et la tendre déclaration du surintendant - Servien à madame de Sévigné.--Billets de Ménage et de madame de - Sévigné à ce sujet.--Age de Servien.--Il était borgne.--Ménage, - dans ses vers, le compare au soleil.--Trait satirique de Boileau - à ce sujet. - - -Nous avons précédemment remarqué l'influence du roman sur le théâtre -et la poésie; mais le roman lui-même ne peut devoir son succès qu'en -s'initiant à toutes les sympathies de la générosité des lecteurs, -qu'en s'emparant des idées qui les préoccupent, des passions qui les -poussent, des penchants dans lesquels ils se complaisent. Ce genre -d'ouvrage n'est donc, à une époque donnée, que la peinture des -sentiments et des préjugés dominants. De nos jours, si féconds en -grands événements, en révolutions, en bouleversements d'États, en -batailles sanglantes, en revers subits de fortune, le roman a revêtu -les formes mâles et sévères de la muse historique, et rattaché ses -moyens de plaire et d'émouvoir aux séditions populaires, aux chances -de la guerre, au brisement des empires. Le moyen âge, par la multitude -des événements, par ses fureurs religieuses et politiques, par -l'incertitude et l'obscurité même de ses annales, devenait donc un -champ favorable aux romanciers de notre époque: de là leur -prédilection pour ces temps de fanatisme, d'anarchie et de violence. -Mais dans leurs fictions, où le spectre d'airain d'une aveugle -fatalité semble seul planer sur la destinée de l'homme; où les actions -criminelles et les faits héroïques sont les résultats des combinaisons -du sort; où les penchants les plus féroces et les plus honteux ainsi -que les sentiments les plus purs sont représentés comme de simples -variations de notre nature, et tour à tour peints avec une égale -complaisance, où le bien comme le mal ne sont que des accidents de la -vie humaine, on aperçoit sur-le-champ le travail des imaginations -d'une époque désabusée de tout par des secousses répétées, et -l'influence d'une société livrée à des agitations sans résultat, -tordue violemment dans tous les sens, foulée, brisée; n'offrant plus -que des individus sans lien commun, sans illusions brillantes, sans -croyance profonde, indifférents au vice comme à la vertu. La Fronde ne -dura pas assez, et la Ligue était depuis trop longtemps oubliée, pour -qu'il en fût ainsi sous Louis XIV. Les bienfaits d'un gouvernement -régulier et les exploits de la noblesse dans la défense de l'État -ajoutaient encore à la splendeur du trône et à l'ascendant du -monarque. Sa cour donnait le ton à la capitale et aux provinces[256]: -on s'intéressait à tout ce qui s'y passait, aux personnages qui y -brillaient; c'est là qu'on cherchait des modèles dans la manière de -parler, de se vêtir, d'agir et de penser. Dans le même temps, le goût -pour la littérature ancienne se développait; l'instruction, plus -répandue dans la noblesse comme dans le tiers état, cessait d'être -restreinte aux seuls membres du clergé ou aux professions savantes: -elle excitait une admiration sans bornes pour les beaux génies de -l'antiquité. Afin de flatter ce double penchant, les romanciers furent -donc conduits naturellement à transporter dans les siècles antiques -les faits et les personnages de leur temps; et ils furent en cela -imités par les auteurs dramatiques[257]. Ces formes de composition, où -l'éclat des héros de tous les âges et de tous les pays semblait -rejaillir sur la France, et où tout ce qu'il y avait d'admirable dans -le passé paraissait revivre pour elle, eurent alors un prodigieux -succès, même parmi les esprits les plus éclairés. La haute classe -était flattée; l'intérêt des autres classes était puissamment excité -par le plaisir de deviner les événements réels et les personnages -vivants cachés sous le voile de la fiction. - -Mademoiselle de Scudéry, que son imagination féconde, son style facile -et gracieux, rendirent célèbre, publiait tous les ans, sous le nom de -son frère, de nouveaux volumes de romans qui étaient lus avec avidité. -Le succès des premiers volumes du Clélie, qui parurent en 1658, -surpassa encore celui des précédents. Cet ouvrage fut d'abord imprimé -sous le nom de Scudéry; mais on sut bientôt qu'il était de sa sÅ“ur. -On aimait alors à la fureur les portraits, et tous les beaux esprits -s'exerçaient à ce genre d'écrits: mademoiselle de Scudéry avait -prodigué les portraits dans Clélie. Sous des noms romains, grecs, -persans, africains ou carthaginois, elle avait tracé ceux de presque -toutes les personnes qui s'étaient acquis à la cour ou dans le monde -quelque célébrité. Madame de Sévigné n'y était pas oubliée; elle y -paraissait sous le nom de Clarinte. Quoique ce portrait soit écrit -avec une noblesse et une élégance continues, sa prolixité ne serait -pas du goût des lecteurs de nos jours. Nous nous contenterons d'en -rapporter quelques passages, qui suffiront pour prouver que tout le -monde s'accordait à donner à madame de Sévigné le même genre de -louanges et à la peindre sous les mêmes traits. - -«La princesse Clarinte a les yeux bleus et pleins de feu. Elle danse -merveilleusement, et ravit les yeux et le cÅ“ur; sa voix est douce, -juste et charmante, et elle chante d'une manière passionnée. Elle lit -beaucoup, quoiqu'elle ne fasse pas le bel esprit. Elle a appris la -langue africaine (italienne); elle chante certaines petites chansons -africaines (italiennes) qui lui plaisent plus que celles de son pays, -parce qu'elles sont plus passionnées. Elle aime la gloire... et elle a -tant de jugement, qu'elle a trouvé les moyens, sans être ni sévère, ni -sauvage, ni solitaire, de conserver la plus belle réputation du monde, -et de la conserver dans une grande cour, où elle voit chez elle tout -ce qu'il y a d'honnêtes gens, et où elle donne même de l'amour à tous -les cÅ“urs qui en sont capables. Ce même enjouement qui lui sied si -bien, et qui la divertit en divertissant les autres, lui sert encore à -faire agréablement passer pour ses amis beaucoup de gens qui -voudraient, s'ils osaient, passer pour ses amants. Elle agit avec une -telle conduite, que la médisance a toujours respecté sa vertu, et ne -l'a pas fait soupçonner de la moindre galanterie, quoiqu'elle soit la -plus galante personne du monde. Aussi dit-elle en riant qu'elle n'a -jamais été amoureuse que de sa propre gloire, et qu'elle l'aime -jusqu'à la jalousie. Quand il le faut, elle se passe du monde et de la -cour, et se divertit à la campagne avec autant de tranquillité que si -elle était née dans les bois. En effet, elle en revient aussi belle et -aussi gaie que si elle n'était bougée d'Érico [de Paris]. Elle gagne -le cÅ“ur des femmes aussi bien que celui des hommes. Elle a surmonté -l'envie et la médisance. Elle écrit comme elle parle, c'est-à -dire le -plus galamment et le plus agréablement qu'il est possible. Je n'ai -jamais vu ensemble tant d'attraits, tant d'enjouement, tant de -galanterie, tant de lumière, tant d'innocence et de vertu; et jamais -nulle autre personne n'a su mieux l'art d'avoir de la grâce sans -affectation, de la raillerie sans malice, de l'enjouement sans folie, -de la propriété sans contrainte, et de la vertu sans sévérité[258].» - -C'est sans doute la lecture de ce roman de Clélie qui donna à madame -de La Fayette l'idée de tracer le portrait de madame de Sévigné, dont -nous avons rapporté les principaux passages au commencement de cet -ouvrage[259]. Les détails où nous allons entrer pour achever de faire -connaître les correspondances et les liaisons de madame de Sévigné -pendant les deux années dont nous nous occupons démontreront que ce -portrait fut écrit par madame de La Fayette à la fin de l'année 1658 -ou au commencement de 1659. - -Madame de Sévigné était l'amie de la marquise de Lavardin, dont le -mari avait été tué au siége de Gravelines, en 1641. Cette liaison en -avait entraîné une autre, avec Lavardin évêque du Mans. Cet évêque, -lorsqu'il n'était qu'abbé, et abbé très-mondain, s'était attaché -Costar, pour qu'il lui apprît la théologie; et dans ce but il se -retira pendant quelque temps à Malicorne, chez sa belle-sÅ“ur, la -marquise de Lavardin. C'est là que madame de Sévigné a pu avoir -occasion de connaître particulièrement Costar. Dans les premières -années de son mariage elle dut le rencontrer souvent; car, quoique -Costar déplût à madame de Rambouillet, il était particulièrement lié -avec les hommes de lettres qu'elle recevait chez elle[260]. Il s'était -fait une grande réputation de bel esprit par sa _Défense de Voiture_. -Il demeurait habituellement au Mans. Ce fut au Mans, où sans doute -madame de Sévigné s'était rendue pour voir M. de Lavardin, que Costar, -dans le mois de mars 1652, eut occasion de la recevoir, ainsi que nous -l'apprenons par une lettre de l'abbé Pauquet à Conrart[261]. Depuis -qu'il était devenu archidiacre de l'évêché, Costar dirigeait -l'éducation du fils unique de la marquise de Lavardin; et madame de -Sévigné eut ainsi occasion d'entrer en correspondance avec lui. Dans -les deux années dont nous parlons, qui précédèrent de peu la mort de -Costar, il fit imprimer en deux gros volumes in-4º des lettres qu'il -avait écrites à divers personnages[262]. Le second de ces volumes -contient deux lettres adressées à madame de Sévigné. La reine -Christine avait fait un grand éloge de notre jeune veuve dans une -lettre écrite à madame de Lavardin, que celle-ci avait communiquée à -Costar. Madame de Sévigné écrivit à ce dernier, pour se plaindre de la -publicité qu'il avait donnée à cette lettre. C'est à cette lettre de -madame de Sévigné que répond la première des deux lettres de Costar. -La seconde prouve encore une liaison plus intime. Costar avait prêté à -la marquise une peau d'ours, qu'elle lui avait renvoyée. Elle lui -avait aussi transmis quatre portraits écrits, dont un était celui de -mademoiselle de Valois, fille de Gaston, et un autre, le sien, sous le -nom d'Iris, «par un inconnu». La modestie de madame de Sévigné lui -faisait dire que c'était un portrait en l'air, «car il n'y avait aucun -moyen d'être si parfaite». C'est à ces envois et à cette autre lettre -de madame de Sévigné que Costar répond dans la dernière qu'il lui a -adressée. Nous allons transcrire ces deux lettres, qui ont échappé à -tous les éditeurs de madame de Sévigné[263]. - - -PREMIÈRE LETTRE DE COSTAR A MADAME DE SÉVIGNÉ. - - «Madame, - -«Je vous avoue que j'ai grand tort, et que vous avez raison de me -vouloir du mal. Il y a quelques mois que madame de Lavardin me confia -une belle lettre de la reine Christine, où Sa Majesté témoignait -qu'elle était éblouie comme les autres des lumières de votre esprit, -et enchantée des charmes secrets qui sont en votre aimable personne. -Je fus tellement touché de voir la princesse du monde la plus éclairée -rendre de si glorieux témoignages de votre mérite, que, ne pouvant -retenir ma joie au fond de mon cÅ“ur, j'en fis part à une de mes amies -qui vous adore, madame, mais qui est aussi faible que je le suis, et -qui ne put s'empêcher de succomber à la même tentation que je n'avais -pas eu le courage de repousser. Ainsi, madame, la gloire de votre nom -a volé plus loin que vous ne vouliez, et fait à cette heure dans -l'Anjou, et peut-être même dans la Bretagne, un bruit qui vous -importune. En ce cas-là , cette humilité dont vous êtes si jalouse, et -que vous voulez conserver au milieu des qualités éclatantes qui ont -bien de la peine à compatir avec elle, aura sans doute beaucoup à -souffrir. Je suis cause de tout ce désordre par l'indiscrétion de mon -zèle; et ce qui m'afflige davantage en cela, c'est que le repentir de -ma faute ne m'aidera pas à la réparer. Il m'est venu en pensée de vous -faire demander ma grâce par madame la comtesse de La Fayette; et je -l'aurais fait, si je ne me fusse avisé que de ne m'adresser pas tout -droit à vous, c'était vous ravir la gloire de faire une action de -miséricorde. Je me promets, madame, que je l'obtiendrai de votre -bonté, et que vous ne serez pas si cruelle que de la refuser à mes -très-humbles supplications. Autrement, j'ose vous déclarer que, dans -le désespoir où vous me mettrez, je pourrai bien me mutiner, et perdre -une partie du respect que je vous dois. Votre modestie n'aurait pas de -plus dangereux ennemi que moi. D'abord j'apprendrais dans les -provinces (ce qui n'est bien su que de la cour) que vous êtes la -véritable princesse Clarinte de l'incomparable M. de Scudéry; et puis -je remplirais de vos louanges un second volume de lettres que je -donnerai au public sur la fin de cette campagne; et enfin je -célébrerais si hautement vos vertus, qu'on connaîtrait par toute la -France que je serais votre admirateur passionné, quoique je n'eusse -point sujet d'être, - - Madame, - - Votre très-humble serviteur, - - COSTAR[264].» - - -SECONDE LETTRE DE COSTAR A MADAME DE SÉVIGNÉ. - - «Madame, - -«Que j'aimerai toute ma vie mon sac de poil d'ours, de vous avoir -rendu tant de bons offices dans la gelée! Mais, d'autre côté, -j'appréhende dorénavant de le respecter un peu plus qu'il ne me serait -commode, et de n'avoir pas le cÅ“ur de mettre les pieds dedans, tant -que je m'imaginerais d'y apercevoir les traces des vôtres, si bien -faits, si droits et si savants..... Je vous remercie très-humblement -de vos quatre excellents portraits..... La peinture de mademoiselle -de Valois est la plus jolie du monde et la plus galante, et celle -d'Iris n'a point reçu de louange qu'elle ne mérite. Je croirais bien -avec vous, madame, qu'elle a été faite à plaisir; mais je ne dirai pas -comme vous: Car quel moyen d'être si parfaite? Ce _car_ n'est bon que -pour ceux qui ne vous virent jamais, qui ne vous ont point ouï parler, -et qui n'ont pas compris la beauté de votre esprit, sa grâce, ses -charmes, sa solidité, sa douceur, et mille autres qualités qui se -trouvent en vous, et qui ne se trouvent qu'en vous si bien assorties. -Je sais, madame, que vous avez sur les yeux un certain bandeau de -modestie qui les empêche de voir en vous les choses comme elles y -sont. J'oubliais à vous dire que l'inconnu ne vous connaît pas assez. -Je ne suis pas trop mal satisfait de ce qu'il dit de votre visage et -de votre taille, mais, bon Dieu! s'il était entré bien avant dans -votre âme, il y aurait découvert bien d'autres trésors que ceux dont -il parle[265].» - -Ainsi la célébrité de madame de Sévigné, comme femme éminemment -aimable et spirituelle, ne fut plus renfermée à la cour et dans le -beau monde de la capitale; elle s'étendit dans les provinces par la -publication du Dictionnaire des Précieuses de Somaize, du recueil des -poésies fugitives de Sercy[266], du roman de Clélie, de la -correspondance de Costar, et des poésies de Ménage. - -La troisième édition de ces poésies venait de paraître[267]; et, outre -l'idylle intitulée _Alexis_[268], elle contenait deux nouvelles -pièces de vers à la louange de madame de Sévigné. Elles étaient -écrites en italien, que madame de Sévigné comprenait parfaitement. -L'une est un sonnet au sujet de son portrait[269]; l'autre est un -madrigal allégorique, où madame de Sévigné est comparée à la fleur de -la _belladonna_ (belle dame)[270]. Aucune de ces deux pièces ne mérite -d'être traduite ni citée. Mais, indépendamment des pièces grecques et -italiennes qui parurent pour la première fois dans cette troisième -édition, on y lit aussi des pièces en français qui n'avaient point -paru dans les éditions précédentes, entre autres une épître à -Pellisson, où Ménage se plaint amèrement à son ami, - - De l'aimable marquise - Qui lui vola sa franchise. - -Il l'appelle perfide, infidèle, orgueilleuse, cruelle, tigresse au -cÅ“ur d'acier; il ne songe plus à ses paroles attrayantes et à ses -paroles charmantes que quatre-vingt-trois fois la nuit et trente-huit -fois le jour[271]. Tout le monde savait, lors de la publication de -cette épître, que ces extravagances de Ménage concernaient la marquise -de Sévigné, quoique son nom ne fût pas prononcé; mais, dans la crainte -que la postérité l'ignorât, il a pris soin de le lui apprendre -lui-même dans la table des matières de la septième édition de ses -poésies, qui ne fut pas la dernière[272]. Personne alors ne fut -surpris de ce langage; aucun des critiques de Ménage ne l'accusa -d'inconvenance à ce sujet, ni ne le frappa de ridicule. Ceci prouve ce -que nous avons remarqué précédemment, que d'après les usages du beau -monde, mis en crédit par l'hôtel de Rambouillet, il était permis aux -hommes de parler en toute liberté d'amour, malgré l'inégalité de l'âge -et du rang. Il semble même qu'on eût passé pour grossier, si envers -une femme jeune, jolie, spirituelle, on eût paru si peu faire -attention à ses charmes, si peu apprécier son esprit, que de ne pas -lui faire entendre le langage flatteur et passionné auquel elle était -accoutumée de la part de ses fervents adorateurs. Sans cela on ne -pourrait expliquer à l'égard de madame de Sévigné ni les vers que -Ménage lui adressa ou ceux qu'il a écrits à son sujet, ni les lettres -galantes de Costar goutteux et sur le bord de la tombe, ni les -déclarations tendres dont elle fut l'objet de la part du surintendant -Servien, après une entrevue qu'elle avait eue avec lui relativement à -une affaire qui dépendait de sa décision. Ménage avait été -l'intermédiaire entre elle et ce ministre; il l'avait assurée du désir -qu'il avait de la revoir. C'est à ce sujet qu'elle lui écrivait: «Vous -me dites des choses si obligeantes de l'estime que vous avez donnée de -moi à M. Servien, qu'encore que j'y aie peu contribué et que je -craigne même de la détruire, je ne laisse pas pourtant d'en sentir une -certaine gloire, que toute autre personne ne m'aurait pu donner[273].» -Ensuite, répondant à un autre billet flatteur de Ménage, qui lui -faisait part de l'effet que ses charmes avaient produit sur Servien, -elle dit: «Votre billet est le plus joli du monde; c'est ainsi que je -vous conseille de les faire. Je suis ravie que mes petits yeux aient -fait de si jolies conquêtes. Je me trouverais bien honorée s'ils -portaient le désordre jusque dans le conseil d'en haut, mais je crains -que l'histoire ne soit telle qu'à demi. En tout cas, je me contente de -l'estime, et je vous conjure de me la conserver, puisque c'est vous -qui me l'avez acquise. Pour M. de Noirmoutier [Louis de la Trémouille, -duc de Noirmoutier[274]], j'en prendrai le soin; car il prend le -chemin de venir céans, et c'est là que je l'attends pour lui gagner le -cÅ“ur. Après tout, vous avez la gloire que j'aie été plus friande du -vôtre que de tous les autres; mais, quelque honte qu'il y ait pour moi -au temps que j'ai employé à l'acquérir, j'en suis toute consolée quand -je songe à ce qu'il vaut.» - -D'après les détails que nous avons donnés dans le commencement de cet -ouvrage[275] sur les premiers temps des liaisons de Ménage avec Marie -de Rabutin-Chantal, nous n'avons pas besoin de faire remarquer à nos -lecteurs tout ce qu'il y avait de coquetterie tendre et affectueuse -dans ces dernières lignes de madame de Sévigné, et de l'impression -qu'elles devaient faire sur Ménage. - -Quant à Abel Servien, il pouvait se déclarer l'adorateur de madame de -Sévigné sans compromettre sa réputation. Il avait alors soixante-cinq -ans, et de plus il était borgne; circonstance qui a fourni un trait de -satire de Boileau contre Ménage. Celui-ci, dans son églogue intitulée -_Christine_, avait donné à ce ministre des éloges fades et exagérés, -et l'avait comparé au soleil; et Boileau dit: - - De là vint cet amas d'ouvrages mercenaires, - Stances, odes, sonnets, épîtres liminaires, - Où toujours le héros passe pour sans pareil, - Et, fût-il louche et borgne, est réputé soleil[276]. - - [256] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 388. - - [257] Frères PARFAICT, _Hist. du Théâtre françois_, t. VIII, p. - 196 et 197.--LORET, liv. IX, p. 169; liv. VIII, p. 77. - - [258] _Clélie, histoire romaine_, par M. DE SCUDÉRY, gouverneur - de Notre-Dame de la Garde; suite de la troisième partie; chez - Augustin Courbé, 1658, in-8º, p. 1331-1333. Conférez encore p. - 1397, 1409, 1402, 1416, 1417, 1422, 1424, 1425. - - [259] Voyez _Lettres de Madame de_ SÉVIGNÉ, t. I, p. XXIV, éd. de - 1734. C'est dans cette édition que ce portrait a été imprimé pour - la première fois, t. I, p. XXXIV, dans l'édit. de 1754. - - [260] _Vie de_ M. COSTAR, dans _Tallemant des Réaux_;, t. VI, p. - 280, 284, édit. in-8º, 1635; et t. IV, p. 89, ou t. VII, p. 6 de - l'édit. in-12. - - [261] _Lettre de l'abbé Pauquet à Conrart_, en date du 5 mars - 1652, extraite des manuscrits de Conrart, Bibliothèque de - l'Arsenal, t. IX, p. 877; communiquée par M. Monmerqué. - - [262] _Lettres de_ M. COSTAR; chez Augustin Courbé, Paris, 1658, - in-4º; _Lettres de_ M. COSTAR, seconde partie; chez Augustin - Courbé, 1659, in-4º.--Costar mourut le 3 mai 1660. - - [263] _Lettres de_ M. COSTAR, seconde partie: à Paris, chez - Augustin Courbé, 1659, in-4º, p. 19, _lettre 199_, p. 308, 812. - - [264] _Lettres de_ M. COSTAR, seconde partie; à Paris, chez - Augustin Courbé, 1659, in-4º, p. 419, _lettre 199_. - - [265] _Lettres de_ COSTAR, seconde partie, p. 812, _lettre 308_. - - [266] Voyez ci-dessus, Ire partie, chap. XXXVI, p. 498, 2e édit. - - [267] ÆGIDII MENAGII _Poemata_, édit. 3a 1658, in-8º. - - [268] ÆGIDII MENAGII _Poemata_, p. 170, édit. 1680, ou p. 158, - édit. 1663. - - [269] _Sopra il ritratto della bellissima signora marchesa di - Sevigny_, dans le MENAGII _Poem._, 4e édit., p. 305; 7e édit., p. - 289, sonetto 2. - - [270] _Pianto di bella donna; madrigale per la signora marchesa - di Sevigny_, madrigale 12, p. 813 de la 4e édit. - - [271] ÆGIDII MENAGII _Poemata_, 3a édit., in-8º, p. 111.--Ibid., - 4a édit., Elzeviers, 1663, in-18, liv. IV, p. 268. - - [272] ÆGIDII MENAGII _Poemata_, 1680, septima editio, apud Petrum - Le Petit, liv. IV, p. 260, et la table des matières au mot - _Sévigny_.--Ibid., 1687; Amstelodami, apud Westenium, octava - édit., p. 296, et la table des matières, p. 337, au mot - _Sévigny_. - - [273] SÉVIGNÉ, _Lettres_, édit. de Monmerqué, 1820, in-8º, t. I, - p. 55, no 29.--Ibid., édit. de Gault de Saint-Germain, t. I, p. - 68, _lettre 31_. - - [274] _Lettre de madame de_ SÉVIGNÉ _à _ MÉNAGE, dans les - _Mémoires de_ COULANGES publiés par M. Monmerqué, 1820, in-8º, p. - 324. - - [275] Voyez ci-dessus, Ire partie, ch. X, de 185 à 191, surtout à - la p. 182. - - [276] BOILEAU, épître IX, vers 142 à 140.--MENAGII _Poemata_, - _Christine_, éclogue; 4e édit., Elzeviers, p. 169 du liv. I. - Éclogues et idylles, 7e édit., 1680, in-12, p. 180. Ménage avait - dit: - - Le grand, l'illustre Abel, cet esprit sans pareil, - Plus clair, plus pénétrant que les traits du soleil. - - - - -CHAPITRE XIV. - -1659-1660. - - La Fronde finit comme une pièce dramatique bien - combinée.--Mariage du roi.--Rentrée de Condé.--Mort de - Gaston.--Le cardinal de Retz est dans l'impuissance de - nuire.--Pompes de la rentrée du roi.--La cour avait été obligée - de faire de longues absences hors de la capitale pendant que se - traitait l'affaire de la paix.--La noblesse alors resta à - Paris.--Le théâtre devint pour ses divertissements sa principale - ressource.--Une grande distance séparait la noblesse de la - bourgeoisie.--La noblesse protégeait les acteurs.--Ceux-ci - tenaient une conduite honorable.--Plusieurs étaient hommes de - lettres.--Les auteurs dramatiques les ménageaient.--Ils accordent - l'entrée de leurs théâtres à tous les membres de l'Académie - Française.--Leur fréquentation avec les gens de cour et les - grands leur donnait, sous le rapport des manières, une grande - supériorité sur la bourgeoisie de la capitale et sur la noblesse - de province.--Quelques-uns étaient gentils-hommes, et ne - perdaient point leurs priviléges en devenant acteurs.--Molière - n'éprouva aucun obstacle pour l'établissement de son nouveau - théâtre.--Sa troupe, inférieure à celle des deux autres - théâtres.--Son génie était son seul moyen de succès.--Succès du - _Dépit amoureux_.--Vogue prodigieuse des _Précieuses - ridicules_.--La raillerie était en honneur à la cour de Louis - XIV.--Les véritables précieuses et leurs amis furent les premiers - à rire de la pièce de Molière.--Toute la famille de Mme de - Rambouillet se trouvait à la représentation de cette - pièce.--Motifs qui font présumer que Mme de Sévigné y était - aussi.--La preuve qu'elle était alors à Paris résulte du récit de - Tallemant sur l'affaire du marquis de Langey.--Réflexions sur - cette affaire. - - -La Fronde se termina comme un poëme dramatique bien combiné: toutes -les intrigues qu'elle avait enfantées se dénouèrent par un mariage; -presque tous les principaux acteurs se réconcilièrent, et celui qui -toujours et sans cesse avait été occupé à tout brouiller fut écarté de -la scène. Louis XIV épousa l'infante Marie-Thérèse; le traité des -Pyrénées fut conclu; deux grandes monarchies, qui se faisaient la -guerre depuis vingt-cinq ans, devinrent alliées; les frontières de la -France furent reculées au nord, à l'est et au sud[277]. Condé fit sa -soumission, et ramena avec lui cette courageuse noblesse qui avait -suivi sa destinée[278]; le duc de Lorraine, retenu depuis six ans dans -les prisons d'Espagne, à cause de ses liaisons avec la France, en -sortit[279]; Retz, condamné à l'exil, forcé de fuir et de se cacher, -ne fut plus à craindre[280]; l'indécis et faible Gaston, qui se -défiait de tout le monde et de lui-même, qui ne s'intéressait à -personne et auquel personne ne s'intéressait, mourut peu après[281]. - -Le faste et l'éclat qui avaient accompagné la demande de l'infante; -les galanteries chevaleresques et les attentions du jeune roi pour sa -femme[282]; la pompe triomphale de leur entrée dans Paris; la -magnificence des réjouissances publiques qui la suivit, tout contribua -à répandre un aspect de bonheur et un air de grandeur sur les -commencements d'un règne qui s'annonçait d'une manière si -brillante[283]. Le royaume entier semblait renouvelé et rajeuni par -son monarque[284]. - -Mais les négociations qui avaient précédé ce moment avaient été -longues et difficiles[285]; et plus on désirait les voir se terminer -heureusement, plus on se trouvait agité par la crainte et par -l'espérance, selon qu'on apprenait qu'elles avançaient vers leur -terme, ou qu'elles étaient sur le point d'être rompues. Tout le monde -paraissait pressé d'en finir, excepté les négociateurs eux-mêmes, -Jules Mazarin et Louis de Haro, qui, sur leur petite île de la -Bidassoa, combattaient ensemble de ruses et de finesses dans leurs -interminables conférences. Ces délais, cette longue attente, les -absences prolongées du roi, de la reine, du cardinal et de tous ceux -de leurs maisons, avaient en quelque sorte dérouté les habitudes du -grand monde de la capitale. La cour se trouvait partagée en deux, -parce qu'une partie seulement avait pu être du voyage de Lyon; l'autre -était restée à Paris. Le roi n'y revint qu'en février; Mazarin en -repartit vers le milieu de l'été, pour se rendre à Saint-Jean de -Luz[286]; et le roi, la reine et leur suite nombreuse allèrent peu -après rejoindre le ministre et voyager dans le midi, en attendant le -terme des négociations. Tout ce qui n'était point du voyage n'eut -aucune envie de quitter Paris, où l'on s'attendait de jour en jour à -voir revenir ceux dont on s'était séparé avec tant de regret: de -fréquents courriers apportaient de leurs nouvelles, et instruisaient -de tout ce qui préoccupait si fortement les esprits. Comme l'ouverture -des négociations avait suspendu les opérations de la guerre, nul ne se -trouvait forcé de s'absenter. La capitale était donc pourvue d'un plus -grand nombre de personnes de la haute noblesse, ou de personnes riches -et vivant noblement, qu'elle n'avait coutume de l'être dans cette -saison. Mais comme les ballets royaux, les fêtes et les cercles de la -cour, les bals et les mascarades, n'avaient plus lieu, on eut plus de -loisir pour suivre les représentations théâtrales, et elles tinrent le -premier rang parmi les jouissances de cette année. - -Nous avons vu qu'indépendamment des deux troupes d'acteurs de l'hôtel -de Bourgogne et du Marais, une troisième troupe (c'était celle de -Molière) avait obtenu la permission de s'établir à Paris, et jouait -sur le théâtre du Petit-Bourbon. - -Il ne faut pas oublier l'inégalité des rangs qui existait à cette -époque, et les effets qu'elle produisait. Un intervalle considérable -séparait le bourgeois le plus riche d'un noble, d'un grand seigneur. -Celui-ci donnait du lustre et de l'importance à tous ceux qu'il -admettait à l'honneur de sa familiarité ou aux bienfaits de sa -protection. Les grands choisissaient de préférence pour clients ceux -qui pouvaient rehausser l'éclat de leur rang ou contribuer à leurs -plaisirs. De là cette faveur dont jouissaient auprès d'eux les -artistes, les gens de lettres, les chanteurs et les acteurs[287]. La -condition de ces derniers, du moins dans la capitale, n'était point -ravalée au-dessous de celle de la bourgeoisie, comme cela a lieu -depuis que leur nombre s'est multiplié si extraordinairement avec -celui des théâtres, et encore plus depuis que les lois ont voulu -promener leur niveau sur tous les rangs, sur toutes les professions. -Les lois peuvent bien contraindre les actions de l'homme, mais ne -peuvent rien sur ses opinions: les lois veulent en vain établir en -toute chose une parfaite égalité, rendre semblable ce qui diffère, -rapprocher ce qui se repousse; l'opinion, qui exerce sur les lois -mêmes son empire absolu, élève aussitôt ce qu'elles ont abaissé, -abaisse ce qu'elles ont élevé, prononce ses incompatibilités et -établit ses distinctions. - -A l'époque dont nous parlons, les princes et les grands, qui, à -l'exemple du monarque, aimaient à s'exercer dans l'art théâtral, et -associaient à leurs divertissements les acteurs, ne laissaient -échapper aucune occasion de manifester à ceux-ci l'intérêt qu'ils leur -portaient, et le cas qu'ils faisaient de leurs talents. Ils les -aidaient à maintenir l'ordre dans leurs représentations; ils -n'hésitaient pas, pour les mettre à l'abri des insultes de la foule, à -leur prêter le secours de leurs propres gardes ou de leurs nombreux -valets, et souvent ils ne dédaignaient pas d'intervenir en personne, -lorsque les circonstances l'exigeaient. Plus honorés, les acteurs -tenaient aussi une conduite plus honorable. Ils maintenaient dans -leurs petites républiques une police excellente[288]. Liés entre eux -par un même intérêt et par les rapports continuels de leurs communs -travaux, ils se secouraient mutuellement, et ne souffraient jamais -qu'aucun d'eux, qu'elle que fût son infortune, tombât à la charge de -la charité publique. Ce qui ajoutait encore à la considération dont -jouissaient particulièrement les acteurs des deux théâtres royaux de -l'hôtel de Bourgogne et du Marais, c'est que plusieurs étaient hommes -de lettres, et composaient des pièces dans lesquelles ils jouaient. -Dans ce nombre étaient Hauteroche, Villiers, Poisson, Champmeslé, la -Thorillière: par ceux-ci, la nuance qui séparait les acteurs des gens -de lettres faisant profession de travailler uniquement pour la scène -était faible et peu marquée; car ces derniers étaient obligés de -fréquenter les acteurs, de faire société avec eux; ils avaient besoin -de leur appui, et semblaient appartenir à leur théâtre et faire partie -de leur troupe. Les acteurs, de leur côté, se montraient dignes, par -leur générosité, d'une telle confraternité. Ils avaient accordé à tous -les membres de l'Académie Française le droit d'entrer à leur spectacle -sans payer. Ainsi les acteurs, par leur liaison avec les beaux -esprits, par la nature même de leur profession, possédaient toujours -ce genre d'instruction qui contribue le plus aux agréments de la -conversation, et leur fréquentation avec les grands leur donnait -cette élégance dans les manières, cette pureté dans le langage, cette -politesse naturelle, et toutes les qualités brillantes de l'homme du -monde, alors si inégalement réparties, auxquelles la bourgeoisie était -entièrement étrangère, et qu'on ne trouvait même pas parmi la noblesse -de province: elles semblaient être l'apanage presque exclusif de la -cour, des cercles et des ruelles de la capitale. C'était donc un -immense avantage que de les posséder, et les acteurs y trouvaient pour -l'exercice de leur profession un élément de succès: ils s'étudiaient -continuellement à les acquérir, et parvenaient sous ce rapport à -égaler leurs modèles. Enfin, la plupart d'entre eux étaient sortis de -la bourgeoisie, et quelques-uns même de la noblesse. Ces derniers ne -dérogeaient pas alors en montant sur les planches. Floridor, le -meilleur acteur de cette époque, était de ce nombre. Le fisc voulut -lui contester son titre, et le priver des priviléges et exemptions -qu'il tenait de sa naissance; mais la justice prononça en sa -faveur[289], et le rétablit dans ses droits, sans que pour cela il fût -obligé de renoncer au théâtre. Plus tard, Le Noir de La Thorillière -quitta la glorieuse profession des armes, et le grade de capitaine de -cavalerie, pour se faire acteur; et ce fut avec le consentement et -l'approbation du roi qu'eut lieu ce changement d'état[290]. - -Ainsi Poquelin, ce fils d'un tapissier du roi sous les Piliers des -halles[291], n'avait pas, autant qu'on l'a cru, trompé l'espoir de sa -famille en mettant de côté la soutane du séminariste[292] et la robe -d'avocat, pour devenir acteur et chef de troupe, surtout depuis que, -par la protection du prince de Conti et de MONSIEUR, il eut obtenu la -permission de s'établir dans la capitale. Sa profession ne parut -nullement incompatible avec la charge de valet de chambre du roi, -qu'il tenait de son père, et avec l'honneur qu'il avait, lorsqu'il -était de service, de faire quelquefois le lit de Sa Majesté[293]. Mais -si Molière était favorisé par l'opinion, les mÅ“urs et les besoins de -son temps[294] pour l'établissement d'un nouveau théâtre à Paris, il -trouvait de grands obstacles dans les deux autres théâtres, qui depuis -longtemps étaient en possession d'attirer la foule. Les acteurs qui y -jouaient, déjà en faveur auprès du public, avaient une grande -supériorité sur ceux du sien; aucun auteur en réputation ne voulait -consentir à confier ses pièces à ces comédiens de province, si peu -habiles. Tous moyens de succès leur étaient donc ravis, hors un seul: -le génie de celui qui était leur chef. Instruits par lui, inspirés par -lui, les camarades de Molière, médiocres dans les pièces des autres, -jouaient les siennes avec un ensemble, une verve, un naturel, qui ne -laissaient rien à désirer. Pour que la nouvelle troupe réussît et -l'emportât sur les deux autres, il fallait donc que Molière composât -des pièces pour elle, et que ces pièces fussent supérieures à celles -que l'on jouait aux autres théâtres: c'est ce qu'il fit, du moins pour -les comédies. Déjà _les Étourdis_ et _le Dépit amoureux_ avaient -commencé à attirer le public à son théâtre, et lui avaient fait -entrevoir la possibilité de réussir; lorsqu'une simple farce en prose, -en un seul acte, composée en quelques jours, dont l'intrigue ou la -conduite, misérable en elle-même, ne lui appartenait pas[295], lui -procura un succès prodigieux[296], et lui acquit tout à coup une -réputation qui ne fit que s'accroître depuis, mais que les deux -comédies en cinq actes et en vers qu'il avait déjà fait jouer -n'avaient pu lui faire obtenir. Dans cette parade bouffonne, Molière -faisait ressortir les ridicules du langage affecté et des manières -composées de la haute classe, en montrant ce qu'ils devenaient -lorsqu'ils étaient singés par la bourgeoisie et les gens de bas étage. -Ces ridicules avaient déjà été signalés, mais personne n'avait -soupçonné qu'ils fussent aussi comiques. Ces scènes sans liaison -étaient une suite de peintures admirables par cet air de vérité auquel -l'exagération même donne plus de relief; c'était une satire mordante, -spirituelle et comique des folies les plus extravagantes, et des -travers les plus saillants, de la société de cette époque. Personne ne -put s'empêcher d'en rire; les plus grandes précieuses et leurs -sectateurs s'en amusèrent comme les autres, tant était contagieuse -cette verve de gaieté qui animait les dialogues dans les endroits où -l'auteur avait placé ses traits les plus malins. «Qui ne sait pas -supporter la raillerie, dit Loménie de Brienne dans ses mémoires, ne -doit point vivre à la cour[297].» La raillerie fut à cette époque même -le sujet d'un ballet, où le roi représenta le principal -personnage[298]; la cour de Louis XIV était essentiellement railleuse -et moqueuse, et cette disposition générale des esprits contribua -beaucoup au succès de Molière et aux allures franches et hardies de -son génie. Non-seulement on ne lui en voulut point de ses piquants -sarcasmes sur les ruelles de la capitale et sur celles des provinces, -mais on lui en sut gré. C'est en vain que quelques envieux cherchèrent -à animer contre lui les courtisans, les grands seigneurs et les -grandes dames qu'il avait eu, disaient-ils, l'audace de traduire sur -le théâtre[299]; personne ne s'avisa de réclamer le privilége d'être -sot et ridicule par droit de naissance. Nous savons qu'à la réserve de -M. et de madame de Montausier, qui étaient dans leur gouvernement -d'Angoumois, toute la famille de madame de Rambouillet se trouvait à -la première représentation des _Précieuses_ de Molière; Ménage y vit -madame la marquise de Rambouillet, mademoiselle de Rambouillet, sa -fille, madame la marquise de Grignan, son autre fille, le marquis de -Grignan, son gendre, et leurs nombreux amis. Tous applaudirent à ces -réjouissantes caricatures, à ces scènes d'un comique si vrai, si -spirituel, si original surtout, et qui ne rappelaient en rien les -imitations des pièces anciennes ou des pièces espagnoles, dont on -était rassasié. On connaît le mot de Ménage et son espèce de -palinodie: «Dès cette première représentation, dit-il, on revint du -galimatias et du style forcé[300].» On connaît l'exclamation énergique -d'un vieil amateur: «Courage, Molière! voilà de la bonne comédie.» -Mais ce qui est ignoré, ce qui importe à notre objet, c'est que -probablement madame de Sévigné se trouvait aussi à cette première -représentation des _Précieuses ridicules_. Du moins est-il certain -qu'elle était alors à Paris: nous en avons la preuve par le récit de -Tallemant des Réaux sur l'affaire du marquis de Langey, dans lequel -madame de Sévigné figure au nombre des jeunes femmes vives et légères -qui ne voyaient que le côté plaisant de cette cause singulière, -devenue le sujet de tous les entretiens. Elle partageait l'attention -publique au point de faire oublier les succès prodigieux de la comédie -des _Précieuses ridicules_ et de la tragédie de _Bélisaire_ du sieur -de la Calprenède, et même les négociations de Saint-Jean du Luz[301]. -L'étrange et scandaleuse accusation d'une jeune femme contre un mari, -si opposée à la réputation d'homme à bonnes fortunes qu'il s'était -acquise, avait forcément monté toutes les conversations sur un tel ton -de licence dans l'expression, qu'on doit peu s'étonner du propos que -Tallemant des Réaux dit avoir été tenu par madame de Sévigné au -marquis de Langey[302], pour exprimer à celui-ci qu'elle ne doutait -nullement des moyens victorieux qu'il avait de gagner sa cause. - -Les vers énergiques de Boileau, l'absurde contradiction de deux -jugements contraires rendus pour et contre un seul homme, et le -plaidoyer de Lamoignon[303], amenèrent dans notre législation, à -l'égard du mariage, un changement qui, considéré sous le point de vue -religieux, n'était pas aussi fondé en raison que le pensent ceux qui -n'ont fait attention qu'aux circonstances scandaleuses de cette -affaire[304]. - - [277] BRIENNE, _Mém._, t. XXXVI, p. 244. - - [278] DESORMEAUX, _Hist. de Louis de Bourbon, second du nom, - prince de Condé_, t. IV, p. 162.--MOTTEVILLE, t. XL, p. 39. - - [279] LORET, liv. X, p. 190 (6 décembre 1659).--GUY-JOLY, _Mém._, - t. XLVII, p. 435. - - [280] _Hist. de la Mon. fr._, 1697, t. II, p. 14.--_Mém._ de - RAIS, 1836, t. I, p. 584 de la collect. Michaud. - - [281] Le 2 février 1661. Voy. LORET, liv. XI, p. 24 (_lettre_ du - 7 février). - - [282] LORET, liv. XI, p. 133-136.--LA FONTAINE, _OEuvres_, édit. - 1827, t. VI, p. 458 à 467. - - [283] LORET, _Muse historique_, liv. X, p. 23 (9 février), 28, - 31, 35, 46, 53, 68, 70, 77, 83.--BENSERADE, _OEuvres_, p. - 207.--MONTPENSIER, t. XLII, p. 407. - - [284] _Journal contenant la relation véritable du voyage du Roi - et de son Éminence_, 1659, in-4º (12 décembre 1659).--_Suite du - Journal historique du Voyage._--_Journal historique_, 3e - partie.--_Traité de paix_ en 124 articles, signé le 7 novembre - 1659; in-4º, 64 pages.--_Nouveau Journal historique, contenant la - relation véritable de ce qui s'est passé au voyage de Son - Éminence et aux cérémonies du mariage de Sa Majesté, célébrées à - Fontainebleau et à Saint-Jean de Luz_; 1660, in-4º (22 - mai).--_Nouvelle Relation contenant l'entretien et le serment des - Rois_; 1660, in-4º.--_Suite de la nouvelle Relation contenant la - marche de Leurs Majestés_; 1660, in-4º, 8 pages (avec le portrait - de Marie-Thérèse, par Larmesin).--_Relation du Retour de Leurs - Majestés jusqu'à Fontainebleau_, 8 pages.--_Le triomphe de la - France pour l'entrée royale de Leurs Majestés_; 1660, - in-4º.--_Nouvelle Relation de l'Entrée royale_, le 26 août 1660; - in-4º de 24 pages.--_La véritable Explication en prose et en vers - des figures thermes, etc._; 1660, in-4º de 20 pages. - - [285] Conférez _Lettres du cardinal_ MAZARIN, 2 vol., 1745, - in-12. - - [286] LORET, _Muse historique_, lib. X, p. 97.--MOTTEVILLE, - _Mém._, t. XL, p. 6. - - [287] CHAPUZEAU, _Hist. du Théâtre françois_, p. 139-185. - - [288] Voyez CHAPUZEAU, _Hist. du Théâtre franç._, 1674, in-12, p. - 121 et 156.--Les frères PARFAICT, _Hist. du Théâtre franç._, t. - XI, p. 284 à 326. - - [289] Frères PARFAICT, _Hist. du Théâtre franç._, t. VIII, p. 18. - - [290] _Ibid._, t. XI, p. 326.--AIMÉ MARTIN, _Hist. de la Troupe - de Molière_, dans son édition de Molière, t. I, p. CLXXXVI. - - [291] DE LA MARINIÈRE, _Estat général des officiers de la maison - du Roy_, 1660, in-8º, p. 84: «TAPISSIERS, Jean Poquelin et Jean - son fils [c'est Molière], en survivance, 300 livres.» - - [292] TALLEMANT DES RÉAUX, _Mém._, t. VI, p. 22, édit. in-8º, et - t. X, p. 51, édit. in-12.--_OEuvres de_ LA FONTAINE, t. VI, p. - 509, édit. 1823. - - [293] CHAPUZEAU, _Hist. du Théâtre franç._, 1678, in-12, p. 139. - - [294] BEAUCHAMPS, _Recherches sur les Théâtres de France_, t. - III, p. 146 et 364. - - [295] Conférez _le Cercle des Femmes, ou le Secret du lit - nuptial_, de CHAPUZEAU, 1656. - - [296] LORET, liv. X, p. 192 (6 décembre 1659). - - [297] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mém. inédits_. - - [298] _OEuvres de_ BENSERADE, t. II, p. 207. - - [299] BODEAU DE SOMAIZE, _les Véritables Précieuses_, 1660, - préface, p. 1. - - [300] _Ménagiana_, t. II, p. 65. - - [301] LORET, _Muse histor._, liv. X, p. 24, 109, 151, 297.--Les - frères PARFAICT, _Hist. du Théâtre franç._, t. VIII, p. - 297.--FRANÇOIS DE NEUFCHATEAU, _Esprit du grand Corneille_, p. - 254. - - [302] TALLEMANT DES RÉAUX, _Mémoires_, t. VI, p. 189, 195, 205 de - l'édit. in 8º, ou t. X, p. 191, 196, 207.--Extraits des - _manuscrits de Pierre le Gouz_, dans BARRIÈRE, _La cour et la - Ville sous Louis XIV et Louis XV_, p. 53. - - [303] BOILEAU, satire VIII, v. 143 à 146, t. I, p. 126, édit. de - Saint-Marc, 1747.--LORET, _Muse historique_, liv. IX, p. 199; - _ibid._, liv. X, p. 19, _lettre_ du 1er février 1659. - - [304] _Journal du Palais_, 4e édition, 1755, in-fol., t. I, p. - 780-789; LAMOIGNON, _Plaidoyer pour le Congrès_, 1680, in-18, p. - 6; BOUCHER d'ARGIS, _Principes sur la nullité du mariage pour - cause d'impuissance_, 1756, in-8º, p. 5, 63. - - - - -CHAPITRE XV. - -1661. - - Mort de Mazarin.--Une nouvelle ère commence pour la France.--La - cour ne se sépare plus.--Elle part tout entière pour - Fontainebleau.--Les divertissements sont interrompus à Paris dans - la belle saison.--Plaisirs de Fontainebleau.--Intrigues - amoureuses du roi avec mademoiselle de La Vallière;--de MADAME - avec le comte de Buckingham et le comte de Guiche;--de la - duchesse de Toscane avec le duc de Lorraine.--Les personnes qui à - Paris étaient invitées à la cour ne se trouvaient plus dans la - même position à Fontainebleau.--Elles étaient obligées dans ce - séjour à de grandes dépenses.--Madame de Sévigné se retire à sa - terre des Rochers pendant l'été.--Durant l'hiver elle participe - aux plaisirs de Paris.--Plusieurs mariages brillants y donnent - lieu à des fêtes nombreuses.--On redonne aux théâtres les - chefs-d'Å“uvre de Corneille.--Il compose la _Toison d'Or_, le - premier opéra allégorique.--Molière s'essaye dans le genre - héroïque; il y réussit peu, et revient à la comédie.--Toutes ces - pièces furent jouées successivement à Paris, à Fontainebleau, et - chez Fouquet à Vaux et à Saint-Mandé.--Madame de Sévigné, quand - elle était à Paris, était de toutes les fêtes; elle ne se trouva - point à la plus somptueuse de toutes.--Elle quitte sa terre pour - faire un voyage au mont Saint-Michel.--Ce qu'elle écrit à sa - fille trente ans après, au sujet de ce voyage.--Citation d'une - lettre d'un conseiller au parlement, au sujet de madame de - Sévigné et de sa fille, à l'époque de ce voyage. - - -Mazarin n'était plus: sa mort avait presque aussitôt suivi la paix -qu'il avait conclue, et une nouvelle ère commença pour la France[305]. -La haute société prit une nouvelle forme; elle se trouva forcée de -changer les habitudes qu'elle avait contractées depuis longtemps. -Pendant toute la durée de la guerre, une portion de ceux qui la -composaient, appelée à l'armée, que suivaient le roi, la reine mère et -son ministre, s'absentait régulièrement de Paris pendant la belle -saison; l'autre portion, au contraire, restait dans la capitale, parce -que là on se trouvait plus à portée d'être bien instruit des -événements, de communiquer avec les amis, les parents que l'on avait à -la cour, foyer ambulant de toutes les intrigues et de toutes les -ambitions. Ainsi les cercles, les divertissements n'éprouvaient point -d'interruption; et c'est alors qu'en l'absence du monarque et du -premier ministre, MADEMOISELLE, le surintendant Fouquet, ou d'autres -personnages moins considérables, étalaient le luxe de leur grande -fortune, et comblaient le vide produit par l'absence du souverain. - -Pour la première fois depuis vingt-quatre ans, cet ordre de choses fut -changé. Toute la cour partit dès le mois d'avril pour Fontainebleau, -avec les reines, le roi, et son frère MONSIEUR, qui emmenait avec lui -l'aimable fille du roi d'Angleterre, devenue sa femme. Deux reines -mères, celle de France et celle d'Angleterre; un jeune monarque; une -jeune reine déjà enceinte[306]; plusieurs princesses nouvellement -mariées; un essaim de beautés empressées à plaire; de jeunes -seigneurs, guerriers déjà illustrés par nombre d'actes de valeur; la -sécurité qu'on ressentait en voyant les Condé, les Beaufort, ces -redoutables héros de la Fronde, devenus d'assidus courtisans[307]; le -soulagement que l'on éprouvait d'être délivré d'un ministre avare, -rusé, quinteux, sous lequel on s'était vu forcé de ployer, après -l'avoir outragé et proscrit[308]; l'espérance qui surgissait de voir -appelé à lui succéder[309] ce surintendant si poli, si aimable envers -tous, si insinuant, si serviable envers la richesse, si généreux, si -prodigue même envers la haute noblesse, le talent, la faveur ou la -beauté; enfin le printemps, un ciel pur, les eaux du fleuve, les -ombrages de la forêt, tout contribua à exalter la joie générale, à -imprimer un élan vers les plaisirs, qui se manifesta avec encore plus -de force et d'éclat que dans les années précédentes. Les ballets, la -comédie, les concerts, les navigations sur le canal, les bains de -rivière, les cavalcades, les carrousels, les promenades en calèche, -les chasses, les repas en plein air, les jeux folâtres, les -mascarades, les parties nocturnes, les illuminations, les feux -d'artifice, donnèrent pendant plusieurs mois à Fontainebleau et à -toutes les campagnes des environs un aspect de fêtes toujours varié, -toujours plus ravissant[310]. Favorisées par toutes les circonstances -des lieux et des temps, les intrigues amoureuses se développèrent -rapidement parmi cette brillante jeunesse, dont la joie était exaltée -par des plaisirs sans cesse renaissants. Il semblait que la volupté -s'empressât d'entourer de ses guirlandes, et de couvrir de ses fleurs, -ce trône qu'elle se montrait jalouse de disputer à la gloire. Là se -formèrent des liaisons qui devaient tenir une si grande place dans les -événements de ce règne; là se développèrent des passions qui devaient -exercer une si puissante influence sur les mÅ“urs et les destinées du -monde[311]. L'amour du roi pour mademoiselle de La Vallière[312], -celui de MADAME pour Buckingham[313], et ensuite pour le comte de -Guiche, favori de son mari[314]; celui de la duchesse de Toscane, -fille de Gaston, pour le duc Charles de Lorraine[315], cessèrent -d'être un mystère pour des courtisans, si intéressés à pénétrer les -secrets de leurs maîtres, et empressés à justifier leurs excès par de -tels exemples. Aussi, à la réserve de la chaste épouse de Louis XIV, -asservie, ainsi que la reine sa belle-mère, à une piété sévère, il n'y -eut peut-être pas dans toute cette cour, si nombreuse en jeunes -femmes, une seule qui ne fût alors, soit pour elle-même, soit pour une -autre, engagée dans quelque intrigue amoureuse. Le récit des aventures -galantes qui eurent lieu alors, et dans cette seule saison, a rempli -plusieurs volumes, qui sont loin d'avoir épuisé la matière[316]. - -Cette translation et ce séjour du monarque à Fontainebleau -produisirent un changement dans l'existence des personnes qu'on voyait -habituellement à la cour, ou qui se trouvaient à ces divertissements -sans qu'elles fussent obligées d'y être, sans qu'elles possédassent -aucune charge ou eussent aucun emploi auprès du monarque, ou auprès -des princes. Dans la capitale, ces personnes avaient avec la cour des -points de contact et des jouissances communes à tous, par le moyen des -promenades publiques, des théâtres, et des foires, alors -très-fréquentées par la haute société. Lorsqu'elles se rendaient aux -invitations du monarque, des reines ou des ministres, pour ajouter aux -agréments ou à la pompe des ballets, des carrousels, des banquets, -elles ne changeaient en rien leur genre de vie habituel. Elles -n'abandonnaient point leurs somptueux hôtels, où plusieurs rendaient -aussi à la cour les repas et les fêtes qu'elles en avaient reçus. Ces -personnes semblaient ainsi plutôt consentir à être de la cour, que -demander à en être: elles n'aliénaient pas leur liberté, leur -indépendance. Mais, en quittant leur domicile pour se transporter à -Fontainebleau, elles se mettaient à la suite de la cour; elles -montraient l'intention de solliciter l'honneur d'y être admises, de -participer à l'éclat des fêtes qui s'y donnaient et aux plaisirs qu'on -y goûtait; elles manifestaient la volonté de parcourir la carrière -d'ambition et d'intrigues qui y était ouverte. Elles se trouvaient -alors nécessairement entraînées à supporter toutes les charges d'une -telle existence: le gros jeu, les somptueux équipages, un grand luxe -de maison, devenaient nécessaires. - -Madame de Sévigné, que l'éducation de sa fille occupait alors -fortement, était trop raisonnable, trop économe, pour se placer dans -une telle situation. D'ailleurs, tout le fracas des fêtes et des -intrigues de Fontainebleau ne convenait nullement à ses habitudes, à -ses projets, à la pureté, à la délicatesse de ses sentiments. Aussi -pendant ce temps se retira-t-elle à sa terre des Rochers. Une lettre -d'un conseiller au parlement, que nous aurons bientôt occasion de -citer, nous prouve qu'elle s'y était rendue au commencement du -printemps, et au moment même du départ de la cour pour Fontainebleau: -deux lettres d'elle, l'une à Ménage[317] et l'autre à Pomponne, nous -démontrent qu'elle s'y trouvait encore au mois d'octobre. - -Mais il est probable qu'elle séjourna dans la capitale durant l'hiver -qui précéda ce voyage de Fontainebleau, et celui qui le suivit. A la -vérité, nous n'en avons d'autre preuve que son genre de vie pendant -plusieurs des précédentes années, où nous la voyons assez empressée à -saisir les occasions de s'associer aux plaisirs de la cour. Ils furent -très-actifs et très-brillants pendant ces deux hivers, signalés par -les négociations et la conclusion de la paix, la naissance d'un -Dauphin[318]; les mariages du duc d'Anjou avec Henriette -d'Angleterre[319]; de mademoiselle d'Orléans, l'une des filles de -Gaston et de Marguerite de Lorraine[320], avec le grand-duc de -Toscane; celui de Marie de Mancini avec le connétable de Colonne[321]; -celui de sa sÅ“ur la belle Hortense avec Armand de La Porte, qui prit -le nom de duc de Mazarin[322]. Pendant l'un et l'autre carnaval, la -joie se manifesta par des actions hors de toute prudence, hors de -toute convenance. La passion pour le jeu et les mascarades alla -toujours en croissant. On risqua des sommes énormes sur une seule -carte[323]; des personnages de haute distinction coururent les rues, -déguisés en poissardes, en Scaramouches, en Trivelins[324]. Durant ces -deux années aussi, le théâtre jeta un grand éclat. Je ne veux point -parler de la magnificence des ballets royaux[325], mais de la -splendeur, bien préférable, que la scène reçut des chefs-d'Å“uvre -dramatiques qui furent représentés alors. Le génie du vieux Corneille -sembla se ranimer, et reprendre une nouvelle forme pour faire luire un -dernier rayon sur ce nouveau règne. Corneille avait donné le premier -modèle de la comédie dans le _Menteur_, composé le premier -chef-d'Å“uvre de tragédie dans le _Cid_; dans la _Toison d'Or_ il -offrit le premier l'exemple d'une pièce à machines, également propre à -être déclamée ou chantée, écrite avec noblesse, conduite avec -régularité; enfin le premier exemple d'un bon opéra. On remit aussi -alors au théâtre toutes les pièces qui avaient fait la gloire de ce -créateur de la scène française, et elles excitèrent le même -enthousiasme que dans la nouveauté. Son frère, uni avec lui d'intérêt, -de fortune et de renommée, fit une pièce de circonstance intitulée -_Camma_, dont le sujet avait été fourni par Fouquet. Le succès fut -complet. Ainsi, cette époque, favorable pour la gloire et la -prospérité de la France, le fut aussi pour son grand poëte[326]. -Molière, trop sensible aux reproches que lui faisaient ses Aristarques -et ses ennemis, de ne réussir que dans la farce, voulut habiller en -grande dame et assujettir aux belles manières sa muse joyeuse, -énergique, un peu dévergondée, mais vive, franche, naturelle, et -habituée à marcher librement et à visage découvert. Il fit _Don Garcie -de Navarre_, pièce dans le genre noble, qui n'eut point de succès et -n'en méritait pas. Mais celui qu'il obtint presque aussitôt après, par -son _École des Maris_, dut lui prouver qu'il vaut mieux supporter les -défauts de son génie que de le contraindre dans son allure. La troupe -de Molière était la troupe en vogue, celle que préféraient le monarque -et le public, parce que c'était la plus réjouissante, et la seule à -qui il fût permis de jouer les pièces de son directeur. On lui accorda -le théâtre du Palais-Royal, et elle jouait alternativement sur ce -théâtre et devant la cour, au Louvre ou à Fontainebleau, et chez -Fouquet, à Vaux ou à Saint-Mandé[327]. - -Fouquet donnait encore plus fréquemment des fêtes que dans les années -précédentes; et nous avons déjà exposé les motifs qui doivent faire -penser que madame de Sévigné se trouvait à toutes ces fêtes. Cependant -elle n'était pas présente à celle qui surpassa toutes les autres, à -celle que Louis XIV avait demandée, à celle où Molière fit jouer pour -la première fois la comédie des _Fâcheux_, à celle qui fut la dernière -où Vaux resplendit d'une magnificence toute royale, à celle qui -précéda de si peu de temps la chute du malheureux surintendant. - -Lorsque fut donnée cette fête, qui amusa tant le bon La Fontaine, et -dont il nous a laissé une si charmante description[328], madame de -Sévigné était retirée aux Rochers, car c'était l'époque où la cour se -trouvait à Fontainebleau: on était au mois d'août, et tant que dura la -belle saison madame de Sévigné ne quitta sa terre que pour faire un -petit voyage, qui ne dut pas lui coûter une bien longue absence ni lui -occasionner beaucoup de fatigue. Accompagnée de sa fille, elle se -rendit au mont Saint-Michel. L'isolement de ce mont, sur une vaste -plage couverte deux fois par jour des eaux de la mer; son double -sommet, son château, son église, son abbaye; la salle où se -rassemblaient les chevaliers de l'ordre formé sous l'invocation de -l'archange dont il porte le nom; les prisonniers d'État renfermés dans -ses sombres cachots; les superstitions, les pèlerinages dont il fut -l'objet, lui ont donné depuis longtemps une grande célébrité[329]. -Pour s'y rendre, en partant des Rochers, madame de Sévigné n'eut qu'un -trajet de quinze à dix-huit lieues à faire; et dans sa route elle -traversait Fougères, où son mari avait été gouverneur, et dont les -environs sont si riants et si fertiles. C'est à cette époque de sa vie -que madame de Sévigné faisait allusion, trente ans après, lorsqu'elle -écrivait de Dol à madame de Grignan: «Je voyais de ma chambre la mer -et le mont Saint-Michel, ce mont si orgueilleux que vous avez vu si -fier, et qui vous a vue si belle; je me suis souvenue avec tendresse -de ce voyage[330].» - -En effet, madame de Grignan, si elle avait revu le mont Saint-Michel -lorsque sa mère lui écrivait cette lettre, ne lui aurait pas trouvé un -aspect aussi imposant qu'au temps de sa jeunesse. A cette époque ses -deux cimes étaient couronnées de deux majestueuses constructions, la -plus haute par l'abbaye, la moins élevée par le château; mais ce -château avait été rasé en 1669. Ce mont Saint-Michel n'aurait pas non -plus retrouvé en 1689 madame de Grignan, âgée de quarante-trois ans, -aussi fraîche et aussi belle que mademoiselle de Sévigné l'était en -1661, quoiqu'elle n'eût à cette époque que treize ans. Sa mère ne la -flattait pas, lorsqu'elle lui disait qu'elle était alors déjà -remarquable par ses naissants attraits. Voici de quelle manière -s'exprimait, dans une lettre adressée à un ami, un conseiller au -parlement qui se trouvait à Fontainebleau le 3 novembre 1661[331]: - -«J'ai eu l'avantage d'être un mois durant voisin de madame de Sévigné, -dont la maison n'est qu'à deux lieues de nous. Cette favorable -conjoncture me l'a bien mieux fait connaître par elle-même, que par ce -grand et légitime bruit que son mérite fait dans le monde. Je ne vous -en dirai rien du tout et je vous renvoie, ou à la connaissance que -vous en avez, ou à la foi publique... Mademoiselle sa fille est une -autre merveille, dont je ne vous dirai rien non plus: - - Vous la verrez, si vous ne l'avez vue, - Vous la verrez, de mille attraits pourvue, - Briller d'un éclat sans pareil; - Et vous direz, en la voyant paraître: - C'est un soleil qui ne fait que de naître - Dans le sein d'un autre soleil. - -«Le lieu où ces déités me sont apparues est une maison située à une -lieue de Vitré, grande et belle pour ses bâtiments et ses jardins, où -madame de Sévigné passe de temps à autre quelques mois, et où, dans un -fond de province, on trouve la même politesse que dans l'Ile de -France. - -«J'ai encore à vous rendre compte du pèlerinage que j'ai fait au mont -Saint-Michel... Ce mont est une chose singulière, où il y a une fort -belle abbaye; et c'est tout vous dire que madame de Sévigné avait eu -la même curiosité huit ou dix jours avant moi, et en avait été fort -satisfaite; ce qui me donna lieu de lui en écrire, à mon retour, une -lettre que je ne mets ici que pour vous servir de description de cette -montagne.» - -L'emphatique description que l'anonyme adresse à madame de Sévigné se -termine ainsi: - - Vous l'avez vu, madame, et savez si je mens. - Vous avez triomphé de la roche superbe; - Vos beaux pieds l'ont foulée, ainsi qu'on foule l'herbe: - Elle fléchit pour vous son invincible orgueil; - Et, sentant sur sa croupe une charge si belle, - Elle vous caressa par un muet accueil; - Puis de votre départ voyant l'heure cruelle, - Dans ses concavités elle en pleura le deuil. - Elle ne le dit pas; et je le dis pour elle[332]. - - [305] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mém. inéd._, t. II, p. - 142.--MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 536.--GOURVILLE, _Mém._, - t. LII, p. 345.--LORET, liv. XII, p. 41 (_lettre_ du 13 mars - 1661).--COULANGES, _Mém._, p. 379. - - [306] LOUIS XIV, _OEuvres_, t. V, p. 8. - - [307] MOTTEVILLE, _Mém._ t. XL, p. 115. - - [308] MONGLAT, _Mém._, t. L, p. 112-114. - - [309] GUY-PATIN, _Lettres_, t. V, p. 205 (_lettre_ du 5 avril - 1661). - - [310] CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 289.--MOTTEVILLE, t. XL, p. - 111-137.--LA FAYETTE, t. LXIV, p. 145.--LORET, t. XII, p. 71 (7 - mai), p. 95 (9 janvier). - - [311] GRAMONT, _Mém._, t. LVII, p. 88. - - [312] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XL, p. 134 et 136.--LA FAYETTE, t. - LXIV, p. 397 à 402.--MONGLAT, t. LI, p. 119.--_Hist. de la Vie et - des Ouvrages de la Fontaine_, 3e édit., p. 84 à 85. - - [313] LA FAYETTE, _Mém._, t. LXIV, p. 375, 381, 391, 393. - - [314] MONTPENSIER, t. XLIII, p. 21.--MOTTEVILLE, t. XL, p. - 124.--LA FAYETTE, t. LXIV, p. 400. - - [315] CHOISY, t. LXIII, p. 237. - - [316] LA FAYETTE, _Histoire d'Henriette_, t. LXIV, p. 409, - 411.--BUSSY-RABUTIN, _Histoire amoureuse des Gaules_; - _Galanteries de la Cour de France_; _la France galante_; _Amours - des Dames illustres_. - - [317] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 58 et 60, édit. Monmerqué. - - [318] LORET, _Muse historique_, liv. XII, p. 173 (6 novembre - 1665).--MOTTEVILLE, t. XL, p. 154.--MONTPENSIER, t. XLIII, p. 21. - - [319] LORET, liv. XII, p. 55 (2 avril 1661). - - [320] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 108.--LORET, liv. XI, p. 188 (27 - novembre 1660).--LORET, liv. XII, p. 61 (23 avril 1661). - - [321] LORET, liv. XII, p. 39.--MOTTEVILLE, t. XL, p. 89 (5 mars - 1661). - - [322] LORET, _Muse historique_, t. XII, p. 39.--GUY-PATIN, - _Lettres_, t. V, p. 201.--MOTTEVILLE, t. XL, p. 89.--MONTPENSIER, - t. XLIII, p. 3. - - [323] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 333, 334, 336.--GUI-JOLY, - _Mém._, t. XLVII, p. 339. - - [324] LORET, _Muse historique_, t. XII, p. 14 (22 avril 1661). - - [325] CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 289.--LORET, _Muse histor._, - liv. XI, p. 142; liv. XII, p. 30 et 34.--BENSERADE, _OEuvres_, t. - II, p. 217, 231. - - [326] LORET, liv. XII, p. 19 et 31.--FRANÇOIS DE NEUFCHATEAU, - _Esprit du grand Corneille_, p. 265 à 281. - - [327] LORET, _Muse historique_, liv. XI, p. 170, _lettre_ du 30 - octobre 1660; liv. XII, p. 110, 129, 136, 183 et 184; _lettres_ - des 17 juin 1660, 20, 27 août et 19 novembre 1661. - - [328] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 120.--_Hist. de la Vie et des - Ouvrages de La Fontaine_, p. 74 à 91.--LA FONTAINE, _OEuvres_, - édit. 1827, t. V, p. 473. - - [329] NOUAL DE LA HOUSSAYE, _Voyage au mont Saint-Michel et à la - Roche aux Fées_, 1811, in-18.--PIGANIOL DE LA FORCE, _Nouvelle - Description de la France_, 1754, in-12, t. IX, p. 521.--Martin - ZEILLER, _Topographia Galliæ_; Francofurti, pars 8, p. 20, 1657, - in-folio. - - [330] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (en date du 9 mai 1689), t. VIII, p. - 469, édit. de Monmerqué.--_Ibid._, t. IX, p. 301, édit. de G. de - S.-Germ. - - [331] SÉVIGNÉ, t. VIII, p. 463, édit. de Monmerqué, note _a_. - - [332] SÉVIGNÉ, _Lettres_, édit. de Monmerqué, 1820, in-8º, t. - VIII, p. 463. M. Monmerqué a trouvé une copie de cette lettre - dans le ms. no 902, in-fol., t. IX, p. 484, de la Bibliothèque de - l'Arsenal. - - - - -CHAPITRE XVI. - -1661. - - Les peuples ressentent bien plus leurs maux après les dissensions - civiles que pendant qu'elles durent.--Situation de la France - après le traité des Pyrénées.--Misère du peuple.--Abus et - confusion des pouvoirs.--Vénalité, immoralité, désordre des - finances.--Craintes et regrets que cause la mort de - Mazarin.--Personne ne pouvait remplir sa place.--On redoute les - inclinations martiales de Louis XIV.--La France ressentait le - besoin de la paix.--Corneille se rend l'organe de l'opinion - publique.--Citation d'un passage de _la Toison d'Or_.--Le roi se - résout à gouverner par lui-même.--Personne ne croit que cette - résolution sera de longue durée.--Des espérances que faisaient - naître ses actes.--Madame de Sévigné croit que le cardinal de - Retz succédera au cardinal Mazarin.--Louis XIV ne rappelle point - le cardinal de Retz, et se montre aussi contraire aux jansénistes - que l'avait été Mazarin.--Arnauld d'Andilly était le seul de ce - parti qui fût aimé du roi et de la reine mère.--Madame de Sévigné - était liée avec ses deux fils, l'abbé Arnauld et Pomponne; - détails sur ce dernier.--Il était ami de Fouquet.--Pomponne ne - pouvait obtenir de l'avancement, parce qu'il appartenait à la - secte des jansénistes.--Madame de Sévigné espère que Fouquet - succédera à Mazarin.--Fouquet avait aussi cette espérance.--Le - voyage du monarque et de sa cour en Bretagne est résolu.--Madame - de Sévigné apprend dans sa terre des Rochers que Fouquet est - arrêté, et que le roi a résolu sa mort. - - -Les maux qu'amènent à leur suite la guerre civile et la guerre -étrangère ne sont jamais mieux sentis qu'après la cessation des causes -qui les produisent. Dans les temps de violentes agitations, l'esprit, -fortement préoccupé des événements, soutient les forces et le courage, -et donne l'énergie nécessaire pour supporter les plus grands revers, -les plus désastreuses calamités; mais quand le calme est rétabli, -chacun regarde autour de soi, se ressouvient avec tristesse des maux -passés, ressent avec douleur ceux qui l'affligent encore, et mesure -avec effroi, par la pensée, les malheurs dont le présent menace -l'avenir. - -Tel était le sentiment qui prévalait en France après la mort de -Mazarin. Le monarque et sa cour se plongeaient dans les plaisirs; les -courtisans, les ambitieux, les intrigants étaient pleins de joie et -d'espérance; mais le peuple était dans l'abattement, les gens de bien -et les hommes réfléchis s'abandonnaient à leurs sombres prévisions. - -Les abus dominaient partout; partout la vénalité et l'anarchie des -pouvoirs; les manufactures et le commerce languissaient; le bas -peuple, accablé d'impôts, était exposé à des vexations de toute -espèce. La noblesse, qui conférait alors les priviléges, la puissance, -l'exemption des charges publiques, était usurpée sans aucun titre, ou -acquise à prix d'argent, ou conférée gratuitement, sans aucun service. -Les juges, choisis par l'intrigue ou par la corruption, sans probité -comme sans savoir, faisaient le mal au nom des lois et avec les -formalités qu'elles prescrivent. Les fraudes et les subtilités de la -chicane étaient encouragées, et une multitude de procès interminables -dévoraient le patrimoine des familles. Dans le clergé, une licence de -mÅ“urs déplorable ou un rigorisme excessif. Les gens puissants, -habitués à arracher les grâces au pouvoir par des compromis et des -intrigues, se créaient des droits imaginaires sur tout ce qui était à -leur bienséance. Les gouverneurs des villes de guerre négligeaient de -faire exécuter les réparations les plus urgentes aux places dont la -défense leur était confiée, et ils gardaient le produit des taxes qui -leur avaient été abandonnées pour subvenir à cette dépense; puis ils -cherchaient à couvrir leurs malversations par la crainte, et -devenaient autant de petits tyrans des territoires soumis à leur -commandement. Les marches des troupes et l'indiscipline des soldats -occasionnaient des ravages continuels dans les campagnes. Les finances -étaient dans un désordre inextricable; toutes les ressources se -trouvaient épuisées. Le payement des sommes les plus légitimement dues -était suspendu ou ajourné; on manquait souvent d'argent pour les -dépenses journalières les plus urgentes, tandis que les financiers, -les gens de cours enrichis, étalaient un luxe insolent. Comme il -arrive toujours, le déréglement des mÅ“urs accompagnait le désordre de -l'État[333]. Le jeu était devenu une passion générale et -effrénée[334]; la licence et le libertinage avaient pénétré dans -toutes les classes, et profanaient par de honteux scandales -l'austérité des cloîtres[335]. - -On avait détesté Mazarin surtout à cause de son avarice, du trafic -honteux des places, des charges et des honneurs, et des immenses -revenus que lui donnaient les bénéfices ecclésiastiques et les abbayes -qu'il avait accumulés sur sa tête; mais quand il ne fut plus, on -reconnut qu'au lieu d'être la cause des calamités dont on se -plaignait, il avait cherché à les prévenir, et qu'elles étaient dues -principalement aux obstacles qu'on avait opposés à l'autorité royale, -dont il était le dépositaire. La paix, qui était son ouvrage, était le -premier pas et le plus important pour la réparation des malheurs -publics. Dès qu'on le vit exercer enfin le pouvoir sans contrôle, on -comprit que le plus sûr moyen qu'il avait de l'affermir dans ses -mains était de faire cesser les abus, de rétablir l'ordre, de -travailler sincèrement à la prospérité du royaume, de gouverner en vue -du bien public; on savait qu'il en avait la volonté, et l'on avait -commencé à s'apercevoir qu'il s'y appliquait avec succès. Ce ne fut -donc pas sans une peine profonde que ceux même qui s'étaient montrés -autrefois les plus contraires à Mazarin virent que la France venait -d'être privée d'un homme d'État capable de réparer les maux dont elle -souffrait. On s'inquiétait de voir le royaume dans une situation si -déplorable, sans une seule tête qui pût le diriger. Bien loin d'avoir -aucune confiance dans un roi si jeune, si entièrement livré à sa -passion pour les plaisirs, on redoutait ses inclinations guerrières, -et les fautes où il serait entraîné dès qu'il cesserait d'être dirigé -par la prudence d'un ministre qui avait su capter sa confiance et -résister à ses passions. On craignait l'influence qu'allait exercer -sur lui le génie belliqueux des Condé et des Turenne et de toute cette -jeune noblesse, qui ne connaissait d'autre occupation que la guerre, -qui n'avait aucun autre moyen de se rendre nécessaire[336]. Corneille -se fit généreusement l'organe de l'opinion publique à cet égard. Dans -cette même pièce de _la Toison d'Or_, qui lui avait été commandée pour -flatter le jeune monarque, il osa faire comparaître la France, -exposant elle-même, dans un dialogue avec la Victoire, les funestes -effets de la guerre et de l'indiscipline militaire. - - A vaincre tant de fois mes forces s'affaiblissent, - L'État est florissant, mais les peuples gémissent; - Leurs membres décharnés courbent sous mes hauts faits, - Et la gloire du trône accable les sujets[337]. - -Cependant, aussitôt après la mort de Mazarin, le roi avait déclaré ses -intentions de gouverner par lui-même; il travaillait en effet -exactement avec les ministres qu'il s'était choisis, mais personne ne -croyait à la constance de cette résolution[338]. Depuis la mort de -Henri IV on était habitué à voir la souveraineté ne s'exercer que par -délégation, et par l'intermédiaire des ministres. Louis XIV lui-même, -depuis sa majorité, n'avait montré ni les désirs ni les dispositions -propres à changer cet état de choses. On l'avait vu si fortement -enclin à l'amour, si occupé à jouir des avantages et des priviléges de -la royauté, qu'on ne pouvait penser qu'il voulût jamais consentir à en -accepter les charges, ni qu'il lui fût possible de s'astreindre à la -contention d'esprit et à l'ennui journalier qu'entraîne le détail -d'affaires difficiles et compliquées, dont la décision seule devait -consumer la plus grande partie des heures qu'il était habitué à donner -à la chasse, aux ballets, aux carrousels, aux conversations galantes. -Aussi son changement de vie, la fermeté de ses volontés, l'application -qu'il mettait à s'instruire sur toutes les parties du gouvernement, ne -produisirent aucun changement sur l'opinion qu'on s'était formée de -lui: on attribuait sa conduite à une sorte de présomption orgueilleuse -et au plaisir que sa vanité lui faisait éprouver d'exercer une -autorité dont il avait été si longtemps privé. On s'attendait de jour -en jour à voir cesser cette ardeur de jeune homme; on croyait qu'il -se lasserait bientôt de vouloir faire le capable, comme le disait sa -mère; et qu'il ne tarderait pas à se décharger sur un premier ministre -d'un fardeau beaucoup trop pesant pour ses mains jeunes et -inexpérimentées. On ne savait pas que Mazarin depuis longtemps avait -pris la peine d'exposer lui-même au jeune monarque toutes les affaires -difficiles, et de lui communiquer les motifs des décisions; qu'il -l'initiait à tous les secrets de sa politique; qu'il l'engageait sans -cesse à vouloir s'appliquer aux détails de la haute administration; -qu'il lui répétait: «qu'il n'avait besoin que de vouloir pour devenir -le plus glorieux roi qui eût jamais existé[339].» Comme Louis XIV -avait assez de jugement pour reconnaître la supériorité de son -ministre, et qu'il le laissait agir, ou avait conçu une faible idée de -sa capacité. Cependant Mazarin avait déclaré «qu'on ne le connaissait -pas, et qu'il y avait en lui de l'étoffe pour faire quatre rois et un -honnête homme[340].» - -Mais, dans l'ignorance où l'on était à cet égard, on blâmait ou on -approuvait le gouvernement, selon les espérances que ses actes -faisaient naître de voir la place de Mazarin occupée par celui que les -vÅ“ux et les prédilections de chacun y appelaient. - -Madame de Sévigné, dont les amitiés étaient franches, vives et -constantes, n'était pas entièrement désintéressée à cet égard. Après -la mort du premier ministre, la noblesse s'était flattée d'y voir -arriver le maréchal de Villeroi ou le grand Condé[341]; mais lorsqu'on -vit que ni l'un ni l'autre n'était admis au conseil, on prêta au roi -un autre projet, et le bruit courut que le cardinal de Retz allait -prendre le timon des affaires. Il avait de nombreux amis; il était le -seul des ennemis de Mazarin que ce ministre eût paru redouter, le seul -qu'il eût persécuté jusqu'à la fin. L'intérêt que l'on portait à cet -illustre exilé s'augmentait encore de toute l'aversion qu'avait fait -naître son heureux rival; et si Retz, après avoir été si longtemps en -butte à une injuste animadversion, ne redevenait pas sur-le-champ en -faveur, si le besoin qu'on avait de ses talents ne le faisait pas -nommer ministre, du moins on ne doutait pas que comme archevêque de -Paris on ne se hâtât de le rappeler, afin de rétablir la paix et le -bon ordre dans l'administration ecclésiastique du premier diocèse du -royaume. - -On se trompait; le roi se montra encore plus que Mazarin opposé à -Retz, à ses amis les jansénistes, dont les opinions, depuis la -publication des lettres de Pascal, faisaient cependant chaque jour des -progrès parmi ce qu'il y avait de plus recommandable et de plus -estimable dans la haute société. Un des plus fervents de la secte, un -des frères de l'intraitable docteur Arnauld, avait, ainsi que nous -l'avons dit, conservé l'affection particulière de Louis XIV et de la -reine mère. Il la devait aux services qu'il avait rendus à l'État -pendant sa longue vie politique; au respect qu'inspirait son âge, aux -ouvrages par lesquels il avait honoré et illustré sa laborieuse -retraite; à cette aménité de caractère, à ces formes flatteuses et -polies qu'un long usage de la cour et du grand monde lui avait -données. Un savant, un sage, un saint octogénaire, avec le doux -langage et les manières gracieuses d'un courtisan, voilà ce qu'était -Arnauld d'Andilly. - -Un de ses fils, Simon de Pomponne, par son esprit, son aptitude aux -affaires, paraissait destiné à le reproduire. Comme son frère aîné, -l'abbé Arnauld, dont nous avons parié précédemment, Pomponne était au -nombre des amis les plus intimes de madame de Sévigné. Elle avait eu -occasion de le connaître et de le voir souvent dans sa jeunesse à -l'hôtel de Rambouillet, où il était admis, et chez la princesse -Palatine, ainsi que chez madame du Plessis Guénégaud[342]. L'intimité -de Pomponne et de madame de Sévigné s'était accrue par les sentiments -d'amitié et de reconnaissance qui les unissaient tous deux à Fouquet. -Simon de Pomponne, d'abord nommé intendant à Casal, en 1642, avait -obtenu deux ans après d'être admis dans les conseils du roi. Il fut -successivement chargé des négociations de Piémont et du Montferrat, et -de l'intendance des armées de Naples et de Catalogne; mais lorsqu'en -1649 il demanda le consentement royal pour la charge de chancelier du -duc d'Anjou, il lui fut refusé. Malgré l'appui de Fabert et les -sollicitations de ses nombreux et puissants amis, Pomponne ne put -vaincre la résistance de Mazarin, qui lui opposa toujours, comme un -obstacle insurmontable pour un tel emploi, les opinions religieuses -professées par son père et par toute sa famille[343]. Par les mêmes -motifs, le roi, depuis la mort du premier ministre, malgré l'estime -qu'il avait conçue pour Pomponne, malgré la bonne opinion qu'il avait -de ses talents, s'abstenait de lui donner de l'avancement. - -Madame du Sévigné se trouvait donc contrariée et affligée de voir -s'évanouir les espérances que la mort de Mazarin lui avait fait -concevoir pour l'élévation du cardinal de Retz et de ses autres amis; -surtout sachant que la cause des empêchements qu'ils éprouvaient était -due à ces opinions religieuses qui lui étaient communes avec tous ceux -qu'elle aimait et qu'elle estimait le plus. D'un autre côté, l'amitié, -mêlée d'amoureuse tendresse, qu'avait pour elle le surintendant, lui -donnait lieu de croire que les changements nécessités par la perte du -premier ministre seraient utiles à tous ceux qu'elle voudrait -protéger, et par suite à l'établissement de ses enfants, surtout de sa -fille, qui déjà commençait à être l'objet de ses pensées principales -et de ses plus chères affections. Elle avait écrit au surintendant à -l'occasion des affaires et du mariage de son cousin germain M. le -marquis de la Trousse[344]; et si Fouquet cherchait à prolonger ce -commerce de lettres au delà de ce qui était nécessaire, c'est qu'il -est présumable que madame de Sévigné ne désirait pas qu'il cessât, et -qu'elle sut y répandre ce charme et ces agréments qui naissaient sans -effort sous sa plume. - -Des trois ministres que Louis XIV avait choisis, Lyonne, Le Tellier et -Fouquet, ce dernier était le seul qu'on croyait digne d'occuper la -place de premier ministre. A la cour et dans tout le royaume, il -comptait autant d'amis et de partisans que Mazarin avait eu d'ennemis -ou d'antagonistes déclarés ou cachés. Fouquet était personnellement -aimé et protégé par la reine mère; le roi semblait se plaire à -travailler avec lui, et lui confiait les affaires les plus secrètes. -Jamais il ne lui refusait d'audiences particulières lorsqu'il lui en -demandait, et il lui en demandait souvent[345]. Aussi, lorsqu'on sut -que Fouquet, afin d'être compris dans la promotion des chevaliers de -l'Ordre qui allait avoir lieu, venait de vendre sa charge de procureur -général, et que par son conseil toute la cour allait faire le voyage -de Nantes pour la tenue des états de Bretagne, on ne douta pas qu'il -ne fût arrivé au plus haut degré de la faveur, et qu'il ne devint -très-prochainement premier ministre[346]. - -Madame de Sévigné, alors aux Rochers, crut que les espérances qu'elle -avait conçues étaient au moment de se réaliser. Madame de La Fayette -et ses autres correspondances de Paris la confirmaient dans sa -croyance, en lui annonçant que le roi allait bientôt se rendre, avec -ses ministres, en Bretagne. Dans son château, peu éloigné de Nantes, -madame de Sévigné attendait avec une agréable anxiété les nouvelles -qui devaient lui arriver de cette ville. Elles arrivèrent en effet, -mais elles lui apprirent que le surintendant était enfermé dans une -étroite prison; que le roi, furieux contre lui, voulait sa mort; que -tous ses affidés étaient arrêtés ou en fuite, tous ses amis dans la -stupeur; que les scellés allaient être apposés sur tous ses papiers; -que Pellisson, son premier commis, était conduit à la Bastille[347]. - - [333] LOUIS XIV, _Mémoires historiques, OEuvres_, t. I, p. 9 à - 57. - - [334] GOURVILLE, t. LII, p. 331, 332, 334.--GRAMONT, _Mémoires_, - t. LVII, p. 89. - - [335] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 480. - - [336] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 426. - - [337] _La Toison d'Or_, prologue, scène 1, vers 30-23, _Théâtre - de_ PIERRE CORNEILLE, revu et corrigé par l'auteur, 1692, in-12, - t. IV, p. 246. - - [338] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mém. inéd._; t. II, p. 156, 157; - CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 209, 211, 223. - - [339] MAZARIN, _Lettres_, 1745, in-12, t. I, p. 2, 15, 27 - (_lettres au Roi_, des 29, 30 juin et 2 juillet 1659). - - [340] CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 192. - - [341] DESORMEAUX, _Hist. de Condé_, t. IV, p. 189.--MONGLAT, t. - LI. - - [342] _Recueil de quelques Pièces nouvelles et galantes_, - Cologne, Pierre Marteau, 1667, 2e partie, p. 79 à 80.--MONMERQUÉ, - _Biographie universelle_, t. XXXV, p. 32, article _Pomponne_. - - [343] _Lettres et pièces tirées des manuscrits de_ POMPONNE, à la - suite des _Mémoires de Coulanges_; Paris, J.-J. Blaise, 1820, p. - 376. - - [344] SÉVIGNÉ, t. I, _Lettres_, p. 59 (_lettre_ en date du 11 - octobre 1661). - - [345] Louis XIV, _Instructions au Dauphin_, t. I, p. 103 des - _OEuvres_ (année 1661). - - [346] CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 111. - - [347] LA FONTAINE, _lettre_ à de Maucroix, _OEuvres_, t. VI, p. - 484.--LORET, liv. XII, p. 142, 143 et 154.--RACINE, _Fragments - historiques_, dans les _Mémoires sur la Vie de J. Racine_, 1747, - in-12, part. 2, p. 22. - - - - -CHAPITRE XVII. - -1661. - - Aveux qu'a faits Louis XIV sur l'arrestation et le procès de - Fouquet.--Cet événement mal jugé par les historiens.--Ce fut la - fin du ministérialisme.--De la connaissance approfondie de - l'affaire de Fouquet dépend l'intelligence complète du règne de - Louis XIV.--Nomination de Fouquet à la surintendance des finances - avec Servien.--Fouquet reste le seul surintendant.--Fonctions et - attributions d'un surintendant.--Ordre qui était établi dans les - finances.--Trois trésoreries de l'épargne.--Contrôleur ou teneur - du registre des fonds.--Ordonnances de payement.--Billets de - l'épargne.--Assignations et réassignations.--De quelle manière - s'y prenaient les financiers et les traitants pour s'enrichir aux - dépens de l'État et des particuliers.--Lorsque Fouquet parvint - aux finances, il n'y avait ni crédit ni ressources.--Il emprunte - sur son crédit.--Subvient à toutes les dépenses.--Fait - disparaître tout contrôle.--Le désordre se met dans la - comptabilité.--Fouquet lui-même ne connaît pas sa position; mais - il est le seul maître des revenus de l'État.--Dispose d'énormes - richesses.--Fait bâtir des palais.--Étale le luxe le plus - prodigieux.--Fait des pensions aux hommes puissants.--Rivalise en - influence Mazarin.--Colbert signale dans un mémoire ses - malversations, et dresse un plan pour le perdre.--Fouquet - intercepte la lettre.--Emploi qu'il fait de la connaissance de ce - secret pour se maintenir.--Mazarin, ayant besoin d'argent pour - conclure la paix, écrit à Colbert de se raccommoder avec - Fouquet.--Ce que Colbert lui répond.--Défiance du surintendant - depuis cette époque.--Il fortifie Belle-Isle.--Projet de - résistance mis sur le papier, et retrouvé derrière une glace à - Saint-Mandé.--Mazarin connaissait les grands talents de Fouquet, - et ne voulait pas en priver son roi.--Comparaison de Mazarin et - de Richelieu, de Louis XIII et de Louis XIV.--Richelieu força le - roi à supporter son joug, Mazarin fit aimer le - sien.--Instructions que Mazarin donne à Louis XIV, et comment il - lui apprit à régner.--Aveux et recommandations de Mazarin à - Louis XIV.--Position à l'égard de son roi, différente de celle de - Richelieu.--Mazarin était moins le dominateur du monarque que son - tuteur et son protecteur.--Tout le gouvernement, toute la cour - étaient en lui.--Louis XIV, plein de reconnaissance pour Mazarin, - accomplit toutes ses volontés, et suit tous ses - conseils.--Mazarin avait conseillé à Louis XIV d'employer - Fouquet.--Colbert est nommé pour tenir le livre des fonds.--Le - roi déclare à Fouquet qu'il veut être instruit exactement sur ses - finances.--Fouquet présente au roi des comptes simulés.--Il est - démasqué secrètement par Colbert.--Le roi, s'apercevant de son - système de déception, est résolu à le perdre.--Il dissimule avec - lui.--Précautions qu'il avait à prendre.--Louis XIV se décide à - différer l'arrestation de Fouquet. - - -Dans ses admirables _Instructions au Dauphin_, Louis XIV a dit que de -toutes les affaires qu'il avait eues à traiter, l'arrestation et le -procès du surintendant était celle qui lui avait fait le plus de peine -et causé le plus d'embarras[348]. Et cependant les historiens n'en -parlent que brièvement, et s'étonnent que le roi ait déployé dans -cette circonstance un appareil de puissance tout à fait inutile; qu'il -ait usé d'une dissimulation peu digne de la majesté royale. C'est que -jusque ici on a considéré la chute de Fouquet plutôt comme un incident -que comme un événement grave; on n'y a vu qu'un acte violent de -despotisme envers un homme auquel ses grandes qualités personnelles, -les amis qu'il s'était faits dans la prospérité, le courage qu'il a -montré dans l'adversité, ont attaché un intérêt puissant. - -Il y a tout autre chose dans le procès de Fouquet. Par les résultats -qui en devaient être la suite, ce ne fut pas seulement un mémorable -exemple des revers de la fortune donné par la chute d'un ministre; ce -fut une véritable révolution, ce fut l'anéantissement du -ministérialisme en France et le rétablissement de l'autorité royale -dans toute sa plénitude. Ce fut la chute d'un gouvernement qui depuis -plus d'un demi-siècle ne put jamais s'établir et se maintenir qu'en -s'appuyant sur l'oligarchie nobiliaire, ou sur le frêle soutien de la -faveur, que les courtisans et les familiers travaillaient toujours à -lui enlever; consumant ainsi en efforts pour son existence les forces -dont il avait besoin pour agir; faisant souvent le mal sans volonté, -et renonçant au bien par impuissance. L'anéantissement de ce pouvoir, -superposé à la couronne, concentra l'autorité dans le monarque seul, -dont le droit et la puissance étaient hors de toute contestation, et -qui loin d'avoir dans ses propres agents des ennemis, qui s'opposaient -à lui ou cherchaient à le renverser, n'y trouvait plus que des -instruments dociles, empressés, dévoués, qu'il pouvait déplacer, -écarter, briser, selon qu'il le jugeait utile ou convenable à ses -desseins. Alors on eut en France un roi et un gouvernement fort; c'est -ce qu'on n'y avait pas vu depuis Henri IV. Mais rien ne nous montre -mieux la fermeté, l'habileté et les lumières qui étaient nécessaires -dans le souverain pour fonder ce gouvernement, que le procès de -Fouquet. L'intelligence complète du règne de Louis XIV et du caractère -de ce monarque dépend de la connaissance exacte de la situation des -affaires lorsqu'il commença à gouverner par lui-même. On ne peut -l'acquérir qu'en se faisant une idée précise de l'administration du -surintendant, et en recherchant avec soin toutes les causes qui ont -préparé sa chute, toutes les circonstances qui l'ont hâtée et -aggravée. - -Nous avons déjà dit comment, en 1652, Fouquet, d'abord accolé à -Servien, était devenu, par le fait, le seul surintendant des -finances, quoique les lettres patentes qui le reconnaissent comme tel -ne lui aient été délivrées qu'en 1659, après la mort de son -collègue[349]. Mais pour concevoir de quelle manière Fouquet, par le -moyen de cette charge, qui ne lui conférait aucune part à la direction -du gouvernement, put acquérir une puissance qui rivalisait avec celle -du premier ministre, il est nécessaire de faire connaître quelle était -à cette époque l'organisation des finances en France, et surtout le -mode de comptabilité du trésor public ou de l'épargne, comme on disait -alors. - -Un surintendant général des finances n'était point un comptable, mais -un ordonnateur. Il ne recevait aucun fonds, ne dépensait aucune somme; -mais il ordonnançait toutes les recettes et toutes les dépenses. Il -n'était point justiciable des cours souveraines sagement instituées -pour examiner, juger et arrêter les comptes de tous les comptables -publics; il ne devait justifier de sa gestion qu'au roi. Le -surintendant général n'était astreint dans sa gestion à aucune loi, à -aucune règle particulière, qu'à celles qu'il plaisait au roi de lui -imposer. Le compte qu'il rendait était un compte de clerc à maître, un -compte de conscience[350]. - -Cependant il ne faut pas croire que les finances du royaume et la -gestion du surintendant fussent sans contrôle. Ce contrôle se trouvait -dans les comptes des trésoriers de l'épargne, et dans la tenue du -registre des fonds. Il y avait trois trésoriers de l'épargne, qui -géraient à tour de rôle pendant un an, et qui rendaient leurs comptes -à la cour des comptes séparément, et par exercice. Aucune somme ne -pouvait être reçue ou payée pour le roi ou pour l'État, ou par le roi -et par l'État, sans qu'il en fût fait écriture sur les registres du -trésor de l'épargne. Ce trésorier ne recevait et ne payait que d'après -les ordonnances du surintendant; ses registres ne faisaient connaître -que la date de ces ordonnances, et les différends fonds sur lesquels -elles étaient assignées. Mais près de lui se trouvait celui qui était -chargé de tenir le registre des fonds sur lequel étaient enregistrées -jour par jour toutes les sommes versées à l'épargne ou payées par -elle, en vertu de toutes les ordonnances de recettes et de dépenses, -avec les origines et les motifs de toutes ces ordonnances, ou de tous -les payements et de tous les versements. Ce registre des fonds n'était -point produit à la cour des comptes; il restait secret entre le roi et -le surintendant. Les ordonnances de ce dernier étaient les seules -pièces que les trésoriers de l'épargne eussent à produire pour la -régularisation de leurs comptes, et le registre des fonds servait en -même temps à contrôler leur gestion et celle du surintendant. Le -teneur du registre des fonds et les trois trésoriers de l'épargne -étaient nommés par le roi, et par conséquent indépendants du -surintendant. - -Rien ne semblait mieux imaginé pour que le roi ou son gouvernement, -sans être gêné par la cour des comptes dans l'emploi des revenus de -l'État, sans lui révéler des secrets qu'elle ne devait pas connaître, -pût la faire servir à faire régner l'ordre dans les finances; et aucun -moyen ne paraissait plus simple, ni plus propre à se garantir des -inconvénients qui pouvaient résulter, dans la comptabilité, de la -négligence ou de l'erreur, ou à prévenir les abus, plus grands encore, -de la collusion et de l'improbité. Il est vrai que si cet ordre de -choses eût été maintenu, toute confusion eût été impossible; et -quelque multipliés, quelques compliqués que fussent d'ailleurs les -comptes particuliers, quelque nombreuses que fussent les différentes -espèces de dépenses et les diverses natures de recettes, le souverain -eût toujours pu connaître l'état au vrai de ses finances, la grandeur -de ses charges et l'étendue de ses ressources. Mais ce n'était pas là -ce que voulaient les financiers. Examinons comment ils parvinrent à -échapper aux entraves qu'on avait mises à leurs fraudes et à leur -rapacité. - -Toute ordonnance de payement, ou commandement fait à un trésorier de -l'épargne de payer une somme au nom du roi ou de son conseil, devait -être signée ou contre-signée par le surintendant. Mais cela ne -suffisait pas encore pour qu'elle pût être payée. Dans cet état, une -ordonnance de payement n'était qu'une reconnaissance de la dette, -qu'un ordre général portant que telle dépense était faite; elle devait -être soldée par l'épargne. Pour que l'argent fût délivré à la personne -ainsi reconnue créancière de l'État, il fallait encore qu'il fût mis -au bas de cette ordonnance un ordre particulier du surintendant, qui -assignait sur un fonds spécial[351] le payement de la somme qui y -était mentionnée. Le trésorier de l'épargne ne pouvait et ne devait -vous payer qu'autant qu'il avait des valeurs appartenant au fonds sur -lequel le payement de l'ordonnance était assigné; et comme il n'en -avait presque jamais, vu les retards qui avaient lieu dans la -perception des diverses branches de revenu public, au lieu d'argent -il donnait en échange de l'ordonnance un billet de l'épargne, qui -était une sorte de mandat sur le traitant, le fermier de l'impôt, ou -tel autre débiteur, envers l'épargne, du fonds sur lequel le payement -de l'ordonnance était assigné. Par ce mandat, le trésorier de -l'épargne déclarait qu'il tiendrait compte à celui-ci de la somme -payée par lui sur le fonds qui se trouvait désigné, et qu'on lui en -fournirait quittance. - -Pour la facilité des affaires et des payements, on subdivisait le plus -souvent le montant d'une même ordonnance en plusieurs billets de -l'épargne; et comme il y avait plusieurs espèces de fonds ou plusieurs -sources de revenus publics, il y avait aussi plusieurs espèces de -billets de l'épargne. Par la même raison, ainsi qu'il y avait des -revenus ou des fonds encore intacts, ou dont les rentrées étaient -certaines et prochaines au moment de l'émission des billets qui les -concernaient, on en trouvait d'autres dont les rentrées étaient -incertaines et éloignées; d'autres qui se trouvaient entièrement -épuisés, sans qu'on pût en avoir la preuve qu'au moment de la -reddition du compte. Il en résultait qu'il y avait des billets de -l'épargne dont la valeur était au pair avec l'argent; d'autres, plus -ou moins au-dessous du pair; d'autres, absolument sans valeur, quoique -cependant tous ces billets, et les ordonnances qu'ils représentaient, -émanassent des mêmes autorités, fussent revêtus des mêmes signatures. -Mais les billets sans valeur pouvaient redevenir tout à coup -supérieurs à ceux dont la valeur était incertaine; et voici comment: - -On assignait souvent, par erreur ou autrement, des ordonnances dont le -montant total était quelquefois le triple et le quadruple du fonds qui -devait les acquitter; cela donnait lieu à ce qu'on appelait une -réassignation de billet, c'est-à -dire à un second ordre de payer tel -ou tel billet sur un autre fonds que celui qui était mentionné dans -l'ordonnance. Cette réassignation pouvait être faite sur un fonds du -même exercice, ou, comme on disait, d'une même épargne; alors cette -réassignation se mettait tout simplement au pied du billet. Mais si -cet exercice était terminé, et qu'il fallût réassigner sur un autre -exercice, c'est-à -dire faire peser le billet sur le compte d'un autre -trésorier, il était nécessaire de rendre une ordonnance de comptant ou -de remise. Cette ordonnance de comptant ou de remise se trouvant -séparée du billet pour lequel elle avait été obtenue, il était facile -de l'annexer à un autre billet, et de changer ainsi un papier d'une -valeur incertaine ou nulle, en un autre dont la réalisation -n'éprouvait aucun retard[352]. On comprend ainsi sans peine de quelle -manière les ordonnances de payement se trouvant morcelées en un grand -nombre de billets assignés sur des fonds différents de leur mandat -primitif, puis réassignés sur d'autres fonds, et brisés en plusieurs -exercices, payés souvent sur des ordonnances de comptant qui ne leur -appartenaient pas, finissaient par former dans la comptabilité une -complication que pouvaient seuls démêler le surintendant, les -trésoriers de l'épargne et les traitants qui en étaient les auteurs. -On voit aussi pourquoi la finance était devenue un arcane, une science -secrète, dont la connaissance était réservée à une certaine classe de -personnes; pourquoi les financiers formaient en quelque sorte une -classe à part, et peu estimée. Les profits que les trésoriers de -l'épargne pouvaient faire par leur collusion avec les fermiers des -impôts étaient énormes, puisque les uns pouvaient payer les -ordonnances et les autres les taxes, avec des billets qui entre leurs -mains étaient évalués au pair, et qui en d'autres mains, même celles -des détenteurs primitifs, des ayant-droit, des créanciers légitimes, -pouvaient être dépréciés au tiers, au quart, au dixième de leur -valeur, ou même réduits à rien. Car lorsque les billets de l'épargne -avaient vieilli, et qu'on avait laissé passer un trop grand nombre -d'exercices sans les réassigner, leur réassignation devenait de plus -en plus difficile à obtenir. Les billets récents, qui représentaient -les besoins du moment, les dépenses courantes, obtenaient la -préférence sur les anciens, considérés comme une dette surannée; et si -ceux-ci n'étaient pas annulés légalement par un arrêt de déchéance, -ils l'étaient de fait par le refus absolu de réassignation. On imagine -facilement combien, dans un tel état de choses, un surintendant peu -scrupuleux avait de moyens de s'enrichir et de dilapider la fortune -publique; lui, qui était maître d'assigner les payements sur telles -espèces de fonds qu'il lui plairait de choisir, d'accorder ou de -refuser les assignations ou les réassignations, de faire ou de ne pas -faire des ordonnances de remises; lui, chargé de passer les baux avec -les fermiers des impôts; lui, qui pouvait autoriser un débiteur de -l'épargne à retarder ou à anticiper les termes de ses payements; lui, -enfin, qui, par l'autorité de sa charge, avait le pouvoir de -surveiller, de corriger tous les abus, et qui pouvait prendre de -telles mesures qu'aucun agent des finances ne pût faire de gains -illicites sans qu'il lui en revînt la plus forte part. Plus la pénurie -du trésor était grande, plus il était facile à un surintendant de -malverser, plus il devenait difficile de le convaincre de -malversation. - -A cet égard Fouquet se trouva dès son début dans la position la plus -favorable lorsqu'il fut nommé surintendant. Le maréchal de la -Meilleraye, qui avait dirigé les finances, venait de faire une -véritable banqueroute en donnant en payement à tous les créanciers de -l'État des billets de l'épargne assignés sur des fonds depuis -longtemps épuisés. Nonobstant le discrédit complet produit par une -mesure aussi déloyale, Fouquet trouva encore des ressources pour -toutes les dépenses. Il emprunta sur son crédit propre, sur celui de -ses amis, et prêta ensuite à l'épargne, mais à des intérêts -considérables. Les traités qu'il conclut comme surintendant des -Finances furent approuvés par le roi, c'est-à -dire par Mazarin: la -nécessité le voulut ainsi. Mais les intérêts stipulés, quoiqu'ils -fussent au moins de douze pour cent, et allassent même jusqu'à -dix-huit, n'étaient pas les seuls profits de ceux qui s'engageaient -avec Fouquet dans les affaires du gouvernement. Avant de traiter ils -avaient soin d'acheter communément au denier dix, et souvent à moins, -un certain nombre des billets de l'épargne émis par le maréchal de la -Meilleraye; et ils stipulaient, dans les conditions de l'emprunt qui -leur était fait, qu'outre l'intérêt convenu, les billets de l'épargne -dont ils étaient porteurs seraient réassignés par des ordonnances de -comptant; et par le moyen de cette réassignation, faite de concert -avec les trésoriers sur des fonds disponibles, ils parvenaient à -obtenir le payement intégral de ces ordonnances[353]. Cela leur était -d'autant plus facile que la plupart de ces prêteurs étaient devenus -aussi, par le moyen du surintendant, les fermiers des impôts. Ils se -payaient par leurs mains, au fur et à mesure des rentrées; -c'est-à -dire qu'ils donnaient en payement de leurs engagements envers -l'épargne ces mêmes billets de l'épargne qu'ils avaient achetés à vil -prix et fait réassigner[354]. - -Ce n'était pas encore tout. Les lois et les ordonnances royales, qui -en tenaient lieu, ne permettaient pas à l'État d'emprunter à un taux -plus élevé que le denier dix-huit, ou à cinq cinq-neuvièmes pour cent. -Les cours souveraines chargées de la vérification des comptes ne -pouvaient donc admettre un taux plus fort; mais comme l'intérêt qu'on -était obligé de subir était le double et le triple de l'intérêt légal, -les prêteurs faisaient sur les sommes qu'ils versaient à l'épargne la -retenue de la différence, et on leur donnait quittance de la somme -entière stipulée dans leurs engagements, sans faire mention de cette -retenue; puis on faisait des ordonnances, qu'on appelait _ordonnances -de fonds_, qui assignaient sur un fonds effectif ou imaginaire, au -profit de gens inconnus ou supposés, le payement de la différence -entre le taux légal et le taux réel de l'emprunt. Ces ordonnances, -délivrées par le conseil des finances, contre-signées par le -surintendant, servaient aux trésoriers de l'épargne à régulariser leur -comptabilité. Il fallait bien, pour couvrir leur responsabilité, avoir -recours à de fausses écritures en recettes et en dépenses. Les -ordonnances de fonds faites au nom du roi et de son conseil opéraient -une simulation qui mettait les traitants à l'abri de toute -recherche[355]. Ces ordonnances de fonds en valeurs fictives étaient -cependant, comme les autres, scindées et converties en billets de -l'épargne, selon que cela était nécessaire pour la commodité du -service et la régularisation des écritures sur les différents fonds. -Souvent le traité qui avait donné lieu à une ordonnance était révoqué. -Alors les billets qu'on avait faits en exécution de cette même -ordonnance devaient être rapportés, et biffés par le surintendant et -ceux du conseil du roi qui avaient signé la première ordonnance, et -qui signaient également l'ordonnance de révocation. Ces billets, lors -même qu'ils n'étaient point biffés, se trouvaient nuls de droit; et de -là on prenait occasion de négliger de les biffer et de les annuler. -Mais comme ils pouvaient être séparés de fait des ordonnances qui les -avaient autorisés, et se trouvaient sous la forme de billets de -l'épargne, on parvenait, par des assignations et des réassignations, à -déguiser entièrement leur origine, et à convertir en valeurs réelles -des valeurs primitivement fictives, mais qui n'étaient plus même alors -des valeurs fictives, qui n'étaient plus rien. Ainsi, on faisait payer -deux fois à l'État une différence d'intérêt déjà si énormément -usuraire. - -Celui qui tenait le registre des fonds, obligé de coucher sur ce -registre le détail de toutes les opérations financières, de décharger -ce même registre des traités annulés, des billets qui en étaient -provenus, aurait pu, par l'utilité de son contrôle, mettre obstacle à -d'aussi énormes dilapidations; mais ce registre, soit par l'influence -de Fouquet, soit par négligence, soit par impéritie, ne fut pas tenu -avec exactitude[356]. Cependant la comptabilité de l'épargne, tout -imparfaite, toute sommaire qu'elle était, aurait pu jeter quelque jour -sur ces désastreuses opérations, et empêcher qu'on ne s'y livrât avec -autant d'audace et d'impudeur; mais ce contrôle, si faible, si -insuffisant, fut anéanti par Fouquet, non pas peut-être de dessein -prémédité, mais par suite de l'exigence et de l'entraînement des -affaires. - -En effet, quand il parvint aux finances, il n'y avait rien dans -l'épargne. Par la seule confiance qu'on avait dans ses talents, dans -sa loyauté, dans sa sincérité, dans sa fidélité à remplir ses -engagements, il trouva les fonds dont on avait besoin. Plusieurs -d'entre ses prêteurs étaient aussi, comme lui, des centres de crédit, -et eurent pour plus grande sûreté les impôts ou les branches de -revenus publics, qu'il leur délégua en sa qualité de surintendant; -d'autres devinrent les principaux gérants de sa vaste administration. -Tous avaient sa garantie personnelle pour les engagements contractés -envers l'État; c'était à lui qu'on prêtait, à lui que les prêteurs -avaient affaire: c'était donc en quelque sorte lui qui prêtait à -l'État; c'est à lui seul que le roi ou son gouvernement était -redevable[357]. Comme les besoins d'argent étaient souvent pressants, -instantanés, les sommes qu'on se procurait par son moyen étaient -remises à Mazarin ou aux chefs de service, directement par les commis -ou les caissiers du surintendant, et pour son propre compte[358]. Le -surintendant faisait ensuite des ordonnances pour se rembourser, et se -payait par les billets de l'épargne faits en vertu de ces ordonnances. -Ces billets étaient acquittés au fur et à mesure de la rentrée des -impôts ou des différentes branches de revenus publics sur lesquels le -payement en était assigné; et, pour éviter tout retard, ces sommes -étaient versées directement dans les caisses du surintendant; de sorte -que, selon l'expression de cette époque, l'épargne se faisait chez -lui, c'est-à -dire que la comptabilité de l'État se trouvait confondue -avec sa comptabilité personnelle, et celle du trésor public devenait -celle de sa caisse particulière. Il était à la fois ordonnateur, -receveur et payeur. Les trésoriers de l'épargne, qui étaient parents -ou amis de Fouquet, et associés à ses immenses opérations, recevaient -de lui les ordonnances et les billets acquittés: ils les -enregistraient avec exactitude; mais comme ils ne recevaient rien que -du papier, et ne payaient rien qu'avec du papier, leur comptabilité -devint toute fictive: recette et dépense, tout se réduisait à des -écritures. Les comptes des trésoriers de l'épargne ne pouvaient donc -plus contrôler les actes du surintendant, puisque ces trésoriers -recevaient de lui toutes les pièces qui devaient former et justifier -ces comptes[359]. Les profits qui résultaient pour eux de leur -participation à tous les emprunts ne leur donnaient que le désir de -voir prolonger un tel état de choses; leurs charges, étant devenues un -moyen certain de s'enrichir, se vendaient à des prix exorbitants[360]. - -Ainsi Fouquet était devenu le seul dispensateur de la fortune -publique, et tenait dans ses mains la ruine ou la prospérité de tous -ceux qui avaient des intérêts à régler avec l'État, puisqu'il pouvait -à son gré accorder ou refuser, avancer ou retarder le payement de ce -qui était dû par l'État, donner de la valeur à des créances simulées, -et réduire à rien les créances les plus légitimes. Comme surintendant, -Fouquet avait encore l'administration entière des colonies. Son père -était le président du conseil qu'il avait institué pour les régir. -Alors ces possessions lointaines n'étaient considérées que sous le -rapport fiscal, et produisaient de si faibles revenus, que Fouquet -aliéna l'île de Sainte-Lucie tout entière pour la modique somme de -39,000 liv. (78,000 fr. de notre monnaie actuelle)[361]. - -Dans les grands mouvements de fonds, dans les opérations financières -qui donnent lieu à une comptabilité compliquée, dès qu'on néglige les -moyens propres à faire reconnaître incessamment les erreurs et les -concussions, ou qu'on s'en écarte à dessein, le désordre s'introduit -aussitôt; et, s'accroissant toujours, il arrive que celui même qui l'a -voulu faire naître à son profit ne peut plus s'y reconnaître, et qu'il -devient facile de s'en servir contre lui-même. C'est ce qui arriva à -Fouquet. En proie aux fraudes de ses agents, il en vint au point de ne -plus savoir quelle était sa position à l'égard de l'État. Il paraît -constant, d'après ses propres défenses, que lorsqu'il fut arrêté il -devait quatorze millions (vingt-huit millions de notre monnaie -actuelle)[362]; et il y eut dans ses comptes six millions de billets -réassignés, pour lesquels il fut impossible de savoir s'ils formaient -un déficit réel, ou s'ils n'avaient d'autre origine que des dépenses -fictives résultant des ordonnances de différence de fonds[363]. - -Mais, quelle que fût sa position, il disposait à son gré des revenus -de la France. Les sommes qui résultaient des emprunts, comme les -recettes qui provenaient des impôts, étaient versées dans ses caisses, -et il avait toujours à son commandement des capitaux immenses en -argent comptant. Il en usa avec une profusion inouïe; il construisit -des palais, forma des bibliothèques, des collections d'un prix -inestimable en tableaux et en statues[364]. Il vécut avec une -magnificence royale, joua gros jeu, eut des maîtresses jusque dans les -rangs les plus élevés; fit des pensions aux courtisans besoigneux, aux -femmes de cour intrigantes, aux artistes, aux gens de lettres, à tous -ceux qui le louaient ou qui pouvaient lui être utiles[365]. Il donnait -sans cesse des fêtes et des repas somptueux au roi, aux reines, aux -ministres, à la cour, aux princes, et aux étrangers illustres qui -visitaient la France[366]. Il avait partout des agents, et -particulièrement auprès des souverains et des hommes puissants; -ils lui rendaient compte de tout, et le servaient par leurs -intrigues[367]. Il gratifiait ses frères, ses parents, ses amis, des -plus belles charges, soit en les achetant pour eux, soit en leur -prêtant l'argent nécessaire pour les acquérir[368]. C'est ainsi qu'il -parvenait à usurper en quelque sorte la nomination aux plus hautes -comme aux plus modiques fonctions de l'État, et à être instruit de -toutes les affaires les plus secrètes, et les plus étrangères aux -finances. Par ces divers moyens il s'acquit une puissance presque -égale à celle du premier ministre, et à laquelle se rattachait la -haute influence de tous ceux qui détestaient la personne de celui-ci -et étaient opposés à sa politique; car, bien que le traité des -Pyrénées eût obtenu l'approbation publique, et fût généralement -considéré comme le chef-d'Å“uvre de l'habileté de Mazarin, cependant -il y avait aussi un parti assez nombreux qui blâmait ce traité, et qui -aurait voulu qu'au lieu d'arrêter le succès de nos armes et de -chercher à contracter une alliance avec l'Espagne, on fît la conquête -des Pays-Bas, et qu'on adjoignît à la France ces riches et -florissantes contrées. Dans ce parti était Turenne, tous les hommes de -guerre, tous les débris de la Fronde que Mazarin n'avait pu ou voulu -rallier à lui, et aussi une grande portion de la noblesse -indépendante. Les raisons que toutes les personnes de ce parti -alléguaient en faveur de leur opinion se trouvent toutes réunies et -exprimées d'une manière aussi piquante que spirituelle dans une lettre -que Saint-Évremond, l'un d'eux, écrivit au marquis de Créquy, lors des -négociations de Saint-Jean de Luz. Cette lettre, depuis saisie dans -les papiers de Fouquet, devint la cause de l'exil de celui qui l'avait -écrite et de son long séjour en Angleterre[369]. - -C'est à la même époque, c'est-à -dire pendant que l'on traitait avec -l'Espagne, que Colbert fit pour Mazarin un mémoire où il lui -signalait les dilapidations du surintendant et les énormes abus qui -avaient lieu dans l'administration des finances. Colbert était devenu, -par l'entremise de Le Tellier, allié à sa famille[370], l'intendant de -la maison du cardinal, et, ce qui était encore préférable, son homme -de confiance. Dans le mémoire où il lui exposait les malversations de -Fouquet, il proposait en même temps de le faire arrêter et de le faire -juger par une commission; puis de créer une chambre de justice qui -déciderait du sort de ceux qui s'étaient rendus complices du -surintendant, et qui les forcerait à rendre une partie des sommes -qu'ils avaient extorquées à l'État. Colbert, s'élevant ensuite dans ce -mémoire à la hauteur de la tâche qu'il eut depuis à remplir, y -développait un plan de finances fondé sur l'ordre et l'économie, qui -fournissait les moyens de pourvoir aux dépenses publiques sans avoir -besoin de recourir à la désastreuse ressource des emprunts et à de -ruineuses anticipations. - -Ce mémoire, envoyé à Mazarin tandis qu'il était à Saint-Jean de Luz, -fut intercepté par un employé de la poste aux lettres, et communiqué -au surintendant; il en prit copie, et le laissa ensuite parvenir à sa -destination[371]. Mais, embarrassé sur les mesures qu'il lui fallait -prendre pour déconcerter le projet formé contre lui, il appela près de -lui Gourville, et lui fit part de ce qu'il avait découvert. Gourville, -pour parer aux dangers qui menaçaient Fouquet, fit voir une habileté -consommée et une présence d'esprit admirable. Mazarin avait besoin -d'argent pour le succès de ses négociations; et si elles -réussissaient, il lui en fallait encore plus pour les dépenses -qu'occasionnerait le mariage du roi. Il en demandait donc au -surintendant. Celui-ci lui dépêcha Gourville pour s'expliquer avec lui -sur cette demande. Gourville exposa que tous les fonds dont le -surintendant pouvait disposer étaient épuisés, qu'il ne pouvait plus -en trouver que sur son crédit; mais que ce crédit n'était fondé que -sur l'opinion de la faveur dont il jouissait auprès du roi et de son -éminence. Il était donc bien important, si l'on voulait que le -surintendant continuât à rendre les mêmes services, que des marques -signalées de confiance lui fussent données, et qu'on fît disparaître, -autrement que par de vagues assurances, les bruits qui couraient que -par suite des calomnies du sieur Colbert, et à son instigation, la -disgrâce du surintendant était imminente. Tant que la moindre trace de -cette opinion subsisterait, il ne fallait pas espérer que le -surintendant ni aucun de ses amis pussent trouver un seul prêteur. -Dans une seconde conférence qui eut lieu sur ce sujet entre Mazarin et -Fouquet, ce dernier confirma tout ce qu'avait dit Gourville. Le -surintendant se répandit en même temps en plaintes amères sur Colbert, -et laissa percer qu'il avait connaissance du mémoire que celui-ci -avait écrit contre lui. Cependant Fouquet affirmait que Colbert avait -été le premier à lui faire des offres de service, et qu'il ne s'était -déclaré son ennemi que parce qu'il avait refusé d'accéder aux demandes -injustes de plusieurs de ses parents. - -Mazarin, pour obtenir les millions dont il avait besoin, se détermina -à donner toute satisfaction au surintendant, à écrire à Colbert -dans le plus grand détail, et, sans émettre aucune opinion sur -les accusations dirigées contre le surintendant, ni sur les -justifications qu'il faisait valoir, il exhorta Colbert à aller voir -ce dernier aussitôt qu'il serait de retour à Paris, et à travailler à -détruire dans son esprit l'idée que lui, Colbert, était son ennemi -personnel. - -Colbert, dans une longue lettre qu'il écrivit à Mazarin, en réponse à -celle dont nous venons de faire l'analyse, examine avec une grande -sagacité comment le mémoire qu'il avait envoyé à son éminence, connu -de lui seul, a pu l'être de Fouquet. Après avoir épuisé tous les -moyens par lesquels on peut supposer que ce secret a été divulgué, -Colbert conclut qu'il n'y en a qu'un seul possible: c'est la trahison -du sieur Nouveau, officier des postes, qu'il n'hésite pas à croire -coupable; et à cet égard il ne se trompait pas[372]. Dans une seconde -lettre, qui fait suite à la première, Colbert se justifie des -accusations que Fouquet avait portées contre lui, et avoue les -obligations qu'il lui a: il prouve qu'au lieu de se montrer ingrat -envers le surintendant, il a cherché, au contraire, à lui rendre le -plus éminent de tous les services, en l'engageant à renoncer à des -pratiques et à des opérations qui pouvaient nuire à sa réputation et -avoir pour lui les plus fâcheuses conséquences. Malgré cet -avertissement, les rapines et les dilapidations de Fouquet et de ses -agents n'ont fait qu'augmenter. C'est alors que Colbert a cru de son -devoir de s'écarter du surintendant, et d'avoir avec lui le moins de -relations possible[373]. Quant au désir que Fouquet témoignait de -faire cesser cet état de choses, et de bien vivre avec Colbert, -celui-ci répond: «Cela lui sera très-facile: car ou il changera de -conduite, ou votre éminence agréera celle qu'il tient, ou l'excusera -sur la disposition présente des affaires, ou enfin elle trouvera que -ses bonnes qualités doivent l'emporter sur ses mauvaises; et, dans -quelque cas que ce soit, je n'aurai aucune peine à me conformer aux -intentions de votre éminence, lui pouvant protester devant Dieu -qu'elles ont toujours été et seront toujours les règles des mouvements -de mon esprit[374].» - -Lorsque après le mariage du roi toute la cour et les ministres -revinrent à Paris, Colbert eut avec Fouquet l'entretien que Mazarin -avait désiré; mais cet entretien ne calma pas les craintes et les -défiances du surintendant, peut-être même ne fit-il que les augmenter. -Le sentiment des dangers dont il se croyait menacé le troubla au point -de lui faire prendre les mesures les plus imprudentes, de former les -desseins les plus insensés. Confiant dans le grand nombre d'amis, -d'obligés et de créatures qu'il avait dans les plus hautes places -comme dans les plus infimes, il traça un plan d'instruction sur ce que -tous auraient à faire dans le cas où, arrêté à l'improviste, il -n'aurait pas le temps de fuir. Il fortifia Belle-Isle, qu'il avait -achetée. Son projet ne tendait à rien moins qu'à une résistance à main -armée, à une rébellion ouverte. La mort de Mazarin vint bientôt -soulager Fouquet, et effacer de son esprit toute pensée de cette -nature. Les souvenirs de la Fronde avaient pu lui faire concevoir la -possibilité de lutter avec un ministre, mais non pas avec le roi; et -d'ailleurs, bien loin de soupçonner qu'il eût rien à redouter, il se -croyait en faveur. Cependant le brouillon de son ancien projet, trouvé -derrière un miroir dans sa maison de Saint-Mandé, forma la base de -l'accusation dirigée contre lui, compromit toutes les personnes qui y -étaient nommées, et faillit lui coûter la vie[375]. - -Fouquet se trompait sur les intentions de Mazarin, qui n'étaient -nullement hostiles à son égard. Mazarin rendait justice à ses grands -talents, et aurait voulu même n'en pas priver son roi. - -Les moyens qu'avait employés Richelieu pour gouverner Louis XIII -furent les mêmes que ceux dont Mazarin fit usage pour conserver son -ascendant sur Louis XIV. Tout le secret de ces deux ministres fut de -démontrer sans cesse à leurs souverains que les membres de leurs -familles, les plus chers objets de leurs affections, les courtisans, -les prêtres, les guerriers, les gens de loi, cherchaient tous -également à se servir de l'autorité royale, ou à mettre obstacle à son -action, par un seul et unique motif, leur intérêt propre. Il était -facile à ces ministres de prouver que cet intérêt était presque -toujours en opposition directe à celui de la puissance royale et à la -prospérité du royaume, dont les rois étaient comptables envers Dieu et -envers leurs sujets. Le père comme le fils eurent assez de jugement et -de discernement pour reconnaître qu'une partie des haines que -s'attirait celui auquel ils résignaient leur pouvoir était due à sa -fermeté pour soutenir leur sceptre et accroître la splendeur de la -monarchie. Tels furent les seuls points de ressemblance entre les deux -rois et les deux ministres; mais la différence des âges et des -caractères fit naître dans leurs positions, leurs sentiments et leur -conduite plus de contrastes que de similitudes. Richelieu imposa son -joug à son maître, et le lui fit détester; Mazarin accoutuma son -pupille à se soumettre au sien, et le lui fit aimer. Les deux rois -éprouvaient également le besoin de se laisser conduire; mais dans -Louis XIII ce sentiment n'était que la conscience de sa faiblesse et -de son impéritie; dans Louis XIV c'était l'instinct d'une âme -énergique et élevée, qui se sent capable d'égaler de grands modèles, -mais qui reconnaît le besoin de s'instruire et redoute son -inexpérience. Comment Louis XIV n'aurait-il pas conçu de l'attachement -pour Mazarin? Dès que ce roi enfant eut atteint l'âge de raison, ne -vit-il pas de ses yeux Mazarin proscrit, dépouillé de tous ses biens, -menacé de perdre la vie, en butte à la violence de tous les partis, -uniquement parce qu'il soutenait les droits de la couronne contre le -peuple, le parlement et les nobles? Ce fils, l'objet de tous les soins -et de toute la tendresse de sa mère, dès qu'il fut capable d'un -sentiment, put-il ne pas se montrer sensible aux larmes de cette mère, -à ses gémissements, à ses anxiétés, à ses ressentiments, lorsqu'elle -fut forcée de consentir à l'éloignement de celui qui était son seul -appui, son seul conseil? Ne fut-il pas habitué par elle à prier Dieu -sans cesse à ses côtés pour le succès de tout ce qu'entreprenait le -cardinal? Les premières peines qu'éprouva Louis XIV, ce fut donc -Mazarin qui les causa; les premiers vÅ“ux qu'il forma furent pour -Mazarin, et les premiers plaisirs qu'il goûta lui vinrent aussi de -Mazarin; car c'est dans la famille de ce ministre qu'il trouva les -aimables compagnes de ses jeux d'enfance. L'une d'elles fut l'objet de -la plus forte passion de son adolescence; et quand, jeune homme, il -put comprendre ce que c'était que la gloire, les premiers préceptes -qu'il en reçut lui furent donnés par Mazarin. Ce ministre lui inculqua -un juste mépris pour les rois fainéants; il lui inspira la crainte de -se voir classé parmi eux, et il fortifia en lui la volonté de régner -par lui-même. L'admiration de Louis XIV pour Mazarin et la confiance -qu'il avait en lui durent s'accroître encore lorsque, après le refus -de le laisser épouser sa nièce, il le vit, au milieu des douleurs de -la goutte, hâter sa fin prochaine par un travail excessif, afin de -terminer les négociations du mariage avec l'infante, auxquelles -étaient attachés la paix, le repos et l'avenir de la France[376]. - -Louis XIV, qui se trouvait à cette époque de la vie où l'on n'est -point en garde contre les illusions, fut vivement touché des derniers -témoignages de tendresse qui lui furent donnés par Mazarin et des -dernières marques de ses sollicitudes. En effet, ce ministre déjà -condamné par les médecins, certain de mourir, comprimant ses douleurs, -surmontant sa faiblesse, et, selon l'énergique expression de madame de -Motteville, faisant bonne mine à la mort[377], ne perdit pas un moment -pour donner au jeune roi toutes les instructions dont il avait besoin. -Il tint de fréquents conseils, afin de le mettre au courant de toutes -les affaires qui devaient s'y traiter; et après ces conseils il -passait encore trois ou quatre heures avec son royal élève dans des -conférences particulières. De peur que sa mémoire ne pût retenir tous -les enseignements qu'il lui donnait, il prenait ensuite le soin de -les rédiger par écrit, afin que lorsqu'il aurait cessé de vivre, Louis -XIV pût y recourir. Il lui démontrait la nécessité de régir par -lui-même toutes les grandes affaires et de les embrasser dans tous -leurs détails; surtout de mettre de l'ordre dans les finances, et de -ne s'en fier qu'à lui-même pour ce ressort principal de son -gouvernement, comme pour la guerre et pour les négociations avec les -puissances. Il lui recommanda de ne livrer aucun de ses secrets ni à -sa femme, ni à ses maîtresses, ni à ses courtisans, ni à ses -domestiques; de n'avoir ni favori ni premier ministre[378]; et de -veiller, au contraire, à ce que les ministres qu'il choisirait se -renfermassent chacun dans les attributions de leur département, et ne -s'occupassent que des affaires qu'il leur confierait. - -Lorsque Mazarin s'aperçut que son dernier jour approchait, il fit au -jeune roi une confession entière; lui révéla les abus auxquels pour -garder le pouvoir il avait été obligé de participer; ceux qu'il -n'avait pu empêcher: il ne lui cacha pas quelle était son immense -fortune[379], et par quels moyens il l'avait acquise; le sort futur et -la grandeur de sa famille et de son nom, cet ouvrage de toute sa vie, -il mit tout à la disposition de son royal élève, et par un acte -authentique il lui fit donation pleine et entière de tous ses -biens[380]. L'effet de cette franchise fut tel que Mazarin l'avait -prévu. Louis XIV, plus pénétré de reconnaissance pour les éminents -services de son ministre, après ces humiliants aveux, qu'il ne -l'était avant, n'accepta rien du don qui lui était fait; il rendit à -Mazarin toutes ses richesses, quoiqu'elles fussent assez considérables -pour tenter la cupidité d'un roi. - -Le grand mérite de Richelieu et de Mazarin, comme ministres ambitieux -de gouverner, fut d'avoir su discerner le caractère du souverain dont -le pouvoir leur était délégué, et d'y avoir assujetti leur conduite. -Louis XIII et Louis XIV différaient encore plus par le naturel que par -l'âge. Le premier, timide, indolent, soupçonneux, réservé; le second, -fier, impétueux, énergique, ferme et constant dans ses résolutions; -capable d'effort et d'application. Richelieu berça son roi dans sa -faiblesse, et le retint dans la retraite et dans l'obscurité de la vie -privée, afin qu'il n'eût ni la possibilité ni l'envie de lui reprendre -un pouvoir qu'il ne lui laissait qu'à regret; il le domina toujours, -et régna par lui, sur lui, et sans lui. Mazarin, au contraire, mit -toujours en avant son roi dès qu'il fut sorti de l'enfance; il -l'exerça de bonne heure à remplir les fonctions royales; il lui en -montra toutes les difficultés, et l'instruisit sur les moyens de les -surmonter; il mit tout son art à s'immiscer dans sa confiance, et -composa avec ses passions pour les diriger; mais il sut leur résister -et les dominer, lorsqu'elles compromettaient l'intérêt de l'État et la -dignité du trône[381]: il le tint sans cesse près de lui à l'armée, -dans le cabinet, dans les voyages; il partageait et soignait ses -plaisirs, mais le forçait de s'adjoindre à ses occupations; et, bien -loin de réprimer ses impérieuses dispositions, il s'en servait pour -dégager son autorité de toutes les influences qui pouvaient -l'entraver[382]: peu soucieux de cultiver dans son élève les vertus de -l'homme privé, mais actif, mais habile à développer dans cette âme -altière toutes les qualités d'un grand roi. - -Richelieu et Mazarin n'étaient rien par eux-mêmes, et ne s'étaient -élevés ni par la naissance ni par l'influence des richesses ou d'un -sang illustre; ils ne pouvaient gouverner qu'en comprimant les grands -et la cour. Richelieu y parvint par les échafauds et la terreur, et il -fit si bien qu'il n'y eut plus de cour ni de courtisans. Il manifesta -toute la force de son despotisme en isolant son roi de sa mère, de sa -femme, de tous les princes de son sang, et même de ses favoris et de -ses familiers quand ils lui portaient ombrage. Mazarin, au contraire, -affermit sa puissance en y agglomérant tous les intérêts personnels, -en ralliant autour du monarque toute sa famille, autour du trône tous -les grands du royaume; en faisant cesser les craintes et en suscitant -les espérances. Mazarin parvint au même but que Richelieu par des -moyens non-seulement différents, mais contraires. Richelieu affligea -et humilia la vieillesse de Louis XIII par de sanglantes proscriptions -contre ceux qui avaient été le plus honorés de la confiance et de la -faveur royale; jamais Mazarin ne mit obstacle ni aux amitiés ni aux -amours de la jeunesse de Louis XIV, ni à sa tendresse filiale; mais il -sut lui faire comprendre que tous les intérêts étaient continuellement -en lutte contre celui dont le devoir est de défendre l'intérêt public; -qu'un roi était un être à part, qui n'était ni fils, ni parent, ni -ami, ni amant, là où les affaires de son royaume étaient engagées; -que lui seul était responsable de tout le mal qu'il n'empêchait pas, -de tout le bien qui était à faire, et qui ne se réalisait pas[383]. - -Bien loin d'écarter du roi la foule des courtisans, comme Richelieu -l'avait fait, Mazarin environna le monarque d'une cour brillante. Mais -l'habile ministre, pour n'avoir rien à redouter de cette cour, voulut -en être le chef; il voulut qu'elle lui appartînt, qu'elle se confondît -avec sa propre maison; et en la composant, la payant et la dirigeant -lui-même, il en obtint tous les avantages, et évita tous les -inconvénients dont Richelieu n'avait pu se garantir qu'en -l'anéantissant. C'est là une des parties de la politique de Mazarin -qui a été la moins comprise. Ce faste royal qu'il affecta, ces -superbes colléges qu'il fonda, ces magnifiques palais qu'il orna, ces -repas somptueux, ces fêtes qu'il donna, ces gardes, ces officiers dont -il entourait le faste de sa maison, tandis que celle du jeune roi -était, sans lui, petite, mesquine et mal payée, tout cela a été -attribué à son orgueil, tandis que c'était, au contraire, l'effet -d'une prudence consommée et d'une haute prévision. Il évitait par ce -moyen les fortes influences qui n'auraient pas manqué de s'exercer à -l'entour de son royal pupille, par les grandes charges et les riches -emplois de ceux qui auraient été attachés à sa personne. Par -l'attitude que Mazarin avait prise, il ne semblait point être, comme -Richelieu, l'usurpateur du sceptre royal, le dominateur de la -couronne; mais, comme lui, il voulait montrer qu'il en soutenait tout -le poids, et paraissait en être moins l'agent et le serviteur que le -protecteur et l'appui. Cette déférence qu'avaient pour lui la reine -mère et le roi en souscrivant à cet ordre de choses lui soumit les -grands et les courtisans, rendit l'obéissance facile, et -l'obséquiosité même honorable. Comme le séjour de Vincennes était -favorable à sa santé, la cour s'y transportait souvent tout -entière[384]. Les conseils ne se tinrent plus, vers la fin, que dans -sa chambre à coucher[385]. Le roi veillait lui-même à ce qu'on ne -l'interrompît point dans ses heures de travail, à ce qu'on ne troublât -pas celles de son repos. Ses envieux et ses ennemis s'indignaient de -ces attentions du jeune monarque, et les regardaient comme une -profanation de la majesté royale; ils disaient énergiquement que -jamais ministre n'avait fait plus que Mazarin litière de la -royauté[386]. C'est qu'en effet le roi, la cour, l'État, tout se -confondait alors dans la personne de ce ministre, qui jamais ne rendit -de plus signalés services que quand il fut près de descendre dans la -tombe. - -Je ne dirai plus qu'un mot sur Richelieu et Mazarin. Tons deux -moururent, après avoir agrandi le royaume et consolidé la monarchie, -sans être regrettés. Louis XIII lui-même se réjouit de la mort de son -ministre; mais Louis XIV pleura le sien. Le soupçonneux Mazarin crut -s'apercevoir, dans les derniers jours de la maladie qui le conduisit -au tombeau, que le jeune roi était empressé de sortir de sa tutelle, -et qu'il désirait peut-être sa mort: cette idée accrut les douleurs de -ses derniers moments[387]. Son erreur fut comme une juste punition de -son ambition; car au contraire Louis XIV fut le seul qui après la mort -de Mazarin montra cet abattement, cette tristesse insurmontable qui -accompagne la perte de quelqu'un qui nous est cher et qui laisse un -grand vide dans notre existence. Depuis, par tous ses discours et -toutes ses actions, le monarque n'a pas donné lieu de douter de la -sincérité de ses regrets; il accomplit religieusement toutes les -dernières volontés de Mazarin, quoiqu'elles le forçassent à conférer à -la famille de ce ministre des faveurs exorbitantes; il exécuta tout ce -qu'il avait prescrit, en mourant, relativement aux affaires d'État; et -Mazarin dans la tombe sembla gouverner encore la France[388]. Cette -haute opinion que le monarque avait de son ministre et la -reconnaissance qu'il croyait lui devoir lui firent traiter dans le -commencement avec des égards et des honneurs qui n'étaient dus qu'à un -prince du sang ce pauvre et ridicule Armand de La Porte, auquel on -imposa l'immense fortune et le nom de Mazarin, avec une des plus -belles et des plus spirituelles femmes de ce temps[389]. A une époque -où il n'était plus permis de douter que Louis XIV n'eût le désir et le -talent de gouverner par lui-même, il a plusieurs fois déclaré que si -Mazarin avait vécu, il lui aurait laissé longtemps encore entre les -mains le pouvoir et la conduite des affaires. Dans plusieurs de ses -lettres et de ses écrits, Louis XIV donne fréquemment l'épithète de -grand homme à Mazarin[390]. Il consultait souvent les instructions -qu'il lui avait laissées[391]; il se plaisait à lire, en présence de -Condé et de ceux qui avaient été le plus opposés à Mazarin, les -passages les plus remarquables de ces instructions, afin de justifier -la haute estime qu'il avait pour sa mémoire[392]. Rien n'est plus à la -gloire de Mazarin, rien n'est plus propre à nous faire concevoir une -grande idée de ses talents et de sa capacité, que cette opinion -qu'avait de lui un monarque qui, de tous ceux qui ont occupé un trône, -s'est montré le plus judicieux et le plus habile appréciateur des -hommes. - -Rien aussi ne prouve plus le discernement et l'impartialité de -Mazarin, et combien, même à son lit de mort, il avait à cÅ“ur -l'intérêt du monarque et de la monarchie, que le conseil qu'il donna à -Louis XIV, dans ses derniers moments, d'employer Fouquet[393]. Il le -lui indiqua comme l'homme le plus capable de le bien seconder dans -l'administration de son royaume, comme celui de tous les ministres qui -connaissait le mieux les personnes et les ressources de la France; -mais en même temps il recommanda au jeune roi de faire cesser les -dilapidations du surintendant et de ses agents, en établissant un -ordre rigoureux dans les finances. Il l'instruisit des moyens d'y -parvenir, et pour les mettre en Å“uvre il lui donna Colbert. - -Colbert fut donc nommé intendant des finances, et chargé de tenir ce -fameux registre des fonds dont nous avons parlé[394]. - -Louis XIV, dès les premiers jours qu'il travailla avec Fouquet, -l'avertit que son intention était d'être instruit de tout ce qui -concernait ses finances, et de donner tous ses soins à cette partie de -son gouvernement. Il lui défendit de signer aucun traité, aucun bail à -ferme, sans lui en donner connaissance[395]. Si Fouquet avait su aussi -bien que Mazarin discerner le caractère du jeune roi, il n'eût pas -manqué d'y conformer sa conduite: il eût avoué les fautes du passé, -indiqué les moyens de les réparer, organisé l'avenir. Grand financier -et bon administrateur, il se serait associé à la gloire de ce beau -règne, il en eût augmenté l'éclat, et eût joué un rôle non pas plus -glorieux, mais plus brillant, que celui de Colbert. - -Fouquet crut que la mort de Mazarin l'avait délivré du seul obstacle -qui s'opposait à son ambition[396]. Sa supériorité sur Le Tellier et -sur de Lionne (ministres cependant très-habiles[397]); l'importance -des affaires dont il était chargé; la préférence que le roi lui -accordait, en traitant avec lui seul les affaires les plus délicates -et les plus secrètes[398]; la multitude de clients, d'amis, de -pensionnaires qu'il avait près du monarque, dans toute la France, dans -toutes les branches d'administration; la faveur de la reine mère; -enfin la composition du conseil, qui lorsqu'on opinait se bornait à -trois voix, dont une, celle de de Lionne, lui était vendue[399], tels -étaient les motifs de la confiance de Fouquet, les causes de son -aveuglement. - -Le Tellier, son ennemi secret, dissimulait, et paraissait ne mettre -aucun obstacle au désir que le surintendant avait d'occuper le premier -rang[400]. Colbert travaillait dans l'ombre. - -Tout semblait en apparence favorable aux desseins de Fouquet. Louis -XIV s'était laissé jusque alors guider par sa mère et par Mazarin, -tant pour les choses qui lui étaient personnelles que pour celles de -l'État, et Fouquet ne pouvait se persuader qu'il voulût sérieusement -régler par lui-même les unes et les autres, et reprendre à la fois -l'autorité d'un roi et les pénibles fonctions d'un premier -ministre[401]. Déjà donc le surintendant assignait le terme, peu -éloigné, où son jeune maître, fatigué de tant de détails, si propres à -le rebuter, allait le charger d'un fardeau que son inexpérience et le -seul attrait de la nouveauté l'avaient engagé à essayer de soulever. -La fascination de Fouquet à cet égard était telle, qu'il offrit à la -reine mère d'employer ses bons offices et la faveur dont il jouissait -pour lui redonner l'influence qu'elle avait eue autrefois sur son -fils, et que Mazarin par ses conseils, qui furent alors taxés de noire -ingratitude, lui avait fait perdre[402]. Pour s'acquérir sur les -affaires ecclésiastiques la même prépondérance qu'il se promettait -dans toutes les autres parties dit gouvernement, lorsqu'il faisait ces -offres à la reine mère, Fouquet négociait en même temps avec le -cardinal de Retz, afin d'obtenir de lui, à prix d'argent, qu'il donnât -sa démission de l'archevêché de Paris. Le surintendant ne doutait pas -qu'il ne lui fût facile de faire ensuite nommer à ce siége si envié un -de ses frères, déjà archevêque[403]. - -La présomption, défaut ordinaire des esprits prompts, faciles, féconds -en ressources, empêcha Fouquet de reconnaître les dangers de la route -où il s'engageait. Il en fut averti cependant par ses principaux -collaborateurs, et surtout par le plus habile et le plus clairvoyant -de tous, Pellisson[404]; mais il ne voulut pas se rendre à leurs -conseils: peut-être ne le pouvait-il plus. Il continua hardiment son -système de fraude et de déception, et présenta au roi de faux états de -situation, qui, sans qu'il le sût, étaient aussitôt rectifiés par -Colbert, au moyen du registre des fonds et des écritures de l'épargne, -tenus alors sous son inspection avec une rigoureuse exactitude. Les -états au vrai, présentés chaque jour au roi par Colbert, dévoilèrent -toutes les concussions et les fourberies du surintendant, et les -plaies profondes faites à l'État par sa connivence avec les traitants -ou les fermiers des impôts. Louis XIV fut outré de se voir ainsi joué -par son ministre, et de se trouver en quelque sorte sous sa dépendance -pour la partie principale de son gouvernement. Le nombre des amis et -des créatures que se faisait le surintendant en prodiguant l'argent du -royaume, son luxe, ses fêtes somptueuses, les prétentions qu'il -manifestait de remplacer Mazarin, ses intrigues, le grand nombre de -ses partisans, la haute opinion qu'on avait de lui, tout contribua à -accroître encore l'animadversion du jeune monarque. Dès lors le plan -que Colbert avait proposé autrefois à Mazarin pour mettre en jugement -ce grand coupable, et opérer le rétablissement des finances, fut de -nouveau reproduit. Louis XIV l'adopta; et il ajouta encore à la -rigueur des mesures qu'il contenait contre la personne de -Fouquet[405]. Ce plan une fois arrêté, il fallut forcément en différer -l'exécution. Fouquet n'avait pas cessé de fortifier Belle-Isle, où il -aurait pu se retirer et chercher à produire quelque mouvement parmi la -jeune noblesse et le peuple de la Bretagne et de la Normandie, deux -provinces écrasées d'impôts et fort mécontentes. De plus, les -priviléges de la charge de surintendant, qui soustrayaient Fouquet à -la juridiction des cours souveraines, et le rendaient justiciable du -roi seul, autorisaient bien la formation d'une commission spéciale -nommée par le roi pour juger Fouquet, conformément au plan proposé par -Colbert; mais cette forme était à juste titre considérée comme -illégale, injuste et despotique, par les parlements; et Fouquet -n'était pas seulement surintendant général des finances, il était -encore procureur général du parlement de Paris. Nul doute que cette -puissante compagnie, si on avait voulu faire juger par commission son -principal officier, ne s'y fût opposée, et n'eût évoqué cette affaire -comme étant du ressort de sa juridiction. Il fallait donc différer -l'accusation de Fouquet et bien dissimuler les projets formés contre -lui, jusqu'à ce qu'on l'eût déterminé à vendre sa charge de procureur -général; et, comme je l'ai dit, on en vint à bout en lui donnant -l'espoir d'être compris dans la promotion de chevaliers des ordres du -roi, qui allait avoir lieu[406]. - -Il ne faut pas partager l'erreur où sont tombés ici tous les -historiens, et considérer cette époque du règne de Louis XIV comme -celle qui l'a suivie, lorsque le roi, affermi par l'exercice de sa -puissance, ôtait par sa seule parole jusqu'à la pensée même de lui -résister. Lors même que les grandes crises politiques sont apaisées, -il existe toujours, quand elles sont récentes, des habitudes -d'insubordination qui excitent les justes craintes du pouvoir et -augmentent ses embarras. Nous voyons par des lettres non encore -publiées de Mazarin[407] à Colbert, qui sont sous nos yeux, que tandis -que ce ministre était occupé à Saint-Jean-de-Luz aux négociations de -la paix, il craignait que la Normandie, à laquelle cette paix ne -plaisait pas, ne se soulevât, et qu'il faisait surveiller cette -province. Dans le même temps, malgré son opposition et les ordres -formels du roi, Mazarin ne put empêcher Turenne d'offrir et d'envoyer -de l'argent et des troupes au duc d'York, dans le but de rétablir son -frère Charles II sur le trône, quoique rien ne fût plus contraire à la -politique que le ministre avait adoptée dans les intérêts de la -France[408]. Louis XIV, qui n'ignorait aucun des obstacles qu'il avait -fallu vaincre, devait craindre que sa jeunesse et l'opinion que l'on -avait de son inexpérience et de son peu de connaissance des affaires -ne fussent la cause de nouvelles désobéissances. Il faut aussi -rappeler que Fouquet n'était pas seulement un habile financier, qui -dans des occasions importantes avait su créer des ressources et -réaliser des sommes immenses, lorsque l'État était dans un discrédit -complet; Fouquet était encore un grand ministre, à vues étendues et -profondes; il était le seul qui dans le conseil eût songé aux intérêts -du commerce. Plusieurs vaisseaux armés pour son compte fréquentèrent -les Antilles, le Sénégal, la côte de Guinée, Madagascar, Cayenne, -Terre-Neuve. Il encouragea les particuliers à s'intéresser dans ces -différentes entreprises; et c'est à lui que les colonies françaises -durent de pouvoir se soutenir contre les rivalités de l'Espagne, de -l'Angleterre, de la Hollande. Il établit un fret sur les vaisseaux -étrangers pour protéger la navigation: la pêche de la sardine à -Belle-Isle, qui produisit plusieurs millions à l'État, lui était due -entièrement[409]. Il était donc aussi considéré, aussi aimé des -commerçants, des bourgeois, que des courtisans et des hommes de -lettres: pour tous il semblait être le ministre indispensable. - -Un autre motif encore plus fort que tous ceux que nous venons -d'énumérer forçait Louis XIV de différer l'exécution du projet conçu -contre Fouquet: c'était le manque d'argent. Fouquet devait faire des -versements, mais il fallait en attendre les échéances. Telle était la -pénurie de l'épargne, que, quoique ces versements eussent été -effectués au moment de l'arrestation de Fouquet, Louis XIV se vit -obligé d'écrire au duc de Mazarin pour lui demander de lui prêter deux -millions[410]. - -Enfin, une raison majeure d'intérêt public fixait une époque avant -laquelle on ne pouvait songer à rien entreprendre contre Fouquet. -L'arrestation et la mise en jugement du surintendant, la création -d'une chambre de justice, entraînaient la résiliation de tous les -baux, de tous les traités à ferme conclus avec ceux qui devaient être -cités devant cette chambre; tous ces baux, tous ces traités devaient -être promptement renouvelés, afin que la perception des impôts et des -différentes branches de revenus publics n'éprouvât point de retard. -Cela ne pouvait se faire avec avantage qu'en automne; et lorsque Louis -XIV eut arrêté dans son esprit l'exécution du projet de Colbert, on -n'était encore qu'au printemps[411]. - - [348] LOUIS XIV, _Instructions au Dauphin_, dans les _OEuvres_, - t. I, p. 101 à 113.--MOTTEVILLE, t. XL, p. 139. - - [349] FOUQUET, _Défenses_, édit. Elzev., 1665, in-18, t. II, p. - 58, 60, 81, 91.--MONGLAT, _Mém._, t. L, p. 398; t. LI, p. - 70.--LORET, _Muse historique_, liv. IV, p. 20; liv. X, p. 29 - (_lettres_ du 8 février 1653 et du 22 février 1659). - - [350] PELLISSON, _2e Discours_ pour Fouquet, t. II, p. 120 des - _OEuvres diverses_, 1735, in-12 (_Lettres et Provisions de MM. - Servien et Fouquet, de la surintendance des finances_, en date du - 8 février 1653); dans FOUQUET, _Défenses_, t. II, p. - 353.--_Ibid._, t. I, p. 50; t. II, p. 58. - - [351] PELLISSON, _OEuvres diverses_, t. II, p. 144, 145, 150. - - [352] PELLISSON, _2e Discours au Roi pour la Défense de Fouquet_, - dans les _OEuvres diverses_, t. II, p. 152, 154, 160. - - [353] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 314, 317, 318, 319, 322. - - [354] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 314 et 319. - - [355] PELLISSON, _2e Discours au Roi_, t. II, p. 136 et 149. - - [356] PELLISSON, _2e Discours, OEuvres diverses_, t. II, p. 131. - - [357] PELLISSON, _OEuvres diverses_, t. II, p. 96 et 108. - - [358] Ibid. p. 138. - - [359] PELLISSON, _OEuvres diverses_, t. II, p. 132. - - [360] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 322. - - [361] _De la Production de_ M. FOUQUET _contre celle de_ M. - TALON, t. III des _Défenses_, p. 350 à 368. - - [362] PELLISSON, _2e Discours_, t. II, p. 141 à 176. - - [363] FOUQUET, _Défenses_, t. II, p. 333; t. III, p. - 233.--PELLISSON, _OEuvres diverses_, t. II, p. 262. - - [364] FOUQUET, _Défenses_, t. III, p. 138. - - [365] FOUQUET, t. III des _Défenses_, p. 181, 186 et 201.--LOUIS - XIV, _OEuvres_, t. II, p. 25. - - [366] LORET, liv. X, p. 114; liv. XI, p. 113; liv. XII, p. 14, - 109, 129, 132, 136.--MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 81. - - [367] LOUIS XIV, _OEuvres_, t. I, p. 102.--MONTPENSIER, _Mém._, - t. XLII, p. 368.--SAUVAL, _Amours des Rois de France_, t. II, p. - 111; _Vie de Maucroix_; _Histoire de la Vie et des Ouvrages de_ - LA FONTAINE. - - [368] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 107, 108, 142, 170 et - 171.--FOUQUET, _Défenses_, t. VIII, p. 105. - - [369] DES MAIZEAUX, _Vie de Saint-Évremond_, dans les _OEuvres - de_ SAINT-ÉVREMOND, t. I, p. 36 et 52.--BUSSY, _Mém._, t. II, p. - 106.--MOTTEVILLE, t. XL, p. 140. - - [370] _Vie de Colbert_ (par Sandraz de Courtils); Cologne, 1695, - p. 4. - - [371] FOUQUET, _Défenses_, t. II, p. 26 et 36.--GOURVILLE, - _Mém._, t. LII, p. 326.--SAINT-SIMON, _OEuvres_, t. I, p. 221 - (octobre 1659), t. IX, p. 274 (janvier 1660); ibid., t. IX, p. - 280, 282. - - [372] SAINT-SIMON, _OEuvres complètes_, édit. 1791, t. IX, p. 274 - à 287; GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 326. - - [373] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 322 et 325.--CHOISY, _Mém._, - t. LXIII, p. 251. - - [374] _Lettres_ de COLBERT à MAZARIN, _mss. autographes à la - Bibliothèque du Roi_.--SAINT-SIMON, _OEuvres_, t. IX, p. 274, - 287, édit. 1791. - - [375] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 337, 338 et 340. - - [376] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 92, 93, 111.--MOTTEVILLE, t. XL, - p. 100.--LORET, liv. X, p. 166.--_Lettres du cardinal_ MAZARIN, - 1745, in-12, t. I, p. 2, 15, 20, 27, 42, 62, 315, 318, 375, 377; - t. II, p. 301. - - [377] MOTTEVILLE, t. XL, p. 80.--LORET, liv. XI, p. 117. - - [378] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mémoires inédits_, t. II, p. 131. - - [379] FOUQUET, _Défenses_, t. II, p. 21. Si l'on en croit - Fouquet, la fortune de Mazarin se montait à 40 ou 50 millions, 80 - ou 100 millions de notre monnaie actuelle. - - [380] CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 198, 201. - - [381] MAZARIN, _Lettres_, 1745, in-12, t. I, p. 70 à 81, 282 et - 286, 363 à 368; _lettres_ en date des 16 juillet, 28 et 29 août - 1659. - - [382] MAZARIN, _Lettres_, 2 vol. in-12, 1745, t. I, p. 284 et - 286, du 26 août 1659. - - [383] GRAMONT, _Mémoires_, t. LVII, p. 89. - - [384] LORET, liv. X, p. 83 (en date du 31 mai 1659). - - [385] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mémoires inédits_, 1828, in-8º, t. II, - p. 299, ch. XIII.--LORET, liv. XI, p. 182 (20 novembre 1660). - - [386] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 112. - - [387] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mémoires inédits_, t. II, p. 111. - - [388] POMPONNE, _lettre à Arnauld d'Andilly_, en date du 9 mars, - _Mém. de Coulanges_, p. 381.--LA FAYETTE, _Mém._, t LXIV, p. 375, - 377. - - [389] _Lettre de_ POMPONNE _à Arnauld d'Andilly_, _Mém. de_ - COULANGES, p. 378. - - [390] LOUIS XIV, _Lettres_, t. VI, p. 12 et 15. - - [391] POMPONNE, _lettre à Arnauld d'Andilly_, _Mém. de_ - COULANGES, p. 378; _lettre_ en date du 4 février 1661. - - [392] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XL, p. 104. - - [393] POMPONNE, _lettre à Arnauld d'Andilly_, dans les _Mém._ de - COULANGES, p. 379.--MOTTEVILLE, _Mém._, t. XL, p. 132.--MONGLAT, - t. LI, p. 123. - - [394] FOUQUET, _Recueil des Défenses_, t. I, p. 61.--LOUIS XIV, - _OEuvres_, t. I, p. 33.--Conférez ci-dessus, p. 213 et 220. - - [395] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 325. - - [396] PELISSON, _OEuvres inédites_, t. II, p. 114, 116. - - [397] Conférez MIGNET, _Introduction aux négociations relatives à - la succession d'Espagne sous Louis XIV_, t. I, p. LVI. - - [398] CHOISY, t. LXIII, p. 248. - - [399] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 53. - - [400] _Lettre de Pomponne à Arnauld d'Andilly_, en date du 19 - mars 1661, dans les _Mém._ de COULANGES, p. 382, - in-8º.--MOTTEVILLE, t. XL, p. 132. - - [401] LA FAYETTE, _Mém._, t. LXIV, p. 376. - - [402] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XL, p. 158. - - [403] GUY-JOLY, _Mém._, t. XLVII, p. 445. - - [404] PELLISSON, _OEuvres mêlées_, t. II, p. 120 et 123.--CHOISY, - _Mém._, t. LXIII, p. 122. - - [405] FOUQUET, _Défenses_, t. II, p. 26 et 36, et ci-dessus. - - [406] GOURVILLE, t. LIII, p. 337, 346.--LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mém. - inédits_, t. II, p. 179.--CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 248, 249, - 251, 261, 262, 263. - - [407] _Lettre de_ MAZARIN _à Colbert_, en date du 22 octobre - 1659, _mss. de la Bibliothèque du Roi_. - - [408] _Vie de_ JACQUES II, _roi d'Angleterre, d'après les - Mémoires écrits de sa propre main_, in-8º, t. I, p. 124 à 137. - - [409] FORBONNAIS, _Recherches et considérations sur les finances - de France_, édit. in-12, 1758, t. II, p. 120, 121. - - [410] LOUIS XIV, dans ses _OEuvres_, t. V, p. 54.--Ibid., - _Instructions de Louis XIV pour le Dauphin_, dans ses _OEuvres_, - t. II, p. 57. - - [411] LOUIS XIV, _OEuvres_, t. V, p. 53, _lettre à la - reine-mère_, en date du 5 septembre.--CHOISY, _Mém._, t. LXIII, - p. 248 à 251. - - - - -CHAPITRE XVIII - -1661-1664. - - Fouquet cherche à séduire mademoiselle de La Vallière.--Le roi, - dans un moment de colère, veut le faire arrêter au milieu d'une - fête qu'il lui donnait.--La reine-mère l'en empêche.--Fouquet a - connaissance de l'ordre qu'avait donné le roi.--Fouquet fait à - Louis XIV un aveu des abus qu'il s'était permis, et promet une - réforme complète.--Cet aveu ne satisfait pas Louis - XIV.--Différence des effets produits par les gains illicites de - Mazarin et par ceux de Fouquet, relativement à l'État.--Louis XIV - ne pouvait pardonner à Fouquet sans détruire le plan qu'il avait - formé pour la restauration des finances.--Fouquet de son côté ne - pouvait reculer.--Il continue dans le même système de corruption - et de profusion.--Louis XIV dissimule.--Il fait arrêter le - surintendant.--Beau trait d'éloquence de Pellisson au sujet de la - dissimulation du roi, qui a causé la perte de Fouquet.--Louis XIV - établit l'ordre dans ses finances.--On poursuit les traitants, et - on fait rentrer à l'épargne des sommes considérables.--L'affaire - de Fouquet était un coup d'État, par le grand nombre de personnes - qui furent citées à la chambre de justice.--Rigueur mise dans le - procès de Fouquet; effet qu'elle produit.--Manière dont on a jugé - la conduite de Louis XIV en cette circonstance.--Position des - hommes qui exercent le pouvoir, à l'égard de leur siècle et de la - postérité. - - -Ce fut avec peine que le jeune roi se soumit à une aussi longue -dissimulation. La contrainte qu'il éprouvait pour laisser croire au -surintendant qu'il était dupe de ses stratagèmes augmentait -l'irritation que lui causait un délai nécessaire. Cependant Fouquet, -plongé dans une funeste sécurité, continuait son genre de vie -habituel, mêlant toujours la galanterie aux affaires. Il chercha à -séduire la belle La Vallière, et voulut acheter ses faveurs à prix -d'argent. La résistance qu'il éprouva lui fit découvrir qu'elle était -aimée du roi. Possesseur d'un secret encore ignoré de toute la cour, -Fouquet crut pouvoir en profiter pour son ambition[412]. Ne doutant -pas que les promesses d'un ministre aussi puissant que lui ne -pouvaient qu'être agréables à mademoiselle de La Vallière, il -s'empressa de l'entretenir en particulier, et de lui offrir son -concours pour tirer le plus d'avantages possible de sa position. La -douce, la modeste La Vallière, que l'amour seul avait entraînée hors -de la route de l'honneur, et qui ne voyait dans le beau et jeune Louis -que l'amant et non le roi, rougit en écoutant le surintendant, et se -retira sans lui répondre. Fouquet interpréta ce silence en sa faveur, -et le regarda comme un consentement qu'un reste de pudeur dans une -jeune fille encore novice ne lui avait pas permis d'exprimer d'une -manière plus explicite[413]. Mais La Vallière était restée muette -d'étonnement et de honte, en apprenant qu'une autre personne que celle -qui servait d'intermédiaire entre elle et le roi avait connaissance de -sa coupable liaison. En faisant à son amant le sacrifice de sa vertu, -elle avait obtenu de lui la promesse que sa réputation serait -respectée et que le voile le plus épais couvrirait leurs amours. -Quelle fut sa douleur d'apprendre que le seul bien qui lui restât -allait lui échapper! Elle redit tout au roi, en répandant d'abondantes -larmes. La fureur de Louis XIV contre le surintendant fut portée au -plus haut degré. Il n'y avait donc plus de secret dont cet audacieux -ministre ne parvînt à se procurer la connaissance? Ses perfides -intrigues le poursuivaient sans cesse et partout, jusque dans son -intérieur le plus intime, jusque dans le cÅ“ur de celle qu'il aimait! -Il aspirait au moment où il lui serait enfin permis d'en faire -justice. C'est alors que Fouquet, toujours abusé, toujours dans -l'opinion qu'il était l'homme le plus agréable à son roi, le seul -nécessaire, lui donna à Vaux cette magnifique fête dont nous avons -parlé. Ce jour, Louis XIV aperçut, dans un des cabinets du château de -Vaux, un portrait de mademoiselle de La Vallière, qu'un peintre avait -exécuté sans qu'elle le sût. A la vue de ce portrait, le jeune -monarque ne put contenir son ressentiment. Il éclata: dans son premier -mouvement, il donna l'ordre d'arrêter le surintendant au milieu même -de la fête, et dans sa propre maison. La reine mère, qui se trouvait -là , n'eut pas de peine à démontrer à son fils l'inconvenance du lieu -et du moment, et l'ordre fut révoqué[414]. La reine mère avait -attribué la colère du roi à un mouvement de jalousie; mais elle apprit -bientôt que cette cause de l'animadversion de son fils envers le -surintendant n'était pas la seule: elle fut instruite de tous les -projets formés depuis longtemps contre lui. La duchesse de Chevreuse, -qui avait beaucoup de crédit sur son esprit, sut lui persuader de n'y -mettre aucun obstacle. Cette intrigante duchesse était devenue -l'ennemie du surintendant depuis qu'elle avait épousé en secret de -Laigues, qui croyait avoir à s'en plaindre[415]. - -Cependant le mouvement de colère auquel Louis XIV s'était abandonné, -cet ordre donné et révoqué trahit ses desseins, et Fouquet en fut -averti par madame Duplessis-Bellière, un de ses plus habiles et de ses -plus courageux agents, dans les affaires de finances comme dans les -intrigues d'amour[416]. Fouquet aperçut dès lors toute la profondeur -du précipice où il était près de tomber. Il crut pouvoir éviter sa -chute en imitant Mazarin: il fit au roi l'aveu de ses fautes, et -promit une réforme complète. Mais son aveu et ses promesses ne -conjurèrent pas l'orage, et ne firent que lui en déguiser les -approches. Louis XIV sembla pardonner, et dissimula si profondément -ses sentiments et ses pensées, qu'il fit illusion à Fouquet, et le -persuada qu'il n'avait plus rien à redouter[417]. Les aveux de Fouquet -n'avaient été que partiels; et alors, bien loin de satisfaire Louis -XIV, ils furent à ses yeux un tort de plus, puisqu'ils lui -paraissaient une nouvelle ruse pour le tromper encore. Fouquet chercha -aussi maladroitement (on le voit par ses défenses) à s'autoriser de -l'exemple qu'avait donné le premier ministre, et à s'excuser par les -pratiques que celui-ci s'était permises. Mais rien n'était semblable -ni dans la position ni dans la nature de la culpabilité. Mazarin, en -cumulant des abbayes, en recevant de l'argent pour les charges qu'il -conférait ou pour les grâces qu'il accordait, en dépensant pour sa -maison les sommes destinées à la maison du roi[418], enlevait les -moyens de s'enrichir à des courtisans ambitieux, avides et frondeurs; -mais ces concussions ne diminuaient en rien les revenus publics; car -aucune des sommes dont Mazarin faisait son profit n'était destinée à -entrer dans l'épargne; Mazarin ne faisait donc rien perdre à -l'État[419]. Fouquet, au contraire, ne s'enrichissait qu'en le ruinant -de plus en plus, puisque c'étaient les produits mêmes des impôts, dont -il était chargé de faire opérer les rentrées et de surveiller -l'emploi, qu'il dilapidait et laissait dilapider. Déjà il avait dévoré -en avance quatre années des revenus de la France. Quand Mazarin, après -avoir reculé les limites du royaume et raffermi la couronne sur la -tête de son roi, lui rendit son immense fortune, celui-ci dut être -satisfait de pouvoir, en la lui conférant par un acte émané de sa -royale volonté, récompenser d'un seul coup, et magnifiquement, les -longs et immenses services de son fidèle ministre. Il faisait par là -une action qui avait sur son gouvernement une heureuse influence, en -montrant une générosité sans bornes envers celui qui l'avait servi -ainsi que l'État avec un entier dévouement. Mais en pardonnant à -Fouquet Louis XIV eût encouragé les rapines et la déloyauté. Le -surintendant absous, il devenait impossible de poursuivre ses agents, -et de faire annuler les engagements ruineux qu'il avait fait -contracter à l'État. Sans cette dernière mesure, toute amélioration -dans les finances devenait impossible. A cette époque il n'y avait pas -de grosses dettes publiques fondées, et reconnues inaltérables, -inviolables; point de théories du crédit qui fissent considérer comme -une chose funeste de manifester l'intention d'affranchir l'État des -dettes usuraires qu'on avait contractées en son nom. Un autre ordre de -choses avait fait adopter d'autres principes; et le roi, en forçant -les financiers et les maltôtiers[420], comme on les appelait alors, à -rendre une partie de leurs immenses profits, se rendait populaire et -s'attirait l'approbation générale, lors même que tout le monde eût été -persuadé que ces profits n'avaient pu avoir lieu qu'au moyen des -opérations faites par le gouvernement et sous le sceau et avec -l'approbation de ceux qui agissaient en son nom. - -Fouquet se trouvait d'ailleurs dans l'impossibilité de remplir les -promesses de réforme qu'il faisait à Louis XIV. Il était lui-même -entraîné dans le gouffre où il entraînait le royaume. Pour rester en -place, et rentrer comme surintendant dans les voies du devoir et de la -conscience, il eût fallu que Fouquet devînt cruel et perfide, et qu'il -étouffât en lui les sentiments les plus chers et les plus sacrés; -qu'il trahît, qu'il poursuivît, qu'il précipitât dans l'abîme ceux-là -même avec lesquels il avait contracté, au nom de l'État, des -engagements usuraires, et avec lesquels il avait connivé pour couvrir -tous les genres d'irrégularités; et ceux-là étaient ses parents, ses -amis, ses partisans à la cour, ses pensionnaires, ses maîtresses, ses -clients, ses protégés. Fouquet avait dans le cÅ“ur de la bonté, de la -générosité; dans le caractère et dans ses relations particulières, de -la franchise et de la grandeur d'âme; il lui était donc impossible de -prendre une résolution qui aurait entraîné de telles conséquences. Il -ne vit de salut que dans la continuation de son système de profusion -et de corruption, et par la nécessité même où il se trouvait de -monter encore ou de tomber, il poursuivit ce système avec plus -d'intrépidité qu'il ne l'avait fait sous Mazarin; de telle sorte qu'il -n'y avait presque pas une seule personne qui approchât du roi qui ne -lui fût vendue[421]. Le roi, qui s'en aperçut, pour mieux déguiser ses -desseins, et à mesure que le moment approchait de les mettre à -exécution, se vit obligé de donner au surintendant des preuves -simulées d'une faveur toujours croissante. Louis XIV paraissait avoir -pour Fouquet la plus sincère affection, pour ses conseils la plus -grande déférence; il multipliait les entretiens particuliers qu'il -avait avec lui, et semblait vouloir ne décider que par lui les -affaires les plus importantes[422]. «On ne doutait pas, dit madame de -La Fayette, que le surintendant ne fût appelé à gouverner[423].» Louis -XIV n'osa pas se fier à son capitaine des gardes, ni à ses officiers -les plus intimes, quand il fallut sévir contre son ministre. Il cacha -avec soin son secret jusqu'au moment où il donna l'ordre de -l'arrestation; et il chargea de l'exécution de cet ordre un officier -qui n'y était pas appelé par son rang[424]. Cette constante -dissimulation du monarque, en donnant trop de sécurité à Fouquet, -l'empêcha de céder aux conseils qui lui étaient donnés, et arracha à -son défenseur, le généreux Pellisson, un cri de douleur qui est un des -plus beaux passages de son éloquent plaidoyer[425]. - -Cependant Fouquet pressentit le danger qui le menaçait. La reine mère, -qui le protégeait, lui avait fait dire de se défier de la duchesse de -Chevreuse. Avant de partir pour Nantes, il eut à ce sujet un entretien -avec Loménie de Brienne, dont le père avait la confiance du roi, et -auquel celui-ci s'était ouvert de ses projets sur Fouquet. Loménie de -Brienne nous peint, dans ses Mémoires, la cruelle perplexité à -laquelle était en proie le malheureux surintendant au sujet de ce -fatal voyage. Il hésitait à l'entreprendre, et aurait mieux aimé fuir -et se retirer à Venise ou à Livourne. Il était abattu, consterné; -mais, après bien des alternatives, un peu rassuré en se rappelant les -promesses que le roi lui avait faites, il se décida à partir, en -compagnie avec de Lionne, son ami[426]. - -Nous avons ailleurs détaillé les circonstances de son arrestation, -raconté les émotions du sensible La Fontaine, lorsqu'il contempla les -murs de la prison où son bienfaiteur était enfermé[427]. - -Après l'arrestation de Fouquet, Louis XIV abolit la charge de -surintendant, et en fit lui-même les fonctions. Colbert établit un -ordre admirable dans les recettes et dans les dépenses; il mit le roi -à portée de connaître à tous les instants les ressources dont il -pouvait disposer[428]. C'était le roi qui signait toutes les -ordonnances, et qui au commencement de chaque année arrêtait de sa -propre main, sur le livre des fonds, toutes les recettes qui étaient à -faire, et après l'année expirée toutes les recettes et toutes les -dépenses qui avaient été effectuées[429]. - -Le procès de Fouquet donna les moyens de poursuivre les traitants; -d'annuler les traités qui avaient été conclus avec eux; d'affermer les -impôts avec d'autant plus de profit que les nouveaux fermiers, -contractant directement avec le roi, n'ignoraient pas qu'il avait -lui-même pris connaissance de leurs marchés, et que, bien loin de -redouter aucune recherche, aucune rigueur de sa part, ils espéraient, -en remplissant avec fidélité leurs engagements, s'enrichir, et en même -temps acquérir de la faveur et du crédit. - -Les papiers saisis chez Fouquet furent portés directement au roi, qui -les examina lui-même, connut ainsi les ennemis cachés de son -gouvernement, les secrets des plus puissantes familles et les -intrigues ourdies à l'entour du trône. La création d'une chambre de -justice pour rechercher les malversations qui avaient pu être faites -dans les finances touchait les plus grandes familles de robe et -d'épée, dont plusieurs s'étaient enrichies par les prêts usuraires -faits à Fouquet ou par ses dons et ses prodigalités[430]; de sorte que -son arrestation ne fut pas une disgrâce seulement personnelle, mais un -acte qui eut tout l'éclat et tout le retentissement d'une affaire -générale et d'un coup d'État. Elle répandit parmi les grands et les -courtisans une crainte qui les rendit plus souples et plus obéissants, -et inspira la terreur aux concussionnaires. Le secret avec lequel -cette affaire fut conduite, la dissimulation qui la prépara, la -rigueur des ordres qui furent donnés, l'inflexibilité qu'on déploya à -l'égard de ceux qui en étaient frappés, tout fit reconnaître dans le -jeune élève de Mazarin l'habileté de son maître, unie au caractère -altier et énergique de Richelieu. Personne ne douta plus que Louis XIV -n'eût la volonté et les moyens de gouverner par lui-même; et dès lors -son règne commença[431]. La puissance est comme le crédit, dont les -résultats dépendent moins des moyens réels dont on peut disposer que -de l'opinion qu'on parvient à faire prévaloir de leur existence et de -leur efficacité. - -La rigueur dont on usa envers Fouquet pendant tout le cours de son -procès prouve que Louis XIV voulait faire en lui un grand exemple, -et ne laisse aucun doute que son intention était de le faire -condamner à mort[432]. Peut-être cette intention, trop ouvertement -manifestée, la violence des accusateurs, l'iniquité des procédures, -contribuèrent-elles, encore plus que l'éloquence et l'habileté -employées dans la défense, à sauver la vie du coupable. Il fut -condamné à l'exil perpétuel et à la confiscation de tous ses biens. -Louis XIV, qui avait trouvé un obstacle à ses volontés dans la -conscience des juges, aggrava la peine: il retint, malgré ce jugement, -le surintendant en captivité, et le fit garder avec une sévérité qui -ne s'adoucit que dans les dernières années de la vie du malheureux -prisonnier. D'où vient cette longue persévérance de Louis XIV dans un -acte de cruauté dont avant la révocation de l'édit de Nantes son long -règne n'offre pas un second exemple[433]? Voulait-il empêcher Fouquet -de trahir les secrets de l'État qu'il lui avait confiés? Redoutait-il -toujours l'effet de ses intrigues? Lui avait-il reconnu une audace -capable de tout oser[434]? Quoi qu'il en soit, la disgrâce du -surintendant, dès qu'elle fut connue, fit taire l'envie que sa haute -prospérité avait inspirée. La dureté avec laquelle il fut traité -pendant tout le cours de son procès excita la compassion dans tous les -cÅ“urs généreux. On le plaignit, et l'intérêt que ses amis et ses -partisans prenaient à son sort devint général. La sentence rendue -contre lui parut rigoureuse, et son inexécution et la peine plus forte -qu'on y substitua furent considérées avec raison comme une violation -de tous les principes de justice. L'odieux d'un tel abus de pouvoir -rejaillit sur Colbert et sur Le Tellier, qui étaient regardés comme -les persécuteurs acharnés du surintendant: le nombre de satires, -d'épigrammes, de libelles par lesquels s'exhala la haine qu'avaient -fait naître ces deux ministres fut grand, et rappela le temps de la -Fronde et des Mazarinades[435]. Peut-être ce soulèvement de l'opinion -contribua-t-il à empêcher Louis XIV de céder au sentiment de la -clémence; peut-être sentait-il le besoin de donner à des ministres -dévoués une garantie, en leur sacrifiant celui dont le nom était comme -un drapeau sous lequel se ralliaient tous leurs ennemis. Le caractère -généreux de Fouquet, ses longues souffrances, ont fait oublier ses -torts à la postérité, qui n'a vu dans la conduite de Louis XIV à son -égard qu'un acte inutile de cruauté, de vengeance et de despotisme. Il -est bien difficile, et peut-être même impossible, de bien juger -certaines actions du pouvoir, d'en bien déterminer les causes, d'en -apprécier les motifs, lorsque les hommes et les circonstances qui les -ont nécessitées ont disparu. Ceux qui ont été mêlés d'une manière -active aux affaires humaines savent de combien d'éléments frivoles et -impurs, qu'enfantent l'intérêt, la légèreté et l'ignorance, se forme -quelquefois l'opinion publique. Ils sont convaincus qu'il est -impossible d'opérer le bien, si l'on a la faiblesse de vouloir -courtiser toujours cette reine du monde, quelquefois si belle et si -pure, mais quelquefois hideuse comme une prostituée. Qui n'a pas le -courage de renoncer aux jugements précipités et inconstants de ses -contemporains doit renoncer à les gouverner, à guider leurs destinées, -à conduire un peuple à la gloire, à la prospérité, au bonheur. -Cependant rien n'exige plus d'énergie dans le caractère que le -sacrifice de cette satisfaction que l'on éprouve par l'approbation -générale donnée à celles de nos actions qui ont pour but le bien -public. C'est la récompense la plus précieuse, la seule précieuse, -pour les grandes âmes. Quelle force de vertu, quelle fermeté de -conscience, quelle haute sagesse ne réclament pas l'abandon de cette -enivrante popularité et le courage de braver l'aveugle haine et les -sinistres attentats dont elle cherche à nous rendre victime, pour -accomplir, après de pénibles efforts, ce qui mérite de tous la -reconnaissance et l'amour! Toutefois, il semble que dans une aussi -pénible position la vertu peut trouver un dédommagement dans -l'impartiale justice de la postérité.--Non; il faut renoncer à ce -consolant espoir: cette précieuse et unique récompense n'est qu'une -illusion, et l'arrêt rendu en présence des faits et des personnes est -presque toujours irrévocable: les moyens manquent aussi bien que la -volonté pour rectifier cet arrêt, lorsque le temps et la tombe ont -fait disparaître tous les témoins qui pouvaient guider la justice -humaine. Elle est vraiment dure la condition de l'homme d'État, qui, -pour être digne de la mission que la Providence lui a imposée, doit se -soumettre d'avance à subir les injustes condamnations du siècle qui -l'a vu naître et des siècles à venir, et qui ne peut penser qu'à Dieu -seul pour apprécier le mérite ou le démérite de ses actions! - - [412] LA FAYETTE, _Mém._, t. LXIV, p. 317, 377, 404, 413. - - [413] _Histoire de la Vie et des Ouvrages de_ LA FONTAINE, 3e - édit., p. 70.--Idem, _OEuvres complètes de_ _La Fontaine_, édit. - 1827, t. VI, p. 473. - - [414] RACINE, _Fragments historiques_, t. VI, p. 335 des - _OEuvres_, édit. de Geoffroy.--LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mémoires - inédits_, t. II, p. 177.--CHOISY, _Mémoires_, t. LXIII, p. 253. - - [415] MOTTEVILLE, _Mémoires_, t. XL, p. 132. - - [416] FOUQUET, _Défenses_, t. II, p. 15 et 16, édit. in-18, - Elzeviers. - - [417] Ibid., p. 100.--CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 256. - - [418] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mém. inédits_, t. II, p. 136, 138, - 142. - - [419] MOTTEVILLE, t. XL, p. 106. - - [420] Voyez les caricatures qui furent faites contre les - maltôtiers en 1661, dans le XXVIIe vol. de l'_Hist. de Fr. par - estampes_, à la Bibliothèque Royale. - - [421] LOUIS XIV, _Instructions pour le Dauphin son fils_, dans - ses _OEuvres_, t. I, p. 109 à 114. - - [422] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 120 à 122.--CHOISY, t. LXIII, p. - 251. - - [423] LA FAYETTE, _Mém._, t. LXIV, p. 403. - - [424] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mém. inédits_, t. II, p. 205.--LA - FAYETTE, _Mém._, t. LXIV, p. 404.--BUSSY, _Mém._, t. II, p. - 170.--MOTTEVILLE, _Mém._, t. XL, p. 41. - - [425] PELLISSON, _Discours au Roi_, t. II, p. 274. - - [426] LOMÉNIE de BRIENNE, _Mémoires inédits_, t. II, p. 183 à - 186. - - [427] _Hist. de la Vie et des Ouvrages de J. de la Fontaine_, 3e - édit., p. 112. - - [428] LOUIS XIV, _Instructions pour le Dauphin, son fils_, dans - ses _OEuvres_, t. I, p. 104, 108.--MONGLAT, _Mémoires_, t. LI, p. - 123. - - [429] CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 277. - - [430] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XL, p. 162.--GOURVILLE, _Mém._, t. - LII, p. 354.--LORET, liv. XII, p. 187. - - [431] LA FARE, _Mém._, t. LXV, p. 149, 145.--LOUIS XIV, - _OEuvres_, t. I, p. 37, 39.--MONGLAT, t. LI, p. 511. - - [432] RACINE, _Fragments historiques_, t. VI, p. 335 des - _OEuvres_.--FOUQUET, _Défenses_, t. I, p. 141, 142.--GUY-PATIN, - _Lettres_, t. V, p. 218, 219 et 244; _lettre_ en date du 14 - juillet 1662. - - [433] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 48.--LORET, liv. XI, p. 42 - (1660).--LEMONTEY, _Essai sur l'établissement monarchique de - Louis XIV_, p. 455-460.--BUSSY, _Discours à ses Enfants_, p. 309. - - [434] LA FAYETTE, _Mém._, t. LXIV, p. 379. - - [435] _Tableau de la Vie et du Gouvernement de MM. les cardinaux - Richelieu et Mazarin et de M. Colbert_, etc., 1694, in-12, p. - 220-234. - - - - -CHAPITRE XIX. - -1661-1664. - - Plusieurs lettres de madame de Sévigné sont trouvées dans les - papiers du surintendant.--Louis XIV en prend connaissance.--Il en - parle de manière à ne laisser aucune prise à la malignité - publique; cependant elle s'exerce sur cet incident.--Chagrin - qu'en ressent madame de Sévigné.--Lettre qu'elle écrit à Pomponne - à ce sujet.--Madame de Sévigné se montre plus attachée aux amis - du surintendant, parce qu'ils étaient exilés. Simon de Pomponne - était de ce nombre.--Noble conduite des gens de lettres envers - Fouquet.--Mademoiselle de Scudéry correspond avec lui.--Madame de - Sévigné écrit à Ménage pour l'engager à détruire les bruits qui - couraient sur son compte au sujet des lettres trouvées chez - Fouquet.--Citation de cette lettre.--Fouquet comparait devant le - tribunal qui doit le juger.--Madame de Sévigné, alors à Paris, - écrit à Pomponne plusieurs lettres sur ce procès.--Position de - Pomponne.--Intérêt des lettres que madame de Sévigné lui adresse - au sujet de Fouquet.--Faveur dont madame de Sévigné jouissait - auprès de la cour et de Louis XIV.--Fidélité de madame de Sévigné - au malheur.--Sa sensibilité pour Fouquet partagée par madame de - Guénégaud, avec laquelle elle était liée--Détails sur Arnauld - d'Andilly;--sur le procès de Fouquet;--sur madame de - Guénégaud.--L'hôtel de Nevers, des lettres de madame de Sévigné, - et l'hôtel Guénégaud.--Madame de Sévigné agissait en faveur du - surintendant.--Elle craignait qu'il ne fût condamné à mort.--Ses - anxiétés pendant le procès.--Apparition d'une comète.--L'effet - qu'elle produit sur les esprits.--Ce qu'en dit de Neuré.--Détails - sur de Neuré.--Madame de Sévigné annonce à Pomponne que Fouquet a - la vie sauve.--Louis XIV aurait voulu le faire condamner à - mort.--Madame de Sévigné craint qu'on n'empoisonne Fouquet; la - vue de la comète la rassure.--Madame de Sévigné mande à Pomponne - le départ de Fouquet pour Pignerol.--Louis XIV, par la sévérité - de son maintien, inspirait le respect et la crainte.--Les lettres - de madame de Sévigné à Pomponne ne sont pas inférieures aux - autres qu'elle a écrites.--Suite de l'histoire de Fouquet.--Il - n'obtient la permission de voir sa femme qu'au bout de sept ans - de captivité.--Son entrevue avec Lauzun.--Sa mort obscure.--On - est incertain s'il est mort avant ou après avoir recouvré son - entière liberté. - - -Comme tous ceux qui ont de nombreuses affaires dont les documents -devront être réunis sous leurs yeux lorsqu'ils auront à s'en occuper, -Fouquet conservait avec soin toutes ses lettres. Elles furent saisies. -Les correspondances qu'il entretenait avec plusieurs femmes de la cour -se trouvaient réunies dans des cassettes particulières[436]. Celles-ci -furent portées directement au roi, qui les examina. Il en trouva un -certain nombre de madame de Sévigné, qui attirèrent son attention par -l'enjouement, la grâce et la facilité du style. Mais quoiqu'il eût -dit, et que Le Tellier eût répété après lui, que ces lettres, -uniquement relatives à des affaires de famille, ne pouvaient que faire -honneur à celle qui les avait écrites, dès qu'on en connut l'existence -la malignité publique s'exerça sur notre aimable veuve. On voit par la -lettre suivante, que madame de Sévigné écrivit alors à de Pomponne, -combien elle était péniblement affectée des discours qu'on tenait à ce -sujet dans le monde. - - -LETTRE DE MADAME DE SÉVIGNÉ A M. DE POMPONNE. - - «Aux Rochers, ce 11 octobre 1661. - -«Il n'y a rien de plus vrai, que l'amitié se réchauffe quand on est -dans les mêmes intérêts. Vous m'avez écrit si obligeamment là -dessus, -que je ne puis y répondre plus juste qu'en vous assurant que j'ai les -mêmes sentiments pour vous que vous avez pour moi, et qu'en un mot je -vous honore et vous estime d'une façon toute particulière. Mais que -dites-vous de tout ce qu'on a trouvé dans ces cassettes? Eussiez-vous -jamais cru que mes pauvres lettres, pleines du mariage de M. de La -Trousse et de toutes les affaires de sa maison, se trouvassent placées -si mystérieusement? Je vous assure, quelque gloire que je puisse tirer -par ceux qui me feront justice, de n'avoir jamais eu avec lui d'autre -commerce que celui-là , que je ne laisse pas d'être sensiblement -touchée de me voir obligée de me justifier, et peut-être fort -inutilement, à l'égard de mille personnes qui ne comprendront jamais -cette vérité. Je pense que vous comprenez bien la douleur que cela -fait à un cÅ“ur comme le mien. Je vous conjure de dire sur cela ce que -vous savez. Je ne puis avoir trop d'amis en cette occasion. J'attends -avec impatience monsieur votre frère [l'abbé Arnauld][437], pour me -consoler un peu avec lui de cette bizarre aventure; cependant je ne -laisse pas de souhaiter de tout mon cÅ“ur du soulagement aux -malheureux, et je vous demande toujours, monsieur, la consolation de -votre amitié[438]. - - * * * * * - -Simon de Pomponne, lorsque madame de Sévigné lui écrivait cette -lettre, subissait le sort de plusieurs amis du surintendant, qui, sans -être inculpés ni impliqués en rien dans son procès, et même sans être -entièrement en disgrâce, avaient cependant, par mesure de précaution, -été envoyés en exil. Les amis du surintendant étaient aussi ceux de -madame de Sévigné, et ils lui étaient devenus plus chers depuis qu'ils -étaient malheureux et persécutés. Aussi se montrait-elle très-active -dans sa correspondance avec eux, afin d'avoir plus fréquemment de -leurs nouvelles, et de ne pas laisser échapper une seule occasion de -leur être utile. - -On connaît la noble conduite des gens de lettres envers Fouquet, qui -s'était montré leur protecteur éclairé. Tous lui restèrent attachés -dans son infortune[439]; et peut-être est-ce le concours unanime de -leurs écrits qui a le plus contribué à intéresser si puissamment la -postérité en sa faveur et à couvrir d'un voile les torts graves qui -avaient fait de sa chute une des nécessités du bien public. -Mademoiselle de Scudéry ne cessa point de lui écrire pendant tout le -temps de sa captivité. Ce fut elle aussi qui s'éleva avec le plus de -force contre ceux qui prenaient occasion des lettres trouvées dans les -cassettes du surintendant pour se permettre des insinuations -calomnieuses contre madame de Sévigné[440]. - -Les bruits qu'on répandait à ce sujet la tourmentaient tellement, -qu'elle s'adressait à tous ses amis pour les engager à détruire ce -qu'ils avaient d'injurieux à son égard. Elle en écrivit à Ménage; mais -lui n'avait pas attendu ses instances pour s'acquitter de ce devoir, -avec tout le zèle que lui inspirait son vif et ancien attachement. -Dans la réponse qu'il lui adressa, il lui manda ce qu'il avait déjà -fait; et en même temps il lui donna des nouvelles de la querelle -survenue au sujet de la préséance des ambassadeurs de France et -d'Espagne à Londres, qui fut sur le point d'occasionner le -renouvellement de la guerre. C'est à cette lettre qu'elle répondit des -Rochers par celle qu'elle lui écrivit en date du 22 octobre. - -«Je me doutais, dit-elle, que vous auriez prévenu ma prière, et qu'il -ne fallait rien dire à un ami si généreux que vous. Je suis au -désespoir de ce qu'au lieu de vous écrire, comme je le fis, je ne vous -envoyai pas tout d'un train une lettre de remercîments. Je m'en -acquitte présentement, et vous supplie de croire que j'ai toute la -reconnaissance que je dois de vos bontés. Je vous demande un -compliment à mademoiselle de Scudéry sur le même sujet. Vous m'avez -fait un extrême plaisir de me mander le détail de la grande nouvelle -dont il est présentement question. Il n'en fallait pas une moindre -pour faire oublier toutes celles que l'on découvre tous les jours dans -les cassettes de M. le surintendant. Je voudrais de tout mon cÅ“ur que -cela le fît oublier lui-même[441].» - -Il n'en était pas ainsi. Le procès de Fouquet se suivait avec ardeur, -mais le nombre de pièces qu'il fallait dépouiller pour dresser un acte -d'accusation de cette nature était immense. Trois ans se passèrent -avant que l'accusé pût comparaître devant les magistrats commis pour -le juger. Le surintendant fut amené pour la première fois devant ce -tribunal illégal qu'il récusait, le 14 novembre 1664. Madame de -Sévigné se trouvait alors à Paris. L'attention générale était en -quelque sorte concentrée sur cette grande affaire. On s'en entretenait -sans cesse; on en recueillait avec avidité les moindres détails de la -bouche des juges ou des personnes qui leur appartenaient. Madame de -Sévigné, outre le vif intérêt qu'elle y prenait elle-même, avait -encore un motif particulier pour s'informer de tout avec exactitude. -Elle s'était imposé la tâche de tenir au courant de toutes les phases -et de toutes les circonstances du procès Simon de Pomponne et les -autres exilés amis du surintendant, de manière à les mettre à portée -d'apprécier avec exactitude les motifs de crainte ou d'espérance qu'on -pouvait avoir. - -Simon de Pomponne, devenu suspect au roi par son amitié pour -Fouquet[442] et son jansénisme, avait d'abord été exilé à Verdun; mais, -protégé par de Lionne, qui était resté ministre, et aussi par Bertillac, -trésorier de la reine mère, de Pomponne, après un an de séjour à Verdun, -eut la permission de se rendre à La Ferté-sous-Jouarre, où des -affaires de famille réclamaient sa présence[443]. De Pomponne resta -dix-huit mois à La Ferté-sous-Jouarre. Ce ne fut qu'après ce temps -écoulé qu'il lui fut permis de se retirer à sa terre de Pomponne; et -c'est là que madame de Sévigné lui adressait les lettres où elle lui -rendait compte de ce qui se passait à Paris, et surtout de tout ce qui -concernait le procès de Fouquet. - -Toutes les lettres que de Pomponne recevait de madame de Sévigné, il -les communiquait à son père, le célèbre Arnauld d'Andilly, qui se -trouvait alors avec lui, et qu'on avait forcé aussi, à cause du -surintendant, de s'éloigner de Port-Royal. Ces mêmes lettres -étaient ensuite transmises au château de Fresne, peu éloigné de -celui de Pomponne[444]. Madame de Guénégaud, qui revint à Paris -et rejoignit madame de Sévigné avant la fin du procès, madame -Duplessis-Bellière[445], et d'autres exilés amis et amies du -surintendant, s'adressaient à de Pomponne pour en avoir des nouvelles, -et pour s'informer de ce que madame de Sévigné lui en avait écrit. -Madame de Sévigné ne l'ignorait pas. Aussi écrivait-elle exactement ce -qu'elle appelait elle-même la gazette du procès. - -Les lettres qui renferment cette gazette sont peut-être de tous les -écrits qui nous restent de madame de Sévigné ceux qui témoignent le -plus de la sensibilité de son cÅ“ur, de sa grandeur d'âme, de sa -constance et de son désintéressement dans le commerce de l'amitié. -Lorsqu'elle les écrivit, elle était, ainsi qu'on le verra bientôt, en -grande faveur à la cour. Elle avait autant d'admiration que -d'affection pour Louis XIV; elle pensait déjà à l'établissement de sa -fille; et ces nouveaux liens, ces intérêts si grands et si chers, ne -l'arrêtèrent pas, et ne l'empêchèrent point de manifester les tendres -et vives sympathies qui l'attachaient toujours à ses anciens amis, en -butte aux rigueurs du pouvoir, et d'épancher tous les sentiments que -lui inspiraient ses vives anxiétés sur le sort qui attendait le -malheureux surintendant. - -Madame de Sévigné ne doutait point que les lettres qu'elle écrivait à -de Pomponne ne fussent décachetées et lues par les agents du -gouvernement; mais elle ne s'en inquiète pas, et elle mande à son -correspondant que pour continuer à lui écrire, elle a seulement besoin -de savoir si ses lettres lui parviennent[446]. - -Ces lettres parurent pour la première fois en 1756, dans un recueil -séparé, dont l'éditeur est resté inconnu[447]. - -La première de ces lettres est datée du 17 novembre 1664; la dernière, -du mois de janvier 1665, ce qui comprend un intervalle de temps d'un -mois et demi[448]. Ces lettres renferment les seuls détails -authentiques relatifs au procès de Fouquet étrangers aux actes -juridiques et aux actes officiels; et, dans un procès de cette nature, -ces détails sont les plus intéressants et même les plus importants de -tous, parce que les récits qu'ils contiennent sont les vraies pièces -d'après lesquelles la postérité juge les juges et l'accusation. - -Dans ces lettres, madame de Sévigné ne nomme jamais l'illustre accusé -que _notre cher ami_[449]; et tous les traits de présence d'esprit, de -fermeté et de dignité de caractère qu'il déploie, elle les note avec -soin, et n'oublie aucune des circonstances, quelque minutieuses -qu'elles soient, qui peuvent leur donner du relief. En les racontant, -elle verse des larmes[450]. Elle n'approuve pas cependant que son ami -s'impatiente contre ses juges; quelquefois elle dit: «Cette manière -n'est pas bonne. Il se corrigera; mais, en vérité, la patience -échappe, et il me semble que je ferais tout comme lui[451].» - -A mesure qu'approche l'instant qui doit décider du sort de Fouquet, -madame de Sévigné ne paraît plus susceptible de s'occuper d'autre -chose, et, au lieu de vouloir se distraire de sa douleur, elle se -complaît dans tout ce qui la lui rappelle, dans tout ce qui peut -l'accroître. Elle se transporte dans une maison voisine de l'Arsenal, -uniquement pour voir passer Fouquet; et, protégée par son masque, elle -a enfin cette triste satisfaction; mais ses jambes tremblent, et son -cÅ“ur bat si fort qu'elle est sur le point de se trouver mal[452]. - -Madame de Sévigné fait ressortir, avec une raillerie piquante ou une -indignation amère, la partialité de certains juges, leur lâcheté, et -l'animosité de Colbert, qu'elle appelle _Petit_[453]. Ce n'est pas -qu'elle s'aveugle entièrement sur les torts de son ami. Elle -comprenait bien quelles étaient les parties faibles ou glissantes, -comme elle les appelle, de la défense[454]; mais elles augmentaient -ses peines, sans rien diminuer de sa compassion. Ce qui lui importait -dans cette cause n'était pas la culpabilité ou l'innocence de -l'accusé; c'était le danger qui le menaçait, et les chances qu'il -pouvait avoir d'y échapper ou d'y succomber. Et à cet égard les -différentes phases du procès et les alternatives de crainte et -d'espérance qu'elles faisaient naître la tenaient dans un état -d'angoisse que sa plume nous peint à merveille. - -«Je ne crois pas, dit-elle, qu'il m'ait reconnue; mais je vous avoue -que j'ai été extrêmement saisie quand je l'ai vu entrer dans cette -petite porte. Si vous saviez combien on est malheureux quand on a le -cÅ“ur fait comme je l'ai, vous auriez pitié de moi; mais je pense que -vous n'en êtes pas quitte à meilleur marché, de la manière dont -je vous connais. J'ai été voir votre chère voisine (madame -Duplessis-Guénégaud); je vous plains autant de ne l'avoir plus, que -nous nous trouvons heureux de l'avoir. Nous avons bien parlé de notre -cher ami (Fouquet). Elle a vu Sapho (mademoiselle Scudéry), qui lui a -donné du courage. Pour moi, j'irai demain en reprendre chez elle; car -de temps en temps je sens que j'ai besoin de reconfort. Ce n'est pas -que l'on ne dise mille choses qui doivent donner de l'espérance; mais, -mon Dieu, j'ai l'imagination si vive, que tout, ce qui est incertain -me fait mourir[455].» - -A cette époque la pénurie des finances et le système d'économie -substitué par Colbert à celui des emprunts firent supprimer un -quartier des rentes sur l'hôtel de ville, ce qui ajouta encore au -mécontentement qu'occasionnait le procès de Fouquet. Madame de Sévigné -avait de ces rentes, et elle dit au sujet du retranchement et du -procès: «L'émotion est grande, mais la dureté l'est encore plus. Ne -trouvez-vous pas que c'est entreprendre bien des choses à la fois? -Celle qui me touche le plus n'est pas celle qui me fait perdre une -partie de mon bien[456].» - -Il est souvent fait mention dans ces lettres du vieil ami, -c'est-à -dire du père de M. de Pomponne, d'Arnauld d'Andilly, qui, -malgré son grand âge, suivait avec un vif intérêt tous les détails du -fameux procès. Le chancelier Pierre Seguier, dévoué à Colbert, -présidait le tribunal avec une révoltante partialité. Comme il -affectait une dévotion sévère, et que le chef-d'Å“uvre de Molière, le -_Tartufe_, faisait alors grand bruit, Arnauld d'Andilly disait au -sujet de Seguier, que c'était Pierrot métamorphosé en Tartufe[457]. -Madame de Sévigné fut si charmée de ce bon mot, qu'elle déclara être -au désespoir de ne l'avoir pas dit la première. Le même aveu lui -échappe, et elle éprouve le même plaisir, toutes les fois qu'on lui -raconte une saillie, un trait d'esprit, une réflexion juste, une -maxime utile, exprimée d'un manière vive et piquante. - -Pendant tout le cours du procès madame de Sévigné allait souvent dîner -à l'hôtel de Nevers[458], chez madame Duplessis-Guénégaud, dont le -mari, autrefois ministre et secrétaire d'État, se trouvait impliqué -dans la disgrâce du surintendant. Madame Duplessis-Guénégaud avait, -pendant la Fronde, servi la cour avec zèle, en cherchant à réconcilier -le prince de Condé avec la reine. C'était une femme d'un grand sens, -spirituelle, pleine de bonté et de dévouement pour ses amis. «Avec -elle, dit madame de Motteville, on goûtait le véritable plaisir de la -société agréable et vertueuse. Madame de Sévigné, qui trouvait dans le -cÅ“ur de madame de Guénégaud les mêmes sympathies que celles qu'elle -éprouvait, sentait encore s'augmenter l'affection qu'elle avait pour -elle. Rien n'étreint plus fortement les nÅ“uds de l'amitié que -lorsqu'on participe aux mêmes peines et aux mêmes émotions. - -Il ne suffisait pas à madame de Sévigné de s'apitoyer sur le sort de -son ami: elle agissait vivement, et sollicitait en sa faveur -d'Ormesson, qui, nommé juge rapporteur du procès, pouvait avoir une si -grande influence sur le jugement. - -«Voilà qui est donc fait, dit-elle, c'est à M. d'Ormesson à parler; il -doit récapituler toute l'affaire: cela durera encore toute la semaine -prochaine, c'est-à -dire qu'entre ci et là ce n'est pas vivre que la -vie que nous passerons. Pour moi, je ne suis pas reconnaissable, et je -ne crois pas que je puisse aller jusque là . M. d'Ormesson m'a priée de -ne plus le voir que l'affaire ne soit jugée. Il est dans le conclave, -il ne veut pas avoir de commerce avec le monde; il affecte une grande -réserve; il ne parle point, il écoute: et j'ai eu ce plaisir, en lui -disant adieu, de lui dire tout ce que je pense[459].» - -La famille de Fouquet et ses affidés ne croyaient point qu'il pût être -condamné à mort. Cette sécurité faisait mal à madame de Sévigné, -intimement liée avec plusieurs ennemis du surintendant: elle -n'ignorait ni leurs dispositions, ni leur puissance, ni les intentions -du roi. Aussi elle n'aimait à parler de cette affaire qu'avec madame -Duplessis-Guénégaud, qui partageait toutes ses craintes. Cependant -elle écrivait: «Au fond de mon cÅ“ur, j'ai un petit brin d'espérance. -Je ne sais d'où il me vient et où il va; et même il n'est pas assez -grand pour que je puisse dormir en repos[460].» - -Si l'arrêt est tel qu'elle peut l'espérer, elle pense à la joie -qu'elle aura d'envoyer un courrier, à bride abattue, porter cette -nouvelle à de Pomponne. Toutes ses craintes se renouvellent, parce -qu'elle a su que le roi avait dit à son lever «que Fouquet était un -homme dangereux[461]». Et en effet un tel propos de la part du roi, -dans la situation où se trouvait l'affaire, était une condamnation; -c'était ravir l'indépendance aux juges et l'impartialité à la justice. - -Aussi, lorsque madame de Sévigné apprit que d'Ormesson avait opiné au -bannissement perpétuel de l'accusé et à la confiscation de tous ses -biens, elle s'en réjouit, et, en annonçant cette nouvelle à de -Pomponne, elle ajoute: «M. d'Ormesson a couronné par là sa réputation. -L'avis est un peu sévère; mais prions Dieu qu'il soit suivi.» En -effet, le rapport de M. d'Ormesson et son opinion modérée lui -donnèrent dans le monde la réputation d'un homme de talent et de -courage. - -Les premiers juges qui opinèrent après le rapporteur furent -Saint-Hélène et Pussort, l'oncle de Colbert. Fouquet, mais en vain, -les avait récusés tous deux. Ils conclurent à ce que l'accusé eût la -tête tranchée. Mais un des juges, nommé Berrier, voué à Colbert et à -toutes ses haines, devint fou pendant qu'on était aux opinions, et -avant le jugement. Dans cet intervalle aussi une comète apparut; M. de -Neuré, fameux astrologue, assurait qu'elle était d'une grandeur -considérable. Tout cela mit les esprits en émoi, et ajoutait aux -agitations de madame de Sévigné. C'est très-sérieusement qu'elle -entretient de Pomponne du pronostic de cette comète. Ce n'étaient pas -seulement les femmes qui croyaient alors à l'influence des astres sur -les affaires humaines[462], c'étaient aussi des hommes remarquables -par leur esprit et leurs lumières. Cependant Fouquet n'avait pas cette -faiblesse; et lorsqu'il sut que l'on rattachait l'apparition de la -comète à ce qui lui arrivait de personnel, il dit spirituellement: «La -comète me fait trop d'honneur[463].» - -Mais plus le moment qui devait décider de son sort, s'approchait, plus -l'on s'occupait de lui, plus s'augmentaient aussi les anxiétés de -madame de Sévigné. «Tout le monde, dit-elle, s'intéresse dans cette -grande affaire. On ne parle d'autre chose; on raisonne, on tire des -conséquences, on compte sur ses doigts, on s'attendrit, on craint, on -souhaite, on hait, on admire, on est triste, on est accablé; enfin, -mon pauvre monsieur, c'est une chose extraordinaire que l'état où l'on -est présentement, c'est une chose divine que la résignation et la -fermeté de notre cher malheureux. Il sait tous les jours ce qui se -passe, et il faudrait faire des volumes à sa louange[464].» - -Enfin, le samedi 20 décembre madame de Sévigné envoie un courrier à de -Pomponne, pour lui annoncer que Fouquet a la vie sauve. Dans la lettre -qu'elle écrivit ensuite, quoiqu'elle ait appris que le roi avait -aggravé la peine, changé l'exil en prison et refusé à Fouquet sa -femme, elle ne veut pas que de Pomponne rabatte rien de la joie qu'a -dû lui causer l'arrivée de son courrier. «La mienne, dit-elle, est -augmentée s'il se peut, et le procédé me fait mieux voir la grandeur -de notre victoire.» Elle avait raison: le roi prouvait par cet abus de -sa puissance combien il avait compté sur la condamnation à la peine -capitale[465]. Fouquet ne l'ignorait pas, ainsi que le prouve le -passage suivant de la lettre où madame de Sévigné raconte ce qui eut -lieu lorsqu'on reconduisit le surintendant en prison, après qu'il eut -entendu la lecture de l'arrêt qui le condamnait. «Cependant M. Fouquet -est allé dans la chambre de M. d'Artagnan: pendant qu'il y était, il a -vu par la fenêtre passer M. d'Ormesson, qui venait de reprendre -quelques papiers qui étaient entre les mains de M. d'Artagnan. M. -Fouquet l'a aperçu; il l'a salué avec un visage ouvert et plein de -joie et de reconnaissance; il lui a même crié qu'il était son humble -serviteur. M. d'Ormesson lui a rendu son salut avec une grande -civilité, et s'en est venu, le cÅ“ur tout serré, me conter ce qu'il -avait vu[466].» - -Comme on avait séparé Fouquet, non-seulement de sa femme, mais de son -médecin resté son ami, et de son plus fidèle domestique, on crut que -ses ennemis, après l'avoir vu échapper à regret à une exécution -publique, avaient formé le projet de l'empoisonner. En tout temps, une -des premières punitions que subissent ceux qui tiennent le pouvoir -quand ils s'écartent des formes de la justice est d'être aussitôt -jugés capables des crimes les plus odieux. - -«Si vous saviez, dit madame de Sévigné, comme cette cruauté paraît à -tout le monde, de lui avoir ôté Pecquet et Lavallée! C'est une chose -inconcevable; on en tire des conséquences fâcheuses, dont Dieu le -préserve, comme il a fait jusque ici!» Puis après cette citation, -_Tantæne animis cÅ“lestibus iræ_, qui prouve ses études classiques, -elle ajoute: «Mais non, ce n'est point de si haut que cela vient. De -telles vengeances, rudes et basses, ne sauraient partir d'un cÅ“ur -comme celui de notre maître. On se sert de son nom, et on le profane, -comme vous voyez.» Cependant elle a vu le même jour la comète avec sa -longue queue, et elle y met une partie de ses espérances[467]. Puis -ses soupçons lui reviennent, et elle écrit à son correspondant: -«Soyons comme lui, ayons du courage, et ne nous accoutumons pas à la -joie que nous donna l'admirable arrêt de samedi. Il a couru un bruit -qu'il était malade. Tout le monde disait: Quoi, déjà [468]!...» - -Il fallait que la crainte de voir condamner à mort le surintendant eût -été bien forte et bien générale, pour que madame de Sévigné donnât -l'épithète d'admirable à un arrêt qui consommait la ruine totale de -l'accusé et le condamnait à un exil perpétuel. Tous ceux qui à la cour -lui étaient attachés dans son malheur s'efforçaient de lire sur le -visage du monarque l'espérance d'un meilleur avenir. Mais madame de -Sévigné, à qui Louis XIV n'adressa jamais que des paroles agréables et -flatteuses, nous prouve, par ce qu'elle dit de lui à ce sujet, qu'il -eut dès sa jeunesse cet air digne et réservé qui ne permettait pas de -pouvoir deviner aucune des pensées qui l'occupaient ou des sentiments -dont il était agité, et qu'il conservait même au milieu des fêtes et -des plaisirs cet aspect sévère qui imposait à tous ceux qui -l'approchaient. Après avoir raconté à de Pomponne les détails qu'elle -a appris sur le voyage de Fouquet à sa prison de Pignerol, d'où il ne -devait plus sortir, elle parle ensuite des égards que d'Artagnan, -chargé de le conduire, avait pour lui. «On espère toujours des -adoucissements à son sort; je les espère aussi. L'espérance m'a trop -bien servie pour l'abandonner. Ce n'est pas que toutes les fois qu'à -nos ballets je regarde notre maître, ces deux vers du Tasse ne me -reviennent en mémoire: - - Goffredo ascolta, e in rigida sembianza - Porge più di timor che di speranza[469].» - -Louis XIV avait trop de grandeur d'âme et un cÅ“ur trop généreux pour -conserver du ressentiment contre ceux qui s'étaient montrés sensibles -à l'amitié et étaient restés fidèles à l'infortune. Les amis et les -parents de Fouquet rentrèrent en grâce auprès du jeune monarque; -plusieurs même jouirent de toute sa faveur, et firent un chemin -rapide; mais il ne se relâcha en rien de ses rigueurs contre le -prisonnier de Pignerol. Le temps travaille vite pour ceux qui sont -heureux. Bientôt Fouquet, avec lequel il était devenu impossible de -communiquer, pour lequel il était défendu de solliciter, fut oublié. -Ceux même qui l'avaient chéri le plus, qui lui avaient donné les plus -grandes preuves de dévouement, satisfaits d'avoir, par la courageuse -conduite qu'ils avaient tenue au moment du procès, contribué à lui -sauver la vie, n'en parlèrent plus. De nouveaux événements, plus -importants, se succédèrent avec rapidité, et attirèrent l'attention -publique. Madame de Sévigné, dans une lettre écrite à sa fille huit -ans après le jugement rendu contre Fouquet, nous apprend qu'il -supportait héroïquement sa prison[470], et qu'il espérait de voir -alléger sa peine. Mais la manière dont elle en parle prouve bien que, -même chez elle, le souvenir de cet ami de sa jeunesse s'était affaibli -avec les années, et qu'entièrement livrée à d'autres intérêts et -d'autres affections, elle en était peu préoccupée. Les espérances -qu'avait alors Fouquet de voir se relâcher les rigueurs de sa -captivité furent encore longues à se réaliser; car ce ne fut que dix -ans après qu'il lui fut permis de s'entretenir avec sa femme[471]. -C'était l'époque où Lauzun fut aussi enfermé à Pignerol[472]. Les -chambres des deux prisonniers étaient l'une au-dessous de l'autre. Par -un trou que Lauzun pratiqua, il parvint à communiquer avec -Fouquet[473]. Quelle fut la surprise de celui-ci, qui depuis quinze -ans avait été tenu au secret, et dans une ignorance complète de tout -ce qui s'était passé dans le monde, de voir ce Puiguilhem, ce cadet de -Gascogne, qu'il avait laissé jeune homme, pointant à peine à la cour, -lui raconter comment il avait été fait général des dragons, capitaine -des gardes du corps, général d'armée; puis lui donner les détails des -dispositions prises pour son mariage avec la grande MADEMOISELLE, -mariage qui devait se faire avec le consentement du roi! Fouquet crut -que Puiguilhem était devenu fou, et n'était enfermé que pour cette -cause; sa surprise fut au comble lorsqu'on lui assura que M. de Lauzun -n'avait rien dit qui ne fût vrai[474]. Enfin la captivité de Fouquet -devint moins sévère; il put voir sa famille, et même les officiers et -les habitants de la ville de Pignerol[475]. Il paraît qu'on finit -alors par lui accorder la permission de sortir de sa prison, pour -aller aux eaux de Bourbonne y rétablir sa santé. Si cette permission -fut accordée, elle parvint trop tard à Pignerol; Fouquet n'était déjà -plus. Dans une lettre datée du 3 avril 1680, madame de Sévigné exprime -en deux ou trois lignes le chagrin que lui cause l'annonce de cette -mort; mais elle paraît en même temps bien plus affectée de légères -altérations qu'éprouvait alors la santé de madame de Grignan, que de -la perte de cet ami de sa jeunesse[476]. - -Ainsi, cet homme dont l'existence avait eu tant de splendeur et -d'éclat, et qui pendant les neuf dernières années de sa prospérité -avait été entouré de tant de clients, de protégés, de partisans et de -flatteurs; qui avait eu si souvent pour hôtes, à sa table, des rois et -des reines; qui, avide de toutes les jouissances des sens et de -l'esprit, s'était saturé de toutes les délices de la vie, après une -captivité qui dura dix-neuf ans, disparut du monde, tellement oublié, -tellement délaissé, obscur, inaperçu, que ce fut un problème, même -parmi ses amis d'autrefois, de savoir s'il était mort en prison, ou -quelques jours après avoir recouvré sa pleine et entière liberté[477]. - -Voltaire lui-même ayant paru incertain sur le lieu où mourut Fouquet, -on a, selon l'usage, cherché à fonder sur ce doute les plus étranges -romans. On a fait du surintendant un ermite des Cévennes, et on a -voulu trouver en lui l'Homme au masque de fer. Aujourd'hui aucun doute -sur ce sujet n'est permis pour qui sait apprécier la valeur des -preuves historiques, et dégager leur lumière vive et pure des -brouillards dont la crédulité et l'amour du merveilleux se plaisent -souvent à l'envelopper. Des actes authentiques et notariés et la -correspondance de Louvois avec Saint-Mars démontrent que Fouquet est -mort à Pignerol, où alors se trouvaient présents sa femme et un de ses -fils, auxquels son corps fut livré pour être inhumé selon leur -volonté[478]. Cette mort presque subite contraria les généreuses -intentions de Louis XIV et de ses ministres, qui depuis longtemps -avaient résolu de donner la liberté au surintendant[479]. A cette -époque (en 1680) les ministres savaient que Fouquet n'était plus à -craindre pour eux; qu'il ne pouvait plus participer aux affaires, ni -rentrer en grâce auprès du monarque. Le temps avait diminué -l'importance des secrets d'État qui avaient forcé Louis XIV à faire -subir à Fouquet une si longue et si dure incarcération. Les événements -qui s'étaient passés avaient cessé d'en faire craindre la divulgation. -La mort de Fouquet enleva à Louis XIV tout le fruit de sa tardive -clémence, et vint donner à une juste punition ce caractère -d'implacable cruauté, qui eût disparu si ce grand coupable, devenu un -homme sage et pieux, eût passé les restes d'une vie qui pouvait encore -longtemps se prolonger, auprès de son héroïque femme et dans le sein -de sa famille, encore riche, heureuse et puissante, par les bienfaits -du monarque. Les graves délits du surintendant furent oubliés; on ne -se souvint plus que de ses talents, de sa prospérité, de sa chute et -de ses souffrances. Sa mort, qui sembla prématurée, fit même -soupçonner un crime; et le procès qui lui fut fait est devenu le -canevas banal sur lequel aiment à broder ceux qui s'imposent la tâche -facile d'émouvoir la sensibilité des lecteurs vulgaires, et qui ne -voient dans les actes du pouvoir que des motifs de haine, de -vengeance, et d'odieuse tyrannie; et dans ceux qu'il est obligé de -frapper, que des héros du malheur et des victimes innocentes. - - [436] CONRART, _Mém._, t. XLVIII, p. 256 à 259.--MOTTEVILLE, LXL, - p. 162. - - [437] Voyez ci-dessus, p. 205 et 206. - - [438] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 58, édit. de Monmerqué, 1820; - t. I, p. 86 de l'édit. de G. de S.-G. - - [439] _Histoire de la Vie et des Ouvrages de La Fontaine_, 3e - édition, p. 390. - - [440] _Ménagiana_, t. I, p. 19. - - [441] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 60, édit. 1820; ou t. I, p. - 96, édit. de G. de S.-G. - - [442] SÉVIGNÉ, t. I, p. 58, note _a_, édit. 1820.--PETITOT, - _Notice sur Port-Royal_, dans les _Mémoires_, t. XXXIII, p. 161. - - [443] L'abbé ARNAULD, _Mém._, t. XXXIV, p. 318.--MONMERQUÉ, dans - les _Mém. de Coulanges_, p. 383, et l'article _Pomponne_, dans la - _Biographie universelle_, t. XXXV, p. 321. - - [444] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 62 (en date du 17 novembre). - - [445] _Lettre de madame Duplessis-Bellière à Pomponne_, dans les - _Mémoires de_ CONRART, t. XLVIII, p. 259, datée de Châlons le 19 - septembre 1661. - - [446] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 79 (en date du 24 au 26 - novembre). - - [447] _Lettres de madame de S*** à M. de Pompone_; à Amsterdam, - 1756, in-12 (73 pages). - - [448] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 62-105, édit. Monm.; t. I, p. - 100 à 149 de l'édit. de G. de S.-G. - - [449] SÉVIGNÉ, t. I, p. 65. - - [450] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 66, 69-84 (du 18 novembre - 1664). - - [451] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 70. - - [452] Ibid., p. 77 (en date du 27 novembre). - - [453] Ibid., p. 67. - - [454] Ibid., p. 71 (en date du 20 novembre 1664). - - [455] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 78 (27 novembre 1664). - - [456] Ibid., ibid. - - [457] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 82 (_lettre_ en date du 1er - décembre 1664). - - [458] Cet hôtel, placé où est actuellement l'hôtel des Monnaies, - acheté par Guénégaud à la duchesse de Nevers, en 1641, fut nommé - l'hôtel Guénégaud. Conférez: MOTTEVILLE, _Mém._, t. XXXIX, p. - 373.--GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 351.--BEREY, _Plan de - Paris_, en quatre feuilles, 1654.--JAILLOT, _Recherches sur - Paris_, quartier Saint-Germain des Prés, t. V, p. 54, 68, 69.--M. - B*** (Germain Brice), _Description nouvelle de ce qu'il y a de - plus remarquable dans la ville de Paris_, 1685, in-12, t. II, p. - 217; édit. de 1698, p. 389.--LE MAIRE, _Paris ancien et nouveau_, - 1685, t. III, p. 237.--PIGANIOL DE LA FORCE, _Description de - Paris_, t. VIII, p. 231.--GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. - 330.--JOLY, _Mém._, t. XLVII, p. 213. - - [459] SÉVIGNÉ, _Lettres_, édit. de Monmerqué, t. I, p. 88 (en - date du 5 décembre 1664). - - [460] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 90, édit. 1820 (en date du 9 - novembre 1664). - - [461] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 96 (en date du 17 décembre - 1664). - - [462] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 97 (du 17 décembre - 1664).--GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 360. - - [463] CHOISY, _Mémoires_, t. LXIV, p. 249 à 265. - - [464] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 99 (en date du 17 décembre - 1664). - - [465] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mémoires inédits_, t. II, p. 211. - - [466] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 104 (en date du 22 décembre - 1664). - - [467] SÉVIGNÉ, _Lettres_, p. 105 et 106. - - [468] Ibid., p. 107. - - [469] TASSO, _Gerusalemme liberata_, canto V, st. 35. - - [470] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. II, p. 369 (en date du 23 mars - 1672). - - [471] _Lettre de Louvois_, du 18 octobre 1672, dans DELORT, - _Histoire de la Détention des Philosophes_, etc., t. I, p. 40 et - 195. - - [472] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. V, p. 394 (en date du 27 février - 1679).--SAINT-SIMON, _OEuvres_, t. X, p. 137-138. - - [473] _Lettre de Louvois_, avril 1680. - - [474] Voyez les _Lettres de Louvois_, en date des 24 janvier et - 18 avril 1680, dans DELORT, _Histoire de la Détention des - Philosophes et des Gens de lettres_, t. I, p. 314 et 317. - - [475] _Lettres de Louvois_, 15 février, 6 mars et 10 mai 1679, - dans DELORT, _Histoire de la Détention des Philosophes et des - Gens de lettres_, t. I, p. 286. - - [476] SÉVIGNÉ, _lettre_ du 3 avril 1680, t. VI, p. 217. - - [477] GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 401.--SÉVIGNÉ, _Lettres_, 5, - 6 avril 1680, t. VI, p. 223.--BUSSY, _Lettres_, t. IV, p. - 428.--BAROLETTI, _Notice sur la mort du surintendant Fouquet_, - Turin, 1812, in-4º.--_Mercure de France_, octobre 1754, p. 142 et - 143. - - [478] _Lettres de Louvois_ à Saint-Mars depuis les années 1672 à - 1680, dans DELORT, _Hist. de la détention de Fouquet, de - Pellisson et Lauzun_, t. I de l'_Hist. de la Détention des - Philosophes et des Gens de lettres_, p. 195, 321. - - [479] PAROLETTI, _Notice sur la mort du surintendant Fouquet_, - Turin, 1812, in-4º.--GOURVILLE, _Mém._, t. LII, p. 461.--BUSSY, - _Lettres_, t. IV, p. 428. - - - - -CHAPITRE XX. - -1662-1663. - - Louis XIV prend en main les rênes de son gouvernement.--Situation - critique des affaires.--Ses réformes.--Ordre qu'il introduit dans - les finances.--Il assure la préséance de ses - ambassadeurs.--Sépare le pouvoir judiciaire du pouvoir - administratif, et restreint la puissance des gouverneurs de - place.--Nomination de Péréfixe à l'archevêché de - Paris.--Prédications de Bossuet.--L'activité des esprits trouve - un aliment dans les controverses religieuses.--Commencements des - persécutions religieuses.--Mesures de Louis XIV contre le - jansénisme et les protestants.--Zèle religieux du prince de - Conti.--L'opposition politique ne se manifeste que par des - vaudevilles et des épigrammes.--Goût de la nation pour la - littérature dramatique.--Protection accordée par Louis XIV aux - gens de lettres; bienfaits qu'il répand sur eux.--Corneille se - remet à composer pour le théâtre, et donne _Sertorius_.--Il fait - des vers à la louange du roi.--Libelle de l'abbé d'Aubignac - contre Corneille.--Succès de l'_École des Femmes_.--Guerre - littéraire qu'il occasionne.--Molière répond à ses ennemis par la - _Critique de l'École des Femmes_.--Vers de Boileau à sa - louange.--Boileau n'avait rien publié, mais ses premières Satires - étaient connues.--Nouvelle génération d'écrivains qui fait la - guerre aux coteries littéraires.--Vives attaques de - Boileau.--Racine commence en province; il est lié avec La - Fontaine.--Ces quatre poëtes jettent un vif éclat sur le règne de - Louis XIV.--Ce roi, après avoir organisé l'État, s'occupe de - régler sa cour.--Différence de la position des souverains de - cette époque avec ceux d'aujourd'hui.--La cour renfermait alors - en hommes tout ce qui faisait la gloire et la force du - pays.--Molière ne put peindre impunément les ridicules que parce - qu'il était protégé par le roi.--Boileau fut obligé de modérer - l'âcreté de ses Satires.--Nominations de cordons bleus.--Condé - est admis à en choisir un.--Il nomme Guitaut, ami de madame de - Sévigné, son voisin en Bourgogne.--Fureur du comte de Coligny à - ce sujet. Louis XIV institue les justaucorps bleus.--Privilége - qu'il y attache.--Il s'occupe de ses fêtes aussi bien que de ses - négociations.--Ballet d'_Hercule amoureux_.--Beau carrousel donné - en 1662.--Louis XIV se laisse aller à son penchant pour les - femmes.--La cour est remplie d'intrigues amoureuses.--La comtesse - de Soissons est contre La Vallière.--Ne pouvant réussir auprès du - roi, elle favorise ses amours avec La Mothe-Houdancourt.--La - Vallière en conçoit un si grand chagrin, qu'elle se retire à - Chaillot.--Le roi va la reprendre.--Intrigue coupable ourdie par - la comtesse de Soissons, Vardes et mademoiselle Montalais, pour - faire chasser La Vallière.--Intrigues de MADAME avec le comte de - Guiche, de La Mothe-Houdancourt avec le comte de Gramont.--Toutes - ces intrigues n'aboutissent qu'à faire expulser de la cour la - comtesse de Soissons, le comte de Gramont, le comte de Guiche, et - occasionnent la disgrâce, non méritée, du duc et de la duchesse - de Navailles.--Corbinelli, l'ami de madame de Sévigné, mêlé dans - l'affaire de mademoiselle Montalais et du comte de Guiche.--Point - de lettres de madame de Sévigné pendant cette année; elle - s'éloigne peu de la capitale.--Madame de La Fayette, pendant - qu'elle en était absente, dut l'instruire de ce qui se passait à - Fontainebleau, à Saint-Cloud, à Versailles.--Madame de Sévigné - présente à la cour sa fille, qui figure dans les ballets - royaux.--Liée avec les religieuses de Sainte-Marie, elle a dû - assister au panégyrique de saint François de Sales.--Corbinelli - est membre d'une académie italienne.--Le _Grand Dictionnaire des - Précieuses_ paraît.--Portrait que l'auteur fait de madame de - Sévigné et de Corbinelli. - - -Revenons sur nos pas. Oublions Fouquet, Mazarin, la Fronde, l'hôtel de -Rambouillet, et toutes les intrigues et tous les acteurs de ces temps: -ils ne sont plus. Louis XIV règne; et, comme il le dit lui-même dans -le premier conseil qu'il tint, «La face du théâtre change[480]». Elle -change en effet, avec la rapidité qu'imprime toujours aux affaires et -aux destinées d'un grand État l'homme qui, né pour commander aux -autres, est appelé à exercer le pouvoir quand toutes les résistances -ont cessé, et que tous les partis se sont mutuellement anéantis par -leurs excès[481]. Dans cette première année, où il eut à lutter contre -tous les embarras d'une disette[482], Louis XIV licencia la plus -grande partie de son armée, et rendit ainsi, sans trouble, une foule -de bras à l'agriculture et à l'industrie; il établit l'ordre et -l'économie dans toutes les parties de l'administration; réduisit le -taux des impôts, qui était excessif, et cependant augmenta leurs -produits par de fortes réductions dans les frais de perception, et par -une répartition plus égale. Les habitants du Boulonais, se trouvant -lésés par les mesures qu'il prit à cet effet, se révoltèrent; il les -châtia sévèrement. «La coutume de nos voisins (dit-il dans ses -Instructions au Dauphin, en parlant de cette révolte et de la -promptitude qu'il mit à la réprimer) est d'attendre leurs ressources -des révolutions de la France[483].» Il régla toutes ses dépenses sur -le pied de paix, et en même temps éleva son revenu sur le pied de -guerre; imitant ainsi la politique des Romains, chez qui la guerre -était toujours populaire, parce que pour y subvenir on répandait -l'aisance parmi les citoyens, en dissipant les trésors amassés pendant -la paix. Louis XIV dans cette même année acquit, par une cession, des -droits sur la Lorraine et le Barrois[484], et acheta Dunkerque au roi -d'Angleterre. Il protégea le Portugal contre l'Espagne, l'empereur et -Venise contre les Turcs, l'électeur de Mayence contre ses sujets, la -Hollande contre l'Angleterre et contre l'évêque de Munster. A Londres -et à Rome, il assura le rang de préséance à ses ambassadeurs, avec une -fermeté et une hauteur qui étonnèrent l'Europe, accrurent la dignité -de sa couronne, et imprimèrent un grand respect à son nom[485]. Il mit -tous ses soins à régulariser l'action de la puissance royale, de -manière à empêcher les factions de renaître. Il cassa des arrêts que -le parlement avait rendus pour la libre circulation des grains. Par -lui, le pouvoir judiciaire se trouva nettement séparé du pouvoir -civil, et le pouvoir administratif de la force militaire. Afin de -tenir celle-ci dans une dépendance plus étroite, il ne donna plus aux -commandants des places de guerre et aux titulaires des grands -gouvernements, des provisions que pour trois ans[486]. - -Le cardinal de Retz fut amené à donner sa démission pure et simple de -son archevêché de Paris; et Louis XIV, en nommant à ce premier siége -du royaume Péréfixe, qui avait été son précepteur et lui était tout -dévoué, ajoutait encore à la stabilité du trône par la sanction que la -religion lui donne[487]. La puissance de la religion sur les esprits -était grande alors. Le jeune Bossuet, par sa profonde doctrine, par -son zèle de missionnaire, par sa chaleur d'apôtre, par son éloquence -inégale, mais souvent sublime, donnait à cette époque un vif éclat à -la chaire évangélique. Les excellents traités des solitaires de -Port-Royal, et les lettres piquantes de Pascal, alors si répandues et -si goûtées, donnaient aux prédicateurs un auditoire préparé à tout ce -que la croyance catholique peut acquérir d'empire sur les esprits. -Banni du domaine de la politique, le génie de la controverse, des -cabales et des partis s'était réfugié dans les régions de la -théologie. A cet égard le jeune roi se montra moins sage que Mazarin; -il commença dès lors à s'engager dans la route qui contribua tant à -rendre déplorable la fin de son règne, si lumineux à son matin, si -éclatant à son midi. Il voulut employer la contrainte là où la -contrainte ne peut rien. Il commença par de légères mais injustes -persécutions contre les jansénistes et les protestants, quoique les -premiers professassent, dans leurs déclarations du moins, la plus -entière soumission au pape et à son autorité, et que le culte des -seconds se trouvât sous la protection des édits rendus par les -prédécesseurs de Louis XIV et confirmés par lui. Un grand nombre de -temples protestants, qu'on prétendit avoir été ouverts contrairement -aux ordonnances, furent fermés. Le prince de Conti, qui commandait en -Languedoc, était devenu dévot; il fanatisait les peuples en envoyant -de tous côtés d'ardents et intolérants missionnaires, et il expulsait -les comédiens dans toute l'étendue de son gouvernement[488]. - -Cependant le goût général de la nation, et de Louis XIV lui-même, pour -les représentations théâtrales et la littérature dramatique, -s'accroissait toujours. Une nouvelle troupe, après celle de Molière, -s'était encore établie à Paris, sous la protection de MADEMOISELLE; -elle était dirigée par un certain Dorimon, ainsi que Molière auteur et -acteur, mais qui n'avait que ces points de ressemblance avec le grand -comique. Aussi cette troupe ne put-elle se maintenir; le haut -patronage qui la soutenait vint bientôt à lui manquer[489]. Louis XIV, -qui voulait tout asservir aux besoins de sa politique, mécontent que -sa cousine eût refusé d'épouser le roi de Portugal, l'exila de la -cour, et la força de se retirer encore une fois à son château de -Saint-Fargeau[490]. Mais les deux Corneille eurent part aux bienfaits -que le jeune roi répandait alors sur les gens de lettres[491]; et -quoique cette part fût modique, elle suffit pour les attirer à Paris, -et ramener dans la carrière du théâtre le vieil auteur de _Cinna_ et -des _Horaces_; il produisit _Sertorius_, et ce fut son dernier -chef-d'Å“uvre. De tous les poëtes du temps qui firent des vers à la -louange de Louis XIV, en échange des dons qu'ils en avaient reçus, ce -fut encore l'auteur du _Cid_ qui sut faire entendre les accents les -plus nobles et les plus harmonieux pour célébrer un monarque qui -connaissait si bien - - L'art de se faire craindre et de se faire aimer..... - Qui prévient l'espérance et surprend les souhaits. - -Dans l'effusion de sa reconnaissance, le poëte termine en disant: - - Commande, et j'entreprends; ordonne, et j'exécute[492]. - -Les nouveaux succès de Corneille excitèrent encore l'envie contre ce -grand homme: il fut attaqué par l'abbé d'Aubignac, et défendu par de -Visé, mais beaucoup mieux encore par sa réputation et son génie[493]. -Cependant cette guerre littéraire ne fut rien en comparaison de celle -que fit naître contre Molière la réussite de _l'École des Femmes_. -Depuis le _Cid_ jamais pièce de théâtre n'avait eu une telle vogue; et -aucune n'excita un si violent soulèvement, ni ne donna lieu contre son -auteur à tant de virulentes attaques. Molière, fort de l'approbation -du public, osa se venger de ses détracteurs en les traduisant tous sur -la scène, dans la petite pièce intitulée _la Critique de l'École des -Femmes_. Tous ceux qui avaient écrit contre la nouvelle comédie, ou -qui la désapprouvaient par leurs discours, prétendaient que c'était -une production médiocre, dépourvue de goût, de décence et de raison, -et sans aucune connaissance des règles de l'art. A ces jugements -iniques le jeune Boileau opposa le sien, qui fut celui de la -postérité. Dans les stances qu'il adressa à ce sujet à l'auteur des -_Précieuses ridicules_, il lui disait: - - Ta muse avec utilité - Dit plaisamment la vérité; - Chacun profite à ton école: - Tout en est beau, tout en est bon, - Et ta plus burlesque parole - Est souvent un docte sermon[494]. - -Boileau n'avait encore rien publié, et cependant nous voyons, par le -libelle de l'abbé d'Aubignac contre Corneille, et par les lettres -particulières de Racine, que déjà le suffrage de _monsieur Despréaux_ -faisait autorité[495]. C'est que déjà il avait composé trois de ses -satires; qu'il en avait fait des lectures; et que ses vers précis, -nombreux, élégants, abondants en saillies, s'étaient gravés dans la -mémoire d'un grand nombre de personnes, et étaient cités avant d'avoir -été rendus publics. Molière et Boileau se présentaient à la nouvelle -génération, dont ils faisaient partie, pour accomplir une même -mission. Leur talent était divers, leurs moyens différents, mais leur -but était le même. Tous deux venaient faire une guerre implacable aux -vices, aux ridicules et aux travers de la société de leur temps, et -voulaient venger la raison et le bon goût, du pédantisme, de -l'hypocrisie et du faux bel esprit. Tous deux, sans autre appui que -leur génie, se déclaraient avec courage contre les coteries -littéraires et les ruelles, qui, à l'imitation de l'hôtel de -Rambouillet, avaient la prétention de servir de modèle au beau monde -et de régler ses mÅ“urs, ses manières, ses jugements et son langage. -Boileau, plus jeune, indépendant, insouciant des richesses, sans -ambition, sans fortune à conserver, sans fortune à faire, sans -protecteurs à ménager, sans autre passion que celle des vers, mit dans -ses attaques plus d'audace, de brusquerie et de rudesse. Dès son -début, il inséra dans ses satires les noms des personnes qu'il voulait -livrer à la risée ou au mépris public[496]. Chapelain lui-même, cet -oracle de la littérature, dont le grand Corneille ne parlait qu'avec -respect, ne fut pas à l'abri des atteintes du jeune et intrépide -réformateur du Parnasse. Cependant Chapelain jouissait de la faveur et -de la confiance du monarque, et il était pour les gens de lettres le -distributeur des grâces du pouvoir. Le jeune Racine, qui, au sortir de -la sévère discipline des solitaires de Port-Royal, ne s'était occupé -qu'à faire des vers et des dettes, avait obtenu par Chapelain, pour -une ode assez médiocre, une gratification du roi de 800 livres. Retiré -en province chez un oncle dont il espérait un bénéfice, il étudiait -avec dégoût la théologie, et avec délices les poëtes grecs et latins. -Il tâchait de se consoler de son exil en entretenant une -correspondance avec La Fontaine[497]. Celui-ci, moins inconnu alors -que Racine, mais encore peu célèbre, après avoir partagé l'exil d'un -de ses parents, ami du surintendant et enveloppé dans sa disgrâce, de -retour dans sa ville natale, y cultivait les Muses pour ses amis et -pour lui-même, sans prôneurs et sans ennemis. Encouragé, comme il -l'avait été par Fouquet, par la plus aimable des nièces de Mazarin, -Marianne Mancini, qui venait d'épouser le duc de Bouillon et de -Château-Thierry[498], La Fontaine, déjà lié avec Molière, le fut -bientôt avec Boileau; et par lui Racine devint l'ami de tous les -trois. Ces quatre hommes, depuis réunis à Paris, surent s'apprécier -mutuellement, et opposèrent par leur union une force invincible à -leurs antagonistes. Ils répandirent un grand éclat sur ce règne par -des chefs-d'Å“uvre de genres très-différents, mais tous remarquables -par le naturel, la grâce, le goût, la vigueur et les richesses d'un -style toujours approprié au sujet. - -Louis XIV ne crut pas sa tâche accomplie lorsqu'il eut réglé les -finances, l'administration intérieure, la force militaire, la -politique étrangère; lorsqu'il eut pourvu à ce qui concernait la -religion, la justice, la prospérité des lettres et des arts. A lui, -jeune roi, qui voulait dominer non-seulement par son rang, mais par sa -volonté propre, sur tant de guerriers, d'hommes d'État, de courtisans -habiles et spirituels, qui presque tous l'avaient vu naître ou ne -l'avaient vu qu'enfant et adolescent, docile et soumis à sa mère ou au -directeur de son éducation; à lui, dis-je, il importait avant tout de -savoir imposer à tous et dans tous les instants. C'est dans ce but -qu'il organisa sa cour; et il le fit de manière à la rendre un modèle -pour les autres souverains de l'Europe. A cet égard Louis XIV ne fut -en rien redevable aux leçons de Mazarin, il dut son succès à son -caractère, à ses inclinations naturelles, qui le portaient vers ce qui -avait de la dignité, de l'élévation, de la grandeur, de la -magnificence; et aussi à cet orgueil qu'avait eu soin d'entretenir en -lui l'éducation maternelle; orgueil qui ne ressemblait en rien à celui -des autres hommes. C'était chez lui un sentiment infus avec la vie, -tel seulement qu'il peut en naître un dans le cÅ“ur d'un enfant né -roi; sentiment qui a commencé avec lui, grandi avec lui, que l'âge n'a -cessé d'accroître et de renforcer en lui; devenu tellement naturel, -que la conscience qu'il lui donnait de sa supériorité le faisait -paraître à ceux qui l'approchaient un être supérieur. On s'est étonné -que Louis XIV n'oubliât jamais ce qu'il était, et qu'il ne le laissât -pas oublier aux autres, même dans la familiarité la plus intime, même -dans le sein des plaisirs et dans le tumulte de la joie: c'est que, -lors même qu'il l'eût voulu, cela lui eût été impossible: il eût fallu -pour cela qu'il se dépouillât de son individualité. - -Depuis que les progrès du commerce et de l'industrie ont réparti plus -également les richesses; qu'elles ne sont plus exclusivement l'apanage -du rang et de la naissance, depuis que l'instruction est plus -généralement répandue; que le grand nombre de journaux et que la -multiplicité des livres ont rendu tous les genres de connaissances -accessibles à tous; que les communications entre les différents États -sont devenues plus promptes et plus faciles; et que, par toutes ces -causes, il s'est créé dans les masses, en dehors des souverains, une -force qui leur est étrangère, les gouvernement se trouvent dans -l'obligation de diriger cette force ou de la comprimer: sans quoi elle -les entrave dans leurs fonctions, et les désordres qui s'introduisent -dans les mouvements sociaux brisent bientôt le sceptre et l'épée de -celui qui se montre impuissant à les diriger et à les régler. Partout, -depuis que le système des emprunts et du crédit public a placé les -gouvernements sous l'influence et presque sous la dépendance de cette -force, une cour splendide, richement rétribuée, affaiblit plutôt -qu'elle n'affermit le monarque; c'est de lui qu'elle reçoit tout, et -elle ne lui donne rien. Ce n'est point par elle qu'elle agit sur le -peuple; elle l'en sépare. - -Mais il n'en était pas ainsi lorsqu'il existait encore des princes, -des grands, qui, propriétaires d'immenses domaines, étaient revêtus de -droits et de priviléges attachés à leurs possessions, à leurs titres, -sources de puissance réelle. Sans doute les progrès successifs de -l'autorité royale avaient fort réduit ces droits, ces priviléges; mais -ils ne les avaient pas anéantis. Alors une cour avec son cérémonial, -son étiquette, les devoirs qu'elle imposait, ralliait tous ces hommes -à la personne du monarque: elle les plaçait sous sa dépendance et sans -cesse sous ses yeux; elle donnait les moyens de s'en faire craindre, -et, ce qui était mieux, de s'en faire aimer. Une cour n'était pas -alors une cause de dépenses inutiles, une vaniteuse et nuisible -superfétation de la dignité royale: c'était un moyen de gouvernement, -un des ressorts les plus puissants du pouvoir. - -Louis XIV le comprit; et en cela, comme dans tout le reste, il ne -forma pas dès l'abord de combinaisons profondes, de plan prémédité de -despotisme, comme l'a cru un écrivain ingénieux, mais systématique. De -même que tous les véritables hommes d'État, il discerna les nécessités -de sa position, et sut y pourvoir. C'est en cela que consiste le grand -art de régner. Prétendre fonder des constitutions ou agir d'une -manière efficace sur les destinées d'un peuple avec une autorité -incertaine ou flottante, c'est entreprendre d'élever un édifice -lorsqu'un tremblement de terre secoue le sol sur lequel on veut -construire. - -Les résultats prouvèrent combien Louis XIV eut raison de mettre une -grande importance à rassembler autour de lui une cour nombreuse et -splendide. Tout ce qui faisait la gloire et la richesse de l'État s'y -centralisa; là se trouva réuni tout ce qu'il y avait de plus illustre -dans la religion, les armes et la magistrature. Ce ne fut qu'en se -mettant sous l'égide du monarque et de ses courtisans que les gens de -lettres, cessant d'appartenir à des coteries puissantes, purent -trouver quelque indépendance[499]. Ainsi Molière, en frondant des gens -de cour dans sa comédie des _Fâcheux_, a grand soin de faire un -pompeux éloge de la cour; et il renouvelle cet éloge dans ses autres -pièces, toutes les fois qu'il en trouve l'occasion[500]. Boileau fut -recherché, dès son début, par des hommes du plus haut rang, qui -aimaient à lui entendre réciter ses satires; tous faisaient partie de -la cour, et jouissaient d'une grande faveur auprès du monarque: il -n'en fallut pas davantage pour que le poëte qui s'était proposé pour -modèle le virulent Juvénal se rapprochât de la manière d'Horace, et -retranchât, lorsqu'il la fit imprimer, les vers les plus énergiques de -sa première satire[501]. Par une complaisance de courtisan, il adoucit -la teinte trop sombre de ses tableaux, et se prit à diriger, de -préférence, ses attaques contre le mauvais goût en littérature, plutôt -que contre les mauvaises inclinations et les mauvaises mÅ“urs. S'il -attaqua quelquefois celles-ci, ce fut avec ménagement, et en évitant -de lancer ces traits acérés qui auraient pu atteindre les puissants de -la cour. Il fit la satire des ridicules de son siècle, et en épargna -les vices. Les peintures trop fidèles et trop vives de ceux-ci eussent -offensé le monarque, et démenti une partie des éloges que sa muse se -plaisait à lui prodiguer. - -Louis XIV trouva dans la réserve que s'était imposée Mazarin de ne -nommer aucun chevalier des Ordres, un moyen de donner à sa cour un -grand éclat. Il put, sans violer les statuts, faire en une seule fois -une promotion de soixante et dix cordons bleus. Tout ce qu'il y avait -de plus considérable et de plus respectable en France par le rang et -l'influence, l'âge et les services, se trouva donc redevable au jeune -monarque de la plus grande et de la plus enviée des distinctions -honorifiques. A ce sujet, Louis XIV eut pour le prince de Condé une -déférence qui flatta beaucoup le héros: il lui accorda le pouvoir de -nommer, par désignation, un chevalier des Ordres[502]. Le choix de -Condé tomba sur le comte de Guitaut, son premier gentil-homme, ami de -madame de Sévigné et son voisin en Bourgogne, puisqu'il était, par sa -femme, possesseur de la seigneurie d'Époisses, dont Bourbilly relevait -comme fief. Cette préférence de Condé pour Guitaut mit en fureur un -autre des zélés partisans et des serviteurs les plus courageux du -prince, le comte de Coligny, qui l'abandonna depuis lors et resta -brouillé avec lui. Coligny a exhalé sa haine en traçant de Condé, sur -les marges d'un Psautier, un portrait hideux du héros, qui contient -les révélations les plus singulières. Cette virulente diatribe, -évidemment calomnieuse sur plusieurs points, a été décorée par -plusieurs auteurs du titre de _Mémoires de Jean de Coligny_, et -imprimée dans un recueil où on ne s'attendrait pas à la trouver[503]. - -Louis XIV, non encore entièrement satisfait des honneurs qu'il avait -répandus autour de lui par cette grande promotion des chevaliers des -Ordres, imagina une nouvelle distinction tenant entièrement à sa -personne, qu'il pouvait donner ou retirer à volonté; pour laquelle il -n'était astreint à aucune règle, et qui, uniquement de mise à la cour, -ne fût point un indice des services rendus à l'État, mais une marque -de la bienveillance particulière du monarque et de sa faveur spéciale. -Il donna, par brevet, la permission de se parer de justaucorps bleus -absolument pareils à ceux qu'il portait lui-même. Ceux qui obtinrent -de ces brevets contractaient l'obligation de se montrer assidus auprès -de sa personne, et avaient seuls la permission de l'accompagner dans -ses chasses et dans ses promenades à la campagne. Le grand Condé et -les plus illustres guerriers sollicitèrent cette frivole faveur, et se -montrèrent jaloux de porter cette livrée de courtisan[504]. - -Les fêtes qui eurent lieu se ressentirent de la nouvelle splendeur de -la cour. Louis XIV s'en occupait avec autant d'ardeur que s'il n'avait -pas eu d'autres soins[505]. Il se montrait ambitieux de suffire à -tout, de régler tout par lui-même. Ainsi qu'autrefois Clovis, qui, au -milieu de l'embarras de ses conquêtes, avait écrit à Théodoric pour -qu'il lui envoyât des musiciens italiens, Louis XIV, dans le même -temps que les affaires de ses ambassadeurs l'obligeaient à multiplier -les dépêches diplomatiques, écrivait au duc de Parme pour le prier de -lui procurer un bon Arlequin, et au duc de Toscane, pour lui -recommander de ne pas permettre qu'un virtuose qui se rendait en -Italie excédât le congé qui lui avait été donné[506]. Louis aimait -encore, comme par le passé, à paraître dans les ballets qu'il faisait -composer; il figura dans celui qu'on donna cette année sous le titre -d'_Hercule amoureux_. Le machiniste s'y surpassa par la magnificence -des décorations; Benserade, par les louanges ingénieuses données au -roi, et par la finesse des allusions aux jeunes seigneurs, et à toutes -les beautés de la cour qui chantaient, jouaient et dansaient avec le -roi[507]. - -Puis vint ce célèbre carrousel qui a fait changer le nom de cette -grande place des Tuileries où il fut exécuté. La reine était le -prétexte de toute cette pompe vraiment étonnante; mais la belle La -Vallière en était le motif secret. La reine semblait être celle à -laquelle s'adressaient tous les hommages; La Vallière était la -divinité invisible et cachée de celui qui avait tout ordonné: vers -celle-ci se reportaient souvent les regards du souverain, comme pour -l'assurer que c'était l'amour qu'elle inspirait, que c'était -l'admiration de ses charmes qui mettait en mouvement ces héros si -magnifiquement parés, ces superbes coursiers, et cette foule immense -rassemblée pour jouir du plus magnifique spectacle qu'on eût encore -contemplé: car ce n'était point cette fois une fête pour la cour, -c'était une fête pour la capitale, pour la France, pour l'Europe. Par -le grand nombre des étrangers qu'elle attira dans Paris, le fisc -recueillit des sommes plus fortes que celles que le trésor avait -dépensées pour en faire les apprêts; ce qui ne doit point étonner. Les -frais les plus considérables ne furent pas à la charge de l'État, mais -tombèrent principalement sur les princes et les grands seigneurs qui y -figurèrent, et qui cherchèrent à se surpasser mutuellement par la -richesse de leurs costumes, l'éclat de leurs armes et la beauté de -leurs coursiers. Tous firent à cette occasion[508] des dépenses -considérables; et plusieurs, pour y subvenir, furent obligés de -s'endetter. Ce fut un avantage pour le roi, qui voyait ainsi cette -noblesse naguère si fière, si turbulente, se placer d'elle-même, de -plus en plus, sous sa dépendance, par une folle vanité et par des -prodigalités que lui-même lui suggérait. - -Cependant Louis XIV ne cessait de tenir toujours hautes et fermes les -rênes de son vaste gouvernement. Il se montrait vigilant, prompt et -décisif pour les grandes affaires, laborieux et infatigable dans les -détails. On avait renoncé à le conduire, en lui inspirant le goût de -l'indolence et de l'oisiveté, qu'on regardait comme inhérent au titre -de roi; mais l'ambition crut pouvoir mettre à profit, pour ses -desseins et ses intérêts particuliers, le penchant immodéré pour les -femmes qui se manifestait dans Louis avec plus de violence encore que -dans son aïeul Henri IV, parce qu'il était monté plus jeune sur le -trône. Les licences qu'il se permettait dans ce genre, il ne pouvait -prétendre à les réprimer dans les jeunes courtisans qui l'entouraient; -et l'on vit toute la cour, à l'imitation du monarque, remplie -d'intrigues amoureuses. Le détail de celles qui eurent lieu cette -année remplirait un volume, en retranchant les additions romanesques -ou niaises dont on les a surchargées. Il suffira, pour notre but, de -rappeler ici celles qui peuvent servir à éclairer la correspondance de -madame de Sévigné, et à faire connaître les personnages avec lesquels -elle fut liée. - -La comtesse de Soissons (Olympe Mancini) avait en vain cherché à -rallumer dans le cÅ“ur du roi une passion depuis longtemps éteinte; -mais par son esprit, par cette liberté de paroles qu'on ne peut -refuser à une ancienne intimité, par l'effet de l'habitude et des -souvenirs, Louis XIV se plaisait dans sa société[509], et il allait -souvent la voir: elle ne désespéra pas de reprendre sur lui assez de -son ancienne influence pour satisfaire son orgueil et de faire réussir -ses ambitieux projets. Profondément corrompue, elle se rendit la -confidente de ses amours et l'entremetteuse de ses plaisirs. Elle -l'encourageait dans ses goûts de volupté; et ses conseils flatteurs -avaient d'autant plus de succès sur son esprit, qu'il pensait que si -la politique et le bien de ses sujets avaient exigé qu'il se fît -violence et qu'il sacrifiât les sentiments les plus chers à son -cÅ“ur, il avait aussi, par là , acquis le droit de se livrer aux -inclinations plus ou moins durables qui pouvaient le distraire des -soucis de la royauté[510]. La comtesse de Soissons favorisa les -visites nocturnes du roi à l'appartement des filles d'honneur de la -reine, où Louis XIV allait s'entretenir tête à tête avec l'une -d'elles, la belle La Mothe-Houdancourt. La comtesse de Soissons -haïssait La Vallière, uniquement parce que celle-ci aimait trop -sincèrement le roi pour le tromper, et qu'elle avait pour se prêter à -des intrigues trop de simplicité et de vertu. Tout sentiment pur et -désintéressé est vertueux, quoique, par la faiblesse de notre nature, -il puisse nous conduire à des actions que condamne la morale et que -les lois sociales réprouvent. Louis XIV parut assez captivé par les -charmes de sa nouvelle maîtresse, pour que la sensible La Vallière -essayât d'aller ensevelir pour toujours dans le couvent des -Filles-Sainte-Marie de Chaillot sa douleur et son amour. Sa fuite -réveilla toute la passion que le roi avait pour elle. Il alla lui-même -se faire ouvrir les portes de la sainte retraite qu'elle avait -choisie, et l'arracha, tout éplorée, à son repentir et à son -Dieu[511]. - -La comtesse de Soissons n'ayant pu réussir à se délivrer de La -Vallière par l'inconstance du roi, chercha à exciter contre elle le -ressentiment de la reine, et, par ce moyen, à la faire expulser des -Tuileries. Elle crut y parvenir en faisant remettre à Marie-Thérèse -une fausse lettre de son père, le roi d'Espagne. L'écriture de cette -lettre avait été habilement imitée; le style et les expressions, en -langue espagnole, étaient conformes à ce qui émanait ordinairement de -la plume de ce roi. Mais cette noire trame, ourdie par des moyens si -coupables, auxquels se mêlèrent les intrigues de MADAME et de son -amant, le comte de Guiche, celles de Marsillac, de Vardes, de la -duchesse de Châtillon et du chevalier de Gramont, n'aboutit qu'à -rendre Louis XIV plus amoureux de La Vallière; qu'à faire expulser de -la cour la comtesse de Soissons, le comte de Guiche, le chevalier de -Gramont[512]; et à faire renfermer dans un couvent mademoiselle de -Montalais, une des filles d'honneur de MADAME, qui, amie de La -Vallière, avait abusé de sa confiance, et s'était rendue la confidente -et l'agent le plus actif de toutes ces perfidies[513]. - -Tous ces événements eurent lieu pendant cette année (1662); mais ils -eurent des suites qui produisirent quelque temps après la disgrâce de -la duchesse de Navailles et de son mari, victimes de la calomnie -et de leur attachement à ce que le devoir et l'honneur leur -prescrivaient[514]. Puis l'on vit plus tard le long exil du marquis de -Vardes, le plus coupable de tous, dont les fourberies furent enfin -démasquées; et aussi le renvoi définitif du comte de Guiche, ainsi -que beaucoup d'autres révolutions de cour, produites par la même -cause. - -Corbinelli, que nous avons déjà fait connaître comme ami intime de -madame de Sévigné, l'était aussi de mademoiselle de Montalais. -Celle-ci avait déposé toutes les lettres qui lui avaient été -personnellement adressées entre les mains de son amant Malicorne et de -Corbinelli. Dans le nombre de ces lettres étaient celles que le comte -de Guiche, amant de MADAME, lui avait écrites. Malicorne et -Corbinelli, voyant avec peine mademoiselle de Montalais oubliée dans -sa captivité par les personnages puissants qu'elle avait servis, -voulurent les forcer à s'occuper de ses intérêts et à employer leur -crédit et leur influence pour lui faire recouvrer sa liberté. Ils y -parvinrent en profitant de l'important dépôt dont ils étaient nantis. -La mère du comte de la Fayette, supérieure du couvent de Chaillot, -cette ancienne fille d'honneur d'Anne d'Autriche, qui avait été -l'objet des froides et pudiques amours de Louis XIII, intervint dans -cette affaire. Le maréchal duc de Gramont, père du comte de Guiche, le -courtisan le plus délié et le plus recherché à la cour, s'y employa -d'une manière active; et de Vardes, amoureux aussi de MADAME, fit tous -ses efforts pour que Corbinelli lui remît les lettres du comte de -Guiche, dont il était dépositaire[515]. L'étroite liaison que -Corbinelli contracta à cette époque avec le marquis de Vardes fut un -des principaux obstacles qui s'opposèrent par suite à sa fortune[516]. - -Il ne nous reste malheureusement aucune lettre de madame de Sévigné -pendant toute la durée de cette année, si pleine d'événements qui -devaient l'intéresser vivement. Nous n'avons pu découvrir aucune -pièce, aucun document qui se rattache à elle, et qui nous apprenne -d'une manière certaine où elle séjournait en 1662, si ce fut à -Bourbilly, aux Rochers, ou dans son hôtel à Paris. Mais tout fait -présumer qu'elle ne quitta pas la capitale pendant la durée des fêtes; -qu'elle assista au carrousel, à la représentation des ballets royaux; -et que si elle alla visiter une de ses terres pendant la belle saison, -elle connut en partie tout ce qui agitait en secret la cour, par la -correspondance qu'elle entretenait alors avec son amie la plus intime, -madame de La Fayette. Celle-ci avait formé avec le duc de La -Rochefoucauld une union si constante que la mort seule put la -dissoudre. Madame de La Fayette était très-avant dans la faveur de -MADAME, dont elle a écrit la vie; et elle la suivait partout, -quoiqu'elle n'eût aucune charge dans sa maison. Elle connut peut-être -mieux, et plus promptement que tout autre, les intrigues compliquées -dont les sombres allées, les voûtes de verdure et les ruelles de -Fontainebleau, de Saint-Germain, de Versailles, de Saint-Cloud, furent -successivement le théâtre. Longtemps après, les récits plus ou moins -véridiques qu'on a faits les ont rendues publiques; mais alors -c'étaient encore des mystères que des voiles impénétrables dérobaient -aux regards curieux ou intéressés des courtisans[517]. - -Un des motifs qui doivent faire croire que madame de Sévigné séjourna -à Paris dans cette année 1662, et qu'elle s'y trouvait du moins encore -au milieu d'avril, c'est qu'alors on célébra dans l'église des Filles -de Sainte-Marie la béatification de François de Sales; et, par la -liaison qui avait existé entre ce saint évêque et la pieuse -Chantal[518], cette cérémonie était en quelque sorte une fête de -famille pour madame de Sévigné. Plusieurs de ses lettres nous -démontrent combien elle avait d'attachement pour les filles de -Sainte-Marie, combien elle aimait à aller les visiter dans leurs -couvents. Il est probable que ce fut à elles qu'elle confia pendant -quelque temps l'éducation de sa fille chérie, dont elle eût, dit-elle, -la barbarie de se séparer. Elle la mit au couvent un peu avant -l'époque dont nous traitons, probablement pour mieux la préparer à -l'accomplissement du plus grand des devoirs religieux[519]. - -Ce qui confirme toutes nos conjectures relativement au séjour de -madame de Sévigné dans la capitale pendant la plus grande partie de -cette année, ou peut-être pendant toute cette année, c'est qu'elle -paraît avoir été occupée à instruire sa fille pour la produire dans le -monde. Nous apprenons par des vers de Saint-Pavin adressés à -mademoiselle Marguerite-Françoise de Sévigné, à l'époque où elle -devait être âgée de quatorze ans, que la jeune Manon, comme on avait -coutume de l'appeler, s'offensait déjà qu'on lui donnât ce nom; -qu'elle commençait à faire le charme de la société de sa mère, où on -ne l'appelait que la belle Madelonne; qu'abandonnant les oiseaux et -les poupées, elle avait pris goût au jeu de reversi[520]. Ce fut -pendant l'hiver qui termina cette année et qui commença l'année 1663 -que madame de Sévigné présenta[521] pour la première fois sa fille à -la cour, où nous la verrons figurer dans les ballets royaux. A cette -époque, madame de Sévigné n'avait point de motif pour rechercher la -solitude; elle se trouvait portée par sa position, comme elle l'était -par ses inclinations, à se répandre dans le monde. Nous avons des -preuves qu'on s'y occupait beaucoup d'elle. Quoique Corbinelli fût, à -Paris, membre d'une académie italienne, qu'il avait contribué à -former[522], cependant nous apprenons par le _Grand Dictionnaire des -Précieuses_, publié alors, que Corbinelli devait la plus grande partie -de sa célébrité à un portrait de madame de Sévigné qu'on disait avoir -été écrit par lui, et aussi à l'avantage qu'il avait d'être compté au -nombre des amis de notre belle veuve. De Somaize, dans son -dictionnaire, n'a pas manqué de donner un article sur madame de -Sévigné, qu'il désigne sous le nom de _Sophronie_; et un autre plus -court sur Corbinelli, qu'il nomme _Corbulon_[523]. Nous citerons ces -deux articles, qui, quoique d'un médiocre écrivain, acquièrent -cependant de l'importance par la date de leur publication. La plus -simple esquisse, tracée d'après nature, vaut mieux, pour la -ressemblance, que la peinture la plus savamment élaborée loin de -l'objet qu'on a voulu représenter, ou longtemps après qu'il a disparu. - - - «SOPHRONIE (la marquise de Sévigné). - -«Sophronie est une veuve de qualité; le mérite de cette précieuse est -égal à sa naissance; son esprit est vif et enjoué, et elle est plus -propre à la joie qu'au chagrin. Cependant il est aisé de juger par sa -conduite que la joie chez elle ne produit pas l'amour; car elle n'en a -que pour celles de son sexe, et se contente de donner son estime aux -hommes; encore ne la donne-t-elle pas aisément. Elle a une promptitude -d'esprit la plus grande du monde à connaître les choses et à en juger. -Elle est blonde, et a une blancheur qui répond admirablement à la -beauté de ses cheveux. Les traits de son visage sont déliés, son teint -est uni; et tout cela ensemble compose une des plus agréables femmes -d'Athènes [Paris]. Mais si son visage attire les regards, son esprit -charme les oreilles, et engage tous ceux qui l'entendent ou lisent ce -qu'elle écrit. Les plus habiles font vanité d'avoir son approbation. -Ménandre (Ménage) a chanté dans ses vers les louanges de cette -illustre personne. Cresante (Chapelain) est un de ceux qui la visitent -le plus souvent. Elle aime la musique et hait mortellement la satire. -Elle loge au quartier de Léolie (le Marais du Temple).» - - CORBULON (Corbinelli)[524]. - -«Corbulon est illustre dans l'empire des précieuses, pour avoir fait -le portrait de Sophronie, où il a parfaitement réussi, et pour être de -plus son lecteur. Il est natif de l'Étrurie, et fort noble; il a -l'esprit fin et beaucoup de douceur. Il aime fort la musique, et loge -au quartier de Léolie (le Marais du Temple).» - - [480] LOMÉNIE DE BRIENNE, _Mémoires inédits_, t. II, p. 156 et - 157.--GRAMONT, _Mémoires_, t. LVII, p. 90 et 430. - - [481] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 56. - - [482] LORET, _Muse historique_, liv. XIII, p. 56, 58, - 70.--COLLETET, _Abrégé des Annales de Paris_, 1664, in-12, p. - 423. - - [483] LOUIS XIV, _Instructions pour le Dauphin son fils_, dans - ses _OEuvres_, t. I, p. 211, 216, 227. - - [484] MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. 126. - - [485] CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 271.--JOLY, _Mém._, t. XLVII, - p. 460.--MONGLAT, _Mémoires_, t. LI, p. 128.--LOUIS XIV, - _OEuvres_, t. V, p. 110, 119; _lettres au roi de Pologne_, en - date du 1er et du 9 février 1663. - - [486] LOUIS XIV, _Instructions pour le Dauphin son fils_, dans - ses _OEuvres_, t. I, p. 197, 198. - - [487] LORET, liv. XIII, p. 35 (4 mars 1662); dans LOUIS XIV, - _OEuvres_, t. I, p. 197; ibid., t. V, p. 81 (_lettre_ en date du - 17 mars 1662).--JOLY, _Mém._, t. XLVII, p. 454, 460 et 462. - - [488] LORET, _Muse historique_, liv. XIII, p. 52 (_lettre_ du 1er - avril 1662). Vingt-deux temples protestants furent fermés dans le - seul pays de Gex.--RACINE, _lettre à Vitart_, en date du 25 - juillet, p. 162 et 165, t. VI des _OEuvres_, dans l'édit. d'Aimé - Martin.--GUY-PATIN, _Lettres_, t. V, p. 22 (en date du 14 juillet - 1662). - - [489] Frères PARFAICT, _Hist. du Theâtre françois_, t. IX, p. 1 - et 64.--LORET, _Muse historique_, liv. XIII, p. 165 (28 octobre, - 7 janvier 1662). - - [490] MONTPENSIER, t. XLIII, p. 26, 28, 31. - - [491] LOUIS XIV, _OEuvres_, t. I, p. 223. - - [492] CORNEILLE, _Remercîments au roi_, t. XI, p. 95, édit. de - Lefèvre, in-8º. - - [493] _Deux dissertations concernant le poëme dramatique, en - forme de remarques sur deux tragédies de M. Corneille, - intitulées_ Sophonisbe _et_ Sertorius, _envoyées à madame la - duchesse R***_ (Richelieu); Paris, l'abbé D'AUBIGNAC, chez - Jacques Dubreuil, 1663, petit in-12 de 104 pages.--VISÉ, - _Défence_ (sic) _du Sertorius de M. Corneille_, dédiée à M. de - Guise, 1663, in-12. - - [494] BOILEAU, _OEuvres_, édition de Berriat Saint-Prix, 1830, - in-8º, t. II, p. 436, ou de l'édit. de Saint-Surin, 1821, t. II, - p. 523; édit. de Saint-Marc, 1747, p. 417. - - [495] RACINE, t. VII, p. 173, édit. de Geoffroy. - - [496] BOILEAU, _Satire VII_, édit. 1666, p. 68 et 69; édit. 1667, - p. 4, et édit. 1669, p. 9. - - [497] RACINE, _OEuvres_, _lettres_ à Vitart, t. VII, p. 107 de - l'édit. 1808, in 8º, et t. I, p. 119. - - [498] LORET, liv. XIII, p. 58 (22 avril 1662). - - [499] LORET, liv. XI, p. 59, liv. XIII, p. 69, 130, 154, 199; 13 - mars, 26 août, 7 octobre 1662, 17 avril 1660. - - [500] MOLIÈRE, _Critique de l'École des Femmes_, scène IV (VI par - faute d'impression), p. 86 de la première édition, 1663, et aussi - dans les _Femmes savantes_, acte IV, scène III. - - [501] Voyez _Satires de B***_, édit. de 1660, p. 4 et 5. - - [502] DESORMEAUX, _Histoire de Louis II, prince de Condé_, t. IV, - p. 197, édit. in-12; _Histoire de France en estampes_, in-folio, - année 1682, t. XXVIII (Bibliothèque royale). - - [503] _Mémoires de Jean de Coligny_, dans MUSSET-PATHAY, _Contes - historiques_, 1826, in-8º, p. 234 et 237.--_Lettres_ de SÉVIGNÉ, - édit. de Monmerqué, t. I, p. 120, note _a_; t. II, p. 16, à la - note de la _lettre_ du 25 octobre 1673.--Depuis les Mémoires - complets de Coligny ont été imprimés. - - [504] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 191.--LOUIS XIV, _OEuvres_, Paris, - 1806, t. VI, p. 375. (Modèle du brevet de justaucorps bleu - accordé à Condé.) - - [505] LORET, _Muse historique_, liv. XIII, p. 2, 15, 18, 21, 23, - 199, _lettres_ en date des 7 et 28 janvier, 11, 14 février, 24 - décembre 1662. - - [506] LOUIS XIV, _OEuvres_, t. II, p. 25, _Vies de plusieurs - Personnages célèbres_, t. I, p. 158, article _Clovis_. - - [507] LORET, liv. XIII, p. 29, 32, 59.--BENSERADE, t. II, p. - 254-280. - - [508] _Description du carrousel_ en 1667, in-folio, 1670, format - atlas, orné de figures.--LORET, liv. XIII, p. 67 et 85, 6 mai, 10 - juin 1662.--MONTPENSIER, t. XLIII, p. 42. - - [509] LA FAYETTE, _Hist. d'Henriette d'Angleterre_, t. LXIV, p. - 381.--MOTTEVILLE, _Mém._, t. XL, p. 173. - - [510] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XL, p. 70. - - [511] LA FAYETTE, _Hist. d'Henriette d'Angleterre_, t. LXIV, p. - 412-415.--CONRART, _Mém._, t. XLVIII, p. 282.--MOTTEVILLE, t. XL, - p. 170 et 179.--MONTPENSIER, _Mém._, t. XLIII, p. 23, 43, - 44.--Voy. ci-après la IIIe partie, chap. XII, p. 209. - - [512] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLIII, p. 43, 44.--MOTTEVILLE, t. - XL, p. 174, 175.--LOUIS XIV, _OEuvres_, t. V, p. 160.--LA - FAYETTE, _Hist. d'Henriette d'Angleterre_, t. LXIV, p. - 407.--HAMILTON, _Mém. de Gramont_, t. I, p. 103, édit. de ses - _OEuvres_ par Renouard, 1812, in-8º. - - [513] LA FAYETTE, _Hist. d'Henriette d'Angleterre_, t. LXIV, p. - 407, 408, 422, 423, 424.--LOUIS XIV, _OEuvres_, t. V, p. 90, - _lettre_ en date du 22 août.--CONRART, _Mém._, t. XLVIII, p. 280. - - [514] Voyez ci-après, IIIe partie, chap. XII, p. 197. - - [515] LA FAYETTE, _Histoire d'Henriette_, t. LXIV, p. 427.--LOUIS - XIV, _OEuvres_, t. V, p. 103 (lettre du 20 décembre - 1662).--Maréchal DE GRAMONT, _Mém._, t. LVII, p. 93. - - [516] CONRART, _Mém._, t. XLVIII, p. 283. - - [517] LORET, liv. XIII, p. 69, 100-170, 13 mai, 1er juillet, 4 - nov. 1662.--MOTTEVILLE, t. XL, p. 177.--LA FAYETTE, _Mém._, t. - LXIV, p. 395. - - [518] LORET, _Muse historique_, liv. XIII, p. 62 (16 avril 1662). - - [519] SÉVIGNÉ, _Lettres_ (6 mai 1676), t. IV, p. 422, édit. de G. - de S. G., t. IV, p. 281, édit. M. - - [520] SAINT-SURIN, _Notice sur Sévigné_, et _Lettres de - Saint-Pavin_ à _madame de Sévigné_, t. I, p. 84, et p. VII et - VIII des _Pièces préliminaires_, dans l'édit. de Monmerqué des - _Lettres_ de SÉVIGNÉ. - - [521] SÉVIGNÉ, _Lettres_, édit. de 1734, p. XIX de la préface du - chevalier Perrin, ou t. I, p. XXVI de l'édit. de 1754. - - [522] LORET, lib. VIII, p. 148 (_lettre_ du 29 avril 1657). - - [523] DE SOMAIZE, _Grand Dictionnaire des Précieuses_, 1661, - in-12, t. II, p. 150.--LA CLEF, p. 15, Sophronie, _madame la - marquise de Seuigny_. - - [524] DE SOMAIZE, le _Grand Dictionnaire des Précieuses_, 1661, - in-12, t. I, p. 93. - - - - -CHAPITRE XXI. - -1663-1666. - - Réflexions sur les sentiments maternels.--Amour de madame de - Sévigné pour ses enfants, et particulièrement pour sa - fille.--Constance et durée de son affection pour elle.--Comment - on doit désormais la considérer et la juger.--La tendresse de - madame de Sévigné pour sa fille nous a valu ses Lettres.--Elles - sont des mémoires curieux du siècle de Louis XIV.--Chaque année - ajoute à la splendeur de ce règne.--Louis XIV envoie de puissants - secours à l'empereur d'Allemagne.--Soins que Louis XIV se donnait - pour maintenir la discipline, pour régler - l'intérieur.--Circulaire envoyée par ses ordres aux - intendants.--Travaux entrepris au Louvre et à - Versailles.--Jonction des deux mers par un canal.--Encouragements - donnés aux génies qui surgissent à cette époque.--Boileau fait - paraître son _Discours au roi_ et ses premières _Satires_.--La - Fontaine, ses _Contes_.--Molière fait jouer les trois première - actes de son _Tartufe_.--De Molière et de Lulli.--De Boileau, de - La Fontaine et de Racine.--Les fêtes de Louis XIV étalent données - pour mademoiselle de La Vallière.--Sa liaison avec le roi devient - publique.--La reine mère voulut en vain s'y opposer.--Elle tombe - malade.--Soins de Louis XIV pour sa mère.--Témoignage que lui - rend madame de Motteville.--Louis XIV exige que les dames de la - cour suivent mademoiselle de La Vallière. - - -Les sentiments énergiques et durables se rencontrent rarement: des -désirs modérés, des volontés faibles ou changeantes, sont le partage -du plus grand nombre. C'est là un des bienfaits de la nature. Si une -vive et forte sensibilité, quand elle est satisfaite, exalte l'âme -jusqu'au plus haut degré de félicité auquel l'humanité puisse -parvenir, elle la plonge aussi dans le plus profond abîme de douleur -et d'amertume quand elle est dépouillée de ses illusions ou déchue de -ses espérances. Cependant comment se fait-il que le vulgaire se -complaise dans la peinture des passions les plus délirantes, qu'il -n'éprouva jamais, qu'il n'est pas même susceptible d'éprouver? C'est -que ces passions, qui ne sont toujours au fond que l'amour ou -l'ambition différemment modifiés, se rattachent aux plus impérieux -besoins de notre nature, à nos penchants les plus universels, les plus -irrésistibles; à cette sympathie qui entraîne les deux sexes l'un vers -l'autre, ou à cette aversion pour toute contrainte, à ce désir de -domination, à cette avidité pour les richesses, à ces jouissances de -luxe, à ces émotions de haine, à ces désirs de vengeance, à ces -mouvements d'orgueil et de vanité, que tous conçoivent parce que tous -les ont éprouvés ou les éprouvent plus ou moins fortement. Mais, par -la même raison, les passions qui sont les résultats de circonstances -moins générales, ou qui naissent de notre organisation ou des facultés -qui nous sont particulières, rencontrent moins de sympathie, ou n'en -rencontrent point du tout; et dans ce dernier cas ceux qui en sont les -témoins, ne pouvant les concevoir, en rejettent l'existence, et -considèrent comme de simples apparences, ou comme des émotions -factices, tout ce qui émane de sentiments étrangers à leur nature, et -selon eux à toute nature humaine. Cependant il est de violents -penchants dont personne ne conteste la réalité, quoiqu'il n'y ait -qu'une certaine classe d'individus qui soient appelés à les partager. -La nature nous en fournit des exemples journaliers, et qu'il nous est -impossible de méconnaître sans cesser d'obéir à cette loi de notre -raison qui veut que des effets toujours semblables nous paraissent -produits par des causes semblables. L'amour maternel est dans le genre -de ces passions exceptionnelles que tout le monde conçoit, sans qu'on -se sente capable de les éprouver. Par une sage disposition de la -Providence, cette passion n'a jamais plus de force chez les femmes que -lorsque leurs enfants, en bas âge, réclament plus de soins, plus de -vigilance, une protection plus constante. Aussi toutes les faiblesses, -toutes les douleurs, toutes les anxiétés d'une mère pour son jeune -enfant, émeuvent les personnes même qui ne sont pas destinées à -éprouver le sentiment qui les fait naître; dès expériences -journalières leur ont démontré la présence de ce sentiment dans le -cÅ“ur de toutes les mères, et cette conviction leur suffit pour -sympathiser avec toutes celles qui l'éprouvent. L'affection qui unit -une mère à son enfant devenu grand, qui la surpasse par les forces du -corps ou de l'intelligence, qui n'a plus besoin de ses soins, qui a -pris son essor, a formé d'autres liens, qui n'est plus identifié avec -elle par ses désirs et son amour, se conçoit bien encore comme un -sentiment tendre, calme, réglé par la raison et avoué par elle, mais -nullement comme une passion, parce qu'habituellement la tendresse -maternelle n'a point alors cette force entraînante, irrésistible, qui -caractérise la passion. Cependant il peut arriver que cet instinct, -que ce besoin qui unit d'une manière si intime une mère à l'innocence -au berceau, s'accroisse encore par les charmes attirants de -l'adolescence, par l'éclatante beauté de la jeunesse, par les talents -brillants, les qualités aimables et les hautes vertus d'un âge plus -avancé; qu'ainsi l'amour maternel, au lieu de diminuer avec le temps, -ne fasse que s'augmenter et se développer avec une chaleur et une -énergie toujours croissantes; et qu'enfin dans le cÅ“ur d'une mère -exempte de tout autre attachement il prenne le caractère d'une de ces -passions ardentes qui absorbent une vie tout entière. Mais comme une -telle passion doit être aussi rare que la réunion des circonstances -qui peuvent la faire naître, comme elle contredit l'expérience -journalière, elle ne sera pas toujours comprise, et trouvera beaucoup -d'incrédules. - -Tel a été le sort de madame de Sévigné. Toutes les affections, toute -la sensibilité de cette âme aimante s'étaient concentrées sur ses -enfants, et plus particulièrement sur sa fille. L'admiration qui se -joignait à la tendresse qu'elle avait pour elle lui faisait toujours -croire qu'elle ne pouvait jamais la chérir et la louer assez, et -toujours craindre de n'en être pas assez aimée. Il est difficile que -l'expression si souvent répétée d'un sentiment qui par sa force et sa -durée est une sorte de phénomène ne fatigue pas promptement; aussi -a-t-on reproché aux lettres de madame de Sévigné ces éloges continuels -donnés à sa fille, ces regrets sans cesse renouvelés, et ces -répétitions fréquentes sur la douleur qu'elle éprouve d'en être -séparée. On a cru qu'il y avait chez elle à cet égard défaut de -sincérité, ou tout au moins exagération; et il devait en être ainsi, -d'après les raisons que nous venons d'exposer. - -Par les réflexions qui précèdent, je ne prétends pas que l'on doive se -plaire à la lecture de toutes les lettres où madame de Sévigné a -répandu avec tant de profusion, et sous des formes toujours variées, -ses vives émotions; qu'on doive trouver les expressions de sa -tendresse aussi naturelles que si elles étaient celles d'un amant à sa -maîtresse, quoique cependant elles soient aussi tendres, aussi -passionnées, quoiqu'elles soient les indices d'un sentiment aussi vrai -et plus durable: j'ai voulu seulement avertir mes lecteurs que, -parvenu à l'époque où madame de Sévigné a présenté sa fille dans le -monde, c'est en qualité de mère que nous aurons à les entretenir de -cette femme célèbre. Ils doivent encore être prévenus que ce n'est -point seulement d'une mère tendre, affectionnée, dont il s'agira -désormais dans cet ouvrage, mais d'une mère dont le cÅ“ur était frappé -d'une véritable passion, et que cette passion ne différait de celle à -laquelle on a donné trop exclusivement le nom d'amour, qu'en ce qu'au -lieu de diminuer, comme elle, par l'effet du temps, de l'âge et de -l'absence, elle croissait toujours en force par toutes ces causes. Ce -n'est point là un éloge que nous voulons faire de madame de Sévigné, -c'est simplement un fait que nous voulons signaler: parce qu'il est -nécessaire que nos lecteurs le connaissent, pour bien saisir le but -déguisé ou avoué, secret ou patent, de toutes ses actions, de toutes -ses pensées, pendant les années de sa vie qui nous restent à -parcourir. Ce fait fut de bonne heure reconnu par ses contemporains. -Le grand Arnauld reprochait à madame de Sévigné qu'elle faisait de sa -fille son idole, et il l'avait surnommée la jolie païenne. Au reste, -pardonnons-lui ce besoin qu'elle éprouvait de s'occuper toujours de -celle qu'elle chérissait, de lui écrire sans cesse lorsqu'elle en -était séparée, de chercher à lui plaire, à la distraire, à -l'intéresser par des traits d'esprit, d'imagination, des réflexions -sérieuses des nouvelles plaisantes; pardonnons-lui ses écarts, ses -redites, ses divagations, ses faiblesses, ces susceptibilités d'un -cÅ“ur trop sensible, et les désirs insatiables de cette amitié goulue, -comme dit Molière[525]; pardonnons-lui tout cela, puisque c'est à cela -que nous devons les mémoires les plus amusants, les mieux écrits, les -particularités les plus curieuses de l'histoire du règne de Louis XIV. - -De ce règne chaque année accroissait l'éclat. La France était en paix -avec toute l'Europe; mais le jeune roi avait envoyé un puissant -secours à l'empereur d'Allemagne contre les Turcs. Les nombreuses -lettres qu'il écrivit à Coligny, auquel il avait confié le -commandement de cette petite armée, nous prouvent combien il avait à -cÅ“ur l'honneur des armes françaises, la bonne discipline des troupes; -combien il se donnait de peines et de soins pour récompenser les -belles actions. Ces lettres sont des instructions particulières -propres à Louis XIV, lettres confidentielles, et indépendantes de -celles que ses ministres écrivaient en son nom pour les besoins du -service[526]. Il nous reste encore de lui d'autres lettres, écrites -alors à La Feuillade, parti pour la même expédition à la tête d'un bon -nombre de gentils-hommes volontaires, où nous voyons comme ce jeune -roi savait surveiller ses généraux[527], et se faire instruire par -plus d'une voie de la conduite de chacun. La même sagesse, la même -sollicitude se font voir dans les lettres adressées au duc de -Beaufort[528] et à Vivonne, relativement à l'expédition de Gigeri en -Afrique, et dans celles qu'il écrivit au marquis de Tracy, qui -commandait dans les colonies[529]. A cette époque Louis XIV -n'employait les forces de la France que pour protéger la civilisation -et la chrétienté contre la barbarie du mahométisme, et délivrer les -mers de la tyrannie et de la cruauté des pirates[530]. En même temps -que par tous ses actes il imprimait au dehors le respect et la -crainte[531], tout était par lui au dedans assujetti à des formes -régulières, à des améliorations rapides et successives. Il terminait -le Louvre et commençait Versailles[532]; il ordonnait que le projet de -canal conçu pour la jonction des deux mers fût exécuté[533]; il -donnait, par la construction des routes, une nouvelle vie au commerce -intérieur; il faisait renaître le commerce maritime, en encourageant -l'esprit d'association et en autorisant l'établissement d'une -Compagnie des Indes orientales[534]; il enrichissait les artistes en -leur confiant d'importants travaux; il acquérait pour son compte la -manufacture des Gobelins[535], pour placer ensuite à la tête de cet -établissement le peintre Le Brun; et la musique, la danse, l'art du -décorateur, étaient naturalisés en France, avec des conditions de -perfectionnement toujours croissantes par la fondation de -l'Opéra[536]. Lorsqu'il voyageait, le jeune roi avait soin de faire -prévenir les autorités de tous les lieux où il devait se rendre, afin -qu'elles avertissent les habitants des campagnes et des villes du jour -et de l'heure de son passage, et que tous ceux qui auraient à former -des plaintes ou des demandes pussent les lui présenter en -personne[537]. En même temps Colbert, par ses ordres, envoyait à tous -les intendants du royaume une circulaire qui contenait un système -entier et complet d'instruction, pour les recherches à faire sur -toutes les branches de l'administration de la France[538]. - -Par une rencontre heureuse, des génies d'un ordre supérieur se -développaient à la même époque pour célébrer les merveilles du nouveau -règne, et en augmenter le nombre par leurs immortels chefs-d'Å“uvre. -Les derniers rayons de la gloire du grand Corneille brillaient encore -à l'aurore de celle de Louis XIV; et alors que Racine, encore inconnu, -faisait entendre les premiers accents de sa muse harmonieuse[539], les -premiers vers de Boileau furent publiés dans un recueil, sans l'aveu -de leur auteur. Dans le _Discours au Roi_, tous les genres de mérite -qui distinguaient le jeune monarque et le recommandaient à l'amour du -peuple y étaient dignement célébrés[540]. Le recueil qui contenait ce -discours renfermait aussi les premières satires du jeune poëte, où -Ménage et Chapelain[541], ces hautes puissances littéraires, étaient -attaqués sans ménagements, et où Molière était exalté et vengé de tous -ses critiques. Racine venait de débuter au théâtre par une pièce -assez faible, et La Fontaine avait mis en même temps au jour -quelques-uns de ses Contes. Les écrits de ces quatre amis, qui se -succédèrent rapidement, ne tardèrent pas à opérer une révolution dans -le goût du public; et de tous les poëtes (trop prônés d'abord, trop -dépréciés depuis) du règne de Richelieu, de la Fronde et de Mazarin, -un seul resta debout, ce fut Corneille; semblable à un grand colosse -qu'aurait entouré de ruines un tremblement de terre, sans pouvoir -ébranler sa masse, et qui devient plus imposant et plus majestueux par -les vieux débris couchés sur le sol et par les nouvelles constructions -qu'on y a élevées. - -Mais Molière était alors le seul des quatre nouveaux poëtes dont la -réputation fût faite, dont le mérite fût reconnu[542] et -universellement apprécié; le seul qui fût en possession de la faveur -du roi. Déjà , dans une de ces fêtes brillantes données à la cour, où -il figurait toujours et comme auteur et comme acteur, on avait -représenté les trois premiers actes (les seuls qui fussent achevés) de -son plus étonnant chef-d'Å“uvre, le _Tartufe_. Pour Louis XIV, tout -divertissement eût été incomplet sans l'esprit de Molière et la -musique de Lulli: les sons mélodieux de ce dernier étaient fort bien -assortis à ces ballets magnifiques où le jeune monarque aimait à -développer ses talents pour la danse; et ils convenaient aux -madrigaux, aux allégories ingénieuses et quelquefois graveleuses que -composait Benserade; mais le génie de Molière n'avait aucune analogie -avec ces brillantes fadaises. Il était difficile de comprendre comment -la comédie maligne et moqueuse, avec son franc-parler, ses mordantes -saillies, pouvait se mêler à toute cette pompe, à tout ce bruit, à -tout ce mouvement, de manière à ne pas former un ensemble qui ne fût -pas incohérent. N'importe, il le fallait; le roi demandait, et Molière -se prêtait à tout pour lui plaire; de là _l'Impromptu de Versailles_, -_le Mariage forcé_, _la Princesse d'Élide_[543], compositions -irrégulières, indéfinissables, dans lesquelles l'auteur, sachant faire -ployer son art aux fantaisies du monarque, écrivait encore des scènes -empreintes de naturel et de comique; et dans les efforts même qu'il -faisait pour échapper aux difficultés qu'on lui imposait, mêlant -ensemble la prose et les vers, des airs et du dialogue, du récitatif -et des danses, des sujets sérieux et des jeux bouffons, il inventait -de nouveaux genres de compositions scéniques, qui ont eu depuis leurs -théâtres spéciaux, et ont contribué à varier les plaisirs des -représentations théâtrales chez la nation qui a toujours montré pour -elles le plus de prédilection et a su le mieux les apprécier. - -Ce n'était pas le besoin de vaines distractions qui engageait Louis -XIV à prodiguer des sommes considérables pour donner des fêtes -splendides, à l'époque même où il cherchait, par une sévère économie, -à mettre de l'ordre dans ses finances. Mais de même que ses désirs de -gloire le portaient à violenter ses habitudes, à se condamner tous les -jours à plusieurs heures de travail fastidieux, pour être puissant et -redouté en Europe; de même l'amour l'excitait à se montrer généreux et -galant, à déployer ses grâces et son adresse dans des exercices de -corps; à se montrer vêtu avec goût et magnificence au milieu de son -brillant cortége; à paraître toujours plus grand et plus aimable, pour -être toujours plus admiré et plus aimé. Personne n'ignorait, depuis -quelque temps, que ces fêtés multipliées, données sous divers -prétextes aux reines ou à MADAME, avaient lieu principalement pour -mademoiselle de La Vallière, dont la liaison avec le monarque n'était -plus un mystère[544]. Divers emblèmes de ces fêtes, les vers qu'on y -récitait, les airs qu'on y chantait, faisaient des allusions non -déguisées aux inclinations amoureuses du roi, à celle qui en était -l'objet, et à toutes les liaisons de même nature qui avaient lieu dans -cette cour galante et voluptueuse. Si Benserade se les permettait, -c'est qu'il savait que c'était un moyen de plaire au roi, qui, fier et -orgueilleux de sa belle maîtresse et de l'amour qu'il lui -inspirait[545], croyait qu'il était au-dessous de sa dignité de -feindre et de se cacher; qui éprouvait le besoin de faire connaître -son bonheur, et d'y faire participer une cour jeune, indulgente et -facile. - -Anne d'Autriche, ne pouvant empêcher les écarts de son fils, avait -voulu l'engager à sauver au moins les apparences. Mais tous ses -efforts, et les vertueuses résistances ménagées ou appuyées par elle, -ne servirent qu'à irriter le jeune monarque: il signala ses -impérieuses volontés par d'éclatantes disgrâces, dans lesquelles Anne -d'Autriche parut elle-même enveloppée. Mais alors elle tomba malade; -et l'affection que son fils lui portait se manifesta par des actes -touchants, qu'à tort on a cru peu dignes de la majesté de l'histoire. -L'histoire, au contraire, ne doit rien laisser en oubli de tout cc qui -peut contribuer à nous mieux faire connaître les personnages qui ont -exercé une grande influence sur les destinées des hommes et des États. - -Tant que Louis XIV put craindre de perdre sa mère, toutes les -réjouissances furent suspendues. Les emportements de l'amour ne -l'empêchèrent pas de consacrer à cette mère chérie tous les moments -que les affaires de son royaume lui laissaient pendant le jour. La -nuit, il couchait près d'elle tout habillé, sur un matelas qu'il -faisait étendre au pied de son lit. Madame de Motteville, qui veilla -seule plusieurs fois auprès d'Anne d'Autriche, vit dormir le roi dans -cette situation. Son visage, qui brillait alors de tout l'éclat de la -première jeunesse, acquérait, dit-elle, par le sommeil, plus de -douceur, sans rien perdre de sa beauté et de sa majesté. Madame de -Motteville montre dans tout ce qu'elle a écrit un jugement exquis et -un rare discernement; mais elle avait cependant, comme toutes les -femmes de son temps, la mémoire remplie de faits chevaleresques et des -aventures amoureuses des héros de l'Arioste, d'Astrée, d'Amadis, des -romans de La Calprenède et de mademoiselle de Scudéry. C'étaient les -lectures favorites des femmes les plus spirituelles de cette époque. -Madame de Motteville, d'un âge déjà mûr, avoue avec naïveté qu'en -contemplant le jeune monarque ainsi endormi, oubliant la tristesse et -les inquiétudes que lui causait l'état où se trouvait la reine mère, -il lui est arrivé quelquefois, dans le silence de la nuit, de -s'abandonner aux rêves de son imagination, et que, moitié éveillée -moitié assoupie, elle croyait être une jeune princesse qui, après -mille courses aventureuses, avait été transportée dans l'épaisseur -d'un bois ou sur le rivage de la mer, où un beau guerrier, un héros -illustre, accablé par la fatigue et plongé dans un profond sommeil, -s'était offert à ses regards[546]. Puis, honteuse de ces folles -pensées et de l'impression qu'elle en ressentait, elle se levait de -dessus son fauteuil, et se mettait à genoux, priant Dieu avec ferveur -pour celui qui les lui avait inspirées. Ce mélange d'émotions -sensuelles ou profanes et de sensibilité religieuse caractérise -surtout les personnages de ce temps, et se retrouve dans presque tous. - -Louis XIV ne se reposait sur personne pour la surveillance des soins -dont dépendaient les jours de sa mère. «Il l'assistait, dit madame de -Motteville, avec une application incroyable; il aidait à la changer de -lit, et la servait mieux et plus adroitement que toutes ses -femmes[547].» Ce témoignage rendu à la piété filiale de Louis XIV est -d'autant moins suspect, que madame de Motteville, amie de madame de -Navailles, ne jouissait pas de la faveur du roi; il attribuait à ses -conseils la sévérité de sa mère à son égard, et il pensa un instant à -la séparer d'elle en l'exilant. - -Lorsque Anne d'Autriche fut convalescente, Louis XIV lui témoigna son -repentir des chagrins qu'il lui avait causés; mais il ne se montra pas -plus disposé à en tarir la source. Au contraire, son amour pour La -Vallière continuant à prévaloir sur toute autre considération, il -déclara que, sous peine d'encourir sa disgrâce, les dames de qualité -devaient la suivre. Cette résolution du jeune monarque remplit -pendant quelque temps la cour d'intrigues et de cabales; les -résistances et les complaisances auxquelles elle donna lieu devinrent -l'origine de l'abaissement des uns et de l'élévation des autres[548]. - - [525] MOLIÈRE, _École des Femmes_, acte II, scène III, p. 24 de - l'édition de 1663; t. III, p. 26 de l'édition d'Auger. - - [526] LOUIS XIV, _OEuvres_, t. V; _Lettres_, p. 203-205, 208, - 209, 260 (des 7 et 15 août 1664). - - [527] LOUIS XIV, t. V, p. 179-220.--MONGLAT, _Mém._, t. LI, p. - 131.--BUSSY, _Mém._, t II, p. 208 et 209, édit. in-12. - - [528] LOUIS XIV, _OEuvres_, t. V, p. 145, 193, 210, 228, 264, - 269, 281, 291, 305, 311, 318, 356, 365, 368, 377, 380, 384, 388, - 403. - - [529] LOUIS XIV, _OEuvres_, t. V, p. 262.--LORET, liv. XV, p. 63. - - [530] LOUIS XIV, _OEuvres_, t. V, p. 205-225. - - [531] LA FARE, _Mémoires_, t. LXV, p. 149.--MONGLAT, _Mém._, t. - LI, p. 130. - - [532] LORET, liv. XIV, p. 58-61 (21 et 28 avril 1664). - - [533] _Histoire de la Monarchie Françoise_, 1697, in-12, t. II, - p. 236. - - [534] Ibid., t. II, p. 226 et 166. - - [535] LORET, liv. XIV, p. 124 (en date du 29 juillet 1663). - - [536] LA FONTAINE, _OEuvres_, édit. 1827, t. VI, p. 109, note 1. - - [537] LOUIS XIV, t. V, p. 204 et 205 (_lettre_ à Courtin, datée - de Fontainebleau, le 10 août 1664). - - [538] D'HAUTERIVE, _Quelques Conseils à un jeune Voyageur_ (16 - avril 1826), in-8º. - - [539] François DE NEUFCHATEAU, _Esprit du grand Corneille_, p. - 434. - - [540] _Suite du Nouveau Recueil de plusieurs pièces diverses et - galantes de ce temps_, 1665, p. 82 et 86 (avec la sphère). - - [541] _Nouveau Recueil de plusieurs pièces diverses et galantes - de ce temps_, in-12, p. 24, la satire à Molière; p. 56, la satire - à La Mothe Le Vayer. - - [542] Frères PARFAICT, _Hist. du Théâtre françois_, t. IX, p. - 304. - - [543] MOLIÈRE, édit. d'Auger, t. III, p. 386, et t. III, p. 296, - édit. d'Aimé Martin. - - [544] BENSERADE, t. II, p. 237.--GUERET, _Carte de la Cour_, - 1663, p. 69. - - [545] MOTTEVILLE, _Mém._, t. XL, p. 141, 212 et 213. - - [546] MOTTEVILLE, _Mémoires_, t. XL, p. 185-186. - - [547] Ibid., p. 186. - - [548] MOTTEVILLE, t. XL, p. 199, 201, 203, 211, 213, 218, 225. - - - - -CHAPITRE XXII. - -1663-1664. - - Nouvelles fêtes à la cour.--Mademoiselle de Sévigné y - paraît.--Mot du marquis de Tréville en la voyant.--Détails sur ce - qui la concerne.--Comparée avec sa mère.--Éloge et reproche que - lui adresse La Fontaine.--Elle danse dans le ballet du - roi.--Vers de Benserade faits pour elle dans ce ballet.--Éloges - qu'en fait Loret dans sa gazette.--Loret dit que La Vallière est - digne d'avoir un balustre.--Usage du balustre.--Éloge que Loret - fait de mademoiselle de Mortemart, devenue madame de - Montespan.--La liberté dans le langage ne choquait point - alors.--La semaine sainte interrompt les fêtes.--Diverses causes - les font recommencer avec plus d'ardeur.--Mademoiselle de Sévigné - reparaît dans le ballet des _Amants déguisés_.--Vers de Benserade - pour elle dans ce ballet.--Éloge que Loret fait de ce ballet et - de mademoiselle de Sévigné.--Divertissements de cette année, plus - variés que de coutume.--Jeux de la ramasse.--Foire - Saint-Germain.--Bal masqué donné par la reine.--Ballet des - _Amants déguisés_.--Fêtes du mois de mai de 1664.--Il est - probable que madame de Sévigné s'y est trouvée avec sa - fille.--Elle se rend à sa terre de Bourbilly, et se retrouve avec - Bussy.--Il y a tout lieu de croire que son départ de la capitale - n'eut lieu qu'après celui de la cour. - - -Si on excepte le temps que dura la maladie de la reine mère, et les -intervalles qui paraissaient bien longs du carême et de la semaine -sainte, pendant lesquels le jeune abbé Bossuet faisait entendre des -paroles fortes et sévères[549], les années du nouveau règne -s'écoulaient dans une suite presque continuelle de bals, de jeux, de -spectacles et de divertissements. Durant cette année (1663), des -mariages et des naissances dans la famille royale et dans d'autres -grandes familles; la création de nouveaux ducs et pairs; les grâces du -roi, répandues sur plusieurs de ses serviteurs; la présence du prince -royal de Danemark et des envoyés de la confédération des Suisses à -Paris; l'arrivée d'un légat du pape; le retour du prince et de la -princesse de Conti dans la capitale, et plusieurs autres circonstances -moins importantes, donnèrent encore plus d'activité aux fêtes, et les -rendirent plus fréquentes[550]. - -Ce fut dans ces fêtes que parut pour la première fois à la cour la -fille de madame de Sévigné. Elle avait quinze ans: en la voyant, le -marquis de Tréville, connu par son esprit et par ses bons mots, dit: -«Cette beauté brûlera le monde.» Et en effet au teint éclatant d'une -blonde mademoiselle de Sévigné joignait les traits les plus réguliers -et une taille svelte, aux formes les plus gracieuses; elle montrait -alors une intelligence prompte et facile. Sa mère sut mettre à profit -ces dispositions naturelles, par l'éducation la plus complète et la -mieux dirigée. Lorsque cette éducation fut terminée, mademoiselle de -Sévigné écrivait non-seulement sa langue, mais encore la langue -italienne, avec beaucoup de pureté; elle savait un peu de latin, et, -selon la coutume de cette époque, parmi les femmes d'un certain rang, -de ne point rester étrangères à tout ce qui faisait l'entretien des -hommes, elle apprit la philosophie de Descartes, dont on s'occupait -beaucoup alors. L'application qu'elle mettait aux études sérieuses -n'avait point nui à l'acquisition des talents ni aux arts d'agrément. -Elle excellait surtout dans la danse, et ce fut sans doute ce qui lui -valut l'honneur d'être admise, si jeune, à danser avec le roi[551]. On -ne peut disconvenir qu'en la laissant déployer toutes ses grâces et -tous ses attraits aux yeux d'un monarque facile à enflammer, et en la -produisant de si bonne heure au milieu d'une cour voluptueuse, madame -de Sévigné ne s'abandonnât avec trop peu de prudence aux jouissances -de l'orgueil maternel. Heureusement pour elle et pour sa fille, la -prédiction du marquis de Tréville ne s'accomplit pas. Mademoiselle de -Sévigné a donné une preuve de plus que la beauté et la supériorité du -savoir et des talents ne suffisent pas seules pour faire naître les -grandes passions; que l'admiration ne produit pas toujours la -tendresse; et que l'esprit et les yeux peuvent être satisfaits sans -que le cÅ“ur soit touché. Beaucoup plus belle que sa mère, plus -savante peut-être, plus habile dans les arts d'agrément, mademoiselle -de Sévigné, avec une riche dot, dans tout l'éclat de la jeunesse, eut -de la peine à rencontrer un parti sortable, et ne fit jamais naître -l'amour; tandis que tous les hommes qui voyaient madame de Sévigné se -passionnaient pour elle, et qu'elle aurait pu, même après un veuvage -déjà avancé, choisir un époux à son gré et contracter encore un -mariage brillant, si sa tendresse pour ses enfants, et surtout pour sa -fille, ne l'en eût empêchée. La cause de ceci nous est connue: -mademoiselle de Sévigné était froide et réservée, et son premier abord -avait quelque chose de dédaigneux; elle ne possédait pas la moindre -étincelle de ce feu qui animait sa mère; elle n'avait rien de cette -vivacité affectueuse, de cette sensibilité exquise, de cette verve -spirituelle, qui charmait tant dans madame de Sévigné, et lui -prêtaient des attraits souvent enivrants pour ceux à qui elle voulait -plaire; et elle le voulait presque pour tous. Elle mettait son bonheur -à être recherchée, admirée, louée, et surtout à être aimée. Il n'en -était pas ainsi de mademoiselle de Sévigné: sa froideur était si -connue, si généralement sentie, que La Fontaine lui en fait un -reproche dans une fable qu'il lui a dédiée; mais, avec ce tact fin qui -le caractérise, il déguise le blâme sous les termes ambigus d'un -éloge: - - Vous qui naquîtes toute belle, - A votre indifférence près[552]. - -Ainsi, selon La Fontaine, une femme ne pouvait être parfaitement belle -si elle était indifférente. La Fontaine avait raison: la beauté froide -est cette Galatée muette et immobile, cette statue de la fable, que le -souffle divin n'a point animée, et qui ne peut inspirer d'amour qu'à -celui dont elle fut l'ouvrage. Si, comme Pygmalion, madame de Sévigné -eût pu transmettre son âme à celle qui lui devait la vie, à celle -qu'elle s'était plu à former et à combler de tant de perfections, elle -n'eût pas été la seule à la chérir, à s'occuper d'elle avec délices, à -épuiser en sa faveur toutes les formes de l'éloge, toutes les -expressions de la tendresse; et cette beauté, comme avait dit le -marquis de Tréville, eût brûlé le monde. Mais celle qui était -remarquable par ses attraits fut admirée; celle qui se montra sage -dans sa conduite fut estimée, et ce fut tout. Tout..., je me trompe: -celle qui ne chercha point à plaire déplut, celle qui mit trop peu de -prix à paraître aimable ne fut point aimée. Dans le monde moral, comme -dans le monde physique, toujours les conséquences sont conformes aux -prémisses. - -Au temps dont nous nous occupons, on cherchait à la voir, on aimait à -la regarder comme un astre nouvellement levé sur l'horizon: on ne -voulait point la juger. Au milieu de tant de beautés ravissantes, la -jeune Sévigné apparaissait semblable à une des fleurs, à peine -entr'ouverte, d'un buisson de roses, mais brillant par de si fraîches -et de si vives couleurs, qu'elle fixe les regards de préférence à -toutes les autres. Ce fut en janvier 1663, et dans le _ballet des -Arts_, qu'elle dansa pour la première fois: la sensation qu'elle -produisit fut grande; c'est ce que Benserade fait entendre dans les -premiers vers récités dans ce ballet, à son sujet: - - Déjà cette beauté fait craindre sa puissance; - Et, pour nous mettre en butte à d'extrêmes dangers, - Elle entre justement dans l'âge où l'on commence - A distinguer les loups d'avecque les bergers. - -Dans ce même ballet, qui fut joué pendant tout l'hiver, le roi -représentait un berger[553], MADAME jouait le rôle de Pallas, et -mademoiselle de Sévigné dansait avec elle, dans la septième entrée, -avec mesdemoiselles de Mortemart, de Saint-Simon et de La Vallière. -Toutes les quatre étaient vêtues en Amazones. Les vers chantés ou -récités à cette occasion pour mademoiselle de Sévigné, démontrent -tout ce qu'on permettait de licence à la muse de Benserade dans ces -représentations théâtrales, où se trouvaient cependant deux reines, et -où la plus jeune figurait comme actrice. - - _Pour mademoiselle de_ SÉVIGNY, Amazone. - - Belle et jeune guerrière, une preuve assez bonne - Qu'on suit d'une Amazone et la règle et les vÅ“ux, - C'est qu'on n'a qu'un teton: je crois, Dieu me pardonne, - Que vous en avez déjà deux[554]. - -Loret, en rendant compte de la première représentation de ce ballet, -dans sa Gazette du 20 janvier 1663, après avoir décrit l'entrée de -MADAME et des demoiselles Saint-Simon, Mortemart et La Vallière, -ajoute: - - Sévigny, pour qui l'assemblée - Était de merveille comblée, - Chacun paraissant enchanté - De sa danse et de sa beauté. - Fille jeune, fille brillante, - Fille de mine ravissante, - Et dont les jolis agréments - Charment les cÅ“urs à tous moments[555]. - -Loret fait ensuite l'éloge du roi, qu'il appelle un brave -porte-couronne. Le plaisir que Louis XIV prenait à ces danses et à ces -divertissements était singulièrement augmenté par les éloges détournés -et les allusions ingénieuses qu'ils suggéraient à Benserade dans la -composition des vers de ces ballets. - -On joua encore de nouveau, l'année suivante, le _ballet des Arts_: les -mêmes personnages y figurèrent; et parmi les belles dont Loret fait -l'éloge, au sujet de cette reprise, mademoiselle de Sévigné n'est pas -oubliée: - - Les autres beautés renommées, - Qu'ailleurs j'ai toutefois nommées, - C'était Saint-Simon, Sévigny - De mérite presque infini; - La Vallière, autre fille illustre, - Digne un jour d'avoir un balustre. - -Ce dernier vers fait allusion à l'usage où l'on était d'entourer d'un -balustre l'estrade sur laquelle le lit était élevé; ce qui n'avait -lieu que pour les rois, les reines, et les personnages d'une haute -distinction. Mademoiselle de Mortemart, qui figurait encore dans ce -ballet avec mademoiselle de Sévigné, comme une des quatre Amazones, -s'était mariée à Montespan depuis la première représentation; et c'est -par cette raison que Loret la nomme la défunte Mortemart, car, dit-il, - - Depuis qu'elle n'est plus pucelle, - Ce n'est plus ainsi qu'on l'appelle[556]. - -On voit d'après cette citation, à laquelle je pourrais en joindre -d'autres, que les gazettes de Loret, qui ne circulaient qu'à la cour -et dans le beau monde, étaient écrites d'un style aussi libre que les -ballets de Benserade. L'on doit, d'après cela, moins s'étonner de -certaines expressions de Molière et des auteurs de ce temps, et par -conséquent de celles qui se présentaient sous la plume de madame de -Sévigné, ou qui lui échappaient dans la vivacité du dialogue. -Quoiqu'elle eût passé sa première jeunesse parmi les précieuses, la -mobilité de son imagination lui faisait facilement adopter les -nouveaux usages qui étaient favorables à la gaieté de son caractère. - -Le carême et la semaine sainte vinrent interrompre tout divertissement -mondain, et ramenèrent le règne des prédicateurs et les somptueuses -cérémonies ecclésiastiques. Dans celles-ci, la musique de La Barre, de -Boisset, de Hottman, de Molière (j'entends le musicien, et non pas le -poëte), et les belles voix des demoiselles Hilaire, Saint-Christophe -et Cercamanans, faisaient, comme dans les fêtes profanes, les délices -des assistants[557]. Les deux reines et les personnes pieuses -joignaient, à leur exemple, aux actes de dévotion, qui étaient de -rigueur, de fréquents voyages à l'ermitage du mont Valérien, alors -occupé par des dominicains; ce pèlerinage était fort en vogue[558]. - -Après ce temps de pénitence et de privations, les plaisirs -recommencèrent par des festins, des bals donnés par le roi et les -grands de la cour[559], auxquels succédèrent des chasses brillantes à -Versailles, à Vincennes et à Chantilly; puis, la foire Saint-Laurent, -qui jamais n'avait eu tant d'éclat[560]. - -Lorsque l'hiver survint, au commencement de l'année suivante, on monta -un nouveau ballet, intitulé _les_ _Amours déguisés_. Mademoiselle de -Sévigné était un trop grand ornement de ces ballets, pour que le roi -ne désirât pas qu'elle figurât dans tous. Elle était dans celui de -l'année 1664 au nombre des Amours déguisés en Nymphes maritimes, avec -mademoiselle d'ElbÅ“uf, madame de Montespan et madame de Vibraye: -Benserade termine les vers qu'il fit pour elle, à cette occasion, par -un compliment à sa mère[561]: - - _Pour mademoiselle_ DE SÉVIGNY, _Amour déguisé en Nymphe - maritime_. - - Vous travestir ainsi, c'est bien être ingénu, - Amour! c'est comme si, pour n'être pas connu, - Avec une innocence extrême, - Vous vous déguisiez en vous-même. - Elle a vos traits, vos feux, et votre air engageant, - Et, de même que vous, sourit en égorgeant. - Enfin, qui fit l'une a fait l'autre, - Et, jusques à sa mère, elle est comme la vôtre. - -Loret, dans sa gazette, a fait une description pompeuse de la première -représentation de ce ballet, qui eut lieu dans le milieu de février -1664. On voit, par son récit, que les grands de la cour y figuraient -avec les acteurs et les actrices les plus renommés, avec - - L'excellent acter Floridor, - Qui vaut mieux que son pesant d'or, - -et la célèbre DesÅ“illets, et Montfleury et sa fille. Après avoir, -selon son usage, commencé par l'éloge du roi, de MONSIEUR, des reines, -des princesses, Loret en vient aux filles d'honneur, et termine tous -ces éloges par celui de mademoiselle de Sévigné. - - J'ai pensé faire une folie - En oubliant cette jolie, - Cette pucelle Sévigny, - Objet de mérite infini. - Certes, moi qui l'ai deux fois vue - De divers agréments pourvue, - Et d'une très-rare beauté, - Aux ballets de Sa Majesté, - Si quelqu'un s'en venait me dire, - Et fût-ce le roi notre sire: - As-tu rien vu de plus mignon? - Je lui dirais hardiment: Non[562]. - -La reine mère, se ployant aux goûts et aux désirs de son fils, donna -un bal masqué vers la fin du carnaval. A tous les plaisirs des années -précédentes, la rigueur du froid en fit joindre un d'un genre tout -nouveau: c'était le jeu qu'on appelle _la ramasse_, qui eut alors une -grande vogue. Ce jeu consistait à se faire précipiter de haut en bas -avec une grande rapidité, au moyen d'une machine qui devait ressembler -à celle des montagnes russes, que nous avons vue de nos jours[563]. La -foire Saint-Germain offrit aussi cette fois une richesse et une pompe -extraordinaires; elle fut plus fréquentée, eut un aspect encore plus -gai, plus animé que dans les années précédentes. - -Mais toutes les fêtes de l'hiver furent surpassées par celles que -Louis XIV donna au printemps, dans le parc de Versailles: elles -commencèrent le 7 mai, et durèrent six jours. Le décorateur Vigarani -donna pour titre à ces fêtes: _les Plaisirs de l'île enchantée_. Comme -celles du Carrousel et des Tuileries, elles laissèrent un long -souvenir. Benserade[564] composa des sonnets, des madrigaux et des -quatrains, contenant l'éloge de tous ceux qui y figuraient, à -commencer par le roi. Molière, à cette occasion, composa _la Princesse -d'Élide_ et _le Mariage forcé_[565]. Nous ne pouvons douter que madame -de Sévigné et sa fille n'aient assisté à ces fêtes, qui eurent lieu au -commencement de mai, surtout si nous remarquons que mademoiselle de -Sévigné participait à la représentation de _l'Amour déguisé_, qui fut -donnée chez MONSIEUR, au Palais-Royal, à la fin de février. Cependant -nous n'avons aucune preuve directe de leur présence à Versailles à -cette époque; et nous savons que madame de Sévigné se rendit cette -année dans sa terre de Bourbilly, en Bourgogne, où elle se retrouva -dans la société de son cousin Bussy[566]; mais ses départs pour la -province n'avaient ordinairement lieu que lorsque la cour quittait la -capitale pour transporter son séjour à Saint-Germain, à Compiègne ou à -Fontainebleau. - - [549] LORET, liv. XV, p. 66 (15 mai 1664). - - [550] LORET, liv. XV, p. 33, 61, 123, 165, 195-203, 200, 3 mars, - 28 avril, 29 juillet, 6 octobre, 1er et 15 décembre - 1663.--MOTTEVILLE, _Mém._, t. XL, p. 195.--MONTPENSIER, _Mém._, - t. XLIII, p. 54-67. - - [551] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. II, p. 92. - - [552] LA FONTAINE, _Fables_, liv. IV, fable 1; I; t. I, p. 177 - des _OEuvres_ de LA FONTAINE, édit. 1827, in-8º. - - [553] BENSERADE, _OEuvres_, t. II, p. 285, 288. - - [554] BENSERADE, _OEuvres_, t. II, p. 299. - - [555] LORET, _Muse historique_, liv. XIV, p. 10. - - [556] LORET, liv. XIV, p. 26 (17 février). - - [557] LORET, _Muse historique_, liv. XIV, p. 46 (31 mars 1663). - - [558] Ibid., p. 13, 18, 48 et 49 (27 janvier, 3 février, 17 mars, - et 7 avril 1663). - - [559] Id., liv. XIV, p. 188, 192 (17 et 24 novembre - 1663).--MONTPENSIER, _Mém._, t. XLIII, p. 54.--LORET, liv. XIV, - p. 33 (3 mai). - - [560] Id., liv. XIV, p. 139, 140 (25 août), p. 174 (20 octobre). - - [561] BENSERADE, _OEuvres_, 1697, t. II, p. 316.--LORET, liv. XV, - p. 25, _lettre 6_, en date du 9 février 1664. - - [562] LORET, liv. XV, p. 27 (16 février 1664).--Ibid., p. 32 et - 33, et 35 (1er mars). - - [563] Ibid., pag. 18 (2 février). - - [564] BENSERADE, _OEuvres_, t. II, p. 319 à 324. - - [565] LORET, _Muse historiques_, liv. XV, p. 73.--BENSERADE, t. - II, p. 319, 324.--MOLIÈRE, _OEuvres_ t. III, p. 105 à 150, édit. - d'Auger; t. III, p. 447, édit. d'Aimé Martin.--MARIGNY, _Relation - des fêtes que le roi a données aux reines dans le parc de - Versailles_ (14 mai 1664), dans les _OEuvres de_ MARIGNY, p. - 34.--_Les Plaisirs de l'île enchantée_, 1 vol. in-folio, - accompagné de neuf planches gravées par ISRAEL SYLVESTRE. - - [566] _Lettre de Bussy à madame de Sévigné_, le 21 novembre 1866, - dans SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 109, édit. M.; t. I, p. 154, - édit. G. - - - - -CHAPITRE XXIII. - -1665. - - Aucune femme ne figurait dans les fêtes de Versailles.--Nouveau - ballet donné à la cour.--Mademoiselle de Sévigné y figure sous le - costume d'Omphale.--Vers de Benserade à sa louange.--Madrigal en - langue italienne composé pour elle par Ménage.--Épigramme du même - sur madame de Sévigné.--Les éloges donnés à son teint, dans cette - pièce, sont confirmés par Bussy et madame de la Fayette.--Le - temps entre 1663 et 1669 fut le plus heureux de la vie de madame - de Sévigné.--Elle le passa dans la société de ses anciens amis et - amants et dans des fêtes continuelles.--Intrigues de cour qui - donnaient un grand intérêt à ces fêtes.--Madame de Sévigné était - répandue dans la société des gens de robe et de finance, comme - parmi ceux de la cour.--Elle était liée avec madame - Duplessis-Guénégaud; elle l'allait voir à Fresnes, où celle-ci - donnait des fêtes fréquentes.--Madame de Guénégaud donne un - ballet à mascarades à Fresnes, lors du mariage de sa fille.--Son - mari est obligé de rendre des comptes, et elle est privée d'une - partie de sa fortune.--Louis XIV contraint à l'obéissance, par - des moyens despotiques, tous ceux qui résistent à ses - ordonnances.--Bussy est arrêté et mis à la Bastille. - - -Si madame de Sévigné se trouva avec sa fille aux fêtes de Versailles, -elles furent toutes deux au nombre des spectatrices, et mademoiselle -de Sévigné n'eut point de rôle à jouer; ce qui ne doit point étonner, -puisque aucune dame de la cour ne figura dans ces fêtes. Il y eut une -course de bague, où les hommes se montrèrent sous divers déguisements. -Louis XIV y parut habillé d'abord en berger, et ensuite sous le -costume du chevalier Roger, ce fameux paladin du poëme de l'Arioste. -Il y eut des festins, des feux d'artifice, la comédie, des -cavalcades, mais aucune représentation de ballet royal[567]. - -On en composa un nouveau pour l'hiver suivant. Il était intitulé: _la -Naissance de Vénus_. Le duc de Saint-Aignan en était l'inventeur; -Benserade avait mis ses idées en vers; Vigarani avait construit les -décorations; les deux plus fameuses cantatrices de l'époque, -mademoiselle Hilaire et mademoiselle Christophe, y faisaient entendre -leurs voix. Mademoiselle de Sévigné, sous le costume d'Omphale, -figurait avec le roi dans la dernière entrée de ce ballet. Les vers de -Benserade que l'on y récitait à la louange de la jeune Omphale -contenaient aussi un éloge de sa mère; et tout le monde applaudissait -le poëte qui, au milieu de tant de licence, rendait justice à la -vertu, et savait être flatteur sans flatterie. - - -_Pour mademoiselle_ DE SÉVIGNY, Omphale. - - Blondins accoutumés à faire des conquêtes, - Devant ce jeune objet si charmant et si doux, - Tous grands héros que vous êtes, - Il ne faut pas laisser pourtant de filer doux. - L'ingrate foule aux pieds Hercule et sa massue; - Quelle que soit l'offrande, elle n'est point reçue: - Elle verrait mourir le plus fidèle amant, - Faute de l'assister d'un regard seulement. - Injuste procédé, sotte façon de faire, - Que la pucelle tient de madame sa mère, - Et que la bonne dame au courage inhumain, - Se lassant aussi peu d'être belle que sage, - Encore tous les jours applique à son usage, - Au détriment du genre humain[568]. - -Mademoiselle de Sévigné avait alors atteint l'âge de dix-sept ans; -ses charmes avaient acquis tous leurs développements, et sa beauté -était déjà devenue célèbre. Ménage, dans la nouvelle édition de ses -poésies, avait adressé un madrigal en vers italiens «à la très-belle -et très-vertueuse demoiselle Françoise de Sévigné». Il la prie de ne -pas croire son cÅ“ur insensible, parce qu'il ne ressent pas pour elle -l'amour qu'elle inspire à tous; mais ce cÅ“ur a déjà été enflammé par -sa mère, et réduit en cendre par elle: il n'a plus la faculté de -brûler[569]. Ménage ne croyait pas qu'il y eût du ridicule dans de -pareilles fadaises, parce qu'il les écrivait en langue étrangère. Il -donne encore, dans une petite pièce qu'il a intitulée, à la manière -des anciens, _Épigramme_, parce qu'elle était courte, des éloges à -mademoiselle de Sévigné; mais ce n'est que pour rehausser ceux de sa -mère. - - _A madame la marquise_ DE SÉVIGNY. - - ÉPIGRAMME. - - Je l'ai dit dans la famille, - Et je le dirai toujours, - Vous n'aimez point votre fille, - Ce miracle de nos jours. - Par l'éclat incomparable - De votre teint, de vos yeux, - Par votre esprit adorable, - Vous l'effacez en tous lieux[570]. - -Cet éloge était vrai sous le rapport de l'esprit, vrai sous le rapport -de la vivacité des yeux. On pourrait croire, relativement à ce que -Ménage dit du «teint incomparable,» qu'il fait son métier de poëte et -d'amant, et qu'il flatte; car mademoiselle de Sévigné était blonde -comme sa mère, et dans toute sa fraîcheur. Cependant l'assertion de -Ménage est confirmée par les portraits que Bussy-Rabutin et madame de -La Fayette ont faits de madame de Sévigné. Le premier commence le sien -en disant: «Madame de Sévigné a d'ordinaire le plus beau teint du -monde[571]....» La seconde, en s'adressant à madame de Sévigné -elle-même, dit: «Je ne veux point vous accabler de louanges, ni -m'amuser à vous dire que votre taille est admirable, que votre teint a -une fleur qui assure que vous n'avez que vingt ans[572]....» Madame de -Sévigné en avait environ trente-trois lorsque ces deux portraits -furent écrits, et on doit remarquer que l'intention de Bussy, dans le -sien, était de la déprécier, et non de la louer; de l'offenser, et non -pas de la flatter. Il est vrai que lorsque Ménage écrivit son -épigramme, elle avait quelques années déplus: elle était âgée -d'environ trente-huit ans; mais c'est à cet âge que, dans nos climats -du moins, les femmes prennent un embonpoint, signe de force et de -santé, qui leur donne un teint plus égal, plus reposé, non aussi -frais, mais plus vif que dans leur première jeunesse. C'est cette -seconde jeunesse, c'est cette jeunesse de l'âge mûr, qui est dans la -vie comme le second mouvement de la séve des végétaux dans le déclin -de l'année, et que l'on a nommée avec énergie le regain de la beauté. - - -On peut affirmer, avec toute certitude, que cette époque a été pour -madame de Sévigné la plus heureuse. Lorsqu'on réfléchit à sa fortune, -à son rang, à sa position dans le monde, à son organisation vive et -sensible, accessible à toutes les impressions agréables, parfaitement -adaptée aux jouissances de son temps, il est permis de croire qu'il -est peu de femmes qui aient jamais été appelées à jouir d'un aussi -grand bonheur. Tous ses amis de la Fronde étaient rentrés. Le cardinal -de Retz lui-même avait obtenu la permission de se rendre à -Fontainebleau, et de se présenter devant le roi; madame de Sévigné -était allée à sa rencontre jusqu'à Saint-Denis. S'il ne lui fut plus -permis de demeurer à la cour, si la carrière de l'ambition lui fut -pour toujours fermée, il fut plus entièrement livré à ses amis et à -ceux dont il se faisait chérir. Il n'erra plus loin de sa patrie; et -après tant d'agitations, dans sa belle retraite de Commercy, il put -passer dans le repos les dernières années de sa vie[573]. Il s'y -occupa de philosophie, de métaphysique[574], et s'amusa à rédiger ses -Mémoires, qui lui ont acquis, comme écrivain, le premier rang en ce -genre. Les autres amis de madame de Sévigné, Turenne, le comte du -Lude, Tonquedec, le gai Marigny, et tant d'autres, restés en faveur, -ou pardonnés, étaient revenus de leur exil. Ainsi tous ceux qui -l'avaient vue entrer à la cour et dans le monde, elle les retrouvait; -ils composaient encore sa société intime, et, toujours belle, riche, -spirituelle, elle jouissait également des nouveaux hommages que ses -charmes lui attiraient parmi les jeunes gens, et de ceux que depuis -longtemps lui rendaient ses anciens adorateurs. Mais les succès -qu'elle obtenait n'étaient rien en comparaison des jouissances que lui -donnaient ceux de sa fille. C'est par elle, c'est pour elle, qu'elle -semblait vivre et plaire, pour elle qu'elle éprouvait tant d'orgueil -et de délices à ces ballets. La jeunesse et les grâces de mademoiselle -de Sévigné attiraient tous les regards; et jamais peut-être les fêtes -ne furent plus multipliées que depuis sa présentation à la cour -jusqu'à son mariage, c'est-à -dire depuis l'année 1663 jusqu'à l'année -1669. Il y en avait sans cesse, il y en avait partout; car on ne se -contentait pas de celles que donnaient le roi et les princes: à leur -imitation, les personnages qui, par leur rang ou leur fortune, -tenaient un grand état de maison avaient aussi leurs ballets, leurs -mascarades, leurs musiciens et leurs danseurs. - -Madame de Sévigné était invitée aux fêtes les plus magnifiques: elle -n'était pas seulement répandue dans la noblesse; ses liaisons avec -Fouquet lui avaient procuré des amis parmi les gens de robe et -parmi ceux de la haute finance. Ainsi qu'on l'a vu, madame -Duplessis-Guénégaud avait conçu une vive amitié pour elle: cette -amitié s'était augmentée par l'intérêt qu'elle lui vit prendre au -surintendant, lors du fameux procès; ce qui faisait dire alors en -plaisantant, à madame de Sévigné, que madame de Guénégaud l'aimait -«par réverbération.» Madame de Sévigné nous dépeint madame de -Guénégaud «comme une femme d'un grand esprit et de grandes vues, et -qui avait un grand art de posséder une grande fortune[575].» Ceci est -dit à cause des fêtes brillantes que M. et Madame de Guénégaud -donnèrent dans le magnifique hôtel qu'ils avaient fait construire sur -l'emplacement de l'hôtel de Nevers, et dans leur beau château de -Fresnes. La plus remarquable de ces fêtes eut lieu à Paris en 1665, -lors du mariage de mademoiselle de Guénégaud avec le duc de -Caderousse[576]. Les amis de madame de Guénégaud y exécutèrent un -ballet-mascarade, intitulé: _les Muets du Grand Seigneur_. Madame de -Guénégaud y était désignée sous le nom d'Amalthée; et voilà pourquoi -madame de Sévigné la nomme si souvent ainsi dans sa correspondance. - -On voyait dans ce ballet des démons habillés sous mille formes -différentes, pour faire invasion dans le beau palais d'Amalthée, -c'est-à -dire dans cet hôtel de Guénégaud, qu'on nommait encore l'hôtel -de Nevers. Puis les ombres racontaient ce qu'elles avaient observé de -la vie intérieure d'Amalthée; ce qui leur donnait occasion de dévoiler -sa bonté, sa générosité, toutes les qualités qui la faisaient chérir, -et de varier, au moyen des caractères de chaque démon, les louanges -délicates qui lui étaient adressées. - -Lorsque Duplessis-Guénégaud jouissait ainsi avec profusion de sa -grande fortune, il n'ignorait pas que l'examen de la chambre de -justice chargée de prononcer sur la gestion de ceux qui avaient eu -part aux opérations du surintendant tendait à l'en priver[577]; mais -en ne changeant rien à sa manière de vivre il croyait montrer par là -qu'il n'avait rien à craindre des poursuites dirigées contre lui, et -qu'il suffisait seulement de gagner du temps: il espérait que Louis -XIV se relâcherait des mesures de rigueur que l'on présumait lui être -inspirées par les ennemis du surintendant. - -Mais au milieu des pompes et des délices de sa cour, dont il -paraissait uniquement occupé, le jeune monarque poursuivait ses -desseins avec une constance et une ardeur que nul autre souverain n'a -égalées. Malheureusement il ne connaissait que les mesures -despotiques, dont le règne de Richelieu et l'anarchie de la Fronde lui -avaient facilité l'emploi, en donnant lieu de penser qu'ils étaient -les seuls moyens de gouvernement possibles et efficaces[578]. La -Bastille et le For-l'Évêque se remplissaient de financiers, de -maltôtiers, prévenus de prévarications; de gentils-hommes et de -militaires qui, au mépris des ordonnances, s'étaient battus en duel ou -étaient accusés de contraventions à d'autres édits du roi[579]; de -jansénistes qui s'opposaient au formulaire et à la bulle du pape -Alexandre VII, pour l'enregistrement de laquelle Louis XIV s'était -rendu lui-même au parlement et avait fait violence à cette -compagnie[580]. On emprisonnait aussi arbitrairement tous ceux qui -avaient offensé, soit par leurs écrits, soit par leurs discours, la -personne du roi ou mal parlé de son gouvernement, ou même qui étaient -simplement soupçonnés de ce délit. Dans le nombre de ces derniers se -trouvait le comte de Bussy de Rabutin; il fut arrêté le 17 avril -1665, et renfermé à la Bastille[581]. Pour bien connaître les causes -de son arrestation, il faut reprendre la suite de ses aventures, et -l'histoire de sa liaison et de ses rapports avec madame de Sévigné, -depuis l'époque où nous avons cessé d'en entretenir nos lecteurs, -jusqu'à cet événement même, qui eut une si triste influence sur le -reste de sa vie. Ce récit fera le sujet des deux chapitres suivants. - - [567] LORET, _Muse historique_, liv. XV, p. 73. - - [568] BENSERADE, t. II, p. 364.--LORET, _Muse historique_, liv. - XVI, p. 23. - - [569] ÆGIDII MENAGII, 1680, in-12, édit. 7me, p. 304. - - [570] ÆGIDII MENAGII, 4e édit., 1663, p. 288. Ménage supprima - cette pièce, et elle ne se trouve plus dans la 7e édition de ses - poésies, publiée en 1680. - - [571] BUSSY DE RABUTIN, _Hist. am. des Gaules_, édit. 1754, t. I, - p. 242.--_Hist. amoureuse de France_, p. M***, 1710, in-12, p. - 283. - - [572] SÉVIGNÉ, _Lettres_, édit. de G. de S.-G., t. I, p. CXXIX; - édit. de Grouvelle, 1811, t. I, p. CLXIX. - - [573] GUY-JOLY, _Mém._, t. XLVII, p. 446-468, 470, - 473-474.--LOUIS XIV, _OEuvres_, t. V, p. 81 (_lettre_ en date du - 17 mars 1662).--Ibid., t. V, p. 186 (en date du 27 mai 1685). - - [574] Conférez M. COUSIN, _Journal des Savants_, 1842. - - [575] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. V, p. 192, édit. de Monmerqué, - _lettre_ en date du 18 août. - - [576] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 168, édit. de Monmerqué; - _Lettres à Pomponne_ en date du 18 novembre 1664; _Pièces - galantes_, 1667, Cologne, chez Pierre Marteau, seconde partie, p. - 79 à 93. - - [577] HÉNAULT, _Abrégé chronologique_, t. III, p. 651. - - [578] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLIII, p. 35, 38, 39. - - [579] LORET, liv. XIII, p. 41 (18 mars).--Ibid., liv. XIV, p. - 56.--CHOISY, _Mém._, t. LXIII, p. 277. - - [580] _Abrégé chronologique des principaux événements qui ont - précédé la constitution_ Unigenitus; Utrecht, 1730, in-24, p. - 10.--GUY-PATIN, _Lettres_, t. V, p. 22. - - [581] BUSSY, _Mémoires_, t. II, p. 301, édit. 1721, - in-12.--Ibid., t. II, p. 399, édit. in-4º.--BUSSY, _Discours à - ses Enfants_, p. 374. - - - - -CHAPITRE XXIV. - -1658-1665. - - Bussy abandonne le parti de Condé.--Il se rend désagréable au - roi.--Désordre de ses affaires.--Il a recours au - surintendant,--et ensuite au roi.--Il n'obtient rien.--Il se - retire dans sa terre.--Ses amours avec madame de Monglat.--C'est - pour son amusement qu'il compose l'_Histoire amoureuse des - Gaules_.--Il en fait des lectures.--Il en prête le manuscrit à la - marquise de La Baume.--Aventure de la marquise de La Baume avec - le duc de Candale.--Elle est mise au couvent.--Billet d'elle - trouvé dans les papiers de Fouquet.--Elle tire copie du manuscrit - de l'_Histoire amoureuse des Gaules_.--Bussy assure à celui-ci - que cette copie est brûlée.--Le jeune Louvois devient l'ami de - madame de La Baume.--Bussy se répand en injures contre - elle.--Elle fait imprimer, pour se venger, l'_Histoire amoureuse - des Gaules_, et y ajoute une clef.--L'ouvrage était - interpolé.--Déchaînement général contre Bussy.--Il fait remettre - au roi son manuscrit original.--Bussy n'a jamais osé rien écrire - contre Louis XIV.--Preuves de ce fait.--Louis XIV en était - convaincu.--Louis XIV ne détestait pas la satire contre ceux qui - l'entouraient.--Il ne la souffrait pas contre lui.--Louis XIV - accorde une entrevue particulière à Bussy.--Il approuve sa - nomination à l'Académie Française.--Condé et son parti sont - furieux contre Bussy.--Louis XIV fait mettre Bussy à la Bastille, - pour le sauver de ses ennemis.--Une jeune religieuse devient - amoureuse de lui.--Il tombe malade de tristesse.--On le force à - vendre sa charge de mestre de camp de cavalerie.--Il obtient sa - liberté.--Il est exilé dans sa terre.--Il est trompé.--Chagrin - qu'il en ressent.--Il se réconcilie avec sa cousine la marquise - de Sévigné.--Elle lui rend son amitié, mais non pas sa confiance. - - -Bussy, malgré ses efforts[582], ne put jamais recueillir de sa -défection du parti de Condé le prix qu'il en avait espéré. En -abandonnant dans un moment décisif ce parti pour s'offrir à Mazarin -dans le temps où ce ministre était le plus détesté, il s'était fait -des ennemis de tous les partisans des princes, du parlement et de la -Fronde. Il perdit ainsi l'appui et l'affection de tous ceux qu'il -avait quittés, et n'obtint pas la confiance de ceux à qui il s'était -donné. Il ne réussit point à la cour: on y redoutait son esprit -caustique et railleur; on y détestait son caractère égoïste, vaniteux, -faux et versatile. Le pire, c'est qu'il devint personnellement -désagréable au roi. Comme il servait avec distinction, on lui permit -cependant d'acheter la charge de mestre de camp de la cavalerie -légère; mais cette grâce, dont on pensa qu'il devait se contenter, lui -fut onéreuse par le prix considérable qu'il fut obligé d'y -mettre[583]. Il était déjà obéré quand il fit l'acquisition de cette -charge; pour la payer, il eut recours au surintendant, et se trouva -ainsi forcé à des déférences et à des souplesses envers un homme qu'il -détestait, parce qu'il était son rival auprès de sa cousine. Mais ses -sentiments secrets étaient ignorés; on n'en pouvait juger que par ses -actions. Son intimité et ses liaisons avec Fouquet, auquel il était -obligé de rendre continuellement des devoirs par les besoins qu'il -avait de lui, le rendirent de plus en plus suspect à Mazarin. -Cependant il n'obtint pas non plus tout ce qu'il désirait du -surintendant, qui ne l'aimait pas; et sa fortune continua à se -délabrer par son inconduite et sa prodigalité. - -Mazarin mourut; et l'arrestation de Fouquet et la saisie de ses -papiers firent connaître au roi l'engagement que Bussy avait pris de -donner sa démission de la charge de mestre de camp de la cavalerie -légère en faveur du surintendant, afin que celui-ci pût en disposer et -la faire donner à un de ses parents ou à quelqu'un qui lui fût dévoué. -Dès ce moment Bussy devint suspect à Louis XIV. En vain Bussy faisait -partout et en toute occasion l'éloge du roi[584], en vain il devint un -souple et obséquieux courtisan: il ne put obtenir ni argent, ni grade, -ni honneurs, ni même un accueil gracieux[585]. Le roi lui montra -toujours un visage froid et sévère. On ne lui payait pas la pension -qui lui était due pour sa charge de mestre de camp; il ne fut point -compris dans la nombreuse promotion qui eut lieu de chevaliers des -Ordres, faveur à laquelle il avait des droits, et que le maréchal de -Turenne, qu'il s'était aliéné, refusa de demander pour lui[586]. -Enfin, il ne fut pas même désigné pour figurer dans le fameux -carrousel de 1662, où il ne pouvait se trouver comme simple -spectateur, puisque tous ceux qui avaient comme lui commandé en chef à -la guerre y figuraient. Le dépit et la nécessité de déguiser sa -disgrâce obligèrent donc Bussy à se retirer dans sa terre. Là , son -amour pour la marquise de Monglat le consolait en partie de ses revers -de fortune et des mécomptes de l'ambition. Cependant, comme dans le -malheur l'esprit est plus accessible aux soupçons, et le cÅ“ur plus -susceptible et plus exigeant, Bussy crut s'apercevoir que son -adversité et sa défaveur auprès du roi refroidissaient la passion que -la marquise lui avait montrée jusque alors; mais par ses protestations -et par les témoignages de sa tendresse elle parvint à dissiper ces -noires impressions de jalousie[587]. - -C'était pour plaire à la marquise de Monglat et pour son amusement que -Bussy, deux ans auparavant (en 1660) avait mis par écrit, sous la -forme d'un petit roman[588] et sous des noms supposés, le récit de -quelques intrigues amoureuses de plusieurs dames de la cour et une -partie des siennes. Il y avait dans ce petit ouvrage des anecdotes -scandaleuses, mais vraies; des portraits satiriques, mais ressemblants -et spirituellement touchés. Il n'en fallait pas tant sur un pareil -sujet pour exciter vivement la curiosité. Bussy ne se contenta point -de régaler madame de Monglat de sa maligne production; il en fit -quelques lectures à plusieurs de ses amis, et bientôt l'existence de -cet ouvrage fut connue à la cour. Ceux qui l'avaient entendu lire -parlèrent avec exagération de ce qu'il renfermait de piquant et de -spirituel, et donnèrent grande envie aux jeunes gens et aux jeunes -femmes de le connaître. Les sollicitations dont Bussy fut assiégé à ce -sujet flattèrent son amour-propre d'auteur, et le firent céder -plusieurs fois aux instances qui lui étaient faites; ce qui accrut la -célébrité de l'ouvrage. - -Une dame que Bussy avait courtisée avec succès, sans qu'il cessât -d'aimer madame de Monglat, désira vivement connaître cet écrit, dont -tout le monde parlait. Cette dame (Bussy ne la désigne pas autrement -dans ses Mémoires) était alors renfermée au couvent de la Miséricorde, -par lettre de cachet obtenue par son mari. Elle ne pouvait sortir, -mais il était assez facile de la voir; et dans le dessein de la -satisfaire, Bussy se rendit à la grille du parloir du couvent au jour -et à l'heure qu'elle lui avait indiqués. Cependant il ne put, dans ce -rendez-vous, avoir avec elle un assez long tête-à -tête pour lui donner -une lecture entière de son ouvrage. Elle le supplia de vouloir bien -lui prêter son manuscrit, promettant de ne le garder que deux -jours[589], et de ne le communiquer à personne. - -Cette dame était la marquise de La Baume, connue par ses attraits, ses -caprices, son humeur quinteuse, et le scandale de sa vie. C'était la -nièce du premier maréchal de Villeroi, et la mère de celui qui fut -depuis le maréchal de Tallard[590]; enfin la belle-sÅ“ur de cette -marquise de Courcelles dont nous parlerons plus amplement dans la -suite de ces Mémoires. La marquise de La Baume demeurait à Lyon. La -mort de son amant, le duc de Candale, l'avait plongée dans le -désespoir. Le jour même qu'elle en apprit la nouvelle, son mari, -qu'elle détestait, entra dans sa chambre au moment où on la peignait; -et il se mit à la louer sur ses cheveux, d'un blond admirable, et -remarquables par leur abondance et leur longueur. Obsédée par la -douleur qu'il lui fallait cacher, et dépitée des fadeurs et des -tendresses maritales, voulant s'en délivrer à tout prix, elle saisit -fortement sa belle chevelure dans une de ses mains, et, de l'autre, -prenant ses ciseaux, elle la coupa tout entière[591]. Prodigue et -adonnée au jeu, le besoin d'argent la rendait souvent peu scrupuleuse -sur les moyens d'en obtenir. On en eut la preuve par ce billet écrit -de sa main, qui fut trouvé parmi les papiers de Fouquet, et qu'elle -lui avait adressé dans un temps où elle voulait obtenir de lui dix -mille écus: «Je ne vous aime point, je hais le péché, mais je crains -encore plus la nécessité; c'est pourquoi venez tantôt me voir[592].» -On ignore quelles furent les nouvelles galanteries qui, mettant à bout -la patience du mari de la marquise de La Baume, le forcèrent à la -faire mettre au couvent, et de quelle manière a commencé sa liaison -avec Bussy. Ce que nous savons, c'est qu'elle fut en partie fidèle à -la promesse qu'elle lui avait faite, et qu'elle lui rendit son -manuscrit au bout de deux jours; mais elle se garda bien de lui dire -que, dans ce court intervalle de temps, elle en avait tiré une copie. - -Bussy apprit peu après, par madame de Sourdis, qu'il était trahi, et -qu'une copie de son ouvrage avait été communiquée à plusieurs -personnes par madame de La Baume. Il eut avec elle une explication -très-vive, après laquelle ils se séparèrent brouillés[593]. Le comte -du Lude cependant se fit médiateur entre eux: il alla trouver la -marquise de La Baume, et obtint d'elle de brûler lui-même en sa -présence la copie de l'_Histoire amoureuse des Gaules_ qu'elle -possédait. Le comte du Lude fit ensuite part à Bussy du succès de sa -négociation. D'après ce qui avait été convenu, Bussy promit, de son -côté, de ne rien dire et de ne rien faire qui fût contraire aux -intérêts de la marquise de La Baume; de ne jamais parler d'elle, ni en -bien ni en mal. - -Mais dans les deux parties contractantes il n'y avait aucune -sincérité: après avoir tous deux trompé leur négociateur, elles -voulaient se tromper mutuellement[594]. Le jeune Louvois, fils du -chancelier Le Tellier, déjà dans les charges, et qui depuis s'acquit -comme ministre une si grand célébrité, devint l'amant favorisé de la -marquise de La Baume. Ce fut là l'origine de l'inimitié qui subsista -toujours entre Louvois et Bussy. Depuis lors Bussy ne parla plus -qu'avec mépris de cette marquise; et elle le méritait bien, si, comme -il l'avance dans ses Mémoires, après avoir été longtemps la maîtresse -de Louvois, elle descendit ensuite à son égard au rôle ignoble de -confidente[595]. - -Quoi qu'il en soit, il paraît constant que ce fut la marquise de La -Baume qui communiqua d'abord, à tous ceux qui voulaient le lire ou le -copier, l'ouvrage de Bussy. Cet ouvrage se répandit par les copies qui -en furent faites; mais cette publicité clandestine ne suffisait point -à la marquise, qui, toujours plus animée contre Bussy, voulait se -venger de lui en lui mettant sur les bras un plus grand nombre -d'ennemis. Elle fit imprimer l'ouvrage en Hollande. Cette première -édition in-18, avec les types des Elzeviers, sans date ni nom -d'imprimeur, portant le nom de Liége pour lieu d'impression et pour -fleuron une croix de Saint-André, paraît avoir été mise au jour à la -fin de l'année 1664, ou au commencement de 1665[596]. Cette édition -semble conforme au manuscrit primitif; mais l'auteur avait eu soin -d'atténuer le venin de son ouvrage en donnant à des faits trop -véridiques une apparence romanesque, et en masquant les personnes par -des noms supposés. La marquise de la Baume, en livrant l'ouvrage à -l'impression, y ajouta une clef, où les noms véritables se trouvaient -en regard de ceux que l'auteur leur avait substitués. Alors cet -ouvrage, par le fait de l'impression et par la divulgation des -personnages, changea entièrement de nature. Il devait être, dans -l'intention de Bussy, un roman spirituel et amusant, où la malignité -des gens de cour devait avoir le plaisir de deviner les allusions à -des intrigues qui leur étaient connues, et de saisir la ressemblance -des portraits, en apparence imaginaires, avec les individus qui -avaient pu servir de modèles. Au moyen de la clef, le livre prit le -caractère d'un libelle odieux et déhonté, où l'on dévoilait aux -provinces et à l'étranger les mÅ“urs de la cour, et les déportements -scandaleux de femmes d'une grande naissance; où des hommes revêtus de -hautes dignités, ou environnés de gloire, étaient représentés sous des -couleurs fantasques ou ridicules. - -Alors le déchaînement contre Bussy devint général. Il en craignit les -suites; et, sachant que son ouvrage avait été dénoncé au roi[597], il -lui fit remettre le manuscrit original par le duc de Saint-Aignan, son -ami, qui supplia même temps le monarque de daigner le lire en entier. -Quoique Louis XIV fût mentionné dans cet ouvrage, Bussy pouvait, sans -y rien changer, désirer qu'il en prît lecture. - -On a dit que la principale cause de la longue disgrâce de Bussy et son -emprisonnement provenaient d'un cantique obscène contre Louis XIV, qui -se trouve inséré dans les éditions de l'_Histoire amoureuse des -Gaules_ que l'on a faites après la première; mais, quoique cette -opinion soit générale, elle n'en est pas moins fausse, et elle prouve -seulement qu'on ne s'est pas donné la peine d'étudier les événements -de cette époque, le caractère des personnages qui y ont joué un rôle, -leur position, et les intérêts qui les faisaient agir. - -D'abord Bussy ne s'est jamais servi, en écrivant, d'expressions -obscènes. Dans les récits des nombreuses aventures galantes et -licencieuses qui se trouvent dans ses Mémoires, il n'y a pas un seul -de ses vers ni une seule ligne de sa prose qui puissent fournir un -exemple d'un mot que le bon goût ne puisse avouer, ou que le bon ton -réprouve. Dans tout ce qu'il a écrit, il prend soin d'éviter les mots -ignobles; et quand il est forcé de parler des choses qui les -expriment, il a soin d'user à dessein de périphrases obscures. -D'ailleurs, quoiqu'il se soit permis des épigrammes, des chansons, des -traits satiriques en vers et en prose contre tous ceux qu'il n'aimait -pas, hommes et femmes, financiers, gens de robe, gens de cour, -généraux, ministres, princes du sang même, jamais cependant il n'osa -s'attaquer au roi, autrement que par des plaintes amères sur ses -injustices à son égard. Ses discours, ses écrits, livrés au grand jour -de l'impression; ses lettres particulières les plus secrètes, les plus -confidentielles, sont marquées au coin de l'enthousiasme le plus -grand pour Louis XIV, de la louange la plus sincère ou de la flatterie -la plus basse. Lors même qu'on accorderait qu'il lui est échappé -contre le roi quelque épigramme, comme celle que Loménie de Brienne -lui attribue[598], et que nous ne croyons pas être de lui, ce ne -serait pas une raison suffisante pour qu'on pût supposer qu'il ait -écrit l'infâme et burlesque cantique qu'on a laissé passer sous son -nom. Si jamais Louis XIV eût seulement soupçonné Bussy capable de -l'insulter à ce point, jamais sa liberté ne lui aurait été rendue, et -il serait mort dans un des cachots de la Bastille. Le chancelier -Seguier, qui se montra si souple dans l'affaire de Fouquet; le duc de -Saint-Aignan, ce courtisan si fin, si délié, si dévoué, qui ne cessa -jamais d'être le confident le plus intime et le plus utile des amours -de son maître, étaient aussi les amis particuliers de Bussy. Le duc de -Saint-Aignan, qui non-seulement ne l'abandonna pas dans la disgrâce, -mais qui le servit avec chaleur auprès du roi, eût-il osé avouer son -amitié pour Bussy, s'il n'avait pas eu la conviction que celui-ci -n'avait ni rien dit ni rien écrit contre Louis XIV? Bussy lui-même, -livré au pouvoir de ses ennemis, sous les verrous de la Bastille, -exhorte dans ses défenses ses amis à le renier, à l'abandonner, s'ils -le croient coupable d'un tel délit. Il offre sa tête à l'échafaud, si -l'on fournit la moindre preuve qu'il soit l'auteur des chansons et des -écrits satiriques contre le roi qu'on a voulu lui attribuer. Il défie -de montrer une seule ligne de lui où il soit question du roi, sans -qu'elle ne contienne son éloge; il se soumet aux peines les plus -rigoureuses, si l'on peut le convaincre qu'il ait tenu au sujet du -roi le moindre propos qui soit contraire aux sentiments qu'il a -manifestés par écrit. Bussy eût-il tenu ce langage s'il avait pu -croire que le résultat pût lui être contraire? Trois éditions -successives de l'_Histoire amoureuse des Gaules_, sous la rubrique de -Liége, parurent sans le cantique que les imprimeurs de Hollande eurent -l'impudence d'y insérer depuis[599]. - -Louis XIV était lui-même convaincu que Bussy n'avait ni la volonté ni -l'audace de s'attaquer à lui. Conformément à la demande qu'il lui -avait faite, il lut son livre. Cette lecture eut lieu vers la fin de -mars 1665, au retour d'un voyage que le roi fit à Chartres pour un -pèlerinage à la sainte Vierge, afin d'accomplir un vÅ“u que la reine -avait fait pendant sa grossesse[600]. Cet acte de dévotion sincère -n'empêchait pas que le roi ne fût alors dans une disposition d'esprit -très-propre à se plaire aux récits des aventures galantes dont se -composait l'ouvrage de Bussy, et aux traits satiriques qui y étaient -répandus. Les intrigues d'amour tenaient alors une grande place dans -la vie de Louis XIV; et pourvu que le sarcasme ne l'atteignît pas, il -se plaisait à le voir lancer contre ceux qui, maintenant si souples et -si soumis, s'étaient montrés si arrogants et si remuants pendant sa -minorité. Là se trouve le secret de la haute protection qu'il -accordait à Molière, et de la hardiesse des scènes de cet auteur. -L'ouvrage de Bussy, bien loin donc de déplaire à Louis XIV, l'amusa; -mais il ne lui inspira aucune estime pour son auteur, et encore moins -d'affection: il regarda Bussy comme un homme dangereux, qu'il fallait -peut-être contenir, même ménager, et surveiller toujours. Bussy lui -ayant demandé la faveur d'une audience particulière, il la lui -accorda. Bussy fut touché jusqu'aux larmes de la manière aimable dont -il fut accueilli: le roi lui promit de ne prêter l'oreille à aucune -accusation, sans lui donner les moyens de se justifier; et, de son -côté, Bussy fit serment de ne se permettre aucune action, aucun écrit, -aucun discours qui pût déplaire au roi[601]. Ce qui démontre, malgré -ce qui se passa ensuite, que Louis XIV était sincère dans ses -promesses, c'est l'approbation qu'il donna au choix que l'Académie -Française fit de Bussy pour remplacer Perrot d'Ablancourt[602]. - -Cette indulgence et cette bienveillance apparentes furent ce qui -perdit Bussy. Tous ceux qui se trouvaient blessés par la publicité -donnée à son ouvrage s'agitèrent. Lenet, qui, comme nous l'avons vu, -était l'ami de sa jeunesse, mais dévoué aux Condés, rompit avec -lui[603]. Il fut un des plus ardents à faire entendre de vives -réclamations contre l'espèce d'autorisation ou de tolérance accordée à -un ouvrage qui contenait des outrages contre le premier prince du -sang, le plus grand guerrier de son siècle. On produisit des chansons, -des épigrammes, des libelles récemment composés contre le roi et son -gouvernement, que l'on attribuait à Bussy. Il était généralement -considéré comme le plus bel esprit de la cour; admiré au delà de son -mérite, plus redouté que redoutable. Il ne fut pas difficile de -persuader à la reine mère, dont le nom se trouvait souvent dans ces -pièces satiriques, de se joindre aux ennemis de Bussy pour appeler -contre lui des mesures de rigueur. Elle dit un jour, à son cercle: «Je -suis surprise que monsieur le Prince, qui ne passe pas pour endurant, -souffre patiemment ce que Bussy a dit de lui[604].» Ces paroles -réveillèrent la fureur du grand Condé; et il se proposait de faire un -affront à Bussy; celui-ci ne l'ignorait pas, et il ne marchait qu'armé -et cuirassé. Louis XIV, pour éviter un éclat et pour prévenir des -violences qu'il eût été obligé de punir, fit, ainsi que nous l'avons -dit, arrêter Bussy. Il fut conduit à la Bastille le 17 avril -1665[605]. Les accusations se renouvelèrent avec plus de force contre -l'imprudent auteur de l'_Histoire amoureuse des Gaules_. On le -représenta comme un factieux, et on parvint à donner quelque -vraisemblance aux assertions qui le faisaient auteur de certains -écrits contre le roi, récemment publiés dans l'étranger. Le président -Tardieu, celui-là même dont les vers de Boileau ont rendu célèbres la -sordide avarice et la funeste fin[606], fut chargé d'interroger Bussy -au sujet de ces libelles. Louis XIV demeura convaincu qu'il n'en était -pas l'auteur; mais il le retint cependant à la Bastille, autant pour -donner satisfaction à ses ennemis que pour le protéger contre leur -fureur. Bussy tomba malade de tristesse. Dans sa convalescence, le -désir de faire cesser sa captivité lui faisait adresser sans cesse au -roi et à la reine mère des placets où il prodiguait les éloges les -plus emphatiques et les supplications les plus basses. Il assiégeait -de ses lettres le duc de Saint-Aignan, Montausier, Le Tellier, -l'archevêque de Paris, tous ceux qu'il savait à la cour lui porter de -l'intérêt. Ils intercédaient en sa faveur auprès du roi; mais Louis -XIV ne répondait à aucune de ces sollicitations[607]. Ce ne fut -qu'après que Bussy eut consenti à résigner à Coislin sa charge de -mestre de camp de la cavalerie légère, pour une somme moindre que -celle qu'elle lui avait coûté, qu'il obtint enfin un adoucissement à -son sort. Il sortit de la Bastille le 17 mai 1666, et il lui fut -permis d'aller chez le chirurgien Dallancé (le même qui avait secouru -Marigny) pour y rétablir sa santé[608]. Dans le mois d'août suivant, -il fut exilé dans sa terre. Il partit le 6 septembre de Paris, et -arriva quatre jours après dans son château de Bussy, où il commença -une vie de retraite qui aurait pu être heureuse, s'il avait su bannir -de son cÅ“ur les passions qui le dominaient. Mais l'amour et -l'ambition ne cessaient point de le tourmenter. Pendant son séjour à -la Bastille, une jeune religieuse, âgée de moins de vingt ans, s'était -éprise de lui, et voulait tout sacrifier pour contribuer à sa -délivrance. Ce fut lorsqu'il recevait une preuve si touchante d'un -attachement auquel il ne répondit pas, qu'il apprit que madame de -Monglat le trahissait, et en aimait un autre. Elle était la femme dont -il se croyait le plus aimé, et il la jugeait incapable de -l'abandonner dans le malheur[609]; aussi son désespoir ne se peut -décrire quand il fut certain qu'elle le trompait: «Je faillis en -mourir, dit-il, et je suis venu, à la fin, à ce bienheureux état -d'indifférence qu'elle méritait il y avait longtemps[610].» Mais on -pourrait douter, malgré cette assertion, que ce bienheureux état ait -jamais existé pour lui: quatorze ans après sa rupture avec madame de -Monglat, il faisait des vers contre elle; et les inscriptions et les -emblèmes qui se voyaient au château de Bussy, et qui y sont peut-être -encore, sont des preuves irrécusables que le souvenir de cette -infidélité lui fut toujours amer[611]. - -Cependant madame de Sévigné, que Bussy avait si odieusement outragée, -voulut se rapprocher de lui quand elle le sut malheureux et captif: ce -qui s'est passé entre elle et lui à cette époque orageuse de leur -liaison sera l'objet du chapitre suivant. - - [582] Voyez ci-dessus, chapitre XI, p. 130 à 144. - - [583] BUSSY, _Discours à ses Enfants_, 1694, in-12, p. - 403.--_Mémoires_, t. II, p. 354. Bussy acheta cette charge - 252,000 livres, environ 500,000 francs monnaie actuelle. - - [584] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 171. - - [585] Ibid., t. II, p. 167. - - [586] Ibid., t. II, p. 179. - - [587] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 182. - - [588] BUSSY, _lettre au duc de Saint-Aignan_, dans ses - _Mémoires_, t. II, p. 326 de l'édit. in-12.--Ibid., édit. in-4º, - t. II, p. 162. - - [589] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 194.--BUSSY DE RABUTIN, - _Supplément aux Mémoires et Lettres_, t. I, p. 65. - - [590] SAINT-SIMON, _Mém._, ch. XXXVII, t. X, p. 449 et - 450.--Ibid., t. V, chap. VII, p. 102 et 103.--SÉVIGNÉ, _Lettres_, - t. V, p. 377, note _b_, édit. de Monmerqué.--MONTPENSIER, _Mém._, - t. XLII, p. 400.--CHAVAGNAC, _Mém._, t. I, p. 198.--CHOISY, - _Mém._, t. LXIII, p. 418. - - [591] MONTPENSIER, _Mém._, t. XLII, p. 400. - - [592] CONRART, _Mém._, t. XLVIII, p. 258. - - [593] BUSSY, _Discours à ses Enfants_, 1694, in-12, p. 373. - - [594] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 200 à 214. - - [595] BUSSY, _Supplément_, t. I, p. 65. - - [596] _Histoire amoureuse des Gaules_, Liége, in-18, en deux - parties, dont la première a 190 pages, la seconde 69, et la - clef.--SÉVIGNÉ, _lettre de Bussy-Rabutin_ en date du 19 juillet - 1669, t. I, p. 136, édit. de Monmerqué. - - [597] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 200. - - [598] DE BRIENNE, _Mém. inédits_, t. II, p. 304, ch. XXVIII. - - [599] La première avec une croix de Saint-André sur le titre, et - deux paginations finissant, l'une à la page 190, l'autre à 69; la - seconde (suivant nous), avec une arabesque triangulaire sous le - titre, et une seule pagination finissant p. 208: ces deux - éditions sont sans date; la troisième avec une sphère sur le - titre, intitulée _édition nouvelle_, portant la date de 1666, et - n'ayant qu'une seule pagination finissant à la p. 260. - - [600] LORET, _Muse historique_, liv. XVI, p. 149.--BUSSY, _Mém._, - t. II, p. 297, 298. - - [601] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 283. - - [602] Ibid., p. 295. - - [603] BUSSY, _Supplément_, Ire _partie_, p. 68. - - [604] BOUHIER, _Manuscrits_ cités dans _la Cour et la Ville_, - publiés par M. Barrière, p. 464. - - [605] BUSSY, _Mém._, t. I, p. 301.--BUSSY, _Discours à ses - Enfants_, p. 374. - - [606] BOILEAU, _Satire X_, v. 253 à 328, t. I, p. 182 à 185 de - l'édit. de Saint-Marc, 1747, in-8º. - - [607] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 336-356-358-367-368-370-372. - - [608] Voyez la Ire partie de ces Mémoires, ch. XXXV, p. 479. - Dallancé mourut fort riche, et laissa un fils, physicien célèbre. - Conférez BOILEAU, Sat. X, v. 434, t. I, p. 194 de l'édit. de - Saint-Marc. - - [609] BUSSY, _Mém._, t. II, p. 362. - - [610] Ibid. - - [611] MILLIN, _Voyages dans les départements du Midi_, t. I, p. - 210, 213.--CORRARD DE BREBAN, _Souvenirs d'une visite aux ruines - d'Alise et au château de Bussy-Rabutin_, Troyes, 1833, p. 18. - - - - -CHAPITRE XXV. - -1658-1668. - - Attachement réciproque de madame de Sévigné et de Bussy.--Bussy - se repent vivement d'avoir offensé sa cousine.--Belle conduite de - Bussy envers elle, lors des lettres qui furent trouvées chez - Fouquet.--Discussion qu'il eut à ce sujet avec de Rouville, son - beau-frère.--Madame de Sévigné est sensible au procédé de - Bussy.--Ce qui s'était passé à l'égard du portrait de madame de - Sévigné de l'_Histoire amoureuse des Gaules_.--Madame de Sévigné - prête de l'argent à Bussy.--Bussy et madame de Sévigné se voient - en Bourgogne, et sont charmés l'un de l'autre.--Madame de Sévigné - apprend qu'il court des copies de l'ouvrage de Bussy.--Elle rompt - tout commerce avec lui.--Il est mis à la Bastille.--L'intérêt que - lui porte madame de Sévigné se réveille.--Elle envoie savoir de - ses nouvelles.--Elle se brouille avec la marquise de La - Baume.--Rapports inexacts faits à Bussy sur madame de - Sévigné.--Il la croit contre lui.--Elle est la première à l'aller - voir chez Dallancé.--Ils n'osent s'expliquer, et se séparent à - moitié réconciliés.--Leur correspondance recommence.--Lettre de - Bussy à madame de Sévigné, contenant le récit d'une visite au - château de Bourbilly.--Madame de Sévigné met peu d'empressement à - répondre.--Reproche que lui en fait Bussy.--Il lui confie toutes - ses affaires.--Peu satisfait d'elle, il est quelque temps sans - lui écrire.--Elle lui rappelle qu'elle lui a écrit la - dernière.--Explication entre Bussy et madame de Sévigné.--Bussy - retrace sa conduite envers elle, et il lui reproche de l'avoir - abandonné.--Nouvelle lettre de Bussy qui renouvelle les reproches - de la première.--Madame de Sévigné répond par une longue - apologie.--Réplique de Bussy.--Madame de Sévigné lui demande la - généalogie des Rabutins.--Nouvelles explications, et nouvelles - réfutations de madame de Sévigné des reproches de Bussy.--Fin de - cette discussion.--Bussy écrit à sa cousine qu'il se rend à - discrétion.--Réplique aimable de madame de - Sévigné.--Renouvellement de leur correspondance et de leur - intimité. - - -Quoique, dans le nombre de ceux qui composaient la société de madame -de Sévigné, Bussy n'était pas celui qui lui paraissait le moins exempt -de défauts, c'était celui pour lequel elle se sentait cependant la -plus forte inclination. D'un autre côté, si, dans toutes les femmes -que Bussy avait connues, madame de Sévigné n'était pas celle qui lui -avait inspiré le plus violent amour, ce fut celle vers laquelle il se -sentait le plus constamment attiré par les liens les plus durables, -par la confiance la plus intime, par l'estime la mieux sentie. Madame -de Sévigné admirait dans son cousin les talents militaires, une -bravoure brillante, les grâces du courtisan, le savoir et les talents -de l'homme de lettres. Elle exagérait beaucoup sans doute son mérite, -surtout sous ce dernier rapport; toutefois, elle avait raison de le -considérer comme un des hommes les plus spirituels de la cour, un de -ceux qui parlaient et écrivaient avec le plus de facilité et de -pureté. Lui, ne faisait que porter sur sa cousine un jugement -équitable, quand il voyait en elle la femme la plus aimable de son -temps, celle qui dans un cercle, ou la plume à la main, possédait le -plus de moyens de plaire. Il la flattait quand il lui disait qu'elle -était la plus jolie femme de France; mais il lui rendait justice quand -il se montrait persuadé qu'elle était la femme la plus attrayante et -du mérite le plus accompli. - -Tous les deux éprouvaient une peine extrême de se trouver brouillés -l'un avec l'autre, parce qu'en effet en rompant ensemble chacun avait -perdu son plus sincère admirateur, son confident le plus intime. -Madame de Sévigné ressentait contre son cousin un courroux qui n'était -que trop justifié par les mortifications que son perfide écrit lui -faisait subir; mais elle avait en même temps de vifs regrets que les -conseils de son oncle lui eussent fait perdre l'occasion de rendre à -son cousin le service qu'il lui avait demandé, et de lui avoir donné -lieu de soupçonner sa sincérité et son amitié. Quant à Bussy, il -éprouvait un remords profond de s'être vengé d'une manière si cruelle. -C'est lui-même qui nous le dit[612]. Il ne pouvait se pardonner -«d'avoir offensé une femme jolie, excellente, sa proche parente, qu'il -avait toujours aimée et de l'amitié de laquelle il ne pouvait pas -douter». - -Avec ces mutuelles dispositions, la moindre circonstance pouvait -opérer une réconciliation. Cette circonstance se présenta. - -Lorsqu'on sut que parmi les papiers saisis chez le surintendant il se -trouvait un grand nombre de lettres qui lui avaient été adressées par -madame de Sévigné, la malignité publique, qui, telle qu'un génie -infernal, se comptait surtout dans la chute de ce qu'il y a de plus -pur et de plus parfait, s'empara aussitôt d'une réputation qu'elle -s'était vue contrainte de respecter jusque ici, pour se donner le -plaisir de la déchirer. Elle y procéda avec cette dextérité cruelle -que donne l'envie qui s'attache à la vertu: on fouilla dans le passé, -on rappela toutes les attentions, tous les soins, toutes les -galanteries de Fouquet pour madame de Sévigné. Si jusque ici, -disait-on, elle avait échappé aux soupçons qui pour tant d'autres -s'étaient convertis en certitude, c'est qu'elle avait su mieux -dissimuler et mieux sauver les apparences. En vain ses nombreux amis -s'efforçaient-ils de persuader que sa correspondance avec le -surintendant n'était relative qu'à des affaires de famille; en vain -on citait, pour le prouver, les paroles du roi et de son ministre: -Fouquet n'avait pas coutume de serrer des papiers d'affaires dans sa -cassette réservée. On savait quelles étaient les lettres de -mademoiselle de Menneville, et de plusieurs autres dames de la cour, -qui avaient été trouvées dans cette mystérieuse cassette: pouvait-on -croire que celles de madame de Sévigné fissent exception et fussent -d'une autre nature? - -Il est des circonstances où l'on donne plus de poids aux accusations -quand on cherche à les combattre: telle était la position où se -trouvait placée madame de Sévigné. Tâcher de repousser les soupçons -auxquels elle était en butte, c'était déjà reconnaître qu'ils -pouvaient être fondés, et renoncer à ce juste orgueil d'une bonne -conscience, qui nous persuade que nous sommes au-dessus des atteintes -de la calomnie; avoir la force de les mépriser est peut-être le moyen -le plus efficace de les anéantir. D'ailleurs, la faveur dont madame de -Sévigné jouissait à la cour, la manière dont le monarque s'exprimait -sur son compte, ne permettaient pas d'en agir avec elle comme avec -celles dont les papiers trouvés chez Fouquet avaient mis à nu les -intrigues et la vénalité, et dont la conduite scandaleuse avait été -punie par l'exil ou le couvent. C'était avec ménagement qu'on se -permettait contre elle les plus perfides insinuations; c'était avec de -cruelles réticences, avec de malins sourires, ou un air de compassion -et de tristesse hypocrite, qu'on s'entretenait de ses liaisons avec le -surintendant, et des malheureuses lettres qu'on avait trouvées dans la -fatale cassette. On peut se présenter en face devant la diffamation -qui se produit dans les carrefours, ou qui s'annonce à son de trompe; -mais celle qui s'enferme dans des réduits, qui ne parle qu'à -l'oreille, qui renie ses actes et dissimule son visage, comment -l'atteindre? Cependant les blessures faites par des coups portés dans -l'ombre ne sont ni moins nombreuses ni moins douloureuses; le feu -attisé pour consumer ce que vous avez de plus cher, votre honneur, -votre bonne renommée, n'en est pas moins dévorant, quoiqu'il couve et -se propage sous la cendre, et qu'il ne jette point de flamme. Ainsi, -madame de Sévigné, journellement exposée à des attaques qu'elle -ignorait, se trouvait dans l'impuissance de se justifier, en faisant -connaître quelles avaient été ses relations avec Fouquet, et en -mettant au grand jour sa sincérité, son désintéressement et -l'innocence de sa vie. - -Bussy fut celui qui ressentit plus vivement toute la peine qu'elle -éprouvait: comme parent, il s'indigna des discours qu'on tenait sur -son compte; il s'en affligea comme amant. Les sentiments de tendresse -qu'il avait autrefois ressentis pour cette cousine si bonne, si -aimable, si séduisante, et qui jamais n'avaient été entièrement -éteints, se réveillèrent alors avec force. Le remords de l'avoir -offensée, d'avoir contribué à accroître contre elle la puissance des -calomniateurs; le besoin qu'il éprouvait de laver, comme il le dit -lui-même, une tache dans sa vie, le portèrent à défendre la réputation -de madame de Sévigné, à la justifier de tous les torts qu'on voulait -lui imputer[613]. - -Cependant Bussy, en homme qui par sa propre expérience a acquis des -preuves répétées de la fragilité des femmes, crut devoir agir avec -prudence. Avant de se déclarer le champion de l'honneur de sa cousine -avec toute l'énergie et la hauteur que comportaient l'orgueil de son -caractère et ses titres de gentil-homme et de guerrier, il crut -devoir s'assurer si, comme on le prétendait, les lettres qu'elle -avait écrites à Fouquet n'étaient pas de nature à ébranler la -confiance qu'on devait avoir dans sa vertu. Laissons-le s'expliquer -lui-même sur ce sujet délicat: «Avant de m'embarquer, dit-il, à la -défense de la marquise, je consultai Le Tellier, qui seul avait vu, -avec le roi, les lettres qui étaient dans la cassette de Fouquet. Il -me dit que celles de la marquise étaient d'une amie qui avait bien de -l'esprit, qu'elles avaient bien plus réjoui le roi que les douceurs -des autres; mais que le surintendant avait mal à propos mêlé l'amour -avec l'amitié.» - -Sûr de son fait, Bussy se fit hautement, avec chaleur et en toute -occasion, l'avocat de madame de Sévigné. Il éleva la voix contre tous -ceux qui voulaient la confondre avec les maîtresses de Fouquet. De -Rouville, beau-frère de Bussy, ignorant ce qu'il pensait à cet égard, -parla un jour, dans une société où ils se trouvaient tous deux, de -l'intrigue de la jolie marquise de Sévigné comme d'une chose connue, -avérée et démontrée par ses lettres. Bussy prit la parole pour lui -répondre, et donna avec calme des explications qui satisfirent toutes -les personnes présentes à cette discussion, à la réserve de Rouville, -qui souffrait impatiemment, surtout de la part d'un beau-frère, de se -trouver convaincu d'avoir mal parlé d'une femme digne de considération -et de respect. Comme tous ceux qui n'ont ni assez de justice dans le -cÅ“ur ni assez de loyauté dans le caractère pour convenir qu'ils ont -tort, et qui, dans l'impuissance de réfuter la défense, s'attaquent au -défenseur, de Rouville dit à Bussy: «Il est bien plaisant de vous voir -défendre si fortement madame de Sévigné, après en avoir parlé comme -vous avez fait.»--«Jamais, répondit Bussy d'une voix tonnante, je n'ai -attaqué sa vertu.»--«Après avoir fait tant de bruit contre elle, dit -de Rouville, il vous sied mal de trouver mauvais que d'autres en -fassent.»--«Je le trouve très-mauvais, au contraire, répondit Bussy; -et je n'aime le bruit que quand je le fais moi-même[614].» - -Nous ignorons comment se termina cette querelle entre les deux -beaux-frères; mais ce que nous en savons nous prouve l'ardeur avec -laquelle Bussy plaida la cause de sa cousine. Rien ne contribua plus à -rectifier l'opinion sur madame de Sévigné, et à lui faire rendre enfin -toute la justice qui lui était due, que le témoignage d'un parent avec -lequel elle était depuis longtemps brouillée, qui avait donné des -preuves publiques d'animosité contre elle, qui par son caractère était -porté au dénigrement, dont l'esprit malin et caustique aimait -singulièrement à s'exercer contre les femmes, et se plaisait à en -médire. Le bien que Bussy fit à madame de Sévigné dans cette -circonstance surpassa de beaucoup le mal qu'il lui avait fait par son -écrit; ou plutôt on peut dire avec vérité qu'il lui eût été impossible -de lui faire autant de bien, s'il ne lui avait pas fait tant de mal. - -Madame de Sévigné fut extrêmement touchée de la conduite de son -cousin. A cette époque l'_Histoire amoureuse des Gaules_ n'était -connue que par quelques lectures qu'en avait faites Bussy, devant un -très-petit nombre de personnes, dont les indiscrétions avaient seules -donné connaissance à madame de Sévigné du portrait satirique que son -cousin avait fait d'elle. Madame de Monglat, qui désirait gagner -l'affection de madame de Sévigné, lui dit qu'elle avait obligé Bussy à -retrancher de sa scandaleuse histoire tout ce qui la concernait, et -qu'elle l'avait fait consentir à brûler devant elle toute cette partie -de son ouvrage. - -Alors rien ne s'opposait plus à une réconciliation que madame de -Sévigné ne désirait pas moins que Bussy. Elle eut lieu lorsque, en -1662, madame de Sévigné revint à Paris, après avoir passé en Bretagne -les six premiers mois qui suivirent l'arrestation de Fouquet. Cette -réconciliation fut sincère de part et d'autre, et cimentée par un -échange mutuel de bons offices[615]. Bussy, dont les affaires étaient -toujours en désordre, ayant eu besoin (en 1663) d'une somme de quatre -mille livres pour se rendre au camp de Marsal, les trouva dans la -bourse de sa cousine. Ils se virent ensuite familièrement en -Bourgogne, car il y a lieu de présumer que ce fut au commencement de -l'année 1664 que Bussy se rendit dans sa terre pour y recevoir le -maréchal Duplessis-Praslin, qui allait à Lyon prendre le commandement -de l'armée d'Italie[616]; madame de Sévigné les reçut tous deux dans -son château de Bourbilly, où alors elle se trouvait[617]. Quoi qu'il -en soit, il est certain que ce fut au retour d'un voyage fait en -Bourgogne que Bussy et madame de Sévigné revinrent mutuellement -charmés l'un de l'autre; c'est à cette époque que leur liaison reprit -ce caractère d'intimité qui leur rappelait à tous deux les belles -années de leur jeunesse[618]. - -Cet heureux temps ne fut pas de longue durée. Le manuscrit de -l'_Histoire amoureuse des Gaules_, qui fut prêté à la marquise de La -Baume, contenait le portrait de madame de Sévigné, soit qu'il n'eût -jamais été retranché de l'ouvrage, soit, comme le prétend Bussy, -qu'après avoir été déchiré, et non pas brûlé, en présence de la -marquise de Monglat et de son mari, ce dernier en eût ensuite ramassé -et rejoint les morceaux, et en eût fait faire une copie que Bussy -voulut revoir, et qu'il eût la faiblesse de prêter à la marquise de La -Baume, dont il ne pouvait prévoir la trahison[619]. Ce qu'il y a de -certain, c'est que madame de Sévigné fut à peine de retour à Paris, -qu'on la prévint que Bussy la trompait; qu'il n'avait point détruit le -portrait satirique qu'il avait fait d'elle; on assurait même l'avoir -vu entre les mains de la marquise de La Baume. Madame de Sévigné -n'ajouta aucune foi aux bruits qui couraient à cet égard. Elle crut -que c'était une invention des ennemis de Bussy, devenus nombreux et -implacables depuis qu'il circulait des copies de son scandaleux -libelle. Mais il fallut bien se rendre à l'évidence lorsque l'ouvrage -fut imprimé. Madame de Sévigné eut le cÅ“ur navré d'une telle -perfidie. Aussitôt qu'elle eut vu le livre, convaincue par ses propres -yeux qu'on lui avait dit la vérité, elle en parla à Bussy, qu'elle -rencontra avec toute la cour chez MONSIEUR, au Palais-Royal. Bussy -resta d'abord interdit par la vivacité de ses reproches; mais ensuite -il chercha à lui persuader qu'il avait réellement retranché de son -ouvrage les passages qui la concernaient, et qu'il fallait que depuis -ils eussent été rétablis de mémoire par celle qui avait voulu se -venger de lui, en livrant à l'impression ce qu'il ne lui avait -communiqué que sous le sceau du secret. Madame de Sévigné ne fut pas -dupe des mensonges de son cousin. Dès ce moment il ne lui fut plus -possible d'avoir confiance en lui, ni d'être pour lui ce qu'elle avait -été. - -Cependant, ce fut presque aussitôt après cette explication que Bussy -fut mis à la Bastille. On sut que la publication de son ouvrage était -la principale cause de son arrestation, et que cette publication était -due à la trahison de la marquise de La Baume, avec laquelle il s'était -brouillé[620]. Madame de Sévigné n'eut plus le même ressentiment -contre Bussy dès qu'elle le sut malheureux: elle envoya s'informer de -sa santé; mais il paraît qu'on n'eut pas soin d'instruire le -prisonnier de ces marques d'intérêt qui lui étaient données par sa -cousine. On lui dit, au contraire, que, très-animée contre lui, elle -se répandait en plaintes amères sur l'indignité de ses procédés. Il -n'en était rien: madame de Sévigné ne parlait de Bussy qu'avec -attendrissement, et pour exprimer la peine qu'elle éprouvait de le -savoir captif. Elle rompit tout commerce avec la marquise de La -Baume[621], condamna hautement sa conduite, et soutint qu'une femme ne -doit jamais chercher à se venger des injures qui lui sont faites, -parce que pour atteindre ce but il faut qu'elle abdique cette vertu du -cÅ“ur qui est le plus bel attribut de son sexe, la bonté. Bussy, qui, -malgré la haute opinion qu'il avait de sa cousine, ne connaissait pas -toute sa grandeur d'âme, ajouta foi aux rapports mensongers qui lui -étaient faits. Madame de Sévigné ne fut donc point au nombre des -personnes avec lesquelles il chercha à se mettre en communication dans -sa prison. Il ne la pria point d'intercéder en sa faveur, et préféra -s'adresser pour cet objet à madame de Motteville, avec laquelle il -était lié d'une manière bien moins intime[622]. - -Cependant, lorsque Bussy sortit de la Bastille, la première personne -qui vint le voir chez Dalancé, ce fut madame de Sévigné. Cette visite, -à laquelle il ne s'attendait pas, lui fit un plaisir extrême, malgré -les torts qu'il supposait à sa cousine; il en avait envers elle de si -graves, qu'il n'osa pas lui faire des reproches. Il évita donc avec -soin une explication; madame de Sévigné, qui croyait n'avoir pas -besoin d'en donner, n'en provoqua aucune. Ils se séparèrent avec les -dehors d'une apparente cordialité et les sentiments d'une défiance -réciproque[623]. - -Telles étaient leurs dispositions l'un envers l'autre lorsque leur -correspondance recommença; mais ce fut d'abord, comme on va le voir, -lentement et péniblement. - -Bussy, retiré dans sa terre, où il resta exilé pendant dix-sept ans, -écrivit le premier à sa cousine une lettre affectueuse et -galante[624]. Il venait de visiter le château de Bourbilly, et se -rappelait avec tristesse la dernière et aimable réception que sa -cousine lui avait faite dans ce séjour. - -«Je fus hier à Bourbilly, dit-il; jamais je n'ai été si surpris, ma -belle cousine. Je trouvai cette maison belle; et quand j'en cherchai -la raison, après le mépris que j'en avais fait il y a deux ans, il me -sembla que cela venait de votre absence. En effet, vous et -mademoiselle de Sévigné enlaidissez ce qui vous environne; et vous -fîtes ce tour-là il y a deux ans à votre maison. Il n'y a rien de si -vrai; et je vous donne avis que si vous la vendez jamais, vous fassiez -ces marchés par procureur; car votre présence en diminuerait le prix. -En arrivant, le soleil, qu'on n'avait pas vu depuis deux jours, -commença à paraître, et lui et votre fermier firent bien les honneurs -de la maison: celui-ci en me faisant une bonne collation, et l'autre -en dorant toutes les chambres que les Christophle[625] et les -Guy[626], s'étaient contentés de tapisser de leurs armes. J'y étais -allé en famille, qui fut aussi satisfaite de cette maison que moi. Les -Rabutins vivants, voyant tant d'écussons, s'estimèrent encore -davantage, connaissant par là ce que les Rabutins morts faisaient de -cette maison.» - -Madame de Sévigné était en Bretagne, à sa terre des Rochers, qu'elle -s'occupait à agrandir et à embellir, lorsqu'elle reçut cette lettre de -son cousin. Elle ne mit pas beaucoup d'empressement à répondre. Elle -attendit l'époque de son retour à Paris. Sa réponse est du 20 mai -1667, c'est-à -dire postérieure de quatre mois et demi à la lettre que -Bussy lui avait écrite. Elle excuse, mais assez mal, ce long -retard[627]. Bussy lui en fait de légers reproches[628]. Madame de -Sévigné répondit encore; mais comme nous n'avons pas sa lettre, nous -ne pouvons juger si Bussy fut mécontent de ce qu'elle avait de nouveau -trop tardé à lui écrire, ou s'il fut peu satisfait des choses qu'elle -lui avait écrites: ce qui est certain, c'est qu'il suspendit alors sa -correspondance avec elle. Dans sa dernière lettre, cependant, il avait -montré la plus entière confiance dans sa cousine; il lui avait fait -part de ses affaires, il lui avait envoyé copie de toutes les lettres -qu'il avait adressées au roi. - -Madame de Sévigné fut étonnée du long silence de Bussy à son égard, et -désira y mettre fin. Soit qu'elle se reprochât d'y avoir donné lieu en -tardant trop à lui répondre, soit qu'elle se repentît de la manière -dont elle lui avait répondu, soit par toute autre cause, elle se -décida à lui écrire de nouveau. Dans sa lettre en date du 6 juin 1668, -lettre très-courte mais très-significative, elle rappelle à son cousin -que c'est elle qui lui a écrit la dernière; qu'elle a de trop -légitimes sujets de plaintes contre lui pour qu'il en ajoute de -nouveaux en la négligeant. - -Alors commence une longue explication, que quelques mots dits chez -Dalancé auraient rendue inutile; mais nous ne devons point regretter -que ces mots n'aient point été prononcés, car nous n'aurions pas les -lettres qui nous font le mieux connaître le noble caractère de madame -de Sévigné. - -La défense de Bussy contre la trop juste accusation que lui intente sa -cousine est un chef-d'Å“uvre d'adresse. Il commence d'abord par faire -l'éloge de son accusatrice, et il accompagne cet éloge de phrases -pleines de tendresse et de galanterie. Il avoue qu'il a été bien -coupable; mais du moins les remords de sa faute ont été sincères, -tandis que sa cousine ne paraît pas avoir fait franchement le -sacrifice de son ressentiment, et qu'elle semble même se repentir de -lui avoir pardonné[629]. Il lui rappelle que lorsqu'ils étaient -encore brouillés, il prit sa défense contre ses calomniateurs, et -qu'au contraire elle l'a abandonné lorsqu'il était accablé par ses -ennemis: «Ces changements, dit-il, sont étranges en vous, car vous -êtes pleine de douceur et d'amitié pour moi: seulement, vous n'avez -pas la force de résister à la mode, et je n'y suis plus: voilà mon -malheur.» - -Madame de Sévigné ne fit point d'abord de réponse à cette lettre, ce -qui laissa le temps à son cousin de lui en écrire une autre, -très-courte, six semaines après[630]. Dans celle-ci, Bussy demande à -madame de Sévigné de le recommander à un conseiller rapporteur dans un -procès qu'il avait au grand conseil, si toutefois elle ne craint pas -de se compromettre en témoignant de l'intérêt pour un homme tombé en -disgrâce. - -Alors madame de Sévigné n'y peut tenir, elle éclate; et dans une -longue lettre, écrite avec une éloquente impétuosité, elle accable son -cousin de toute la puissance et de toute la force de la vérité, et -termine, sans aigreur, par les assurances de sa tendresse, exprimées -de la manière la plus vive et la plus aimable. - -Elle commence cette lettre remarquable en lui disant[631]: - -«Mon cousin, apprenez de moi que ce n'est pas la mode de m'accuser de -faiblesse pour mes amis. J'en ai beaucoup d'autres, comme dit madame -de Bouillon, mais je n'ai pas celle-là . Cette pensée n'est que dans -votre tête; et j'ai fait ici mes preuves de générosité sur le sujet -des disgraciés, qui m'ont mise en honneur dans beaucoup de bons lieux, -que je vous dirais bien si je voulais. Je ne crois donc pas mériter -ce reproche: il faut que vous rayiez cet article sur le mémoire de mes -défauts... Mais venons à vous.» - -Elle y vient en effet; et c'est pour lui montrer toutes les -contradictions, les absurdités dans lesquelles lui, homme d'esprit, -était tombé, par l'impossibilité de se justifier autrement que par des -impostures. Elle réfute les sophismes par lesquels il a voulu rejeter -sur elle des torts qui étaient les siens; elle déjoue toutes les ruses -de son esprit, et le poursuit dans tous les subterfuges de sa -conscience; puis, certaine qu'il ne peut rien opposer à l'évidence des -faits, à la force des arguments, elle termine ainsi: - -«Voilà ce que je voulais vous dire une fois en ma vie, en vous -conjurant d'ôter de votre esprit que ce soit moi qui ait tort. Gardez -ma lettre, et la relisez, si jamais la fantaisie vous prenait de le -croire; et soyez juste là -dessus, comme si vous jugiez d'une chose qui -se fût passée entre deux autres personnes: que votre intérêt ne vous -fasse pas voir ce qui n'est pas. Avouez que vous avez cruellement -offensé l'amitié qui était entre nous, et je suis désarmée. Mais de -croire que si vous répondez, je puisse jamais me taire, vous auriez -tort, car ce m'est impossible. Je verbaliserai toujours; au lieu -d'écrire en deux mots, comme je vous l'avais promis, j'écrirai en deux -mille; et enfin j'en ferai tant par des lettres d'une longueur cruelle -et d'un ennui mortel, que je vous obligerai, malgré vous, à me -demander pardon, c'est-à -dire à me demander la vie. Faites-le donc de -bonne grâce.» - -Bussy pourtant ne voulut pas accepter tout ce que cette lettre avait -d'accablant pour lui. Dans une réponse très-longue, et qui commence -sur le ton le plus sérieux et le plus froid[632], il cherche par de -nouvelles explications à démontrer que si les torts qu'il a eus ont -été les plus graves, ce n'est pas une raison pour donner à sa cousine -le droit de penser qu'elle n'en a eu aucun. Toute sa lettre se résume -par les paroles suivantes, qui étaient sincères, et qui même, dans -l'accusation qu'elles renferment, n'étaient pas dénuées de -vérité[633]: - -«Je vous avoue que j'ai mille fois plus de torts que vous, parce que -ma représaille a été plus forte que l'offense que vous m'aviez faite, -et que je ne devais pas m'emporter si fort contre une jolie femme -comme vous, ma proche parente, et que j'avais toujours bien aimée: -pardonnez-moi donc, ma cousine, et oublions le passé au point de ne -nous en souvenir jamais. Quand je serai persuadé de votre bonne foi -dans votre retour pour moi, je vous aimerai mille fois plus que je -n'ai jamais fait; car, après avoir ce qu'on appelle tourné et viré, je -vous trouve la plus agréable femme de France.» - -Madame de Sévigné n'ignorait pas que pour mieux convaincre il faut -quelquefois ne pas montrer trop d'empressement à le faire, et qu'on a -plus de facilité à détruire une opinion quand la chaleur de l'esprit -est refroidie et laisse au jugement toute sa liberté. Au lieu donc de -répondre à son cousin sur ce que renfermait sa dernière lettre, elle -se contenta de lui en accuser réception, promettant d'y faire de -longues apostilles quand elle en aura le loisir. Pour le moment elle -lui demande les copies des titres de la maison de Rabutin, pour M. de -Caumartin, qui s'occupe de mettre en ordre les preuves de noblesse -relatives aux familles de la province: «Ne manquez pas à cela, lui -dit-elle: il y va de l'honneur de notre maison; on ne peut être plus -vive sur cela que je le suis. Adieu, faites réponse à ceci; je vous -écrirai plus à loisir[634].» - -Bussy transmet à sa cousine les pièces qu'elle réclame[635], et en -même temps il montre une grande impatience de recevoir son commentaire -à la dernière lettre qu'il lui a écrite. - -Enfin arrive la réponse de madame de Sévigné à cette lettre de son -cousin[636], cette _duplique_ à la réplique, comme elle l'appelle -plaisamment. Elle insiste cette fois, plus fortement que la première, -pour prouver qu'elle n'a pas eu les premiers torts, et elle entre à -cet égard dans de grandes explications; peut-être parce que c'était là -le point le plus difficile de la cause. Il lui était impossible de -trouver l'argent que lui avait demandé Bussy, «à moins, dit-elle, de -l'aller prendre dans la bourse du surintendant, où je n'ai rien voulu -chercher ni trouver. Ensuite elle remet dans tout son jour, mais avec -gaieté, et dans un style tout différent de celui de sa première -lettre, toute la cruauté, tout l'odieux des procédés de Bussy à son -égard, qui après un raccommodement, après qu'elle s'était remise avec -lui de bonne foi, l'avait livrée sans pitié aux brigands, -«c'est-à -dire, dit-elle, à madame de La Baume. Ne me dites point que -c'est la faute d'un autre, cela n'est point vrai; c'est la vôtre -purement: c'est sur cela que je vous donnerais un beau soufflet, si -j'avais l'honneur d'être près de vous, et que vous me vinssiez conter -ces lanternes.» Afin d'adoucir tout le mordant de ses arguments, elle -termine en disant: «Adieu, comte; je suis lasse d'écrire, et non pas -de lire tous les endroits tendres et obligeants que vous avez semés -dans votre lettre[637].» - -Bussy voulut ne pas avoir l'air de se montrer assez peu galant, de -continuer une discussion où sa cousine voulait avoir le dernier: il -commence sa réponse par déclarer que, sans même demander à capituler, -il se rend à discrétion. «On ne peut pas être moins capable de -triplique que je le suis, ma belle cousine: pourquoi m'y voulez-vous -obliger? Je me suis rendu dans la réplique que je vous ai faite; je -vous ai demandé la vie. Vous me voulez tuer à terre, et cela est un -peu inhumain. Je ne pensais pas que vous vous mêlassiez, vous autres -belles, d'avoir de la cruauté sur d'autres chapitres que celui de -l'amour. Cessez donc, petite brutale, de vouloir souffleter un homme -qui se jette à vos pieds et qui vous avoue sa faute, et qui vous prie -de la lui pardonner. Si vous n'êtes pas encore contente des termes -dont je me sers en cette rencontre, envoyez-moi un modèle de la -satisfaction que vous souhaitez, et je vous la renverrai écrite et -signée de ma main, contre-signée d'un secrétaire, et scellée du sceau -de mes armes. Que vous faut-il davantage[638]?» - -«Levez-vous, comte, dit madame de Sévigné dans sa réponse à cette -dernière lettre de Bussy, je ne veux point vous tuer à terre; ou -reprenez votre épée, pour recommencer le combat. Mais il vaut mieux -que je vous donne la vie et que nous vivions en paix[639].» - -Ainsi finit cette explication; les résultats en furent heureux. Par là -madame de Sévigné et Bussy se purgèrent de toutes ces humeurs -rancuneuses, de toutes ces réticences qui sont mortelles en amitié. En -même temps, le désir qu'ils avaient de se plaire et de renouer leur -correspondance les porta à adoucir les reproches qu'ils s'adressaient, -par des éloges si flatteurs et des protestations si affectueuses, -qu'ils restèrent pleinement rassurés sur les dispositions où ils se -trouvaient l'un envers l'autre. Les restes d'animosité et de défiance -qu'ils avaient conservés se dissipèrent. Si l'intimité de leur -commerce fut quelquefois troublée par de légers nuages, du moins elle -n'éprouva plus d'interruption; leur correspondance redevint fréquente -et active; et les liens de parenté, le voisinage de leurs terres, -l'admiration qu'ils avaient l'un pour l'autre, tout leur fit un besoin -de se communiquer leurs pensées: ce besoin devint une habitude que la -mort seule eut le pouvoir de rompre. - - [612] BUSSY, COMTE DE RABUTIN, _Mém. mss._ cités dans Monmerqué, - _Lettres_ de SÉVIGNÉ, t. I, p. 56. - - [613] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 57, édit. 1820. - - [614] BUSSY, _Mém. mss._; dans SÉVIGNÉ, _Lettres_, édit. 1820, t. - I, p. 58. - - [615] SÉVIGNÉ, _lettre_ en date du 26 juillet 1668, t. I, p. 129. - - [616] BUSSY-RABUTIN, _Mém._, t. II, p. 201. - - [617] BUSSY-RABUTIN, _lettre à madame de Sévigné_ (datée de - Forléans, le 21 novembre 1666), t. I, p. 109 et 110 de l'édit. de - Monmerqué. - - [618] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 129, en date du 26 juillet - 1668. - - [619] BUSSY, _lettre_ en date du 29 juillet 1669, t. I, p. 135. - - [620] SÉVIGNÉ, _lettre_ en date du 20 juillet 1668, t. I, p. 131. - - [621] BUSSY, _loc. cit._ - - [622] BUSSY, _Mém._, t. III, p. 337. - - [623] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 131-137 (_lettre de madame de - Sévigné_, en date du 26 juillet, et _de Bussy_, en date du 29). - - [624] BUSSY (_lettre_ du 21 novembre 1666), dans SÉVIGNÉ, t. I, - p. 109. - - [625] Christophle de Rabutin, seigneur de Sully et de Bourbilly, - né vers 1500, mort en 1529. - - [626] Guy de Rabutin, né en 1532, le premier qui porta le titre - de baron de Chantal. - - [627] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 111 (en date du 20 mai 1667). - - [628] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 113 (_lettre de_ BUSSY, en - date du 23 mai 1667). - - [629] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 121 (le 9 janvier 1668). - - [630] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 126 (en date du 17 juillet - 1668). - - [631] Ibid., p. 127 (en date du 26 juillet 1668). - - [632] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 133 (_lettre_ en date du 29 - juillet 1668). - - [633] Ibid., p. 138 (_lettre_ du 29 juillet 1668). - - [634] SÉVIGNÉ, t. I, p. 143, édit. de Monmerqué (_lettre_ en date - du 14 août 1668). - - [635] Ibid., p. 144 (_lettre_ en date du 14 août). - - [636] SÉVIGNÉ, _lettre_ en date du 28 août 1668, t. I, p. 145. - - [637] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 146, _lettre_ en date du 28 - août 1669. - - [638] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 149, _lettre de_ BUSSY, en - date du dernier août 1668. - - [639] SÉVIGNÉ, _Lettres_, t. I, p. 150 (en date du 4 septembre - 1668). - - -Nous finissons ici cette seconde partie des Mémoires sur madame de -Sévigné. Celles qui suivent resteront peut-être encore longtemps entre -les mains de leur auteur, si nous nous déterminons à les mettre au -jour. Il y a plus de dix ans que nous avons composé et achevé cet -ouvrage. Un motif qui paraîtrait bien léger, mais qui est pour nous -d'un grand poids, nous a engagé à donner nos soins à la publication de -ces deux volumes, lorsque tout concourait à nous écarter d'un tel -travail, et que nous éprouvions une extrême répugnance à soumettre au -jugement du public une production étrangère aux travaux qui nous -occupent exclusivement. Ce qui doit nous servir d'excuse, c'est que -ces deux parties forment un tout distinct, et ont une utilité -spéciale. En effet: - -Dans la première partie prenant madame de Sévigné au berceau, nous -l'avons montrée recevant la plus heureuse éducation, sans qu'il en -coûtât aucun sacrifice aux moindres joies de son enfance; puis au sein -des richesses goûtant d'abord tout le bonheur et éprouvant ensuite -toutes les peines de l'état conjugal; veuve, enfin, et encore jeune et -belle, sachant, au milieu de la plus effroyable licence, se conserver -pure, quoique sans cesse assiégée par les plus dangereuses séductions. - -Dans la seconde partie on a vu madame de Sévigné, femme aimable et -mère héroïque, se consacrer à l'éducation de ses enfants sans rompre -avec le monde, sans fuir les hommages que ses charmes et les grâces de -son esprit lui attiraient. L'histoire de son siècle, celle des -personnages qui lui furent attachés par les liens du sang ou de -l'amitié, ou que subjugua une plus forte passion; la description des -mÅ“urs et des habitudes des temps qu'elle a traversés, nous ont occupé -autant qu'elle-même; de sorte que ces deux parties forment, nous le -croyons, une introduction complète à ce recueil des lettres que nous -devons aux besoins de son cÅ“ur maternel, en proie aux tourments de -l'absence. Lorsque ce recueil parut, on ne le considéra que comme une -Å“uvre littéraire, que comme une longue et charmante causerie, qui -offrait un parfait modèle du style épistolaire; mais un des hommes les -plus spirituels de cette époque, qui avait vu finir le grand siècle, -écrivait, après en avoir achevé la lecture: - -«Je n'ai jamais eu l'imagination aussi frappée: il m'a semblé que d'un -coup de baguette, comme par magie, elle avait fait sortir cet ancien -monde, que nous avons vu si différent de celui-ci, pour le faire -passer en revue devant moi[640].» - -Cet ancien monde est encore bien plus différent du nôtre que celui du -milieu du dix-huitième siècle, dont il est fait mention dans la lettre -du duc de Villars-Brancas, que nous venons de citer; mais les vives -peintures que madame de Sévigné en a tracées, obscurcies par le temps, -ont besoin, pour reprendre tout leur éclat, qu'une main réparatrice en -fasse ressortir les curieux détails et les principales figures, et -nous montre combien les tableaux dont ils font partie sont féconds en -instructions historiques. - - [640] Duc de VILLARS-BRANCAS, _Lettre_ dans l'édition de Sévigné - de M. Monmerqué, 1820, in-8º, t. I, p. XXIV. - - - - -NOTES - -ET - -ÉCLAIRCISSEMENTS. - - - - -NOTES - -ET - -ÉCLAIRCISSEMENTS. - - - - -PREMIÈRE PARTIE. - -CHAPITRE PREMIER. - - Page 3, ligne 25: Le pain des pauvres. - -Il faut remarquer que ce ne fut que longtemps après la mort de madame -de Sévigné que Fremyot de Chantal fut déclarée sainte. Elle fut -d'abord béatifiée par les filles entre les bras desquelles elle -mourut. Cette béatification fut confirmée par le pape en 1751; mais -sainte Chantal ne fut canonisée qu'en 1767, le 16 juillet. - - Page 7, ligne 7: Ce fut le célèbre Cromwell. - -Tout ce que nous savons du fameux Cromwell à l'époque du combat de -l'île de Ré semble réfuter la supposition qu'il s'y soit trouvé. Le -nom de Cromwell n'est pas rare en Angleterre; peut-être le guerrier -qui blessa mortellement le baron de Chantal portait-il ce nom, et cela -aura occasionné une méprise. Les Anglais furent ensuite repoussés de -l'île de Ré par Toiras. Cotin a célébré ce succès dans un cantique. -Voyez _Poésies chrétiennes_ de l'abbé Cotin, 1668, in-12, pages 112 à -118. - - -CHAPITRE II. - - Page 10, ligne 5: Le joli village de Sucy. - -Ce nom est écrit _Sussy_ sur la plupart des cartes, et on l'avait -converti en _Sully_ dans plusieurs éditions des lettres de madame de -Sévigné, ce qui a causé beaucoup du méprises de la part des éditeurs. - - Page 10, ligne 7: Emmanuel y était né. - -Pour preuve du lieu de naissance de Coulanges, on peut conférer à -l'endroit cité les vers qu'il adresse à un vieux lit de famille -retrouvé à Sucy, et qui commencent ainsi: - - Enfin je vous revois, vieux lit de damas vert; - Je vous revois, vieux lit si chéri de mes pères, - Où jadis toutes mes grand'mères, - Lorsque Dieu leur donnait d'heureux accouchements, - De leur fécondité recevaient compliments. - -Coulanges était né en 1631. - - Page 14, ligne 11-16. - -Nous avons plusieurs portraits gravés de madame de Sévigné; un des -moins ressemblants, ou plutôt un des plus certainement faux est celui -qui est dans la meilleure édition de ses lettres, 1re et 2e édit. de -M. Monmerqué, 1818 et 1820, in-8º. Un des meilleurs est celui qui est -dans l'édition de Simart, 1734; il est gravé par Jacques Chereau, et -pour un âge plus avancé que celui qui a été gravé par Edelinck, -d'après un pastel de Nanteuil. Conférez la notice qui est à la fin de -ce volume _sur les différents portraits de madame de Sévigné_. - - -CHAPITRE IV. - - Page 31, ligne 27: Polie sans affectation. - -Huet s'exprime sur madame de Rambouillet exactement comme Fléchier: -_Maxima erat hoc tempore Rambullietanæ domus celebritas, quam -magnopere exornaverat Catharina Vivonnæa, marchione Rambullieto pridem -viduata, primaria femina natalibus, ita animis et moribus vere -Romana_.--Huetii _Commentarius de rebus ad eum pertinentibus_, p. 212. - - Page 35, ligne 14: Durant le temps de leur règne. - -Balzac écrivait à Conrart: «Votre mauvaise santé vous permet-elle de -fréquenter souvent le temple des Muses, de l'Honneur et de la Vertu? -(C'est le nom que je donne d'ordinaire à l'hôtel Rambouillet.) La -déesse qui y préside est-elle toujours favorable à vos vÅ“ux?» _Lettre -de Balzac à Conrart_, p. 26. Et encore: «Je n'écris pas à madame la -marquise de Rambouillet, mais je ne laisse pas d'être toujours un de -ses dévots, et d'avoir la vénération que les hommes doivent aux choses -divines.» Ibid., p. 215. La Mesnardière, dans son _Hymne sur les plus -belles connaissances de la nature_, Poésies, Paris, 1656, in-folio, p. -89, compare la marquise de Rambouillet aux astres, et il la nomme -l'arbitre du destin; il ne croit pas, après tant de louanges, lui en -donner une plus grande que de lui dire qu'elle a enfanté Julie: - - Sang des héros de France et des dieux d'Italie, - Et, pour comble d'honneur, la mère de Julie. - -Voyez encore à ce sujet la dédicace du troisième acte de la -_traduction du Berger fidèle_, 1665, in-12, et la troisième partie de -ces _Mémoires_, p. 455. - - -CHAPITRE V. - - Page 38, ligne 3 du texte: Les rideaux de soie bleue. - -Sauval a décrit très en détail l'hôtel que madame de Rambouillet fit -construire avec une si parfaite intelligence des distributions -intérieures, avec tant de goût et d'élégance dans l'architecture, -que cet hôtel devint un modèle pour les constructions de même -nature. Sauval mourut en 1670. Son ouvrage n'a été imprimé que -cinquante-quatre ans après, en 1724. L'emphase qu'il met dans -quelques-uns de ses écrits lui attira un sarcasme de Boileau. Voyez -satire VII, t. I, p. 175, édit. de Saint-Surin. Si ce défaut existait -dans ses _Recherches sur Paris_, ses éditeurs l'ont fait disparaître. -L'ouvrage de Sauval a aussi été lu et revu en manuscrit non-seulement -par Colbert, mais aussi par Costar, Pellisson et le père Le Long. - -C'est dans la chambre bleue de l'hôtel de Rambouillet que Voiture -demandait, dans sa lettre à mademoiselle de Bourbon, qu'il lui fût -dressé un pavillon de gaze, où il serait servi et traité -magnifiquement par deux demoiselles, en réparation du tort qu'on lui -avait fait. - -Dans tout le cours de la description que donne Sauval de l'hôtel de -Rambouillet, il se conforme à l'usage galant et respectueux de son -temps: il n'a désigné madame de Rambouillet que par le nom -d'Arthénice, anagramme de celui de Catherine, qui était le sien. -Segrais, secrétaire de _Mademoiselle_, fille de Gaston d'Orléans, -habitué au Luxembourg, où il logeait, s'étonnait de ne pouvoir -parvenir auprès de madame de Rambouillet que par «une enfilade de -pièces, d'antichambres, de chambres et de cabinets.» Voyez Segrais, -_OEuvres_, 1755, t. I, p. 20. - -La position précise de l'hôtel de Rambouillet dans la rue Saint-Thomas -du Louvre n'a été indiquée par aucun des auteurs qui ont écrit sur -Paris. Le plan de Berey dressé en 1654 nous jetterait à cet égard dans -l'erreur, parce qu'il fait par son dessin une confusion de l'hôtel de -Rambouillet et de celui de Chevreuse, et que le nom du premier hôtel -est placé après celui de Chevreuse, et plus près de la rue du Doyenné. -Mais ce plan est bien inférieur à celui de Gomboust, levé et dressé -géométriquement, sous l'inspection de Petit, directeur des -fortifications de Paris. Sur ce plan, l'on trouve que l'hôtel de -Rambouillet touche à l'hôtel de Chevreuse, mais est plus rapproché de -la place du Palais-Royal; cet hôtel touche aux Quinze-Vingts, hospice -qui bordait la place du Palais-Royal. Le Jardin de Rambouillet avait -pour mur mitoyen, sur le derrière, le petit enclos qui formait le -cimetière des Quinze-Vingts. Sur le plan de Paris de Buillet, dressé -en 1676, toute la partie de l'enclos des Quinze-Vingts sur la rue -Saint-Thomas du Louvre est pointillé comme consistant en maisons -jusqu'à l'hôtel de Longueville, le seul hôtel qui y soit marqué. -L'hôtel de Rambouillet, qui alors portait le titre d'hôtel de -Montausier, n'y est point marqué. On n'y trouve nommé que l'hôtel de -Longueville, qui allait de la rue Saint-Thomas du Louvre à la rue -Saint-Nicaise; mais c'est une omission qu'on a réparée dans une -nouvelle édition de ce plan, corrigé par Jaillot en 1707. On trouve -sur ce plan rectifié l'hôtel de Rambouillet parfaitement bien dessiné, -à côté de l'hôtel Longueville, avec l'élévation des bâtiments, la -cour, le parterre. Dans le plan en détail de Lacaille, 1714, in folio -(quartier du Palais-Royal, pl. XI), on lit la description de l'hôtel -de Rambouillet, imprimée derrière la planche. Sur le plan dit de -Turgot, en perspective, et terminé en 1739, on voit cet hôtel dessiné; -mais le jardin semble déjà occupé par d'autres constructions, et ce -plan, comme celui de Lacaille, donne des constructions particulières, -faites sur la rue, et dépendant de l'enclos des Quinze-Vingts. -L'entrée de cet hospice se trouvait rue Saint-Honoré, vis-à -vis la rue -de Richelieu, et les rues de Rohan et de Valois en occupent -actuellement l'emplacement. Le plan de Turgot nous montre rue -Saint-Nicaise, entre cette rue et la rue Matignon, près de l'hôtel de -Créquy et plus près du quai, un assez grand hôtel, nommé l'hôtel de -Crussol. L'éditeur de la dernière édition de Germain Brice, de 1752, -t. I, p. 190, s'est trompé; il dit: «que l'hôtel Montausier, autrefois -l'hôtel de Rambouillet, appartient à présent à Jean-Charles de Crussol -d'Uzès, et qu'il se nomme hôtel d'Uzès.» Il est certain que l'hôtel de -Rambouillet porte le nom d'hôtel d'Uzès sur le plan de Buillet, revu -par Jaillot en 1707; sur celui de Regnard, revu par Jaillot en 1717, -et sur un plan mauvais de de Fer, de 1692. En 1739, les ducs d'Uzès -ont dû demeurer à l'hôtel Crussol. Depuis, ils ont encore changé de -demeure, et ont fait construire, sur les dessins de Le Doux, ce -magnifique hôtel rue Montmartre, où on avait placé l'administration -des douanes. - -Il y a eu à Paris au moins trois hôtels ou habitations dites de -Rambouillet; ce qui a causé des confusions et des erreurs dont les -historiens les plus exacts et les plus savants de la ville de Paris -n'ont pas toujours su se garantir. On compte d'abord sous ce nom: 1º -l'hôtel de Rambouillet qu'a occupé le marquis de Rambouillet et ses -ancêtres, qui fut acheté en 1602 par le duc de MercÅ“ur, pour agrandir -le sien. C'est en partie sur l'emplacement de cet hôtel qu'a été -construit le palais Cardinal, nommé depuis Palais-Royal; 2º le marquis -de Rambouillet a occupé depuis l'hôtel de Pisani ou de son beau-père, -qui ainsi que nous l'avons expliqué ailleurs, devint le fameux hôtel -de Rambouillet; 3º Enfin, il y avait la maison des quatre pavillons, -avec le vaste endos de Reuilly, dans le hameau de ce nom, englobé -depuis dans le faubourg Saint-Antoine, qui, à cause du financier -Rambouillet de la Sablière, fut quelquefois nommé aussi hôtel -Rambouillet. Jaillot, trompé par un vice de rédaction qui se trouve -dans cet endroit de l'ouvrage de Sauval, a confondu les deux premiers -hôtels; d'autres auteurs ont confondu les deux derniers, et le marquis -avec le financier. Dans la _Description nouvelle de la ville de Paris, -par M. B***_ (Germain Brice), imprimée en 1685, l'hôtel de Rambouillet -porte le nom d'hôtel de Montausier, parce qu'après la mort de la -marquise de Rambouillet il appartenait au duc de Montausier, qui avait -épousé Julie d'Angennes, unique héritière des biens de la maison de -Rambouillet, ses deux frères étant morts, ainsi que sa sÅ“ur madame de -Grignan, et les deux sÅ“urs qui lui restaient s'étant faites -religieuses. - -L'ouvrage de Colletet, intitulé _Ville de Paris_, que j'ai cité, -quoique portant sur le frontispice de mon exemplaire la date de 1689, -doit être de l'année 1671, puisque le privilége est du mois de juillet -1671; et même il ne paraît être qu'un livre plus ancien, antérieur à -1665, plusieurs fois réimprimé. Ce qui semble prouver qu'on a -seulement changé le titre, c'est que l'auteur, p. 108, s'exprime -ainsi: «L'hostel de Rambouillet, rue Saint-Thomas du Louvre, où loge -aussi Mgr le duc de Montausier, mon illustre maître et Mécène.» Ceci -paraît écrit antérieurement à la mort de madame de Rambouillet, -lorsque son gendre et sa fille demeurèrent avec elle. Quoi qu'il en -soit, immédiatement après cet article, François Colletet ajoute: -«Autre hôtel de Rambouillet, au bout du faubourg Saint-Antoine, qui -est la maison des quatre pavillons.» - -Selon Sauval, l'hôtel de Montausier ou de Rambouillet, avant de porter -le nom de Pisani, avait porté les noms d'O et de Noirmoutier. Outre -les erreurs commises par ceux qui ont étudié l'ancienne topographie de -Paris, il y a celles de ceux qui ne la connaissent pas du tout, dont -je ne parlerai pas. Je remarquerai seulement que M. Taschereau, -écrivain consciencieux et exact, dans sa _Vie de Molière_ (p. 350), -introduit encore un nouveau sujet de confusion dont personne ne -s'était avisé, en affirmant que le célèbre hôtel de Rambouillet était -situé rue des Fossés-Montmartre, sur l'emplacement des maisons 1 et 3; -et il cite pour garant la _Gazette des Tribunaux_, du 27 mai 1827. -C'est assurément là une des erreurs les plus fortes et les plus -manifestes que l'on ait commises sur cette matière. J'ignore ce qui -l'a causée, n'ayant point la _Gazette_ que l'on cite; mais je -remarquerai qu'il a peut-être encore existé à Paris un quatrième hôtel -de Rambouillet, indépendamment des trois que j'ai mentionnés; car -Rambouillet de la Sablière et sa femme n'ont jamais habité la maison -des quatre pavillons, qui était pour Rambouillet le père une maison de -plaisance, et non de ville. Il se pourrait donc que la maison dont a -parlé la _Gazette des Tribunaux_ eût pris le nom d'hôtel de -Rambouillet d'après Rambouillet de la Sablière, surtout dans les -derniers temps du siècle de Louis XIV, et lorsque le fameux hôtel de -Rambouillet avait pris le nom d'hôtel de Montausier. Alors ce nom de -Rambouillet ne se trouva plus attaché dans Paris et dans ses faubourgs -qu'à des propriétés appartenant à la famille du financier Rambouillet, -qui n'avait rien de commun avec celle des d'Angennes ou du marquis de -Rambouillet. L'emplacement de l'hôtel où demeurait madame de la -Sablière serait d'autant plus intéressant à découvrir que La Fontaine -y a passé vingt ans de sa vie. - -On lit dans les _Mémoires_ de Retz, de Motteville, de la Rochefoucauld -et autres, que le prince de Condé, retiré à Saint-Maur, et le duc -d'Orléans, qui se trouvait à Paris, se rendirent à Rambouillet pour -conférer ensemble. Comme ce nom de Rambouillet sans autre explication -doit s'entendre de la ville qui est à treize lieues de Paris, on -cherche le motif qui a pu engager ces princes à se transporter si -loin. Mais les _Mémoires_ de Talon nous expliquent que ce Rambouillet -était «la maison du jardin de Rambouillet, qui est dans Reuilly, hors -de la porte Saint-Antoine.» Ce lieu se trouvait effectivement entre -Saint-Maur et le palais du Luxembourg. (Talon, _Mém._, collection de -Petitot, t. LXII, p. 227 et 235.) Dans le portefeuille XXV de la -collection intitulée _l'Histoire de France par estampes_, Bibliothèque -du Roi, il y a un plan du combat du faubourg Saint-Antoine, entre -Condé et Turenne, le 2 juillet 1652, où l'on voit ce qu'était ce -faubourg de Paris à cette époque; on y trouve Reuilly et le clos de -Rambouillet, avec le plan du jardin. La gravure de ce plan est -moderne; mais il a été probablement copié sur un plan ancien, dressé -pour les campagnes de Condé ou de Turenne. Dans l'édition de Germain -Brice que nous avons citée, il est dit qu'assez proche de l'hôtel -d'Uzès on a établi depuis fort peu de temps une nouvelle manufacture -de fer fondu, dont on fait des ouvrages de serrurerie d'une beauté qui -n'avait point encore paru dans ce genre, sous la conduite de M. de -Réaumur, de l'Académie des Sciences. Piganiol de la Force, -_Description historique de Paris_, 1765, t. II, p. 350, dit aussi que -l'hôtel de Rambouillet prit le nom d'hôtel Montausier, qu'il a porté -jusqu'à la mort du duc de Montausier, arrivée en 1690, et qu'après il -fut appelé hôtel d'Uzès, parce que Marie-Julie de Saint-Maur épousa -Emmanuel de Crussol, duc d'Uzès. Piganiol dit encore, p. 348, -qu'en sortant du Palais-Royal, et en entrant dans la rue des -Filles-Saint-Thomas, on voit l'hôtel d'Uzès. Mais Saint-Foix, dans ses -_Essais historiques sur Paris_, t. I, p. 325, dit, en parlant de la -rue Saint-Thomas du Louvre: «Vers le milieu de cette rue, cette maison -bâtie de pierres et de briques, qui appartient aujourd'hui à M. -Artaud, était, il y a cent ans, l'hôtel de Rambouillet, tant célébré -par mademoiselle de Scudéry et les autres beaux esprits de ce -temps-là .» - -N'oublions pas de rappeler que l'hôtel de Rambouillet porte le nom -d'hôtel d'Uzès sur le beau plan de Paris de Buillet, architecte du roi -et de la ville, en 12 feuilles, augmenté par Jaillot en 1707, et -pareillement sur un autre plan de Bernard Jaillot, en 4 feuilles, -dédié à Bignon, prévôt des marchands. Cependant, en 1714, Lacaille, -dans sa description du plan du quartier du Palais-Royal, ne lui donne -pas d'autre nom que celui d'hôtel de Rambouillet; ce qui prouve que -les noms d'hôtel de Montausier, d'hôtel d'Uzès, qui avaient succédé, -n'avaient pas fait dans l'usage disparaître l'ancien nom. Je -remarquerai aussi qu'autrefois le côté occidental de la rue -Saint-Thomas du Louvre s'avançait jusqu'à l'alignement de la rue -Saint-Honoré, et resserrait, avec le côté oriental de la rue -Froidmanteau, qui a gardé son prolongement, la place qui est devant le -Palais-Royal: cela est encore ainsi dans le grand plan de 1739. -L'hôtel Rambouillet, situé au no 15, où était l'hôtel de Belgique -lorsque j'écrivis cette note il y a douze ans, occupait donc à peu -près le milieu de la rue, comme le disent les descriptions, tandis que -son emplacement actuel se trouve au commencement, parce qu'on a abattu -les maisons qui de ce côté prolongeaient la rue jusqu'à l'alignement -transversal de la rue Saint-Honoré. Le plan manuscrit qui fut fait -pour l'agrandissement de la place du Palais-Royal, en 1719, par le -régent, et qui contient toute la rue Saint-Thomas du Louvre, existe à -la Bibliothèque du Roi, portefeuille III des _Détails topographiques -sur Paris_. On y voit qu'entre le bout de la rue Saint-Thomas du -Louvre, du côté de la rue Saint-Honoré et de l'hôtel de Montausier, il -y avait six maisons, et que cet hôtel resserrait plus l'hôtel de -Longueville de ce côté que du côté de la rue Saint-Nicaise, et faisait -un angle droit enfoncé avec le terrain de l'hôtel de Longueville, qui -était sur cette rue. Les plans anciens prouvent que l'hôtel de -Longueville n'avait pas une aussi longue façade sur la rue -Saint-Thomas du Louvre, et que dans les agrandissements qu'il a subis -de ce côté il a englobé une partie de l'hôtel de Rambouillet. - -Il existe un plan gravé _de la paroisse royale de Saint-Germain -l'Auxerrois, fait par les soins du curé de ladite paroisse, en 1698_; -l'hôtel d'Uzès et l'hôtel de Longueville s'y trouvent dessinés, mais -leur cour intérieure et leur principale entrée sont tracées de sorte -que ces deux hôtels semblent séparés par des maisons, quoique -primitivement ils se touchassent. Il y a un autre plan de la même -paroisse, plus beau et mieux gravé, intitulé _Plan de la paroisse de -Saint-Germain l'Auxerrois divisé en neuf quartiers_, fait par -l'ordre de M. Labrue, curé de ladite paroisse, en octobre 1730, -levé géométriquement par M. Faure. Dans toute la rue des -Filles-Saint-Thomas, on ne voit sur ce plan, qui est très-grand, qu'un -seul hôtel: c'est celui de Longueville. Mais, comme sur le plan de -Turgot, on voit l'hôtel Crussol, dans la rue Saint-Nicaise et sur le -Carrousel, attenant à l'hôtel de Longueville, du côté du quai. Comme -l'hôtel de Montausier est encore entier sur le plan manuscrit de 1719, -c'est entre cette année et 1739 qu'est l'époque où l'hôtel de -Rambouillet a disparu, et fut converti en maisons particulières; et -que les Crussol, ducs d'Uzès, ont été occuper leur nouvel hôtel, rue -Saint-Nicaise. C'est donc en copiant les anciennes éditions que les -éditeurs de Germain Brice, en 1752, ont encore placé l'hôtel d'Uzès -rue Saint-Thomas du Louvre: il n'y était plus. Il y a un plan gravé, -de Lenoir, des bâtiments construits sur les terrains des -Quinze-Vingts, qui éclaircit les changements faits dans ce quartier. -Il existe aussi des vues de l'hôtel de Longueville, gravées par Jean -Marot, qui nous le montrent tel qu'il était primitivement; mais je -n'en connais pas de l'hôtel de Rambouillet. - - Page 38, ligne 13 et 14: A travers les colonnes dorées de cette - alcôve. - -Je ne trouve le mot _alcôve_ dans aucun de nos dictionnaires -antérieurs à celui de Richelet, en 1680. Il n'est point dans le -_Thresor de la Langue Françoise_, par Jean Nicot (sic), 1606, -in-folio, ni dans le _Grand Dictionnaire François-Latin, recueilli de -plusieurs hommes doctes, entre autres de M. Nicod_ (sic), 1625, in-4º; -il n'est point dans le _Dictionnaire François et Anglois de Cotgrave_, -en 1632. La Fontaine, dans son roman de _Psyché_, en 1669, fait -mention des alcôves comme d'une nouveauté, et pour le mot et pour la -chose. (Voyez _OEuvres de La Fontaine_, édition 1827, in-8º, t. V, p. -57.) Furetière avait employé le mot _alcôve_ avant La Fontaine, dans -son _Roman comique_, qui parut en 1666. Dans la nouvelle de _l'Amour -égaré_ on lit: «Elle avait certains jours destinés à recevoir le monde -dans son alcôve.» (_Roman comique_, édit. 1724, Amsterdam, in-12, p. -208.) _Le Lutrin_, qui fut publié en 1674, contient, comme tout le -monde sait, un vers où se trouve le mot _alcôve_, ch. I, vers 57. Ce -sont là , selon ce que j'ai pu découvrir, les premiers auteurs où ce -mot se voit employé; mais une preuve qu'il était nouveau, c'est qu'on -ne savait de quel genre il devait être. Scarron, madame de Villedieu, -un puriste nommé Milon, souvent cité comme autorité par les auteurs de -ce temps, tenaient pour le masculin; d'Ablancourt, Boileau, Ménage, le -voulaient féminin. Richelet en 1680, et l'Académie en 1694, dans leurs -dictionnaires, ne se décidèrent pour aucun de ces deux genres, et -laissèrent la chose indécise (voyez Alamand, _Nouvelles Observations_, -ou _guerre civile des François sur la Langue_, 1688, in-12, p. 89 ). -L'usage a fait prévaloir le féminin. Félibien des Avaux, dans le livre -intitulé _Plans et description des deux plus belles maisons de Pline -le consul_, ne traduit jamais le _cubiculum dormitorium_, ou le -_zoteca_, par alcôve, quoique ce fût le mot propre. M. Mazois, au -contraire, n'a pas hésité à rendre ces mots par celui d'alcôve; il a -raison. (Voyez _Palais de Scaurus_, deuxième édition, 1622, in-8º, p. -96.) Le mot français _alcôve_ vient de l'espagnol _alcoba_, qui -signifie une chambre à coucher; et le mot espagnol vient du mot arabe -_al-cobba_, qui signifie un dôme, une voûte. - -Ces alcôves étaient très-vastes, et formaient une petite chambre -renfermée dans une plus grande. Le lit était placé au milieu, sur une -estrade, souvent entouré d'un balustre, et laissant de chaque côté une -vaste ruelle. Aussi la conclusion de la requête de Ribercour, dans le -_Procès des Précieuses_, de Somaize, est que, pour leur châtiment, - - Le lit desdites femelles - Soit les deux côtés sans ruelles, - Et qu'il soit mesmement placé - Sans être du tout exaucé. - -Cette conclusion hostile y est répétée trois fois. - -On lit dans le _Jeu poétique_, à M. des Yvetaux, du père Le Moine: - - On n'y voit point le sang des races dévorées, - En estrades d'ivoire, en alcôves dorées. - -(_Recueil des plus belles Pièces des Poëtes françois_, 1692, in-12, t. -III, p. 337.) - -Cet exhaussement des lits était fort ancien; et Sauval, t. II, p. 280, -remarquant que dès le règne de Charles V les lits étaient placés sur -une estrade, ajoute: «Par là il se voit que sous Charles V les -alcôves, dont les dames «de notre siècle s'attribuent l'invention, -étaient en usage.» Non; car l'estrade seule ne constitue pas l'alcôve. -Ainsi ce passage de Sauval, au lieu de contredire l'assertion de -Tallemant, la confirme, puisqu'il nous apprend que l'usage des alcôves -était récent, et qu'on en attribuait l'invention aux femmes. Scarron, -dans ses Å“uvres, parle plusieurs fois des alcôves: «Il y avait des -meubles, des alcôves, des estrades, et une provision de bonne -senteur.» (_Le Chastiment de l'Avarice_, dans les _Dernières OEuvres_ -de Scarron; 1700, in-12, p. 112.) - - Les tapis chinois sont foulés - Dans leurs alcôves bien meublés. - -(Scarron, _la Baronéide_, dans les _Dernières OEuvres_, 1700, in-12, -p. 175.) - -L'usage des femmes de réunir le matin la société dans leurs alcôves -fit que le mot _ruelle_ s'employa pour celui de _réduit_, puis pour -ceux d'_assemblée_, de _cercle_, d'_académie_. Cependant ces mots -n'étaient pas tout à fait synonymes. - -Boileau a dit: - - Ne vous enivrez pas des éloges flatteurs - Qu'un amas quelquefois de vains admirateurs - Vous donne en ces _réduits_, prompts à crier merveille. - -Et ailleurs: - - Que de son nom, chanté par la bouche des belles, - Benserade en tous lieux amuse les _ruelles_. - -Furetière, dans son _Roman bourgeois_, nous fournit les passages -suivants, qui prouvent ce que nous avançons: «La qualité la plus -nécessaire à un poëte pour se mettre en réputation, c'est de hanter la -cour ou d'y avoir été nourri; car un poëte bourgeois, ou vivant -bourgeoisement, y est peu considéré. Je voudrais qu'il eût accès dans -toutes les _ruelles_, _réduits_ et _académies illustres_.» (T. I, p. -162.) Tout ce passage est contre Benserade; et en général ce roman de -Furetière est plein d'allusions à des personnages du temps, mais qui -ne sont pas comprises, faute d'un commentaire, dont cet ouvrage ne -serait pas indigne. Voici encore les autres passages qui prouvent que -Furetière faisait une distinction entre les mots _réduits_ et -_ruelles_, liv. I; p. 147: «On permit aussi à Javotte de voir le beau -monde, de faire des visites dans les beaux _réduits_, et de se mêler -en des compagnies d'_illustres_ et de _précieuses_.» Page 166: -«J'avoue bien, Pancrace, que ceux qui sont déjà en réputation, et dont -les ouvrages ont été loués dans les _ruelles_ et par la cabale, l'ont -pu conserver dans leurs recueils.» Page 171: «Car, comme dans les -académies de jeu on pipe souvent avec de faux dés et de fausses -cartes; de même, dans les _réduits académiques_, on pipe souvent -l'impromptu.» Et, page 150: «Il s'amassait tous les jours bonne -compagnie chez Angélique. Quelques fois on y traitait des questions -curieuses; d'autres fois on y tenait des conversations galantes, et on -tâchait d'imiter tout ce qui se pratique dans les _belles ruelles_ par -les précieuses du premier ordre.» Ainsi, le mot _réduit_ s'employait -de préférence pour les assemblées qui se tenaient dans d'autres -chambres que celles où étaient des alcôves, et chez des hommes; -quoique cependant Somaize mette parmi ceux qui tenaient _ruelles_ -Ménage et l'abbé Testu. - -Somaize désigne comme les principaux introducteurs des ruelles de son -temps l'abbé Bellebat et l'abbé du Buisson (voyez page 311). Dans la -comédie intitulée _les Véritables Précieuses_, on lit ce dialogue, -page 32: - - LE BARON. - -Avez-vous grande foule d'alcovistes chez vous? Qui préside? Qui est de -quartier? - - ISABELLE. - -Nous en avons plusieurs de la vieille roche. - -Dans le _Grand Dictionnaire des Précieuses, ou la clef des ruelles_, -1660 (ouvrage de Somaize différent de celui qui est intitulé aussi -_Grand Dictionnaire des Précieuses, historique, critique_, 1661, 2 -vol. in-12), p. 79, on lit que ces mots, _qui préside? qui est de -quartier chez vous?_ sont synonymes de _Qui est-ce qui vient souvent -vous voir?_ - -Cet usage de recevoir dans les alcôves en produisit un autre, qui -subsista longtemps: ce fut celui qu'avaient les jeunes mariées de -recevoir, assises sur leur lit, en grande parure, les visites qui leur -étaient faites le lendemain de leurs noces. - -Saint-Simon (_Mémoires complets et authentiques_, t. I, p. 277), -parlant de son mariage, dit: - -«Nous couchâmes dans le grand appartement de l'hôtel de Lorges. Le -lendemain, M. d'Anneuil, qui logeait vis-à -vis, nous donna un grand -dîner, après lequel la mariée reçut sur son lit toute la France à -l'hôtel de Lorges, où les devoirs de la vie civile et la curiosité -attirèrent la foule....» «Le lendemain elle reçut toute la cour sur -son lit, dans l'appartement de la duchesse d'Arpajon, comme plus -commode, parce qu'il était de plain pied.» (Page 278.) - -En parlant de sa belle-sÅ“ur, Saint-Simon dit: «Mademoiselle de -Quentin ne tarda pas à avoir son tour. M. de Lausun la vit sur le lit -de sa sÅ“ur, avec plusieurs autres filles à marier.» Quand de Lausun -est marié avec mademoiselle de Quentin, il dit, en parlant du duc de -Lausun: «Le lendemain, il fit trophée de ses prouesses. Sa femme vit -le monde sur son lit.» (Page 280.) Puis, pour le jour d'après, il -ajoute: «Elle vit toute la cour sur son lit, et tout s'y passa comme à -mon mariage.» - -Le même Saint-Simon (t. II, p. 125 et 126), en parlant du mariage de -mademoiselle d'Aubigné, nièce de madame de Maintenon, avec le comte -d'Ayen, dit: «La déclaration s'en fit le mardi 11 mars. Le lendemain -madame de Maintenon se mit sur son lit, au sortir de table, et les -portes furent ouvertes aux compliments de toute la cour.» Ceci se -passait avant la messe de mariage; après cette messe, Saint-Simon -ajoute encore: «L'après-dînée, madame de Maintenon, sur son lit, et la -comtesse d'Ayen sur un autre, dans une autre pièce joignante, reçurent -encore toute la cour.» - -C'est sur cet usage que La Bruyère s'exprime en ces termes: - -«Le bel et judicieux usage que celui qui, préférant une sorte -d'effronterie aux bienséances et à la pudeur, expose une femme d'une -seule nuit, sur un lit, comme sur un théâtre, pour y faire pendant -quelques jours un ridicule personnage, et la livre en cet état à la -curiosité de l'un ou de l'autre sexe, qui, connus ou inconnus, -accourent de toute une ville à ce spectacle pendant qu'il dure! Que -manque-t-il à une telle coutume pour être entièrement bizarre et -incompréhensible, que d'être lue dans quelque relation de la -Mingrélie?» - - (La Bruyère, _Caractères_, ch. VII, _De la Ville_.) - -Cet usage continua dans le dix-huitième siècle. Au sujet du mariage du -duc de Berri, en 1710, on lit dans Saint-Simon: - -«Au sortir de table, le roi alla dans l'aile neuve, à l'appartement -des mariés. Toute la cour, hommes et femmes, l'attendait, en haie dans -la galerie, et l'y suivit avec tout ce qui avait été du souper. Le -cardinal Janson fit la bénédiction du lit. Le coucher ne fut pas -long. Le roi donna la chemise à M. le duc de Berri.» - -Le même Saint-Simon, en racontant le mariage du fils de Tallard avec -une fille du prince de Rohan, qui eut lieu chez la duchesse de -Ventadour, en 1713, dit, t. X, p. 455: «Le lendemain la mariée reçut -sur le lit la duchesse de Ventadour, les visites de toute la cour, et -celles que les duchesses ont accoutumé de recevoir des personnes -royales.» Voy. la note, p. 697, de notre édition de La Bruyère. - - Page 38, ligne 4: N'y laissait pénétrer qu'un demi-jour azuré. - -Dans la pièce de Somaize, Roguespine, un des personnages, dit (_Procès -des Précieuses_, p. 47): - - Je considérais fort la chambre - Dans laquelle à loisir je vis - Des précieuses de Paris - Une longue et nombreuse bande. - . . . . . . . . . . . . . . . . . . - Cette chambre était assez sombre; - Le grand jour n'y pouvait entrer, - A cause qu'elles font tirer, - Pour l'empêcher de trop paraître, - Des rideaux devant la fenêtre; - Sachant que la grande clarté - Efface un peu la beauté. - J'y remarque de plus ensuite, - Quoique la chambre fût petite, - Un paravent qui s'étendait - Jusque près de la cheminée. - - Page 39, ligne 5: C'était mademoiselle Paulet. - -Mademoiselle Paulet était la fille d'un Languedocien, Charles Paulet, -secrétaire du roi, qui inventa le fameux impôt de _la paulette_. Si -l'on en croit Tallemant des Réaux, mademoiselle Paulet fut galante -dans sa jeunesse; mais l'amitié de madame de Clermont d'Entragues, -femme d'une grande vertu, la remit en crédit. «Madame de Rambouillet, -dit-il, la reçut pour son amie; et la grande vertu de cette dame -purifia pour ainsi dire mademoiselle Paulet qui depuis fut chérie et -estimée de tout le monde.» (Tallemant, _Historiettes_, p. 200.) -Mademoiselle Paulet avait une très-belle voix. Lorsqu'elle vint pour -la première fois à Rambouillet, madame de Rambouillet la fit recevoir -à l'entrée du bourg par les plus jolies filles du lieu, couronnées de -fleurs; une d'entre elles lui présenta les clefs du château, et on -tira deux petites pièces d'artillerie. Mademoiselle Paulet mourut en -1651, chez madame de Clermont en Gascogne. - - Page 40, ligne 2: Madame Duplessis. - -La maison de madame Duplessis-Guénégaud était le rendez-vous de ce -qu'il y avait de plus distingué à la cour et à la ville. Ce fut elle -qui depuis contribua à former la société de Fouquet, et qui lui -indiqua les gens de lettres et les hommes de mérite qu'il devait -protéger. - - Page 40, ligne 9: de la fameuse guirlande. - -Dans le _Hueliana_, page 105, le don de cette guirlande est rapporté à -l'année 1633 ou 1634, au lieu de 1640, qui est sa véritable date. Ce -beau manuscrit a été vendu 14,510 fr. à la vente de La Vallière. - - Page 40, ligne 15: Moitié assis, moitié couchés sur leurs manteaux. - -Roguespine, dans la pièce de Somaize, continuant sa description, dit: - - Pour ne pas perdre le moment - Que j'avais de lorgner ces belles - Dedans l'une de leurs ruelles. - Seize environ elles étaient; - De plus, toutes elles avaient, - Au moins il ne s'en fallait guère, - Assis sur leurs manteaux par terre, - Paraissant fort humiliés, - Un homme chacune à leurs pieds; - Sans ceux qui, très-fort à leur aise, - Étaient assis dans une chaise, - Et faisaient peu les courtisans. - -Dans _la Comtesse d'Escarbagnas_, un homme ridicule qui cherche à -singer les airs du grand monde s'assoit au pied de la comtesse pour -écouter la comédie.--Dans le récit d'un bal de province, le comte de -Bussy, en parlant du comte de Souvré, dit: «Il était au premier rang -de ceux qui étaient assis sur leurs manteaux.» - - Page 40, ligne 20. - -Somaize parle dans son Dictionnaire de madame du Vigean, sous le nom -de Valérie, page 36 de la clef; et t. II, page 195 du Dictionnaire, il -lui donne le nom de mademoiselle.--Voiture et l'annotateur des -chansons manuscrites lui donnent le titre de madame, et ce dernier -nous apprend qu'elle était sÅ“ur de la duchesse de Richelieu. - - Page 41, ligne 8: Toutes les dames tenaient une petite badine. - Roguespine dans Somaize, continuant sa narration, dit: - - La plupart encore d'entre elles, - Soit des laides, ou soit des belles, - Tenaient avec un air badin - Chacune une canne à la main, - La faisant brandiller sans cesse. - - Page 41, lignes 13: Les blancs et gros panaches de leurs petits - chapeaux. - -Roguespine dit encore: - - Ils avaient, selon leurs coutumes, - Des chapeaux tout chargés de plumes. - -L'auteur du _Récit de la Farce des Précieuses_; Anvers (1660, p. 19), -dans le récit du costume de Mascarille, fait mention de son chapeau, -si petit «qu'il était aisé de juger que le marquis le portait bien -plus souvent dans la main que sur la tête.» Ce récit est de -mademoiselle Desjardin; il a été composé après la première -représentation des _Précieuses_, et avant que la pièce ne fût -imprimée. Il est en forme de lettre adressée à une dame dont le nom, -omis comme celui de l'auteur, était madame de Morangis. J'ai puisé ces -détails dans les manuscrits de Conrart qui sont à la bibliothèque de -l'Arsenal, no 902; on y trouve une copie du _Récit_, t. IX, p. 1017. - - Page 41, ligne 20: Chapelain. - -Le cardinal de Retz dit que Chapelain avait de l'esprit; et Retz -était bon juge en cette matière. (Voyez _Collection des Mémoires_ de -Petitot, t. XLIV, p. 158.) - - Page 41, ligne 22: L'abbé Bossuet, le petit abbé Godeau. - -L'abbé Godeau était parent de Conrart, et ce fut lui qui le produisit -à l'hôtel de Rambouillet.--Bossuet, né en 1627, n'avait que dix-sept -ans en 1644; mais on sait qu'il fut très-précoce, et l'on connaît le -mot de Voiture sur un sermon récité par lui à l'âge de seize ans à -l'hôtel de Rambouillet. - - Page 42, ligne 18: Voiture demeure dans cette rue. - -Voiture mourut rue Saint-Thomas du Louvre, le 27 mai 1648. - - Page 44, ligne 18: Afin de ne pas froisser ses canons. - -A l'époque du mariage de madame de Sévigné, on portait de grands -canons; on les portait moins longs lorsque Molière s'en moquait dans -_les Précieuses ridicules_, en 1659; puis huit ans après, lorsque _le -Misanthrope_ fut représenté en 1667, les grands canons redevinrent à -la mode. - -Molière a dit dans _l'École des Maris_, acte I, scène 1: - - Et de ces grands canons où, comme en des entraves, - On met tous les matins ses deux jambes esclaves, - Et par qui nous voyons ces messieurs les galants - Marcher écarquillés ainsi que des volants. - -La pièce de Molière fut donnée en 1661. L'auteur des _Lois de la -Galanterie_, que l'on trouve dans le _Recueil des pièces choisies en -prose_, publié en 1658, s'exprime exactement de la même manière: «Si -quelques-uns disaient encore autrefois qu'ils se formalisaient de ce -rond de botte fait comme le chapiteau d'une torche, dont l'on avait -tant de peine à conserver la circonférence, qu'il fallait marcher en -écarquillant les jambes, comme si l'on eût quelque mal caché; et si -depuis, ayant quitté l'usage des bottes, et porté de simples canons de -la grandeur d'un vertugadin, on en a fait de pareilles plaintes, -c'était ne pas considérer que ces gens qui observent ces modes vont à -pied le moins qu'ils peuvent. D'ailleurs, quoiqu'il n'y ait guère que -cela ait été critiqué, la mode est déjà changée. Les genouillières -rondes et étalées n'ont été que pour les grosses bottes, les bottes -mignonnes ayant été ravalées depuis jusqu'aux éperons, et n'ayant eu -qu'un bec rehaussé devant et derrière. Quant aux canons de linge qu'on -étalait au-dessus, nous les approuvions bien dans leur simplicité, -quand ils étaient fort larges et de toile de batiste bien empesée, -quoique l'on ait dit que cela ressemblait à une lanterne de papier, et -qu'une lingère du Palais s'en servit un soir, mettant sa chandelle au -milieu, pour la garder contre le vent. Afin de les orner davantage, -nous voulions dès lors que d'ordinaire il y eût double et triple rang -de toile, soit de batiste, soit de Hollande; et d'ailleurs cela était -encore mieux s'il s'y pouvait avoir deux ou trois rangs de point de -Gênes. Ce qui accompagnait le jabot devait être de même parure (p. 66 -et 67).... Depuis que, l'usage des bottes étant aboli, si ce n'est -pour aller à la guerre ou se promener aux champs, les grands canons -ont été en crédit, soit de toile simple, ou ornés de belles dentelles; -à quoi il fallut que les vrais galants se soient accoutumés, parce que -c'était un équipage magnifique, et que d'ailleurs cela servait -grandement à cacher la défectuosité de quelques jambes cagneuses ou -trop menues. Mais s'il arrive que maintenant la mode de ces canons se -passe, il faut que chacun porte des bas de soie..... L'on a aussi -porté des canons d'étoffe au lieu de ceux de toile.....» - -Scarron, continuant le portrait dont nous avons cité le commencement, -dit: - - Il avait deux canons, ou plutôt deux rotondes, - Dont le tour surpassait celui des tables rondes; - Il chantait en entrant je ne sais quel vieux air, - S'appuyait d'une canne, et marchait du bel air. - Après avoir fourni sa vaste révérence, - Se balançant le corps avecque violence, - Il me dit..... etc. - -Dans la description que fait Loret de son noble de province, il dit, -livre VII, p. 87, _lettre 22_, du 3 juin: - - Il portait en son haut de chausse - Des galons jusqu'à seize cent. - . . . . . . . . . . . . . . . . . . - Ce _nobilis_ voyait avec ravissement - Ses rubans de couleur exquise, - Et ses canons d'étoffe grise, - Qui de rondeur, chacun à part, - Avaient deux aunes et mi-quart. - . . . . . . . . . . . . . . . . . - De petits enfants à jaquette - Qui jouaient à cligne-musette: - Deux d'entre eux s'allèrent cacher - (Pour se faire longtemps chercher) - Sous les canons du gentil-homme. - . . . . . . . . . . . . . . . . . . - Ils étaient spacieux assez - Qu'on ne leur voyait pieds ni tête, etc. - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - Ma muse et moi nous maintenons - Que ces démesurés canons - Sont une extravagante mode, - Laide, embarrassante, incommode: - Cependant messieurs les coquets - Disent qu'outre leurs doux caquets, - Cet attirail est nécessaire - Pour ravir, pour charmer, pour plaire; - Que l'honneur, l'esprit, la vertu, - Sont estimés moins qu'un fétu - Dans l'empire des amourettes; - Et que pour dompter des coquettes, - Des Suzons, Fanchons et Nanons, - On ne le peut pas sans canons. - - Page 48, ligne 6: LA SÉPARATION. - -Ce rondeau ne se trouve pas dans la première édition de Voiture, 1650, -in-4º. C'est dans cette première édition qu'est le seul bon portrait -de Voiture; il est gravé par Nanteuil, d'après Philippe de Champagne. -Il y a eu une seconde édition de la même année, in-4º, corrigée et -augmentée. Celle que je cite, in-12, est la meilleure, et le rondeau -s'y trouve. - - Page 49, ligne 12: Parce qu'il est votre grand madrigalier. - -Conrart avait surnommé La Sablière le grand madrigalier français. Voy. -Ancillon, _Vie des Personnages célèbres_. - - Page 50, ligne 1: De toutes les façons, etc. - -Dans les éditions de Montreuil, cette pièce y est intitulée _Pour -madame de Sévigny jouant à colin-maillard_ (on écrivait alors Sevigny -au lieu de Sévigné; Scarron et Bussy-Rabutin n'écrivent pas -autrement). Dans le recueil de Sercy, où cette pièce avait paru -d'abord, le nom de madame de Sévigné ne se trouve pas. Les Å“uvres de -Montreuil contiennent en outre deux lettres adressées par lui à madame -de Sévigné, pag. 5, 107 de l'édit. 1666, et 4 et 72 de l'édit. de -1671. Il faut que les éditeurs de madame de Sévigné n'aient point -connu ces lettres, puisqu'ils ne les ont pas, selon leur plan, -réimprimées avec les siennes. La seconde édition du recueil de -Montreuil ne paraît être qu'une réimpression de la première: elle est -seulement moins belle. La meilleure pièce de Montreuil n'est point -dans ce recueil: c'est son épître à Martin Pinchesne, qu'il a imprimée -dans les Å“uvres de ce dernier après la mort de l'auteur. On a souvent -confondu Mathieu Montreuil avec Jean Montreuil, son frère aîné, qui -fut un des plus jolis hommes de France. (Retz, _Mém._, t. XLV, p. 181 -et 191.) Ce dernier fut très-utile à la cause des princes, par son -esprit et son adresse; il fut reçu de l'Académie Française, et mourut -à trente-sept ans. Petitot, ou l'ancien éditeur des Mémoires de Joly, -_Collection des Mémoires_, t. XLVII, p. 107, confond, dans une de ses -notes, Mathieu avec Jean. (Voy. Pellisson, _Hist. de l'Académie -Française_, 1729, in-4º, p. 261 à 265). Il paraîtrait, d'après un -passage des _Mém. de Conrart_, t. XLVIII, p. 57, que Montreuil -l'académicien a été secrétaire des commandements de MADAME, femme de -Gaston. - - Page 51, lignes 9 et 10: Faisons encore jouer madame de Sévigné - à colin-maillard. - -Le jeu de colin-maillard, qui nous paraît si enfantin, était alors -fort à la mode parmi les gens du grand monde. Le comte de Gramont, -dans ses Mémoires, parle du goût de mademoiselle Stewart pour ce jeu. -La mode le maintint longtemps en vogue. Loret, dans sa _Muse -historique_, liv. III, p. 7, lettre 2, du 14 janvier 1652, en parlant -des divertissements qui se donnent chez MADEMOISELLE, dit: - - Enfin, en ce palais d'honneur - On a ce merveilleux bonheur - De s'y réjouir d'importance; - Et, mieux que pas un lieu en France, - Comédie, bal, en tout temps, - Y rendent les esprits contents. - Au chagrin on y fait la moue, - Et tous les soirs presque on y joue - A ce jeu plaisant et gaillard - Qu'on appelle colin-maillard. - -Louis XIV aimait ce divertissement dans sa jeunesse. Un jour qu'il y -jouait chez madame de Puisieux, il mit son cordon bleu autour de -Puisieux pour mieux se déguiser; et cela plus tard fit nommer Puisieux -chevalier des ordres. Saint-Simon, t. IV, p. 288 (chapitre 24). - - Page 52, ligne 16: Des fauteuils, des chaises et des placets. - -J'ai fait mention des placets, ci-dessus, page 41, ligne 17. - -Boileau a dit dans sa satire: - - Saint-Amand n'eut du ciel que sa veine en partage: - Un lit et deux _placets_ composaient tout son bien. - -Dans le Lutrin: - - En achevant ces mots, cette amante enflammée - Sur un _placet_ voisin tombe demi-pâmée. - -Brienne dit, p. 203: «Cependant la reine me fit donner un _placet_.» -Et p. 218: «Mon père....., comme il ne pouvait se tenir debout, -s'asseyait sur un _placet_ qui était au bout de la table.» - - Page 53, lignes 9 et 10: _Théodore vierge et martyre_, - tragédie chrétienne. - -C'est de cette tragédie que Voltaire a dit qu'il n'y avait rien de si -mauvais. Il a épuisé à son égard les expressions les plus dures que le -mépris et le dégoût peuvent inspirer. Sa critique est outrée, et on -aurait d'après elle une fausse idée de la pièce. On la lit sans ennui; -Corneille s'y retrouve assez souvent. Elle eut du succès en province, -mais n'en eut aucun à Paris. Elle a été bien appréciée par François de -Neufchâteau. - - Page 55, ligne 8: Tout le monde dirigea ses regards sur - l'ecclésiastique adolescent. - -Bossuet fut introduit à l'hôtel de Rambouillet par le marquis de -Feuquières, et y prêcha un sermon à l'âge de seize ans. Il vint à -Paris en 1642, et ce ne fut que postérieurement qu'il alla résider à -Metz, pour y achever ses études ecclésiastiques. - - -CHAPITRE VI. - - Page 59, ligne 6: Un _honnête homme_. - -Voici comment s'exprime l'auteur des _Lois de la Galanterie_ à -l'endroit cité: «Il faut que chacun sache que le parfait courtisan que -le comte Balthazar de Chastillon a voulu décrire en langage italien, -et l'honnête homme que le sieur Faret a entrepris de dépeindre en -français, ne sont autre chose qu'un vrai galant.» Le mot _gentleman_ -en anglais correspond à plusieurs de ces significations vagues, et à -nuances diverses, du mot honnête homme dans le siècle de Louis XIV. - - Page 60, ligne dernière: Boileau l'a cependant employée depuis. - -Boileau a dit dans une de ses épîtres, longtemps après madame de La -Fayette: - - Les yeux, d'un tel discours faiblement éblouis, - Bientôt dans ce tableau reconnaîtraient Louis. - -Le poëte Lebrun a fait sur ces vers la remarque suivante: «Des yeux -éblouis d'un discours, c'est-il bien français? On n'est point ébloui -de ce qu'on ne voit pas. M. Auger s'étonne avec raison d'une telle -critique de la part d'un poëte, et répond que chaque jour on emprunte -des mots à un ordre de sensations, pour les appliquer à un autre. Mais -l'expression de madame de La Fayette, quoique en apparence semblable, -est tout autre et bien plus hardie que celle de Boileau; car c'est -réellement, et non pas au figuré, qu'elle affirme que madame de -Sévigné, par sa conversation, éblouissait les yeux. - - Page 63, ligne 19. - - Ma plume, pour rimer, rencontrera Ménage. - -Presque tous les commentateurs de Boileau ont commis une erreur, -lorsqu'ils ont dit que ce vers et celui qui le précède n'avaient -existé qu'en manuscrit. Cette satire adressée à Molière parut pour la -première fois dans le _Recueil de Vers choisis_, imprimé en 1665, sans -nom de ville ni d'imprimeur, avec une sphère sur le titre. Les vers -sur Ménage s'y trouvent tels que nous les avons rapportés. - - Page 63, ligne 23: Substitua l'abbé de Pure. - - Si je veux d'un galant dépeindre la figure, - Ma plume, pour rimer, rencontrera de Pure. - -Voyez _Nouveau Recueil_, etc., 1665, in-12, p. 24. - - Page 68, ligne 3: L'interprétation que nous leur avons donnée. - -M. Monmerqué (t. I, p. 39) fixe la date de la lettre que j'ai citée à -l'année 1655: je la crois postérieure. Cette lettre se rattache à -celle du no 29, p. 55, et à celle qui a été publiée dans les _Mémoires -de Coulanges_, p. 323; ce qui doit faire croire qu'il y est question -de Servien, et non de Fouquet. De même, la lettre du 12 janvier, t. I, -p. 16, que nous avons citée en second, classée par M. Monmerqué sous -l'année 1654, nous paraît devoir être placée sous l'année 1652, -lorsque madame de Sévigné revint de Bretagne après son veuvage, -Conférez Loret, _Muse historique_, t. I, p. 157, en date du 19 -novembre 1651. - - Page 70, note 2: BUSSY, _Histoire amoureuse des Gaules_. - -L'édition que j'ai citée dans cette note et dans plusieurs autres me -paraît être l'édition originale du fameux ouvrage de Bussy. Elle est -in-18, sans date, sans nom de libraire ni d'imprimeur, et ayant -seulement une croix de Saint-André sur le frontispice. L'ouvrage -commence au haut de la page, sans que le titre soit répété. La -pagination se suit jusqu'à la page 190, puis elle recommence à -l'histoire d'Ardelise jusqu'à la page 69, et ensuite il y a une clef. -Le caractère est beau et semblable à celui des Elzevirs. Il y a du -même ouvrage une autre édition pareillement indiquée comme étant -imprimée à Liége, sans date ni nom d'imprimeur, mais avec un grand -fleuron triangulaire sur le frontispice: ce volume, moins bien imprimé -que le précédent, a 208 pages, sans la clef; la pagination se suit, et -l'historiette de Ménage est à la page 189. Barbier a commis une faute -grave, dans son Dictionnaire des Anonymes, en confondant, t. I, p. 46, -l'_Histoire amoureuse des Gaules_ de Bussy avec le recueil intitulé: -_les Amours des Dames de notre siècle_, recueil de libelles composés -par différentes mains, la plupart de Sandraz de Courtils. A la vérité, -dans l'édition de 1754, en 4 volumes, on a compris toutes ces petites -chroniques scandaleuses sous le titre général d'_Amours des Gaules_, -et on a attribué le tout à Bussy; mais il n'y a de lui dans ces 4 -volumes que le 1er; et cette édition de ses _Amours des Gaules_, -quoique la plus connue, n'est pas bonne. Nous reviendrons sur ce -recueil au sujet d'une autre édition, où les vrais noms sont mieux -indiqués que dans l'édition de 1754, et que nous avons découverte -depuis. Nous prouverons aussi que les _Amours des Gaules_ de Bussy ont -été composées en 1659 et 1660, mais n'ont été imprimées qu'en 1662. -Les diverses pièces renfermées dans le recueil intitulé _les Amours -des Dames de notre siècle_ sont toutes postérieures à cette époque. -(Voyez la IIIe partie de ces _Mémoires_, p. 445.) - - Page 75, ligne 10: Telle était Montreuil. - - On ne voit point mes vers, à l'envi de Montreuil, - Grossir impunément les feuillets d'un recueil. - - BOILEAU, _satire_ VII. - -M. de Saint-Surin, dans son commentaire, a dit à tort que le Montreuil -dont parle Boileau fut de l'Académie Française. Il le confond avec son -frère, qui en fut, et mourut en 1650 sans avoir rien publié. -Pellisson, dans son _Histoire de l'Académie Française_, et Saint-Marc, -probablement d'après Pellisson, prétendent que le véritable nom est -Montreul. Cela se peut; mais dans les deux éditions que Mathieu -Montreuil a publiées lui-même de ses ouvrages, l'i s'y trouve; il y a -Montreüil, et jamais Montreul. Voyez _OEuvres de Montreuil_, édit. -1666, p. 5, et édit. 1671, p. 4. - - Page 75, ligne dernière: Ce chansonnier de la Fronde, gros, court. - -Le poëte Saint-Amand, dans son poëme sur la Vigne, s'exprime ainsi sur -Marigny, dont il était l'ami: - - Marigny, rond en toute sorte, - Qui parmi les brocs te transporte, - Et dont l'humeur, que je chéris, - M'a pu faire quitter Paris. - -La petite seigneurie de Marigny était située près de Nevers. - - Page 76, ligne 11: Saint-Pavin, le petit bossu. - -Le nom de Saint-Pavin était Denis Sanguin de Saint-Pavin. Titon du -Tillet (_Parnasse Français_, 1722, in-folio, p. 298) nous apprend que -de son temps la maison de Saint-Pavin appartenait au duc de Lorges. Je -ne sais où M. Durozoir (_Biographie universelle_, t. XL, p. 36) a -trouvé que Saint-Pavin le poëte avait été pourvu de l'abbaye de Livry, -et qu'il avait précédé l'abbé de Coulanges à cette abbaye. Je crois -qu'il a confondu avec le poëte Saint-Pavin Denis Sanguin de -Saint-Pavin, évêque de Senlis, qui en effet fut pourvu de l'abbaye de -Livry après, et non avant, l'abbé de Coulanges. L'abbé Le BÅ“uf dit -avoir vu dans l'église Notre-Dame de Livry la tombe d'un M. Sanguin, -seigneur de Livry, mort en 1650. C'était peut-être celle de Christophe -Sanguin, seigneur de Livry. (Voyez _Histoire du Diocèse de Paris_, t. -VI, p. 197.) M. Gault de Saint-Germain, dans une note sur les Lettres -de madame de Sévigné, t. III, p. 275, a dit que Saint-Pavin était abbé -de Livry; et c'est probablement dans cet auteur, si rempli -d'inexactitudes, que M. Durozoir aura puisé ce fait. - - Page 77, ligne 11: Amenant avec lui ses compagnons de plaisir. - -Parmi les joyeux convives qui fréquentaient le plus la maison de -Saint-Pavin et venaient avec lui chez l'abbé de Coulanges, madame de -Sévigné nomme Saint-Germain. - - Page 79, ligne 7: Sont faits égaux comme de cire. - -Vers de Marot dans l'épigramme qui commence ainsi: - - Monsieur l'abbé et monsieur son valet - Sont faits égaux tous deux comme de cire. - -Page 79, avant-dernière ligne: Les éloges que dans la suite Boileau. - - Que Segrais, dans l'églogue, en charme les forêts. - - -CHAPITRE VII - - Page 85, ligne 4, note 1. - -«Les quatre grands diseurs de bons mots de notre temps, dit Ménage, -étaient Angevins: M. le prince de Guémenée, M. de Beautru, M. le comte -de Lude, et M. le marquis de Jarzé.» - - Page 88, ligne 14: Une ode de Racan adressée au père de Bussy. - -Nous citerons ici une belle strophe de cette ode de Racan, dont Bussy, -puisqu'il l'admirait tant, aurait dû profiter. - - Que sert aux courtisans ce pompeux appareil, - Dont ils vont dans la lice éblouir le soleil, - Des trésors de Pactole? - La gloire qui les suit après tant de travaux - Se passe en moins de temps que la poudre qui vole - Du pied de leurs chevaux. - -Bussy fut reçu à l'Académie Française en 1665, à l'âge de -quarante-sept ans. - - Page 91, ligne 9: Agé de près de vingt ans. - -Bussy naquit à Épiry, en 1618; il eut quatre frères, et par leur mort -il resta l'unique rejeton de la descendance mâle des Rabutins dans la -branche cadette. Il entra dans la carrière militaire en 1634, et se -distingua au siége de La Motte en Lorraine. Il fut fait mestre de camp -d'infanterie en 1638, après trois campagnes. C'est en 1644 qu'il -acheta 12,000 écus la lieutenance des chevau-légers. C'était la -compagnie d'ordonnance de Henri de Bourbon, prince de Condé, -gouverneur de Bourgogne, père du grand Condé. C'est aussi en 1644 que -le père de Bussy mourut, et que, par la protection du prince de Condé, -il devint lieutenant du roi en Nivernais; il fit le 18 février 1645 -son entrée dans cette province. - - Page 91, ligne 11: Qui comptait environ vingt-cinq ans. - -Bussy dit dans ses _Mémoires_ (t. I, p. 3, édit. in-12) qu'il est né à -Épiry, le vendredi saint, troisième avril 1618. Selon Monmerqué, on -devrait lire, d'après un manuscrit, le treizième d'avril: différence -peu importante. Cette date est confirmée par le tableau généalogique -des Rabutins, extrait de la bibliothèque de Dijon, publié dans les -_Lettres inédites_ (Paris, 1819, in-12), et aussi par son épitaphe, -composée par la comtesse d'Alets, qui donne à son père soixante-quinze -ans au moment de sa mort, arrivée le 9 avril 1693. Cependant Bussy, -dans ses Mémoires, dit, sous la date de 1638, en marge (t. I, p. 38 de -l'édit. in-12, et p. 47 de l'édit. in-4º): «Ma maîtresse avait -vingt-cinq ans; je n'en avais guère plus de seize;» et en 1640, -suivant toujours le même système, il ne se donne que dix-huit ans, et -il dit (t. I, p. 54 de l'édit. in-12, ou t. I, p. 67 de l'édit. -in-4º): «Avec tout cela, une femme de quinze ans n'en peut guère -savoir plus qu'elle n'en savait; pour moi, qui en avais dix-huit, -j'étais bien plus habile.» La marge porte en cet endroit 1640. Le -premier éditeur des Mémoires de Bussy s'est aperçu de cette -contradiction, et a cherché à y remédier dans l'errata. Il a corrigé -pour la page 3, c'est-à -dire à la date de la naissance, 1622 au lieu -de 1618; et à la page 6 il met dans le texte, en toutes lettres, «plus -de vingt» au lieu de plus de dix-huit. Ces deux corrections se -contredisent; il y en a une évidemment fausse. La première est pour -faire concorder la date de seize ans que Bussy se donne à la page 47, -et dont l'éditeur ne parle pas: et en effet, s'il était né en 1622, il -n'aurait eu que seize ans en 1638. La seconde correction, au -contraire, est pour faire concorder la date de la page 63 avec celle -qui a été donnée à la page 3 pour la naissance; car, né en 1618, Bussy -en 1640 avait vingt-deux ans, et non dix-huit, comme il le dit; mais -s'il était né en 1622, il n'en avait plus que dix-huit. On doit se -rappeler que les Mémoires de Bussy n'ont paru qu'en 1696, trois ans -après sa mort. S'il les avait publiés lui-même, il aurait achevé de -les rédiger, et il eût fait disparaître ces contradictions. C'est -probablement d'après ces erreurs de l'éditeur (qui est, je crois, le -père Bouhours) qu'Auger, dans son article Bussy (_Biographie -universelle_, t. VI, p. 374), fait débuter Bussy dans la carrière -militaire à l'âge de douze ans, ce qui est invraisemblable; il fit, au -contraire, des études brillantes et complètes, qui ne furent terminées -qu'à seize ans. Il ne commença sa carrière militaire, au siége de La -Motte en Lorraine, qu'en 1624. Mais je m'aperçois qu'Auger a puisé -cette erreur dans la notice de Grouvelle sur Bussy-Rabutin (Lettres de -Sévigné, édition d'Herhan; 1811, in-12, t. I, p. 134.) - - Page 91, ligne dernière: François de L'Hospital.--Et page 92, ligne 12: - - Elle vécut avec Louis de Lorraine. - -François de L'Hospital, comte de Rosny, seigneur du Hallier, fut abbé -de Sainte-Geneviève et évêque de Meaux, sous Henri IV; il fut fait -maréchal de France le 23 avril 1643, et mourut le 20 avril 1660, âgé -de soixante-dix-sept ans; il était donc né en 1583, et avait -cinquante-cinq ans lors de la visite que lui fit Bussy en 1638. Sa -première femme, Charlotte des Essarts, était fille unique de François -des Essarts, seigneur de Sautour, qui fut tué à Trèves, en 1590. Ce -fut vers cette époque qu'elle vécut avec Henri IV. Elle en eut deux -filles légitimées, qui eurent le titre de princesses. La première, -Jeanne-Baptiste de Bourbon, mourut abbesse de Fontevrault, le 16 -juillet 1680; la seconde, abbesse de Chilly, le 10 février 1680; elle -se nommait Marie-Henriette de Bourbon. On a prétendu que Charlotte des -Essarts avait été mariée clandestinement au cardinal de Guise, par -contrat de mariage du 4 février 1611. Ce fait est probable. Il en eut -cinq enfants: trois garçons et deux filles. La seconde, Louise de -Lorraine, dame de Romorantin, dont il est question dans les Mémoires -de Bussy, épousa, le 24 novembre 1639, Claude Pot, seigneur de Rhodes, -grand maître des cérémonies de France. Elle mourut sans enfants, à -Paris, le 15 juillet 1652. Il en sera souvent fait mention dans cet -ouvrage. La Borde (t. II, p. 200 de son édition _des Amours du grand -Alcandre_) inscrit deux fois, comme deux enfants différents, Louise de -Lorraine, dame de Romorantin, et Louise de Lorraine, sans titre. C'est -une erreur: il n'y en a qu'une. Le même confond les enfants de Henri -IV avec ceux du cardinal de Guise. Charlotte des Essarts, ou la -maréchale de L'Hospital, étant morte le 8 juillet 1651, le maréchal de -L'Hospital se remaria à Claudine-Françoise Mignot, fille d'une -herbière du Brachet, près de Grenoble, et alors veuve de Pierre de -Portes, trésorier de la province du Dauphiné. Ce mariage se fit le 24 -août 1653. Après la mort du maréchal de L'Hospital, Claudine Mignot se -remaria une troisième fois, dans son hôtel, à Paris, rue des -Fossés-Montmartre, le 4 novembre 1672, à Jean-Casimir, autrefois roi -de Pologne, et alors abbé commendataire de Saint-Germain des Prés, de -Saint-Saurin à Évreux, et d'autres abbayes, et qui mourut le 16 -décembre suivant. Claudine Mignot vécut jusqu'au 30 novembre 1711. - - Page 94, ligne 11: Plus jeune que lui. - -Bussy dit cependant: «Mademoiselle Romorantin avait vingt ans, et je -n'en avais pas dix-sept.» Mais il nous apprend que ce fut en 1639 -qu'il passa l'hiver à Chalons. Né en 1618, il avait donc alors vingt -et un ans. On comprend cette préoccupation de Bussy, qui le porte à se -rajeunir toujours de trois ou quatre ans. Toutes les faiblesses qui -tiennent à l'orgueil ou à la vanité, il les avait. - - Page 98, ligne 4: Elle devint veuve en 1650. - -Pendant les grandes intrigues de madame de Rhodes à Paris, Bussy en -était absent, et suivait un autre parti. Fort liée avec mademoiselle -de Chevreuse, dont elle favorisa les amours avec le cardinal de Retz, -madame de Rhodes fut sur le point d'épouser, par l'entremise de -mademoiselle de Chevreuse, le président de Bellièvre. - - Page 101, ligne dernière: Bussy épousa peu de temps après - mademoiselle de Toulongeon. - -Bussy épousa Gabrielle de Toulongeon, fille d'Antoine de Toulongeon, -gouverneur de Pignerol, et de Françoise de Rabutin, fille du baron de -Chantal, à Alonne près d'Autun, le 28 mai 1643. - - -CHAPITRE VIII. - - Page 116, note 1. - -Je remarque que quoique les Mémoires de Bussy n'aient été imprimés -qu'en 1696, c'est-à -dire deux ans après son _Discours à ses Enfants_, -le nom de madame de Sévigné, qui était en toutes lettres dans le -Discours, se trouve en blanc dans les Mémoires. - - -CHAPITRE IX. - - Page 119, ligne 3 du texte: Il eut la douleur de perdre sa femme. - -Dans la généalogie de Marie de Rabutin par le comte de Bussy, publiée -dans les _Lettres inédites de madame de Sévigné_ (1819, p. 18), qui a -été reproduite par M. Gault de Saint-Germain dans son édition de -_Sévigné_ (t. I, p. 72), on place la mort de Gabrielle de Toulongeon -en 1648. C'est évidemment une erreur, qui tient à ce que les Mémoires -de Rabutin portent en marge dans cet endroit l'année 1648; mais -l'auteur dit dans son texte que trois jours après il apprit aussi la -mort du prince de Condé; et cette mort eut lieu le 28 décembre 1646. - -M. Weiss, dans la _Biographie universelle_ (t. IX, p. 391), indique -une date un peu différente; mais cette différence ne provient que de -celle qui existe entre l'ancien et le nouveau calendrier; il paraît, -d'après cela, que Gabrielle Toulongeon mourut vers le 15 décembre -1646. - - Page 120, ligne 24. - -Le _lambel_ dont madame de Sévigné parle dans cette lettre est une -barre crénelée qu'on met dans les armoiries, pour indiquer une branche -cadette ou collatérale. Ainsi la maison d'Orléans avait les mêmes -armes que le roi de France, les trois fleurs de lis, mais surmontées -d'un _lambel_. - - -CHAPITRE X. - - Page 125, ligne 16: D'un vieux bourgeois nommé le Boccage, - propriétaire d'un domaine. - -D'après le nom du personnage, il est évident que ce domaine était -celui de Lagrange au Bocage, à quatre lieues et demie de Sens et à -quatre lieues au nord-est de la commanderie de Launay, nommée Lanny, -par erreur du graveur, sur la carte de Cassini. Il y a un court -article sur cette commanderie dans le grand Dictionnaire de la France -d'Expilly. - - Page 125, ligne 27: Et, de plus, millionnaire. - -Bussy dit qu'elle avait quatre cent mille écus de bien, c'est-à -dire -deux millions quatre cent mille livres, monnaie de cette époque. C'est -près de cinq millions de notre monnaie actuelle. - - Page 127, ligne 26: Qu'ils restaient toujours impunis. - -Le père du comte de Chavagnac, despote altier, voulait, comme ancien -chef huguenot, forcer son fils à épouser la veuve d'un M. de Montbrun, -fille de Courval, et très-riche héritière. Il la fit enlever, au nom -de son fils, par quinze gentils-hommes de ses amis ou vassaux. Elle -était vieille et laide, et sans esprit; elle voulut réclamer, intenter -un procès, et protester contre un mariage fruit de la force: celui -qu'on voulait lui faire épouser ne désirait pas plus qu'elle-même ce -mariage. Chavagnac parvint à contraindre son fils, aussi bien que la -veuve, en menaçant de se porter contre tous deux à de plus grandes -violences; et le mariage fut maintenu. - - Page 129, note 1: L'ABBÉ DE CHOISY, _Vie de Madame de Miramion_. - -L'édition in-12 de la _Vie de madame de Miramion_ (1707) n'est que la -réimpression de l'in-4º, accompagnée d'un beau portrait de cette dame, -par Edelinck, qui a été réduit par le même graveur dans l'édition -in-12. - - Page 132, ligne 26: Grand-père du mari qu'elle avait perdu. - -Ce M. de Choisy, conseiller d'État, était un des frères du père de -l'abbé de Choisy, l'auteur des _Mémoires_, puisqu'il est dit page 19 -de la _Vie de madame de Miramion_, que lui, abbé de Choisy, était -cousin germain de madame de Miramion, c'est-à -dire de son mari. - - Page 133, ligne 23: Sur la route qui conduit de Saint-Cloud au - mont Valérien. - -Bussy désigne très-exactement l'emplacement où se trouvait posée sa -petite troupe. C'était «au-dessus du jardin de madame du Tillet, que -Philippe de France acheta pour agrandir le sien.» Ainsi, cet -emplacement doit être actuellement renfermé dans le parc de -Saint-Cloud. - - Page 134, ligne 9: Avant d'entrer dans le bois de Boulogne. - -C'est ainsi que s'exprime Bussy; ce qui prouve que dès lors la route -directe de Saint-Cloud à Issy, qui oblige de passer deux fois la -rivière, était déjà pratiquée, et qu'il y avait un bac vis-à -vis le -_Point du Jour_. - - Page 138, ligne 3: Un chevalier de Malte. - -Il est probable que ce chevalier était Guy de Rabutin, le dernier des -frères suivants de Bussy, qui mourut au Temple, un an après cet -enlèvement de madame de Miramion. - - -CHAPITRE XI. - - Page 150, ligne 8 du texte: Au nord de Montargis. - -L'abbaye de Ferrières se trouve à peu de distance de la jonction du -Loing avec une petite rivière nommée Cléry. Il est dit dans la _Gallia -Christiana_, t. XII, p. 160: «_Ferrariæ a ferri venis, e quibus -elicitum olim metallum, nomen videntur invenisse; Ferrariæ positus est -locus in Wastiniensi pago_ (le Gâtinais), _ad Clarisam amnem, in -Lupum_ (le Loing) _influentem; tribus admodum leucis ab urbe Montis -Argivi_.» - - Page 151, ligne 1: Dont il fut fait évêque. - -Jacques de Nuchèze naquit en 1591, le 26 octobre, de Jacques Nuchèze, -baron de Bussy-les-Francs, et de Marguerite Fremyot, sÅ“ur de sainte -Chantal. Il fut nommé évêque comte de Châlons en 1624, et mourut en -mai 1652, âgé de soixante-six ans et six mois, après avoir occupé -trente-trois ans le siége de Châlons-sur-Saône, dont il fut le -soixante-dix-neuvième évêque. - - Page 154, ligne 13: La belle terre de Savigny-sur-Orges. - -Conférez Le BÅ“uf, _Histoire de Diocèse de Paris_, t. XII, p. 70, et -Monmerqué, _Sévigné_, t. II, p. 180. Cette terre de Savigny, qui avait -appartenu au comte de Montrevel, devint la propriété du marquis de -Vins, qui la possédait en 1708. Le comte du Luc, héritier de la -marquise de Vins, a depuis eu cette terre, et y est décédé, en juillet -1740. - - -CHAPITRE XII. - - Page 166, ligne 15: La reine est si bonne. - -Ce mot est de La Feuillade, le père de celui qui fut à la cour de -Louis XIV, et auquel nous devons la place des Victoires. - - Page 180, ligne 28: Et le marquis de Sévigné. - -Conrart dit: «Le marquis de Sévigné était étrangement frondeur, comme -parent du coadjuteur.» Mais dans la phrase suivante Conrart a commis -une erreur, que son savant éditeur, M. Monmerqué, a relevée. - - Page 161, ligne 17. - -Ce fut le 13 septembre que la reine se retira à Ruel. Ce château était -celui que le cardinal de Richelieu avait laissé à sa nièce, la -duchesse d'Aiguillon. - - Page 181, ligne 19: Ramena la reine à Paris. - -«La reine, dit madame de Motteville, partit de Saint-Germain pour -revenir à Paris la veille de la Toussaint.» - - -CHAPITRE XIII. - - Page 184, ligne 28: Au premier jour de l'an mil sept cent - quarante-neuf. - -Il faut corriger le second vers de cette petite pièce, et changer les -mots de _mil sept cent soixante-neuf_ en ceux de _mil sept cent -quarante-neuf_, faute qui se trouve dans les Å“uvres de Marigny et -dans le _Recueil des plus belles Pièces des Poëtes français_, chez de -Sercy. Cela est démontré par le recueil de Sercy, où cette pièce a été -imprimée pour la première fois, en 1653. On voit par là combien une -seule faute d'impression peut jeter de confusion dans les recherches -historiques, combien il est essentiel de toujours recourir aux -éditions originales, et de se défier des réimpressions. Le mot -_franchise_ signifiait liberté à cette époque. Il y en a des exemples -sans nombre. - - Page 190, ligne 5: Le lendemain du jour qui suivit le départ de - cette lettre. - -L'attaque de Charenton eut lieu le 8 février. Le départ de Bussy de -Saint-Denis eut lieu le 6 et non pas le 10, comme on a mis par faute -d'impression dans les _Mémoires de Bussy_. Comme la lettre qu'il -adressa à madame de Sévigné est antérieure d'un jour à ce départ, elle -doit porter la date du 5 février, au lieu du 15. Ni le P. d'Avrigny, -dans son ouvrage sur le règne de Louis XIV, ni aucun des éditeurs des -lettres de madame de Sévigné, ne se sont aperçus de cette -contradiction; tous ont reproduit les erreurs de chiffres que -l'imprimeur ou les copistes ont introduites dans les _Mémoires de -Bussy_. - - Page 191, ligne 4: La lettre suivante pour madame de Sévigné. - -Je rectifie encore ici les dates des lettres de Bussy, que les -éditeurs de ses _Mémoires_ et, par suite, ceux des _Lettres de madame -de Sévigné_, ont altérées. En effet, au lieu des 25 et 26 mars pour -ces deux lettres, il faut 5 et 6 mars. Nous savons, par les _Mémoires -de Monglat_, t. L, p. 159, et _d'Omer Talon_, t. LXI, p. 424, que la -ville de Brie-Comte-Robert fut pillée le 27 février, et que son -château se rendit le 28. Bussy dit que cette expédition ne dura que -huit jours, et qu'il écrivit à sa cousine, au sujet de ses chevaux, -aussitôt après son retour; ce qui nous porte juste au 5 mars, le mois -de février n'ayant que 28 jours. D'ailleurs, il parle, dans sa lettre, -de la paix comme entravée par les négociations et n'étant pas encore -conclue. S'il avait écrit le 26 mars, il n'aurait pas ignoré que cette -paix était signée depuis quinze jours. Aucun des éditeurs de _Madame -de Sévigné_ n'a soupçonné cette erreur, et la correction doit être -faite dans toutes les éditions. - - Page 195, ligne 20: Les projets de mariage... - -Pendant son voyage à Dijon, Bussy voulut épouser la fille du président -B***; mais il prétend que L*** (probablement Lenet) fit manquer -l'affaire. - - -CHAPITRE XIV. - - Page 108, ligne 21: Telle était son intention; mais le soir même... - -Bussy dit que cette conversation qu'il eut avec le prince de Condé eut -lieu le mardi, et que l'arrestation des princes se fit le même jour; -mais tous les Mémoires du temps placent au 18 cette arrestation. Il y -a donc erreur de date dans Bussy. Ses _Mémoires_ en renferment de plus -fortes, et nous en avons signalé quelques-unes. - - Page 203, ligne dernière: Son mariage projeté avec Louise de - Rouville. - -Louise de Rouville, que Bussy-Rabutin épousa en secondes noces, était -fille du second lit de Jacques de Rouville (chevalier d'honneur de -madame la duchesse de Montpensier) et d'Isabelle de Longueval. - - -CHAPITRE XV. - - Page 214, ligne 21: Le poëte Marlet. - -Guy-Patin le nomme Morlet. Sa satire était intitulée: _la Custode du -Lit de la Reine_. - - Page 220, note 1: _Le Secret, ou les véritables causes_, etc. - -Cet écrit, peu connu, qui parut presque aussitôt après la sortie des -princes, dévoile toutes les intrigues de la cour aussi complétement -que l'ont fait les Mémoires que l'on a publiés depuis. On y trouve, -page 45, la phrase latine que le coadjuteur improvisa dans une séance -du parlement, comme étant une citation de Cicéron. - - Page 221, ligne dernière: Sévigné, de race frondeuse. - -Loret écrit Cevigny, et ailleurs Sevigny; c'est de cette dernière -manière qu'on écrivait alors habituellement ce nom. - - Page 221, lignes 20 et 21: Sa protectrice mademoiselle de - Longueville. - -Elle était fille du duc de Longueville et de Louise de -Bourbon-Soissons, sa première femme. Formée à l'hôtel de Rambouillet, -elle partagea sa vie entre la culture des lettres et l'administration -de ses grands biens. Elle occupait à Paris, de moitié avec la -princesse de Carignan, sa tante, ce magnifique hôtel de Soissons qui a -été abattu, et que la halle aux blés a remplacé. Loret, liv. I, p. 9, -nous apprend que la duchesse de Nemours était blonde. Le château de -Trie, près de Coulommiers, lui appartenait. Elle mourut en 1707, à -quatre-vingt-six ans. Saint-Simon raconte différemment des autres -auteurs l'anecdote piquante du confesseur. - - -CHAPITRE XVI. - - Page 225, note 3: COSTAR, _Lettres_. - -Le premier recueil des Lettres de Costar, publié par Costar lui-même, -est dédié à Fouquet. Dans sa préface, il parle «des faveurs -continuelles dont il a eu la bonté de le prévenir.» Le vrai nom de -Costar était Coustart. Voyez à ce sujet le _Ménagiana_ et la lettre -que Costar adressa à son cousin de Coustart, part. II, p. 773, lettre -23; et la _Vie de Costar_, t. VI, p. 233 des _Historiettes_ de -Tallemant des Réaux, édit. in-8º. - - Page 225, ligne 18: Leur château de Champiré près Segré; et - p. 226, ligne 1: Renaud de Sévigné. - -Costar écrit Sévigny, comme tous ceux de son temps. Il reproche -galamment à mademoiselle de Lavergue d'avoir la bouche trop -petite.--Aucun livre n'est inutile: après avoir cherché Champiré dans -le dictionnaire de la poste aux lettres et dans tous les dictionnaires -de géographie de la France les plus amples, j'ai trouvé dans le -_Journal de la Mode_, ou _Revue du Monde élégant_, quatrième année, -douzième livraison, à la p. 32, dans la liste des souscripteurs pour -ces deux filles héroïques, Marie Bossy et Charlotte Moreau, «le comte -de Narcé, au château de Champiré, près Segré.» Nul doute que ce -château ne soit celui qui a appartenu à Renaud de Sévigné. - - Page 226, ligne 14: Qu'à la sérieuse et savante comtesse - de La Fayette. - -Auger et M. de Saint-Surin font naître madame de La Fayette en 1632; -mais Grouvelle, dans son édition des _Lettres de madame de Sévigné_, -l'auteur de la notice sur madame de La Fayette dans la _Galerie -Française_, et celui de la Collection des meilleurs romans -(Dauthereau, 1827, in-18), la font naître en 1633. - - Page 228, ligne 26: Une satire intitulée _la Mazarinade_. - -Le passage de Guy-Joly prouve que _la Mazarinade_ fut écrite en 1649. - - Page 229, ligne dernière: Mais à la mode du Marais. - -Cette sÅ“ur de Scarron, qui fut maîtresse du marquis de Tresme, était -fort belle. Scarron avait une autre sÅ“ur. Une des deux aimait le vin. - - Page 230, ligne 3: Qui mourut dans le cours de l'année 1650. - -Denon, conteur aimable, espiègle et spirituel, a fait à M. de -Saint-Aulaire un récit sur Marion de Lorme, que l'historien de la -Fronde a pris au sérieux, et qu'il a de bonne foi inséré dans son -histoire, t. I, p. 58, et t. III, p. 51, parmi les pièces -justificatives. Je parle de la première édition de cet ouvrage. On en -a fait depuis une seconde: j'ignore si cette anecdote y a été -reproduite. - - Page 230, ligne 5: Afin de ne voir son mari ni dans ce monde - ni dans l'autre. - -Tallemant attribue ce mot à la comtesse de la Suze, et le _Ménagiana_ -à mademoiselle de Montausier. - - Page 231, ligne 8: Un sujet bachique. - -Le sujet de l'autre tableau était le ravissement de saint Paul. - - -CHAPITRE XVII. - - Page 236, ligne 17: Anne de Lenclos a vécu près de quatre-vingt-dix - ans. - -Voltaire, qui était fils du notaire de mademoiselle de Lenclos, nous a -conservé sur elle quelques anecdotes précieuses, mais plutôt d'après -les souvenirs de l'abbé de Châteauneuf que d'après les siens propre; -il a écrit avec légèreté, et n'a pas pris la peine, dans ce qu'il a -dit de cette femme célèbre, de se mettre d'accord avec lui-même. Il ne -lui fut présenté que peu de temps avant qu'elle mourût. Elle avait -alors quatre-vingt-neuf ans, et lui onze et demi, et non treize, comme -il le dit. Il donne, dans ses _Mélanges_, t. XLIII, édit. Renouard, -p. 470, soixante-dix ans à Ninon lors de son aventure avec -Châteauneuf; et dans le _Dictionnaire philosophique_, t. XXXV, p. 224, -il ne lui en donne plus que soixante à cette même époque; il dit -aussi, p. 125, qu'il a vu Ninon décrépite à l'âge de quatre-vingts -ans; et il oublie que lorsque Ninon avait quatre-vingts ans, lui, -Voltaire, n'avait que deux ans. A quatre-vingt-neuf ans elle sut -apprécier dans le jeune Arouet le génie précoce d'un enfant de onze -ans, puisqu'elle lui légua une assez forte somme pour acheter des -livres. Bret a recueilli, sans choix et sans critique, tous les contes -qu'il a trouvés épars dans les recueils d'ana. Douxmesnil a écrit avec -plus de discernement, d'après les récits et les souvenirs de -Fontenelle et de la comtesse de Sandwich, de l'abbé Fraguier et de -l'abbé Gedoyn, qui tous cependant n'avaient connu Ninon que dans sa -vieillesse. Tous ces ouvrages doivent être employés avec précaution. -On trouve de meilleurs et de plus sûrs matériaux dans les Mémoires du -temps écrits par les contemporains de Ninon, surtout dans les Mémoires -de Tallemant des Réaux, qui étaient manuscrits lorsque nous en avons -fait usage; ainsi que dans les Å“uvres de Saint-Évremond, dans les -lettres de madame de Sévigné, de madame de Maintenon, et dans les -Mémoires de Saint-Simon. - - Page 239, ligne 1: Et qui n'engage à aucune reconnaissance. - -Il est probable que l'abbé de Châteauneuf, qui tenait la doctrine de -Ninon de sa propre bouche, l'a rendue dans les mêmes mots. Aussi nous -n'y avons rien changé. - - Page 239, ligne 2: Abandonnée à elle-même dès l'âge de quinze ans. - -Elle perdit sa mère à quatorze ans, en 1630, et son père à quinze, en -1631. - - Page 240, ligne 10. - -Dans la pièce gracieuse, mais beaucoup trop longue, de la Mesnardière, -que nous citons; intitulée: _Galanterie à mademoiselle de Lenclos_, le -poëte lui dit: - - Prenez soin de corriger - Votre enfant Amour, qui m'outrage. - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - Pardonnez-moi si je le chasse: - Mais que voulez-vous que j'en fasse? - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - Mais, pour dormir en patience - Et conserver quelque embonpoint, - Ninon, que ne ferait-on point? - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - J'observe . . . . . . . . . . . . . . - Qu'il m'aime fort auprès de vous; - Et pour moi, j'y voudrais bien être. - Mais aussi je voudrais connaître - Que sa maman n'aimât que moi; - Et je doute fort que le roi - Puisse avoir ce crédit en France. - - Page 241, ligne 6: Un attrait inexprimable. - -Au-devant des Mémoires de Bret sur Ninon est une réduction de son -portrait peint par Ferdinand, et qui peut nous donner quelque idée de -ses traits; mais son portrait de profil, que M. Renouard a inséré dans -son édition de Voltaire, est tout à fait faux et imaginaire. - - Page 244, ligne 5: Le gentil et spirituel Charleval. - -Charleval mourut en 1693. - - Page 244, ligne 10: Le marquis de Soyecourt, si fameux dans les - annales de la galanterie. - -C'est de Soyecourt (on prononçait Saucourt) que Benserade a dit, au -sujet d'un ballet où il représentait un diable: - - Contre ce fier démon voyez-vous aujourd'hui - Femme qui tienne? - Et toutes cependant sont contentes de lui, - Jusqu'à la sienne. - - Page 248, ligne 14: D'une manière peu honorable. - -Tallemant dit que Lenclos se conduisit indignement dans le duel avec -Chaban, et que son action pouvait passer pour un assassinat. Chaban -avait un pied dans la portière de sa voiture lorsque Lenclos le perça -de son épée. - - Page 248, ligne 15: Lenclos jouait fort bien du luth. - -C'est ce qui a fait dire que Ninon était fille d'un joueur de luth; -mais Douxmesnil réfute cette erreur, mieux instruit à cet égard que -Voltaire, qui la reproduit. - - Page 249, lignes 3 et 5: Saint-Étienne fut le premier amant de - Ninon. - -Chocquart de Saint-Étienne, originaire d'Amiens, servit pendant -vingt-cinq campagnes avec une valeur extraordinaire: d'abord comme -chevau-léger, puis en qualité de maréchal des logis, d'aide-major, de -cornette, de lieutenant et de capitaine dans les régiments de -cavalerie de Bussy de Vère, Mérinville-Pardaillan et Plessis-Praslin. -Louis XIV lui accorda des lettres de noblesse pour lui et ses -descendants, le 19 septembre 1660. - - Page 249, lignes dernières: Elle comptait au nombre de ses amis - plusieurs créatures du cardinal. - -Bois-Robert était très-lié avec Ninon, et on sait quelles étaient les -mÅ“urs de cet abbé. Tallemant raconte qu'un jour on faisait la guerre -à Bois-Robert sur le vice honteux qu'on lui connaissait; il ne se -défendit que faiblement, en disant: On ne doit pas parler de cela en -présence de mademoiselle de Lenclos. (Voyez le _Ménagiana_, t. I, p. -45.) - - Page 250, ligne 7: Ce fut Marion de Lorme, selon Chavagnac. - -Dans les Mémoires de Chavagnac, les personnages ne sont pas nommés, et -Marion de Lorme n'est désignée que par des astérisques. La troisième -édition de ces Mémoires, 1721, in-12, n'est qu'une réimpression de la -première, et a de même les noms en blanc. Dulaure, qui rapporte ce -passage dans son Histoire de Paris, a mis les noms en toutes lettres, -mais sans en prévenir ses lecteurs. Richelieu naquit le 5 septembre -1585. C'est dans les Mémoires de Chavagnac que Bret semble avoir puisé -le fait que Richelieu fit de vaines tentatives auprès de Ninon. - - Page 250, ligne 24: Raré, cet aimable garçon. - -Saint-Simon fait mention d'une madame de Langle qui était fille de M. -de Raré. - - Page 251, ligne 8: Une circonstance peu importante. - -Tallemant dit que la jeune Ninon, sévèrement surveillée par sa mère, -ayant un jour aperçu Raré dans la rue, descendit en toute hâte de chez -elle pour lui parler. Un mendiant vint troubler leur conversation. -N'ayant point d'argent à lui donner, elle se hâta de lui remettre un -mouchoir bordé d'une belle dentelle, en lui disant: «Va-t'en;» et elle -se débarrassa ainsi de ce témoin importun. - - Page 251, ligne 15: Elle alla se jeter dans un couvent, et annonça - l'intention d'y rester. - -Scarron confirme ceci, et, dans son épître à Sarrasin, dit: - - Puis j'aurais su... - Ce que l'on dit du bel et saint exemple - Que la Ninon donne à tous les mondains, - En se logeant avecques les nonains; - Combien de pleurs la pauvre jouvencelle - A répandus quand sa mère, sans elle, - Cierges brûlant, et portant écussons, - Prêtres chantant leurs funèbres chansons, - Voulut aller, de linge enveloppée, - Servir aux vers d'une franche lippée. - -La fin de cette épître prouve qu'elle a été écrite trois jours après -la mort de la mère de Ninon: - - Fait à Paris, dessous ma cheminée, - Par moi Scarron, carcasse décharnée, - Trois jours après que les yeux furent clos - Pour tout jamais à la mère Lenclos. - - Page 252, ligne 11: De Bois-Dauphin (Souvré). - -Madeleine de Souvré, femme de Philippe-Emmanuel de Laval, marquis de -Sablé, seigneur de Bois-Dauphin, mourut en 1678. - - Page 252, ligne 21: Coligny, marquis d'Andelot, depuis duc de - Châtillon. - -Gaspard, duc de Châtillon, marquis d'Andelot, mourut lieutenant -général, le 9 février 1649, à l'attaque de Charenton. Il eut en 1641 -le régiment de Piémont. Il paraît, en comparant les _Mémoires_ de -Chavagnac avec les autres récits, que Chavagnac a mal compris son -frère, ou que ses souvenirs, en écrivant, l'ont trompé. Le frère de -Chavagnac était l'ami intime de d'Andelot, et il paraît avoir aimé -Marion de Lorme à la même époque où d'Andelot se passionna pour Ninon. -C'est dans les _Mémoires_ de Chavagnac qu'on trouve le récit le mieux -circonstancié de la mort de Châtillon; Chavagnac se trouvait près de -lui au moment fatal. - - Page 254, ligne 3: A Châtillon succéda Miossens, depuis maréchal - d'Albret. - -Miossens ou Miossans est une des douze grandes baronnies du Béarn. Le -nom de Miossens était Charles Amanien d'Albret. Il mourut en 1678; en -lui s'éteignit la postérité masculine des Miossens. - - Page 254, lignes 13 et 15: D'Elbène était connu par l'originalité - de son esprit. - -Guy d'Elbène fut marié à Charlotte Refuge, qui, dit-on, lui apporta en -dot quatre-vingts procès. Elle mourut le 3 septembre 1680. En 1649 -d'Elbène fut envoyé à Rome. (Voyez RETZ, _Mém._, t. XLV, p. 56.) Guy -d'Elbène mourut à l'hôpital. (Voyez la lettre de Ninon à -Saint-Évremond, dans Douxmesnil, p. 194.) Un Alphonse d'Elbène, -peut-être le frère de celui-ci, fut évêque d'Orléans en 1646, et -mourut le 2 mai 1665. Il en est parlé dans le Voyage de Chapelle et -Bachaumont, 1755, in-12. - - Page 255, lignes 26 à 27: Ses liaisons avec le chevalier de Méré - datent de cette époque. - -George Brossin, chevalier et marquis de Méré, descendait d'une -ancienne famille du Poitou. Il était cadet, et avait fait quelques -campagnes sur mer. Il se retira dans une terre qu'il avait en Poitou. -«La société de madame la marquise de Pont, sa belle-sÅ“ur, n'a pas -peu contribué à le détacher du monde et de la cour. Il lui laissa -tout son bien.» - - Page 256, ligne 3: Le cardinal archevêque de Lyon lui rendit - de fréquentes visites. - -Le caractère sévère de du Plessis de Richelieu, son âge et sa piété -bien connue, le mettent à l'abri de tout soupçon dans ses relations -avec Ninon; voilà pourquoi j'ai dû interpréter favorablement ce -passage assez singulier des _Mémoires_ de Tallemant: «Elle se mit dans -un couvent: le cardinal de Lyon devint amoureux de sa belle humeur, et -fit quelques folies pour elle». Dans un autre endroit de ses -_Mémoires_, Tallemant parle d'un abbé de Richelieu qui entretenait -Claudine Colletet. Cet abbé était probablement neveu du cardinal et du -ministre. Conférez _OEuvres de La Fontaine_, édit. 1828, t. VI, p. -270. - - Page 259, lignes 1 et 2: Cette réponse à la reine, qui, selon - Saint-Simon et Chavagnac..... - -Douxmesnil (p. 154) a tort de vouloir faire considérer ce fait comme -invraisemblable. Il est attesté par les meilleures autorités, par les -hommes les mieux instruits sur ce qui concerne Ninon: Chavagnac, -Tallemant des Réaux, Saint-Simon et Voltaire. Il se peut que sous -Louis XV, en 1751, lorsque Douxmesnil écrivait, on s'inquiétât peu des -liaisons amoureuses et de la conduite scandaleuse ou non des femmes -nobles ou non nobles; mais il n'en était pas ainsi sous la régence -d'Anne d'Autriche, ni même sous le règne de Louis XIV, qui plus tard, -et lorsqu'il avait tant de motifs pour être indulgent sur cet article, -obligea cependant mademoiselle de La Force à mettre un terme à son -genre de vie peu réglé et à se retirer dans un couvent. Conférez -l'_Histoire de la Vie et des Ouvrages de La Fontaine_, troisième -édition, page 513. - - Page 259, ligne 3: Qu'elle laissa Ninon en repos. - -Chavagnac dit que la reine, en apprenant cette réponse, dit en riant: -«Fi! la vilaine! qu'elle s'en aille où elle voudra. «Ceci est plus -dans le caractère d'Anne d'Autriche que ce que dit Saint-Simon. - - Page 259, ligne 20. - -Voltaire attribue ce mot à Ninon même; mais le _Ménagiana_ est une -autorité antérieure et préférable. Le mot est meilleur dans la bouche -d'un autre que dans celle de Ninon. - - Pages 260, lignes 2 et 3: Émery vivait depuis longtemps - avec la femme de Coulon. - -Un de ces couplets, dans mon recueil manuscrit, se termine ainsi: - - . . . . . . . . . . . . . . . . . . - Ne t'étonne pas si Coulon - Aime bien la fille Ninon, - Car il a droit de représailles. - . . . . . . . . . . . . . . . . . . - Daye d'Andaye. - -Dans mon exemplaire il y a cette note marginale. «Ninon est celle -qu'on appelle aujourd'hui mademoiselle de Lenclos.» Cette note a été -évidemment écrite dans la dernière époque de la vie de Ninon, et -prouve ce que nous avons dit sur la manière de la désigner. Il a été -fait de ces recueils manuscrits de chansons et de vaudevilles -satiriques un grand nombre de copies. Il y en a dans diverses -bibliothèques particulières, à la Bibliothèque du Roi, à la -Bibliothèque Mazarine, et ailleurs. Il y a dans les _Mémoires_ de -Tallemant le récit d'une dispute entre Coulon et sa femme, en présence -de madame de Tallemant, au sujet d'Émery, mais qui est trop ignoble -pour pouvoir être rapportée. - - Page 261, lignes 4 et 5: Il (d'Aubijoux) mourut le 9 novembre 1656. - -François-Jacques d'Aubijoux était baron de Castelnau, de Bonnefons, de -Sauveterre et de Casaubon. Sa famille descendait d'un frère du -cardinal d'Amboise. Les vers du _Voyage de Chapelle et Bachaumont_ -dont nous parlons sont ceux qui commencent ainsi: - - Sous ce berceau, qu'Amour exprès, etc. - -La mort du comte d'Aubijoux, qui arriva en 1656, nous fait penser que -ce voyage eut lieu en 1655. L'édition faite sur le meilleur manuscrit -est celle de La Haye, 1732, chez Pierre Gosse. Saint-Marc, le seul qui -ait exécuté sur cet auteur un travail d'éditeur, en fait l'aveu; mais -il dit qu'il a connu trop tard cette édition pour pouvoir en faire -usage. Toutes les éditions postérieures à celle de Saint-Marc ne sont -que des réimpressions de la sienne. La plus mauvaise et la plus belle -est celle de Lille, 1826, in-8º. - - Page 263, ligne 11: D'un oculiste nommé Thévenin. - -Tallemant nous apprend que madame Thévenin, la femme de l'oculiste, -était la tante de M. Paget. (Tallemant, _Historiettes_, t. II, p. -232.) - - -CHAPITRE XVIII. - - Page 265, note 2, et page 269, note 1: BUSSY, _Hist. am. des - Gaules_. - -J'ai cité quatre éditions primitives de l'ouvrage de Bussy: la -première ayant pour titre: _Histoire amoureuse des Gaules_; Liége, -sans nom d'imprimeur, sans date, de 208 pages, petit in-12. Le morceau -sur madame de Sévigné est pages 170-171. Le titre du livre porte des -arabesques en triangle. Le titre de l'autre édition est pareil, porte -aussi le nom de Liége, mais a une croix de Saint-André noire et -pleine. Cette édition est faite avec des caractères elzéviriens, et -sur plus beau papier que la précédente. Elle a deux paginations. Le -morceau sur madame de Sévigné commence à la page 23, et se termine à -la page 46 de la seconde pagination. Dans ces deux éditions les noms -sont déguisés, et il y a une clef à la fin. Le cantique inséré page -236 de l'édition de 1754, qui commence ainsi, - - Que Deodatus est heureux, etc., - -ne se trouve dans aucune des deux éditions primitives. Deux autres -éditions portent la date de 1666; l'une, intitulée: _Édit. nouvelle_, -a une clef; l'autre porte le nom de Bussy, et est, je crois, la -première avec les noms réels insérés dans le texte. Une autre édition -du même ouvrage, intitulée _Histoire amoureuse de France_, chez Adrian -Moetjens, 1710, 2 vol. in-12, minces, a aussi les noms réels. Elle n'a -point été connue de l'éditeur de 1754, qui a rétabli ces noms -uniquement d'après la clef; mais cette clef ne les donne pas tous, de -sorte que l'éditeur a laissé dans certains endroits des noms feints, -dont les véritables étaient donnés par l'édition de 1710. Il y a dans -cette édition de 1710 un frontispice gravé, qui paraît être de -l'invention de Bussy, car il y a au bas: _Bus. inv._--_Rabut. excud._ -C'est peut-être la réduction d'un dessin du manuscrit original. Il -représente une Renommée, à la trompette de laquelle est attaché un -drapeau portant l'_Histoire amoureuse des Gaules_. Cette renommée -s'envole au-dessus du globe de la terre, sur lequel on lit ces mots: -_la Gaule_; un Amour dirige des flèches sur l'endroit où ce mot est -écrit, et un groupe de petits Zéphyrs se précipite sur le même lieu. -Dans cette édition de 1710 on trouve le cantique, mais à la fin, et -avec d'autres vers de Bussy. Le volume est terminé par la lettre de -Bussy au duc de Saint-Aignan, qui est placée en tête dans l'édition de -1754. Le morceau sur madame de Sévigné est aux pages 281-308. Cette -édition de 1710 est presque entièrement conforme au manuscrit de -l'_Histoire amoureuse de France_ qui est dans la bibliothèque de -l'Institut, no 220, in-4º, quoiqu'elle n'ait point été faite sur ce -manuscrit, comme le prouvent des variantes importantes. Ce manuscrit -commence par la relation des amours de la cour de Savoie, et ne -contient ensuite que l'_Histoire amoureuse de France_. - - -CHAPITRE XIX. - - Page 273, ligne 12: Il (Scarron) se décida à s'embarquer. - -Une femme, nommée Céleste Palaiseau, devait accompagner Scarron dans -ce voyage. C'était une fille bien née, qu'il avait séduite dans sa -jeunesse. Elle s'était faite ensuite religieuse. Son couvent ayant été -supprimé en raison des dettes qu'il avait contractées, Scarron l'avait -reprise avec lui par commisération. (Conférez la note suivante.) - - Page 274, ligue 12: Cependant la première embarcation pour la - nouvelle colonie eut lieu. - -La Martinière, dans la _Vie de Scarron_, t. I, p. 47, et madame -Guizot, dans la _Vie des Poëtes Français_, t. I, p. 485, ont confondu -les dates relatives à la formation de cette compagnie et au mariage de -Scarron. Cette compagnie se forma en l'année 1651, et le mariage de -Scarron ne se fit que l'année suivante. Nous mettrons ici les extraits -des lettres de Scarron et de Loret relatifs à cette curieuse affaire. - -«Je jurerais bien qu'arrivant à l'Amérique, où mon chien de destin me -mène....» _Lettre à la comtesse de Fiesque_, dans les _OEuvres de -Scarron_, t. I, p. 34. - -«Mais mon chien de destin m'emmène dans un mois aux Indes -occidentales; ou plutôt j'y suis poussé par une sorte de gens fâcheux -qui se sont depuis peu élevés dans Paris, et qui se font appeler -_pousseurs de beaux sentiments_. On ne demande plus parmi eux si on -est honnête homme; on demande si on pousse de beaux sentiments. Voilà , -notre cher ami, le plus spirituel de l'Europe, ce qui me fait fuir en -Amérique. Je me suis donc mis pour mille écus dans la nouvelle -compagnie des Indes, qui va faire une colonie à trois degrés de la -ligne, sur les bords de l'Orillane et de l'Orénoque. Adieu, France; -adieu, Paris; adieu, tigresses déguisées en anges; adieu, Ménage, -Sarrazin, Marigny: je renonce aux vers burlesques, aux romans comiques -et aux comédies, pour aller dans un pays où il n'y aura ni faux béats, -ni filoux de dévotion, ni inquisition, ni hiver qui m'assassine, ni -fluxion qui m'estropie, ni guerre qui me fasse mourir de faim.» -Scarron, _OEuvres_, 1737, t. I, p. 41. - -Madame Guizot regrettait de ne pas connaître la date de cette lettre -de Scarron; on voit, par la gazette de Loret, liv. II, p. 14, lettre -4, en date du 22 janvier 1652, qu'elle a dû être écrite en décembre -1651: - - Une prudente maréchale - Dans l'Amérique occidentale - Va, dit-on, planter le piquet: - Non pas pour jouer au piquet, - Ni planter des choux ni des raves, - Mais pour, en trafiquant d'esclaves, - Gagner bravement tous les ans - Des cent cinquante mille francs; - Ninon, la belle courtisane, - Et le sieur d'Aubigny, dit-on, - Parent du défunt roi breton. - -Et liv. II, p. 179 (lettre en date du 31 décembre), Loret dit encore: - - Monsieur Scarron, dit-on, se pique - De transporter dans l'Amérique - Son corps maigret, faible et menu, - Quand le printemps sera venu; - Et que l'aimable sÅ“ur Céleste, - Qui pour l'esprit en a de reste, - Doit être aussi, sans manquement, - Comprise en cet embarquement. - -Cet embarquement eut lieu un peu au-dessous de Paris, le 13 mai 1652, -ainsi que nous l'apprend la gazette de Loret: - - Hier samedi, chose certaine, - Sur le beau fleuve de la Seine, - S'embarquèrent dessous Paris, - Tant veufs que garçons, que maris, - Non point pour aller en Afrique - Mais en un coin de l'Amérique, - Des hommes jusques à sept cents, - Sans y comprendre les absents; - De plus, sept douzaines de filles, - Pour établir là des familles, - Et multiplier audit lieu, - Selon l'ordonnance de Dieu. - - LORET, III, 57e lettre, du 10 mai 1652, p. 68. - -Un abbé de Mariveau, qui était le chef principal de l'entreprise, se -noya dans la Seine, près du Cours, en voulant sauter dans le bateau. -(Cf. Raynal, _Hist. des Établissements européens dans les deux -Mondes_, édit 1820, in-8º, t. VII, p. 44, et Ternaux-Compans, _Notice -hist. sur la Guyane française_, 1843, in-8º, p. 50 à 59.) - - Page 276, ligne 6: Ménage, qui n'aimait pas le marquis. - -Tallemant rapporte que Ménage disait sans cesse à madame de Sévigné -que son plus grand malheur était d'avoir épousé le marquis de Sévigné, -et qu'il n'était personne qui, les connaissant tous deux, ne dit -aussitôt: «Quel homme pour une telle femme!» - - -CHAPITRE XX. - - Page 279, ligne 21: Un des fils Galland, avocat célèbre. - -Il paraît que l'avocat Gondran est le même qui fut greffier du grand -conseil, et dont Loret, dans l'endroit cité, fait un grand éloge -comme royaliste, et comme homme charitable. Galland son père était -peut-être celui auquel on doit un _Traité sur le Franc-Alleu_, cité -par de Marca dans son _Histoire de Béarn_, p. 850, à l'_errata_. - - Page 280, ligne 6: Avec La Roche-Giffard, gentil-homme breton. - -Ce La Roche-Giffard prit le parti de la Fronde, et fut tué à l'attaque -de la porte Saint-Antoine. - - Page 281, ligne 5: Le jeune abbé d'Aumale. - -L'abbé d'Aumale fut sacré archevêque de Reims sous le nom de Henri IV, -en 1651. Il épousa Marie d'Orléans, fille unique du duc de -Longueville, en 1657, et mourut le 5 janvier 1659. - - -CHAPITRE XXI. - - Page 286, ligne dernière, et 287, ligne première: Il (le marquis de - Sévigné) ne fut. - -Conrart dit de Sévigné: «Quoiqu'il eût quelque esprit et qu'il fût -bien fait de sa personne, on ne s'accommodait point de lui, et il -passait presque partout pour un fâcheux.» Ceci a été écrit avant la -comédie de Molière, et démontre que cette expression était en usage -avant notre grand comique. - - Page 289, ligne 24: Portaient ainsi un remède à la sédition. - -Le prévôt des marchands et toute la cour, intimidés de la hardiesse et -de l'insolence des séditieux, voulaient qu'Anne d'Autriche allât loger -avec le roi à l'hôtel de ville; mais elle eut plus de courage et de -tête que tout ce qui l'entourait, et comprit toute l'importance d'une -telle démarche. - - Page 292, ligne 11: Ce parti, proposé par de vils et ambitieux - courtisans. - -M. de Saint-Aulaire ne parle qu'obscurément de ce projet, et semble -l'attribuer à la reine. Anne d'Autriche gardait bien ses secrets; on -voit que même avec le maréchal Duplessis, qui lui était tout dévoué, -elle dissimulait, et qu'elle ne laissa pas percer vis-à -vis de lui le -projet qu'elle avait de faire arrêter M. le Prince: alors elle voulut -envoyer Duplessis en province. (Voyez Duplessis, _Mémoires_, t. LVII, -p. 363-368.) - - Page 292, ligne 21: Les députés de la noblesse et des provinces. - -Les députés de la noblesse s'étaient d'abord réunis chez le duc de -Nemours; depuis, ils tinrent leurs assemblées aux Cordeliers. - - Page 294, ligne 11: Que des personnes qui détestaient ce ministre. - -Villeroy, Roquelaure, Joyeuse, qui occupaient les premières charges de -la cour, étaient du parti de _Monsieur_, ou du duc d'Orléans. «Je -n'ai, disait Anne d'Autriche dans un moment de découragement, que des -traîtres et des poltrons à l'entour de moi.» - - Page 294, ligne 15: Secondée par la duchesse de Navailles. - -C'est à Mazarin que Navailles devait son titre de duc. - - Page 299, ligne 12: Les théâtres, aussi encombrés de spectateurs. - -La foule se portait surtout au théâtre de la rue Guénégaud, où les -allusions à ce qui se passait en Angleterre, et l'impopularité du -grand Condé, firent accueillir froidement la pièce nouvelle du grand -Corneille, _Don Sanche d'Aragon_, tandis que son frère (qui se faisait -appeler Corneille Delisle) s'attirait des applaudissements pour sa -comédie intitulée _l'Amour à la Mode_; il y donnait dans Oronte le -type de tous les petits maîtres qui ont été depuis mis au théâtre. -_Don Sanche_ fut imprimé en 1650, mais ne fut joué qu'en 1651; le -prince de Condé a donc pu y assister. Ceci rectifie ce qu'a dit M. -Taschereau, _Vie de Corneille_, 1829, in-8º, p. 159. - - Pages 299, deux dernières lignes: Dont elle gratifiait - deux fois la semaine toute la haute société. - -Le mariage du duc de MercÅ“ur avec une fille de Mancini, nièce du -cardinal, fut une occasion de fêtes; il en était de même pour le -mariage projeté de mademoiselle de Chevreuse et du prince de Conti. -Les occasions qu'on cherchait à faire naître pour déterminer -_Mademoiselle_ et sa sÅ“ur la duchesse d'Alençon, ainsi que -mademoiselle de Longueville et d'autres riches partis, étaient aussi -des motifs puissants pour toutes ces réjouissances. Les ambassadeurs -étrangers, qui étaient invités à toutes ces réunions, voulurent faire -honneur à leur nation, et rendirent des fêtes non moins splendides. -L'ambassadeur de Venise en donna une magnifique, dans les premiers -jours de novembre 1651. Elle commença par une collation, puis après il -y eut comédie, ensuite bal, puis le dîner, après feu d'artifice, et -enfin concert. Ces fêtes duraient presque toujours toute la journée. -Dans les fêtes que donnait MADEMOISELLE, elle faisait venir aussi des -acteurs; après la comédie, on dansait, on jouait au colin-maillard. -Toute la famille royale d'Angleterre se trouvait à ces réunions, et ce -fut alors que le duc d'York fut sur le point d'épouser mademoiselle de -Longueville. (Montpensier, _Mémoires_, t. XLI, p. 156.) - - -CHAPITRE XXII. - - Page 307, ligne 21: Du grand prieur de Malte. - -Le grand prieur de Malte, Hugues Rabutin, mourut en 1656; il était né -en 1588. - - Page 308, ligne 15: A la place, celle de mon veuvage. - -J'ai suppléé dans ce passage ces mots: _et le commencement d'une -existence_, qui ne se trouvent point dans le texte; ce texte est -incomplet sans cela. Si le texte original est conforme à l'impression, -c'est madame de Sévigné elle-même qui aura fait cette omission, ce qui -arrive fréquemment lorsqu'on écrit rapidement une lettre, et sans la -relire. Cela est évident; le _qui_ et tout ce qu'il régit ne peuvent -se rapporter à l'année de son veuvage, mais à sa vie entière; le sens -et les adjectifs féminins le font assez connaître. Ce passage et une -grande portion de cette lettre ont été donnés au public pour la -première fois dans l'édition de M. Monmerqué; mais aucun éditeur n'a -remarqué que la phrase était incomplète. - - Page 315, ligne 17: Le seul parmi les parlements du royaume - qui se fût déclaré pour lui. - -Le parlement de Bordeaux ne se sépara des autres parlements qu'en -haine du duc d'Épernon, que la reine s'obstina à vouloir maintenir -comme gouverneur de Guyenne. - - Page 317, ligne 12: A l'exclusion de Mazarin, qu'ils détestaient. - -La Rochefoucauld, la duchesse de Nemours et plusieurs autres crurent -que Châteauneuf était parvenu à gagner les bonnes grâces de la reine, -et que Mazarin n'était plus désiré que par les partisans qu'il avait à -la cour, qui s'agitaient pour le faire revenir, en haine des ministres -et de Châteauneuf; mais une élude approfondie de tous les documents de -cette époque démontre qu'il n'en était pas ainsi, et que tous ceux qui -l'ont cru ont été trompés par la profonde dissimulation d'Anne -d'Autriche. Conférez surtout les _Mémoires_ de Duplessis-Praslin, t. -LVII, p. 336. - - Page 318, ligne 17: Par un arrêt il confirma celui de Mazarin. - -Les précédents arrêts de la même cour, des 7 et 8 février, 11 mars, 2 -et 8 août, rendus pour le même objet et dans la même année, se -trouvent, avec l'arrêt cité, dans un recueil que nous possédons. -L'arrêt cité fut rendu le 29 décembre; il est signé Du Tillet. Il fut -publié à son de trompe, dans tous les carrefours de Paris, le vendredi -30 décembre 1651, ville et faubourgs, par Canto, juré-crieur ordinaire -du roi, accompagné de trois trompettes de S. M. - - Pages 318 et 319, lignes dernière et première: Qu'on s'interdisait - même contre les pirates. - -Heureusement que cette atrocité n'eut d'autre suite que celle -d'occasionner les plaisanteries de Marigny, qui dressa un état de -répartition des 150,000 livres accordées pour la tête de Mazarin, et -mettait tant pour le nez, tant pour les oreilles, tant pour la langue -de M. le cardinal, tant pour les membres, etc. - - -CHAPITRE XXIII. - - Page 323, ligne 23: La cour même et la plus grande partie des - royalistes. - -Loret emploie dans cet endroit le mot _royaliste_, que nous avons -conservé. - - Page 327, note 1re: Chavagnac. - -Ces _Mémoires_ de Chavagnac sont fort curieux, et ils auraient dû, -ainsi que ceux de Bussy et de Navailles, être insérés par Petitot dans -sa collection, plutôt que les Mémoires anonymes relatifs au -dix-septième siècle, qui sont supposés; compilation médiocre, qui -n'apprend rien qu'on ne trouve ailleurs. - - Page 327, ligne 14: A lever un régiment pour ce prince. - -Il y avait encore à cette époque un reste de ligue parmi les seigneurs -huguenots, puisqu'ils faisaient une pension de huit mille livres au -père du comte de Chavagnac. (Chavagnac, _Mémoires_, t. I, p. 141.) - - Pages 328, lignes 13 et 14: C'est pourquoi il s'attachait à se - rendre maître de l'esprit du duc d'Orléans. - -Il est difficile de deviner ce qui a pu porter Lemontey à faire du -cardinal de Retz un factieux dans la première partie de sa vie, un -héros dans la seconde, si ce n'est la manie d'établir des contrastes -piquants, et d'entasser des phrases ingénieuses aux dépens de la -vérité. Cependant la lecture seule des _Mémoires_ du cardinal de Retz, -faite avec discernement, suffit pour démentir l'idée que Lemontey veut -en donner. Cet auteur ne paraît avoir étudié l'histoire de la Fronde -que dans les _Mémoires_ de Retz; et il était difficile de choisir un -guide plus infidèle et plus partial. - - Page 329, lignes 23 et 24: Et voulait brûler la maison où elles - s'étaient réfugiées. - -Cette maison appartenait à un nommé Vaurouy. - - Page 331, ligne 6: Cependant Innocent. - -C'est par une distraction bien singulière qu'Anquetil a écrit (dans -l'_Intrigue du Cabinet_, t. IV, p. 145) _Léon X_, au lieu d'_Innocent -X_. Cette faute n'est point corrigée dans l'_errata_. - - Page 333, ligne 8: La duchesse d'Aiguillon et Fabert. - -Fabert était tout dévoué à Mazarin, qui lui avait confié l'importante -place de Sedan, et lui avait donné ses nièces à garder. - - Page 334, ligne 7: Une autorité au moins nominale. - -Condé adjoignit à son frère, pour commander sous son nom, le comte de -Marsin, un des généraux les plus expérimentés. - - Page 334, lignes 9 et 10: A des libelles outrageants pour tous deux. - -Conrart, à l'endroit cité, a le passage suivant: «On assure qu'ils -(Jarzé et Sarrazin) ajoutaient qu'étant survenu quelque chose de -pressé, où il fallait avoir les ordres du prince de Conti, on les -avait été chercher dans la chambre de madame de Longueville, où on les -trouva tous deux au même lit. Ces placards se sont vus imprimés.» - - Page 334, ligne dernière: Négligeait par trop le soin de sa - personne. - -Cette malpropreté était de famille; car le grand Condé, selon -_Mademoiselle_, était remarquable sous ce rapport. (Montpensier, -_Mém._, t. XLI, p. 314; t. XLII, p. 220.) - - Page 336, ligne 8: A la muse spirituelle de Benserade. - -Cette chanson de Benserade commençait ainsi: - - Châtillon, gardez vos appas - Pour une autre conquête: - Si vous êtes prête, - Le roi ne l'est pas. - -Bussy, dans son _Histoire amoureuse des Gaules_, rapporte le premier -vers de cette chanson, et nomme l'auteur, Prospère. Ce qui prouve -encore que les éditeurs de l'édition de 1754 ont mis les noms d'après -la clef de la première édition, c'est que cette clef ne contenait pas -l'explication du nom de Prospère, et qu'ils ont laissé ce nom sans -explication. Loménie de Brienne nomme Benserade au lieu de Prospère, -et dans l'édition de l'_Histoire amoureuse de France_ de 1710 le nom -de Benserade est substitué à celui de Prospère. Les éditions récentes -de l'_Histoire amoureuse des Gaules_, sous format in-8º, ne sont que -des réimpressions de l'édition de 1754, avec de nouvelles fautes -d'impression. - - Page 336, ligne 20: Cambiac se retira lorsqu'il sut que Condé - était son rival. - -Lenet dit: «La princesse (de Condé la mère) tint un conseil composé de -Roquette, de la duchesse (de Châtillon), de madame de Bourgneuf, de -Cambiac, et de moi.» Ce passage prouve que Cambiac était du conseil -intime de la princesse douairière, et confirme tout ce que Bussy en -dit, page 181. On doit remarquer que MADEMOISELLE et Lenet confirment -ce que Bussy dit sur Cambiac; ce qui vient à l'appui de l'assertion de -Bussy dans sa lettre au comte du Saint-Aignan, où il affirme que dans -l'_Histoire amoureuse des Gaules_ il n'a fourni que la broderie, mais -que pour les faits, il n'a écrit que ce qui était connu à la cour. Il -y a ici de notables différences entre les diverses éditons de ce -livre. Celle de 1710, intitulée _Histoire amoureuse de France_, donne -sans déguisement le nom de Cambiac. - - Page 338, ligne 15: Publiaient l'un contre l'autre des libelles - anonymes. - -Gondi répondit à tous les écrits de Chavigny par un petit écrit -intitulé _les Contre-temps du sieur de Chavigny_; pamphlet plein de -sel et de gaieté, qui fit, dit-on, pleurer de rage celui contre lequel -il était dirigé. - - Page 339, lignes 12 et 13: En empêchant les troupes du roi de - pénétrer dans Orléans. - -On fit alors une estampe satirique qui représentait MADEMOISELLE en -amazone, armée d'un grand balai, et balayant, comme une ordure, -Mazarin hors des portes d'Orléans. - - Page 341, ligne 19 et 20: Qu'il protégeait contre tous les maux - de la guerre-civile. - -Brienne dit: «On eût bien pu trouver des endroits convenables, en -Normandie, au séjour de la cour; mais on craignait de donner de la -jalousie et du soupçon à M. de Longueville, qui faisait en sorte que -le roi y jouissait d'une partie de ses revenus, qui empêchait qu'on -s'y soulevât, et qu'on y causât le moindre préjudice au service de S. -M.; mais il donnait assez à entendre qu'il ne fallait pas en demander -davantage de lui.» - - Page 342, lignes 4 et 5: Et une hideuse famine. - -Balzac écrivait à Conrart, le 20 novembre 1651: «Quand la paix se -ferait demain, cette courte guerre y laissera une longue mémoire des -maux qu'elle a faits. Si on réforme et si on règle ainsi les États, -bien heureux sont les États qu'on laisse dans le désordre et la -corruption.» - - -CHAPITRE XXIV. - - Page 346, ligne 5: Une actrice. - -Cette actrice se nommait Baron. - - Page 347, ligne 4: La duchesse d'Orléans. - -La duchesse d'Orléans mit aussi à profit la fureur du jeu, et joua ses -meubles contre des sommes qui surpassaient leur valeur, mais dont la -destination était marquée d'avance. Cet exemple fut imité. - - Page 348, ligne 15: Leurs ouvrages et leurs exemples avaient donné - un caractère plus grave à ces réunions d'hommes de lettres. - -Un maître des requêtes, membre de l'Académie Française, Habert de -Montmor, était à cette époque le Mécène des gens de lettres. Il -cultivait également les sciences et la littérature, et faisait -facilement des vers latins. Il avait table ouverte pour les savants et -les beaux esprits. Il en logeait plusieurs dans son hôtel. Gassendi, -l'homme le plus universel de son temps, ce digne rival de Galilée et -de Kepler, ce précurseur de Newton et de Leibnitz, logea chez lui, et -y mourut. Les réunions dont il était l'oracle et le patriarche ne -discontinuèrent pas même pendant les crises orageuses de l'année -suivante. On y lisait fréquemment des lettres de la reine Christine, -alors en correspondance avec Gassendi et avec plusieurs autres savants -de Paris, qu'elle cherchait à attirer en Suède, donnant ainsi -l'exemple rare, parmi les souverains, de sa prédilection pour un genre -de gloire préférable à celui des conquêtes. - - Page 355, ligne 7: Saint-Évremond. - -Saint-Évremond a fait le portrait de la comtesse d'Olonne dans le -temps où il en était lui-même amoureux. Sa mère se nommait Marie de -Raynier. La comtesse d'Olonne mourut le 13 juin 1714. - - Page 359, avant-dernière ligne: Fit échouer les projets du cardinal. - -La sÅ“ur cadette de la comtesse d'Olonne épousa le maréchal de la -Ferté. Les deux sÅ“urs se ressemblaient par les mÅ“urs, et demeurèrent -ensemble vers la fin de leur vie. Elles étaient d'une branche cadette -de la maison d'Angennes. Elles moururent toutes deux en 1714. -Saint-Simon rapporte sur elles une anecdote curieuse à l'endroit cité. - - -CHAPITRE XXV. - - Page 362, ligne 6: Quand on veut jaser et qu'on n'ose. - -Loret donne une épithète à chacune de ses lettres, pour en -caractériser par un seul mot le contenu, et il a surnommé _tremblante_ -celle du 18 août. A la page 40 du livre III, il nous apprend que sur -le Pont-Neuf les crieurs faisaient retentir la place des nouvelles -victoires remportées contre les mazarinistes, tandis que chez le -maréchal de L'Hospital on faisait ceux-ci victorieux. - - Page 362, lignes 17 et 18: On s'empressait aux sermons du père - Le Boux.... du père George..... - -Le père Berthod indique encore un autre prédicateur qui, comme le père -George, prêchait contre Mazarin; mais il n'en donne pas le nom. Nous -apprenons par Loret que c'était à l'église de Saint-Severin que -prêchait le père Le Boux; le père George prêchait aux Jacobins de la -rue Saint-Honoré. - - Page 365, ligne 23: Le déguisement qu'il avait emprunté. - -On commanda à Condé de brider un cheval, et il ne sut comment s'y -prendre. Une autre fois, on lui donna la queue de la poêle à tenir -pour faire cuire une omelette, et, en voulant la retourner, il la jeta -dans le feu. M. de Saint-Aulaire, dans son _Histoire de la Fronde_, t. -III, p. 120, se trompe lorsqu'en parlant de cette marche il dit de -Condé, «qu'il s'acquittait mieux qu'aucun de ses compagnons des -différents rôles que lui imposait la nécessité». Il est à présumer -qu'il n'a lu ni la relation de Chavagnac ni celle de Gourville, qui -sont les deux véritables autorités pour ce point d'histoire. Nemours, -qui avait fait une traversée semblable avec Chavagnac, pour aller en -Flandre chercher les troupes espagnoles, s'était montré encore plus -inexpérimenté. Malgré son courage, il ne pouvait supporter la fatigue -et les privations; et il subissait tous les inconvénients d'une -éducation molle et efféminée. - - Page 365, ligne 23: Contre un gentil-homme royaliste. - -La Rochefoucauld nomme ce gentil-homme La Bassinière; Chavagnac le -nomme Bassiniac. Chavagnac raconte, à la page 151, un singulier acte -de brutalité de Condé envers Guitaut. - - Page 367, lignes 13 et 14: Le Languedoc ne lui eût point été - contraire. - -Du Languedoc il faut excepter la ville de Toulouse, que le parlement -eût maintenue dans le parti du roi. - - Page 367, ligne 23: Condé se rendit à Paris. - -Loret nous apprend que ce fut un jeudi que Condé entra dans Paris. Le -bas peuple cria _vive Condé!_ et des femmes du peuple allèrent à sa -rencontre avec des lauriers. - - -CHAPITRE XXVI. - - Page 373, ligne 3: Il chemina lentement. - -Le roi alla loger au Louvre, qui était alors entouré de fossés, et non -aux Tuileries. - - Page 373, note 2: _Loménie de Brienne_. - -On dira peut-être, au sujet de cette citation de Loménie de Brienne, -qu'elle prouve peu, parce que dans ce passage c'est le fils du -maréchal de Villeroi qui dément les bruits injurieux répandus sur son -père relativement à l'éducation de Louis XIV, dont le maréchal était -gouverneur; mais ce témoignage vaut bien celui des ennemis de Mazarin, -qui avaient plus d'intérêt à noircir ce ministre, que Villeroi fils à -le disculper longtemps après sa mort. - - Page 377, ligne 12: La dispersion du papier par ceux de la paille. - -L'affaire du papier, quoique réprimée, produisit cependant son effet; -elle amena la concession des passe-ports qu'on avait refusés aux -bourgeois députés par le roi, et la démission de Broussel de sa place -de prévôt des marchands. - - Page 377, ligne 16: Les partisans du roi dans Paris. - -Sève, annonçant au roi qu'il était suivi par un grand nombre de ses -concitoyens, dit: «Sire, laissez-vous vaincre à leurs prières, -rendez-vous à leurs larmes, etc.» - - Page 378, note 2: Berthod. - -La publication récente des Mémoires du P. Berthod a jeté un jour tout -nouveau sur cette partie importante de l'histoire de la Fronde. Quand -les masses sont préparées à une révolution, l'influence individuelle a -une grande puissance; quand, au contraire, elles sont opposées à tout -changement, cette influence est nulle. - - Page 380, ligne 19: Jaloux de la faveur dont il jouissait. - -Loret lui-même, quoique bon royaliste, n'aimait pas Mazarin, et dit -qu'il est haï des provinces. - - Page 382, ligne 12: Mazarin reparut. - -Tandis que Condé pillait les convois de grains qui entraient dans la -capitale, Mazarin les faisait protéger par les troupes royales. Quand -il fallut conférer pour l'entrée du roi, ce ne fut pas aux chefs des -partis, ou au prévôt des marchands, ou au gouverneur, que l'on voulut -avoir affaire, mais avec les six corps des marchands et avec les trois -cents bourgeois qui commandaient la garde urbaine. Voilà de -l'habileté. MADEMOISELLE s'enfuit, masquée et déguisée, et sous un -faux nom, dans le carrosse de madame de Montmort. Gaston, en partant, -ne voulut point la voir; il lui reprochait de l'avoir poussé contre la -cour. Les caractères faibles se font justice: ils sentent qu'ils ne -peuvent rien par eux-mêmes, et attribuent toujours aux autres les -fautes qu'ils commettent. Tous les membres du parlement, quelles que -fussent leurs opinions, quelle qu'eût été leur conduite, furent -convoqués au Louvre, à la réserve d'un très-petit nombre des plus -factieux; savoir, Broussel, Vial, de Thou, Portail, Bertaut, Croissy, -Fouquet, Machault-Fleury. Vincennes et la Bastille furent rendus par -Louvière et madame de Chavigny, sur un simple ordre du roi. Gaston et -le parti des princes voulurent faire croire à la cour que Paris était -encore trop près de la révolte; ils demandaient du temps pour disposer -la population à recevoir le roi; mais on était trop bien instruit de -l'état des choses pour se laisser tromper, et la cour continua sa -marche. La même situation se retrouva pour Louis XVIII. Fouché -persuada au conseil du roi que les jacobins étaient encore redoutables -dans Paris, et il arrêta le monarque à Saint-Ouen; par là on crut cet -homme nécessaire ainsi que les siens, et il souilla la royauté de son -ministère. On apprit ainsi aux peuples que le sceptre résidait entre -les mains de la peur. Tous les malheurs qui suivirent viennent de -cette première faute. Lorsque Louis XVIII crut devoir s'arrêter à -Saint-Ouen, les jacobins avaient encore moins d'influence dans Paris -que les frondeurs lors du retour de Louis XIV. On ne sut pas séparer -le parti conventionnel ou jacobin du parti militaire ou bonapartiste; -ces deux partis étaient bien distincts, et opposés. Ils se réunirent -quand ils se virent enveloppés par la royauté dans une même défiance. -Alors le roi et la monarchie restèrent dépouillés de leurs plus fermes -appuis, et eurent pour ennemis les bonapartistes, qui alors, ayant -répudié leur chef, avaient intérêt à tout conserver, à tout affermir, -et au besoin à tout reconquérir. - - Page 383, lignes 4, 5 et 6: Cette marche habile lui acquit l'estime - de tous les cabinets étrangers. - -De même que Richelieu, Mazarin ne sépara jamais ses intérêts de ceux -du royaume, ni le royaume de la personne du roi. Lorsque Condé voulait -dominer le roi, Mazarin conseillait à la reine de s'unir au -coadjuteur, qui pourtant était son plus grand ennemi; et plus tard il -préférait mettre le roi sous le joug de Condé, et par conséquent sous -celui de ses sujets révoltés, plutôt que sous la domination des -Espagnols. - - Page 386, ligne 21: Au lieu d'armer et de se fortifier. - -Le roi d'Angleterre (le prétendant) prêta au cardinal de Retz jusqu'à -cent vingt hommes pour se fortifier. - - Page 387, lignes 5 et 6: Où il étala tant de luxe et de - magnificence. - -Pendant la durée de cette ambassade, sa dépense se montait à huit -cents écus par jour. - - -CHAPITRE XXVII. - - Page 392, lignes 21, 23, 24: Condé... vient siéger sur les fleurs - de lis. - -Monglat dit que ce fut le 10 août que Condé vint siéger au parlement. - - Page 393, note 1: DE VILLEFORE, la véritable vie d'Anne-Geneviève - de Bourbon, duchesse de Longueville, etc. - -L'édition qui porte pour titre: _Vie de madame de Longueville_, et -qui est sans nom de lieu, est faite à Paris. L'auteur n'est point -nommé, tandis qu'il l'est deux fois dans l'édition d'Amsterdam, dans -un avis du libraire et dans un avertissement d'éditeur. L'avis du -libraire, qui indique les retranchements qu'a subis l'édition de -Paris, est à la fin du volume. - - Page 399, ligne 2: C'est dans le château de celui-ci que se fit le - mariage. - -Ce mariage se fit en 1646, vers la fin de l'hiver. Mademoiselle de -Rohan avait vingt-sept à vingt-huit ans, et était d'une vertu sévère. - - Page 400, ligne 9: Sa mort termina ce romanesque procès. - -Tancrède mourut le 1er février 1649, âgé de dix-neuf ans. Conférez -l'_Histoire de Tancrède de Rohan_ (par le père Griffet); Liége, 1767, -in-12, p. 55 et 91. Ce volume, par les pièces justificatives qui le -terminent, contient quelques documents curieux pour l'histoire. - - -CHAPITRE XXVIII. - - Page 404, ligne 21: La duchesse n'y paraissait point. - -Mademoiselle de Montpensier décrit, dans ses Mémoires, une fête qui -eut lieu chez la comtesse de Choisy, où il y eut comédie et collation. -Puis elle ajoute: «Tout ce qu'il y avait d'hommes et de femmes à Paris -y vinrent.» Ce qui veut dire, dans son langage, qu'il n'y avait pas un -seul homme ni une seule femme de la classe bourgeoise. - - Page 404, les deux dernières lignes: C'est que c'était aux - Tuileries, où elle demeurait alors. - -Mademoiselle de Montpensier fut délogée des Tuileries au retour du -roi. Il faut lire dans l'endroit cité les regrets qu'elle exprime -d'être forcée de quitter ces magnifiques appartements, où elle avait -toujours habité. - - Page 408, ligne 12: Adonnée à l'astrologie et à la divination. - -Il faut lire dans Segrais la curieuse histoire de l'abbé Brigalier. - - Page 409, lignes 27 et 28: La présidente de Pommereuil pour - le cardinal de Retz. - -Le cardinal de Retz donna au roi et à la reine d'Angleterre un repas -si magnifique, qu'il fut pendant quelques jours, dans Paris, l'objet -principal des entretiens des cercles et des ruelles. - - Page 410, ligne 3: Chez la marquise de Bonnelle. - -C'était, à ce qu'il paraît, d'après Loret, chez la marquise de -Bonnelle que l'on jouait alors. Le jeu à la mode était celui de -quinola ou le reversis. Il venait d'Espagne. - - Page 410, lignes 6 et 7: MADEMOISELLE faisait presque toujours - venir les vingt-quatre violons. - -Les vingt-quatre violons firent partie de la maison du roi, mais ils -ne formaient pas les seuls musiciens de la chambre; il y avait encore -les joueurs de violons ordinaires, les joueurs de hautbois, de -_saqueboutes_ et _cornets_, les joueurs de _phiphres_, _tabourins_ et -_muzettes_. Tous avaient des gages, et les sommes qu'ils recevaient se -lisent p. 143, 144, 168 et 169 de l'ouvrage du sieur de LA MARINIÈRE, -intitulé _Estat général des officiers, domestiques et commençaux de la -Maison du Roy_; Paris, 1660, in-8º. Ce livre est curieux et peu connu, -et il ne faut pas le confondre avec l'_État de la France_, dont on -publiait une nouvelle édition presque tous les ans, et auquel a -succédé l'_Almanach royal_. - - Page 411, ligne 2: Joints aux négociations. - -La duchesse d'Aiguillon négociait à Saint-Germain pour le prince de -Condé. Voyez Chavagnac, t. I, p. 167. Il y a dans cet endroit une -erreur de pagination. - - Page 411, ligne 16: La gaieté régnait au milieu des dangers. - -Remarquons cependant que dans le midi la guerre se faisait avec -acharnement, et donnait lieu à d'atroces forfaits: témoin l'affaire du -chevalier de Canolle, pendu quoique prisonnier de guerre, et celle du -père de Chavagnac, livré par ses propres troupes et assassiné par son -maître d'hôtel. - - Page 412, lignes 14 et 15: Ces divers spectacles attiraient hors - de Paris. - -Ces divertissements et ces communications eurent surtout lieu lorsque -Turenne s'était retranché derrière le bois qui est sur les hauteurs de -Villeneuve-Saint-Georges; alors les princes se trouvaient campés -proche de Boissy-Saint-Léger, dans la plaine qui est entre ce village -et le bois de Villeneuve-Saint-Georges (le bois du château de La -Grange); le bois séparait les deux camps, et formait l'intervalle -qu'aucune des deux armées n'osait franchir. - - -CHAPITRE XXIX. - - Page 413, ligne 2 du texte: Fut encore augmenté par l'arrivée - du duc de Lorraine à Paris. - -Ce fut le 5 septembre que le duc de Lorraine vint à Paris, accompagné -du duc de Wurtemberg. Le duc de Lorraine était né en 1604. - - Page 414, lignes 10, 11 et 12: Faisait profession de ne tenir à - sa parole qu'autant que son intérêt l'y obligeait. - -Pavillon, dans son Testament de Charles IV, a très-bien dit de lui: - - Il donna librement sa foi - Tour à tour à chaque couronne; - Il se fit l'étrange loi - De ne la garder à personne. - -Cette morale dépravée fut commune parmi les guerriers de ce temps, et -le duc de Lorraine fit plus d'un élève. On peut lire dans les -_Mémoires de Loménie de Brienne_, t. II, p. 295, quels affreux -conseils donnait à ce jeune homme entrant dans le monde le duc de -Vendôme. - - Page 414, ligne 20: En épousant ensuite Béatrix de Cusane, - princesse de Cantecroix. - -Le mariage du duc de Lorraine avec la princesse de Cantecroix eut lieu -en 1637, à Besançon. - - Page 415, ligne 25: Les déterminations de Charles IV. - -La duchesse de Châtillon elle-même ne craignait pas de donner de la -jalousie à Condé, en faisant des coquetteries au duc de Lorraine. - - Page 416, ligne 2: Ses manières si étranges parurent piquantes. - -Dans une promenade au Cours que le duc de Lorraine fit avec la -duchesse de Chevreuse, sa fille, et madame de Frontenac, sa -conversation fut tout à fait ordinaire. Voyez les Mémoires de Conrart. - - Page 416, ligne 10: Les troupes de tous les partis. - -Les troupes du duc de Lorraine n'étaient pas les seules qui commissent -des désordres; celles des princes, les troupes royales elles-mêmes, ne -se conduisaient pas mieux. Pour donner une idée de l'indiscipline de -ces dernières, il suffit de dire que le maréchal d'Hocquincourt, qui -les commandait, ne put empêcher sa maison d'être dévastée. Chavagnac -avoue que pendant deux jours qu'il fut cantonné à Poissy, il reçut de -riches présents des propriétaires des environs pour empêcher qu'ils ne -fussent pillés. - - Page 416, ligne 20: Le chef d'une troupe de démons que, comme - un général d'armée... - -Loret, dans sa gazette, raille ainsi les Parisiens de l'accueil qu'ils -faisaient au duc de Lorraine: - - Les soldats du duc de Lorraine - Ont enfin traversé la Seine, - Et plusieurs des gens de Paris, - Loin d'en avoir les cÅ“urs marris, - Après avoir mangé leurs soupes, - Allèrent voir passer ces troupes - Avant-hier, qu'il faisait beau, - Dans la plaine de Long-Boyau. - Ils ont brûlé cinq cents villages, - Ravi douze cents pucelages, - Fait deux mille maris cornus, - Et pourtant sont les bien-venus. - - Page 418, ligne 15: L'abbesse de Pont-aux-Dames. - -Conrart place ce fait le 4 juin. - - Page 421, lignes 6 à 8: Elles portaient des rubans, des montres - d'or, etc. - -Au sujet des habillements de ces religieuses, voici comment s'exprime -saint Vincent de Paul: - -«Plures vestes monialum deferunt indecentes, et immodestas. In -locutoriis se ostentant vittis ignei coloris fulgentes; horarias -aureas, seu horologia aurea gestitant; chirotecas etiam raras, et quas -vocant hispanas, induunt.» (G. DELORT, _Mes Voyages aux environs de -Paris_, in-8º, t. II, p. 173.) - - -CHAPITRE XXX. - - Page 425, ligne 6: Où chaque guerrier se bat avec acharnement. - -Cette bataille eut lieu le 5 juillet. Les descriptions qu'en ont -données les historiens que j'ai cités se ressemblent toutes, et sont -exactes; mais elles sont dépourvues de ces scènes animées qu'on trouve -dans les Mémoires, et dont nous avons tenté de donner une esquisse. Il -y a dans Ramsay, ainsi que dans Désormeaux, un très-beau plan de cette -bataille; c'est le même dans les deux ouvrages. Il a été réduit dans -l'édition in-12 de l'ouvrage de Désormeaux. - - Page 425, ligne 21: En versant des torrents de sang. - -L'aide de camp de Chavagnac, après s'être battu en brave homme, fut -tellement frappé d'horreur du massacre de cette journée, qu'il quitta -l'état militaire et se fit capucin. - - Page 426, ligne 16: Mais nul plus que Saint-Mesgrin. - -Personne n'était plus aimé à la cour que Saint-Mesgrin. Malgré sa -jeunesse, il avait commandé en chef une armée en Catalogne, et déployé -dans cette campagne les plus grands talents pour la guerre. La reine -mère, dont il était chéri et favorisé, le pleura, et le fit inhumer -avec pompe à Saint-Denis. Saint-Simon donne très en détail, dans -l'endroit cité, toute l'histoire du père de ce jeune homme, qui mourut -en 1665, à l'âge de quatre-vingt-trois ans. Il était gendre du -maréchal de Roquelaure, et grand sénéchal de Guyenne. Saint-Simon nous -apprend que le vrai nom du père de Saint-Mesgrin était Esthbuert; ce -fut par une héritière de Caussade, dont il joignit son nom au sien, -qu'il devint Saint-Mesgrin. Dans l'insipide ouvrage de Somaize, il y a -quelques détails sur la duchesse de Chaulnes, qui fut veuve de -Saint-Mesgrin, et sur les femmes qui étaient ses amies. Elle est -désignée sous le nom de Clidaris; Sophronie est madame de Sévigné; le -Palais-Sénèque est le Palais-Royal; Barsane est cette marquise des -Brosses dont j'ai raconté les aventures touchantes dans la Vie de -Maucroix. Le jeune de Fouilloux s'était joint aussi à Saint-Mesgrin, -et périt dans la même action. - - Page 428, lignes 8 et 9: Dans une maison de particulier. - -Cette maison était celle d'un nommé de La Croix, maître des comptes. - - -CHAPITRE XXXI. - - Page 431, ligne 16: Le duc de Beaufort, le héros de la populace - de Paris. - -L'hôtel de Beaufort était alors rue Quincampoix. - - Page 431, lignes 19, 20: Qui épouvantèrent le gouverneur, le - prévôt des marchands, les échevins. - -Le carrosse du prévôt des marchands fut attaqué par la populace, et un -échevin fut blessé. On pilla la boutique d'un armurier nommé -Regnicourt. Un nommé L'Espinois, capitaine de son quartier, manqua -d'être jeté à l'eau, parce qu'il était accusé d'être retz ou mazarin. - - Page 431, ligne 21: Et forcèrent à fuir sous divers déguisements... - -La maréchale de Turenne, qui demeurait alors rue Saint-Louis au -Marais, alla rejoindre la cour; Seguier, premier président, en fit -autant, ainsi que le roi et la reine d'Angleterre, qui se trouvaient -alors à Paris. (Loret, liv. III, p. 64.) - - Page 432, ligne 9: Força de recourir à une assemblée générale. - -Talon donne, dans cet endroit de ses Mémoires, des renseignements -curieux et intéressants sur les grandes et les petites assemblées de -la ville de Paris. - - Page 432, lignes 16 et 17: De ses soldats déguisés en gens du peuple. - -Lefebvre de La Barre, prévôt des marchands, donna sa démission -aussitôt après le tumulte. - - Page 432, ligne 22: A se soustraire à la fureur populaire. - -Les vers de Loret, quoiqu'ils soient toujours dépourvus de grâce et de -poésie, ont, en racontant ces scènes déplorables, une naïveté qui -plaît, parce qu'on y voit une douleur sincère dans celui qui les -écrivait. Ce gazetier si insipide, ce versificateur si plat, était un -des plus honnêtes hommes de cette époque; il montre partout les -sentiments d'un bon Français; et s'il flattait les grands, il ne les -abandonnait pas dans le malheur, comme le prouva l'affaire de Fouquet. - - Page 434, ligne 24: Avaient encore augmenté le resserrement de la - population. - -Talon dit qu'il y avait alors cent mille personnes auxquelles la -charité était distribuée. Le pain blanc valait le 6 juillet onze à -douze sous la livre (c'est vingt-quatre sous d'aujourd'hui). Le pain -bis valait sept sous (quatorze sous). - - Page 435, ligne 21: Pour un vol de 300,000 livres de marchandises. - -C'est Chavagnac lui-même qui raconte ce fait. Ces marchandises -appartenaient à des bourgeois de Paris. - - Page 435, ligne 25: Gaston fit aussitôt conduire le comte de - Rieux à la Bastille. - -Il est fait mention de cette affaire du comte de Rieux dans plusieurs -des Mémoires du temps; mais c'est dans les Mémoires de Talon qu'elle -est le mieux détaillée. - - Page 436, ligne 11: Beau, galant, gracieux et enjoué. - -Voici le portrait que Bussy-Rabutin, qui n'est pas louangeur, nous a -laissé du duc de Nemours: «Ce duc avait les cheveux fort blonds, le -nez bien fait, la bouche petite et de belle couleur; il avait la plus -jolie taille du monde, et dans ses moindres actions une grâce qu'on ne -pouvait assez admirer; l'esprit fort enjoué et badin.» - - Page 438, ligne 25: Pour en arracher cette détermination. - -Condé, par le moyen de ses liaisons avec l'Espagne, avait obtenu, au -moyen d'une rançon, la liberté du duc de Guise, fait prisonnier par -les Espagnol, lors de son expédition contre le royaume de Naples; mais -en arrivant à Paris le duc de Guise se déclara pour le roi, et siégea -dans la séance où la déclaration royale qui proscrivait Condé fut -enregistrée. Le duc de Rohan aussi accepta l'amnistie, et ne suivit -pas Condé. - - Page 439, ligne 24: Depuis qu'il n'était plus obligé de la disputer - à Nemours. - -Lorsque Condé, par une habile manÅ“uvre, eut enfermé l'armée de -Turenne entre la sienne et celle du duc de Lorraine, il fut saisi -d'une fièvre qui lui dura quelques jours, et l'empêcha de profiter des -succès de ses combinaisons. Guy-Joly dit, dans ses Mémoires, que cette -indisposition de M. le Prince fut causée par une comédienne dont il -s'était trop approché. Ce qui me semble prouver, comme je l'ai dit, -que Condé bien avant son départ de Paris était fort refroidi à l'égard -de la duchesse de Châtillon. - - Pages 441, lignes 1 et 2: De femmes qui dans le vice conservassent - moins de respect pour la vertu. - -Sauval donne encore pour amants à la duchesse de Châtillon, Bouchu, -intendant de Bourgogne, et Cambiac, auquel il donne le titre de -chanoine d'Alby et de Montauban. Mais Sauval, mal instruit des choses -de la cour, a écrit longtemps après les événements. Pour tous ces -petits faits scandaleux, qui ont de l'importance par leur influence -sur les grands événements, il faut consulter les Mémoires des -personnes qui ont connu les personnages mêmes auxquels ces anecdotes -sont relatives. Les Mémoires de Montpensier, de Motteville, et surtout -ceux de Bussy, sont les meilleures sources et les plus authentiques. - - -CHAPITRE XXXII. - - Page 446, ligne 17: Telles étaient les dispositions où se trouvait - Balzac. - -Jean-Louis Guez, seigneur de Balzac, naquit en 1594 et mourut en 1655. -Employé d'abord à Rome sous le cardinal de la Valette, il avait été -fait conseiller d'État. - - Page 448, lignes 20 et 27: Le suivirent à Nantes. - -Salmonet était d'avis que le cardinal de Retz s'évadât; et s'il avait -suivi ce conseil et qu'il eût cessé d'intriguer avec ceux du parti de -Condé, il se serait encore arrangé avec la cour, tant la possession de -l'archevêché de Paris et son union avec le clergé de cette ville le -rendaient puissant, et exigeaient de ménagements de la part de -l'autorité. - - Page 451, lignes 17 et 18: Après ce piquant écrit: _Vita Mamurræ_. - -La _Vita Gargillii Mamurræ_ fut composée en 1636, et imprimée en 1643 -par Adrien de Valois, dans un recueil de pièces contre Montmaur, t. I, -p. 23. L'Anti-Gomorrhe, t. I, p. 44, de Sallengre, est de Charles -Vion. Sallengre cite des mots de Montmaur très-spirituels. La _Vita -Mamurræ_ est dédiée à un nommé Ferramus, avocat; il était de Boulogne. - - Page 452, ligne dernière du texte: Dans cette première édition des - poésies de Ménage. - -Ménage, à la cinquième édition, ajouta à l'idylle d'Alexis les deux -vers suivants, p. 146: - - Digne objet de mes vÅ“ux, à qui tous les mortels - Partout, à mon exemple, élèvent des autels. - -Et dans la septième, à ces mots: _à la tendre amitié_, il substitua: -_aux lois de l'amitié_; et à ceux-ci: _et dont l'âme insensible_,--_et -toujours insensible_. - - -CHAPITRE XXXIII. - - Page 456, ligne 1re du texte: Le marquis de Tonquedec était... - -Conrart rapporte les deux versions qui coururent dans le public sur -cette première rencontre de Tonquedec et de Rohan: la version de Rohan -et celle de madame de Sévigné (p. 91). Celle de madame de Sévigné -mérite le plus de confiance, et est aussi la plus vraisemblable. - - Page 459, lignes 22 et 23: Et Loret même en avait parlé dans sa - gazette. - -Loret, dans sa _Muse historique_, annonce ainsi cette affaire. - - Rohan, dont le cÅ“ur et la mine - L'ont fait parvenir à l'hermine, - Et le marquis de Tonquedec, - Quoique dans un lieu de respec, - Savoir, chez Sevigny la belle, - Eurent entre eux grosse querelle, etc. - - Page 461, ligne 25: Le duc de Rohan mourut. - -Loret a donné la date précise de la mort du duc de Rohan, dans sa -gazette datée du 6 mars, lorsqu'il dit: - - Ce fut depuis sept jours en çà - Que le noble duc trépassa, etc. - - -CHAPITRE XXXIV. - - Page 464, ligne 1re: Scarron se maria. - -L'époque du mariage de Scarron avec Françoise d'Aubigné (depuis madame -de Maintenon) se trouve exactement déterminée par la gazette de Loret; -cependant presque tous les auteurs qui ont écrit sur elle ou sur -Scarron l'ont ignorée, ou, ce qui est pire, lui ont assigné une fausse -date. M. Monmerqué, si curieux et si exact dans ses recherches, ne -donne point la date de ce mariage dans l'article _Maintenon_, dont il -a enrichi la _Biographie Universelle_. Madame Suard et Dreux du Radier -placent ce mariage en 1650, deux ans avant sa véritable date. Madame -Guizot le met en 1651, probablement sur l'autorité de La Beaumelle, -qui même va jusqu'à désigner en marge le mois d'avril; mais la date de -l'année comme celle du mois sont également fausses. Segrais, par ses -contradictions, est la première cause de ces erreurs; dans une page de -ses _Souvenirs_, il dit que Scarron se maria en 1650 (voyez page 100), -et dans une autre, p. 105, en 1651. Les auteurs subséquents ont pris à -peu près au hasard l'une ou l'antre date, sans se douter qu'ils ne -choisissaient qu'entre deux erreurs. Cependant, longtemps avant moi, -les frères Parfaict, dans leur _Histoire du Théâtre français_, -avaient, d'après la gazette de Loret, donné la véritable date. M. -Fabien Pillet, dans l'article _Scarron_, de la _Biographie -Universelle_, a bien dit que ce mariage eut lieu en 1652, mais sans -aucune discussion, et sans détermination plus précise. C'est dans sa -lettre 52, du 31 décembre 1651 (liv. II, p. 179), que Loret parle du -projet de Scarron de se transporter en Amérique avec la sÅ“ur Céleste -(mademoiselle de Palaiseau), quand le printemps sera venu; nulle -mention alors que Scarron eût pris femme: c'est dans la lettre 22 du 9 -Juin 1652 (liv. III, p. 77) que Loret parle du mariage récent de -Scarron, et de son procès avec sa belle-mère. - - Monsieur Scarron, esprit insigne..., - Avait un procès d'importance, - Lequel il a perdu tout net. - . . . . . . . . . . . . . . . - Car enfin ledit personnage - Ayant contracté mariage - Avec une épouse ou moitié, - Qu'il a prise par amitié, - Il était chargé, ce me semble, - De deux pesants fardeaux ensemble. - -C'est à l'imitation de Scarron que Loret écrivait sa gazette en style -burlesque. Il le regardait comme son maître et son modèle dans ce -genre d'écrire. Il professait pour lui la plus grande admiration. Il -donne place dans sa gazette aux plus petites choses qui le concernent. -Si donc ce mariage avait été antérieur de plus de quinze jours à cette -feuille du 9 juin, Loret n'aurait pas manqué d'en faire mention dans -les gazettes antérieures; il n'en dit rien: donc c'est entre la -gazette qui a précédé celle-ci et le 9 juin que ce mariage a eu lieu. - - Page 463, note 2: _Lettre_ à mademoiselle d'Aubigné. - -Cette curieuse lettre de Scarron est certainement adressée à -mademoiselle d'Aubigné, quoique son nom ne soit pas dans les éditions. -Les correspondances de Scarron, de madame de Maintenon, et de Bussy, -ont été imprimées avec une négligence qui les rend souvent -inintelligibles même aux plus instruits. - - Page 464, lignes 7 et 8: Agée de seize ans et demi. - -Madame de Maintenon était née le 28 novembre 1635; elle avait donc -seize ans et demi lors de son mariage; son frère était plus jeune. - - Page 465, lignes 6 et 7: Contemplez cet enfant qui se joue sur le - rivage de Sicile. - -Des recherches récentes, dues à un savant Italien, sur l'origine de la -famille de Mazarin, ont constaté ces faits. Ils m'ont été communiqués -par M. Artaud de Montor, qui a résidé longtemps en Italie, auquel nous -devons la meilleure traduction et la meilleure vie du Dante, et tant -d'excellents ouvrages qui concernent l'Italie. Saint-Simon, si curieux -et si savant sur tout ce qui se rapporte aux recherches généalogiques, -avait en quelque sorte deviné la naissance infime de Mazarin; car dans -ses _Mémoires_, après avoir parlé des nièces du cardinal, il dit: «Si -les pères de ces nièces n'étaient rien, leurs mères, sÅ“urs du -cardinal Mazarin, étaient, s'il se peut, encore moins. Jamais on n'a -pu remonter plus haut que le père de cette fameuse éminence, ni savoir -où elle est née, ni quoi que ce soit de sa première jeunesse. On sait -seulement qu'ils étaient de Sicile; on les a crus des manants de la -vallée de Mazare, qui avaient pris le nom de Mazarin, comme on voit à -Paris des gens qui se font appeler Champagne, Bourguignon. La mère du -cardinal était Buffalini. Son père mourut obscur à Rome, en 1654, âgé -de soixante-dix-huit ans. Cela n'y fit pas le moindre bruit. Les -nouvelles publiques de Rome eurent la malice d'y insérer ces mots: -«Les lettres de Paris nous apprennent que le seigneur Pietro Mazarini, -père du cardinal de ce nom, est mort en cette ville de Rome, etc.» (T. -XI, p. 190.) Loménie de Brienne, qui écrivait du vivant même de -Mazarin, et lorsqu'il était tout-puissant, ne savait rien non plus sur -son origine; il dit, t. II, p. 10: «Que le cardinal fût de Rome ou de -Mazara, qu'il fût né gentil-homme ou non, je laisse ces difficultés à -débrouiller aux généalogistes.» - - Page 466, ligne 24: Au dur despotisme d'une parente avare. - -Cette parente était la comtesse de Neuillant, mère de madame la -duchesse de Navailles. - - Page 466, lignes 26 et 27: On la croyait née en Amérique. - -Saint-Simon le croyait encore, et ignorait de qui elle était -descendue. La justice vient tard pour les personnages qui ont exercé -un grand pouvoir; tout ce que dit Saint-Simon sur madame de Maintenon -est l'expression de la haine et le résultat de la plus injuste -partialité. Il en est de même de ce qu'a dit MADAME (mère du duc -d'Orléans, régent) dans sa correspondance. Il en est de même de -presque tous ceux qui ont écrit sur cette femme célèbre dans le temps -de sa faveur. Pendant tout le dix-huitième siècle les philosophes, à -cause de sa dévotion, lui ont attribué sur les affaires une influence -qu'elle n'avait pas, afin de pouvoir rejeter sur elle les malheurs -publics et les désastres des dernières années du règne de Louis XIV. -Ce n'est que de nos jours que l'on a commencé à la juger -impartialement. - - Page 467, lignes 17 et 18: Loret, en devisant sur ce prétendu - voyage dans sa bavarde gazette. - -Dans la lettre 25, en date du 5 octobre 1652, liv. III, p. 139, Loret -dit: - - Monsieur Scarron, auteur burlesque, - Fort aimé du comte de Fiesque, - Est parti de cette cité - Ayant sa femme à son côté, - Ou du moins en étant bien proche, - Lui dans une chaise, elle en coche, - Pour devers la ville de Tours - Aller attendre quelques jours - L'embarquement pour l'Amérique, - Où sa personne poétique - Espère trouver guérison. - -Puis, dans la lettre 45, en date du 9 novembre 1652, liv. III, p. 154, -c'est-à -dire un mois après la lettre précédente: - - J'avais dit, en juin ou juillet, - Que cet esprit rare et follet, - Admiré de tout galant homme, - Qui le petit Scarron se nomme, - Avait choisi par amitié - Une jeune et belle moitié. - J'ai dit, en une autre semaine, - Que vers les champs de la Touraine - Icelui s'était transporté - Ayant sa femme à son côté, - Avec intention formée - (Ce disait lors la Renommée) - D'attendre, sans y manquer, - La saison propre à s'embarquer, - Pour voguer en terre lointaine, - Que l'on appelle américaine, - En laquelle il prétend, dit-on, - Devoir rehausser son menton. - Or, j'ai maintenant à vous dire - Que cet auteur à faire rire, - Nonobstant son corps maladif, - Est devenu génératif; - Car un sien ami tient sans feinte - Que sadite épouse est enceinte - De trois ou quatre mois et plus. - Et puis dites qu'il est perclus! - -Madame de Maintenon écrivait, dans une de ses lettres à son frère: -«Vous savez que je n'ai jamais été mariée.» - - Page 468, lignes 15 et 16: C'est elle-même qui a fait l'aveu de ce - dernier motif comme d'une faiblesse... - -Dans le passage cité de La Beaumelle, elle dit: «J'en suis punie -aujourd'hui par l'excès de faveur; comme si Dieu m'eût dit, dans sa -colère: Tu veux de la gloire et des louanges: eh bien! tu en auras -jusqu'à en être rassasiée.» - - Pages 468 et 469, lignes dernière et première: Les doutes qu'on a - élevés sur madame Scarron au sujet du marquis de Villarceaux. - -Tallemant des Réaux, après avoir rapporté un voyage que madame Scarron -fit au château de Villarceaux avec Ninon, et l'amour que Villarceaux -avait pour madame Scarron, et les efforts qu'il fit pour la séduire, -termine ainsi: «On croit cependant qu'elle n'a pas franchi le pas.» -Scarron à l'endroit cité marque le commencement de sa liaison avec -Villarceaux, et ajoute: «Je vous en dirai demain davantage chez -mademoiselle de Lenclos, où je me ferai porter à l'heure du dîner.» - - Page 469, ligne 21. - -La pièce de Scarron intitulée _Étrenne à mademoiselle de Lenclos_ est, -suivant moi, du temps de la jeunesse de Scarron et de Ninon. Voici le -passage de Saint-Simon sur la liaison de madame de Maintenon avec -Ninon: «Elle (Ninon de Lenclos) avait été amie intime de madame de -Maintenon tout le temps que celle-ci demeura à Paris. Madame de -Maintenon n'aimait pas qu'on lui parlât d'elle, mais elle n'osait la -désavouer. Elle lui a écrit de temps en temps jusqu'à sa mort avec -amitié. Lenclos (car Ninon avait pris ce nom depuis qu'elle eut quitté -le métier de sa jeunesse longtemps poussée) n'y était pas si réservée -avec ses amis intimes; et quand il lui est arrivé de s'intéresser -fortement pour quelqu'un ou quelque chose, ce qu'elle savait rendre -rare et bien ménager, elle en écrivait à madame de Maintenon, qui la -servait efficacement et avec promptitude; mais depuis sa grandeur -elles ne se sont vues que deux ou trois fois, et bien en secret.» - - Page 472, ligne 14: Il propose des plans d'entreprise. - -Il s'agissait de créer des offices de _déchargeurs_ pour les -marchandises, auxquels une compagnie aurait avancé des fonds pour -payer les droits, et faire rendre et décharger les marchandises dans -les magasins, aux frais, risques et périls des déchargeurs. - - Page 473, ligne 7: Sa femme obtint une pension. - -La Beaumelle place en 1653 la pension de seize cents livres que madame -de Maintenon obtint par l'entremise de madame Fouquet. - - Page 473, lignes 17 et 18: Qui chantaient les louanges de la belle - Indienne. - -Voici quelques vers de la pièce de La Mesnardière, intitulée _la Belle -Indienne_, à la jeune, belle et spirituelle madame Scarron: - - -_Galanterie._ - - Quant à moi, je me persuade - Que ce rare et plaisant malade, - Votre fameux et cher époux, - Se passera fort bien de vous. - . . . . . . . . . . . . . . . . . - Et pour lui faire voir, ma belle, - Combien votre approche est mortelle, - Je connais des gens à la cour - Qui, pour avoir vu certain jour - Seulement votre gorge nue, - En ont la fièvre continue. - Quel devrait être leur tourment, - S'ils vous voyaient à tout moment! - -Ceci prouve, au reste, qu'alors la mode pour les femmes était de se -découvrir le sein lorsqu'elles étaient habillées; mais ce n'est pas -sur ce ton que la Mesnardière louait les appas de la marquise de -Rambouillet, ou de sa fille, la duchesse de Montausier. Segrais -rapporte que Scarron avait un valet fort simple et fort benêt, auquel -les jeunes seigneurs qui venaient chez lui s'amusaient à demander si -son maître ne ferait pas bien un enfant à sa femme, parce qu'il -répondait toujours: «Oui-da, monsieur, s'il plaît à Dieu.» - - Page 473, ligne 23: Qu'avant l'invention des sonnettes de renvoi. - -Saint-Simon dit aussi de l'abbé de Fleury, dans ses _Mémoires_, qu'il -s'était rendu agréable dans plusieurs maisons, et qu'il suppléait aux -sonnettes avant leur invention. - - Page 474, ligne 16: Nos recherches n'ont pu nous faire découvrir. - -J'ai cherché en vain l'époque de l'invention des sonnettes de renvoi -dans les ouvrages qui décrivent l'art de la serrurerie, dans le grand -Dictionnaire des Inventions. Elle n'est pas ancienne; et en parcourant -les gazettes publiques du commencement de la régence, on doit pouvoir -la déterminer facilement. Ceci m'a donné occasion de remarquer -plusieurs passages de Saint-Simon qui nous indiquent les époques -auxquelles il a écrit les différents volumes de ses _Mémoires_. Né en -janvier 1675, déjà en 1699, à l'âge de vingt-quatre ans, il les avait -commencés, puisque alors il consultait l'abbé de Rancé pour savoir si -en sûreté de conscience il pouvait se permettre de les continuer. Ce -qui concerne l'année 1714 a été écrit ou retouché postérieurement à -l'année 1732 (voy. t. XI, p. 371), puisque Saint-Simon cite dans cet -endroit ce que Du Halde lui a dit en 1732. L'année 1715 a été écrite -en septembre 1745 (voyez t. XII, p. 248); une autre portion de ces -_mémoires_, en 1746, c'est-à -dire plus de trente ans après -l'événement. Le discours préliminaire, ou l'introduction, est daté de -juillet 1743; c'est dans cette année ou dans l'année précédente qu'a -été écrit le XVIIIe volume, qui concerne les années 1719 et 1721. - - Page 474, deux dernières lignes: Qu'elle fit pleuvoir sur ses - anciennes protectrices. - -On trouve dans les lettres de Scarron quelques détails curieux sur les -rapports de madame Scarron avec les grandes dames ses protectrices, -dont quelques-unes ont été depuis protégées par elle. Scarron, t. I, -p. 92, écrit au maréchal d'Albret: «Madame Scarron a été à -Saint-Mandé. Elle est fort satisfaite de la civilité de madame la -surintendante (madame Fouquet); et je la trouve si férue de ses -attraits, que j'ai peur qu'il ne s'y mêle quelque chose d'impur. Mais -comme elle ne va que quand ses amis la mènent, faute de carrosse, elle -ne peut lui faire sa cour aussi souvent qu'elle le souhaite.»--Il dit -encore au maréchal d'Albret: «Votre carrosse rendait ma petite porte -vénérable à tous les habitants de la rue Saint-Louis.»--Dans sa lettre -au duc d'ElbÅ“uf, il se plaint que madame de Montchevreuil lui a -enlevé madame Scarron. - - -CHAPITRE XXXV. - - Page 479, avant-dernière ligne: Dans le grenier d'une maison - voisine - -Le maître de la maison dans laquelle Marigny s'était retiré ne sut que -longtemps après qu'il avait donné refuge à un criminel d'État, et les -soins que sa servante lui avait rendus. C'est presque aussitôt après -s'être évadé de Paris, et au commencement de l'année 1655, que Marigny -écrivit de Bruxelles cette lettre à Gaston, qui depuis a été imprimée, -et où il lui parle de toutes les beautés que le prince avait eu -occasion de fréquenter autrefois pendant son séjour dans la capitale -de la Flandre. Cette lettre nous apprend que la comtesse flamande qui -envoya un médaillier à Gaston, dont parle mademoiselle de Montpensier, -mais qu'elle ne nomme pas, était la marquise de Lédé. - - -CHAPITRE XXXVI. - - Page 488, ligne 19: Nulle femme n'a jamais su mieux qu'Anne - d'Autriche tenir un cercle. - -Saint-Simon dit que Louis XIV, élevé dans les cercles brillants de la -reine sa mère, aurait voulu les faire revivre, mais qu'il ne put y -parvenir. Ces cercles finirent avec elle. - - Page 490, ligne 24: Toutes les fois qu'on donnait _le Cid_. - -On représenta _le Cid_ aux noces de mademoiselle de Schomberg, et il -eut alors un succès extraordinaire. - - Page 492, lignes 16 et 17: Dans son château de Saint-Fargeau, - qu'elle agrandissait. - -Ce fut Le Vau, architecte du roi, qui fit les nouvelles constructions -du château de Saint-Fargeau. MADEMOISELLE y dépensa plus de 200,000 -fr., valeur de cette époque (400,000 fr.). Elle avait avec elle dans -son exil la vieille comtesse de Fiesque, puis sa belle-fille la -comtesse de Fiesque la jeune, et madame de Frontenac. Elle eut de -fréquentes querelles avec ces deux dernières: elle n'en était guère -aimée, et leur rendait le change. La vieille madame de Fiesque voulut -introduire dans le château mademoiselle d'Outrelaise, qu'à cette -occasion Loret nomme la _divine_. Nous reviendrons sur cette -expression, et sur mademoiselle d'Outrelaise, lorsque madame de -Sévigné, qui fait mention d'elle, nous en fournira l'occasion. - - Page 492, ligne 19: Sa naine. - -Loret, dans sa gazette, annonce sa mort et fait son épitaphe. Il dit -qu'en la mettant dans une petite balance, avec sa robe, sa chemise et -sa coiffure, elle ne pesait pas plus qu'un louis d'or. Si le fait -était rigoureusement vrai, il resterait à déterminer quel était le -poids d'un louis d'or en 1653. - - Page 492, ligne 20: Entretenait une troupe de comédiens. - -Nous avons dit qu'on ne donnait pas une grande fête, pas un grand -repas, sans le secours des comédiens. Ainsi lorsque le président -TubÅ“uf régala toute la cour dans son château de Ruel, qui avait -appartenu au cardinal de Richelieu, il fit représenter, avec des -décorations de Beaubrun, la pastorale d'_Amarillis_, qui avait eu tant -de succès l'année précédente. Beaubrun était un fameux peintre de -portraits, qui mourut en 1692, à quatre-vingt-huit ans. Loret a décrit -le repas donné au mois d'août à MONSIEUR par Mazarin, et où se -trouvèrent le roi, les deux reines, c'est-à -dire la reine mère et la -reine d'Angleterre, avec les princes ses fils, le prince et la -princesse de Galles, le duc d'York et le duc de Glocester, qui venait -d'arriver; et dans cette description le gazetier n'oublie pas de nous -dire - - Qu'après les friands aliments - Vinrent les divertissements, - Savoir, d'excellentes musiques - Et de beaux spectacles comiques. - -Loret nous apprend que le service fut fait en argent ou porcelaine. La -porcelaine était donc alors en usage. Voyez Loret, liv. IV, p. 97, et -liv. V, p. 24. - -Loret, en décrivant le repas donné par le duc d'Arpajon, dit: - - Tout y fut assez jovial, - Car la comédie et le bal - Qui suivirent cette abondance - Divertirent fort l'assistance. - -Et aussi, lors du festin pour les noces du marquis de Bade: - - Enfin, après ce grand repas - Si semé de plats et d'appas, - On ouït quelque mélodie, - Et sur le soir la comédie. - -Voyez Loret, liv. V, p. 19, lettre en date du 7 janvier 1654, et p. -24, lettre en date du 21 février 1654. Je pourrais multiplier ces -exemples. - - Page 493, ligne 25: Et celui du Petit-Bourbon. - -Loret nous apprend ce fait dans sa gazette du 30 août 1653: - - Une troupe de gens comiques - Venus des climats italiques, - Dimanche dernier, tout de bon, - Firent dans le Petit-Bourbon - L'ouverture de leur théâtre. - - Page 494, ligne 19: Ayant pour titre _la Nuit_. - -La description de ce ballet de _la Nuit_ fut imprimée chez Ballard; -mais il en existe une copie manuscrite in-folio à la bibliothèque de -l'institut, avec les dessins de tous les personnages revêtus de leurs -costumes, peints à l'aquarelle. Ces costumes étaient riches en -couleurs, chargés d'or et d'argent, de galons, et de paillettes -brillantes, bizarres et fantastiques. - -Je remarque que, dans la prolixe description qu'il a donnée de ce -ballet, Loret parle de Villequier (probablement le duc de Villequier) -qui distribuait des billets, et faisait placer tout le monde. La rue -qui passait devant le théâtre du Petit-Bourbon, et qui était une -continuation de la rue actuelle des Poulies, se nomme Villequier sur -le plan de Paris de Berey de 1654; et je crois que ce nom a échappé à -Jaillot, et à tous les laborieux scrutateurs des origines de Paris. - - Page 496, lignes 12 et 13: La suite en fit voir de déplorables - conséquences. - -Philippe de France ou MONSIEUR, frère de Louis XIV, naquit le 21 -septembre 1640; Louis XIV, le 5 septembre 1638. Les preuves abondent -sur les goûts dépravés de MONSIEUR, qui inspiraient à son frère une -juste aversion. Saint-Simon, à l'endroit cité, dit: «Le goût de -MONSIEUR n'était pas celui des femmes, et il ne s'en cachait pas.» A -ce ballet de _la Nuit_, le duc de Buckingham, fils de celui qui excita -si vivement la jalousie de Louis XIII par ses attentions pour Anne -d'Autriche, représenta le démon du feu. (Benserade, t. II, p. 57.) - -Je remarque dans les diverses descriptions de ce ballet que certains -objets de luxe étaient alors d'une cherté qu'on a peine à concevoir -aujourd'hui: ainsi Loret nous apprend qu'une orange de Portugal -coûtait cinq livres, c'est-à -dire dix livres de notre monnaie -actuelle. (Loret, liv. IV, p. 59.) - - Page 497, lignes 11 et 12: Monsieur et madame de Montausier - étaient occupés à solliciter. - -La marquise était venue à Paris la première, pour solliciter Mazarin. -Son mari ne vint l'y rejoindre qu'après la paix de Bordeaux, le 31 -juillet. - - Page 498, lignes 20 et 21: Ne sont pas toujours exemptes - d'obscénités. - -Voyez, p. 74 de ce recueil de Sercy, une pièce intitulée _A une -demoiselle tourmentée de vents_, dont je ne puis rien citer. Cela se -dédiait à un aumônier du roi, et s'imprimait avec privilége du roi. Le -privilége est du 19 janvier 1653. Le livre fut achevé d'imprimer le 24 -mars de la même année. - - Page 498, note 1: _Poésies choisies_, etc. - -C'est dans ce recueil de Sercy qu'on trouve aussi pour la première -fois imprimés les vers pour la Guirlande de Julie, et les épigrammes, -rondeaux et impromptus auxquels la dispute des sonnets de Job et -d'Uranie a donné lieu. - - -CHAPITRE XXXVII. - - Page 505, note 1: CORBINELLI, _Histoire de la maison de Gondi_. - -L'histoire généalogique de la maison de Gondi a été composée par -Corbinelli, en commun avec Ant. Pezay. La duchesse de Lesdiguières en -fit les frais. C'est un ouvrage magnifique, pour la beauté des -portraits. Des _Anciens Historiens réduits en Maximes_, il n'y a -d'imprimé que les extraits de Tacite. - - Page 505, ligne 11: Il se logea dans le quartier du Marais du - Temple. - -Saint-Simon nous apprend qu'au sujet des différents quartiers de -Paris, et des statues de nos rois qui s'y trouvaient, on disait: Henri -IV avec son peuple sur le Pont-Neuf, Louis XIII avec les gens de -qualité à la place Royale, et Louis XIV avec les maltôtiers à la -place des Victoires. Sur quoi Saint-Simon ajoute: «Celle de Vendôme, -faite longtemps depuis, ne lui a guère donné meilleure compagnie.» - - Page 506, ligne 3: Il l'acheta 270,000 livres. - -Bussy dit quatre-vingt-dix mille écus. C'était l'écu de 1641, qu'on -appelait louis blanc; mais alors le louis d'or ne valait que 12 f., ou -plutôt 11 f. 05. Voyez l'_Extrait de tous les Édits et déclarations -sur les Monnaies_, 1643, in-4º. Bussy, dans l'histoire qu'il adonnée -de cette charge de mestre de camp de la cavalerie légère, remonte -jusqu'à sa première formation, due à un seigneur albanais nommé George -Castriol, sous Charles VIII. Le prix de ces charges était énorme. -Ainsi le marquis de Soyecourt vendit 400,000 liv. (800,000 fr.) la -charge de maître de la garderobe au duc de Roquelaure, qui se maria -ensuite à la belle du Lude (Loret, _Muse historique_, liv. IV, p. 106 -et 107). Beringhen acheta le même prix de Saint-Simon (le père de -l'auteur des _Mémoires_), alors en disgrâce, la chaire de premier -écuyer, et de plus 20,000 fr. de pension sa vie durant. De tels prix -ne pouvaient provenir que des droits et priviléges lucratifs attachés -à ces charges. Mais ce qu'on a plus de peine à comprendre, c'est le -haut revenu des gouverneurs des petites places de guerre. Celle de -Doullens une des moindres, valait à son gouverneur vingt mille écus -(120,000 fr. monnaie actuelle). - - Page 507, ligne 26: La vicomtesse de Lisle. - -Cette madame de Lisle, dont parle Bussy, était probablement -belle-fille du comte de Lisle qui en 1654 servait sous Conti, à -l'armée de Catalogne. Voyez _Histoire de la Monarchie Françoise sous -le règne de Louis le Grand_, 1697, in-12, t. II, p. 66, 4e édit. - - Page 513, ligne 1: Madame de Précy s'aperçut qu'elle était jouée. - -Dans les éditions de 1710 (p. 337), comme dans l'édition de 1754, le -récit de Bussy finit ainsi: «J'en avertis madame de Monglas, ce qui -fut cause qu'elles rompirent ensemble, et que dans la suite cette -belle eut toutes les raisons du monde de croire que j'avais -véritablement de l'amour pour elle.» Dans les deux éditions de Liége -sans date, page 69 de l'une, page 207 de l'autre, on lit pour cette -fin: «Le grand jour obligea la compagnie à se séparer, et la fin de -cette histoire mit fin à l'entretien des quatre illustres pénitents, -qui après une si belle préparation s'en retournèrent à Paris faire -leurs pasques.» Au lieu de cette fin, qui est une dérision, on lit ce -qui suit dans le manuscrit de l'Institut: «Mais madame de Monglas, qui -était prévenue de ses artifices, lui battit froid là -dessus; et c'est -là où finit cette plaisante affaire, à cause que la fonction de ma -charge m'obligea d'aller à l'armée.» - - -CHAPITRE XXXVIII. - - Page 515, ligne 8: Le nombre de mariages. - -Les principaux mariages qui eurent lieu pendant cet hiver dans la -noblesse furent ceux du marquis de Bade et de la princesse de Savoie, -et du comte d'Orval. Le grand maître de l'artillerie donna un dîner au -roi; les religieuses même s'en mêlèrent. Il y eut un repas magnifique -donné à la reine par l'abbé de Saint-Antoine, qui coûta 3,130 écus, ou -environ 18,760 francs de notre monnaie actuelle. - - Page 517, note 1: _Description particulière du grand ballet de_ - Pélée et Thétis, etc. - -Dans cet ouvrage les costumes de chaque rôle sont décrits; on donne -les noms de tous les acteurs, au nombre desquels étaient le roi de -France, le duc d'York, la princesse d'Angleterre. Les figures de -l'exemplaire qui est à la bibliothèque de l'Institut sont sur papier, -mais peintes ou enluminées, et collées sur vélin. Le roi (Louis XIV) -s'y trouve avec son costume d'Apollon. Ainsi que je l'ai déjà dit, ces -costumes n'ont rien d'antique; ils sont bizarres, de mauvais goût, -seulement éclatants par la richesse. - -Le ballet de _Pelée et Thétis_ fut joué alors, pour la dernière fois, -en mai 1654. Cependant ce goût des ballets dura longtemps: dans un -beau tableau de Mignard, que nous possédons, madame de Thianges est -représentée en Thétis, tenant par la main le duc du Maine, âgé -d'environ douze ans, costumé en guerrier, et figurant Achille -adolescent. Loret nous apprend que des particuliers, à l'exemple du -roi, firent jouer chez eux des ballets en action. Un sieur Maréchal -fit représenter chez lui un ballet intitulé _les Plaisirs de la Vie_. - - Page 518, ligne 8: Par les révélations de La Porte. - -Voltaire a très-bien jugé ce fait, et bien apprécié la conduite de La -Porte. La haine contre le cardinal l'aveugla; il crut avoir trouvé -occasion de le perdre par la plus absurde des accusations. Mais La -Porte était de bonne foi dans cette accusation. - - Page 518, ligne 24: Cette gentille Henriette. - -Louis XIV, à qui Henriette d'Angleterre plut peut-être trop par la -suite, ne l'aimait pas dans sa jeunesse; ou plutôt encore adolescent, -et dans la première effervescence des sens, l'instinct de la nature -lui faisait préférer les femmes formées à celles qui étaient à peine -sorties de l'enfance. En 1645, dans un bal où se trouvait la princesse -d'Angleterre, il se disposait à commencer la danse avec Olympe -Mancini: l'impétueuse Anne d'Autriche, qui était présente, devint -rouge de colère, arracha à son fils la nièce du cardinal, qu'il tenait -à la main, et le força d'aller prier la princesse d'Angleterre. Elle -lui fit sévèrement sentir qu'étant roi, c'était à lui, plus qu'à tout -autre, de donner l'exemple du respect et des honneurs dus au sang -royal, et que la jeunesse de la princesse, comme lui issue de Henri -IV, et sa parente, ne le dispensait pas de ce devoir. (Voir -Motteville, t. XXXIX, p. 367-368.) - - Page 519, note 4: MONMERQUE. - -Le savant biographe donne sur ce sujet des détails curieux, et -auparavant inconnus. Il rapporte une épître de Godeau, évêque de -Vence, à Conrart, en date du 22 janvier 1655, qui prouve que la -première partie de _Clélie_ a dû paraître en 1654. Cependant -l'exemplaire que j'ai vu porte pour cette première partie 1656. Est-ce -un titre renouvelé, ou une réimpression? - - Page 520, ligne 21: La mort du marquis de La Vieuville. - -La Vieuville mourut le 2 janvier 1654. - - Page 522, ligne 14: Ses châteaux de Vaux et de Saint-Mandé. - -La bibliothèque que Fouquet avait réunie à Saint-Mandé était une des -plus belles de l'Europe. - - Page 523, ligne 25: De celle qu'il venait d'épouser. - -Turenne s'était marié en 1653, à Charlotte de Caumont, fille du -maréchal de La Force, riche héritière, qui mourut sans enfants. - - -CHAPITRE XXXIX. - - Page 528, ligne 13: Ce nom de Saint-Nectaire. - -Dans la gazette de Loret il est parlé «du bonhomme Senetaire, raffiné -courtisan, vieil ami de maint partisan.» Ainsi Bussy, Loret, les -Mémoires de madame de Motteville et ceux de Retz nous donnent des -exemples de la transformation successive de ce nom de Saint-Nectaire -en Senectaire, Senetaire, et Senneterre. - - Page 533, lignes 3 et 4: «_Si l'on pouvait avoir de vos poulets, - madame, on ne ferait pas tant de cas de vos lettres._» - -Le mot _poulet_ signifiant un billet galant n'est pas fort ancien; il -ne se trouve ni dans Nicot, ni dans Cotgrave. Il vient évidemment de -l'usage d'appeler amoureusement une jeune fille _poulette_. Du temps -de Voiture, qui s'est rendu célèbre par l'élégance de ses _poulets_, -ce mot était fort en usage. Il l'était encore lorsque Bussy écrivait -sa lettre à madame de Sévigné; mais, vingt-cinq ans après, Richelet -remarqua dans son Dictionnaire (1699, in-4º, t. II, p. 199) que «le -mot _poulet_ en ce sens (de petite lettre d'amour ou galante) n'est -pas si en usage qu'il était autrefois.» Cependant l'Académie Française -n'a pas cessé dans toutes les éditions de son Dictionnaire, depuis la -première jusqu'à la dernière (1694-1835) de mettre le mot _poulet_ -avec la signification donnée par Richelet, sans reproduire sa -remarque, qui n'a pas cessé d'être vraie. - - Page 536, ligne 16: La marquise d'Uxelles lui plaisait plus par - son esprit que par sa beauté. - -La lettre du 20 juin 1672 nous apprend que la marquise d'Uxelles était -devenue fort grasse, et qu'elle avait eu une intrigue avec le fils du -duc de Longueville. La lettre du 14 août 1676 prouve son étroite -intimité avec un nommé La Garde, dont le mariage la contrarie si -fortement. - - Page 536, ligne 10: Déjà mariée en secondes noces. - -Anne-Élisabeth, comtesse de Lannoi, fut mariée en premières noces à -Henri-Roger du Plessis, comte de La Roche-Guyon. Elle fut mariée en -secondes noces au duc d'Elbeuf, le 7 mars 1648, et mourut à vingt-huit -ans, le 3 octobre 1654. - - Page 537, lignes 6 et 7: Ne comptait pas une année de mariage. - -Il résulte des deux lettres citées de Loret que le mariage de la -duchesse de Roquelaure a eu lieu entre le 20 et le 26 septembre 1653. -Dans la première lettre de Loret il est parlé des fiançailles de la -duchesse de Roquelaure, et nous y apprenons que le duc de Roquelaure -donne à sa fiancée douze bourses parfumées, contenant six mille pièces -d'or de onze livres dix sous chacune, faisant 69,000 livres monnaie de -cette époque, ou 138,000 fr. valeur actuelle. - - Page 538, avant-dernière ligne: La cour entière fut attristée par - sa mort. - -D'après la dernière lettre de Loret que nous citons, nous voyons que -cet accouchement, à la suite duquel mourut la duchesse de Roquelaure, -était au moins le second, et que le premier accouchement avait été -également difficile. Loret en annonçant cette mort de la duchesse de -Roquelaure, - - Plus fraîche et plus belle que Flore - -ajoute: - - Quand au Louvre on sut le trépas - De cet objet rempli d'appas, - Une tristesse générale - S'empara de la cour royale; - Et les cÅ“urs les plus généreux, - Qui sans doute étaient amoureux - De ses vertus et de ses charmes, - Versant abondance de larmes, - Firent bien voir que cette mort - Les touchait et les blessait fort. - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - O fleurs d'une aimable jeunesse, - Vous êtes charmantes et belles, - Mais vous n'êtes pas immortelles. - - - - -DEUXIÈME PARTIE. - - -CHAPITRE I. - - Page 3, ligne 13: Le 7 juin. - -Deux jours après, le jeune roi toucha les écrouelles. - - Page 4, ligne 17: Quand tout paraissait perdu, il sauva tout. - -Ce sont les expressions mêmes de la lettre de Philippe IV à Condé: «Mi -primo, he intendido toto estava perdido, V. A. ha conservado toto.» - - Page 7, ligne 2: Il s'était servi de l'abbé Fouquet. - -L'abbé Fouquet fut soupçonné d'avoir profité de la confiance que lui -accordait Mazarin, et des vilaines fonctions dont il l'avait chargé, -pour assouvir ses vengeances particulières. Un jour le gardien de la -Bastille témoignait son étonnement à la vue d'un lévrier qui se -trouvait dans la cour, et demandait pourquoi il était là : «C'est, lui -répondit un prisonnier, parce qu'il aura mordu le chien de l'abbé -Fouquet.» - - Page 8, ligne 4: Ses intrigues avec les anciens frondeurs. - -Le président Le Coigneux, qui avait été un des plus violents dans le -parlement contre Mazarin, fut un des premiers corrompus. - - Page 8, lignes 10 et 11: Après la mort de son oncle. - -L'oncle du cardinal de Retz mourut le 21 mars 1654. - - Page 9, lignes 7 et 8: Dans le château de Nantes. - -Le cardinal de Retz sortit de Vincennes pour aller à Nantes, le 30 -mars 1654. - - Page 11, ligne 4: Il s'évada en plein jour. - -Retz se sauva de Nantes le samedi 8 août, à cinq heures du soir. Il -arriva à Belle-Isle le 14 août. - - Page 12, ligne 6: dans l'île Majorque. - -Retz pour traverser la Méditerranée s'embarqua au port de Vivaros en -octobre 1654. - - Page 13, ligne 2: Que pour venir à temps. - -Le cardinal de Retz fit son entrée dans Rome le 28 novembre 1654. - - Page 13, lignes 5 et 6: Un souverain pontife. - -Innocent X mourut le 7 janvier 1655. - - Page 14, ligne 22: Soit à Belle-Isle. - -Je pense que ce fut de Machecoul ou de Belle-Isle, et non d'Espagne, -comme le croit M. Monmerqué, que Retz écrivit à madame de Sévigné. -D'abord on doit supposer que Retz, dont l'honneur se trouvait -compromis par sa fuite, devait être empressé de faire parvenir au -maréchal les motifs qui pouvaient l'excuser. De plus, les _Mémoires de -Joly_ prouvent (t. XLVII, p. 322) que Retz aborda à Belle-Isle le -vendredi 14 août, et en Espagne le 12 septembre (t. XLVII, p. 330). La -lettre de madame de Sévigné est du 1er octobre; par conséquent celle -de Retz a dû lui parvenir le 29 septembre au plus tard, puisqu'elle -dit l'avoir envoyée au maréchal le 30. Il est difficile de croire -qu'une lettre partie d'Espagne, pays avec lequel on était en guerre, -soit parvenue à Paris, et ensuite envoyée en Bretagne, et remise au -château des Rochers, où était madame de Sévigné, dans un espace de -quinze à seize jours, à une époque où les communications étaient -difficiles et lentes. Encore même, pour qu'il y ait quinze à seize -jours d'intervalle, faut-il supposer que la lettre de Retz a été -écrite et est partie d'Espagne le lendemain ou le surlendemain de son -débarquement, et que Ménage l'a transmise à madame de Sévigné le jour -même où il l'a reçue. - - -CHAPITRE II. - - Page 18, ligne 5 du texte: Et son vicaire Chassebras. - -La sentence du parlement qui bannit à perpétuité Chassebras, vicaire -de la Madeleine, est du 27 septembre 1652. - - Page 18, ligne 8 du texte: Le retour du jeune roi dans sa capitale. - -Loret (livre VI, page 106) dit qu'il y avait cent six carrosses à -cette entrée. - - Page 19, ligne 7: D'une des demoiselles de Mortemart. - -Cette demoiselle de Mortemart, qui fut marquise de Thianges, était la -sÅ“ur de celle qui fut depuis connue sous le nom de duchesse de -Montespan. - - Page 19, ligne 9: Celui de Loménie de Brienne. - -Les fiançailles de Loménie de Brienne eurent lieu en décembre 1654, et -le mariage seulement en janvier 1656. Ces détails, qui nous sont -donnés par Loret, ont été ignorés par le spirituel éditeur des -_Mémoires de Loménie de Brienne_, qui parle de ce mariage sans en -donner la date. - - Page 19, ligne 12: Non-seulement le jeune monarque. - -Le roi et son frère furent de toutes les fêtes données par Mazarin, -par le duc d'Amville, par le chancelier Seguier. Le roi dansa dans le -ballet qui fut donné par le chancelier Seguier. Loret (liv. V, p. 77) -fait la description d'une magnifique fête donnée par Hesselin, dans -son palais d'Essone. Loret le nomme. - - Goinfre du plus haut étage, - Rare et galant personnage. - -Madame de La Sablière était une demoiselle Hesselin, et cet Hesselin -était peut-être son père. - -Je remarque que Loret, au milieu de ces descriptions de fêtes et de -divertissements, liv. VI, t. II, p. 159, dans la lettre en date du 16 -octobre, fait mention d'une attaque de _cholera-morbus_ dont fut -subitement attaqué un nommé Coquerel, directeur des carmélites, -pendant qu'il était à Marseille: - - Et quoique ce mal fût mortel, - Son bonheur cependant fut tel, - -qu'il en réchappa. Ainsi dès cette époque le _cholera-morbus_ était -connu par son vrai nom et dès cette époque aussi il était considéré -comme mortel. - - Page 19, ligne 16: Il y fit jouer trois nouveaux ballets. - -Louis XIV représentait dans le ballet des _Plaisirs_ le génie de la -danse, un berger et un débauché; mais ce dernier rôle n'était -introduit que pour motiver des vers contre la débauche. (Benserade, t. -II, p. 117, 131, 137.) En février 1656, lors de la visite de la -princesse d'Orange, Mazarin donna à dîner à toute la famille royale, -et l'on entendit la fameuse La Barre et la signora Bergerota. Créqui -donna à dîner au frère du roi en février (Loret, t. VII, p. 32), et -Seguier à toute la famille royale (t. VII, p. 33 ). Mazarin donna une -fête au duc de Mantoue, le 18 septembre. Loret dit qu'il y eut cette -année - - ..... Plus de mille assemblées - En des maisons fort signalées. - - Page 21, lignes 7 et 8: Composèrent dès lors des tragédies latines. - -Loret, qui assistait à ces représentations, dit que ces pièces latines -furent écoutées par plus de sept mille auditeurs. Le naïf gazetier -avoue qu'il n'a jamais su le latin. Les jésuites commencèrent d'abord -par composer des pièces chrétiennes. On joua cette année, au collége -de Navarre, une tragédie intitulée _Sainte Julienne_. Loret nous -apprend que le jeune marquis de Bretoncelle joua admirablement le rôle -de l'impératrice, et que les jeunes d'Humières, La Vallière, Colbert, -Menardeau, Beauvais, s'attirèrent également les applaudissements de la -docte assemblée. Il y eut une autre tragédie latine, jouée au collége -de Clermont (aujourd'hui le collége Louis le Grand), sur un plus vaste -théâtre; mais le sujet en était national, et tiré de l'histoire de la -maison de Foix. - - Page 23, ligne 9: Le carrousel que le roi. - -Le roi avait pris pour devise, dans ce carrousel, un soleil avec ces -mots: _Ne più, ne pari_; c'est en langue italienne la fameuse devise -adoptée dans les médailles, un soleil avec ces mots: _Nec pluribus -impar_. - - Page 28, ligne 7: Jusqu'à Lésigny. - -Lésigny est dans le département de Seine-et-Marne, près -Brie-sur-Yères. - - -CHAPITRE III. - - Page 32, ligne 26: La princesse de Condé, douairière. - -La princesse de Condé douairière mourut en 1650; le récit de sa mort, -dans madame de Motteville, est plein d'intérêt. On n'a pas assez -remarqué combien les _Mémoires de Madame de Motteville_ font honneur à -son talent d'écrivain. Son style offre moins d'imagination que celui -de madame de Sévigné; mais il est plus pur, plus travaillé; et c'est -par cette raison peut-être qu'il a moins de charme. Elle dispose -admirablement toutes les parties d'un récit. Ce qui est plus rare que -son talent, c'est sa belle âme, son bon cÅ“ur, et son amour pour la -vérité. C'est ce qui a nui à sa réputation. Comment dans le siècle où -nous sommes, et dans celui qui l'a précédé, peut-on se résoudre à -admirer une femme qui avec beaucoup d'esprit est pieuse, ennemie de la -médisance, et qui se croit tenue de défendre la mémoire de sa -maîtresse auprès de la postérité, quoique cette maîtresse fût une -reine? - - Page 35, ligne 3: Qui eussent été servies de tous. - -Lenet en servait une: c'était une fort jolie Anglaise, nommée -mademoiselle Gerbier. Bourdelot, médecin du prince de Condé, si connu -par ses relations avec la reine Christine et tous les beaux esprits de -son temps, était alors à Chantilly en même temps que Lenet, ainsi -qu'un certain abbé de Massé, aimable et brillant d'esprit. - - Page 35, ligne 6: La marquise de Gouville. - -Le nom de la marquise de Gouville était Lucie Cotentin de Tourville, -femme de Michel d'Argouges, marquis de Gouville. - - -CHAPITRE IV. - - Page 40, ligne 17: Ce fut Prudhomme. - -Chavagnac arrive à Paris avec le duc de Candale, et dit: «Nous mîmes -pied à terre chez Prudhomme, baigneur de réputation, où arriva dans le -moment le maréchal d'Albret, qui vint l'embrasser (le duc de Candale), -en lui disant qu'en quittant la botte il fallait aussi quitter -l'altesse.» - - Page 40, ligne 20: La Vienne devint par la suite... - -Le passage des _Mémoires de Saint-Simon_, relatif à La Vienne est -tronqué dans les Å“uvres de Saint-Simon données par Soulavie. Dans les -_Mémoires_ Saint-Simon dit: «La Vienne avait passé sa vie avec les -plus grands seigneurs, et n'avait jamais pu apprendre le moins du -monde à vivre. C'était un gros homme noir, frais, de bonne mine, qui -gardait encore sa moustache comme le vieux Villars; rustre, -très-volontiers brutal; pair et compagnon avec tout le monde; n'ayant -d'impertinent que l'écorce; honnête homme, même bon homme et -serviable.» - - Page 42, ligne 6: Datée de Paris le 19 juillet. - -Il n'y a que cinquante lieues de Paris à Landrecies, où était Bussy; -cependant cette lettre de madame de Sévigné, datée du 19 juillet, ne -parvint à Bussy que le 7 août, et fut par conséquent dix-sept jours en -route, tant le service des postes était alors lent et mal organisé. - - Page 43, ligne 2: Que son cousin s'était distingué à Landrecies. - -Monglat indique la prise de Landrecies au 14 juillet. Le même raconte -le revers qu'essuya Bussy, et comment il se laissa prendre ses -drapeaux. Sur cette déroute, voyez Bussy, _Mém._, t. II, p. 37. La -tranchée devant Landrecies avait été ouverte du 26 au 27 du mois -précédent. «Le 29, dit l'auteur de la _Monarchie Françoise_, le sieur -de Bussy-Rabutin, mestre de camp général de la cavalerie, releva la -tranchée, et au signal de deux coups de canon il commença sur la -palissade un logement capable de contenir deux cents hommes, après -avoir chassé les ennemis de la contrescarpe.» Bussy se distingua -encore au siége de Condé le 10 août: voyez _les Fastes des Rois de la -maison d'Orléans et celle de Bourbon_ (par le père du Londel), 1697, -in-8º, p. 195. - - Page 46, ligne 19: Une petite lettre en galopant. - -Les contre-vérités que renferme le commencement de cette lettre sont -prises au sérieux par M. G. de St.-G., éditeur des _Lettres de Madame -de Sévigné_, quoique le sens ironique fût fort clair, et explicitement -annoncé par Bussy lui-même, qui dans sa lettre du 13 août dit: «J'ai -bien ri en _lisant vos contre-vérités_.» Bussy, _Mém._, t. II, p. 32. - - -CHAPITRE V. - - Page 50, ligne 26: Il séduisit la femme de chambre. - -Dans le grand nombre de passages des Mémoires du temps où le nom de -Bartet se trouve, il est souvent défiguré, par la faute des imprimeurs -ou copistes, qui mettent Barlet ou Baret. Le conseiller au parlement -de Navarre chez lequel était la femme de chambre qu'épousa Bartet se -nommait Giraud. - - Page 53, ligne 7: Candale avait rendu de grands services. - -Certaines aventures du duc de Candale sont d'une nature si -extraordinaire et si tragique, qu'elles pourraient fournir la matière -de plusieurs romans. Un jour il court à franc étrier de Paris à -Bordeaux, pour aller joindre une maîtresse qui l'attendait; il arrive -à sa maison; il monte précipitamment les escaliers, trouve toutes les -portes ouvertes, se précipite dans sa chambre, préoccupé du plaisir -qu'il va éprouver en la serrant sur son sein. Là , il est frappé à la -vue du cadavre de celle qu'il aimait, posé sur un drap mortuaire, -entouré de six cierges, sur lequel se penchaient deux chirurgiens, qui -considéraient avec attention les entrailles déjà séparées du corps, -tandis que la tête, ensanglantée et défigurée, était d'un autre côté. -Deux religieux étaient auprès, et récitaient des prières. (Voyez -Chavagnac, _Mém._, t. I, p. 210.) Le portrait que Saint-Évremond nous -a laissé du duc de Candale est un des meilleurs morceaux de ce -spirituel écrivain. Sur ses amours avec madame d'Olonne, on peut -consulter Bussy. Madame de Saint-Loup avait été sa première maîtresse. -Il a terminé sa carrière galante par une intrigue avec la marquise de -Gange, objet d'un attentat qui surpasse ce que les romanciers ont -inventé de plus atroce. - - Page 54, ligne 4: Bartet n'obtint aucune réparation. - -Bartet avait été disgracié, et vécut trente ans exilé; mais Louis XIV, -sollicité par Villeroi, lui permit de reparaître à la cour. Voyez -_Dangeau_, sous la date du 16 janvier 1690, t. II, p. 251, édit. de -Paul Lacroix, 1830, in-8º. Bartet mourut à Neufville, près de Lyon, en -1707, âgé de plus de cent ans. Voyez CONRART, _Mém._, p. 270, note de -M. Monmerqué, qui cite les _Mémoires de_ CHOISY, t. II, p. 205; -Utrecht, 1727. - - Page 55, ligne 7: Sa femme se fit connaître par des désordres - honteux. - -La femme de Bautru (Nicolas Ier) se nommait Marie Coulon. Le valet -avec lequel fut surprise cette comtesse de Bautru fut condamné à être -pendu; la peine fut commuée. Marie Coulon n'aimait pas qu'on l'appelât -Bautru, mais Nogent, parce qu'Anne d'Autriche prononçait le premier -nom à la manière espagnole ou italienne. Nicolas Bautru mourut à -soixante dix-sept ans. Il disait souvent que si les Bautru étaient -c...., ils n'étaient pas _sots_, jouant ainsi sur l'ancienne et double -signification de ce dernier mot. Il ne faut pas confondre Marie Coulon -avec Marthe Bigot, femme de Guillaume Bautru, frère de Nicolas Ier. - - Page 55, lig. 21: Madame de Roquelaure est revenue tellement belle. - -MADEMOISELLE, dans ses Mémoires, dit, en parlant des personnes qui -vinrent la voir à Juvisy: «J'y vis aussi madame de Roquelaure, dont la -beauté faisait grand bruit: assurément c'était une belle créature.» - - Page 57, ligne 1: Qu'il eut avec mademoiselle de Guerchy. - -Les noms sont en blanc dans les Mémoires de Chavagnac; mais nous -apprenons par eux que mademoiselle de Guerchy fut piquée avec une -épingle empoisonnée; qu'elle entra en convulsion dans le moment, et -mourut dans les douleurs les plus horribles. Au sujet du nom de -Montjeu, que portait Jeannin de Castille, je remarque dans Loret, liv. -V, p. 22, que dans sa lettre en date du 7 février 1654 il est fait -mention d'une certaine madame Mondejeu qui s'enfuit un jour de chez -son mari et se retira au couvent. Mondejeu est-il le même nom que -Montjeu, et est-il question dans cette anecdote de Jeannin et de sa -femme? Je le crois. - - -CHAPITRE VI. - - Page 60, ligne dernière: Protégea contre la main scrupuleuse d'un - monarque. - -La circonstance des pincettes paraît avoir été inventée à plaisir. -Elle ne se trouve pas dans le premier passage cité de Sauval, mais -dans l'autre du même volume; et elle est reproduite en outre dans une -estampe, aussi ridicule que le conte. L'abbé de Bois-Robert a fait -des vers à la louange de la gorge de madame de Schomberg, au sujet -d'une perle tombée dans son sein. - - Page 61, ligne 7: La confidente la plus intime. - -La pièce de Scarron intitulée _Étrennes_ doit dater du temps de la -jeunesse de l'auteur, et est de l'époque de l'amour de Louis XIII pour -mademoiselle de Hautefort. Elle commence ainsi: - - Visible déité d'un monarque amoureux. - -Elle est d'un style tout différent de celui qui est ordinaire à -l'auteur. Il est probable que ce n'est que plus tard, et pour se -distraire de ses infirmités, que Scarron adopta le burlesque, où il -eut tant de succès. - - Page 61, ligne 20: Chemerault, autre dame de la reine. - -La Porte dit que les lettres de Chemerault au cardinal de Richelieu -relatives à son espionnage auprès de mademoiselle de Hautefort sont au -nombre de dix-sept, et qu'elles furent imprimées pendant les troubles -de la Fronde. Je suis informé qu'il existe une vie manuscrite de -madame la maréchale de Schomberg, et des lettres du maréchal à la -suite de celles de son père, à la Bibliothèque royale. - - Page 63, ligne 27: Qu'elle ne se fît religieuse. - -C'est à cause de sa dévotion que Scarron la nomme souvent dans ses -vers sainte Hautefort, et qu'il lui dit Votre Sainteté. - - Page 64, lignes 3: Elle épousa en 1646. - -Mademoiselle de Hautefort, qu'on appelait madame de Hautefort parce -qu'elle était dame d'atour, avait été exilée avec sa sÅ“ur -mademoiselle d'Escars en 1644. - - Page 64, note 118: Scarron, _épithalame_. - -Scarron dit du maréchal de Schomberg, dans cet épithalame: - - Il a l'âme savante et bonne - Autant qu'un docteur de Sorbonne, - L'esprit à son courage égal, - Adroit à pied comme à cheval, - Faisant toute chose sans peine, - Où les autres perdent haleine. - S'il chante, les plus entendus - Au métier en sont confondus; - S'il danse, c'est la même chose. - . . . . . . . . . . . . . . . . . . - Mais dans la paix, s'il est aimable, - Dans la guerre il est effroyable. (P. 254) - -Remarquons que le mot _effroyable_ est employé ici dans le sens de ce -qui cause et produit l'effroi, dans le sens direct et favorable, et -non dans le sens réfléchi et défavorable; et à cet égard je dirai -aussi que le mot _pitoyable_ appliqué à quelqu'un ne signifiait pas -autrefois celui ou celle qui inspire la pitié, mais une personne -susceptible de pitié, capable de se laisser fléchir. Jean-Jacques -Rousseau, dans sa _Nouvelle Héloïse_, a encore employé ce mot dans ce -sens. - - Page 66, ligne 5: La file des carrosses s'étendait. - -On y voyait, dit Loret, - - Plusieurs gens de mérite exquis, - Des ducs, des comtes, des marquis. - -Puis parmi les femmes il cite la duchesse de Liancourt, connue par sa -vertu et sa dévotion; la maréchale de La Mothe, la duchesse de -Roquelaure, la duchesse de Choiseul-Praslin, madame Desmarest, -accompagnée de sa fille, une des plus jolies personnes de cette -époque; madame de Toussy, madame de Bonnelle. Le maréchal de Schomberg -et sa femme allèrent loger à l'hôtel de Liancourt ou de La -Rochefoucauld, rue de Seine (détruit de nos jours pour construire la -rue des Beaux-Arts). La date de l'arrivée du duc et de la duchesse de -Schomberg à Paris n'est pas celle de la lettre de Loret; car il est -dit p. 64: - - Ledit Schomberg et son épouse, - Depuis des jours environ douze, - Sont dans l'hôtel de Liancour. - -Ainsi la lettre de Loret étant du 22 avril, il en résulterait que le -maréchal de Schomberg et sa femme entrèrent dans Paris le 10 avril, -qui est le jour de la mort de madame de La Flotte. - - -CHAPITRE VII. - - Page 69, ligne première: Elle fut donc témoin de toutes les fêtes. - -Le duc de Gramont donna cette année une fête splendide. La reine -elle-même donna un ballet, à la suite d'un repas, veille des Rois, où -la fève échut au duc d'Amville. Les représentations du ballet de -_Psyché_ se continuèrent. Il y eut chez le cardinal de Mazarin un bal -masqué, ou les Trivelin et les Scaramouche amusèrent l'assemblée; puis -un concert, où chantèrent Baptiste, La Barre, Saint-Hilaire, la -signora Bergerota, le délicieux Sarcamanan. Ce furent les mêmes -virtuoses qui chantèrent Ténèbres aux Feuillants, pendant -l'interruption de tous les plaisirs. Le chancelier Seguier donna un -bal masqué, où le roi dansa. - - Page 69, ligne 18: Le théâtre et les concerts publics. - -Une petite comédie intitulée _Intrigue d'amour_, d'un nommé Lambert, -qui a échappé aux recherches exactes et minutieuses des auteurs de -l'_Histoire du Théâtre françois_, charma aussi le public de cette -époque. (Voyez Loret, liv. VII, p. 198, lettre en date du 16 -décembre.) - - Page 70, ligne 7: Les mariages. - -Parmi les mariages notables que l'on vit cette année furent ceux du -marquis de La Luzerne avec la fille d'un fameux financier, nommé -Picard; du prince d'Harcourt avec mademoiselle de Bouillon, nièce de -Turenne; celui de Soyecourt avec la fille du président de Maisons; du -marquis de Rambures avec mademoiselle de Nogent; du marquis de Vardes -avec mademoiselle de Nicolaï (pauvre duchesse de Roquelaure!); de -Bignon avec mademoiselle de Pontchartrain. Parmi les exilés qui furent -rappelés, on remarqua le père George, capucin, ce fameux prédicateur -de la Fronde. Mademoiselle de Montpensier (t. XLII, p. 37) fait -mention des demoiselles d'Harcourt, privées de leur mère. -Alphonse-Henri-Charles de Lorraine, comte d'Harcourt, fut marié, le 2 -février 1667, à mademoiselle de Brancas. Voyez _Sévigné_ (_Lettre_ en -date du 23 mai 1667), t. I, p. 163, édit. de G. de S.-G. - - Page 72, ligne première: Le marquis de La Trousse. - -Le nom du marquis de La Trousse était Philippe-Auguste Le Hardi. La -terre de La Trousse en Brie avait été érigée en marquisat sous son -père, par lettres patentes de 1605 (Monmerqué). - - Page 72, ligne 14: Devant Capelle. - -La Prise de Capelle eut lieu le 18 août. - - Page 73, ligne 14: Bussy quitta l'armée le 2 novembre. - -Bussy, à son passage à Paris, put assister au nouveau ballet royal qui -fut donné le 18 novembre. - - Page 73, ligne 20: Après le départ du duc de Modène. - -Aidé des troupes françaises commandées par le duc de MercÅ“ur, le duc -de Modène s'empara de Valenza le 6 septembre, ce qui contribua à -augmenter en Italie la considération de la France. Monglat, t. LI, p. -19. - - Page 81, ligne 17: L'intrigueuse vient là . - -On ne dit plus aujourd'hui intrigueur et intrigueuse, mais intrigant -et intrigante. A l'époque où Saint-Évremond écrivait on ne disait ni -l'un ni l'autre; c'était un mot forgé ou un mot nouveau, mais non -encore adopté, et qui ne le fut de longtemps. Dans le Dictionnaire de -Nicot, imprimé en 1666, on ne trouve ni intrigueur ni intrigant; il en -est de même dans le Dictionnaire de Richelet, imprimé en 1680; mais on -trouve l'un et l'autre de ces mots dans la première édition du -Dictionnaire de l'Académie Française, qui remarque qu'intrigueuse est -plus souvent employé qu'intrigueur; et c'est ce féminin, dont la -désinence en _gueuse_ était désagréable, qui aura déterminé à préférer -intrigante et intrigant. - - -CHAPITRE VIII. - - Page 90, ligne 4 du texte: Un mot qui manque à notre langue. - -Les mots _infans_ et _puer_, que nous ne pouvons traduire que par le -seul mot enfant, exprimaient chez les Romains deux âges différents de -la vie. - - Page 95, note 154, ligne 3 de la note: M. de Bausset n'a pas - bien connu. - -M. de Bausset, dans sa _Vie de Bossuet_, dit que cet homme illustre -n'a commencé ses prédications à Paris que vers la fin de l'année de -1658, par le panégyrique de saint Joseph, ce qui est une erreur. Il y -a pareillement erreur de la part du dernier et savant éditeur des -Å“uvres de Bossuet, qui, entraîné peut-être par l'assertion de M. de -Bausset, a placé le panégyrique de sainte Thérèse à la date de l'année -1658. Il est antérieur d'un an. Les détails que nous n'avons pu -qu'indiquer, sur les premiers débuts de Bossuet dans la chaire -évangélique forment une véritable lacune dans l'histoire de M. de -Bausset, qui les a ignorés. Cette _Vie de Bossuet_ est d'ailleurs un -ouvrage d'un grand mérite; et bien qu'elle n'ait pas eu le même succès -que la _Vie de Fénelon_, elle lui est, suivant nous, supérieure: elle -offrait plus de difficultés dans son exécution. - - Page 100, note 1: _Dissertation critique_. - -Ce livre fut achevé d'imprimer le 3 août 1697. Ainsi sur le titre il -faut lire M. DC. XCVIII au lieu de M. DC. XVIII, qui est une faute de -l'imprimeur. On a réimprimé à la suite des éditions de _Madame de -Sévigné_ cette dissertation, ainsi que celles de Dacier et de -Dumarsais, sur le même sujet. - - Page 103, ligne 4: Mazarin lui fit une pension de mille livres. - -M. Weiss s'est trompé quand il a dit que Richelieu avait accordé une -pension de 1,000 francs à Beauchâteau. Cet anachronisme ne peut être -qu'une inadvertance du savant auteur. M. Weiss dit que cet enfant -célèbre naquit à Beauchâteau, le 8 mai 1645; j'ignore sur quelle -autorité Loret (liv. IX, p. 25, lettre en date du 16 février) ne lui -donne que onze ans lorsqu'en février 1658 il présenta lui-même son -recueil imprimé à l'Académie Française. C'est dans la lettre du 1er -novembre 1659 (liv. X, p. 170) que Loret nous apprend qu'il était en -Espagne. - - -CHAPITRE IX. - - Page 105, ligne 3: Qui eurent lieu dans l'intervalle de quelques - mois. - -La mort du duc de Chevreuse et celle du duc de Villars produisirent -peu de sensation, parce qu'ils étaient presque octogénaires. On -regretta peu la mort du maréchal de La Mothe-Houdancourt, qui s'était -montré pendant la Fronde d'une fidélité douteuse. Celle du duc -d'ElbÅ“uf ne fut remarquée que par la magnificence de son enterrement. -La duchesse de Bouillon était une femme d'un grand mérite, mais dont -on n'avait plus rien à espérer ni à craindre. La duchesse de MercÅ“ur -se trouvait à l'extrémité dans le moment où le roi dansait un ballet; -et le lendemain on vint avertir qu'elle était morte. Elle mourut le 8 -février. La duchesse de Montbazon mourut à cinquante ans, encore -belle. De tous ces décès, celui qui occasionna le plus de regrets fut -celui de Pomponne de Bellièvre, premier président du parlement de -Paris; non que sous plusieurs rapports ce fût un magistrat -très-recommandable: il était paresseux et voluptueux, adonné aux -délices de la table; mais il était en même temps généreux, -hospitalier, bienfaisant, et jouissait avec magnificence de sa -fortune. Sa probité, son désintéressement, son patriotisme, la fermeté -avec laquelle il résistait au premier ministre, et le retard qu'il -apportait à l'enregistrement des édits qui créaient de nouveaux -impôts, l'avaient rendu cher au peuple et à sa compagnie. Mazarin fut -le seul satisfait de sa perte; mais celle de sa nièce la duchesse de -MercÅ“ur, enlevée en quelques heures de maladie, lui fut -très-sensible. - - Page 105, ligne 18: L'arrivée du duc de Mantoue. - -On ne fit pas un aussi bon accueil au duc de Mantoue qu'au duc de -Modène, parce que, par les séductions de sa femme, le premier s'était -laissé entraîner dans le parti de l'Espagne. - - Page 106, lignes 19 et 20: Le goût... pour les déguisements de - femme. - -Dans le ballet nouveau de _l'Amour malade_, le jeune duc d'Amville, -déguisé en femme, joua le rôle d'une mariée. L'ancien ballet de -_Psyché_ fut de nouveau représenté. (Loret, liv. VIII, p. 9, du 19 -février.) MONSIEUR donna un repas magnifique au roi et à la reine et -au cardinal, après lequel on joua la fameuse tragédie de Thomas -Corneille, intitulée _Timocrate_; une autre fois on fit jouer les -vingt-quatre violons. Le duc de Guise, à l'imitation du roi, fit -représenter un ballet, où il dansa avec Beauchamps. (Loret, liv. VIII, -p. 29.) Mais le même donna une fête plus magnifique et un repas de 200 -couverts, lorsque la princesse de Guise fut nommée abbesse de -Montmartre. (Loret, 75.) Pendant la campagne de cette année, le -maréchal de La Ferté traita dans son camp le roi et toute sa suite, -avec la même magnificence, avec la même recherche de mets qu'il aurait -pu faire à Paris. Au retour de cette campagne, Louis XIV parut masqué, -avec toute sa cour, dans un bal magnifique, qui fut donné par le -maréchal de L'Hôpital, gouverneur de Paris. (Loret, liv. IX, p. 21, 9 -février 1658.) - - Page 110, ligne 6: Après une retraite de huit jours. - -Madame de Motteville n'indique pas la durée de la retraite du roi à -Vincennes; mais Loret, qui écrivait au moment même des événements, dit -qu'elle dura une semaine. - - Page 110, note 175: MONTPENSIER. - -Il faut dans cet endroit des _Mémoires de_ MONTPENSIER substituer La -Mothe d'Argencourt à La Mothe-Houdancourt, qui est une faute de -copiste, ou une mauvaise correction d'éditeur. La même faute avait été -commise dans les _Mémoires de_ LA FARE, et a été rectifiée par M. de -Monmerqué, d'après l'autorité des manuscrits. - - Page 112, ligne 3: Mais un jour elle parut. - -Puisque Loret nomme encore mademoiselle d'Argencourt au nombre des -filles de la reine, dans sa lettre du 26 octobre, la scène de bal dont -parle madame de Motteville ne peut être postérieure à ce mois. Le -départ subit de la cour en septembre, qui n'était pas ordinaire, -annoncé par Loret, tenait peut-être à cette aventure: on comprit qu'il -fallait se presser d'aller négocier le mariage du roi. - - Page 115, ligne 21: Bontemps... fut chargé de la marier. - -Saint-Simon remarque que dans l'acte du mariage de cette fille de -Louis XIV il ne fut fait aucune mention de son père ni de sa mère. Il -dit aussi que Laqueue, ce gendre de Louis XIV, ne paraissait presque -jamais à la cour; quand il y paraissait, c'était, dit-il, comme un -simple officier, et le moins recueilli de la foule. Bontemps ne -laissait pas de lui donner de temps en temps de l'argent. -(_Saint-Simon_, t. IV, p. 182.) - - -CHAPITRE X. - - Page 120, ligne 2: Gaston et MADEMOISELLE. - -La lettre de Loret nous apprend que lorsque MADEMOISELLE revint à -Paris, en 1658, elle alla loger au Luxembourg. - - Page 121, notes 1 et 3: _Vie de la duchesse de Longueville_, - édit. 1739. - -On sait que l'édition de Paris est intitulée _De la Vie de la duchesse -de Longueville_, et qu'on en a ôté tout ce qui pouvait avoir trait au -jansénisme. - - Page 121, ligne 18: Cependant il s'y résolut. - -Le duc de Beaufort ne revint en cour qu'en 1658. - - Page 122, lignes 24 et 25: La reine d'Angleterre... eut seule la - permission d'y rester. - -Encore ne resta-t-elle point à la cour. Elle se rendit cette année aux -eaux de Bourbon. - - Page 123, ligne 11: Tandis que des plénipotentiaires français. - -Ce furent le duc de Gramont et de Lionne que Mazarin envoya comme -négociateurs à la diète de Francfort; mais il tenait lui seul tous les -fils de ses négociations, où il employait d'autres personnages que -ceux qui étaient accrédités. Ainsi un castrat nommé Atto, qu'il avait -fait venir d'Italie pour la musique, fut envoyé en Bavière, parce -qu'il le savait bien avec l'électrice. A une autre époque il envoya -son secrétaire particulier. - - Page 123, ligne 12: En Hollande. - -Ce fut de Thou qu'on envoya en Hollande, avec laquelle alors on était -en paix. - - -CHAPITRE XI. - - Page 131, ligne 25: Puisque j'ose bien juger des ouvrages de - Chapelain. - -Loret disait alors: - - Le ciel, parmi tant de lumières, - N'a qu'un soleil qui luise à point; - La terre n'a qu'un Chapelain. - - Page 136, lignes 23 et 24: Envoya Corbinelli à sa cousine. - -On voit par là que Grouvelle se trompe quand il dit que madame de -Sévigné ne connut Corbinelli qu'en 1661. Leur liaison était bien -antérieure. Voyez la première partie de ces Mémoires, chapitre XXXVII, -page 503, et Grouvelle, _notice sur_ CORBINELLI, dans l'édition in-12 -des _Lettres de Madame de Sévigné_, t. I, p. CXLVII. - - -CHAPITRE XII. - - Page 146, ligne 15: Par une nouvelle et délicieuse mélodie. - -Lambert, Boisset et Molière (c'est le musicien, et non l'auteur) -contribuèrent aussi à cette révolution musicale. On commençait à -introduire alors dans les orchestres un plus grand nombre -d'instruments; aux violons on joignit les flûtes, les clavecins, les -guitares, les téorbes, les luths. (Loret, liv. IX, p. 26-28.) Les -cantatrices en vogue, mesdemoiselles La Barre, Raymond et Hilaire, -ajoutaient, par la beauté et la puissance de leur voix, aux charmes de -la nouvelle musique. - - Page 146, ligne 18: C'est alors. - -Mazarin donna alors un grand repas, qui coûta, dit-on, 300,000 liv.; -somme qui ne surprendra pas quand on saura qu'il y eut à la suite de -ce repas une loterie. Loret a décrit avec beaucoup de prolixité dans -sa gazette le bal donné par MADEMOISELLE à la cour, ainsi que les -fêtes données par Fouquet, par Mazarin, par la duchesse de -Lesdiguières, par la maréchale de L'Hospital, par madame de La -Bazinière. - - Page 146, lignes avant-dernière et dernière: Que les promenades - au Cours, que la foire Saint-Germain. - -La foire Saint-Germain se tenait à la même place où l'on a construit -un marché qui porte aussi le nom du saint, et dans deux halles longues -de 130 pas, larges de cent, composées d'une charpente fort exhaussée, -divisées régulièrement en neuf rues, et partagées en vingt-quatre îles -bordées d'un nombre considérable de loges ou de boutiques, enfermées -dans un enclos où l'on entrait par sept portes. Cette charpente fut -brûlée en 1763. Il n'y avait pas alors à Paris ce luxe de boutiques et -de magasins qui depuis le siècle de Louis XIV, et surtout dans ces -dernières années, n'a cessé de s'accroître sans fin et sans mesure; de -sorte que l'ouverture de la foire Saint-Germain fut pendant longtemps -un événement pour les Parisiens. Elle avait lieu le 3 février. Cette -foire se prolongeait jusqu'à la semaine sainte, et souvent même au -delà . - -De même, pour se rendre compte de l'attrait que pouvait avoir alors la -promenade du Cours, il faut se représenter l'état de Paris à cette -époque. Ses magnifiques boulevards n'existaient pas, ou plutôt Paris -avait de véritables boulevards, c'est-à -dire des fortifications -flanquées de bastions: toute la ville était entourée de remparts et de -fossés profonds qui servaient à sa défense, mais point aux promeneurs. -Les rues étaient étroites, resserrées; la place des Victoires, la -place Vendôme et la place Louis XV n'existaient pas. Le Luxembourg ou -palais d'Orléans, qui plus tard fut renfermé dans l'enceinte de Paris, -était hors de ses murs, et ses jardins n'étaient point publics: il en -était de même de ceux du palais Cardinal ou Palais-Royal. Les seules -promenades publiques qui existassent dans l'intérieur de la ville se -réduisaient donc à la place Royale (au Marais), au jardin du Temple, -qui n'existe plus aujourd'hui, et aux Tuileries. Mais le jardin des -Tuileries, qui fait aujourd'hui l'admiration de l'Europe, n'était pas -tel, alors, que Le Nostre et les accroissements successifs de la -capitale l'ont fait depuis. Subdivisé en une trentaine de -plates-bandes ou de bosquets (dont un formait un labyrinthe)[A], tous -égaux, séparés par des allées étroites, il était beaucoup plus -resserré qu'aujourd'hui. A l'extrémité du massif d'arbres qui succède -au parterre, l'espace découvert où est le grand bassin était -l'intérieur d'un bastion dont les terrasses latérales étaient les -faces, et dont la pointe se trouvait à l'endroit où est actuellement -l'entrée du jardin: là existait avant nos révolutions le petit pont de -bois qu'on nommait encore le pont tournant, quoiqu'il ne tournât plus. -Au delà , au lieu de cette magnifique place Louis XV, de ces massifs -d'arbres, de ces longues allées qu'on nomme les Champs-Élysées, qui -font suite au jardin des Tuileries et se prolongent jusqu'à l'Arc de -triomphe, on n'apercevait que des terres labourables, nues, sans une -seule plantation. Trois routes ou chemins coupaient ces champs, et -aboutissaient à deux portes de la ville, l'une à la porte -Saint-Honoré, près la place actuelle de la Madeleine; l'autre à la -porte de la Conférence, placée à l'extrémité actuelle de la terrasse -des Tuileries du côté de la Seine. (Voyez le plan de Paris de Berey, -en quatre feuilles). Après avoir gagné par une de ces deux portes, -mais ordinairement par la dernière, le chemin qui bordait la rivière, -on arrivait, après un court trajet, à la promenade que l'on nommait le -_Cours la Reine_, parce qu'elle avait été faite par Marie de Médicis -pendant sa régence. Cette promenade se composait de trois allées -d'arbres, longues de six cents toises, entourées de fossés, et ayant -aux deux extrémités deux grands portails, qui se fermaient par des -grilles en fer. L'allée du milieu avait six à sept toises de largeur, -et les deux autres la moitié. Un vaste espace rond, de trente-cinq -toises de diamètre, coupait ces trois allées par le milieu. C'est dans -cette promenade, qui ne fut détruite qu'en 1723, que la cour au temps -de madame de Sévigné se rendait dans les beaux jours, en voiture et à -cheval; c'était le bois de Boulogne, le Hyde-Park de Londres de cette -époque, si toutefois ces deux promenades elles-mêmes, si brillantes au -temps de ma jeunesse, ne sont pas passées de mode. Sauval dit qu'au -Cours on se rencontrait, on se saluait, on se parlait, et que les -hommes y avaient presque toujours le chapeau bas. Il en était ainsi -avant nos révolutions, le jeudi, sur les boulevards du nord, où trois -files de voitures se promenaient lentement, pour que les dames qui -étaient dedans pussent s'entretenir avec les personnes de leur -société, qui étaient à pied et à cheval; là on se disait les -nouvelles, là on se faisait des invitations. Il n'était d'usage -d'aller au bois de Boulogne que le dimanche, et dans l'allée de -Longchamps; et là , comme sur les boulevards, les carrosses marchaient -lentement ou s'arrêtaient, à cause des nombreuses conversations -particulières. Aujourd'hui cette manière serait mortellement -ennuyeuse; on a besoin de courir, comme des gens qui s'enfuient et -s'évitent. - - [A] Conférez Segrais, _Nouvelles françaises, ou les - Divertissements de la princesse Aurelie_, t. I, p. 147 à 155, et - les plans de Paris de Gomboust, 1652. - - Page 148, lignes 21, 24, 25: Anne d'Autriche..... ne chercha point - à mettre de digue à ce torrent de dissipation et de licence. - -Ce fut surtout au retour du voyage de la cour à Lyon, et dans l'hiver -de 1659, que le goût des mascarades se répandit. La reine elle-même -avait peine à se défendre du plaisir que causaient alors ces sortes de -divertissements. «On se déguise souvent, dit mademoiselle de -Montpensier; nous fîmes une mascarade la plus jolie du monde.» Elle -rapporte qu'elle et mademoiselle de Villeroi étaient habillées en -paysannes de la Bresse. «Mon corps, dit-elle, était lacé de perles et -attaché avec des diamants; il y en avait partout.» Le comte de Guiche, -le duc de Roquelaure, Puiguilhem (depuis le duc de Lauzun, qui épousa -MADEMOISELLE), et le marquis de Villeroi, étaient au nombre des -bergers... Le roi et tous ceux qui l'accompagnaient étaient déguisés -en vieillards, et toutes les femmes de sa troupe en vieilles. «La -reine, ajoute MADEMOISELLE, nous trouva fort à sa fantaisie, ce qui -n'est pas peu. Nous allâmes à l'Arsenal, où le maréchal de la -Meilleraye donnait une grande assemblée.» Cette même mascarade eut -encore lieu un autre jour et de la même manière, parce que la reine, à -qui elle avait beaucoup plu, le désira. (Montpensier, _Mém._, t. XLII, -p. 408.) MADEMOISELLE nous donne encore des détails curieux sur la -mascarade que firent le chevalier de Sillery, la comtesse d'Olonne et -le prince de Marsillac, alors son amant. Toute la troupe alla -s'habiller chez Gourville. Ces détails confirment tout ce que Bussy a -raconté, dans son _Histoire amoureuse des Gaules_, sur ces -personnages. Le chevalier de Gramont, qui courtisait à la même époque -la comtesse d'Olonne, était outré que le prince de Marsillac eût mieux -réussi que lui; et comme ce dernier ne passait pas pour avoir beaucoup -d'esprit, Gramont avait coutume de dire que Marsillac, comme un autre -Samson, avait vaincu ses rivaux avec une mâchoire d'âne. - -Il y eut encore à cette époque une aventure qui fit rire tout Paris, -et qui prouve ce que nous avons avancé dans le texte au sujet des -mascarades. Un jeune page de MADEMOISELLE, remarquable par la -fraîcheur de son teint, la finesse de ses traits et sa figure -féminine, prenait plaisir à se promener déguisé en jeune fille, à -écouter les discours et les galanteries de ceux qui se méprenaient sur -son sexe; mais un jeune et riche bourgeois en devint sérieusement -amoureux: le page poussa les choses au point de se laisser emmener -chez le bourgeois; et au moment où celui-ci se croyait au comble de -ses vÅ“ux, le page se débat, s'échappe d'entre ses bras, s'enfuit, -fait une chute, et laisse apercevoir sous ses jupes, au bourgeois -étonné, ses vêtements de page. Ces scènes indécentes étaient le -prélude de celles, bien autrement coupables, de la jeunesse de l'abbé -de Choisy. (Conférez Montpensier, _Mém._, t. XLII, p. 330; _ibid._, p. -389; Loret, _Muse historique_, lib. IX, p. 44, 6 juillet; _Vie de -l'abbé de Choisy_, l'_Histoire de la comtesse de Barre_, et une note -de M. Monmerqué dans son édition des _Lettres de Madame de Sévigné_, -qui indique que le manuscrit, beaucoup plus complet, de cette histoire -existe à la bibliothèque de l'Arsenal.) En 1658, le premier jour de -carême, on vit une troupe de masques déguisés en capucins et en -capucines. Les prédicateurs dénoncèrent en chaire cette impiété; la -reine se fâcha, et l'on sut que les coupables étaient l'abbé de -Villarceaux, Ivry, ce mylord anglais amant de la duchesse de -Châtillon, le comte d'Olonne et sa femme, Jeannin, trésorier de -l'épargne. (Loret, liv. IX, p. 31, 23 février, et p. 43, 16 mars -1658.) - - Page 149, ligne 18: Ses Mémoires nous apprennent. - -«Les deux premiers jours, dit MADEMOISELLE (t. XLII, p. 308), après le -départ de la cour (en 1658), je m'ennuyai un peu, particulièrement le -temps où j'avais accoutumé d'aller au Louvre. J'en fus bientôt -désaccoutumée. J'allais tous les jours au Cours, je me promenais deux -ou trois fois à cheval. Mademoiselle de Villeroi y vint avec moi, et -Bonneuil, qui était retiré à Paris, et madame de Sévigné. Hors elles, -tout ce qui était accoutumé de se promener avec moi ne montait pas à -cheval.» (Conférez t. I, p. 292 de la collect. de Michaud.) - -Ce fut pour désennuyer MADEMOISELLE pendant son exil, que Segrais, qui -était son secrétaire, composa cette suite de petits romans intitulée -_Nouvelles françaises, ou les Divertissements de la princesse -Aurélie_, 1657, in-8º. Dans la première, intitulée _Eugénie_ (t. I, p. -41), un amant se déguise en femme de chambre pour s'introduire près de -sa maîtresse. C'est dans les Mémoires de MADEMOISELLE que nous -trouvons les détails les plus curieux sur l'influence fâcheuse de ces -sortes de déguisements relativement aux mÅ“urs de la cour, et surtout -sur celles du jeune duc d'Anjou et de ses indignes favoris, Guiche, -Villequier, Manicamp, etc. (Voyez l'_Hist. am. des Gaules_, 1754, t. -I, p. 49, 52, 56, 62, 132; Montpensier, t. XLII, p. 408.) Toute la -vigilance d'Anne d'Autriche n'y put rien: peut-être eût-il mieux valu -qu'elle en eût eu moins, et que ce jeune prince eût pu avoir à se -défendre contre une séductrice moins âgée que la princesse Palatine. -Un tel début, des appas si flétris, n'étaient pas propres à lui donner -du goût pour le commerce des femmes. - - Page 150, ligne 9: Plusieurs mariages. - -C'est dans cette année que le prince de Marsillac épousa l'héritière -de Liancourt (Loret, liv. IX, p. 67, en date du 4 mai), et que la -fille de Servien fut mariée au marquis de Rosny (Loret, liv. IX, p. -154, en date du 5 octobre). - - Page 155, note 2, _lettre autographe de Mazarin à Colbert_. - -Soulavie a imprimé cette lettre dans les _OEuvres de Saint-Simon_, t. -I, p. 241, mais mutilée, et avec des fautes d'impression sans nombre: -au lieu d'Hervart, ce financier si connu, il écrivit Hervaut; au lieu -de madame de Venel (gouvernante des nièces de Mazarin), il met Venès; -et ainsi du reste. - - Page 157, ligne 25: Il écrivait tous les jours. - -La première séparation de Louis XIV et de Marie de Mancini eut lieu le -22 juin 1659. Dans la correspondance qui s'établit ensuite par lettres -entre eux, Vivonne fut l'intermédiaire. - - -CHAPITRE XIII. - - Page 164, ligne 3: Sa cour donnait le ton à la capitale et aux - provinces. - -MADEMOISELLE, dans ses Mémoires, parle de deux jeunes femmes qu'elle -vit à Lyon, l'une veuve d'un officier, l'autre femme d'un lieutenant -général. Elles étaient accomplies sous le double rapport de l'esprit -et de la figure. MADEMOISELLE, pour en faire l'éloge, dit: «Elles sont -bien faites et spirituelles, pour femmes de province.» (Montpensier, -t. XLII, p. 38.) Ceci rappelle ce vers de Gresset, que j'avais à tort -attribué à Regnard dans la première édition de cet ouvrage: - - Elle a de fort beaux yeux, pour des yeux de province. - - Page 164, ligne 15: Ils furent en cela imités par les auteurs - dramatiques. - -Les auteurs dramatiques mettaient alors dans la bouche des héros de -l'antiquité les discours de galanterie et les raffinements de -sentiments à la mode dans les ruelles. Ils travestissaient tous les -héros de l'antiquité en seigneurs de la Fronde. Ainsi l'_Amalasonte_ -de Quinault, donnée en 1657, est une véritable précieuse; et cette -pièce valut à l'auteur une gratification du roi. _Le Mariage de -Cambyse_, du même auteur, est une pièce écrite dans ce style. -Corneille le jeune, dans sa tragédie de _Bérénice_, se vantait d'avoir -imité un roman de Scudéry. - - Page 166, ligne 7: La plus galante personne du monde. - -Nous voyons ici le mot _galante_ employé dans une signification qui -n'a plus cours que pour le genre masculin du même adjectif. C'est -dans ce sens qu'on dit un galant homme c'est-à -dire un honnête homme, -un homme qui sait vivre, qui a une conduite honorable; mais on ne dit -plus une galante femme, bien qu'on dise encore, mais dans un autre -sens, une femme galante. - - Page 166, ligne 25: Donna à madame de La Fayette l'idée de tracer - le portrait de madame de Sévigné. - -On a inséré ce portrait dans toutes les éditions de _Madame de -Sévigné_, mais aucun éditeur n'a indiqué où il a été imprimé pour la -première fois. Je n'ai pu remonter qu'à l'édition des _Lettres de -Madame de Sévigné_ de 1734. L'éditeur, le chevalier Perrin, en -l'insérant dans sa préface, dit: «J'ai heureusement trouvé le portrait -qu'en fit autrefois, sous le nom d'un inconnu, madame de La -Fayette...» Ces mots semblent indiquer que ce portrait a été trouvé -manuscrit dans les papiers de madame de Simiane, que Perrin a eus à sa -disposition pour la publication des lettres de madame de Sévigné, et -qu'avant ce portrait n'avait jamais été imprimé. - - Page 171, avant-dernière ligne: La troisième édition de ces - poésies. - -C'est dans cette troisième édition que Ménage fit paraître pour la -première fois ses poésies grecques et italiennes; cependant la seconde -édition (1656) contenait, p. 117, un sonnet italien à mademoiselle de -La Vergne. - - Page 172, ligue 4: Un madrigal allégorique. - -La fin du madrigal est jolie, mais elle est de Guarini, et non de -Ménage; et il est étonnant que celui-ci ait songé à s'approprier des -vers si connus. La muse de Ménage, quoique si souvent gratifiée des -dons de sa mémoire, n'en est pas devenue plus riche. - - Page 172, lignes avant-dernière et dernière: La septième édition, - qui ne fut pas la dernière. - -C'est la huitième qui est la dernière et la meilleure, et est -accompagnée d'excellentes tables. Toutes ces éditions sont rares. Il -est probable qu'elles furent tirées à petit nombre. La plus jolie de -toutes, celle imprimée par les Elzeviers, est celle que j'ai le plus -souvent rencontrée. J'ai donné une liste de toutes ces éditions à la -page 452 de la première partie de ces _Mémoires_. - - Page 174, ligne 10: M. de Noirmoutier. - -Louis de La Trémouille, duc de Noirmoutier, mourut en 1666, le 15 -octobre, à l'âge de cinquante-quatre ans. - - -CHAPITRE XIV. - - Page 177, avant-dernière ligne: Un aspect de bonheur. - -Loret, selon sa coutume, a rempli sa gazette de la description des -fêtes données pendant l'hiver qui précéda le départ du roi pour le -midi. Voici celles dont nous avons tenu note, comme des plus -remarquables. En février (le roi ne revint de Lyon qu'à cette époque), -divers bals chez le maréchal de L'Hospital, gouverneur de Paris, chez -le duc de Saint-Simon; ballet royal de _la Raillerie_, plusieurs fois -dansé par le roi; concert de soixante instruments, et des chantres et -des chanteuses, les plus remarquables; mascarade en traîneaux à la -place Royale, où tous les jeunes seigneurs étaient masqués: toute la -cour y assistait, et était dans l'hôtel des Hameaux; plus tard, fête -donnée par le roi, où il y eut une loterie de 100,000 livres. Le 3 -mai, le roi fait des courses à cheval au bois de Vincennes; le 10 de -mai, grand dîner de MONSIEUR au roi, à Saint-Cloud. Fête superbe -donnée au roi par de Lionne, dans son château de Berny: Mazarin en fit -les frais. Cette fête était toute diplomatique: Pimentel, le -négociateur du roi d'Espagne, s'y trouvait, et il était le véritable -but de la fêle. A Vincennes, revue de soldats, ballets, danses et -parades. On joua une pastorale de Trivelin-Canaille et de Scaramouche, -qui amusa fort, et fit beaucoup rire. - - Page 178, note 2: _Journal contenant_, etc. - -Toutes ces pièces sont de Colletet; elles furent publiées comme un -journal, au moment même des événements; la réunion en est rare. J'en -donne les titres d'après un exemplaire qui renferme encore un volume -in-4º en espagnol, accompagné de plans et de portraits, qui décrit la -marche de l'infante jusqu'à la frontière de France. A ces pièces il -faut joindre les ouvrages que j'ai cités dans mon édition de _La -Fontaine_ au sujet de la lettre de notre fabuliste à de Maucroix, sur -l'entrée de la reine. Ceux qui désireraient tout connaître sur cette -époque célèbre ne doivent pas négliger de consulter les volumes de la -collection d'estampes sur l'histoire de France, qui est à la -Bibliothèque Royale. Au tome XXVI, ils trouveront une très-belle -estampe de l'entrevue des deux rois, de la reine et de l'infante, et -une autre, de Charles Le Brun, qui représente le mariage dans l'église -de Saint-Jean de Luz. Dans une autre estampe allégorique, un Espagnol -dit à un Français: - - A voir sur vos habits ces monceaux d'aiguillettes, - Vos poudres, vos galands, vos canons, vos manchettes, - Rien qu'un esprit ne vous peut inspirer. - - Page 179, ligne 21: Pour suivre les représentations théâtrales. - -Le goût des spectacles faisait naître le désir de les varier. Ce fut -au mois d'avril de l'année 1660 que plusieurs particuliers, par zèle -pour l'art théâtral, donnèrent au public, dans la maison d'un sieur de -La Haye, à Issy, l'exemple d'une comédie française toute chantée. La -musique était de Lambert, les paroles de l'abbé Perrin. Cette pièce, -exécutée par les plus belles voix de cette époque, charma les -spectateurs. Le 30 du même mois, Mazarin la fit représenter à -Vincennes: elle plut tellement à la cour, que Mazarin ordonna a l'abbé -Perrin d'en composer une seconde; il fit _Ariane, ou le Mariage de -Bacchus_. Ainsi fut fondé un spectacle qui ne pouvait se maintenir que -par la munificence royale, et dont la pompe et la splendeur se sont -cependant toujours accrues depuis près de deux siècles, au milieu de -toutes les révolutions, de toutes les banqueroutes et des pénuries des -finances, et sans que jamais le public s'y soit porté avec assez -d'empressement pour subvenir à la dépense qu'il exige. - - Page 183, ligne première: En mettant de côté la soutane du - séminariste. - -J'ai rapporté dans mes notes sur la _Vie de La Fontaine_ le passage -des Mémoires manuscrits de Tallemant des Réaux qui nous apprend que -les parents de Molière l'avaient d'abord fait étudier pour être -d'Église; et ceci se trouve confirmé par ce qui est dit dans la _Vie_ -de notre grand comique composée par l'éditeur de ses Å“uvres en 1730: -c'est ce que paraissent avoir ignoré les récents éditeurs de -_Molière_, qui, par des arguments nullement concluants, ont rejeté le -témoignage contemporain de Tallemant des Réaux, tandis qu'ils n'ont -pas fait difficulté d'admettre, sans critique et sans examen, les -faits rapportés sur Molière par Grimarest, quoique lorsque cette _Vie_ -parut Boileau ait déclaré qu'elle fourmillait d'erreurs et de contes -absurdes. Je suis revenu sur ce point de critique littéraire dans la -quatrième édition que j'ai préparée de l'_Histoire de La Fontaine_, -non encore publiée. - - Page 184, lignes 5 et 6: Dont l'intrigue ne lui appartenait pas. - -Dans la pièce de Chapuzeau qui fut donnée en 1756, trois ans avant -_les Précieuses ridicules_, il y a, comme dans cette dernière pièce, -un homme dont la déclaration est fort mal reçue par une femme infatuée -de bel esprit, et qui s'en venge en introduisant auprès d'elle son -valet, déguisé en marquis magnifique, qui lui plaît beaucoup plus. - - Page 185, note 299: BODEAU DE SOMAIZE. - -Somaize ne s'est point nommé dans cette préface des _Véritables -Précieuses_. Il accuse Molière d'avoir imité _le Médecin et les -Précieuses_ de l'abbé de Pure, et plusieurs autres pièces italiennes; -et il cherche à le rendre odieux aux gens de cour. Cependant ce -misérable écrivain spécula sur le succès de la pièce de Molière, et la -mit en mauvais vers. On voit, par l'avertissement, que les libraires -propriétaires de l'édition de la pièce de Molière mirent opposition à -la vente de la traduction en vers. La pièce des _Précieuses -ridicules_, en vers (1660, in-12), est dédiée à Marie de Mancini, dont -Somaize parle souvent dans son _Grand Dictionnaire des Précieuses_. -Somaize composa encore _le Procès des Précieuses_, en vers burlesques -(1660, in-12), qu'il dédia à la marquise de Monloy; c'est probablement -cette madame de _Monlouet_ dont il est fait mention dans madame de -Sévigné. - - -CHAPITRE XV. - - Page 188, ligue première du texte: Mazarin n'était plus. - -Mazarin mourut le 9 mars, entre deux et trois heures du matin. - - Page 189, ligne 24: Une jeune reine déjà enceinte. - -La grossesse de la reine fut soupçonnée dès le 9 mai. - - Page 190, ligne 16: Donnèrent pendant plusieurs mois à - Fontainebleau. - -Madame de Motteville avoue, en parlant des fêtes de Fontainebleau, que -même dans le beau temps de la régence jamais la cour n'eut cet éclat; -et ce temps de la régence était cependant celui de sa jeunesse. - - Page 191, ligne 2: L'amour du roi pour mademoiselle de La Vallière. - -Le roi parut hésiter quelque temps entre sa belle-sÅ“ur, mademoiselle -de Pons, et La Vallière; mais l'attrait qu'eut pour lui l'amour le -plus sincère et le plus entier, accompagné de la modestie et de la -pudeur, l'emportèrent sur les agaceries d'Henriette d'Angleterre, -duchesse d'Orléans, et sur les avances de mademoiselle de Pons. - - Page 191, ligne 3: Celui de MADAME pour Buckingham. - -Le duc de Buckingham était le fils de celui qui fut soupçonné d'avoir -obtenu les bonnes grâces d'Anne d'Autriche. - - Page 191, ligne 4: Et ensuite pour le comte de Guiche. - -Madame de La Fayette nous apprend que le comte de Guiche se déguisait -en femme pour pénétrer chez MADAME. On se rappelle ce que j'ai dit de -ces déguisements dans les ballets du roi. - - Page 191, ligne 5: Celui de la duchesse de Toscane. - -La duchesse de Toscane avait eu le désir d'épouser Charles de -Lorraine, qu'elle aimait. Elle n'avait pas encore rejoint son mari -lorsqu'elle donna à penser qu'elle n'avait rien refusé à son amant. -Choisy la compare à un ange pour la beauté, mais non pas pour la -conduite. - - Page 191, ligne 13: Soit pour elle-même, soit pour une autre. - -Quoique Montalais, dit madame de La Fayette, eût pour amant Malicorne, -elle était confidente de beaucoup d'autres liaisons, qu'elle -favorisait, et dont elle se mêlait sans aucun intérêt pour elle-même, -et par besoin d'intrigues. - - Pages 193 et 194, lignes dernière et première: On risqua des - sommes énormes sur une seule carte. - -Fouquet dans une seule partie avec Gourville perdit 55,000 fr. en une -demi-heure. L'abbé de Gordes, en 1660, perdit avec le roi 150,000 fr. -en une seule séance. Il faut doubler ces sommes pour avoir le montant -de ces pertes en valeur actuelle. - - Page 194, ligne 5: La magnificence des ballets royaux. - -Les deux ballets royaux montés dans ces deux années furent ceux de -_l'Impatience_ et des _Saisons_; le roi dansa dans les deux. Les -beautés de la cour qui y figurèrent furent mesdemoiselles de Pons, -Argencourt, Villeroi, Montbazon, Châtillon, Noailles, Brancas, -Arpajon, La Fayette, Guiche, Fouilloux, Meneville, Chemerault, -Bonneuil, La Vallière. Le ballet des _Saisons_ fut joué à -Fontainebleau, et eut pour décoration les beaux arbres de la forêt. -Celui qui disposait alors les théâtres de la cour et était employé aux -décorations était un nommé Houdin (Antoine-Léonor), architecte du -Louvre. Nous avons de cet artiste une excellente vue en perspective, -présentée au roi en 1661, et des plans du Louvre. C'est cet architecte -qui probablement a bâti le palais Mazarin, où est actuellement la -Bibliothèque Royale, dont une partie, l'hôtel de Nevers, a été -réparée, en 1709, par Dulin. (Conférez Germain Brice, _Description de -Paris_, 1752, in-12, t. I, p. 362.) - - Page 196, ligne 8: Elle se rendit au Mont Saint-Michel. - -L'ouvrage latin que j'ai cité, de Martin Zeiller, _Topographia -Galliæ_, 1657, in-folio, _pars_ VIII, p. 20, donne une vue bien -détaillée et très-exacte du Mont Saint-Michel, tel qu'il se trouvait à -l'époque où madame de Sévigné s'y rendit avec sa fille. - - -CHAPITRE XVI. - - Page 201, ligne 15: Profanaient par de honteux scandales. - -On doit lire à ce sujet les curieuses particularités que MADEMOISELLE -nous donne sur la vie que menaient les religieuses de Perpignan, dont -les désordres étaient publics. - - Page 208, ligne 1re: Jamais il ne lui refusait d'audiences - particulières. - -«Ce qui m'incommodait davantage, dit Louis XIV dans ses Instructions -au Dauphin, en parlant de Fouquet, c'est que, pour augmenter la -réputation de son crédit, il affectait de me demander des audiences -particulières, et que, pour ne pas lui donner de défiance, j'étais -contraint de les lui accorder.» - - Page 208, ligne 21: Que le roi, furieux contre lui, voulait sa - mort. - -La Fontaine, dans la lettre citée, dit, en parlant de cet événement: -«Il est arrêté; le roi est violent contre lui, au point qu'il dit -avoir dans les mains des pièces qui le feront pendre[B].» Racine, dans -ses _Fragments historiques_, nous apprend qu'on avait entendu dire à -Louis XIV que si Fouquet avait été condamné, il l'aurait laissé -mourir. - - [B] L'autographe de cette lettre de La Fontaine est dans ma - collection. - -Grouvelle, connu par une édition des _Lettres de Madame de Sévigné_, -dit (t. I, p. LXXX), dans la spirituelle notice qu'il a composée sur -sa vie, qu'au moment de l'arrestation de Fouquet elle s'était retirée -dans sa terre, par crainte des coups d'autorité. Selon Grouvelle, -madame de Sévigné, en butte à la haine de Louis XIV, se croyait en -sûreté contre sa puissance dans son château des Rochers. C'est avec -cette ignorance des faits, avec ce défaut de jugement, que l'histoire -se trouve le plus souvent écrite. - - -CHAPITRE XVII. - - Page 212, ligne 3: Qu'en 1659, après la mort de son collègue. - -Servien mourut le 16 février 1659. - - Page 218, ligne 27: Le payement intégral de ces ordonnances. - -Gourville avoue (en 1657) qu'il se fit par ce moyen de grandes -fortunes; puis il ajoute naïvement: «Ayant tous ces exemples devant -moi, j'en profitai beaucoup.» - - Page 224, ligne 10: Aux femmes de cour intrigantes. - -On trouve à l'endroit cité des Défenses de Fouquet un état duquel il -résulte qu'il avait payé 245,528 livres en gratifications, en une -seule année, à des dames de la cour, et une somme de 204,498 livres à -madame Duplessis-Bellière seule. On sait qu'elle était sa confidente -pour les affaires d'amour; aussi sa fille, la marquise de Créqui, -reçut de Fouquet 200,000 livres lorsqu'elle se maria. - - Page 224, ligne 12: Et donnait sans cesse des fêtes et des repas - somptueux. - -Mazarin lors de son départ pour Saint-Jean de Luz alla loger -familièrement chez lui, à Vaux, le 25 juin 1659. - - Page 224, ligne 15: Il avait partout des agents. - -Ainsi nous voyons qu'il était instruit de tout ce qui se passait à la -cour de Savoie, par une dame d'honneur qu'il pensionnait. Il avait -envoyé de Maucroix à Rome, qui sous le faux nom d'abbé de Crécy y -était son chargé d'affaires. - - Page 226, ligne 4: Le Tellier allié à sa famille. - -Le Tellier avait épousé la sÅ“ur de Jean-Baptiste Colbert, seigneur de -Saint-Pouange, cousin du Colbert qui fut ministre. - - Page 226, ligne 6: Dans le mémoire où il lui exposait les - malversations de Fouquet. - -C'est le 28 septembre 1659 que Colbert écrivit son mémoire. La copie -qui en fut trouvée dans les papiers de Fouquet a servi à convaincre -les juges de l'ancienne haine de Colbert contre Fouquet, et a -contribué beaucoup à adoucir la sentence. - - Page 228, ligne 15: Dans une seconde lettre. - -Les originaux de ces deux lettres de Colbert, avec les réponses à -mi-marge de la main de Mazarin, sont sous nos yeux: en les confrontant -avec la publication qu'en a faite Soulavie dans cet incohérent mais -curieux recueil d'extraits et de pièces qu'il a intitulé _OEuvres de -Saint-Simon_, on s'aperçoit qu'il les a mal lues, et qu'il a laissé -passer à l'impression une foule de fautes grossières. Ainsi, au -commencement de celle qui est datée du 28 octobre 1659, au lieu de ces -mots, «J'ai reçu à désir les dépêches, etc.,» on lit dans -l'autographe: «J'ai reçu à Decize les dépêches, etc.» Partout où se -trouve le nom d'Hervart, on a imprimé _Herveau_, etc. - - Page 232, ligne 22: Toutes les instructions dont il avait besoin. - -Deux jours avant sa mort, Mazarin entretint encore longtemps Louis XIV -de ces grands objets, et lui renouvela ses dernières recommandations. - - Page 233, ligne 24: Il lui fit donation pleine et entière de tous - ses biens. - -Si l'on en croit Fouquet dans sa défense, la fortune de Mazarin se -montait à 40 ou 50 millions (80 ou 100 millions de notre monnaie -actuelle). - - Page 236, ligne 5: Mazarin environna le roi d'une cour brillante. - -Ce fut en 1657 que Mazarin acheva d'organiser la maison du roi d'une -manière somptueuse. L'état des payements de tous ceux qui se -trouvaient gagés et employés au service du jeune roi fut alors dressé, -et ensuite imprimé dans un livre curieux, que j'ai souvent cité, mais -dont je donnerai ici le titre entier: - -_Estat général des officiers, domestiques et commensaux de la Maison -du Roy. Ensemble l'ordre et règlement qui doit estre tenu et observé -en la Maison de Sa Majesté, tiré des mémoires de M. de Saintot, -maistre des cérémonies de France._ Mis en ordre par le sieur de LA -MARINIÈRE; Paris, chez Jean Guignard, 1660, in-8º. - -Environ six mille noms de personnes se trouvent inscrits et classés -dans ce livre, avec les sommes qu'elles recevaient annuellement. Mais -«_le surintendant au gouvernement et à la conduite de la personne du -Roy et celle de monseigneur le duc d'Anjou, monsieur le cardinal_ -MAZARIN,» s'y trouve porté, p. 113, sans désignation d'appointements. -Cet ouvrage démontre que près de six mille personnes, appartenant -presque toutes à la classe des bourgeois et des industriels, étaient -salariées par le roi, et que les gages et les profits qu'elles -tiraient de leurs places n'étaient pas le seul motif d'intérêt qui les -attachait aux soutiens du trône. En vertu de lettres patentes de -Charles IX, d'Henri III, renouvelées et confirmées par Henri IV, Louis -XIII et Louis XIV, tous ces salariés formaient, en leurs qualités -d'_officiers, domestiques, commensaux et marchands suivant la cour_, -une classe privilégiée comme la noblesse sous le rapport des impôts, -jouissant, comme disent les lettres patentes, eux et leurs veuves -pendant leur viduité, «des exemptions, franchises, libertés, -affranchissements de contributions et subventions généralement -quelconques faites et à faire.» Toutes ces lettres patentes sont -imprimées _in extenso_, et à la suite de _l'ordre et règlement qui -doit estre tenu et observé en la Maison du Roy_; Paris, 1657, in-8º. A -Paris, chez Marin Leché, imprimeur du Roi. - -L'état donné par La Marinière offre de singuliers contrastes -relativement aux appointements. Le maître à danser de Sa Majesté a -2,000 livres, son maître d'écriture 300 livres, son maître de dessin -1,500 livres, les _galopins_ qui servaient dans la cuisine sous les -officiers de bouche, au nombre de trois seulement, ont chacun 300 -livres, etc., etc. - - Page 237, ligne 20: Le soupçonneux Mazarin. - -La partie des Mémoires de Brienne citée ici en note en est la plus -curieuse. Les détails sur les derniers moments de Mazarin sont d'un -grand intérêt. C'est une belle leçon de morale que la mort de ce -ministre, soupçonnant tout ce qui l'environne, sachant qu'il est -condamné par les médecins; semblable à un spectre, promenant ses -regards, dans son palais, sur ses beaux tableaux, ses riches -ameublements; puis, disant arec amertume: «Il faut quitter tout cela, -_Guénaud l'a dit_.» - - Page 240, ligne 17: L'importance des affaires dont il était chargé. - -Louis XIV se servit de Fouquet pour les négociations avec le roi -d'Angleterre. Louis XIV voulait, malgré la clause du traité des -Pyrénées, secourir le Portugal contre l'Espagne. Pour que ses ruses ne -fussent pas découvertes, il trompa d'Estrades, son propre ambassadeur -en Angleterre. C'était se montrer de bonne heure un vrai disciple de -Mazarin. - - Page 241, ligne 1: Le Tellier, son ennemi secret. - -Pomponne écrivait à son père, aussitôt après la mort de Mazarin: «M. -le procureur général et M. Le Tellier paraissent fort unis; j'espère -qu'ils le seront toujours, c'est leur intérêt.» - - Page 241, lignes 17-21: Offrit à la reine d'employer ses bons - offices pour l'influence que Mazarin lui avait fait perdre. - -Ceci occasionna un refroidissement entre la reine mère et Mazarin, -dont on s'aperçoit dans une lettre que la reine mère écrivit à ce -ministre; lettre curieuse, qui donne beaucoup à penser sur la nature -de leur ancienne liaison. Nous avons imprimé cette lettre à la fin de -la troisième partie de ces _Mémoires_, p. 471. - - -CHAPITRE XVIII. - - Page 248, ligne 3: Qu'elle était aimée du roi. - -Madame de La Fayette dit qu'on a cru que Louis XIV vit La Vallière -pour la première fois à Vaux; mais on se trompait: nous savons -actuellement qu'avant cette époque il la voyait, d'une manière plus -efficace, dans l'appartement du comte de Saint-Aignan. - - Page 249, ligues 24 et 25: La duchesse de Chevreuse..... sut lui - persuader. - -Le voyage de la reine mère à Dampierre, chez la duchesse de Chevreuse, -eut lieu dans les derniers jours de mai et le commencement de juin. - - Page 250, note 418: LOMÉNIE DE BRIENNE. - -Le mot de Mazarin à madame de TubÅ“uf, rapporté par Brienne dans cet -endroit de ses Mémoires, «Puisqu'il faut vous donner, madame, je vous -donne le bonjour,» ressemble beaucoup à celui d'un Anglais très-riche -et très-avare (Elves), à qui on demandait ce qu'il donnait à son fils -en mariage. Il entra d'abord dans une grande colère, puis termina en -disant: «Moi, je donne... je donne mon consentement.» - - Page 253, lignes 19 et 20: Un officier qui n'y était pas appelé - par son rang. - -Ce fut d'Artagnan (Charles de Baatz) qui arrêta Fouquet. - - Page 253, ligne dernière: Qui est un des plus beaux passages - de son éloquent plaidoyer. - -«..... N'employa-t-il pas pour votre service tout ce qu'il avait reçu -du prix de sa charge? Cette fois je ne puis croire que Votre Majesté -puisse en rappeler le souvenir sans en être touchée. Que serait-ce si -elle voyait cet infortuné, à peine connaissable, moins changé et moins -abattu de la longueur de sa prison que du regret d'avoir pu déplaire -à Votre Majesté, et qu'il lui dit: «Sire, j'ai failli; si Votre -Majesté le veut, je mérite toutes sortes de supplices... Je ne me -plains point de la colère de Votre majesté; souffrez seulement que je -me plaigne de ses bontés. Quand est-ce qu'elles m'ont permis de -connaître mes fautes et ma mauvaise conduite? Quand est-ce que Votre -Majesté a fait pour moi ce que les maîtres font pour leurs esclaves -les plus misérables, ce qu'il est besoin que Dieu fasse pour tous les -hommes et pour les rois même, qui est de les menacer avant de les -punir?» (Pellisson, _Premier Discours au Roi_, page 74.) - - Page 255, ligne 20: Dont plusieurs s'étaient enrichies. - -Gourville fut obligé de donner 500,000 fr. pour se racheter contre les -poursuites de la chambre de justice, et il resta encore fort riche. - - Page 256, ligne 7: Dès lors son règne commença. - -Les Instructions de Louis XIV au Dauphin sont ce qui a été écrit de -mieux sur l'administration d'un grand royaume. Quelle pitié qu'elles -aient si peu profité à ses successeurs! - - Page 257, lignes 1 et 2: N'offre pas un second exemple. - -J'ai donné à dessein ici les citations pour l'affaire de Fargues, -qu'on pourrait m'objecter si elle était telle que Lemontey la raconte; -mais en l'approfondissant on s'aperçoit qu'elle est tout autre. Ce -personnage n'avait pas seulement pris parti contre le roi au temps de -la Fronde: il avait d'abord été dans le parti du roi; il s'était fait -donner le commandement de la place de Hesdin, qu'il vendit aux -ennemis. Il fut à la vérité, sous Mazarin, compris dans un traité, et -il avait obtenu des lettres d'abolition pour sa trahison (Loret, liv. -XI, page 42), mais il négligea d'obtenir sa grâce du roi. Il se tint -caché dans une de ses terres, à Courson. S'il y avait été sous son -nom, le roi l'aurait su. Louis XIV s'irrita de l'audace de ce traître, -jouissant si près de lui de ses grandes richesses; il lui fit faire -son procès. Fargues fut convaincu comme concussionnaire, et pendu. -C'est un acte de despotisme d'autant plus blâmable, que Fargues ne fut -point jugé par le parlement, mais par une commission. Fargues avait -mérité la mort, mais il fallait le juger régulièrement. Toutefois, sa -conduite avait été si odieuse, que sa condamnation ne fut point -blâmée. - - Page 257, lignes 4 et 5: Lui avait reconnu une audace capable de - tout oser. - -Madame de La Fayette dit, en parlant de Fouquet: «Homme d'une ambition -sans bornes, dont les desseins étaient infinis pour les affaires aussi -bien que pour la galanterie.» - - -CHAPITRE XIX. - - Page 265, lignes 17 et 18: Pomponne resta dix-huit mois à la - Ferté-sous-Jouarre. - -Les affaires qui appelaient Pomponne à la Ferté-sous-Jouarre -concernaient la succession que Nicolas Ladvocat, son beau-père, avait -laissée à sa femme. Fouquet avait contribué au mariage de Pomponne -avec mademoiselle Ladvocat. La belle-mère de Pomponne se nommait -Marguerite de Bouillé. - - Page 270, ligne 13: Dîner à l'hôtel de Nevers; et note 458: - Cet hôtel. - -Ma note et mes nombreuses citations ne peuvent suffire pour redresser -toutes les erreurs auxquelles l'hôtel de Nevers a donné lieu. Madame -de Sévigné, Pomponne, et plusieurs de leurs contemporains, désignent -toujours l'hôtel qu'habitait madame de Guénégaud par le nom d'_hôtel -de Nevers_, parce qu'en effet c'était cet hôtel, situé près des fossés -de l'ancienne enceinte de la ville et de la porte de Nesle, où est -actuellement l'hôtel des Monnaies, que Henri de Guénégaud, ministre et -secrétaire d'État, avait acheté, en 1641, de la princesse Marie de -Gonzague de Clèves, veuve du duc de Nevers. Guénégaud embellit et -rebâtit presque en entier cet hôtel; il l'agrandit, en y joignant un -autre hôtel, plus petit, qui se trouvait voisin. Cependant on -continuait toujours à appeler cet hôtel _hôtel de Nevers_, quoique sur -les plans gravés de Paris, de l'année 1654, il eût déjà pris le nom -d'_hôtel de Guénégaud_ (voyez le plan de Berey, celui de Gomboust, et -celui de Builet). La rue des Deux-Portes, qui longeait les murs de cet -hôtel, avait pris le nom de _rue de Nevers_, qu'elle a conservé. -Trompé par ce nom d'hôtel de Nevers, appliqué par continuation à -l'hôtel Guénégaud, M. Monmerqué a quelquefois cru qu'il était -question, dans les écrits du temps, d'Anne de Gonzague ou de la -princesse Palatine, quand il s'agissait de madame Duplessis-Guénégaud; -ce qui l'a fait tomber dans quelques erreurs. (Voyez _Lettres de -Sévigné_, t. I, p. 81, note _a_; _Mémoires de Coulanges_, 1820, -in-8º, p. 383; _Biographie Universelle_, t. XXXV, p. 321, article -POMPONNE.) Ainsi, c'est chez madame de Guénégaud qu'allait madame de -Sévigné lorsqu'elle se rendait à l'hôtel de Nevers. C'est chez madame -de Guénégaud que Pomponne se rendit lorsqu'il vint à Paris, au retour -de son exil. C'est chez madame de Guénégaud, et non chez la princesse -Palatine, qui n'habitait plus alors Paris, que Boileau lut ses -premières satires, et Racine sa première tragédie (_Alexandre_). M. de -Saint-Surin est donc dans l'erreur aussi à cet égard (voyez _OEuvres_ -de Boileau, édit. de 1821, t. I, p. 41 de la notice biographique). - -L'hôtel de Nevers, situé à côté de la tour de Nesle, et près des -fossés de la ville et de l'ancienne enceinte, avait remplacé l'hôtel -de Nesle. L'hôtel de Guénégaud remplaça l'hôtel de Nevers en 1652. En -1670 le prince de Conti l'acheta, et alors il devint l'hôtel de Conti; -et l'édifice actuel de la Monnaie a remplacé l'hôtel de Conti. Marie -de Gonzague, qui épousa successivement Wladislas IV, et Casimir, roi -de Pologne, a bien possédé et occupé l'hôtel de Nevers; mais il est -douteux que sa sÅ“ur cadette, Anne de Gonzague, qui fut mariée à -Édouard, prince palatin de Bavière, et qu'on nommait la princesse -Palatine, ait jamais logé dans cet hôtel. Il y a trois vues -intéressantes gravées de l'hôtel de Nevers avant qu'il eût été abattu -en tout ou en partie pour devenir l'hôtel Guénégaud, dans Martin -Zeiler, _Topographia Galliæ_; _Francofurti_, in-folio, t. I, pages 58, -59 et 60. - -Duplessis-Guénégaud acheta non-seulement l'hôtel de Nevers, mais il -acquit encore de la ville de Paris tous les terrains vagues laissés -par les fossés de la ville, qui se trouvaient derrière. C'est sur ces -terrains que l'on construisit depuis le collége des Quatre-Nations (le -palais de l'Institut) et la rue Mazarine, tracée exactement dans la -direction de ces anciens fossés. Les nouvelles constructions de -l'Hôtel de Guénégaud paraissent avoir été terminées avant qu'on eût -rien bâti sur ces anciens fossés; car ils sont tracés encore sur le -plan de Berey en quatre feuilles, où le nom d'hôtel Guénégaud a -remplacé celui d'hôtel de Nevers. Ce nom d'hôtel Guénégaud est aussi -le seul qu'on trouve en cet endroit sur le grand plan de Paris de -Gomboust, fait sous la direction de Petit, maître des fortifications -de Paris. Il en est de même du plan de Builet, en douze feuilles; mais -on voit que dans l'usage on continuait d'appeler cet hôtel hôtel du -Nevers; car de Joly, dans ses _Mémoires_ (t. XLVII, p. 213), en -racontant une émeute de la populace qui eut lieu en 1652, et qu'on fut -obligé de réprimer par la force, dit: «Son Altesse Royale fut obligée -d'envoyer des gardes et de faire armer des bourgeois pour dissiper une -troupe de canaille qui voulait piller l'_hotel de Nevers_, appartenant -au sieur de Guénégaud, secrétaire d'État.» - -Nous lisons dans les _Mémoires de Gourville_ (t. LII, p. 330) qu'il se -rendit à Paris, dans une maison que madame Duplessis-Guénégaud lui -avait fait bâtir. En effet, dans le _Paris ancien et nouveau_ de Le -Maire, édition de 1685, t. III, p. 269, il est dit que l'hôtel de -Sillery a été bâti, il y a environ trente ans, dans un cul-de-sac de -l'hôtel de Conti, c'est-à -dire de l'hôtel de Guénégaud. Gourville -était fort lié avec madame Duplessis-Guénégaud; et ce fut chez elle -qu'il déposa ses papiers et son argent quand il partit pour faire le -voyage de Nantes. (_Mémoires de Gourville_, t. LII, p. 354.) - -Après la mort de Mazarin, il y eut un autre hôtel de Nevers; ce fut la -partie du palais Mazarin qui échut en partage à son neveu le marquis -de Mancini, duc de Nevers. C'est celui qu'occupe aujourd'hui la -Bibliothèque du Roi, rue de Richelieu. (Voyez _Piganiol de La Force_, -t. III, pages 57, 58 et 140.) Je n'ai pas besoin de dire que cet hôtel -n'a d'autre rapport que le nom avec celui qui fut occupé par les -anciens ducs de Nevers, et dont je viens de tracer les diverses -transformations. Madame Duplessis-Guénégaud était sÅ“ur de la -maréchale d'Étampes, dame d'honneur de la duchesse d'Orléans -douairière. - - Page 273, ligne 3: M. de Neuré, fameux astrologue. - -Ce Neuré ne pouvait être soupçonné de vouloir favoriser Fouquet. -Gourville en parle comme d'un vieux philosophe qui avait pris à ferme -un petit domaine du marquis de Vardes. C'est dans ce domaine, et par -conséquent chez Neuré, que Vardes mit Gourville, qui y resta quelque -temps, caché sous un nom supposé, lorsqu'on 1662 Gourville, poursuivi, -par suite de l'affaire de Fouquet, par la chambre de justice, se -rendit en secret à Paris, sur l'invitation de Vardes, qui avait besoin -de conférer avec lui relativement à la fausse lettre du roi d'Espagne -à la reine de France, écrite par Vardes et remise à la Molina, femme -de chambre de cette dernière. Gourville raconta plaisamment comment le -bonhomme Neuré, de fort mauvaise humeur contre les financiers et les -traitants, louait fort la chambre de justice et la rigueur qu'elle -mettait dans ses poursuites contre de telle gens. «Parmi ceux, dit -Gourville, qui lui blessèrent le plus l'imagination, il me nommait -souvent, surtout parce qu'il avait vu chez M. de La Rochefoucauld une -pendule de grand prix, qui allait six mois, laquelle m'appartenait. Je -ne manquais pas de l'applaudir, et de renchérir sur tout ce qu'il -disait, et même contre moi en particulier.» - - Page 274, ligne 11: A la condamnation à la peine capitale. - -«Contre toute espérance, dit Loménie de Brienne, Fouquet eut la vie -sauve.» - - Page 276, ligne 17: Ces deux vers du Tasse me reviennent en - mémoire. - -La fin de l'affaire du procès de Fouquet n'a pas dû être la fin de la -correspondance de madame de Sévigné avec Pomponne. Elle aimait à -écrire, et sa tendresse pour sa fille n'a pas été le seul motif qui -l'ait rendue si active dans sa correspondance épistolaire. Voici ce -qu'elle répond aux remercîments que Pomponne lui fit sur son -exactitude à l'instruire de tout ce qui avait concerné Fouquet: «Il me -semble, par vos beaux remercîments que vous me donnez mon congé; mais -je ne le prends pas encore. Je prétends vous écrire quand il me -plaira; et dès qu'il y aura des vers du Pont-Neuf ou autres, je vous -les enverrai fort bien.» (Lettre en date de janvier 1665.) Et en -effet, dans un _post scriptum_ de cette même lettre, écrit plusieurs -jours après, elle demande à Pomponne son avis sur les stances, les -couplets qu'elle lui a envoyés. Il est probable que c'étaient quelques -vers des nombreuses chansons que l'on fit alors contre Colbert et -autres ennemis du surintendant, et contre les juges qui avaient opiné -à mort. - - Page 278, ligne 3: Ce Puiguilhem, ce cadet de Gascogne. - -Lauzun était Périgourdin. Puiguilhem (l'orthographe de ce nom est -presque toujours défigurée) est une paroisse du Périgord, à trois -lieues au sud-ouest de Bergerac. (Conférez le _Nouveau Dénombrement du -Royaume_, 1720, in-4º, p. 226; d'Expilly, _Grand Dictionnaire des -Gaules et de la France_, in-folio, t. V, p. 1014.) - - -CHAPITRE XX. - - Page 284, ligne 3: Dans cette première année. - -Bussy dit «qu'au lieu de ce mic-mac et des faiblesses comme du temps -de Mazarin, on vit des hauteurs dignes d'un grand prince.» - - Page 284, ligne 4: Contre tous les embarras d'une disette. - -On fit venir des grains, qu'on vendait à bas prix au peuple. On fit à -Paris un four ménager, pour donner le pain aux pauvres à meilleur -marché. On vendait à Paris un setier de blé 26 livres. Louis XIV -réduisit les dépenses des forêts, et gagnait quatre millions en -affermant de nouveau les octrois. Il dégreva les provinces d'une -partie de leurs tailles. - - Page 284, ligne 24: Sur la Lorraine et le Barrois. - -Le duc de Lorraine voulut vendre son duché et en frustrer son -héritier, par amour pour la fille d'un apothicaire nommé Pajot. Louis -XIV sut profiter de cette disposition. - - Page 285, ligne 6: Imprimèrent un grand respect à son nom. - -La lettre écrite par Louis XIV au roi de Pologne en 1663, au sujet de -l'affaire de Rome, est un chef-d'Å“uvre d'adresse, de diction et de -dignité. - - Page 285, ligne 15: Des provisions que pour trois ans. - -Pour qu'on ne pût pas murmurer de cette innovation, il commença par -donner ainsi, pour trois ans seulement, le gouvernement de Paris au -duc d'Aumont, l'un de ses quatre capitaines des gardes. - - Page 285, ligne 17: Le cardinal de Retz fut amené à donner sa - démission. - -Un court billet du roi accuse au cardinal de Retz la démission de son -archevêché. Il ne fut pas même permis à Retz de venir en cour. Il -avait cependant été consulté sur l'affaire de Rome; et ce fut lui qui -donna l'idée de la pyramide. (Voyez Joly, _Mémoires_, t. XLVII, page -454, 460, 462.) Chandenier, qui avait tout quitté pour suivre le parti -de Retz, ne voulut accepter aucun dédommagement pour sa place de -capitaine des gardes. - - Page 286, ligne 11: Le jeune roi se montra moins sage que Mazarin. - -Entre les catholiques, les jansénistes et les protestants, venait se -placer la secte des libertins ou incrédules, que nous avons déjà -signalée, mais trop peu nombreuse alors et trop obscure pour que le -gouvernement pût deviner qu'elle devînt un jour la plus dangereuse. -Elle se moquait de tout, et son opposition au gouvernement et à -l'Église se manifestait par des vaudevilles, des épigrammes, et de -malignes satires. Ce fut cette année que Saint-Évremond écrivit sa -_Conversation du maréchal d'Hocquincourt et du père Canaye_ -(Saint-Évremond, _OEuvres_, t. III, p. 54, et _Vie de Saint-Évremond_, -par Desmaiseaux). Dans le pays de Gex, Louis XIV fit fermer cette -année vingt-deux temples protestants; et dans le mois de juillet de -cette même année il fit mettre à la Bastille le libraire Des Prés, -pour avoir réimprimé la lettre de Pavillon, évêque d'Ath, où étaient -déduites les raisons qui empêchaient cet évêque de signer les cinq -propositions. La lettre de Racine à Vitart prouve que les jansénistes -étaient déjà menacés dans le midi. - - Page 288, ligne 5: Il fut attaqué par l'abbé d'Aubignac. - -Voici un échantillon de la critique de l'abbé d'Aubignac: «Pour moi, -qui depuis dix-sept ans me suis retiré dans les ténèbres de mon -cabinet sans voir la cour, je pourrais bien en avoir oublié le langage -aussi bien que les mystères. Mais M. Corneille, qui depuis tant -d'années en fait un Pérou, ne devait pas tant de fois et si souvent -donner cette qualité de suivantes aux dames et aux filles qui servent -ces princesses, si cela ne s'accorde pas au faste et aux intrigues des -belles cours.» Qui eût dit qu'on eût jamais osé reprocher à Corneille -d'être homme de cour! - - Page 290, lignes 5 et 6: Il inséra dans ses satires les noms - des personnes qu'il voulait livrer à la risée et au mépris - public. - -Dans les éditions de 1667 et de 1669 des Satires de Boileau on trouve -les vers suivants: - - Je ne puis arracher du creux de ma cervelle - Que des vers plus forcés que ceux de _la Pucelle_. - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - Faut-il d'un froid rimeur dépeindre la manie, - Mes vers comme un torrent coulent sur le papier; - Je rencontre à la fois Perrin et Pelletier, - Bardou, Mauroy, Boursault, Colletet, Titreville; - Et pour un que je veux j'en trouve plus de mille. - -Bien pour ces vers, qui ne frondaient que l'esprit; mais comment -l'auteur ne se faisait-il pas des affaires avec les tribunaux pour les -vers suivants, qui concernaient un procureur fameux, un libraire fort -connu, un avocat, compilateur estimable et laborieux de l'histoire de -Paris, dont il imprimait les noms dans ses satires sans aucun -déguisement? - - J'appelle un chat un chat, et Rollet un fripon. - . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - Faut-il peindre un fripon fameux en cette ville, - Ma main, sans que j'y rêve, écrira Saumaville; - Faut-il d'un sot parfait montrer l'original, - Ma plume, au bout du vers, d'abord trouve Saufal (Sauval). - -Quoi qu'en ait dit M. de Saint-Surin (_OEuvres de Boileau_, t. II, p. -271), il y a Saumaville dans l'édition de 1666; dans l'édition de 1667 -on trouve Raumaville; mais ce doit être une faute d'impression, car -celle de 1669 porte derechef Saumaville. - - Page 290, note 2: RACINE, _lettres de Vitart_. - -Je cite ici l'édition de Racine de Geoffroy, non que ce soit la -meilleure, mais parce que c'est dans cette édition que les lettres de -Racine à Vitart et à l'abbé Levasseur ont été imprimées en entier, et -d'après les originaux manuscrits. Racine le fils, en les publiant le -premier, y avait fait des retranchements. On voit par la lettre p. -119, que Racine, sans souvenir du passé, approuve toutes les rigueurs -contre le surintendant. On voit aussi (t. VII, p. 22) qu'alors il -faisait grand cas de Perrault. - - Page 294, ligne 3: Une cour nombreuse. - -Le frère du roi alla habiter le palais Cardinal ou le Palais-Royal. Il -y donnait, ainsi qu'à Saint-Cloud, des fêtes et des repas à la famille -royale; il allait souvent à son château de Villers-Cotterets, que -Louis XIV lui avait donné pour apanage. Le duc de Beaufort, qui -demeurait dans la rue Saint-Honoré, donnait aussi des repas au roi et -à la reine, aussi bien que le président de Maisons. MONSIEUR donna au -Palais-Royal une fête au roi et à toute sa cour. - - Page 294, ligne 12: Il renouvelle cet éloge. - -Dans la _Critique de l'École des Femmes_, Molière fait dire à son -Dorante «qu'on peut être habile avec un point de Venise et des plumes, -aussi bien qu'avec une perruque courte et un petit rabat uni; que la -grande épreuve de toutes les comédies, c'est le jugement de la cour; -que c'est son goût qu'il faut étudier pour trouver l'art de réussir; -qu'il n'y a point de lieu où les décisions soient si justes... et -qu'on s'y fait une manière d'esprit qui sans comparaison juge plus -finement des choses que tout le savoir enrouillé des pédants.» Il -reproduit les mêmes idées en vers dans _les Femmes Savantes_. - - Page 294, lignes 13 et 20. - -Voyez la tirade qui commence par ces vers: - - Je sais bien que souvent un cÅ“ur lâche et perfide, etc. - -Alors en fulminant contre les crimes, il ne craignait pas de nommer -les criminels. - - Et Monleron ne doit qu'à ses crimes divers - Ses superbes lambris, ses jardins toujours verts. - -Ce Monleron n'était pas un nom supposé, mais un homme très-riche, et -vivant lorsque Boileau imprima sa satire. Tout cela a été retranché -dans les éditions subséquentes. Voyez la note de l'édition de -Saint-Marc, 1747, in-8º, t. I, p. 32. - - Page 295, ligne 11: Soixante-dix cordons bleus. - -Il est dit dans l'_Histoire de France en estampes_ que le roi fit -soixante-trois chevaliers d'épée, et huit d'Église. Ce serait -soixante-onze. - - Page 296, ligne 2: Du titre de _Mémoires de Coligny_. - -Depuis que ceci a été écrit, les vrais _Mémoires de Coligny_, dont -cette note marginale n'était qu'un fragment, ont été publiés par la -Société de l'Histoire de France, et ont eu pour éditeur M. Monmerqué. - - Page 297, ligne 19: Puis vint le célèbre carrousel; et page 298, - note 508: _Description du Carrousel_. - -Il y a un exemplaire de cette description officielle du carrousel de -1662, avec toutes les figures, supérieurement peintes en miniature, à -la Bibliothèque de Versailles. Dans cette bibliothèque il y a encore -deux autres ballets avec tous les personnages et leurs costumes peints -en grand. Ce fut Fléchier qui traduisit en latin la description du -carrousel de 1662, et le même fit des vers latins sur ce sujet. C'est -dans ce carrousel que Louis XIV prit pour la première fois cette -devise orgueilleuse qu'il a toujours gardée depuis, et qu'il cherche à -justifier dans ses Instructions au Dauphin, contre les critiques -nombreuses qu'on en a faites. On sait qu'elle avait pour corps un -soleil éclairant le globe de ses rayons, et pour âme ces mots latins: -_Nec pluribus impar_. - - Page 300, lignes 2 et 3: Aux inclinations qui pouvaient le - distraire des soucis de la royauté. - -«Le roi, dit naïvement madame de Motteville, avait le cÅ“ur rempli de -ces misères humaines qui font le faux bonheur de tous honnêtes gens.» - - Page 300, lignes 17 et 18: Dans le couvent des Filles Sainte-Marie - de Chaillot. - -Cette retraite de La Vallière avait été précédée d'une altercation -avec le roi. Elle eut l'esprit comme égaré d'avoir osé dissimuler avec -lui. - - Page 300, ligne dernière: En faisant remettre à Marie-Thérèse. - -La reine connaissait bien avant cette lettre la liaison du roi avec La -Vallière. Elle dit en espagnol à madame de Motteville, qui la vint -voir pendant ses couches, tandis que La Vallière était présente: -«_Esta donzella con las aracades de diamante es esta a que el rey -quiere._» - - Page 301, ligne 12: A faire enfermer dans un couvent mademoiselle - de Montalais. - -La lettre du roi à l'abbesse de Fontevrault lui recommande de ne -laisser communiquer personne avec mademoiselle de Montalais. Celle-ci -s'était non-seulement rendue la confidente des amours du comte de -Guiche et de MADAME, mais aussi de celles de mademoiselle de -Tonnay-Charente (depuis madame de Montespan), qui avait de -l'inclination pour le marquis de Marmoutiers, et désirait l'épouser. -Le comte de Guiche se déguisa plusieurs fois en femme pour pénétrer -près de MADAME (Conrart, _Mém._, t. XLVIII, p. 280; Montpensier, -_Mém._, t. XLIII, p. 43). Gramont avait osé disputer mademoiselle de -La Motte-Houdancourt au roi. Il fut exilé, et alla en Angleterre -rejoindre Saint-Évremond; mais ensuite il revint, et rentra en grâce. - - Page 302, ligne 14: Ils y parvinrent; et note 1: LOUIS XIV, - _lettre_ du 20 décembre 1662. - -La lettre de Louis XIV adressée à l'abbesse de Fontevrault est pour -donner la liberté à Montalais. - - Page 303, ligne 25: C'étaient encore des mystères. - -La liaison de Louis XIV avec La Vallière était encore un secret pour -la cour lors de la naissance de la fille qui fut le premier fruit de -cet amour. Cette enfant mourut peu après sa naissance, en novembre -1662. Voyez Motteville, t. XL, p. 177. Nous voyons dans Loret, liv. -XIII, p. 109, que le roi donna un dîner à Versailles; et ce fut le -premier. Les dames à Saint-Germain allaient à la chasse avec le roi. -Le 4 novembre la chasse de Saint-Hubert eut lieu à Saint-Germain. -(Loret, liv. XIII, p. 170.) - - Page 304, ligne 2: La béatification de saint François de Sales. - -Ce fut l'évêque de Montpellier qui fit l'éloge de saint François de -Sales. La canonisation de saint François de Sales eut lieu en 1665; la -cérémonie, au mois de mai. (_Histoire de la Monarchie Françoise_, -1697, t. II, p. 235.) - - Page 305, ligne 9: Quoique Corbinelli fût à Paris membre d'une - académie italienne. - -L'ambassadeur de Venise était le protecteur de cette académie -italienne. Le chevalier Amalthée et Corbinelli en étaient les -chanceliers honoraires. - - -CHAPITRE XXI. - - Page 313, ligne 4: Il imprimait au dehors le respect et la - crainte. - -Le légat du pape et un cardinal vinrent demander pardon au roi pour ce -qui s'était passé à Rome. En même temps Louis XIV se conduisait d'une -manière toute chevaleresque envers ses alliés, et rendait à l'empereur -d'Allemagne les drapeaux conquis sur les Turcs. - - Page 313, ligne 7: Il terminait le Louvre et commençait - Versailles. - -Loret dès le mois d'octobre 1663 parle déjà du labyrinthe de -Versailles et de la ménagerie. Le Vau était l'architecte du Louvre. -Les grands travaux de Versailles ne commencèrent qu'en 1664. Ils ont -coûté 116 millions ou 190 millions de notre monnaie actuelle, somme -que Mirabeau exagérait en la portant à 1,200 millions, et Volney à -quatre milliards six cents millions! et cela dans des _Leçons -d'Histoire_ (1799, in-8º, p. 141). Conférez la troisième partie de -ces _Mémoires_, p. 450. - - Page 314, lignes 5 et 6: Pour les recherches à faire sur toutes - les branches d'administration du royaume. - -Voici ce que dit au sujet de cette circulaire M. d'Hauterive, un des -hommes les plus instruits et les plus habiles en administration du -règne de Napoléon: «Je viens dans le moment même de découvrir une -minute de la circulaire qui fut adressée par Colbert, par ordre du -roi, en 1664, à tous les intendants du royaume. Elle contient un -système tout à fait complet de recherches sur tous les objets que j'ai -passés trop rapidement en revue dans mes conseils (_Conseils à un -jeune Voyageur_). Ce système présente dans de bien minutieux détails -les rapports de toutes les administrations du royaume avec toutes les -classes des sujets et les individus de toutes les classes. Les objets -d'informations y sont classés d'une manière admirable; rien n'y est -omis: produits, échanges, rangs, mÅ“urs et usages; divisions -géographique, administrative, ecclésiastique, militaire; ordre -judiciaire, finances, et toutes les parties de chacune des -administrations de l'État y sont proposés à l'examen et à l'étude de -l'observateur officiel, pour qu'il y remarque le bien, le mal, le -moyen d'améliorer ou le remède, et qu'il rende successivement compte -de ses observations. Les actes de l'autorité sont tous nominativement -mis en regard des droits et des besoins des peuples, et le ministre -exprime sur chaque point la sollicitude du souverain sur des abus -qu'il ignore, qu'il veut connaître, et qu'il est dans sa royale -intention de prévenir et de réformer.» - - Page 314, ligne 16: Dans le _Discours au Roi_, et note 540 - _Suite du Nouveau Recueil._ - -Le _Recueil_ où le _Discours au Roi_, de Boileau, se trouve imprimé -pour la première fois a échappé aux nombreux commentateurs de l'auteur -de l'_Art Poétique_, quoiqu'il ait dû être dans le temps fort répandu. - - Page 314, lignes 19 et 20: Les premières satires du jeune poëte; - et note 541: _Nouveau Recueil_. - -Dans la satire à Molière, telle qu'elle est imprimée dans le _Recueil_ -cité, qui est de 1665, antérieur à la première édition donnée par -l'auteur, on lit: - - Si je pense parler d'un galant de notre âge, - Ma plume pour rimer rencontrera Ménage. - -Ainsi les commentateurs de Boileau se sont trompés quand ils ont -avancé que ces vers n'avaient jamais été imprimés ainsi, et que cette -variante n'avait existé que sur le manuscrit. - - Page 317, ligne 7: Mademoiselle de La Vallière, dont la liaison - avec le monarque n'était plus un mystère. - -Dans le ballet royal des _Arts_, La Vallière jouait, déguisée en -bergère; et Benserade fait dire à ce sujet: - - Et je ne pense pas que dans tout le village - Il se rencontre un cÅ“ur mieux placé que le sien. - -Guéret, dans sa _Carte de la Cour_, qui parut en 1663, fait ainsi le -portrait de Clarice: «L'ingénieuse Clarice paraît aussi beaucoup dans -ces lieux; et si je n'ose dire hardiment qu'elle en est l'âme (comme -plusieurs personnes disent à sa gloire), du moins j'avancerai avec -assurance qu'elle en est un des plus beaux ornements. L'on croit que -ses conquêtes s'étendent bien au delà de cette cour.» Et en marge il -est écrit: _La Vallière_. - - Page 319, ligne 16: Plus adroitement que toutes ses femmes; - et note 547. - -Les médecins prescrivirent le quinquina; ce qui prouve que ce -médicament était connu alors. - - -CHAPITRE XXII. - - Page 322, lignes 9 et 10: Donnèrent encore plus d'activité - aux fêtes. - -La foire de Saint-Laurent cette année fut très-brillante (25 août); -Loret, liv. XIV, p. 136. Il y eut le mariage de mademoiselle de Valois -et celui de M. le Duc, fils du prince de Condé (Montpensier, t. XLIII, -p. 54, 68). On donna un carrousel pour l'arrivée du légat (Loret, liv. -XV, p. 123). Il y eut une jolie fête à Vincennes, où le roi figura. On -y joua à l'escarpolette (Loret, liv. XIV, p. 189, 191). Il y eut -aussi des fêtes en Bretagne pour la tenue des états (Loret, liv. XIV, -p. 152). - - Page 327, lignes 15 et 18: Mademoiselle de Mortemart.... s'était - mariée à Montespan. - -Nous apprenons par Loret que l'hôtel où se firent les noces de -mademoiselle de Mortemart se nommait l'hôtel d'Antin. Le fils que -madame de Montespan eut de son mari, et dont nous avons les Mémoires, -imprimés par la Société des Bibliophiles, portait le titre de duc -d'Antin. - - Page 327, note 549: LORET. - -Loret nous apprend qu'il y a une relation de ce ballet des _Arts_ -imprimée chez Ballard, et que la _Gazette_ en rapporte «maintes -choses»: c'était la _Gazette de France_ de Renaudot, la seule qui -existât alors. Ce ballet fut joué aussi au Palais-Royal, chez -MONSIEUR, à la fin de février (Loret, liv. XIV, p. 35, en date du 1er -mars). - - Page 329, ligne 9: Pour _mademoiselle_ DE SÉVIGNY. - -Loret écrit souvent Cevigny, mais quelquefois mieux Sevigny; dans -Benserade et dans Bussy, c'est toujours Sevigny. Le goût que l'on -avait pour la langue italienne faisait affecter les terminaisons -italiennes. - - Page 330, ligne 19: Le jeu qu'on appelait _la ramasse_. - -Loret parle ainsi du jeu nommé _la ramasse_: - - Mercredi le roi notre sire, - A qui de longs jours je désire, - Dans Versailles traita la cour, - Et quoique ce fût un beau jour, - On n'y fit point, dit-on, de chasse; - Mais le plaisir de _la ramasse_, - Plus rapide que hasardeux, - Les divertit une heure ou deux. - -Au mot _ramasse_, par un renvoi, Loret a mis en marge: _Machine de -nouvelle invention_. - - Page 330, avant-dernière et dernière lignes: Toutes les fêtes - de l'hiver furent surpassées par celles que Louis XIV donna - au printemps. - -La description de ces fêtes se trouve dans toutes les éditions de -notre grand comique. Benserade fait commencer ces fêtes le 10 mai; la -lettre de Marigny, mélangée de prose et de vers, où elles sont -décrites, est datée du 14 mai 1664. - - -CHAPITRE XXIII. - - Page 334, ligne 9: Il n'a plus la faculté de brûler. - - Arde per voi d'Amore. - Fuor del mio, vaga FILLI, - Ogni più nobil core - Non accusi però vostra bellezza - Questo cor di rozzezza! - Che con mille beltà vaghe, leggiadre - Di mille e mille flamme al mondo note, - L'arse, et l'incenerì della madre; - E cosa incenerita arder non puote. - - -CHAPITRE XXIV. - - Page 342, lignes 11 et 12: On lui permet d'acheter la charge de - mestre de camp de la cavalerie légère. - -Bussy, dans son _Discours à ses Enfants_, et la maréchale de -Clérambault, au mari duquel Bussy acheta cette charge de mestre de -cavalerie, disent qu'elle coûta 90,000 écus; et Bussy, dans ses -_Mémoires_, dit 252,000 livres. C'était environ cinq cent mille francs -de notre monnaie actuelle. - - Page 350, lignes 4 et 5: Quelque épigramme comme celle que Loménie - de Brienne lui attribue. - -Voici cette épigramme, dont la pointe est fondée sur le surnom de -Louis Dieudonné, conféré à Louis XIV lors de sa naissance: - - Ce roi si grand, si fortuné, - Plus sage que César, plus vaillant qu'Alexandre, - On dit que Dieu nous l'a donné: - Hélas! s'il voulait le reprendre! - - Page 353, ligne 7: Elle dit un jour à son cercle; et note 2. - -Cette anecdote a été racontée par Roquette, évêque d'Autun, à Boubier -lui-même. - - Page 355, lignes 9 et 10: Les inscriptions et les emblèmes qui se - voyaient au château de Bussy. - -On sait que Bussy avait réuni dans cette galerie les portraits de -toutes les femmes qu'il avait aimées. Il les avait accompagnés -d'inscriptions et d'emblèmes. Sous le portrait de la marquise de -Monglat on lisait: «Isabelle-Cécile Hurault de Cheverny, marquise de -Monglat, qui par son inconstance a remis en honneur la matrone -d'Éphèse et les femmes d'Astolfe et de Joconde.» Bussy avait fait -peindre cette marquise dans le bassin d'une balance. Elle était -emportée par le bassin vide, et sur le plateau où elle se trouvait on -lisait: _Levior aura_, «plus légère que l'air». Dans un autre endroit -de sa galerie il l'avait encore fait peindre avec les emblèmes et sous -les attributs de la Fortune, et on lisait: _Leves ambo, ambo ingratæ_, -«toutes deux légères, toutes deux ingrates». - - -CHAPITRE XXV. - - Page 363, lignes 8 et 9: Cette réconciliation fut sincère de part et - d'autre. - -«Vous savez encore, dit-elle, notre voyage de Bourgogne, et avec -quelle franchise je vous redonnai toute la part que vous aviez jamais -eue dans mon amitié.» - - Page 364, ligne 6: Ce dernier en eut ensuite ramassé et rejoint les - morceaux. - -Ce récit de Bussy-Rabutin est invraisemblable, et ne le justifie pas. - - Page 367, ligne 14: A sa terre des Rochers, qu'elle s'occupait - à agrandir et à embellir. - -Elle acheta de nouvelles terres, fit un labyrinthe (à cette époque, à -l'imitation de Versailles, on en faisait partout), et elle augmenta -son parc. - - -SUR DIFFÉRENTS PORTRAITS QU'ON A GRAVÉS DE MADAME DE SÉVIGNÉ. - -J'ai dit à la page 380 de ce volume, dans la note sur la page 14, -lignes 10 et 15 de la première partie de ces _Mémoires_, que le -portrait de madame de Sévigné inséré dans les éditions de 1818 et de -1820 était un des moins ressemblants de tous ceux qui ont été gravés. -J'ai acquis depuis la certitude que ce portrait est celui d'une autre -femme, qui n'avait avec la célèbre madame de Sévigné aucune -ressemblance. L'erreur est ancienne: Odieuvre, dans sa collection de -portraits, a donné comme portrait de madame de Sévigné la figure d'une -femme peinte par Ferdinand et gravée par Schmidt; le cadre de cette -peinture avait les armes de Grignan et de Sévigné, et c'est ce qui a -produit l'erreur. C'est ce portrait (dont Petitot a fait une -miniature) qui, gravé par Masquelier, a été inséré dans les éditions -des _Lettres de Sévigné_, de 1818 et de 1820. Le graveur Saint-Aubin, -en le transformant pour le mettre de profil, a encore plus fait -ressortir les dissemblances entre cette figure et celle de madame de -Sévigné, surtout relativement à la longueur du nez. Néanmoins ce -portrait a été reproduit un grand nombre de fois par la gravure, comme -étant celui de madame de Sévigné. - -Sur environ quarante portraits gravés de madame de Sévigné, que nous -avons eu occasion d'examiner, il y en a un qui est bien certainement -authentique: c'est celui qui a été réduit et gravé par Édelinck, -d'après une peinture au pastel de Nanteuil, exécutée d'après nature. -Ce portrait, dans la gravure, a environ deux pouces et demi de -hauteur; la tête, un pouce de hauteur. Il a depuis été gravé plus en -grand par Delegorgue, d'après le pastel original de Nanteuil, tiré du -cabinet de M. Traullé. Dans cette gravure ce portrait a trois pouces -et demi de haut; mais les traits sont moins bien modelés que dans -celui d'Édelinck, et l'on s'aperçoit qu'il a été fait sur un original -en partie effacé par le temps. C'est ce portrait qui a été réduit, et -plus ou moins altéré, dans les diverses gravures qu'on a insérées dans -les nombreuses éditions de madame de Sévigné, dans les notices que -l'on a écrites sur cette femme célèbre, et dans les diverses -collections de personnages célèbres. Il a été habilement lithographié -pour la collection de madame Delpech. - -Il y a une lithographie exécutée à Rennes, qui est un portrait de -femme âgée, nullement ressemblant à madame de Sévigné. Pourtant au -bas de cette lithographie on lit: _Marie-Rabutin Chantal, marquise de -Sévigné, née en 1549, morte en 1610, dessinée et lithographiée d'après -le portrait original de Mignard, qui existe au château des Rochers -près Vitré_. Serait-ce le portrait de l'aïeule du marquis de Sévigné, -retrouvé à Vitré, qui aurait donné lieu à cet exemple curieux -d'ignorance dans le pays même où madame de Sévigné habita si -longtemps, et où son souvenir vit encore? - - * * * * * - -Je n'ajouterai que peu de lignes à la note précédente, réimprimée -d'après la première édition de ce volume. Je donnerai seulement le -résultat des recherches que j'ai faites depuis sur les portraits de -madame de Sévigné, me réservant de justifier plus tard mes assertions -par une dissertation spéciale sur ces portraits et sur ceux de -plusieurs femmes célèbres du temps de Louis XIV. Ce sujet a de -l'intérêt, non-seulement pour l'histoire de madame de Sévigné, mais -pour celle des mÅ“urs et des habitudes du siècle où elle a vécu. - -Nous avons trois portraits authentiques de madame de Sévigné: celui -qui a été gravé par Édelinck, et ensuite par Delegorgue, lithographié -par Delpech, est le plus certain et le principal. Ce portrait est du -temps de la régence d'Anne d'Autriche, et madame de Sévigné avait -alors trente et un ans. Le portrait gravé et enluminé ou peint à -l'aquarelle, gravé par Gatine et dessiné par Lanté, sous la direction -de M. Lamésangère, d'après un original peint par Mignard, et une -mignature sur vélin, est en pied; il a été fait à la même époque que -le précédent; il est le même pour la tête: c'est le portrait de madame -de Sévigné qui nous donne l'idée la plus fidèle de son port et de sa -physionomie. Je ne parle pas des tableaux originaux d'après lesquels -ces deux portraits ont été gravés; je ne les ai pas vus. C'est sur le -tableau de ce portrait gravé en pied, dans lequel madame de Sévigné -tient une lettre, d'une main et une plume de l'autre, que Ménage a -écrit un sonnet en italien inséré dans la troisième édition de ses -poésies, en 1658, page 16. - -Le portrait qui est dans l'édition des _Lettres de Sévigné_ de 1734 -diffère des deux précédents; il appartient à un âge différent, lorsque -madame de Sévigné avait environ quarante à quarante-cinq ans; il -provient d'un tableau qu'avait Bussy-Rabutin, et que son fils l'évêque -de Luçon a communiqué au chevalier Perrin, ami de madame de Simiane et -éditeur des _Lettres de Madame de Sévigné_. - -Le prétendu portrait de madame de Sévigné qui est dans la galerie de -Versailles, et qui a été gravé, est la copie d'un tableau de la -galerie du château d'Eu. Ce portrait est celui de la belle-fille de -madame de Sévigné: c'est celui de Jeanne-Marguerite de Brehant de -Mauron, marquise de Sévigné, et non pas celui de Marie de -Rabutin-Chantal. Le portrait gravé par Masquelier, d'après une -mignature de Petitot, et inséré dans l'édition des lettres de madame -de Sévigné par M. Monmerqué, est aussi le portrait de sa belle-fille, -et non le sien. Quant aux portraits gravés de madame de Grignan, il -n'y a lieu à aucune rectification; ils sont tous dérivés de copies -plus ou moins bien faites primitivement, d'après un seul et même -original peint par Mignard. - - -FIN. - - - - -TABLE SOMMAIRE - -DES CHAPITRES DE CE VOLUME. - - -CHAPITRE PREMIER.--1654-1655. - - Pages - - De Mazarin et de Retz.--Lettres de Retz à madame de - Sévigné.--Lettres de madame de Sévigné à Ménage.--Détails - sur Girault. 1 - - - CHAPITRE II.--1655-1656. - - Succès de Turenne.--Carrousel.--Mariage de mademoiselle de - La Vergne avec le comte de La Fayette.--Madame de Sévigné - va à Saint-Fargeau. 18 - - - CHAPITRE III.--1655. - - De la marquise de Gouville et de Bussy.--Conduite de Bussy - à l'égard de madame de Sévigné. 30 - - - CHAPITRE IV.--1655. - - Active correspondance entre Bussy et madame de Sévigné. 37 - - - CHAPITRE V.--1655. - - De la marquise de Gouville; aventure de Bartet et du duc - de Candale. 48 - - - CHAPITRE VI.--1656. - - De madame de Sévigné, et de Marie de Hautefort, maréchale - de Schomberg. 59 - - - CHAPITRE VII.--1656. - - De madame de Sévigné, et du roi.--Correspondance de - Bussy et de madame de Sévigné.--Détails sur la reine - Christine.--Sur les _précieuses_ de cette époque.--Publication - des _Provinciales_. 68 - - - CHAPITRE VIII.--1657-1658. - - Madame de Sévigné fait l'éducation de ses enfants.--Leurs - caractères.--Liaison de madame de Sévigné avec l'abbé - Arnauld.--De Bossuet. 90 - - - CHAPITRE IX.--1657-1658. - - De Louis XIV, de sa cour, de la comtesse de Choisy, - d'Olympe Mancini, et de mademoiselle de La Mothe - d'Argencourt. 104 - - - CHAPITRE X.--1658. - - Des partis qui se forment à la cour.--Conduite de - Mazarin.--Madrigal de La Fontaine pour madame de - Sévigné.--Madame de Sévigné reste à sa terre des Rochers - avec ses trois oncles. 117 - - - CHAPITRE XI.--1657-1658. - - Correspondance de Bussy avec madame de Sévigné.--Rupture. - --Intrigues de Bussy.--Publication de l'_Histoire amoureuse - des Gaules_.--Conduite de madame de Sévigné à son égard. 130 - - - CHAPITRE XII.--1658-1659. - - Conduite de madame de Sévigné dans le monde.--De Louis XIV, - et de Marie de Mancini. 145 - - - CHAPITRE XIII.--1658-1659. - - Roman de _Clélie_.--Portrait de madame de Sévigné.--Ses - liaisons avec la famille de Lavardin, avec Costar.--Vers - que Ménage compose pour madame de Sévigné. 162 - - - CHAPITRE XIV.--1659-1660. - - Heureux dénoûments de toutes les guerres et de toutes - les intrigues de la Fronde.--Mariage du roi.--Mort de - Gaston.--Les théâtres.--Vogue des _Précieuses ridicules_. 176 - - - CHAPITRE XV.--1661. - - Mort de Mazarin.--La cour à Fontainebleau.--Intrigue - amoureuse du roi avec La Vallière.--Madame de Sévigné - passe l'été à sa terre des Rochers, et fait un voyage - au mont Saint-Michel. 188 - - - CHAPITRE XVI.--1661. - - Situation des affaires.--Madame de Sévigné est liée avec - les deux fils d'Arnauld de Pomponne.--Ses espérances - pour Fouquet.--Fouquet est arrêté. 199 - - - CHAPITRE XVII.--1661. - - Fouquet, surintendant des finances.--Ses malversations, - et sa conduite envers Louis XIV. 209 - - - CHAPITRE XVIII.--1661-1664. - - Du procès de Fouquet. 247 - - - CHAPITRE XIX.--1661-1664. - - Des lettres de madame de Sévigné trouvées dans la cassette - de Fouquet, et de celles qu'elle écrivit pendant la durée - du procès de Fouquet.--Captivité et mort de Fouquet. 260 - - - CHAPITRE XX.--1662-1663 - - Louis XIV et son gouvernement.--Prédications de - Bossuet.--Représentation de _Sertorius_.--De Boileau, de - Racine, de La Fontaine, et de Molière.--Ballets.--Intrigue - du roi avec mademoiselle de La Mothe-Houdancourt.--Révolutions - de cour.--Correspondance de madame de Sévigné avec madame - de La Fayette.--Portraits de madame de Sévigné et de - Corbinelli, par Somaize. 282 - - - CHAPITRE XXI.--1663-1666. - - De l'amour de madame de Sévigné pour ses enfants.--De - Louis XIV, de Boileau, de Molière, de Lulli, de La Fontaine, - et de Racine.--Fêtes.--Anne d'Autriche tombe malade.--Tendres - soins de Louis XIV pour sa mère.--Vision de madame de - Motteville. 307 - - - CHAPITRE XXII.--1663-1664. - - Fêtes données à la cour, dans lesquelles figure mademoiselle - de Sévigné.--Madame de Sévigné se rend à sa terre de - Bourbilly, et voit Bussy. 321 - - - CHAPITRE XXIII.--1665. - - Nouveaux ballets, où figure mademoiselle de Sévigné.--Vers - que Benserade a composés à sa louange.--Fêtes et plaisirs - auxquels madame de Sévigné prend part. Sa liaison avec - madame Duplessis-Guénégaud.--Conduite de Bussy avec madame - de Sévigné. 332 - - - CHAPITRE XXIV.--1658-1665. - - Des intrigues de Bussy avec madame de Monglat et la marquise - de La Baume.--Publication des _Amours des Gaules_.--Bussy - est mis à la Bastille.--Il obtient sa liberté, est exilé - dans ses terres, et se réconcilie avec madame de Sévigné. 341 - - - CHAPITRE XXV.--1658-1668. - - Longue discussion entre madame de Sévigné et Bussy au - sujet de la conduite qu'ils ont tenue l'un envers - l'autre.--Renouvellement de leur correspondance et de leur - intimité. 356 - - Conclusion. 375 - - - NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS. - - Première partie. 379 - - Seconde partie. 463 - - Table sommaire des chapitres. 515 - - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Mémoires touchant la vie et les écri -s de Marie de Rabutin-Chantal, (2/6), by Charles Athanase Walckenaer - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MÉMOIRES TOUCHANT LA VIE *** - -***** This file should be named 51364-0.txt or 51364-0.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/5/1/3/6/51364/ - -Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online -Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at -http://gallica.bnf.fr) - - -Updated editions will replace the previous one--the old editions -will be renamed. - -Creating the works from public domain print editions means that no -one owns a United States copyright in these works, so the Foundation -(and you!) can copy and distribute it in the United States without -permission and without paying copyright royalties. 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Vol. 2/6, by Walckenaer, Charles Athanase</title> - <link rel="coverpage" href="images/cover.jpg" /> - <style type="text/css"> - - h1,h2 {text-align: center; - clear: both;} - - h1 {margin-top: 2em;} - - h2 {margin-top: 4em; margin-bottom: 1em;} - - h2.normal {margin-top: 1em; margin-bottom: 1em; - page-break-after: avoid;} - - .subh {font-weight: normal; text-align: center; margin-top: 2em; margin-bottom: 2em;} - - div.titlepage, - div.frontmatter, - div.eclair - { - text-align: center; - page-break-before: always; - page-break-after: always; - } - - div.titlepage p, - div.eclair p - { - text-align: center; - font-weight: bold; - line-height: 1.8em; - } - - div.frontmatter p - { - text-align: center; - margin-top: 4em; - } - - .titlepage p - { - text-align: center; - font-weight: bold; - line-height: 1.3em; - } - - div.chapter - {page-break-before: always; margin-top: 4em; margin-bottom: 2em; text-align: center;} - - div.topspace {margin-top: 4em;} - - .space {margin-top: 2em;} - - .end - { - text-align: center; 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- } -} - - </style> - </head> -<body> - - -<pre> - -The Project Gutenberg EBook of Mémoires touchant la vie et les écrits de -Marie de Rabutin-Chantal, (2/6), by Charles Athanase Walckenaer - -This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with -almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or -re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included -with this eBook or online at www.gutenberg.org/license - - -Title: Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, (2/6) - -Author: Charles Athanase Walckenaer - -Release Date: March 5, 2016 [EBook #51364] - -Language: French - -Character set encoding: ISO-8859-1 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MÉMOIRES TOUCHANT LA VIE *** - - - - -Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online -Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at -http://gallica.bnf.fr) - - - - - - -</pre> - - -<div class="tnote"> -<p>Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées. -L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée. -Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.</p> -</div> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_I"> I</a></span><br /> -<span class="pagenumh"><a id="Page_II"> II</a></span><br /> -<span class="pagenumh"><a id="Page_III"> III</a></span></p> - -<h1><span class="xlarge">MÉMOIRES</span><br /> -<span class="xs">SUR MADAME</span><br /> -<span class="xxlarge">DE SÉVIGNÉ.</span><br /> -<span class="large">DEUXIÈME PARTIE.</span></h1> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_IV"> IV</a></span></p> - -<div class="frontmatter"><br /> -<hr class="deco" /> -<p class="small">TYPOGRAPHIE DE H. FIRMIN DIDOT.—NESNIL (EURE).</p> -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_V"> V</a></span></p> -</div> - -<div class="topspace titlepage"> -<p><span class="xxlarge">MÉMOIRES</span><br /> -<span class="medium">TOUCHANT</span><br /> -<span class="xlarge">LA VIE ET LES ÉCRITS</span><br /> -<span class="large">DE MARIE DE RABUTIN-CHANTAL</span><br /> -<span class="small">DAME DE BOURBILLY</span><br /> -<span class="large">MARQUISE DE SÉVIGNÉ</span>,</p> -<p><span class="small">DURANT LE MINISTÈRE DU CARDINAL MAZARIN</span><br /> -<span class="small">ET LA JEUNESSE DE LOUIS XIV.</span> -<span class="xs">SUIVIS</span><br /> -<span class="xs">De Notes et d'Éclaircissements.</span><br /> -<span class="xs">PAR</span><br /> -<span class="large">M. LE BARON WALCKENAER.</span></p> -<hr class="deco" /> -<p><span class="medium">TROISIÈME ÉDITION,</span><br /> -<span class="small">REVUE ET CORRIGÉE.</span></p> -<hr class="deco" /> - -<p><span class="large">PARIS,</span><br /> -<span class="medium">LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET C<sup>IE</sup></span>,<br /> -<span class="xs">IMPRIMEURS DE L'INSTITUT DE FRANCE,</span><br /> -<span class="xs">RUE JACOB, 56.</span></p> -<hr class="deco" /> -<p><span class="medium">1856.</span></p> -</div> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_VI"> VI</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_1"> 1</a></span></p> -<h2><span class="xxlarge">MÉMOIRES</span><br /> -<span class="large">TOUCHANT LA VIE ET LES ÉCRITS</span><br /> -<span class="xs">DE</span><br /> -<span class="medium">MARIE DE RABUTIN-CHANTAL</span>,<br /> -<span class="small">DAME DE BOURBILLY,</span><br /> -<span class="xlarge">MARQUISE DE SÉVIGNÉ.</span></h2> - -<p class="extra">CHAPITRE PREMIER.<br /> -<span class="medium">1654-1655.</span></p> -</div> - -<p class="hanging indent">Projets de Mazarin.—Fausse position de Condé.—Il est le seul -espoir des partis intérieurs qui s'opposent à Mazarin.—Dix mille -Français ont suivi Condé.—L'absence des plus notables se fait -remarquer au sacre du roi.—Nouvelle crise des affaires de France.—Siége -d'Arras par Condé.—Projet d'Hocquincourt.—Menaces -des parlements.—Turenne fait lever le siége d'Arras.—La duchesse -de Châtillon est employée pour traiter avec d'Hocquincourt.—Le -jeune roi intervient en personne pour imposer silence au -parlement.—Différence qui existe entre la position du roi d'Angleterre -et celle du roi de France.—Le parlement hasarde des remontrances.—Mazarin -fait des coups d'autorité.—Il y joint la -flatterie et la corruption.—Embarras que cause à Mazarin l'inimitié -de Retz.—Fautes de celui-ci.—Il donne la démission de son -archevêché.—Est transporté à Nantes.—S'en échappe.—Se fracasse -l'épaule.—Est sur le point d'être pris.—Il traverse l'Espagne, -et arrive à Rome assez à temps pour l'élection d'un nouveau -pape.—Il intrigue contre Mazarin.—Lettre de Retz à M<sup>me</sup> de -Sévigné.—Différends entre Ménage et le cardinal de Retz.—Ménage -brouillé aussi avec Bussy.—Lettre de madame de Sévigné -à Ménage.—Elle y fait mention de Girault.—Détails sur Girault.</p> - -<p class="space">Nous avons laissé, dans la première partie de ces Mémoires, -<span class="pagenum"><a id="Page_2"> 2</a></span> -madame de Sévigné à sa terre des Rochers. Ses -liaisons de parenté et d'amitié avec le cardinal de Retz -l'enchaînaient aux événements politiques qui complétèrent -le dénoûment de la Fronde; et comme ils devaient -aussi l'occuper dans sa solitude, il est nécessaire de les -faire connaître.</p> - -<p>Au milieu de toutes les fêtes et de toutes les intrigues -secrètes, tandis que Louis grandissait, et que des maîtres -habiles, ou mieux encore les événements de chaque -jour, achevaient son éducation d'homme et de roi, Mazarin -poursuivait ses projets, Condé et les Espagnols les -leurs. Mazarin fondait son ambition sur le rétablissement -du pouvoir royal et sur la grandeur de la France; Condé, -sa puissance sur le renversement du ministre et sur l'ascendant -que lui promettait la victoire; mais il était obligé -de se prémunir contre les faveurs qu'il savait lui ravir, -pour qu'elles ne tournassent pas uniquement au profit -des Espagnols. Ceux-ci, de leur côté, ne secondaient -qu'avec défiance le génie de Condé, craignant toujours -qu'au lieu d'être un instrument de leur puissance, il ne -devînt un obstacle par les succès même obtenus avec leurs -propres troupes.</p> - -<p>Cette fausse position de Condé faisait la force de la -France et la faiblesse de ses ennemis. Elle aurait fourni -les moyens de terminer promptement la lutte, si cet état de -choses n'avait pas été la suite et le résultat de divisions -intestines. Les partis étaient comprimés, mais non anéantis; -leurs débris s'étaient réunis. Les partisans des princes -et ceux de Retz et des parlements, c'est-à-dire les <i>princistes</i>, -les indépendants, les frondeurs, et même les royalistes -mécontents, ne formaient plus qu'une seule phalange -agissant contre Mazarin, leur ennemi commun. Ils -<span class="pagenum"><a id="Page_3"> 3</a></span> -entretenaient entre eux une correspondance active. Trop -faibles pour renouveler leurs attaques à force ouverte, -ils conspiraient dans l'ombre contre le gouvernement, et -surtout contre la vie du premier ministre<a id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor"> [1]</a>. Toutes leurs -espérances se rattachaient à Condé, qu'un arrêt du parlement -avait reconnu criminel de lèse-majesté, et condamné -à perdre ses biens, ses honneurs et sa vie, déclarant -en même temps sa postérité déchue de tous ses -droits à la couronne<a id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor"> [2]</a>. Dix mille Français qui avaient suivi -Condé se trouvaient proscrits avec lui, et à leur tête on -comptait des Montmorency, des Foix, des Duras, des La -Trémouille, des Coligny. Le sacre du jeune roi, qui eut -lieu à Reims le 7 juin<a id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor"> [3]</a>, montra, par l'absence de ceux -auxquels des droits imprescriptibles assuraient une part -dans cette auguste cérémonie, de quels puissants soutiens -le trône se trouvait privé, combien était large et profonde -la blessure que la révolte faisait à la monarchie.</p> - -<p>L'occupation que le sacre donna au gouvernement -français, la pénurie d'argent qu'éprouvaient les Espagnols, -firent que le mois de juin arriva sans que dans le -nord on fût entré en campagne. Mais depuis lors les opérations -de la guerre, les négociations, et les intrigues, non -moins efficaces, des ruelles furent poussées avec une prodigieuse -activité, et mirent encore les affaires de la France -dans une crise qui la plaçait sur le penchant de l'abîme. -Arras était assiégé par Condé; des lignes formidables -<span class="pagenum"><a id="Page_4"> 4</a></span> -entouraient cette ville; sa prise paraissait certaine. Le -duc de Lorraine, sacrifié par Fuensaldagne aux ressentiments -et aux craintes qu'inspirait sa perfidie, avait été -arrêté; toutes les forces d'une grande et guerrière province -étaient tournées contre la France, et donnaient les moyens -de pénétrer jusqu'à sa capitale<a id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor"> [4]</a>. Les séductions de la duchesse -de Châtillon avaient arraché au maréchal d'Hocquincourt -la promesse de livrer au prince de Condé Péronne -et Ham, deux des principales clefs du royaume<a id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor"> [5]</a>. Les parlements -essayaient de ressaisir le pouvoir qu'ils avaient -perdu. Tous ces graves événements donnèrent à Mazarin -et à Turenne des occasions de déployer l'activité de leur -génie.</p> - -<p>Le siége d'Arras fut levé par la hardiesse de Turenne, -qui pénétra dans ces redoutables retranchements, réputés -infranchissables. Condé prévint la destruction de l'armée -espagnole par une savante retraite, et couvrit la Flandre, -qui eût été aussitôt envahie par l'armée française après sa -victoire. Quand tout paraissait perdu, il sauva tout<a id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor"> [6]</a>; et -de son côté Turenne raffermit la fortune de la France au -moment même où elle paraissait le plus ébranlée. La prise -du Quesnoy et celle de Clermont en Argonne ne furent -que les moindres conséquences de son succès. Les génies -<span class="pagenum"><a id="Page_5"> 5</a></span> -de ces deux grands capitaines parurent dans ces circonstances -avoir changé de nature. Turenne déploya la brillante -audace et l'irrésistible impétuosité de Condé, et -Condé fit voir ce prudent courage, ces admirables prévoyances -par où Turenne s'était rendu célèbre.</p> - -<p>Hocquincourt commandait dans Péronne, et l'on savait -que les Espagnols lui offraient pour leur remettre cette -place un prix supérieur à celui que le gouvernement de -France lui promettait pour rester fidèle. La trahison qu'il -méditait fut empêchée par la duchesse de Châtillon, qu'il -aimait. Mazarin la mit en chartre privée chez l'abbé Fouquet, -qui la força d'écrire au maréchal d'Hocquincourt, -afin de l'engager à procurer sa délivrance, en acceptant -les propositions qui lui étaient faites par le premier ministre<a id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor"> [7]</a>. -La maréchale d'Hocquincourt, adroite et spirituelle, -fut aussi habilement employée par Mazarin en -cette négociation. Elle détermina son mari à accepter les -six cent mille livres qui lui étaient proposées, et obtint -son consentement pour que Péronne fût livrée à leur fils -aîné, qu'elle en fit nommer gouverneur. La duchesse de -Châtillon fut, en vertu des mêmes stipulations, remise -en liberté; mais le maréchal d'Hocquincourt acquit bientôt -la preuve de ses nombreuses infidélités. Il s'était trop -engagé, pour oser se replacer sans crainte sous la puissance -du roi; il se jeta dans Hesdin, révolté, passa ensuite -du côté des Espagnols, et fut tué en défendant Dunkerque<a id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor"> [8]</a>.</p> - -<p>Le parlement, enhardi par les embarras du gouvernement -<span class="pagenum"><a id="Page_6"> 6</a></span> -et les progrès que faisait l'armée de Condé, voulut -délibérer de nouveau sur les édits relatifs aux impôts vérifiés -en lit de justice, sous prétexte qu'alors la présence -du roi avait ôté la liberté des suffrages. Dans cette circonstance -critique, Mazarin employa utilement l'intervention -personnelle du jeune monarque, et jugea que s'il -n'était pas encore assez mûr pour gouverner, il était d'âge -à commencer à régner. Louis XIV partit donc un jour de -Vincennes, et entra dans la salle du parlement assemblé, -en justaucorps rouge, un fouet à la main, un chapeau -gris sur la tête, et suivi de son cortége, comme lui vêtu -en équipage de chasse. Il parla avec toute la hauteur du -commandement, et déclara que sa volonté était que son -parlement s'abstînt à l'avenir de toute délibération concernant -l'administration de son royaume<a id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor"> [9]</a>. Mazarin avait -compris que, dans une monarchie telle que la France, il -ne suffisait pas au ministre d'exercer l'autorité au nom du -roi, mais que pour s'assurer une obéissance prompte, -facile, exempte de trouble et de résistance, il fallait encore -qu'on fût bien convaincu que les ordres que ce ministre -donnait étaient conformes à la volonté propre du monarque. -Ceux qui de nos jours ont rêvé en France la -possibilité d'un roi trônant sans gouverner, et qui, dans -leur jargon, ont appelé monarchie constitutionnelle celle -dont le chef n'aurait qu'un pouvoir de délégation; dont le -rôle tout passif se réduirait à accepter pour ministres, et -à reconnaître pour seuls maîtres de la direction des affaires, -des hommes désignés par des assemblées n'ayant -d'autre contrôle que leur volonté, d'autre impulsion que -leurs passions; ceux-là n'ont connu ni le caractère national, -<span class="pagenum"><a id="Page_7"> 7</a></span> -ni la nature humaine, ni les vrais principes qui doivent -régir une grande nation continentale, forcée de -maintenir son indépendance au milieu d'autres nations -également puissantes. Là le chef du pays est nécessairement -le chef de l'armée, et le chef de l'armée doit aussi -indispensablement être le chef du gouvernement, et de -droit et de fait. Le roi et le royaume, le souverain et ses -sujets, la couronne et le sol, sont inséparables. A ce pouvoir -nécessaire il faut tracer des limites; contre cette puissance -obligée, il faut établir des garanties; mais si vous -les cherchez dans des institutions qui dénaturent son principe -et arrêtent son action, vous affaiblissez l'État, vous -le rendez incapable de soutenir la lutte incessante contre -les forces extérieures qui tendent à l'anéantir, vous forgez -pour lui le joug de l'étranger, vous préparez son asservissement -et sa mort. Dans cette puissante machine -qui opère tant de prodiges, si vous absorbez par une seule -goutte d'eau froide le calorique qui donnait une si grande -force d'expansion à la vapeur, le piston retombe: ainsi -s'affaisse subitement tout gouvernement dont le principe -est détruit.</p> - -<p>Le parlement se tut devant le roi; mais cependant il ne -lui obéit pas entièrement, et hasarda des remontrances. -Mazarin alors se vit forcé de déployer, comme Richelieu, -les rigueurs du pouvoir royal. Plusieurs conseillers furent -exilés, d'autres furent mis à la Bastille<a id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor"> [10]</a>. A ces mesures -l'habile ministre sut joindre la flatterie, la persuasion, et, -au besoin, la corruption. Il parvint ainsi à obtenir, sans -résistance et sans retard, la vérification et l'enregistrement -des édits qui créaient de nouvelles taxes. Pour désigner -<span class="pagenum"><a id="Page_8"> 8</a></span> -les conseillers qu'il fallait écarter par l'exil ou la -prison, il s'était servi de l'abbé Fouquet; pour connaître -ceux qu'il pouvait gagner, il employa Gourville, auquel -ses liaisons et ses intrigues avec les anciens frondeurs -avaient donné une parfaite connaissance de ceux qui dans -le parlement étaient les plus accessibles aux insinuations -et aux propositions qu'il fut chargé de leur faire<a id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor"> [11]</a>.</p> - -<p>Le cardinal de Retz était destiné à occasionner à Mazarin -des embarras moins grands, mais plus prolongés, que -ceux que lui avaient présentés les parlements. Après la -mort de son oncle, Retz, quoique captif, se trouva, par sa -seule déclaration et le secours de ses amis, canoniquement -et légalement archevêque de Paris. C'est alors qu'il eût pu -résister avec avantage à son puissant ennemi<a id="FNanchor_12" href="#Footnote_12" class="fnanchor"> [12]</a>. Il était -soutenu par tous les curés de Paris, qui au nom de la -religion demandaient au roi que le prélat fût rendu à -son clergé et à son troupeau. Défendu avec chaleur par -le pape, qui voyait avec indignation qu'on retînt en prison -un prince de l'Église et qu'on violât des immunités -ecclésiastiques, Retz eût obtenu promptement sa liberté, -et eût pu présenter de grands obstacles à vaincre au ministre, -qui voulait anéantir entièrement son influence: -mais ces obstacles, Retz les fit de lui-même disparaître -par ses imprudences, son défaut de jugement, de fermeté -et de constance. Il montra pour sa propre cause -moins d'habileté et d'intrépidité que Caumartin, Joly et -d'Hacqueville, et déconcerta tous les efforts de leur dévouement -pour le triomphe de ses intérêts. Il s'ennuya -de sa prison, et ne put supporter les privations qu'elle -lui imposait. Il craignit ou feignit de craindre que Mazarin -<span class="pagenum"><a id="Page_9"> 9</a></span> -ne le fît assassiner; et, contre l'avis de ses fidèles -amis, il se dépouilla du seul bouclier qui lui restait, de la -seule arme qu'il avait en main. Il remit au roi sa crosse -pastorale; il se démit de son archevêché<a id="FNanchor_13" href="#Footnote_13" class="fnanchor"> [13]</a>. Par ce grand -sacrifice, Retz n'obtint même pas la liberté après laquelle -il soupirait; il échangea seulement son donjon contre une -détention moins triste et moins dure, dans le château de -Nantes, où le maréchal de La Meilleraye le fit garder -avec autant de soin et de vigilance qu'il l'était précédemment<a id="FNanchor_14" href="#Footnote_14" class="fnanchor"> [14]</a>. -La démission de Retz ne fut point acceptée par -le pape, et Retz se proposa de la faire annuler, comme -ayant été le résultat de la violence; mais la faiblesse qu'il -avait eue de consentir à la donner découragea tous ses -adhérents. On s'approche pour secourir l'homme que l'on -voit lutter avec courage dans un combat inégal; on s'écarte -de celui qui fuit, ou l'on reste en place pour le voir -passer. Cette faute ne fut pas la seule que commit Retz. -A Nantes il aurait pu, par sa conduite, trouver dans les -fonctions de son ministère, dans l'étude et dans la retraite, -des moyens certains d'intéresser à son sort et de changer -sur son compte l'opinion, toujours indulgente envers le -malheur, toujours sévère pour l'autorité, lorsqu'elle abuse -ou même lorsqu'elle use de sa force. Il aurait ainsi réveillé -le zèle de son clergé et de ses partisans, qui répugnaient -à se détacher de lui. Au contraire, oubliant la -gravité des circonstances, on le voit uniquement occupé -à jouir des agréments de la société dont le maréchal de La -Meilleraye eut soin de l'entourer<a id="FNanchor_15" href="#Footnote_15" class="fnanchor"> [15]</a>; et dans les adoucissements -<span class="pagenum"><a id="Page_10"> 10</a></span> -apportés à sa captivité, il ne voit d'autre avantage -que celui de pouvoir se livrer à sa passion pour les -femmes, à ses goûts pour le monde. C'est à cette époque -qu'il essaya, mais en vain, de séduire mademoiselle -de La Vergne, cette amie intime de madame de Sévigné. -«Le maréchal de La Meilleraye, dit-il, ne pouvait rien -ajouter à la civilité avec laquelle il me garda. Tout le -monde me voyait; on me cherchait même tous les divertissements -possibles; j'avais presque tous les soirs la comédie; -toutes les dames s'y trouvaient, elles y soupaient -souvent. Madame de La Vergne, qui avait épousé en secondes -noces M. le chevalier de Sévigné, et qui demeurait -en Anjou avec son mari, m'y vint voir, et amena mademoiselle -sa fille, qui est présentement madame de La -Fayette. Elle était fort jolie et fort aimable, et elle avait -de plus beaucoup d'air de madame de Lesdiguières. Elle -me plut beaucoup, et la vérité est que je ne lui plus -guère, soit qu'elle n'eût pas d'inclination pour moi, soit -que la défiance que sa mère et son beau-père lui avaient -donnée dès Paris même, avec application, de mes inconstances -et de mes différentes amours, la missent en garde -contre moi. Je me consolai de sa cruauté avec la facilité -qui m'était assez naturelle, et la liberté que le maréchal -de La Meilleraye me laissait avec les dames de la ville, qui, -étant à la vérité très-entière, m'était d'un fort grand soulagement<a id="FNanchor_16" href="#Footnote_16" class="fnanchor"> [16]</a>.» -Quoique Retz eût donné sa parole de ne point -chercher à s'échapper, le maréchal de La Meilleraye, qui -ne s'y fiait pas, le faisait garder à vue. Cette gêne continuelle, -la crainte de se voir confiné de nouveau dans une -prison, ou transporté à Brest, lui firent prendre la résolution -<span class="pagenum"><a id="Page_11"> 11</a></span> -de recouvrer sa liberté. Aucun roman ne présente un -intérêt égal à celui de sa fuite. Les moyens en furent concertés -par Joly, le duc de Brissac et le chevalier de Sévigné. -Il s'évada en plein jour, en présence même des surveillants -et des sentinelles qui le gardaient<a id="FNanchor_17" href="#Footnote_17" class="fnanchor"> [17]</a>. Ils pouvaient l'arrêter -dans sa course en faisant feu sur lui, mais ils ne pouvaient -courir après lui et se saisir de sa personne avant -d'avoir rompu la porte à jour par où il était sorti, et qu'il -avait refermée sur eux. Cela lui donna le temps de descendre, -et de remonter avec des cordes les murs d'un -bastion de quarante pieds de haut, puis de s'enfuir à toute -bride sur un cheval qu'on lui avait préparé<a id="FNanchor_18" href="#Footnote_18" class="fnanchor"> [18]</a>. A quelques -lieues de Nantes, le cheval s'effraye, fait un écart: Retz -tombe et se fracasse l'épaule; il se remet en selle, continue -à courir, près de s'évanouir à chaque instant par la -violence de la douleur. Ceux qui le poursuivent sont sur -le point de l'atteindre; il se jette dans une meule de foin, -et il y reste caché sept mortelles heures, entendant sans -cesse marcher près de lui ceux qui le cherchaient; vingt -fois au moment d'être découvert; étouffant les gémissements -que les angoisses de sa blessure lui arrachaient. -Enfin il arrive à Machecoul, dans le pays de Retz, chez -son frère: il y séjourne peu de temps, et, avec son épaule -mal remise et tourmenté par la fièvre, il passe dans une -nacelle le petit bras de mer qui le sépare de Belle-Isle, -s'embarque dans cette île<a id="FNanchor_19" href="#Footnote_19" class="fnanchor"> [19]</a>, aborde en Espagne, traverse -ce royaume dans la litière que Philippe IV lui a envoyée, -et refuse les présents de ce monarque, ennemi de la France -et en guerre avec elle. En Aragon il n'est point atteint -<span class="pagenum"><a id="Page_12"> 12</a></span> -par la peste qui ravage cette province, et s'attendrit sur -les malheurs qu'elle cause. A la vue des belles et fertiles -campagnes de cet Éden enchanteur qu'on nomme le -royaume de Valence, il ne peut contenir son ravissement. -Plus délicieusement encore ses yeux sont réjouis par une -nation de belles femmes dans l'île de Majorque. Là, des -religieuses toutes jeunes, fraîches, et gracieuses sous le -voile, se présentent à lui avec leur maintien doux et virginal, -et lui donnent dans leur couvent d'harmonieux -concerts; elles chantent, en baissant leurs longues paupières, -des airs plus passionnés, dit-il, que ceux de Lambert<a id="FNanchor_20" href="#Footnote_20" class="fnanchor"> [20]</a>. -A Minorque, il est frappé de la pittoresque magnificence -de ces montagnes en amphithéâtre qui entourent -le beau port de Mahon<a id="FNanchor_21" href="#Footnote_21" class="fnanchor"> [21]</a>. Par un naufrage il est forcé -d'aborder en Corse. A peine rembarqué, poursuivi par une -galère turque, sur le point d'être fait prisonnier, il éprouve -des dangers plus terribles encore: une tempête furieuse -l'assaille, et lui montre la mort sous mille formes. Pourtant -il touche un instant à cette imprenable forteresse de -Porto-Longone<a id="FNanchor_22" href="#Footnote_22" class="fnanchor"> [22]</a>, et trouve enfin terre et liberté à Piombino. -Il termine sur la côte riante de la Toscane sa périlleuse -navigation, et fait ensuite son entrée dans Rome<a id="FNanchor_23" href="#Footnote_23" class="fnanchor"> [23]</a>, -où la mort d'Innocent X, son protecteur<a id="FNanchor_24" href="#Footnote_24" class="fnanchor"> [24]</a>, a lieu presque -aussitôt son arrivée. Il se trouve en mesure pour assister -au conclave qui va s'ouvrir.</p> - -<p>Ainsi ce captif, ce banni, cet intrigant politique, ce tribun -turbulent, cet échappé des ruelles, semble n'avoir été -<span class="pagenum"><a id="Page_13"> 13</a></span> -éprouvé par tant d'aventures, sauvé miraculeusement de -tant de périls, que pour venir à temps, avec toute la -pompe et la magnificence d'un prince de l'Église, siéger -parmi les membres de ce sénat auguste, dont les libres -suffrages doivent donner au monde entier un souverain -pontife<a id="FNanchor_25" href="#Footnote_25" class="fnanchor"> [25]</a>.</p> - -<p>A Rome comme à Paris, Retz devint l'âme de toutes -les intrigues qui s'agitaient contre Mazarin. Il se montra -même un ennemi plus redoutable dans le conclave qu'il -ne l'avait été dans le parlement, puisqu'il réussit à faire -nommer pape le cardinal Chigi, que Mazarin repoussait. -En même temps l'intrépide Chassebras, un de ses vicaires, -quoique banni par arrêt du parlement et obligé de se cacher, -parvenait à déconcerter toutes les mesures de la -police, et faisait afficher dans les carrefours et les rues -de la capitale des exhortations, des ordres, des mandements -propres à fomenter les passions religieuses parmi -le peuple, à produire un schisme dans le diocèse. Chassebras -en aurait mis toutes les églises en interdit, si son -archevêque l'avait voulu<a id="FNanchor_26" href="#Footnote_26" class="fnanchor"> [26]</a>. Retz ne sut pas profiter de ce -retour de la fortune. Plus habile à entraver qu'à diriger, -comme dans tout le cours de sa vie politique, il voulait -toujours marcher à un but mal défini, sans prendre conseil -des événements. De ce qu'il avait contribué à la -nomination de Chigi, il s'était persuadé que celui-ci -se laisserait gouverner par ses conseils. Mais il s'était -trompé sur son caractère. Alexandre VII, assis sur le -trône pontifical, oublia bientôt les promesses et les engagements -du cardinal Chigi; il se souvint seulement -<span class="pagenum"><a id="Page_14"> 14</a></span> -qu'il était pape et le père commun des fidèles. Il suivit -dans sa politique un système tout contraire à celui qui -eût été favorable à Retz, et dans lequel celui-ci aurait -voulu l'engager. Au lieu de chercher à tout diviser, il -s'efforça de tout concilier, et fit les plus grands efforts -pour procurer entre la France et l'Espagne une paix stable. -Il se trouva par là engagé à soutenir Mazarin, qui -tendait au même but. Alors Retz s'aperçut, mais trop -tard, qu'il avait eu encore cette fois tort de ne pas suivre -les conseils de ses amis, qui l'engageaient à accepter l'appui -que Lyonne, l'envoyé de Mazarin, lui avait offert. Il -fut obligé de reconnaître qu'il s'était encore une fois perdu -par son trop de confiance en lui-même; il vit que l'or qu'il -avait prodigué, les dettes qu'il avait contractées, ses intrigues, -si habiles et si multipliées, par lesquelles il était -parvenu à surprendre les secrets et la correspondance de -Lyonne, en favorisant les désordres de sa femme, et en -fomentant la division parmi ses domestiques, n'avaient -servi qu'à le conduire à des résultats contraires à ceux -qu'il s'était proposé d'obtenir<a id="FNanchor_27" href="#Footnote_27" class="fnanchor"> [27]</a>.</p> - -<p>Lors de sa fuite, durant le court séjour qu'il fit soit à -Machecoul, soit à Belle-Isle<a id="FNanchor_28" href="#Footnote_28" class="fnanchor"> [28]</a>, il éprouva le besoin de se -justifier auprès du maréchal de la Meilleraye, dont il n'avait -eu qu'à se louer, et qu'il compromettait gravement -en lui manquant de parole. Mais comme il ne pouvait -communiquer avec lui sans le compromettre encore plus, -il prit le parti d'écrire à la marquise de Sévigné, qu'il savait -être en relation avec le maréchal. Il l'instruisit donc -de son évasion, en expliqua les motifs, et colora son -<span class="pagenum"><a id="Page_15"> 15</a></span> -manque de foi le mieux qu'il put. Craignant que cette lettre -ne fût interceptée, il l'envoya à Ménage pour qu'il -la fît parvenir à madame de Sévigné, en lui indiquant -en même temps l'usage qu'elle en devait faire. Ménage -avait eu avec le cardinal de Retz quelques démêlés, -dont la gazette de Loret avait retenti<a id="FNanchor_29" href="#Footnote_29" class="fnanchor"> [29]</a>; mais Ménage, -après avoir occupé une place dans la maison du cardinal, -était trop honnête homme pour ne pas oublier tous -les sujets de plainte qu'il pouvait avoir eus contre lui, et -pour ne pas lui rester fidèle dans le malheur: il paraît -aussi que Ménage s'était brouillé, puis réconcilié, avec -Bussy. On voit, d'après la réponse de madame de Sévigné -à Ménage, que tout ce qui concernait son cousin Bussy -l'intéressait vivement. Elle montre un grand empressement -à connaître les motifs du raccommodement qui avait -eu lieu entre lui et Ménage. Sa lettre est datée des Rochers, -le 1<sup>er</sup> octobre 1654. Elle commence par rendre grâce à -Ménage de la diligence qu'il a mise à lui faire parvenir la -lettre du cardinal, qu'elle nomme toujours le coadjuteur, -par habitude, quoiqu'à cette époque il ne portât plus ce -titre. Elle ne doute pas que cette lettre, qu'elle a envoyée -au maréchal, ne fasse impression sur lui; puis elle ajoute: -«Mais voici qui est admirable, de vous voir si bien avec -toute ma famille; il y a six mois que cela n'était pas du -tout si bien. Je trouve que ces changements si prompts -ressemblent fort à ceux de la cour. Je vous dirai pourtant -qu'à mon avis cette bonne intelligence durera davantage; -et pour moi, j'en ai une si grande joie que je ne -puis vous la dire, au point qu'elle est. Mais, mon Dieu! où -avez-vous été pêcher ce monsieur le grand prieur, que -<span class="pagenum"><a id="Page_16"> 16</a></span> -M. de Sévigné appelait toujours <i>mon oncle le Pirate</i>? -Il s'était mis dans la tête que c'était sa bête de ressemblance, -et je trouve qu'il avait raison. Dites-moi donc -ce que vous pouvez avoir à faire ensemble, aussi bien -qu'avec le comte de Bussy? J'ai une curiosité étrange que -vous me contiez cette affaire, comme vous me l'avez promis<a id="FNanchor_30" href="#Footnote_30" class="fnanchor"> [30]</a>.»</p> - -<p>Elle demande ensuite à Ménage d'accorder son amitié -à l'abbé de Coulanges, qui se trouvait alors avec elle aux -Rochers. «S'il est vrai, dit-elle, que vous aimiez ceux que -j'aime, et à qui j'ai d'extrêmes obligations, je n'aurai pas -beaucoup de peine à obtenir cette grâce de vous.»</p> - -<p>Ménage, un jour, enchanté d'une lettre que lui avait -écrite mademoiselle de Chantal lorsqu'elle était son écolière, -dit qu'il ne la donnerait pas pour trente mille livres. -Madame de Sévigné, plaisantant sur ce fait de sa jeunesse -(jamais aucune femme n'oublie ce qui a été dit ou fait -de satisfaisant pour son amour-propre), termine ainsi sa -lettre: «Je vous assure que vous devez être aussi content -de moi que le jour où je vous écrivis une lettre de dix -mille écus.» Puis, par un trait de coquetterie aimable, -elle signe <i>Marie de Rabutin-Chantal</i>, de même qu'était -signée la lettre de dix mille écus.</p> - -<p>Dans le post-scriptum de cette même lettre elle dit: -«Un compliment à M. Girault; je n'ai point reçu son -livre.» Ce livre était les <i>Miscellanea</i>, ou les Mélanges -de Ménage, dont nous avons parlé; car dans la préface -latine de ce recueil Ménage nous apprend que ce fut -M. Girault qui prit soin de recueillir et de mettre en -ordre les pièces qui s'y trouvent. Lorsque madame de -<span class="pagenum"><a id="Page_17"> 17</a></span> -Sévigné écrivait cette lettre, cet ouvrage venait de paraître; -et comme elle y était louée, nul doute qu'elle n'en -eût entretenu Ménage, si elle en avait eu connaissance. -Girault était un ecclésiastique, bel homme et de bonne -compagnie, qui fut le secrétaire de Ménage, et devint -ensuite chanoine du Mans. Ce canonicat lui fut cédé par -Scarron<a id="FNanchor_31" href="#Footnote_31" class="fnanchor"> [31]</a>. Girault était en correspondance avec plusieurs -beaux esprits, et s'en faisait aimer par l'empressement -qu'il mettait à les tenir au courant de toutes les nouveautés -littéraires<a id="FNanchor_32" href="#Footnote_32" class="fnanchor"> [32]</a>. Son admiration pour Ménage lui fit donner -une place dans les satires, les épigrammes et les -diatribes que cet écrivain s'attira par sa plume caustique, -guerroyante et pédantesque<a id="FNanchor_33" href="#Footnote_33" class="fnanchor"> [33]</a>.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_18"> 18</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE II.<br /> -<span class="medium">1655-1656.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent">Succès de Turenne.—Tranquillité de la capitale.—Ballets royaux.—Le -goût des spectacles se répand jusque dans les colléges des -jésuites.—On mêlait les concerts aux sermons.—Pièce de Quinault -qui renferme tous les genres.—Mariages et visites de -princes étrangers; fêtes à cette occasion.—Le roi recevait des -fêtes et en donnait.—Il dansait dans les ballets.—Carrousel -pendant le carême.—Les ducs de Candale et de Guise s'y font -remarquer.—Goût pour les devises, partagé par madame de Sévigné.—Elle -ne quitte point Paris ni les environs.—Le maréchal -de La Meilleraye ouvre les états généraux de Bretagne.—Mariage -de mademoiselle de La Vergne avec le comte de La Fayette.—Madame -de Sévigné se livre aux plaisirs du monde, et résiste à -toutes les séductions.—Occupations de mademoiselle de Montpensier -pendant son exil.—Madame de Sévigné va lui rendre visite à -son château de Saint-Fargeau.</p> - -<p class="space">La victoire d'Arras et la continuité des succès de Turenne -pendant toute la campagne<a id="FNanchor_34" href="#Footnote_34" class="fnanchor"> [34]</a> firent naître dans la -capitale et dans tout le royaume une sécurité que ne -purent troubler ni les écrits que Retz publia pour sa défense, -ni les résistances de son vicaire Chassebras, secrètement -appuyées par les solitaires de Port-Royal et par -leurs nombreux amis<a id="FNanchor_35" href="#Footnote_35" class="fnanchor"> [35]</a>.</p> - -<p>On se livra aux plaisirs et à la joie que le retour du -jeune roi dans la capitale, après ses campagnes, ne manquait -jamais de ramener; et ce fut avec une chaleur, une -unanimité qui surpassèrent encore celles de toutes les années -<span class="pagenum"><a id="Page_19"> 19</a></span> -précédentes<a id="FNanchor_36" href="#Footnote_36" class="fnanchor"> [36]</a>. Les occasions ne manquèrent pas: -l'entrée dans Paris du comte d'Harcourt, qui ressembla -à une pompe triomphale; les fiançailles du fils du duc de -Modène avec une des filles de Martinozzi, nièce du cardinal<a id="FNanchor_37" href="#Footnote_37" class="fnanchor"> [37]</a>; -l'arrivée de ce même duc et celle du duc de Mantoue<a id="FNanchor_38" href="#Footnote_38" class="fnanchor"> [38]</a>; -du duc François, frère du duc de Lorraine; de la -princesse d'Orange<a id="FNanchor_39" href="#Footnote_39" class="fnanchor"> [39]</a>; le mariage d'une des demoiselles de -Mortemart<a id="FNanchor_40" href="#Footnote_40" class="fnanchor"> [40]</a> avec le marquis de Thianges; celui de la -Ferté; celui de Loménie de Brienne<a id="FNanchor_41" href="#Footnote_41" class="fnanchor"> [41]</a>, fils du ministre -d'État, avec la seconde fille de Chavigny, fournirent des -occasions fréquentes au roi et à Mazarin de donner des -festins et des fêtes et d'en recevoir<a id="FNanchor_42" href="#Footnote_42" class="fnanchor"> [42]</a>. Non-seulement le -jeune monarque ne dédaignait pas d'accepter des invitations -qui lui étaient faites, mais il dansait et jouait dans -les ballets qui faisaient partie des fêtes qu'on lui donnait, -comme dans ceux qu'il faisait représenter à sa cour. Il y -fit jouer trois nouveaux ballets, qui tous furent d'une richesse -d'exécution que l'on crut ne pouvoir jamais être -égalée<a id="FNanchor_43" href="#Footnote_43" class="fnanchor"> [43]</a>. Cependant le dernier, intitulé <i>Psyché</i>, surpassa -les deux autres en magnificence. Un essaim de beautés y -figuraient avec le roi et l'élite des meilleurs artistes: -<span class="pagenum"><a id="Page_20"> 20</a></span> -Fouilloux et Menneville, qu'on nommait toujours ensemble -quand il fallait citer des modèles de grâce; cette belle duchesse -de Roquelaure, dont nous avons fait connaître la -tragique destinée; la douce et mélancolique Manicamp, -qui ne se prêtait plus que par obéissance à ces jeux mondains, -et qui se fit carmélite aux jours saints; puis la folâtre -Villeroy, et Neuillant, et Gramont, et beaucoup -d'autres<a id="FNanchor_44" href="#Footnote_44" class="fnanchor"> [44]</a>. Cependant leurs attraits ne pouvaient distraire -le roi de cette aînée des Mancini, qui leur était bien inférieure -en beauté. Loret, dans les longues descriptions dont -il remplissait sa <i>Gazette</i>, ne manque pas de faire mention -de ces attentions de Louis pour elle:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Le roi, notre monarque illustre,</p> -<p>Menait l'infante Manciny,</p> -<p>Des plus sages et gracieuses,</p> -<p>Et la perle des précieuses<a id="FNanchor_45" href="#Footnote_45" class="fnanchor"> [45]</a>.</p> -</div></div> - -<p>Ce qui donna un caractère particulier au carnaval de -cette année fut le grand nombre de mascarades et de folâtres -divertissements dont Louis XIV et son frère donnaient -les premiers l'exemple, et dont ils s'amusaient -beaucoup. Aussi Loret remarque que</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Paris, dans la joie inondé,</p> -<p>Est tellement dévergondé,</p> -<p>Qu'on n'y voit que réjouissances,</p> -<p>Que des bals, des festins, des danses,</p> -<p>Que des repas à grands desserts,</p> -<p>Et de mélodieux concerts<a id="FNanchor_46" href="#Footnote_46" class="fnanchor"> [46]</a>.</p> - -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_21"> 21</a></span> -Cependant, de tous les genres de plaisirs, ceux que l'on -préférait, ceux auxquels on revenait toujours, étaient les -représentations théâtrales. Jamais les théâtres publics -n'avaient attiré plus de spectateurs. Ce goût se répandit -si généralement, que les jésuites, si habiles à suivre la -pente de leur siècle, et auxquels était principalement confiée -l'éducation de la haute noblesse, composèrent dès lors -des tragédies latines, et les firent représenter par l'élite de -la belle jeunesse qui s'élevait dans leurs colléges. Ces représentations -eurent lieu devant de nombreuses assemblées -de dignitaires de l'Église, de gens de cour, et de ce -que Paris renfermait de plus illustre dans les lettres et -dans l'État<a id="FNanchor_47" href="#Footnote_47" class="fnanchor"> [47]</a>. Elles eurent le plus grand succès. Cet -usage des jésuites a commencé sous la jeunesse de Racine, -et a été continué sans interruption bien au delà de l'époque -de la jeunesse de Voltaire, dont le maître, le père -Porée, était un jésuite, auteur des meilleures de ces tragédies -latines. C'est à ces premières impressions de collége, -c'est à l'influence de ces maîtres habiles sur ceux qui devaient -un jour illustrer notre littérature, et sur ceux qui -devaient être les juges de leurs productions, que l'on -doit, suivant nous, ce goût grec et romain, ces formes -régulières, et un peu uniformes, qu'a prises la tragédie -sous la plume des deux grands maîtres que nous venons -de nommer, et sous celle de leurs nombreux imitateurs. -Mais le grand Corneille, par la diversité de ses -ouvrages, semblait avoir épuisé tous les genres de compositions -scéniques: et à l'époque dont nous traitons, c'est-à-dire -dans les années 1655 et 1656, la satiété commençait -déjà à exiger la réunion de tous les genres, mais -<span class="pagenum"><a id="Page_22"> 22</a></span> -non pas encore leur mélange. Ce fut cette année que -Quinault donna au théâtre du Marais une pièce intitulée -<i>la Comédie sans comédie</i>, qui renfermait à la fois, -dans un même cadre et en quatre actes, les quatre sortes -de poëmes dramatiques connus alors, une pastorale, -une comédie, une tragédie, et une tragi-comédie ou -une pièce ornée de machines et de danses, c'est-à-dire -un opéra. Remarquons que le dernier acte de cette pièce -était une première et intéressante ébauche du plus -bel ouvrage que Quinault composa depuis, l'opéra d'<i>Armide</i><a id="FNanchor_48" href="#Footnote_48" class="fnanchor"> [48]</a>.</p> - -<p>Le carême força de suspendre les danses, les ballets, les -mascarades; mais la fougue qui entraînait le jeune monarque -et toute la société vers les plaisirs fit imaginer des -moyens de les prolonger: on allia ces divertissements aux -pompes mêmes de la religion, ou on leur donna le caractère -de cette chevalerie antique que la religion avait autrefois -encouragée et approuvée. C'est alors que commencèrent -ce qu'on appelait les concerts de dévotion, qu'on nomma -depuis <i>spirituels</i>; et ces brillants carrousels, image de nos -vieux tournois, qui disparurent avec les années prospères -du règne de Louis XIV, et lorsque les derniers vestiges -des mœurs, des habitudes et des temps qu'ils rappelaient -se furent effacés. Loret a décrit, de la même manière qu'il -décrivait les ballets de cour, le grand concert de dévotion -qui fut exécuté au monastère de Charonne, à l'heure de -vêpres, par les plus célèbres musiciens, les plus fameux -chanteurs et les meilleures cantatrices de cette époque, en -présence du roi, de toute la cour, et d'une nombreuse assemblée -<span class="pagenum"><a id="Page_23"> 23</a></span> -de beau monde; concert qui fut terminé par un -sermon du père Senault.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Le père Senault y prêcha,</p> -<p>Et son éloquence toucha</p> -<p>De même qu'à l'accoutumée;</p> -<p>Bref, chacun eut l'âme charmée,</p> -<p>En ce saint lieu de grand renom,</p> -<p>Tant du concert que du sermon<a id="FNanchor_49" href="#Footnote_49" class="fnanchor"> [49]</a>.</p> -</div></div> - -<p>Le carrousel que le roi donna au Palais-Royal sembla -réaliser les descriptions des romanciers, par la beauté des -coursiers, les richesses et la singularité des costumes, -l'éclat des armures, la rapidité des évolutions exécutées -aux sons bruyants de la musique guerrière. Cette fête -chevaleresque fut comme l'annonce de celles que Louis XIV -devait donner par la suite, et dont la magnificence fut -un sujet d'étonnement pour l'Europe entière<a id="FNanchor_50" href="#Footnote_50" class="fnanchor"> [50]</a>.</p> - -<p>Après le roi, ceux qui se firent le plus remarquer dans -ce carrousel furent le duc de Candale et le duc de Guise. -En voyant ce dernier, on se rappelait ses intrigues avec -la princesse de Gonzague, ses amours avec la comtesse de -Bossu, qui furent suivis d'un mariage et d'une séparation; -la constance de sa passion pour mademoiselle de -Pons, qui le trahissait et favorisait son écuyer Malicorne; -ses deux expéditions pour conquérir le royaume de Naples; -sa captivité en Espagne et son arrivée à Paris, qui -eut lieu juste au moment où il dut se rendre au lit de justice -qui condamna à l'exil Condé, auquel il devait sa -délivrance. Cette vie martiale, galante, si pleine d'aventures; -le costume dont il était revêtu, sa grâce, son -<span class="pagenum"><a id="Page_24"> 24</a></span> -adresse dans le carrousel, tout contribuait à le rendre le -type achevé des chevaliers du moyen âge; non tels qu'ils -étaient en réalité, mais tels que les représentent à l'imagination, -dans un siècle plus poli et sous des couleurs -plus brillantes, les fictions de l'Arioste<a id="FNanchor_51" href="#Footnote_51" class="fnanchor"> [51]</a>.</p> - -<p>Les boucliers de tous ceux qui figurèrent dans ce carrousel -étaient ornés d'emblèmes ingénieux, accompagnés -de paroles en langue espagnole, italienne ou française; -et ce fut sans doute à ces jeunes guerriers et à l'esprit de -galanterie qui régnait alors, à nos liaisons avec l'Espagne, -que l'on dut ce goût pour les allégories et les devises qui -domina durant tout ce règne, et que madame de Sévigné -partagea<a id="FNanchor_52" href="#Footnote_52" class="fnanchor"> [52]</a>.</p> - -<p>Elle était restée à Paris pendant tout l'hiver; et elle ne -retourna point même, selon sa coutume, à sa terre des -Rochers pendant la belle saison. On peut croire que les -plaisirs si animés de la capitale contribuèrent à l'y retenir. -Les fêtes de la cour, auxquelles elle était invitée, furent -prolongées pendant tout le printemps, et ne cessèrent -même pas lorsque le roi se fut transporté à Compiègne. -Ce fut dans cette ville qu'on joua, le 30 mai, le nouveau -ballet royal des <i>Bienvenus</i>, lorsque le prince Eugène -épousa, par procuration, au nom du fils du duc de Modène, -la fille de Martinozzi<a id="FNanchor_53" href="#Footnote_53" class="fnanchor"> [53]</a>. C'était d'ailleurs uniquement -par raison d'économie que madame de Sévigné allait -se renfermer tous les ans dans son triste château de -Bretagne, et c'était la même raison qui l'empêchait cette -année de s'y rendre. Le maréchal de La Meilleraye fit le -20 juin l'ouverture des états de Bretagne. Il était d'usage -<span class="pagenum"><a id="Page_25"> 25</a></span> -dans ces occasions, parmi la haute noblesse, de se donner -mutuellement des festins, et madame de Sévigné avait -éprouvé, du vivant de son mari, combien cet usage était -dispendieux; il l'eût été encore plus pour elle cette fois. -L'ouverture des états se faisait à Vitré<a id="FNanchor_54" href="#Footnote_54" class="fnanchor"> [54]</a>, c'est-à-dire à -sept kilomètres de son château, et une si grande proximité -de l'auguste assemblée lui eût attiré un nombre illimité -d'importuns visiteurs. Son titre de veuve et la prolongation -de son séjour à Paris donnaient à madame de -Sévigné les moyens de se soustraire à ces inconvénients, -et elle en profita. D'autres motifs encore ont pu l'engager -à s'écarter de ses habitudes. Mademoiselle de La Vergne -épousa le 20 février de cette année (1655) François -Mottier, comte de La Fayette, lieutenant des gardes françaises. -Le désir de pouvoir accompagner sa jeune amie -dans les nouvelles assemblées où son mari la présenta -dut déterminer madame de Sévigné à agrandir encore le -cercle de ses relations, et ajoutait aux motifs qu'elle avait -de renoncer au voyage de Bretagne. De plus, le président -de Maisons et plusieurs autres personnages qu'elle -comptait au nombre de ses amis furent rappelés de leur -exil, et revinrent dans la capitale précisément à l'époque -où elle avait coutume de la quitter. Le besoin qu'elle -éprouvait de s'entretenir avec eux, la satisfaction qu'elle -avait de les revoir, l'auraient engagée à ne pas partir, lors -même que tant d'autres causes ne l'auraient pas déterminée -à rester.</p> - -<p>Madame de Sévigné, en s'abandonnant ainsi au tourbillon -du monde, en se prévalant des succès qu'elle y obtenait -par sa jeunesse, ses charmes, son esprit; en cédant -<span class="pagenum"><a id="Page_26"> 26</a></span> -à l'orgueil naturel à son sexe de faire naître des passions, -sans vouloir les partager, augmentait les dangers auxquels -était exposée, sinon sa personne, au moins sa réputation; -son état de veuve rendait à cet égard sa position -plus critique. Plus elle avait d'indépendance, plus -elle en jouissait, plus il était facile à la calomnie de la -noircir. Quand on pense aux mœurs de cette époque, aux -moyens puissants de séduction de tous ceux qui affichaient -hautement à son égard leur amour et leurs espérances, -on ne pourrait croire qu'elle fût jamais parvenue -à échapper à tant d'écueils, si tous les témoignages contemporains -ne concouraient à nous prouver qu'elle en est -sortie non-seulement sans recevoir aucune atteinte, mais -même pure de tout soupçon.</p> - -<p>Durant les mois d'été, le séjour de Paris, alors resserré -par ses remparts, était encore plus incommode qu'il ne -l'est actuellement; aussi madame de Sévigné passa presque -entièrement cette partie de la belle saison à Livry, -qu'elle appelait son désert; mais ce désert se trouvait -aussitôt peuplé par une société nombreuse, aimable et -brillante, lorsqu'elle s'y transportait. Elle fit cependant -encore à cette époque une courte et plus lointaine excursion -hors de la capitale; ce fut, en quelque sorte, pour -satisfaire à un devoir que le monde, mais non pas elle, -considérait alors comme un acte de courage. Ceci réclame -quelques détails qui feront connaître l'esprit et les mœurs -du temps et les différents intérêts qui divisaient alors la -cour et la haute société.</p> - -<p>Mademoiselle de Montpensier n'avait vu qu'avec peine -le triomphe de Mazarin et de la cause royale. Elle correspondait -en secret avec le prince de Condé, et n'avait pas -perdu entièrement l'espérance de pouvoir l'épouser un -<span class="pagenum"><a id="Page_27"> 27</a></span> -jour. Elle se fit un grand chagrin des succès de Turenne; -mais son père lui causa des peines bien plus vives, et -dont les motifs étaient plus réels. Gaston convoitait les -grands biens de sa fille aînée, et il voulait l'obliger à en -céder une partie aux deux filles qu'il avait eues de Marguerite -de Lorraine, sa seconde femme. Il avait épousé -celle-ci par amour, et elle conservait un grand empire sur -lui. Peut-être mademoiselle de Montpensier, naturellement -grande et généreuse, se serait-elle montrée disposée -à des arrangements de cette nature, si on lui en avait -parlé comme d'un sacrifice qu'il lui fallait faire en faveur -de ses sœurs dépourvues de fortune, si on lui avait demandé -ce sacrifice comme un don, comme une générosité -de sa part, purement gratuite, dont on lui aurait su gré; -mais il n'en était pas ainsi. Son père cherchait à lui arracher -une portion de son patrimoine par la ruse et la fraude, -et au moyen d'un compte de tutelle, où les dettes qu'il -avait contractées envers sa fille étaient atténuées ou déguisées; -où il faisait figurer les répétitions non fondées -qui lui étaient allouées par des arbitres vendus à ses intérêts. -De tels procédés exaspérèrent mademoiselle de -Montpensier, elle résista avec hauteur et fermeté; mais, -quoique majeure, comme elle n'était point mariée, elle -se trouvait, comme princesse du sang, sous la puissance -paternelle, relativement au choix de ses dames d'honneur, -de ses gens d'affaires et de tous ceux qui composaient -sa maison. Gaston éloignait d'elle arbitrairement -tous ses serviteurs les plus dévoués. Il y eut alors dans la -petite cour de <span class="small1">Mademoiselle</span> des démêlés et des intrigues -dont elle nous a, dans ses Mémoires, donné les détails -avec une fatigante prolixité. Comme Gaston négociait -avec le ministre, et cherchait à rentrer en grâce, -<span class="pagenum"><a id="Page_28"> 28</a></span> -mademoiselle de Montpensier, qui, au contraire, se montrait -hostile, craignit qu'on ne fît à son égard un coup -d'autorité. Elle se soumit donc en partie à ce qu'on exigeait -d'elle, mais non sans beaucoup de dépit et de douleur -et sans répandre bien des larmes. Elle s'était, au -mois de février, approchée de Paris, et elle était venue -jusqu'à Lesigny, pour voir une maison qu'elle avait intention -d'acheter<a id="FNanchor_55" href="#Footnote_55" class="fnanchor"> [55]</a>. Pendant les trois ou quatre jours -qu'elle résida dans ce lieu, elle éprouva ce que pouvait la -disgrâce du souverain, même à l'égard d'une princesse -généralement aimée et qu'on aurait désiré voir revenir -dans la capitale. «Il vint du monde de Paris me voir, -dit-elle: j'eus néanmoins plus de compliments que de -visites; j'avais fait tout le monde malade. Tous ceux -qui n'osaient me mander qu'ils craignaient se brouiller -avec la cour feignirent d'être malades ou qu'il leur était -arrivé quelque accident.»</p> - -<p>Madame de Sévigné ne fut point au nombre de ces -lâches moribonds; nous en avons une preuve non douteuse, -car nous savons qu'au mois de juillet de cette même -année elle quitta Paris pour se rendre à Saint-Fargeau, et -tout exprès pour faire sa cour à l'illustre exilée. C'est -<span class="small1">Mademoiselle</span> qui nous apprend elle-même ce fait dans -ses Mémoires; et son récit nous fait entrevoir que ce petit -voyage, fait en compagnie avec madame de Monglat et -madame de Lavardin, ne fut pas sans agrément pour -notre jeune veuve.</p> - -<p>«J'étais, dit <span class="small1">Mademoiselle</span>, dans mon château de -Saint-Fargeau, où, après avoir donné ordre à mes affaires<a id="FNanchor_56" href="#Footnote_56" class="fnanchor"> [56]</a> -(ce que je faisais deux fois la semaine), je ne songeais -<span class="pagenum"><a id="Page_29"> 29</a></span> -qu'à me divertir. Madame la comtesse de Maure et Mademoiselle -de Vandy me vinrent voir, comme elles revenaient -de Bourbon; ce me fut une visite très-agréable. Elles -étaient des personnes d'esprit et de mérite, et que j'estime -fort. Mesdames de Monglat, Lavardin et de Sévigné y -vinrent exprès de Paris: la première y était déjà venue -deux fois; madame de Sully y vint pendant qu'elles y -étaient, et M. et madame de Béthune, qui s'en allaient -aux eaux de Pougues: tout cela faisait une cour fort -agréable. M. de Matha y était aussi; il commençait à être -amoureux de madame de Frontenac. Le mari de cette -dernière, Saujon et d'autres, s'y trouvèrent. Nous allions -nous promener dans les plus jolies maisons des environs -de Saint-Fargeau, où l'on me donnait de fort belles collations; -j'en donnais aussi dans de beaux endroits des bois, -avec mes violons: on tâchait de se divertir<a id="FNanchor_57" href="#Footnote_57" class="fnanchor"> [57]</a>.»</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_30"> 30</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE III.<br /> -<span class="medium">1655.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Bussy continue ses assiduités auprès de madame de Sévigné.—Ses -intrigues avec madame de Monglat.—Il se laisse aller aux -séductions de la marquise de Gouville.—Positions des grands -personnages pendant les troubles de la Fronde.—Le besoin que les -princes avaient de leurs serviteurs et des nobles dans leur dépendance -rapprochait les rangs.—Comment cet état de choses produisait -le déréglement des mœurs.—Des filles d'honneur d'Anne -d'Autriche.—La marquise de Gouville attachée à la princesse de -Condé.—Détails sur cette princesse.—Lenet devient son conseiller.—Peinture -qu'il fait de la cour de cette princesse à Chantilly.—Détails -sur la marquise de Gouville.—Bussy lui plaît.—Le rendez-vous -qu'il en reçoit l'empêche de faire ses adieux à madame -de Sévigné avant de partir pour l'armée.</p> - -<p class="space">Pendant cette année Bussy sut mettre à profit pour ses -amours tout le temps de son séjour à Paris, qui se prolongea -jusqu'au moment de son départ pour l'armée. Sa -cousine madame de Sévigné était encore, de toutes les -femmes qu'il courtisait, celle dont l'esprit le charmait le -plus, celle dont la conquête lui eût été le plus agréable; -peut-être parce qu'elle était celle qui offrait le plus de -difficultés. Cependant cette amitié et cette confiance qu'il -en obtenait, les préférences dont elle le rendait l'objet, -répandaient tant d'agrément sur sa vie, qu'il se montrait -auprès d'elle aussi empressé et aussi assidu que le lui -permettaient les liaisons, d'une autre nature, qu'il avait -formées. Assuré de madame de Monglat comme d'un -bien qui désormais lui appartenait, et qu'il croyait ne -<span class="pagenum"><a id="Page_31"> 31</a></span> -pouvoir jamais lui échapper, il se laissa entraîner aux -séductions de la marquise de Gouville.</p> - -<p>Plusieurs causes contribuèrent, durant les troubles de -la Fronde, au déréglement des mœurs. Les princes et -les princesses qui étaient à la tête des partis, jeunes eux-mêmes, -étaient entourés d'une jeunesse active et dévouée. -La prudence de l'âge mûr ou la froideur de la vieillesse -eussent été peu propres à ces intrigues aventureuses, à -ces agitations continuelles, à ces périls toujours renaissants, -à ces rapides vicissitudes d'opinions et de partis. -Ces grands personnages, souvent réduits par des revers subits -à de cruelles extrémités, recevaient de la part de la -jeune noblesse qui les entourait, et qui était à leurs gages, -des preuves de fidélité et de dévouement d'une nature -telle, qu'aucune richesse ne pouvait les payer, qu'aucun -honneur ne pouvait les récompenser. Alors il était naturel -qu'il s'établit une sorte d'égalité entre le supérieur et -l'inférieur, entre le chef et le subordonné, tous deux liés -à la même cause, tous deux risquant également pour -elle leur fortune et leur vie. Cet état de choses était -peu favorable à une sévère morale; et les princes, dans -l'âge où l'on se laisse facilement emporter à la fougue -des passions, non-seulement ne s'inquiétaient pas des -déréglements qui avaient lieu autour d'eux, mais ils en -donnaient eux-mêmes l'exemple. Quant aux princesses, -lors même qu'elles eussent toutes été à l'abri du reproche -à cet égard (et il était loin d'en être ainsi), elles ne pouvaient -ni surveiller, ni scruter rigoureusement la conduite -de jeunes femmes souvent forcées, pour les servir, d'entreprendre -seules des voyages périlleux, d'user de continuels -subterfuges et de travestissements. Lorsque leur -inconduite leur était dévoilée, elles étaient d'autant moins -<span class="pagenum"><a id="Page_32"> 32</a></span> -tentées de s'en courroucer et d'y mettre un terme, que -c'était à ces liaisons coupables qu'elles devaient souvent -les succès des intrigues qu'elles ourdissaient pour le -triomphe de leur cause. Ceci explique cette multitude -d'aventures galantes qui donnèrent un caractère si particulier -aux troubles de la Fronde, où les tempêtes populaires -et les combats sanglants se rattachaient sans cesse -aux agitations des ruelles et aux rivalités d'amour. La -cour même d'Anne d'Autriche ne fut pas exempte de la -contagion générale. Des six filles d'honneur de cette reine, -Ségur, la seule qui n'eût point d'attraits, fut la seule qui -n'eut point d'amant<a id="FNanchor_58" href="#Footnote_58" class="fnanchor"> [58]</a>.</p> - -<p>Durant ce temps de désordres, la marquise de Gouville -avait résidé près d'une princesse plus âgée qu'Anne d'Autriche, -mais dont la cour, soit parce qu'elle était réunie à -celle de sa belle-fille, soit par l'effet de son choix, était -uniquement composée de femmes jeunes, jolies, spirituelles, -et propres à seconder les entreprises les plus hasardeuses. -C'était cette princesse qui faillit allumer une -guerre générale en Europe, quand Henri IV vieillissant -s'éprit pour elle d'une folle passion; c'était cette princesse -qui dans un âge plus avancé, encore vaniteuse et coquette, -se vantait d'avoir eu pour amants des papes, des -rois, des cardinaux, des princes, des ducs, et de simples -gentils-hommes; c'était, enfin, cette Montmorency autrefois -si belle, la princesse de Condé douairière, la mère -du grand Condé<a id="FNanchor_59" href="#Footnote_59" class="fnanchor"> [59]</a>.</p> - -<p>Lenet, du parlement de Dijon, qui était son conseiller -intime, nous a donné une peinture intéressante et animée -de la position critique où elle se trouva à Chantilly, lorsque -<span class="pagenum"><a id="Page_33"> 33</a></span> -Condé, en 1650, et dans le plus fort de la guerre civile, -en lui laissant sa femme et son fils, se fut réfugié -dans son gouvernement et eut levé l'étendard de la révolte. -La princesse douairière avait besoin de correspondre -continuellement avec ce prince, afin d'échapper à la surveillance -de Mazarin, qui cherchait à s'emparer de sa -belle-fille et de son petit-fils. Toutes les jeunes femmes -qui composaient sa cour étalent continuellement agitées -par des alternatives de crainte et d'espérance, selon les -nouvelles que l'on recevait de Paris ou de Guienne; et, au -milieu de toutes ces anxiétés et de ces peines, leurs inclinations -pour le plaisir s'augmentaient encore par les -chances de malheur auxquelles elles étaient exposées et -par l'incertitude de leur sort dans l'avenir.</p> - -<p>On était alors à la fin du mois d'avril, et jamais on ne -vit dans un séjour plus enchanteur, sous un ciel plus pur -et par une plus douce température, un plus grand nombre -de beautés occupées d'autant d'intrigues. Le matin, dispersées -dans les jardins, sur la terrasse, sur les balcons -du château, elles se promenaient solitaires, ou se réunissaient -en groupes. Les unes, folâtres, chantaient ou récitaient -entre elles des madrigaux, des sonnets, ou improvisaient -des charades, des bouts-rimés, des énigmes; -d'autres, plus sérieuses, se parlaient bas, s'écartaient, -s'enfonçaient mystérieusement, et à pas lents, dans des -allées du parc, ou dans des bosquets reculés; plusieurs, -couchées sur la pelouse, assises sur les bords de l'étang, -occupées de la lecture d'un roman ou d'une lettre, n'apercevaient -rien de ce qui se passait autour d'elles.</p> - -<p>Dans la soirée on se réunissait dans la chapelle, où la -prière se faisait en commun; toutes les dames passaient -ensuite dans l'appartement de la princesse, et les hommes -<span class="pagenum"><a id="Page_34"> 34</a></span> -les y suivaient. Là on tenait conseil; on lisait les lettres -que l'on avait reçues de la duchesse de Longueville, les -écrits plaisants ou sérieux que l'on faisait circuler en faveur -des princes; on se divertissait des satires, des chansons -et des bouffonneries qui pullulaient contre le cardinal -Mazarin; puis l'on jouait à divers jeux, et le salon -retentissait des bonds, des claquements de mains, des ris -bruyants de la troupe enjouée. Tout à coup un grand silence -succédait, on se rassemblait près de la princesse -douairière, on se pressait autour du grand fauteuil de cette -matrone de la galanterie. On était tout attention, tout -oreille, quand elle consentait à raconter, avec une grâce -qui lui était particulière, les faits de sa vie passée; les intrigues -amoureuses de la cour de Henri IV; ses premières -entrevues avec ce glorieux monarque; comment elle le -reconnut un jour dans la cour du château qu'elle habitait, -au milieu de l'escorte d'un capitaine de sa vénerie, -revêtu de la livrée d'un piqueur, avec un large emplâtre -sur la figure, et conduisant deux lévriers en laisse. Tous -ces récits étaient trop du goût d'un tel auditoire pour -qu'ils ne fussent pas préférés à toute autre occupation, -à toute autre distraction<a id="FNanchor_60" href="#Footnote_60" class="fnanchor"> [60]</a>.</p> - -<p>«C'était, dit Lenet, un plaisir très-grand de voir toutes -les jeunes dames qui composaient cette cour-là, tristes ou -gaies, suivant les visites rares ou fréquentes qui leur venaient, -et suivant la nature des lettres qu'elles recevaient; -et comme on savait à peu près les affaires des unes et des -autres, il était aisé d'entrer assez avant pour s'en divertir. -Il y en avait qui étaient servies d'un même galant; -d'autres qui croyaient l'être de plusieurs, et qui ne l'étaient -<span class="pagenum"><a id="Page_35"> 35</a></span> -de personne, et d'autres qui l'auraient voulu être -d'un autre que de celui qui les galantisait; d'autres encore -qui eussent souhaité d'être les seules qui eussent été -servies de tous; et en vérité elles méritaient toutes de -l'être<a id="FNanchor_61" href="#Footnote_61" class="fnanchor"> [61]</a>.»</p> - -<p>La marquise de Gouville était, de toutes les jeunes -femmes qui composaient la cour de Chantilly, celle qui, -par ses charmes et la vivacité de son esprit, s'attirait le -plus d'adorateurs. Son mari était à l'armée du prince de -Condé<a id="FNanchor_62" href="#Footnote_62" class="fnanchor"> [62]</a>, et elle se trouvait sous la surveillance de sa -mère, la comtesse de Tourville; surveillance légère, qui -servit plutôt à voiler qu'à empêcher les poursuites des -comtes de Cessac, de Meille, de Lorges et de Guitaut, qui -étaient devenus amoureux d'elle: ce dernier l'emporta -sur ses rivaux<a id="FNanchor_63" href="#Footnote_63" class="fnanchor"> [63]</a>.</p> - -<p>A Paris, en 1655, la marquise de Gouville fut une des -beautés qui contribuèrent le plus à l'agrément des fêtes -nombreuses qui eurent lieu. Elle-même en donna plusieurs, -et réunit la société la plus brillante. On jouait chez elle -des ballets, et le bal succédait à la comédie<a id="FNanchor_64" href="#Footnote_64" class="fnanchor"> [64]</a>. Au milieu -de ce grand monde de la capitale, dont elle faisait partie, -et dont elle attirait les regards à tant de titres, le nombre -de ses adorateurs devint bien plus considérable que lorsqu'au -commencement de son mariage elle se trouvait sous -la tutelle maternelle, et attachée à la petite cour de la princesse -de Condé. Le maréchal Duplessis<a id="FNanchor_65" href="#Footnote_65" class="fnanchor"> [65]</a>, du Lude, le beau -<span class="pagenum"><a id="Page_36"> 36</a></span> -Candale, le présomptueux Barlet, étaient alors ceux qui se -disputaient ses faveurs<a id="FNanchor_66" href="#Footnote_66" class="fnanchor"> [66]</a>. Elle vit Bussy, et il lui plut. Bussy, -malgré ses engagements avec madame de Monglat, ne put -se refuser à une aussi agréable conquête; mais elle fut -cause qu'il se conduisit envers madame de Sévigné d'une -manière à se donner les apparences de l'oubli et de l'indifférence. -Madame de Sévigné était à Livry lorsque Bussy -se disposait à partir pour l'armée<a id="FNanchor_67" href="#Footnote_67" class="fnanchor"> [67]</a>. Bussy avait promis à -sa cousine d'aller la voir dans sa retraite champêtre; mais -fort occupé, dans les derniers moments, de son double -amour et de ses équipages de guerre, il différa cette visite -jusqu'à la veille de son départ. Comme il se disposait à se -rendre à Livry, il reçut un billet d'une de ses maîtresses, -qui l'invitait à venir la trouver. Madame de Sévigné, qui -attendait Bussy, ne le voyant point arriver, envoya fort -tard lui demander s'il ne viendrait pas lui dire adieu. Le -messager de madame de Sévigné revint avec la lettre -qu'elle lui avait remise, et lui annonça qu'il n'avait point -trouvé M. de Bussy au Temple, ni pu savoir où il était. Le -lendemain matin, Bussy, après avoir passé hors de chez -lui la nuit entière, ne trouva plus un seul moment à sa -disposition, et il partit sans avoir vu sa cousine, et sans -savoir qu'elle lui avait écrit<a id="FNanchor_68" href="#Footnote_68" class="fnanchor"> [68]</a>.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_37"> 37</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE IV.<br /> -<span class="medium">1655</span>.</h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Bussy, pour s'excuser, écrit à sa cousine qu'il avait passé la nuit -chez le baigneur.—Explication sur ce mot.—Ce qu'étaient les -hôtels garnis et les bains publics sous le siècle de Louis XIV.—Madame -de Sévigné devine Bussy, ou est instruite de ses actions.—Lettre -qu'elle lui écrit.—Bussy lui avoue tout.—Il lui demande -réciprocité de confiance.—L'interroge sur l'amour qu'a -pour elle le surintendant.—Réponse de madame de Sévigné.—Correspondance -qui s'établit entre eux.—Nouvelle lettre de madame -de Sévigné à Bussy.—Cette correspondance augmente l'inclination -qu'ils avaient l'un pour l'autre.—Bussy se plaint de -n'être pas assez aimé de sa cousine.—Comment madame de Sévigné -se défend, et se justifie de désirer que Bussy reste à l'armée.—Bussy -envoie un messager à Paris, avec des lettres pour ses -deux maîtresses, sans écrire à madame de Sévigné.—Reproche -que fait à Bussy madame de Sévigné.</p> - -<p class="space">Lorsque Bussy fut arrivé devant Landrecies, dont l'armée -royale avait formé le siége, il n'eut rien de plus -pressé que d'écrire à sa cousine pour s'excuser d'avoir -manqué à lui faire ses adieux; et pour ne pas révéler le -secret de ses amours, il lui dit que dans la nuit qui avait -précédé son départ il avait été coucher chez le baigneur. -Pour bien comprendre la réponse que lui fit madame de -Sévigné, et avoir une idée exacte des mœurs et des habitudes -de cette époque, il faut expliquer à nos lecteurs ce -qu'on entendait par <i>le baigneur</i>, lors de la jeunesse de -Louis XIV.</p> - -<p>Il y avait alors à Paris, en plus grand nombre qu'aujourd'hui, -<span class="pagenum"><a id="Page_38"> 38</a></span> -des bains chauds nommés étuves pour la -bourgeoisie, et même pour les gens de bas étage<a id="FNanchor_69" href="#Footnote_69" class="fnanchor"> [69]</a>. On -comptait aussi dans cette ville une quantité d'auberges et -d'hôtelleries pour toutes les conditions, puis quelques -hôtels garnis magnifiquement meublés<a id="FNanchor_70" href="#Footnote_70" class="fnanchor"> [70]</a>, mais en très-petit -nombre. Ces hôtels étaient principalement à l'usage -de ceux de la haute noblesse qui ne faisaient pas partie -de la cour, et qui n'avaient à Paris ni maison ni hôtel à -eux. Pour ceux de cette classe qui en possédaient, pour -les grands seigneurs et les gens de cour qui résidaient -dans la capitale, il existait encore une ou deux maisons, -un ou deux établissements d'un genre particulier, qu'il -est difficile de définir, parce qu'il n'y en a plus de semblable: -c'était bien un hôtel garni, où l'on se trouvait -pourvu avec luxe de tous les besoins et de toutes les commodités -de la vie, mais où l'on pouvait s'en procurer -encore d'autres, qui n'existaient pas dans les meilleurs et -les plus somptueux hôtels garnis.</p> - -<p>Ces maisons étaient ordinairement tenues par des -hommes experts dans tout ce qui concernait la toilette, -et renommés par leur habileté à coiffer les hommes et -les femmes. Les barbiers et les baigneurs ne formaient alors -qu'une seule et même profession; ils étaient constitués en -corporation, sous le titre de barbiers-étuvistes; mais le -maître de l'établissement dont nous parlons, et qu'on -nommait <i>le baigneur</i> par excellence, n'était point soumis -aux règlements de cette corporation. Il exerçait son état -par un privilége spécial émané du roi lui-même, ou d'un -des officiers de sa maison. -<span class="pagenum"><a id="Page_39"> 39</a></span></p> - -<p>On se rendait chez le baigneur par différents motifs. -D'abord par raison de santé et de propreté: c'était là que -l'on prenait les meilleurs bains, les bains épilatoires, les -bains mêlés de parfums et de cosmétiques, par lesquels on -donnait plus de vigueur au corps, plus de douceur à -la peau, plus de souplesse aux membres. Cette maison -était pourvue d'un grand nombre de domestiques soumis, -réservés, discrets, adroits. On s'y enfermait la veille d'un -départ, ou le jour même d'un retour, afin de se préparer -aux fatigues qu'on allait éprouver, ou pour se remettre de -celles qu'on avait essuyées. Voulait-on disparaître un -instant du monde, fuir les importuns et les ennuyeux, -échapper à l'œil curieux de ses gens, on allait chez -le baigneur: on s'y trouvait chez soi, on était servi, -choyé; on s'y procurait toutes les jouissances qui caractérisent -le luxe ou la dépravation d'une grande ville. Le -maître de l'établissement et tous ceux qui étaient sous -ses ordres devinaient à vos gestes, à vos regards, si -vous vouliez garder l'incognito; et tous ceux qui vous servaient, -et dont vous étiez le mieux connu, paraissaient ignorer -jusqu'à votre nom. Votre entrée et votre séjour dans -cette maison étaient pour eux comme un secret d'État, -qu'ils ne révélaient jamais. Aussi c'était chez le baigneur -que les femmes qui ne pouvaient autrement échapper aux -yeux qui les surveillaient se rendaient déguisées, le visage -masqué, seules, ou conduites par leurs amants. Enfin -de jeunes seigneurs, amis des plaisirs sans contrainte, ou -d'une vie peu réglée, faisaient la partie de se rendre ensemble -chez le baigneur, et y séjournaient quelquefois plusieurs -jours, afin de se livrer plus facilement et plus secrètement -à leur goût pour le jeu, le vin et la débauche. -Pourtant cette maison était tellement grande et si bien -<span class="pagenum"><a id="Page_40"> 40</a></span> -distribuée en corps de logis séparés, que les personnes -sages, tranquilles ou infirmes, que des motifs de santé ou -les aisances qu'on y trouvait y avaient conduites, n'étaient -nullement troublées par ces hôtes bruyants et dissolus: -elles ne pouvaient même soupçonner leur présence dans -un lien où régnaient toujours pour elles l'ordre, la décence -et un calme profond.</p> - -<p>La faculté de tenir un établissement de ce genre était -une sorte de privilége exclusif, qui ne pouvait s'exercer -qu'au moyen d'un haut patronage. C'était donc pour ceux -qui y étaient propres, et qui n'y répugnaient pas, un -moyen assuré de faire fortune. Ils étaient nécessairement -les intermédiaires de beaucoup d'intrigues, les confidents -de plusieurs grands personnages, les dépositaires d'importants -secrets. Aussi les écrits du temps, qui se taisent -sur plusieurs faits historiques, nous ont fait connaître le -nom du plus fameux baigneur de cette époque: ce fut -Prudhomme<a id="FNanchor_71" href="#Footnote_71" class="fnanchor"> [71]</a>, auquel succéda plus tard La Vienne, chez -lequel le roi lui-même, dans le temps de ses premières -amours, allait se baigner et se parfumer. La Vienne devint -par la suite son premier valet de chambre<a id="FNanchor_72" href="#Footnote_72" class="fnanchor"> [72]</a>.</p> - -<p>Nos lecteurs, qui savent actuellement ce que c'était que -<i>le baigneur</i>, comprendront mieux la réponse que fit à -Bussy madame de Sévigné. Elle ne fut pas dupe de la -feinte de son cousin, ou elle fut instruite de quelle manière -<span class="pagenum"><a id="Page_41"> 41</a></span> -il avait passé la nuit la veille de son départ. La lettre de -Bussy lui était parvenue à Livry, et c'est de ce lieu que sa -réponse est datée, le 26 juin:</p> - -<p>«Je me doutais bien que tôt ou tard vous me diriez -adieu, et que si ce n'était chez moi, ce serait du camp devant -Landrecies. Comme je ne suis pas une femme de cérémonie, -je me contente de celui-ci, et je n'ai pas songé à -me fâcher que vous eussiez manqué à l'autre. Je m'étais -déjà dit vos raisons, avant que vous me les eussiez écrites; -et je suis trop raisonnable pour trouver étrange que la -veille d'un départ on couche chez le baigneur. Je suis -d'une grande commodité pour la liberté publique; et pourvu -que les bains ne soient pas chez moi, je suis contente: -mon zèle ne me porte pas à trouver mauvais qu'il y en ait -dans la ville<a id="FNanchor_73" href="#Footnote_73" class="fnanchor"> [73]</a>.»</p> - -<p>Bussy s'aperçut que madame de Sévigné avait tout -appris ou tout deviné, et il chercha à se faire tout pardonner, -en l'amusant par le récit de son entrevue et de -ses adieux. Il le fait avec beaucoup d'esprit et de gaieté, -et parvient à tout dire, en conservant les convenances -et une grande décence d'expression. Mais il voudrait -ne pas faire à sa cousine, avec abandon, confidence de -tout ce qui le concerne, sans obtenir d'elle la même -réciprocité.</p> - -<p>«Mandez-moi, lui dit-il, je vous prie, des nouvelles de -l'amour du surintendant; vous n'obligerez pas un ingrat. -Je vais vous dire, à la pareille, des nouvelles du mien pour -ma Chimène: il me semble que je vous fais un honnête -<span class="pagenum"><a id="Page_42"> 42</a></span> -parti, quand je vous offre de vous dire un secret pour des -bagatelles.»</p> - -<p>En terminant, Bussy insiste encore pour que sa cousine -lui mande l'histoire de l'amour du surintendant, quelle -qu'elle soit. Elle lui répond sur cet article dans une lettre -datée de Paris le 19 juillet, écrite au retour du voyage -qu'elle avait fait à Saint-Fargeau, et dont elle fait mention -dans cette lettre. Ce qu'elle dit nous prouve combien -Fouquet mettait d'insistance dans le désir qu'il avait de la -séduire, et nous éclaire sur la conduite qu'elle tenait à son -égard, et sur son plan de défense.</p> - -<p>«Quoiqu'il n'y ait rien de plus galant que ce que vous -me dites sur toute votre affaire, je ne me sens point tentée -de vous faire une pareille confidence sur ce qui se -passe entre le surintendant et moi; et je serais au désespoir -de pouvoir vous mander quelque chose d'approchant. -J'ai toujours avec lui les mêmes précautions et les mêmes -craintes; de sorte que cela retarde notablement les progrès -qu'il voudrait faire. Je crois qu'il se lassera enfin de -vouloir recommencer toujours la même chose. Je ne l'ai -vu que deux fois depuis six semaines, à cause d'un voyage -que j'ai fait. Voilà ce que je puis vous en dire et ce qui -en est. Usez aussi bien de mon secret que j'userai du -vôtre; vous avez autant d'intérêt que moi de le cacher<a id="FNanchor_74" href="#Footnote_74" class="fnanchor"> [74]</a>.»</p> - -<p>Dans la correspondance qui s'établit pendant cette campagne -entre madame de Sévigné et Bussy, dont ce dernier -a enrichi ses Mémoires, on les voit tous deux mutuellement -charmés de leur esprit, et fiers de s'appartenir. -<span class="pagenum"><a id="Page_43"> 43</a></span> -Madame de Sévigné éprouve une joie sensible lorsqu'elle -reçoit la nouvelle que son cousin s'est distingué à Landrecies<a id="FNanchor_75" href="#Footnote_75" class="fnanchor"> [75]</a>, -qu'il a reçu les éloges de Turenne; que Mazarin, le -roi et toute la cour ont dit du bien de lui. Et Bussy, de -son côté, tout amoureux qu'il est de sa cousine, et fort -disposé à s'en montrer jaloux, apprend cependant toujours -avec plaisir l'effet produit par ses charmes sur quelques -personnages importants.</p> - -<p>«Il y a deux ou trois jours qu'en causant, lui dit-il, -avec M. de Turenne, je vins à vous nommer. Il me demanda -si je vous voyais: je lui dis que oui, et qu'étant -cousins germains et de même maison, je ne voyais pas -une femme plus souvent que vous. Il me dit qu'il vous -connaissait, et qu'il avait été vingt fois chez vous sans -vous rencontrer; qu'il vous estimait fort, et qu'une marque -de cela était l'envie qu'il avait de vous voir, lui qui -ne voyait aucune femme. Je lui dis que vous m'aviez -parlé de lui, que vous aviez su l'honneur qu'il vous avait -fait, et que vous m'aviez témoigné lui en être obligée. -A propos de cela, madame, il faut que je vous dise que je -ne pense pas qu'il y ait au monde une personne si généralement -estimée que vous. Vous êtes les délices du genre -humain; l'antiquité vous aurait dressé des autels, et vous -auriez assurément été déesse de quelque chose. Dans notre -siècle, où l'on n'est pas si prodigue d'encens, et surtout -pour le mérite vivant, on se contente de dire qu'il n'y a -point de femme à votre âge plus vertueuse ni plus aimable -que vous. Je connais des princes du sang, des princes -étrangers, des grands seigneurs façon de princes, des -<span class="pagenum"><a id="Page_44"> 44</a></span> -grands capitaines, des gentils-hommes, des ministres d'État, -des magistrats et des philosophes, qui fileraient pour -vous si vous les laissiez faire. En pouvez-vous demander -davantage? A moins que d'en vouloir à la liberté des -cloîtres, vous ne sauriez aller plus loin<a id="FNanchor_76" href="#Footnote_76" class="fnanchor"> [76]</a>.»</p> - -<p>On ne peut donner à une femme des éloges plus satisfaisants -pour son orgueil; et ce qui devait les rendre plus -acceptables, c'est qu'ils étaient l'expression de la vérité, et -non celle d'une fade adulation ou d'un sot enthousiasme. -Madame de Sévigné ne montre pas pour son cousin la -même admiration qu'il témoigne pour elle; cependant elle -loue son esprit avec une sincère effusion. «Je ne crois -pas, lui écrit-elle, avoir jamais rien lu de plus agréable -que la description que vous me faites de l'adieu de votre -maîtresse. Ce que vous dites, que l'Amour est un vrai <i>recommenceur</i>, -est tellement joli et tellement vrai, que je -suis étonnée que, l'ayant pensé mille fois, je n'aie pas eu -l'esprit de le dire<a id="FNanchor_77" href="#Footnote_77" class="fnanchor"> [77]</a>.»</p> - -<p>Bussy se plaint que sa cousine montre trop peu de tendresse -pour lui, en paraissant si préoccupée de sa gloire et -de son avancement. «Quand on aime bien les gens qui -vont à l'armée, dit-il avec justesse, on a plus de crainte -pour les dangers de leur personne que de joie dans l'espérance -de l'honneur qu'ils vont acquérir<a id="FNanchor_78" href="#Footnote_78" class="fnanchor"> [78]</a>.» Cependant, -comme en même temps Bussy devine qu'il y a plus de -<span class="pagenum"><a id="Page_45"> 45</a></span> -dépit dans ce que sa cousine a écrit sur ce sujet, que -d'absence de sentiment, et qu'il a la fatuité de le lui dire, -elle lui répond de manière à tâcher de le convaincre que -c'est bien véritablement qu'elle mérite le reproche qu'il lui -adresse, et qu'elle ne désire pas qu'il en soit autrement. -Ayant appris qu'il sollicitait la permission de rester à l'armée -pendant tout l'hiver, elle lui dit: «Comme vous savez, -mon pauvre Comte, que je vous aime un peu rustaudement, -je voudrais qu'on vous l'accordât; car on dit qu'il -n'y a rien qui avance tant les gens, et vous ne doutez pas -de la passion que j'ai pour votre fortune<a id="FNanchor_79" href="#Footnote_79" class="fnanchor"> [79]</a>.»</p> - -<p>Cependant la lettre dont Bussy se plaignait montrait -bien évidemment que sa cousine conservait de la rancune -pour la manière dont il avait agi à l'époque de son départ -pour l'armée. Elle était piquée d'avoir été sacrifiée alors -au désir de passer quelques heures de plus avec une maîtresse. -Bussy avait raison d'avoir cette pensée; mais il -avait tort de la manifester.</p> - -<p>«Je serais, lui avait-elle dit, une indigne cousine d'un -si brave cousin si j'étais fâchée de vous voir cette campagne -à la tête du plus beau corps qui soit en France, et -dans un poste aussi glorieux que celui que vous tenez. Je -crois que vous désavoueriez des sentiments moins nobles -que ceux-là. Je laisse aux <i>baigneurs</i> d'en avoir de plus -tendres et de plus faibles. Chacun aime à sa mode: pour -moi, je fais profession d'être brave aussi bien que vous. -Voilà les sentiments dont je veux faire parade<a id="FNanchor_80" href="#Footnote_80" class="fnanchor"> [80]</a>.»</p> - -<p>Dans une autre occasion, l'empressement qu'elle met à -<span class="pagenum"><a id="Page_46"> 46</a></span> -écrire à son cousin, lorsqu'il la néglige, nous prouve avec -quel soin elle cherchait à écarter d'elle tout soupçon de -dépit ou de sentiment jaloux, quoiqu'elle ne puisse s'empêcher -d'en laisser toujours percer quelque chose. Bussy -avait envoyé à Paris un messager avec des lettres pour ses -deux maîtresses, et il ne lui avait rien remis pour madame -de Sévigné. Celle-ci profita cependant de ce même messager -pour écrire à son cousin, afin de le féliciter sur les -succès qu'il avait obtenus à la guerre, et dont la renommée -l'avait instruite. Dans une autre lettre, où elle avait besoin -de rappeler toutes celles qu'elle lui avait adressées -depuis quelque temps, elle dit: «Je vous ai encore écrit -par un laquais que vous avez envoyé ici, lequel était -chargé de plusieurs lettres pour de belles dames. Je ne me -suis pas amusée à vous chicaner de ce qu'il n'y en avait -pas pour moi, et je vous fis une petite lettre en galoppant<a id="FNanchor_81" href="#Footnote_81" class="fnanchor"> [81]</a>.»</p> - -<p>Voici en quels termes elle avait écrit à Bussy sur ce -point délicat, dans cette petite lettre faite en <i>galoppant</i>:</p> - -<p>«Je me trouvai hier chez madame de Monglat, qui -avait reçu une de vos lettres, et madame de Gouville -aussi: je croyais en avoir une chez moi, mais je me suis -trompée dans mon attente, et je jugeai que vous n'aviez -pas voulu confondre tant de rares merveilles. J'en suis -bien aise, et je prétends avoir un de ces jours <i>une voiture</i> -à part.»</p> - -<p>L'allusion qu'elle fait ici à la haute renommée de Voiture -comme épistolographe, et à la double signification -<span class="pagenum"><a id="Page_47"> 47</a></span> -de son nom, qui ne serait dans toute autre occasion qu'un -simple calembour, devient dans cette circonstance un -éloge flatteur, et un reproche aimable, empreint du sentiment -d'une noble et juste fierté.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_48"> 48</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE V.<br /> -<span class="medium">1655.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Madame de Gouville donne une fête peu de jours après l'avanie faite -à Bartet, son amant.—Détails sur Bartet.—Il est employé pendant -la Fronde à d'importantes négociations.—Aventures de sa -jeunesse, et comment il était parvenu.—Sa présomption et -sa vanité.—Ressentiments qu'elles excitent.—Il obtient les -faveurs de la marquise de Gouville.—Il tient un propos outrageant -sur le duc de Candale.—Le duc de Candale s'en venge en lui -faisant une avanie.—Pourquoi Mazarin abandonne Bartet dans -cette circonstance.—Tout le monde rit de l'aventure de Bartet.—Épigramme -à ce sujet.—Bussy mande à madame de Sévigné la -querelle entre le marquis d'Humières, le comte de Nogent et la -Châtre.—Détails sur Bautru, comte de Nogent.—Plaisanteries -qu'il se permet au sujet de Roquelaure.—Passage d'une des lettres -de madame de Sévigné sur la duchesse de Roquelaure.—Querelle -entre le prince d'Harcourt et la Feuillade.—Madame de -Sévigné trouve plaisante la captivité de la duchesse de Châtillon -chez Fouquet.—Réflexions à ce sujet.—Bussy se rend à Compiègne.—Il -sollicite de Mazarin de servir pendant l'hiver, et n'obtient -rien.—Revient à Paris.—Y séjourne.—Repart pour se -rendre à l'armée de Turenne.</p> - -<p class="space">Le même jour que madame de Sévigné écrivit la lettre -que nous venons de citer, la marquise de Gouville donnait -dans son hôtel, à Paris, une fête dont le récit remplit -une page entière de la Gazette de Loret<a id="FNanchor_82" href="#Footnote_82" class="fnanchor"> [82]</a>: il décrit -le ballet, les scènes grotesques, les danses, le concert, -et la collation. Cependant, lorsque la marquise de Gouville -donnait cette fête, l'avanie qu'à cause d'elle avait -<span class="pagenum"><a id="Page_49"> 49</a></span> -éprouvée Bartet, un de ses amants, venait d'avoir lieu, -et était l'objet des conversations générales. Madame de -Sévigné en parle dans une lettre écrite à Bussy trois jours -après celle dont nous avons fait mention en dernier, c'est-à-dire -le 19 juillet<a id="FNanchor_83" href="#Footnote_83" class="fnanchor"> [83]</a>; mais elle en parle brièvement et en -passant, afin de ne pas blesser son cousin. Pour bien la -comprendre, il faut suppléer aux détails qu'elle n'a pas -eu besoin de donner en écrivant à Bussy, qui était parfaitement -instruit sur ce qui concernait celui qui faisait -l'objet de cette aventure.</p> - -<p>Quand Mazarin était exilé et proscrit par des arrêts du -parlement, du consentement du roi, c'est-à-dire de la -reine régente, qui parlait en son nom, il n'en continuait -pas moins, des bords du Rhin ou de la solitude des Ardennes, -où il s'était réfugié, à diriger les affaires. Le gouvernement -n'était pas dans le cabinet des ministres, dans -la salle du conseil, dans les actes authentiques publiés au -nom du roi, mais dans les résolutions et les déterminations -prises par la reine régente dans les conciliabules qui -avaient lieu dans la chambre de l'exilé ou dans l'oratoire -de la reine. Il était alors nécessaire que la reine et son -ministre pussent communiquer entre eux continuellement, -et de manière à ce qu'il ne restât aucune trace de ces -communications; que le secret le plus profond et le plus -impénétrable fût gardé sur leur but et sur leur résultat. -De là naquit l'importance des courriers de cabinet, et l'influence -que ces personnages subalternes prirent à cette -époque. Comme ils auraient pu être arrêtés par les partisans -de la Fronde ou des princes, jugés et condamnés -<span class="pagenum"><a id="Page_50"> 50</a></span> -par les parlements, à cause de leur correspondance -avec un banni déclaré ennemi de l'État, ils n'étaient chargés -d'aucune dépêche, d'aucune note, d'aucun papier; -mais dépositaires des pensées et des intentions secrètes -du cardinal et de la reine, ils allaient et venaient continuellement, -portaient les paroles de l'un et de l'autre, et -prenaient à l'égard des tiers des engagements en leurs -noms. On voit que durant ces temps de troubles ces -courriers de cabinet n'étaient pas seulement des porteurs -de dépêches, mais de véritables négociateurs. A une -époque aussi agitée, lorsque les intérêts variaient sans -cesse et si rapidement, lorsqu'il y avait tant d'intrigues -différentes, et qu'il fallait pour les conduire tant de dissimulation -et d'audace; lorsque les troupes des différents -partis envahissaient le pays, et empêchaient qu'on ne pût -faire le plus petit trajet sans travestissement, ce rôle de -courrier de cabinet donnait à tous ceux qui l'exerçaient -une réputation de capacité, de courage, de prudence et -de fidélité, qui ennoblissait leurs fonctions, et les faisait -jouir d'une considération supérieure à celle de la charge -dont ils étaient revêtus. Bartet fut un de ceux que la reine -et Mazarin employèrent en cette qualité le plus souvent -et avec le plus de succès.</p> - -<p>Il était fils d'un paysan du Béarn. Son père lui ayant -donné de l'éducation, il devint avocat au parlement de Navarre. -Il séduisit la femme de chambre de l'épouse d'un conseiller -de ce parlement. On voulut le forcer à épouser cette -fille, très-chérie de sa maîtresse: il s'y refusa, quitta le -pays, s'en alla à Rome, et, recommandé par des jésuites, -il s'attacha au duc de Bouillon, puis ensuite au prince -Casimir, frère du roi de Pologne, et qui lui succéda au -trône. Celui-ci, lorsqu'il fut roi, nomma Bartet son résident -<span class="pagenum"><a id="Page_51"> 51</a></span> -en France. Bartet se fit ainsi connaître de Mazarin et -des autres ministres de la reine, et il obtint, par l'entremise -de la princesse Palatine, d'être nommé secrétaire -du cabinet<a id="FNanchor_84" href="#Footnote_84" class="fnanchor"> [84]</a>. Bientôt il eut toute la confiance de la reine -et de son ministre, et fut initié aux plus importants secrets -d'État<a id="FNanchor_85" href="#Footnote_85" class="fnanchor"> [85]</a>. Fier de ses succès, il se fit de nombreux ennemis -par sa suffisance, sa fatuité, son ton et ses manières, qui -auprès des personnages élevés auxquels il avait affaire -contrastaient si fort avec son humble origine. La manifestation -de notre propre supériorité choque l'orgueil naturel -d'autrui, lors même qu'elle semble justifiée par la -prééminence du talent, de la naissance ou de la fortune; -mais l'insolence d'un parvenu semble une atteinte portée -à tous les droits acquis: elle blesse comme une usurpation, -et révolte comme une ingratitude. Tels étaient les sentiments -que faisait naître Bartet, dont la causticité d'ailleurs -n'épargnait personne, pas même ses amis et ses -bienfaiteurs. Bartet devint amoureux de la marquise de -Gouville. Cette femme séduisante était en même temps -courtisée par le duc de Candale, dont la vie fut si courte -et les aventures si nombreuses<a id="FNanchor_86" href="#Footnote_86" class="fnanchor"> [86]</a>. Bartet, si inférieur au -<span class="pagenum"><a id="Page_52"> 52</a></span> -duc de Candale pour la figure et la tournure, l'emportait -sur lui par certains avantages auxquels la marquise de -Gouville se montrait fort sensible. Au lieu de jouir en -secret d'un bonheur qui pouvait lui faire un ennemi puissant, -Bartet eut l'impudence de faire parade de sa conquête -d'une manière injurieuse pour son rival. En présence -d'un grand nombre de personnes, dont quelques-unes faisaient -l'éloge du duc de Candale comme du plus bel homme -de l'époque et le plus propre à plaire aux femmes, Bartet -dit, avec un ton dédaigneux, «que si on ôtait à ce beau -duc ses grands cheveux, ses grands canons, ses grandes -manchettes et ses grosses touffes de galants, il ne serait -plus qu'un squelette et un atome.» Candale, outré de l'insolence -de Bartet, et regardant comme au-dessous de lui -de se mesurer avec un tel homme, se vengea en grand seigneur, -ou, si l'on veut, en vrai brigand. Laval, son écuyer, -à la tête de onze hommes à cheval, arrête en plein jour, -dans la rue Saint-Thomas du Louvre, la voiture de Bartet. -Deux des cavaliers se saisissent des chevaux, deux autres -portent le pistolet à la gorge du cocher, deux autres -mettent pied à terre, et entrent dans le carrosse le poignard -à la main; ils se précipitent sur Bartet, lui coupent -avec des ciseaux les cheveux d'un côté, et une -moustache de l'autre; ils lui arrachent son rabat, ses canons -et ses manchettes; et, après lui avoir appris que -cette opération a lieu par ordre de monseigneur le duc de -Candale, ils le laissent aller<a id="FNanchor_87" href="#Footnote_87" class="fnanchor"> [87]</a>. -<span class="pagenum"><a id="Page_53"> 53</a></span></p> - -<p>Sous Richelieu, le personnage, quelque élevé qu'il fût, -qui aurait ainsi traité le plus obscur et le plus infime de -ses affidés, eût été obligé de fuir, et aurait eu à supporter -le poids d'une procédure criminelle. Mazarin, auquel -Bartet se plaignit, lui promit justice, fit même commencer -quelques procédures, mais n'osa pas les faire continuer. -Candale avait rendu de grands services à Mazarin, qui -s'était donné des torts envers lui, en ne réalisant pas la -promesse qu'il avait faite de lui faire épouser sa nièce -Martinozzi, mariée au prince de Conti. Mazarin ne fut -donc pas fâché d'avoir occasion de montrer des égards -pour ce seigneur, afin de le retenir dans son parti. D'ailleurs, -Bartet avait été le protégé de la reine plus encore -que celui de Mazarin, qui, dans sa correspondance écrite -avec Anne d'Autriche, avait cherché à la prémunir contre -les défauts du caractère de ce confident, et l'avait engagée -à ne se fier à lui qu'avec précaution<a id="FNanchor_88" href="#Footnote_88" class="fnanchor"> [88]</a>. Toute la -haute noblesse était indignée de l'insolence de Bartet, et -applaudissait à l'avanie qui lui était faite. Chavagnac, en -racontant cette aventure, dit qu'elle fit plus de bruit -qu'elle ne méritait<a id="FNanchor_89" href="#Footnote_89" class="fnanchor"> [89]</a>. Madame de Sévigné n'en parle -qu'en plaisantant, et la trouve tout à fait bien imaginée; -elle ne doute pas que son cousin ne s'en soit fort diverti<a id="FNanchor_90" href="#Footnote_90" class="fnanchor"> [90]</a>. -On rit beaucoup aux dépens de Bartet, et l'on fit sur lui -le couplet suivant, qui courut tout Paris:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i1"> Comme un autre homme</p> -<p>Vous étiez fait, monsieur Bartet:</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_54"> 54</a></span></div> -<p>Mais quand vous iriez chez Prudhomme,</p> -<p>De six mois vous ne seriez fait</p> -<p class="i1"> Comme un autre homme<a id="FNanchor_91" href="#Footnote_91" class="fnanchor"> [91]</a>.</p> -</div></div> - -<p>Non-seulement Bartet n'obtint aucune réparation de -l'affront qu'il avait éprouvé, mais plus tard on le força -de s'exiler de la cour, lorsque le duc de Candale s'y trouvait<a id="FNanchor_92" href="#Footnote_92" class="fnanchor"> [92]</a>. -Ainsi la différence des rangs était alors si fortement -marquée, que ceux qui osaient s'en prévaloir pour -conserver leurs priviléges d'insolence et de domination -pouvaient encore faire violence à la justice et braver la -faveur.</p> - -<p>Bussy et madame de Sévigné se faisaient part mutuellement -dans leurs lettres des nouvelles qui pouvaient les -intéresser: lui, celles de l'armée; elle, celles de la cour. -Bussy, dans sa lettre du 17 octobre<a id="FNanchor_93" href="#Footnote_93" class="fnanchor"> [93]</a>, entretient sa cousine -de la querelle qui s'est élevée entre le marquis d'Humières -et le comte de Nogent, querelle si peu honorable -pour ce dernier. Il avait été provoqué en duel par la -Châtre, beau-frère d'Humières, et il avait refusé de se -battre. D'Humières, toujours bien auprès du roi et des -ministres, devint depuis maréchal de France. Le luxe -du grand seigneur le suivait même à l'armée. Il fut le -premier qui s'y fit servir en vaisselle d'argent, et avec -les mêmes recherches et la même variété de mets que -dans son hôtel. Comme la guerre continua, et se régularisa -en quelque sorte, ce genre de luxe fut imité par -tous les officiers généraux, et même par les simples colonels -<span class="pagenum"><a id="Page_55"> 55</a></span> -et les mestres de camp<a id="FNanchor_94" href="#Footnote_94" class="fnanchor"> [94]</a>. La Châtre nous est connu -pas ses liaisons avec Ninon<a id="FNanchor_95" href="#Footnote_95" class="fnanchor"> [95]</a>. Armand, comte de Nogent, -qui se noya depuis au fameux passage du Rhin<a id="FNanchor_96" href="#Footnote_96" class="fnanchor"> [96]</a>, était le -fils de Nicolas de Bautru, modèle du courtisan fin, spirituel -et bouffon. Celui-ci, arrivé à la cour d'Anne d'Autriche -avec huit cents livres de rente, en avait cent cinquante -mille lorsqu'il mourut. Sa femme se fit connaître par des -désordres honteux. Il en demanda vengeance à la justice, -et fit condamner un de ses valets, qui fut mis aux galères<a id="FNanchor_97" href="#Footnote_97" class="fnanchor"> [97]</a>. -Il se rendait un jour chez la reine, lorsque cette -affaire était encore récente; et la cynique plaisanterie -qu'il se permit pour faire rejaillir sur le duc de Roquelaure -le ridicule dont celui-ci avait voulu le couvrir en -présence de toute la cour, prouve qu'une partie du secret -de la mystérieuse intrigue de la duchesse de Roquelaure -n'avait pas échappé aux regards scrutateurs des jeunes -courtisans<a id="FNanchor_98" href="#Footnote_98" class="fnanchor"> [98]</a>. Cet indécent quolibet, qui fit rougir la reine, -sert en même temps à expliquer le passage suivant de la -lettre que madame de Sévigné écrivit à Bussy le 25 novembre<a id="FNanchor_99" href="#Footnote_99" class="fnanchor"> [99]</a>.</p> - -<p>«Madame de Roquelaure est revenue tellement belle, -qu'elle défit hier le Louvre à plate couture<a id="FNanchor_100" href="#Footnote_100" class="fnanchor"> [100]</a>: ce qui -donne une si terrible jalousie aux belles qui y sont, que -<span class="pagenum"><a id="Page_56"> 56</a></span> -par dépit on a résolu qu'elle ne serait pas des après-soupers, -qui sont gais et galants comme vous savez. -Madame de Fiennes voulut l'y faire demeurer hier; mais -on comprit par la réponse de la reine qu'elle pouvait -s'en retourner.»</p> - -<p>Madame de Sévigné paraît avoir ignoré le véritable -motif de l'exclusion de la duchesse de Roquelaure des -après-soupers; mais la duchesse de Roquelaure a dû le -connaître ou le deviner. Les chagrins causés par des -humiliations de cette nature, et par les remords de les -avoir mérités, ont pu contribuer, autant que les infidélités -de Vardes, à précipiter dans la tombe cette intéressante -victime d'un premier amour. Une autre raison devait -encore déterminer à ne pas admettre la duchesse de Roquelaure -dans ces réunions familières. Le jeune duc -d'Anjou manifestait du penchant pour elle; et le chagrin -qu'il témoigna lorsqu'il apprit sa mort montra quelle était -déjà la violence de sa passion<a id="FNanchor_101" href="#Footnote_101" class="fnanchor"> [101]</a>.</p> - -<p>Madame de Sévigné, qui ne veut rien laisser ignorer à -Bussy de ce qui se passe dans le monde, raconte aussi dans -la même lettre une querelle assez ridicule, mais qui n'eut -aucune suite, entre le prince d'Harcourt, la Feuillade, qui -fut depuis maréchal de France, et le chevalier de Gramont, -si connu par l'histoire que le spirituel Hamilton -nous a donnée de ses aventures galantes. La chose se passa -chez Jannin de Castille, financier, assez bel homme, peu -spirituel, et fort riche. Bussy a fait lui-même connaître les -liaisons de ce personnage avec la comtesse d'Olonne<a id="FNanchor_102" href="#Footnote_102" class="fnanchor"> [102]</a>, et -<span class="pagenum"><a id="Page_57"> 57</a></span> -Sauval a révélé celles qu'il eut avec mademoiselle de Guerchy, -une des filles d'honneur de la reine<a id="FNanchor_103" href="#Footnote_103" class="fnanchor"> [103]</a>. Mademoiselle -de Guerchy fut depuis la maîtresse du duc de Vitry, et -périt victime des moyens qu'employa pour la faire avorter -une sage-femme nommée Constantin, qui fut pendue pour -ce crime. Le comte Gaspard de Chavagnac, qui, pour -obliger Vitry, son ami, avait conduit l'infortunée Guerchy -chez la Constantin, fut mis en cause, et subit même une -condamnation, qui ne fut pas capitale. Lui, qui était la -bravoure même, raconte naïvement dans ses Mémoires la -frayeur qu'il éprouva «quand il vit les mêmes juges avec -lesquels il faisait tous les jours la débauche l'interroger -avec un visage si sévère<a id="FNanchor_104" href="#Footnote_104" class="fnanchor"> [104]</a>».</p> - -<p>Madame de Sévigné apprit, sans en connaître la cause, -que la duchesse de Châtillon se trouvait captive chez -l'abbé Fouquet; et, dans sa lettre du 5 novembre, elle -mande cette nouvelle à son cousin en une seule ligne, en -ajoutant: «Cela paraît fort plaisant à tout le monde<a id="FNanchor_105" href="#Footnote_105" class="fnanchor"> [105]</a>.» -Singulière époque que celle où l'on trouvait plaisant -qu'une femme de ce rang, de cette naissance, qu'une -Montmorency, que la veuve d'un Gaspard de Coligny, -duc de Châtillon, fût retenue d'autorité en chartre privée, -chez un abbé, son amant! Cependant la chose paraîtra -moins étrange lorsque l'on saura que l'abbé Fouquet -avait avec lui sa mère, qui était la vertu même<a id="FNanchor_106" href="#Footnote_106" class="fnanchor"> [106]</a>.</p> - -<p>Quand Bussy reçut, le 22 novembre, cette dernière lettre -<span class="pagenum"><a id="Page_58"> 58</a></span> -de madame de Sévigné, il n'était plus à l'armée. Pour -être placé sur les cadres de ceux qui continuaient à servir -pendant la saison rigoureuse, il s'était rendu à Compiègne, -où la cour résidait. Le cardinal lui promit de faire ce qu'il -demandait; mais il ne lui tint pas parole. Bussy revint -vers la fin de décembre à Paris; et, après y avoir séjourné -tout l'hiver, il repartit le 12 mars pour Amiens, où le -maréchal de Turenne avait assigné le rendez-vous de tous -les officiers généraux qui dans la campagne prochaine -devaient servir sous ses ordres<a id="FNanchor_107" href="#Footnote_107" class="fnanchor"> [107]</a>.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_59"> 59</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE VI.<br /> -<span class="medium">1656.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Madame de Sévigné est recherchée par les femmes âgées comme par -les jeunes.—Sa jeunesse s'est passée sous le ministère de Mazarin.—Ses -souvenirs embrassent l'époque qui l'a précédé, une partie du -siècle de Louis XIII, puis la régence d'Anne d'Autriche et presque -tout le siècle de Louis XIV, et les personnes qui brillèrent sous la régence -du duc d'Orléans et qui moururent sous Louis XV.—Elle était -liée avec madame de Chevreuse, avec la maréchale de Schomberg, -née Marie de Hautefort.—Portrait de mademoiselle de Hautefort: -elle est placée près d'Anne d'Autriche pour la surveiller.—Elle s'attache -à elle.—S'attire, en la servant, les persécutions de Richelieu.—A -la mort de ce ministre, elle est rappelée de son exil par la -reine, qui reçoit mal ses observations relativement au cardinal -Mazarin.—Brouillerie et raccommodement entre elle et la reine.—Mademoiselle -de Hautefort reçoit l'ordre de quitter le Palais-Royal.—Elle -se retire dans un couvent.—Épouse le maréchal de Schomberg.—S'efforce -de se réconcilier avec Anne d'Autriche.—Est de -nouveau repoussée.—Ses torts envers la reine.—Différence de -la conduite d'Anne d'Autriche envers elle et envers la duchesse de -Chevreuse.—Réflexions à ce sujet.—Le maréchal de Schomberg -et sa femme se retirent dans leur gouvernement de Metz.—Ils sont -les protecteurs des gens de lettres.—La mort de sa grand'mère -force la maréchale de Schomberg de revenir à Paris.—Nombre de -personnes vont à sa rencontre.—Madame de Sévigné, qui ignorait -ce retour, n'est pas de ce nombre.—Regret qu'elle en -éprouve.—Citation de la Gazette de Loret à ce sujet.—Mort de -la maréchale de Schomberg.</p> - -<p class="space">La jeunesse de madame de Sévigné s'est écoulée tout -entière pendant la durée du ministère du cardinal de Mazarin; -mais les femmes qui avaient passé la leur sous le règne -de Richelieu, attirées par la précoce maturité du jugement -de notre jeune veuve, par son discernement, par sa discrétion, -<span class="pagenum"><a id="Page_60"> 60</a></span> -sa franchise, ne cultivaient pas son amitié avec moins -d'empressement que celles dont l'âge se rapprochait du -sien. Dans sa vieillesse, son indulgente gaieté, la réputation -qu'elle s'était acquise par son esprit, l'égalité de son -humeur et les agréments de son commerce, la firent -rechercher par celles qui commençaient à briller comme -des astres nouveaux levés sur l'horizon, vers la fin du -siècle de Louis XIV. Celles-ci se montrèrent dans tout -leur éclat sous la régence du duc d'Orléans, et terminèrent -leur existence sous Louis XV. Jamais madame de Sévigné -ne se retira du monde, et jamais le monde aussi -ne se retira d'elle. Toujours elle aima à se répandre dans -la société: elle lui appartint toujours. Sa vie et ses écrits -sont donc propres à nous éclairer sur les mœurs, les habitudes -de plusieurs générations successives et de trois règnes -différents.</p> - -<p>Nous avons déjà vu la liaison qu'elle avait contractée -avec la duchesse de Chevreuse, qui sous le règne de -Louis XIII s'était illustrée par sa résistance au despotisme -de Richelieu. Madame de Sévigné avait conquis l'amitié -d'une autre femme, qui, sans posséder l'avantage d'une -aussi grande naissance, n'avait pas donné à la reine de -moindres preuves de dévouement et de courage que madame -de Chevreuse: c'était Marie de Hautefort, femme -du maréchal duc de Schomberg.</p> - -<p>On se souvenait encore à l'époque dont nous nous -occupons, de l'impression qu'avait faite à la cour de -Louis XIII cette blonde aux yeux grands et pleins de -feu, aux traits si réguliers, aux dents si blanches, au -teint d'une si ravissante fraîcheur. On se ressouvenait -encore de cette gorge parfaitement belle, dont la seule -vue protégea, contre la main scrupuleuse d'un monarque -<span class="pagenum"><a id="Page_61"> 61</a></span> -dévot, le billet dépositaire du secret de la reine<a id="FNanchor_108" href="#Footnote_108" class="fnanchor"> [108]</a>. Placée -comme dame d'atour auprès d'Anne d'Autriche par un -ministre soupçonneux et un mari jaloux, mademoiselle de -Hautefort s'indigna du vil rôle auquel on l'avait crue propre. -Au lieu d'être, comme on le voulait, la surveillante -et la délatrice d'une reine dont elle ressentait vivement le -malheur, elle en devint l'amie la plus sincère, la confidente -la plus intime<a id="FNanchor_109" href="#Footnote_109" class="fnanchor"> [109]</a>. Pour lui procurer plus de liberté, pour -diminuer l'oppression que Richelieu faisait peser sur elle -et sur tout ce qui l'entourait, mademoiselle de Hautefort -se prévalut des sentiments de préférence qu'elle inspira à -un roi si froid, si faible, si scrupuleux. Pour capter sa -confiance, elle supporta l'ennui d'un amour qui ne se laissait -deviner que par des traits d'une jalousie bizarre ou ne -se manifestait que par d'insipides entretiens. Marie de -Hautefort montra pour Anne d'Autriche plus de courage -et de dévouement encore, en bravant la colère et les persécutions -de Richelieu, qui, ne la voyant pas répondre à -ses desseins, la fit exiler. Il eut l'air d'envelopper dans -la même disgrâce Chemerault, autre dame de la reine; -mais c'était pour être instruit par elle de toutes les démarches, -de tous les secrets de mademoiselle de Hautefort, -qui la croyait son amie<a id="FNanchor_110" href="#Footnote_110" class="fnanchor"> [110]</a>. -<span class="pagenum"><a id="Page_62"> 62</a></span></p> - -<p>Lorsque Anne d'Autriche devint régente, elle s'empressa -de rappeler, par une mesure générale, toutes les -personnes qui avaient été exilées sous Richelieu; mais -elle écrivit de sa propre main à mademoiselle de Hautefort -de revenir près d'elle, lui disant qu'elle mourait -d'impatience de la voir<a id="FNanchor_111" href="#Footnote_111" class="fnanchor"> [111]</a>. Mademoiselle de Hautefort -revint; mais elle ignorait que la nature des relations -doive changer avec les situations: elle crut que tout -devait être inaltérable comme ses sentiments, et elle -éprouva combien sont différentes les affections de cœur -dans l'infortune ou dans la prospérité, dans l'abaissement -ou dans la puissance. Elle avait fait naître des passions -très-vives; mais toutes les tentatives qu'on avait faites -pour la séduire n'avaient servi qu'à donner un nouveau -lustre à sa vertu<a id="FNanchor_112" href="#Footnote_112" class="fnanchor"> [112]</a>. Cette vertu s'appuyait sur une -piété fervente<a id="FNanchor_113" href="#Footnote_113" class="fnanchor"> [113]</a>, qui avait trouvé un nouvel aliment dans -le malheur et dans les persécutions. Revenue à la cour -après une si longue absence, elle fut singulièrement -frappée des changements qui s'y étaient opérés. Elle vit -avec peine l'ascendant que Mazarin avait pris sur la -reine: cet ascendant ne lui paraissait pas suffisamment -justifié par les talents de ce ministre et le besoin qu'Anne -d'Autriche avait de lui. L'espèce d'intimité et de familiarité -qui régnaient entre la reine et son ministre, en écartant -même toute pensée de liaison illicite, choquaient ses scrupules -religieux, et étaient contraires aux idées qu'elle s'était -faites de la dignité de son sexe et de la majesté royale. -<span class="pagenum"><a id="Page_63"> 63</a></span> -Elle savait combien la malignité publique aimait à s'exercer -sur ce chapitre; elle connaissait une partie des chansons, -des satires, des épigrammes qui avaient cours: son amitié -vive et sincère lui fit désirer ardemment d'ôter à cet -égard tout prétexte à la calomnie. Naturellement franche, -elle s'expliqua sans réticence et sans détour sur ce sujet -délicat. La reine, blessée, ne lui répondit que par des paroles -dures et des reproches sévères<a id="FNanchor_114" href="#Footnote_114" class="fnanchor"> [114]</a>. Il y eut des larmes -répandues, des explications vives, des réconciliations, -des promesses, des pardons donnés et reçus<a id="FNanchor_115" href="#Footnote_115" class="fnanchor"> [115]</a>, puis de -nouveaux accès d'humeur et d'une brusque franchise. -Enfin, au moment où on s'y attendait le moins, un ordre -fut donné à mademoiselle de Hautefort de quitter le -Palais-Royal<a id="FNanchor_116" href="#Footnote_116" class="fnanchor"> [116]</a>. La sensible confidente, qui n'avait jamais -prévu que son amitié, toujours la même, que son dévouement, -toujours entier, pussent avoir ce résultat, sentit son -cœur se briser par tant d'ingratitude<a id="FNanchor_117" href="#Footnote_117" class="fnanchor"> [117]</a>. Elle partit, aimée, -vénérée de toute la cour; l'admiration qu'avaient inspirée -sa loyauté, sa générosité, sa vertu, s'augmenta encore -de toute la haine amassée contre le cardinal, auquel elle -était sacrifiée. La reine, quoiqu'elle en témoignât son -mécontentement, ne put empêcher que les personnes qui -lui étaient le plus attachées, le plus dans sa dépendance, -n'allassent consoler mademoiselle de Hautefort et ne plaignissent -hautement son malheur.</p> - -<p>Elle se retira dans un couvent, et on craignit pendant -quelque temps qu'elle ne se fît religieuse. Heureusement -pour le monde, dont elle devait être le modèle, qu'un -<span class="pagenum"><a id="Page_64"> 64</a></span> -homme instruit, spirituel, joignant aux talents du guerrier -tous ceux qui font briller en société<a id="FNanchor_118" href="#Footnote_118" class="fnanchor"> [118]</a>, la rechercha, -et lui fit agréer ses vœux. Elle épousa en 1646 le maréchal -duc de Schomberg. Son mari, qui avait acquis tous -ses grades sous le règne précédent, désira, dans l'intérêt -de son ambition, que sa femme reparût à la cour; qu'elle -tâchât de se prévaloir de l'ancienne et longue affection -que la reine avait eue pour elle, et qu'il ne pouvait croire -entièrement éteinte. Pour lui obéir, elle se contraignit, -et se dépouilla d'une fierté qui lui avait semblé noble et -légitime. Ses efforts pour rentrer en grâce auprès d'Anne -d'Autriche furent repoussés avec tant de hauteur, qu'elle -ne put parvenir à déguiser la douleur qu'elle en ressentait, -ni s'empêcher de montrer encore devant cette reine -altière, et en présence de toute la cour, son visage baigné -de larmes<a id="FNanchor_119" href="#Footnote_119" class="fnanchor"> [119]</a>.</p> - -<p>On doit dire que pendant la Fronde la maréchale de -Schomberg s'était liée avec la duchesse de Longueville, -et que, sans s'engager dans aucun parti, elle avait -paru cependant plutôt favorable que contraire à ceux -qui étaient opposés à Mazarin; mais son mari était resté -neutre. La duchesse de Chevreuse, qui s'était montrée -hostile, non-seulement avait obtenu son pardon, mais -elle avait reconquis toute la faveur et toute l'influence -qu'elle avait eues autrefois auprès d'Anne d'Autriche. -Cependant il existait entre la duchesse de Chevreuse et -la maréchale de Schomberg toute la distance qui sépare -<span class="pagenum"><a id="Page_65"> 65</a></span> -le vice de la vertu; l'honneur, de l'intrigue; la loyauté, -de la duplicité.</p> - -<p>Le maréchal de Schomberg et sa femme ne firent plus -d'autre tentative auprès d'Anne d'Autriche et de Mazarin. -Ils se retirèrent dans leur gouvernement de Metz; et, -sans jamais donner de marque de mécontentement, ils -s'acquirent par leur zèle ardent pour tout ce qui pouvait -contribuer au bien public, l'estime et l'affection de tout le -monde: par leur conduite ils finirent par obtenir les -égards de la reine et de son ministre, et même par se -concilier leur bienveillance. Ils se montrèrent tous deux -protecteurs des gens de lettres: Scarron et le gazetier Loret -étaient au nombre de leurs pensionnaires<a id="FNanchor_120" href="#Footnote_120" class="fnanchor"> [120]</a>. Ils furent les -protecteurs de Bossuet, et comme les promoteurs de son -génie. Ce grand homme commença par être archidiacre -à Metz, où son père résidait<a id="FNanchor_121" href="#Footnote_121" class="fnanchor"> [121]</a>.</p> - -<p>Au commencement de l'année 1656, madame de La -Flotte, grand'mère de la maréchale de Schomberg, -mourut, âgée de quatre-vingt-sept ans; elle était la -doyenne des dames d'atour de la reine. De tout temps vénérée -par sa piété, elle s'était maintenue dans sa place -en restant étrangère à toutes les intrigues, et en y donnant -l'exemple de toutes les vertus. Personne à la cour -ne s'abstint d'aller jeter de l'eau bénite sur sa tombe, -et le roi s'y rendit comme les autres. Loret rapporte que -le jeune monarque voulut voir le visage de cette défunte -octogénaire, et en le contemplant il dit: «Voilà -le destin qui m'attend; et ma couronne ne m'en exemptera -pas<a id="FNanchor_122" href="#Footnote_122" class="fnanchor"> [122]</a>.»</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_66"> 66</a></span> -Cet événement força la maréchale de Schomberg et -son mari de se rendre à Paris, où depuis longtemps ils -n'avaient point paru. Le jour de leur arrivée fut connu -de plusieurs personnes, qui allèrent à leur rencontre. -Le nombre en fut si grand, que la file des carrosses s'étendait, -si l'on en croit Loret, depuis les remparts de la -ville jusqu'au Bourget<a id="FNanchor_123" href="#Footnote_123" class="fnanchor"> [123]</a>.</p> - -<p>Madame de Sévigné, quoique liée intimement avec -la maréchale de Schomberg, ne fut pas prévenue du jour -de son arrivée à Paris, et ne fit point partie du nombreux -cortége qui l'accompagna à son entrée. La contrariété -qu'elle en ressentit et la touchante expression -de ses regrets firent assez de sensation dans le beau -monde pour que Loret en parlât dans sa Gazette.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Même trois jours après, je sus</p> -<p>Que madame de Sévigny,</p> -<p>Veuve de mérite infini,</p> -<p>Et dont le teint encor mieux brille</p> -<p>Que de la plus aimable fille,</p> -<p>N'ayant su le temps ni le jour</p> -<p>Du susdit glorieux retour</p> -<p>(Ignoré dans chaque paroisse),</p> -<p>Faillit s'en pâmer d'angoisse.</p> -<p>Son chagrin ne peut s'égaler;</p> -<p>Et quand on la veut consoler</p> -<p>Avec des fleurs de rhétorique,</p> -<p>Sa divine bouche s'explique</p> -<p>(Comme elle a l'esprit excellent)</p> -<p>D'un air si noble et si galant,</p> -<p>Et qui jamais ne l'abandonne,</p> -<p>Que de bon cœur je lui pardonne<a id="FNanchor_124" href="#Footnote_124" class="fnanchor"> [124]</a>.</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_67"> 67</a></span> -Le maréchal de Schomberg ne jouit pas longtemps de -cette manifestation de l'opinion publique, si glorieuse -pour lui et pour sa femme, ni de l'accueil flatteur que lui -firent le roi et la reine mère. Il mourut deux mois après -son arrivée à Paris; son corps fut porté au château de -Nanteuil, dans le lieu de sépulture de ses ancêtres, où sa -veuve, qui lui survécut longtemps, lui fit ériger un monument, -près duquel Bossuet ne manquait jamais d'aller -prier toutes les fois qu'il passait à Nanteuil<a id="FNanchor_125" href="#Footnote_125" class="fnanchor"> [125]</a>.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_68"> 68</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE VII.<br /> -<span class="medium">1656.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Madame de Sévigné passe toute cette année à Paris.—Elle assiste -aux fêtes nombreuses qui s'y donnent.—Elle a des occasions de -s'entretenir familièrement avec le jeune roi.—Les partis se -rapprochent.—Gaston s'arrange avec la cour.—On n'était pas -satisfait du gouvernement.—Mort du grand prieur Hugues de -Rabutin.—Cette mort n'interrompt pas les plaisirs de madame de -Sévigné.—Bussy écrit à sa cousine les événemens de la campagne.—Condé -délivre Valenciennes.—Turenne prend la Capelle.—Départ -du roi pour l'armée, le 17 mai.—Bussy va en Bourgogne, et -revient passer l'hiver à Paris.—Les plaisirs n'avaient pas cessé pendant -l'été.—Plusieurs occasions y donnèrent lieu.—Premier -voyage de la reine Christine en France.—Admiration qu'elle excite.—Réflexion -sur ceux qui se démettent du trône.—Christine est -reçue en France avec de grands honneurs.—Madame de Sévigné -est du nombre des femmes qu'elle goûte le plus.—C'est avec la -France que Christine avait ses principales correspondances.—La -France avait alors la supériorité en tout, et attirait l'attention de -l'Europe entière.—Un mouvement nouveau s'y faisait remarquer -dans les esprits.—Entretien à ce sujet, rapporté par Saint-Évremond.—Portrait -que Saint-Évremond trace des précieuses de cette époque, -bien avant Molière.—Discussions produites par les jansénistes.—Courte -exposition de ces discussions.—Publications des -Provinciales. Jugement sur cet ouvrage.—Effet qu'il produit.</p> - -<p class="space">Cette circonstance de l'arrivée du maréchal et de madame -la maréchale de Schomberg et les lettres de Bussy -démontrent que madame de Sévigné continua de résider -à Paris pendant le cours de cette année 1656<a id="FNanchor_126" href="#Footnote_126" class="fnanchor"> [126]</a>. Elle fut -<span class="pagenum"><a id="Page_69"> 69</a></span> -donc témoin de toutes les fêles qui se donnèrent à la cour -et chez les grands; et peut-être figura-t-elle dans les -ballets et les mascarades, pour lesquels le jeune roi montrait -de jour en jour plus d'inclination, et auxquels la reine -et Mazarin se prêtaient. Le roi aimait aussi les courses -de chevaux, les jeux de bagues, les carrousels, et il les -renouvela cette année. Pendant le carrousel, il se plut à -courir par la ville avec son frère sous divers déguisements, -et à s'affranchir de toute étiquette<a id="FNanchor_127" href="#Footnote_127" class="fnanchor"> [127]</a>. Madame de Sévigné -dut avoir plus d'une occasion de s'entretenir avec lui, -non-seulement au milieu de ces grands divertissements, -mais chez la princesse de Conti, chez la duchesse de Mercœur, -et chez d'autres jeunes femmes d'un moindre rang, -auxquelles elle se complaisait à faire des visites fréquentes -et familières; et enfin chez le surintendant Fouquet, qui -lui donnait, ainsi qu'au roi, à la reine et à toute la cour, -de somptueux repas dans son château de Saint-Mandé<a id="FNanchor_128" href="#Footnote_128" class="fnanchor"> [128]</a>. -Malgré tous ces moyens de dissipation, le théâtre et les -concerts publics n'étaient pas moins fréquentés. La médiocre -tragédie de Thomas Corneille (<i>Timocrate</i>) eut un -succès qui rappela celui des chefs-d'œuvre de son frère, et -les représentations en furent suivies tout l'hiver avec un -<span class="pagenum"><a id="Page_70"> 70</a></span> -empressement qui n'avait pas encore été égalé<a id="FNanchor_129" href="#Footnote_129" class="fnanchor"> [129]</a>. Le roi -vint exprès au Théâtre du Marais, pour voir jouer cette -pièce.</p> - -<p>Les ressentiments que les divisions de partis avaient -fait naître s'affaiblissaient et disparaissaient, par l'effet de -ces fréquentes réunions, où l'on goûtait en commun les -mêmes plaisirs. Les mariages, que des penchants mutuels -ou des convenances de rang et de fortune faisaient contracter, -formaient chaque jour des alliances étroites entre -des familles que les haines politiques séparaient auparavant. -Les exilés étaient presque tous rappelés, et le sort -de ceux qui ne l'étaient pas était adouci<a id="FNanchor_130" href="#Footnote_130" class="fnanchor"> [130]</a>. On avait même -permis à <span class="small1">Mademoiselle</span> de s'approcher de Paris, et elle -avait profité de cette permission pour donner une fête superbe -au roi et à la reine d'Angleterre, dans son château -de Chilly. Gaston n'avait pas encore quitté Blois, mais il -avait fait son arrangement avec la cour, et il devait -bientôt y reparaître. Tous ces actes de clémence donnaient -de la sécurité, et augmentaient l'allégresse générale. -Elle se répandit dans les provinces, où l'on cherchait -aussi à imiter la capitale, qui elle-même se modelait sur -la cour.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_71"> 71</a></span> -Ce n'est pas qu'on fût complétement satisfait: les changements -dans les monnaies occasionnèrent des murmures; -on avait, sur de simples soupçons, renfermé plusieurs -personnes à la Bastille: mais ces sujets de mécontentement -ne pouvaient contre-balancer le bien-être que l'on -éprouvait de se voir délivré des factions et des guerres -civiles, par le rétablissement de l'autorité royale.</p> - -<p>La mort de Hugues de Rabutin, grand prieur du -Temple, qui eut lieu cette année, vers le commencement -de juin, ne mit point obstacle aux plaisirs auxquels madame -de Sévigné se livrait à cette brillante époque de son -existence. Ce grand prieur avait les manières rudes et impolies -d'un corsaire; il en avait aussi les mœurs dissolues: -il rappelait à madame de Sévigné tous les défauts et les -vices de son mari, sans aucune de ses qualités. Au grand -contentement de notre jeune veuve, Hugues de Rabutin -donna tout ce qu'il possédait à son neveu, le comte de -Bussy.</p> - -<p>Celui-ci, dans les lettres qu'il écrivait à sa cousine, -lui rendait compte des événements de la campagne<a id="FNanchor_131" href="#Footnote_131" class="fnanchor"> [131]</a>; -et par la part qu'il y eut, par le grade qu'il occupait -dans l'armée, les détails auxquels il se livre sont précieux -pour l'histoire, et plus certains que ceux des relations -officielles; car la politique, l'intérêt du moment, -tendent toujours dans ces sortes de relations à fausser -la vérité. Nous apprenons encore par ces lettres de -Bussy qu'il était en correspondance réglée avec Corbinelli, -et que celui-ci communiquait exactement à madame -de Sévigné toutes les nouvelles qu'il recevait par -<span class="pagenum"><a id="Page_72"> 72</a></span> -ce canal. Le marquis de la Trousse, cousin germain de -madame de Sévigné, était dans l'armée; elle s'intéressait -vivement à lui, et Bussy a grand soin de faire part à sa -cousine de tout ce qui concerne ce jeune homme<a id="FNanchor_132" href="#Footnote_132" class="fnanchor"> [132]</a>.</p> - -<p>Les événements qui font la matière des lettres de Bussy -étaient d'une grande importance. Condé avait délivré Valenciennes -avec autant de bonheur que Turenne avait fait -pour Arras; et Turenne, de même que Condé, s'était -illustré par une savante retraite, qui aux yeux des gens de -guerre contribua plus à sa réputation qu'une victoire; ou -plutôt cette défaite même, que l'obstination du maréchal de -la Ferté avait causée, devint pour Turenne l'occasion d'un -triomphe. Après une marche rapide et déguisée, il se présenta -devant la Capelle, et prit cette place, avec tous les -magasins que les ennemis y avaient déposés<a id="FNanchor_133" href="#Footnote_133" class="fnanchor"> [133]</a>.</p> - -<p>Quoique le jeune roi allât chaque année rejoindre l'armée -et emmenât avec lui une portion de sa cour, cependant -la guerre n'interrompait point les plaisirs ni le -mouvement ordinaire de la capitale. Les armées de part -et d'autre étaient alors peu nombreuses; on ne s'était pas -encore habitué, dans les calculs de l'ambition ou dans les -combinaisons belliqueuses, à compter les hommes pour -peu de chose, et l'on évitait d'ajouter aux effets destructeurs -des combats ceux des rigueurs de l'hiver. D'un -commun accord, on évitait de se mesurer avec ce terrible -ennemi; on se cantonnait, et l'on restait en repos tout le -<span class="pagenum"><a id="Page_73"> 73</a></span> -temps que durait cet engourdissement de la nature; on -entrait tard en campagne, et les officiers généraux ne se -rendaient à l'armée que lorsque les opérations allaient -commencer, c'est-à-dire en mai ou en juin; et ils revenaient -souvent en ville en septembre et en octobre. Grâce -au génie de Turenne, on redoutait peu les suites de la -guerre. Avec lui toujours on espérait des succès; et lorsqu'il -y avait des revers, on ne se laissait pas décourager, -parce qu'on s'attendait à les voir presque aussitôt réparés. -Ce grand capitaine prévoyait toutes les chances possibles -de la fortune, et savait en effet la retenir avec fermeté au -moment même où elle se disposait à lui échapper.</p> - -<p>Ainsi cette année le roi ne partit que le 27 mai<a id="FNanchor_134" href="#Footnote_134" class="fnanchor"> [134]</a>, et -il était de retour au 9 octobre<a id="FNanchor_135" href="#Footnote_135" class="fnanchor"> [135]</a>. Bussy ne quitta l'armée -que le 2 novembre<a id="FNanchor_136" href="#Footnote_136" class="fnanchor"> [136]</a>, et se rendit en Bourgogne, où ses -affaires l'appelaient; mais il passa par Paris, et revint y -séjourner pendant l'hiver. Les plaisirs qu'on y goûtait -n'avaient souffert aucune interruption; des occasions extraordinaires -s'étaient présentées qui même leur avaient -donné une nouvelle activité. Après le départ du duc de -Modène, reçu avec une pompe et des honneurs qui excitèrent -la jalousie et blessèrent l'orgueil du duc de Mantoue<a id="FNanchor_137" href="#Footnote_137" class="fnanchor"> [137]</a>, -vint la visite de la princesse d'Orange à sa mère la -reine d'Angleterre<a id="FNanchor_138" href="#Footnote_138" class="fnanchor"> [138]</a>, puis ensuite le premier voyage de la -reine Christine en France. Le gouvernement du jeune -monarque se surpassa en magnificence et en générosité -<span class="pagenum"><a id="Page_74"> 74</a></span> -hospitalière et chevaleresque, par la réception qui fut -faite à cette reine virile. La curiosité qu'elle excita fut -si vive et si générale, qu'elle fit quelque temps diversion -à l'attention que l'on portait aux événements de la guerre, -aux cercles des précieuses, et aux disputes religieuses, -qui par la publication des premières Provinciales avaient -acquis un nouveau degré de chaleur.</p> - -<p>Cette fille du grand Gustave, qui parvint jeune à la -couronne, s'était rendue célèbre par l'énergie de son -caractère, son application aux affaires, ses liaisons et -ses correspondances avec les savants et les hommes les -plus éminents de son temps. Elle s'était faite leur disciple, -et se montrait digne d'être leur émule; mais à -vingt-huit ans elle résigna son sceptre, changea de religion, -et se retira à Rome, pour se livrer sans distraction -à ses penchants pour l'étude. Par cet acte extraordinaire -elle s'attira des éloges universels, et fut l'objet de l'admiration -générale; car c'est une opinion vulgaire et une -erreur commune de penser qu'il n'y a rien de plus grand -que le mépris des honneurs, des richesses, et de la puissance: -le véritable héroïsme consiste à soutenir avec -force le fardeau d'un rang éminent quand la destinée -nous l'a imposé, et non pas à la répudier. Quiconque -eut son berceau placé sur un trône ne doit quitter ce -trône que pour un tombeau. En descendre, c'est se dégrader; -se démettre de ses devoirs n'est pas s'en affranchir, -mais les méconnaître. L'histoire nous démontre, -par tous ceux qui ont donné de tels exemples au monde, -que les souverains qui veulent entrer dans la vie privée -ne trouvent ni en eux-mêmes ni dans les autres les -moyens de s'y faire admettre, et qu'en cherchant à -éviter les soucis des grandeurs, ils ne peuvent se procurer -<span class="pagenum"><a id="Page_75"> 75</a></span> -les avantages des humbles conditions. On sait ce qu'ils ne -sont plus, on ignore ce qu'ils sont, et on ne sait pas bien -ce qu'ils veulent être. Dépossédés des avantages de la -puissance, ils ne peuvent acquérir les douceurs de la liberté; -les soupçons ombrageux de la politique poursuivent -également le monarque qui est descendu du trône -de plein gré et celui qui en a été précipité malgré lui: -car en tous deux résident des droits indélébiles, que la -force ou la volonté n'ont pu anéantir, et que la force ou -la volonté peuvent faire renaître; tous deux éprouvent -la même contrainte dans leurs actions et dans leurs -paroles; ils sont hors des lois communes, et sont mal -protégés par elles. Aussi les actes pareils à ceux de la -reine Christine ont-ils été toujours suivis d'un long repentir: -elle-même, malgré sa philosophie, ne put échapper -à l'ordinaire destinée de ceux qui ont cessé de porter -la couronne<a id="FNanchor_139" href="#Footnote_139" class="fnanchor"> [139]</a>.</p> - -<p>Les dames françaises dont Christine goûta le plus l'esprit -et les manières furent Ninon<a id="FNanchor_140" href="#Footnote_140" class="fnanchor"> [140]</a>, les comtesses de Brégy -et de la Suze<a id="FNanchor_141" href="#Footnote_141" class="fnanchor"> [141]</a>, et la marquise de Sévigné. Notre jeune -veuve avait fait sur cette reine une impression dont elle -<span class="pagenum"><a id="Page_76"> 76</a></span> -garda le souvenir; car lorsqu'elle fut de retour à Rome, -elle en fit l'éloge dans une lettre qu'elle écrivit à un de ses -correspondants de France<a id="FNanchor_142" href="#Footnote_142" class="fnanchor"> [142]</a>.</p> - -<p>C'est en effet avec la France que Christine entretenait -la plus grande partie de ses relations littéraires<a id="FNanchor_143" href="#Footnote_143" class="fnanchor"> [143]</a>. Aucun -autre pays n'offrait alors autant d'hommes remarquables et -de génies supérieurs. Descartes et Corneille s'étaient, chacun -dans leur genre, élevés à une hauteur à laquelle aucun -de leurs contemporains en Europe ne pouvait prétendre. -Les guerres qui avaient lieu n'étaient pas de celles où le -sort des combats dépend uniquement de l'art de réunir à -temps des masses énormes et nombreuses pour les précipiter -les unes sur les autres, et où, après un immense carnage, -celui qui pouvait faire donner la dernière réserve -était certain de rester maître du champ de bataille. Les armées -étaient peu nombreuses; elles pouvaient se mouvoir -facilement: tout dépendait de l'habileté des chefs et de la -valeur des troupes; et les nobles, qui s'y trouvaient en -grand nombre et en formaient l'élite, leur donnaient -l'exemple, et s'exposaient les premiers au péril. C'était -pour la France un grand malheur, mais aussi un grand -honneur, que les armées qui combattaient contre elle, -comme celles qui combattaient pour elle, fussent commandées -par des Français, et que ces Français eussent acquis -la réputation d'être les plus grands capitaines de leur -temps. L'Europe entière était attentive à cette lutte que -<span class="pagenum"><a id="Page_77"> 77</a></span> -la suite des événements avait établie entre Condé et Turenne, -et où tous deux déployaient un génie qui accroissait -encore leur grande renommée et excitait l'admiration -des plus illustres guerriers.</p> - -<p>Ce spectacle n'était pas le seul qui fût digne de fixer -alors l'attention des étrangers sur la France; elle en offrait -un autre, que Christine était bien capable d'apprécier. -Un mouvement nouveau et extraordinaire se faisait -remarquer dans les esprits. L'exemple donné par l'hôtel de -Rambouillet fructifiait; l'instruction se répandait, et devenait -en honneur parmi ces nobles qui faisaient autrefois -gloire de leur ignorance. Le spirituel Saint-Évremond -a raconté avec sa grâce accoutumée une conversation -dont il fut témoin, qui peint à merveille l'état de la -cour, et le contraste qu'offraient à cette époque les jeunes -seigneurs à la mode, et ceux qui, plus âgés, étaient -restés partisans des anciennes mœurs et des anciennes -habitudes.</p> - -<p>La présence de la reine Christine en France fut l'occasion -de ce dialogue, dont les principaux interlocuteurs -étaient Guillaume Bautru, comte de Serrant, connu par -ses bons mots et son savoir, et d'autant plus grand partisan -de la reine Christine qu'il en avait été fort goûté; -le commandeur de Jars, de la maison de Rochechouart, -bon guerrier, homme de grand sens, mais qui se vantait -de ne rien devoir aux lettres ni aux sciences, et qui faisait -gloire de mépriser ce qu'il appelait leur jargon<a id="FNanchor_144" href="#Footnote_144" class="fnanchor"> [144]</a>; de -Lavardin, évêque du Mans, fort décrié par ses mœurs, -recherché pour les délices de sa table, beau parleur, -l'ornement des cercles des précieuses, qui admiraient son -<span class="pagenum"><a id="Page_78"> 78</a></span> -langage fleuri, correct, mais diffus<a id="FNanchor_145" href="#Footnote_145" class="fnanchor"> [145]</a>. D'Olonne et Saint-Évremond, -tous deux présents, se contentèrent d'écouter, -et ne prirent point de part à cet entretien. Mais comme -avant qu'il ne fût terminé le comte d'Olonne quitta le -salon, Saint-Évremond crut devoir lui envoyer dans une -lettre le récit suivant, dont nous allons emprunter la -substance.</p> - -<p>Bautru entama un éloge pompeux de la reine Christine, -qui, disait-il, parlait huit langues, et ne s'était montrée -étrangère à aucun genre de connaissances. Tout à coup le -commandeur de Jars se leva, et ôtant son chapeau d'un air -tout particulier: «Messieurs, dit-il, si la reine de Suède n'avait -su que les coutumes de son pays, elle y serait encore: -pour avoir appris notre langue et nos manières, pour s'être -mise en état de réussir huit jours en France, elle a perdu -son royaume. Voilà ce qu'ont produit sa science et ses lumières, -que vous nous vantez.» Alors Bautru de perdre -patience, de s'étonner qu'on puisse être si ignorant; puis -de citer Charles-Quint, Dioclétien, Sylla, et tous ceux qui -se sont montrés admirables en se démettant du souverain -pouvoir; puis enfin de mettre en avant Alexandre, César, -M. le prince de Condé, M. de Turenne, et tous les grands -capitaines qui ont estimé les lettres et les ont cultivées..... -Bautru aurait continué longtemps, si le commandeur, impatienté, -ne l'eût interrompu avec tant d'impétuosité, qu'il -fut contraint de se taire. «Vous nous en contez bien, -dit-il, avec votre César et votre Alexandre. Je ne sais s'ils -étaient savants ou non savants: il ne m'importe guère; -mais je sais que de mon temps on ne faisait étudier les -<span class="pagenum"><a id="Page_79"> 79</a></span> -gentils-hommes que pour être d'Église; encore se contentaient-ils -le plus souvent du latin du bréviaire. Ceux que -l'on destinait à la cour ou à l'armée allaient honnêtement -à l'académie; ils apprenaient à monter à cheval, à danser, -à faire des armes, à jouer du luth, à voltiger, un -peu de mathématique, et c'était tout. Vous aviez en France -mille beaux gens d'armes, galants hommes. C'est ainsi -que se formaient les de Thermes<a id="FNanchor_146" href="#Footnote_146" class="fnanchor"> [146]</a> et les Bellegarde<a id="FNanchor_147" href="#Footnote_147" class="fnanchor"> [147]</a>. -Du latin! de mon temps du latin! un gentil-homme en eût -été déshonoré. Je connais les grandes qualités de M. le -Prince, et suis son serviteur; mais je vous dirai que le dernier -connétable de Montmorency a su maintenir son -crédit dans les provinces et sa considération à la cour -sans savoir lire. Peu de latin, vous dis-je, et de bons -Français!»</p> - -<p>Bautru, retenu par la goutte sur son fauteuil, ne pouvait -se contenir; il faisait des efforts pour se lever, et allait -répliquer, quand le prélat, charmé de trouver une si -belle occasion de faire briller son savoir et sa belle élocution, -étendit les bras entre les deux interlocuteurs, trois -fois toussa avec méthode, trois fois sourit agréablement -à l'apologiste de l'ignorance; puis, lorsqu'il crut avoir -suffisamment composé sa physionomie, il dit qu'il allait -concilier les deux opinions; et il prononça un discours -gonflé de fleurs de rhétorique, chamarré de comparaisons -subtiles, embarrassé de distinctions frivoles, obscurci par -d'inutiles définitions; ne cessant, pendant qu'il parlait, -d'accompagner sa voix de gestes méthodiques, marquant -du doigt indicateur le commencement, le milieu et la fin -<span class="pagenum"><a id="Page_80"> 80</a></span> -de chacune de ses longues périodes. Le commandeur ne -put y tenir. «Il faut finir la conversation, reprit-il brusquement; -j'aime encore mieux sa science et son latin -que le grand discours que vous faites.» Bautru, de son -côté, avoua qu'il préférait l'agréable ignorance du commandeur -aux paroles magnifiques du prélat.</p> - -<p>Ainsi finit cet entretien. L'évêque se retira en montrant -une grande satisfaction de lui-même, et en paraissant -avoir pitié de ces deux gentils-hommes, si peu en état -d'apprécier la véritable éloquence et les savants artifices -de l'argumentation, l'un parce qu'il n'avait aucune -étude, l'autre à cause de la fausse direction des siennes<a id="FNanchor_148" href="#Footnote_148" class="fnanchor"> [148]</a>.</p> - -<p>Le parti de ceux qui prônaient la doctrine du commandeur -de Jars était partout le plus faible; le goût de l'instruction -était général dans les hautes classes de la société; -l'ascendant des femmes et leur influence sur le bon ton, -le savoir-vivre et la politesse des manières, s'accroissaient -encore par les inclinations naissantes du jeune monarque, -par les ballets, les réunions, les divertissements, -devenus de plus en plus fréquents. Plusieurs cercles s'étaient -établis à l'imitation de celui de l'hôtel de Rambouillet; -et quelques-uns offraient dans l'exagération -de leur modèle des côtés ridicules, qui furent aussitôt -saisis par les bons esprits, et que Saint-Évremond fit -ressortir dans une satire intitulée <i>le Cercle</i><a id="FNanchor_149" href="#Footnote_149" class="fnanchor"> [149]</a>. Cette pièce, -faiblement versifiée, offre des tableaux moins comiques, -mais peut-être plus exacts, que ceux de la comédie de -Molière sur les précieuses, qui ne fut écrite que trois -ans après. -<span class="pagenum"><a id="Page_81"> 81</a></span></p> - -<p>Saint-Évremond, dans sa satire, nous présente d'abord -le portrait d'un habitué</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i13"> De certaine ruelle</p> -<p>Où la laide se rend aussi bien que la belle,</p> -<p>Où tout âge, où tout sexe, où la ville et la cour</p> -<p>Viennent prendre séance en l'école d'amour.</p> -</div></div> - -<p>D'abord il peint la prude</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i10"> qui partage son âme</p> -<p>Entre les feux humains et la divine flamme;</p> -</div></div> - -<p>la coquette surannée, et la jeune coquette, qui n'a que la -vanité en tête,</p> - -<p class="quote">Contente de l'éclat que fait la renommée;</p> - -<p>et la coquette solide, qui,</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i5"> opposée à tous ces vains dehors,</p> -<p>Se veut instruire à fond des intérêts du corps.</p> -</div></div> - -<p>Puis</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>L'intrigueuse vient là, par un esprit d'affaire;</p> -<p>Écoute avec dessein, propose avec mystère;</p> -<p>Et, tandis qu'on s'amuse à discourir d'amour,</p> -<p>Ramasse quelque chose à porter à la cour.</p> -</div></div> - -<p>Mais le portrait de la vraie précieuse, de la précieuse -sentimentale, platonique, de la précieuse subtile et doctrinaire, -est celui qui est tracé avec le plus de bonheur et -de vérité:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Dans un lieu plus secret, on tient la précieuse</p> -<p>Occupée aux leçons de morale amoureuse.</p> -<p>Là se font distinguer les fiertés des rigueurs,</p> -<p>Les dédains des mépris, les tourments des langueurs.</p> -<p>On y sait démêler la crainte et les alarmes;</p> -<p>Discerner les attraits, les appas, et les charmes:</p> -<p>On y parle du temps que forme le désir</p> -<p>(Mouvement incertain de peine et de plaisir).</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_82"> 82</a></span></div> -<p>Des premiers maux d'amour on connaît la naissance;</p> -<p>On a de leurs progrès une entière science;</p> -<p>Et toujours on ajuste à l'ordre des douleurs</p> -<p>Et le temps de la plainte et la saison des pleurs.</p> -</div></div> - -<p>On sait que la reine Christine ayant demandé qu'on lui -donnât une définition des précieuses, Ninon lui répondit -que «c'étaient les jansénistes de l'amour».</p> - -<p>Les jansénistes faisaient alors encore plus de bruit dans -le monde que les précieuses; mais s'ils condamnaient les -faiblesses en religion comme les précieuses en amour, -ils ne réduisaient pas le culte au sentiment, ils mettaient -en pratique ses préceptes. Le nombre des solitaires de -Port-Royal s'était accru: cependant il n'allait pas au delà -de vingt-sept; mais ces vingt-sept personnes, par leur -conviction profonde, par leur zèle ardent, leurs vertus, -leur abnégation pour le monde, leur savoir, leur indépendance, -le génie supérieur de quelques-uns d'entre eux, -leurs amis et leurs nombreux sectateurs, partout répandus, -formaient une association qui luttait avec l'ordre puissant -des jésuites, avec les abus de la cour de Rome, et la molle -complaisance des ecclésiastiques envers les puissants.</p> - -<p>La publication du livre d'Arnauld sur la <i>fréquente -communion</i> avait réveillé la haine des jésuites contre la -secte qui s'était attachée à l'<i>Augustinus</i> de Jansénius, contenant, -selon eux, la véritable exposition de la foi catholique. -A l'occasion de ce livre de Jansenius, on fit rédiger -cinq propositions, qu'on prétendit être le résumé de sa -doctrine, et on les déféra au pape, qui les condamna. Les -jansénistes souscrivirent à cette condamnation des cinq -propositions, mais ils soutinrent qu'elles n'étaient point -dans Jansenius. Une assemblée d'évêques, suscitée par -Mazarin et les jésuites, sur le rapport des commissaires -<span class="pagenum"><a id="Page_83"> 83</a></span> -qu'elle avait nommés, décida que les cinq propositions -étaient dans Jansenius. Le livre d'Arnauld sur la fréquente -communion fut en même temps déféré à la Sorbonne, -où les docteurs se divisèrent. La dispute s'échauffa: -soixante-dix docteurs furent expulsés. Le livre d'Arnauld -fut censuré. Une nouvelle bulle du pape reconnut que les -propositions étaient dans Jansenius: on rédigea un acte -ou formulaire, que tous les prêtres, les religieux et les -religieuses devaient souscrire, en signe de leur orthodoxie -et de leur entière union avec le saint-siége. On avait -à combattre une opinion évidemment contraire aux -dogmes de l'Église comme à une saine philosophie; une -opinion qui introduisait dans la religion la doctrine du -fatalisme, et enlevait à l'homme son libre arbitre. Au -lieu de recourir aux moyens de douceur et de persuasion, -les seuls permis aux défenseurs de la foi, on employa la -rigueur et la persécution; et en intéressant ainsi toutes les -âmes généreuses au sort de ceux que l'erreur avait égarée, -on fit son succès, on contribua à la propager.</p> - -<p>Les jansénistes voulaient à la fois résister aux décisions -du pape et se considérer comme des fidèles qui lui étaient -soumis comme au chef de l'Église: c'est alors que, pour -justifier leur résistance et tranquilliser leurs consciences, -ils imaginèrent la subtile distinction du fait et du droit. -Ils reconnaissaient que pour être sauvé on devait une soumission -entière, une foi divine au pape et à l'Église, dans -tout ce qui concernait le dogme, parce que le pape et -l'Église avaient dans ces matières une autorité divine; -mais que quand il s'agissait d'un fait, le pape et l'Église -ne pouvaient réclamer des fidèles qu'une foi humaine, -c'est-à-dire que chacun était libre de décider selon sa conscience. -On devait donc condamner les cinq propositions, -<span class="pagenum"><a id="Page_84"> 84</a></span> -d'après la décision du pape; mais on n'était pas forcé de -croire d'après la seule assertion du pape et des évêques, -que ces cinq propositions fussent dans Jansenius.</p> - -<p>Il y a trois principes de nos connaissances, de nos convictions: -les sens, la raison, et la foi. Tout ce qui est surnaturel -et touche à la révélation se juge par l'Écriture et -les décisions de l'Église, et est du ressort de la foi; tout ce -qui est naturel, et n'est pas relatif à la révélation, se décide -par la raison naturelle. Quant aux faits, on n'est tenu -qu'à en croire ses sens. Les propositions qui ne reposent que -sur des faits, c'est aux sens seuls qu'il appartient d'en -connaître. Dieu n'a pas voulu que jamais la foi pût anéantir -la conviction qui résulte du témoignage des sens, ni que -cette conviction pût être soumise en nous à aucune autorité; -car c'eût été vouloir l'impossible, et anéantir notre -propre nature. Les décisions du pape et de l'Église ne -peuvent donc enchaîner la conscience en ce qui concerne -les faits non révélés.</p> - -<p>Ainsi raisonnaient les jansénistes; et comme ils soutenaient -que les propositions condamnées n'étaient pas dans -Jansenius, ils refusaient de se soumettre à la bulle du -pape qui déclarait qu'elles y étaient; ils prétendaient que -le pape avait été surpris et trompé. Toute cette contestation -reposait sur une subtilité qui semble presque puérile. Il -était bien constant qu'on ne pouvait trouver textuellement -les cinq propositions dans le livre de l'évêque d'Ypres; -mais, selon les juges les plus impartiaux sur ces matières, -ces cinq propositions résultaient des doctrines exposées -dans ce livre, et en étaient la substance. Il fallait bien -cependant que les jansénistes ne pensassent point ainsi, -puisqu'ils donnaient leur consentement à la bulle qui les -condamnait.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_85"> 85</a></span> -Quoi qu'il en soit, le refus de reconnaître que ces cinq -propositions fussent dans le livre de Jansenius devint le -prétexte d'une persécution contre les vingt-sept solitaires -de Port-Royal. On les expulsa de leur champêtre asile, et -on les força de se disperser. Seulement Arnault d'Andilly, -qui avait rendu de grands services à l'État dans les hauts -emplois de la diplomatie, dont l'attachement au gouvernement -était connu, qui inspirait la plus entière confiance -à la reine et à Mazarin, et était aimé d'eux, obtint qu'aucune -violence ne serait exercée contre les paisibles habitants -de la vallée. On se contenta de leur intimer les -ordres du roi; et la promesse qu'Arnauld avait faite en -leur nom, qu'ils y obéiraient sur-le-champ, fut exécutée. -«Je ne dirai point à votre éminence, écrivait Arnauld au -cardinal, que j'obéirai; mais je lui dirai que j'ai commencé -à obéir en quittant la sainte maison où Dieu, par sa miséricorde, -m'a donné le dessein de finir mes jours; et je -continuerai d'obéir en allant demain à Pomponne, que je -ne regarde plus comme ma maison, quoique je l'aie fort -aimée, mais comme le lieu de mon exil, et d'un exil si -douloureux, que rien ne m'y peut faire vivre que ma confiance -en la bonté dont la reine et votre éminence m'honorent. -Ainsi mon prompt retour dans mon heureuse retraite -n'étant pas une simple grâce que je demande à votre -éminence, mais une grâce qui m'importe de tout, je la -supplie de considérer les jours de mon bannissement -comme elle ferait les années pour d'autres<a id="FNanchor_150" href="#Footnote_150" class="fnanchor"> [150]</a>.»</p> - -<p>C'est dans ces circonstances, c'est lorsque la violation -de tous les droits, des actes d'une tyrannie arbitraire, -avaient rendu les jansénistes l'objet de l'intérêt général, -<span class="pagenum"><a id="Page_86"> 86</a></span> -que parurent les lettres intitulées <i>les Provinciales</i><a id="FNanchor_151" href="#Footnote_151" class="fnanchor"> [151]</a>: la -première est datée du 23 janvier 1656, et la dernière du -24 mars 1657.</p> - -<p>Jamais pamphlets ne produisirent un effet plus puissant; -jamais une cause ne fut défendue avec plus de -talent; jamais une attaque ne fut dirigée avec une si terrible -énergie, ni combinée et graduée avec un art plus -subtil. Pour concevoir le succès que durent avoir ces -écrits, qui paraissaient de mois en mois, il faut se rappeler -ce que nous avons déjà dit, qu'à cette époque, où -l'on remarquait tant d'ardeur pour le plaisir, tant d'intrigues -immorales, tant d'aventures scandaleuses, le sentiment -religieux était fortement empreint dans les esprits: -ceux qui étaient le plus plongés dans les délices du -monde les interrompaient souvent pour satisfaire ce besoin -de l'âme; et même quelquefois ils les quittaient pour -toujours, afin de s'occuper uniquement de Dieu et de -leur salut. Leurs compagnons de plaisirs admiraient et -enviaient leurs résolutions; et, dans le vide et l'ennui -que laissent toujours après elles les passions satisfaites, -ils regrettaient fréquemment de n'avoir pas le courage de -les imiter.</p> - -<p>Avec une telle disposition des esprits, comment pouvait-on -ne pas être charmé d'un écrivain qui donnait aux -raisonnements les mieux enchaînés, aux discussions les plus -savantes, la forme d'un dialogue animé, la gaieté d'une -scène comique, le sel mordant d'une satire enjouée, l'autorité -<span class="pagenum"><a id="Page_87"> 87</a></span> -d'une doctrine irréfragable, l'entraînement de la -plus sublime éloquence? L'intérêt qu'inspiraient de tels -écrits s'augmentait encore quand on savait qu'ils étaient -composés pour venger des solitaires vertueux et inoffensifs, -de saintes et faibles religieuses, des hommes admirés -de l'Europe entière par le noble usage qu'ils faisaient de -leur génie et de leurs loisirs, des femmes d'un mérite -supérieur, gloire et modèle de leur sexe; quand on -songeait qu'ils étaient opprimés au nom de la religion -par un ministre qui, après avoir enlevé à tous la liberté -politique avec une armée de soldats, voulait avec une -armée de religieux ravir aussi à tous la liberté de conscience, -et anéantir toute discussion sur les intérêts spirituels, -comme il l'avait déjà fait sur les intérêts temporels.</p> - -<p>Qu'on ne s'étonne pas qu'un livre composé pour une -lutte qui n'existe plus, et pour un temps si différent du -nôtre, ait survécu à l'époque qui le vit naître, aux motifs -qui le firent écrire, et qu'il captive encore tellement notre -attention, qu'on ne peut en quitter la lecture, lorsqu'une -fois on l'a commencée. Ceux-là même qui l'ont le plus loué -n'y ont vu qu'un livre de controverse religieuse, qu'un -ouvrage de circonstance, et n'ont pas su apercevoir, sous -la forme spéciale et théologique qui la déguise, toute la -grandeur des questions qui y sont traitées. Les vérités -qu'on y agite ne sont ni fugitives ni périssables; ce sont -celles qui intéressent le plus l'homme sociable et l'homme -religieux. Le système des opinions probables et de la direction -d'intention, qu'est-ce autre chose que la vieille -dispute des stoïciens et des sceptiques? Quel est celui qui -ne fait pas un retour plein d'effroi sur lui-même, alors que -l'auteur des Provinciales prouve, avec une évidence qui -<span class="pagenum"><a id="Page_88"> 88</a></span> -s'accroît à chaque page, que les principes de la morale ne -peuvent se modifier ni se laisser fléchir; et que si par la -faiblesse de notre nature on est amené à se permettre la -moindre déviation, le premier pas nous conduit, par une -route de plus en plus divergente, jusque dans l'abîme du -crime et de la folie? Ne sentons-nous pas que nos passions, -nos vices et notre égoïsme sont des casuistes toujours prêts -à égarer notre conscience, et l'obligent à des capitulations -qui tendent à altérer sa pureté, et même à la pervertir entièrement? -Ces disputes, qui paraissent toutes théologiques, -sur la grâce suffisante et insuffisante, diffèrent-elles -en rien des doutes et des croyances sur l'absence ou l'existence -de l'intervention céleste dans les choses terrestres, -et sur la liberté de l'homme dans ses rapports avec Dieu? -A quelle époque et chez quel peuple civilisé les philosophes -ont-ils cessé de se partager sur ces questions, ou se sont-ils -abstenus de les discuter? En est-il en effet de plus -hautes? en est-il qui intéressent plus l'homme en général? -En est-il qui embrassent d'une manière plus complète -toute sa destinée dans sa vie présente et mortelle et dans -son immortel avenir?</p> - -<p>Le voile dont se couvrait l'auteur de ces lettres, et qui -fut quelque temps avant de pouvoir être soulevé, contribua -encore à leur réputation. Quand on sut quel était le -nom célèbre que cachait le nom obscur de Montalte, et -que Blaise Pascal, connu par ses sublimes découvertes -en physique et en mathématiques, était celui que l'on cherchait, -la surprise se mêla à l'admiration. Tout le monde -voulut lire ces écrits théologiques du jeune et savant géomètre. -Madame de Sévigné, qui avait parmi les solitaires -de Port-Royal des amis dévoués, lut donc aussi les <i>Petites -Lettres</i> (c'est ainsi qu'on les appelait alors); elle les lut -<span class="pagenum"><a id="Page_89"> 89</a></span> -avec l'intérêt puissant qu'excitaient en elle le sujet et les -personnages; elle se pénétra des doctrines qu'elles contenaient. -Nous nous en apercevons souvent en lisant ce -qu'elle a écrit, et par cette raison nous avons dû signaler -l'époque de leur apparition comme une circonstance essentielle -dans sa vie.</p> - -<p>L'effet des <i>Provinciales</i> ne se borna pas à exciter -une stérile admiration. L'opinion publique fut tellement -émue par elles, elles excitèrent une telle clameur, qu'elles -forcèrent en quelque sorte l'autorité à permettre que les -solitaires de Port-Royal reprissent possession de leur vallée -chérie, et rouvrissent leur savante école: le gouvernement -permit encore aux saintes vierges du couvent de les encourager -par leurs prières, tandis qu'eux-mêmes les instruisaient -par leurs discours et les édifiaient par leurs -exemples<a id="FNanchor_152" href="#Footnote_152" class="fnanchor"> [152]</a>.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_90"> 90</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE VIII.<br /> -<span class="medium">1657-1658.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Soins que madame de Sévigné donne à l'éducation de ses deux enfants.—Leur -amitié prouve qu'ils ont été élevés ensemble.—Services -rendus par les jésuites à l'éducation publique.—Révolution dans -la philosophie, produite par Descartes. Elle donne l'impulsion -aux écrivains de Port-Royal.—Bossuet paraît.—Sa doctrine, fondée -sur les saintes Écritures, ne s'appuie ni sur Jansenius ni sur les -jésuites.—Madame de Sévigné fait l'éducation de ses enfants sous -l'influence de ces divers systèmes.—Elle les résume tous en elle.—Sa -fille s'instruit dans la philosophie de Descartes, et est moins -religieuse que sa mère.—Son fils est conduit par l'influence du -jansénisme aux pratiques de la plus haute dévotion.—La vie de -l'une comme celle de l'autre prouvent combien leur éducation fut -soignée.—Caractère de madame de Grignan.—Caractère du marquis -de Sévigné.—Différence d'opinion entre la mère, la fille, et -le fils, en matière de littérature.—De l'abbé Arnauld, et de l'origine -de sa liaison avec madame de Sévigné.—Ce qu'il dit d'elle -lorsqu'il la rencontra pour la première fois avec ses enfants.</p> - -<p class="space">Les deux enfants de madame de Sévigné étaient tous -deux parvenus à cet âge qui tient le milieu entre l'enfance -et l'adolescence, et que les anciens exprimaient par un -mot qui manque à notre langue. Les soins qu'elle donnait -à leur éducation devenaient de jour en jour plus importants -et plus nécessaires; et sans doute une partie du temps -qu'elle était habituée à sacrifier aux amusements du -monde fut consacrée aux deux êtres qui lui étaient les -plus chers, et vers lesquels se dirigeaient ses principales -pensées.</p> - -<p>Ce n'était pas à cause de ce titre d'excellente mère -<span class="pagenum"><a id="Page_91"> 91</a></span> -qu'elle s'était attiré les prévenances et les assiduités -d'un si grand nombre de ses contemporains et qu'elle -était recherchée par les femmes les plus aimables de son -temps; les intérêts de la société, dont elle faisait le charme, -se trouvaient, au contraire, en opposition avec ses devoirs -maternels. Aussi les mémoires et les correspondances de -ces temps ne nous donnent aucun détail sur la manière -dont madame de Sévigné dirigea l'éducation de ses enfants. -Mais l'amitié vive et sincère qui s'établit entre le -frère et la sœur semble démontrer qu'ils ont été élevés -ensemble et sous les yeux de leur mère.</p> - -<p>On a souvent discuté les avantages et les désavantages -de l'éducation publique et de l'éducation particulière, et -cherché à déterminer quelle est celle des deux qui doit -obtenir la préférence sur l'autre. Montaigne et Pascal n'eurent -point d'autres précepteurs que leurs pères; et nous -savons que ceux-ci firent de l'éducation de leurs enfants -l'œuvre principale de leur vie. Cependant ces exemples et -plusieurs autres semblables ne décident point cette question, -qui, comme beaucoup d'autres, n'est pas susceptible -d'une solution absolue. Il en est des divers modes d'éducation -comme des différentes formes de gouvernement, -dont les perfections et les vices dépendent de ceux qui -les dirigent. A l'époque dont nous parlons il régnait une -grande émulation pour le perfectionnement de l'éducation -publique. L'université de Paris, après avoir rendu d'immenses -services pour la renaissance des lettres en Europe, -était, comme toutes les corporations privilégiées ou sans -rivales, restée stationnaire au milieu du mouvement progressif -de la société et des esprits. Retranchée derrière ses -vieux usages et ses antiques préjugés, elle serait devenue -tout à fait impropre à remplir les fins de sa création, si les -<span class="pagenum"><a id="Page_92"> 92</a></span> -jésuites, en élevant partout des colléges qui ne ressortissaient -pas à sa juridiction, et en admettant dans leur -plan d'éducation tout ce que les mœurs et les progrès de -la société rendaient nécessaire, n'avaient pas produit une -heureuse émulation, et forcé l'université, au commencement -du dix-septième siècle, à introduire quelques innovations -dans ses statuts. Ces innovations furent en petit -nombre et insuffisantes; cependant l'université ne put se -décider à les faire sans jeter de hauts cris contre ceux qui -l'y contraignaient, et sans demander aux parlements que -les écoles de ceux-ci fussent fermées. A la suite de ces -nouveaux statuts, imprimés en 1601, elle compare l'ordre -des jésuites à une nouvelle Carthage qui était venue établir -son camp sur le territoire de Rome elle-même, et à un -astre contagieux qui produit la flétrissure et la décadence -des études à Paris et dans toutes les académies du royaume<a id="FNanchor_153" href="#Footnote_153" class="fnanchor"> [153]</a>. -Mais, heureusement pour les progrès de l'enseignement -en France et pour l'université elle-même, ses plaintes -ne furent point écoutées. Les jésuites, protégés par le -pape et les souverains, enlevèrent à l'université son monopole, -et la forcèrent à faire de nouvelles altérations -dans le plan des études, sous peine de voir déserter ses -bancs.</p> - -<p>Cette révolution dans l'instruction n'était que le prélude -d'une plus grande. La philosophie d'Aristote était -alors exclusivement enseignée par l'université comme par -les jésuites; et l'admiration pour le génie de cet ancien -philosophe était telle, que ses axiomes de physique et de -métaphysique semblaient être les dernières limites de la -raison et celles dans lesquelles elle devait se renfermer. -<span class="pagenum"><a id="Page_93"> 93</a></span> -On les regardait comme des principes aussi incontestables, -aussi hors de toute discussion que les articles de foi, -que la religion nous ordonne de croire. Les nier eût été -une sorte de sacrilége ou une preuve de la plus grossière -ignorance.</p> - -<p>Un génie puissant, élevé chez les jésuites, venait, à -l'époque dont nous nous occupons, de briser les entraves -dans lesquelles la routine avait si longtemps enchaîné -l'esprit humain, et de mettre en crédit une nouvelle philosophie: -c'était Descartes. Toutes les intelligences vigoureuses -s'empressèrent de se mettre à la suite de ce hardi -novateur, de s'enrôler sous les drapeaux de ce nouveau -chef, qui les appelait à une entière liberté, et les délivrait -des chaînes qui jusque alors avaient arrêté leur essor. -Les écrivains de Port-Royal durent au doute universel -de Descartes et à ses écrits, au vaste horizon tracé par -sa profonde métaphysique, cette méthode lumineuse de -discussion, cette hauteur de vues, cette déduction sévère -dans les raisonnements, cette lucidité d'expression, -cette énergie de style qu'ils portèrent jusque dans les -régions, auparavant si obscures, de la théologie. Par leur -école, mais plus encore par leurs excellents livres -élémentaires, ils opérèrent dans l'enseignement une réforme -complète. Ils introduisirent surtout dans toutes -les classes éclairées le goût des discussions en matière religieuse, -et par là ils contribuèrent à accroître la ferveur -de ceux dont la foi était ferme et sincère. Rien n'est plus -propre à raffermir une croyance dont les semences, implantées -dès l'enfance, ont jeté en nous de fortes et profondes -racines, que les efforts qu'il nous faut faire pour -repousser une autre croyance, que nous regardons comme -fausse, et qu'on voudrait nous imposer. Ce qu'il y a de -<span class="pagenum"><a id="Page_94"> 94</a></span> -plus mortel pour l'esprit comme pour le cœur, c'est l'indifférence. -Ce vers de la comédie de Gresset,</p> - -<p class="quote"><i>....</i> Rien n'est vrai sur rien; qu'importe ce qu'on dit?</p> - -<p>est le résumé de la doctrine du type brillant et corrompu -d'une société usée, qui n'a plus ni principe, ni croyance, -ni morale, et où tout tend à se dissoudre.</p> - -<p>Tandis que Descartes démontrait l'existence de Dieu -et l'immortalité de l'âme par les seuls secours de la raison; -que les jansénistes semblaient concentrer tous les -principes de la religion et de la morale dans leur doctrine -sur la grâce; que les jésuites plaçaient tout espoir de -salut dans une soumission aveugle à l'autorité du pape, -un jeune homme parut tout à coup, comme un soleil d'été, -qui en se levant darde aussitôt sur l'horizon la lumière -et la chaleur. Survenu au milieu de ces opinions -opposées, mais qui toutes se proposaient le même but, il -s'appuya sur ce que chacune d'elles lui offrait de conforme -aux Écritures et aux décisions de l'Église. Par son -génie, par sa vaste érudition, par son saint enthousiasme, -par sa haute éloquence, il se créa un nouvel apostolat, -qui ne se fondait ni sur une servile obéissance à Rome, -ni sur les subtiles doctrines de Jansenius, ni sur les concessions -jésuitiques. Ce jeune homme, tous nos lecteurs -l'ont nommé, c'était Bossuet.</p> - -<p>Ce fut en 1657 qu'il parut à Paris pour la première fois -dans la chaire évangélique. Il prêcha le 10 mars à Saint-Thomas -d'Aquin, et le 24 du même mois aux Feuillants, -en présence de vingt-deux évêques; puis le 27 octobre -suivant il prononça le panégyrique de sainte Thérèse, -en présence de la reine mère et de toute sa cour. Dès -ces premiers débuts il laissa bien loin derrière lui les -<span class="pagenum"><a id="Page_95"> 95</a></span> -Boux, les Camus, les Lingende, et les Testu, qui à -cette époque n'avaient point de rivaux dans la prédication.</p> - -<p>Loret, qui l'entendit alors, et qui ne pouvait prévoir la -réputation que ce jeune docteur, comme il l'appelle, devait -acquérir un jour, qui ne vécut même point assez -pour la connaître, atteste que jamais orateur chrétien n'a -prêché avec un tel succès; et il résume, avec une précision -qui certes ne lui est pas ordinaire, tout ce qu'il a -dit sur l'effet que produisait le nouveau prédicateur:</p> - -<p class="quote">Il presse, il enflamme, il inspire<a id="FNanchor_154" href="#Footnote_154" class="fnanchor"> [154]</a>.</p> - -<p>Telles étaient les diverses sortes d'influences sous lesquelles -se trouvait placée madame de Sévigné lorsqu'elle -s'occupait de l'éducation de ses enfants. Elle était liée -particulièrement avec madame Duplessis-Guénégaud, une -des amies intimes du jeune Bossuet, et elle dut le rencontrer -fréquemment chez elle<a id="FNanchor_155" href="#Footnote_155" class="fnanchor"> [155]</a>. Par l'oncle de son mari et -par le cardinal de Retz, elle avait toujours eu des communications -fréquentes avec les plus célèbres solitaires de -Port-Royal. Les écrits de Descartes sur la philosophie, -dont plusieurs étaient adressés à des femmes, à la reine -Christine ou à la princesse Élisabeth, se trouvaient, comme -les Lettres provinciales, entre les mains de toutes les personnes -dont l'éducation était cultivée. Enfin les plus savants, -les plus illustres dans l'ordre des jésuites étaient -admis à la cour et dans les maisons des grands; ils se répandaient -<span class="pagenum"><a id="Page_96"> 96</a></span> -partout dans le monde, et ne pouvaient être -évités. Aussi madame de Sévigné était liée avec quelques-uns -d'entre eux, remarquables par leur esprit et leur savoir-vivre.</p> - -<p>C'est par de bien justes motifs que nous détaillons ici -les influences morales et religieuses qui agissaient alors -sur la société en France; car toutes se sont réalisées sur -madame de Sévigné et sur ses enfants. Ceux-ci ne subirent -que l'effet de quelques-unes; mais pour elle, il semble -qu'elle conserva des empreintes de toutes. Ses désirs -de religion étaient tempérés par son goût pour les plaisirs; -la sévérité de ses principes, modifiée par une imagination -éprise des charmes de la belle littérature; la roideur et la -subtilité des doctrines de son jansénisme, rectifiées par un -jugement naturellement ennemi de tout ce qui l'éloignait -du bon sens général et de la raison commune. Elle résumait -en elle l'élégance galante et polie de l'hôtel de Rambouillet, -le spiritualisme de Port-Royal, l'indulgence mondaine -des disciples de Loyola, les vives résolutions d'un Bossuet, -et quelque chose de la sensibilité pieuse et de l'amour -mystique d'une sœur de Sainte-Thérèse. Sa fille, avec -plus de beauté, eut moins d'esprit naturel, un savoir aussi -varié et plus étendu, une tête plus forte et plus calme. -Moins aimable, elle fut moins aimée, moins flattée par ses -contemporains, qui l'ont jugée avec trop de sévérité, peut-être -parce que, comme nous, ils la comparaient sans cesse -à sa mère. Eh! quelle est la femme qui sortirait avec -avantage d'une telle comparaison? Madame de Grignan -avait étudié les œuvres de Descartes et les parties les plus -abstruses de sa métaphysique; elle croyait avoir saisi l'ensemble -du système de ce grand homme, et triomphé des -difficultés qu'il offrait aux intelligences vulgaires. Devenue -<span class="pagenum"><a id="Page_97"> 97</a></span> -le disciple de cet apôtre du doute, elle se soumettait -avec moins d'abandon que sa mère à ce que la foi commandait -de croire; elle cherchait plus souvent ses points -d'appui dans la philosophie cartésienne que dans les lumières -de la révélation. Son frère, né et élevé au milieu -des doctrines de Port-Royal, y fut toute sa vie fidèle; -mais l'heureuse flexibilité du caractère de sa mère s'était -chez lui convertie en une incurable légèreté: incapable -d'éprouver aucune impression profonde et durable, il -effleura tout, même le désordre. La femme qu'il épousa, -et dont il n'eut point d'enfants, le ploya, dans sa vieillesse, -aux habitudes de la plus haute dévotion.</p> - -<p>L'éducation ne peut tout faire; elle ne donne ni le -génie, ni la force de réflexion, ni l'énergie de caractère, -ni la constance des résolutions, ni la sensibilité de cœur. -Nous pouvons perfectionner ou détériorer la nature, mais -nous ne pouvons suppléer à ce qu'elle n'a pas, ni lui ôter -ce qu'elle possède. Celui qui a eu occasion de remarquer -combien différemment la même culture et la même instruction -profite à des esprits différents, est d'avance convaincu -de l'absurdité du système d'Helvétius, qui soutient -que toutes les intelligences sont égales, et proclame la -toute-puissance de l'éducation. Non, il n'est pas vrai que -l'influence des objets extérieurs soit la seule cause des -modifications que nous éprouvons. Les impressions reçues -produisent des résultats divers, selon le sujet qui les -reçoit. L'homme n'est point une matière inerte, qu'on -puisse façonner à volonté. Le principe vital, selon le -plus ou moins de chaleur du sang, décompose et recompose -différemment, dans chaque être vivant, les -substances qu'il s'assimile; de même il y a en nous -une âme qui élabore les sensations, les pensées, et qui -<span class="pagenum"><a id="Page_98"> 98</a></span> -fonctionne différemment dans chaque individu. Dans la -multitude innombrable de créatures humaines répandues -sur la surface de la terre, il n'y en a pas deux qui aient -des visages semblables, des sens pareils, des facultés égales, -des volontés identiques, ni les mêmes désirs, ni les -mêmes passions, ni le même caractère. La lumière, telle -qu'elle semble émaner du soleil, est pure de toute couleur, -toujours semblable, toujours la même; mais, selon les -corps qui la divisent, la modifient, l'absorbent ou la -réfléchissent, elle donne le rouge, le bleu, le jaune, le -vert, le violet, l'orange, le noir, le blanc, toutes les -teintes, toutes les nuances. Voilà l'image de la même éducation, -de la même instruction agissant sur les individus -qui diffèrent par leur tempérament et leur organisation.</p> - -<p>Ces mémoires, si nous y donnions une suite, feraient -connaître les qualités et les défauts du fils et de la fille de -madame de Sévigné, et la part que l'on doit faire en eux -au naturel, au temps, aux circonstances. Mais nous pouvons -juger dès à présent, par l'ensemble de leur vie, combien -fut solide et brillante l'éducation que cette mère tendre -et éclairée sut donner à ses enfants, et combien les -résultats en furent heureux.</p> - -<p>Sa fille, remarquable par son éclatante beauté, devint -la femme d'un homme deux fois veuf, et beaucoup plus -âgé qu'elle. Jamais elle ne fit soupçonner sa vertu: forcée -par le rang et la place qu'occupait son mari, à une représentation -continuelle, elle suffit à toutes les exigences du -grand monde. Contrainte, par le goût de M. de Grignan -pour le faste et l'ostentation, à des dépenses ruineuses, -elle sut, par l'ordre et l'économie, trouver des ressources -à mesure qu'il les épuisait: quand il eut consumé presque -<span class="pagenum"><a id="Page_99"> 99</a></span> -tout son bien, elle n'hésita pas à s'engager pour lui et à -lui sacrifier une partie du sien.</p> - -<p>Le fils de madame de Sévigné fut un militaire distingué: -il se fit remarquer par son intrépidité et son habileté, -en Orient, dans la petite croisade de la noblesse française -contre les Turcs qui assiégeaient Candie; en Hollande, -dans l'armée du maréchal de Luxembourg; au sanglant -combat de Senef et à l'attaque meurtrière du prince d'Orange. -Gai, aimable, prévenant, poli, blond comme sa -mère et sa sœur, d'une figure agréable, il se fit chérir -dans le monde, où il était fort répandu; il en adopta aussi -les travers et les déréglements, mais sans les pousser jusqu'à -ce degré qui entache. Après avoir brillé parmi les -hommes de plaisir, il devint, dans sa vieillesse, le modèle -des hommes vertueux. Sa piété, douce et indulgente, -ne fut pas incompatible avec les délassements de l'esprit -et le commerce des Muses; car sous le rapport de l'instruction -les deux enfants de madame de Sévigné ne furent -pas moins remarquables que sous celui des qualités -sociales. Sa fille, qui savait un peu de latin et parfaitement -bien la langue italienne, écrivait dans la sienne avec une -pureté et un savoir qui a fait conclure de nos jours qu'elle -devait être pédante: banale accusation, rarement méritée -par les femmes qui s'élèvent au-dessus de la foule par des -études sérieuses et profondes, et que renouvellent sans -cesse l'ignorance et la frivolité, envieuses d'une supériorité -qui les choque. Le fils de madame de Sévigné aimait les -belles-lettres. Boileau et Racine, avec lesquels il fut lié, -achevèrent de former son goût, qui était plus pur que -celui de sa mère; mais les principes moins classiques de -madame de Sévigné en littérature étaient peut-être plus -favorables aux élans de l'imagination et à l'originalité du -<span class="pagenum"><a id="Page_100"> 100</a></span> -style. Le marquis de Sévigné avait un talent particulier -pour bien lire, surtout les pièces de théâtre; ce qu'il dut -peut-être à sa liaison intime avec la Champmêlé, dont il -fut pendant quelque temps amoureux, autant qu'il pouvait -l'être. Il cultiva toujours la langue latine, et s'y rendit -très-habile. Vers la fin de ses jours, il eut une discussion -avec le célèbre Dacier sur le sens d'un passage -d'Horace; et sa dissertation, qui fut imprimée, lui attira -l'approbation des érudits du temps<a id="FNanchor_156" href="#Footnote_156" class="fnanchor"> [156]</a>.</p> - -<p>Ces détails suffisent pour avoir une idée des soins que -madame de Sévigné a donnés à l'éducation de ses enfants. -Il est probable qu'a l'époque dont nous nous occupons -leur instruction était le motif qui la retenait à Paris et -la forçait d'y séjourner. Un passage des mémoires de -l'abbé Arnauld semble prouver qu'elle ne les quittait que -rarement de vue, et qu'il était difficile de la rencontrer -sans eux.</p> - -<p>L'abbé Antoine Arnauld était le fils aîné du célèbre -Arnauld d'Andilly, dont il a été fait mention dans le chapitre -précédent. L'abbé Arnauld avait d'abord, malgré la -volonté de son père, choisi la profession des armes, qu'il -quitta, parce que la mort de Feuquières lui avait ravi tout -espoir d'avancement. Il embrassa à vingt-sept ans l'état -ecclésiastique. Attaché à son oncle Henri Arnauld, abbé -de Saint-Nicolas, qui fut depuis évêque d'Angers, quoique -janséniste, l'abbé Arnauld séjourna pendant quelque temps -<span class="pagenum"><a id="Page_101"> 101</a></span> -chez les solitaires de Port-Royal. Il demeura attaché à -leurs doctrines, mais par esprit de famille, et pour satisfaire -à sa position, plutôt que par conviction. Il n'avait -aucun goût pour les discussions théologiques, et il avait -conservé, au contraire, de très-fortes inclinations pour le -monde et ses jouissances. Il était lié avec plusieurs femmes -aimables, et même avec plusieurs femmes galantes<a id="FNanchor_157" href="#Footnote_157" class="fnanchor"> [157]</a>. Il -était l'ami de Renaud de Sévigné; et la terre de Champiré -que possédait celui-ci, dans le voisinage d'Angers, -leur donnait les moyens de se voir fréquemment. Renaud -de Sévigné passait alors presque tous ses hivers à Paris; -et il s'y trouvait lorsqu'un procès y amena l'abbé Arnauld, -au commencement de l'année 1657.</p> - -<p>«Ce fut en ce voyage, dit-il, que M. de Sévigné me fit -faire connaissance avec l'illustre marquise de Sévigné, sa -nièce, dont le nom vaut un éloge à ceux qui savent estimer -l'esprit, l'agrément et la vertu. On peut dire d'elle une -chose fort avantageuse et fort singulière; qu'une des plus -dangereuses plumes de France [c'est Bussy-Rabutin que -l'abbé Arnauld désigne ici] ayant entrepris de médire -d'elle comme de beaucoup d'autres, a été contrainte, par -la force de la vérité, de lui feindre des défauts purement -imaginaires, ne lui en ayant pu trouver de réels. Il me -semble que je la vois encore telle qu'elle me parut la première -fois que j'eus l'honneur de la voir, arrivant dans le -fond de son carrosse tout ouvert, au milieu de monsieur -son fils et de mademoiselle sa fille; tous trois tels que les -poëtes représentent Latone au milieu du jeune Apollon et -de la petite Diane, tant il éclatait d'agréments et de beauté -dans la mère et dans les enfants. Elle me fit l'honneur dès -<span class="pagenum"><a id="Page_102"> 102</a></span> -lors de me promettre de l'amitié, et je me tiens fort glorieux -d'avoir conservé jusqu'à cette heure un don si cher -et si précieux. Mais aussi je dois dire, à la louange du sexe, -que j'ai trouvé beaucoup plus de fidélité dans mes amies -que dans mes amis, ayant été souvent trompé par ceux-ci, -et ne l'ayant jamais été par les premières<a id="FNanchor_158" href="#Footnote_158" class="fnanchor"> [158]</a>.»</p> - -<p>Ce fut aussi cette même année que le frère de l'abbé -Arnauld, le célèbre Arnauld de Pomponne, vit les deux -enfants de madame de Sévigné chez leur oncle Renaud -de Sévigné; il fut tellement frappé de leur beauté, que -près de vingt ans après, et lorsqu'il était ministre, il se -souvenait de cette journée, et la rappelait à la marquise -de Sévigné. Celle-ci, en écrivant à madame de Grignan, -lui dit: «Monsieur de Pomponne se souvient d'un jour -que vous étiez petite fille chez mon oncle Sévigné. Vous -étiez derrière une vitre avec votre frère, plus belle, dit-il, -qu'un ange; vous disiez que vous étiez prisonnière, que -vous étiez une princesse chassée de chez son père. Votre -frère était beau comme vous. Vous aviez neuf ans. Il me -fit souvenir de cette journée. Il n'a jamais oublié aucun -moment où il vous a vue<a id="FNanchor_159" href="#Footnote_159" class="fnanchor"> [159]</a>.»</p> - -<p>Au commencement de cette année il parut un recueil -de vers où la louange de madame de Sévigné se trouve -réunie à celle du roi, de Monsieur, de la reine, de Mazarin, -des ministres, et des personnes des deux sexes les plus -illustres. Ce recueil est un phénomène intellectuel qui serait -à peine croyable s'il n'était si bien attesté. Le fils d'un -comédien de Paris, nommé Beauchasteau, se montra si -<span class="pagenum"><a id="Page_103"> 103</a></span> -précoce, que dès l'âge de sept à huit ans il parlait plusieurs -langues et improvisait des vers avec facilité. On le -fit venir à la cour; on le mit à l'épreuve, et il surpassa -encore l'idée que les récits en avaient donnée. Mazarin lui -fit une pension de mille livres; le chancelier Séguier lui -en accorda une de trois cents; et on publia un recueil -in-4<sup>o</sup> de ses improvisations, avec les portraits du roi, des -membres de la famille royale, et des personnages objets -des madrigaux de cet Apollon enfant. Le poëte Maynard -fut l'éditeur de ce beau volume; le portrait de Beauchasteau -et les vers composés à sa louange n'y furent pas -oubliés. Dès l'année 1656 Beauchasteau avait improvisé -des vers devant Christine, et il fut de nouveau présenté -à cette reine en 1658. Il alla en Espagne, en Angleterre, -et parut devant Cromwell. Partout il excita le même -étonnement, la même admiration. La personne qui l'avait -conduit en Angleterre l'emmena en Perse, et on n'entendit -plus parler de lui. Ainsi s'évanouit, presque aussitôt -après sa subite apparition, cette espèce de météore -intellectuel. Voici le quatrain que ce jeune enfant improvisa -en voyant madame de Sévigné:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Sévigné, suspendez vos charmes</p> -<p>Et les clartés de votre esprit?</p> -<p>Pour nous faire rendre les armes,</p> -<p>Voire extrême beauté suffit<a id="FNanchor_160" href="#Footnote_160" class="fnanchor"> [160]</a>.</p> -</div></div> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_104"> 104</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE IX.<br /> -<span class="medium">1657-1658.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Les nombreux décès qui ont lieu à la cour ralentissent les fêtes.—L'arrivée -des ducs de Modène et de Mantoue et le mariage d'Olympe -Mancini les raniment.—Les déguisements en femmes dans -les ballets étaient fréquents.—Louis XIV aime la compagnie des -femmes.—Il est escorté par plusieurs beautés de la cour dans ses -promenades à cheval.—Il prend des leçons de politesse et de galanterie -de la comtesse de Choisy.—Se montre indifférent au mariage -d'Olympe Mancini.—Joie que la reine en ressent.—Mazarin -fait sortir deux de ses nièces du couvent, et les introduit à la cour.—Louis -XIV ne fait d'abord aucune attention aux nièces de Mazarin.—Il -devient amoureux de mademoiselle de La Mothe d'Argencourt.—Mazarin -et la reine également intéressés à s'opposer à cet -amour.—La reine emploie la religion.—Le jeune roi fait une -retraite, communie, et promet de se vaincre.—Mazarin découvre -que mademoiselle d'Argencourt a un amant.—Le roi voit mademoiselle -d'Argencourt dans un bal, et s'enflamne de nouveau pour -elle.—Mazarin le guérit, en lui prouvant que celle qu'il aime -le trahit pour un autre.—D'Argencourt, abandonnée du roi, veut -se consoler avec le duc de Richelieu.—Sur la demande de la duchesse, -elle est forcée d'entrer au couvent, où elle reste volontairement.—Liaison -du roi avec mademoiselle de Beauvais.—Avec -une jeune jardinière.—Il en a une fille.—Passage des Mémoires -de Saint-Simon sur la destinée de ce premier enfant de Louis XIV.</p> - -<p class="space">En se livrant à l'éducation de ses enfants, madame de -Sévigné eut cette année moins de sacrifices à faire à ses -plaisirs que dans les années précédentes. La mort de madame -de Mancini, du duc de Chevreuse, celle du duc de -Villars, du maréchal de la Mothe-Houdancourt<a id="FNanchor_161" href="#Footnote_161" class="fnanchor"> [161]</a>, du duc -<span class="pagenum"><a id="Page_105"> 105</a></span> -d'Elbœuf<a id="FNanchor_162" href="#Footnote_162" class="fnanchor"> [162]</a>, de Pomponne de Bellièvre<a id="FNanchor_163" href="#Footnote_163" class="fnanchor"> [163]</a>, de la duchesse -de Montbazon<a id="FNanchor_164" href="#Footnote_164" class="fnanchor"> [164]</a>, de la duchesse de Mercœur, de la duchesse -de Bouillon<a id="FNanchor_165" href="#Footnote_165" class="fnanchor"> [165]</a>, de la duchesse de Roquelaure<a id="FNanchor_166" href="#Footnote_166" class="fnanchor"> [166]</a>, qui -eurent lieu dans l'intervalle de quelques mois, contristèrent -la cour et la haute société, et ralentirent les fêtes et -les divertissements. Mais cela ne pouvait durer longtemps. -Le nombre de ceux qui dans un grand royaume sont -attachés au service du monarque est trop considérable -pour que les chances habituelles de la mortalité n'y portent -pas de fréquentes atteintes; et l'habitude de voir presque -chaque année disparaître quelques-uns de leurs plus chers -serviteurs émousse la sensibilité des rois. Heureux encore -quand la perte de ceux qui les ont servis avec le plus de -zèle ne leur cause pas une satisfaction secrète, par l'occasion -qu'elle leur fournit de conférer des grâces et d'accorder -des faveurs aux objets de leurs plus récentes affections!</p> - -<p>Les plaisirs reprirent bientôt leur activité accoutumée. -L'arrivée du duc de Mantoue à Paris, celle du duc de -Modène, qui avait si bien soutenu les armées françaises -contre l'Autriche; le mariage de mademoiselle de Longueville -avec le duc de Nemours, celui d'Olympe Mancini -avec le duc de Soissons, devinrent des prétextes pour -bannir tous les signes de deuil et des occasions pour donner -mutuellement des fêtes. Il y eut donc encore des repas -<span class="pagenum"><a id="Page_106"> 106</a></span> -splendides, des concerts, des mascarades, des danses où -le jeune monarque et ses courtisans déployaient leurs -grâces et leur habileté, en compagnie avec le célèbre Bauchamp, -le Vestris et le Duport de cette époque<a id="FNanchor_167" href="#Footnote_167" class="fnanchor"> [167]</a>. On joua -au Louvre, avec les ballets anciens, un nouveau ballet, -<i>l'Amour malade</i>, dont Benserade<a id="FNanchor_168" href="#Footnote_168" class="fnanchor"> [168]</a> avait, comme de coutume, -versifié les paroles, mais dont la musique était l'ouvrage -d'un jeune et nouveau compositeur, nommé Baptiste -Lully: alors on le nommait tout simplement Baptiste. -Italien de naissance, il avait été amené jeune en France -par le chevalier de Guise, pour être au service de <span class="small1">Mademoiselle</span>: -il l'avait quittée lorsqu'elle fut exilée. Entré -depuis dans la musique du roi, il commençait déjà la -révolution musicale qui devait lui faire acquérir tant de -réputation et de richesses<a id="FNanchor_169" href="#Footnote_169" class="fnanchor"> [169]</a>. Dans ce nouveau ballet il -jouait le rôle de Scaramouche; et sa petite taille, sa mine -chétive, ses petits yeux, étaient si bien appropriés au burlesque -de son rôle, qu'il réjouit encore plus les spectateurs -par son jeu que par sa musique. Le goût des nobles figurants -de ces ballets et de ces mascarades pour les déguisements -de femmes augmentait chaque année, surtout -pour ceux qui faisaient partie de la maison de <span class="small1">Monsieur</span> -ou étaient attachés à ce prince<a id="FNanchor_170" href="#Footnote_170" class="fnanchor"> [170]</a>. On remarqua aussi que -<span class="pagenum"><a id="Page_107"> 107</a></span> -de jour en jour le jeune roi se plaisait davantage dans la -société des femmes; et un essaim de jeunes beautés, portées -comme lui sur de superbes coursiers, l'entourait presque -toujours à la chasse, et le suivait dans ses rapides et -brillantes cavalcades.</p> - -<p>Mais les jeunes femmes n'étaient pas celles qu'il recherchait -uniquement ni toujours avec le plus d'empressement. -La comtesse de Choisy, dont le mari était chancelier -de la maison de son frère, femme d'esprit, dans -l'âge du retour, qui possédait toutes les grâces de la politesse -et du bon ton, toute la science du savoir-vivre, -toutes les perfections d'une précieuse du beau temps de -l'hôtel de Rambouillet, avait osé dire au jeune roi que -s'il voulait devenir un honnête homme (c'est-à-dire, dans -le sens qu'on attachait alors à ce mot, un cavalier accompli -sous le rapport de la galanterie et de l'élégance des -manières), il fallait qu'il eût souvent des entretiens avec -elle. Ce conseil fut suivi; Louis allait dîner familièrement -chez la comtesse de Choisy, et par la suite il se ressouvint -de son institutrice et la récompensa par une pension -de huit mille livres<a id="FNanchor_171" href="#Footnote_171" class="fnanchor"> [171]</a>.</p> - -<p>Après les préférences marquées que dans toute occasion -Louis XIV avait montrées pour Olympe Mancini, on -fut étonné de l'indifférence avec laquelle il apprit le -mariage qu'elle allait contracter avec le duc de Soissons. -On en conclut que Louis était encore trop jeune pour être -capable d'éprouver le sentiment de l'amour, et que son -goût pour Olympe Mancini, semblable à celui qu'il avait -montré autrefois pour la duchesse de Châtillon, n'était -<span class="pagenum"><a id="Page_108"> 108</a></span> -encore que l'effet passager des premières habitudes et -des souvenirs de l'enfance. La reine le crut ainsi, et témoigna -ouvertement la joie qu'elle en ressentait<a id="FNanchor_172" href="#Footnote_172" class="fnanchor"> [172]</a>. Mazarin -fit aussi semblant d'en être satisfait; mais, devinant -mieux le naturel du jeune monarque, il se hâta de faire -sortir du couvent deux de ses nièces et de les produire -à la cour.</p> - -<p>La plus âgée des deux, Marie Mancini, celle-là même -qui devait inspirer à Louis XIV un attachement si vrai et -si tendre, était une grande fille maigre, avec de longs -bras, un long cou, un teint brun et jaune, une grande -bouche, mais de belles dents et de grands yeux noirs, -beaux, pleins de feux. Louis fit à elle peu d'attention<a id="FNanchor_173" href="#Footnote_173" class="fnanchor"> [173]</a>. -Toutefois il la préférait à sa sœur Hortense Mancini, qui -devint une des plus belles personnes de son temps, mais -qui était encore dans cet âge dont Louis ne faisait que de -sortir. Au moment où la reine se félicitait de l'indifférence -de son fils à l'égard des femmes, et où elle espérait que de -quelque temps du moins la tendresse qu'il avait pour sa -mère ne serait combattue par aucun autre sentiment, elle -s'aperçut qu'il était devenu amoureux d'une de ses filles -d'atour. Cette fille se nommait de La Mothe d'Argencourt; -elle n'avait ni beaucoup d'esprit ni beaucoup de beauté, -mais pourtant toute sa personne était aimable. Elle dansait -admirablement, et sa façon de parler, mélangée de -douceur et de vivacité, plaisait au premier abord. Sa peau -n'était ni très-fine ni très-blanche; mais, par une singularité -<span class="pagenum"><a id="Page_109"> 109</a></span> -piquante, avec de beaux yeux, bleus et des cheveux -blonds, elle avait des sourcils noirs et bien arqués; -sa taille était grande et svelte, les traits de son visage -étaient fins et réguliers, et ses manières pleines de -dignité et de grâce. S'il y a au monde quelque chose -qu'il soit impossible de dissimuler, c'est un premier -amour: Louis ne put dérober la connaissance de celui -dont il était atteint aux regards vigilants des personnes -intéressées à le surveiller. Il se divertissait quelquefois -le soir à de petits jeux, auxquels mademoiselle d'Argencourt -participait avec plusieurs de ses compagnes. -Dans la familiarité suite nécessaire d'un tel amusement -la force de la passion du jeune roi se manifesta de manière -à alarmer la reine et Mazarin. Anne d'Autriche -ne voulait pas que son fils avant son mariage s'échappât -jusqu'à s'abandonner à des plaisirs que la religion réprouvait; -et elle mettait tous ses soins à le conserver -pur. Il paraissait impossible à Mazarin d'empêcher plus -longtemps Louis de se livrer à ses penchants; et pour le -maintien de son influence, il désirait que cette sensibilité -amoureuse, qui entraînait le jeune roi vers le beau -sexe, se dirigeât sur une de ses nièces, et non sur d'autres. -La reine et son ministre étaient donc également -intéressés, quoique par des motifs différents, à s'opposer -à la passion naissante de Louis XIV pour mademoiselle -d'Argencourt.</p> - -<p>La reine usa d'abord de tout le pouvoir qu'elle avait -encore sur son fils. A son profane amour elle opposa -cet amour de Dieu qu'elle lui avait inspiré. Elle effraya -la conscience de ce royal adolescent, et réussit à le -convaincre qu'il ne pouvait échapper au danger qui le -menaçait qu'en le fuyant. Louis se retira à Vincennes, -<span class="pagenum"><a id="Page_110"> 110</a></span> -chez le cardinal<a id="FNanchor_174" href="#Footnote_174" class="fnanchor"> [174]</a>. Ce ne fut pas sans de douloureux -combats qu'il put persister dans la résolution que lui -avaient fait prendre les deux personnes en possession de -toute sa confiance, et auxquelles il n'ignorait pas qu'il -était redevable de sa vie et de sa couronne. Il gémit, pria, -soupira, se confessa, communia; et après une retraite de -huit jours, passés dans ces exercices pieux, il reparut -dans le monde et au milieu de sa cour, où une si longue -absence avait été un sujet d'étonnement et d'entretiens -continuels. Le roi évitait de se trouver avec mademoiselle -d'Argencourt, et même de la regarder. La reine et le -cardinal en éprouvaient une vive satisfaction, et saisissaient -toutes les occasions de le féliciter du triomphe -qu'il avait remporté sur lui-même<a id="FNanchor_175" href="#Footnote_175" class="fnanchor"> [175]</a>.</p> - -<p>Mademoiselle d'Argencourt n'en était pas, comme Louis, -à son début: elle avait un amant quand elle reçut la déclaration -du jeune monarque; c'était le beau Chamarante; -d'autres disent le marquis de Richelieu: il n'y a d'incertitude -que sur l'un ou sur l'autre de ces personnages, et -les mémoires qui substituent le nom de l'un à celui de -l'autre ne commettent probablement qu'une erreur de -date. Cependant ses liaisons avec l'un ou avec l'autre, ou -avec tous deux successivement, étaient restées secrètes, et -sa réputation survivait encore à sa vertu. La passion que -le roi avait pour elle flatta sa vanité, et excita son ambition. -Elle ne lui avait opposé qu'une résistance calculée, -et lui avait fait promettre, si elle consentait à répondre -à son amour, de résister toujours à sa mère et au cardinal, -<span class="pagenum"><a id="Page_111"> 111</a></span> -s'ils entreprenaient de la séparer de lui. Elle en -était là lorsque Louis, cédant aux conseils d'Anne d'Autriche, -s'était retiré à Vincennes. Toute la famille de -mademoiselle d'Argencourt, qui avait fondé de grandes -espérances sur sa liaison avec le roi, fut, ainsi qu'elle, -extrêmement contrariée de le savoir renfermé et gardé -à vue chez le cardinal. Ils pensèrent qu'il y était retenu -malgré lui; que Mazarin et la reine croyaient que -les refus de mademoiselle d'Argencourt de céder aux -désirs du roi étaient moins dus à sa vertu qu'au projet -qu'elle avait de profiter de la violence d'une première -passion et de l'inexpérience de l'âge pour se faire épouser. -Afin de bien dissiper ces craintes, la mère de mademoiselle -d'Argencourt offrit au cardinal et à Anne d'Autriche -de consentir à ce que sa fille demeurât la maîtresse -du roi. Elle crut les contraindre à ne pas s'y opposer en -leur faisant confidence de ce qui s'était passé dans le -tête-à-tête entre les deux amants, et des promesses du -roi de résister toujours aux tentatives qu'on pourrait faire -pour le séparer de celle qu'il aimait. Ce fut un motif de -plus pour le cardinal et pour la reine de chercher à rompre -une liaison si menaçante pour leur autorité. La reine -en voyant la conduite de son fils après sa retraite de -Vincennes se flatta d'y avoir complétement réussi, et -elle était persuadée qu'elle n'avait plus rien à redouter -de mademoiselle d'Argencourt. Mazarin, moins confiant, -ne cessa de faire épier la jeune fille; et, employant ses -moyens ordinaires, l'argent et les séductions, il connut -ses liaisons, se rendit maître de tous ses secrets, et prit -dès lors ses mesures contre tout ce que sa famille ou elle -pourraient tenter.</p> - -<p>Tant de précautions semblaient inutiles. Louis tenait -<span class="pagenum"><a id="Page_112"> 112</a></span> -bon, et paraissait ne plus conserver du trace de -ce qui s'était passé: il était plutôt occupé à éviter qu'à -rechercher mademoiselle d'Argencourt. Mais un jour elle -parut dans un bal où il se trouvait; ses charmes étaient -encore rehaussés par une parure pleine de goût<a id="FNanchor_176" href="#Footnote_176" class="fnanchor"> [176]</a>. En la -voyant entrer le roi tressaillit; mademoiselle d'Argencourt -s'aperçut aussitôt de l'impression qu'elle produisait; et -avec cette assurance que donne à la beauté la conscience -de son irrésistible empire, elle s'avança vers le jeune monarque, -lui prit la main, et le pria de danser avec elle. -Toutes les résolutions prises et gardées avec tant de peine -furent abandonnées à l'instant même; la main de Louis -trembla dans celle de son amante, une sueur froide le saisit, -il changea de visage, et fut quelque temps à se remettre. -Tous les regards s'étaient dirigés vers lui, et cette -scène avait eu pour témoins toute la cour. Cet événement -devint l'objet des conversations; personne ne -doutait que le triomphe de mademoiselle d'Argencourt -sur le roi ne fût assuré et qu'elle ne parvînt à le rendre -durable. La reine elle-même n'y voyait pas de remède, -et déjà l'on faisait des projets pour s'arranger avec la -grandeur future de cette favorite et de celle de sa -famille.</p> - -<p>On se trompait; Mazarin en avait décidé autrement. -Dès le lendemain du bal, il avait eu avec Louis un long -entretien. A ce jeune néophyte, qui se trouvait sous le -charme d'une passion en vain combattue, il ne parla point -des scrupules de la religion, digue impuissante, déjà emportée -par l'impétuosité du torrent; mais il fit entendre -<span class="pagenum"><a id="Page_113"> 113</a></span> -les maximes du monde, les exigences de l'opinion, ce -que l'expérience enseigne, ce que la prudence prescrit. Il -retraça tout ce qu'un homme, et encore plus un souverain -qui savait s'estimer et se faire estimer des autres, avait -droit d'exiger d'une femme quand il se donnait à elle. Il -ne se consuma point en vaines paroles pour signaler les -dangers de l'amour; mais il démontra bien pour tous les -hommes, et encore plus pour un roi, la nécessité de se -prémunir contre la perfidie de celles qui avaient le pouvoir -de l'inspirer. Dès que Mazarin commença à entrer en -explication, et qu'il eut parlé des promesses faites par le -monarque à mademoiselle d'Argencourt; qu'il eut redit les -discours qui avaient eu lieu entre les deux amants dans le -tête-à-tête, Louis fut ébranlé, et commença à se croire -trahi par celle qui lui était chère; mais il n'en douta plus -quand les lettres écrites par elle à l'amant qu'elle favorisait -lui furent remises. Celui qui les avait reçues avait eu -la lâcheté de les livrer au ministre tout-puissant, dont il -voulait se concilier la faveur; et Mazarin gardait depuis -longtemps pour ce moment décisif, qu'il avait prévu, -le secret de cette correspondance et les preuves qu'il en -avait.</p> - -<p>Le dépit et l'orgueil firent ce que la religion et la raison -n'avaient pu faire: Louis sans daigner avoir aucune explication -avec mademoiselle d'Argencourt, ne lui témoigna -plus que du dédain. Elle, qui ignorait la trame qu'on -avait ourdie, crut que l'ascendant de la reine mère et de -son ministre avait été plus fort sur le jeune roi que le -pouvoir de ses charmes; et elle attribuait à cette cause -l'étrange changement des manières de Louis à son égard. -Elle ne songea donc plus qu'à se consoler de la chute de -ses espérances avec le marquis de Richelieu. Mais la marquise -<span class="pagenum"><a id="Page_114"> 114</a></span> -sa femme s'étant plainte à la reine de cette liaison -scandaleuse, mademoiselle d'Argencourt fut chassée, et -renfermée dans le couvent des Filles de Sainte-Marie de -Chaillot. Là elle apprit l'odieuse intrigue dont elle avait -été la victime. Les douleurs de l'amour trahi, les mécomptes -de l'ambition trompée, la disposèrent à écouter favorablement -les leçons de piété et de religion qui lui furent -données par les bonnes religieuses au milieu desquelles -elle se trouvait; leur compassion la toucha, leurs consolations -la convertirent; leur société lui devint agréable et -chère: si bien que lorsqu'on lui permit de rentrer dans -le monde, elle s'y refusa. Elle resta au couvent, et, toujours -libre d'en sortir et sans jamais prononcer aucun -vœu, elle y passa toute sa vie, et y mourut, chérie et -regrettée de tous ceux qui la connurent<a id="FNanchor_177" href="#Footnote_177" class="fnanchor"> [177]</a>.</p> - -<p>Après cette aventure, les penchants du jeune roi pour -les femmes, que ses jeux d'enfance avaient donné lieu de -soupçonner, ne furent plus un secret pour personne. La -reine avait une femme de chambre nommée mademoiselle -de Beauvais, qu'elle affectionnait beaucoup, à cause de sa -dextérité, de son exquise propreté, du zèle et de l'intelligence -qu'elle mettait à la servir. Dans l'âge du retour, -laide et borgne, et peu scrupuleuse, mademoiselle de -Beauvais épiait depuis longtemps les premiers effets de -la puberté dans le jeune roi. Elle savait qu'à cet âge, -si le cœur sait déjà choisir ses affections, les sens obéissent -sans discernement à une première surprise. Elle s'en -prévalut; et le souvenir des instructions que Louis reçut -<span class="pagenum"><a id="Page_115"> 115</a></span> -d'elle lui devint par la suite un moyen d'élévation pour -sa famille<a id="FNanchor_178" href="#Footnote_178" class="fnanchor"> [178]</a>.</p> - -<p>Dès que le jeune roi eut appris qu'on pouvait goûter les -jouissances de la volupté sans avoir besoin d'éprouver le -sentiment de l'amour, la violence de ses passions l'emporta -sur ses scrupules, mais non pas encore sur sa pudeur. Il -n'osa pas s'attaquer à ces fleurs qui brillaient éminentes -autour de lui, mais qui se trouvaient placées sous les regards -et sous la protection de sa mère; les plus humbles et les -plus cachées lui devinrent préférables, et il s'embarrassa -peu d'avoir à se baisser pour les cueillir. Une jardinière, -fraîche et jolie, devint enceinte de ses œuvres, et en eut -une fille. Madame de Sévigné et les Mémoires du temps, -qui nous entretiennent si souvent des enfants naturels de -Louis XIV, ne parlent pas de celui-ci. Le profond mystère -dont le jeune roi enveloppait à cette époque ses aventures -galantes ne pouvait lui permettre d'en déclarer le -premier fruit; l'obscurité de la condition de celle à -laquelle il était dû l'en empêcha par la suite. Mais sa -fille lui ressemblait trop pour qu'il pût la méconnaître. -Bontemps, son valet de chambre et son homme de confiance, -fut chargé de la marier à un gentil-homme nommé -Laqueue, seigneur du lieu qui porte ce nom, à six lieues -de Versailles. Ce gentilhomme se promettait une fortune -d'une telle alliance, dont le secret, dit Saint-Simon, lui -fut dit à l'oreille; mais il ne parvint jamais au delà du -grade de capitaine de cavalerie. Sa femme était grande -et bien faite; elle savait de qui elle tenait le jour, et -enviait le sort de ses trois sœurs (comme elle filles naturelles), -princesses magnifiquement mariées. Elle vécut -<span class="pagenum"><a id="Page_116"> 116</a></span> -ainsi vingt ans, sans sortir de son village, plus heureuse -que si elle avait été admise à la cour. Sans l'exact Saint-Simon, -si bien instruit des détails de ce grand règne, -on eût ignoré jusqu'à l'existence de cette aînée de tous -les enfants du plus illustre de nos rois<a id="FNanchor_179" href="#Footnote_179" class="fnanchor"> [179]</a>.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_117"> 117</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE X.<br /> -<span class="medium">1658.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Partis qui se forment à la cour parmi les courtisans.—Commencement -de la faveur du prince de Marsillac.—Politique de Mazarin -dans l'intérieur.—Il gouverne pendant la régence, par son influence -sur la reine.—Depuis la majorité du roi, par l'ascendant -qu'il sut prendre sur lui.—Il l'occupe des deux choses qu'il aimait -le plus, la guerre et la galanterie.—Il le force avec autorité de -s'occuper d'affaires.—Adresse que Mazarin met dans sa conduite -envers les autres membres de la famille royale.—Il se concilie -Gaston et <span class="small1">Mademoiselle</span>.—Il accorde un passe-port au médecin -Guenaud pour aller soigner Condé, malade.—Procédés de Mazarin -envers la princesse de Longueville.—Détails sur cette princesse -et sur le prince de Conti.—Mazarin n'a plus d'autres ennemis à -l'intérieur que les amis de Retz et les jansénistes.—Politique de -Mazarin à l'extérieur.—Moyens qu'il emploie pour abattre la puissance -de la maison d'Autriche.—L'ennemi s'empare de Rocroi.—Cette -circonstance donne lieu à l'épître de La Fontaine à une abbesse.—Madame -de Sévigné en entend la lecture chez Fouquet, -et en fait l'éloge.—Madrigal de La Fontaine à ce sujet, adressé à -madame de Sévigné.—Grandes richesses de Fouquet.—Il construit -Vaux.—Protège les beaux esprits.—De mademoiselle de -Scudéry et de ses romans, et de l'influence qu'elle exerçait.—Madame -de Sévigné allait fréquemment à Vaux.—Madame Scarron, -encore plus souvent.—Phrase d'une de ses lettres à madame Fouquet, -au sujet des jardins de Vaux.—Madame de Sévigné va à -sa terre des Rochers, et y passe l'automne avec ses trois oncles et -son cousin de Coulanges.</p> - -<p class="space">Les plus légères préférences du jeune roi pour quelques-uns -de ses courtisans n'étaient pas remarquées avec -moins de soin que ses plus petites attentions envers les -femmes. L'ambition, qui toujours veille, épiait avec une -<span class="pagenum"><a id="Page_118"> 118</a></span> -jalousie inquiète, ou avec une secrète joie, ses amitiés -comme ses amours. Sa prédilection pour le prince de Marsillac -n'avait échappé à personne, et la faveur naissante -de ce fils du duc de La Rochefoucauld, cet ancien chef de -la Fronde, était appuyée par la reine: tant sur le théâtre -mouvant des cours les combinaisons de l'intérêt font -varier rapidement les ligues et les hostilités, les ressentiments -et les affections! Le marquis de Vardes et quelques -autres jeunes courtisans, comme lui intimement liés -avec le prince de Marsillac, le secondaient dans ses efforts -pour s'assurer de plus en plus les bonnes grâces de Louis; -mais les comtes de Soissons, de Guiche, de Villequier, -l'abbé Fouquet, formaient, avec plusieurs autres dans la -jeune noblesse, un parti qui lui était opposé. Mazarin -soutenait ce parti, afin de diviser les courtisans, de les -empêcher de se réunir contre lui, et de tenir les fils de -leurs intrigues<a id="FNanchor_180" href="#Footnote_180" class="fnanchor"> [180]</a>.</p> - -<p>Pendant la régence, Mazarin gouverna par son influence -sur la reine. Il établit sur cette base le fondement de sa -puissance; c'est par là qu'il parvint à triompher des parlements, -de la cour et de la Fronde. Depuis la majorité, -c'est par l'ascendant qu'il sut acquérir sur le jeune monarque -qu'il assura la continuation de son autorité. Par ce -moyen, il se rendit indépendant d'une reine qui n'était pas -exempte de cette versatilité trop ordinaire à son sexe. Il -est vrai qu'ainsi il mécontentait fortement celle à laquelle -il devait son élévation, et qu'il se faisait taxer d'ingratitude -par tous ceux qui étaient attachés à sa personne -et reconnaissants de ses faveurs<a id="FNanchor_181" href="#Footnote_181" class="fnanchor"> [181]</a>. Mais le rusé ministre -savait qu'Anne d'Autriche lui avait sacrifié trop de monde -<span class="pagenum"><a id="Page_119"> 119</a></span> -pour pouvoir se séparer de lui; qu'elle tenait à lui par -trop de liens pour oser même le désirer. En gouvernant -seul et sans son appui, il flattait Louis, qui, ainsi affranchi -de cette tutelle maternelle, ne se crut vraiment roi -que lorsqu'il vit que son gouvernement n'était plus la -proie des intrigues des femmes et des exigences des courtisans, -mais qu'il reposait tout entier dans son ministre.</p> - -<p>Mazarin occupait sans cesse Louis des deux choses pour -lesquelles la jeunesse se passionne le plus facilement: la -guerre et la galanterie. Mais en flattant ainsi les penchants -de gloire et d'amour du jeune monarque, il savait s'en -faire estimer, et lui imprimer une haute idée de ses talents -et de sa capacité. Bien loin, comme on l'a prétendu, de lui -dérober le secret des affaires, il cherchait, au contraire, à -lui faire surmonter l'ennui que toute occupation sérieuse -cause à cet âge, où le temps semble manquer au plaisir, où -toutes les heures qui s'écoulent sans lui semblent pénibles -et fatigantes. Mazarin savait, d'autorité, forcer le jeune roi -à contracter l'habitude de fixer son attention sur les détails -de son gouvernement. Un jour, Louis XIV s'absenta à -l'heure où le conseil se tenait. Il s'était amusé, pendant -ce temps, à répéter avec Motteville les scènes d'un ballet -où ils devaient jouer ensemble. Mazarin fit à ce sujet au -roi une verte réprimande; il éloigna Motteville de la cour, -et donna des ordres sévères à tous les jeunes courtisans -de ne point chercher à distraire le roi lorsque son devoir -l'appelait au conseil<a id="FNanchor_182" href="#Footnote_182" class="fnanchor"> [182]</a>. Depuis lors, Louis XIV ne manqua -pas d'y assister régulièrement et de prêter toute son -attention aux affaires qui s'y traitaient.</p> - -<p>La conduite de Mazarin envers les autres membres de -la famille royale ne fut pas moins adroite. Il parvint par -<span class="pagenum"><a id="Page_120"> 120</a></span> -ses cajoleries, ses promesses et ses négociations, à rallier -à lui Gaston<a id="FNanchor_183" href="#Footnote_183" class="fnanchor"> [183]</a> et <span class="small1">Mademoiselle</span><a id="FNanchor_184" href="#Footnote_184" class="fnanchor"> [184]</a>, et à faire cesser leur correspondance -avec Condé. Envers ce prince, son ennemi, et -alors aussi celui de la France, Mazarin sut montrer de -la grandeur d'âme et de la générosité. On apprit que -Condé était tombé dangereusement malade à Bruxelles; -Mazarin se souvint seulement que Condé était Français -et prince du sang royal, qu'il avait rendu d'éminents -services à son pays et à son roi; il s'empressa d'accorder -un passeport au médecin Guenaud, pour qu'il pût -aller donner ses soins à l'illustre malade<a id="FNanchor_185" href="#Footnote_185" class="fnanchor"> [185]</a>. Quand on sut -que Condé était hors de danger, Mazarin fut un des premiers -à envoyer complimenter la duchesse de Longueville. -Celle-ci, bien loin de favoriser, comme autrefois, la rébellion -de son frère, ne cherchait qu'à se concilier la bienveillance -du ministre et de la cour. Entièrement livrée à -la plus sévère dévotion, elle entretenait une correspondance -active avec plusieurs religieuses du couvent des Carmélites, -et entre autres avec mademoiselle du Vigean, célèbre -par la passion qu'elle avait inspirée à Condé et à -Saint-Mégrin. Madame de Longueville eût voulu, à l'imitation -de cette amie, consacrer le reste de sa vie à la -retraite; mais ses directeurs spirituels ne le lui permirent -pas, et lui rappelèrent que ses devoirs marquaient sa place -près de son mari, avec lequel il fallait qu'elle se réconciliât. -<span class="pagenum"><a id="Page_121"> 121</a></span> -C'était peut-être la plus rigoureuse pénitence qu'ils -pussent lui imposer; elle la subit cependant, obtint du -duc de Longueville le pardon de ses nombreuses offenses, -ne le quitta plus, et se montra désormais soumise à ses -moindres volontés<a id="FNanchor_186" href="#Footnote_186" class="fnanchor"> [186]</a>.</p> - -<p>Soit qu'il fût encore, dans le bien comme dans le mal, -soumis à l'influence de sa sœur, soit qu'il fût converti par -les vertus de sa femme, soit enfin que l'âge eût amorti -en lui le feu des passions et lui eût inspiré d'autres pensées, -soit enfin par toutes ces causes réunies, le prince -de Conti devint aussi régulier dans sa conduite, aussi -pieux dans ses sentiments, qu'il s'était précédemment -montré déréglé<a id="FNanchor_187" href="#Footnote_187" class="fnanchor"> [187]</a>.</p> - -<p>La duchesse de Chevreuse et la princesse Palatine -étaient depuis longtemps dévouées au premier ministre<a id="FNanchor_188" href="#Footnote_188" class="fnanchor"> [188]</a>. -Le duc de Beaufort fut de tous les chefs de la Fronde -un de ceux qu'on eut le plus de peine à réduire au rôle -de suppliant; cependant il s'y résolut, et rentra aussi en -grâces: bientôt après il reçut de l'emploi et un commandement<a id="FNanchor_189" href="#Footnote_189" class="fnanchor"> [189]</a>.</p> - -<p>Ainsi Mazarin ne rencontrait plus d'obstacles à l'intérieur. -Les partisans du cardinal de Retz, Caumartin, -d'Hacqueville, Joly, Laigues, d'Aubigny, Pelletier de la -Houssaye, l'abbé de Lameth, Montrésor et autres, étaient -trop peu nombreux, trop peu puissants pour former un -parti; et Mazarin n'aurait fait aucune attention à eux, -<span class="pagenum"><a id="Page_122"> 122</a></span> -s'ils n'avaient pas été, en secret, aidés par les jansénistes. -Par cette raison, il les surveillait de près, et faisait enfermer -de temps en temps quelques-uns de ces opposants -à la Bastille<a id="FNanchor_190" href="#Footnote_190" class="fnanchor"> [190]</a>.</p> - -<p>C'est en quelque sorte en se jouant que Mazarin était -parvenu à déconcerter toutes les intrigues qu'on avait ourdies -pour le renverser ou pour entraver l'exercice de son -pouvoir; mais les difficultés du gouvernement et la politique -extérieure demandaient une vue plus vaste et des talents -d'un ordre plus élevé. C'est sous ce rapport surtout -que Mazarin se montra grand ministre. Continuant toujours -l'œuvre de Henri IV et de Richelieu, il cherchait à affaiblir -la puissance de la maison d'Autriche. Tous les -moyens qui conduisaient à ce but lui paraissaient bons et -légitimes. C'est ainsi qu'on le vit se lier avec Cromwell et -conclure avec lui un traité. Étranger à toutes les haines -comme à toutes les affections, Mazarin ne connaissait plus -ni sentiment ni convenance quand la raison politique ordonnait. -Là où il trouvait des forces, il cherchait à s'en -saisir, quelle que fût leur origine ou leur cause. Il ne -craignit pas de froisser tous les cœurs, de choquer les -royales répugnances, pour arriver à ses fins; et, sur la demande -de l'usurpateur, le roi et les princes d'Angleterre -furent expulsés de France; la reine d'Angleterre, comme -fille de Henri IV, eut seule la permission d'y rester<a id="FNanchor_191" href="#Footnote_191" class="fnanchor"> [191]</a>. -Mazarin obtint aussi de Cromwell un renfort de six mille -hommes, qui contribuèrent au succès de la campagne de -<span class="pagenum"><a id="Page_123"> 123</a></span> -cette année, signalée par la prise de Montmédy, de Mardick -et de Saint-Venant<a id="FNanchor_192" href="#Footnote_192" class="fnanchor"> [192]</a>.</p> - -<p>Lors de la diète qui fut tenue à Francfort pour l'élection -d'un empereur, Mazarin parvint à faire admettre les -plénipotentiaires du roi de France, qui n'avait aucun -droit d'y assister<a id="FNanchor_193" href="#Footnote_193" class="fnanchor"> [193]</a>. L'or et l'intrigue semèrent des divisions -dans toute l'Allemagne, obtinrent des alliés pour la -France, créèrent des ennemis à l'Autriche. Toujours -Mazarin joignait les négociations aux armées, et l'adresse -à la force. La guerre se poursuivait avec activité dans les -Pays-Bas, en Italie, en Catalogne<a id="FNanchor_194" href="#Footnote_194" class="fnanchor"> [194]</a>, tandis que des plénipotentiaires -français en Hollande, à Madrid, à Bruxelles, -à Munich, travaillaient à négocier la paix, mais toujours -sous des conditions avantageuses à la France<a id="FNanchor_195" href="#Footnote_195" class="fnanchor"> [195]</a>.</p> - -<p>Malgré les succès constants de Turenne, la France -souffrait aussi par la guerre, et n'avait pas assez de troupes -sur pied pour se garantir des fléaux qu'elle infligeait -aux pays ennemis. Les Espagnols s'étaient rendus maîtres -de Rocroi, dont la garnison, commandée par l'intrépide -Montalte, menaçait Reims, et détachait souvent des partisans. -Ceux-ci, pour obtenir de grosses rançons, enlevaient -des riches bourgeois dans toute la Champagne, et même -<span class="pagenum"><a id="Page_124"> 124</a></span> -s'avançaient jusque près de la capitale. Leur audace s'accrut -au point que les habitants de Reims se virent obligés -de s'armer pour défendre leur ville contre le pillage, et -que le maréchal de l'Hôpital, gouverneur de Paris, fit -faire des patrouilles dans la banlieue, pour arrêter ou -effrayer ces hardis maraudeurs<a id="FNanchor_196" href="#Footnote_196" class="fnanchor"> [196]</a>.</p> - -<p>Un jeune poëte de Château-Thierry, alors sans réputation, -mais non pas sans talent (c'était La Fontaine), avait -été invité par une abbesse de Mons à venir la trouver: il -s'en excusa par le peu de sûreté de la route, et par la crainte -que lui inspiraient Montalte et ses soldats. L'épître en -vers qu'il lui adressa à ce sujet surpassait par l'esprit, la -grâce, la facilité, l'harmonie, les meilleures lettres de -Voiture. La Fontaine en fit la lecture chez le surintendant -Fouquet, dont il était le pensionnaire, en présence d'un -assez nombreux auditoire. Madame de Sévigné en faisait -partie: elle fut charmée de cette pièce; elle exprima le -plaisir qu'elle en ressentait, avec cet abandon et ce ton de -franchise qui lui étaient ordinaires. La Fontaine, joyeux -d'un tel suffrage, adressa deux jours après un dizain à -Fouquet, dans lequel il lui dit<a id="FNanchor_197" href="#Footnote_197" class="fnanchor"> [197]</a>:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>De Sévigné, depuis deux jours en çà,</p> -<p>Ma lettre tient les trois parts de sa gloire,</p> -<p>Elle lui plut, et cela se passa,</p> -<p>Phébus tenant chez vous son consistoire.</p> -<p>Entre les dieux (et c'est chose notoire),</p> -<p>En me louant, Sévigné me plaça.</p> -<p>Ingrat ne suis: son nom sera pieçà<a id="FNanchor_198" href="#Footnote_198" class="fnanchor"> [198]</a></p> -<p>Delà le ciel, si l'on m'en voulait croire.</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_125"> 125</a></span> -Nous dirons bientôt de quelle manière Fouquet était -parvenu à s'emparer de l'administration des finances, et -comment il s'était acquis une puissance qui commençait -à porter ombrage au premier ministre. Il le surpassait par -l'éclat de son luxe et par sa magnificence. Plus généreux -que lui, plus homme de goût, meilleur juge en littérature, -appréciateur plus éclairé des beaux-arts, il récompensait -les auteurs et les artistes avec plus de discernement et plus -de libéralité; ce qui était encore préférable, il s'en faisait -aimer par son accueil affectueux, par la franchise, la -simplicité et l'affabilité de ses manières. Il avait achevé -avec une énorme dépense le beau château de Vaux-le-Vicomte, -près de Melun. L'architecte du roi Le Vau avait -construit les bâtiments, le peintre Lebrun les avait ornés, -Le Nostre avait dessiné et planté les jardins et le parc<a id="FNanchor_199" href="#Footnote_199" class="fnanchor"> [199]</a>. -C'est dans ce somptueux séjour que Fouquet se plaisait à -réunir, avec ce qu'il y avait de plus aimable et de plus considérable -en France, les hommes de lettres en réputation -et ceux dont la réputation était à faire. Chapelain, Ménage, -Costar, la comtesse de La Suze, mademoiselle de Scudéry, -s'y trouvaient souvent ensemble; La Fontaine y était admis -depuis longtemps; Molière commençait à y paraître, en -même temps qu'il venait d'obtenir pour sa troupe la permission -de jouer à Paris. L'avocat Pellisson, qui joignait -le génie des affaires à celui des lettres, premier commis -de Fouquet, était son intermédiaire avec les beaux esprits. -Pellisson s'était déclaré l'amant de mademoiselle de Scudéry, -mais à la manière poétique de l'hôtel de Rambouillet. -C'est là qu'on lui avait donné le nom d'Acante, et à -<span class="pagenum"><a id="Page_126"> 126</a></span> -elle celui de Sapho. L'admiration que mademoiselle de -Scudéry excitait alors était grande. Un de ses contemporains -dit qu'elle est la dixième Muse et aussi la première. -La publication d'un nouveau volume d'un de ses interminables -romans était un événement. Thomas Corneille, -pour mieux recommander une de ses pièces à l'attention -publique, a soin d'annoncer qu'elle est une imitation d'un -des ouvrages de mademoiselle de Scudéry. On n'a pas -assez remarqué, ce me semble, que les romans ont toujours -exercé une grande influence sur le théâtre et la poésie. -Le roman signale et détermine le caractère spécial de -la littérature de chaque époque. Dans ce genre, plus que -dans tous les autres, les auteurs originaux sont rares, les -imitateurs abondent; par le grand nombre même de productions -qu'il enfante et la multitude de lecteurs qu'il -s'attire, il met en circulation les mêmes classes d'idées et -de sentiments, donne du crédit à des manières particulières -de voir et de sentir, introduit l'usage des mêmes -formes de style, imprime au goût ses habitudes, impose à -l'imagination ses préférences; il crée, enfin, une sorte -d'atmosphère dans la littérature et dans les arts, dont le -génie le plus puissant et le plus indépendant subit l'influence, -et contre laquelle la froide critique cherche en -vain à se débattre.</p> - -<p>Fouquet donnait à Vaux les fêtes les plus somptueuses -que l'on eût encore vues en France. Madame de Sévigné -allait souvent à Vaux. C'est à Vaux que la belle épouse -du burlesque Scarron, sans aucune idée de la destinée -qui l'attendait, demandait à madame Fouquet la permission -de se rendre, «pour témoigner, disait-elle, sa reconnaissance -au héros qui en était le maître; osant espérer -qu'on ne la trouverait pas de trop dans ces allées où -<span class="pagenum"><a id="Page_127"> 127</a></span> -l'on pense avec tant de raison, où l'on badine avec tant -de grâce<a id="FNanchor_200" href="#Footnote_200" class="fnanchor"> [200]</a>.»</p> - -<p>Mais madame de Sévigné se déroba aux délices de -Vaux et de Livry, aux fêtes de la cour, aux charmes -des beaux cercles de la capitale, pour se rendre en Bretagne, -où sa présence était nécessaire au règlement de -ses affaires et aux embellissements qu'elle avait projetés -au château et au parc de sa terre des Rochers.</p> - -<p>Cependant elle ne partit point seule: elle fut suivie ou -accompagnée par ses deux oncles, le <i>bien bon</i> Christophe -de Coulanges, abbé de Livry, et par son frère cadet, Charles -de Coulanges, seigneur de Saint-Aubin, homme excellent, -très-pieux, mais cependant naturellement jovial, grand -joueur de mail, sans ambition, sans intrigues, et qui s'acquit, -par son caractère et par les qualités de son cœur et -de son esprit, beaucoup d'amis, même dans les rangs les -plus élevés. Il les conserva toute sa vie, quoiqu'en devenant -âgé, il eût, pour satisfaire ses habitudes et ses inclinations, -choqué les convenances du monde par un mariage -inégal<a id="FNanchor_201" href="#Footnote_201" class="fnanchor"> [201]</a>. Saint-Aubin, comme l'abbé de Coulanges, aidait -madame de Sévigné dans l'administration de ses biens, et -dans tous les travaux qu'elle faisait entreprendre à sa -terre des Rochers. Aussi attaché que son frère à l'aimable -veuve, il l'assistait de ses conseils, et elle lui abandonnait -volontiers le soin de leur exécution. Saint-Aubin, -comme sa nièce, aimait les bons livres, et était d'une -<span class="pagenum"><a id="Page_128"> 128</a></span> -complaisance infatigable quand elle lui demandait de lui -faire des lectures.</p> - -<p>A ces deux oncles de madame de Sévigné vint se joindre -bientôt un troisième: c'était Louis de Coulanges -de Chezières<a id="FNanchor_202" href="#Footnote_202" class="fnanchor"> [202]</a>. Celui-ci était depuis peu de retour d'un -grand voyage qu'il avait fait en compagnie avec son -neveu Philippe-Emmanuel de Coulanges, ce même petit -Coulanges avec lequel madame de Sévigné avait passé -son enfance au château de Sucy<a id="FNanchor_203" href="#Footnote_203" class="fnanchor"> [203]</a>. Lui et de Chezières -s'étaient mis à la suite du maréchal duc de Gramont et -de M. de Lyonne, envoyés en ambassade à Francfort-sur-le-Mein, -auprès des électeurs, qui y avaient été convoqués -pour nommer un empereur. Ils avaient, en compagnie de -Nointel, d'Amelot, de Le Camus, qui depuis devinrent -de hauts personnages, parcouru l'Allemagne et l'Italie. -Successivement bien accueillis à la cour de Bavière, à -celle de Wurtemberg, de l'électeur Palatin, de Piémont, -de Toscane, ils avaient vu à Rome le nouveau pape officier -pendant la semaine sainte, et ils étaient de retour à -Paris le 23 octobre 1658. Coulanges alla aussitôt en -Picardie voir son oncle d'Ormesson, qui était intendant -de cette province; il rejoignit ensuite son père à la campagne, -chez la marquise de La Trousse, sa tante, dans la -terre de ce nom. Il retrouva là aussi sa tante, ses deux -sœurs, et sa cousine mademoiselle de La Trousse. Son oncle -de Chezières l'avait quitté, et s'était empressé, ainsi que -je l'ai dit, de se rendre aux Rochers<a id="FNanchor_204" href="#Footnote_204" class="fnanchor"> [204]</a>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_129"> 129</a></span> -On peut juger combien madame de Sévigné dut être satisfaite -de l'arrivée de cet oncle, qu'elle aimait à l'égal des -deux autres. Après un voyage aussi long et aussi intéressant, -sa conversation dut être d'autant plus délicieuse pour -elle pendant les jours d'oisiveté qui permettent à la campagne -de jouir du présent et de faire une pose dans la -vie, que de Chezières était un homme ponctuel dans ses -narrations, retenant avec soin les dates, les noms et les circonstances, -et toujours prêt à redresser les faits et à les -expliquer. Il aimait beaucoup le séjour des Rochers, probablement -à cause de l'amitié qu'il portait à sa nièce; et -il y revenait volontiers et souvent<a id="FNanchor_205" href="#Footnote_205" class="fnanchor"> [205]</a>.</p> - -<p>Madame de Sévigné se plaisait tant dans la société de -ses trois oncles, qu'elle ne quitta les Rochers qu'à la fin de -l'année et dans les derniers jours de septembre. Elle retrouva -à Paris son cousin de Coulanges, son ami d'enfance. -Mais il faut le laisser parler, et copier ce qu'il a -dit lui-même dans son journal aussitôt après son retour:</p> - -<p>«Vers Noël, madame la marquise de Sévigné, ma cousine -germaine, dame d'un mérite extraordinaire, et pour -laquelle j'ai eu toute ma vie une très-tendre amitié, -arriva de ses terres de Bretagne avec l'abbé de Coulanges, -M. de Chezières, qui l'était allé trouver après son -retour d'Allemagne, et M. de Saint-Aubin, ses oncles et -les miens. J'eus la plus grande joie du monde de les embrasser -tous, et de voir, par leur arrivée, toute ma famille -paternelle réunie pour longtemps<a id="FNanchor_206" href="#Footnote_206" class="fnanchor"> [206]</a>.»</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_130"> 130</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE XI.<br /> -<span class="medium">1657-1658.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Bussy poursuit son plan auprès de sa cousine.—Il savait apprécier -son style.—Il aimait à exercer sa critique sur les auteurs les plus -fameux.—Il se plaisait à faire confidence à sa cousine de ses intrigues -galantes.—Lettres de Bussy à madame de Sévigné.—Ce qu'il -a écrit à la marquise d'Uxelles.—Rupture entre Bussy et madame -de Sévigné.—Bussy déplaît à Turenne.—Il fait sa cour à Mazarin -et à Fouquet.—Sa galanterie lui fait des rivaux et des ennemis.—Il -contracte des dettes.—Il remet à Fouquet la démission de sa charge.—Bussy -reçoit de l'argent de Fouquet.—Bussy s'adonne au jeu.—Il -a besoin d'argent pour ses équipages de campagne.—Madame -de Sévigné consent à lui en prêter.—Des formalités empêchent la -délivrance de la somme.—Bussy emprunte sur les diamants de madame -de Monglat.—Il part furieux contre madame de Sévigné.—Ses -malheurs datent de sa rupture avec elle.—Il se distingue à -l'armée.—Il fait pendant la semaine sainte une partie de débauche -au château de Roissy.—Bussy est disgracié pour cette -orgie.—Il fait des vers contre Mazarin et des personnes de la cour.—Il -compose son <i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, et y place le -portrait de madame de Sévigné.—Il est mis à la Bastille pour ce -libelle.—Supporte mal l'infortune.—Comment se passa la fin de -sa vie.—Personne ne l'aimait, hors madame de Sévigné.—Cependant -le souvenir de l'injure qu'il lui a faite excite toujours ses -craintes.—Bussy se repent de ce qu'il a fait contre sa cousine.—Dans -une circonstance mémorable il se conduit à son égard avec -générosité.</p> - -<p class="space">Bussy se flattait peu, après une aussi longue résistance, -de pouvoir triompher de sa cousine; mais il goûtait -de jour en jour davantage le commerce épistolaire -qu'il entretenait avec elle. Homme de goût et d'esprit, il -se vantait avec quelque raison de son tact en littérature -<span class="pagenum"><a id="Page_131"> 131</a></span> -et de l'indépendance de ses jugements. Chapelain, dont la -haute réputation avait résisté même à la publication de -son poëme, n'était pas à l'abri de ses critiques. Bussy -appréciait parfaitement le naturel, l'élégance, la variété -et la vivacité des tours et toutes les qualités du style de -sa cousine. Il en était charmé, et ses lettres lui causaient -un plaisir toujours nouveau. D'ailleurs, il avait la plus -entière confiance dans sa prudence et dans sa discrétion. -Obligé de se soumettre à la défense qu'elle lui avait faite -de ne jamais dans sa correspondance l'entretenir de son -amour, il s'en dédommageait en lui faisant confidence de -ses intrigues galantes avec d'autres femmes. Dans une -lettre qu'il lui adressa pendant cette campagne, il lui fait -part de sa correspondance avec la marquise d'Uxelles:</p> - -<p class="letter">LETTRE DE BUSSY A MADAME DE SÉVIGNÉ.</p> - -<p class="dater">«Au camp de Blessy, le 4 août 1657.</p> - -<p>«Votre lettre est fort agréable, ma belle cousine; elle -m'a fort réjoui. Qu'on est heureux d'avoir une amie qui -ait autant d'esprit que vous! Je ne vois rien de si juste -que ce que vous écrivez, et l'on ne peut pas vous dire: Ce -mot-là serait plus à propos que celui que vous avez mis. -Quelque complaisance que je vous doive, madame, vous -savez que je vous parle assez franchement pour ne pas -vous dire ceci si je ne le pensais pas; et vous ne doutez -pas que je ne m'y connaisse un peu, puisque j'ose bien -juger des ouvrages de Chapelain<a id="FNanchor_207" href="#Footnote_207" class="fnanchor"> [207]</a>, et que je censure assez -justement ses pensées et ses paroles. Je vous envoie copie -de la lettre que j'ai écrite à la marquise d'Uxelles. Elle me -mande que si j'aime les grands yeux et les dents blanches, -<span class="pagenum"><a id="Page_132"> 132</a></span> -elle aime, de son côté, les gens tendres et les amoureux -transis, et que ne me trouvant pas comme cela, je me -tienne pour éconduit. Elle revient après; et sur ce que je -lui mande que je la quitterai si elle me rebute, et qu'à -moins de se déguiser en maréchale pour me surprendre, -elle ne m'y rattrapera plus, elle me répond que je ne me -désespère point, et qu'elle me promet de se donner à moi -quand elle sera parvenue à la dignité pour laquelle, à ce -qu'elle dit, on la mange jusqu'aux os; que mon poulet ne -pouvait lui être rendu plus mal à propos, et que, n'ayant -pas un denier, elle était dans la plus méchante humeur -du monde<a id="FNanchor_208" href="#Footnote_208" class="fnanchor"> [208]</a>.»</p> - -<p>On voit, par les particularités contenues dans cette -lettre, qu'il existait entre Bussy et sa cousine tous les -genres d'intimité, excepté celui qu'elle repoussait, et qui -n'eût point été compatible avec de tels aveux. Cependant, -c'est alors que leur liaison semblait la plus étroite, c'est -lorsque leur amitié mutuelle s'était accrue par l'habitude -de se communiquer leurs pensées, qu'il y eut entre eux -une rupture absolue. L'outrage qui en fut la suite aurait -pu rendre cette rupture définitive, si l'excellent caractère -de madame de Sévigné, la bonté de son cœur, le repentir -sincère de Bussy, sa noble conduite dans une circonstance -délicate, un orgueil de famille assez prononcé dans le -cousin comme dans la cousine, les inclinations qu'ils -avaient toujours eues l'un pour l'autre, n'eussent, après -huit ans d'intervalle, opéré entre eux un rapprochement -sincère, et renoué enfin une correspondance depuis longtemps -interrompue.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_133"> 133</a></span> -Mais pour bien connaître la cause de cette rupture, qui -eut peut-être plus d'influence sur la destinée de madame -de Sévigné qu'elle-même ne le soupçonna, il faut continuer -à suivre les principaux détails de la vie de Bussy, -comme nous l'avons fait jusque ici.</p> - -<p>Bussy dès les premiers moments qu'il fut placé sous -les ordres du maréchal de Turenne, lui avait déplu<a id="FNanchor_209" href="#Footnote_209" class="fnanchor"> [209]</a>: -Bussy cependant avait un courage brillant; il était bon -officier, entendait bien la guerre, et fit plusieurs actions -d'éclat qui lui méritèrent les éloges de Turenne lui-même; -mais Bussy faisait souvent des fautes par un -excès de présomption. Il était vain et arrogant, et il -aimait trop ses plaisirs pour ne pas souvent négliger ses -devoirs<a id="FNanchor_210" href="#Footnote_210" class="fnanchor"> [210]</a>. Son esprit médisant et caustique dirigeait sur -tout le monde, et sur ses supérieurs même, des traits -acérés<a id="FNanchor_211" href="#Footnote_211" class="fnanchor"> [211]</a>. Trop jaloux des priviléges de sa charge, il faisait -de son plein gré des promotions dans la cavalerie, et -délivrait des commissions d'officier sans en référer au -général en chef<a id="FNanchor_212" href="#Footnote_212" class="fnanchor"> [212]</a>. Il en avait le droit; mais dans l'exercice -de l'autorité il faut moins consulter son droit que l'intérêt -de la chose qui nous a été confiée, et le jugement nous -indique quand il faut aller au delà de nos pouvoirs et -quand il faut rester en deçà. Le privilége dont Bussy -abusait était de nature à déplaire à tout général en chef, -même en temps de paix; en guerre il était évidemment -<span class="pagenum"><a id="Page_134"> 134</a></span> -nuisible au bien du service, et il entraînait de fâcheuses -conséquences.</p> - -<p>Malgré son orgueil, Bussy faisait assidûment sa cour à -Mazarin et à Fouquet, dans l'espérance d'obtenir de l'avancement -du premier et de l'argent du second<a id="FNanchor_213" href="#Footnote_213" class="fnanchor"> [213]</a>; or, rien -n'était plus propre qu'une telle conduite à lui enlever l'estime -de Turenne. Ce grand capitaine se prévalait de l'appui -qu'il prêtait à l'État pour se maintenir dans une -indépendance utile aux succès de ses opérations; il lui -importait peu de déplaire au premier ministre: parfaitement -désintéressé, il n'avait ni richesses ni faveurs à demander, -et la nécessité de la discipline le portait à vouloir -que les officiers sous ses ordres dépendissent de lui et non -de Mazarin. Bussy, malgré ses pressantes sollicitations, -n'obtenait point l'exécution des promesses qui lui avaient -été faites. Il attribuait le défaut de succès de ses démarches -au peu de crédit dont il jouissait près de Turenne, et -il ne se trompait pas. Quoique Mazarin fût jaloux de Turenne, -il lui rendait justice; il savait apprécier ses services -et ses talents, et il le ménageait. Si Bussy avait pu obtenir -l'appui de ce grand capitaine, Mazarin n'aurait pas osé -lui manquer si souvent de parole.</p> - -<p>A tous ces mécomptes de l'ambition Bussy joignait une -conduite propre à lui faire beaucoup d'ennemis: il ne se -contentait pas d'une seule maîtresse, mais toutes les femmes -qui lui plaisaient devenaient les objets de ses poursuites; -et comme il réussissait souvent, il avait contre -lui beaucoup d'envieux et de jaloux et un plus grand -nombre de rivaux. Ce qu'il y avait pour lui de plus triste -et de plus désastreux, c'est qu'il n'avait ni ordre dans ses -<span class="pagenum"><a id="Page_135"> 135</a></span> -affaires ni économie dans ses dépenses; son faste, son -goût pour les plaisirs lui en faisaient faire d'excessives, et -de très-disproportionnées à sa fortune. Les sommes qu'il -avait empruntées au surintendant pour payer sa charge -eussent exigé de lui qu'il fît des épargnes, afin de pouvoir -en opérer le remboursement et en servir les intérêts; mais, -bien loin de pouvoir y parvenir, il avait contracté de nouvelles -dettes. Dans son marché avec Fouquet, il s'était engagé -d'obtenir avant trois ans un grade supérieur à celui -de mestre de camp dans la cavalerie<a id="FNanchor_214" href="#Footnote_214" class="fnanchor"> [214]</a>, et de céder cette -dernière charge au surintendant, qui voulait la faire passer -dans sa famille. Pour sûreté de cette condition, Bussy -avait remis d'avance à Fouquet la démission de sa charge; -mais comme Bussy ne put obtenir d'avancement dans les -délais déterminés, Fouquet refusa de lui compter les sommes -stipulées en cas d'exécution de cette clause de leur -contrat. Bussy voulut alors ravoir la démission souscrite -par lui: pour forcer le surintendant à la lui rendre, il se -servit de l'influence de l'abbé Fouquet, alors brouillé avec -son frère, mais en grande faveur auprès de la reine mère -et de Mazarin. Par le moyen d'une si puissante intervention, -Bussy parvint à se faire rendre la démission qu'il -avait donnée; mais il s'attira l'inimitié du surintendant<a id="FNanchor_215" href="#Footnote_215" class="fnanchor"> [215]</a>.</p> - -<p>Pour qu'aucun travers, aucune cause de ruine ne manquât -à Bussy, il était joueur: il est vrai que, si on l'en -croit, il était heureux au jeu. Cependant il y a lieu de penser -qu'il aimait à se vanter de ce qu'il gagnait, et se taisait -sur ses pertes. Il fait mention dans ses Mémoires des -<span class="pagenum"><a id="Page_136"> 136</a></span> -gains considérables qu'il fit pendant qu'il était à l'armée -de Catalogne. Ils lui suffirent pour défrayer toutes ses dépenses -pendant cette campagne; il lui resta même encore -dix mille écus sur cet argent<a id="FNanchor_216" href="#Footnote_216" class="fnanchor"> [216]</a>. Dans la lettre à sa cousine -dont nous venons de transcrire une partie, il dit qu'il a -gagné huit cents louis<a id="FNanchor_217" href="#Footnote_217" class="fnanchor"> [217]</a>, et qu'il est tellement en veine, -que personne n'ose plus jouer avec lui. Cependant, lorsque -l'année suivante le moment vint de partir pour l'armée, -il se trouva dans une telle détresse qu'il n'avait pas -de quoi suffire à la dépense de ses équipages<a id="FNanchor_218" href="#Footnote_218" class="fnanchor"> [218]</a>, et si peu -de crédit, que personne ne voulait lui prêter<a id="FNanchor_219" href="#Footnote_219" class="fnanchor"> [219]</a>. Il ne savait -comment se tirer d'embarras, lorsque l'évêque de Châlons, -Jacques de Neuchèse, oncle de sa première femme, dont -nous avons parlé précédemment<a id="FNanchor_220" href="#Footnote_220" class="fnanchor"> [220]</a>, mourut. Cet évêque -avait donné par contrat de mariage à sa nièce, lorsqu'elle -épousa Bussy, une valeur de dix mille écus, et autant à -son autre nièce madame de Sévigné; le tout était payable -seulement après sa mort. Madame de Sévigné, qui désirait -avoir une terre de l'évêque de Châlons rapprochée de -Bourbilly, avait proposé à Bussy de traiter avec lui de -ses droits dans la succession de leur oncle. Bussy, sans -rejeter ni accepter cette proposition, mais uniquement occupé -du soin de se tirer de la gêne où il était, envoya -Corbinelli à sa cousine, pour lui demander en son nom -<span class="pagenum"><a id="Page_137"> 137</a></span> -de lui faire trouver dix mille écus: il lui offrit pour garantie -le nouvel héritage auquel il avait droit. Madame -de Sévigné accepta, et même elle témoigna sa joie de pouvoir -obliger Bussy; mais elle se laissait gouverner entièrement -pour ses intérêts pécuniaires par son oncle l'abbé -de Coulanges; et là où elle n'avait pas vu de difficultés il -en aperçut. L'abbé connaissait le désordre des affaires de -Bussy, et avant de laisser grever les biens de sa nièce -pour une somme de dix mille écus, qui valaient à peu -près 60,000 fr. d'aujourd'hui, il voulut savoir si les biens -de Bussy n'étaient pas déjà engagés, et s'assurer quels -pouvaient être ses moyens de remboursement. Il envoya -quelqu'un en Bourgogne pour prendre des informations; -et pour déguiser ce que cette mesure avait d'offensant, -l'abbé de Coulanges dit qu'on ne pouvait disposer des fonds -d'une succession qui n'était pas encore partagée; et que -par conséquent il y avait nécessité d'aller trouver l'héritier -de M. de Neuchèse, pour s'assurer de son consentement -relativement à l'hypothèque offerte par Bussy. Madame -de Sévigné fit savoir à Bussy les raisons du retard du -prêt qu'elle devait lui faire. Bussy répondit qu'il lui -était impossible d'attendre, parce que l'armée avait déjà -investi Dunkerque, et que s'il ne se trouvait pas à ce -siége, il serait déshonoré: il lui offrit pour sûreté de la -somme qu'il demandait, en attendant le retour de l'homme -d'affaires envoyé en Bourgogne, des ordonnances de ses -appointements pour dix mille écus, disant que, lors même -qu'il mourrait à l'armée, il serait facile de se faire payer -du montant de ces ordonnances jusqu'à concurrence de la -somme prêtée, puisque cela ne dépendait que de Fouquet, -dont la bonne volonté à l'égard de sa cousine n'était pas -douteuse. Madame de Sévigné répondit que le surintendant -<span class="pagenum"><a id="Page_138"> 138</a></span> -était précisément l'homme du monde auquel -elle consentirait le moins à demander un service d'argent.</p> - -<p>Cette correspondance et ces négociations avaient consumé -du temps, et n'avaient fait qu'augmenter la détresse -de Bussy, qui était arrivé à la veille du jour de son départ. -La marquise de Monglat vint à son secours; elle lui -remit ses diamants, qu'il mit en gage; il emprunta dessus -deux mille écus: avec cet argent il partit, mais le cœur -ulcéré contre sa cousine, se croyant trompé par elle, et -regardant comme fausses toutes les protestations qu'il en -avait reçues, comme perfides tous les témoignages de tendresse -et d'amitié qu'elle lui avait donnés. Quoiqu'il ne -pût s'empêcher de l'aimer encore, il rompit tout commerce -avec elle. Le dépit et l'orgueil blessé lui inspirèrent le -même désir de vengeance que la haine, et il ne tarda pas, -comme nous le verrons bientôt, à se satisfaire. C'est de -cette époque que datent le déclin de la fortune de Bussy -et tous ses malheurs. Si sa rupture avec sa cousine n'en -fut pas la seule cause, il est certain qu'elle y contribua -beaucoup. C'est depuis qu'il eut cessé d'avoir madame de -Sévigné pour confidente et pour amie, depuis qu'il n'eut -plus la crainte d'être désapprouvé par elle, depuis qu'il ne -redouta point ses spirituelles et utiles railleries, et qu'il ne -fut plus encouragé par ses éloges ni éclairé par ses conseils, -qu'il passa de la prodigalité au désordre, et de la -galanterie à la débauche.</p> - -<p>Au retour de cette campagne, qui fut une des plus brillantes -et une des plus importantes par ses résultats, toute -la jeune noblesse qui en était revenue, enivrée de ses succès -et de la gloire commune, se livra avec plus d'emportement -que de coutume aux plaisirs de la capitale. Bussy, -<span class="pagenum"><a id="Page_139"> 139</a></span> -qui s'était distingué par de beaux faits d'armes, fut un -des plus ardents à se dédommager des ennuis et des fatigues -de la guerre, par toutes les joyeuses folies auxquelles -l'usage permettait de s'abandonner pendant le carnaval. -Lui et ses compagnons habituels virent avec peine arriver -le moment où les solennités de la semaine sainte les forceraient -d'interrompre et de changer leur genre de vie: en le -continuant ouvertement, ils savaient qu'ils révolteraient -les sentiments de morale publique et s'exposeraient à des -dangers. Vivonne, premier gentil-homme du roi, l'un -d'entre eux, leur offrit d'aller passer ce temps de retraite et -de pénitence à son château de Roissy, à quatre lieues de -Paris, leur promettant que, loin de l'intrusion des fâcheux -et des regards de tous les censeurs, ils auraient pleine liberté -pour se réjouir et abondance de tous les moyens -nécessaires à la satisfaction de leurs goûts. Outre Vivonne -et Bussy, il y avait, dans le nombre de ces jeunes débauchés, -Cavois, lieutenant au régiment des Gardes; Mancini, -neveu du cardinal Mazarin; les comtes de Guiche et de -Manicamp et l'abbé Le Camus, qu'on est bien étonné de -trouver en telle compagnie, car c'est bien le même qui -depuis, aumônier et prédicateur du roi, évêque et cardinal, -devint un modèle de vertu, de piété et d'humilité -chrétienne<a id="FNanchor_221" href="#Footnote_221" class="fnanchor"> [221]</a>. En se rendant au château qui devait être le -théâtre de leurs orgies, ces jeunes écervelés arrêtèrent en -route un procureur nommé Chantereau; ils l'emmenèrent -<span class="pagenum"><a id="Page_140"> 140</a></span> -prisonnier, puis, après l'avoir enivré et s'en être divertis, -ils le renvoyèrent. Ils se mirent ensuite à jouer gros jeu; -puis après ils firent venir des violons. Le jour suivant, ou -plutôt la nuit suivante, qui était celle du samedi au dimanche, -ils firent ce qu'on appelait alors <i>media noche</i>, -c'est-à-dire un repas au milieu de la nuit, afin de pouvoir -s'enivrer et manger de la viande. Malgré les précautions -qu'ils avaient prises, le bruit de leurs excès et de leurs -débauches perça au dehors; tout ce qu'il y avait eu dans -leurs actions de blâmable pour les bonnes mœurs, d'outrageant -pour la religion, devint la matière de récits exagérés: -le roi et la reine en furent informés, et Bussy et tous -les auteurs de ces scènes scandaleuses furent exilés dans -leurs terres<a id="FNanchor_222" href="#Footnote_222" class="fnanchor"> [222]</a>. Cette disgrâce ôtait à Bussy tous les moyens -d'obtenir l'accomplissement des promesses d'avancement -qui lui avaient été faites. La sévérité dont on usa envers -lui dans cette circonstance lui parut excessive; elle l'aigrit -contre Mazarin, contre la reine, contre Turenne, -contre tout ce qui était puissant et favorisé par eux. Il exhala -d'abord, à part lui à la vérité et en secret, sa malignité -dans des satires, des chansons, des épigrammes dirigées -contre les courtisans, les ministres et les généraux. Il en -divertit sa maîtresse<a id="FNanchor_223" href="#Footnote_223" class="fnanchor"> [223]</a>. Comme elle prenait goût à ces dangereux -exercices d'esprit, il composa, pour la satisfaire, -le curieux et scandaleux volume qu'il intitula <i>Histoire -amoureuse des Gaules</i>. Sous des noms déguisés et faciles -à deviner, et sous la forme d'un roman écrit d'un style -naturel et élégant, il y dévoila les intrigues, le libertinage -<span class="pagenum"><a id="Page_141"> 141</a></span> -et les turpitudes de plusieurs personnages de la cour. -Comme il était alors au plus haut point de sa colère contre -madame de Sévigné, il traça d'elle un portrait satirique. -C'est ce portrait et un ou deux autres qui ont fait dire à -Saint-Évremond, au sujet de cet ouvrage, «que son auteur -avait dit du mal de certaines femmes dont il n'avait -pas pu même inventer les désordres<a id="FNanchor_224" href="#Footnote_224" class="fnanchor"> [224]</a>».</p> - -<p>Bussy fit quelques lectures de son ouvrage à des personnes -sur la discrétion desquelles il pouvait compter. Son -secret lui fut gardé pendant quelque temps; mais, ainsi -que nous le dirons plus amplement, il fut trahi par la jalousie -d'une de ses maîtresses. Il avait eu la faiblesse de -prêter son manuscrit pendant vingt-quatre heures. Contre -la foi de la promesse qui lui avait été faite, on en fit une -copie qui servit à en faire d'autres, qui circulèrent, et l'ouvrage -fut imprimé en Hollande, sans nom d'auteur d'abord, -puis peu après avec le nom de l'auteur, et donnant -la connaissance de tous les personnages dont les noms -étaient déguisés, au moyen d'un index ou clef qu'on avait -ajoutée et imprimée à la fin. Ce ne fut pas tout: en recopiant -et en réimprimant cet ouvrage, on y fit des additions, -qui en augmentèrent le venin et le scandale, et dont -Bussy n'était pas l'auteur. Un des interlocuteurs de cette -espèce de roman historique y parlait d'un cantique qu'on -avait chanté, sans dire quel était ce cantique et sans en -rien citer. On en composa un avec des couplets dirigés -contre le roi et les femmes de la cour, et on l'intercala -dans cet endroit de l'ouvrage de Bussy. Cette addition -fut faite peu de temps après les premières éditions: il y -avait encore d'autres couplets, moins coupables, qu'on lui -<span class="pagenum"><a id="Page_142"> 142</a></span> -attribuait alors, et qu'il affirmait n'être point de lui<a id="FNanchor_225" href="#Footnote_225" class="fnanchor"> [225]</a>. Ses -protestations, ses assertions, et les preuves dont il offrait -de les appuyer, furent repoussées; il fut mis à la Bastille, -et tomba dans une disgrâce complète.</p> - -<p>On verra par la suite de ces Mémoires que Bussy ne sut -point supporter avec courage et dignité son infortune, ni -profiter de l'intérêt que l'arbitraire dont il était victime -attachait à sa disgrâce. Il flattait bassement ceux par lesquels -il espérait remonter à la faveur, et il les déchirait -en secret. Sa détention ne fut pas de longue durée; mais -vingt années s'écoulèrent sans qu'il pût obtenir la permission -de se montrer à la cour. Il y reparut enfin, mais humilié, -mais sans charge, sans fonctions, sans crédit, sans -considération, et confondu dans la foule des courtisans. -Aussi rentra-t-il promptement dans sa retraite; il y termina -ses jours, qu'abrégèrent de tristes débats de famille -et un odieux procès. Saint-Évremond, qui le connut particulièrement, -a dit de lui «qu'il n'aimait personne et -parvint à n'être aimé de qui que ce soit». Cette dure assertion -doit être au moins modifiée, puisqu'elle offre une -exception dans madame de Sévigné. Cependant le commerce -qu'elle renoua avec Bussy après leur rupture ne fut -pas semblable à celui qu'elle entretenait avant cette époque: -le souvenir de l'outrage qu'elle en avait reçu était -pour son cœur une plaie que le temps ne put entièrement -cicatriser. On s'aperçoit, en lisant les lettres qu'elle lui a -<span class="pagenum"><a id="Page_143"> 143</a></span> -adressées depuis leur réconciliation, qu'une sorte de crainte -et de défiance se mêle à l'abandon auquel elle aurait voulu -se livrer, et qu'elle se tenait toujours sur ses gardes. Cependant -Bussy fut pour elle l'homme le plus aimable -et le plus spirituel, celui avec lequel elle aimait le plus -à s'entretenir. Elle le regardait comme injustement -persécuté, et en butte à des ennemis inférieurs à lui en -mérite; elle aurait voulu le voir heureux, et elle était vivement -touchée des revers de sa fortune. Bussy, après -s'être réconcilié avec sa cousine, lui rendit toute sa confiance, -et sentit renaître toute son affection pour elle; il -avait la plus haute estime pour ses vertus, la plus vive -admiration pour son esprit, la plus forte inclination pour -son caractère, égal, sensé, aimable, aimant et gai. Le repentir -qu'il éprouvait de l'avoir offensée fut profond et -durable; il le peint avec énergie dans un endroit de ses -Mémoires qu'il écrivait pour lui-même et pour ses enfants, -avec le dessein de ne jamais les publier de son vivant.</p> - -<p>«Un peu avant la campagne de 1658, je me brouillai -avec madame de Sévigné. J'eus tort dans le sujet de ma -brouillerie; mais le ressentiment que j'en eus fut le comble -de mon injustice. Je ne saurais assez me condamner en -cette rencontre, ni avoir assez de regrets d'avoir offensé -la plus jolie femme de France, ma proche parente, que -j'avais toujours fort aimée, et de l'amitié de laquelle je -ne pouvais pas douter. C'est une tache de ma vie, que j'essayai -véritablement de laver quand on arrêta le surintendant -Fouquet.»</p> - -<p>Bussy a raison de se vanter de la conduite qu'il tint -dans cette dernière circonstance. Elle fut noble et généreuse, -mais ce n'est pas encore ici l'occasion de la faire -connaître. Le but principal de cet ouvrage nous oblige à -<span class="pagenum"><a id="Page_144"> 144</a></span> -perdre quelque temps Bussy de vue; nous reviendrons à -lui lorsqu'il aura cessé d'être brouillé avec madame de -Sévigné. Nous allons continuer à suivre celle-ci dans le -monde, où elle brillait alors avec plus d'éclat encore que -par le passé, et où son esprit, les charmes de sa personne -et les agréments de son commerce lui avaient acquis une -véritable célébrité.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_145"> 145</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE XII.<br /> -<span class="medium">1658-1659.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Ardeur pour les plaisirs pendant les deux années qui précédèrent le -mariage de Louis.—Promenade au Cours.—Foire Saint-Germain.—Conduite -de madame de Sévigné.—Le roi devient amoureux de -Marie Mancini.—Le roi a une courte maladie, qui met ses jours -en danger.—Sentiments divers des courtisans pendant cette maladie.—Affliction -profonde de Marie de Mancini.—Le roi en est -instruit, sa passion pour elle s'en augmente.—Anne d'Autriche -veut la combattre.—Conduite douteuse de Mazarin à ce sujet.—L'issue -des négociations pour le mariage de Louis XIV avec la -princesse de Savoie est, par cette passion, rendue incertaine.—Ces -négociations sont rompues par l'offre de l'Espagne de donner -l'infante.—Anne d'Autriche, craignant le mariage de son fils avec -Marie de Mancini, fait rédiger d'avance une protestation.—Le -cardinal se détermine à envoyer sa nièce au Brouage.—On s'est -trompé sur les intentions que l'on a supposées à Mazarin—Il entrait -dans son plan d'inspirer des craintes à l'Espagne, de montrer -que lui seul voulait la paix.—La violence de la passion du roi -manqua de faire échouer ces combinaisons.—Grand caractère de -Mazarin.—Obstacles qu'il a eu à vaincre pour parvenir à la paix -et au mariage du roi.</p> - -<p class="space">Le roi et son frère entraient tous deux dans cet âge où -le cœur et les sens dominent trop la volonté pour qu'elle -puisse se soumettre à la froide raison, et ne pas secouer -le joug de ceux qui voudraient mettre un frein à des passions -dont alors les jouissances sont si vives et les dangers -si peu connus. Sans doute les mœurs du temps, corrompues -par la Fronde, et l'état de désordre dont on ne faisait -que de sortir exerçaient leur fâcheuse influence sur ces -<span class="pagenum"><a id="Page_146"> 146</a></span> -deux adolescents et sur toute la jeunesse qui les entourait; -mais les inclinations naturelles du monarque et les exemples -qu'il donna pendant la plus grande partie de son -règne augmentèrent l'intensité du venin qui circulait à la -cour et parmi les grands, et qui à la longue se répandit -dans toutes les classes.</p> - -<p>Il est des époques où la dissolution des mœurs a été -plus grande en France que dans les deux années qui précédèrent -le mariage de Louis XIV; mais jamais l'entraînement -vers le plaisir ne fut aussi fort et aussi général. -C'est le temps où Molière<a id="FNanchor_226" href="#Footnote_226" class="fnanchor"> [226]</a>, avec sa troupe, commençait à -faire goûter sur la scène tout le prix du vrai et du naturel; -où le fameux acteur Scaramouche<a id="FNanchor_227" href="#Footnote_227" class="fnanchor"> [227]</a> y déployait une verve -comique et bouffonne qui excitait un rire irrésistible; où -Lully charmait les oreilles par une nouvelle et délicieuse -mélodie<a id="FNanchor_228" href="#Footnote_228" class="fnanchor"> [228]</a>; où le génie des machinistes paraissait avoir -acquis toute la puissance des magiciens et des enchanteurs, -dans le nouvel opéra de <i>l'Enlèvement d'Hélène</i><a id="FNanchor_229" href="#Footnote_229" class="fnanchor"> [229]</a>. C'est -alors que les promenades au Cours eurent le plus d'éclat<a id="FNanchor_230" href="#Footnote_230" class="fnanchor"> [230]</a>; -que la foire Saint-Germain compta ses plus beaux jours -<span class="pagenum"><a id="Page_147"> 147</a></span> -et ses fortunes les plus rapides. Dans ce vaste bazar, où -l'on pénétrait par sept portes<a id="FNanchor_231" href="#Footnote_231" class="fnanchor"> [231]</a> principales, les richesses -du monde entier se trouvaient réunies et classées. Chaque -profession avait son quartier séparé, et chaque chose sa -place distincte. A tout ce qui pouvait être utile aux besoins -de l'homme, à son luxe, à ses voluptés, se joignait -encore tout ce qui pouvait exciter sa curiosité ou tenter sa -cupidité: des animaux rares, des faiseurs de tours, des -loteries, des jeux de hasard. Pendant deux mois on se -portait en foule dans ce lieu, où aujourd'hui un marché -se trouve ouvert toute l'année. Le peuple y allait le jour; -la noblesse s'y rendait la nuit<a id="FNanchor_232" href="#Footnote_232" class="fnanchor"> [232]</a>, toujours masquée et déguisée, -sans suite, dans des carrosses sans armoiries, sans -cortége, et seulement avec des grisons, c'est-à-dire avec -des cochers et des laquais sans livrées, vêtus de gris et le -visage couvert. Là, au milieu de la clarté resplendissante -des milliers de lustres, de flambeaux, de torches et de -feux allumés (cette foire s'ouvrait en février), on se promenait -dans les plus belles rues, dans celles des orfèvres, -des merciers; on achetait des bijoux, des pierreries, des -dentelles, de riches étoffes, des parfums, des tableaux, -des meubles magnifiques, de grands miroirs (c'était -alors un des objets rares); l'on s'écartait dans les allées -sombres, obscures, favorables aux entretiens mystérieux -et solitaires; ou l'on s'asseyait à ces banques, à ces loteries -ruineuses, et l'on profitait d'un impénétrable incognito -pour se livrer sans mesure à la plus ruineuse -<span class="pagenum"><a id="Page_148"> 148</a></span> -des passions. Ainsi dans ce lieu, que l'éclat des flammes, -l'agitation et le bruit faisaient ressembler, pendant les -ténèbres et le silence de la nuit, à un immense palais enchanté, -on exploitait tous les vices comme toutes les -industries au profit d'un couvent de religieux qui en -étaient propriétaires.</p> - -<p>A tous ces plaisirs publics, qui étaient les plus vifs -parce qu'on les partageait avec plus de monde, et qu'il -y régnait plus de liberté, il faut ajouter, pour les grands -et pour la cour, les ballets royaux, plus fréquents que -par le passé<a id="FNanchor_233" href="#Footnote_233" class="fnanchor"> [233]</a>; les fêtes, les grands repas que donnaient -Fouquet et le cardinal; les bals, les mascarades, et les -divertissements de tous ceux qui, par leur rang et par -leurs richesses, se trouvaient en position de les imiter<a id="FNanchor_234" href="#Footnote_234" class="fnanchor"> [234]</a>. A -quoi il faut joindre encore les loteries gratuites, usage -dispendieux et magnifique que le roi introduisit alors; -manière galante, ingénieuse et toute royale de faire des -dons aux dames, en y joignant les piquantes surprises -du sort, qui, seul dispensateur des préférences, ne pouvait -causer d'offense à personne.</p> - -<p>Anne d'Autriche, dont les inclinations à la retraite et -à la dévotion croissaient avec l'âge, qui s'apercevait que -l'empire qu'elle avait eu sur ses deux fils s'affaiblissait et -allait lui échapper entièrement, ne chercha pointa mettre -de digue à ce torrent de dissipation et de licence, parce -<span class="pagenum"><a id="Page_149"> 149</a></span> -qu'elle savait qu'elle l'aurait en vain essayé, et qu'en cela -elle eût plutôt été contrariée que secondée par son ministre. -Elle s'en affligeait en silence, et se contentait de témoigner -sa désapprobation, en ne se mêlant que rarement aux -divertissements de la cour, en faisant de longues et fréquentes -absences au monastère du Val-de-Grâce, et en -passant la plus grande partie de son temps dans cette -retraite ou dans son oratoire.</p> - -<p>Madame de Sévigné, qui ne voulait ni fuir le monde ni -partager ses travers, s'attacha surtout à la petite cour -de <span class="small1">Mademoiselle</span>. Cette princesse, sans donner aucune -prise à la médisance<a id="FNanchor_235" href="#Footnote_235" class="fnanchor"> [235]</a>, ne montrait pas moins d'ardeur pour -les plaisirs que dans sa première jeunesse. Lorsqu'au retour -de son exil, Mazarin lui demanda ce qu'elle avait regretté -le plus des amusements de Paris, pendant son séjour -au château de Saint-Fargeau, elle répondit: «Les mascarades, -la foire Saint-Germain, et la promenade au cours.» -Ses mémoires nous apprennent qu'elle aimait singulièrement -à aller à cheval avec madame de Sévigné, mademoiselle -de Villeroy et madame de Bonneuil<a id="FNanchor_236" href="#Footnote_236" class="fnanchor"> [236]</a>. C'étaient, à ce -qu'elle nous dit, parmi les dames qui composaient sa société -habituelle, les seules assez habiles à manier un coursier -pour pouvoir l'accompagner dans ces sortes de promenades. -Elle avoue aussi que pendant cet hiver de 1659 -elle allait presque tous les jours à la foire Saint-Germain<a id="FNanchor_237" href="#Footnote_237" class="fnanchor"> [237]</a>, -qu'elle y jouait et y gagnait souvent. Et quant aux -<span class="pagenum"><a id="Page_150"> 150</a></span> -mascarades, le choix des déguisements, l'oubli des convenances, -si étrange dans une princesse si fière et si -scrupuleuse, prouvent jusqu'à quel point elle se laissait -dominer par son goût pour ce genre de divertissement. -Au reste, le délire à cet égard était si général, que la reine -elle-même, à laquelle son âge, et plus encore sa dévotion, -interdisaient de telles licences, se surprenait à en rire, et -ne pouvait s'empêcher d'y prendre plaisir. Quelques pertes -cette année contristèrent le grand monde; mais plusieurs -mariages devinrent aussi des occasions de réjouissance<a id="FNanchor_238" href="#Footnote_238" class="fnanchor"> [238]</a>, -entre autres celui du comte de Grignan avec -mademoiselle de Rambouillet. Comme amie de la famille -de Rambouillet, madame de Sévigné dut assister à ce -mariage, se doutant peu alors que le nouveau marié serait -un jour son gendre<a id="FNanchor_239" href="#Footnote_239" class="fnanchor"> [239]</a>.</p> - -<p>C'est à cette année que se rapportent aussi les récits de -la première partie de l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i> de -Bussy de Rabutin; et si dans cet ouvrage les discours et les -lettres des personnages sont supposés, les faits sont exacts -et vrais; il n'en est pas un d'essentiel qui ne se trouve confirmé -par les Mémoires du temps et les témoignages les -moins suspects<a id="FNanchor_240" href="#Footnote_240" class="fnanchor"> [240]</a>. Le tort de Bussy n'a donc pas été, comme -on l'a accusé, d'avoir calomnié les mœurs de son temps, -mais de s'être complu à délayer sous la forme des romans -alors en vogue les aventures d'un très-petit nombre de -femmes, et de n'avoir pas, comme le spirituel Hamilton -<span class="pagenum"><a id="Page_151"> 151</a></span> -à l'égard de la cour de Charles I<sup>er</sup>, fait connaître les -rivalités et les intrigues de celles de la jeune cour de -Louis XIV. Ce tableau fidèlement tracé, et pour lequel les -matériaux ne manquent pas, ne serait pas sans intérêt -pour l'histoire; mais il conviendrait peu à celui où madame -de Sévigné figure sur le premier plan. Il nous suffit -de l'avoir indiqué.</p> - -<p>Il n'en est pas de même des amours du roi. C'étaient -des événements publics, qui exerçaient une grande influence -sur la France, et par elle sur l'Europe: madame -de Sévigné s'en montre trop préoccupée pour que nous -puissions les écarter du cadre qui doit renfermer tout ce -qui concerne ses écrits et sa personne, si intimement -liés à la peinture du siècle où elle a vécu.</p> - -<p>Mazarin avait réussi dans ses combinaisons: le roi était -épris de Marie de Mancini. Peu de temps avait suffi pour -lui faire gagner l'embonpoint qui lui manquait<a id="FNanchor_241" href="#Footnote_241" class="fnanchor"> [241]</a>; et si -elle n'était pas devenue une beauté, elle avait acquis des -attraits qu'on n'aurait pu deviner lorsqu'elle fut présentée -à la cour. Son teint coloré, ses yeux vifs et brillants, sa -physionomie ardente, la vivacité de son esprit caustique, -son caractère ferme et décidé, l'inclination qu'elle témoignait -ouvertement pour le jeune monarque, le soin qu'elle -prenait publiquement de lui plaire, tout concourut à entraîner -Louis vers elle; non par l'effet de ces subites sympathies -qui s'emparent de toutes nos facultés, mais par -l'influence, plus lente, plus durable, du plaisir que l'on -trouve à fréquenter une personne qui chaque jour nous -paraît plus aimable; dont le jugement révèle une supériorité -que nous nous savons gré de savoir apprécier; dont -<span class="pagenum"><a id="Page_152"> 152</a></span> -la société nous semble toujours plus attachante; dont la -tendresse et les accents passionnés nous font éprouver le -besoin d'aimer avec le même abandon; qui enfin, par -l'ascendant toujours plus grand qu'elle acquiert sur nos -pensées, nos goûts, nos faiblesses, nos fantaisies, fascine -nos sens, maîtrise nos affections, nous empreint de tous -ses sentiments, et nous identifie à elle par l'harmonie -parfaite des volontés et des désirs.</p> - -<p>Louis en était parvenu à ce point avec Marie de Mancini. -En présence de tous, il lui montrait une préférence -marquée; il se plaisait à s'entretenir seul avec elle; il -prenait d'elle des conseils sur tout ce qui l'intéressait, -même sur les affaires d'État. Aussi il employait tous -les moyens pour multiplier les entrevues secrètes. Un -jour qu'elle sortait de chez la reine et qu'elle se trouvait -seule dans son carrosse, Louis monta sur le siége, et -lui servit de cocher jusqu'à ce que la voiture ne fût plus -en vue; alors il y entra, et vint se placer à côté d'elle<a id="FNanchor_242" href="#Footnote_242" class="fnanchor"> [242]</a>. -Louis, malgré le goût qu'il avait pour se montrer en public -dans les ballets et les tournois, avait toujours eu -dès sa plus tendre jeunesse cet extérieur grave et froid<a id="FNanchor_243" href="#Footnote_243" class="fnanchor"> [243]</a> -qui par la suite le rendit si imposant, et imprimait aux -plus hardis le respect et la crainte. Ces caractères sérieux -et réservés, lorsqu'on parvient à les faire descendre -à la familiarité, passent plus facilement que d'autres -de la familiarité à la confiance, et de la confiance -à l'amour. Ces progrès dans les sentiments de Louis -s'étaient surtout fait remarquer à la suite de la maladie -<span class="pagenum"><a id="Page_153"> 153</a></span> -dangereuse qu'il contracta au siége de Dunkerque<a id="FNanchor_244" href="#Footnote_244" class="fnanchor"> [244]</a>. On -eut alors tout lieu de craindre pour sa vie. Plusieurs -courtisans trahirent leurs vœux secrets par des mouvements -de joie qu'ils ne purent déguiser; par d'imprudentes -intrigues dont le frère du roi, l'héritier de la couronne, -était l'objet. La douleur des autres témoigna, au -contraire, de leur attachement. Mais le désespoir de -Marie de Mancini et les larmes qu'elle répandit touchèrent -les plus insensibles. Le roi, dans sa convalescence, -fut instruit de tout. Il exila ceux qui avaient spéculé sur -sa fin prochaine, et fit voir à ceux qui avaient manifesté -des sentiments différents combien il leur savait gré de -leur affection. Quant à Marie de Mancini, l'inclination -qu'on lui soupçonnait pour elle se montra dès lors avec -éclat, et prit tous les caractères d'un véritable amour. -Spirituelle, hardie, emportée, elle était singulièrement -propre à acquérir de l'ascendant sur un jeune monarque<a id="FNanchor_245" href="#Footnote_245" class="fnanchor"> [245]</a> -qui sentait le besoin d'un appui pour s'affranchir -de l'obstacle que sa jeunesse et l'éducation maternelle -opposaient à son entière émancipation.</p> - -<p>On ne tarda point à s'apercevoir de cette nouvelle passion -du roi et des changements qui s'opéraient dans son -caractère et dans sa conduite. Mazarin s'en réjouit; la -fière Anne d'Autriche s'en alarma vivement: non qu'elle -désirât reprendre sur son fils un empire que l'âge qu'il -avait atteint ne lui permettait plus d'exercer, mais parce -qu'elle craignit que le premier ministre, malgré l'empressement -<span class="pagenum"><a id="Page_154"> 154</a></span> -apparent qu'il mettait à négocier le mariage de -Louis XIV avec la princesse de Savoie, n'eût en secret le -projet de lui faire épouser sa nièce. Par cette raison la -reine pressa avec ardeur la conclusion de cette grande -affaire. Ainsi cet amour de Louis XIV, qui semblait s'accroître -à mesure qu'approchait le moment de conclure -un hymen qui en exigeait le sacrifice, jetait tout l'intérêt -d'un drame sur les froides combinaisons de la politique. -La cour s'était transportée tout entière à Lyon; l'entrevue -avec le jeune roi et la princesse de Savoie avait eu -lieu; tous les efforts de la sagesse maternelle pour marier -convenablement le roi le plus jeune, le plus beau, et déjà -le plus puissant de l'Europe, semblaient couronnés du -succès; rien ne paraissait s'opposer à la nouvelle alliance. -Déjà commençaient les préparatifs pour l'auguste cérémonie, -et cependant l'on doutait encore qu'elle pût avoir -lieu: on craignait que les résultats de tant de ressorts, -de tant d'intrigues, de tant de conférences diplomatiques, -ne fussent rendus inutiles par les séductions et le caractère -énergique d'une jeune fille. Marie de Mancini avait -déclaré ouvertement qu'elle s'opposait à ce mariage, et -elle osait se montrer rebelle aux volontés de la reine et -aux volontés déclarées de son oncle. Elle disait sans détour -au jeune roi qu'il était honteux pour lui qu'on voulût -lui donner une femme aussi laide que la princesse de -Savoie. Au moment où tout allait se terminer, où il ne -manquait plus que la signature aux actes que l'on avait -déjà dressés, Mazarin rompit tout à coup les négociations, -et le roi et la cour revinrent à Paris.</p> - -<p>Tout le monde sait que cette rupture subite fut due à -l'offre que l'Espagne fit de l'infante, avec la paix. Ainsi -l'union de deux grandes monarchies et la cessation de la -<span class="pagenum"><a id="Page_155"> 155</a></span> -guerre, si ardemment désirée, semblèrent dépendre de -la volonté de Marie de Mancini, qui pouvait à elle seule -mettre obstacle à d'aussi grands biens ou les laisser se -réaliser. Cette puissance dont elle était investie dirigeait -en quelque sorte sur elle les regards de toute l'Europe. -La passion qu'elle avait inspirée au roi avait acquis toute -l'importance d'un grand événement.</p> - -<p>Quoique Anne d'Autriche n'ignorât pas que Mazarin -n'entretînt depuis longtemps des négociations secrètes -avec l'Espagne, cependant la rupture subite de celles -qu'il avait conduites avec la Savoie réveilla ses soupçons -et ses défiances. Malgré sa partialité pour son ministre, -elle s'indigna qu'il pût concevoir l'idée d'asseoir -une de ses nièces sur le trône de France. Ses craintes -furent assez vives pour qu'elle prit la précaution de -faire rédiger d'avance sa protestation contre le mariage -de Louis XIV avec Marie de Mancini, ainsi que l'acte -par lequel cette protestation devait être enregistrée au -parlement, à huis clos, si ce mariage avait lieu. Ces projets -d'actes furent, selon Loménie de Brienne, montrés -au cardinal, qui alors se détermina à envoyer sa nièce -au Brouage et à lui faire rompre tout commerce avec -le roi<a id="FNanchor_246" href="#Footnote_246" class="fnanchor"> [246]</a>. Les faits de ce récit sont exacts, mais les intentions -qu'on prête à Mazarin et les motifs auxquels -on attribue ses actions ne le sont pas<a id="FNanchor_247" href="#Footnote_247" class="fnanchor"> [247]</a>. Je l'ai déjà dit: -les jugements que l'on a portés sur ce grand ministre -n'ont été que les échos de la haine et de l'envie qu'il a -excitées de son vivant. On ne s'est pas donné la peine -<span class="pagenum"><a id="Page_156"> 156</a></span> -d'étudier les ressorts de sa politique, dont les effets ont -cependant été si heureux et si avantageux pour le roi -et le royaume. Tous les détails des négociations du fameux -traité des Pyrénées prouvent que Mazarin, dans les -circonstances où se trouvaient alors l'Europe et la France, -était incapable de se laisser séduire par une aussi misérable -ambition que celle qu'on lui a prêtée, de s'arrêter -un instant à une aussi chétive combinaison<a id="FNanchor_248" href="#Footnote_248" class="fnanchor"> [248]</a>. Mais il -convenait à sa politique à l'égard de l'Espagne d'être le -seul et unique auteur du traité; de prouver qu'il était le -seul aussi qui pût lever les obstacles qui s'opposaient à sa -conclusion: il était nécessaire de faire sentir au jeune -monarque qu'il ne violentait ses inclinations que par la -raison d'État, et qu'il sacrifiait à la gloire du trône, à la -prospérité du royaume, sa propre élévation et celle de sa -famille. Il convenait aussi à sa politique, à l'attachement -qu'il avait fait naître, d'avoir l'air de ne céder qu'aux volontés -de la reine, et d'avoir travaillé nuit et jour contre -lui-même, pour l'accomplissement de ses désirs; de l'avoir -servie avec zèle, avec talent, avec désintéressement le -plus grand, le plus entier, dans l'occasion la plus importante -où une mère, et une mère de roi, puisse se trouver. -Pour parvenir à tous ces résultats, dont les uns importaient -à l'intérêt de l'État, mais dont les autres importaient -aussi beaucoup à son intérêt propre, Mazarin devait, -ainsi qu'il l'a fait, tolérer la passion des deux amants, -inspirer des craintes à l'Espagne, faire suspecter ses intentions -par la reine. L'amour du roi, sa résistance, le mécontentement -d'Anne d'Autriche, ses consultations, ses -<span class="pagenum"><a id="Page_157"> 157</a></span> -projets de protestation contre un événement qu'elle redoutait, -tout entrait dans le plan de Mazarin, tout y concourait. -Dès qu'il crut être certain de réussir, alors il -n'hésita plus, et il chercha de tout son pouvoir à détacher -le jeune roi des liens qui l'enchaînaient.</p> - -<p>Cependant il fut sur le point d'échouer, par l'opposition -de celle qu'il avait considérée comme le premier élément -de succès. Marie de Mancini s'arma contre lui de tout -l'ascendant que lui donnait l'amour sur le cœur d'un jeune -roi qui connaissait toute la force de sa volonté, et qui -comprenait fort bien que, maître de la destinée des autres, -il devait aussi l'être de la sienne. Toutefois, ne voulant -pas faire violence à son ministre, il chercha à le séduire, -et il lui offrit de faire sa nièce reine de France. Non-seulement -Mazarin n'hésita pas à refuser Louis, mais il lui -déclara qu'il aimerait mieux poignarder sa nièce de ses -propres mains, que de voir le roi contracter avec elle une -alliance qui n'était pas moins contraire à la dignité de sa -couronne que préjudiciable à la France. Il dit au roi que -s'il pouvait le croire capable de persister dans un tel dessein, -afin d'en empêcher l'exécution il se mettrait dans -un vaisseau avec ses nièces, et qu'il se transporterait -avec elles au delà des mers.</p> - -<p>Louis XIV fut ébranlé par une aussi énergique résolution; -cependant il écrivait tous les jours à Marie de Mancini. -Mazarin le sut, et il adressa au jeune monarque une -lettre qui seule suffit pour détruire les soupçons qu'on a -dirigés contre ce ministre. Il y peint sa nièce sous les couleurs -d'une coquette ingrate et peu digne d'affection; il -rappelle avec énergie quels sont les devoirs du souverain -d'un grand empire, et il démontre la nécessité de s'y soumettre. -Cette admirable lettre acheva de rendre Louis XIV -<span class="pagenum"><a id="Page_158"> 158</a></span> -docile aux conseils de son premier ministre<a id="FNanchor_249" href="#Footnote_249" class="fnanchor"> [249]</a>. Celui-ci -se crut assez fort pour séparer d'autorité les deux amants. -Il ordonna que Marie de Mancini et ses deux sœurs se rendraient -à La Rochelle et au Brouage, et y resteraient jusqu'à -la fin des négociations avec l'Espagne. Les adieux -de Marie et de Louis furent déchirants; pourtant lorsqu'elle -lui dit, «Vous m'aimez, vous êtes roi, et je pars,» -elle parvint bien à faire couler ses larmes, mais elle n'obtint -pas la révocation de l'ordre que le ministre avait -donné. Cependant Mazarin permit encore une entrevue à -Cognac, où le roi passait pour se rendre à Saint-Jean de -Luz; mais avant d'y consentir le ministre avait acquis -la certitude que son jeune maître ne changerait rien aux -généreuses résolutions qu'il lui avait fait prendre. Il avait -aussi eu soin d'intimider sa nièce, de manière à ce qu'elle -n'osât point détourner Louis du grand dessein qui allait -s'accomplir, et pour lequel l'Europe entière était dans -l'attente. Cette entrevue des deux amants fut la dernière, -et Mazarin s'attacha ensuite à rompre entre eux tout -commerce<a id="FNanchor_250" href="#Footnote_250" class="fnanchor"> [250]</a>. Lorsque la paix des Pyrénées et le mariage -de Louis XIV avec l'infante d'Espagne Marie-Thérèse -furent conclus, l'habileté du premier ministre excita l'admiration -générale, et l'on rendit enfin justice à la hauteur -de ses vues et à son désintéressement. Les sarcasmes -clandestins de quelques courtisans haineux et spirituels, -<span class="pagenum"><a id="Page_159"> 159</a></span> -qui ne pouvaient lui pardonner son élévation ni le croire -capable d'un sentiment généreux, servirent plutôt à rehausser -qu'à troubler son triomphe. Ils lui furent même -utiles, en lui donnant des prétextes pour écarter ceux qui, -jugeant mal de l'époque, avaient cru pouvoir se permettre -contre l'autorité royale les mêmes licences qu'au -temps de la Fronde.</p> - -<p>Les affaires humaines changent de nature selon les circonstances -qui les accompagnent. Pour bien juger Mazarin, -il faut se retracer les écueils dont il était environné -et considérer les dangers qui menaçaient le vaisseau de -l'État lorsqu'il en tenait le gouvernail.</p> - -<p>Que dans un royaume où règne un calme profond, -qu'aucune guerre ne menace au dehors, un jeune roi qui -n'a encore gouverné que par son ministre vienne à mourir, -et laisse la couronne à son frère, encore plus jeune que -lui, ce n'est là qu'un événement de peu d'importance, un -nom substitué à un autre; on ignore ce qu'eût été ce jeune -roi, on ne sait pas encore ce que sera son successeur: -que ce roi, au lieu de succomber à la maladie qui menaçait -ses jours, se rétablisse, qu'il continue à aimer la même -femme, ou porte sur une autre ses affections, il n'y a rien -encore en cela qui intéresse le bonheur général, rien qui -puisse exciter de fortes sympathies. C'est un sujet d'entretien -pour la cour, et rien de plus.</p> - -<p>Mais telle n'était pas à cette époque la position de la -France. La guerre avec l'Espagne continuait depuis si -longtemps, que les deux royaumes, épuisés par leurs efforts<a id="FNanchor_251" href="#Footnote_251" class="fnanchor"> [251]</a>, -ne pouvaient plus prolonger, sans danger pour -leur existence, cette lutte sanglante. L'alliance de l'Angleterre -<span class="pagenum"><a id="Page_160"> 160</a></span> -et de la France, opérée par Mazarin; la séparation -de la branche autrichienne d'Allemagne de celle -d'Espagne, adoptée comme condition de l'élection du nouvel -empereur, qui fut également l'ouvrage de ce ministre, -avaient préparé les succès de la vingt-quatrième campagne. -Turenne s'y surpassa: la bataille des Dunes fut -gagnée, Dunkerque fut pris et remis aux Anglais, Bergues -tomba en notre pouvoir. Frappée de stupeur, l'Espagne se -voyait sur le point de perdre toute la Flandre<a id="FNanchor_252" href="#Footnote_252" class="fnanchor"> [252]</a>, lorsque -la maladie du roi vint ralentir les victoires de l'armée -française, et donner à l'ennemi le temps de se remettre -des coups qu'on lui avait portés et d'organiser ses moyens -de résistance. La mort du roi eût alors entièrement changé -l'état des choses. Le duc d'Anjou avait déjà ses favoris, -qui le gouvernaient. En montant sur le trône, il eût aussitôt -renvoyé Mazarin. Tous les partis, que ce ministre -était parvenu à comprimer, à réunir ou à concilier, se fussent -de nouveau divisés, et se seraient réveillés avec leur -ancienne fureur. Les troubles et la guerre civile auraient -recommencé, et l'Espagne eût repris tous ses avantages, -avec d'autant plus de facilité que la mort du duc de Modène -et celle de Cromwell, qui eurent lieu alors, ôtaient -à la France deux alliés utiles, l'un au nord, l'autre au -midi, que la politique de Mazarin avait su lui ménager<a id="FNanchor_253" href="#Footnote_253" class="fnanchor"> [253]</a>. -Le rétablissement du roi permit au contraire de pousser -les opérations de la guerre avec une nouvelle vigueur. Dixmude, -<span class="pagenum"><a id="Page_161"> 161</a></span> -Oudenarde, Menin, Gravelines furent pris, et reçurent -des garnisons françaises. Ces succès affermissaient -l'autorité du roi au dedans, et ôtaient aux partis tout espoir -d'appui dans l'étranger; mais cependant ils n'assuraient -point la paix, et cette paix si désirée n'aurait pu se -conclure, au moins aussi promptement, ni d'une manière -aussi avantageuse à la France, si Mazarin, par le voyage -de la cour à Lyon, n'avait forcé l'Espagne à se hâter d'offrir -son infante, par la crainte de voir Louis XIV épouser -la princesse de Savoie; et l'offre de l'Espagne fût demeurée -inutile, si Mazarin s'était laissé tenter par son ambition -personnelle, s'il n'avait su dominer le jeune roi -par le sentiment de sa dignité et par ses désirs de gloire; -s'il n'était parvenu à le faire consentir à éloigner celle -qu'il aimait, à accepter pour épouse celle pour laquelle il -n'éprouvait que de l'indifférence<a id="FNanchor_254" href="#Footnote_254" class="fnanchor"> [254]</a>. Dans une de ses lettres -confidentielles à Colbert, son intendant, Mazarin proteste -que cette affaire est la plus délicate qu'il a eu à traiter de -sa vie; que c'est celle qui lui a donné le plus d'inquiétude -et de peine: et quand on a approfondi cette partie -de notre histoire, on est facilement convaincu de la vérité -et de la sincérité de son assertion<a id="FNanchor_255" href="#Footnote_255" class="fnanchor"> [255]</a>.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_162"> 162</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE XIII.<br /> -<span class="medium">1658-1659.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Influence des mœurs sur les romans.—De nos jours ils correspondent -aux passions populaires.—Sous Louis XIV, à celles de la cour.—Les -deux premières parties du roman de Clélie paraissent, et ont -un succès prodigieux.—Il est dû à ce qu'on y retrouve les peintures -des mœurs modernes dans les temps antiques, et les portraits des -personnages du monde moderne sous des noms anciens.—Portrait -de la princesse Clarinte dans Clélie, qui est celui de madame de -Sévigné.—Le portrait de madame de Sévigné par madame de la -Fayette a été écrit en imitation de celui de Clélie.—Les liaisons -de madame de Sévigné et les correspondances qu'elle entretint -fournissent la preuve de cette assertion.—Elle était amie de La -marquise de Lavardin, et liée avec Lavardin, évêque du Mans, et -avec Costar, son archidiacre.—Elle entretint une correspondance -suivie avec ce dernier.—Lettre de Costar à madame de Sévigné.—Celle-ci -bien appréciée de son vivant; sa célébrité résulte du succès -des écrits composés à sa louange.—Vers italiens de Ménage pour -madame de Sévigné.—Plaintes qu'il fait contre elle dans son épître -à Pellisson.—On pouvait alors sans ridicule parler un langage passionné -aux femmes reconnues capables de faire naître les passions.—Comment -s'expliquent les vers de Ménage, les lettres de Costar -et la tendre déclaration du surintendant Servien à madame de -Sévigné.—Billets de Ménage et de madame de Sévigné à ce sujet.—Age -de Servien.—Il était borgne.—Ménage, dans ses vers, le -compare au soleil.—Trait satirique de Boileau à ce sujet.</p> - -<p class="space">Nous avons précédemment remarqué l'influence du roman -sur le théâtre et la poésie; mais le roman lui-même -ne peut devoir son succès qu'en s'initiant à toutes les sympathies -de la générosité des lecteurs, qu'en s'emparant des -idées qui les préoccupent, des passions qui les poussent, -<span class="pagenum"><a id="Page_163"> 163</a></span> -des penchants dans lesquels ils se complaisent. Ce genre -d'ouvrage n'est donc, à une époque donnée, que la peinture -des sentiments et des préjugés dominants. De nos -jours, si féconds en grands événements, en révolutions, -en bouleversements d'États, en batailles sanglantes, en revers -subits de fortune, le roman a revêtu les formes mâles -et sévères de la muse historique, et rattaché ses moyens -de plaire et d'émouvoir aux séditions populaires, aux -chances de la guerre, au brisement des empires. Le moyen -âge, par la multitude des événements, par ses fureurs religieuses -et politiques, par l'incertitude et l'obscurité -même de ses annales, devenait donc un champ favorable -aux romanciers de notre époque: de là leur prédilection -pour ces temps de fanatisme, d'anarchie et de violence. -Mais dans leurs fictions, où le spectre d'airain d'une aveugle -fatalité semble seul planer sur la destinée de l'homme; -où les actions criminelles et les faits héroïques sont les -résultats des combinaisons du sort; où les penchants les -plus féroces et les plus honteux ainsi que les sentiments -les plus purs sont représentés comme de simples variations -de notre nature, et tour à tour peints avec une égale -complaisance, où le bien comme le mal ne sont que des -accidents de la vie humaine, on aperçoit sur-le-champ le -travail des imaginations d'une époque désabusée de tout -par des secousses répétées, et l'influence d'une société livrée -à des agitations sans résultat, tordue violemment -dans tous les sens, foulée, brisée; n'offrant plus que des -individus sans lien commun, sans illusions brillantes, -sans croyance profonde, indifférents au vice comme à la -vertu. La Fronde ne dura pas assez, et la Ligue était depuis -trop longtemps oubliée, pour qu'il en fût ainsi sous -Louis XIV. Les bienfaits d'un gouvernement régulier et -<span class="pagenum"><a id="Page_164"> 164</a></span> -les exploits de la noblesse dans la défense de l'État ajoutaient -encore à la splendeur du trône et à l'ascendant du -monarque. Sa cour donnait le ton à la capitale et aux -provinces<a id="FNanchor_256" href="#Footnote_256" class="fnanchor"> [256]</a>: on s'intéressait à tout ce qui s'y passait, aux -personnages qui y brillaient; c'est là qu'on cherchait des -modèles dans la manière de parler, de se vêtir, d'agir et -de penser. Dans le même temps, le goût pour la littérature -ancienne se développait; l'instruction, plus répandue -dans la noblesse comme dans le tiers état, cessait d'être -restreinte aux seuls membres du clergé ou aux professions -savantes: elle excitait une admiration sans bornes -pour les beaux génies de l'antiquité. Afin de flatter ce -double penchant, les romanciers furent donc conduits naturellement -à transporter dans les siècles antiques les faits -et les personnages de leur temps; et ils furent en cela -imités par les auteurs dramatiques<a id="FNanchor_257" href="#Footnote_257" class="fnanchor"> [257]</a>. Ces formes de composition, -où l'éclat des héros de tous les âges et de tous les -pays semblait rejaillir sur la France, et où tout ce qu'il -y avait d'admirable dans le passé paraissait revivre pour -elle, eurent alors un prodigieux succès, même parmi les -esprits les plus éclairés. La haute classe était flattée; l'intérêt -des autres classes était puissamment excité par le -plaisir de deviner les événements réels et les personnages -vivants cachés sous le voile de la fiction.</p> - -<p>Mademoiselle de Scudéry, que son imagination féconde, -son style facile et gracieux, rendirent célèbre, publiait -tous les ans, sous le nom de son frère, de nouveaux volumes -de romans qui étaient lus avec avidité. Le succès -<span class="pagenum"><a id="Page_165"> 165</a></span> -des premiers volumes du Clélie, qui parurent en 1658, -surpassa encore celui des précédents. Cet ouvrage fut d'abord -imprimé sous le nom de Scudéry; mais on sut bientôt -qu'il était de sa sœur. On aimait alors à la fureur les -portraits, et tous les beaux esprits s'exerçaient à ce genre -d'écrits: mademoiselle de Scudéry avait prodigué les portraits -dans Clélie. Sous des noms romains, grecs, persans, -africains ou carthaginois, elle avait tracé ceux de presque -toutes les personnes qui s'étaient acquis à la cour ou dans -le monde quelque célébrité. Madame de Sévigné n'y était -pas oubliée; elle y paraissait sous le nom de Clarinte. -Quoique ce portrait soit écrit avec une noblesse et une -élégance continues, sa prolixité ne serait pas du goût -des lecteurs de nos jours. Nous nous contenterons d'en -rapporter quelques passages, qui suffiront pour prouver -que tout le monde s'accordait à donner à madame de Sévigné -le même genre de louanges et à la peindre sous -les mêmes traits.</p> - -<p>«La princesse Clarinte a les yeux bleus et pleins de feu. -Elle danse merveilleusement, et ravit les yeux et le cœur; -sa voix est douce, juste et charmante, et elle chante d'une -manière passionnée. Elle lit beaucoup, quoiqu'elle ne fasse -pas le bel esprit. Elle a appris la langue africaine [italienne]; -elle chante certaines petites chansons africaines -[italiennes] qui lui plaisent plus que celles de son pays, -parce qu'elles sont plus passionnées. Elle aime la gloire... -et elle a tant de jugement, qu'elle a trouvé les moyens, -sans être ni sévère, ni sauvage, ni solitaire, de conserver -la plus belle réputation du monde, et de la conserver dans -une grande cour, où elle voit chez elle tout ce qu'il y a -d'honnêtes gens, et où elle donne même de l'amour à tous -les cœurs qui en sont capables. Ce même enjouement qui -<span class="pagenum"><a id="Page_166"> 166</a></span> -lui sied si bien, et qui la divertit en divertissant les autres, -lui sert encore à faire agréablement passer pour ses -amis beaucoup de gens qui voudraient, s'ils osaient, passer -pour ses amants. Elle agit avec une telle conduite, que -la médisance a toujours respecté sa vertu, et ne l'a pas fait -soupçonner de la moindre galanterie, quoiqu'elle soit la -plus galante personne du monde. Aussi dit-elle en riant -qu'elle n'a jamais été amoureuse que de sa propre gloire, -et qu'elle l'aime jusqu'à la jalousie. Quand il le faut, elle -se passe du monde et de la cour, et se divertit à la campagne -avec autant de tranquillité que si elle était née dans -les bois. En effet, elle en revient aussi belle et aussi gaie -que si elle n'était bougée d'Érico [de Paris]. Elle gagne le -cœur des femmes aussi bien que celui des hommes. Elle a -surmonté l'envie et la médisance. Elle écrit comme elle -parle, c'est-à-dire le plus galamment et le plus agréablement -qu'il est possible. Je n'ai jamais vu ensemble tant -d'attraits, tant d'enjouement, tant de galanterie, tant de -lumière, tant d'innocence et de vertu; et jamais nulle -autre personne n'a su mieux l'art d'avoir de la grâce sans -affectation, de la raillerie sans malice, de l'enjouement -sans folie, de la propriété sans contrainte, et de la vertu -sans sévérité<a id="FNanchor_258" href="#Footnote_258" class="fnanchor"> [258]</a>.»</p> - -<p>C'est sans doute la lecture de ce roman de Clélie qui -donna à madame de La Fayette l'idée de tracer le portrait -de madame de Sévigné, dont nous avons rapporté les -principaux passages au commencement de cet ouvrage<a id="FNanchor_259" href="#Footnote_259" class="fnanchor"> [259]</a>. -<span class="pagenum"><a id="Page_167"> 167</a></span> -Les détails où nous allons entrer pour achever de faire -connaître les correspondances et les liaisons de madame -de Sévigné pendant les deux années dont nous nous occupons -démontreront que ce portrait fut écrit par madame -de La Fayette à la fin de l'année 1658 ou au commencement -de 1659.</p> - -<p>Madame de Sévigné était l'amie de la marquise de Lavardin, -dont le mari avait été tué au siége de Gravelines, -en 1641. Cette liaison en avait entraîné une autre, avec -Lavardin évêque du Mans. Cet évêque, lorsqu'il n'était -qu'abbé, et abbé très-mondain, s'était attaché Costar, -pour qu'il lui apprît la théologie; et dans ce but il se -retira pendant quelque temps à Malicorne, chez sa belle-sœur, -la marquise de Lavardin. C'est là que madame de -Sévigné a pu avoir occasion de connaître particulièrement -Costar. Dans les premières années de son mariage elle -dut le rencontrer souvent; car, quoique Costar déplût à -madame de Rambouillet, il était particulièrement lié avec -les hommes de lettres qu'elle recevait chez elle<a id="FNanchor_260" href="#Footnote_260" class="fnanchor"> [260]</a>. Il s'était -fait une grande réputation de bel esprit par sa <i>Défense de -Voiture</i>. Il demeurait habituellement au Mans. Ce fut -au Mans, où sans doute madame de Sévigné s'était rendue -pour voir M. de Lavardin, que Costar, dans le mois -de mars 1652, eut occasion de la recevoir, ainsi que nous -l'apprenons par une lettre de l'abbé Pauquet à Conrart<a id="FNanchor_261" href="#Footnote_261" class="fnanchor"> [261]</a>. -<span class="pagenum"><a id="Page_168"> 168</a></span> -Depuis qu'il était devenu archidiacre de l'évêché, Costar -dirigeait l'éducation du fils unique de la marquise de Lavardin; -et madame de Sévigné eut ainsi occasion d'entrer -en correspondance avec lui. Dans les deux années dont -nous parlons, qui précédèrent de peu la mort de Costar, -il fit imprimer en deux gros volumes in-4<sup>o</sup> des lettres qu'il -avait écrites à divers personnages<a id="FNanchor_262" href="#Footnote_262" class="fnanchor"> [262]</a>. Le second de ces volumes -contient deux lettres adressées à madame de Sévigné. -La reine Christine avait fait un grand éloge de notre -jeune veuve dans une lettre écrite à madame de Lavardin, -que celle-ci avait communiquée à Costar. Madame de -Sévigné écrivit à ce dernier, pour se plaindre de la publicité -qu'il avait donnée à cette lettre. C'est à cette lettre -de madame de Sévigné que répond la première des deux -lettres de Costar. La seconde prouve encore une liaison -plus intime. Costar avait prêté à la marquise une peau -d'ours, qu'elle lui avait renvoyée. Elle lui avait aussi -transmis quatre portraits écrits, dont un était celui de -mademoiselle de Valois, fille de Gaston, et un autre, le -sien, sous le nom d'Iris, «par un inconnu». La modestie -de madame de Sévigné lui faisait dire que c'était un portrait -en l'air, «car il n'y avait aucun moyen d'être si parfaite». -C'est à ces envois et à cette autre lettre de madame -de Sévigné que Costar répond dans la dernière qu'il lui a -adressée. Nous allons transcrire ces deux lettres, qui ont -échappé à tous les éditeurs de madame de Sévigné<a id="FNanchor_263" href="#Footnote_263" class="fnanchor"> [263]</a>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_169"> 169</a></span></p> -<p class="letter">PREMIÈRE LETTRE DE COSTAR A MADAME DE SÉVIGNÉ.</p> - -<p class="titel">«Madame,</p> - -<p>«Je vous avoue que j'ai grand tort, et que vous avez -raison de me vouloir du mal. Il y a quelques mois que -madame de Lavardin me confia une belle lettre de la reine -Christine, où Sa Majesté témoignait qu'elle était éblouie -comme les autres des lumières de votre esprit, et enchantée -des charmes secrets qui sont en votre aimable personne. -Je fus tellement touché de voir la princesse du -monde la plus éclairée rendre de si glorieux témoignages -de votre mérite, que, ne pouvant retenir ma joie au fond -de mon cœur, j'en fis part à une de mes amies qui vous -adore, madame, mais qui est aussi faible que je le suis, -et qui ne put s'empêcher de succomber à la même tentation -que je n'avais pas eu le courage de repousser. Ainsi, -madame, la gloire de votre nom a volé plus loin que vous -ne vouliez, et fait à cette heure dans l'Anjou, et peut-être -même dans la Bretagne, un bruit qui vous importune. -En ce cas-là, cette humilité dont vous êtes si jalouse, et -que vous voulez conserver au milieu des qualités éclatantes -qui ont bien de la peine à compatir avec elle, aura -sans doute beaucoup à souffrir. Je suis cause de tout ce -désordre par l'indiscrétion de mon zèle; et ce qui m'afflige -davantage en cela, c'est que le repentir de ma faute -ne m'aidera pas à la réparer. Il m'est venu en pensée de -vous faire demander ma grâce par madame la comtesse -de La Fayette; et je l'aurais fait, si je ne me fusse avisé -que de ne m'adresser pas tout droit à vous, c'était vous -ravir la gloire de faire une action de miséricorde. Je me -promets, madame, que je l'obtiendrai de votre bonté, et -<span class="pagenum"><a id="Page_170"> 170</a></span> -que vous ne serez pas si cruelle que de la refuser à mes -très-humbles supplications. Autrement, j'ose vous déclarer -que, dans le désespoir où vous me mettrez, je pourrai -bien me mutiner, et perdre une partie du respect que je -vous dois. Votre modestie n'aurait pas de plus dangereux -ennemi que moi. D'abord j'apprendrais dans les provinces -(ce qui n'est bien su que de la cour) que vous êtes la véritable -princesse Clarinte de l'incomparable M. de Scudéry; -et puis je remplirais de vos louanges un second volume -de lettres que je donnerai au public sur la fin de cette -campagne; et enfin je célébrerais si hautement vos vertus, -qu'on connaîtrait par toute la France que je serais -votre admirateur passionné, quoique je n'eusse point sujet -d'être,</p> - -<p class="signature">Madame,<br /> -<span class="i1">Votre très-humble serviteur,</span><br /> -<span class="i2"><span class="small1">Costar</span><a id="FNanchor_264" href="#Footnote_264" class="fnanchor"> [264]</a>.</span>»</p> - -<p class="letter">SECONDE LETTRE DE COSTAR A MADAME DE SÉVIGNÉ.</p> - -<p class="titel">«Madame,</p> - -<p>«Que j'aimerai toute ma vie mon sac de poil d'ours, de -vous avoir rendu tant de bons offices dans la gelée! Mais, -d'autre côté, j'appréhende dorénavant de le respecter un -peu plus qu'il ne me serait commode, et de n'avoir pas le -cœur de mettre les pieds dedans, tant que je m'imaginerais -d'y apercevoir les traces des vôtres, si bien faits, si droits -et si savants..... Je vous remercie très-humblement de vos -<span class="pagenum"><a id="Page_171"> 171</a></span> -quatre excellents portraits..... La peinture de mademoiselle -de Valois est la plus jolie du monde et la plus galante, -et celle d'Iris n'a point reçu de louange qu'elle ne mérite. -Je croirais bien avec vous, madame, qu'elle a été faite à -plaisir; mais je ne dirai pas comme vous: Car quel moyen -d'être si parfaite? Ce <i>car</i> n'est bon que pour ceux qui ne -vous virent jamais, qui ne vous ont point ouï parler, et -qui n'ont pas compris la beauté de votre esprit, sa grâce, -ses charmes, sa solidité, sa douceur, et mille autres qualités -qui se trouvent en vous, et qui ne se trouvent qu'en -vous si bien assorties. Je sais, madame, que vous avez sur -les yeux un certain bandeau de modestie qui les empêche -de voir en vous les choses comme elles y sont. J'oubliais -à vous dire que l'inconnu ne vous connaît pas assez. Je ne -suis pas trop mal satisfait de ce qu'il dit de votre visage -et de votre taille, mais, bon Dieu! s'il était entré bien -avant dans votre âme, il y aurait découvert bien d'autres -trésors que ceux dont il parle<a id="FNanchor_265" href="#Footnote_265" class="fnanchor"> [265]</a>.»</p> - -<p>Ainsi la célébrité de madame de Sévigné, comme femme -éminemment aimable et spirituelle, ne fut plus renfermée -à la cour et dans le beau monde de la capitale; elle s'étendit -dans les provinces par la publication du Dictionnaire -des Précieuses de Somaize, du recueil des poésies -fugitives de Sercy<a id="FNanchor_266" href="#Footnote_266" class="fnanchor"> [266]</a>, du roman de Clélie, de la correspondance -de Costar, et des poésies de Ménage.</p> - -<p>La troisième édition de ces poésies venait de paraître<a id="FNanchor_267" href="#Footnote_267" class="fnanchor"> [267]</a>; -et, outre l'idylle intitulée <i>Alexis</i><a id="FNanchor_268" href="#Footnote_268" class="fnanchor"> [268]</a>, elle contenait deux -<span class="pagenum"><a id="Page_172"> 172</a></span> -nouvelles pièces de vers à la louange de madame de Sévigné. -Elles étaient écrites en italien, que madame de Sévigné -comprenait parfaitement. L'une est un sonnet au sujet -de son portrait<a id="FNanchor_269" href="#Footnote_269" class="fnanchor"> [269]</a>; l'autre est un madrigal allégorique, où -madame de Sévigné est comparée à la fleur de la <i>belladonna</i> -(belle dame)<a id="FNanchor_270" href="#Footnote_270" class="fnanchor"> [270]</a>. Aucune de ces deux pièces ne mérite -d'être traduite ni citée. Mais, indépendamment des pièces -grecques et italiennes qui parurent pour la première fois -dans cette troisième édition, on y lit aussi des pièces en -français qui n'avaient point paru dans les éditions précédentes, -entre autres une épître à Pellisson, où Ménage se -plaint amèrement à son ami,</p> - -<p class="quote">De l'aimable marquise<br /> -Qui lui vola sa franchise.</p> - -<p>Il l'appelle perfide, infidèle, orgueilleuse, cruelle, tigresse -au cœur d'acier; il ne songe plus à ses paroles attrayantes -et à ses paroles charmantes que quatre-vingt-trois -fois la nuit et trente-huit fois le jour<a id="FNanchor_271" href="#Footnote_271" class="fnanchor"> [271]</a>. Tout le monde -savait, lors de la publication de cette épître, que ces -extravagances de Ménage concernaient la marquise de -Sévigné, quoique son nom ne fût pas prononcé; mais, -dans la crainte que la postérité l'ignorât, il a pris soin de -le lui apprendre lui-même dans la table des matières de la -septième édition de ses poésies, qui ne fut pas la dernière<a id="FNanchor_272" href="#Footnote_272" class="fnanchor"> [272]</a>. -<span class="pagenum"><a id="Page_173"> 173</a></span> -Personne alors ne fut surpris de ce langage; aucun des -critiques de Ménage ne l'accusa d'inconvenance à ce sujet, -ni ne le frappa de ridicule. Ceci prouve ce que nous avons -remarqué précédemment, que d'après les usages du beau -monde, mis en crédit par l'hôtel de Rambouillet, il était -permis aux hommes de parler en toute liberté d'amour, -malgré l'inégalité de l'âge et du rang. Il semble même -qu'on eût passé pour grossier, si envers une femme jeune, -jolie, spirituelle, on eût paru si peu faire attention à ses -charmes, si peu apprécier son esprit, que de ne pas lui -faire entendre le langage flatteur et passionné auquel elle -était accoutumée de la part de ses fervents adorateurs. -Sans cela on ne pourrait expliquer à l'égard de madame -de Sévigné ni les vers que Ménage lui adressa ou ceux -qu'il a écrits à son sujet, ni les lettres galantes de Costar -goutteux et sur le bord de la tombe, ni les déclarations -tendres dont elle fut l'objet de la part du surintendant Servien, -après une entrevue qu'elle avait eue avec lui relativement -à une affaire qui dépendait de sa décision. Ménage -avait été l'intermédiaire entre elle et ce ministre; il l'avait -assurée du désir qu'il avait de la revoir. C'est à ce sujet -qu'elle lui écrivait: «Vous me dites des choses si obligeantes -de l'estime que vous avez donnée de moi à M. Servien, -qu'encore que j'y aie peu contribué et que je craigne -même de la détruire, je ne laisse pas pourtant d'en sentir -une certaine gloire, que toute autre personne ne m'aurait -pu donner<a id="FNanchor_273" href="#Footnote_273" class="fnanchor"> [273]</a>.» Ensuite, répondant à un autre billet flatteur -<span class="pagenum"><a id="Page_174"> 174</a></span> -de Ménage, qui lui faisait part de l'effet que ses -charmes avaient produit sur Servien, elle dit: «Votre -billet est le plus joli du monde; c'est ainsi que je vous conseille -de les faire. Je suis ravie que mes petits yeux aient -fait de si jolies conquêtes. Je me trouverais bien honorée -s'ils portaient le désordre jusque dans le conseil d'en haut, -mais je crains que l'histoire ne soit telle qu'à demi. En -tout cas, je me contente de l'estime, et je vous conjure de -me la conserver, puisque c'est vous qui me l'avez acquise. -Pour M. de Noirmoutier [Louis de la Trémouille, duc de -Noirmoutier<a id="FNanchor_274" href="#Footnote_274" class="fnanchor"> [274]</a>], j'en prendrai le soin; car il prend le chemin -de venir céans, et c'est là que je l'attends pour lui -gagner le cœur. Après tout, vous avez la gloire que j'aie -été plus friande du vôtre que de tous les autres; mais, -quelque honte qu'il y ait pour moi au temps que j'ai employé -à l'acquérir, j'en suis toute consolée quand je -songe à ce qu'il vaut.»</p> - -<p>D'après les détails que nous avons donnés dans le commencement -de cet ouvrage<a id="FNanchor_275" href="#Footnote_275" class="fnanchor"> [275]</a> sur les premiers temps des -liaisons de Ménage avec Marie de Rabutin-Chantal, nous -n'avons pas besoin de faire remarquer à nos lecteurs tout -ce qu'il y avait de coquetterie tendre et affectueuse dans -ces dernières lignes de madame de Sévigné, et de l'impression -qu'elles devaient faire sur Ménage.</p> - -<p>Quant à Abel Servien, il pouvait se déclarer l'adorateur -de madame de Sévigné sans compromettre sa réputation. -Il avait alors soixante-cinq ans, et de plus il était borgne; -circonstance qui a fourni un trait de satire de Boileau -<span class="pagenum"><a id="Page_175"> 175</a></span> -contre Ménage. Celui-ci, dans son églogue intitulée -<i>Christine</i>, avait donné à ce ministre des éloges fades et -exagérés, et l'avait comparé au soleil; et Boileau dit:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>De là vint cet amas d'ouvrages mercenaires,</p> -<p>Stances, odes, sonnets, épîtres liminaires,</p> -<p>Où toujours le héros passe pour sans pareil,</p> -<p>Et, fût-il louche et borgne, est réputé soleil<a id="FNanchor_276" href="#Footnote_276" class="fnanchor"> [276]</a>.</p> -</div></div> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_176"> 176</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE XIV.<br /> -<span class="medium">1659-1660.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -La Fronde finit comme une pièce dramatique bien combinée.—Mariage -du roi.—Rentrée de Condé.—Mort de Gaston.—Le -cardinal de Retz est dans l'impuissance de nuire.—Pompes de la -rentrée du roi.—La cour avait été obligée de faire de longues -absences hors de la capitale pendant que se traitait l'affaire de la -paix.—La noblesse alors resta à Paris.—Le théâtre devint pour -ses divertissements sa principale ressource.—Une grande distance -séparait la noblesse de la bourgeoisie.—La noblesse protégeait les -acteurs.—Ceux-ci tenaient une conduite honorable.—Plusieurs -étaient hommes de lettres.—Les auteurs dramatiques les ménageaient.—Ils -accordent l'entrée de leurs théâtres à tous les membres -de l'Académie Française.—Leur fréquentation avec les gens -de cour et les grands leur donnait, sous le rapport des manières, -une grande supériorité sur la bourgeoisie de la capitale et sur -la noblesse de province.—Quelques-uns étaient gentils-hommes, -et ne perdaient point leurs priviléges en devenant acteurs.—Molière -n'éprouva aucun obstacle pour l'établissement de son nouveau -théâtre.—Sa troupe, inférieure à celle des deux autres théâtres.—Son -génie était son seul moyen de succès.—Succès du -<i>Dépit amoureux</i>.—Vogue prodigieuse des <i>Précieuses ridicules</i>.—La -raillerie était en honneur à la cour de Louis XIV.—Les véritables -précieuses et leurs amis furent les premiers à rire de la pièce -de Molière.—Toute la famille de M<sup>me</sup> de Rambouillet se trouvait à -la représentation de cette pièce.—Motifs qui font présumer que -M<sup>me</sup> de Sévigné y était aussi.—La preuve qu'elle était alors à Paris -résulte du récit de Tallemant sur l'affaire du marquis de Langey.—Réflexions -sur cette affaire.</p> - -<p class="space">La Fronde se termina comme un poëme dramatique -bien combiné: toutes les intrigues qu'elle avait enfantées -se dénouèrent par un mariage; presque tous les principaux -<span class="pagenum"><a id="Page_177"> 177</a></span> -acteurs se réconcilièrent, et celui qui toujours et sans -cesse avait été occupé à tout brouiller fut écarté de la -scène. Louis XIV épousa l'infante Marie-Thérèse; le -traité des Pyrénées fut conclu; deux grandes monarchies, -qui se faisaient la guerre depuis vingt-cinq ans, devinrent -alliées; les frontières de la France furent reculées -au nord, à l'est et au sud<a id="FNanchor_277" href="#Footnote_277" class="fnanchor"> [277]</a>. Condé fit sa soumission, et -ramena avec lui cette courageuse noblesse qui avait suivi -sa destinée<a id="FNanchor_278" href="#Footnote_278" class="fnanchor"> [278]</a>; le duc de Lorraine, retenu depuis six ans -dans les prisons d'Espagne, à cause de ses liaisons avec la -France, en sortit<a id="FNanchor_279" href="#Footnote_279" class="fnanchor"> [279]</a>; Retz, condamné à l'exil, forcé de -fuir et de se cacher, ne fut plus à craindre<a id="FNanchor_280" href="#Footnote_280" class="fnanchor"> [280]</a>; l'indécis et -faible Gaston, qui se défiait de tout le monde et de lui-même, -qui ne s'intéressait à personne et auquel personne -ne s'intéressait, mourut peu après<a id="FNanchor_281" href="#Footnote_281" class="fnanchor"> [281]</a>.</p> - -<p>Le faste et l'éclat qui avaient accompagné la demande -de l'infante; les galanteries chevaleresques et les attentions -du jeune roi pour sa femme<a id="FNanchor_282" href="#Footnote_282" class="fnanchor"> [282]</a>; la pompe triomphale -de leur entrée dans Paris; la magnificence des réjouissances -publiques qui la suivit, tout contribua à répandre -un aspect de bonheur et un air de grandeur sur les commencements -d'un règne qui s'annonçait d'une manière si -<span class="pagenum"><a id="Page_178"> 178</a></span> -brillante<a id="FNanchor_283" href="#Footnote_283" class="fnanchor"> [283]</a>. Le royaume entier semblait renouvelé et rajeuni -par son monarque<a id="FNanchor_284" href="#Footnote_284" class="fnanchor"> [284]</a>.</p> - -<p>Mais les négociations qui avaient précédé ce moment -avaient été longues et difficiles<a id="FNanchor_285" href="#Footnote_285" class="fnanchor"> [285]</a>; et plus on désirait les -voir se terminer heureusement, plus on se trouvait agité -par la crainte et par l'espérance, selon qu'on apprenait -qu'elles avançaient vers leur terme, ou qu'elles étaient sur -le point d'être rompues. Tout le monde paraissait pressé -d'en finir, excepté les négociateurs eux-mêmes, Jules Mazarin -et Louis de Haro, qui, sur leur petite île de la Bidassoa, -combattaient ensemble de ruses et de finesses dans -leurs interminables conférences. Ces délais, cette longue -attente, les absences prolongées du roi, de la reine, du -cardinal et de tous ceux de leurs maisons, avaient en -quelque sorte dérouté les habitudes du grand monde de la -<span class="pagenum"><a id="Page_179"> 179</a></span> -capitale. La cour se trouvait partagée en deux, parce -qu'une partie seulement avait pu être du voyage de Lyon; -l'autre était restée à Paris. Le roi n'y revint qu'en février; -Mazarin en repartit vers le milieu de l'été, pour se rendre -à Saint-Jean de Luz<a id="FNanchor_286" href="#Footnote_286" class="fnanchor"> [286]</a>; et le roi, la reine et leur suite -nombreuse allèrent peu après rejoindre le ministre et voyager -dans le midi, en attendant le terme des négociations. -Tout ce qui n'était point du voyage n'eut aucune envie de -quitter Paris, où l'on s'attendait de jour en jour à voir -revenir ceux dont on s'était séparé avec tant de regret: -de fréquents courriers apportaient de leurs nouvelles, et -instruisaient de tout ce qui préoccupait si fortement -les esprits. Comme l'ouverture des négociations avait suspendu -les opérations de la guerre, nul ne se trouvait forcé -de s'absenter. La capitale était donc pourvue d'un plus -grand nombre de personnes de la haute noblesse, ou de -personnes riches et vivant noblement, qu'elle n'avait coutume -de l'être dans cette saison. Mais comme les ballets -royaux, les fêtes et les cercles de la cour, les bals et les -mascarades, n'avaient plus lieu, on eut plus de loisir pour -suivre les représentations théâtrales, et elles tinrent le -premier rang parmi les jouissances de cette année.</p> - -<p>Nous avons vu qu'indépendamment des deux troupes -d'acteurs de l'hôtel de Bourgogne et du Marais, une troisième -troupe (c'était celle de Molière) avait obtenu la -permission de s'établir à Paris, et jouait sur le théâtre -du Petit-Bourbon.</p> - -<p>Il ne faut pas oublier l'inégalité des rangs qui existait -à cette époque, et les effets qu'elle produisait. Un intervalle -<span class="pagenum"><a id="Page_180"> 180</a></span> -considérable séparait le bourgeois le plus riche d'un -noble, d'un grand seigneur. Celui-ci donnait du lustre et -de l'importance à tous ceux qu'il admettait à l'honneur -de sa familiarité ou aux bienfaits de sa protection. Les -grands choisissaient de préférence pour clients ceux qui -pouvaient rehausser l'éclat de leur rang ou contribuer à -leurs plaisirs. De là cette faveur dont jouissaient auprès -d'eux les artistes, les gens de lettres, les chanteurs et les -acteurs<a id="FNanchor_287" href="#Footnote_287" class="fnanchor"> [287]</a>. La condition de ces derniers, du moins dans la -capitale, n'était point ravalée au-dessous de celle de la -bourgeoisie, comme cela a lieu depuis que leur nombre -s'est multiplié si extraordinairement avec celui des théâtres, -et encore plus depuis que les lois ont voulu promener -leur niveau sur tous les rangs, sur toutes les professions. -Les lois peuvent bien contraindre les actions -de l'homme, mais ne peuvent rien sur ses opinions: les -lois veulent en vain établir en toute chose une parfaite -égalité, rendre semblable ce qui diffère, rapprocher ce qui -se repousse; l'opinion, qui exerce sur les lois mêmes son -empire absolu, élève aussitôt ce qu'elles ont abaissé, -abaisse ce qu'elles ont élevé, prononce ses incompatibilités -et établit ses distinctions.</p> - -<p>A l'époque dont nous parlons, les princes et les grands, -qui, à l'exemple du monarque, aimaient à s'exercer dans -l'art théâtral, et associaient à leurs divertissements les -acteurs, ne laissaient échapper aucune occasion de manifester -à ceux-ci l'intérêt qu'ils leur portaient, et le cas -qu'ils faisaient de leurs talents. Ils les aidaient à maintenir -l'ordre dans leurs représentations; ils n'hésitaient -pas, pour les mettre à l'abri des insultes de la foule, à -<span class="pagenum"><a id="Page_181"> 181</a></span> -leur prêter le secours de leurs propres gardes ou de leurs -nombreux valets, et souvent ils ne dédaignaient pas -d'intervenir en personne, lorsque les circonstances -l'exigeaient. Plus honorés, les acteurs tenaient aussi une -conduite plus honorable. Ils maintenaient dans leurs petites -républiques une police excellente<a id="FNanchor_288" href="#Footnote_288" class="fnanchor"> [288]</a>. Liés entre eux -par un même intérêt et par les rapports continuels de -leurs communs travaux, ils se secouraient mutuellement, -et ne souffraient jamais qu'aucun d'eux, qu'elle que fût -son infortune, tombât à la charge de la charité publique. -Ce qui ajoutait encore à la considération dont jouissaient -particulièrement les acteurs des deux théâtres royaux de -l'hôtel de Bourgogne et du Marais, c'est que plusieurs -étaient hommes de lettres, et composaient des pièces dans -lesquelles ils jouaient. Dans ce nombre étaient Hauteroche, -Villiers, Poisson, Champmeslé, la Thorillière: par -ceux-ci, la nuance qui séparait les acteurs des gens de -lettres faisant profession de travailler uniquement pour -la scène était faible et peu marquée; car ces derniers -étaient obligés de fréquenter les acteurs, de faire société -avec eux; ils avaient besoin de leur appui, et semblaient -appartenir à leur théâtre et faire partie de leur troupe. Les -acteurs, de leur côté, se montraient dignes, par leur générosité, -d'une telle confraternité. Ils avaient accordé à tous -les membres de l'Académie Française le droit d'entrer à -leur spectacle sans payer. Ainsi les acteurs, par leur liaison -avec les beaux esprits, par la nature même de leur -profession, possédaient toujours ce genre d'instruction -qui contribue le plus aux agréments de la conversation, -<span class="pagenum"><a id="Page_182"> 182</a></span> -et leur fréquentation avec les grands leur donnait cette -élégance dans les manières, cette pureté dans le langage, -cette politesse naturelle, et toutes les qualités brillantes -de l'homme du monde, alors si inégalement réparties, -auxquelles la bourgeoisie était entièrement étrangère, et -qu'on ne trouvait même pas parmi la noblesse de province: -elles semblaient être l'apanage presque exclusif -de la cour, des cercles et des ruelles de la capitale. C'était -donc un immense avantage que de les posséder, et les -acteurs y trouvaient pour l'exercice de leur profession -un élément de succès: ils s'étudiaient continuellement à -les acquérir, et parvenaient sous ce rapport à égaler leurs -modèles. Enfin, la plupart d'entre eux étaient sortis de la -bourgeoisie, et quelques-uns même de la noblesse. Ces -derniers ne dérogeaient pas alors en montant sur les -planches. Floridor, le meilleur acteur de cette époque, -était de ce nombre. Le fisc voulut lui contester son titre, -et le priver des priviléges et exemptions qu'il tenait de -sa naissance; mais la justice prononça en sa faveur<a id="FNanchor_289" href="#Footnote_289" class="fnanchor"> [289]</a>, et -le rétablit dans ses droits, sans que pour cela il fût obligé -de renoncer au théâtre. Plus tard, Le Noir de La Thorillière -quitta la glorieuse profession des armes, et le grade -de capitaine de cavalerie, pour se faire acteur; et ce fut -avec le consentement et l'approbation du roi qu'eut lieu -ce changement d'état<a id="FNanchor_290" href="#Footnote_290" class="fnanchor"> [290]</a>.</p> - -<p>Ainsi Poquelin, ce fils d'un tapissier du roi sous les Piliers -des halles<a id="FNanchor_291" href="#Footnote_291" class="fnanchor"> [291]</a>, n'avait pas, autant qu'on l'a cru, trompé -<span class="pagenum"><a id="Page_183"> 183</a></span> -l'espoir de sa famille en mettant de côté la soutane du séminariste<a id="FNanchor_292" href="#Footnote_292" class="fnanchor"> [292]</a> -et la robe d'avocat, pour devenir acteur et chef -de troupe, surtout depuis que, par la protection du prince -de Conti et de <span class="small1">Monsieur</span>, il eut obtenu la permission de -s'établir dans la capitale. Sa profession ne parut nullement -incompatible avec la charge de valet de chambre du roi, -qu'il tenait de son père, et avec l'honneur qu'il avait, lorsqu'il -était de service, de faire quelquefois le lit de Sa Majesté<a id="FNanchor_293" href="#Footnote_293" class="fnanchor"> [293]</a>. -Mais si Molière était favorisé par l'opinion, les -mœurs et les besoins de son temps<a id="FNanchor_294" href="#Footnote_294" class="fnanchor"> [294]</a> pour l'établissement -d'un nouveau théâtre à Paris, il trouvait de grands obstacles -dans les deux autres théâtres, qui depuis longtemps -étaient en possession d'attirer la foule. Les acteurs qui y -jouaient, déjà en faveur auprès du public, avaient une -grande supériorité sur ceux du sien; aucun auteur en réputation -ne voulait consentir à confier ses pièces à ces comédiens -de province, si peu habiles. Tous moyens de succès -leur étaient donc ravis, hors un seul: le génie de celui -qui était leur chef. Instruits par lui, inspirés par lui, les -camarades de Molière, médiocres dans les pièces des autres, -jouaient les siennes avec un ensemble, une verve, un -naturel, qui ne laissaient rien à désirer. Pour que la nouvelle -troupe réussît et l'emportât sur les deux autres, il -fallait donc que Molière composât des pièces pour elle, et -que ces pièces fussent supérieures à celles que l'on jouait -aux autres théâtres: c'est ce qu'il fit, du moins pour les -<span class="pagenum"><a id="Page_184"> 184</a></span> -comédies. Déjà <i>les Étourdis</i> et <i>le Dépit amoureux</i> avaient -commencé à attirer le public à son théâtre, et lui avaient -fait entrevoir la possibilité de réussir; lorsqu'une simple -farce en prose, en un seul acte, composée en quelques -jours, dont l'intrigue ou la conduite, misérable en elle-même, -ne lui appartenait pas<a id="FNanchor_295" href="#Footnote_295" class="fnanchor"> [295]</a>, lui procura un succès prodigieux<a id="FNanchor_296" href="#Footnote_296" class="fnanchor"> [296]</a>, -et lui acquit tout à coup une réputation qui ne -fit que s'accroître depuis, mais que les deux comédies en -cinq actes et en vers qu'il avait déjà fait jouer n'avaient -pu lui faire obtenir. Dans cette parade bouffonne, Molière -faisait ressortir les ridicules du langage affecté et des manières -composées de la haute classe, en montrant ce qu'ils -devenaient lorsqu'ils étaient singés par la bourgeoisie et -les gens de bas étage. Ces ridicules avaient déjà été signalés, -mais personne n'avait soupçonné qu'ils fussent -aussi comiques. Ces scènes sans liaison étaient une suite -de peintures admirables par cet air de vérité auquel l'exagération -même donne plus de relief; c'était une satire -mordante, spirituelle et comique des folies les plus extravagantes, -et des travers les plus saillants, de la société -de cette époque. Personne ne put s'empêcher d'en rire; les -plus grandes précieuses et leurs sectateurs s'en amusèrent -comme les autres, tant était contagieuse cette verve de -gaieté qui animait les dialogues dans les endroits où l'auteur -avait placé ses traits les plus malins. «Qui ne sait -pas supporter la raillerie, dit Loménie de Brienne dans ses -mémoires, ne doit point vivre à la cour<a id="FNanchor_297" href="#Footnote_297" class="fnanchor"> [297]</a>.» La raillerie -fut à cette époque même le sujet d'un ballet, où le roi représenta -<span class="pagenum"><a id="Page_185"> 185</a></span> -le principal personnage<a id="FNanchor_298" href="#Footnote_298" class="fnanchor"> [298]</a>; la cour de Louis XIV -était essentiellement railleuse et moqueuse, et cette disposition -générale des esprits contribua beaucoup au succès -de Molière et aux allures franches et hardies de son génie. -Non-seulement on ne lui en voulut point de ses piquants -sarcasmes sur les ruelles de la capitale et sur celles des -provinces, mais on lui en sut gré. C'est en vain que quelques -envieux cherchèrent à animer contre lui les courtisans, -les grands seigneurs et les grandes dames qu'il avait -eu, disaient-ils, l'audace de traduire sur le théâtre<a id="FNanchor_299" href="#Footnote_299" class="fnanchor"> [299]</a>; personne -ne s'avisa de réclamer le privilége d'être sot et ridicule -par droit de naissance. Nous savons qu'à la réserve -de M. et de madame de Montausier, qui étaient dans leur -gouvernement d'Angoumois, toute la famille de madame -de Rambouillet se trouvait à la première représentation -des <i>Précieuses</i> de Molière; Ménage y vit madame la marquise -de Rambouillet, mademoiselle de Rambouillet, sa -fille, madame la marquise de Grignan, son autre fille, le -marquis de Grignan, son gendre, et leurs nombreux amis. -Tous applaudirent à ces réjouissantes caricatures, à ces -scènes d'un comique si vrai, si spirituel, si original surtout, -et qui ne rappelaient en rien les imitations des pièces -anciennes ou des pièces espagnoles, dont on était rassasié. -On connaît le mot de Ménage et son espèce de palinodie: -«Dès cette première représentation, dit-il, on revint du -galimatias et du style forcé<a id="FNanchor_300" href="#Footnote_300" class="fnanchor"> [300]</a>.» On connaît l'exclamation -énergique d'un vieil amateur: «Courage, Molière! voilà -de la bonne comédie.» Mais ce qui est ignoré, ce qui importe -à notre objet, c'est que probablement madame de -<span class="pagenum"><a id="Page_186"> 186</a></span> -Sévigné se trouvait aussi à cette première représentation -des <i>Précieuses ridicules</i>. Du moins est-il certain qu'elle -était alors à Paris: nous en avons la preuve par le récit -de Tallemant des Réaux sur l'affaire du marquis de Langey, -dans lequel madame de Sévigné figure au nombre -des jeunes femmes vives et légères qui ne voyaient que le -côté plaisant de cette cause singulière, devenue le sujet -de tous les entretiens. Elle partageait l'attention publique -au point de faire oublier les succès prodigieux de la comédie -des <i>Précieuses ridicules</i> et de la tragédie de <i>Bélisaire</i> -du sieur de la Calprenède, et même les négociations -de Saint-Jean du Luz<a id="FNanchor_301" href="#Footnote_301" class="fnanchor"> [301]</a>. L'étrange et scandaleuse accusation -d'une jeune femme contre un mari, si opposée à la -réputation d'homme à bonnes fortunes qu'il s'était acquise, -avait forcément monté toutes les conversations sur un tel -ton de licence dans l'expression, qu'on doit peu s'étonner -du propos que Tallemant des Réaux dit avoir été tenu -par madame de Sévigné au marquis de Langey<a id="FNanchor_302" href="#Footnote_302" class="fnanchor"> [302]</a>, pour -exprimer à celui-ci qu'elle ne doutait nullement des -moyens victorieux qu'il avait de gagner sa cause.</p> - -<p>Les vers énergiques de Boileau, l'absurde contradiction -de deux jugements contraires rendus pour et contre -un seul homme, et le plaidoyer de Lamoignon<a id="FNanchor_303" href="#Footnote_303" class="fnanchor"> [303]</a>, amenèrent -<span class="pagenum"><a id="Page_187"> 187</a></span> -dans notre législation, à l'égard du mariage, un -changement qui, considéré sous le point de vue religieux, -n'était pas aussi fondé en raison que le pensent ceux qui -n'ont fait attention qu'aux circonstances scandaleuses de -cette affaire<a id="FNanchor_304" href="#Footnote_304" class="fnanchor"> [304]</a>.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_188"> 188</a></span></p><br /> -<h2 class="normal">CHAPITRE XV.<br /> -<span class="medium">1661.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Mort de Mazarin.—Une nouvelle ère commence pour la France.—La -cour ne se sépare plus.—Elle part tout entière pour Fontainebleau.—Les -divertissements sont interrompus à Paris dans la belle saison.—Plaisirs -de Fontainebleau.—Intrigues amoureuses du roi avec mademoiselle -de La Vallière;—de <span class="small1">Madame</span> avec le comte de Buckingham -et le comte de Guiche;—de la duchesse de Toscane avec le duc -de Lorraine.—Les personnes qui à Paris étaient invitées à la cour -ne se trouvaient plus dans la même position à Fontainebleau.—Elles -étaient obligées dans ce séjour à de grandes dépenses.—Madame -de Sévigné se retire à sa terre des Rochers pendant l'été.—Durant -l'hiver elle participe aux plaisirs de Paris.—Plusieurs mariages -brillants y donnent lieu à des fêtes nombreuses.—On redonne -aux théâtres les chefs-d'œuvre de Corneille.—Il compose la -<i>Toison d'Or</i>, le premier opéra allégorique.—Molière s'essaye dans -le genre héroïque; il y réussit peu, et revient à la comédie.—Toutes -ces pièces furent jouées successivement à Paris, à Fontainebleau, et -chez Fouquet à Vaux et à Saint-Mandé.—Madame de Sévigné, -quand elle était à Paris, était de toutes les fêtes; elle ne se trouva -point à la plus somptueuse de toutes.—Elle quitte sa terre pour -faire un voyage au mont Saint-Michel.—Ce qu'elle écrit à sa fille -trente ans après, au sujet de ce voyage.—Citation d'une lettre -d'un conseiller au parlement, au sujet de madame de Sévigné et -de sa fille, à l'époque de ce voyage.</p> - -<p class="space">Mazarin n'était plus: sa mort avait presque aussitôt -suivi la paix qu'il avait conclue, et une nouvelle ère commença -pour la France<a id="FNanchor_305" href="#Footnote_305" class="fnanchor"> [305]</a>. La haute société prit une nouvelle -<span class="pagenum"><a id="Page_189"> 189</a></span> -forme; elle se trouva forcée de changer les habitudes -qu'elle avait contractées depuis longtemps. Pendant toute -la durée de la guerre, une portion de ceux qui la composaient, -appelée à l'armée, que suivaient le roi, la reine -mère et son ministre, s'absentait régulièrement de Paris -pendant la belle saison; l'autre portion, au contraire, -restait dans la capitale, parce que là on se trouvait plus -à portée d'être bien instruit des événements, de communiquer -avec les amis, les parents que l'on avait à -la cour, foyer ambulant de toutes les intrigues et de -toutes les ambitions. Ainsi les cercles, les divertissements -n'éprouvaient point d'interruption; et c'est alors qu'en -l'absence du monarque et du premier ministre, <span class="small1">Mademoiselle</span>, -le surintendant Fouquet, ou d'autres personnages -moins considérables, étalaient le luxe de leur grande -fortune, et comblaient le vide produit par l'absence du -souverain.</p> - -<p>Pour la première fois depuis vingt-quatre ans, cet ordre -de choses fut changé. Toute la cour partit dès le mois d'avril -pour Fontainebleau, avec les reines, le roi, et son -frère <span class="small1">Monsieur</span>, qui emmenait avec lui l'aimable fille du -roi d'Angleterre, devenue sa femme. Deux reines mères, -celle de France et celle d'Angleterre; un jeune monarque; -une jeune reine déjà enceinte<a id="FNanchor_306" href="#Footnote_306" class="fnanchor"> [306]</a>; plusieurs princesses nouvellement -mariées; un essaim de beautés empressées à -plaire; de jeunes seigneurs, guerriers déjà illustrés par -nombre d'actes de valeur; la sécurité qu'on ressentait en -voyant les Condé, les Beaufort, ces redoutables héros de -la Fronde, devenus d'assidus courtisans<a id="FNanchor_307" href="#Footnote_307" class="fnanchor"> [307]</a>; le soulagement -<span class="pagenum"><a id="Page_190"> 190</a></span> -que l'on éprouvait d'être délivré d'un ministre avare, rusé, -quinteux, sous lequel on s'était vu forcé de ployer, après -l'avoir outragé et proscrit<a id="FNanchor_308" href="#Footnote_308" class="fnanchor"> [308]</a>; l'espérance qui surgissait de -voir appelé à lui succéder<a id="FNanchor_309" href="#Footnote_309" class="fnanchor"> [309]</a> ce surintendant si poli, si aimable -envers tous, si insinuant, si serviable envers la richesse, -si généreux, si prodigue même envers la haute -noblesse, le talent, la faveur ou la beauté; enfin le printemps, -un ciel pur, les eaux du fleuve, les ombrages de la -forêt, tout contribua à exalter la joie générale, à imprimer -un élan vers les plaisirs, qui se manifesta avec encore plus -de force et d'éclat que dans les années précédentes. Les -ballets, la comédie, les concerts, les navigations sur le -canal, les bains de rivière, les cavalcades, les carrousels, -les promenades en calèche, les chasses, les repas en plein -air, les jeux folâtres, les mascarades, les parties nocturnes, -les illuminations, les feux d'artifice, donnèrent pendant -plusieurs mois à Fontainebleau et à toutes les campagnes -des environs un aspect de fêtes toujours varié, toujours -plus ravissant<a id="FNanchor_310" href="#Footnote_310" class="fnanchor"> [310]</a>. Favorisées par toutes les circonstances -des lieux et des temps, les intrigues amoureuses se développèrent -rapidement parmi cette brillante jeunesse, dont -la joie était exaltée par des plaisirs sans cesse renaissants. -Il semblait que la volupté s'empressât d'entourer de ses -guirlandes, et de couvrir de ses fleurs, ce trône qu'elle se -montrait jalouse de disputer à la gloire. Là se formèrent -des liaisons qui devaient tenir une si grande place dans -les événements de ce règne; là se développèrent des passions -<span class="pagenum"><a id="Page_191"> 191</a></span> -qui devaient exercer une si puissante influence sur -les mœurs et les destinées du monde<a id="FNanchor_311" href="#Footnote_311" class="fnanchor"> [311]</a>. L'amour du roi pour -mademoiselle de La Vallière<a id="FNanchor_312" href="#Footnote_312" class="fnanchor"> [312]</a>, celui de <span class="small1">Madame</span> pour Buckingham<a id="FNanchor_313" href="#Footnote_313" class="fnanchor"> [313]</a>, -et ensuite pour le comte de Guiche, favori de -son mari<a id="FNanchor_314" href="#Footnote_314" class="fnanchor"> [314]</a>; celui de la duchesse de Toscane, fille de Gaston, -pour le duc Charles de Lorraine<a id="FNanchor_315" href="#Footnote_315" class="fnanchor"> [315]</a>, cessèrent d'être un -mystère pour des courtisans, si intéressés à pénétrer les -secrets de leurs maîtres, et empressés à justifier leurs excès -par de tels exemples. Aussi, à la réserve de la chaste -épouse de Louis XIV, asservie, ainsi que la reine sa belle-mère, -à une piété sévère, il n'y eut peut-être pas dans -toute cette cour, si nombreuse en jeunes femmes, une seule -qui ne fût alors, soit pour elle-même, soit pour une autre, -engagée dans quelque intrigue amoureuse. Le récit des -aventures galantes qui eurent lieu alors, et dans cette seule -saison, a rempli plusieurs volumes, qui sont loin d'avoir -épuisé la matière<a id="FNanchor_316" href="#Footnote_316" class="fnanchor"> [316]</a>.</p> - -<p>Cette translation et ce séjour du monarque à Fontainebleau -produisirent un changement dans l'existence des -personnes qu'on voyait habituellement à la cour, ou qui -se trouvaient à ces divertissements sans qu'elles fussent -obligées d'y être, sans qu'elles possédassent aucune charge -<span class="pagenum"><a id="Page_192"> 192</a></span> -ou eussent aucun emploi auprès du monarque, ou auprès -des princes. Dans la capitale, ces personnes avaient avec -la cour des points de contact et des jouissances communes -à tous, par le moyen des promenades publiques, des -théâtres, et des foires, alors très-fréquentées par la haute -société. Lorsqu'elles se rendaient aux invitations du monarque, -des reines ou des ministres, pour ajouter aux -agréments ou à la pompe des ballets, des carrousels, des -banquets, elles ne changeaient en rien leur genre de vie -habituel. Elles n'abandonnaient point leurs somptueux -hôtels, où plusieurs rendaient aussi à la cour les repas et -les fêtes qu'elles en avaient reçus. Ces personnes semblaient -ainsi plutôt consentir à être de la cour, que demander -à en être: elles n'aliénaient pas leur liberté, leur -indépendance. Mais, en quittant leur domicile pour se transporter -à Fontainebleau, elles se mettaient à la suite de la -cour; elles montraient l'intention de solliciter l'honneur -d'y être admises, de participer à l'éclat des fêtes qui s'y -donnaient et aux plaisirs qu'on y goûtait; elles manifestaient -la volonté de parcourir la carrière d'ambition et -d'intrigues qui y était ouverte. Elles se trouvaient alors -nécessairement entraînées à supporter toutes les charges -d'une telle existence: le gros jeu, les somptueux équipages, -un grand luxe de maison, devenaient nécessaires.</p> - -<p>Madame de Sévigné, que l'éducation de sa fille occupait -alors fortement, était trop raisonnable, trop économe, -pour se placer dans une telle situation. D'ailleurs, tout le -fracas des fêtes et des intrigues de Fontainebleau ne convenait -nullement à ses habitudes, à ses projets, à la pureté, -à la délicatesse de ses sentiments. Aussi pendant ce temps -se retira-t-elle à sa terre des Rochers. Une lettre d'un conseiller -au parlement, que nous aurons bientôt occasion de -<span class="pagenum"><a id="Page_193"> 193</a></span> -citer, nous prouve qu'elle s'y était rendue au commencement -du printemps, et au moment même du départ de la -cour pour Fontainebleau: deux lettres d'elle, l'une à Ménage<a id="FNanchor_317" href="#Footnote_317" class="fnanchor"> [317]</a> -et l'autre à Pomponne, nous démontrent qu'elle s'y -trouvait encore au mois d'octobre.</p> - -<p>Mais il est probable qu'elle séjourna dans la capitale -durant l'hiver qui précéda ce voyage de Fontainebleau, -et celui qui le suivit. A la vérité, nous n'en avons d'autre -preuve que son genre de vie pendant plusieurs des précédentes -années, où nous la voyons assez empressée à saisir -les occasions de s'associer aux plaisirs de la cour. Ils furent -très-actifs et très-brillants pendant ces deux hivers, -signalés par les négociations et la conclusion de la paix, -la naissance d'un Dauphin<a id="FNanchor_318" href="#Footnote_318" class="fnanchor"> [318]</a>; les mariages du duc d'Anjou -avec Henriette d'Angleterre<a id="FNanchor_319" href="#Footnote_319" class="fnanchor"> [319]</a>; de mademoiselle d'Orléans, -l'une des filles de Gaston et de Marguerite de Lorraine<a id="FNanchor_320" href="#Footnote_320" class="fnanchor"> [320]</a>, -avec le grand-duc de Toscane; celui de Marie de Mancini -avec le connétable de Colonne<a id="FNanchor_321" href="#Footnote_321" class="fnanchor"> [321]</a>; celui de sa sœur la belle -Hortense avec Armand de La Porte, qui prit le nom de duc -de Mazarin<a id="FNanchor_322" href="#Footnote_322" class="fnanchor"> [322]</a>. Pendant l'un et l'autre carnaval, la joie se -manifesta par des actions hors de toute prudence, hors -de toute convenance. La passion pour le jeu et les mascarades -alla toujours en croissant. On risqua des sommes -<span class="pagenum"><a id="Page_194"> 194</a></span> -énormes sur une seule carte<a id="FNanchor_323" href="#Footnote_323" class="fnanchor"> [323]</a>; des personnages de haute -distinction coururent les rues, déguisés en poissardes, en -Scaramouches, en Trivelins<a id="FNanchor_324" href="#Footnote_324" class="fnanchor"> [324]</a>. Durant ces deux années -aussi, le théâtre jeta un grand éclat. Je ne veux point -parler de la magnificence des ballets royaux<a id="FNanchor_325" href="#Footnote_325" class="fnanchor"> [325]</a>, mais de la -splendeur, bien préférable, que la scène reçut des chefs-d'œuvre -dramatiques qui furent représentés alors. Le -génie du vieux Corneille sembla se ranimer, et reprendre -une nouvelle forme pour faire luire un dernier rayon sur -ce nouveau règne. Corneille avait donné le premier modèle -de la comédie dans le <i>Menteur</i>, composé le premier -chef-d'œuvre de tragédie dans le <i>Cid</i>; dans la <i>Toison -d'Or</i> il offrit le premier l'exemple d'une pièce à machines, -également propre à être déclamée ou chantée, écrite avec -noblesse, conduite avec régularité; enfin le premier exemple -d'un bon opéra. On remit aussi alors au théâtre toutes -les pièces qui avaient fait la gloire de ce créateur de la -scène française, et elles excitèrent le même enthousiasme -que dans la nouveauté. Son frère, uni avec lui d'intérêt, -de fortune et de renommée, fit une pièce de circonstance -intitulée <i>Camma</i>, dont le sujet avait été fourni par Fouquet. -Le succès fut complet. Ainsi, cette époque, favorable -pour la gloire et la prospérité de la France, le fut aussi -pour son grand poëte<a id="FNanchor_326" href="#Footnote_326" class="fnanchor"> [326]</a>. Molière, trop sensible aux reproches -que lui faisaient ses Aristarques et ses ennemis, -<span class="pagenum"><a id="Page_195"> 195</a></span> -de ne réussir que dans la farce, voulut habiller en grande -dame et assujettir aux belles manières sa muse joyeuse, -énergique, un peu dévergondée, mais vive, franche, naturelle, -et habituée à marcher librement et à visage découvert. -Il fit <i>Don Garcie de Navarre</i>, pièce dans le genre -noble, qui n'eut point de succès et n'en méritait pas. Mais -celui qu'il obtint presque aussitôt après, par son <i>École -des Maris</i>, dut lui prouver qu'il vaut mieux supporter -les défauts de son génie que de le contraindre dans son -allure. La troupe de Molière était la troupe en vogue, -celle que préféraient le monarque et le public, parce -que c'était la plus réjouissante, et la seule à qui il fût -permis de jouer les pièces de son directeur. On lui accorda -le théâtre du Palais-Royal, et elle jouait alternativement -sur ce théâtre et devant la cour, au Louvre ou -à Fontainebleau, et chez Fouquet, à Vaux ou à Saint-Mandé<a id="FNanchor_327" href="#Footnote_327" class="fnanchor"> [327]</a>.</p> - -<p>Fouquet donnait encore plus fréquemment des fêtes que -dans les années précédentes; et nous avons déjà exposé -les motifs qui doivent faire penser que madame de Sévigné -se trouvait à toutes ces fêtes. Cependant elle n'était pas -présente à celle qui surpassa toutes les autres, à celle que -Louis XIV avait demandée, à celle où Molière fit jouer -pour la première fois la comédie des <i>Fâcheux</i>, à celle qui -fut la dernière où Vaux resplendit d'une magnificence -toute royale, à celle qui précéda de si peu de temps la -chute du malheureux surintendant.</p> - -<p>Lorsque fut donnée cette fête, qui amusa tant le bon -<span class="pagenum"><a id="Page_196"> 196</a></span> -La Fontaine, et dont il nous a laissé une si charmante description<a id="FNanchor_328" href="#Footnote_328" class="fnanchor"> [328]</a>, -madame de Sévigné était retirée aux Rochers, -car c'était l'époque où la cour se trouvait à Fontainebleau: -on était au mois d'août, et tant que dura la belle saison -madame de Sévigné ne quitta sa terre que pour faire un -petit voyage, qui ne dut pas lui coûter une bien longue -absence ni lui occasionner beaucoup de fatigue. Accompagnée -de sa fille, elle se rendit au mont Saint-Michel. -L'isolement de ce mont, sur une vaste plage couverte deux -fois par jour des eaux de la mer; son double sommet, son -château, son église, son abbaye; la salle où se rassemblaient -les chevaliers de l'ordre formé sous l'invocation -de l'archange dont il porte le nom; les prisonniers d'État -renfermés dans ses sombres cachots; les superstitions, les -pèlerinages dont il fut l'objet, lui ont donné depuis longtemps -une grande célébrité<a id="FNanchor_329" href="#Footnote_329" class="fnanchor"> [329]</a>. Pour s'y rendre, en partant -des Rochers, madame de Sévigné n'eut qu'un trajet de -quinze à dix-huit lieues à faire; et dans sa route elle traversait -Fougères, où son mari avait été gouverneur, et -dont les environs sont si riants et si fertiles. C'est à cette -époque de sa vie que madame de Sévigné faisait allusion, -trente ans après, lorsqu'elle écrivait de Dol à madame de -Grignan: «Je voyais de ma chambre la mer et le mont -Saint-Michel, ce mont si orgueilleux que vous avez vu -<span class="pagenum"><a id="Page_197"> 197</a></span> -si fier, et qui vous a vue si belle; je me suis souvenue -avec tendresse de ce voyage<a id="FNanchor_330" href="#Footnote_330" class="fnanchor"> [330]</a>.»</p> - -<p>En effet, madame de Grignan, si elle avait revu le mont -Saint-Michel lorsque sa mère lui écrivait cette lettre, ne -lui aurait pas trouvé un aspect aussi imposant qu'au temps -de sa jeunesse. A cette époque ses deux cimes étaient couronnées -de deux majestueuses constructions, la plus haute -par l'abbaye, la moins élevée par le château; mais ce château -avait été rasé en 1669. Ce mont Saint-Michel n'aurait -pas non plus retrouvé en 1689 madame de Grignan, -âgée de quarante-trois ans, aussi fraîche et aussi belle que -mademoiselle de Sévigné l'était en 1661, quoiqu'elle n'eût -à cette époque que treize ans. Sa mère ne la flattait pas, -lorsqu'elle lui disait qu'elle était alors déjà remarquable -par ses naissants attraits. Voici de quelle manière s'exprimait, -dans une lettre adressée à un ami, un conseiller -au parlement qui se trouvait à Fontainebleau le 3 novembre -1661<a id="FNanchor_331" href="#Footnote_331" class="fnanchor"> [331]</a>:</p> - -<p>«J'ai eu l'avantage d'être un mois durant voisin de madame -de Sévigné, dont la maison n'est qu'à deux lieues de -nous. Cette favorable conjoncture me l'a bien mieux fait -connaître par elle-même, que par ce grand et légitime bruit -que son mérite fait dans le monde. Je ne vous en dirai rien -du tout et je vous renvoie, ou à la connaissance que vous -en avez, ou à la foi publique... Mademoiselle sa fille est -une autre merveille, dont je ne vous dirai rien non plus:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Vous la verrez, si vous ne l'avez vue,</p> -<p>Vous la verrez, de mille attraits pourvue,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_198"> 198</a></span></div> -<p class="i1"> Briller d'un éclat sans pareil;</p> -<p>Et vous direz, en la voyant paraître:</p> -<p>C'est un soleil qui ne fait que de naître</p> -<p class="i1"> Dans le sein d'un autre soleil.</p> -</div></div> - -<p>«Le lieu où ces déités me sont apparues est une maison -située à une lieue de Vitré, grande et belle pour ses bâtiments -et ses jardins, où madame de Sévigné passe de temps -à autre quelques mois, et où, dans un fond de province, -on trouve la même politesse que dans l'Ile de France.</p> - -<p>«J'ai encore à vous rendre compte du pèlerinage que -j'ai fait au mont Saint-Michel... Ce mont est une chose -singulière, où il y a une fort belle abbaye; et c'est tout -vous dire que madame de Sévigné avait eu la même curiosité -huit ou dix jours avant moi, et en avait été fort satisfaite; -ce qui me donna lieu de lui en écrire, à mon retour, -une lettre que je ne mets ici que pour vous servir -de description de cette montagne.»</p> - -<p>L'emphatique description que l'anonyme adresse à madame -de Sévigné se termine ainsi:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Vous l'avez vu, madame, et savez si je mens.</p> -<p>Vous avez triomphé de la roche superbe;</p> -<p>Vos beaux pieds l'ont foulée, ainsi qu'on foule l'herbe:</p> -<p>Elle fléchit pour vous son invincible orgueil;</p> -<p>Et, sentant sur sa croupe une charge si belle,</p> -<p>Elle vous caressa par un muet accueil;</p> -<p>Puis de votre départ voyant l'heure cruelle,</p> -<p>Dans ses concavités elle en pleura le deuil.</p> -<p>Elle ne le dit pas; et je le dis pour elle<a id="FNanchor_332" href="#Footnote_332" class="fnanchor"> [332]</a>.</p> -</div></div> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_199"> 199</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE XVI.<br /> -<span class="medium">1661.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Les peuples ressentent bien plus leurs maux après les dissensions civiles -que pendant qu'elles durent.—Situation de la France après -le traité des Pyrénées.—Misère du peuple.—Abus et confusion -des pouvoirs.—Vénalité, immoralité, désordre des finances.—Craintes -et regrets que cause la mort de Mazarin.—Personne ne -pouvait remplir sa place.—On redoute les inclinations martiales -de Louis XIV.—La France ressentait le besoin de la paix.—Corneille -se rend l'organe de l'opinion publique.—Citation d'un passage -de <i>la Toison d'Or</i>.—Le roi se résout à gouverner par lui-même.—Personne -ne croit que cette résolution sera de longue -durée.—Des espérances que faisaient naître ses actes.—Madame de -Sévigné croit que le cardinal de Retz succédera au cardinal Mazarin.—Louis -XIV ne rappelle point le cardinal de Retz, et se -montre aussi contraire aux jansénistes que l'avait été Mazarin.—Arnauld -d'Andilly était le seul de ce parti qui fût aimé du roi et de -la reine mère.—Madame de Sévigné était liée avec ses deux fils, -l'abbé Arnauld et Pomponne; détails sur ce dernier.—Il était ami -de Fouquet.—Pomponne ne pouvait obtenir de l'avancement, parce -qu'il appartenait à la secte des jansénistes.—Madame de Sévigné -espère que Fouquet succédera à Mazarin.—Fouquet avait aussi -cette espérance.—Le voyage du monarque et de sa cour en Bretagne -est résolu.—Madame de Sévigné apprend dans sa terre des -Rochers que Fouquet est arrêté, et que le roi a résolu sa mort.</p> - -<p class="space">Les maux qu'amènent à leur suite la guerre civile et la -guerre étrangère ne sont jamais mieux sentis qu'après la -cessation des causes qui les produisent. Dans les temps de -violentes agitations, l'esprit, fortement préoccupé des événements, -soutient les forces et le courage, et donne l'énergie -nécessaire pour supporter les plus grands revers, les -<span class="pagenum"><a id="Page_200"> 200</a></span> -plus désastreuses calamités; mais quand le calme est rétabli, -chacun regarde autour de soi, se ressouvient avec -tristesse des maux passés, ressent avec douleur ceux qui -l'affligent encore, et mesure avec effroi, par la pensée, -les malheurs dont le présent menace l'avenir.</p> - -<p>Tel était le sentiment qui prévalait en France après la -mort de Mazarin. Le monarque et sa cour se plongeaient -dans les plaisirs; les courtisans, les ambitieux, les intrigants -étaient pleins de joie et d'espérance; mais le peuple -était dans l'abattement, les gens de bien et les hommes -réfléchis s'abandonnaient à leurs sombres prévisions.</p> - -<p>Les abus dominaient partout; partout la vénalité et l'anarchie -des pouvoirs; les manufactures et le commerce languissaient; -le bas peuple, accablé d'impôts, était exposé -à des vexations de toute espèce. La noblesse, qui conférait -alors les priviléges, la puissance, l'exemption des charges -publiques, était usurpée sans aucun titre, ou acquise à prix -d'argent, ou conférée gratuitement, sans aucun service. -Les juges, choisis par l'intrigue ou par la corruption, sans -probité comme sans savoir, faisaient le mal au nom des -lois et avec les formalités qu'elles prescrivent. Les fraudes -et les subtilités de la chicane étaient encouragées, et une -multitude de procès interminables dévoraient le patrimoine -des familles. Dans le clergé, une licence de mœurs déplorable -ou un rigorisme excessif. Les gens puissants, habitués -à arracher les grâces au pouvoir par des compromis -et des intrigues, se créaient des droits imaginaires sur tout -ce qui était à leur bienséance. Les gouverneurs des villes -de guerre négligeaient de faire exécuter les réparations les -plus urgentes aux places dont la défense leur était confiée, -et ils gardaient le produit des taxes qui leur avaient été -abandonnées pour subvenir à cette dépense; puis ils cherchaient -<span class="pagenum"><a id="Page_201"> 201</a></span> -à couvrir leurs malversations par la crainte, et devenaient -autant de petits tyrans des territoires soumis à leur -commandement. Les marches des troupes et l'indiscipline -des soldats occasionnaient des ravages continuels dans les -campagnes. Les finances étaient dans un désordre inextricable; -toutes les ressources se trouvaient épuisées. Le payement -des sommes les plus légitimement dues était suspendu -ou ajourné; on manquait souvent d'argent pour les dépenses -journalières les plus urgentes, tandis que les financiers, -les gens de cours enrichis, étalaient un luxe insolent. -Comme il arrive toujours, le déréglement des mœurs accompagnait -le désordre de l'État<a id="FNanchor_333" href="#Footnote_333" class="fnanchor"> [333]</a>. Le jeu était devenu -une passion générale et effrénée<a id="FNanchor_334" href="#Footnote_334" class="fnanchor"> [334]</a>; la licence et le libertinage -avaient pénétré dans toutes les classes, et profanaient -par de honteux scandales l'austérité des cloîtres<a id="FNanchor_335" href="#Footnote_335" class="fnanchor"> [335]</a>.</p> - -<p>On avait détesté Mazarin surtout à cause de son avarice, -du trafic honteux des places, des charges et des honneurs, -et des immenses revenus que lui donnaient les bénéfices -ecclésiastiques et les abbayes qu'il avait accumulés sur sa -tête; mais quand il ne fut plus, on reconnut qu'au lieu -d'être la cause des calamités dont on se plaignait, il avait -cherché à les prévenir, et qu'elles étaient dues principalement -aux obstacles qu'on avait opposés à l'autorité -royale, dont il était le dépositaire. La paix, qui était son -ouvrage, était le premier pas et le plus important pour la -réparation des malheurs publics. Dès qu'on le vit exercer -enfin le pouvoir sans contrôle, on comprit que le plus sûr -<span class="pagenum"><a id="Page_202"> 202</a></span> -moyen qu'il avait de l'affermir dans ses mains était de -faire cesser les abus, de rétablir l'ordre, de travailler sincèrement -à la prospérité du royaume, de gouverner en -vue du bien public; on savait qu'il en avait la volonté, et -l'on avait commencé à s'apercevoir qu'il s'y appliquait -avec succès. Ce ne fut donc pas sans une peine profonde -que ceux même qui s'étaient montrés autrefois les plus -contraires à Mazarin virent que la France venait d'être -privée d'un homme d'État capable de réparer les maux -dont elle souffrait. On s'inquiétait de voir le royaume dans -une situation si déplorable, sans une seule tête qui pût le -diriger. Bien loin d'avoir aucune confiance dans un roi si -jeune, si entièrement livré à sa passion pour les plaisirs, -on redoutait ses inclinations guerrières, et les fautes où il -serait entraîné dès qu'il cesserait d'être dirigé par la prudence -d'un ministre qui avait su capter sa confiance et résister -à ses passions. On craignait l'influence qu'allait exercer -sur lui le génie belliqueux des Condé et des Turenne -et de toute cette jeune noblesse, qui ne connaissait d'autre -occupation que la guerre, qui n'avait aucun autre -moyen de se rendre nécessaire<a id="FNanchor_336" href="#Footnote_336" class="fnanchor"> [336]</a>. Corneille se fit généreusement -l'organe de l'opinion publique à cet égard. Dans -cette même pièce de <i>la Toison d'Or</i>, qui lui avait été commandée -pour flatter le jeune monarque, il osa faire comparaître -la France, exposant elle-même, dans un dialogue -avec la Victoire, les funestes effets de la guerre et de l'indiscipline -militaire.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>A vaincre tant de fois mes forces s'affaiblissent,</p> -<p>L'État est florissant, mais les peuples gémissent;</p> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_203"> 203</a></span></p> -<p>Leurs membres décharnés courbent sous mes hauts faits,</p> -<p>Et la gloire du trône accable les sujets<a id="FNanchor_337" href="#Footnote_337" class="fnanchor"> [337]</a>.</p> -</div></div> - -<p>Cependant, aussitôt après la mort de Mazarin, le roi -avait déclaré ses intentions de gouverner par lui-même; il -travaillait en effet exactement avec les ministres qu'il -s'était choisis, mais personne ne croyait à la constance de -cette résolution<a id="FNanchor_338" href="#Footnote_338" class="fnanchor"> [338]</a>. Depuis la mort de Henri IV on était -habitué à voir la souveraineté ne s'exercer que par délégation, -et par l'intermédiaire des ministres. Louis XIV lui-même, -depuis sa majorité, n'avait montré ni les désirs ni -les dispositions propres à changer cet état de choses. On -l'avait vu si fortement enclin à l'amour, si occupé à jouir -des avantages et des priviléges de la royauté, qu'on ne -pouvait penser qu'il voulût jamais consentir à en accepter -les charges, ni qu'il lui fût possible de s'astreindre à la contention -d'esprit et à l'ennui journalier qu'entraîne le détail -d'affaires difficiles et compliquées, dont la décision seule -devait consumer la plus grande partie des heures qu'il -était habitué à donner à la chasse, aux ballets, aux carrousels, -aux conversations galantes. Aussi son changement -de vie, la fermeté de ses volontés, l'application qu'il -mettait à s'instruire sur toutes les parties du gouvernement, -ne produisirent aucun changement sur l'opinion -qu'on s'était formée de lui: on attribuait sa conduite à une -sorte de présomption orgueilleuse et au plaisir que sa vanité -lui faisait éprouver d'exercer une autorité dont il -avait été si longtemps privé. On s'attendait de jour en -jour à voir cesser cette ardeur de jeune homme; on croyait -<span class="pagenum"><a id="Page_204"> 204</a></span> -qu'il se lasserait bientôt de vouloir faire le capable, comme -le disait sa mère; et qu'il ne tarderait pas à se décharger -sur un premier ministre d'un fardeau beaucoup trop pesant -pour ses mains jeunes et inexpérimentées. On ne savait -pas que Mazarin depuis longtemps avait pris la peine -d'exposer lui-même au jeune monarque toutes les affaires -difficiles, et de lui communiquer les motifs des décisions; -qu'il l'initiait à tous les secrets de sa politique; qu'il l'engageait -sans cesse à vouloir s'appliquer aux détails de la -haute administration; qu'il lui répétait: «qu'il n'avait -besoin que de vouloir pour devenir le plus glorieux roi -qui eût jamais existé<a id="FNanchor_339" href="#Footnote_339" class="fnanchor"> [339]</a>.» Comme Louis XIV avait assez -de jugement pour reconnaître la supériorité de son ministre, -et qu'il le laissait agir, ou avait conçu une faible -idée de sa capacité. Cependant Mazarin avait déclaré -«qu'on ne le connaissait pas, et qu'il y avait en lui de -l'étoffe pour faire quatre rois et un honnête homme<a id="FNanchor_340" href="#Footnote_340" class="fnanchor"> [340]</a>.»</p> - -<p>Mais, dans l'ignorance où l'on était à cet égard, on -blâmait ou on approuvait le gouvernement, selon les espérances -que ses actes faisaient naître de voir la place de -Mazarin occupée par celui que les vœux et les prédilections -de chacun y appelaient.</p> - -<p>Madame de Sévigné, dont les amitiés étaient franches, -vives et constantes, n'était pas entièrement désintéressée -à cet égard. Après la mort du premier ministre, la noblesse -s'était flattée d'y voir arriver le maréchal de Villeroi -ou le grand Condé<a id="FNanchor_341" href="#Footnote_341" class="fnanchor"> [341]</a>; mais lorsqu'on vit que ni l'un ni -<span class="pagenum"><a id="Page_205"> 205</a></span> -l'autre n'était admis au conseil, on prêta au roi un autre -projet, et le bruit courut que le cardinal de Retz allait -prendre le timon des affaires. Il avait de nombreux amis; -il était le seul des ennemis de Mazarin que ce ministre -eût paru redouter, le seul qu'il eût persécuté jusqu'à la -fin. L'intérêt que l'on portait à cet illustre exilé s'augmentait -encore de toute l'aversion qu'avait fait naître son -heureux rival; et si Retz, après avoir été si longtemps -en butte à une injuste animadversion, ne redevenait pas -sur-le-champ en faveur, si le besoin qu'on avait de ses -talents ne le faisait pas nommer ministre, du moins on -ne doutait pas que comme archevêque de Paris on ne -se hâtât de le rappeler, afin de rétablir la paix et le bon -ordre dans l'administration ecclésiastique du premier diocèse -du royaume.</p> - -<p>On se trompait; le roi se montra encore plus que Mazarin -opposé à Retz, à ses amis les jansénistes, dont les -opinions, depuis la publication des lettres de Pascal, faisaient -cependant chaque jour des progrès parmi ce qu'il -y avait de plus recommandable et de plus estimable dans -la haute société. Un des plus fervents de la secte, un des -frères de l'intraitable docteur Arnauld, avait, ainsi que -nous l'avons dit, conservé l'affection particulière de -Louis XIV et de la reine mère. Il la devait aux services -qu'il avait rendus à l'État pendant sa longue vie politique; -au respect qu'inspirait son âge, aux ouvrages par lesquels -il avait honoré et illustré sa laborieuse retraite; à -cette aménité de caractère, à ces formes flatteuses et polies -qu'un long usage de la cour et du grand monde lui -avait données. Un savant, un sage, un saint octogénaire, -avec le doux langage et les manières gracieuses d'un courtisan, -voilà ce qu'était Arnauld d'Andilly.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_206"> 206</a></span> -Un de ses fils, Simon de Pomponne, par son esprit, son -aptitude aux affaires, paraissait destiné à le reproduire. -Comme son frère aîné, l'abbé Arnauld, dont nous avons -parié précédemment, Pomponne était au nombre des amis -les plus intimes de madame de Sévigné. Elle avait eu occasion -de le connaître et de le voir souvent dans sa jeunesse -à l'hôtel de Rambouillet, où il était admis, et chez -la princesse Palatine, ainsi que chez madame du Plessis -Guénégaud<a id="FNanchor_342" href="#Footnote_342" class="fnanchor"> [342]</a>. L'intimité de Pomponne et de madame de -Sévigné s'était accrue par les sentiments d'amitié et de -reconnaissance qui les unissaient tous deux à Fouquet. -Simon de Pomponne, d'abord nommé intendant à Casal, -en 1642, avait obtenu deux ans après d'être admis dans -les conseils du roi. Il fut successivement chargé des négociations -de Piémont et du Montferrat, et de l'intendance -des armées de Naples et de Catalogne; mais lorsqu'en -1649 il demanda le consentement royal pour la -charge de chancelier du duc d'Anjou, il lui fut refusé. -Malgré l'appui de Fabert et les sollicitations de ses nombreux -et puissants amis, Pomponne ne put vaincre la résistance -de Mazarin, qui lui opposa toujours, comme un -obstacle insurmontable pour un tel emploi, les opinions -religieuses professées par son père et par toute sa famille<a id="FNanchor_343" href="#Footnote_343" class="fnanchor"> [343]</a>. -Par les mêmes motifs, le roi, depuis la mort du premier -ministre, malgré l'estime qu'il avait conçue pour Pomponne, -malgré la bonne opinion qu'il avait de ses talents, -s'abstenait de lui donner de l'avancement.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_207"> 207</a></span> -Madame du Sévigné se trouvait donc contrariée et affligée -de voir s'évanouir les espérances que la mort de -Mazarin lui avait fait concevoir pour l'élévation du cardinal -de Retz et de ses autres amis; surtout sachant que la -cause des empêchements qu'ils éprouvaient était due à -ces opinions religieuses qui lui étaient communes avec -tous ceux qu'elle aimait et qu'elle estimait le plus. D'un -autre côté, l'amitié, mêlée d'amoureuse tendresse, qu'avait -pour elle le surintendant, lui donnait lieu de croire que -les changements nécessités par la perte du premier ministre -seraient utiles à tous ceux qu'elle voudrait protéger, -et par suite à l'établissement de ses enfants, surtout -de sa fille, qui déjà commençait à être l'objet de ses -pensées principales et de ses plus chères affections. Elle -avait écrit au surintendant à l'occasion des affaires et du -mariage de son cousin germain M. le marquis de la -Trousse<a id="FNanchor_344" href="#Footnote_344" class="fnanchor"> [344]</a>; et si Fouquet cherchait à prolonger ce commerce -de lettres au delà de ce qui était nécessaire, c'est -qu'il est présumable que madame de Sévigné ne désirait -pas qu'il cessât, et qu'elle sut y répandre ce charme -et ces agréments qui naissaient sans effort sous sa -plume.</p> - -<p>Des trois ministres que Louis XIV avait choisis, -Lyonne, Le Tellier et Fouquet, ce dernier était le seul -qu'on croyait digne d'occuper la place de premier ministre. -A la cour et dans tout le royaume, il comptait autant -d'amis et de partisans que Mazarin avait eu d'ennemis ou -d'antagonistes déclarés ou cachés. Fouquet était personnellement -aimé et protégé par la reine mère; le roi semblait -se plaire à travailler avec lui, et lui confiait les affaires -<span class="pagenum"><a id="Page_208"> 208</a></span> -les plus secrètes. Jamais il ne lui refusait d'audiences -particulières lorsqu'il lui en demandait, et il lui en demandait -souvent<a id="FNanchor_345" href="#Footnote_345" class="fnanchor"> [345]</a>. Aussi, lorsqu'on sut que Fouquet, afin -d'être compris dans la promotion des chevaliers de l'Ordre -qui allait avoir lieu, venait de vendre sa charge de -procureur général, et que par son conseil toute la cour -allait faire le voyage de Nantes pour la tenue des états de -Bretagne, on ne douta pas qu'il ne fût arrivé au plus haut -degré de la faveur, et qu'il ne devint très-prochainement -premier ministre<a id="FNanchor_346" href="#Footnote_346" class="fnanchor"> [346]</a>.</p> - -<p>Madame de Sévigné, alors aux Rochers, crut que les -espérances qu'elle avait conçues étaient au moment de se -réaliser. Madame de La Fayette et ses autres correspondances -de Paris la confirmaient dans sa croyance, en lui -annonçant que le roi allait bientôt se rendre, avec ses -ministres, en Bretagne. Dans son château, peu éloigné -de Nantes, madame de Sévigné attendait avec une agréable -anxiété les nouvelles qui devaient lui arriver de -cette ville. Elles arrivèrent en effet, mais elles lui apprirent -que le surintendant était enfermé dans une étroite -prison; que le roi, furieux contre lui, voulait sa mort; -que tous ses affidés étaient arrêtés ou en fuite, tous ses -amis dans la stupeur; que les scellés allaient être apposés -sur tous ses papiers; que Pellisson, son premier commis, -était conduit à la Bastille<a id="FNanchor_347" href="#Footnote_347" class="fnanchor"> [347]</a>.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_209"> 209</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE XVII.<br /> -<span class="medium">1661.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Aveux qu'a faits Louis XIV sur l'arrestation et le procès de Fouquet.—Cet -événement mal jugé par les historiens.—Ce fut la fin du -ministérialisme.—De la connaissance approfondie de l'affaire -de Fouquet dépend l'intelligence complète du règne de Louis XIV.—Nomination -de Fouquet à la surintendance des finances avec -Servien.—Fouquet reste le seul surintendant.—Fonctions et -attributions d'un surintendant.—Ordre qui était établi dans les -finances.—Trois trésoreries de l'épargne.—Contrôleur ou teneur -du registre des fonds.—Ordonnances de payement.—Billets -de l'épargne.—Assignations et réassignations.—De quelle manière -s'y prenaient les financiers et les traitants pour s'enrichir -aux dépens de l'État et des particuliers.—Lorsque Fouquet parvint -aux finances, il n'y avait ni crédit ni ressources.—Il emprunte -sur son crédit.—Subvient à toutes les dépenses.—Fait -disparaître tout contrôle.—Le désordre se met dans la comptabilité.—Fouquet -lui-même ne connaît pas sa position; mais il est le -seul maître des revenus de l'État.—Dispose d'énormes richesses.—Fait -bâtir des palais.—Étale le luxe le plus prodigieux.—Fait -des pensions aux hommes puissants.—Rivalise en influence -Mazarin.—Colbert signale dans un mémoire ses malversations, -et dresse un plan pour le perdre.—Fouquet intercepte -la lettre.—Emploi qu'il fait de la connaissance de ce secret pour -se maintenir.—Mazarin, ayant besoin d'argent pour conclure la -paix, écrit à Colbert de se raccommoder avec Fouquet.—Ce que -Colbert lui répond.—Défiance du surintendant depuis cette époque.—Il -fortifie Belle-Isle.—Projet de résistance mis sur le papier, et -retrouvé derrière une glace à Saint-Mandé.—Mazarin connaissait -les grands talents de Fouquet, et ne voulait pas en priver son roi.—Comparaison -de Mazarin et de Richelieu, de Louis XIII et de -Louis XIV.—Richelieu força le roi à supporter son joug, Mazarin -fit aimer le sien.—Instructions que Mazarin donne à Louis XIV, et -comment il lui apprit à régner.—Aveux et recommandations de -<span class="pagenum"><a id="Page_210"> 210</a></span> -Mazarin à Louis XIV.—Position à l'égard de son roi, différente de -celle de Richelieu.—Mazarin était moins le dominateur du monarque -que son tuteur et son protecteur.—Tout le gouvernement, -toute la cour étaient en lui.—Louis XIV, plein de reconnaissance -pour Mazarin, accomplit toutes ses volontés, et suit tous ses -conseils.—Mazarin avait conseillé à Louis XIV d'employer Fouquet.—Colbert -est nommé pour tenir le livre des fonds.—Le roi -déclare à Fouquet qu'il veut être instruit exactement sur ses finances.—Fouquet -présente au roi des comptes simulés.—Il est démasqué -secrètement par Colbert.—Le roi, s'apercevant de son -système de déception, est résolu à le perdre.—Il dissimule avec -lui.—Précautions qu'il avait à prendre.—Louis XIV se décide à -différer l'arrestation de Fouquet.</p> - -<p class="space">Dans ses admirables <i>Instructions au Dauphin</i>, -Louis XIV a dit que de toutes les affaires qu'il avait eues -à traiter, l'arrestation et le procès du surintendant était -celle qui lui avait fait le plus de peine et causé le plus -d'embarras<a id="FNanchor_348" href="#Footnote_348" class="fnanchor"> [348]</a>. Et cependant les historiens n'en parlent que -brièvement, et s'étonnent que le roi ait déployé dans cette -circonstance un appareil de puissance tout à fait inutile; -qu'il ait usé d'une dissimulation peu digne de la majesté -royale. C'est que jusque ici on a considéré la chute de -Fouquet plutôt comme un incident que comme un événement -grave; on n'y a vu qu'un acte violent de despotisme -envers un homme auquel ses grandes qualités personnelles, -les amis qu'il s'était faits dans la prospérité, le courage qu'il -a montré dans l'adversité, ont attaché un intérêt puissant.</p> - -<p>Il y a tout autre chose dans le procès de Fouquet. Par -les résultats qui en devaient être la suite, ce ne fut pas -seulement un mémorable exemple des revers de la fortune -donné par la chute d'un ministre; ce fut une véritable révolution, -<span class="pagenum"><a id="Page_211"> 211</a></span> -ce fut l'anéantissement du ministérialisme en -France et le rétablissement de l'autorité royale dans -toute sa plénitude. Ce fut la chute d'un gouvernement qui -depuis plus d'un demi-siècle ne put jamais s'établir et se -maintenir qu'en s'appuyant sur l'oligarchie nobiliaire, ou -sur le frêle soutien de la faveur, que les courtisans et les -familiers travaillaient toujours à lui enlever; consumant -ainsi en efforts pour son existence les forces dont il avait -besoin pour agir; faisant souvent le mal sans volonté, et -renonçant au bien par impuissance. L'anéantissement de -ce pouvoir, superposé à la couronne, concentra l'autorité -dans le monarque seul, dont le droit et la puissance étaient -hors de toute contestation, et qui loin d'avoir dans ses -propres agents des ennemis, qui s'opposaient à lui ou cherchaient -à le renverser, n'y trouvait plus que des instruments -dociles, empressés, dévoués, qu'il pouvait déplacer, -écarter, briser, selon qu'il le jugeait utile ou convenable à -ses desseins. Alors on eut en France un roi et un gouvernement -fort; c'est ce qu'on n'y avait pas vu depuis Henri IV. -Mais rien ne nous montre mieux la fermeté, l'habileté et -les lumières qui étaient nécessaires dans le souverain pour -fonder ce gouvernement, que le procès de Fouquet. L'intelligence -complète du règne de Louis XIV et du caractère -de ce monarque dépend de la connaissance exacte de -la situation des affaires lorsqu'il commença à gouverner -par lui-même. On ne peut l'acquérir qu'en se faisant une -idée précise de l'administration du surintendant, et en recherchant -avec soin toutes les causes qui ont préparé -sa chute, toutes les circonstances qui l'ont hâtée et aggravée.</p> - -<p>Nous avons déjà dit comment, en 1652, Fouquet, d'abord -accolé à Servien, était devenu, par le fait, le seul -<span class="pagenum"><a id="Page_212"> 212</a></span> -surintendant des finances, quoique les lettres patentes qui -le reconnaissent comme tel ne lui aient été délivrées -qu'en 1659, après la mort de son collègue<a id="FNanchor_349" href="#Footnote_349" class="fnanchor"> [349]</a>. Mais pour -concevoir de quelle manière Fouquet, par le moyen de -cette charge, qui ne lui conférait aucune part à la direction -du gouvernement, put acquérir une puissance qui rivalisait -avec celle du premier ministre, il est nécessaire de -faire connaître quelle était à cette époque l'organisation -des finances en France, et surtout le mode de comptabilité -du trésor public ou de l'épargne, comme on disait alors.</p> - -<p>Un surintendant général des finances n'était point un -comptable, mais un ordonnateur. Il ne recevait aucun -fonds, ne dépensait aucune somme; mais il ordonnançait -toutes les recettes et toutes les dépenses. Il n'était -point justiciable des cours souveraines sagement instituées -pour examiner, juger et arrêter les comptes de tous -les comptables publics; il ne devait justifier de sa gestion -qu'au roi. Le surintendant général n'était astreint dans -sa gestion à aucune loi, à aucune règle particulière, qu'à -celles qu'il plaisait au roi de lui imposer. Le compte qu'il -rendait était un compte de clerc à maître, un compte de -conscience<a id="FNanchor_350" href="#Footnote_350" class="fnanchor"> [350]</a>.</p> - -<p>Cependant il ne faut pas croire que les finances du -royaume et la gestion du surintendant fussent sans contrôle. -Ce contrôle se trouvait dans les comptes des trésoriers -<span class="pagenum"><a id="Page_213"> 213</a></span> -de l'épargne, et dans la tenue du registre des fonds. -Il y avait trois trésoriers de l'épargne, qui géraient à tour de -rôle pendant un an, et qui rendaient leurs comptes à la cour -des comptes séparément, et par exercice. Aucune somme -ne pouvait être reçue ou payée pour le roi ou pour l'État, -ou par le roi et par l'État, sans qu'il en fût fait écriture -sur les registres du trésor de l'épargne. Ce trésorier ne recevait -et ne payait que d'après les ordonnances du surintendant; -ses registres ne faisaient connaître que la date de -ces ordonnances, et les différends fonds sur lesquels elles -étaient assignées. Mais près de lui se trouvait celui qui -était chargé de tenir le registre des fonds sur lequel étaient -enregistrées jour par jour toutes les sommes versées à l'épargne -ou payées par elle, en vertu de toutes les ordonnances -de recettes et de dépenses, avec les origines et les -motifs de toutes ces ordonnances, ou de tous les payements -et de tous les versements. Ce registre des fonds n'était point -produit à la cour des comptes; il restait secret entre le roi et -le surintendant. Les ordonnances de ce dernier étaient les -seules pièces que les trésoriers de l'épargne eussent à -produire pour la régularisation de leurs comptes, et le registre -des fonds servait en même temps à contrôler leur -gestion et celle du surintendant. Le teneur du registre des -fonds et les trois trésoriers de l'épargne étaient nommés par -le roi, et par conséquent indépendants du surintendant.</p> - -<p>Rien ne semblait mieux imaginé pour que le roi ou son -gouvernement, sans être gêné par la cour des comptes -dans l'emploi des revenus de l'État, sans lui révéler des -secrets qu'elle ne devait pas connaître, pût la faire servir -à faire régner l'ordre dans les finances; et aucun moyen -ne paraissait plus simple, ni plus propre à se garantir des -inconvénients qui pouvaient résulter, dans la comptabilité, -<span class="pagenum"><a id="Page_214"> 214</a></span> -de la négligence ou de l'erreur, ou à prévenir les -abus, plus grands encore, de la collusion et de l'improbité. -Il est vrai que si cet ordre de choses eût été maintenu, -toute confusion eût été impossible; et quelque multipliés, -quelques compliqués que fussent d'ailleurs les -comptes particuliers, quelque nombreuses que fussent -les différentes espèces de dépenses et les diverses natures -de recettes, le souverain eût toujours pu connaître l'état -au vrai de ses finances, la grandeur de ses charges et -l'étendue de ses ressources. Mais ce n'était pas là ce que -voulaient les financiers. Examinons comment ils parvinrent -à échapper aux entraves qu'on avait mises à leurs -fraudes et à leur rapacité.</p> - -<p>Toute ordonnance de payement, ou commandement -fait à un trésorier de l'épargne de payer une somme au -nom du roi ou de son conseil, devait être signée ou contre-signée -par le surintendant. Mais cela ne suffisait pas encore -pour qu'elle pût être payée. Dans cet état, une ordonnance -de payement n'était qu'une reconnaissance de la -dette, qu'un ordre général portant que telle dépense était -faite; elle devait être soldée par l'épargne. Pour que l'argent -fût délivré à la personne ainsi reconnue créancière de -l'État, il fallait encore qu'il fût mis au bas de cette ordonnance -un ordre particulier du surintendant, qui assignait -sur un fonds spécial<a id="FNanchor_351" href="#Footnote_351" class="fnanchor"> [351]</a> le payement de la somme qui y était -mentionnée. Le trésorier de l'épargne ne pouvait et ne devait -vous payer qu'autant qu'il avait des valeurs appartenant -au fonds sur lequel le payement de l'ordonnance était -assigné; et comme il n'en avait presque jamais, vu les retards -qui avaient lieu dans la perception des diverses -<span class="pagenum"><a id="Page_215"> 215</a></span> -branches de revenu public, au lieu d'argent il donnait en -échange de l'ordonnance un billet de l'épargne, qui était -une sorte de mandat sur le traitant, le fermier de l'impôt, -ou tel autre débiteur, envers l'épargne, du fonds sur lequel -le payement de l'ordonnance était assigné. Par ce -mandat, le trésorier de l'épargne déclarait qu'il tiendrait -compte à celui-ci de la somme payée par lui sur le fonds qui -se trouvait désigné, et qu'on lui en fournirait quittance.</p> - -<p>Pour la facilité des affaires et des payements, on subdivisait -le plus souvent le montant d'une même ordonnance -en plusieurs billets de l'épargne; et comme il y avait plusieurs -espèces de fonds ou plusieurs sources de revenus -publics, il y avait aussi plusieurs espèces de billets de l'épargne. -Par la même raison, ainsi qu'il y avait des revenus -ou des fonds encore intacts, ou dont les rentrées -étaient certaines et prochaines au moment de l'émission -des billets qui les concernaient, on en trouvait d'autres -dont les rentrées étaient incertaines et éloignées; d'autres -qui se trouvaient entièrement épuisés, sans qu'on pût en -avoir la preuve qu'au moment de la reddition du compte. -Il en résultait qu'il y avait des billets de l'épargne dont la -valeur était au pair avec l'argent; d'autres, plus ou moins -au-dessous du pair; d'autres, absolument sans valeur, -quoique cependant tous ces billets, et les ordonnances -qu'ils représentaient, émanassent des mêmes autorités, -fussent revêtus des mêmes signatures. Mais les billets -sans valeur pouvaient redevenir tout à coup supérieurs à -ceux dont la valeur était incertaine; et voici comment:</p> - -<p>On assignait souvent, par erreur ou autrement, des -ordonnances dont le montant total était quelquefois le -triple et le quadruple du fonds qui devait les acquitter; -cela donnait lieu à ce qu'on appelait une réassignation -<span class="pagenum"><a id="Page_216"> 216</a></span> -de billet, c'est-à-dire à un second ordre de payer tel -ou tel billet sur un autre fonds que celui qui était mentionné -dans l'ordonnance. Cette réassignation pouvait -être faite sur un fonds du même exercice, ou, comme on -disait, d'une même épargne; alors cette réassignation se -mettait tout simplement au pied du billet. Mais si cet -exercice était terminé, et qu'il fallût réassigner sur un -autre exercice, c'est-à-dire faire peser le billet sur le -compte d'un autre trésorier, il était nécessaire de rendre -une ordonnance de comptant ou de remise. Cette ordonnance -de comptant ou de remise se trouvant séparée du -billet pour lequel elle avait été obtenue, il était facile de -l'annexer à un autre billet, et de changer ainsi un papier -d'une valeur incertaine ou nulle, en un autre dont la réalisation -n'éprouvait aucun retard<a id="FNanchor_352" href="#Footnote_352" class="fnanchor"> [352]</a>. On comprend ainsi -sans peine de quelle manière les ordonnances de payement -se trouvant morcelées en un grand nombre de billets assignés -sur des fonds différents de leur mandat primitif, puis -réassignés sur d'autres fonds, et brisés en plusieurs exercices, -payés souvent sur des ordonnances de comptant qui -ne leur appartenaient pas, finissaient par former dans la -comptabilité une complication que pouvaient seuls démêler -le surintendant, les trésoriers de l'épargne et les traitants -qui en étaient les auteurs. On voit aussi pourquoi -la finance était devenue un arcane, une science secrète, -dont la connaissance était réservée à une certaine classe de -personnes; pourquoi les financiers formaient en quelque -sorte une classe à part, et peu estimée. Les profits que les -trésoriers de l'épargne pouvaient faire par leur collusion -<span class="pagenum"><a id="Page_217"> 217</a></span> -avec les fermiers des impôts étaient énormes, puisque les -uns pouvaient payer les ordonnances et les autres les -taxes, avec des billets qui entre leurs mains étaient évalués -au pair, et qui en d'autres mains, même celles des -détenteurs primitifs, des ayant-droit, des créanciers légitimes, -pouvaient être dépréciés au tiers, au quart, au -dixième de leur valeur, ou même réduits à rien. Car lorsque -les billets de l'épargne avaient vieilli, et qu'on avait -laissé passer un trop grand nombre d'exercices sans les -réassigner, leur réassignation devenait de plus en plus -difficile à obtenir. Les billets récents, qui représentaient -les besoins du moment, les dépenses courantes, obtenaient -la préférence sur les anciens, considérés comme une dette -surannée; et si ceux-ci n'étaient pas annulés légalement -par un arrêt de déchéance, ils l'étaient de fait par le refus -absolu de réassignation. On imagine facilement combien, -dans un tel état de choses, un surintendant peu scrupuleux -avait de moyens de s'enrichir et de dilapider la fortune -publique; lui, qui était maître d'assigner les payements -sur telles espèces de fonds qu'il lui plairait de choisir, -d'accorder ou de refuser les assignations ou les réassignations, -de faire ou de ne pas faire des ordonnances de remises; -lui, chargé de passer les baux avec les fermiers -des impôts; lui, qui pouvait autoriser un débiteur de l'épargne -à retarder ou à anticiper les termes de ses payements; -lui, enfin, qui, par l'autorité de sa charge, avait -le pouvoir de surveiller, de corriger tous les abus, et qui -pouvait prendre de telles mesures qu'aucun agent des -finances ne pût faire de gains illicites sans qu'il lui en -revînt la plus forte part. Plus la pénurie du trésor était -grande, plus il était facile à un surintendant de malverser, -plus il devenait difficile de le convaincre de malversation.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_218"> 218</a></span> -A cet égard Fouquet se trouva dès son début dans la -position la plus favorable lorsqu'il fut nommé surintendant. -Le maréchal de la Meilleraye, qui avait dirigé les -finances, venait de faire une véritable banqueroute en -donnant en payement à tous les créanciers de l'État des -billets de l'épargne assignés sur des fonds depuis longtemps -épuisés. Nonobstant le discrédit complet produit -par une mesure aussi déloyale, Fouquet trouva encore -des ressources pour toutes les dépenses. Il emprunta sur -son crédit propre, sur celui de ses amis, et prêta ensuite -à l'épargne, mais à des intérêts considérables. Les traités -qu'il conclut comme surintendant des Finances furent approuvés -par le roi, c'est-à-dire par Mazarin: la nécessité -le voulut ainsi. Mais les intérêts stipulés, quoiqu'ils -fussent au moins de douze pour cent, et allassent même -jusqu'à dix-huit, n'étaient pas les seuls profits de ceux -qui s'engageaient avec Fouquet dans les affaires du gouvernement. -Avant de traiter ils avaient soin d'acheter -communément au denier dix, et souvent à moins, un certain -nombre des billets de l'épargne émis par le maréchal -de la Meilleraye; et ils stipulaient, dans les conditions de -l'emprunt qui leur était fait, qu'outre l'intérêt convenu, -les billets de l'épargne dont ils étaient porteurs seraient -réassignés par des ordonnances de comptant; et par le -moyen de cette réassignation, faite de concert avec les -trésoriers sur des fonds disponibles, ils parvenaient à obtenir -le payement intégral de ces ordonnances<a id="FNanchor_353" href="#Footnote_353" class="fnanchor"> [353]</a>. Cela leur -était d'autant plus facile que la plupart de ces prêteurs -étaient devenus aussi, par le moyen du surintendant, les -fermiers des impôts. Ils se payaient par leurs mains, au -<span class="pagenum"><a id="Page_219"> 219</a></span> -fur et à mesure des rentrées; c'est-à-dire qu'ils donnaient -en payement de leurs engagements envers l'épargne ces -mêmes billets de l'épargne qu'ils avaient achetés à vil -prix et fait réassigner<a id="FNanchor_354" href="#Footnote_354" class="fnanchor"> [354]</a>.</p> - -<p>Ce n'était pas encore tout. Les lois et les ordonnances -royales, qui en tenaient lieu, ne permettaient pas à l'État -d'emprunter à un taux plus élevé que le denier dix-huit, -ou à cinq cinq-neuvièmes pour cent. Les cours souveraines -chargées de la vérification des comptes ne pouvaient -donc admettre un taux plus fort; mais comme l'intérêt -qu'on était obligé de subir était le double et le triple de -l'intérêt légal, les prêteurs faisaient sur les sommes qu'ils -versaient à l'épargne la retenue de la différence, et on -leur donnait quittance de la somme entière stipulée dans -leurs engagements, sans faire mention de cette retenue; -puis on faisait des ordonnances, qu'on appelait <i>ordonnances -de fonds</i>, qui assignaient sur un fonds effectif ou -imaginaire, au profit de gens inconnus ou supposés, le -payement de la différence entre le taux légal et le taux -réel de l'emprunt. Ces ordonnances, délivrées par le conseil -des finances, contre-signées par le surintendant, -servaient aux trésoriers de l'épargne à régulariser leur -comptabilité. Il fallait bien, pour couvrir leur responsabilité, -avoir recours à de fausses écritures en recettes et -en dépenses. Les ordonnances de fonds faites au nom du -roi et de son conseil opéraient une simulation qui mettait -les traitants à l'abri de toute recherche<a id="FNanchor_355" href="#Footnote_355" class="fnanchor"> [355]</a>. Ces ordonnances -de fonds en valeurs fictives étaient cependant, -comme les autres, scindées et converties en billets de l'épargne, -<span class="pagenum"><a id="Page_220"> 220</a></span> -selon que cela était nécessaire pour la commodité -du service et la régularisation des écritures sur les différents -fonds. Souvent le traité qui avait donné lieu à une -ordonnance était révoqué. Alors les billets qu'on avait -faits en exécution de cette même ordonnance devaient -être rapportés, et biffés par le surintendant et ceux du -conseil du roi qui avaient signé la première ordonnance, -et qui signaient également l'ordonnance de révocation. -Ces billets, lors même qu'ils n'étaient point biffés, se -trouvaient nuls de droit; et de là on prenait occasion de -négliger de les biffer et de les annuler. Mais comme ils -pouvaient être séparés de fait des ordonnances qui les -avaient autorisés, et se trouvaient sous la forme de billets -de l'épargne, on parvenait, par des assignations et des -réassignations, à déguiser entièrement leur origine, et à -convertir en valeurs réelles des valeurs primitivement -fictives, mais qui n'étaient plus même alors des valeurs -fictives, qui n'étaient plus rien. Ainsi, on faisait payer -deux fois à l'État une différence d'intérêt déjà si énormément -usuraire.</p> - -<p>Celui qui tenait le registre des fonds, obligé de coucher -sur ce registre le détail de toutes les opérations financières, -de décharger ce même registre des traités annulés, des -billets qui en étaient provenus, aurait pu, par l'utilité de -son contrôle, mettre obstacle à d'aussi énormes dilapidations; -mais ce registre, soit par l'influence de Fouquet, -soit par négligence, soit par impéritie, ne fut pas tenu -avec exactitude<a id="FNanchor_356" href="#Footnote_356" class="fnanchor"> [356]</a>. Cependant la comptabilité de l'épargne, -tout imparfaite, toute sommaire qu'elle était, aurait pu -jeter quelque jour sur ces désastreuses opérations, et empêcher -<span class="pagenum"><a id="Page_221"> 221</a></span> -qu'on ne s'y livrât avec autant d'audace et d'impudeur; -mais ce contrôle, si faible, si insuffisant, fut -anéanti par Fouquet, non pas peut-être de dessein prémédité, -mais par suite de l'exigence et de l'entraînement -des affaires.</p> - -<p>En effet, quand il parvint aux finances, il n'y avait rien -dans l'épargne. Par la seule confiance qu'on avait dans -ses talents, dans sa loyauté, dans sa sincérité, dans sa -fidélité à remplir ses engagements, il trouva les fonds dont -on avait besoin. Plusieurs d'entre ses prêteurs étaient aussi, -comme lui, des centres de crédit, et eurent pour plus grande -sûreté les impôts ou les branches de revenus publics, qu'il -leur délégua en sa qualité de surintendant; d'autres devinrent -les principaux gérants de sa vaste administration. -Tous avaient sa garantie personnelle pour les engagements -contractés envers l'État; c'était à lui qu'on prêtait, -à lui que les prêteurs avaient affaire: c'était donc en quelque -sorte lui qui prêtait à l'État; c'est à lui seul que le -roi ou son gouvernement était redevable<a id="FNanchor_357" href="#Footnote_357" class="fnanchor"> [357]</a>. Comme les -besoins d'argent étaient souvent pressants, instantanés, -les sommes qu'on se procurait par son moyen étaient remises -à Mazarin ou aux chefs de service, directement par -les commis ou les caissiers du surintendant, et pour son -propre compte<a id="FNanchor_358" href="#Footnote_358" class="fnanchor"> [358]</a>. Le surintendant faisait ensuite des ordonnances -pour se rembourser, et se payait par les billets de -l'épargne faits en vertu de ces ordonnances. Ces billets -étaient acquittés au fur et à mesure de la rentrée des impôts -ou des différentes branches de revenus publics sur -lesquels le payement en était assigné; et, pour éviter tout -<span class="pagenum"><a id="Page_222"> 222</a></span> -retard, ces sommes étaient versées directement dans les -caisses du surintendant; de sorte que, selon l'expression -de cette époque, l'épargne se faisait chez lui, c'est-à-dire -que la comptabilité de l'État se trouvait confondue avec -sa comptabilité personnelle, et celle du trésor public devenait -celle de sa caisse particulière. Il était à la fois -ordonnateur, receveur et payeur. Les trésoriers de l'épargne, -qui étaient parents ou amis de Fouquet, et associés -à ses immenses opérations, recevaient de lui les -ordonnances et les billets acquittés: ils les enregistraient -avec exactitude; mais comme ils ne recevaient rien que -du papier, et ne payaient rien qu'avec du papier, leur -comptabilité devint toute fictive: recette et dépense, tout -se réduisait à des écritures. Les comptes des trésoriers -de l'épargne ne pouvaient donc plus contrôler les actes -du surintendant, puisque ces trésoriers recevaient de lui -toutes les pièces qui devaient former et justifier ces comptes<a id="FNanchor_359" href="#Footnote_359" class="fnanchor"> [359]</a>. -Les profits qui résultaient pour eux de leur participation -à tous les emprunts ne leur donnaient que le -désir de voir prolonger un tel état de choses; leurs charges, -étant devenues un moyen certain de s'enrichir, se -vendaient à des prix exorbitants<a id="FNanchor_360" href="#Footnote_360" class="fnanchor"> [360]</a>.</p> - -<p>Ainsi Fouquet était devenu le seul dispensateur de la -fortune publique, et tenait dans ses mains la ruine ou la -prospérité de tous ceux qui avaient des intérêts à régler -avec l'État, puisqu'il pouvait à son gré accorder ou refuser, -avancer ou retarder le payement de ce qui était dû -par l'État, donner de la valeur à des créances simulées, et -réduire à rien les créances les plus légitimes. Comme surintendant, -<span class="pagenum"><a id="Page_223"> 223</a></span> -Fouquet avait encore l'administration entière -des colonies. Son père était le président du conseil qu'il -avait institué pour les régir. Alors ces possessions lointaines -n'étaient considérées que sous le rapport fiscal, -et produisaient de si faibles revenus, que Fouquet aliéna -l'île de Sainte-Lucie tout entière pour la modique -somme de 39,000 liv. (78,000 fr. de notre monnaie -actuelle)<a id="FNanchor_361" href="#Footnote_361" class="fnanchor"> [361]</a>.</p> - -<p>Dans les grands mouvements de fonds, dans les opérations -financières qui donnent lieu à une comptabilité compliquée, -dès qu'on néglige les moyens propres à faire reconnaître -incessamment les erreurs et les concussions, ou -qu'on s'en écarte à dessein, le désordre s'introduit aussitôt; -et, s'accroissant toujours, il arrive que celui même qui l'a -voulu faire naître à son profit ne peut plus s'y reconnaître, -et qu'il devient facile de s'en servir contre lui-même. -C'est ce qui arriva à Fouquet. En proie aux fraudes de ses -agents, il en vint au point de ne plus savoir quelle était sa -position à l'égard de l'État. Il paraît constant, d'après ses -propres défenses, que lorsqu'il fut arrêté il devait quatorze -millions (vingt-huit millions de notre monnaie actuelle)<a id="FNanchor_362" href="#Footnote_362" class="fnanchor"> [362]</a>; -et il y eut dans ses comptes six millions de billets -réassignés, pour lesquels il fut impossible de savoir -s'ils formaient un déficit réel, ou s'ils n'avaient d'autre -origine que des dépenses fictives résultant des ordonnances -de différence de fonds<a id="FNanchor_363" href="#Footnote_363" class="fnanchor"> [363]</a>.</p> - -<p>Mais, quelle que fût sa position, il disposait à son gré des -<span class="pagenum"><a id="Page_224"> 224</a></span> -revenus de la France. Les sommes qui résultaient des emprunts, -comme les recettes qui provenaient des impôts, -étaient versées dans ses caisses, et il avait toujours à son -commandement des capitaux immenses en argent comptant. -Il en usa avec une profusion inouïe; il construisit -des palais, forma des bibliothèques, des collections d'un -prix inestimable en tableaux et en statues<a id="FNanchor_364" href="#Footnote_364" class="fnanchor"> [364]</a>. Il vécut avec -une magnificence royale, joua gros jeu, eut des maîtresses -jusque dans les rangs les plus élevés; fit des pensions aux -courtisans besoigneux, aux femmes de cour intrigantes, -aux artistes, aux gens de lettres, à tous ceux qui le -louaient ou qui pouvaient lui être utiles<a id="FNanchor_365" href="#Footnote_365" class="fnanchor"> [365]</a>. Il donnait sans -cesse des fêtes et des repas somptueux au roi, aux reines, -aux ministres, à la cour, aux princes, et aux étrangers illustres -qui visitaient la France<a id="FNanchor_366" href="#Footnote_366" class="fnanchor"> [366]</a>. Il avait partout des agents, -et particulièrement auprès des souverains et des hommes -puissants; ils lui rendaient compte de tout, et le servaient -par leurs intrigues<a id="FNanchor_367" href="#Footnote_367" class="fnanchor"> [367]</a>. Il gratifiait ses frères, ses parents, ses -amis, des plus belles charges, soit en les achetant pour eux, -soit en leur prêtant l'argent nécessaire pour les acquérir<a id="FNanchor_368" href="#Footnote_368" class="fnanchor"> [368]</a>. -C'est ainsi qu'il parvenait à usurper en quelque sorte la -nomination aux plus hautes comme aux plus modiques -<span class="pagenum"><a id="Page_225"> 225</a></span> -fonctions de l'État, et à être instruit de toutes les affaires -les plus secrètes, et les plus étrangères aux finances. -Par ces divers moyens il s'acquit une puissance presque -égale à celle du premier ministre, et à laquelle -se rattachait la haute influence de tous ceux qui détestaient -la personne de celui-ci et étaient opposés à sa -politique; car, bien que le traité des Pyrénées eût obtenu -l'approbation publique, et fût généralement considéré -comme le chef-d'œuvre de l'habileté de Mazarin, cependant -il y avait aussi un parti assez nombreux qui blâmait -ce traité, et qui aurait voulu qu'au lieu d'arrêter le succès -de nos armes et de chercher à contracter une alliance -avec l'Espagne, on fît la conquête des Pays-Bas, et qu'on -adjoignît à la France ces riches et florissantes contrées. -Dans ce parti était Turenne, tous les hommes de guerre, -tous les débris de la Fronde que Mazarin n'avait pu -ou voulu rallier à lui, et aussi une grande portion de la -noblesse indépendante. Les raisons que toutes les personnes -de ce parti alléguaient en faveur de leur opinion -se trouvent toutes réunies et exprimées d'une manière -aussi piquante que spirituelle dans une lettre que Saint-Évremond, -l'un d'eux, écrivit au marquis de Créquy, lors -des négociations de Saint-Jean de Luz. Cette lettre, depuis -saisie dans les papiers de Fouquet, devint la cause de -l'exil de celui qui l'avait écrite et de son long séjour en -Angleterre<a id="FNanchor_369" href="#Footnote_369" class="fnanchor"> [369]</a>.</p> - -<p>C'est à la même époque, c'est-à-dire pendant que l'on -traitait avec l'Espagne, que Colbert fit pour Mazarin un -<span class="pagenum"><a id="Page_226"> 226</a></span> -mémoire où il lui signalait les dilapidations du surintendant -et les énormes abus qui avaient lieu dans l'administration -des finances. Colbert était devenu, par l'entremise -de Le Tellier, allié à sa famille<a id="FNanchor_370" href="#Footnote_370" class="fnanchor"> [370]</a>, l'intendant de la maison -du cardinal, et, ce qui était encore préférable, son homme -de confiance. Dans le mémoire où il lui exposait les malversations -de Fouquet, il proposait en même temps de le -faire arrêter et de le faire juger par une commission; puis -de créer une chambre de justice qui déciderait du sort de -ceux qui s'étaient rendus complices du surintendant, et -qui les forcerait à rendre une partie des sommes qu'ils -avaient extorquées à l'État. Colbert, s'élevant ensuite dans -ce mémoire à la hauteur de la tâche qu'il eut depuis à -remplir, y développait un plan de finances fondé sur l'ordre -et l'économie, qui fournissait les moyens de pourvoir -aux dépenses publiques sans avoir besoin de recourir à la -désastreuse ressource des emprunts et à de ruineuses -anticipations.</p> - -<p>Ce mémoire, envoyé à Mazarin tandis qu'il était à -Saint-Jean de Luz, fut intercepté par un employé de la -poste aux lettres, et communiqué au surintendant; il en -prit copie, et le laissa ensuite parvenir à sa destination<a id="FNanchor_371" href="#Footnote_371" class="fnanchor"> [371]</a>. -Mais, embarrassé sur les mesures qu'il lui fallait prendre -pour déconcerter le projet formé contre lui, il appela près -de lui Gourville, et lui fit part de ce qu'il avait découvert. -Gourville, pour parer aux dangers qui menaçaient Fouquet, -fit voir une habileté consommée et une présence -d'esprit admirable. Mazarin avait besoin d'argent pour le -<span class="pagenum"><a id="Page_227"> 227</a></span> -succès de ses négociations; et si elles réussissaient, il lui en -fallait encore plus pour les dépenses qu'occasionnerait le -mariage du roi. Il en demandait donc au surintendant. -Celui-ci lui dépêcha Gourville pour s'expliquer avec lui -sur cette demande. Gourville exposa que tous les fonds -dont le surintendant pouvait disposer étaient épuisés, qu'il -ne pouvait plus en trouver que sur son crédit; mais que ce -crédit n'était fondé que sur l'opinion de la faveur dont il -jouissait auprès du roi et de son éminence. Il était donc -bien important, si l'on voulait que le surintendant continuât -à rendre les mêmes services, que des marques signalées -de confiance lui fussent données, et qu'on fît disparaître, -autrement que par de vagues assurances, les bruits -qui couraient que par suite des calomnies du sieur Colbert, -et à son instigation, la disgrâce du surintendant était imminente. -Tant que la moindre trace de cette opinion subsisterait, -il ne fallait pas espérer que le surintendant ni aucun -de ses amis pussent trouver un seul prêteur. Dans une -seconde conférence qui eut lieu sur ce sujet entre Mazarin -et Fouquet, ce dernier confirma tout ce qu'avait dit Gourville. -Le surintendant se répandit en même temps en -plaintes amères sur Colbert, et laissa percer qu'il avait -connaissance du mémoire que celui-ci avait écrit contre -lui. Cependant Fouquet affirmait que Colbert avait été le -premier à lui faire des offres de service, et qu'il ne s'était -déclaré son ennemi que parce qu'il avait refusé d'accéder -aux demandes injustes de plusieurs de ses parents.</p> - -<p>Mazarin, pour obtenir les millions dont il avait besoin, -se détermina à donner toute satisfaction au surintendant, -à écrire à Colbert dans le plus grand détail, et, sans -émettre aucune opinion sur les accusations dirigées contre -<span class="pagenum"><a id="Page_228"> 228</a></span> -le surintendant, ni sur les justifications qu'il faisait valoir, -il exhorta Colbert à aller voir ce dernier aussitôt qu'il -serait de retour à Paris, et à travailler à détruire dans -son esprit l'idée que lui, Colbert, était son ennemi personnel.</p> - -<p>Colbert, dans une longue lettre qu'il écrivit à Mazarin, -en réponse à celle dont nous venons de faire l'analyse, -examine avec une grande sagacité comment le mémoire -qu'il avait envoyé à son éminence, connu de lui seul, a pu -l'être de Fouquet. Après avoir épuisé tous les moyens par -lesquels on peut supposer que ce secret a été divulgué, -Colbert conclut qu'il n'y en a qu'un seul possible: c'est la -trahison du sieur Nouveau, officier des postes, qu'il n'hésite -pas à croire coupable; et à cet égard il ne se trompait -pas<a id="FNanchor_372" href="#Footnote_372" class="fnanchor"> [372]</a>. Dans une seconde lettre, qui fait suite à la première, -Colbert se justifie des accusations que Fouquet avait portées -contre lui, et avoue les obligations qu'il lui a: il -prouve qu'au lieu de se montrer ingrat envers le surintendant, -il a cherché, au contraire, à lui rendre le plus éminent -de tous les services, en l'engageant à renoncer à des pratiques -et à des opérations qui pouvaient nuire à sa réputation -et avoir pour lui les plus fâcheuses conséquences. -Malgré cet avertissement, les rapines et les dilapidations -de Fouquet et de ses agents n'ont fait qu'augmenter. -C'est alors que Colbert a cru de son devoir de s'écarter du -surintendant, et d'avoir avec lui le moins de relations possible<a id="FNanchor_373" href="#Footnote_373" class="fnanchor"> [373]</a>. -Quant au désir que Fouquet témoignait de faire -cesser cet état de choses, et de bien vivre avec Colbert, -<span class="pagenum"><a id="Page_229"> 229</a></span> -celui-ci répond: «Cela lui sera très-facile: car ou il -changera de conduite, ou votre éminence agréera celle -qu'il tient, ou l'excusera sur la disposition présente des -affaires, ou enfin elle trouvera que ses bonnes qualités -doivent l'emporter sur ses mauvaises; et, dans quelque -cas que ce soit, je n'aurai aucune peine à me conformer -aux intentions de votre éminence, lui pouvant protester -devant Dieu qu'elles ont toujours été et seront -toujours les règles des mouvements de mon esprit<a id="FNanchor_374" href="#Footnote_374" class="fnanchor"> [374]</a>.»</p> - -<p>Lorsque après le mariage du roi toute la cour et les ministres -revinrent à Paris, Colbert eut avec Fouquet l'entretien -que Mazarin avait désiré; mais cet entretien ne calma -pas les craintes et les défiances du surintendant, peut-être -même ne fit-il que les augmenter. Le sentiment des -dangers dont il se croyait menacé le troubla au point de -lui faire prendre les mesures les plus imprudentes, de -former les desseins les plus insensés. Confiant dans le -grand nombre d'amis, d'obligés et de créatures qu'il avait -dans les plus hautes places comme dans les plus infimes, -il traça un plan d'instruction sur ce que tous auraient à -faire dans le cas où, arrêté à l'improviste, il n'aurait pas -le temps de fuir. Il fortifia Belle-Isle, qu'il avait achetée. -Son projet ne tendait à rien moins qu'à une résistance à -main armée, à une rébellion ouverte. La mort de Mazarin -vint bientôt soulager Fouquet, et effacer de son esprit -toute pensée de cette nature. Les souvenirs de la Fronde -avaient pu lui faire concevoir la possibilité de lutter avec -un ministre, mais non pas avec le roi; et d'ailleurs, bien -<span class="pagenum"><a id="Page_230"> 230</a></span> -loin de soupçonner qu'il eût rien à redouter, il se croyait -en faveur. Cependant le brouillon de son ancien projet, -trouvé derrière un miroir dans sa maison de Saint-Mandé, -forma la base de l'accusation dirigée contre lui, compromit -toutes les personnes qui y étaient nommées, et faillit -lui coûter la vie<a id="FNanchor_375" href="#Footnote_375" class="fnanchor"> [375]</a>.</p> - -<p>Fouquet se trompait sur les intentions de Mazarin, qui -n'étaient nullement hostiles à son égard. Mazarin rendait -justice à ses grands talents, et aurait voulu même n'en pas -priver son roi.</p> - -<p>Les moyens qu'avait employés Richelieu pour gouverner -Louis XIII furent les mêmes que ceux dont -Mazarin fit usage pour conserver son ascendant sur -Louis XIV. Tout le secret de ces deux ministres fut de -démontrer sans cesse à leurs souverains que les membres -de leurs familles, les plus chers objets de leurs affections, -les courtisans, les prêtres, les guerriers, les gens -de loi, cherchaient tous également à se servir de l'autorité -royale, ou à mettre obstacle à son action, par un seul -et unique motif, leur intérêt propre. Il était facile à ces -ministres de prouver que cet intérêt était presque toujours -en opposition directe à celui de la puissance royale et à la -prospérité du royaume, dont les rois étaient comptables -envers Dieu et envers leurs sujets. Le père comme le fils -eurent assez de jugement et de discernement pour reconnaître -qu'une partie des haines que s'attirait celui auquel -ils résignaient leur pouvoir était due à sa fermeté pour -soutenir leur sceptre et accroître la splendeur de la monarchie. -Tels furent les seuls points de ressemblance entre -les deux rois et les deux ministres; mais la différence des -<span class="pagenum"><a id="Page_231"> 231</a></span> -âges et des caractères fit naître dans leurs positions, -leurs sentiments et leur conduite plus de contrastes que -de similitudes. Richelieu imposa son joug à son maître, et -le lui fit détester; Mazarin accoutuma son pupille à se -soumettre au sien, et le lui fit aimer. Les deux rois éprouvaient -également le besoin de se laisser conduire; mais -dans Louis XIII ce sentiment n'était que la conscience de -sa faiblesse et de son impéritie; dans Louis XIV c'était -l'instinct d'une âme énergique et élevée, qui se sent capable -d'égaler de grands modèles, mais qui reconnaît le -besoin de s'instruire et redoute son inexpérience. Comment -Louis XIV n'aurait-il pas conçu de l'attachement -pour Mazarin? Dès que ce roi enfant eut atteint l'âge de raison, -ne vit-il pas de ses yeux Mazarin proscrit, dépouillé -de tous ses biens, menacé de perdre la vie, en butte à la -violence de tous les partis, uniquement parce qu'il soutenait -les droits de la couronne contre le peuple, le parlement -et les nobles? Ce fils, l'objet de tous les soins et de -toute la tendresse de sa mère, dès qu'il fut capable d'un -sentiment, put-il ne pas se montrer sensible aux larmes de -cette mère, à ses gémissements, à ses anxiétés, à ses ressentiments, -lorsqu'elle fut forcée de consentir à l'éloignement -de celui qui était son seul appui, son seul conseil? -Ne fut-il pas habitué par elle à prier Dieu sans cesse à ses -côtés pour le succès de tout ce qu'entreprenait le cardinal? -Les premières peines qu'éprouva Louis XIV, ce fut -donc Mazarin qui les causa; les premiers vœux qu'il forma -furent pour Mazarin, et les premiers plaisirs qu'il goûta -lui vinrent aussi de Mazarin; car c'est dans la famille de -ce ministre qu'il trouva les aimables compagnes de ses -jeux d'enfance. L'une d'elles fut l'objet de la plus forte -passion de son adolescence; et quand, jeune homme, il -<span class="pagenum"><a id="Page_232"> 232</a></span> -put comprendre ce que c'était que la gloire, les premiers -préceptes qu'il en reçut lui furent donnés par Mazarin. Ce -ministre lui inculqua un juste mépris pour les rois fainéants; -il lui inspira la crainte de se voir classé parmi -eux, et il fortifia en lui la volonté de régner par lui-même. -L'admiration de Louis XIV pour Mazarin et la confiance -qu'il avait en lui durent s'accroître encore lorsque, après -le refus de le laisser épouser sa nièce, il le vit, au milieu -des douleurs de la goutte, hâter sa fin prochaine par un -travail excessif, afin de terminer les négociations du mariage -avec l'infante, auxquelles étaient attachés la paix, -le repos et l'avenir de la France<a id="FNanchor_376" href="#Footnote_376" class="fnanchor"> [376]</a>.</p> - -<p>Louis XIV, qui se trouvait à cette époque de la vie où -l'on n'est point en garde contre les illusions, fut vivement -touché des derniers témoignages de tendresse qui lui furent -donnés par Mazarin et des dernières marques de -ses sollicitudes. En effet, ce ministre déjà condamné par -les médecins, certain de mourir, comprimant ses douleurs, -surmontant sa faiblesse, et, selon l'énergique expression -de madame de Motteville, faisant bonne mine à -la mort<a id="FNanchor_377" href="#Footnote_377" class="fnanchor"> [377]</a>, ne perdit pas un moment pour donner au jeune -roi toutes les instructions dont il avait besoin. Il tint de -fréquents conseils, afin de le mettre au courant de toutes -les affaires qui devaient s'y traiter; et après ces conseils -il passait encore trois ou quatre heures avec son royal -élève dans des conférences particulières. De peur que sa -mémoire ne pût retenir tous les enseignements qu'il lui -<span class="pagenum"><a id="Page_233"> 233</a></span> -donnait, il prenait ensuite le soin de les rédiger par écrit, -afin que lorsqu'il aurait cessé de vivre, Louis XIV pût y -recourir. Il lui démontrait la nécessité de régir par lui-même -toutes les grandes affaires et de les embrasser dans -tous leurs détails; surtout de mettre de l'ordre dans les -finances, et de ne s'en fier qu'à lui-même pour ce ressort -principal de son gouvernement, comme pour la guerre et -pour les négociations avec les puissances. Il lui recommanda -de ne livrer aucun de ses secrets ni à sa femme, -ni à ses maîtresses, ni à ses courtisans, ni à ses domestiques; -de n'avoir ni favori ni premier ministre<a id="FNanchor_378" href="#Footnote_378" class="fnanchor"> [378]</a>; et de -veiller, au contraire, à ce que les ministres qu'il choisirait -se renfermassent chacun dans les attributions de leur département, -et ne s'occupassent que des affaires qu'il leur -confierait.</p> - -<p>Lorsque Mazarin s'aperçut que son dernier jour approchait, -il fit au jeune roi une confession entière; lui révéla -les abus auxquels pour garder le pouvoir il avait été obligé -de participer; ceux qu'il n'avait pu empêcher: il ne lui -cacha pas quelle était son immense fortune<a id="FNanchor_379" href="#Footnote_379" class="fnanchor"> [379]</a>, et par quels -moyens il l'avait acquise; le sort futur et la grandeur -de sa famille et de son nom, cet ouvrage de toute sa vie, -il mit tout à la disposition de son royal élève, et par un -acte authentique il lui fit donation pleine et entière de -tous ses biens<a id="FNanchor_380" href="#Footnote_380" class="fnanchor"> [380]</a>. L'effet de cette franchise fut tel que Mazarin -l'avait prévu. Louis XIV, plus pénétré de reconnaissance -pour les éminents services de son ministre, après -<span class="pagenum"><a id="Page_234"> 234</a></span> -ces humiliants aveux, qu'il ne l'était avant, n'accepta rien -du don qui lui était fait; il rendit à Mazarin toutes ses -richesses, quoiqu'elles fussent assez considérables pour -tenter la cupidité d'un roi.</p> - -<p>Le grand mérite de Richelieu et de Mazarin, comme -ministres ambitieux de gouverner, fut d'avoir su discerner -le caractère du souverain dont le pouvoir leur était délégué, -et d'y avoir assujetti leur conduite. Louis XIII et -Louis XIV différaient encore plus par le naturel que par -l'âge. Le premier, timide, indolent, soupçonneux, réservé; -le second, fier, impétueux, énergique, ferme et constant -dans ses résolutions; capable d'effort et d'application. -Richelieu berça son roi dans sa faiblesse, et le retint dans -la retraite et dans l'obscurité de la vie privée, afin qu'il -n'eût ni la possibilité ni l'envie de lui reprendre un pouvoir -qu'il ne lui laissait qu'à regret; il le domina toujours, -et régna par lui, sur lui, et sans lui. Mazarin, au contraire, -mit toujours en avant son roi dès qu'il fut sorti de -l'enfance; il l'exerça de bonne heure à remplir les fonctions -royales; il lui en montra toutes les difficultés, et -l'instruisit sur les moyens de les surmonter; il mit tout -son art à s'immiscer dans sa confiance, et composa avec -ses passions pour les diriger; mais il sut leur résister et les -dominer, lorsqu'elles compromettaient l'intérêt de l'État -et la dignité du trône<a id="FNanchor_381" href="#Footnote_381" class="fnanchor"> [381]</a>: il le tint sans cesse près de lui à -l'armée, dans le cabinet, dans les voyages; il partageait -et soignait ses plaisirs, mais le forçait de s'adjoindre à -ses occupations; et, bien loin de réprimer ses impérieuses -dispositions, il s'en servait pour dégager son autorité de -<span class="pagenum"><a id="Page_235"> 235</a></span> -toutes les influences qui pouvaient l'entraver<a id="FNanchor_382" href="#Footnote_382" class="fnanchor"> [382]</a>: peu soucieux -de cultiver dans son élève les vertus de l'homme -privé, mais actif, mais habile à développer dans cette -âme altière toutes les qualités d'un grand roi.</p> - -<p>Richelieu et Mazarin n'étaient rien par eux-mêmes, et -ne s'étaient élevés ni par la naissance ni par l'influence -des richesses ou d'un sang illustre; ils ne pouvaient gouverner -qu'en comprimant les grands et la cour. Richelieu -y parvint par les échafauds et la terreur, et il fit si bien -qu'il n'y eut plus de cour ni de courtisans. Il manifesta -toute la force de son despotisme en isolant son roi de sa -mère, de sa femme, de tous les princes de son sang, et -même de ses favoris et de ses familiers quand ils lui portaient -ombrage. Mazarin, au contraire, affermit sa puissance -en y agglomérant tous les intérêts personnels, en -ralliant autour du monarque toute sa famille, autour -du trône tous les grands du royaume; en faisant cesser -les craintes et en suscitant les espérances. Mazarin -parvint au même but que Richelieu par des moyens non-seulement -différents, mais contraires. Richelieu affligea -et humilia la vieillesse de Louis XIII par de sanglantes -proscriptions contre ceux qui avaient été le plus honorés -de la confiance et de la faveur royale; jamais Mazarin ne -mit obstacle ni aux amitiés ni aux amours de la jeunesse -de Louis XIV, ni à sa tendresse filiale; mais il sut lui faire -comprendre que tous les intérêts étaient continuellement -en lutte contre celui dont le devoir est de défendre l'intérêt -public; qu'un roi était un être à part, qui n'était ni -fils, ni parent, ni ami, ni amant, là où les affaires de son -<span class="pagenum"><a id="Page_236"> 236</a></span> -royaume étaient engagées; que lui seul était responsable -de tout le mal qu'il n'empêchait pas, de tout le bien qui -était à faire, et qui ne se réalisait pas<a id="FNanchor_383" href="#Footnote_383" class="fnanchor"> [383]</a>.</p> - -<p>Bien loin d'écarter du roi la foule des courtisans, comme -Richelieu l'avait fait, Mazarin environna le monarque d'une -cour brillante. Mais l'habile ministre, pour n'avoir rien à -redouter de cette cour, voulut en être le chef; il voulut -qu'elle lui appartînt, qu'elle se confondît avec sa propre -maison; et en la composant, la payant et la dirigeant lui-même, -il en obtint tous les avantages, et évita tous les -inconvénients dont Richelieu n'avait pu se garantir qu'en -l'anéantissant. C'est là une des parties de la politique de -Mazarin qui a été la moins comprise. Ce faste royal qu'il -affecta, ces superbes colléges qu'il fonda, ces magnifiques -palais qu'il orna, ces repas somptueux, ces fêtes qu'il donna, -ces gardes, ces officiers dont il entourait le faste de sa maison, -tandis que celle du jeune roi était, sans lui, petite, -mesquine et mal payée, tout cela a été attribué à son orgueil, -tandis que c'était, au contraire, l'effet d'une prudence -consommée et d'une haute prévision. Il évitait par -ce moyen les fortes influences qui n'auraient pas manqué -de s'exercer à l'entour de son royal pupille, par les grandes -charges et les riches emplois de ceux qui auraient été -attachés à sa personne. Par l'attitude que Mazarin avait -prise, il ne semblait point être, comme Richelieu, l'usurpateur -du sceptre royal, le dominateur de la couronne; -mais, comme lui, il voulait montrer qu'il en soutenait tout -le poids, et paraissait en être moins l'agent et le serviteur -que le protecteur et l'appui. Cette déférence qu'avaient -pour lui la reine mère et le roi en souscrivant à cet ordre -<span class="pagenum"><a id="Page_237"> 237</a></span> -de choses lui soumit les grands et les courtisans, rendit -l'obéissance facile, et l'obséquiosité même honorable. -Comme le séjour de Vincennes était favorable à sa santé, -la cour s'y transportait souvent tout entière<a id="FNanchor_384" href="#Footnote_384" class="fnanchor"> [384]</a>. Les conseils -ne se tinrent plus, vers la fin, que dans sa chambre à -coucher<a id="FNanchor_385" href="#Footnote_385" class="fnanchor"> [385]</a>. Le roi veillait lui-même à ce qu'on ne l'interrompît -point dans ses heures de travail, à ce qu'on ne troublât -pas celles de son repos. Ses envieux et ses ennemis s'indignaient -de ces attentions du jeune monarque, et les regardaient -comme une profanation de la majesté royale; ils -disaient énergiquement que jamais ministre n'avait fait -plus que Mazarin litière de la royauté<a id="FNanchor_386" href="#Footnote_386" class="fnanchor"> [386]</a>. C'est qu'en effet le -roi, la cour, l'État, tout se confondait alors dans la personne -de ce ministre, qui jamais ne rendit de plus signalés -services que quand il fut près de descendre dans la tombe.</p> - -<p>Je ne dirai plus qu'un mot sur Richelieu et Mazarin. -Tons deux moururent, après avoir agrandi le royaume et -consolidé la monarchie, sans être regrettés. Louis XIII -lui-même se réjouit de la mort de son ministre; mais -Louis XIV pleura le sien. Le soupçonneux Mazarin crut -s'apercevoir, dans les derniers jours de la maladie qui le -conduisit au tombeau, que le jeune roi était empressé de -sortir de sa tutelle, et qu'il désirait peut-être sa mort: -cette idée accrut les douleurs de ses derniers moments<a id="FNanchor_387" href="#Footnote_387" class="fnanchor"> [387]</a>. -Son erreur fut comme une juste punition de son ambition; -car au contraire Louis XIV fut le seul qui après la mort -de Mazarin montra cet abattement, cette tristesse insurmontable -<span class="pagenum"><a id="Page_238"> 238</a></span> -qui accompagne la perte de quelqu'un qui -nous est cher et qui laisse un grand vide dans notre existence. -Depuis, par tous ses discours et toutes ses actions, le -monarque n'a pas donné lieu de douter de la sincérité de -ses regrets; il accomplit religieusement toutes les dernières -volontés de Mazarin, quoiqu'elles le forçassent à -conférer à la famille de ce ministre des faveurs exorbitantes; -il exécuta tout ce qu'il avait prescrit, en mourant, -relativement aux affaires d'État; et Mazarin dans la tombe -sembla gouverner encore la France<a id="FNanchor_388" href="#Footnote_388" class="fnanchor"> [388]</a>. Cette haute opinion -que le monarque avait de son ministre et la reconnaissance -qu'il croyait lui devoir lui firent traiter dans le commencement -avec des égards et des honneurs qui n'étaient -dus qu'à un prince du sang ce pauvre et ridicule Armand -de La Porte, auquel on imposa l'immense fortune et le -nom de Mazarin, avec une des plus belles et des plus spirituelles -femmes de ce temps<a id="FNanchor_389" href="#Footnote_389" class="fnanchor"> [389]</a>. A une époque où il n'était -plus permis de douter que Louis XIV n'eût le désir et le -talent de gouverner par lui-même, il a plusieurs fois déclaré -que si Mazarin avait vécu, il lui aurait laissé longtemps -encore entre les mains le pouvoir et la conduite des -affaires. Dans plusieurs de ses lettres et de ses écrits, -Louis XIV donne fréquemment l'épithète de grand homme -à Mazarin<a id="FNanchor_390" href="#Footnote_390" class="fnanchor"> [390]</a>. Il consultait souvent les instructions qu'il lui -avait laissées<a id="FNanchor_391" href="#Footnote_391" class="fnanchor"> [391]</a>; il se plaisait à lire, en présence de Condé -<span class="pagenum"><a id="Page_239"> 239</a></span> -et de ceux qui avaient été le plus opposés à Mazarin, les -passages les plus remarquables de ces instructions, afin -de justifier la haute estime qu'il avait pour sa mémoire<a id="FNanchor_392" href="#Footnote_392" class="fnanchor"> [392]</a>. -Rien n'est plus à la gloire de Mazarin, rien n'est plus -propre à nous faire concevoir une grande idée de ses talents -et de sa capacité, que cette opinion qu'avait de lui -un monarque qui, de tous ceux qui ont occupé un trône, -s'est montré le plus judicieux et le plus habile appréciateur -des hommes.</p> - -<p>Rien aussi ne prouve plus le discernement et l'impartialité -de Mazarin, et combien, même à son lit de mort, -il avait à cœur l'intérêt du monarque et de la monarchie, -que le conseil qu'il donna à Louis XIV, dans ses derniers -moments, d'employer Fouquet<a id="FNanchor_393" href="#Footnote_393" class="fnanchor"> [393]</a>. Il le lui indiqua comme -l'homme le plus capable de le bien seconder dans l'administration -de son royaume, comme celui de tous les ministres -qui connaissait le mieux les personnes et les ressources -de la France; mais en même temps il recommanda -au jeune roi de faire cesser les dilapidations du -surintendant et de ses agents, en établissant un ordre -rigoureux dans les finances. Il l'instruisit des moyens -d'y parvenir, et pour les mettre en œuvre il lui donna -Colbert.</p> - -<p>Colbert fut donc nommé intendant des finances, et -chargé de tenir ce fameux registre des fonds dont nous -avons parlé<a id="FNanchor_394" href="#Footnote_394" class="fnanchor"> [394]</a>. -<span class="pagenum"><a id="Page_240"> 240</a></span></p> - -<p>Louis XIV, dès les premiers jours qu'il travailla avec -Fouquet, l'avertit que son intention était d'être instruit -de tout ce qui concernait ses finances, et de donner tous -ses soins à cette partie de son gouvernement. Il lui défendit -de signer aucun traité, aucun bail à ferme, sans lui -en donner connaissance<a id="FNanchor_395" href="#Footnote_395" class="fnanchor"> [395]</a>. Si Fouquet avait su aussi bien -que Mazarin discerner le caractère du jeune roi, il n'eût -pas manqué d'y conformer sa conduite: il eût avoué les -fautes du passé, indiqué les moyens de les réparer, organisé -l'avenir. Grand financier et bon administrateur, il se -serait associé à la gloire de ce beau règne, il en eût augmenté -l'éclat, et eût joué un rôle non pas plus glorieux, -mais plus brillant, que celui de Colbert.</p> - -<p>Fouquet crut que la mort de Mazarin l'avait délivré -du seul obstacle qui s'opposait à son ambition<a id="FNanchor_396" href="#Footnote_396" class="fnanchor"> [396]</a>. Sa supériorité -sur Le Tellier et sur de Lionne (ministres cependant -très-habiles<a id="FNanchor_397" href="#Footnote_397" class="fnanchor"> [397]</a>); l'importance des affaires dont il était -chargé; la préférence que le roi lui accordait, en traitant -avec lui seul les affaires les plus délicates et les plus secrètes<a id="FNanchor_398" href="#Footnote_398" class="fnanchor"> [398]</a>; -la multitude de clients, d'amis, de pensionnaires -qu'il avait près du monarque, dans toute la France, -dans toutes les branches d'administration; la faveur de -la reine mère; enfin la composition du conseil, qui lorsqu'on -opinait se bornait à trois voix, dont une, celle de -de Lionne, lui était vendue<a id="FNanchor_399" href="#Footnote_399" class="fnanchor"> [399]</a>, tels étaient les motifs de la -confiance de Fouquet, les causes de son aveuglement. -<span class="pagenum"><a id="Page_241"> 241</a></span></p> - -<p>Le Tellier, son ennemi secret, dissimulait, et paraissait -ne mettre aucun obstacle au désir que le surintendant -avait d'occuper le premier rang<a id="FNanchor_400" href="#Footnote_400" class="fnanchor"> [400]</a>. Colbert travaillait dans -l'ombre.</p> - -<p>Tout semblait en apparence favorable aux desseins de -Fouquet. Louis XIV s'était laissé jusque alors guider par -sa mère et par Mazarin, tant pour les choses qui lui étaient -personnelles que pour celles de l'État, et Fouquet ne pouvait -se persuader qu'il voulût sérieusement régler par lui-même -les unes et les autres, et reprendre à la fois l'autorité -d'un roi et les pénibles fonctions d'un premier ministre<a id="FNanchor_401" href="#Footnote_401" class="fnanchor"> [401]</a>. -Déjà donc le surintendant assignait le terme, peu -éloigné, où son jeune maître, fatigué de tant de détails, si -propres à le rebuter, allait le charger d'un fardeau que son -inexpérience et le seul attrait de la nouveauté l'avaient -engagé à essayer de soulever. La fascination de Fouquet à -cet égard était telle, qu'il offrit à la reine mère d'employer -ses bons offices et la faveur dont il jouissait pour -lui redonner l'influence qu'elle avait eue autrefois sur son -fils, et que Mazarin par ses conseils, qui furent alors taxés -de noire ingratitude, lui avait fait perdre<a id="FNanchor_402" href="#Footnote_402" class="fnanchor"> [402]</a>. Pour s'acquérir -sur les affaires ecclésiastiques la même prépondérance -qu'il se promettait dans toutes les autres parties dit -gouvernement, lorsqu'il faisait ces offres à la reine mère, -Fouquet négociait en même temps avec le cardinal de Retz, -afin d'obtenir de lui, à prix d'argent, qu'il donnât sa démission -<span class="pagenum"><a id="Page_242"> 242</a></span> -de l'archevêché de Paris. Le surintendant ne -doutait pas qu'il ne lui fût facile de faire ensuite nommer -à ce siége si envié un de ses frères, déjà archevêque<a id="FNanchor_403" href="#Footnote_403" class="fnanchor"> [403]</a>.</p> - -<p>La présomption, défaut ordinaire des esprits prompts, -faciles, féconds en ressources, empêcha Fouquet de reconnaître -les dangers de la route où il s'engageait. Il en -fut averti cependant par ses principaux collaborateurs, et -surtout par le plus habile et le plus clairvoyant de tous, -Pellisson<a id="FNanchor_404" href="#Footnote_404" class="fnanchor"> [404]</a>; mais il ne voulut pas se rendre à leurs conseils: -peut-être ne le pouvait-il plus. Il continua hardiment -son système de fraude et de déception, et présenta -au roi de faux états de situation, qui, sans qu'il le sût, -étaient aussitôt rectifiés par Colbert, au moyen du registre -des fonds et des écritures de l'épargne, tenus alors -sous son inspection avec une rigoureuse exactitude. Les -états au vrai, présentés chaque jour au roi par Colbert, -dévoilèrent toutes les concussions et les fourberies du surintendant, -et les plaies profondes faites à l'État par sa -connivence avec les traitants ou les fermiers des impôts. -Louis XIV fut outré de se voir ainsi joué par son ministre, -et de se trouver en quelque sorte sous sa dépendance -pour la partie principale de son gouvernement. Le nombre -des amis et des créatures que se faisait le surintendant en -prodiguant l'argent du royaume, son luxe, ses fêtes somptueuses, -les prétentions qu'il manifestait de remplacer -Mazarin, ses intrigues, le grand nombre de ses partisans, -la haute opinion qu'on avait de lui, tout contribua -à accroître encore l'animadversion du jeune monarque. -<span class="pagenum"><a id="Page_243"> 243</a></span> -Dès lors le plan que Colbert avait proposé autrefois à Mazarin -pour mettre en jugement ce grand coupable, et opérer -le rétablissement des finances, fut de nouveau reproduit. -Louis XIV l'adopta; et il ajouta encore à la rigueur -des mesures qu'il contenait contre la personne de Fouquet<a id="FNanchor_405" href="#Footnote_405" class="fnanchor"> [405]</a>. -Ce plan une fois arrêté, il fallut forcément en différer -l'exécution. Fouquet n'avait pas cessé de fortifier -Belle-Isle, où il aurait pu se retirer et chercher à produire -quelque mouvement parmi la jeune noblesse et le -peuple de la Bretagne et de la Normandie, deux provinces -écrasées d'impôts et fort mécontentes. De plus, les priviléges -de la charge de surintendant, qui soustrayaient -Fouquet à la juridiction des cours souveraines, et le rendaient -justiciable du roi seul, autorisaient bien la formation -d'une commission spéciale nommée par le roi pour -juger Fouquet, conformément au plan proposé par Colbert; -mais cette forme était à juste titre considérée comme -illégale, injuste et despotique, par les parlements; et Fouquet -n'était pas seulement surintendant général des finances, -il était encore procureur général du parlement de -Paris. Nul doute que cette puissante compagnie, si on -avait voulu faire juger par commission son principal officier, -ne s'y fût opposée, et n'eût évoqué cette affaire comme -étant du ressort de sa juridiction. Il fallait donc différer l'accusation -de Fouquet et bien dissimuler les projets formés -contre lui, jusqu'à ce qu'on l'eût déterminé à vendre sa -charge de procureur général; et, comme je l'ai dit, on en -vint à bout en lui donnant l'espoir d'être compris dans la -promotion de chevaliers des ordres du roi, qui allait avoir -lieu<a id="FNanchor_406" href="#Footnote_406" class="fnanchor"> [406]</a>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_244"> 244</a></span> -Il ne faut pas partager l'erreur où sont tombés ici tous -les historiens, et considérer cette époque du règne de -Louis XIV comme celle qui l'a suivie, lorsque le roi, affermi -par l'exercice de sa puissance, ôtait par sa seule -parole jusqu'à la pensée même de lui résister. Lors même -que les grandes crises politiques sont apaisées, il existe -toujours, quand elles sont récentes, des habitudes d'insubordination -qui excitent les justes craintes du pouvoir -et augmentent ses embarras. Nous voyons par des lettres -non encore publiées de Mazarin<a id="FNanchor_407" href="#Footnote_407" class="fnanchor"> [407]</a> à Colbert, qui sont sous -nos yeux, que tandis que ce ministre était occupé à Saint-Jean-de-Luz -aux négociations de la paix, il craignait -que la Normandie, à laquelle cette paix ne plaisait pas, -ne se soulevât, et qu'il faisait surveiller cette province. -Dans le même temps, malgré son opposition et les ordres -formels du roi, Mazarin ne put empêcher Turenne d'offrir -et d'envoyer de l'argent et des troupes au duc d'York, -dans le but de rétablir son frère Charles II sur le trône, -quoique rien ne fût plus contraire à la politique que le -ministre avait adoptée dans les intérêts de la France<a id="FNanchor_408" href="#Footnote_408" class="fnanchor"> [408]</a>. -Louis XIV, qui n'ignorait aucun des obstacles qu'il avait -fallu vaincre, devait craindre que sa jeunesse et l'opinion -que l'on avait de son inexpérience et de son peu de -connaissance des affaires ne fussent la cause de nouvelles -désobéissances. Il faut aussi rappeler que Fouquet -n'était pas seulement un habile financier, qui dans des -<span class="pagenum"><a id="Page_245"> 245</a></span> -occasions importantes avait su créer des ressources et -réaliser des sommes immenses, lorsque l'État était dans -un discrédit complet; Fouquet était encore un grand ministre, -à vues étendues et profondes; il était le seul qui -dans le conseil eût songé aux intérêts du commerce. -Plusieurs vaisseaux armés pour son compte fréquentèrent -les Antilles, le Sénégal, la côte de Guinée, Madagascar, -Cayenne, Terre-Neuve. Il encouragea les particuliers à -s'intéresser dans ces différentes entreprises; et c'est à lui -que les colonies françaises durent de pouvoir se soutenir -contre les rivalités de l'Espagne, de l'Angleterre, de la -Hollande. Il établit un fret sur les vaisseaux étrangers -pour protéger la navigation: la pêche de la sardine à -Belle-Isle, qui produisit plusieurs millions à l'État, lui était -due entièrement<a id="FNanchor_409" href="#Footnote_409" class="fnanchor"> [409]</a>. Il était donc aussi considéré, aussi -aimé des commerçants, des bourgeois, que des courtisans -et des hommes de lettres: pour tous il semblait -être le ministre indispensable.</p> - -<p>Un autre motif encore plus fort que tous ceux que -nous venons d'énumérer forçait Louis XIV de différer -l'exécution du projet conçu contre Fouquet: c'était le -manque d'argent. Fouquet devait faire des versements, -mais il fallait en attendre les échéances. Telle était la -pénurie de l'épargne, que, quoique ces versements eussent -été effectués au moment de l'arrestation de Fouquet, -Louis XIV se vit obligé d'écrire au duc de Mazarin pour -lui demander de lui prêter deux millions<a id="FNanchor_410" href="#Footnote_410" class="fnanchor"> [410]</a>. -<span class="pagenum"><a id="Page_246"> 246</a></span></p> - -<p>Enfin, une raison majeure d'intérêt public fixait une -époque avant laquelle on ne pouvait songer à rien entreprendre -contre Fouquet. L'arrestation et la mise en jugement -du surintendant, la création d'une chambre de justice, -entraînaient la résiliation de tous les baux, de tous les -traités à ferme conclus avec ceux qui devaient être cités -devant cette chambre; tous ces baux, tous ces traités -devaient être promptement renouvelés, afin que la perception -des impôts et des différentes branches de revenus -publics n'éprouvât point de retard. Cela ne pouvait se -faire avec avantage qu'en automne; et lorsque Louis XIV -eut arrêté dans son esprit l'exécution du projet de Colbert, -on n'était encore qu'au printemps<a id="FNanchor_411" href="#Footnote_411" class="fnanchor"> [411]</a>.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_247"> 247</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE XVIII<br /> -<span class="medium">1661-1664.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Fouquet cherche à séduire mademoiselle de La Vallière.—Le roi, -dans un moment de colère, veut le faire arrêter au milieu d'une fête -qu'il lui donnait.—La reine-mère l'en empêche.—Fouquet a connaissance -de l'ordre qu'avait donné le roi.—Fouquet fait à Louis XIV -un aveu des abus qu'il s'était permis, et promet une réforme complète.—Cet -aveu ne satisfait pas Louis XIV.—Différence des effets -produits par les gains illicites de Mazarin et par ceux de Fouquet, -relativement à l'État.—Louis XIV ne pouvait pardonner à Fouquet -sans détruire le plan qu'il avait formé pour la restauration des -finances.—Fouquet de son côté ne pouvait reculer.—Il continue -dans le même système de corruption et de profusion.—Louis XIV -dissimule.—Il fait arrêter le surintendant.—Beau trait d'éloquence -de Pellisson au sujet de la dissimulation du roi, qui a causé la perte -de Fouquet.—Louis XIV établit l'ordre dans ses finances.—On -poursuit les traitants, et on fait rentrer à l'épargne des sommes -considérables.—L'affaire de Fouquet était un coup d'État, par le -grand nombre de personnes qui furent citées à la chambre de justice.—Rigueur -mise dans le procès de Fouquet; effet qu'elle produit.—Manière -dont on a jugé la conduite de Louis XIV en cette -circonstance.—Position des hommes qui exercent le pouvoir, à -l'égard de leur siècle et de la postérité.</p> - -<p class="space">Ce fut avec peine que le jeune roi se soumit à une -aussi longue dissimulation. La contrainte qu'il éprouvait -pour laisser croire au surintendant qu'il était dupe -de ses stratagèmes augmentait l'irritation que lui causait -un délai nécessaire. Cependant Fouquet, plongé dans une -funeste sécurité, continuait son genre de vie habituel, -mêlant toujours la galanterie aux affaires. Il chercha à -<span class="pagenum"><a id="Page_248"> 248</a></span> -séduire la belle La Vallière, et voulut acheter ses faveurs -à prix d'argent. La résistance qu'il éprouva lui fit découvrir -qu'elle était aimée du roi. Possesseur d'un secret -encore ignoré de toute la cour, Fouquet crut pouvoir en -profiter pour son ambition<a id="FNanchor_412" href="#Footnote_412" class="fnanchor"> [412]</a>. Ne doutant pas que les promesses -d'un ministre aussi puissant que lui ne pouvaient -qu'être agréables à mademoiselle de La Vallière, il s'empressa -de l'entretenir en particulier, et de lui offrir son concours -pour tirer le plus d'avantages possible de sa position. -La douce, la modeste La Vallière, que l'amour seul avait -entraînée hors de la route de l'honneur, et qui ne voyait -dans le beau et jeune Louis que l'amant et non le roi, -rougit en écoutant le surintendant, et se retira sans lui répondre. -Fouquet interpréta ce silence en sa faveur, et le -regarda comme un consentement qu'un reste de pudeur -dans une jeune fille encore novice ne lui avait pas permis -d'exprimer d'une manière plus explicite<a id="FNanchor_413" href="#Footnote_413" class="fnanchor"> [413]</a>. Mais La Vallière -était restée muette d'étonnement et de honte, en apprenant -qu'une autre personne que celle qui servait d'intermédiaire -entre elle et le roi avait connaissance de sa coupable -liaison. En faisant à son amant le sacrifice de sa vertu, -elle avait obtenu de lui la promesse que sa réputation serait -respectée et que le voile le plus épais couvrirait -leurs amours. Quelle fut sa douleur d'apprendre que le -seul bien qui lui restât allait lui échapper! Elle redit tout -au roi, en répandant d'abondantes larmes. La fureur de -Louis XIV contre le surintendant fut portée au plus -<span class="pagenum"><a id="Page_249"> 249</a></span> -haut degré. Il n'y avait donc plus de secret dont cet audacieux -ministre ne parvînt à se procurer la connaissance? -Ses perfides intrigues le poursuivaient sans cesse et partout, -jusque dans son intérieur le plus intime, jusque -dans le cœur de celle qu'il aimait! Il aspirait au moment -où il lui serait enfin permis d'en faire justice. C'est alors -que Fouquet, toujours abusé, toujours dans l'opinion qu'il -était l'homme le plus agréable à son roi, le seul nécessaire, -lui donna à Vaux cette magnifique fête dont nous -avons parlé. Ce jour, Louis XIV aperçut, dans un des cabinets -du château de Vaux, un portrait de mademoiselle -de La Vallière, qu'un peintre avait exécuté sans qu'elle le -sût. A la vue de ce portrait, le jeune monarque ne put -contenir son ressentiment. Il éclata: dans son premier -mouvement, il donna l'ordre d'arrêter le surintendant au -milieu même de la fête, et dans sa propre maison. La -reine mère, qui se trouvait là, n'eut pas de peine à démontrer -à son fils l'inconvenance du lieu et du moment, et -l'ordre fut révoqué<a id="FNanchor_414" href="#Footnote_414" class="fnanchor"> [414]</a>. La reine mère avait attribué la -colère du roi à un mouvement de jalousie; mais elle -apprit bientôt que cette cause de l'animadversion de son -fils envers le surintendant n'était pas la seule: elle fut -instruite de tous les projets formés depuis longtemps -contre lui. La duchesse de Chevreuse, qui avait beaucoup -de crédit sur son esprit, sut lui persuader de n'y mettre -aucun obstacle. Cette intrigante duchesse était devenue -l'ennemie du surintendant depuis qu'elle avait épousé en -secret de Laigues, qui croyait avoir à s'en plaindre<a id="FNanchor_415" href="#Footnote_415" class="fnanchor"> [415]</a>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_250"> 250</a></span> -Cependant le mouvement de colère auquel Louis XIV -s'était abandonné, cet ordre donné et révoqué trahit ses -desseins, et Fouquet en fut averti par madame Duplessis-Bellière, -un de ses plus habiles et de ses plus courageux -agents, dans les affaires de finances comme -dans les intrigues d'amour<a id="FNanchor_416" href="#Footnote_416" class="fnanchor"> [416]</a>. Fouquet aperçut dès lors -toute la profondeur du précipice où il était près de tomber. -Il crut pouvoir éviter sa chute en imitant Mazarin: -il fit au roi l'aveu de ses fautes, et promit une réforme -complète. Mais son aveu et ses promesses ne conjurèrent -pas l'orage, et ne firent que lui en déguiser les approches. -Louis XIV sembla pardonner, et dissimula si profondément -ses sentiments et ses pensées, qu'il fit illusion à Fouquet, -et le persuada qu'il n'avait plus rien à redouter<a id="FNanchor_417" href="#Footnote_417" class="fnanchor"> [417]</a>. -Les aveux de Fouquet n'avaient été que partiels; et alors, -bien loin de satisfaire Louis XIV, ils furent à ses yeux -un tort de plus, puisqu'ils lui paraissaient une nouvelle -ruse pour le tromper encore. Fouquet chercha aussi maladroitement -(on le voit par ses défenses) à s'autoriser de -l'exemple qu'avait donné le premier ministre, et à s'excuser -par les pratiques que celui-ci s'était permises. Mais -rien n'était semblable ni dans la position ni dans la nature -de la culpabilité. Mazarin, en cumulant des abbayes, -en recevant de l'argent pour les charges qu'il conférait -ou pour les grâces qu'il accordait, en dépensant pour -sa maison les sommes destinées à la maison du roi<a id="FNanchor_418" href="#Footnote_418" class="fnanchor"> [418]</a>, -enlevait les moyens de s'enrichir à des courtisans ambitieux, -avides et frondeurs; mais ces concussions ne -<span class="pagenum"><a id="Page_251"> 251</a></span> -diminuaient en rien les revenus publics; car aucune des -sommes dont Mazarin faisait son profit n'était destinée -à entrer dans l'épargne; Mazarin ne faisait donc rien -perdre à l'État<a id="FNanchor_419" href="#Footnote_419" class="fnanchor"> [419]</a>. Fouquet, au contraire, ne s'enrichissait -qu'en le ruinant de plus en plus, puisque c'étaient -les produits mêmes des impôts, dont il était chargé de -faire opérer les rentrées et de surveiller l'emploi, qu'il -dilapidait et laissait dilapider. Déjà il avait dévoré en -avance quatre années des revenus de la France. Quand -Mazarin, après avoir reculé les limites du royaume et -raffermi la couronne sur la tête de son roi, lui rendit -son immense fortune, celui-ci dut être satisfait de pouvoir, -en la lui conférant par un acte émané de sa royale -volonté, récompenser d'un seul coup, et magnifiquement, -les longs et immenses services de son fidèle ministre. -Il faisait par là une action qui avait sur son gouvernement -une heureuse influence, en montrant une -générosité sans bornes envers celui qui l'avait servi ainsi -que l'État avec un entier dévouement. Mais en pardonnant -à Fouquet Louis XIV eût encouragé les rapines et la -déloyauté. Le surintendant absous, il devenait impossible -de poursuivre ses agents, et de faire annuler les engagements -ruineux qu'il avait fait contracter à l'État. Sans -cette dernière mesure, toute amélioration dans les finances -devenait impossible. A cette époque il n'y avait pas de -grosses dettes publiques fondées, et reconnues inaltérables, -inviolables; point de théories du crédit qui fissent -considérer comme une chose funeste de manifester l'intention -d'affranchir l'État des dettes usuraires qu'on avait -contractées en son nom. Un autre ordre de choses avait -<span class="pagenum"><a id="Page_252"> 252</a></span> -fait adopter d'autres principes; et le roi, en forçant les -financiers et les maltôtiers<a id="FNanchor_420" href="#Footnote_420" class="fnanchor"> [420]</a>, comme on les appelait alors, -à rendre une partie de leurs immenses profits, se rendait -populaire et s'attirait l'approbation générale, lors même -que tout le monde eût été persuadé que ces profits n'avaient -pu avoir lieu qu'au moyen des opérations faites -par le gouvernement et sous le sceau et avec l'approbation -de ceux qui agissaient en son nom.</p> - -<p>Fouquet se trouvait d'ailleurs dans l'impossibilité de -remplir les promesses de réforme qu'il faisait à Louis XIV. -Il était lui-même entraîné dans le gouffre où il entraînait -le royaume. Pour rester en place, et rentrer comme surintendant -dans les voies du devoir et de la conscience, il -eût fallu que Fouquet devînt cruel et perfide, et qu'il -étouffât en lui les sentiments les plus chers et les plus sacrés; -qu'il trahît, qu'il poursuivît, qu'il précipitât dans -l'abîme ceux-là même avec lesquels il avait contracté, au -nom de l'État, des engagements usuraires, et avec lesquels -il avait connivé pour couvrir tous les genres d'irrégularités; -et ceux-là étaient ses parents, ses amis, ses partisans -à la cour, ses pensionnaires, ses maîtresses, ses -clients, ses protégés. Fouquet avait dans le cœur de la -bonté, de la générosité; dans le caractère et dans ses -relations particulières, de la franchise et de la grandeur -d'âme; il lui était donc impossible de prendre une résolution -qui aurait entraîné de telles conséquences. Il ne vit -de salut que dans la continuation de son système de profusion -et de corruption, et par la nécessité même où il se -<span class="pagenum"><a id="Page_253"> 253</a></span> -trouvait de monter encore ou de tomber, il poursuivit -ce système avec plus d'intrépidité qu'il ne l'avait fait -sous Mazarin; de telle sorte qu'il n'y avait presque pas -une seule personne qui approchât du roi qui ne lui fût -vendue<a id="FNanchor_421" href="#Footnote_421" class="fnanchor"> [421]</a>. Le roi, qui s'en aperçut, pour mieux déguiser -ses desseins, et à mesure que le moment approchait -de les mettre à exécution, se vit obligé de donner au -surintendant des preuves simulées d'une faveur toujours -croissante. Louis XIV paraissait avoir pour Fouquet la -plus sincère affection, pour ses conseils la plus grande -déférence; il multipliait les entretiens particuliers qu'il -avait avec lui, et semblait vouloir ne décider que par lui -les affaires les plus importantes<a id="FNanchor_422" href="#Footnote_422" class="fnanchor"> [422]</a>. «On ne doutait pas, dit -madame de La Fayette, que le surintendant ne fût appelé -à gouverner<a id="FNanchor_423" href="#Footnote_423" class="fnanchor"> [423]</a>.» Louis XIV n'osa pas se fier à son capitaine -des gardes, ni à ses officiers les plus intimes, quand il fallut -sévir contre son ministre. Il cacha avec soin son secret -jusqu'au moment où il donna l'ordre de l'arrestation; et il -chargea de l'exécution de cet ordre un officier qui n'y -était pas appelé par son rang<a id="FNanchor_424" href="#Footnote_424" class="fnanchor"> [424]</a>. Cette constante dissimulation -du monarque, en donnant trop de sécurité à Fouquet, -l'empêcha de céder aux conseils qui lui étaient donnés, et -arracha à son défenseur, le généreux Pellisson, un cri de -douleur qui est un des plus beaux passages de son éloquent -plaidoyer<a id="FNanchor_425" href="#Footnote_425" class="fnanchor"> [425]</a>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_254"> 254</a></span> -Cependant Fouquet pressentit le danger qui le menaçait. -La reine mère, qui le protégeait, lui avait fait dire -de se défier de la duchesse de Chevreuse. Avant de partir -pour Nantes, il eut à ce sujet un entretien avec Loménie -de Brienne, dont le père avait la confiance du roi, et auquel -celui-ci s'était ouvert de ses projets sur Fouquet. -Loménie de Brienne nous peint, dans ses Mémoires, la -cruelle perplexité à laquelle était en proie le malheureux -surintendant au sujet de ce fatal voyage. Il hésitait à -l'entreprendre, et aurait mieux aimé fuir et se retirer à -Venise ou à Livourne. Il était abattu, consterné; mais, -après bien des alternatives, un peu rassuré en se rappelant -les promesses que le roi lui avait faites, il se décida -à partir, en compagnie avec de Lionne, son ami<a id="FNanchor_426" href="#Footnote_426" class="fnanchor"> [426]</a>.</p> - -<p>Nous avons ailleurs détaillé les circonstances de son -arrestation, raconté les émotions du sensible La Fontaine, -lorsqu'il contempla les murs de la prison où son -bienfaiteur était enfermé<a id="FNanchor_427" href="#Footnote_427" class="fnanchor"> [427]</a>.</p> - -<p>Après l'arrestation de Fouquet, Louis XIV abolit la -charge de surintendant, et en fit lui-même les fonctions. -Colbert établit un ordre admirable dans les recettes et -dans les dépenses; il mit le roi à portée de connaître à -tous les instants les ressources dont il pouvait disposer<a id="FNanchor_428" href="#Footnote_428" class="fnanchor"> [428]</a>. -C'était le roi qui signait toutes les ordonnances, et -qui au commencement de chaque année arrêtait de sa -propre main, sur le livre des fonds, toutes les recettes -qui étaient à faire, et après l'année expirée toutes les -<span class="pagenum"><a id="Page_255"> 255</a></span> -recettes et toutes les dépenses qui avaient été effectuées<a id="FNanchor_429" href="#Footnote_429" class="fnanchor"> [429]</a>.</p> - -<p>Le procès de Fouquet donna les moyens de poursuivre -les traitants; d'annuler les traités qui avaient été conclus -avec eux; d'affermer les impôts avec d'autant plus -de profit que les nouveaux fermiers, contractant directement -avec le roi, n'ignoraient pas qu'il avait lui-même -pris connaissance de leurs marchés, et que, bien -loin de redouter aucune recherche, aucune rigueur de sa -part, ils espéraient, en remplissant avec fidélité leurs engagements, -s'enrichir, et en même temps acquérir de la -faveur et du crédit.</p> - -<p>Les papiers saisis chez Fouquet furent portés directement -au roi, qui les examina lui-même, connut ainsi les -ennemis cachés de son gouvernement, les secrets des plus -puissantes familles et les intrigues ourdies à l'entour du -trône. La création d'une chambre de justice pour rechercher -les malversations qui avaient pu être faites dans les -finances touchait les plus grandes familles de robe et -d'épée, dont plusieurs s'étaient enrichies par les prêts usuraires -faits à Fouquet ou par ses dons et ses prodigalités<a id="FNanchor_430" href="#Footnote_430" class="fnanchor"> [430]</a>; -de sorte que son arrestation ne fut pas une disgrâce -seulement personnelle, mais un acte qui eut tout l'éclat -et tout le retentissement d'une affaire générale et d'un -coup d'État. Elle répandit parmi les grands et les courtisans -une crainte qui les rendit plus souples et plus obéissants, -et inspira la terreur aux concussionnaires. Le secret -avec lequel cette affaire fut conduite, la dissimulation -<span class="pagenum"><a id="Page_256"> 256</a></span> -qui la prépara, la rigueur des ordres qui furent donnés, -l'inflexibilité qu'on déploya à l'égard de ceux qui en -étaient frappés, tout fit reconnaître dans le jeune élève -de Mazarin l'habileté de son maître, unie au caractère -altier et énergique de Richelieu. Personne ne douta plus -que Louis XIV n'eût la volonté et les moyens de gouverner -par lui-même; et dès lors son règne commença<a id="FNanchor_431" href="#Footnote_431" class="fnanchor"> [431]</a>. La -puissance est comme le crédit, dont les résultats dépendent -moins des moyens réels dont on peut disposer que -de l'opinion qu'on parvient à faire prévaloir de leur -existence et de leur efficacité.</p> - -<p>La rigueur dont on usa envers Fouquet pendant tout -le cours de son procès prouve que Louis XIV voulait faire -en lui un grand exemple, et ne laisse aucun doute que -son intention était de le faire condamner à mort<a id="FNanchor_432" href="#Footnote_432" class="fnanchor"> [432]</a>. Peut-être -cette intention, trop ouvertement manifestée, la violence -des accusateurs, l'iniquité des procédures, contribuèrent-elles, -encore plus que l'éloquence et l'habileté -employées dans la défense, à sauver la vie du coupable. Il -fut condamné à l'exil perpétuel et à la confiscation de tous -ses biens. Louis XIV, qui avait trouvé un obstacle à ses -volontés dans la conscience des juges, aggrava la peine: -il retint, malgré ce jugement, le surintendant en captivité, -et le fit garder avec une sévérité qui ne s'adoucit -que dans les dernières années de la vie du malheureux -prisonnier. D'où vient cette longue persévérance de -Louis XIV dans un acte de cruauté dont avant la révocation -<span class="pagenum"><a id="Page_257"> 257</a></span> -de l'édit de Nantes son long règne n'offre pas un -second exemple<a id="FNanchor_433" href="#Footnote_433" class="fnanchor"> [433]</a>? Voulait-il empêcher Fouquet de trahir -les secrets de l'État qu'il lui avait confiés? Redoutait-il -toujours l'effet de ses intrigues? Lui avait-il reconnu une -audace capable de tout oser<a id="FNanchor_434" href="#Footnote_434" class="fnanchor"> [434]</a>? Quoi qu'il en soit, la disgrâce -du surintendant, dès qu'elle fut connue, fit taire -l'envie que sa haute prospérité avait inspirée. La dureté -avec laquelle il fut traité pendant tout le cours de son -procès excita la compassion dans tous les cœurs généreux. -On le plaignit, et l'intérêt que ses amis et ses partisans -prenaient à son sort devint général. La sentence rendue -contre lui parut rigoureuse, et son inexécution et la peine -plus forte qu'on y substitua furent considérées avec raison -comme une violation de tous les principes de justice. -L'odieux d'un tel abus de pouvoir rejaillit sur Colbert et -sur Le Tellier, qui étaient regardés comme les persécuteurs -acharnés du surintendant: le nombre de satires, -d'épigrammes, de libelles par lesquels s'exhala la haine -qu'avaient fait naître ces deux ministres fut grand, et -rappela le temps de la Fronde et des Mazarinades<a id="FNanchor_435" href="#Footnote_435" class="fnanchor"> [435]</a>. Peut-être -ce soulèvement de l'opinion contribua-t-il à empêcher -Louis XIV de céder au sentiment de la clémence; -peut-être sentait-il le besoin de donner à des ministres -dévoués une garantie, en leur sacrifiant celui dont le nom -était comme un drapeau sous lequel se ralliaient tous -leurs ennemis. Le caractère généreux de Fouquet, ses -<span class="pagenum"><a id="Page_258"> 258</a></span> -longues souffrances, ont fait oublier ses torts à la postérité, -qui n'a vu dans la conduite de Louis XIV à -son égard qu'un acte inutile de cruauté, de vengeance -et de despotisme. Il est bien difficile, et peut-être même -impossible, de bien juger certaines actions du pouvoir, -d'en bien déterminer les causes, d'en apprécier les motifs, -lorsque les hommes et les circonstances qui les ont nécessitées -ont disparu. Ceux qui ont été mêlés d'une manière -active aux affaires humaines savent de combien d'éléments -frivoles et impurs, qu'enfantent l'intérêt, la -légèreté et l'ignorance, se forme quelquefois l'opinion publique. -Ils sont convaincus qu'il est impossible d'opérer -le bien, si l'on a la faiblesse de vouloir courtiser -toujours cette reine du monde, quelquefois si belle -et si pure, mais quelquefois hideuse comme une prostituée. -Qui n'a pas le courage de renoncer aux jugements -précipités et inconstants de ses contemporains -doit renoncer à les gouverner, à guider leurs destinées, -à conduire un peuple à la gloire, à la prospérité, au -bonheur. Cependant rien n'exige plus d'énergie dans -le caractère que le sacrifice de cette satisfaction que -l'on éprouve par l'approbation générale donnée à celles -de nos actions qui ont pour but le bien public. C'est la -récompense la plus précieuse, la seule précieuse, pour -les grandes âmes. Quelle force de vertu, quelle fermeté -de conscience, quelle haute sagesse ne réclament pas -l'abandon de cette enivrante popularité et le courage de -braver l'aveugle haine et les sinistres attentats dont elle -cherche à nous rendre victime, pour accomplir, après de -pénibles efforts, ce qui mérite de tous la reconnaissance -et l'amour! Toutefois, il semble que dans une aussi pénible -position la vertu peut trouver un dédommagement -<span class="pagenum"><a id="Page_259"> 259</a></span> -dans l'impartiale justice de la postérité.—Non; il faut -renoncer à ce consolant espoir: cette précieuse et unique -récompense n'est qu'une illusion, et l'arrêt rendu en présence -des faits et des personnes est presque toujours irrévocable: -les moyens manquent aussi bien que la volonté -pour rectifier cet arrêt, lorsque le temps et la tombe ont -fait disparaître tous les témoins qui pouvaient guider la -justice humaine. Elle est vraiment dure la condition de -l'homme d'État, qui, pour être digne de la mission que -la Providence lui a imposée, doit se soumettre d'avance -à subir les injustes condamnations du siècle qui l'a vu -naître et des siècles à venir, et qui ne peut penser qu'à -Dieu seul pour apprécier le mérite ou le démérite de ses -actions!</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_260"> 260</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE XIX.<br /> -<span class="medium">1661-1664.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Plusieurs lettres de madame de Sévigné sont trouvées dans les papiers -du surintendant.—Louis XIV en prend connaissance.—Il en -parle de manière à ne laisser aucune prise à la malignité publique; -cependant elle s'exerce sur cet incident.—Chagrin qu'en ressent -madame de Sévigné.—Lettre qu'elle écrit à Pomponne à ce sujet.—Madame -de Sévigné se montre plus attachée aux amis du surintendant, -parce qu'ils étaient exilés. Simon de Pomponne était de -ce nombre.—Noble conduite des gens de lettres envers Fouquet.—Mademoiselle -de Scudéry correspond avec lui.—Madame de -Sévigné écrit à Ménage pour l'engager à détruire les bruits qui -couraient sur son compte au sujet des lettres trouvées chez Fouquet.—Citation -de cette lettre.—Fouquet comparait devant le -tribunal qui doit le juger.—Madame de Sévigné, alors à Paris, -écrit à Pomponne plusieurs lettres sur ce procès.—Position de -Pomponne.—Intérêt des lettres que madame de Sévigné lui adresse -au sujet de Fouquet.—Faveur dont madame de Sévigné jouissait -auprès de la cour et de Louis XIV.—Fidélité de madame de Sévigné -au malheur.—Sa sensibilité pour Fouquet partagée par madame -de Guénégaud, avec laquelle elle était liée—Détails sur -Arnauld d'Andilly;—sur le procès de Fouquet;—sur madame de -Guénégaud.—L'hôtel de Nevers, des lettres de madame de Sévigné, -et l'hôtel Guénégaud.—Madame de Sévigné agissait en -faveur du surintendant.—Elle craignait qu'il ne fût condamné à -mort.—Ses anxiétés pendant le procès.—Apparition d'une comète.—L'effet -qu'elle produit sur les esprits.—Ce qu'en dit de Neuré.—Détails -sur de Neuré.—Madame de Sévigné annonce à Pomponne -que Fouquet a la vie sauve.—Louis XIV aurait voulu le -faire condamner à mort.—Madame de Sévigné craint qu'on n'empoisonne -Fouquet; la vue de la comète la rassure.—Madame de -Sévigné mande à Pomponne le départ de Fouquet pour Pignerol.—Louis -XIV, par la sévérité de son maintien, inspirait le respect -et la crainte.—Les lettres de madame de Sévigné à Pomponne ne -<span class="pagenum"><a id="Page_261"> 261</a></span> -sont pas inférieures aux autres qu'elle a écrites.—Suite de l'histoire -de Fouquet.—Il n'obtient la permission de voir sa femme -qu'au bout de sept ans de captivité.—Son entrevue avec Lauzun.—Sa -mort obscure.—On est incertain s'il est mort avant ou après -avoir recouvré son entière liberté.</p> - -<p class="space">Comme tous ceux qui ont de nombreuses affaires dont -les documents devront être réunis sous leurs yeux lorsqu'ils -auront à s'en occuper, Fouquet conservait avec soin -toutes ses lettres. Elles furent saisies. Les correspondances -qu'il entretenait avec plusieurs femmes de la cour se trouvaient -réunies dans des cassettes particulières<a id="FNanchor_436" href="#Footnote_436" class="fnanchor"> [436]</a>. Celles-ci -furent portées directement au roi, qui les examina. Il en -trouva un certain nombre de madame de Sévigné, qui -attirèrent son attention par l'enjouement, la grâce et la -facilité du style. Mais quoiqu'il eût dit, et que Le Tellier -eût répété après lui, que ces lettres, uniquement relatives -à des affaires de famille, ne pouvaient que faire honneur -à celle qui les avait écrites, dès qu'on en connut -l'existence la malignité publique s'exerça sur notre aimable -veuve. On voit par la lettre suivante, que madame -de Sévigné écrivit alors à de Pomponne, combien elle -était péniblement affectée des discours qu'on tenait à ce -sujet dans le monde.</p> - -<p class="letter">LETTRE DE MADAME DE SÉVIGNÉ A M. DE POMPONNE.</p> - -<p class="dater">«Aux Rochers, ce 11 octobre 1661.</p> - -<p>«Il n'y a rien de plus vrai, que l'amitié se réchauffe -quand on est dans les mêmes intérêts. Vous m'avez écrit -si obligeamment là-dessus, que je ne puis y répondre plus -<span class="pagenum"><a id="Page_262"> 262</a></span> -juste qu'en vous assurant que j'ai les mêmes sentiments -pour vous que vous avez pour moi, et qu'en un mot je vous -honore et vous estime d'une façon toute particulière. Mais -que dites-vous de tout ce qu'on a trouvé dans ces cassettes? -Eussiez-vous jamais cru que mes pauvres lettres, -pleines du mariage de M. de La Trousse et de toutes les -affaires de sa maison, se trouvassent placées si mystérieusement? -Je vous assure, quelque gloire que je puisse tirer -par ceux qui me feront justice, de n'avoir jamais eu avec lui -d'autre commerce que celui-là, que je ne laisse pas d'être -sensiblement touchée de me voir obligée de me justifier, -et peut-être fort inutilement, à l'égard de mille personnes -qui ne comprendront jamais cette vérité. Je pense que -vous comprenez bien la douleur que cela fait à un cœur -comme le mien. Je vous conjure de dire sur cela ce que -vous savez. Je ne puis avoir trop d'amis en cette occasion. -J'attends avec impatience monsieur votre frère (l'abbé -Arnauld)<a id="FNanchor_437" href="#Footnote_437" class="fnanchor"> [437]</a>, pour me consoler un peu avec lui de cette bizarre -aventure; cependant je ne laisse pas de souhaiter -de tout mon cœur du soulagement aux malheureux, et je -vous demande toujours, monsieur, la consolation de votre -amitié<a id="FNanchor_438" href="#Footnote_438" class="fnanchor"> [438]</a>.</p> - -<hr class="tb" /> - -<p>Simon de Pomponne, lorsque madame de Sévigné lui -écrivait cette lettre, subissait le sort de plusieurs amis du -surintendant, qui, sans être inculpés ni impliqués en -rien dans son procès, et même sans être entièrement en -disgrâce, avaient cependant, par mesure de précaution, -été envoyés en exil. Les amis du surintendant étaient -<span class="pagenum"><a id="Page_263"> 263</a></span> -aussi ceux de madame de Sévigné, et ils lui étaient devenus -plus chers depuis qu'ils étaient malheureux et persécutés. -Aussi se montrait-elle très-active dans sa correspondance -avec eux, afin d'avoir plus fréquemment de -leurs nouvelles, et de ne pas laisser échapper une seule -occasion de leur être utile.</p> - -<p>On connaît la noble conduite des gens de lettres envers -Fouquet, qui s'était montré leur protecteur éclairé. Tous -lui restèrent attachés dans son infortune<a id="FNanchor_439" href="#Footnote_439" class="fnanchor"> [439]</a>; et peut-être -est-ce le concours unanime de leurs écrits qui a le plus -contribué à intéresser si puissamment la postérité en sa -faveur et à couvrir d'un voile les torts graves qui avaient -fait de sa chute une des nécessités du bien public. Mademoiselle -de Scudéry ne cessa point de lui écrire pendant -tout le temps de sa captivité. Ce fut elle aussi qui s'éleva -avec le plus de force contre ceux qui prenaient occasion -des lettres trouvées dans les cassettes du surintendant -pour se permettre des insinuations calomnieuses contre -madame de Sévigné<a id="FNanchor_440" href="#Footnote_440" class="fnanchor"> [440]</a>.</p> - -<p>Les bruits qu'on répandait à ce sujet la tourmentaient -tellement, qu'elle s'adressait à tous ses amis pour les engager -à détruire ce qu'ils avaient d'injurieux à son égard. -Elle en écrivit à Ménage; mais lui n'avait pas attendu -ses instances pour s'acquitter de ce devoir, avec tout -le zèle que lui inspirait son vif et ancien attachement. -Dans la réponse qu'il lui adressa, il lui manda ce qu'il -avait déjà fait; et en même temps il lui donna des nouvelles -de la querelle survenue au sujet de la préséance -<span class="pagenum"><a id="Page_264"> 264</a></span> -des ambassadeurs de France et d'Espagne à Londres, -qui fut sur le point d'occasionner le renouvellement -de la guerre. C'est à cette lettre qu'elle répondit des -Rochers par celle qu'elle lui écrivit en date du 22 octobre.</p> - -<p>«Je me doutais, dit-elle, que vous auriez prévenu ma -prière, et qu'il ne fallait rien dire à un ami si généreux -que vous. Je suis au désespoir de ce qu'au lieu de vous -écrire, comme je le fis, je ne vous envoyai pas tout d'un -train une lettre de remercîments. Je m'en acquitte présentement, -et vous supplie de croire que j'ai toute la reconnaissance -que je dois de vos bontés. Je vous demande -un compliment à mademoiselle de Scudéry sur le même -sujet. Vous m'avez fait un extrême plaisir de me mander -le détail de la grande nouvelle dont il est présentement -question. Il n'en fallait pas une moindre pour faire oublier -toutes celles que l'on découvre tous les jours dans les cassettes -de M. le surintendant. Je voudrais de tout mon -cœur que cela le fît oublier lui-même<a id="FNanchor_441" href="#Footnote_441" class="fnanchor"> [441]</a>.»</p> - -<p>Il n'en était pas ainsi. Le procès de Fouquet se suivait -avec ardeur, mais le nombre de pièces qu'il fallait dépouiller -pour dresser un acte d'accusation de cette nature -était immense. Trois ans se passèrent avant que l'accusé -pût comparaître devant les magistrats commis pour le -juger. Le surintendant fut amené pour la première fois -devant ce tribunal illégal qu'il récusait, le 14 novembre -1664. Madame de Sévigné se trouvait alors à Paris. L'attention -générale était en quelque sorte concentrée sur cette -grande affaire. On s'en entretenait sans cesse; on en recueillait -<span class="pagenum"><a id="Page_265"> 265</a></span> -avec avidité les moindres détails de la bouche des -juges ou des personnes qui leur appartenaient. Madame -de Sévigné, outre le vif intérêt qu'elle y prenait elle-même, -avait encore un motif particulier pour s'informer -de tout avec exactitude. Elle s'était imposé la tâche de -tenir au courant de toutes les phases et de toutes les circonstances -du procès Simon de Pomponne et les autres -exilés amis du surintendant, de manière à les mettre à -portée d'apprécier avec exactitude les motifs de crainte ou -d'espérance qu'on pouvait avoir.</p> - -<p>Simon de Pomponne, devenu suspect au roi par son -amitié pour Fouquet<a id="FNanchor_442" href="#Footnote_442" class="fnanchor"> [442]</a> et son jansénisme, avait d'abord -été exilé à Verdun; mais, protégé par de Lionne, qui était -resté ministre, et aussi par Bertillac, trésorier de la reine -mère, de Pomponne, après un an de séjour à Verdun, eut -la permission de se rendre à La Ferté-sous-Jouarre, où des -affaires de famille réclamaient sa présence<a id="FNanchor_443" href="#Footnote_443" class="fnanchor"> [443]</a>. De Pomponne -resta dix-huit mois à La Ferté-sous-Jouarre. Ce ne fut -qu'après ce temps écoulé qu'il lui fut permis de se retirer -à sa terre de Pomponne; et c'est là que madame de Sévigné -lui adressait les lettres où elle lui rendait compte de -ce qui se passait à Paris, et surtout de tout ce qui concernait -le procès de Fouquet.</p> - -<p>Toutes les lettres que de Pomponne recevait de madame -de Sévigné, il les communiquait à son père, le célèbre -Arnauld d'Andilly, qui se trouvait alors avec lui, et qu'on -avait forcé aussi, à cause du surintendant, de s'éloigner -<span class="pagenum"><a id="Page_266"> 266</a></span> -de Port-Royal. Ces mêmes lettres étaient ensuite transmises -au château de Fresne, peu éloigné de celui de Pomponne<a id="FNanchor_444" href="#Footnote_444" class="fnanchor"> [444]</a>. -Madame de Guénégaud, qui revint à Paris et rejoignit -madame de Sévigné avant la fin du procès, madame -Duplessis-Bellière<a id="FNanchor_445" href="#Footnote_445" class="fnanchor"> [445]</a>, et d'autres exilés amis et amies -du surintendant, s'adressaient à de Pomponne pour en -avoir des nouvelles, et pour s'informer de ce que madame -de Sévigné lui en avait écrit. Madame de Sévigné ne l'ignorait -pas. Aussi écrivait-elle exactement ce qu'elle appelait -elle-même la gazette du procès.</p> - -<p>Les lettres qui renferment cette gazette sont peut-être -de tous les écrits qui nous restent de madame de Sévigné -ceux qui témoignent le plus de la sensibilité de son cœur, -de sa grandeur d'âme, de sa constance et de son désintéressement -dans le commerce de l'amitié. Lorsqu'elle les -écrivit, elle était, ainsi qu'on le verra bientôt, en grande -faveur à la cour. Elle avait autant d'admiration que d'affection -pour Louis XIV; elle pensait déjà à l'établissement -de sa fille; et ces nouveaux liens, ces intérêts si -grands et si chers, ne l'arrêtèrent pas, et ne l'empêchèrent -point de manifester les tendres et vives sympathies qui -l'attachaient toujours à ses anciens amis, en butte aux rigueurs -du pouvoir, et d'épancher tous les sentiments que -lui inspiraient ses vives anxiétés sur le sort qui attendait -le malheureux surintendant.</p> - -<p>Madame de Sévigné ne doutait point que les lettres -qu'elle écrivait à de Pomponne ne fussent décachetées et -<span class="pagenum"><a id="Page_267"> 267</a></span> -lues par les agents du gouvernement; mais elle ne s'en -inquiète pas, et elle mande à son correspondant que pour -continuer à lui écrire, elle a seulement besoin de savoir -si ses lettres lui parviennent<a id="FNanchor_446" href="#Footnote_446" class="fnanchor"> [446]</a>.</p> - -<p>Ces lettres parurent pour la première fois en 1756, -dans un recueil séparé, dont l'éditeur est resté inconnu<a id="FNanchor_447" href="#Footnote_447" class="fnanchor"> [447]</a>.</p> - -<p>La première de ces lettres est datée du 17 novembre -1664; la dernière, du mois de janvier 1665, ce qui comprend -un intervalle de temps d'un mois et demi<a id="FNanchor_448" href="#Footnote_448" class="fnanchor"> [448]</a>. Ces -lettres renferment les seuls détails authentiques relatifs -au procès de Fouquet étrangers aux actes juridiques et -aux actes officiels; et, dans un procès de cette nature, ces -détails sont les plus intéressants et même les plus importants -de tous, parce que les récits qu'ils contiennent sont -les vraies pièces d'après lesquelles la postérité juge les -juges et l'accusation.</p> - -<p>Dans ces lettres, madame de Sévigné ne nomme jamais -l'illustre accusé que <i>notre cher ami</i><a id="FNanchor_449" href="#Footnote_449" class="fnanchor"> [449]</a>; et tous les traits de -présence d'esprit, de fermeté et de dignité de caractère -qu'il déploie, elle les note avec soin, et n'oublie aucune -des circonstances, quelque minutieuses qu'elles soient, qui -peuvent leur donner du relief. En les racontant, elle verse -des larmes<a id="FNanchor_450" href="#Footnote_450" class="fnanchor"> [450]</a>. Elle n'approuve pas cependant que son ami -s'impatiente contre ses juges; quelquefois elle dit: «Cette -manière n'est pas bonne. Il se corrigera; mais, en vérité, -<span class="pagenum"><a id="Page_268"> 268</a></span> -la patience échappe, et il me semble que je ferais tout -comme lui<a id="FNanchor_451" href="#Footnote_451" class="fnanchor"> [451]</a>.»</p> - -<p>A mesure qu'approche l'instant qui doit décider du sort -de Fouquet, madame de Sévigné ne paraît plus susceptible -de s'occuper d'autre chose, et, au lieu de vouloir se -distraire de sa douleur, elle se complaît dans tout ce qui -la lui rappelle, dans tout ce qui peut l'accroître. Elle se -transporte dans une maison voisine de l'Arsenal, uniquement -pour voir passer Fouquet; et, protégée par son -masque, elle a enfin cette triste satisfaction; mais ses -jambes tremblent, et son cœur bat si fort qu'elle est sur -le point de se trouver mal<a id="FNanchor_452" href="#Footnote_452" class="fnanchor"> [452]</a>.</p> - -<p>Madame de Sévigné fait ressortir, avec une raillerie -piquante ou une indignation amère, la partialité de certains -juges, leur lâcheté, et l'animosité de Colbert, qu'elle -appelle <i>Petit</i><a id="FNanchor_453" href="#Footnote_453" class="fnanchor"> [453]</a>. Ce n'est pas qu'elle s'aveugle entièrement -sur les torts de son ami. Elle comprenait bien quelles -étaient les parties faibles ou glissantes, comme elle les appelle, -de la défense<a id="FNanchor_454" href="#Footnote_454" class="fnanchor"> [454]</a>; mais elles augmentaient ses peines, -sans rien diminuer de sa compassion. Ce qui lui importait -dans cette cause n'était pas la culpabilité ou l'innocence -de l'accusé; c'était le danger qui le menaçait, et les chances -qu'il pouvait avoir d'y échapper ou d'y succomber. Et à -cet égard les différentes phases du procès et les alternatives -de crainte et d'espérance qu'elles faisaient naître -la tenaient dans un état d'angoisse que sa plume nous -peint à merveille.</p> - -<p>«Je ne crois pas, dit-elle, qu'il m'ait reconnue; mais je -<span class="pagenum"><a id="Page_269"> 269</a></span> -vous avoue que j'ai été extrêmement saisie quand je l'ai -vu entrer dans cette petite porte. Si vous saviez combien -on est malheureux quand on a le cœur fait comme je l'ai, -vous auriez pitié de moi; mais je pense que vous n'en êtes -pas quitte à meilleur marché, de la manière dont je vous -connais. J'ai été voir votre chère voisine (madame Duplessis-Guénégaud); -je vous plains autant de ne l'avoir plus, -que nous nous trouvons heureux de l'avoir. Nous avons -bien parlé de notre cher ami (Fouquet). Elle a vu Sapho -(mademoiselle Scudéry), qui lui a donné du courage. Pour -moi, j'irai demain en reprendre chez elle; car de temps en -temps je sens que j'ai besoin de reconfort. Ce n'est pas que -l'on ne dise mille choses qui doivent donner de l'espérance; -mais, mon Dieu, j'ai l'imagination si vive, que tout, -ce qui est incertain me fait mourir<a id="FNanchor_455" href="#Footnote_455" class="fnanchor"> [455]</a>.»</p> - -<p>A cette époque la pénurie des finances et le système -d'économie substitué par Colbert à celui des emprunts -firent supprimer un quartier des rentes sur l'hôtel de -ville, ce qui ajouta encore au mécontentement qu'occasionnait -le procès de Fouquet. Madame de Sévigné avait -de ces rentes, et elle dit au sujet du retranchement et du -procès: «L'émotion est grande, mais la dureté l'est encore -plus. Ne trouvez-vous pas que c'est entreprendre bien -des choses à la fois? Celle qui me touche le plus n'est pas -celle qui me fait perdre une partie de mon bien<a id="FNanchor_456" href="#Footnote_456" class="fnanchor"> [456]</a>.»</p> - -<p>Il est souvent fait mention dans ces lettres du vieil -ami, c'est-à-dire du père de M. de Pomponne, d'Arnauld -d'Andilly, qui, malgré son grand âge, suivait avec un vif -intérêt tous les détails du fameux procès. Le chancelier -<span class="pagenum"><a id="Page_270"> 270</a></span> -Pierre Seguier, dévoué à Colbert, présidait le tribunal -avec une révoltante partialité. Comme il affectait une dévotion -sévère, et que le chef-d'œuvre de Molière, le <i>Tartufe</i>, -faisait alors grand bruit, Arnauld d'Andilly disait -au sujet de Seguier, que c'était Pierrot métamorphosé en -Tartufe<a id="FNanchor_457" href="#Footnote_457" class="fnanchor"> [457]</a>. Madame de Sévigné fut si charmée de ce bon -mot, qu'elle déclara être au désespoir de ne l'avoir pas dit -la première. Le même aveu lui échappe, et elle éprouve le -même plaisir, toutes les fois qu'on lui raconte une saillie, -un trait d'esprit, une réflexion juste, une maxime utile, -exprimée d'un manière vive et piquante.</p> - -<p>Pendant tout le cours du procès madame de Sévigné -allait souvent dîner à l'hôtel de Nevers<a id="FNanchor_458" href="#Footnote_458" class="fnanchor"> [458]</a>, chez madame -Duplessis-Guénégaud, dont le mari, autrefois ministre -et secrétaire d'État, se trouvait impliqué dans la disgrâce -du surintendant. Madame Duplessis-Guénégaud avait, -pendant la Fronde, servi la cour avec zèle, en cherchant -à réconcilier le prince de Condé avec la reine. C'était une -femme d'un grand sens, spirituelle, pleine de bonté et de -dévouement pour ses amis. «Avec elle, dit madame de -<span class="pagenum"><a id="Page_271"> 271</a></span> -Motteville, on goûtait le véritable plaisir de la société -agréable et vertueuse. Madame de Sévigné, qui trouvait -dans le cœur de madame de Guénégaud les mêmes sympathies -que celles qu'elle éprouvait, sentait encore s'augmenter -l'affection qu'elle avait pour elle. Rien n'étreint -plus fortement les nœuds de l'amitié que lorsqu'on participe -aux mêmes peines et aux mêmes émotions.</p> - -<p>Il ne suffisait pas à madame de Sévigné de s'apitoyer -sur le sort de son ami: elle agissait vivement, et sollicitait -en sa faveur d'Ormesson, qui, nommé juge rapporteur -du procès, pouvait avoir une si grande influence sur le -jugement.</p> - -<p>«Voilà qui est donc fait, dit-elle, c'est à M. d'Ormesson -à parler; il doit récapituler toute l'affaire: cela durera -encore toute la semaine prochaine, c'est-à-dire qu'entre ci -et là ce n'est pas vivre que la vie que nous passerons. -Pour moi, je ne suis pas reconnaissable, et je ne crois pas -que je puisse aller jusque là. M. d'Ormesson m'a priée de -ne plus le voir que l'affaire ne soit jugée. Il est dans le -conclave, il ne veut pas avoir de commerce avec le monde; -il affecte une grande réserve; il ne parle point, il écoute: -et j'ai eu ce plaisir, en lui disant adieu, de lui dire tout -ce que je pense<a id="FNanchor_459" href="#Footnote_459" class="fnanchor"> [459]</a>.»</p> - -<p>La famille de Fouquet et ses affidés ne croyaient point -qu'il pût être condamné à mort. Cette sécurité faisait mal -à madame de Sévigné, intimement liée avec plusieurs ennemis -du surintendant: elle n'ignorait ni leurs dispositions, -ni leur puissance, ni les intentions du roi. Aussi -elle n'aimait à parler de cette affaire qu'avec madame Duplessis-Guénégaud, -<span class="pagenum"><a id="Page_272"> 272</a></span> -qui partageait toutes ses craintes. -Cependant elle écrivait: «Au fond de mon cœur, j'ai un -petit brin d'espérance. Je ne sais d'où il me vient et où il -va; et même il n'est pas assez grand pour que je puisse -dormir en repos<a id="FNanchor_460" href="#Footnote_460" class="fnanchor"> [460]</a>.»</p> - -<p>Si l'arrêt est tel qu'elle peut l'espérer, elle pense à la -joie qu'elle aura d'envoyer un courrier, à bride abattue, -porter cette nouvelle à de Pomponne. Toutes ses craintes -se renouvellent, parce qu'elle a su que le roi avait dit à son -lever «que Fouquet était un homme dangereux<a id="FNanchor_461" href="#Footnote_461" class="fnanchor"> [461]</a>». Et en -effet un tel propos de la part du roi, dans la situation -où se trouvait l'affaire, était une condamnation; c'était -ravir l'indépendance aux juges et l'impartialité à la -justice.</p> - -<p>Aussi, lorsque madame de Sévigné apprit que d'Ormesson -avait opiné au bannissement perpétuel de l'accusé et -à la confiscation de tous ses biens, elle s'en réjouit, et, en -annonçant cette nouvelle à de Pomponne, elle ajoute: -«M. d'Ormesson a couronné par là sa réputation. L'avis -est un peu sévère; mais prions Dieu qu'il soit suivi.» En -effet, le rapport de M. d'Ormesson et son opinion modérée -lui donnèrent dans le monde la réputation d'un -homme de talent et de courage.</p> - -<p>Les premiers juges qui opinèrent après le rapporteur -furent Saint-Hélène et Pussort, l'oncle de Colbert. Fouquet, -mais en vain, les avait récusés tous deux. Ils conclurent -à ce que l'accusé eût la tête tranchée. Mais un des -juges, nommé Berrier, voué à Colbert et à toutes ses haines, -<span class="pagenum"><a id="Page_273"> 273</a></span> -devint fou pendant qu'on était aux opinions, et avant -le jugement. Dans cet intervalle aussi une comète apparut; -M. de Neuré, fameux astrologue, assurait qu'elle était -d'une grandeur considérable. Tout cela mit les esprits en -émoi, et ajoutait aux agitations de madame de Sévigné. -C'est très-sérieusement qu'elle entretient de Pomponne du -pronostic de cette comète. Ce n'étaient pas seulement les -femmes qui croyaient alors à l'influence des astres sur les -affaires humaines<a id="FNanchor_462" href="#Footnote_462" class="fnanchor"> [462]</a>, c'étaient aussi des hommes remarquables -par leur esprit et leurs lumières. Cependant Fouquet -n'avait pas cette faiblesse; et lorsqu'il sut que l'on -rattachait l'apparition de la comète à ce qui lui arrivait -de personnel, il dit spirituellement: «La comète me fait -trop d'honneur<a id="FNanchor_463" href="#Footnote_463" class="fnanchor"> [463]</a>.»</p> - -<p>Mais plus le moment qui devait décider de son sort, -s'approchait, plus l'on s'occupait de lui, plus s'augmentaient -aussi les anxiétés de madame de Sévigné. -«Tout le monde, dit-elle, s'intéresse dans cette grande -affaire. On ne parle d'autre chose; on raisonne, on tire -des conséquences, on compte sur ses doigts, on s'attendrit, -on craint, on souhaite, on hait, on admire, on est -triste, on est accablé; enfin, mon pauvre monsieur, c'est -une chose extraordinaire que l'état où l'on est présentement, -c'est une chose divine que la résignation et la fermeté -de notre cher malheureux. Il sait tous les jours ce -qui se passe, et il faudrait faire des volumes à sa -louange<a id="FNanchor_464" href="#Footnote_464" class="fnanchor"> [464]</a>.»</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_274"> 274</a></span> -Enfin, le samedi 20 décembre madame de Sévigné -envoie un courrier à de Pomponne, pour lui annoncer que -Fouquet a la vie sauve. Dans la lettre qu'elle écrivit -ensuite, quoiqu'elle ait appris que le roi avait aggravé la -peine, changé l'exil en prison et refusé à Fouquet sa -femme, elle ne veut pas que de Pomponne rabatte rien de -la joie qu'a dû lui causer l'arrivée de son courrier. «La -mienne, dit-elle, est augmentée s'il se peut, et le procédé -me fait mieux voir la grandeur de notre victoire.» Elle -avait raison: le roi prouvait par cet abus de sa puissance -combien il avait compté sur la condamnation à la -peine capitale<a id="FNanchor_465" href="#Footnote_465" class="fnanchor"> [465]</a>. Fouquet ne l'ignorait pas, ainsi que le -prouve le passage suivant de la lettre où madame de Sévigné -raconte ce qui eut lieu lorsqu'on reconduisit le surintendant -en prison, après qu'il eut entendu la lecture de -l'arrêt qui le condamnait. «Cependant M. Fouquet est allé -dans la chambre de M. d'Artagnan: pendant qu'il y était, -il a vu par la fenêtre passer M. d'Ormesson, qui venait de -reprendre quelques papiers qui étaient entre les mains de -M. d'Artagnan. M. Fouquet l'a aperçu; il l'a salué avec -un visage ouvert et plein de joie et de reconnaissance; il -lui a même crié qu'il était son humble serviteur. M. d'Ormesson -lui a rendu son salut avec une grande civilité, -et s'en est venu, le cœur tout serré, me conter ce qu'il -avait vu<a id="FNanchor_466" href="#Footnote_466" class="fnanchor"> [466]</a>.»</p> - -<p>Comme on avait séparé Fouquet, non-seulement de sa -femme, mais de son médecin resté son ami, et de son plus -fidèle domestique, on crut que ses ennemis, après l'avoir -<span class="pagenum"><a id="Page_275"> 275</a></span> -vu échapper à regret à une exécution publique, avaient -formé le projet de l'empoisonner. En tout temps, une -des premières punitions que subissent ceux qui tiennent -le pouvoir quand ils s'écartent des formes de la justice -est d'être aussitôt jugés capables des crimes les plus -odieux.</p> - -<p>«Si vous saviez, dit madame de Sévigné, comme cette -cruauté paraît à tout le monde, de lui avoir ôté Pecquet et -Lavallée! C'est une chose inconcevable; on en tire des conséquences -fâcheuses, dont Dieu le préserve, comme il a -fait jusque ici!» Puis après cette citation, <i>Tantæne animis -cœlestibus iræ</i>, qui prouve ses études classiques, elle -ajoute: «Mais non, ce n'est point de si haut que cela -vient. De telles vengeances, rudes et basses, ne sauraient -partir d'un cœur comme celui de notre maître. On se sert -de son nom, et on le profane, comme vous voyez.» Cependant -elle a vu le même jour la comète avec sa longue -queue, et elle y met une partie de ses espérances<a id="FNanchor_467" href="#Footnote_467" class="fnanchor"> [467]</a>. Puis -ses soupçons lui reviennent, et elle écrit à son correspondant: -«Soyons comme lui, ayons du courage, et ne nous -accoutumons pas à la joie que nous donna l'admirable -arrêt de samedi. Il a couru un bruit qu'il était malade. -Tout le monde disait: Quoi, déjà<a id="FNanchor_468" href="#Footnote_468" class="fnanchor"> [468]</a>!...»</p> - -<p>Il fallait que la crainte de voir condamner à mort le -surintendant eût été bien forte et bien générale, pour que -madame de Sévigné donnât l'épithète d'admirable à un -arrêt qui consommait la ruine totale de l'accusé et le condamnait -à un exil perpétuel. Tous ceux qui à la cour lui -étaient attachés dans son malheur s'efforçaient de lire sur -<span class="pagenum"><a id="Page_276"> 276</a></span> -le visage du monarque l'espérance d'un meilleur avenir. -Mais madame de Sévigné, à qui Louis XIV n'adressa jamais -que des paroles agréables et flatteuses, nous prouve, -par ce qu'elle dit de lui à ce sujet, qu'il eut dès sa jeunesse -cet air digne et réservé qui ne permettait pas de pouvoir -deviner aucune des pensées qui l'occupaient ou des -sentiments dont il était agité, et qu'il conservait même au -milieu des fêtes et des plaisirs cet aspect sévère qui imposait -à tous ceux qui l'approchaient. Après avoir raconté à -de Pomponne les détails qu'elle a appris sur le voyage de -Fouquet à sa prison de Pignerol, d'où il ne devait plus -sortir, elle parle ensuite des égards que d'Artagnan, chargé -de le conduire, avait pour lui. «On espère toujours des -adoucissements à son sort; je les espère aussi. L'espérance -m'a trop bien servie pour l'abandonner. Ce n'est -pas que toutes les fois qu'à nos ballets je regarde notre -maître, ces deux vers du Tasse ne me reviennent en mémoire:</p> - -<p class="quote">Goffredo ascolta, e in rigida sembianza<br /> -Porge più di timor che di speranza<a id="FNanchor_469" href="#Footnote_469" class="fnanchor"> [469]</a>.»</p> - -<p>Louis XIV avait trop de grandeur d'âme et un cœur -trop généreux pour conserver du ressentiment contre ceux -qui s'étaient montrés sensibles à l'amitié et étaient restés -fidèles à l'infortune. Les amis et les parents de Fouquet -rentrèrent en grâce auprès du jeune monarque; plusieurs -même jouirent de toute sa faveur, et firent un chemin -rapide; mais il ne se relâcha en rien de ses rigueurs -contre le prisonnier de Pignerol. Le temps travaille vite -<span class="pagenum"><a id="Page_277"> 277</a></span> -pour ceux qui sont heureux. Bientôt Fouquet, avec lequel -il était devenu impossible de communiquer, pour lequel -il était défendu de solliciter, fut oublié. Ceux même -qui l'avaient chéri le plus, qui lui avaient donné les plus -grandes preuves de dévouement, satisfaits d'avoir, par la -courageuse conduite qu'ils avaient tenue au moment du -procès, contribué à lui sauver la vie, n'en parlèrent plus. -De nouveaux événements, plus importants, se succédèrent -avec rapidité, et attirèrent l'attention publique. Madame -de Sévigné, dans une lettre écrite à sa fille huit ans -après le jugement rendu contre Fouquet, nous apprend -qu'il supportait héroïquement sa prison<a id="FNanchor_470" href="#Footnote_470" class="fnanchor"> [470]</a>, et qu'il espérait -de voir alléger sa peine. Mais la manière dont elle en -parle prouve bien que, même chez elle, le souvenir de -cet ami de sa jeunesse s'était affaibli avec les années, et -qu'entièrement livrée à d'autres intérêts et d'autres affections, -elle en était peu préoccupée. Les espérances qu'avait -alors Fouquet de voir se relâcher les rigueurs de sa -captivité furent encore longues à se réaliser; car ce ne fut -que dix ans après qu'il lui fut permis de s'entretenir -avec sa femme<a id="FNanchor_471" href="#Footnote_471" class="fnanchor"> [471]</a>. C'était l'époque où Lauzun fut aussi enfermé -à Pignerol<a id="FNanchor_472" href="#Footnote_472" class="fnanchor"> [472]</a>. Les chambres des deux prisonniers -étaient l'une au-dessous de l'autre. Par un trou que Lauzun -pratiqua, il parvint à communiquer avec Fouquet<a id="FNanchor_473" href="#Footnote_473" class="fnanchor"> [473]</a>. -Quelle fut la surprise de celui-ci, qui depuis quinze ans -<span class="pagenum"><a id="Page_278"> 278</a></span> -avait été tenu au secret, et dans une ignorance complète -de tout ce qui s'était passé dans le monde, de voir ce Puiguilhem, -ce cadet de Gascogne, qu'il avait laissé jeune -homme, pointant à peine à la cour, lui raconter comment -il avait été fait général des dragons, capitaine des gardes -du corps, général d'armée; puis lui donner les détails des -dispositions prises pour son mariage avec la grande <span class="small1">Mademoiselle</span>, -mariage qui devait se faire avec le consentement -du roi! Fouquet crut que Puiguilhem était devenu -fou, et n'était enfermé que pour cette cause; sa surprise -fut au comble lorsqu'on lui assura que M. de Lauzun n'avait -rien dit qui ne fût vrai<a id="FNanchor_474" href="#Footnote_474" class="fnanchor"> [474]</a>. Enfin la captivité de Fouquet -devint moins sévère; il put voir sa famille, et même -les officiers et les habitants de la ville de Pignerol<a id="FNanchor_475" href="#Footnote_475" class="fnanchor"> [475]</a>. Il -paraît qu'on finit alors par lui accorder la permission de -sortir de sa prison, pour aller aux eaux de Bourbonne y -rétablir sa santé. Si cette permission fut accordée, elle -parvint trop tard à Pignerol; Fouquet n'était déjà plus. -Dans une lettre datée du 3 avril 1680, madame de Sévigné -exprime en deux ou trois lignes le chagrin que lui -cause l'annonce de cette mort; mais elle paraît en même -temps bien plus affectée de légères altérations qu'éprouvait -alors la santé de madame de Grignan, que de la perte -de cet ami de sa jeunesse<a id="FNanchor_476" href="#Footnote_476" class="fnanchor"> [476]</a>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_279"> 279</a></span> -Ainsi, cet homme dont l'existence avait eu tant de -splendeur et d'éclat, et qui pendant les neuf dernières -années de sa prospérité avait été entouré de tant de -clients, de protégés, de partisans et de flatteurs; qui avait -eu si souvent pour hôtes, à sa table, des rois et des reines; -qui, avide de toutes les jouissances des sens et de l'esprit, -s'était saturé de toutes les délices de la vie, après une -captivité qui dura dix-neuf ans, disparut du monde, tellement -oublié, tellement délaissé, obscur, inaperçu, que -ce fut un problème, même parmi ses amis d'autrefois, -de savoir s'il était mort en prison, ou quelques jours après -avoir recouvré sa pleine et entière liberté<a id="FNanchor_477" href="#Footnote_477" class="fnanchor"> [477]</a>.</p> - -<p>Voltaire lui-même ayant paru incertain sur le lieu où -mourut Fouquet, on a, selon l'usage, cherché à fonder -sur ce doute les plus étranges romans. On a fait du surintendant -un ermite des Cévennes, et on a voulu trouver -en lui l'Homme au masque de fer. Aujourd'hui aucun -doute sur ce sujet n'est permis pour qui sait apprécier la -valeur des preuves historiques, et dégager leur lumière -vive et pure des brouillards dont la crédulité et l'amour -du merveilleux se plaisent souvent à l'envelopper. Des -actes authentiques et notariés et la correspondance de -Louvois avec Saint-Mars démontrent que Fouquet est -mort à Pignerol, où alors se trouvaient présents sa femme -et un de ses fils, auxquels son corps fut livré pour être inhumé -selon leur volonté<a id="FNanchor_478" href="#Footnote_478" class="fnanchor"> [478]</a>. Cette mort presque subite contraria -<span class="pagenum"><a id="Page_280"> 280</a></span> -les généreuses intentions de Louis XIV et de ses -ministres, qui depuis longtemps avaient résolu de donner -la liberté au surintendant<a id="FNanchor_479" href="#Footnote_479" class="fnanchor"> [479]</a>. A cette époque (en 1680) -les ministres savaient que Fouquet n'était plus à craindre -pour eux; qu'il ne pouvait plus participer aux affaires, -ni rentrer en grâce auprès du monarque. Le temps avait -diminué l'importance des secrets d'État qui avaient -forcé Louis XIV à faire subir à Fouquet une si longue et si -dure incarcération. Les événements qui s'étaient passés -avaient cessé d'en faire craindre la divulgation. La mort -de Fouquet enleva à Louis XIV tout le fruit de sa tardive -clémence, et vint donner à une juste punition ce caractère -d'implacable cruauté, qui eût disparu si ce grand coupable, -devenu un homme sage et pieux, eût passé les -restes d'une vie qui pouvait encore longtemps se prolonger, -auprès de son héroïque femme et dans le sein de sa -famille, encore riche, heureuse et puissante, par les bienfaits -du monarque. Les graves délits du surintendant -furent oubliés; on ne se souvint plus que de ses talents, -de sa prospérité, de sa chute et de ses souffrances. Sa -mort, qui sembla prématurée, fit même soupçonner un -crime; et le procès qui lui fut fait est devenu le canevas -banal sur lequel aiment à broder ceux qui s'imposent la -tâche facile d'émouvoir la sensibilité des lecteurs vulgaires, -et qui ne voient dans les actes du pouvoir que des motifs -<span class="pagenum"><a id="Page_281"> 281</a></span> -de haine, de vengeance, et d'odieuse tyrannie; et dans -ceux qu'il est obligé de frapper, que des héros du malheur -et des victimes innocentes.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_282"> 282</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE XX.<br /> -<span class="medium">1662-1663.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Louis XIV prend en main les rênes de son gouvernement.—Situation -critique des affaires.—Ses réformes.—Ordre qu'il introduit -dans les finances.—Il assure la préséance de ses ambassadeurs.—Sépare -le pouvoir judiciaire du pouvoir administratif, et restreint -la puissance des gouverneurs de place.—Nomination de Péréfixe -à l'archevêché de Paris.—Prédications de Bossuet.—L'activité -des esprits trouve un aliment dans les controverses religieuses.—Commencements -des persécutions religieuses.—Mesures de -Louis XIV contre le jansénisme et les protestants.—Zèle religieux -du prince de Conti.—L'opposition politique ne se manifeste que -par des vaudevilles et des épigrammes.—Goût de la nation pour la -littérature dramatique.—Protection accordée par Louis XIV aux -gens de lettres; bienfaits qu'il répand sur eux.—Corneille se remet -à composer pour le théâtre, et donne <i>Sertorius</i>.—Il fait des vers à -la louange du roi.—Libelle de l'abbé d'Aubignac contre Corneille.—Succès -de l'<i>École des Femmes</i>.—Guerre littéraire qu'il occasionne.—Molière -répond à ses ennemis par la <i>Critique de l'École -des Femmes</i>.—Vers de Boileau à sa louange.—Boileau n'avait -rien publié, mais ses premières Satires étaient connues.—Nouvelle -génération d'écrivains qui fait la guerre aux coteries littéraires.—Vives -attaques de Boileau.—Racine commence en province; il -est lié avec La Fontaine.—Ces quatre poëtes jettent un vif éclat sur -le règne de Louis XIV.—Ce roi, après avoir organisé l'État, s'occupe -de régler sa cour.—Différence de la position des souverains -de cette époque avec ceux d'aujourd'hui.—La cour renfermait alors -en hommes tout ce qui faisait la gloire et la force du pays.—Molière -ne put peindre impunément les ridicules que parce qu'il était -protégé par le roi.—Boileau fut obligé de modérer l'âcreté de ses -Satires.—Nominations de cordons bleus.—Condé est admis à en -choisir un.—Il nomme Guitaut, ami de madame de Sévigné, son -voisin en Bourgogne.—Fureur du comte de Coligny à ce sujet. Louis -<span class="pagenum"><a id="Page_283"> 283</a></span> -XIV institue les justaucorps bleus.—Privilége qu'il y attache.—Il -s'occupe de ses fêtes aussi bien que de ses négociations.—Ballet -d'<i>Hercule amoureux</i>.—Beau carrousel donné en 1662.—Louis -XIV se laisse aller à son penchant pour les femmes.—La -cour est remplie d'intrigues amoureuses.—La comtesse de Soissons -est contre La Vallière.—Ne pouvant réussir auprès du roi, elle -favorise ses amours avec La Mothe-Houdancourt.—La Vallière en -conçoit un si grand chagrin, qu'elle se retire à Chaillot.—Le roi -va la reprendre.—Intrigue coupable ourdie par la comtesse de -Soissons, Vardes et mademoiselle Montalais, pour faire chasser La -Vallière.—Intrigues de <span class="small1">Madame</span> avec le comte de Guiche, de La -Mothe-Houdancourt avec le comte de Gramont.—Toutes ces intrigues -n'aboutissent qu'à faire expulser de la cour la comtesse de -Soissons, le comte de Gramont, le comte de Guiche, et occasionnent -la disgrâce, non méritée, du duc et de la duchesse de Navailles.—Corbinelli, -l'ami de madame de Sévigné, mêlé dans l'affaire de -mademoiselle Montalais et du comte de Guiche.—Point de lettres -de madame de Sévigné pendant cette année; elle s'éloigne peu de -la capitale.—Madame de La Fayette, pendant qu'elle en était -absente, dut l'instruire de ce qui se passait à Fontainebleau, à Saint-Cloud, -à Versailles.—Madame de Sévigné présente à la cour sa -fille, qui figure dans les ballets royaux.—Liée avec les religieuses -de Sainte-Marie, elle a dû assister au panégyrique de saint François -de Sales.—Corbinelli est membre d'une académie italienne.—Le -<i>Grand Dictionnaire des Précieuses</i> paraît.—Portrait que -l'auteur fait de madame de Sévigné et de Corbinelli.</p> - -<p class="space">Revenons sur nos pas. Oublions Fouquet, Mazarin, la -Fronde, l'hôtel de Rambouillet, et toutes les intrigues et -tous les acteurs de ces temps: ils ne sont plus. Louis XIV -règne; et, comme il le dit lui-même dans le premier conseil -qu'il tint, «La face du théâtre change<a id="FNanchor_480" href="#Footnote_480" class="fnanchor"> [480]</a>». Elle change -en effet, avec la rapidité qu'imprime toujours aux affaires -et aux destinées d'un grand État l'homme qui, né pour -<span class="pagenum"><a id="Page_284"> 284</a></span> -commander aux autres, est appelé à exercer le pouvoir -quand toutes les résistances ont cessé, et que tous les partis -se sont mutuellement anéantis par leurs excès<a id="FNanchor_481" href="#Footnote_481" class="fnanchor"> [481]</a>. Dans -cette première année, où il eut à lutter contre tous les embarras -d'une disette<a id="FNanchor_482" href="#Footnote_482" class="fnanchor"> [482]</a>, Louis XIV licencia la plus grande -partie de son armée, et rendit ainsi, sans trouble, une -foule de bras à l'agriculture et à l'industrie; il établit -l'ordre et l'économie dans toutes les parties de l'administration; -réduisit le taux des impôts, qui était excessif, -et cependant augmenta leurs produits par de fortes réductions -dans les frais de perception, et par une répartition -plus égale. Les habitants du Boulonais, se trouvant lésés -par les mesures qu'il prit à cet effet, se révoltèrent; il les -châtia sévèrement. «La coutume de nos voisins (dit-il -dans ses Instructions au Dauphin, en parlant de cette révolte -et de la promptitude qu'il mit à la réprimer) est -d'attendre leurs ressources des révolutions de la France<a id="FNanchor_483" href="#Footnote_483" class="fnanchor"> [483]</a>.» -Il régla toutes ses dépenses sur le pied de paix, et en -même temps éleva son revenu sur le pied de guerre; imitant -ainsi la politique des Romains, chez qui la guerre -était toujours populaire, parce que pour y subvenir on -répandait l'aisance parmi les citoyens, en dissipant les -trésors amassés pendant la paix. Louis XIV dans cette -même année acquit, par une cession, des droits sur la -Lorraine et le Barrois<a id="FNanchor_484" href="#Footnote_484" class="fnanchor"> [484]</a>, et acheta Dunkerque au roi d'Angleterre. -Il protégea le Portugal contre l'Espagne, l'empereur -<span class="pagenum"><a id="Page_285"> 285</a></span> -et Venise contre les Turcs, l'électeur de Mayence -contre ses sujets, la Hollande contre l'Angleterre et contre -l'évêque de Munster. A Londres et à Rome, il assura -le rang de préséance à ses ambassadeurs, avec une fermeté -et une hauteur qui étonnèrent l'Europe, accrurent -la dignité de sa couronne, et imprimèrent un grand respect à -son nom<a id="FNanchor_485" href="#Footnote_485" class="fnanchor"> [485]</a>. Il mit tous ses soins à régulariser l'action -de la puissance royale, de manière à empêcher les factions -de renaître. Il cassa des arrêts que le parlement avait rendus -pour la libre circulation des grains. Par lui, le pouvoir -judiciaire se trouva nettement séparé du pouvoir civil, -et le pouvoir administratif de la force militaire. Afin -de tenir celle-ci dans une dépendance plus étroite, il ne -donna plus aux commandants des places de guerre et -aux titulaires des grands gouvernements, des provisions -que pour trois ans<a id="FNanchor_486" href="#Footnote_486" class="fnanchor"> [486]</a>.</p> - -<p>Le cardinal de Retz fut amené à donner sa démission -pure et simple de son archevêché de Paris; et Louis XIV, -en nommant à ce premier siége du royaume Péréfixe, qui -avait été son précepteur et lui était tout dévoué, ajoutait -encore à la stabilité du trône par la sanction que la religion -lui donne<a id="FNanchor_487" href="#Footnote_487" class="fnanchor"> [487]</a>. La puissance de la religion sur les esprits -était grande alors. Le jeune Bossuet, par sa profonde doctrine, -<span class="pagenum"><a id="Page_286"> 286</a></span> -par son zèle de missionnaire, par sa chaleur d'apôtre, -par son éloquence inégale, mais souvent sublime, -donnait à cette époque un vif éclat à la chaire évangélique. -Les excellents traités des solitaires de Port-Royal, -et les lettres piquantes de Pascal, alors si répandues et si -goûtées, donnaient aux prédicateurs un auditoire préparé -à tout ce que la croyance catholique peut acquérir d'empire -sur les esprits. Banni du domaine de la politique, le -génie de la controverse, des cabales et des partis s'était -réfugié dans les régions de la théologie. A cet égard le -jeune roi se montra moins sage que Mazarin; il commença -dès lors à s'engager dans la route qui contribua tant à rendre -déplorable la fin de son règne, si lumineux à son matin, -si éclatant à son midi. Il voulut employer la contrainte -là où la contrainte ne peut rien. Il commença par de légères -mais injustes persécutions contre les jansénistes et -les protestants, quoique les premiers professassent, dans -leurs déclarations du moins, la plus entière soumission -au pape et à son autorité, et que le culte des seconds se -trouvât sous la protection des édits rendus par les prédécesseurs -de Louis XIV et confirmés par lui. Un grand -nombre de temples protestants, qu'on prétendit avoir été -ouverts contrairement aux ordonnances, furent fermés. -Le prince de Conti, qui commandait en Languedoc, était -devenu dévot; il fanatisait les peuples en envoyant de -tous côtés d'ardents et intolérants missionnaires, et il -expulsait les comédiens dans toute l'étendue de son gouvernement<a id="FNanchor_488" href="#Footnote_488" class="fnanchor"> [488]</a>. -<span class="pagenum"><a id="Page_287"> 287</a></span></p> - -<p>Cependant le goût général de la nation, et de Louis XIV -lui-même, pour les représentations théâtrales et la littérature -dramatique, s'accroissait toujours. Une nouvelle -troupe, après celle de Molière, s'était encore établie à Paris, -sous la protection de <span class="small1">Mademoiselle</span>; elle était dirigée -par un certain Dorimon, ainsi que Molière auteur et acteur, -mais qui n'avait que ces points de ressemblance avec -le grand comique. Aussi cette troupe ne put-elle se maintenir; -le haut patronage qui la soutenait vint bientôt à lui -manquer<a id="FNanchor_489" href="#Footnote_489" class="fnanchor"> [489]</a>. Louis XIV, qui voulait tout asservir aux besoins -de sa politique, mécontent que sa cousine eût refusé -d'épouser le roi de Portugal, l'exila de la cour, et la força -de se retirer encore une fois à son château de Saint-Fargeau<a id="FNanchor_490" href="#Footnote_490" class="fnanchor"> [490]</a>. -Mais les deux Corneille eurent part aux bienfaits -que le jeune roi répandait alors sur les gens de lettres<a id="FNanchor_491" href="#Footnote_491" class="fnanchor"> [491]</a>; et -quoique cette part fût modique, elle suffit pour les attirer -à Paris, et ramener dans la carrière du théâtre le vieil -auteur de <i>Cinna</i> et des <i>Horaces</i>; il produisit <i>Sertorius</i>, et -ce fut son dernier chef-d'œuvre. De tous les poëtes du -temps qui firent des vers à la louange de Louis XIV, en -échange des dons qu'ils en avaient reçus, ce fut encore -l'auteur du <i>Cid</i> qui sut faire entendre les accents les plus -nobles et les plus harmonieux pour célébrer un monarque -qui connaissait si bien</p> - -<p class="quote">L'art de se faire craindre et de se faire aimer.....<br /> -Qui prévient l'espérance et surprend les souhaits.</p> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_288"> 288</a></span> -Dans l'effusion de sa reconnaissance, le poëte termine en -disant:</p> - -<p class="quote">Commande, et j'entreprends; ordonne, et j'exécute<a id="FNanchor_492" href="#Footnote_492" class="fnanchor"> [492]</a>.</p> - -<p>Les nouveaux succès de Corneille excitèrent encore -l'envie contre ce grand homme: il fut attaqué par l'abbé -d'Aubignac, et défendu par de Visé, mais beaucoup mieux -encore par sa réputation et son génie<a id="FNanchor_493" href="#Footnote_493" class="fnanchor"> [493]</a>. Cependant cette -guerre littéraire ne fut rien en comparaison de celle que -fit naître contre Molière la réussite de <i>l'École des Femmes</i>. -Depuis le <i>Cid</i> jamais pièce de théâtre n'avait eu une telle -vogue; et aucune n'excita un si violent soulèvement, ni -ne donna lieu contre son auteur à tant de virulentes attaques. -Molière, fort de l'approbation du public, osa se venger -de ses détracteurs en les traduisant tous sur la scène, -dans la petite pièce intitulée <i>la Critique de l'École des -Femmes</i>. Tous ceux qui avaient écrit contre la nouvelle -comédie, ou qui la désapprouvaient par leurs discours, -prétendaient que c'était une production médiocre, dépourvue -de goût, de décence et de raison, et sans aucune -connaissance des règles de l'art. A ces jugements iniques -le jeune Boileau opposa le sien, qui fut celui de la postérité. -Dans les stances qu'il adressa à ce sujet à l'auteur -des <i>Précieuses ridicules</i>, il lui disait:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_289"> 289</a></span></div> -<p>Ta muse avec utilité</p> -<p>Dit plaisamment la vérité;</p> -<p>Chacun profite à ton école:</p> -<p>Tout en est beau, tout en est bon,</p> -<p>Et ta plus burlesque parole</p> -<p>Est souvent un docte sermon<a id="FNanchor_494" href="#Footnote_494" class="fnanchor"> [494]</a>.</p> -</div></div> - -<p>Boileau n'avait encore rien publié, et cependant nous -voyons, par le libelle de l'abbé d'Aubignac contre Corneille, -et par les lettres particulières de Racine, que déjà -le suffrage de <i>monsieur Despréaux</i> faisait autorité<a id="FNanchor_495" href="#Footnote_495" class="fnanchor"> [495]</a>. -C'est que déjà il avait composé trois de ses satires; qu'il -en avait fait des lectures; et que ses vers précis, nombreux, -élégants, abondants en saillies, s'étaient gravés -dans la mémoire d'un grand nombre de personnes, et -étaient cités avant d'avoir été rendus publics. Molière et -Boileau se présentaient à la nouvelle génération, dont ils -faisaient partie, pour accomplir une même mission. Leur -talent était divers, leurs moyens différents, mais leur but -était le même. Tous deux venaient faire une guerre implacable -aux vices, aux ridicules et aux travers de la société -de leur temps, et voulaient venger la raison et le -bon goût, du pédantisme, de l'hypocrisie et du faux -bel esprit. Tous deux, sans autre appui que leur génie, -se déclaraient avec courage contre les coteries littéraires -et les ruelles, qui, à l'imitation de l'hôtel de Rambouillet, -avaient la prétention de servir de modèle au beau monde -et de régler ses mœurs, ses manières, ses jugements et -son langage. Boileau, plus jeune, indépendant, insouciant -<span class="pagenum"><a id="Page_290"> 290</a></span> -des richesses, sans ambition, sans fortune à conserver, -sans fortune à faire, sans protecteurs à ménager, sans autre -passion que celle des vers, mit dans ses attaques plus -d'audace, de brusquerie et de rudesse. Dès son début, il -inséra dans ses satires les noms des personnes qu'il voulait -livrer à la risée ou au mépris public<a id="FNanchor_496" href="#Footnote_496" class="fnanchor"> [496]</a>. Chapelain lui-même, -cet oracle de la littérature, dont le grand Corneille -ne parlait qu'avec respect, ne fut pas à l'abri des atteintes -du jeune et intrépide réformateur du Parnasse. Cependant -Chapelain jouissait de la faveur et de la confiance du monarque, -et il était pour les gens de lettres le distributeur -des grâces du pouvoir. Le jeune Racine, qui, au sortir -de la sévère discipline des solitaires de Port-Royal, ne -s'était occupé qu'à faire des vers et des dettes, avait obtenu -par Chapelain, pour une ode assez médiocre, une -gratification du roi de 800 livres. Retiré en province chez -un oncle dont il espérait un bénéfice, il étudiait avec dégoût -la théologie, et avec délices les poëtes grecs et latins. -Il tâchait de se consoler de son exil en entretenant une -correspondance avec La Fontaine<a id="FNanchor_497" href="#Footnote_497" class="fnanchor"> [497]</a>. Celui-ci, moins inconnu -alors que Racine, mais encore peu célèbre, après -avoir partagé l'exil d'un de ses parents, ami du surintendant -et enveloppé dans sa disgrâce, de retour dans -sa ville natale, y cultivait les Muses pour ses amis et pour -lui-même, sans prôneurs et sans ennemis. Encouragé, -comme il l'avait été par Fouquet, par la plus aimable des -nièces de Mazarin, Marianne Mancini, qui venait d'épouser -<span class="pagenum"><a id="Page_291"> 291</a></span> -le duc de Bouillon et de Château-Thierry<a id="FNanchor_498" href="#Footnote_498" class="fnanchor"> [498]</a>, La Fontaine, -déjà lié avec Molière, le fut bientôt avec Boileau; -et par lui Racine devint l'ami de tous les trois. Ces quatre -hommes, depuis réunis à Paris, surent s'apprécier mutuellement, -et opposèrent par leur union une force invincible -à leurs antagonistes. Ils répandirent un grand éclat -sur ce règne par des chefs-d'œuvre de genres très-différents, -mais tous remarquables par le naturel, la grâce, le -goût, la vigueur et les richesses d'un style toujours approprié -au sujet.</p> - -<p>Louis XIV ne crut pas sa tâche accomplie lorsqu'il eut -réglé les finances, l'administration intérieure, la force -militaire, la politique étrangère; lorsqu'il eut pourvu à -ce qui concernait la religion, la justice, la prospérité des -lettres et des arts. A lui, jeune roi, qui voulait dominer -non-seulement par son rang, mais par sa volonté propre, -sur tant de guerriers, d'hommes d'État, de courtisans -habiles et spirituels, qui presque tous l'avaient vu naître -ou ne l'avaient vu qu'enfant et adolescent, docile et soumis -à sa mère ou au directeur de son éducation; à lui, dis-je, -il importait avant tout de savoir imposer à tous et -dans tous les instants. C'est dans ce but qu'il organisa sa -cour; et il le fit de manière à la rendre un modèle pour -les autres souverains de l'Europe. A cet égard Louis XIV -ne fut en rien redevable aux leçons de Mazarin, il dut son -succès à son caractère, à ses inclinations naturelles, qui -le portaient vers ce qui avait de la dignité, de l'élévation, -de la grandeur, de la magnificence; et aussi à cet orgueil -qu'avait eu soin d'entretenir en lui l'éducation maternelle; -orgueil qui ne ressemblait en rien à celui des autres -<span class="pagenum"><a id="Page_292"> 292</a></span> -hommes. C'était chez lui un sentiment infus avec la vie, -tel seulement qu'il peut en naître un dans le cœur d'un -enfant né roi; sentiment qui a commencé avec lui, grandi -avec lui, que l'âge n'a cessé d'accroître et de renforcer en -lui; devenu tellement naturel, que la conscience qu'il lui -donnait de sa supériorité le faisait paraître à ceux qui -l'approchaient un être supérieur. On s'est étonné que -Louis XIV n'oubliât jamais ce qu'il était, et qu'il ne le -laissât pas oublier aux autres, même dans la familiarité -la plus intime, même dans le sein des plaisirs et dans le -tumulte de la joie: c'est que, lors même qu'il l'eût voulu, -cela lui eût été impossible: il eût fallu pour cela qu'il se -dépouillât de son individualité.</p> - -<p>Depuis que les progrès du commerce et de l'industrie -ont réparti plus également les richesses; qu'elles -ne sont plus exclusivement l'apanage du rang et de la -naissance, depuis que l'instruction est plus généralement -répandue; que le grand nombre de journaux et -que la multiplicité des livres ont rendu tous les genres -de connaissances accessibles à tous; que les communications -entre les différents États sont devenues plus -promptes et plus faciles; et que, par toutes ces causes, -il s'est créé dans les masses, en dehors des souverains, -une force qui leur est étrangère, les gouvernement -se trouvent dans l'obligation de diriger cette -force ou de la comprimer: sans quoi elle les entrave -dans leurs fonctions, et les désordres qui s'introduisent -dans les mouvements sociaux brisent bientôt le sceptre -et l'épée de celui qui se montre impuissant à les diriger -et à les régler. Partout, depuis que le système -des emprunts et du crédit public a placé les gouvernements -sous l'influence et presque sous la dépendance -<span class="pagenum"><a id="Page_293"> 293</a></span> -de cette force, une cour splendide, richement -rétribuée, affaiblit plutôt qu'elle n'affermit le monarque; -c'est de lui qu'elle reçoit tout, et elle ne lui donne -rien. Ce n'est point par elle qu'elle agit sur le peuple; -elle l'en sépare.</p> - -<p>Mais il n'en était pas ainsi lorsqu'il existait encore -des princes, des grands, qui, propriétaires d'immenses -domaines, étaient revêtus de droits et de priviléges attachés -à leurs possessions, à leurs titres, sources de puissance -réelle. Sans doute les progrès successifs de l'autorité -royale avaient fort réduit ces droits, ces priviléges; mais -ils ne les avaient pas anéantis. Alors une cour avec son -cérémonial, son étiquette, les devoirs qu'elle imposait, -ralliait tous ces hommes à la personne du monarque: elle -les plaçait sous sa dépendance et sans cesse sous ses yeux; -elle donnait les moyens de s'en faire craindre, et, ce qui -était mieux, de s'en faire aimer. Une cour n'était pas -alors une cause de dépenses inutiles, une vaniteuse et -nuisible superfétation de la dignité royale: c'était un -moyen de gouvernement, un des ressorts les plus puissants -du pouvoir.</p> - -<p>Louis XIV le comprit; et en cela, comme dans tout le -reste, il ne forma pas dès l'abord de combinaisons profondes, -de plan prémédité de despotisme, comme l'a cru -un écrivain ingénieux, mais systématique. De même que -tous les véritables hommes d'État, il discerna les nécessités -de sa position, et sut y pourvoir. C'est en cela que -consiste le grand art de régner. Prétendre fonder des constitutions -ou agir d'une manière efficace sur les destinées -d'un peuple avec une autorité incertaine ou flottante, -c'est entreprendre d'élever un édifice lorsqu'un tremblement -de terre secoue le sol sur lequel on veut construire.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_294"> 294</a></span> -Les résultats prouvèrent combien Louis XIV eut raison -de mettre une grande importance à rassembler autour de -lui une cour nombreuse et splendide. Tout ce qui faisait -la gloire et la richesse de l'État s'y centralisa; là se -trouva réuni tout ce qu'il y avait de plus illustre dans la -religion, les armes et la magistrature. Ce ne fut qu'en se -mettant sous l'égide du monarque et de ses courtisans que -les gens de lettres, cessant d'appartenir à des coteries -puissantes, purent trouver quelque indépendance<a id="FNanchor_499" href="#Footnote_499" class="fnanchor"> [499]</a>. Ainsi -Molière, en frondant des gens de cour dans sa comédie -des <i>Fâcheux</i>, a grand soin de faire un pompeux éloge de -la cour; et il renouvelle cet éloge dans ses autres pièces, -toutes les fois qu'il en trouve l'occasion<a id="FNanchor_500" href="#Footnote_500" class="fnanchor"> [500]</a>. Boileau fut -recherché, dès son début, par des hommes du plus haut -rang, qui aimaient à lui entendre réciter ses satires; tous -faisaient partie de la cour, et jouissaient d'une grande faveur -auprès du monarque: il n'en fallut pas davantage -pour que le poëte qui s'était proposé pour modèle le virulent -Juvénal se rapprochât de la manière d'Horace, -et retranchât, lorsqu'il la fit imprimer, les vers les plus -énergiques de sa première satire<a id="FNanchor_501" href="#Footnote_501" class="fnanchor"> [501]</a>. Par une complaisance -de courtisan, il adoucit la teinte trop sombre de ses tableaux, -et se prit à diriger, de préférence, ses attaques -contre le mauvais goût en littérature, plutôt que contre les -mauvaises inclinations et les mauvaises mœurs. S'il attaqua -quelquefois celles-ci, ce fut avec ménagement, et en -<span class="pagenum"><a id="Page_295"> 295</a></span> -évitant de lancer ces traits acérés qui auraient pu atteindre -les puissants de la cour. Il fit la satire des ridicules -de son siècle, et en épargna les vices. Les peintures -trop fidèles et trop vives de ceux-ci eussent offensé le monarque, -et démenti une partie des éloges que sa muse se -plaisait à lui prodiguer.</p> - -<p>Louis XIV trouva dans la réserve que s'était imposée -Mazarin de ne nommer aucun chevalier des Ordres, un -moyen de donner à sa cour un grand éclat. Il put, sans -violer les statuts, faire en une seule fois une promotion -de soixante et dix cordons bleus. Tout ce qu'il y avait de -plus considérable et de plus respectable en France par -le rang et l'influence, l'âge et les services, se trouva donc -redevable au jeune monarque de la plus grande et de la -plus enviée des distinctions honorifiques. A ce sujet, -Louis XIV eut pour le prince de Condé une déférence -qui flatta beaucoup le héros: il lui accorda le pouvoir de -nommer, par désignation, un chevalier des Ordres<a id="FNanchor_502" href="#Footnote_502" class="fnanchor"> [502]</a>. Le -choix de Condé tomba sur le comte de Guitaut, son premier -gentil-homme, ami de madame de Sévigné et son voisin -en Bourgogne, puisqu'il était, par sa femme, possesseur -de la seigneurie d'Époisses, dont Bourbilly relevait comme -fief. Cette préférence de Condé pour Guitaut mit en fureur -un autre des zélés partisans et des serviteurs les -plus courageux du prince, le comte de Coligny, qui l'abandonna -depuis lors et resta brouillé avec lui. Coligny -a exhalé sa haine en traçant de Condé, sur les marges -d'un Psautier, un portrait hideux du héros, qui contient -les révélations les plus singulières. Cette virulente diatribe, -<span class="pagenum"><a id="Page_296"> 296</a></span> -évidemment calomnieuse sur plusieurs points, a été décorée -par plusieurs auteurs du titre de <i>Mémoires de Jean -de Coligny</i>, et imprimée dans un recueil où on ne s'attendrait -pas à la trouver<a id="FNanchor_503" href="#Footnote_503" class="fnanchor"> [503]</a>.</p> - -<p>Louis XIV, non encore entièrement satisfait des honneurs -qu'il avait répandus autour de lui par cette grande -promotion des chevaliers des Ordres, imagina une nouvelle -distinction tenant entièrement à sa personne, qu'il pouvait -donner ou retirer à volonté; pour laquelle il n'était astreint -à aucune règle, et qui, uniquement de mise à la cour, -ne fût point un indice des services rendus à l'État, mais -une marque de la bienveillance particulière du monarque -et de sa faveur spéciale. Il donna, par brevet, la permission -de se parer de justaucorps bleus absolument pareils à -ceux qu'il portait lui-même. Ceux qui obtinrent de ces -brevets contractaient l'obligation de se montrer assidus -auprès de sa personne, et avaient seuls la permission de -l'accompagner dans ses chasses et dans ses promenades à -la campagne. Le grand Condé et les plus illustres guerriers -sollicitèrent cette frivole faveur, et se montrèrent -jaloux de porter cette livrée de courtisan<a id="FNanchor_504" href="#Footnote_504" class="fnanchor"> [504]</a>.</p> - -<p>Les fêtes qui eurent lieu se ressentirent de la nouvelle -splendeur de la cour. Louis XIV s'en occupait avec autant -d'ardeur que s'il n'avait pas eu d'autres soins<a id="FNanchor_505" href="#Footnote_505" class="fnanchor"> [505]</a>. Il se -<span class="pagenum"><a id="Page_297"> 297</a></span> -montrait ambitieux de suffire à tout, de régler tout par -lui-même. Ainsi qu'autrefois Clovis, qui, au milieu de -l'embarras de ses conquêtes, avait écrit à Théodoric pour -qu'il lui envoyât des musiciens italiens, Louis XIV, dans -le même temps que les affaires de ses ambassadeurs l'obligeaient -à multiplier les dépêches diplomatiques, écrivait -au duc de Parme pour le prier de lui procurer un bon -Arlequin, et au duc de Toscane, pour lui recommander -de ne pas permettre qu'un virtuose qui se rendait en -Italie excédât le congé qui lui avait été donné<a id="FNanchor_506" href="#Footnote_506" class="fnanchor"> [506]</a>. Louis -aimait encore, comme par le passé, à paraître dans les ballets -qu'il faisait composer; il figura dans celui qu'on donna -cette année sous le titre d'<i>Hercule amoureux</i>. Le machiniste -s'y surpassa par la magnificence des décorations; -Benserade, par les louanges ingénieuses données au roi, -et par la finesse des allusions aux jeunes seigneurs, et à -toutes les beautés de la cour qui chantaient, jouaient et -dansaient avec le roi<a id="FNanchor_507" href="#Footnote_507" class="fnanchor"> [507]</a>.</p> - -<p>Puis vint ce célèbre carrousel qui a fait changer le nom -de cette grande place des Tuileries où il fut exécuté. La -reine était le prétexte de toute cette pompe vraiment étonnante; -mais la belle La Vallière en était le motif secret. -La reine semblait être celle à laquelle s'adressaient tous -les hommages; La Vallière était la divinité invisible et -cachée de celui qui avait tout ordonné: vers celle-ci se -reportaient souvent les regards du souverain, comme -pour l'assurer que c'était l'amour qu'elle inspirait, que -c'était l'admiration de ses charmes qui mettait en mouvement -<span class="pagenum"><a id="Page_298"> 298</a></span> -ces héros si magnifiquement parés, ces superbes -coursiers, et cette foule immense rassemblée pour jouir -du plus magnifique spectacle qu'on eût encore contemplé: -car ce n'était point cette fois une fête pour la cour, c'était -une fête pour la capitale, pour la France, pour l'Europe. -Par le grand nombre des étrangers qu'elle attira dans -Paris, le fisc recueillit des sommes plus fortes que celles -que le trésor avait dépensées pour en faire les apprêts; -ce qui ne doit point étonner. Les frais les plus considérables -ne furent pas à la charge de l'État, mais tombèrent -principalement sur les princes et les grands seigneurs -qui y figurèrent, et qui cherchèrent à se surpasser mutuellement -par la richesse de leurs costumes, l'éclat de -leurs armes et la beauté de leurs coursiers. Tous firent -à cette occasion<a id="FNanchor_508" href="#Footnote_508" class="fnanchor"> [508]</a> des dépenses considérables; et plusieurs, -pour y subvenir, furent obligés de s'endetter. -Ce fut un avantage pour le roi, qui voyait ainsi cette -noblesse naguère si fière, si turbulente, se placer d'elle-même, -de plus en plus, sous sa dépendance, par une -folle vanité et par des prodigalités que lui-même lui -suggérait.</p> - -<p>Cependant Louis XIV ne cessait de tenir toujours hautes -et fermes les rênes de son vaste gouvernement. Il se montrait -vigilant, prompt et décisif pour les grandes affaires, -laborieux et infatigable dans les détails. On avait renoncé -à le conduire, en lui inspirant le goût de l'indolence et de -l'oisiveté, qu'on regardait comme inhérent au titre de roi; -mais l'ambition crut pouvoir mettre à profit, pour ses -<span class="pagenum"><a id="Page_299"> 299</a></span> -desseins et ses intérêts particuliers, le penchant immodéré -pour les femmes qui se manifestait dans Louis avec plus -de violence encore que dans son aïeul Henri IV, parce -qu'il était monté plus jeune sur le trône. Les licences qu'il -se permettait dans ce genre, il ne pouvait prétendre à les -réprimer dans les jeunes courtisans qui l'entouraient; et -l'on vit toute la cour, à l'imitation du monarque, remplie -d'intrigues amoureuses. Le détail de celles qui eurent -lieu cette année remplirait un volume, en retranchant -les additions romanesques ou niaises dont on les a surchargées. -Il suffira, pour notre but, de rappeler ici celles -qui peuvent servir à éclairer la correspondance de madame -de Sévigné, et à faire connaître les personnages -avec lesquels elle fut liée.</p> - -<p>La comtesse de Soissons (Olympe Mancini) avait en -vain cherché à rallumer dans le cœur du roi une passion -depuis longtemps éteinte; mais par son esprit, par cette -liberté de paroles qu'on ne peut refuser à une ancienne -intimité, par l'effet de l'habitude et des souvenirs, -Louis XIV se plaisait dans sa société<a id="FNanchor_509" href="#Footnote_509" class="fnanchor"> [509]</a>, et il allait souvent -la voir: elle ne désespéra pas de reprendre sur -lui assez de son ancienne influence pour satisfaire son -orgueil et de faire réussir ses ambitieux projets. Profondément -corrompue, elle se rendit la confidente de ses -amours et l'entremetteuse de ses plaisirs. Elle l'encourageait -dans ses goûts de volupté; et ses conseils flatteurs -avaient d'autant plus de succès sur son esprit, qu'il -pensait que si la politique et le bien de ses sujets avaient -exigé qu'il se fît violence et qu'il sacrifiât les sentiments -<span class="pagenum"><a id="Page_300"> 300</a></span> -les plus chers à son cœur, il avait aussi, par là, acquis -le droit de se livrer aux inclinations plus ou moins durables -qui pouvaient le distraire des soucis de la royauté<a id="FNanchor_510" href="#Footnote_510" class="fnanchor"> [510]</a>. -La comtesse de Soissons favorisa les visites nocturnes -du roi à l'appartement des filles d'honneur de la reine, -où Louis XIV allait s'entretenir tête à tête avec l'une -d'elles, la belle La Mothe-Houdancourt. La comtesse -de Soissons haïssait La Vallière, uniquement parce que -celle-ci aimait trop sincèrement le roi pour le tromper, et -qu'elle avait pour se prêter à des intrigues trop de simplicité -et de vertu. Tout sentiment pur et désintéressé -est vertueux, quoique, par la faiblesse de notre nature, -il puisse nous conduire à des actions que condamne la -morale et que les lois sociales réprouvent. Louis XIV -parut assez captivé par les charmes de sa nouvelle maîtresse, -pour que la sensible La Vallière essayât d'aller -ensevelir pour toujours dans le couvent des Filles-Sainte-Marie -de Chaillot sa douleur et son amour. Sa fuite -réveilla toute la passion que le roi avait pour elle. Il alla -lui-même se faire ouvrir les portes de la sainte retraite -qu'elle avait choisie, et l'arracha, tout éplorée, à son -repentir et à son Dieu<a id="FNanchor_511" href="#Footnote_511" class="fnanchor"> [511]</a>.</p> - -<p>La comtesse de Soissons n'ayant pu réussir à se délivrer -de La Vallière par l'inconstance du roi, chercha à -exciter contre elle le ressentiment de la reine, et, par ce -moyen, à la faire expulser des Tuileries. Elle crut y parvenir -en faisant remettre à Marie-Thérèse une fausse -<span class="pagenum"><a id="Page_301"> 301</a></span> -lettre de son père, le roi d'Espagne. L'écriture de cette -lettre avait été habilement imitée; le style et les expressions, -en langue espagnole, étaient conformes à ce qui -émanait ordinairement de la plume de ce roi. Mais cette -noire trame, ourdie par des moyens si coupables, auxquels -se mêlèrent les intrigues de <span class="small1">Madame</span> et de son amant, -le comte de Guiche, celles de Marsillac, de Vardes, de -la duchesse de Châtillon et du chevalier de Gramont, -n'aboutit qu'à rendre Louis XIV plus amoureux de La -Vallière; qu'à faire expulser de la cour la comtesse de -Soissons, le comte de Guiche, le chevalier de Gramont<a id="FNanchor_512" href="#Footnote_512" class="fnanchor"> [512]</a>; -et à faire renfermer dans un couvent mademoiselle de -Montalais, une des filles d'honneur de <span class="small1">Madame</span>, qui, -amie de La Vallière, avait abusé de sa confiance, et s'était -rendue la confidente et l'agent le plus actif de toutes -ces perfidies<a id="FNanchor_513" href="#Footnote_513" class="fnanchor"> [513]</a>.</p> - -<p>Tous ces événements eurent lieu pendant cette année -(1662); mais ils eurent des suites qui produisirent -quelque temps après la disgrâce de la duchesse de Navailles -et de son mari, victimes de la calomnie et de leur -attachement à ce que le devoir et l'honneur leur prescrivaient<a id="FNanchor_514" href="#Footnote_514" class="fnanchor"> [514]</a>. -Puis l'on vit plus tard le long exil du marquis de -Vardes, le plus coupable de tous, dont les fourberies -furent enfin démasquées; et aussi le renvoi définitif du -<span class="pagenum"><a id="Page_302"> 302</a></span> -comte de Guiche, ainsi que beaucoup d'autres révolutions -de cour, produites par la même cause.</p> - -<p>Corbinelli, que nous avons déjà fait connaître comme -ami intime de madame de Sévigné, l'était aussi de mademoiselle -de Montalais. Celle-ci avait déposé toutes les -lettres qui lui avaient été personnellement adressées entre -les mains de son amant Malicorne et de Corbinelli. Dans le -nombre de ces lettres étaient celles que le comte de Guiche, -amant de <span class="small1">Madame</span>, lui avait écrites. Malicorne et Corbinelli, -voyant avec peine mademoiselle de Montalais -oubliée dans sa captivité par les personnages puissants -qu'elle avait servis, voulurent les forcer à s'occuper de -ses intérêts et à employer leur crédit et leur influence pour -lui faire recouvrer sa liberté. Ils y parvinrent en profitant -de l'important dépôt dont ils étaient nantis. La -mère du comte de la Fayette, supérieure du couvent de -Chaillot, cette ancienne fille d'honneur d'Anne d'Autriche, -qui avait été l'objet des froides et pudiques amours -de Louis XIII, intervint dans cette affaire. Le maréchal -duc de Gramont, père du comte de Guiche, le courtisan -le plus délié et le plus recherché à la cour, s'y employa -d'une manière active; et de Vardes, amoureux aussi de -<span class="small1">Madame</span>, fit tous ses efforts pour que Corbinelli lui remît -les lettres du comte de Guiche, dont il était dépositaire<a id="FNanchor_515" href="#Footnote_515" class="fnanchor"> [515]</a>. -L'étroite liaison que Corbinelli contracta à cette époque -avec le marquis de Vardes fut un des principaux obstacles -qui s'opposèrent par suite à sa fortune<a id="FNanchor_516" href="#Footnote_516" class="fnanchor"> [516]</a>.</p> - -<p>Il ne nous reste malheureusement aucune lettre de -<span class="pagenum"><a id="Page_303"> 303</a></span> -madame de Sévigné pendant toute la durée de cette -année, si pleine d'événements qui devaient l'intéresser -vivement. Nous n'avons pu découvrir aucune pièce, -aucun document qui se rattache à elle, et qui nous apprenne -d'une manière certaine où elle séjournait en 1662, -si ce fut à Bourbilly, aux Rochers, ou dans son hôtel à -Paris. Mais tout fait présumer qu'elle ne quitta pas la capitale -pendant la durée des fêtes; qu'elle assista au carrousel, -à la représentation des ballets royaux; et que si -elle alla visiter une de ses terres pendant la belle saison, -elle connut en partie tout ce qui agitait en secret la cour, -par la correspondance qu'elle entretenait alors avec son -amie la plus intime, madame de La Fayette. Celle-ci avait -formé avec le duc de La Rochefoucauld une union si constante -que la mort seule put la dissoudre. Madame de La -Fayette était très-avant dans la faveur de <span class="small1">Madame</span>, dont -elle a écrit la vie; et elle la suivait partout, quoiqu'elle -n'eût aucune charge dans sa maison. Elle connut peut-être -mieux, et plus promptement que tout autre, les -intrigues compliquées dont les sombres allées, les voûtes -de verdure et les ruelles de Fontainebleau, de Saint-Germain, -de Versailles, de Saint-Cloud, furent successivement -le théâtre. Longtemps après, les récits plus ou -moins véridiques qu'on a faits les ont rendues publiques; -mais alors c'étaient encore des mystères que des -voiles impénétrables dérobaient aux regards curieux ou -intéressés des courtisans<a id="FNanchor_517" href="#Footnote_517" class="fnanchor"> [517]</a>.</p> - -<p>Un des motifs qui doivent faire croire que madame de -Sévigné séjourna à Paris dans cette année 1662, et -qu'elle s'y trouvait du moins encore au milieu d'avril, -<span class="pagenum"><a id="Page_304"> 304</a></span> -c'est qu'alors on célébra dans l'église des Filles de Sainte-Marie -la béatification de François de Sales; et, par la -liaison qui avait existé entre ce saint évêque et la pieuse -Chantal<a id="FNanchor_518" href="#Footnote_518" class="fnanchor"> [518]</a>, cette cérémonie était en quelque sorte une fête -de famille pour madame de Sévigné. Plusieurs de ses lettres -nous démontrent combien elle avait d'attachement -pour les filles de Sainte-Marie, combien elle aimait à aller -les visiter dans leurs couvents. Il est probable que ce fut -à elles qu'elle confia pendant quelque temps l'éducation -de sa fille chérie, dont elle eût, dit-elle, la barbarie de -se séparer. Elle la mit au couvent un peu avant l'époque -dont nous traitons, probablement pour mieux la préparer -à l'accomplissement du plus grand des devoirs religieux<a id="FNanchor_519" href="#Footnote_519" class="fnanchor"> [519]</a>.</p> - -<p>Ce qui confirme toutes nos conjectures relativement au -séjour de madame de Sévigné dans la capitale pendant -la plus grande partie de cette année, ou peut-être pendant -toute cette année, c'est qu'elle paraît avoir été occupée -à instruire sa fille pour la produire dans le monde. -Nous apprenons par des vers de Saint-Pavin adressés à -mademoiselle Marguerite-Françoise de Sévigné, à l'époque -où elle devait être âgée de quatorze ans, que la jeune -Manon, comme on avait coutume de l'appeler, s'offensait -déjà qu'on lui donnât ce nom; qu'elle commençait à faire -le charme de la société de sa mère, où on ne l'appelait -que la belle Madelonne; qu'abandonnant les oiseaux et -les poupées, elle avait pris goût au jeu de reversi<a id="FNanchor_520" href="#Footnote_520" class="fnanchor"> [520]</a>. Ce fut -<span class="pagenum"><a id="Page_305"> 305</a></span> -pendant l'hiver qui termina cette année et qui commença -l'année 1663 que madame de Sévigné présenta<a id="FNanchor_521" href="#Footnote_521" class="fnanchor"> [521]</a> pour la -première fois sa fille à la cour, où nous la verrons figurer -dans les ballets royaux. A cette époque, madame de Sévigné -n'avait point de motif pour rechercher la solitude; -elle se trouvait portée par sa position, comme elle l'était -par ses inclinations, à se répandre dans le monde. Nous -avons des preuves qu'on s'y occupait beaucoup d'elle. -Quoique Corbinelli fût, à Paris, membre d'une académie -italienne, qu'il avait contribué à former<a id="FNanchor_522" href="#Footnote_522" class="fnanchor"> [522]</a>, cependant -nous apprenons par le <i>Grand Dictionnaire des Précieuses</i>, -publié alors, que Corbinelli devait la plus grande -partie de sa célébrité à un portrait de madame de Sévigné -qu'on disait avoir été écrit par lui, et aussi à l'avantage -qu'il avait d'être compté au nombre des amis de notre -belle veuve. De Somaize, dans son dictionnaire, n'a pas -manqué de donner un article sur madame de Sévigné, -qu'il désigne sous le nom de <i>Sophronie</i>; et un autre plus -court sur Corbinelli, qu'il nomme <i>Corbulon</i><a id="FNanchor_523" href="#Footnote_523" class="fnanchor"> [523]</a>. Nous citerons -ces deux articles, qui, quoique d'un médiocre écrivain, -acquièrent cependant de l'importance par la date de -leur publication. La plus simple esquisse, tracée d'après -nature, vaut mieux, pour la ressemblance, que la peinture -la plus savamment élaborée loin de l'objet qu'on a -voulu représenter, ou longtemps après qu'il a disparu.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_306"> 306</a></span></p> -<p class="quote"><span class="small1">«Sophronie</span> (la marquise de Sévigné).</p> - -<p>«Sophronie est une veuve de qualité; le mérite de cette -précieuse est égal à sa naissance; son esprit est vif et enjoué, -et elle est plus propre à la joie qu'au chagrin. Cependant -il est aisé de juger par sa conduite que la joie -chez elle ne produit pas l'amour; car elle n'en a que pour -celles de son sexe, et se contente de donner son estime aux -hommes; encore ne la donne-t-elle pas aisément. Elle a -une promptitude d'esprit la plus grande du monde à connaître -les choses et à en juger. Elle est blonde, et a une -blancheur qui répond admirablement à la beauté de ses -cheveux. Les traits de son visage sont déliés, son teint est -uni; et tout cela ensemble compose une des plus agréables -femmes d'Athènes [Paris]. Mais si son visage attire les -regards, son esprit charme les oreilles, et engage tous -ceux qui l'entendent ou lisent ce qu'elle écrit. Les plus -habiles font vanité d'avoir son approbation. Ménandre -[Ménage] a chanté dans ses vers les louanges de cette illustre -personne. Cresante [Chapelain] est un de ceux qui -la visitent le plus souvent. Elle aime la musique et hait -mortellement la satire. Elle loge au quartier de Léolie -[le Marais du Temple].»</p> - -<p class="quote"><span class="small1">Corbulon</span> (Corbinelli)<a id="FNanchor_524" href="#Footnote_524" class="fnanchor"> [524]</a>.</p> - -<p>«Corbulon est illustre dans l'empire des précieuses, -pour avoir fait le portrait de Sophronie, où il a parfaitement -réussi, et pour être de plus son lecteur. Il est natif -de l'Étrurie, et fort noble; il a l'esprit fin et beaucoup -de douceur. Il aime fort la musique, et loge au quartier -de Léolie [le Marais du Temple].»</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_307"> 307</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE XXI.<br /> -<span class="medium">1663-1666.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Réflexions sur les sentiments maternels.—Amour de madame de -Sévigné pour ses enfants, et particulièrement pour sa fille.—Constance -et durée de son affection pour elle.—Comment on doit désormais -la considérer et la juger.—La tendresse de madame de -Sévigné pour sa fille nous a valu ses Lettres.—Elles sont des mémoires -curieux du siècle de Louis XIV.—Chaque année ajoute à -la splendeur de ce règne.—Louis XIV envoie de puissants secours -à l'empereur d'Allemagne.—Soins que Louis XIV se donnait -pour maintenir la discipline, pour régler l'intérieur.—Circulaire -envoyée par ses ordres aux intendants.—Travaux entrepris au -Louvre et à Versailles.—Jonction des deux mers par un canal.—Encouragements -donnés aux génies qui surgissent à cette époque.—Boileau -fait paraître son <i>Discours au roi</i> et ses premières <i>Satires</i>.—La -Fontaine, ses <i>Contes</i>.—Molière fait jouer les trois -première actes de son <i>Tartufe</i>.—De Molière et de Lulli.—De -Boileau, de La Fontaine et de Racine.—Les fêtes de Louis XIV -étalent données pour mademoiselle de La Vallière.—Sa liaison avec -le roi devient publique.—La reine mère voulut en vain s'y opposer.—Elle -tombe malade.—Soins de Louis XIV pour sa mère.—Témoignage -que lui rend madame de Motteville.—Louis XIV exige -que les dames de la cour suivent mademoiselle de La Vallière.</p> - -<p class="space">Les sentiments énergiques et durables se rencontrent -rarement: des désirs modérés, des volontés faibles ou -changeantes, sont le partage du plus grand nombre. C'est -là un des bienfaits de la nature. Si une vive et forte sensibilité, -quand elle est satisfaite, exalte l'âme jusqu'au -plus haut degré de félicité auquel l'humanité puisse parvenir, -elle la plonge aussi dans le plus profond abîme de -<span class="pagenum"><a id="Page_308"> 308</a></span> -douleur et d'amertume quand elle est dépouillée de ses -illusions ou déchue de ses espérances. Cependant comment -se fait-il que le vulgaire se complaise dans la peinture -des passions les plus délirantes, qu'il n'éprouva jamais, -qu'il n'est pas même susceptible d'éprouver? C'est -que ces passions, qui ne sont toujours au fond que l'amour -ou l'ambition différemment modifiés, se rattachent aux -plus impérieux besoins de notre nature, à nos penchants -les plus universels, les plus irrésistibles; à cette sympathie -qui entraîne les deux sexes l'un vers l'autre, ou à cette -aversion pour toute contrainte, à ce désir de domination, à -cette avidité pour les richesses, à ces jouissances de luxe, -à ces émotions de haine, à ces désirs de vengeance, à ces -mouvements d'orgueil et de vanité, que tous conçoivent -parce que tous les ont éprouvés ou les éprouvent plus ou -moins fortement. Mais, par la même raison, les passions -qui sont les résultats de circonstances moins générales, ou -qui naissent de notre organisation ou des facultés qui nous -sont particulières, rencontrent moins de sympathie, ou -n'en rencontrent point du tout; et dans ce dernier cas -ceux qui en sont les témoins, ne pouvant les concevoir, en -rejettent l'existence, et considèrent comme de simples apparences, -ou comme des émotions factices, tout ce qui -émane de sentiments étrangers à leur nature, et selon eux -à toute nature humaine. Cependant il est de violents penchants -dont personne ne conteste la réalité, quoiqu'il n'y -ait qu'une certaine classe d'individus qui soient appelés à -les partager. La nature nous en fournit des exemples journaliers, -et qu'il nous est impossible de méconnaître sans -cesser d'obéir à cette loi de notre raison qui veut que des -effets toujours semblables nous paraissent produits par des -causes semblables. L'amour maternel est dans le genre de -<span class="pagenum"><a id="Page_309"> 309</a></span> -ces passions exceptionnelles que tout le monde conçoit, -sans qu'on se sente capable de les éprouver. Par une sage -disposition de la Providence, cette passion n'a jamais plus -de force chez les femmes que lorsque leurs enfants, en -bas âge, réclament plus de soins, plus de vigilance, une -protection plus constante. Aussi toutes les faiblesses, -toutes les douleurs, toutes les anxiétés d'une mère pour -son jeune enfant, émeuvent les personnes même qui ne -sont pas destinées à éprouver le sentiment qui les fait -naître; dès expériences journalières leur ont démontré la -présence de ce sentiment dans le cœur de toutes les mères, -et cette conviction leur suffit pour sympathiser avec toutes -celles qui l'éprouvent. L'affection qui unit une mère à son -enfant devenu grand, qui la surpasse par les forces du -corps ou de l'intelligence, qui n'a plus besoin de ses soins, -qui a pris son essor, a formé d'autres liens, qui n'est plus -identifié avec elle par ses désirs et son amour, se conçoit -bien encore comme un sentiment tendre, calme, réglé par -la raison et avoué par elle, mais nullement comme une passion, -parce qu'habituellement la tendresse maternelle n'a -point alors cette force entraînante, irrésistible, qui caractérise -la passion. Cependant il peut arriver que cet instinct, -que ce besoin qui unit d'une manière si intime une -mère à l'innocence au berceau, s'accroisse encore par les -charmes attirants de l'adolescence, par l'éclatante beauté -de la jeunesse, par les talents brillants, les qualités aimables -et les hautes vertus d'un âge plus avancé; qu'ainsi -l'amour maternel, au lieu de diminuer avec le temps, ne -fasse que s'augmenter et se développer avec une chaleur et -une énergie toujours croissantes; et qu'enfin dans le cœur -d'une mère exempte de tout autre attachement il prenne -le caractère d'une de ces passions ardentes qui absorbent -<span class="pagenum"><a id="Page_310"> 310</a></span> -une vie tout entière. Mais comme une telle passion doit -être aussi rare que la réunion des circonstances qui peuvent -la faire naître, comme elle contredit l'expérience -journalière, elle ne sera pas toujours comprise, et trouvera -beaucoup d'incrédules.</p> - -<p>Tel a été le sort de madame de Sévigné. Toutes les affections, -toute la sensibilité de cette âme aimante s'étaient -concentrées sur ses enfants, et plus particulièrement sur -sa fille. L'admiration qui se joignait à la tendresse -qu'elle avait pour elle lui faisait toujours croire qu'elle -ne pouvait jamais la chérir et la louer assez, et toujours -craindre de n'en être pas assez aimée. Il est difficile -que l'expression si souvent répétée d'un sentiment qui -par sa force et sa durée est une sorte de phénomène ne -fatigue pas promptement; aussi a-t-on reproché aux lettres -de madame de Sévigné ces éloges continuels donnés à -sa fille, ces regrets sans cesse renouvelés, et ces répétitions -fréquentes sur la douleur qu'elle éprouve d'en être séparée. -On a cru qu'il y avait chez elle à cet égard défaut -de sincérité, ou tout au moins exagération; et il devait en -être ainsi, d'après les raisons que nous venons d'exposer.</p> - -<p>Par les réflexions qui précèdent, je ne prétends pas que -l'on doive se plaire à la lecture de toutes les lettres où -madame de Sévigné a répandu avec tant de profusion, et -sous des formes toujours variées, ses vives émotions; -qu'on doive trouver les expressions de sa tendresse aussi -naturelles que si elles étaient celles d'un amant à sa maîtresse, -quoique cependant elles soient aussi tendres, aussi -passionnées, quoiqu'elles soient les indices d'un sentiment -aussi vrai et plus durable: j'ai voulu seulement avertir -mes lecteurs que, parvenu à l'époque où madame de -Sévigné a présenté sa fille dans le monde, c'est en -<span class="pagenum"><a id="Page_311"> 311</a></span> -qualité de mère que nous aurons à les entretenir de cette -femme célèbre. Ils doivent encore être prévenus que ce -n'est point seulement d'une mère tendre, affectionnée, dont -il s'agira désormais dans cet ouvrage, mais d'une mère -dont le cœur était frappé d'une véritable passion, et que -cette passion ne différait de celle à laquelle on a donné -trop exclusivement le nom d'amour, qu'en ce qu'au lieu -de diminuer, comme elle, par l'effet du temps, de l'âge et -de l'absence, elle croissait toujours en force par toutes -ces causes. Ce n'est point là un éloge que nous voulons -faire de madame de Sévigné, c'est simplement un fait que -nous voulons signaler: parce qu'il est nécessaire que nos -lecteurs le connaissent, pour bien saisir le but déguisé ou -avoué, secret ou patent, de toutes ses actions, de toutes -ses pensées, pendant les années de sa vie qui nous -restent à parcourir. Ce fait fut de bonne heure reconnu -par ses contemporains. Le grand Arnauld reprochait à -madame de Sévigné qu'elle faisait de sa fille son idole, et -il l'avait surnommée la jolie païenne. Au reste, pardonnons-lui -ce besoin qu'elle éprouvait de s'occuper toujours -de celle qu'elle chérissait, de lui écrire sans cesse lorsqu'elle -en était séparée, de chercher à lui plaire, à la distraire, -à l'intéresser par des traits d'esprit, d'imagination, -des réflexions sérieuses des nouvelles plaisantes; pardonnons-lui -ses écarts, ses redites, ses divagations, ses faiblesses, -ces susceptibilités d'un cœur trop sensible, et les -désirs insatiables de cette amitié goulue, comme dit Molière<a id="FNanchor_525" href="#Footnote_525" class="fnanchor"> [525]</a>; -pardonnons-lui tout cela, puisque c'est à cela que -nous devons les mémoires les plus amusants, les mieux -<span class="pagenum"><a id="Page_312"> 312</a></span> -écrits, les particularités les plus curieuses de l'histoire du -règne de Louis XIV.</p> - -<p>De ce règne chaque année accroissait l'éclat. La France -était en paix avec toute l'Europe; mais le jeune roi avait -envoyé un puissant secours à l'empereur d'Allemagne -contre les Turcs. Les nombreuses lettres qu'il écrivit à -Coligny, auquel il avait confié le commandement de cette -petite armée, nous prouvent combien il avait à cœur l'honneur -des armes françaises, la bonne discipline des troupes; -combien il se donnait de peines et de soins pour récompenser -les belles actions. Ces lettres sont des instructions particulières -propres à Louis XIV, lettres confidentielles, et indépendantes -de celles que ses ministres écrivaient en son -nom pour les besoins du service<a id="FNanchor_526" href="#Footnote_526" class="fnanchor"> [526]</a>. Il nous reste encore de lui -d'autres lettres, écrites alors à La Feuillade, parti pour la -même expédition à la tête d'un bon nombre de gentils-hommes -volontaires, où nous voyons comme ce jeune -roi savait surveiller ses généraux<a id="FNanchor_527" href="#Footnote_527" class="fnanchor"> [527]</a>, et se faire instruire -par plus d'une voie de la conduite de chacun. La même -sagesse, la même sollicitude se font voir dans les lettres -adressées au duc de Beaufort<a id="FNanchor_528" href="#Footnote_528" class="fnanchor"> [528]</a> et à Vivonne, relativement -à l'expédition de Gigeri en Afrique, et dans celles -qu'il écrivit au marquis de Tracy, qui commandait dans -les colonies<a id="FNanchor_529" href="#Footnote_529" class="fnanchor"> [529]</a>. A cette époque Louis XIV n'employait les -<span class="pagenum"><a id="Page_313"> 313</a></span> -forces de la France que pour protéger la civilisation et la -chrétienté contre la barbarie du mahométisme, et délivrer -les mers de la tyrannie et de la cruauté des pirates<a id="FNanchor_530" href="#Footnote_530" class="fnanchor"> [530]</a>. En -même temps que par tous ses actes il imprimait au dehors -le respect et la crainte<a id="FNanchor_531" href="#Footnote_531" class="fnanchor"> [531]</a>, tout était par lui au dedans assujetti -à des formes régulières, à des améliorations rapides -et successives. Il terminait le Louvre et commençait Versailles<a id="FNanchor_532" href="#Footnote_532" class="fnanchor"> [532]</a>; -il ordonnait que le projet de canal conçu pour la -jonction des deux mers fût exécuté<a id="FNanchor_533" href="#Footnote_533" class="fnanchor"> [533]</a>; il donnait, par la -construction des routes, une nouvelle vie au commerce -intérieur; il faisait renaître le commerce maritime, en -encourageant l'esprit d'association et en autorisant l'établissement -d'une Compagnie des Indes orientales<a id="FNanchor_534" href="#Footnote_534" class="fnanchor"> [534]</a>; il enrichissait -les artistes en leur confiant d'importants travaux; -il acquérait pour son compte la manufacture des -Gobelins<a id="FNanchor_535" href="#Footnote_535" class="fnanchor"> [535]</a>, pour placer ensuite à la tête de cet établissement -le peintre Le Brun; et la musique, la danse, -l'art du décorateur, étaient naturalisés en France, avec -des conditions de perfectionnement toujours croissantes -par la fondation de l'Opéra<a id="FNanchor_536" href="#Footnote_536" class="fnanchor"> [536]</a>. Lorsqu'il voyageait, le -jeune roi avait soin de faire prévenir les autorités de tous -les lieux où il devait se rendre, afin qu'elles avertissent -les habitants des campagnes et des villes du jour et de -l'heure de son passage, et que tous ceux qui auraient à -<span class="pagenum"><a id="Page_314"> 314</a></span> -former des plaintes ou des demandes pussent les lui présenter -en personne<a id="FNanchor_537" href="#Footnote_537" class="fnanchor"> [537]</a>. En même temps Colbert, par ses -ordres, envoyait à tous les intendants du royaume une -circulaire qui contenait un système entier et complet -d'instruction, pour les recherches à faire sur toutes les -branches de l'administration de la France<a id="FNanchor_538" href="#Footnote_538" class="fnanchor"> [538]</a>.</p> - -<p>Par une rencontre heureuse, des génies d'un ordre supérieur -se développaient à la même époque pour célébrer -les merveilles du nouveau règne, et en augmenter le nombre -par leurs immortels chefs-d'œuvre. Les derniers -rayons de la gloire du grand Corneille brillaient encore à -l'aurore de celle de Louis XIV; et alors que Racine, encore -inconnu, faisait entendre les premiers accents de sa -muse harmonieuse<a id="FNanchor_539" href="#Footnote_539" class="fnanchor"> [539]</a>, les premiers vers de Boileau furent -publiés dans un recueil, sans l'aveu de leur auteur. Dans -le <i>Discours au Roi</i>, tous les genres de mérite qui distinguaient -le jeune monarque et le recommandaient à l'amour -du peuple y étaient dignement célébrés<a id="FNanchor_540" href="#Footnote_540" class="fnanchor"> [540]</a>. Le recueil qui -contenait ce discours renfermait aussi les premières satires -du jeune poëte, où Ménage et Chapelain<a id="FNanchor_541" href="#Footnote_541" class="fnanchor"> [541]</a>, ces hautes -puissances littéraires, étaient attaqués sans ménagements, -et où Molière était exalté et vengé de tous ses critiques. -<span class="pagenum"><a id="Page_315"> 315</a></span> -Racine venait de débuter au théâtre par une pièce assez -faible, et La Fontaine avait mis en même temps au jour -quelques-uns de ses Contes. Les écrits de ces quatre amis, -qui se succédèrent rapidement, ne tardèrent pas à opérer -une révolution dans le goût du public; et de tous les -poëtes (trop prônés d'abord, trop dépréciés depuis) du -règne de Richelieu, de la Fronde et de Mazarin, un seul -resta debout, ce fut Corneille; semblable à un grand colosse -qu'aurait entouré de ruines un tremblement de terre, -sans pouvoir ébranler sa masse, et qui devient plus imposant -et plus majestueux par les vieux débris couchés -sur le sol et par les nouvelles constructions qu'on y a -élevées.</p> - -<p>Mais Molière était alors le seul des quatre nouveaux -poëtes dont la réputation fût faite, dont le mérite fût reconnu<a id="FNanchor_542" href="#Footnote_542" class="fnanchor"> [542]</a> -et universellement apprécié; le seul qui fût en possession -de la faveur du roi. Déjà, dans une de ces fêtes -brillantes données à la cour, où il figurait toujours et comme -auteur et comme acteur, on avait représenté les trois premiers -actes (les seuls qui fussent achevés) de son plus -étonnant chef-d'œuvre, le <i>Tartufe</i>. Pour Louis XIV, -tout divertissement eût été incomplet sans l'esprit de Molière -et la musique de Lulli: les sons mélodieux de ce -dernier étaient fort bien assortis à ces ballets magnifiques -où le jeune monarque aimait à développer ses talents pour -la danse; et ils convenaient aux madrigaux, aux allégories -ingénieuses et quelquefois graveleuses que composait -Benserade; mais le génie de Molière n'avait aucune -analogie avec ces brillantes fadaises. Il était difficile de -comprendre comment la comédie maligne et moqueuse, -<span class="pagenum"><a id="Page_316"> 316</a></span> -avec son franc-parler, ses mordantes saillies, pouvait se -mêler à toute cette pompe, à tout ce bruit, à tout ce mouvement, -de manière à ne pas former un ensemble qui ne -fût pas incohérent. N'importe, il le fallait; le roi demandait, -et Molière se prêtait à tout pour lui plaire; de là -<i>l'Impromptu de Versailles</i>, <i>le Mariage forcé</i>, <i>la Princesse -d'Élide</i><a id="FNanchor_543" href="#Footnote_543" class="fnanchor"> [543]</a>, compositions irrégulières, indéfinissables, -dans lesquelles l'auteur, sachant faire ployer son art aux -fantaisies du monarque, écrivait encore des scènes empreintes -de naturel et de comique; et dans les efforts -même qu'il faisait pour échapper aux difficultés qu'on -lui imposait, mêlant ensemble la prose et les vers, des -airs et du dialogue, du récitatif et des danses, des sujets -sérieux et des jeux bouffons, il inventait de nouveaux -genres de compositions scéniques, qui ont eu depuis leurs -théâtres spéciaux, et ont contribué à varier les plaisirs -des représentations théâtrales chez la nation qui a toujours -montré pour elles le plus de prédilection et a su le -mieux les apprécier.</p> - -<p>Ce n'était pas le besoin de vaines distractions qui engageait -Louis XIV à prodiguer des sommes considérables -pour donner des fêtes splendides, à l'époque même où -il cherchait, par une sévère économie, à mettre de l'ordre -dans ses finances. Mais de même que ses désirs de -gloire le portaient à violenter ses habitudes, à se condamner -tous les jours à plusieurs heures de travail fastidieux, -pour être puissant et redouté en Europe; de même l'amour -l'excitait à se montrer généreux et galant, à déployer -ses grâces et son adresse dans des exercices de -<span class="pagenum"><a id="Page_317"> 317</a></span> -corps; à se montrer vêtu avec goût et magnificence au -milieu de son brillant cortége; à paraître toujours plus -grand et plus aimable, pour être toujours plus admiré et -plus aimé. Personne n'ignorait, depuis quelque temps, -que ces fêtés multipliées, données sous divers prétextes -aux reines ou à <span class="small1">Madame</span>, avaient lieu principalement -pour mademoiselle de La Vallière, dont la liaison avec -le monarque n'était plus un mystère<a id="FNanchor_544" href="#Footnote_544" class="fnanchor"> [544]</a>. Divers emblèmes -de ces fêtes, les vers qu'on y récitait, les airs qu'on y -chantait, faisaient des allusions non déguisées aux inclinations -amoureuses du roi, à celle qui en était l'objet, -et à toutes les liaisons de même nature qui avaient lieu -dans cette cour galante et voluptueuse. Si Benserade se -les permettait, c'est qu'il savait que c'était un moyen -de plaire au roi, qui, fier et orgueilleux de sa belle maîtresse -et de l'amour qu'il lui inspirait<a id="FNanchor_545" href="#Footnote_545" class="fnanchor"> [545]</a>, croyait qu'il -était au-dessous de sa dignité de feindre et de se cacher; -qui éprouvait le besoin de faire connaître son bonheur, -et d'y faire participer une cour jeune, indulgente et -facile.</p> - -<p>Anne d'Autriche, ne pouvant empêcher les écarts de -son fils, avait voulu l'engager à sauver au moins les apparences. -Mais tous ses efforts, et les vertueuses résistances -ménagées ou appuyées par elle, ne servirent qu'à -irriter le jeune monarque: il signala ses impérieuses volontés -par d'éclatantes disgrâces, dans lesquelles Anne -d'Autriche parut elle-même enveloppée. Mais alors elle -tomba malade; et l'affection que son fils lui portait se -<span class="pagenum"><a id="Page_318"> 318</a></span> -manifesta par des actes touchants, qu'à tort on a cru peu -dignes de la majesté de l'histoire. L'histoire, au contraire, -ne doit rien laisser en oubli de tout cc qui peut contribuer -à nous mieux faire connaître les personnages qui ont -exercé une grande influence sur les destinées des hommes -et des États.</p> - -<p>Tant que Louis XIV put craindre de perdre sa mère, -toutes les réjouissances furent suspendues. Les emportements -de l'amour ne l'empêchèrent pas de consacrer à cette -mère chérie tous les moments que les affaires de son -royaume lui laissaient pendant le jour. La nuit, il couchait -près d'elle tout habillé, sur un matelas qu'il faisait -étendre au pied de son lit. Madame de Motteville, qui -veilla seule plusieurs fois auprès d'Anne d'Autriche, vit -dormir le roi dans cette situation. Son visage, qui brillait -alors de tout l'éclat de la première jeunesse, acquérait, -dit-elle, par le sommeil, plus de douceur, sans rien perdre -de sa beauté et de sa majesté. Madame de Motteville -montre dans tout ce qu'elle a écrit un jugement exquis et -un rare discernement; mais elle avait cependant, comme -toutes les femmes de son temps, la mémoire remplie de faits -chevaleresques et des aventures amoureuses des héros de -l'Arioste, d'Astrée, d'Amadis, des romans de La Calprenède -et de mademoiselle de Scudéry. C'étaient les lectures -favorites des femmes les plus spirituelles de cette époque. -Madame de Motteville, d'un âge déjà mûr, avoue avec -naïveté qu'en contemplant le jeune monarque ainsi endormi, -oubliant la tristesse et les inquiétudes que lui -causait l'état où se trouvait la reine mère, il lui est arrivé -quelquefois, dans le silence de la nuit, de s'abandonner -aux rêves de son imagination, et que, moitié éveillée moitié -assoupie, elle croyait être une jeune princesse qui, après -<span class="pagenum"><a id="Page_319"> 319</a></span> -mille courses aventureuses, avait été transportée dans l'épaisseur -d'un bois ou sur le rivage de la mer, où un beau -guerrier, un héros illustre, accablé par la fatigue et plongé -dans un profond sommeil, s'était offert à ses regards<a id="FNanchor_546" href="#Footnote_546" class="fnanchor"> [546]</a>. -Puis, honteuse de ces folles pensées et de l'impression -qu'elle en ressentait, elle se levait de dessus son fauteuil, -et se mettait à genoux, priant Dieu avec ferveur pour celui -qui les lui avait inspirées. Ce mélange d'émotions -sensuelles ou profanes et de sensibilité religieuse caractérise -surtout les personnages de ce temps, et se retrouve -dans presque tous.</p> - -<p>Louis XIV ne se reposait sur personne pour la surveillance -des soins dont dépendaient les jours de sa mère. -«Il l'assistait, dit madame de Motteville, avec une application -incroyable; il aidait à la changer de lit, et la servait -mieux et plus adroitement que toutes ses femmes<a id="FNanchor_547" href="#Footnote_547" class="fnanchor"> [547]</a>.» -Ce témoignage rendu à la piété filiale de Louis XIV est -d'autant moins suspect, que madame de Motteville, amie -de madame de Navailles, ne jouissait pas de la faveur du -roi; il attribuait à ses conseils la sévérité de sa mère à -son égard, et il pensa un instant à la séparer d'elle en -l'exilant.</p> - -<p>Lorsque Anne d'Autriche fut convalescente, Louis XIV -lui témoigna son repentir des chagrins qu'il lui avait causés; -mais il ne se montra pas plus disposé à en tarir la -source. Au contraire, son amour pour La Vallière continuant -à prévaloir sur toute autre considération, il déclara -que, sous peine d'encourir sa disgrâce, les dames de qualité -devaient la suivre. Cette résolution du jeune monarque -<span class="pagenum"><a id="Page_320"> 320</a></span> -remplit pendant quelque temps la cour d'intrigues et -de cabales; les résistances et les complaisances auxquelles -elle donna lieu devinrent l'origine de l'abaissement -des uns et de l'élévation des autres<a id="FNanchor_548" href="#Footnote_548" class="fnanchor"> [548]</a>.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_321"> 321</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE XXII.<br /> -<span class="medium">1663-1664.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Nouvelles fêtes à la cour.—Mademoiselle de Sévigné y paraît.—Mot -du marquis de Tréville en la voyant.—Détails sur ce qui la -concerne.—Comparée avec sa mère.—Éloge et reproche que lui -adresse La Fontaine.—Elle danse dans le ballet du roi.—Vers de -Benserade faits pour elle dans ce ballet.—Éloges qu'en fait Loret -dans sa gazette.—Loret dit que La Vallière est digne d'avoir un -balustre.—Usage du balustre.—Éloge que Loret fait de mademoiselle -de Mortemart, devenue madame de Montespan.—La liberté -dans le langage ne choquait point alors.—La semaine sainte interrompt -les fêtes.—Diverses causes les font recommencer avec plus -d'ardeur.—Mademoiselle de Sévigné reparaît dans le ballet des -<i>Amants déguisés</i>.—Vers de Benserade pour elle dans ce ballet.—Éloge -que Loret fait de ce ballet et de mademoiselle de Sévigné.—Divertissements -de cette année, plus variés que de coutume.—Jeux -de la ramasse.—Foire Saint-Germain.—Bal masqué donné -par la reine.—Ballet des <i>Amants déguisés</i>.—Fêtes du mois de -mai de 1664.—Il est probable que madame de Sévigné s'y est -trouvée avec sa fille.—Elle se rend à sa terre de Bourbilly, et se -retrouve avec Bussy.—Il y a tout lieu de croire que son départ -de la capitale n'eut lieu qu'après celui de la cour.</p> - -<p class="space">Si on excepte le temps que dura la maladie de la reine -mère, et les intervalles qui paraissaient bien longs du -carême et de la semaine sainte, pendant lesquels le jeune -abbé Bossuet faisait entendre des paroles fortes et sévères<a id="FNanchor_549" href="#Footnote_549" class="fnanchor"> [549]</a>, -les années du nouveau règne s'écoulaient dans une suite -presque continuelle de bals, de jeux, de spectacles et de -<span class="pagenum"><a id="Page_322"> 322</a></span> -divertissements. Durant cette année (1663), des mariages -et des naissances dans la famille royale et dans d'autres -grandes familles; la création de nouveaux ducs et pairs; -les grâces du roi, répandues sur plusieurs de ses serviteurs; -la présence du prince royal de Danemark et des -envoyés de la confédération des Suisses à Paris; l'arrivée -d'un légat du pape; le retour du prince et de la princesse -de Conti dans la capitale, et plusieurs autres circonstances -moins importantes, donnèrent encore plus d'activité -aux fêtes, et les rendirent plus fréquentes<a id="FNanchor_550" href="#Footnote_550" class="fnanchor"> [550]</a>.</p> - -<p>Ce fut dans ces fêtes que parut pour la première fois -à la cour la fille de madame de Sévigné. Elle avait quinze -ans: en la voyant, le marquis de Tréville, connu par son -esprit et par ses bons mots, dit: «Cette beauté brûlera -le monde.» Et en effet au teint éclatant d'une blonde -mademoiselle de Sévigné joignait les traits les plus réguliers -et une taille svelte, aux formes les plus gracieuses; -elle montrait alors une intelligence prompte et facile. Sa -mère sut mettre à profit ces dispositions naturelles, par -l'éducation la plus complète et la mieux dirigée. Lorsque -cette éducation fut terminée, mademoiselle de Sévigné -écrivait non-seulement sa langue, mais encore la langue -italienne, avec beaucoup de pureté; elle savait un peu de -latin, et, selon la coutume de cette époque, parmi les -femmes d'un certain rang, de ne point rester étrangères -à tout ce qui faisait l'entretien des hommes, elle apprit -la philosophie de Descartes, dont on s'occupait beaucoup -alors. L'application qu'elle mettait aux études sérieuses -<span class="pagenum"><a id="Page_323"> 323</a></span> -n'avait point nui à l'acquisition des talents ni aux arts -d'agrément. Elle excellait surtout dans la danse, et ce -fut sans doute ce qui lui valut l'honneur d'être admise, -si jeune, à danser avec le roi<a id="FNanchor_551" href="#Footnote_551" class="fnanchor"> [551]</a>. On ne peut disconvenir -qu'en la laissant déployer toutes ses grâces et tous ses -attraits aux yeux d'un monarque facile à enflammer, -et en la produisant de si bonne heure au milieu d'une -cour voluptueuse, madame de Sévigné ne s'abandonnât -avec trop peu de prudence aux jouissances de l'orgueil -maternel. Heureusement pour elle et pour sa fille, la -prédiction du marquis de Tréville ne s'accomplit pas. -Mademoiselle de Sévigné a donné une preuve de plus -que la beauté et la supériorité du savoir et des talents ne -suffisent pas seules pour faire naître les grandes passions; -que l'admiration ne produit pas toujours la tendresse; et -que l'esprit et les yeux peuvent être satisfaits sans que -le cœur soit touché. Beaucoup plus belle que sa mère, -plus savante peut-être, plus habile dans les arts d'agrément, -mademoiselle de Sévigné, avec une riche dot, -dans tout l'éclat de la jeunesse, eut de la peine à rencontrer -un parti sortable, et ne fit jamais naître l'amour; -tandis que tous les hommes qui voyaient madame de -Sévigné se passionnaient pour elle, et qu'elle aurait pu, -même après un veuvage déjà avancé, choisir un époux -à son gré et contracter encore un mariage brillant, si sa -tendresse pour ses enfants, et surtout pour sa fille, ne l'en -eût empêchée. La cause de ceci nous est connue: mademoiselle -de Sévigné était froide et réservée, et son -premier abord avait quelque chose de dédaigneux; elle -ne possédait pas la moindre étincelle de ce feu qui animait -<span class="pagenum"><a id="Page_324"> 324</a></span> -sa mère; elle n'avait rien de cette vivacité affectueuse, -de cette sensibilité exquise, de cette verve spirituelle, -qui charmait tant dans madame de Sévigné, et -lui prêtaient des attraits souvent enivrants pour ceux à -qui elle voulait plaire; et elle le voulait presque pour tous. -Elle mettait son bonheur à être recherchée, admirée, -louée, et surtout à être aimée. Il n'en était pas ainsi de -mademoiselle de Sévigné: sa froideur était si connue, si -généralement sentie, que La Fontaine lui en fait un reproche -dans une fable qu'il lui a dédiée; mais, avec ce -tact fin qui le caractérise, il déguise le blâme sous les -termes ambigus d'un éloge:</p> - -<p class="quote">Vous qui naquîtes toute belle,<br /> -A votre indifférence près<a id="FNanchor_552" href="#Footnote_552" class="fnanchor"> [552]</a>.</p> - -<p>Ainsi, selon La Fontaine, une femme ne pouvait être -parfaitement belle si elle était indifférente. La Fontaine -avait raison: la beauté froide est cette Galatée muette -et immobile, cette statue de la fable, que le souffle divin -n'a point animée, et qui ne peut inspirer d'amour qu'à celui -dont elle fut l'ouvrage. Si, comme Pygmalion, madame -de Sévigné eût pu transmettre son âme à celle qui lui devait -la vie, à celle qu'elle s'était plu à former et à combler -de tant de perfections, elle n'eût pas été la seule à la chérir, -à s'occuper d'elle avec délices, à épuiser en sa faveur -toutes les formes de l'éloge, toutes les expressions de la -tendresse; et cette beauté, comme avait dit le marquis -de Tréville, eût brûlé le monde. Mais celle qui était remarquable -par ses attraits fut admirée; celle qui se montra -<span class="pagenum"><a id="Page_325"> 325</a></span> -sage dans sa conduite fut estimée, et ce fut tout. Tout..., -je me trompe: celle qui ne chercha point à plaire déplut, -celle qui mit trop peu de prix à paraître aimable ne fut -point aimée. Dans le monde moral, comme dans le -monde physique, toujours les conséquences sont conformes -aux prémisses.</p> - -<p>Au temps dont nous nous occupons, on cherchait à la -voir, on aimait à la regarder comme un astre nouvellement -levé sur l'horizon: on ne voulait point la -juger. Au milieu de tant de beautés ravissantes, la jeune -Sévigné apparaissait semblable à une des fleurs, à peine -entr'ouverte, d'un buisson de roses, mais brillant par de -si fraîches et de si vives couleurs, qu'elle fixe les regards -de préférence à toutes les autres. Ce fut en janvier 1663, -et dans le <i>ballet des Arts</i>, qu'elle dansa pour la première -fois: la sensation qu'elle produisit fut grande; c'est ce -que Benserade fait entendre dans les premiers vers récités -dans ce ballet, à son sujet:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Déjà cette beauté fait craindre sa puissance;</p> -<p>Et, pour nous mettre en butte à d'extrêmes dangers,</p> -<p>Elle entre justement dans l'âge où l'on commence</p> -<p>A distinguer les loups d'avecque les bergers.</p> -</div></div> - -<p>Dans ce même ballet, qui fut joué pendant tout l'hiver, -le roi représentait un berger<a id="FNanchor_553" href="#Footnote_553" class="fnanchor"> [553]</a>, <span class="small1">Madame</span> jouait le -rôle de Pallas, et mademoiselle de Sévigné dansait avec -elle, dans la septième entrée, avec mesdemoiselles de -Mortemart, de Saint-Simon et de La Vallière. Toutes les -quatre étaient vêtues en Amazones. Les vers chantés ou -récités à cette occasion pour mademoiselle de Sévigné, -<span class="pagenum"><a id="Page_326"> 326</a></span> -démontrent tout ce qu'on permettait de licence à la muse -de Benserade dans ces représentations théâtrales, où se -trouvaient cependant deux reines, et où la plus jeune -figurait comme actrice.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><span class="i2"><i>Pour mademoiselle de</i> <span class="small1">Sévigny</span>, Amazone.</span></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Belle et jeune guerrière, une preuve assez bonne</p> -<p>Qu'on suit d'une Amazone et la règle et les vœux,</p> -<p>C'est qu'on n'a qu'un teton: je crois, Dieu me pardonne,</p> -<p class="i2"> Que vous en avez déjà deux<a id="FNanchor_554" href="#Footnote_554" class="fnanchor"> [554]</a>.</p> -</div></div> - -<p>Loret, en rendant compte de la première représentation -de ce ballet, dans sa Gazette du 20 janvier 1663, -après avoir décrit l'entrée de <span class="small1">Madame</span> et des demoiselles -Saint-Simon, Mortemart et La Vallière, ajoute:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Sévigny, pour qui l'assemblée</p> -<p>Était de merveille comblée,</p> -<p>Chacun paraissant enchanté</p> -<p>De sa danse et de sa beauté.</p> -<p>Fille jeune, fille brillante,</p> -<p>Fille de mine ravissante,</p> -<p>Et dont les jolis agréments</p> -<p>Charment les cœurs à tous moments<a id="FNanchor_555" href="#Footnote_555" class="fnanchor"> [555]</a>.</p> -</div></div> - -<p>Loret fait ensuite l'éloge du roi, qu'il appelle un brave -porte-couronne. Le plaisir que Louis XIV prenait à ces -danses et à ces divertissements était singulièrement -augmenté par les éloges détournés et les allusions ingénieuses -qu'ils suggéraient à Benserade dans la composition -des vers de ces ballets.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_327"> 327</a></span> -On joua encore de nouveau, l'année suivante, le -<i>ballet des Arts</i>: les mêmes personnages y figurèrent; -et parmi les belles dont Loret fait l'éloge, au sujet -de cette reprise, mademoiselle de Sévigné n'est pas oubliée:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Les autres beautés renommées,</p> -<p>Qu'ailleurs j'ai toutefois nommées,</p> -<p>C'était Saint-Simon, Sévigny</p> -<p>De mérite presque infini;</p> -<p>La Vallière, autre fille illustre,</p> -<p>Digne un jour d'avoir un balustre.</p> -</div></div> - -<p>Ce dernier vers fait allusion à l'usage où l'on était -d'entourer d'un balustre l'estrade sur laquelle le lit était -élevé; ce qui n'avait lieu que pour les rois, les reines, et -les personnages d'une haute distinction. Mademoiselle de -Mortemart, qui figurait encore dans ce ballet avec mademoiselle -de Sévigné, comme une des quatre Amazones, -s'était mariée à Montespan depuis la première représentation; -et c'est par cette raison que Loret la nomme la -défunte Mortemart, car, dit-il,</p> - -<p class="quote">Depuis qu'elle n'est plus pucelle,<br /> -Ce n'est plus ainsi qu'on l'appelle<a id="FNanchor_556" href="#Footnote_556" class="fnanchor"> [556]</a>.</p> - -<p>On voit d'après cette citation, à laquelle je pourrais en -joindre d'autres, que les gazettes de Loret, qui ne circulaient -qu'à la cour et dans le beau monde, étaient écrites -d'un style aussi libre que les ballets de Benserade. L'on -doit, d'après cela, moins s'étonner de certaines expressions -de Molière et des auteurs de ce temps, et par conséquent -de celles qui se présentaient sous la plume de -<span class="pagenum"><a id="Page_328"> 328</a></span> -madame de Sévigné, ou qui lui échappaient dans la vivacité -du dialogue. Quoiqu'elle eût passé sa première jeunesse -parmi les précieuses, la mobilité de son imagination -lui faisait facilement adopter les nouveaux usages -qui étaient favorables à la gaieté de son caractère.</p> - -<p>Le carême et la semaine sainte vinrent interrompre tout -divertissement mondain, et ramenèrent le règne des prédicateurs -et les somptueuses cérémonies ecclésiastiques. -Dans celles-ci, la musique de La Barre, de Boisset, de -Hottman, de Molière (j'entends le musicien, et non pas le -poëte), et les belles voix des demoiselles Hilaire, Saint-Christophe -et Cercamanans, faisaient, comme dans les -fêtes profanes, les délices des assistants<a id="FNanchor_557" href="#Footnote_557" class="fnanchor"> [557]</a>. Les deux reines -et les personnes pieuses joignaient, à leur exemple, aux -actes de dévotion, qui étaient de rigueur, de fréquents -voyages à l'ermitage du mont Valérien, alors occupé par -des dominicains; ce pèlerinage était fort en vogue<a id="FNanchor_558" href="#Footnote_558" class="fnanchor"> [558]</a>.</p> - -<p>Après ce temps de pénitence et de privations, les -plaisirs recommencèrent par des festins, des bals donnés -par le roi et les grands de la cour<a id="FNanchor_559" href="#Footnote_559" class="fnanchor"> [559]</a>, auxquels succédèrent -des chasses brillantes à Versailles, à Vincennes et à Chantilly; -puis, la foire Saint-Laurent, qui jamais n'avait eu -tant d'éclat<a id="FNanchor_560" href="#Footnote_560" class="fnanchor"> [560]</a>.</p> - -<p>Lorsque l'hiver survint, au commencement de l'année -suivante, on monta un nouveau ballet, intitulé <i>les</i> -<span class="pagenum"><a id="Page_329"> 329</a></span> -<i>Amours déguisés</i>. Mademoiselle de Sévigné était un -trop grand ornement de ces ballets, pour que le roi ne -désirât pas qu'elle figurât dans tous. Elle était dans celui -de l'année 1664 au nombre des Amours déguisés en -Nymphes maritimes, avec mademoiselle d'Elbœuf, madame -de Montespan et madame de Vibraye: Benserade -termine les vers qu'il fit pour elle, à cette occasion, par -un compliment à sa mère<a id="FNanchor_561" href="#Footnote_561" class="fnanchor"> [561]</a>:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><i>Pour mademoiselle</i> <span class="small1">de Sévigny</span>,<br /> -<i>Amour déguisé en Nymphe maritime</i>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Vous travestir ainsi, c'est bien être ingénu,</p> -<p>Amour! c'est comme si, pour n'être pas connu,</p> -<p class="i2"> Avec une innocence extrême,</p> -<p class="i2"> Vous vous déguisiez en vous-même.</p> -<p>Elle a vos traits, vos feux, et votre air engageant,</p> -<p>Et, de même que vous, sourit en égorgeant.</p> -<p class="i2"> Enfin, qui fit l'une a fait l'autre,</p> -<p>Et, jusques à sa mère, elle est comme la vôtre.</p> -</div></div> - -<p>Loret, dans sa gazette, a fait une description pompeuse -de la première représentation de ce ballet, qui eut -lieu dans le milieu de février 1664. On voit, par son -récit, que les grands de la cour y figuraient avec les -acteurs et les actrices les plus renommés, avec</p> - -<p class="quote">L'excellent acter Floridor,<br /> -Qui vaut mieux que son pesant d'or,</p> - -<p>et la célèbre Desœillets, et Montfleury et sa fille. Après -avoir, selon son usage, commencé par l'éloge du roi, de -<span class="small1">Monsieur</span>, des reines, des princesses, Loret en vient -<span class="pagenum"><a id="Page_330"> 330</a></span> -aux filles d'honneur, et termine tous ces éloges par celui -de mademoiselle de Sévigné.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>J'ai pensé faire une folie</p> -<p>En oubliant cette jolie,</p> -<p>Cette pucelle Sévigny,</p> -<p>Objet de mérite infini.</p> -<p>Certes, moi qui l'ai deux fois vue</p> -<p>De divers agréments pourvue,</p> -<p>Et d'une très-rare beauté,</p> -<p>Aux ballets de Sa Majesté,</p> -<p>Si quelqu'un s'en venait me dire,</p> -<p>Et fût-ce le roi notre sire:</p> -<p>As-tu rien vu de plus mignon?</p> -<p>Je lui dirais hardiment: Non<a id="FNanchor_562" href="#Footnote_562" class="fnanchor"> [562]</a>.</p> -</div></div> - -<p>La reine mère, se ployant aux goûts et aux désirs de -son fils, donna un bal masqué vers la fin du carnaval. -A tous les plaisirs des années précédentes, la rigueur -du froid en fit joindre un d'un genre tout nouveau: -c'était le jeu qu'on appelle <i>la ramasse</i>, qui eut alors -une grande vogue. Ce jeu consistait à se faire précipiter -de haut en bas avec une grande rapidité, au -moyen d'une machine qui devait ressembler à celle des -montagnes russes, que nous avons vue de nos jours<a id="FNanchor_563" href="#Footnote_563" class="fnanchor"> [563]</a>. -La foire Saint-Germain offrit aussi cette fois une richesse -et une pompe extraordinaires; elle fut plus fréquentée, -eut un aspect encore plus gai, plus animé que dans les -années précédentes.</p> - -<p>Mais toutes les fêtes de l'hiver furent surpassées par -celles que Louis XIV donna au printemps, dans le parc -<span class="pagenum"><a id="Page_331"> 331</a></span> -de Versailles: elles commencèrent le 7 mai, et durèrent -six jours. Le décorateur Vigarani donna pour titre à ces -fêtes: <i>les Plaisirs de l'île enchantée</i>. Comme celles du -Carrousel et des Tuileries, elles laissèrent un long souvenir. -Benserade<a id="FNanchor_564" href="#Footnote_564" class="fnanchor"> [564]</a> composa des sonnets, des madrigaux -et des quatrains, contenant l'éloge de tous ceux qui y -figuraient, à commencer par le roi. Molière, à cette occasion, -composa <i>la Princesse d'Élide</i> et <i>le Mariage forcé</i><a id="FNanchor_565" href="#Footnote_565" class="fnanchor"> [565]</a>. -Nous ne pouvons douter que madame de Sévigné et sa -fille n'aient assisté à ces fêtes, qui eurent lieu au commencement -de mai, surtout si nous remarquons que mademoiselle -de Sévigné participait à la représentation de -<i>l'Amour déguisé</i>, qui fut donnée chez <span class="small1">Monsieur</span>, au Palais-Royal, -à la fin de février. Cependant nous n'avons -aucune preuve directe de leur présence à Versailles à -cette époque; et nous savons que madame de Sévigné se -rendit cette année dans sa terre de Bourbilly, en Bourgogne, -où elle se retrouva dans la société de son cousin -Bussy<a id="FNanchor_566" href="#Footnote_566" class="fnanchor"> [566]</a>; mais ses départs pour la province n'avaient -ordinairement lieu que lorsque la cour quittait la capitale -pour transporter son séjour à Saint-Germain, à Compiègne -ou à Fontainebleau.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_332"> 332</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE XXIII.<br /> -<span class="medium">1665.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Aucune femme ne figurait dans les fêtes de Versailles.—Nouveau ballet -donné à la cour.—Mademoiselle de Sévigné y figure sous le costume -d'Omphale.—Vers de Benserade à sa louange.—Madrigal -en langue italienne composé pour elle par Ménage.—Épigramme du -même sur madame de Sévigné.—Les éloges donnés à son teint, dans -cette pièce, sont confirmés par Bussy et madame de la Fayette.—Le -temps entre 1663 et 1669 fut le plus heureux de la vie de madame -de Sévigné.—Elle le passa dans la société de ses anciens amis et -amants et dans des fêtes continuelles.—Intrigues de cour qui donnaient -un grand intérêt à ces fêtes.—Madame de Sévigné était répandue -dans la société des gens de robe et de finance, comme parmi -ceux de la cour.—Elle était liée avec madame Duplessis-Guénégaud; -elle l'allait voir à Fresnes, où celle-ci donnait des fêtes fréquentes.—Madame -de Guénégaud donne un ballet à mascarades à Fresnes, -lors du mariage de sa fille.—Son mari est obligé de rendre des -comptes, et elle est privée d'une partie de sa fortune.—Louis XIV -contraint à l'obéissance, par des moyens despotiques, tous ceux -qui résistent à ses ordonnances.—Bussy est arrêté et mis à la -Bastille.</p> - -<p class="space">Si madame de Sévigné se trouva avec sa fille aux fêtes -de Versailles, elles furent toutes deux au nombre des -spectatrices, et mademoiselle de Sévigné n'eut point de -rôle à jouer; ce qui ne doit point étonner, puisque aucune -dame de la cour ne figura dans ces fêtes. Il y eut une -course de bague, où les hommes se montrèrent sous divers -déguisements. Louis XIV y parut habillé d'abord en -berger, et ensuite sous le costume du chevalier Roger, ce -fameux paladin du poëme de l'Arioste. Il y eut des festins, -<span class="pagenum"><a id="Page_333"> 333</a></span> -des feux d'artifice, la comédie, des cavalcades, mais -aucune représentation de ballet royal<a id="FNanchor_567" href="#Footnote_567" class="fnanchor"> [567]</a>.</p> - -<p>On en composa un nouveau pour l'hiver suivant. Il était -intitulé: <i>la Naissance de Vénus</i>. Le duc de Saint-Aignan -en était l'inventeur; Benserade avait mis ses idées en vers; -Vigarani avait construit les décorations; les deux plus fameuses -cantatrices de l'époque, mademoiselle Hilaire et -mademoiselle Christophe, y faisaient entendre leurs voix. -Mademoiselle de Sévigné, sous le costume d'Omphale, -figurait avec le roi dans la dernière entrée de ce ballet. -Les vers de Benserade que l'on y récitait à la louange de -la jeune Omphale contenaient aussi un éloge de sa mère; -et tout le monde applaudissait le poëte qui, au milieu de -tant de licence, rendait justice à la vertu, et savait être -flatteur sans flatterie.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i3"><i>Pour mademoiselle</i> <span class="small1">de Sévigny</span>,<br /> -Omphale.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Blondins accoutumés à faire des conquêtes,</p> -<p>Devant ce jeune objet si charmant et si doux,</p> -<p class="i1"> Tous grands héros que vous êtes,</p> -<p>Il ne faut pas laisser pourtant de filer doux.</p> -<p>L'ingrate foule aux pieds Hercule et sa massue;</p> -<p>Quelle que soit l'offrande, elle n'est point reçue:</p> -<p>Elle verrait mourir le plus fidèle amant,</p> -<p>Faute de l'assister d'un regard seulement.</p> -<p>Injuste procédé, sotte façon de faire,</p> -<p>Que la pucelle tient de madame sa mère,</p> -<p>Et que la bonne dame au courage inhumain,</p> -<p>Se lassant aussi peu d'être belle que sage,</p> -<p>Encore tous les jours applique à son usage,</p> -<p class="i2"> Au détriment du genre humain<a id="FNanchor_568" href="#Footnote_568" class="fnanchor"> [568]</a>.</p> -</div></div> - -<p>Mademoiselle de Sévigné avait alors atteint l'âge de -<span class="pagenum"><a id="Page_334"> 334</a></span> -dix-sept ans; ses charmes avaient acquis tous leurs développements, -et sa beauté était déjà devenue célèbre. -Ménage, dans la nouvelle édition de ses poésies, avait -adressé un madrigal en vers italiens «à la très-belle et -très-vertueuse demoiselle Françoise de Sévigné». Il la -prie de ne pas croire son cœur insensible, parce qu'il -ne ressent pas pour elle l'amour qu'elle inspire à tous; -mais ce cœur a déjà été enflammé par sa mère, et réduit -en cendre par elle: il n'a plus la faculté de brûler<a id="FNanchor_569" href="#Footnote_569" class="fnanchor"> [569]</a>. -Ménage ne croyait pas qu'il y eût du ridicule dans -de pareilles fadaises, parce qu'il les écrivait en langue -étrangère. Il donne encore, dans une petite pièce qu'il -a intitulée, à la manière des anciens, <i>Épigramme</i>, parce -qu'elle était courte, des éloges à mademoiselle de Sévigné; -mais ce n'est que pour rehausser ceux de sa mère.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><i>A madame la marquise</i> <span class="small1">de Sévigny</span>.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i2">ÉPIGRAMME.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Je l'ai dit dans la famille,</p> -<p>Et je le dirai toujours,</p> -<p>Vous n'aimez point votre fille,</p> -<p>Ce miracle de nos jours.</p> -<p>Par l'éclat incomparable</p> -<p>De votre teint, de vos yeux,</p> -<p>Par votre esprit adorable,</p> -<p>Vous l'effacez en tous lieux<a id="FNanchor_570" href="#Footnote_570" class="fnanchor"> [570]</a>.</p> -</div></div> - -<p>Cet éloge était vrai sous le rapport de l'esprit, vrai -sous le rapport de la vivacité des yeux. On pourrait -<span class="pagenum"><a id="Page_335"> 335</a></span> -croire, relativement à ce que Ménage dit du «teint incomparable,» -qu'il fait son métier de poëte et d'amant, et -qu'il flatte; car mademoiselle de Sévigné était blonde -comme sa mère, et dans toute sa fraîcheur. Cependant -l'assertion de Ménage est confirmée par les portraits que -Bussy-Rabutin et madame de La Fayette ont faits de madame -de Sévigné. Le premier commence le sien en disant: -«Madame de Sévigné a d'ordinaire le plus beau teint du -monde<a id="FNanchor_571" href="#Footnote_571" class="fnanchor"> [571]</a>....» La seconde, en s'adressant à madame de -Sévigné elle-même, dit: «Je ne veux point vous accabler -de louanges, ni m'amuser à vous dire que votre taille -est admirable, que votre teint a une fleur qui assure que -vous n'avez que vingt ans<a id="FNanchor_572" href="#Footnote_572" class="fnanchor"> [572]</a>....» Madame de Sévigné en -avait environ trente-trois lorsque ces deux portraits furent -écrits, et on doit remarquer que l'intention de Bussy, -dans le sien, était de la déprécier, et non de la louer; de -l'offenser, et non pas de la flatter. Il est vrai que lorsque -Ménage écrivit son épigramme, elle avait quelques années -déplus: elle était âgée d'environ trente-huit ans; mais -c'est à cet âge que, dans nos climats du moins, les femmes -prennent un embonpoint, signe de force et de santé, -qui leur donne un teint plus égal, plus reposé, non aussi -frais, mais plus vif que dans leur première jeunesse. C'est -cette seconde jeunesse, c'est cette jeunesse de l'âge mûr, -qui est dans la vie comme le second mouvement de la -séve des végétaux dans le déclin de l'année, et que l'on a -nommée avec énergie le regain de la beauté.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_336"> 336</a></span> -On peut affirmer, avec toute certitude, que cette époque -a été pour madame de Sévigné la plus heureuse. -Lorsqu'on réfléchit à sa fortune, à son rang, à sa position -dans le monde, à son organisation vive et sensible, accessible -à toutes les impressions agréables, parfaitement -adaptée aux jouissances de son temps, il est permis de -croire qu'il est peu de femmes qui aient jamais été appelées -à jouir d'un aussi grand bonheur. Tous ses amis de -la Fronde étaient rentrés. Le cardinal de Retz lui-même -avait obtenu la permission de se rendre à Fontainebleau, -et de se présenter devant le roi; madame de Sévigné était -allée à sa rencontre jusqu'à Saint-Denis. S'il ne lui fut plus -permis de demeurer à la cour, si la carrière de l'ambition -lui fut pour toujours fermée, il fut plus entièrement livré -à ses amis et à ceux dont il se faisait chérir. Il n'erra plus -loin de sa patrie; et après tant d'agitations, dans sa belle -retraite de Commercy, il put passer dans le repos les dernières -années de sa vie<a id="FNanchor_573" href="#Footnote_573" class="fnanchor"> [573]</a>. Il s'y occupa de philosophie, -de métaphysique<a id="FNanchor_574" href="#Footnote_574" class="fnanchor"> [574]</a>, et s'amusa à rédiger ses Mémoires, -qui lui ont acquis, comme écrivain, le premier rang en -ce genre. Les autres amis de madame de Sévigné, Turenne, -le comte du Lude, Tonquedec, le gai Marigny, -et tant d'autres, restés en faveur, ou pardonnés, étaient -revenus de leur exil. Ainsi tous ceux qui l'avaient vue -entrer à la cour et dans le monde, elle les retrouvait; -ils composaient encore sa société intime, et, toujours -belle, riche, spirituelle, elle jouissait également des nouveaux -<span class="pagenum"><a id="Page_337"> 337</a></span> -hommages que ses charmes lui attiraient parmi -les jeunes gens, et de ceux que depuis longtemps lui rendaient -ses anciens adorateurs. Mais les succès qu'elle obtenait -n'étaient rien en comparaison des jouissances que -lui donnaient ceux de sa fille. C'est par elle, c'est pour -elle, qu'elle semblait vivre et plaire, pour elle qu'elle -éprouvait tant d'orgueil et de délices à ces ballets. La -jeunesse et les grâces de mademoiselle de Sévigné attiraient -tous les regards; et jamais peut-être les fêtes ne -furent plus multipliées que depuis sa présentation à la -cour jusqu'à son mariage, c'est-à-dire depuis l'année 1663 -jusqu'à l'année 1669. Il y en avait sans cesse, il y en avait -partout; car on ne se contentait pas de celles que donnaient -le roi et les princes: à leur imitation, les personnages -qui, par leur rang ou leur fortune, tenaient un grand -état de maison avaient aussi leurs ballets, leurs mascarades, -leurs musiciens et leurs danseurs.</p> - -<p>Madame de Sévigné était invitée aux fêtes les plus -magnifiques: elle n'était pas seulement répandue dans la -noblesse; ses liaisons avec Fouquet lui avaient procuré des -amis parmi les gens de robe et parmi ceux de la haute -finance. Ainsi qu'on l'a vu, madame Duplessis-Guénégaud -avait conçu une vive amitié pour elle: cette amitié -s'était augmentée par l'intérêt qu'elle lui vit prendre au -surintendant, lors du fameux procès; ce qui faisait dire -alors en plaisantant, à madame de Sévigné, que madame -de Guénégaud l'aimait «par réverbération.» Madame de -Sévigné nous dépeint madame de Guénégaud «comme -une femme d'un grand esprit et de grandes vues, et qui -avait un grand art de posséder une grande fortune<a id="FNanchor_575" href="#Footnote_575" class="fnanchor"> [575]</a>.» -<span class="pagenum"><a id="Page_338"> 338</a></span> -Ceci est dit à cause des fêtes brillantes que M. et Madame -de Guénégaud donnèrent dans le magnifique hôtel qu'ils -avaient fait construire sur l'emplacement de l'hôtel de -Nevers, et dans leur beau château de Fresnes. La plus -remarquable de ces fêtes eut lieu à Paris en 1665, lors -du mariage de mademoiselle de Guénégaud avec le duc -de Caderousse<a id="FNanchor_576" href="#Footnote_576" class="fnanchor"> [576]</a>. Les amis de madame de Guénégaud y -exécutèrent un ballet-mascarade, intitulé: <i>les Muets du -Grand Seigneur</i>. Madame de Guénégaud y était désignée -sous le nom d'Amalthée; et voilà pourquoi madame -de Sévigné la nomme si souvent ainsi dans sa correspondance.</p> - -<p>On voyait dans ce ballet des démons habillés sous -mille formes différentes, pour faire invasion dans le -beau palais d'Amalthée, c'est-à-dire dans cet hôtel de -Guénégaud, qu'on nommait encore l'hôtel de Nevers. -Puis les ombres racontaient ce qu'elles avaient observé -de la vie intérieure d'Amalthée; ce qui leur donnait occasion -de dévoiler sa bonté, sa générosité, toutes les qualités -qui la faisaient chérir, et de varier, au moyen des -caractères de chaque démon, les louanges délicates qui -lui étaient adressées.</p> - -<p>Lorsque Duplessis-Guénégaud jouissait ainsi avec profusion -de sa grande fortune, il n'ignorait pas que l'examen -de la chambre de justice chargée de prononcer -sur la gestion de ceux qui avaient eu part aux opérations -du surintendant tendait à l'en priver<a id="FNanchor_577" href="#Footnote_577" class="fnanchor"> [577]</a>; mais en ne -changeant rien à sa manière de vivre il croyait montrer -<span class="pagenum"><a id="Page_339"> 339</a></span> -par là qu'il n'avait rien à craindre des poursuites dirigées -contre lui, et qu'il suffisait seulement de gagner du temps: -il espérait que Louis XIV se relâcherait des mesures de -rigueur que l'on présumait lui être inspirées par les ennemis -du surintendant.</p> - -<p>Mais au milieu des pompes et des délices de sa cour, -dont il paraissait uniquement occupé, le jeune monarque -poursuivait ses desseins avec une constance et une ardeur -que nul autre souverain n'a égalées. Malheureusement -il ne connaissait que les mesures despotiques, dont -le règne de Richelieu et l'anarchie de la Fronde lui avaient -facilité l'emploi, en donnant lieu de penser qu'ils étaient -les seuls moyens de gouvernement possibles et efficaces<a id="FNanchor_578" href="#Footnote_578" class="fnanchor"> [578]</a>. -La Bastille et le For-l'Évêque se remplissaient de financiers, -de maltôtiers, prévenus de prévarications; de gentils-hommes -et de militaires qui, au mépris des ordonnances, -s'étaient battus en duel ou étaient accusés de -contraventions à d'autres édits du roi<a id="FNanchor_579" href="#Footnote_579" class="fnanchor"> [579]</a>; de jansénistes -qui s'opposaient au formulaire et à la bulle du -pape Alexandre VII, pour l'enregistrement de laquelle -Louis XIV s'était rendu lui-même au parlement et -avait fait violence à cette compagnie<a id="FNanchor_580" href="#Footnote_580" class="fnanchor"> [580]</a>. On emprisonnait -aussi arbitrairement tous ceux qui avaient offensé, soit -par leurs écrits, soit par leurs discours, la personne du -roi ou mal parlé de son gouvernement, ou même qui -étaient simplement soupçonnés de ce délit. Dans le -nombre de ces derniers se trouvait le comte de Bussy de -<span class="pagenum"><a id="Page_340"> 340</a></span> -Rabutin; il fut arrêté le 17 avril 1665, et renfermé à la -Bastille<a id="FNanchor_581" href="#Footnote_581" class="fnanchor"> [581]</a>. Pour bien connaître les causes de son arrestation, -il faut reprendre la suite de ses aventures, et l'histoire -de sa liaison et de ses rapports avec madame de -Sévigné, depuis l'époque où nous avons cessé d'en entretenir -nos lecteurs, jusqu'à cet événement même, qui -eut une si triste influence sur le reste de sa vie. Ce récit -fera le sujet des deux chapitres suivants.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_341"> 341</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE XXIV.<br /> -<span class="medium">1658-1665.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Bussy abandonne le parti de Condé.—Il se rend désagréable au roi.—Désordre -de ses affaires.—Il a recours au surintendant,—et -ensuite au roi.—Il n'obtient rien.—Il se retire dans sa terre.—Ses -amours avec madame de Monglat.—C'est pour son amusement -qu'il compose l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i>.—Il en fait des -lectures.—Il en prête le manuscrit à la marquise de La Baume.—Aventure -de la marquise de La Baume avec le duc de Candale.—Elle -est mise au couvent.—Billet d'elle trouvé dans les papiers de -Fouquet.—Elle tire copie du manuscrit de l'<i>Histoire amoureuse -des Gaules</i>.—Bussy assure à celui-ci que cette copie est brûlée.—Le -jeune Louvois devient l'ami de madame de La Baume.—Bussy -se répand en injures contre elle.—Elle fait imprimer, pour se venger, -l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, et y ajoute une clef.—L'ouvrage -était interpolé.—Déchaînement général contre Bussy.—Il -fait remettre au roi son manuscrit original.—Bussy n'a jamais -osé rien écrire contre Louis XIV.—Preuves de ce fait.—Louis XIV -en était convaincu.—Louis XIV ne détestait pas la satire contre ceux -qui l'entouraient.—Il ne la souffrait pas contre lui.—Louis XIV -accorde une entrevue particulière à Bussy.—Il approuve sa nomination -à l'Académie Française.—Condé et son parti sont furieux -contre Bussy.—Louis XIV fait mettre Bussy à la Bastille, pour le -sauver de ses ennemis.—Une jeune religieuse devient amoureuse -de lui.—Il tombe malade de tristesse.—On le force à vendre sa -charge de mestre de camp de cavalerie.—Il obtient sa liberté.—Il -est exilé dans sa terre.—Il est trompé.—Chagrin qu'il en ressent.—Il -se réconcilie avec sa cousine la marquise de Sévigné.—Elle -lui rend son amitié, mais non pas sa confiance.</p> - -<p class="space">Bussy, malgré ses efforts<a id="FNanchor_582" href="#Footnote_582" class="fnanchor"> [582]</a>, ne put jamais recueillir de -sa défection du parti de Condé le prix qu'il en avait espéré. -<span class="pagenum"><a id="Page_342"> 342</a></span> -En abandonnant dans un moment décisif ce parti -pour s'offrir à Mazarin dans le temps où ce ministre était le -plus détesté, il s'était fait des ennemis de tous les partisans -des princes, du parlement et de la Fronde. Il perdit ainsi -l'appui et l'affection de tous ceux qu'il avait quittés, et -n'obtint pas la confiance de ceux à qui il s'était donné. -Il ne réussit point à la cour: on y redoutait son esprit -caustique et railleur; on y détestait son caractère égoïste, -vaniteux, faux et versatile. Le pire, c'est qu'il devint personnellement -désagréable au roi. Comme il servait avec -distinction, on lui permit cependant d'acheter la charge de -mestre de camp de la cavalerie légère; mais cette grâce, -dont on pensa qu'il devait se contenter, lui fut onéreuse -par le prix considérable qu'il fut obligé d'y mettre<a id="FNanchor_583" href="#Footnote_583" class="fnanchor"> [583]</a>. Il -était déjà obéré quand il fit l'acquisition de cette charge; -pour la payer, il eut recours au surintendant, et se trouva -ainsi forcé à des déférences et à des souplesses envers un -homme qu'il détestait, parce qu'il était son rival auprès -de sa cousine. Mais ses sentiments secrets étaient ignorés; -on n'en pouvait juger que par ses actions. Son intimité et -ses liaisons avec Fouquet, auquel il était obligé de rendre -continuellement des devoirs par les besoins qu'il avait de -lui, le rendirent de plus en plus suspect à Mazarin. Cependant -il n'obtint pas non plus tout ce qu'il désirait du -surintendant, qui ne l'aimait pas; et sa fortune continua -à se délabrer par son inconduite et sa prodigalité.</p> - -<p>Mazarin mourut; et l'arrestation de Fouquet et la saisie -de ses papiers firent connaître au roi l'engagement que -<span class="pagenum"><a id="Page_343"> 343</a></span> -Bussy avait pris de donner sa démission de la charge de -mestre de camp de la cavalerie légère en faveur du surintendant, -afin que celui-ci pût en disposer et la faire donner -à un de ses parents ou à quelqu'un qui lui fût dévoué. -Dès ce moment Bussy devint suspect à Louis XIV. En vain -Bussy faisait partout et en toute occasion l'éloge du roi<a id="FNanchor_584" href="#Footnote_584" class="fnanchor"> [584]</a>, -en vain il devint un souple et obséquieux courtisan: il ne -put obtenir ni argent, ni grade, ni honneurs, ni même un -accueil gracieux<a id="FNanchor_585" href="#Footnote_585" class="fnanchor"> [585]</a>. Le roi lui montra toujours un visage -froid et sévère. On ne lui payait pas la pension qui lui -était due pour sa charge de mestre de camp; il ne fut point -compris dans la nombreuse promotion qui eut lieu de chevaliers -des Ordres, faveur à laquelle il avait des droits, -et que le maréchal de Turenne, qu'il s'était aliéné, refusa -de demander pour lui<a id="FNanchor_586" href="#Footnote_586" class="fnanchor"> [586]</a>. Enfin, il ne fut pas même désigné -pour figurer dans le fameux carrousel de 1662, où il ne -pouvait se trouver comme simple spectateur, puisque -tous ceux qui avaient comme lui commandé en chef à la -guerre y figuraient. Le dépit et la nécessité de déguiser -sa disgrâce obligèrent donc Bussy à se retirer dans sa -terre. Là, son amour pour la marquise de Monglat le -consolait en partie de ses revers de fortune et des mécomptes -de l'ambition. Cependant, comme dans le malheur -l'esprit est plus accessible aux soupçons, et le cœur -plus susceptible et plus exigeant, Bussy crut s'apercevoir -que son adversité et sa défaveur auprès du roi refroidissaient -la passion que la marquise lui avait montrée -jusque alors; mais par ses protestations et par les témoignages -<span class="pagenum"><a id="Page_344"> 344</a></span> -de sa tendresse elle parvint à dissiper ces noires -impressions de jalousie<a id="FNanchor_587" href="#Footnote_587" class="fnanchor"> [587]</a>.</p> - -<p>C'était pour plaire à la marquise de Monglat et pour -son amusement que Bussy, deux ans auparavant (en 1660) -avait mis par écrit, sous la forme d'un petit roman<a id="FNanchor_588" href="#Footnote_588" class="fnanchor"> [588]</a> et -sous des noms supposés, le récit de quelques intrigues -amoureuses de plusieurs dames de la cour et une partie -des siennes. Il y avait dans ce petit ouvrage des anecdotes -scandaleuses, mais vraies; des portraits satiriques, mais -ressemblants et spirituellement touchés. Il n'en fallait pas -tant sur un pareil sujet pour exciter vivement la curiosité. -Bussy ne se contenta point de régaler madame de Monglat -de sa maligne production; il en fit quelques lectures à -plusieurs de ses amis, et bientôt l'existence de cet ouvrage -fut connue à la cour. Ceux qui l'avaient entendu lire parlèrent -avec exagération de ce qu'il renfermait de piquant -et de spirituel, et donnèrent grande envie aux jeunes -gens et aux jeunes femmes de le connaître. Les sollicitations -dont Bussy fut assiégé à ce sujet flattèrent son -amour-propre d'auteur, et le firent céder plusieurs fois -aux instances qui lui étaient faites; ce qui accrut la célébrité -de l'ouvrage.</p> - -<p>Une dame que Bussy avait courtisée avec succès, sans -qu'il cessât d'aimer madame de Monglat, désira vivement -connaître cet écrit, dont tout le monde parlait. Cette -dame (Bussy ne la désigne pas autrement dans ses Mémoires) -était alors renfermée au couvent de la Miséricorde, -par lettre de cachet obtenue par son mari. Elle -<span class="pagenum"><a id="Page_345"> 345</a></span> -ne pouvait sortir, mais il était assez facile de la voir; et -dans le dessein de la satisfaire, Bussy se rendit à la -grille du parloir du couvent au jour et à l'heure qu'elle -lui avait indiqués. Cependant il ne put, dans ce rendez-vous, -avoir avec elle un assez long tête-à-tête pour lui -donner une lecture entière de son ouvrage. Elle le supplia -de vouloir bien lui prêter son manuscrit, promettant de -ne le garder que deux jours<a id="FNanchor_589" href="#Footnote_589" class="fnanchor"> [589]</a>, et de ne le communiquer -à personne.</p> - -<p>Cette dame était la marquise de La Baume, connue par -ses attraits, ses caprices, son humeur quinteuse, et le -scandale de sa vie. C'était la nièce du premier maréchal -de Villeroi, et la mère de celui qui fut depuis le maréchal -de Tallard<a id="FNanchor_590" href="#Footnote_590" class="fnanchor"> [590]</a>; enfin la belle-sœur de cette marquise de -Courcelles dont nous parlerons plus amplement dans la -suite de ces Mémoires. La marquise de La Baume demeurait -à Lyon. La mort de son amant, le duc de Candale, -l'avait plongée dans le désespoir. Le jour même qu'elle -en apprit la nouvelle, son mari, qu'elle détestait, entra -dans sa chambre au moment où on la peignait; et il se mit -à la louer sur ses cheveux, d'un blond admirable, et remarquables -par leur abondance et leur longueur. Obsédée -par la douleur qu'il lui fallait cacher, et dépitée des fadeurs -et des tendresses maritales, voulant s'en délivrer -à tout prix, elle saisit fortement sa belle chevelure dans -une de ses mains, et, de l'autre, prenant ses ciseaux, -<span class="pagenum"><a id="Page_346"> 346</a></span> -elle la coupa tout entière<a id="FNanchor_591" href="#Footnote_591" class="fnanchor"> [591]</a>. Prodigue et adonnée au jeu, le -besoin d'argent la rendait souvent peu scrupuleuse sur les -moyens d'en obtenir. On en eut la preuve par ce billet -écrit de sa main, qui fut trouvé parmi les papiers de Fouquet, -et qu'elle lui avait adressé dans un temps où elle -voulait obtenir de lui dix mille écus: «Je ne vous aime -point, je hais le péché, mais je crains encore plus la nécessité; -c'est pourquoi venez tantôt me voir<a id="FNanchor_592" href="#Footnote_592" class="fnanchor"> [592]</a>.» On ignore -quelles furent les nouvelles galanteries qui, mettant à -bout la patience du mari de la marquise de La Baume, le -forcèrent à la faire mettre au couvent, et de quelle manière -a commencé sa liaison avec Bussy. Ce que nous savons, -c'est qu'elle fut en partie fidèle à la promesse qu'elle -lui avait faite, et qu'elle lui rendit son manuscrit au bout -de deux jours; mais elle se garda bien de lui dire que, -dans ce court intervalle de temps, elle en avait tiré une -copie.</p> - -<p>Bussy apprit peu après, par madame de Sourdis, qu'il -était trahi, et qu'une copie de son ouvrage avait été -communiquée à plusieurs personnes par madame de La -Baume. Il eut avec elle une explication très-vive, après -laquelle ils se séparèrent brouillés<a id="FNanchor_593" href="#Footnote_593" class="fnanchor"> [593]</a>. Le comte du Lude -cependant se fit médiateur entre eux: il alla trouver la -marquise de La Baume, et obtint d'elle de brûler lui-même -en sa présence la copie de l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i> -qu'elle possédait. Le comte du Lude fit ensuite part -à Bussy du succès de sa négociation. D'après ce qui avait -été convenu, Bussy promit, de son côté, de ne rien dire -<span class="pagenum"><a id="Page_347"> 347</a></span> -et de ne rien faire qui fût contraire aux intérêts de la -marquise de La Baume; de ne jamais parler d'elle, ni en -bien ni en mal.</p> - -<p>Mais dans les deux parties contractantes il n'y avait -aucune sincérité: après avoir tous deux trompé leur négociateur, -elles voulaient se tromper mutuellement<a id="FNanchor_594" href="#Footnote_594" class="fnanchor"> [594]</a>. Le -jeune Louvois, fils du chancelier Le Tellier, déjà dans les -charges, et qui depuis s'acquit comme ministre une si -grand célébrité, devint l'amant favorisé de la marquise -de La Baume. Ce fut là l'origine de l'inimitié qui subsista -toujours entre Louvois et Bussy. Depuis lors Bussy ne -parla plus qu'avec mépris de cette marquise; et elle le -méritait bien, si, comme il l'avance dans ses Mémoires, -après avoir été longtemps la maîtresse de Louvois, elle -descendit ensuite à son égard au rôle ignoble de confidente<a id="FNanchor_595" href="#Footnote_595" class="fnanchor"> [595]</a>.</p> - -<p>Quoi qu'il en soit, il paraît constant que ce fut la marquise -de La Baume qui communiqua d'abord, à tous ceux -qui voulaient le lire ou le copier, l'ouvrage de Bussy. Cet -ouvrage se répandit par les copies qui en furent faites; -mais cette publicité clandestine ne suffisait point à la -marquise, qui, toujours plus animée contre Bussy, voulait -se venger de lui en lui mettant sur les bras un plus -grand nombre d'ennemis. Elle fit imprimer l'ouvrage en -Hollande. Cette première édition in-18, avec les types -des Elzeviers, sans date ni nom d'imprimeur, portant -le nom de Liége pour lieu d'impression et pour fleuron -une croix de Saint-André, paraît avoir été mise au -jour à la fin de l'année 1664, ou au commencement -<span class="pagenum"><a id="Page_348"> 348</a></span> -de 1665<a id="FNanchor_596" href="#Footnote_596" class="fnanchor"> [596]</a>. Cette édition semble conforme au manuscrit primitif; -mais l'auteur avait eu soin d'atténuer le venin de son -ouvrage en donnant à des faits trop véridiques une apparence -romanesque, et en masquant les personnes par des -noms supposés. La marquise de la Baume, en livrant -l'ouvrage à l'impression, y ajouta une clef, où les noms -véritables se trouvaient en regard de ceux que l'auteur -leur avait substitués. Alors cet ouvrage, par le fait de -l'impression et par la divulgation des personnages, changea -entièrement de nature. Il devait être, dans l'intention -de Bussy, un roman spirituel et amusant, où la malignité -des gens de cour devait avoir le plaisir de deviner -les allusions à des intrigues qui leur étaient connues, et -de saisir la ressemblance des portraits, en apparence imaginaires, -avec les individus qui avaient pu servir de modèles. -Au moyen de la clef, le livre prit le caractère d'un -libelle odieux et déhonté, où l'on dévoilait aux provinces -et à l'étranger les mœurs de la cour, et les déportements -scandaleux de femmes d'une grande naissance; -où des hommes revêtus de hautes dignités, ou environnés -de gloire, étaient représentés sous des couleurs fantasques -ou ridicules.</p> - -<p>Alors le déchaînement contre Bussy devint général. Il -en craignit les suites; et, sachant que son ouvrage avait -été dénoncé au roi<a id="FNanchor_597" href="#Footnote_597" class="fnanchor"> [597]</a>, il lui fit remettre le manuscrit original -par le duc de Saint-Aignan, son ami, qui supplia -<span class="pagenum"><a id="Page_349"> 349</a></span> -même temps le monarque de daigner le lire en entier. -Quoique Louis XIV fût mentionné dans cet ouvrage, -Bussy pouvait, sans y rien changer, désirer qu'il en prît -lecture.</p> - -<p>On a dit que la principale cause de la longue disgrâce -de Bussy et son emprisonnement provenaient d'un cantique -obscène contre Louis XIV, qui se trouve inséré dans -les éditions de l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i> que l'on -a faites après la première; mais, quoique cette opinion -soit générale, elle n'en est pas moins fausse, et elle -prouve seulement qu'on ne s'est pas donné la peine d'étudier -les événements de cette époque, le caractère des -personnages qui y ont joué un rôle, leur position, et les -intérêts qui les faisaient agir.</p> - -<p>D'abord Bussy ne s'est jamais servi, en écrivant, d'expressions -obscènes. Dans les récits des nombreuses aventures -galantes et licencieuses qui se trouvent dans ses -Mémoires, il n'y a pas un seul de ses vers ni une seule -ligne de sa prose qui puissent fournir un exemple d'un -mot que le bon goût ne puisse avouer, ou que le bon ton -réprouve. Dans tout ce qu'il a écrit, il prend soin d'éviter -les mots ignobles; et quand il est forcé de parler des -choses qui les expriment, il a soin d'user à dessein de -périphrases obscures. D'ailleurs, quoiqu'il se soit permis -des épigrammes, des chansons, des traits satiriques en -vers et en prose contre tous ceux qu'il n'aimait pas, hommes -et femmes, financiers, gens de robe, gens de cour, -généraux, ministres, princes du sang même, jamais cependant -il n'osa s'attaquer au roi, autrement que par des -plaintes amères sur ses injustices à son égard. Ses discours, -ses écrits, livrés au grand jour de l'impression; ses lettres -particulières les plus secrètes, les plus confidentielles, -<span class="pagenum"><a id="Page_350"> 350</a></span> -sont marquées au coin de l'enthousiasme le plus grand -pour Louis XIV, de la louange la plus sincère ou de la -flatterie la plus basse. Lors même qu'on accorderait qu'il -lui est échappé contre le roi quelque épigramme, comme -celle que Loménie de Brienne lui attribue<a id="FNanchor_598" href="#Footnote_598" class="fnanchor"> [598]</a>, et que nous ne -croyons pas être de lui, ce ne serait pas une raison suffisante -pour qu'on pût supposer qu'il ait écrit l'infâme et -burlesque cantique qu'on a laissé passer sous son nom. Si -jamais Louis XIV eût seulement soupçonné Bussy capable -de l'insulter à ce point, jamais sa liberté ne lui aurait été -rendue, et il serait mort dans un des cachots de la Bastille. -Le chancelier Seguier, qui se montra si souple dans -l'affaire de Fouquet; le duc de Saint-Aignan, ce courtisan -si fin, si délié, si dévoué, qui ne cessa jamais d'être -le confident le plus intime et le plus utile des amours de -son maître, étaient aussi les amis particuliers de Bussy. -Le duc de Saint-Aignan, qui non-seulement ne l'abandonna -pas dans la disgrâce, mais qui le servit avec chaleur -auprès du roi, eût-il osé avouer son amitié pour Bussy, -s'il n'avait pas eu la conviction que celui-ci n'avait ni rien -dit ni rien écrit contre Louis XIV? Bussy lui-même, livré -au pouvoir de ses ennemis, sous les verrous de la Bastille, -exhorte dans ses défenses ses amis à le renier, à -l'abandonner, s'ils le croient coupable d'un tel délit. Il -offre sa tête à l'échafaud, si l'on fournit la moindre preuve -qu'il soit l'auteur des chansons et des écrits satiriques -contre le roi qu'on a voulu lui attribuer. Il défie de montrer -une seule ligne de lui où il soit question du roi, sans -qu'elle ne contienne son éloge; il se soumet aux peines les -plus rigoureuses, si l'on peut le convaincre qu'il ait tenu -<span class="pagenum"><a id="Page_351"> 351</a></span> -au sujet du roi le moindre propos qui soit contraire aux -sentiments qu'il a manifestés par écrit. Bussy eût-il tenu -ce langage s'il avait pu croire que le résultat pût lui être -contraire? Trois éditions successives de l'<i>Histoire amoureuse -des Gaules</i>, sous la rubrique de Liége, parurent -sans le cantique que les imprimeurs de Hollande eurent -l'impudence d'y insérer depuis<a id="FNanchor_599" href="#Footnote_599" class="fnanchor"> [599]</a>.</p> - -<p>Louis XIV était lui-même convaincu que Bussy n'avait -ni la volonté ni l'audace de s'attaquer à lui. Conformément -à la demande qu'il lui avait faite, il lut son livre. -Cette lecture eut lieu vers la fin de mars 1665, au retour -d'un voyage que le roi fit à Chartres pour un pèlerinage à -la sainte Vierge, afin d'accomplir un vœu que la reine -avait fait pendant sa grossesse<a id="FNanchor_600" href="#Footnote_600" class="fnanchor"> [600]</a>. Cet acte de dévotion -sincère n'empêchait pas que le roi ne fût alors dans une -disposition d'esprit très-propre à se plaire aux récits des -aventures galantes dont se composait l'ouvrage de Bussy, -et aux traits satiriques qui y étaient répandus. Les intrigues -d'amour tenaient alors une grande place dans la vie -de Louis XIV; et pourvu que le sarcasme ne l'atteignît -pas, il se plaisait à le voir lancer contre ceux qui, maintenant -si souples et si soumis, s'étaient montrés si arrogants -et si remuants pendant sa minorité. Là se trouve -<span class="pagenum"><a id="Page_352"> 352</a></span> -le secret de la haute protection qu'il accordait à Molière, -et de la hardiesse des scènes de cet auteur. L'ouvrage de -Bussy, bien loin donc de déplaire à Louis XIV, l'amusa; -mais il ne lui inspira aucune estime pour son auteur, et -encore moins d'affection: il regarda Bussy comme un -homme dangereux, qu'il fallait peut-être contenir, même -ménager, et surveiller toujours. Bussy lui ayant demandé -la faveur d'une audience particulière, il la lui accorda. -Bussy fut touché jusqu'aux larmes de la manière aimable -dont il fut accueilli: le roi lui promit de ne prêter l'oreille -à aucune accusation, sans lui donner les moyens de se justifier; -et, de son côté, Bussy fit serment de ne se permettre -aucune action, aucun écrit, aucun discours qui pût déplaire -au roi<a id="FNanchor_601" href="#Footnote_601" class="fnanchor"> [601]</a>. Ce qui démontre, malgré ce qui se passa ensuite, -que Louis XIV était sincère dans ses promesses, c'est l'approbation -qu'il donna au choix que l'Académie Française -fit de Bussy pour remplacer Perrot d'Ablancourt<a id="FNanchor_602" href="#Footnote_602" class="fnanchor"> [602]</a>.</p> - -<p>Cette indulgence et cette bienveillance apparentes furent -ce qui perdit Bussy. Tous ceux qui se trouvaient -blessés par la publicité donnée à son ouvrage s'agitèrent. -Lenet, qui, comme nous l'avons vu, était l'ami de sa -jeunesse, mais dévoué aux Condés, rompit avec lui<a id="FNanchor_603" href="#Footnote_603" class="fnanchor"> [603]</a>. Il -fut un des plus ardents à faire entendre de vives réclamations -contre l'espèce d'autorisation ou de tolérance accordée -à un ouvrage qui contenait des outrages contre le -premier prince du sang, le plus grand guerrier de son siècle. -On produisit des chansons, des épigrammes, des libelles -récemment composés contre le roi et son gouvernement, -<span class="pagenum"><a id="Page_353"> 353</a></span> -que l'on attribuait à Bussy. Il était généralement considéré -comme le plus bel esprit de la cour; admiré au delà -de son mérite, plus redouté que redoutable. Il ne fut pas -difficile de persuader à la reine mère, dont le nom se -trouvait souvent dans ces pièces satiriques, de se joindre -aux ennemis de Bussy pour appeler contre lui des mesures -de rigueur. Elle dit un jour, à son cercle: «Je suis surprise -que monsieur le Prince, qui ne passe pas pour endurant, -souffre patiemment ce que Bussy a dit de lui<a id="FNanchor_604" href="#Footnote_604" class="fnanchor"> [604]</a>.» Ces paroles -réveillèrent la fureur du grand Condé; et il se proposait -de faire un affront à Bussy; celui-ci ne l'ignorait -pas, et il ne marchait qu'armé et cuirassé. Louis XIV, -pour éviter un éclat et pour prévenir des violences qu'il -eût été obligé de punir, fit, ainsi que nous l'avons dit, -arrêter Bussy. Il fut conduit à la Bastille le 17 avril 1665<a id="FNanchor_605" href="#Footnote_605" class="fnanchor"> [605]</a>. -Les accusations se renouvelèrent avec plus de force contre -l'imprudent auteur de l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i>. -On le représenta comme un factieux, et on parvint à donner -quelque vraisemblance aux assertions qui le faisaient -auteur de certains écrits contre le roi, récemment publiés -dans l'étranger. Le président Tardieu, celui-là même dont -les vers de Boileau ont rendu célèbres la sordide avarice -et la funeste fin<a id="FNanchor_606" href="#Footnote_606" class="fnanchor"> [606]</a>, fut chargé d'interroger Bussy au sujet de -ces libelles. Louis XIV demeura convaincu qu'il n'en était -pas l'auteur; mais il le retint cependant à la Bastille, autant -pour donner satisfaction à ses ennemis que pour -<span class="pagenum"><a id="Page_354"> 354</a></span> -le protéger contre leur fureur. Bussy tomba malade de -tristesse. Dans sa convalescence, le désir de faire cesser -sa captivité lui faisait adresser sans cesse au roi et à la reine -mère des placets où il prodiguait les éloges les plus emphatiques -et les supplications les plus basses. Il assiégeait -de ses lettres le duc de Saint-Aignan, Montausier, Le Tellier, -l'archevêque de Paris, tous ceux qu'il savait à la -cour lui porter de l'intérêt. Ils intercédaient en sa faveur -auprès du roi; mais Louis XIV ne répondait à aucune -de ces sollicitations<a id="FNanchor_607" href="#Footnote_607" class="fnanchor"> [607]</a>. Ce ne fut qu'après que Bussy eut -consenti à résigner à Coislin sa charge de mestre de camp -de la cavalerie légère, pour une somme moindre que celle -qu'elle lui avait coûté, qu'il obtint enfin un adoucissement -à son sort. Il sortit de la Bastille le 17 mai 1666, et il lui -fut permis d'aller chez le chirurgien Dallancé (le même qui -avait secouru Marigny) pour y rétablir sa santé<a id="FNanchor_608" href="#Footnote_608" class="fnanchor"> [608]</a>. Dans le -mois d'août suivant, il fut exilé dans sa terre. Il partit le -6 septembre de Paris, et arriva quatre jours après dans -son château de Bussy, où il commença une vie de retraite -qui aurait pu être heureuse, s'il avait su bannir de son -cœur les passions qui le dominaient. Mais l'amour et l'ambition -ne cessaient point de le tourmenter. Pendant son -séjour à la Bastille, une jeune religieuse, âgée de moins -de vingt ans, s'était éprise de lui, et voulait tout sacrifier -pour contribuer à sa délivrance. Ce fut lorsqu'il recevait -une preuve si touchante d'un attachement auquel il ne répondit -pas, qu'il apprit que madame de Monglat le trahissait, -et en aimait un autre. Elle était la femme dont il -<span class="pagenum"><a id="Page_355"> 355</a></span> -se croyait le plus aimé, et il la jugeait incapable de l'abandonner -dans le malheur<a id="FNanchor_609" href="#Footnote_609" class="fnanchor"> [609]</a>; aussi son désespoir ne se -peut décrire quand il fut certain qu'elle le trompait: «Je -faillis en mourir, dit-il, et je suis venu, à la fin, à ce -bienheureux état d'indifférence qu'elle méritait il y avait -longtemps<a id="FNanchor_610" href="#Footnote_610" class="fnanchor"> [610]</a>.» Mais on pourrait douter, malgré cette assertion, -que ce bienheureux état ait jamais existé pour lui: -quatorze ans après sa rupture avec madame de Monglat, -il faisait des vers contre elle; et les inscriptions et les -emblèmes qui se voyaient au château de Bussy, et qui -y sont peut-être encore, sont des preuves irrécusables -que le souvenir de cette infidélité lui fut toujours -amer<a id="FNanchor_611" href="#Footnote_611" class="fnanchor"> [611]</a>.</p> - -<p>Cependant madame de Sévigné, que Bussy avait si -odieusement outragée, voulut se rapprocher de lui quand -elle le sut malheureux et captif: ce qui s'est passé entre -elle et lui à cette époque orageuse de leur liaison sera -l'objet du chapitre suivant.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_356"> 356</a></span></p> -<h2 class="normal">CHAPITRE XXV.<br /> -<span class="medium">1658-1668.</span></h2> -</div> - -<p class="hanging indent"> -Attachement réciproque de madame de Sévigné et de Bussy.—Bussy -se repent vivement d'avoir offensé sa cousine.—Belle conduite de -Bussy envers elle, lors des lettres qui furent trouvées chez Fouquet.—Discussion -qu'il eut à ce sujet avec de Rouville, son beau-frère.—Madame -de Sévigné est sensible au procédé de Bussy.—Ce qui -s'était passé à l'égard du portrait de madame de Sévigné de l'<i>Histoire -amoureuse des Gaules</i>.—Madame de Sévigné prête de l'argent -à Bussy.—Bussy et madame de Sévigné se voient en Bourgogne, -et sont charmés l'un de l'autre.—Madame de Sévigné apprend -qu'il court des copies de l'ouvrage de Bussy.—Elle rompt tout -commerce avec lui.—Il est mis à la Bastille.—L'intérêt que lui -porte madame de Sévigné se réveille.—Elle envoie savoir de ses -nouvelles.—Elle se brouille avec la marquise de La Baume.—Rapports -inexacts faits à Bussy sur madame de Sévigné.—Il la croit -contre lui.—Elle est la première à l'aller voir chez Dallancé.—Ils -n'osent s'expliquer, et se séparent à moitié réconciliés.—Leur -correspondance recommence.—Lettre de Bussy à madame de -Sévigné, contenant le récit d'une visite au château de Bourbilly.—Madame -de Sévigné met peu d'empressement à répondre.—Reproche -que lui en fait Bussy.—Il lui confie toutes ses affaires.—Peu -satisfait d'elle, il est quelque temps sans lui écrire.—Elle lui rappelle -qu'elle lui a écrit la dernière.—Explication entre Bussy et -madame de Sévigné.—Bussy retrace sa conduite envers elle, et il -lui reproche de l'avoir abandonné.—Nouvelle lettre de Bussy qui -renouvelle les reproches de la première.—Madame de Sévigné -répond par une longue apologie.—Réplique de Bussy.—Madame -de Sévigné lui demande la généalogie des Rabutins.—Nouvelles -explications, et nouvelles réfutations de madame de Sévigné des -reproches de Bussy.—Fin de cette discussion.—Bussy écrit à sa -cousine qu'il se rend à discrétion.—Réplique aimable de madame -de Sévigné.—Renouvellement de leur correspondance et de leur -intimité.</p> - -<p class="space"><span class="pagenum"><a id="Page_357"> 357</a></span> -Quoique, dans le nombre de ceux qui composaient la -société de madame de Sévigné, Bussy n'était pas celui -qui lui paraissait le moins exempt de défauts, c'était celui -pour lequel elle se sentait cependant la plus forte inclination. -D'un autre côté, si, dans toutes les femmes que Bussy -avait connues, madame de Sévigné n'était pas celle qui -lui avait inspiré le plus violent amour, ce fut celle vers -laquelle il se sentait le plus constamment attiré par les -liens les plus durables, par la confiance la plus intime, -par l'estime la mieux sentie. Madame de Sévigné admirait -dans son cousin les talents militaires, une bravoure brillante, -les grâces du courtisan, le savoir et les talents de -l'homme de lettres. Elle exagérait beaucoup sans doute -son mérite, surtout sous ce dernier rapport; toutefois, elle -avait raison de le considérer comme un des hommes les -plus spirituels de la cour, un de ceux qui parlaient et écrivaient -avec le plus de facilité et de pureté. Lui, ne faisait -que porter sur sa cousine un jugement équitable, quand il -voyait en elle la femme la plus aimable de son temps, -celle qui dans un cercle, ou la plume à la main, possédait -le plus de moyens de plaire. Il la flattait quand il lui -disait qu'elle était la plus jolie femme de France; mais il -lui rendait justice quand il se montrait persuadé qu'elle -était la femme la plus attrayante et du mérite le plus -accompli.</p> - -<p>Tous les deux éprouvaient une peine extrême de se -trouver brouillés l'un avec l'autre, parce qu'en effet en -rompant ensemble chacun avait perdu son plus sincère -admirateur, son confident le plus intime. Madame de Sévigné -ressentait contre son cousin un courroux qui n'était -que trop justifié par les mortifications que son perfide écrit -lui faisait subir; mais elle avait en même temps de vifs -<span class="pagenum"><a id="Page_358"> 358</a></span> -regrets que les conseils de son oncle lui eussent fait perdre -l'occasion de rendre à son cousin le service qu'il lui -avait demandé, et de lui avoir donné lieu de soupçonner -sa sincérité et son amitié. Quant à Bussy, il éprouvait un -remords profond de s'être vengé d'une manière si cruelle. -C'est lui-même qui nous le dit<a id="FNanchor_612" href="#Footnote_612" class="fnanchor"> [612]</a>. Il ne pouvait se pardonner -«d'avoir offensé une femme jolie, excellente, sa -proche parente, qu'il avait toujours aimée et de l'amitié -de laquelle il ne pouvait pas douter».</p> - -<p>Avec ces mutuelles dispositions, la moindre circonstance -pouvait opérer une réconciliation. Cette circonstance -se présenta.</p> - -<p>Lorsqu'on sut que parmi les papiers saisis chez le surintendant -il se trouvait un grand nombre de lettres qui -lui avaient été adressées par madame de Sévigné, la malignité -publique, qui, telle qu'un génie infernal, se comptait -surtout dans la chute de ce qu'il y a de plus pur et -de plus parfait, s'empara aussitôt d'une réputation qu'elle -s'était vue contrainte de respecter jusque ici, pour se donner -le plaisir de la déchirer. Elle y procéda avec cette dextérité -cruelle que donne l'envie qui s'attache à la vertu: on fouilla -dans le passé, on rappela toutes les attentions, tous les -soins, toutes les galanteries de Fouquet pour madame de -Sévigné. Si jusque ici, disait-on, elle avait échappé aux -soupçons qui pour tant d'autres s'étaient convertis en certitude, -c'est qu'elle avait su mieux dissimuler et mieux -sauver les apparences. En vain ses nombreux amis s'efforçaient-ils -de persuader que sa correspondance avec le -surintendant n'était relative qu'à des affaires de famille; -<span class="pagenum"><a id="Page_359"> 359</a></span> -en vain on citait, pour le prouver, les paroles du roi et -de son ministre: Fouquet n'avait pas coutume de serrer -des papiers d'affaires dans sa cassette réservée. On savait -quelles étaient les lettres de mademoiselle de Menneville, -et de plusieurs autres dames de la cour, qui avaient été -trouvées dans cette mystérieuse cassette: pouvait-on -croire que celles de madame de Sévigné fissent exception -et fussent d'une autre nature?</p> - -<p>Il est des circonstances où l'on donne plus de poids aux -accusations quand on cherche à les combattre: telle était -la position où se trouvait placée madame de Sévigné. -Tâcher de repousser les soupçons auxquels elle était en -butte, c'était déjà reconnaître qu'ils pouvaient être fondés, -et renoncer à ce juste orgueil d'une bonne conscience, qui -nous persuade que nous sommes au-dessus des atteintes -de la calomnie; avoir la force de les mépriser est peut-être -le moyen le plus efficace de les anéantir. D'ailleurs, la -faveur dont madame de Sévigné jouissait à la cour, -la manière dont le monarque s'exprimait sur son compte, -ne permettaient pas d'en agir avec elle comme avec celles -dont les papiers trouvés chez Fouquet avaient mis à nu -les intrigues et la vénalité, et dont la conduite scandaleuse -avait été punie par l'exil ou le couvent. C'était avec -ménagement qu'on se permettait contre elle les plus perfides -insinuations; c'était avec de cruelles réticences, avec -de malins sourires, ou un air de compassion et de tristesse -hypocrite, qu'on s'entretenait de ses liaisons avec le surintendant, -et des malheureuses lettres qu'on avait trouvées -dans la fatale cassette. On peut se présenter en face -devant la diffamation qui se produit dans les carrefours, -ou qui s'annonce à son de trompe; mais celle qui s'enferme -dans des réduits, qui ne parle qu'à l'oreille, qui renie ses -<span class="pagenum"><a id="Page_360"> 360</a></span> -actes et dissimule son visage, comment l'atteindre? Cependant -les blessures faites par des coups portés dans -l'ombre ne sont ni moins nombreuses ni moins douloureuses; -le feu attisé pour consumer ce que vous avez de -plus cher, votre honneur, votre bonne renommée, n'en -est pas moins dévorant, quoiqu'il couve et se propage sous -la cendre, et qu'il ne jette point de flamme. Ainsi, madame -de Sévigné, journellement exposée à des attaques qu'elle -ignorait, se trouvait dans l'impuissance de se justifier, en -faisant connaître quelles avaient été ses relations avec -Fouquet, et en mettant au grand jour sa sincérité, son désintéressement -et l'innocence de sa vie.</p> - -<p>Bussy fut celui qui ressentit plus vivement toute la peine -qu'elle éprouvait: comme parent, il s'indigna des discours -qu'on tenait sur son compte; il s'en affligea comme -amant. Les sentiments de tendresse qu'il avait autrefois -ressentis pour cette cousine si bonne, si aimable, si séduisante, -et qui jamais n'avaient été entièrement éteints, se -réveillèrent alors avec force. Le remords de l'avoir offensée, -d'avoir contribué à accroître contre elle la puissance -des calomniateurs; le besoin qu'il éprouvait de laver, -comme il le dit lui-même, une tache dans sa vie, le portèrent -à défendre la réputation de madame de Sévigné, -à la justifier de tous les torts qu'on voulait lui imputer<a id="FNanchor_613" href="#Footnote_613" class="fnanchor"> [613]</a>.</p> - -<p>Cependant Bussy, en homme qui par sa propre expérience -a acquis des preuves répétées de la fragilité des -femmes, crut devoir agir avec prudence. Avant de se déclarer -le champion de l'honneur de sa cousine avec toute -l'énergie et la hauteur que comportaient l'orgueil de son caractère -et ses titres de gentil-homme et de guerrier, il crut -<span class="pagenum"><a id="Page_361"> 361</a></span> -devoir s'assurer si, comme on le prétendait, les lettres -qu'elle avait écrites à Fouquet n'étaient pas de nature à -ébranler la confiance qu'on devait avoir dans sa vertu. -Laissons-le s'expliquer lui-même sur ce sujet délicat: -«Avant de m'embarquer, dit-il, à la défense de la marquise, -je consultai Le Tellier, qui seul avait vu, avec le -roi, les lettres qui étaient dans la cassette de Fouquet. -Il me dit que celles de la marquise étaient d'une amie qui -avait bien de l'esprit, qu'elles avaient bien plus réjoui le -roi que les douceurs des autres; mais que le surintendant -avait mal à propos mêlé l'amour avec l'amitié.»</p> - -<p>Sûr de son fait, Bussy se fit hautement, avec chaleur -et en toute occasion, l'avocat de madame de Sévigné. Il -éleva la voix contre tous ceux qui voulaient la confondre -avec les maîtresses de Fouquet. De Rouville, beau-frère -de Bussy, ignorant ce qu'il pensait à cet égard, parla un -jour, dans une société où ils se trouvaient tous deux, -de l'intrigue de la jolie marquise de Sévigné comme -d'une chose connue, avérée et démontrée par ses lettres. -Bussy prit la parole pour lui répondre, et donna avec -calme des explications qui satisfirent toutes les personnes -présentes à cette discussion, à la réserve de Rouville, qui -souffrait impatiemment, surtout de la part d'un beau-frère, -de se trouver convaincu d'avoir mal parlé d'une -femme digne de considération et de respect. Comme -tous ceux qui n'ont ni assez de justice dans le cœur ni -assez de loyauté dans le caractère pour convenir qu'ils -ont tort, et qui, dans l'impuissance de réfuter la défense, -s'attaquent au défenseur, de Rouville dit à Bussy: «Il est -bien plaisant de vous voir défendre si fortement madame -de Sévigné, après en avoir parlé comme vous avez fait.»—«Jamais, -répondit Bussy d'une voix tonnante, je n'ai -<span class="pagenum"><a id="Page_362"> 362</a></span> -attaqué sa vertu.»—«Après avoir fait tant de bruit -contre elle, dit de Rouville, il vous sied mal de trouver -mauvais que d'autres en fassent.»—«Je le trouve très-mauvais, -au contraire, répondit Bussy; et je n'aime le -bruit que quand je le fais moi-même<a id="FNanchor_614" href="#Footnote_614" class="fnanchor"> [614]</a>.»</p> - -<p>Nous ignorons comment se termina cette querelle entre -les deux beaux-frères; mais ce que nous en savons nous -prouve l'ardeur avec laquelle Bussy plaida la cause de sa -cousine. Rien ne contribua plus à rectifier l'opinion sur -madame de Sévigné, et à lui faire rendre enfin toute la -justice qui lui était due, que le témoignage d'un parent -avec lequel elle était depuis longtemps brouillée, qui avait -donné des preuves publiques d'animosité contre elle, qui -par son caractère était porté au dénigrement, dont l'esprit -malin et caustique aimait singulièrement à s'exercer -contre les femmes, et se plaisait à en médire. Le bien que -Bussy fit à madame de Sévigné dans cette circonstance -surpassa de beaucoup le mal qu'il lui avait fait par son -écrit; ou plutôt on peut dire avec vérité qu'il lui eût été -impossible de lui faire autant de bien, s'il ne lui avait pas -fait tant de mal.</p> - -<p>Madame de Sévigné fut extrêmement touchée de la -conduite de son cousin. A cette époque l'<i>Histoire amoureuse -des Gaules</i> n'était connue que par quelques lectures -qu'en avait faites Bussy, devant un très-petit nombre -de personnes, dont les indiscrétions avaient seules -donné connaissance à madame de Sévigné du portrait satirique -que son cousin avait fait d'elle. Madame de Monglat, -qui désirait gagner l'affection de madame de Sévigné, -lui dit qu'elle avait obligé Bussy à retrancher de -<span class="pagenum"><a id="Page_363"> 363</a></span> -sa scandaleuse histoire tout ce qui la concernait, et qu'elle -l'avait fait consentir à brûler devant elle toute cette partie -de son ouvrage.</p> - -<p>Alors rien ne s'opposait plus à une réconciliation que -madame de Sévigné ne désirait pas moins que Bussy. -Elle eut lieu lorsque, en 1662, madame de Sévigné revint -à Paris, après avoir passé en Bretagne les six premiers -mois qui suivirent l'arrestation de Fouquet. Cette réconciliation -fut sincère de part et d'autre, et cimentée par -un échange mutuel de bons offices<a id="FNanchor_615" href="#Footnote_615" class="fnanchor"> [615]</a>. Bussy, dont les -affaires étaient toujours en désordre, ayant eu besoin -(en 1663) d'une somme de quatre mille livres pour se -rendre au camp de Marsal, les trouva dans la bourse de -sa cousine. Ils se virent ensuite familièrement en Bourgogne, -car il y a lieu de présumer que ce fut au commencement -de l'année 1664 que Bussy se rendit dans sa terre pour -y recevoir le maréchal Duplessis-Praslin, qui allait à Lyon -prendre le commandement de l'armée d'Italie<a id="FNanchor_616" href="#Footnote_616" class="fnanchor"> [616]</a>; madame -de Sévigné les reçut tous deux dans son château de Bourbilly, -où alors elle se trouvait<a id="FNanchor_617" href="#Footnote_617" class="fnanchor"> [617]</a>. Quoi qu'il en soit, il est -certain que ce fut au retour d'un voyage fait en Bourgogne -que Bussy et madame de Sévigné revinrent mutuellement -charmés l'un de l'autre; c'est à cette époque que -leur liaison reprit ce caractère d'intimité qui leur rappelait -à tous deux les belles années de leur jeunesse<a id="FNanchor_618" href="#Footnote_618" class="fnanchor"> [618]</a>.</p> - -<p>Cet heureux temps ne fut pas de longue durée. Le manuscrit -<span class="pagenum"><a id="Page_364"> 364</a></span> -de l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, qui fut prêté à -la marquise de La Baume, contenait le portrait de madame -de Sévigné, soit qu'il n'eût jamais été retranché de l'ouvrage, -soit, comme le prétend Bussy, qu'après avoir été déchiré, -et non pas brûlé, en présence de la marquise de Monglat -et de son mari, ce dernier en eût ensuite ramassé et -rejoint les morceaux, et en eût fait faire une copie que -Bussy voulut revoir, et qu'il eût la faiblesse de prêter à la -marquise de La Baume, dont il ne pouvait prévoir la trahison<a id="FNanchor_619" href="#Footnote_619" class="fnanchor"> [619]</a>. -Ce qu'il y a de certain, c'est que madame de Sévigné -fut à peine de retour à Paris, qu'on la prévint que Bussy -la trompait; qu'il n'avait point détruit le portrait satirique -qu'il avait fait d'elle; on assurait même l'avoir vu entre les -mains de la marquise de La Baume. Madame de Sévigné -n'ajouta aucune foi aux bruits qui couraient à cet égard. -Elle crut que c'était une invention des ennemis de Bussy, -devenus nombreux et implacables depuis qu'il circulait -des copies de son scandaleux libelle. Mais il fallut bien se -rendre à l'évidence lorsque l'ouvrage fut imprimé. Madame -de Sévigné eut le cœur navré d'une telle perfidie. Aussitôt -qu'elle eut vu le livre, convaincue par ses propres yeux -qu'on lui avait dit la vérité, elle en parla à Bussy, qu'elle -rencontra avec toute la cour chez <span class="small1">Monsieur</span>, au Palais-Royal. -Bussy resta d'abord interdit par la vivacité de ses -reproches; mais ensuite il chercha à lui persuader qu'il -avait réellement retranché de son ouvrage les passages -qui la concernaient, et qu'il fallait que depuis ils eussent -été rétablis de mémoire par celle qui avait voulu se venger -de lui, en livrant à l'impression ce qu'il ne lui avait -communiqué que sous le sceau du secret. Madame de Sévigné -<span class="pagenum"><a id="Page_365"> 365</a></span> -ne fut pas dupe des mensonges de son cousin. Dès -ce moment il ne lui fut plus possible d'avoir confiance en -lui, ni d'être pour lui ce qu'elle avait été.</p> - -<p>Cependant, ce fut presque aussitôt après cette explication -que Bussy fut mis à la Bastille. On sut que la publication -de son ouvrage était la principale cause de son -arrestation, et que cette publication était due à la trahison -de la marquise de La Baume, avec laquelle il s'était -brouillé<a id="FNanchor_620" href="#Footnote_620" class="fnanchor"> [620]</a>. Madame de Sévigné n'eut plus le même ressentiment -contre Bussy dès qu'elle le sut malheureux: elle -envoya s'informer de sa santé; mais il paraît qu'on n'eut -pas soin d'instruire le prisonnier de ces marques d'intérêt -qui lui étaient données par sa cousine. On lui dit, au -contraire, que, très-animée contre lui, elle se répandait -en plaintes amères sur l'indignité de ses procédés. Il n'en -était rien: madame de Sévigné ne parlait de Bussy qu'avec -attendrissement, et pour exprimer la peine qu'elle -éprouvait de le savoir captif. Elle rompit tout commerce -avec la marquise de La Baume<a id="FNanchor_621" href="#Footnote_621" class="fnanchor"> [621]</a>, condamna hautement sa -conduite, et soutint qu'une femme ne doit jamais chercher -à se venger des injures qui lui sont faites, parce que pour -atteindre ce but il faut qu'elle abdique cette vertu du cœur -qui est le plus bel attribut de son sexe, la bonté. Bussy, qui, -malgré la haute opinion qu'il avait de sa cousine, ne connaissait -pas toute sa grandeur d'âme, ajouta foi aux rapports -mensongers qui lui étaient faits. Madame de Sévigné -ne fut donc point au nombre des personnes avec lesquelles -il chercha à se mettre en communication dans sa prison. -Il ne la pria point d'intercéder en sa faveur, et préféra -<span class="pagenum"><a id="Page_366"> 366</a></span> -s'adresser pour cet objet à madame de Motteville, avec -laquelle il était lié d'une manière bien moins intime<a id="FNanchor_622" href="#Footnote_622" class="fnanchor"> [622]</a>.</p> - -<p>Cependant, lorsque Bussy sortit de la Bastille, la première -personne qui vint le voir chez Dalancé, ce fut -madame de Sévigné. Cette visite, à laquelle il ne s'attendait -pas, lui fit un plaisir extrême, malgré les torts qu'il -supposait à sa cousine; il en avait envers elle de si graves, -qu'il n'osa pas lui faire des reproches. Il évita donc avec -soin une explication; madame de Sévigné, qui croyait -n'avoir pas besoin d'en donner, n'en provoqua aucune. -Ils se séparèrent avec les dehors d'une apparente cordialité -et les sentiments d'une défiance réciproque<a id="FNanchor_623" href="#Footnote_623" class="fnanchor"> [623]</a>.</p> - -<p>Telles étaient leurs dispositions l'un envers l'autre lorsque -leur correspondance recommença; mais ce fut d'abord, -comme on va le voir, lentement et péniblement.</p> - -<p>Bussy, retiré dans sa terre, où il resta exilé pendant -dix-sept ans, écrivit le premier à sa cousine une lettre affectueuse -et galante<a id="FNanchor_624" href="#Footnote_624" class="fnanchor"> [624]</a>. Il venait de visiter le château de -Bourbilly, et se rappelait avec tristesse la dernière et aimable -réception que sa cousine lui avait faite dans ce séjour.</p> - -<p>«Je fus hier à Bourbilly, dit-il; jamais je n'ai été si -surpris, ma belle cousine. Je trouvai cette maison belle; -et quand j'en cherchai la raison, après le mépris que -j'en avais fait il y a deux ans, il me sembla que cela -venait de votre absence. En effet, vous et mademoiselle -de Sévigné enlaidissez ce qui vous environne; et vous -fîtes ce tour-là il y a deux ans à votre maison. Il n'y a -<span class="pagenum"><a id="Page_367"> 367</a></span> -rien de si vrai; et je vous donne avis que si vous la vendez -jamais, vous fassiez ces marchés par procureur; car -votre présence en diminuerait le prix. En arrivant, le -soleil, qu'on n'avait pas vu depuis deux jours, commença -à paraître, et lui et votre fermier firent bien les honneurs -de la maison: celui-ci en me faisant une bonne collation, -et l'autre en dorant toutes les chambres que les -Christophle<a id="FNanchor_625" href="#Footnote_625" class="fnanchor"> [625]</a> et les Guy<a id="FNanchor_626" href="#Footnote_626" class="fnanchor"> [626]</a>, s'étaient contentés de tapisser -de leurs armes. J'y étais allé en famille, qui fut aussi -satisfaite de cette maison que moi. Les Rabutins vivants, -voyant tant d'écussons, s'estimèrent encore davantage, -connaissant par là ce que les Rabutins morts faisaient de -cette maison.»</p> - -<p>Madame de Sévigné était en Bretagne, à sa terre des -Rochers, qu'elle s'occupait à agrandir et à embellir, lorsqu'elle -reçut cette lettre de son cousin. Elle ne mit pas -beaucoup d'empressement à répondre. Elle attendit l'époque -de son retour à Paris. Sa réponse est du 20 mai -1667, c'est-à-dire postérieure de quatre mois et demi à -la lettre que Bussy lui avait écrite. Elle excuse, mais assez -mal, ce long retard<a id="FNanchor_627" href="#Footnote_627" class="fnanchor"> [627]</a>. Bussy lui en fait de légers reproches<a id="FNanchor_628" href="#Footnote_628" class="fnanchor"> [628]</a>. -Madame de Sévigné répondit encore; mais comme -nous n'avons pas sa lettre, nous ne pouvons juger si Bussy -fut mécontent de ce qu'elle avait de nouveau trop tardé à -lui écrire, ou s'il fut peu satisfait des choses qu'elle lui avait -<span class="pagenum"><a id="Page_368"> 368</a></span> -écrites: ce qui est certain, c'est qu'il suspendit alors sa -correspondance avec elle. Dans sa dernière lettre, cependant, -il avait montré la plus entière confiance dans sa cousine; -il lui avait fait part de ses affaires, il lui avait envoyé -copie de toutes les lettres qu'il avait adressées au roi.</p> - -<p>Madame de Sévigné fut étonnée du long silence de -Bussy à son égard, et désira y mettre fin. Soit qu'elle se -reprochât d'y avoir donné lieu en tardant trop à lui répondre, -soit qu'elle se repentît de la manière dont elle -lui avait répondu, soit par toute autre cause, elle se décida -à lui écrire de nouveau. Dans sa lettre en date du 6 -juin 1668, lettre très-courte mais très-significative, elle -rappelle à son cousin que c'est elle qui lui a écrit la dernière; -qu'elle a de trop légitimes sujets de plaintes contre -lui pour qu'il en ajoute de nouveaux en la négligeant.</p> - -<p>Alors commence une longue explication, que quelques -mots dits chez Dalancé auraient rendue inutile; mais -nous ne devons point regretter que ces mots n'aient point -été prononcés, car nous n'aurions pas les lettres qui nous -font le mieux connaître le noble caractère de madame de -Sévigné.</p> - -<p>La défense de Bussy contre la trop juste accusation -que lui intente sa cousine est un chef-d'œuvre d'adresse. -Il commence d'abord par faire l'éloge de son accusatrice, -et il accompagne cet éloge de phrases pleines de tendresse -et de galanterie. Il avoue qu'il a été bien coupable; -mais du moins les remords de sa faute ont été sincères, -tandis que sa cousine ne paraît pas avoir fait franchement -le sacrifice de son ressentiment, et qu'elle semble -même se repentir de lui avoir pardonné<a id="FNanchor_629" href="#Footnote_629" class="fnanchor"> [629]</a>. Il lui rappelle -<span class="pagenum"><a id="Page_369"> 369</a></span> -que lorsqu'ils étaient encore brouillés, il prit sa défense -contre ses calomniateurs, et qu'au contraire elle l'a -abandonné lorsqu'il était accablé par ses ennemis: «Ces -changements, dit-il, sont étranges en vous, car vous -êtes pleine de douceur et d'amitié pour moi: seulement, -vous n'avez pas la force de résister à la mode, et je n'y -suis plus: voilà mon malheur.»</p> - -<p>Madame de Sévigné ne fit point d'abord de réponse à -cette lettre, ce qui laissa le temps à son cousin de lui en -écrire une autre, très-courte, six semaines après<a id="FNanchor_630" href="#Footnote_630" class="fnanchor"> [630]</a>. Dans -celle-ci, Bussy demande à madame de Sévigné de le recommander -à un conseiller rapporteur dans un procès -qu'il avait au grand conseil, si toutefois elle ne craint pas -de se compromettre en témoignant de l'intérêt pour un -homme tombé en disgrâce.</p> - -<p>Alors madame de Sévigné n'y peut tenir, elle éclate; -et dans une longue lettre, écrite avec une éloquente impétuosité, -elle accable son cousin de toute la puissance et -de toute la force de la vérité, et termine, sans aigreur, -par les assurances de sa tendresse, exprimées de la manière -la plus vive et la plus aimable.</p> - -<p>Elle commence cette lettre remarquable en lui disant<a id="FNanchor_631" href="#Footnote_631" class="fnanchor"> [631]</a>:</p> - -<p>«Mon cousin, apprenez de moi que ce n'est pas la mode -de m'accuser de faiblesse pour mes amis. J'en ai beaucoup -d'autres, comme dit madame de Bouillon, mais je -n'ai pas celle-là. Cette pensée n'est que dans votre tête; -et j'ai fait ici mes preuves de générosité sur le sujet des -disgraciés, qui m'ont mise en honneur dans beaucoup de -bons lieux, que je vous dirais bien si je voulais. Je ne -<span class="pagenum"><a id="Page_370"> 370</a></span> -crois donc pas mériter ce reproche: il faut que vous rayiez -cet article sur le mémoire de mes défauts... Mais venons -à vous.»</p> - -<p>Elle y vient en effet; et c'est pour lui montrer toutes -les contradictions, les absurdités dans lesquelles lui, -homme d'esprit, était tombé, par l'impossibilité de se justifier -autrement que par des impostures. Elle réfute les -sophismes par lesquels il a voulu rejeter sur elle des torts -qui étaient les siens; elle déjoue toutes les ruses de son -esprit, et le poursuit dans tous les subterfuges de sa conscience; -puis, certaine qu'il ne peut rien opposer à l'évidence -des faits, à la force des arguments, elle termine -ainsi:</p> - -<p>«Voilà ce que je voulais vous dire une fois en ma vie, -en vous conjurant d'ôter de votre esprit que ce soit moi -qui ait tort. Gardez ma lettre, et la relisez, si jamais la -fantaisie vous prenait de le croire; et soyez juste là-dessus, -comme si vous jugiez d'une chose qui se fût passée entre -deux autres personnes: que votre intérêt ne vous fasse -pas voir ce qui n'est pas. Avouez que vous avez cruellement -offensé l'amitié qui était entre nous, et je suis désarmée. -Mais de croire que si vous répondez, je puisse -jamais me taire, vous auriez tort, car ce m'est impossible. -Je verbaliserai toujours; au lieu d'écrire en deux mots, -comme je vous l'avais promis, j'écrirai en deux mille; et -enfin j'en ferai tant par des lettres d'une longueur cruelle -et d'un ennui mortel, que je vous obligerai, malgré vous, -à me demander pardon, c'est-à-dire à me demander la -vie. Faites-le donc de bonne grâce.»</p> - -<p>Bussy pourtant ne voulut pas accepter tout ce que -cette lettre avait d'accablant pour lui. Dans une réponse -très-longue, et qui commence sur le ton le plus sérieux -<span class="pagenum"><a id="Page_371"> 371</a></span> -et le plus froid<a id="FNanchor_632" href="#Footnote_632" class="fnanchor"> [632]</a>, il cherche par de nouvelles explications -à démontrer que si les torts qu'il a eus ont été les plus -graves, ce n'est pas une raison pour donner à sa cousine -le droit de penser qu'elle n'en a eu aucun. Toute sa lettre -se résume par les paroles suivantes, qui étaient sincères, -et qui même, dans l'accusation qu'elles renferment, n'étaient -pas dénuées de vérité<a id="FNanchor_633" href="#Footnote_633" class="fnanchor"> [633]</a>:</p> - -<p>«Je vous avoue que j'ai mille fois plus de torts que -vous, parce que ma représaille a été plus forte que l'offense -que vous m'aviez faite, et que je ne devais pas -m'emporter si fort contre une jolie femme comme vous, -ma proche parente, et que j'avais toujours bien aimée: -pardonnez-moi donc, ma cousine, et oublions le passé au -point de ne nous en souvenir jamais. Quand je serai persuadé -de votre bonne foi dans votre retour pour moi, je -vous aimerai mille fois plus que je n'ai jamais fait; car, -après avoir ce qu'on appelle tourné et viré, je vous -trouve la plus agréable femme de France.»</p> - -<p>Madame de Sévigné n'ignorait pas que pour mieux -convaincre il faut quelquefois ne pas montrer trop d'empressement -à le faire, et qu'on a plus de facilité à détruire -une opinion quand la chaleur de l'esprit est refroidie -et laisse au jugement toute sa liberté. Au lieu donc de répondre -à son cousin sur ce que renfermait sa dernière -lettre, elle se contenta de lui en accuser réception, promettant -d'y faire de longues apostilles quand elle en aura -le loisir. Pour le moment elle lui demande les copies des -titres de la maison de Rabutin, pour M. de Caumartin, -qui s'occupe de mettre en ordre les preuves de noblesse -<span class="pagenum"><a id="Page_372"> 372</a></span> -relatives aux familles de la province: «Ne manquez -pas à cela, lui dit-elle: il y va de l'honneur de notre maison; -on ne peut être plus vive sur cela que je le suis. -Adieu, faites réponse à ceci; je vous écrirai plus à loisir<a id="FNanchor_634" href="#Footnote_634" class="fnanchor"> [634]</a>.»</p> - -<p>Bussy transmet à sa cousine les pièces qu'elle réclame<a id="FNanchor_635" href="#Footnote_635" class="fnanchor"> [635]</a>, -et en même temps il montre une grande impatience de -recevoir son commentaire à la dernière lettre qu'il lui a -écrite.</p> - -<p>Enfin arrive la réponse de madame de Sévigné à cette -lettre de son cousin<a id="FNanchor_636" href="#Footnote_636" class="fnanchor"> [636]</a>, cette <i>duplique</i> à la réplique, -comme elle l'appelle plaisamment. Elle insiste cette fois, -plus fortement que la première, pour prouver qu'elle n'a -pas eu les premiers torts, et elle entre à cet égard dans -de grandes explications; peut-être parce que c'était là le -point le plus difficile de la cause. Il lui était impossible -de trouver l'argent que lui avait demandé Bussy, «à moins, -dit-elle, de l'aller prendre dans la bourse du surintendant, -où je n'ai rien voulu chercher ni trouver. Ensuite elle -remet dans tout son jour, mais avec gaieté, et dans un style -tout différent de celui de sa première lettre, toute la -cruauté, tout l'odieux des procédés de Bussy à son égard, -qui après un raccommodement, après qu'elle s'était remise -avec lui de bonne foi, l'avait livrée sans pitié aux -brigands, «c'est-à-dire, dit-elle, à madame de La Baume. -Ne me dites point que c'est la faute d'un autre, cela -n'est point vrai; c'est la vôtre purement: c'est sur -cela que je vous donnerais un beau soufflet, si j'avais -<span class="pagenum"><a id="Page_373"> 373</a></span> -l'honneur d'être près de vous, et que vous me vinssiez -conter ces lanternes.» Afin d'adoucir tout le mordant de -ses arguments, elle termine en disant: «Adieu, comte; -je suis lasse d'écrire, et non pas de lire tous les endroits -tendres et obligeants que vous avez semés dans votre -lettre<a id="FNanchor_637" href="#Footnote_637" class="fnanchor"> [637]</a>.»</p> - -<p>Bussy voulut ne pas avoir l'air de se montrer assez -peu galant, de continuer une discussion où sa cousine -voulait avoir le dernier: il commence sa réponse par -déclarer que, sans même demander à capituler, il se rend -à discrétion. «On ne peut pas être moins capable de triplique -que je le suis, ma belle cousine: pourquoi m'y -voulez-vous obliger? Je me suis rendu dans la réplique -que je vous ai faite; je vous ai demandé la vie. Vous me -voulez tuer à terre, et cela est un peu inhumain. Je ne -pensais pas que vous vous mêlassiez, vous autres belles, -d'avoir de la cruauté sur d'autres chapitres que celui de -l'amour. Cessez donc, petite brutale, de vouloir souffleter -un homme qui se jette à vos pieds et qui vous avoue sa -faute, et qui vous prie de la lui pardonner. Si vous n'êtes -pas encore contente des termes dont je me sers en cette -rencontre, envoyez-moi un modèle de la satisfaction que -vous souhaitez, et je vous la renverrai écrite et signée de -ma main, contre-signée d'un secrétaire, et scellée du -sceau de mes armes. Que vous faut-il davantage<a id="FNanchor_638" href="#Footnote_638" class="fnanchor"> [638]</a>?»</p> - -<p>«Levez-vous, comte, dit madame de Sévigné dans sa -réponse à cette dernière lettre de Bussy, je ne veux point -vous tuer à terre; ou reprenez votre épée, pour recommencer -<span class="pagenum"><a id="Page_374"> 374</a></span> -le combat. Mais il vaut mieux que je vous donne -la vie et que nous vivions en paix<a id="FNanchor_639" href="#Footnote_639" class="fnanchor"> [639]</a>.»</p> - -<p>Ainsi finit cette explication; les résultats en furent -heureux. Par là madame de Sévigné et Bussy se purgèrent -de toutes ces humeurs rancuneuses, de toutes ces -réticences qui sont mortelles en amitié. En même temps, -le désir qu'ils avaient de se plaire et de renouer leur correspondance -les porta à adoucir les reproches qu'ils s'adressaient, -par des éloges si flatteurs et des protestations -si affectueuses, qu'ils restèrent pleinement rassurés sur -les dispositions où ils se trouvaient l'un envers l'autre. -Les restes d'animosité et de défiance qu'ils avaient conservés -se dissipèrent. Si l'intimité de leur commerce fut -quelquefois troublée par de légers nuages, du moins elle -n'éprouva plus d'interruption; leur correspondance redevint -fréquente et active; et les liens de parenté, le voisinage -de leurs terres, l'admiration qu'ils avaient l'un pour -l'autre, tout leur fit un besoin de se communiquer leurs -pensées: ce besoin devint une habitude que la mort seule -eut le pouvoir de rompre.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_375"> 375</a></span></p> - -<p class="space">Nous finissons ici cette seconde partie des Mémoires -sur madame de Sévigné. Celles qui suivent resteront peut-être -encore longtemps entre les mains de leur auteur, si -nous nous déterminons à les mettre au jour. Il y a plus de -dix ans que nous avons composé et achevé cet ouvrage. -Un motif qui paraîtrait bien léger, mais qui est pour nous -d'un grand poids, nous a engagé à donner nos soins à -la publication de ces deux volumes, lorsque tout concourait -à nous écarter d'un tel travail, et que nous éprouvions -une extrême répugnance à soumettre au jugement -du public une production étrangère aux travaux qui nous -occupent exclusivement. Ce qui doit nous servir d'excuse, -c'est que ces deux parties forment un tout distinct, et -ont une utilité spéciale. En effet:</p> - -<p>Dans la première partie prenant madame de Sévigné -au berceau, nous l'avons montrée recevant la plus heureuse -éducation, sans qu'il en coûtât aucun sacrifice aux -moindres joies de son enfance; puis au sein des richesses -goûtant d'abord tout le bonheur et éprouvant ensuite -toutes les peines de l'état conjugal; veuve, enfin, et encore -jeune et belle, sachant, au milieu de la plus effroyable -licence, se conserver pure, quoique sans cesse assiégée -par les plus dangereuses séductions.</p> - -<p>Dans la seconde partie on a vu madame de Sévigné, -femme aimable et mère héroïque, se consacrer à l'éducation -de ses enfants sans rompre avec le monde, sans fuir -les hommages que ses charmes et les grâces de son esprit -lui attiraient. L'histoire de son siècle, celle des personnages -qui lui furent attachés par les liens du sang ou de -l'amitié, ou que subjugua une plus forte passion; la description -<span class="pagenum"><a id="Page_376"> 376</a></span> -des mœurs et des habitudes des temps qu'elle a -traversés, nous ont occupé autant qu'elle-même; de -sorte que ces deux parties forment, nous le croyons, une -introduction complète à ce recueil des lettres que nous -devons aux besoins de son cœur maternel, en proie aux -tourments de l'absence. Lorsque ce recueil parut, on ne -le considéra que comme une œuvre littéraire, que comme -une longue et charmante causerie, qui offrait un parfait -modèle du style épistolaire; mais un des hommes les plus -spirituels de cette époque, qui avait vu finir le grand -siècle, écrivait, après en avoir achevé la lecture:</p> - -<p>«Je n'ai jamais eu l'imagination aussi frappée: il m'a -semblé que d'un coup de baguette, comme par magie, -elle avait fait sortir cet ancien monde, que nous avons -vu si différent de celui-ci, pour le faire passer en revue -devant moi<a id="FNanchor_640" href="#Footnote_640" class="fnanchor"> [640]</a>.»</p> - -<p>Cet ancien monde est encore bien plus différent du -nôtre que celui du milieu du dix-huitième siècle, dont il -est fait mention dans la lettre du duc de Villars-Brancas, -que nous venons de citer; mais les vives peintures que -madame de Sévigné en a tracées, obscurcies par le -temps, ont besoin, pour reprendre tout leur éclat, qu'une -main réparatrice en fasse ressortir les curieux détails et -les principales figures, et nous montre combien les tableaux -dont ils font partie sont féconds en instructions -historiques.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_377"> 377</a></span></p> -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_378"> 378</a></span></p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_379"> 379</a></span></p> -<div class="topspace eclair"> -<p><span class="xlarge">NOTES</span><br /> -<span class="xs">ET</span><br /> -<span class="large">ÉCLAIRCISSEMENTS.</span></p> -</div> - -<div class="chapter"> -<p class="extra"><span class="xxlarge">NOTES</span><br /> -<span class="xs">ET</span><br /> -<span class="xlarge">ÉCLAIRCISSEMENTS.</span></p> -<hr class="tb" /> -<span class="xlarge">PREMIÈRE PARTIE.</span> -<hr class="tb" /> -<span class="large">CHAPITRE PREMIER.</span> -</div> - -<p class="pnote">Page 3, ligne 25: Le pain des pauvres.</p> - -<p>Il faut remarquer que ce ne fut que longtemps après la mort de madame -de Sévigné que Fremyot de Chantal fut déclarée sainte. Elle fut -d'abord béatifiée par les filles entre les bras desquelles elle mourut. -Cette béatification fut confirmée par le pape en 1751; mais sainte -Chantal ne fut canonisée qu'en 1767, le 16 juillet.</p> - -<p class="pnote">Page 7, ligne 7: Ce fut le célèbre Cromwell.</p> - -<p>Tout ce que nous savons du fameux Cromwell à l'époque du combat -de l'île de Ré semble réfuter la supposition qu'il s'y soit trouvé. -Le nom de Cromwell n'est pas rare en Angleterre; peut-être le guerrier -qui blessa mortellement le baron de Chantal portait-il ce nom, -et cela aura occasionné une méprise. Les Anglais furent ensuite repoussés -de l'île de Ré par Toiras. Cotin a célébré ce succès dans un -cantique. Voyez <i>Poésies chrétiennes</i> de l'abbé Cotin, 1668, in-12, -pages 112 à 118.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE II.</p> - -<p class="pnote">Page 10, ligne 5: Le joli village de Sucy.</p> - -<p>Ce nom est écrit <i>Sussy</i> sur la plupart des cartes, et on l'avait -<span class="pagenum"><a id="Page_380"> 380</a></span> -converti en <i>Sully</i> dans plusieurs éditions des lettres de madame -de Sévigné, ce qui a causé beaucoup du méprises de la part des -éditeurs.</p> - -<p class="pnote">Page 10, ligne 7: Emmanuel y était né.</p> - -<p>Pour preuve du lieu de naissance de Coulanges, on peut conférer -à l'endroit cité les vers qu'il adresse à un vieux lit de famille retrouvé -à Sucy, et qui commencent ainsi:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Enfin je vous revois, vieux lit de damas vert;</p> -<p>Je vous revois, vieux lit si chéri de mes pères,</p> -<p class="i2"> Où jadis toutes mes grand'mères,</p> -<p>Lorsque Dieu leur donnait d'heureux accouchements,</p> -<p>De leur fécondité recevaient compliments.</p> -</div></div> - -<p>Coulanges était né en 1631.</p> - -<p class="pnote">Page 14, ligne 11-16.</p> - -<p>Nous avons plusieurs portraits gravés de madame de Sévigné; un -des moins ressemblants, ou plutôt un des plus certainement faux est -celui qui est dans la meilleure édition de ses lettres, 1<sup>re</sup> et 2<sup>e</sup> édit. de -M. Monmerqué, 1818 et 1820, in-8<sup>o</sup>. Un des meilleurs est celui qui -est dans l'édition de Simart, 1734; il est gravé par Jacques Chereau, -et pour un âge plus avancé que celui qui a été gravé par -Edelinck, d'après un pastel de Nanteuil. Conférez la notice qui est -à la fin de ce volume <i>sur les différents portraits de madame de -Sévigné</i>.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE IV.</p> - -<p class="pnote">Page 31, ligne 27: Polie sans affectation.</p> - -<p>Huet s'exprime sur madame de Rambouillet exactement comme -Fléchier: <i>Maxima erat hoc tempore Rambullietanæ domus celebritas, -quam magnopere exornaverat Catharina Vivonnæa, marchione -Rambullieto pridem viduata, primaria femina natalibus, -ita animis et moribus vere Romana</i>.—Huetii <i>Commentarius de -rebus ad eum pertinentibus</i>, p. 212.</p> - -<p class="pnote">Page 35, ligne 14: Durant le temps de leur règne.</p> - -<p>Balzac écrivait à Conrart: «Votre mauvaise santé vous permet-elle -de fréquenter souvent le temple des Muses, de l'Honneur et de -<span class="pagenum"><a id="Page_381"> 381</a></span> -la Vertu? (C'est le nom que je donne d'ordinaire à l'hôtel Rambouillet.) -La déesse qui y préside est-elle toujours favorable à vos vœux?» -<i>Lettre de Balzac à Conrart</i>, p. 26. Et encore: «Je n'écris pas à -madame la marquise de Rambouillet, mais je ne laisse pas d'être -toujours un de ses dévots, et d'avoir la vénération que les hommes -doivent aux choses divines.» Ibid., p. 215. La Mesnardière, dans son -<i>Hymne sur les plus belles connaissances de la nature</i>, Poésies, -Paris, 1656, in-folio, p. 89, compare la marquise de Rambouillet -aux astres, et il la nomme l'arbitre du destin; il ne croit pas, après -tant de louanges, lui en donner une plus grande que de lui dire -qu'elle a enfanté Julie:</p> - -<p class="quote">Sang des héros de France et des dieux d'Italie,<br /> -Et, pour comble d'honneur, la mère de Julie.</p> - -<p>Voyez encore à ce sujet la dédicace du troisième acte de la <i>traduction -du Berger fidèle</i>, 1665, in-12, et la troisième partie de -ces <i>Mémoires</i>, p. 455.</p> - - -<p class="echap">CHAPITRE V.</p> - -<p class="pnote">Page 38, ligne 3 du texte: Les rideaux de soie bleue.</p> - -<p>Sauval a décrit très en détail l'hôtel que madame de Rambouillet -fit construire avec une si parfaite intelligence des distributions intérieures, -avec tant de goût et d'élégance dans l'architecture, que cet -hôtel devint un modèle pour les constructions de même nature. Sauval -mourut en 1670. Son ouvrage n'a été imprimé que cinquante-quatre -ans après, en 1724. L'emphase qu'il met dans quelques-uns -de ses écrits lui attira un sarcasme de Boileau. Voyez satire <span class="small1">VII</span>, t. I, -p. 175, édit. de Saint-Surin. Si ce défaut existait dans ses <i>Recherches -sur Paris</i>, ses éditeurs l'ont fait disparaître. L'ouvrage de -Sauval a aussi été lu et revu en manuscrit non-seulement par Colbert, -mais aussi par Costar, Pellisson et le père Le Long.</p> - -<p>C'est dans la chambre bleue de l'hôtel de Rambouillet que Voiture -demandait, dans sa lettre à mademoiselle de Bourbon, qu'il lui fût -dressé un pavillon de gaze, où il serait servi et traité magnifiquement -par deux demoiselles, en réparation du tort qu'on lui avait fait.</p> - -<p>Dans tout le cours de la description que donne Sauval de l'hôtel -de Rambouillet, il se conforme à l'usage galant et respectueux de son -temps: il n'a désigné madame de Rambouillet que par le nom d'Arthénice, -<span class="pagenum"><a id="Page_382"> 382</a></span> -anagramme de celui de Catherine, qui était le sien. Segrais, -secrétaire de <i>Mademoiselle</i>, fille de Gaston d'Orléans, habitué au -Luxembourg, où il logeait, s'étonnait de ne pouvoir parvenir auprès -de madame de Rambouillet que par «une enfilade de pièces, d'antichambres, -de chambres et de cabinets.» Voyez Segrais, <i>Œuvres</i>, -1755, t. I, p. 20.</p> - -<p>La position précise de l'hôtel de Rambouillet dans la rue Saint-Thomas -du Louvre n'a été indiquée par aucun des auteurs qui ont -écrit sur Paris. Le plan de Berey dressé en 1654 nous jetterait à cet -égard dans l'erreur, parce qu'il fait par son dessin une confusion de -l'hôtel de Rambouillet et de celui de Chevreuse, et que le nom du premier -hôtel est placé après celui de Chevreuse, et plus près de la rue -du Doyenné. Mais ce plan est bien inférieur à celui de Gomboust, levé -et dressé géométriquement, sous l'inspection de Petit, directeur des -fortifications de Paris. Sur ce plan, l'on trouve que l'hôtel de Rambouillet -touche à l'hôtel de Chevreuse, mais est plus rapproché de la -place du Palais-Royal; cet hôtel touche aux Quinze-Vingts, hospice qui -bordait la place du Palais-Royal. Le Jardin de Rambouillet avait pour -mur mitoyen, sur le derrière, le petit enclos qui formait le cimetière -des Quinze-Vingts. Sur le plan de Paris de Buillet, dressé en 1676, -toute la partie de l'enclos des Quinze-Vingts sur la rue Saint-Thomas -du Louvre est pointillé comme consistant en maisons jusqu'à l'hôtel -de Longueville, le seul hôtel qui y soit marqué. L'hôtel de Rambouillet, -qui alors portait le titre d'hôtel de Montausier, n'y est point -marqué. On n'y trouve nommé que l'hôtel de Longueville, qui allait -de la rue Saint-Thomas du Louvre à la rue Saint-Nicaise; mais c'est -une omission qu'on a réparée dans une nouvelle édition de ce plan, -corrigé par Jaillot en 1707. On trouve sur ce plan rectifié l'hôtel de -Rambouillet parfaitement bien dessiné, à côté de l'hôtel Longueville, -avec l'élévation des bâtiments, la cour, le parterre. Dans le plan en détail -de Lacaille, 1714, in folio (quartier du Palais-Royal, pl. <span class="small1">XI</span>), on -lit la description de l'hôtel de Rambouillet, imprimée derrière la -planche. Sur le plan dit de Turgot, en perspective, et terminé en 1739, -on voit cet hôtel dessiné; mais le jardin semble déjà occupé par d'autres -constructions, et ce plan, comme celui de Lacaille, donne des -constructions particulières, faites sur la rue, et dépendant de l'enclos -des Quinze-Vingts. L'entrée de cet hospice se trouvait rue Saint-Honoré, -vis-à-vis la rue de Richelieu, et les rues de Rohan et de Valois -<span class="pagenum"><a id="Page_383"> 383</a></span> -en occupent actuellement l'emplacement. Le plan de Turgot nous -montre rue Saint-Nicaise, entre cette rue et la rue Matignon, près -de l'hôtel de Créquy et plus près du quai, un assez grand hôtel, -nommé l'hôtel de Crussol. L'éditeur de la dernière édition de Germain -Brice, de 1752, t. I, p. 190, s'est trompé; il dit: «que l'hôtel -Montausier, autrefois l'hôtel de Rambouillet, appartient à présent à -Jean-Charles de Crussol d'Uzès, et qu'il se nomme hôtel d'Uzès.» Il -est certain que l'hôtel de Rambouillet porte le nom d'hôtel d'Uzès sur -le plan de Buillet, revu par Jaillot en 1707; sur celui de Regnard, -revu par Jaillot en 1717, et sur un plan mauvais de de Fer, de 1692. -En 1739, les ducs d'Uzès ont dû demeurer à l'hôtel Crussol. Depuis, -ils ont encore changé de demeure, et ont fait construire, sur -les dessins de Le Doux, ce magnifique hôtel rue Montmartre, où on -avait placé l'administration des douanes.</p> - -<p>Il y a eu à Paris au moins trois hôtels ou habitations dites de Rambouillet; -ce qui a causé des confusions et des erreurs dont les historiens -les plus exacts et les plus savants de la ville de Paris n'ont pas -toujours su se garantir. On compte d'abord sous ce nom: 1<sup>o</sup> l'hôtel -de Rambouillet qu'a occupé le marquis de Rambouillet et ses ancêtres, -qui fut acheté en 1602 par le duc de Mercœur, pour agrandir le -sien. C'est en partie sur l'emplacement de cet hôtel qu'a été construit -le palais Cardinal, nommé depuis Palais-Royal; 2<sup>o</sup> le marquis de -Rambouillet a occupé depuis l'hôtel de Pisani ou de son beau-père, -qui ainsi que nous l'avons expliqué ailleurs, devint le fameux hôtel -de Rambouillet; 3<sup>o</sup> Enfin, il y avait la maison des quatre pavillons, -avec le vaste endos de Reuilly, dans le hameau de ce nom, englobé -depuis dans le faubourg Saint-Antoine, qui, à cause du financier -Rambouillet de la Sablière, fut quelquefois nommé aussi hôtel Rambouillet. -Jaillot, trompé par un vice de rédaction qui se trouve dans -cet endroit de l'ouvrage de Sauval, a confondu les deux premiers hôtels; -d'autres auteurs ont confondu les deux derniers, et le marquis -avec le financier. Dans la <i>Description nouvelle de la ville de Paris, -par M. B***</i> (Germain Brice), imprimée en 1685, l'hôtel de -Rambouillet porte le nom d'hôtel de Montausier, parce qu'après la -mort de la marquise de Rambouillet il appartenait au duc de Montausier, -qui avait épousé Julie d'Angennes, unique héritière des biens -de la maison de Rambouillet, ses deux frères étant morts, ainsi que -sa sœur madame de Grignan, et les deux sœurs qui lui restaient s'étant -faites religieuses.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_384"> 384</a></span> -L'ouvrage de Colletet, intitulé <i>Ville de Paris</i>, que j'ai cité, quoique -portant sur le frontispice de mon exemplaire la date de 1689, -doit être de l'année 1671, puisque le privilége est du mois de juillet -1671; et même il ne paraît être qu'un livre plus ancien, antérieur -à 1665, plusieurs fois réimprimé. Ce qui semble prouver qu'on a seulement -changé le titre, c'est que l'auteur, p. 108, s'exprime ainsi: -«L'hostel de Rambouillet, rue Saint-Thomas du Louvre, où loge aussi -M<sup>gr</sup> le duc de Montausier, mon illustre maître et Mécène.» Ceci paraît -écrit antérieurement à la mort de madame de Rambouillet, lorsque -son gendre et sa fille demeurèrent avec elle. Quoi qu'il en soit, -immédiatement après cet article, François Colletet ajoute: «Autre -hôtel de Rambouillet, au bout du faubourg Saint-Antoine, qui est la -maison des quatre pavillons.»</p> - -<p>Selon Sauval, l'hôtel de Montausier ou de Rambouillet, avant de -porter le nom de Pisani, avait porté les noms d'O et de Noirmoutier. -Outre les erreurs commises par ceux qui ont étudié l'ancienne -topographie de Paris, il y a celles de ceux qui ne la connaissent pas -du tout, dont je ne parlerai pas. Je remarquerai seulement que -M. Taschereau, écrivain consciencieux et exact, dans sa <i>Vie de Molière</i> -(p. 350), introduit encore un nouveau sujet de confusion dont -personne ne s'était avisé, en affirmant que le célèbre hôtel de Rambouillet -était situé rue des Fossés-Montmartre, sur l'emplacement des -maisons 1 et 3; et il cite pour garant la <i>Gazette des Tribunaux</i>, -du 27 mai 1827. C'est assurément là une des erreurs les plus fortes -et les plus manifestes que l'on ait commises sur cette matière. J'ignore -ce qui l'a causée, n'ayant point la <i>Gazette</i> que l'on cite; mais -je remarquerai qu'il a peut-être encore existé à Paris un quatrième -hôtel de Rambouillet, indépendamment des trois que j'ai mentionnés; -car Rambouillet de la Sablière et sa femme n'ont jamais habité -la maison des quatre pavillons, qui était pour Rambouillet le père -une maison de plaisance, et non de ville. Il se pourrait donc que la -maison dont a parlé la <i>Gazette des Tribunaux</i> eût pris le nom -d'hôtel de Rambouillet d'après Rambouillet de la Sablière, surtout -dans les derniers temps du siècle de Louis XIV, et lorsque le fameux -hôtel de Rambouillet avait pris le nom d'hôtel de Montausier. Alors ce -nom de Rambouillet ne se trouva plus attaché dans Paris et dans ses -faubourgs qu'à des propriétés appartenant à la famille du financier -Rambouillet, qui n'avait rien de commun avec celle des d'Angennes -<span class="pagenum"><a id="Page_385"> 385</a></span> -ou du marquis de Rambouillet. L'emplacement de l'hôtel où demeurait -madame de la Sablière serait d'autant plus intéressant à découvrir -que La Fontaine y a passé vingt ans de sa vie.</p> - -<p>On lit dans les <i>Mémoires</i> de Retz, de Motteville, de la Rochefoucauld -et autres, que le prince de Condé, retiré à Saint-Maur, et le -duc d'Orléans, qui se trouvait à Paris, se rendirent à Rambouillet -pour conférer ensemble. Comme ce nom de Rambouillet sans autre -explication doit s'entendre de la ville qui est à treize lieues de Paris, -on cherche le motif qui a pu engager ces princes à se transporter -si loin. Mais les <i>Mémoires</i> de Talon nous expliquent que ce Rambouillet -était «la maison du jardin de Rambouillet, qui est dans Reuilly, -hors de la porte Saint-Antoine.» Ce lieu se trouvait effectivement entre -Saint-Maur et le palais du Luxembourg. (Talon, <i>Mém.</i>, collection de -Petitot, t. LXII, p. 227 et 235.) Dans le portefeuille XXV de la collection -intitulée <i>l'Histoire de France par estampes</i>, Bibliothèque du -Roi, il y a un plan du combat du faubourg Saint-Antoine, entre Condé -et Turenne, le 2 juillet 1652, où l'on voit ce qu'était ce faubourg de -Paris à cette époque; on y trouve Reuilly et le clos de Rambouillet, -avec le plan du jardin. La gravure de ce plan est moderne; mais il -a été probablement copié sur un plan ancien, dressé pour les campagnes -de Condé ou de Turenne. Dans l'édition de Germain Brice que -nous avons citée, il est dit qu'assez proche de l'hôtel d'Uzès on a -établi depuis fort peu de temps une nouvelle manufacture de fer -fondu, dont on fait des ouvrages de serrurerie d'une beauté qui n'avait -point encore paru dans ce genre, sous la conduite de M. de -Réaumur, de l'Académie des Sciences. Piganiol de la Force, <i>Description -historique de Paris</i>, 1765, t. II, p. 350, dit aussi que l'hôtel -de Rambouillet prit le nom d'hôtel Montausier, qu'il a porté jusqu'à -la mort du duc de Montausier, arrivée en 1690, et qu'après il fut -appelé hôtel d'Uzès, parce que Marie-Julie de Saint-Maur épousa Emmanuel -de Crussol, duc d'Uzès. Piganiol dit encore, p. 348, qu'en -sortant du Palais-Royal, et en entrant dans la rue des Filles-Saint-Thomas, -on voit l'hôtel d'Uzès. Mais Saint-Foix, dans ses <i>Essais historiques -sur Paris</i>, t. I, p. 325, dit, en parlant de la rue Saint-Thomas -du Louvre: «Vers le milieu de cette rue, cette maison bâtie -de pierres et de briques, qui appartient aujourd'hui à M. Artaud, -était, il y a cent ans, l'hôtel de Rambouillet, tant célébré par mademoiselle -de Scudéry et les autres beaux esprits de ce temps-là.»</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_386"> 386</a></span> -N'oublions pas de rappeler que l'hôtel de Rambouillet porte le nom -d'hôtel d'Uzès sur le beau plan de Paris de Buillet, architecte du roi -et de la ville, en 12 feuilles, augmenté par Jaillot en 1707, et pareillement -sur un autre plan de Bernard Jaillot, en 4 feuilles, dédié à -Bignon, prévôt des marchands. Cependant, en 1714, Lacaille, dans -sa description du plan du quartier du Palais-Royal, ne lui donne pas -d'autre nom que celui d'hôtel de Rambouillet; ce qui prouve que -les noms d'hôtel de Montausier, d'hôtel d'Uzès, qui avaient succédé, -n'avaient pas fait dans l'usage disparaître l'ancien nom. Je remarquerai -aussi qu'autrefois le côté occidental de la rue Saint-Thomas du -Louvre s'avançait jusqu'à l'alignement de la rue Saint-Honoré, et -resserrait, avec le côté oriental de la rue Froidmanteau, qui a gardé -son prolongement, la place qui est devant le Palais-Royal: cela est -encore ainsi dans le grand plan de 1739. L'hôtel Rambouillet, situé -au n<sup>o</sup> 15, où était l'hôtel de Belgique lorsque j'écrivis cette note il y -a douze ans, occupait donc à peu près le milieu de la rue, comme le -disent les descriptions, tandis que son emplacement actuel se trouve -au commencement, parce qu'on a abattu les maisons qui de ce côté -prolongeaient la rue jusqu'à l'alignement transversal de la rue Saint-Honoré. -Le plan manuscrit qui fut fait pour l'agrandissement de la -place du Palais-Royal, en 1719, par le régent, et qui contient toute la -rue Saint-Thomas du Louvre, existe à la Bibliothèque du Roi, portefeuille -III des <i>Détails topographiques sur Paris</i>. On y voit qu'entre -le bout de la rue Saint-Thomas du Louvre, du côté de la rue Saint-Honoré -et de l'hôtel de Montausier, il y avait six maisons, et que cet -hôtel resserrait plus l'hôtel de Longueville de ce côté que du côté de -la rue Saint-Nicaise, et faisait un angle droit enfoncé avec le terrain -de l'hôtel de Longueville, qui était sur cette rue. Les plans anciens -prouvent que l'hôtel de Longueville n'avait pas une aussi longue façade -sur la rue Saint-Thomas du Louvre, et que dans les agrandissements -qu'il a subis de ce côté il a englobé une partie de l'hôtel de -Rambouillet.</p> - -<p>Il existe un plan gravé <i>de la paroisse royale de Saint-Germain -l'Auxerrois, fait par les soins du curé de ladite paroisse, en 1698</i>; -l'hôtel d'Uzès et l'hôtel de Longueville s'y trouvent dessinés, mais -leur cour intérieure et leur principale entrée sont tracées de sorte -que ces deux hôtels semblent séparés par des maisons, quoique primitivement -ils se touchassent. Il y a un autre plan de la même paroisse, -<span class="pagenum"><a id="Page_387"> 387</a></span> -plus beau et mieux gravé, intitulé <i>Plan de la paroisse de Saint-Germain -l'Auxerrois divisé en neuf quartiers</i>, fait par l'ordre -de M. Labrue, curé de ladite paroisse, en octobre 1730, levé géométriquement -par M. Faure. Dans toute la rue des Filles-Saint-Thomas, -on ne voit sur ce plan, qui est très-grand, qu'un seul hôtel: c'est celui -de Longueville. Mais, comme sur le plan de Turgot, on voit l'hôtel -Crussol, dans la rue Saint-Nicaise et sur le Carrousel, attenant à l'hôtel -de Longueville, du côté du quai. Comme l'hôtel de Montausier est -encore entier sur le plan manuscrit de 1719, c'est entre cette année et -1739 qu'est l'époque où l'hôtel de Rambouillet a disparu, et fut converti -en maisons particulières; et que les Crussol, ducs d'Uzès, ont -été occuper leur nouvel hôtel, rue Saint-Nicaise. C'est donc en copiant -les anciennes éditions que les éditeurs de Germain Brice, en 1752, -ont encore placé l'hôtel d'Uzès rue Saint-Thomas du Louvre: il n'y -était plus. Il y a un plan gravé, de Lenoir, des bâtiments construits -sur les terrains des Quinze-Vingts, qui éclaircit les changements faits -dans ce quartier. Il existe aussi des vues de l'hôtel de Longueville, -gravées par Jean Marot, qui nous le montrent tel qu'il était primitivement; -mais je n'en connais pas de l'hôtel de Rambouillet.</p> - -<p class="pnote"> 38, ligne 13 et 14: A travers les colonnes dorées de cette alcôve.</p> - -<p>Je ne trouve le mot <i>alcôve</i> dans aucun de nos dictionnaires antérieurs -à celui de Richelet, en 1680. Il n'est point dans le <i>Thresor de -la Langue Françoise</i>, par Jean Nicot (sic), 1606, in-folio, ni dans le -<i>Grand Dictionnaire François-Latin, recueilli de plusieurs hommes -doctes, entre autres de M. Nicod</i> (sic), 1625, in-4<sup>o</sup>; il n'est -point dans le <i>Dictionnaire François et Anglois de Cotgrave</i>, en -1632. La Fontaine, dans son roman de <i>Psyché</i>, en 1669, fait mention -des alcôves comme d'une nouveauté, et pour le mot et pour la chose. -(Voyez <i>Œuvres de La Fontaine</i>, édition 1827, in-8<sup>o</sup>, t. V, p. 57.) -Furetière avait employé le mot <i>alcôve</i> avant La Fontaine, dans son -<i>Roman comique</i>, qui parut en 1666. Dans la nouvelle de <i>l'Amour -égaré</i> on lit: «Elle avait certains jours destinés à recevoir le monde -dans son alcôve.» (<i>Roman comique</i>, édit. 1724, Amsterdam, in-12, -p. 208.) <i>Le Lutrin</i>, qui fut publié en 1674, contient, comme tout le -monde sait, un vers où se trouve le mot <i>alcôve</i>, ch. I, vers 57. Ce -sont là, selon ce que j'ai pu découvrir, les premiers auteurs où ce -mot se voit employé; mais une preuve qu'il était nouveau, c'est -<span class="pagenum"><a id="Page_388"> 388</a></span> -qu'on ne savait de quel genre il devait être. Scarron, madame de -Villedieu, un puriste nommé Milon, souvent cité comme autorité -par les auteurs de ce temps, tenaient pour le masculin; d'Ablancourt, -Boileau, Ménage, le voulaient féminin. Richelet en 1680, -et l'Académie en 1694, dans leurs dictionnaires, ne se décidèrent -pour aucun de ces deux genres, et laissèrent la chose indécise -(voyez Alamand, <i>Nouvelles Observations</i>, ou <i>guerre civile des -François sur la Langue</i>, 1688, in-12, p. 89 ). L'usage a fait prévaloir -le féminin. Félibien des Avaux, dans le livre intitulé <i>Plans et -description des deux plus belles maisons de Pline le consul</i>, ne -traduit jamais le <i>cubiculum dormitorium</i>, ou le <i>zoteca</i>, par alcôve, -quoique ce fût le mot propre. M. Mazois, au contraire, n'a pas hésité -à rendre ces mots par celui d'alcôve; il a raison. (Voyez <i>Palais de -Scaurus</i>, deuxième édition, 1622, in-8<sup>o</sup>, p. 96.) Le mot français -<i>alcôve</i> vient de l'espagnol <i>alcoba</i>, qui signifie une chambre à coucher; -et le mot espagnol vient du mot arabe <i>al-cobba</i>, qui signifie -un dôme, une voûte.</p> - -<p>Ces alcôves étaient très-vastes, et formaient une petite chambre -renfermée dans une plus grande. Le lit était placé au milieu, sur une -estrade, souvent entouré d'un balustre, et laissant de chaque côté une -vaste ruelle. Aussi la conclusion de la requête de Ribercour, dans le -<i>Procès des Précieuses</i>, de Somaize, est que, pour leur châtiment,</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p> Le lit desdites femelles</p> -<p>Soit les deux côtés sans ruelles,</p> -<p>Et qu'il soit mesmement placé</p> -<p>Sans être du tout exaucé.</p> -</div></div> - -<p>Cette conclusion hostile y est répétée trois fois.</p> - -<p>On lit dans le <i>Jeu poétique</i>, à M. des Yvetaux, du père Le -Moine:</p> - -<p class="quote">On n'y voit point le sang des races dévorées,<br /> -En estrades d'ivoire, en alcôves dorées.</p> - -<p>(<i>Recueil des plus belles Pièces des Poëtes françois</i>, 1692, in-12, -t. III, p. 337.)</p> - -<p>Cet exhaussement des lits était fort ancien; et Sauval, t. II, p. 280, -remarquant que dès le règne de Charles V les lits étaient placés sur -une estrade, ajoute: «Par là il se voit que sous Charles V les alcôves, -<span class="pagenum"><a id="Page_389"> 389</a></span> -dont les dames «de notre siècle s'attribuent l'invention, étaient -en usage.» Non; car l'estrade seule ne constitue pas l'alcôve. Ainsi -ce passage de Sauval, au lieu de contredire l'assertion de Tallemant, -la confirme, puisqu'il nous apprend que l'usage des alcôves était récent, -et qu'on en attribuait l'invention aux femmes. Scarron, dans -ses œuvres, parle plusieurs fois des alcôves: «Il y avait des meubles, -des alcôves, des estrades, et une provision de bonne senteur.» -(<i>Le Chastiment de l'Avarice</i>, dans les <i>Dernières Œuvres</i> de Scarron; -1700, in-12, p. 112.)</p> - -<p class="quote">Les tapis chinois sont foulés<br /> -Dans leurs alcôves bien meublés.</p> - -<p>(Scarron, <i>la Baronéide</i>, dans les <i>Dernières Œuvres</i>, 1700, in-12, -p. 175.)</p> - -<p>L'usage des femmes de réunir le matin la société dans leurs alcôves -fit que le mot <i>ruelle</i> s'employa pour celui de <i>réduit</i>, puis pour ceux -d'<i>assemblée</i>, de <i>cercle</i>, d'<i>académie</i>. Cependant ces mots n'étaient -pas tout à fait synonymes.</p> - -<p>Boileau a dit:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Ne vous enivrez pas des éloges flatteurs</p> -<p>Qu'un amas quelquefois de vains admirateurs</p> -<p>Vous donne en ces <i>réduits</i>, prompts à crier merveille.</p> -</div></div> - -<p>Et ailleurs:</p> - -<p class="quote">Que de son nom, chanté par la bouche des belles,<br /> -Benserade en tous lieux amuse les <i>ruelles</i>.</p> - -<p>Furetière, dans son <i>Roman bourgeois</i>, nous fournit les passages -suivants, qui prouvent ce que nous avançons: «La qualité la plus -nécessaire à un poëte pour se mettre en réputation, c'est de hanter -la cour ou d'y avoir été nourri; car un poëte bourgeois, ou vivant -bourgeoisement, y est peu considéré. Je voudrais qu'il eût accès dans -toutes les <i>ruelles</i>, <i>réduits</i> et <i>académies illustres</i>.» (T. I, p. 162.) -Tout ce passage est contre Benserade; et en général ce roman de -Furetière est plein d'allusions à des personnages du temps, mais qui ne -sont pas comprises, faute d'un commentaire, dont cet ouvrage ne serait -pas indigne. Voici encore les autres passages qui prouvent que Furetière -faisait une distinction entre les mots <i>réduits</i> et <i>ruelles</i>, liv. I; -<span class="pagenum"><a id="Page_390"> 390</a></span> -p. 147: «On permit aussi à Javotte de voir le beau monde, de faire -des visites dans les beaux <i>réduits</i>, et de se mêler en des compagnies -d'<i>illustres</i> et de <i>précieuses</i>.» Page 166: «J'avoue bien, Pancrace, -que ceux qui sont déjà en réputation, et dont les ouvrages ont été -loués dans les <i>ruelles</i> et par la cabale, l'ont pu conserver dans leurs -recueils.» Page 171: «Car, comme dans les académies de jeu on -pipe souvent avec de faux dés et de fausses cartes; de même, dans les -<i>réduits académiques</i>, on pipe souvent l'impromptu.» Et, page 150: -«Il s'amassait tous les jours bonne compagnie chez Angélique. Quelques -fois on y traitait des questions curieuses; d'autres fois on y -tenait des conversations galantes, et on tâchait d'imiter tout ce qui -se pratique dans les <i>belles ruelles</i> par les précieuses du premier -ordre.» Ainsi, le mot <i>réduit</i> s'employait de préférence pour les assemblées -qui se tenaient dans d'autres chambres que celles où étaient -des alcôves, et chez des hommes; quoique cependant Somaize mette -parmi ceux qui tenaient <i>ruelles</i> Ménage et l'abbé Testu.</p> - -<p>Somaize désigne comme les principaux introducteurs des ruelles -de son temps l'abbé Bellebat et l'abbé du Buisson (voyez page 311). -Dans la comédie intitulée <i>les Véritables Précieuses</i>, on lit ce dialogue, -page 32:</p> - -<p class="quote"><span class="i2">LE BARON.</span></p> - -<p>Avez-vous grande foule d'alcovistes chez vous? Qui préside? Qui -est de quartier?</p> - -<p class="quote"><span class="i2">ISABELLE.</span></p> - -<p>Nous en avons plusieurs de la vieille roche.</p> - -<p>Dans le <i>Grand Dictionnaire des Précieuses, ou la clef des -ruelles</i>, 1660 (ouvrage de Somaize différent de celui qui est intitulé -aussi <i>Grand Dictionnaire des Précieuses, historique, critique</i>, -1661, 2 vol. in-12), p. 79, on lit que ces mots, <i>qui préside? qui -est de quartier chez vous?</i> sont synonymes de <i>Qui est-ce qui vient -souvent vous voir?</i></p> - -<p>Cet usage de recevoir dans les alcôves en produisit un autre, qui -subsista longtemps: ce fut celui qu'avaient les jeunes mariées de -recevoir, assises sur leur lit, en grande parure, les visites qui leur -étaient faites le lendemain de leurs noces.</p> - -<p>Saint-Simon (<i>Mémoires complets et authentiques</i>, t. I, p. 277), -parlant de son mariage, dit:</p> - -<p>«Nous couchâmes dans le grand appartement de l'hôtel de Lorges. -<span class="pagenum"><a id="Page_391"> 391</a></span> -Le lendemain, M. d'Anneuil, qui logeait vis-à-vis, nous donna un -grand dîner, après lequel la mariée reçut sur son lit toute la France -à l'hôtel de Lorges, où les devoirs de la vie civile et la curiosité attirèrent -la foule....» «Le lendemain elle reçut toute la cour sur son -lit, dans l'appartement de la duchesse d'Arpajon, comme plus -commode, parce qu'il était de plain pied.» (Page 278.)</p> - -<p>En parlant de sa belle-sœur, Saint-Simon dit: «Mademoiselle de -Quentin ne tarda pas à avoir son tour. M. de Lausun la vit sur le lit -de sa sœur, avec plusieurs autres filles à marier.» Quand de Lausun -est marié avec mademoiselle de Quentin, il dit, en parlant du duc -de Lausun: «Le lendemain, il fit trophée de ses prouesses. Sa femme -vit le monde sur son lit.» (Page 280.) Puis, pour le jour d'après, -il ajoute: «Elle vit toute la cour sur son lit, et tout s'y passa -comme à mon mariage.»</p> - -<p>Le même Saint-Simon (t. II, p. 125 et 126), en parlant du mariage -de mademoiselle d'Aubigné, nièce de madame de Maintenon, avec -le comte d'Ayen, dit: «La déclaration s'en fit le mardi 11 mars. Le -lendemain madame de Maintenon se mit sur son lit, au sortir de -table, et les portes furent ouvertes aux compliments de toute la -cour.» Ceci se passait avant la messe de mariage; après cette messe, -Saint-Simon ajoute encore: «L'après-dînée, madame de Maintenon, -sur son lit, et la comtesse d'Ayen sur un autre, dans une autre -pièce joignante, reçurent encore toute la cour.»</p> - -<p>C'est sur cet usage que La Bruyère s'exprime en ces termes:</p> - -<p>«Le bel et judicieux usage que celui qui, préférant une sorte -d'effronterie aux bienséances et à la pudeur, expose une femme d'une -seule nuit, sur un lit, comme sur un théâtre, pour y faire pendant -quelques jours un ridicule personnage, et la livre en cet état à la curiosité -de l'un ou de l'autre sexe, qui, connus ou inconnus, accourent -de toute une ville à ce spectacle pendant qu'il dure! Que manque-t-il -à une telle coutume pour être entièrement bizarre et incompréhensible, -que d'être lue dans quelque relation de la Mingrélie?»</p> - -<p class="signature">(La Bruyère, <i>Caractères</i>, ch. VII, <i>De la Ville</i>.)</p> - -<p>Cet usage continua dans le dix-huitième siècle. Au sujet du mariage -du duc de Berri, en 1710, on lit dans Saint-Simon:</p> - -<p>«Au sortir de table, le roi alla dans l'aile neuve, à l'appartement -des mariés. Toute la cour, hommes et femmes, l'attendait, en haie -dans la galerie, et l'y suivit avec tout ce qui avait été du souper. Le -<span class="pagenum"><a id="Page_392"> 392</a></span> -cardinal Janson fit la bénédiction du lit. Le coucher ne fut pas long. -Le roi donna la chemise à M. le duc de Berri.»</p> - -<p>Le même Saint-Simon, en racontant le mariage du fils de Tallard -avec une fille du prince de Rohan, qui eut lieu chez la duchesse de -Ventadour, en 1713, dit, t. X, p. 455: «Le lendemain la mariée -reçut sur le lit la duchesse de Ventadour, les visites de toute la cour, -et celles que les duchesses ont accoutumé de recevoir des personnes -royales.» Voy. la note, p. 697, de notre édition de La Bruyère.</p> - -<p class="pnote"> 38, ligne 4: N'y laissait pénétrer qu'un demi-jour azuré.</p> - -<p>Dans la pièce de Somaize, Roguespine, un des personnages, dit -(<i>Procès des Précieuses</i>, p. 47):</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Je considérais fort la chambre</p> -<p>Dans laquelle à loisir je vis</p> -<p>Des précieuses de Paris</p> -<p>Une longue et nombreuse bande.</p> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<p>Cette chambre était assez sombre;</p> -<p>Le grand jour n'y pouvait entrer,</p> -<p>A cause qu'elles font tirer,</p> -<p>Pour l'empêcher de trop paraître,</p> -<p>Des rideaux devant la fenêtre;</p> -<p>Sachant que la grande clarté</p> -<p>Efface un peu la beauté.</p> -<p>J'y remarque de plus ensuite,</p> -<p>Quoique la chambre fût petite,</p> -<p>Un paravent qui s'étendait</p> -<p>Jusque près de la cheminée.</p> -</div></div> - -<p class="pnote">Page 39, ligne 5: C'était mademoiselle Paulet.</p> - -<p>Mademoiselle Paulet était la fille d'un Languedocien, Charles Paulet, -secrétaire du roi, qui inventa le fameux impôt de <i>la paulette</i>. Si l'on -en croit Tallemant des Réaux, mademoiselle Paulet fut galante dans -sa jeunesse; mais l'amitié de madame de Clermont d'Entragues, -femme d'une grande vertu, la remit en crédit. «Madame de Rambouillet, -dit-il, la reçut pour son amie; et la grande vertu de cette -dame purifia pour ainsi dire mademoiselle Paulet qui depuis fut -<span class="pagenum"><a id="Page_393"> 393</a></span> -chérie et estimée de tout le monde.» (Tallemant, <i>Historiettes</i>, -p. 200.) Mademoiselle Paulet avait une très-belle voix. Lorsqu'elle -vint pour la première fois à Rambouillet, madame de Rambouillet la -fit recevoir à l'entrée du bourg par les plus jolies filles du lieu, -couronnées de fleurs; une d'entre elles lui présenta les clefs du château, -et on tira deux petites pièces d'artillerie. Mademoiselle Paulet -mourut en 1651, chez madame de Clermont en Gascogne.</p> - -<p class="pnote">Page 40, ligne 2: Madame Duplessis.</p> - -<p>La maison de madame Duplessis-Guénégaud était le rendez-vous -de ce qu'il y avait de plus distingué à la cour et à la ville. Ce fut elle -qui depuis contribua à former la société de Fouquet, et qui lui -indiqua les gens de lettres et les hommes de mérite qu'il devait -protéger.</p> - -<p class="pnote">Page 40, ligne 9: de la fameuse guirlande.</p> - -<p>Dans le <i>Hueliana</i>, page 105, le don de cette guirlande est rapporté -à l'année 1633 ou 1634, au lieu de 1640, qui est sa véritable -date. Ce beau manuscrit a été vendu 14,510 fr. à la vente de -La Vallière.</p> - -<p class="pnote">Page 40, ligne 15: Moitié assis, moitié couchés sur leurs manteaux.</p> - -<p>Roguespine, dans la pièce de Somaize, continuant sa description, -dit:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Pour ne pas perdre le moment</p> -<p>Que j'avais de lorgner ces belles</p> -<p>Dedans l'une de leurs ruelles.</p> -<p>Seize environ elles étaient;</p> -<p>De plus, toutes elles avaient,</p> -<p>Au moins il ne s'en fallait guère,</p> -<p>Assis sur leurs manteaux par terre,</p> -<p>Paraissant fort humiliés,</p> -<p>Un homme chacune à leurs pieds;</p> -<p>Sans ceux qui, très-fort à leur aise,</p> -<p>Étaient assis dans une chaise,</p> -<p>Et faisaient peu les courtisans.</p> -</div></div> - -<p>Dans <i>la Comtesse d'Escarbagnas</i>, un homme ridicule qui cherche -à singer les airs du grand monde s'assoit au pied de la comtesse pour -<span class="pagenum"><a id="Page_394"> 394</a></span> -écouter la comédie.—Dans le récit d'un bal de province, le comte -de Bussy, en parlant du comte de Souvré, dit: «Il était au premier -rang de ceux qui étaient assis sur leurs manteaux.»</p> - -<p class="pnote">Page 40, ligne 20.</p> - -<p>Somaize parle dans son Dictionnaire de madame du Vigean, sous -le nom de Valérie, page 36 de la clef; et t. II, page 195 du Dictionnaire, -il lui donne le nom de mademoiselle.—Voiture et l'annotateur -des chansons manuscrites lui donnent le titre de madame, et ce dernier -nous apprend qu'elle était sœur de la duchesse de Richelieu.</p> - -<p class="pnote">Page 41, ligne 8: Toutes les dames tenaient une petite badine.</p> - -<p>Roguespine dans Somaize, continuant sa narration, dit:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>La plupart encore d'entre elles,</p> -<p>Soit des laides, ou soit des belles,</p> -<p>Tenaient avec un air badin</p> -<p>Chacune une canne à la main,</p> -<p>La faisant brandiller sans cesse.</p> -</div></div> - -<p class="pnote">Page 41, lignes 13: Les blancs et gros panaches de leurs petits chapeaux.</p> - -<p>Roguespine dit encore:</p> - -<p class="quote">Ils avaient, selon leurs coutumes,<br /> -Des chapeaux tout chargés de plumes.</p> - -<p>L'auteur du <i>Récit de la Farce des Précieuses</i>; Anvers (1660, -p. 19), dans le récit du costume de Mascarille, fait mention de son -chapeau, si petit «qu'il était aisé de juger que le marquis le portait -bien plus souvent dans la main que sur la tête.» Ce récit est de -mademoiselle Desjardin; il a été composé après la première représentation -des <i>Précieuses</i>, et avant que la pièce ne fût imprimée. Il -est en forme de lettre adressée à une dame dont le nom, omis comme -celui de l'auteur, était madame de Morangis. J'ai puisé ces détails -dans les manuscrits de Conrart qui sont à la bibliothèque de l'Arsenal, -n<sup>o</sup> 902; on y trouve une copie du <i>Récit</i>, t. IX, p. 1017.</p> - -<p class="pnote">Page 41, ligne 20: Chapelain.</p> - -<p>Le cardinal de Retz dit que Chapelain avait de l'esprit; et Retz -<span class="pagenum"><a id="Page_395"> 395</a></span> -était bon juge en cette matière. (Voyez <i>Collection des Mémoires</i> -de Petitot, t. XLIV, p. 158.)</p> - -<p class="pnote">Page 41, ligne 22: L'abbé Bossuet, le petit abbé Godeau.</p> - -<p>L'abbé Godeau était parent de Conrart, et ce fut lui qui le produisit -à l'hôtel de Rambouillet.—Bossuet, né en 1627, n'avait que -dix-sept ans en 1644; mais on sait qu'il fut très-précoce, et l'on connaît -le mot de Voiture sur un sermon récité par lui à l'âge de seize ans -à l'hôtel de Rambouillet.</p> - -<p class="pnote">Page 42, ligne 18: Voiture demeure dans cette rue.</p> - -<p>Voiture mourut rue Saint-Thomas du Louvre, le 27 mai 1648.</p> - -<p class="pnote">Page 44, ligne 18: Afin de ne pas froisser ses canons.</p> - -<p>A l'époque du mariage de madame de Sévigné, on portait de grands -canons; on les portait moins longs lorsque Molière s'en moquait dans -<i>les Précieuses ridicules</i>, en 1659; puis huit ans après, lorsque <i>le -Misanthrope</i> fut représenté en 1667, les grands canons redevinrent -à la mode.</p> - -<p>Molière a dit dans <i>l'École des Maris</i>, acte I, scène 1:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Et de ces grands canons où, comme en des entraves,</p> -<p>On met tous les matins ses deux jambes esclaves,</p> -<p>Et par qui nous voyons ces messieurs les galants</p> -<p>Marcher écarquillés ainsi que des volants.</p> -</div></div> - -<p>La pièce de Molière fut donnée en 1661. L'auteur des <i>Lois de la -Galanterie</i>, que l'on trouve dans le <i>Recueil des pièces choisies en -prose</i>, publié en 1658, s'exprime exactement de la même manière: -«Si quelques-uns disaient encore autrefois qu'ils se formalisaient de -ce rond de botte fait comme le chapiteau d'une torche, dont l'on -avait tant de peine à conserver la circonférence, qu'il fallait marcher -en écarquillant les jambes, comme si l'on eût quelque mal caché; -et si depuis, ayant quitté l'usage des bottes, et porté de simples -canons de la grandeur d'un vertugadin, on en a fait de pareilles -plaintes, c'était ne pas considérer que ces gens qui observent ces -modes vont à pied le moins qu'ils peuvent. D'ailleurs, quoiqu'il n'y -ait guère que cela ait été critiqué, la mode est déjà changée. Les -genouillières rondes et étalées n'ont été que pour les grosses bottes, -<span class="pagenum"><a id="Page_396"> 396</a></span> -les bottes mignonnes ayant été ravalées depuis jusqu'aux éperons, et -n'ayant eu qu'un bec rehaussé devant et derrière. Quant aux canons -de linge qu'on étalait au-dessus, nous les approuvions bien dans leur -simplicité, quand ils étaient fort larges et de toile de batiste bien empesée, -quoique l'on ait dit que cela ressemblait à une lanterne de papier, -et qu'une lingère du Palais s'en servit un soir, mettant sa chandelle -au milieu, pour la garder contre le vent. Afin de les orner davantage, -nous voulions dès lors que d'ordinaire il y eût double et triple -rang de toile, soit de batiste, soit de Hollande; et d'ailleurs cela était -encore mieux s'il s'y pouvait avoir deux ou trois rangs de point de -Gênes. Ce qui accompagnait le jabot devait être de même parure -(p. 66 et 67).... Depuis que, l'usage des bottes étant aboli, si ce n'est -pour aller à la guerre ou se promener aux champs, les grands canons -ont été en crédit, soit de toile simple, ou ornés de belles dentelles; à -quoi il fallut que les vrais galants se soient accoutumés, parce que -c'était un équipage magnifique, et que d'ailleurs cela servait grandement -à cacher la défectuosité de quelques jambes cagneuses ou trop -menues. Mais s'il arrive que maintenant la mode de ces canons se -passe, il faut que chacun porte des bas de soie..... L'on a aussi -porté des canons d'étoffe au lieu de ceux de toile.....»</p> - -<p>Scarron, continuant le portrait dont nous avons cité le commencement, -dit:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Il avait deux canons, ou plutôt deux rotondes,</p> -<p>Dont le tour surpassait celui des tables rondes;</p> -<p>Il chantait en entrant je ne sais quel vieux air,</p> -<p>S'appuyait d'une canne, et marchait du bel air.</p> -<p>Après avoir fourni sa vaste révérence,</p> -<p>Se balançant le corps avecque violence,</p> -<p>Il me dit..... etc.</p> -</div></div> - -<p>Dans la description que fait Loret de son noble de province, il -dit, livre VII, p. 87, <i>lettre 22</i>, du 3 juin:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i1"> Il portait en son haut de chausse</p> -<p class="i1"> Des galons jusqu'à seize cent.</p> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<p>Ce <i>nobilis</i> voyait avec ravissement</p> -<p class="i1"> Ses rubans de couleur exquise,</p> -<p class="i1"> Et ses canons d'étoffe grise,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_397"> 397</a></span></div> -<p>Qui de rondeur, chacun à part,</p> -<p>Avaient deux aunes et mi-quart.</p> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<p>De petits enfants à jaquette</p> -<p>Qui jouaient à cligne-musette:</p> -<p>Deux d'entre eux s'allèrent cacher</p> -<p>(Pour se faire longtemps chercher)</p> -<p>Sous les canons du gentil-homme.</p> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<p>Ils étaient spacieux assez</p> -<p>Qu'on ne leur voyait pieds ni tête, etc.</p> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<p>Ma muse et moi nous maintenons</p> -<p>Que ces démesurés canons</p> -<p>Sont une extravagante mode,</p> -<p>Laide, embarrassante, incommode:</p> -<p>Cependant messieurs les coquets</p> -<p>Disent qu'outre leurs doux caquets,</p> -<p>Cet attirail est nécessaire</p> -<p>Pour ravir, pour charmer, pour plaire;</p> -<p>Que l'honneur, l'esprit, la vertu,</p> -<p>Sont estimés moins qu'un fétu</p> -<p>Dans l'empire des amourettes;</p> -<p>Et que pour dompter des coquettes,</p> -<p>Des Suzons, Fanchons et Nanons,</p> -<p>On ne le peut pas sans canons.</p> -</div></div> - -<p class="pnote">Page 48, ligne 6: <span class="small1">La séparation</span>.</p> - -<p>Ce rondeau ne se trouve pas dans la première édition de Voiture, -1650, in-4<sup>o</sup>. C'est dans cette première édition qu'est le seul bon -portrait de Voiture; il est gravé par Nanteuil, d'après Philippe de -Champagne. Il y a eu une seconde édition de la même année, in-4<sup>o</sup>, -corrigée et augmentée. Celle que je cite, in-12, est la meilleure, et -le rondeau s'y trouve.</p> - -<p class="pnote">Page 49, ligne 12: Parce qu'il est votre grand madrigalier.</p> - -<p>Conrart avait surnommé La Sablière le grand madrigalier français. -Voy. Ancillon, <i>Vie des Personnages célèbres</i>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_398"> 398</a></span></p> - -<p class="pnote">Page 50, ligne 1: De toutes les façons, etc.</p> - -<p>Dans les éditions de Montreuil, cette pièce y est intitulée <i>Pour -madame de Sévigny jouant à colin-maillard</i> (on écrivait alors -Sevigny au lieu de Sévigné; Scarron et Bussy-Rabutin n'écrivent -pas autrement). Dans le recueil de Sercy, où cette pièce avait paru -d'abord, le nom de madame de Sévigné ne se trouve pas. Les œuvres -de Montreuil contiennent en outre deux lettres adressées par lui à -madame de Sévigné, pag. 5, 107 de l'édit. 1666, et 4 et 72 de l'édit. -de 1671. Il faut que les éditeurs de madame de Sévigné n'aient point -connu ces lettres, puisqu'ils ne les ont pas, selon leur plan, réimprimées -avec les siennes. La seconde édition du recueil de Montreuil -ne paraît être qu'une réimpression de la première: elle est seulement -moins belle. La meilleure pièce de Montreuil n'est point dans ce -recueil: c'est son épître à Martin Pinchesne, qu'il a imprimée dans les -œuvres de ce dernier après la mort de l'auteur. On a souvent confondu -Mathieu Montreuil avec Jean Montreuil, son frère aîné, qui fut -un des plus jolis hommes de France. (Retz, <i>Mém.</i>, t. XLV, p. 181 et -191.) Ce dernier fut très-utile à la cause des princes, par son esprit et -son adresse; il fut reçu de l'Académie Française, et mourut à trente-sept -ans. Petitot, ou l'ancien éditeur des Mémoires de Joly, <i>Collection -des Mémoires</i>, t. XLVII, p. 107, confond, dans une de ses notes, -Mathieu avec Jean. (Voy. Pellisson, <i>Hist. de l'Académie Française</i>, -1729, in-4<sup>o</sup>, p. 261 à 265). Il paraîtrait, d'après un passage des -<i>Mém. de Conrart</i>, t. XLVIII, p. 57, que Montreuil l'académicien a -été secrétaire des commandements de <span class="small1">Madame</span>, femme de Gaston.</p> - -<p class="pnote">Page 51, lignes 9 et 10: Faisons encore jouer madame de Sévigné -à colin-maillard.</p> - -<p>Le jeu de colin-maillard, qui nous paraît si enfantin, était alors fort -à la mode parmi les gens du grand monde. Le comte de Gramont, -dans ses Mémoires, parle du goût de mademoiselle Stewart pour -ce jeu. La mode le maintint longtemps en vogue. Loret, dans sa -<i>Muse historique</i>, liv. III, p. 7, lettre 2, du 14 janvier 1652, en -parlant des divertissements qui se donnent chez <span class="small1">Mademoiselle</span>, dit:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Enfin, en ce palais d'honneur</p> -<p>On a ce merveilleux bonheur</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_399"> 399</a></span></div> -<p>De s'y réjouir d'importance;</p> -<p>Et, mieux que pas un lieu en France,</p> -<p>Comédie, bal, en tout temps,</p> -<p>Y rendent les esprits contents.</p> -<p>Au chagrin on y fait la moue,</p> -<p>Et tous les soirs presque on y joue</p> -<p>A ce jeu plaisant et gaillard</p> -<p>Qu'on appelle colin-maillard.</p> -</div></div> - -<p>Louis XIV aimait ce divertissement dans sa jeunesse. Un jour qu'il -y jouait chez madame de Puisieux, il mit son cordon bleu autour de -Puisieux pour mieux se déguiser; et cela plus tard fit nommer Puisieux -chevalier des ordres. Saint-Simon, t. IV, p. 288 (chapitre 24).</p> - -<p class="pnote">Page 52, ligne 16: Des fauteuils, des chaises et des placets.</p> - -<p>J'ai fait mention des placets, ci-dessus, page 41, ligne 17.</p> - -<p>Boileau a dit dans sa satire:</p> - -<p class="quote">Saint-Amand n'eut du ciel que sa veine en partage:<br /> -Un lit et deux <i>placets</i> composaient tout son bien.</p> - -<p>Dans le Lutrin:</p> - -<p class="quote">En achevant ces mots, cette amante enflammée<br /> -Sur un <i>placet</i> voisin tombe demi-pâmée.</p> - -<p>Brienne dit, p. 203: «Cependant la reine me fit donner un <i>placet</i>.» -Et p. 218: «Mon père....., comme il ne pouvait se tenir debout, -s'asseyait sur un <i>placet</i> qui était au bout de la table.»</p> - -<p class="pnote">Page 53, lignes 9 et 10: <i>Théodore vierge et martyre</i>, -tragédie chrétienne.</p> - -<p>C'est de cette tragédie que Voltaire a dit qu'il n'y avait rien de -si mauvais. Il a épuisé à son égard les expressions les plus dures que -le mépris et le dégoût peuvent inspirer. Sa critique est outrée, et -on aurait d'après elle une fausse idée de la pièce. On la lit sans -ennui; Corneille s'y retrouve assez souvent. Elle eut du succès en -province, mais n'en eut aucun à Paris. Elle a été bien appréciée par -François de Neufchâteau. -<span class="pagenum"><a id="Page_400"> 400</a></span></p> - -<p class="pnote">Page 55, ligne 8: Tout le monde dirigea ses regards sur l'ecclésiastique -adolescent.</p> - -<p>Bossuet fut introduit à l'hôtel de Rambouillet par le marquis de -Feuquières, et y prêcha un sermon à l'âge de seize ans. Il vint à Paris -en 1642, et ce ne fut que postérieurement qu'il alla résider à Metz, -pour y achever ses études ecclésiastiques.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE VI.</p> - -<p class="pnote">Page 59, ligne 6: Un <i>honnête homme</i>.</p> - -<p>Voici comment s'exprime l'auteur des <i>Lois de la Galanterie</i> à -l'endroit cité: «Il faut que chacun sache que le parfait courtisan que -le comte Balthazar de Chastillon a voulu décrire en langage italien, -et l'honnête homme que le sieur Faret a entrepris de dépeindre en -français, ne sont autre chose qu'un vrai galant.» Le mot <i>gentleman</i> -en anglais correspond à plusieurs de ces significations vagues, -et à nuances diverses, du mot honnête homme dans le siècle de -Louis XIV.</p> - -<p class="pnote">Page 60, ligne dernière: Boileau l'a cependant employée depuis.</p> - -<p>Boileau a dit dans une de ses épîtres, longtemps après madame de -La Fayette:</p> - -<p class="quote">Les yeux, d'un tel discours faiblement éblouis,<br /> -Bientôt dans ce tableau reconnaîtraient Louis.</p> - -<p>Le poëte Lebrun a fait sur ces vers la remarque suivante: «Des -yeux éblouis d'un discours, c'est-il bien français? On n'est point ébloui -de ce qu'on ne voit pas. M. Auger s'étonne avec raison d'une telle -critique de la part d'un poëte, et répond que chaque jour on emprunte -des mots à un ordre de sensations, pour les appliquer à un -autre. Mais l'expression de madame de La Fayette, quoique en apparence -semblable, est tout autre et bien plus hardie que celle de -Boileau; car c'est réellement, et non pas au figuré, qu'elle affirme -que madame de Sévigné, par sa conversation, éblouissait les yeux.</p> - -<p class="pnote">Page 63, ligne 19.</p> - -<p class="quote">Ma plume, pour rimer, rencontrera Ménage.</p> - -<p>Presque tous les commentateurs de Boileau ont commis une erreur, -lorsqu'ils ont dit que ce vers et celui qui le précède n'avaient existé -<span class="pagenum"><a id="Page_401"> 401</a></span> -qu'en manuscrit. Cette satire adressée à Molière parut pour la première -fois dans le <i>Recueil de Vers choisis</i>, imprimé en 1665, sans -nom de ville ni d'imprimeur, avec une sphère sur le titre. Les vers -sur Ménage s'y trouvent tels que nous les avons rapportés.</p> - -<p class="pnote">Page 63, ligne 23: Substitua l'abbé de Pure.</p> - -<p class="quote">Si je veux d'un galant dépeindre la figure,<br /> -Ma plume, pour rimer, rencontrera de Pure.</p> - -<p>Voyez <i>Nouveau Recueil</i>, etc., 1665, in-12, p. 24.</p> - -<p class="pnote">Page 68, ligne 3: L'interprétation que nous leur avons donnée.</p> - -<p>M. Monmerqué (t. I, p. 39) fixe la date de la lettre que j'ai citée -à l'année 1655: je la crois postérieure. Cette lettre se rattache à -celle du n<sup>o</sup> 29, p. 55, et à celle qui a été publiée dans les <i>Mémoires -de Coulanges</i>, p. 323; ce qui doit faire croire qu'il y est question de -Servien, et non de Fouquet. De même, la lettre du 12 janvier, t. I, -p. 16, que nous avons citée en second, classée par M. Monmerqué -sous l'année 1654, nous paraît devoir être placée sous l'année 1652, -lorsque madame de Sévigné revint de Bretagne après son veuvage, -Conférez Loret, <i>Muse historique</i>, t. I, p. 157, en date du 19 novembre -1651.</p> - -<p class="pnote">Page 70, note 2: <span class="small1">Bussy</span>, <i>Histoire amoureuse des Gaules</i>.</p> - -<p>L'édition que j'ai citée dans cette note et dans plusieurs autres me -paraît être l'édition originale du fameux ouvrage de Bussy. Elle est -in-18, sans date, sans nom de libraire ni d'imprimeur, et ayant seulement -une croix de Saint-André sur le frontispice. L'ouvrage commence -au haut de la page, sans que le titre soit répété. La pagination -se suit jusqu'à la page 190, puis elle recommence à l'histoire -d'Ardelise jusqu'à la page 69, et ensuite il y a une clef. Le caractère -est beau et semblable à celui des Elzevirs. Il y a du même ouvrage -une autre édition pareillement indiquée comme étant imprimée -à Liége, sans date ni nom d'imprimeur, mais avec un grand fleuron -triangulaire sur le frontispice: ce volume, moins bien imprimé que -le précédent, a 208 pages, sans la clef; la pagination se suit, et -l'historiette de Ménage est à la page 189. Barbier a commis une faute -grave, dans son Dictionnaire des Anonymes, en confondant, t. I, p. 46, -l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i> de Bussy avec le recueil intitulé: -<span class="pagenum"><a id="Page_402"> 402</a></span> -<i>les Amours des Dames de notre siècle</i>, recueil de libelles composés -par différentes mains, la plupart de Sandraz de Courtils. A la vérité, -dans l'édition de 1754, en 4 volumes, on a compris toutes ces -petites chroniques scandaleuses sous le titre général d'<i>Amours des -Gaules</i>, et on a attribué le tout à Bussy; mais il n'y a de lui dans ces -4 volumes que le 1<sup>er</sup>; et cette édition de ses <i>Amours des Gaules</i>, quoique -la plus connue, n'est pas bonne. Nous reviendrons sur ce recueil -au sujet d'une autre édition, où les vrais noms sont mieux indiqués -que dans l'édition de 1754, et que nous avons découverte depuis. -Nous prouverons aussi que les <i>Amours des Gaules</i> de Bussy ont été -composées en 1659 et 1660, mais n'ont été imprimées qu'en 1662. Les -diverses pièces renfermées dans le recueil intitulé <i>les Amours des -Dames de notre siècle</i> sont toutes postérieures à cette époque. -(Voyez la III<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, p. 445.)</p> - -<p class="pnote">Page 75, ligne 10: Telle était Montreuil.</p> - -<p class="quote">On ne voit point mes vers, à l'envi de Montreuil,<br /> -Grossir impunément les feuillets d'un recueil.</p> - -<p class="signature"><span class="small1">Boileau</span>, <i>satire</i> VII.</p> - -<p>M. de Saint-Surin, dans son commentaire, a dit à tort que le Montreuil -dont parle Boileau fut de l'Académie Française. Il le confond -avec son frère, qui en fut, et mourut en 1650 sans avoir rien publié. -Pellisson, dans son <i>Histoire de l'Académie Française</i>, et Saint-Marc, -probablement d'après Pellisson, prétendent que le véritable nom est -Montreul. Cela se peut; mais dans les deux éditions que Mathieu -Montreuil a publiées lui-même de ses ouvrages, l'i s'y trouve; il y a -Montreüil, et jamais Montreul. Voyez <i>Œuvres de Montreuil</i>, édit. -1666, p. 5, et édit. 1671, p. 4.</p> - -<p class="pnote">Page 75, ligne dernière: Ce chansonnier de la Fronde, gros, court.</p> - -<p>Le poëte Saint-Amand, dans son poëme sur la Vigne, s'exprime -ainsi sur Marigny, dont il était l'ami:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Marigny, rond en toute sorte,</p> -<p>Qui parmi les brocs te transporte,</p> -<p>Et dont l'humeur, que je chéris,</p> -<p>M'a pu faire quitter Paris.</p> -</div></div> - -<p>La petite seigneurie de Marigny était située près de Nevers.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_403"> 403</a></span></p> -<p class="pnote">Page 76, ligne 11: Saint-Pavin, le petit bossu.</p> - -<p>Le nom de Saint-Pavin était Denis Sanguin de Saint-Pavin. Titon -du Tillet (<i>Parnasse Français</i>, 1722, in-folio, p. 298) nous apprend -que de son temps la maison de Saint-Pavin appartenait au duc de -Lorges. Je ne sais où M. Durozoir (<i>Biographie universelle</i>, t. XL, -p. 36) a trouvé que Saint-Pavin le poëte avait été pourvu de l'abbaye -de Livry, et qu'il avait précédé l'abbé de Coulanges à cette abbaye. -Je crois qu'il a confondu avec le poëte Saint-Pavin Denis Sanguin -de Saint-Pavin, évêque de Senlis, qui en effet fut pourvu de l'abbaye -de Livry après, et non avant, l'abbé de Coulanges. L'abbé Le Bœuf -dit avoir vu dans l'église Notre-Dame de Livry la tombe d'un M. Sanguin, -seigneur de Livry, mort en 1650. C'était peut-être celle de -Christophe Sanguin, seigneur de Livry. (Voyez <i>Histoire du Diocèse -de Paris</i>, t. VI, p. 197.) M. Gault de Saint-Germain, dans une -note sur les Lettres de madame de Sévigné, t. III, p. 275, a dit que -Saint-Pavin était abbé de Livry; et c'est probablement dans cet auteur, -si rempli d'inexactitudes, que M. Durozoir aura puisé ce fait.</p> - -<p class="pnote">Page 77, ligne 11: Amenant avec lui ses compagnons de plaisir.</p> - -<p>Parmi les joyeux convives qui fréquentaient le plus la maison de -Saint-Pavin et venaient avec lui chez l'abbé de Coulanges, madame -de Sévigné nomme Saint-Germain.</p> - -<p class="pnote">Page 79, ligne 7: Sont faits égaux comme de cire.</p> - -<p>Vers de Marot dans l'épigramme qui commence ainsi:</p> - -<p class="quote">Monsieur l'abbé et monsieur son valet<br /> -Sont faits égaux tous deux comme de cire.</p> - -<p class="pnote">Page 79, avant-dernière ligne: Les éloges que dans la suite Boileau.</p> - -<p class="quote">Que Segrais, dans l'églogue, en charme les forêts.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE VII</p> - -<p class="pnote">Page 85, ligne 4, note 1.</p> - -<p>«Les quatre grands diseurs de bons mots de notre temps, dit Ménage, -étaient Angevins: M. le prince de Guémenée, M. de Beautru, -M. le comte de Lude, et M. le marquis de Jarzé.»</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_404"> 404</a></span></p> -<p class="pnote">Page 88, ligne 14: Une ode de Racan adressée au père de Bussy.</p> - -<p>Nous citerons ici une belle strophe de cette ode de Racan, dont -Bussy, puisqu'il l'admirait tant, aurait dû profiter.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Que sert aux courtisans ce pompeux appareil,</p> -<p>Dont ils vont dans la lice éblouir le soleil,</p> -<p class="i2"> Des trésors de Pactole?</p> -<p>La gloire qui les suit après tant de travaux</p> -<p>Se passe en moins de temps que la poudre qui vole</p> -<p class="i2"> Du pied de leurs chevaux.</p> -</div></div> - -<p>Bussy fut reçu à l'Académie Française en 1665, à l'âge de quarante-sept -ans.</p> - -<p class="pnote">Page 91, ligne 9: Agé de près de vingt ans.</p> - -<p>Bussy naquit à Épiry, en 1618; il eut quatre frères, et par leur mort -il resta l'unique rejeton de la descendance mâle des Rabutins dans -la branche cadette. Il entra dans la carrière militaire en 1634, et se -distingua au siége de La Motte en Lorraine. Il fut fait mestre de camp -d'infanterie en 1638, après trois campagnes. C'est en 1644 qu'il -acheta 12,000 écus la lieutenance des chevau-légers. C'était la compagnie -d'ordonnance de Henri de Bourbon, prince de Condé, gouverneur -de Bourgogne, père du grand Condé. C'est aussi en 1644 que le -père de Bussy mourut, et que, par la protection du prince de Condé, -il devint lieutenant du roi en Nivernais; il fit le 18 février 1645 son -entrée dans cette province.</p> - -<p class="pnote">Page 91, ligne 11: Qui comptait environ vingt-cinq ans.</p> - -<p>Bussy dit dans ses <i>Mémoires</i> (t. I, p. 3, édit. in-12) qu'il est né à -Épiry, le vendredi saint, troisième avril 1618. Selon Monmerqué, -on devrait lire, d'après un manuscrit, le treizième d'avril: différence -peu importante. Cette date est confirmée par le tableau généalogique -des Rabutins, extrait de la bibliothèque de Dijon, publié dans les <i>Lettres -inédites</i> (Paris, 1819, in-12), et aussi par son épitaphe, composée -par la comtesse d'Alets, qui donne à son père soixante-quinze ans au -moment de sa mort, arrivée le 9 avril 1693. Cependant Bussy, dans ses -Mémoires, dit, sous la date de 1638, en marge (t. I, p. 38 de l'édit. -in-12, et p. 47 de l'édit. in-4<sup>o</sup>): «Ma maîtresse avait vingt-cinq ans; -je n'en avais guère plus de seize;» et en 1640, suivant toujours le même -<span class="pagenum"><a id="Page_405"> 405</a></span> -système, il ne se donne que dix-huit ans, et il dit (t. I, p. 54 de l'édit. -in-12, ou t. I, p. 67 de l'édit. in-4<sup>o</sup>): «Avec tout cela, une femme de -quinze ans n'en peut guère savoir plus qu'elle n'en savait; pour moi, -qui en avais dix-huit, j'étais bien plus habile.» La marge porte en cet -endroit 1640. Le premier éditeur des Mémoires de Bussy s'est aperçu -de cette contradiction, et a cherché à y remédier dans l'errata. Il a -corrigé pour la page 3, c'est-à-dire à la date de la naissance, 1622 au -lieu de 1618; et à la page 6 il met dans le texte, en toutes lettres, -«plus de vingt» au lieu de plus de dix-huit. Ces deux corrections se -contredisent; il y en a une évidemment fausse. La première est pour -faire concorder la date de seize ans que Bussy se donne à la page 47, -et dont l'éditeur ne parle pas: et en effet, s'il était né en 1622, il -n'aurait eu que seize ans en 1638. La seconde correction, au contraire, -est pour faire concorder la date de la page 63 avec celle qui a été donnée à -la page 3 pour la naissance; car, né en 1618, Bussy en 1640 avait vingt-deux -ans, et non dix-huit, comme il le dit; mais s'il était né en 1622, il -n'en avait plus que dix-huit. On doit se rappeler que les Mémoires de -Bussy n'ont paru qu'en 1696, trois ans après sa mort. S'il les avait publiés -lui-même, il aurait achevé de les rédiger, et il eût fait disparaître -ces contradictions. C'est probablement d'après ces erreurs de l'éditeur -(qui est, je crois, le père Bouhours) qu'Auger, dans son article Bussy -(<i>Biographie universelle</i>, t. VI, p. 374), fait débuter Bussy dans la -carrière militaire à l'âge de douze ans, ce qui est invraisemblable; il fit, -au contraire, des études brillantes et complètes, qui ne furent terminées -qu'à seize ans. Il ne commença sa carrière militaire, au siége de La -Motte en Lorraine, qu'en 1624. Mais je m'aperçois qu'Auger a puisé -cette erreur dans la notice de Grouvelle sur Bussy-Rabutin (Lettres -de Sévigné, édition d'Herhan; 1811, in-12, t. I, p. 134.)</p> - -<p class="pnote">Page 91, ligne dernière: François de L'Hospital.—Et page 92, ligne 12:</p> - -<p class="quote">Elle vécut avec Louis de Lorraine.</p> - -<p>François de L'Hospital, comte de Rosny, seigneur du Hallier, fut abbé -de Sainte-Geneviève et évêque de Meaux, sous Henri IV; il fut fait maréchal -de France le 23 avril 1643, et mourut le 20 avril 1660, âgé de -soixante-dix-sept ans; il était donc né en 1583, et avait cinquante-cinq -ans lors de la visite que lui fit Bussy en 1638. Sa première femme, -Charlotte des Essarts, était fille unique de François des Essarts, seigneur -de Sautour, qui fut tué à Trèves, en 1590. Ce fut vers cette époque qu'elle -<span class="pagenum"><a id="Page_406"> 406</a></span> -vécut avec Henri IV. Elle en eut deux filles légitimées, qui eurent le titre -de princesses. La première, Jeanne-Baptiste de Bourbon, mourut abbesse -de Fontevrault, le 16 juillet 1680; la seconde, abbesse de Chilly, -le 10 février 1680; elle se nommait Marie-Henriette de Bourbon. On a -prétendu que Charlotte des Essarts avait été mariée clandestinement au -cardinal de Guise, par contrat de mariage du 4 février 1611. Ce fait -est probable. Il en eut cinq enfants: trois garçons et deux filles. La -seconde, Louise de Lorraine, dame de Romorantin, dont il est question -dans les Mémoires de Bussy, épousa, le 24 novembre 1639, Claude -Pot, seigneur de Rhodes, grand maître des cérémonies de France. -Elle mourut sans enfants, à Paris, le 15 juillet 1652. Il en sera souvent -fait mention dans cet ouvrage. La Borde (t. II, p. 200 de son édition -<i>des Amours du grand Alcandre</i>) inscrit deux fois, comme deux -enfants différents, Louise de Lorraine, dame de Romorantin, et -Louise de Lorraine, sans titre. C'est une erreur: il n'y en a qu'une. -Le même confond les enfants de Henri IV avec ceux du cardinal de -Guise. Charlotte des Essarts, ou la maréchale de L'Hospital, étant -morte le 8 juillet 1651, le maréchal de L'Hospital se remaria à Claudine-Françoise -Mignot, fille d'une herbière du Brachet, près de Grenoble, -et alors veuve de Pierre de Portes, trésorier de la province -du Dauphiné. Ce mariage se fit le 24 août 1653. Après la mort du -maréchal de L'Hospital, Claudine Mignot se remaria une troisième -fois, dans son hôtel, à Paris, rue des Fossés-Montmartre, le 4 novembre -1672, à Jean-Casimir, autrefois roi de Pologne, et alors -abbé commendataire de Saint-Germain des Prés, de Saint-Saurin à -Évreux, et d'autres abbayes, et qui mourut le 16 décembre suivant. -Claudine Mignot vécut jusqu'au 30 novembre 1711.</p> - -<p class="pnote">Page 94, ligne 11: Plus jeune que lui.</p> - -<p>Bussy dit cependant: «Mademoiselle Romorantin avait vingt ans, -et je n'en avais pas dix-sept.» Mais il nous apprend que ce fut en 1639 -qu'il passa l'hiver à Chalons. Né en 1618, il avait donc alors vingt et -un ans. On comprend cette préoccupation de Bussy, qui le porte à se -rajeunir toujours de trois ou quatre ans. Toutes les faiblesses qui -tiennent à l'orgueil ou à la vanité, il les avait.</p> - -<p class="pnote">Page 98, ligne 4: Elle devint veuve en 1650.</p> - -<p>Pendant les grandes intrigues de madame de Rhodes à Paris, Bussy -en était absent, et suivait un autre parti. Fort liée avec mademoiselle -<span class="pagenum"><a id="Page_407"> 407</a></span> -de Chevreuse, dont elle favorisa les amours avec le cardinal de -Retz, madame de Rhodes fut sur le point d'épouser, par l'entremise -de mademoiselle de Chevreuse, le président de Bellièvre.</p> - -<p class="pnote">Page 101, ligne dernière: Bussy épousa peu de temps après -mademoiselle de Toulongeon.</p> - -<p>Bussy épousa Gabrielle de Toulongeon, fille d'Antoine de Toulongeon, -gouverneur de Pignerol, et de Françoise de Rabutin, fille du -baron de Chantal, à Alonne près d'Autun, le 28 mai 1643.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE VIII.</p> - -<p class="pnote">Page 116, note 1.</p> - -<p>Je remarque que quoique les Mémoires de Bussy n'aient été imprimés -qu'en 1696, c'est-à-dire deux ans après son <i>Discours à ses -Enfants</i>, le nom de madame de Sévigné, qui était en toutes lettres -dans le Discours, se trouve en blanc dans les Mémoires.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE IX.</p> - -<p class="pnote">Page 119, ligne 3 du texte: Il eut la douleur de perdre sa femme.</p> - -<p>Dans la généalogie de Marie de Rabutin par le comte de Bussy, publiée -dans les <i>Lettres inédites de madame de Sévigné</i> (1819, p. 18), -qui a été reproduite par M. Gault de Saint-Germain dans son édition -de <i>Sévigné</i> (t. I, p. 72), on place la mort de Gabrielle de Toulongeon -en 1648. C'est évidemment une erreur, qui tient à ce que les Mémoires -de Rabutin portent en marge dans cet endroit l'année 1648; -mais l'auteur dit dans son texte que trois jours après il apprit aussi -la mort du prince de Condé; et cette mort eut lieu le 28 décembre -1646.</p> - -<p>M. Weiss, dans la <i>Biographie universelle</i> (t. IX, p. 391), indique -une date un peu différente; mais cette différence ne provient que de -celle qui existe entre l'ancien et le nouveau calendrier; il paraît, d'après -cela, que Gabrielle Toulongeon mourut vers le 15 décembre 1646.</p> - -<p class="pnote">Page 120, ligne 24.</p> - -<p>Le <i>lambel</i> dont madame de Sévigné parle dans cette lettre est une -barre crénelée qu'on met dans les armoiries, pour indiquer une -branche cadette ou collatérale. Ainsi la maison d'Orléans avait les -<span class="pagenum"><a id="Page_408"> 408</a></span> -mêmes armes que le roi de France, les trois fleurs de lis, mais -surmontées d'un <i>lambel</i>.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE X.</p> - -<p class="pnote">Page 125, ligne 16: D'un vieux bourgeois nommé le Boccage, -propriétaire d'un domaine.</p> - -<p>D'après le nom du personnage, il est évident que ce domaine -était celui de Lagrange au Bocage, à quatre lieues et demie de Sens -et à quatre lieues au nord-est de la commanderie de Launay, nommée -Lanny, par erreur du graveur, sur la carte de Cassini. Il y a un -court article sur cette commanderie dans le grand Dictionnaire de la -France d'Expilly.</p> - -<p class="pnote">Page 125, ligne 27: Et, de plus, millionnaire.</p> - -<p>Bussy dit qu'elle avait quatre cent mille écus de bien, c'est-à-dire -deux millions quatre cent mille livres, monnaie de cette époque. -C'est près de cinq millions de notre monnaie actuelle.</p> - -<p class="pnote">Page 127, ligne 26: Qu'ils restaient toujours impunis.</p> - -<p>Le père du comte de Chavagnac, despote altier, voulait, comme -ancien chef huguenot, forcer son fils à épouser la veuve d'un M. de -Montbrun, fille de Courval, et très-riche héritière. Il la fit enlever, au -nom de son fils, par quinze gentils-hommes de ses amis ou vassaux. -Elle était vieille et laide, et sans esprit; elle voulut réclamer, intenter -un procès, et protester contre un mariage fruit de la force: celui -qu'on voulait lui faire épouser ne désirait pas plus qu'elle-même ce -mariage. Chavagnac parvint à contraindre son fils, aussi bien que la -veuve, en menaçant de se porter contre tous deux à de plus grandes -violences; et le mariage fut maintenu.</p> - -<p class="pnote">Page 129, note 1: <span class="small1">L'abbé de Choisy</span>, <i>Vie de Madame de Miramion</i>.</p> - -<p>L'édition in-12 de la <i>Vie de madame de Miramion</i> (1707) n'est que -la réimpression de l'in-4<sup>o</sup>, accompagnée d'un beau portrait de cette -dame, par Edelinck, qui a été réduit par le même graveur dans l'édition -in-12.</p> - -<p class="pnote">Page 132, ligne 26: Grand-père du mari qu'elle avait perdu.</p> - -<p>Ce M. de Choisy, conseiller d'État, était un des frères du père de -<span class="pagenum"><a id="Page_409"> 409</a></span> -l'abbé de Choisy, l'auteur des <i>Mémoires</i>, puisqu'il est dit page 19 -de la <i>Vie de madame de Miramion</i>, que lui, abbé de Choisy, était -cousin germain de madame de Miramion, c'est-à-dire de son mari.</p> - -<p class="pnote">Page 133, ligne 23: Sur la route qui conduit de Saint-Cloud au mont -Valérien.</p> - -<p>Bussy désigne très-exactement l'emplacement où se trouvait posée -sa petite troupe. C'était «au-dessus du jardin de madame du Tillet, -que Philippe de France acheta pour agrandir le sien.» Ainsi, cet -emplacement doit être actuellement renfermé dans le parc de Saint-Cloud.</p> - -<p class="pnote">Page 134, ligne 9: Avant d'entrer dans le bois de Boulogne.</p> - -<p>C'est ainsi que s'exprime Bussy; ce qui prouve que dès lors la route -directe de Saint-Cloud à Issy, qui oblige de passer deux fois la rivière, -était déjà pratiquée, et qu'il y avait un bac vis-à-vis le <i>Point -du Jour</i>.</p> - -<p class="pnote">Page 138, ligne 3: Un chevalier de Malte.</p> - -<p>Il est probable que ce chevalier était Guy de Rabutin, le dernier -des frères suivants de Bussy, qui mourut au Temple, un an après -cet enlèvement de madame de Miramion.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XI.</p> - -<p class="pnote">Page 150, ligne 8 du texte: Au nord de Montargis.</p> - -<p>L'abbaye de Ferrières se trouve à peu de distance de la jonction -du Loing avec une petite rivière nommée Cléry. Il est dit dans la -<i>Gallia Christiana</i>, t. XII, p. 160: «<i>Ferrariæ a ferri venis, e quibus -elicitum olim metallum, nomen videntur invenisse; Ferrariæ -positus est locus in Wastiniensi pago</i> (le Gâtinais), <i>ad Clarisam -amnem, in Lupum</i> (le Loing) <i>influentem; tribus admodum -leucis ab urbe Montis Argivi</i>.»</p> - -<p class="pnote">Page 151, ligne 1: Dont il fut fait évêque.</p> - -<p>Jacques de Nuchèze naquit en 1591, le 26 octobre, de Jacques Nuchèze, -baron de Bussy-les-Francs, et de Marguerite Fremyot, sœur -de sainte Chantal. Il fut nommé évêque comte de Châlons en 1624, -<span class="pagenum"><a id="Page_410"> 410</a></span> -et mourut en mai 1652, âgé de soixante-six ans et six mois, après -avoir occupé trente-trois ans le siége de Châlons-sur-Saône, dont il -fut le soixante-dix-neuvième évêque.</p> - -<p class="pnote">Page 154, ligne 13: La belle terre de Savigny-sur-Orges.</p> - -<p>Conférez Le Bœuf, <i>Histoire de Diocèse de Paris</i>, t. XII, p. 70, -et Monmerqué, <i>Sévigné</i>, t. II, p. 180. Cette terre de Savigny, qui -avait appartenu au comte de Montrevel, devint la propriété du marquis -de Vins, qui la possédait en 1708. Le comte du Luc, héritier de -la marquise de Vins, a depuis eu cette terre, et y est décédé, en juillet -1740.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XII.</p> - -<p class="pnote">Page 166, ligne 15: La reine est si bonne.</p> - -<p>Ce mot est de La Feuillade, le père de celui qui fut à la cour de -Louis XIV, et auquel nous devons la place des Victoires.</p> - -<p class="pnote">Page 180, ligne 28: Et le marquis de Sévigné.</p> - -<p>Conrart dit: «Le marquis de Sévigné était étrangement frondeur, -comme parent du coadjuteur.» Mais dans la phrase suivante Conrart -a commis une erreur, que son savant éditeur, M. Monmerqué, -a relevée.</p> - -<p class="pnote">Page 161, ligne 17.</p> - -<p>Ce fut le 13 septembre que la reine se retira à Ruel. Ce château -était celui que le cardinal de Richelieu avait laissé à sa nièce, la duchesse -d'Aiguillon.</p> - -<p class="pnote">Page 181, ligne 19: Ramena la reine à Paris.</p> - -<p>«La reine, dit madame de Motteville, partit de Saint-Germain pour -revenir à Paris la veille de la Toussaint.»</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XIII.</p> - -<p class="pnote">Page 184, ligne 28: Au premier jour de l'an mil sept cent quarante-neuf.</p> - -<p>Il faut corriger le second vers de cette petite pièce, et changer les -mots de <i>mil sept cent soixante-neuf</i> en ceux de <i>mil sept cent quarante-neuf</i>, -<span class="pagenum"><a id="Page_411"> 411</a></span> -faute qui se trouve dans les œuvres de Marigny et dans le -<i>Recueil des plus belles Pièces des Poëtes français</i>, chez de Sercy. -Cela est démontré par le recueil de Sercy, où cette pièce a été imprimée -pour la première fois, en 1653. On voit par là combien une seule -faute d'impression peut jeter de confusion dans les recherches historiques, -combien il est essentiel de toujours recourir aux éditions originales, -et de se défier des réimpressions. Le mot <i>franchise</i> signifiait -liberté à cette époque. Il y en a des exemples sans nombre.</p> - -<p class="pnote">Page 190, ligne 5: Le lendemain du jour qui suivit le départ de cette -lettre.</p> - -<p>L'attaque de Charenton eut lieu le 8 février. Le départ de Bussy de -Saint-Denis eut lieu le 6 et non pas le 10, comme on a mis par faute -d'impression dans les <i>Mémoires de Bussy</i>. Comme la lettre qu'il -adressa à madame de Sévigné est antérieure d'un jour à ce départ, -elle doit porter la date du 5 février, au lieu du 15. Ni le P. d'Avrigny, -dans son ouvrage sur le règne de Louis XIV, ni aucun des éditeurs -des lettres de madame de Sévigné, ne se sont aperçus de cette contradiction; -tous ont reproduit les erreurs de chiffres que l'imprimeur -ou les copistes ont introduites dans les <i>Mémoires de Bussy</i>.</p> - -<p class="pnote">Page 191, ligne 4: La lettre suivante pour madame de Sévigné.</p> - -<p>Je rectifie encore ici les dates des lettres de Bussy, que les éditeurs -de ses <i>Mémoires</i> et, par suite, ceux des <i>Lettres de madame de Sévigné</i>, -ont altérées. En effet, au lieu des 25 et 26 mars pour ces deux -lettres, il faut 5 et 6 mars. Nous savons, par les <i>Mémoires de Monglat</i>, -t. L, p. 159, et <i>d'Omer Talon</i>, t. LXI, p. 424, que la ville de -Brie-Comte-Robert fut pillée le 27 février, et que son château se rendit -le 28. Bussy dit que cette expédition ne dura que huit jours, et -qu'il écrivit à sa cousine, au sujet de ses chevaux, aussitôt après son -retour; ce qui nous porte juste au 5 mars, le mois de février n'ayant -que 28 jours. D'ailleurs, il parle, dans sa lettre, de la paix comme -entravée par les négociations et n'étant pas encore conclue. S'il -avait écrit le 26 mars, il n'aurait pas ignoré que cette paix était signée -depuis quinze jours. Aucun des éditeurs de <i>Madame de Sévigné</i> n'a -soupçonné cette erreur, et la correction doit être faite dans toutes -les éditions.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_412"> 412</a></span></p> - -<p class="pnote">Page 195, ligne 20: Les projets de mariage...</p> - -<p>Pendant son voyage à Dijon, Bussy voulut épouser la fille du président -B***; mais il prétend que L*** (probablement Lenet) fit manquer -l'affaire.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XIV.</p> - -<p class="pnote">Page 108, ligne 21: Telle était son intention; mais le soir même...</p> - -<p>Bussy dit que cette conversation qu'il eut avec le prince de Condé -eut lieu le mardi, et que l'arrestation des princes se fit le même jour; -mais tous les Mémoires du temps placent au 18 cette arrestation. Il -y a donc erreur de date dans Bussy. Ses <i>Mémoires</i> en renferment -de plus fortes, et nous en avons signalé quelques-unes.</p> - -<p class="pnote">Page 203, ligne dernière: Son mariage projeté avec Louise de Rouville.</p> - -<p>Louise de Rouville, que Bussy-Rabutin épousa en secondes noces, -était fille du second lit de Jacques de Rouville (chevalier d'honneur -de madame la duchesse de Montpensier) et d'Isabelle de Longueval.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XV.</p> - -<p class="pnote">Page 214, ligne 21: Le poëte Marlet.</p> - -<p>Guy-Patin le nomme Morlet. Sa satire était intitulée: <i>la Custode -du Lit de la Reine</i>.</p> - -<p class="pnote">Page 220, note 1: <i>Le Secret, ou les véritables causes</i>, etc.</p> - -<p>Cet écrit, peu connu, qui parut presque aussitôt après la sortie -des princes, dévoile toutes les intrigues de la cour aussi complétement -que l'ont fait les Mémoires que l'on a publiés depuis. On y -trouve, page 45, la phrase latine que le coadjuteur improvisa dans -une séance du parlement, comme étant une citation de Cicéron.</p> - -<p class="pnote">Page 221, ligne dernière: Sévigné, de race frondeuse.</p> - -<p>Loret écrit Cevigny, et ailleurs Sevigny; c'est de cette dernière -manière qu'on écrivait alors habituellement ce nom.</p> - -<p class="pnote">Page 221, lignes 20 et 21: Sa protectrice mademoiselle de Longueville.</p> - -<p>Elle était fille du duc de Longueville et de Louise de Bourbon-Soissons, -sa première femme. Formée à l'hôtel de Rambouillet, elle partagea -<span class="pagenum"><a id="Page_413"> 413</a></span> -sa vie entre la culture des lettres et l'administration de ses -grands biens. Elle occupait à Paris, de moitié avec la princesse de -Carignan, sa tante, ce magnifique hôtel de Soissons qui a été abattu, -et que la halle aux blés a remplacé. Loret, liv. I, p. 9, nous apprend -que la duchesse de Nemours était blonde. Le château de Trie, près -de Coulommiers, lui appartenait. Elle mourut en 1707, à quatre-vingt-six -ans. Saint-Simon raconte différemment des autres auteurs -l'anecdote piquante du confesseur.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XVI.</p> - -<p class="pnote">Page 225, note 3: <span class="small1">Costar</span>, <i>Lettres</i>.</p> - -<p>Le premier recueil des Lettres de Costar, publié par Costar lui-même, -est dédié à Fouquet. Dans sa préface, il parle «des faveurs -continuelles dont il a eu la bonté de le prévenir.» Le vrai nom de -Costar était Coustart. Voyez à ce sujet le <i>Ménagiana</i> et la lettre que -Costar adressa à son cousin de Coustart, part. II, p. 773, lettre 23; -et la <i>Vie de Costar</i>, t. VI, p. 233 des <i>Historiettes</i> de Tallemant des -Réaux, édit. in-8<sup>o</sup>.</p> - -<p class="pnote">Page 225, ligne 18: Leur château de Champiré près Segré; et p. 226, -ligne 1: Renaud de Sévigné.</p> - -<p>Costar écrit Sévigny, comme tous ceux de son temps. Il reproche -galamment à mademoiselle de Lavergue d'avoir la bouche trop petite.—Aucun -livre n'est inutile: après avoir cherché Champiré dans le -dictionnaire de la poste aux lettres et dans tous les dictionnaires de -géographie de la France les plus amples, j'ai trouvé dans le <i>Journal -de la Mode</i>, ou <i>Revue du Monde élégant</i>, quatrième année, douzième -livraison, à la p. 32, dans la liste des souscripteurs pour ces -deux filles héroïques, Marie Bossy et Charlotte Moreau, «le comte de -Narcé, au château de Champiré, près Segré.» Nul doute que ce château -ne soit celui qui a appartenu à Renaud de Sévigné.</p> - -<p class="pnote">Page 226, ligne 14: Qu'à la sérieuse et savante comtesse -de La Fayette.</p> - -<p>Auger et M. de Saint-Surin font naître madame de La Fayette en -1632; mais Grouvelle, dans son édition des <i>Lettres de madame de -Sévigné</i>, l'auteur de la notice sur madame de La Fayette dans la -<i>Galerie Française</i>, et celui de la Collection des meilleurs romans -(Dauthereau, 1827, in-18), la font naître en 1633.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_414"> 414</a></span></p> - -<p class="pnote">Page 228, ligne 26: Une satire intitulée <i>la Mazarinade</i>.</p> - -<p>Le passage de Guy-Joly prouve que <i>la Mazarinade</i> fut écrite en -1649.</p> - -<p class="pnote">Page 229, ligne dernière: Mais à la mode du Marais.</p> - -<p>Cette sœur de Scarron, qui fut maîtresse du marquis de Tresme, -était fort belle. Scarron avait une autre sœur. Une des deux aimait -le vin.</p> - -<p class="pnote">Page 230, ligne 3: Qui mourut dans le cours de l'année 1650.</p> - -<p>Denon, conteur aimable, espiègle et spirituel, a fait à M. de Saint-Aulaire -un récit sur Marion de Lorme, que l'historien de la Fronde -a pris au sérieux, et qu'il a de bonne foi inséré dans son histoire, -t. I, p. 58, et t. III, p. 51, parmi les pièces justificatives. Je parle -de la première édition de cet ouvrage. On en a fait depuis une seconde: -j'ignore si cette anecdote y a été reproduite.</p> - -<p class="pnote">Page 230, ligne 5: Afin de ne voir son mari ni dans ce monde -ni dans l'autre.</p> - -<p>Tallemant attribue ce mot à la comtesse de la Suze, et le <i>Ménagiana</i> -à mademoiselle de Montausier.</p> - -<p class="pnote">Page 231, ligne 8: Un sujet bachique.</p> - -<p>Le sujet de l'autre tableau était le ravissement de saint Paul.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XVII.</p> - -<p class="pnote">Page 236, ligne 17: Anne de Lenclos a vécu près de quatre-vingt-dix ans.</p> - -<p>Voltaire, qui était fils du notaire de mademoiselle de Lenclos, nous -a conservé sur elle quelques anecdotes précieuses, mais plutôt d'après -les souvenirs de l'abbé de Châteauneuf que d'après les siens propre; -il a écrit avec légèreté, et n'a pas pris la peine, dans ce qu'il a dit -de cette femme célèbre, de se mettre d'accord avec lui-même. Il ne -lui fut présenté que peu de temps avant qu'elle mourût. Elle avait -alors quatre-vingt-neuf ans, et lui onze et demi, et non treize, comme -<span class="pagenum"><a id="Page_415"> 415</a></span> -il le dit. Il donne, dans ses <i>Mélanges</i>, t. XLIII, édit. Renouard, -p. 470, soixante-dix ans à Ninon lors de son aventure avec Châteauneuf; -et dans le <i>Dictionnaire philosophique</i>, t. XXXV, p. 224, il -ne lui en donne plus que soixante à cette même époque; il dit aussi, -p. 125, qu'il a vu Ninon décrépite à l'âge de quatre-vingts ans; -et il oublie que lorsque Ninon avait quatre-vingts ans, lui, Voltaire, -n'avait que deux ans. A quatre-vingt-neuf ans elle sut apprécier -dans le jeune Arouet le génie précoce d'un enfant de onze ans, -puisqu'elle lui légua une assez forte somme pour acheter des livres. -Bret a recueilli, sans choix et sans critique, tous les contes qu'il a -trouvés épars dans les recueils d'ana. Douxmesnil a écrit avec plus -de discernement, d'après les récits et les souvenirs de Fontenelle et -de la comtesse de Sandwich, de l'abbé Fraguier et de l'abbé Gedoyn, -qui tous cependant n'avaient connu Ninon que dans sa vieillesse. -Tous ces ouvrages doivent être employés avec précaution. On trouve -de meilleurs et de plus sûrs matériaux dans les Mémoires du temps -écrits par les contemporains de Ninon, surtout dans les Mémoires de -Tallemant des Réaux, qui étaient manuscrits lorsque nous en avons -fait usage; ainsi que dans les œuvres de Saint-Évremond, dans les -lettres de madame de Sévigné, de madame de Maintenon, et dans -les Mémoires de Saint-Simon.</p> - -<p class="pnote">Page 239, ligne 1: Et qui n'engage à aucune reconnaissance.</p> - -<p>Il est probable que l'abbé de Châteauneuf, qui tenait la doctrine -de Ninon de sa propre bouche, l'a rendue dans les mêmes mots. -Aussi nous n'y avons rien changé.</p> - -<p class="pnote">Page 239, ligne 2: Abandonnée à elle-même dès l'âge de quinze ans.</p> - -<p>Elle perdit sa mère à quatorze ans, en 1630, et son père à quinze, -en 1631.</p> - -<p class="pnote">Page 240, ligne 10.</p> - -<p>Dans la pièce gracieuse, mais beaucoup trop longue, de la Mesnardière, -que nous citons; intitulée: <i>Galanterie à mademoiselle de -Lenclos</i>, le poëte lui dit:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Prenez soin de corriger</p> -<p>Votre enfant Amour, qui m'outrage.</p> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_416"> 416</a></span></div> -<p>Pardonnez-moi si je le chasse:</p> -<p>Mais que voulez-vous que j'en fasse?</p> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<p>Mais, pour dormir en patience</p> -<p>Et conserver quelque embonpoint,</p> -<p>Ninon, que ne ferait-on point?</p> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<p>J'observe.............</p> -<p>Qu'il m'aime fort auprès de vous;</p> -<p>Et pour moi, j'y voudrais bien être.</p> -<p>Mais aussi je voudrais connaître</p> -<p>Que sa maman n'aimât que moi;</p> -<p>Et je doute fort que le roi</p> -<p>Puisse avoir ce crédit en France.</p> -</div></div> - -<p class="pnote">Page 241, ligne 6: Un attrait inexprimable.</p> - -<p>Au-devant des Mémoires de Bret sur Ninon est une réduction de -son portrait peint par Ferdinand, et qui peut nous donner quelque -idée de ses traits; mais son portrait de profil, que M. Renouard a inséré -dans son édition de Voltaire, est tout à fait faux et imaginaire.</p> - -<p class="pnote">Page 244, ligne 5: Le gentil et spirituel Charleval.</p> - -<p>Charleval mourut en 1693.</p> - -<p class="pnote">Page 244, ligne 10: Le marquis de Soyecourt, si fameux -dans les annales de la galanterie.</p> - -<p>C'est de Soyecourt (on prononçait Saucourt) que Benserade a dit, -au sujet d'un ballet où il représentait un diable:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Contre ce fier démon voyez-vous aujourd'hui</p> -<p class="i4"> Femme qui tienne?</p> -<p>Et toutes cependant sont contentes de lui,</p> -<p class="i4"> Jusqu'à la sienne.</p> -</div></div> - -<p class="pnote">Page 248, ligne 14: D'une manière peu honorable.</p> - -<p>Tallemant dit que Lenclos se conduisit indignement dans le duel -avec Chaban, et que son action pouvait passer pour un assassinat. -<span class="pagenum"><a id="Page_417"> 417</a></span> -Chaban avait un pied dans la portière de sa voiture lorsque Lenclos -le perça de son épée.</p> - -<p class="pnote">Page 248, ligne 15: Lenclos jouait fort bien du luth.</p> - -<p>C'est ce qui a fait dire que Ninon était fille d'un joueur de luth; -mais Douxmesnil réfute cette erreur, mieux instruit à cet égard que -Voltaire, qui la reproduit.</p> - -<p class="pnote">Page 249, lignes 3 et 5: Saint-Étienne fut le premier amant de Ninon.</p> - -<p>Chocquart de Saint-Étienne, originaire d'Amiens, servit pendant -vingt-cinq campagnes avec une valeur extraordinaire: d'abord comme -chevau-léger, puis en qualité de maréchal des logis, d'aide-major, de -cornette, de lieutenant et de capitaine dans les régiments de cavalerie -de Bussy de Vère, Mérinville-Pardaillan et Plessis-Praslin. Louis XIV -lui accorda des lettres de noblesse pour lui et ses descendants, le 19 -septembre 1660.</p> - -<p class="pnote">Page 249, lignes dernières: Elle comptait au nombre de ses amis plusieurs -créatures du cardinal.</p> - -<p>Bois-Robert était très-lié avec Ninon, et on sait quelles étaient -les mœurs de cet abbé. Tallemant raconte qu'un jour on faisait la -guerre à Bois-Robert sur le vice honteux qu'on lui connaissait; il -ne se défendit que faiblement, en disant: On ne doit pas parler de -cela en présence de mademoiselle de Lenclos. (Voyez le <i>Ménagiana</i>, -t. I, p. 45.)</p> - -<p class="pnote">Page 250, ligne 7: Ce fut Marion de Lorme, selon Chavagnac.</p> - -<p>Dans les Mémoires de Chavagnac, les personnages ne sont pas nommés, -et Marion de Lorme n'est désignée que par des astérisques. La -troisième édition de ces Mémoires, 1721, in-12, n'est qu'une réimpression -de la première, et a de même les noms en blanc. Dulaure, -qui rapporte ce passage dans son Histoire de Paris, a mis les noms en -toutes lettres, mais sans en prévenir ses lecteurs. Richelieu naquit -le 5 septembre 1585. C'est dans les Mémoires de Chavagnac que Bret -semble avoir puisé le fait que Richelieu fit de vaines tentatives auprès -de Ninon.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_418"> 418</a></span></p> - -<p class="pnote">Page 250, ligne 24: Raré, cet aimable garçon.</p> - -<p>Saint-Simon fait mention d'une madame de Langle qui était fille -de M. de Raré.</p> - -<p class="pnote">Page 251, ligne 8: Une circonstance peu importante.</p> - -<p>Tallemant dit que la jeune Ninon, sévèrement surveillée par sa -mère, ayant un jour aperçu Raré dans la rue, descendit en toute -hâte de chez elle pour lui parler. Un mendiant vint troubler leur conversation. -N'ayant point d'argent à lui donner, elle se hâta de lui -remettre un mouchoir bordé d'une belle dentelle, en lui disant: -«Va-t'en;» et elle se débarrassa ainsi de ce témoin importun.</p> - -<p class="pnote">Page 251, ligne 15: Elle alla se jeter dans un couvent, et annonça -l'intention d'y rester.</p> - -<p>Scarron confirme ceci, et, dans son épître à Sarrasin, dit:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Puis j'aurais su...</p> -<p>Ce que l'on dit du bel et saint exemple</p> -<p>Que la Ninon donne à tous les mondains,</p> -<p>En se logeant avecques les nonains;</p> -<p>Combien de pleurs la pauvre jouvencelle</p> -<p>A répandus quand sa mère, sans elle,</p> -<p>Cierges brûlant, et portant écussons,</p> -<p>Prêtres chantant leurs funèbres chansons,</p> -<p>Voulut aller, de linge enveloppée,</p> -<p>Servir aux vers d'une franche lippée.</p> -</div></div> - -<p>La fin de cette épître prouve qu'elle a été écrite trois jours après -la mort de la mère de Ninon:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Fait à Paris, dessous ma cheminée,</p> -<p>Par moi Scarron, carcasse décharnée,</p> -<p>Trois jours après que les yeux furent clos</p> -<p>Pour tout jamais à la mère Lenclos.</p> -</div></div> - -<p class="pnote">Page 252, ligne 11: De Bois-Dauphin (Souvré).</p> - -<p>Madeleine de Souvré, femme de Philippe-Emmanuel de Laval, -marquis de Sablé, seigneur de Bois-Dauphin, mourut en 1678.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_419"> 419</a></span></p> -<p class="pnote">Page 252, ligne 21: Coligny, marquis d'Andelot, depuis duc de -Châtillon.</p> - -<p>Gaspard, duc de Châtillon, marquis d'Andelot, mourut lieutenant -général, le 9 février 1649, à l'attaque de Charenton. Il eut en 1641 -le régiment de Piémont. Il paraît, en comparant les <i>Mémoires</i> de -Chavagnac avec les autres récits, que Chavagnac a mal compris son -frère, ou que ses souvenirs, en écrivant, l'ont trompé. Le frère de -Chavagnac était l'ami intime de d'Andelot, et il paraît avoir aimé -Marion de Lorme à la même époque où d'Andelot se passionna pour -Ninon. C'est dans les <i>Mémoires</i> de Chavagnac qu'on trouve le récit -le mieux circonstancié de la mort de Châtillon; Chavagnac se trouvait -près de lui au moment fatal.</p> - -<p class="pnote">Page 254, ligne 3: A Châtillon succéda Miossens, depuis maréchal -d'Albret.</p> - -<p>Miossens ou Miossans est une des douze grandes baronnies du -Béarn. Le nom de Miossens était Charles Amanien d'Albret. Il -mourut en 1678; en lui s'éteignit la postérité masculine des Miossens.</p> - -<p class="pnote">Page 254, lignes 13 et 15: D'Elbène était connu par l'originalité de son esprit.</p> - -<p>Guy d'Elbène fut marié à Charlotte Refuge, qui, dit-on, lui apporta -en dot quatre-vingts procès. Elle mourut le 3 septembre 1680. -En 1649 d'Elbène fut envoyé à Rome. (Voyez <span class="small1">Retz</span>, <i>Mém.</i>, t. XLV, -p. 56.) Guy d'Elbène mourut à l'hôpital. (Voyez la lettre de Ninon -à Saint-Évremond, dans Douxmesnil, p. 194.) Un Alphonse d'Elbène, -peut-être le frère de celui-ci, fut évêque d'Orléans en 1646, et -mourut le 2 mai 1665. Il en est parlé dans le Voyage de Chapelle -et Bachaumont, 1755, in-12.</p> - -<p class="pnote">Page 255, lignes 26 à 27: Ses liaisons avec le chevalier de Méré datent de cette époque.</p> - -<p>George Brossin, chevalier et marquis de Méré, descendait d'une ancienne -famille du Poitou. Il était cadet, et avait fait quelques campagnes -sur mer. Il se retira dans une terre qu'il avait en Poitou. -«La société de madame la marquise de Pont, sa belle-sœur, n'a pas -<span class="pagenum"><a id="Page_420"> 420</a></span> -peu contribué à le détacher du monde et de la cour. Il lui laissa -tout son bien.»</p> - -<p class="pnote">Page 256, ligne 3: Le cardinal archevêque de Lyon lui rendit de fréquentes visites.</p> - -<p>Le caractère sévère de du Plessis de Richelieu, son âge et sa piété -bien connue, le mettent à l'abri de tout soupçon dans ses relations -avec Ninon; voilà pourquoi j'ai dû interpréter favorablement ce passage -assez singulier des <i>Mémoires</i> de Tallemant: «Elle se mit dans -un couvent: le cardinal de Lyon devint amoureux de sa belle humeur, -et fit quelques folies pour elle». Dans un autre endroit de ses <i>Mémoires</i>, -Tallemant parle d'un abbé de Richelieu qui entretenait -Claudine Colletet. Cet abbé était probablement neveu du cardinal et -du ministre. Conférez <i>Œuvres de La Fontaine</i>, édit. 1828, t. VI, -p. 270.</p> - -<p class="pnote">Page 259, lignes 1 et 2: Cette réponse à la reine, qui, selon Saint-Simon et Chavagnac.....</p> - -<p>Douxmesnil (p. 154) a tort de vouloir faire considérer ce fait -comme invraisemblable. Il est attesté par les meilleures autorités, -par les hommes les mieux instruits sur ce qui concerne Ninon: Chavagnac, -Tallemant des Réaux, Saint-Simon et Voltaire. Il se peut -que sous Louis XV, en 1751, lorsque Douxmesnil écrivait, on s'inquiétât -peu des liaisons amoureuses et de la conduite scandaleuse -ou non des femmes nobles ou non nobles; mais il n'en était pas -ainsi sous la régence d'Anne d'Autriche, ni même sous le règne de -Louis XIV, qui plus tard, et lorsqu'il avait tant de motifs pour être -indulgent sur cet article, obligea cependant mademoiselle de La Force -à mettre un terme à son genre de vie peu réglé et à se retirer dans -un couvent. Conférez l'<i>Histoire de la Vie et des Ouvrages de La -Fontaine</i>, troisième édition, page 513.</p> - -<p class="pnote">Page 259, ligne 3: Qu'elle laissa Ninon en repos.</p> - -<p>Chavagnac dit que la reine, en apprenant cette réponse, dit en -riant: «Fi! la vilaine! qu'elle s'en aille où elle voudra. «Ceci est -plus dans le caractère d'Anne d'Autriche que ce que dit Saint-Simon. -<span class="pagenum"><a id="Page_421"> 421</a></span></p> - -<p class="pnote">Page 259, ligne 20.</p> - -<p>Voltaire attribue ce mot à Ninon même; mais le <i>Ménagiana</i> est -une autorité antérieure et préférable. Le mot est meilleur dans la -bouche d'un autre que dans celle de Ninon.</p> - -<p class="pnote">Pages 260, lignes 2 et 3: Émery vivait depuis longtemps avec la femme de Coulon.</p> - -<p>Un de ces couplets, dans mon recueil manuscrit, se termine -ainsi:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<p>Ne t'étonne pas si Coulon</p> -<p>Aime bien la fille Ninon,</p> -<p>Car il a droit de représailles.</p> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<p class="i1"> Daye d'Andaye.</p> -</div></div> - -<p>Dans mon exemplaire il y a cette note marginale. «Ninon est celle -qu'on appelle aujourd'hui mademoiselle de Lenclos.» Cette note a été -évidemment écrite dans la dernière époque de la vie de Ninon, et -prouve ce que nous avons dit sur la manière de la désigner. Il a été -fait de ces recueils manuscrits de chansons et de vaudevilles satiriques -un grand nombre de copies. Il y en a dans diverses bibliothèques -particulières, à la Bibliothèque du Roi, à la Bibliothèque -Mazarine, et ailleurs. Il y a dans les <i>Mémoires</i> de Tallemant -le récit d'une dispute entre Coulon et sa femme, en présence de -madame de Tallemant, au sujet d'Émery, mais qui est trop ignoble -pour pouvoir être rapportée.</p> - -<p class="pnote">Page 261, lignes 4 et 5: Il (d'Aubijoux) mourut le 9 novembre 1656.</p> - -<p>François-Jacques d'Aubijoux était baron de Castelnau, de Bonnefons, -de Sauveterre et de Casaubon. Sa famille descendait d'un frère -du cardinal d'Amboise. Les vers du <i>Voyage de Chapelle et Bachaumont</i> -dont nous parlons sont ceux qui commencent ainsi:</p> - -<p class="quote">Sous ce berceau, qu'Amour exprès, etc.</p> - -<p>La mort du comte d'Aubijoux, qui arriva en 1656, nous fait penser -que ce voyage eut lieu en 1655. L'édition faite sur le meilleur -<span class="pagenum"><a id="Page_422"> 422</a></span> -manuscrit est celle de La Haye, 1732, chez Pierre Gosse. Saint-Marc, -le seul qui ait exécuté sur cet auteur un travail d'éditeur, en fait -l'aveu; mais il dit qu'il a connu trop tard cette édition pour pouvoir -en faire usage. Toutes les éditions postérieures à celle de Saint-Marc -ne sont que des réimpressions de la sienne. La plus mauvaise et la plus -belle est celle de Lille, 1826, in-8<sup>o</sup>.</p> - -<p class="pnote">Page 263, ligne 11: D'un oculiste nommé Thévenin.</p> - -<p>Tallemant nous apprend que madame Thévenin, la femme de l'oculiste, -était la tante de M. Paget. (Tallemant, <i>Historiettes</i>, t. II, -p. 232.)</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XVIII.</p> - -<p class="pnote">Page 265, note 2, et page 269, note 1: <span class="small1">Bussy</span>, <i>Hist. am. des Gaules</i>.</p> - -<p>J'ai cité quatre éditions primitives de l'ouvrage de Bussy: la première -ayant pour titre: <i>Histoire amoureuse des Gaules</i>; Liége, -sans nom d'imprimeur, sans date, de 208 pages, petit in-12. Le -morceau sur madame de Sévigné est pages 170-171. Le titre du livre -porte des arabesques en triangle. Le titre de l'autre édition est pareil, -porte aussi le nom de Liége, mais a une croix de Saint-André noire -et pleine. Cette édition est faite avec des caractères elzéviriens, et -sur plus beau papier que la précédente. Elle a deux paginations. -Le morceau sur madame de Sévigné commence à la page 23, et se -termine à la page 46 de la seconde pagination. Dans ces deux éditions -les noms sont déguisés, et il y a une clef à la fin. Le cantique -inséré page 236 de l'édition de 1754, qui commence ainsi,</p> - -<p class="quote">Que Deodatus est heureux, etc.,</p> - -<p>ne se trouve dans aucune des deux éditions primitives. Deux autres -éditions portent la date de 1666; l'une, intitulée: <i>Édit. nouvelle</i>, a -une clef; l'autre porte le nom de Bussy, et est, je crois, la première -avec les noms réels insérés dans le texte. Une autre édition du même -ouvrage, intitulée <i>Histoire amoureuse de France</i>, chez Adrian -Moetjens, 1710, 2 vol. in-12, minces, a aussi les noms réels. Elle -n'a point été connue de l'éditeur de 1754, qui a rétabli ces noms uniquement -d'après la clef; mais cette clef ne les donne pas tous, de sorte -que l'éditeur a laissé dans certains endroits des noms feints, dont -les véritables étaient donnés par l'édition de 1710. Il y a dans cette -<span class="pagenum"><a id="Page_423"> 423</a></span> -édition de 1710 un frontispice gravé, qui paraît être de l'invention de -Bussy, car il y a au bas: <i>Bus. inv.</i>—<i>Rabut. excud.</i> C'est peut-être -la réduction d'un dessin du manuscrit original. Il représente une -Renommée, à la trompette de laquelle est attaché un drapeau portant -l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i>. Cette renommée s'envole -au-dessus du globe de la terre, sur lequel on lit ces mots: <i>la Gaule</i>; -un Amour dirige des flèches sur l'endroit où ce mot est écrit, et un -groupe de petits Zéphyrs se précipite sur le même lieu. Dans cette édition -de 1710 on trouve le cantique, mais à la fin, et avec d'autres -vers de Bussy. Le volume est terminé par la lettre de Bussy au -duc de Saint-Aignan, qui est placée en tête dans l'édition de 1754. -Le morceau sur madame de Sévigné est aux pages 281-308. Cette -édition de 1710 est presque entièrement conforme au manuscrit de -l'<i>Histoire amoureuse de France</i> qui est dans la bibliothèque de l'Institut, -n<sup>o</sup> 220, in-4<sup>o</sup>, quoiqu'elle n'ait point été faite sur ce manuscrit, -comme le prouvent des variantes importantes. Ce manuscrit commence -par la relation des amours de la cour de Savoie, et ne contient -ensuite que l'<i>Histoire amoureuse de France</i>.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XIX.</p> - -<p class="pnote">Page 273, ligne 12: Il (Scarron) se décida à s'embarquer.</p> - -<p>Une femme, nommée Céleste Palaiseau, devait accompagner -Scarron dans ce voyage. C'était une fille bien née, qu'il avait séduite -dans sa jeunesse. Elle s'était faite ensuite religieuse. Son couvent -ayant été supprimé en raison des dettes qu'il avait contractées, Scarron -l'avait reprise avec lui par commisération. (Conférez la note -suivante.)</p> - -<p class="pnote">Page 274, ligue 12: Cependant la première embarcation pour la nouvelle colonie eut lieu.</p> - -<p>La Martinière, dans la <i>Vie de Scarron</i>, t. I, p. 47, et madame -Guizot, dans la <i>Vie des Poëtes Français</i>, t. I, p. 485, ont confondu -les dates relatives à la formation de cette compagnie et au mariage -de Scarron. Cette compagnie se forma en l'année 1651, et le mariage -de Scarron ne se fit que l'année suivante. Nous mettrons ici les -extraits des lettres de Scarron et de Loret relatifs à cette curieuse -affaire. -<span class="pagenum"><a id="Page_424"> 424</a></span></p> - -<p>«Je jurerais bien qu'arrivant à l'Amérique, où mon chien de destin -me mène....» <i>Lettre à la comtesse de Fiesque</i>, dans les <i>Œuvres -de Scarron</i>, t. I, p. 34.</p> - -<p>«Mais mon chien de destin m'emmène dans un mois aux Indes -occidentales; ou plutôt j'y suis poussé par une sorte de gens fâcheux -qui se sont depuis peu élevés dans Paris, et qui se font appeler <i>pousseurs -de beaux sentiments</i>. On ne demande plus parmi eux si on -est honnête homme; on demande si on pousse de beaux sentiments. -Voilà, notre cher ami, le plus spirituel de l'Europe, ce qui me fait -fuir en Amérique. Je me suis donc mis pour mille écus dans la nouvelle -compagnie des Indes, qui va faire une colonie à trois degrés de -la ligne, sur les bords de l'Orillane et de l'Orénoque. Adieu, France; -adieu, Paris; adieu, tigresses déguisées en anges; adieu, Ménage, Sarrazin, -Marigny: je renonce aux vers burlesques, aux romans comiques -et aux comédies, pour aller dans un pays où il n'y aura ni faux -béats, ni filoux de dévotion, ni inquisition, ni hiver qui m'assassine, -ni fluxion qui m'estropie, ni guerre qui me fasse mourir de faim.» -Scarron, <i>Œuvres</i>, 1737, t. I, p. 41.</p> - -<p>Madame Guizot regrettait de ne pas connaître la date de cette lettre -de Scarron; on voit, par la gazette de Loret, liv. II, p. 14, lettre 4, -en date du 22 janvier 1652, qu'elle a dû être écrite en décembre 1651:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Une prudente maréchale</p> -<p>Dans l'Amérique occidentale</p> -<p>Va, dit-on, planter le piquet:</p> -<p>Non pas pour jouer au piquet,</p> -<p>Ni planter des choux ni des raves,</p> -<p>Mais pour, en trafiquant d'esclaves,</p> -<p>Gagner bravement tous les ans</p> -<p>Des cent cinquante mille francs;</p> -<p>Ninon, la belle courtisane,</p> -<p>Et le sieur d'Aubigny, dit-on,</p> -<p>Parent du défunt roi breton.</p> -</div></div> - -<p>Et liv. II, p. 179 (lettre en date du 31 décembre), Loret dit encore:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Monsieur Scarron, dit-on, se pique</p> -<p>De transporter dans l'Amérique</p> -<p>Son corps maigret, faible et menu,</p> -<p>Quand le printemps sera venu;</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_425"> 425</a></span></div> -<p>Et que l'aimable sœur Céleste,</p> -<p>Qui pour l'esprit en a de reste,</p> -<p>Doit être aussi, sans manquement,</p> -<p>Comprise en cet embarquement.</p> -</div></div> - -<p>Cet embarquement eut lieu un peu au-dessous de Paris, le 13 mai -1652, ainsi que nous l'apprend la gazette de Loret:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Hier samedi, chose certaine,</p> -<p>Sur le beau fleuve de la Seine,</p> -<p>S'embarquèrent dessous Paris,</p> -<p>Tant veufs que garçons, que maris,</p> -<p>Non point pour aller en Afrique</p> -<p>Mais en un coin de l'Amérique,</p> -<p>Des hommes jusques à sept cents,</p> -<p>Sans y comprendre les absents;</p> -<p>De plus, sept douzaines de filles,</p> -<p>Pour établir là des familles,</p> -<p>Et multiplier audit lieu,</p> -<p>Selon l'ordonnance de Dieu.</p> -</div> -<div class="stanza"> -<p class="i4"><span class="small1">Loret</span>, III, 57<sup>e</sup> lettre, du 10 mai 1652, p. 68.</p> -</div></div> - -<p>Un abbé de Mariveau, qui était le chef principal de l'entreprise, -se noya dans la Seine, près du Cours, en voulant sauter dans le -bateau. (Cf. Raynal, <i>Hist. des Établissements européens dans les -deux Mondes</i>, édit 1820, in-8<sup>o</sup>, t. VII, p. 44, et Ternaux-Compans, -<i>Notice hist. sur la Guyane française</i>, 1843, in-8<sup>o</sup>, p. 50 à 59.)</p> - -<p class="pnote">Page 276, ligne 6: Ménage, qui n'aimait pas le marquis.</p> - -<p>Tallemant rapporte que Ménage disait sans cesse à madame de Sévigné -que son plus grand malheur était d'avoir épousé le marquis de -Sévigné, et qu'il n'était personne qui, les connaissant tous deux, -ne dit aussitôt: «Quel homme pour une telle femme!»</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XX.</p> - -<p class="pnote">Page 279, ligne 21: Un des fils Galland, avocat célèbre.</p> - -<p>Il paraît que l'avocat Gondran est le même qui fut greffier du -grand conseil, et dont Loret, dans l'endroit cité, fait un grand éloge -<span class="pagenum"><a id="Page_426"> 426</a></span> -comme royaliste, et comme homme charitable. Galland son père était -peut-être celui auquel on doit un <i>Traité sur le Franc-Alleu</i>, cité par -de Marca dans son <i>Histoire de Béarn</i>, p. 850, à l'<i>errata</i>.</p> - -<p class="pnote">Page 280, ligne 6: Avec La Roche-Giffard, gentil-homme breton.</p> - -<p>Ce La Roche-Giffard prit le parti de la Fronde, et fut tué à l'attaque -de la porte Saint-Antoine.</p> - -<p class="pnote">Page 281, ligne 5: Le jeune abbé d'Aumale.</p> - -<p>L'abbé d'Aumale fut sacré archevêque de Reims sous le nom de -Henri IV, en 1651. Il épousa Marie d'Orléans, fille unique du duc de -Longueville, en 1657, et mourut le 5 janvier 1659.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXI.</p> - -<p class="pnote">Page 286, ligne dernière, et 287, ligne première: Il (le marquis de Sévigné) ne fut.</p> - -<p>Conrart dit de Sévigné: «Quoiqu'il eût quelque esprit et qu'il fût -bien fait de sa personne, on ne s'accommodait point de lui, et il -passait presque partout pour un fâcheux.» Ceci a été écrit avant -la comédie de Molière, et démontre que cette expression était en -usage avant notre grand comique.</p> - -<p class="pnote">Page 289, ligne 24: Portaient ainsi un remède à la sédition.</p> - -<p>Le prévôt des marchands et toute la cour, intimidés de la hardiesse -et de l'insolence des séditieux, voulaient qu'Anne d'Autriche -allât loger avec le roi à l'hôtel de ville; mais elle eut plus de courage -et de tête que tout ce qui l'entourait, et comprit toute l'importance -d'une telle démarche.</p> - -<p class="pnote">Page 292, ligne 11: Ce parti, proposé par de vils et ambitieux courtisans.</p> - -<p>M. de Saint-Aulaire ne parle qu'obscurément de ce projet, et -semble l'attribuer à la reine. Anne d'Autriche gardait bien ses secrets; -on voit que même avec le maréchal Duplessis, qui lui était tout dévoué, -elle dissimulait, et qu'elle ne laissa pas percer vis-à-vis de lui -le projet qu'elle avait de faire arrêter M. le Prince: alors elle voulut -<span class="pagenum"><a id="Page_427"> 427</a></span> -envoyer Duplessis en province. (Voyez Duplessis, <i>Mémoires</i>, t. LVII, -p. 363-368.)</p> - -<p class="pnote">Page 292, ligne 21: Les députés de la noblesse et des provinces.</p> - -<p>Les députés de la noblesse s'étaient d'abord réunis chez le duc -de Nemours; depuis, ils tinrent leurs assemblées aux Cordeliers.</p> - -<p class="pnote">Page 294, ligne 11: Que des personnes qui détestaient ce ministre.</p> - -<p>Villeroy, Roquelaure, Joyeuse, qui occupaient les premières charges -de la cour, étaient du parti de <i>Monsieur</i>, ou du duc d'Orléans. «Je -n'ai, disait Anne d'Autriche dans un moment de découragement, que -des traîtres et des poltrons à l'entour de moi.»</p> - -<p class="pnote">Page 294, ligne 15: Secondée par la duchesse de Navailles.</p> - -<p>C'est à Mazarin que Navailles devait son titre de duc.</p> - -<p class="pnote">Page 299, ligne 12: Les théâtres, aussi encombrés de spectateurs.</p> - -<p>La foule se portait surtout au théâtre de la rue Guénégaud, où -les allusions à ce qui se passait en Angleterre, et l'impopularité du -grand Condé, firent accueillir froidement la pièce nouvelle du grand -Corneille, <i>Don Sanche d'Aragon</i>, tandis que son frère (qui se faisait -appeler Corneille Delisle) s'attirait des applaudissements pour sa -comédie intitulée <i>l'Amour à la Mode</i>; il y donnait dans Oronte le -type de tous les petits maîtres qui ont été depuis mis au théâtre. <i>Don -Sanche</i> fut imprimé en 1650, mais ne fut joué qu'en 1651; le prince -de Condé a donc pu y assister. Ceci rectifie ce qu'a dit M. Taschereau, -<i>Vie de Corneille</i>, 1829, in-8<sup>o</sup>, p. 159.</p> - -<p class="pnote">Pages 299, deux dernières lignes: Dont elle gratifiait deux fois la semaine toute la haute société.</p> - -<p>Le mariage du duc de Mercœur avec une fille de Mancini, nièce du -cardinal, fut une occasion de fêtes; il en était de même pour le mariage -projeté de mademoiselle de Chevreuse et du prince de Conti. Les -occasions qu'on cherchait à faire naître pour déterminer <i>Mademoiselle</i> -et sa sœur la duchesse d'Alençon, ainsi que mademoiselle de Longueville -et d'autres riches partis, étaient aussi des motifs puissants pour -toutes ces réjouissances. Les ambassadeurs étrangers, qui étaient -<span class="pagenum"><a id="Page_428"> 428</a></span> -invités à toutes ces réunions, voulurent faire honneur à leur nation, -et rendirent des fêtes non moins splendides. L'ambassadeur de Venise -en donna une magnifique, dans les premiers jours de novembre 1651. -Elle commença par une collation, puis après il y eut comédie, ensuite -bal, puis le dîner, après feu d'artifice, et enfin concert. Ces fêtes duraient -presque toujours toute la journée. Dans les fêtes que donnait -<span class="small1">Mademoiselle</span>, elle faisait venir aussi des acteurs; après la comédie, -on dansait, on jouait au colin-maillard. Toute la famille royale d'Angleterre -se trouvait à ces réunions, et ce fut alors que le duc d'York -fut sur le point d'épouser mademoiselle de Longueville. (Montpensier, -<i>Mémoires</i>, t. XLI, p. 156.)</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXII.</p> - -<p class="pnote">Page 307, ligne 21: Du grand prieur de Malte.</p> - -<p>Le grand prieur de Malte, Hugues Rabutin, mourut en 1656; il -était né en 1588.</p> - -<p class="pnote">Page 308, ligne 15: A la place, celle de mon veuvage.</p> - -<p>J'ai suppléé dans ce passage ces mots: <i>et le commencement d'une -existence</i>, qui ne se trouvent point dans le texte; ce texte est incomplet -sans cela. Si le texte original est conforme à l'impression, c'est -madame de Sévigné elle-même qui aura fait cette omission, ce qui -arrive fréquemment lorsqu'on écrit rapidement une lettre, et sans -la relire. Cela est évident; le <i>qui</i> et tout ce qu'il régit ne peuvent se -rapporter à l'année de son veuvage, mais à sa vie entière; le sens et -les adjectifs féminins le font assez connaître. Ce passage et une -grande portion de cette lettre ont été donnés au public pour la première -fois dans l'édition de M. Monmerqué; mais aucun éditeur n'a -remarqué que la phrase était incomplète.</p> - -<p class="pnote">Page 315, ligne 17: Le seul parmi les parlements du royaume qui se fût déclaré pour lui.</p> - -<p>Le parlement de Bordeaux ne se sépara des autres parlements qu'en -haine du duc d'Épernon, que la reine s'obstina à vouloir maintenir -comme gouverneur de Guyenne.</p> - -<p class="pnote">Page 317, ligne 12: A l'exclusion de Mazarin, qu'ils détestaient.</p> - -<p>La Rochefoucauld, la duchesse de Nemours et plusieurs autres crurent -<span class="pagenum"><a id="Page_429"> 429</a></span> -que Châteauneuf était parvenu à gagner les bonnes grâces de la -reine, et que Mazarin n'était plus désiré que par les partisans qu'il -avait à la cour, qui s'agitaient pour le faire revenir, en haine des ministres -et de Châteauneuf; mais une élude approfondie de tous les -documents de cette époque démontre qu'il n'en était pas ainsi, et -que tous ceux qui l'ont cru ont été trompés par la profonde dissimulation -d'Anne d'Autriche. Conférez surtout les <i>Mémoires</i> de Duplessis-Praslin, -t. LVII, p. 336.</p> - -<p class="pnote">Page 318, ligne 17: Par un arrêt il confirma celui de Mazarin.</p> - -<p>Les précédents arrêts de la même cour, des 7 et 8 février, 11 mars, -2 et 8 août, rendus pour le même objet et dans la même année, se -trouvent, avec l'arrêt cité, dans un recueil que nous possédons. -L'arrêt cité fut rendu le 29 décembre; il est signé Du Tillet. Il fut -publié à son de trompe, dans tous les carrefours de Paris, le vendredi -30 décembre 1651, ville et faubourgs, par Canto, juré-crieur ordinaire -du roi, accompagné de trois trompettes de S. M.</p> - -<p class="pnote">Pages 318 et 319, lignes dernière et première: Qu'on s'interdisait même contre les pirates.</p> - -<p>Heureusement que cette atrocité n'eut d'autre suite que celle d'occasionner -les plaisanteries de Marigny, qui dressa un état de répartition -des 150,000 livres accordées pour la tête de Mazarin, et mettait -tant pour le nez, tant pour les oreilles, tant pour la langue de M. le -cardinal, tant pour les membres, etc.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXIII.</p> - -<p class="pnote">Page 323, ligne 23: La cour même et la plus grande partie des royalistes.</p> - -<p>Loret emploie dans cet endroit le mot <i>royaliste</i>, que nous avons -conservé.</p> - -<p class="pnote">Page 327, note 1<sup>re</sup>: Chavagnac.</p> - -<p>Ces <i>Mémoires</i> de Chavagnac sont fort curieux, et ils auraient dû, -ainsi que ceux de Bussy et de Navailles, être insérés par Petitot dans -sa collection, plutôt que les Mémoires anonymes relatifs au dix-septième -<span class="pagenum"><a id="Page_430"> 430</a></span> -siècle, qui sont supposés; compilation médiocre, qui n'apprend -rien qu'on ne trouve ailleurs.</p> - -<p class="pnote">Page 327, ligne 14: A lever un régiment pour ce prince.</p> - -<p>Il y avait encore à cette époque un reste de ligue parmi les seigneurs -huguenots, puisqu'ils faisaient une pension de huit mille livres au -père du comte de Chavagnac. (Chavagnac, <i>Mémoires</i>, t. I, p. 141.)</p> - -<p class="pnote">Pages 328, lignes 13 et 14: C'est pourquoi il s'attachait à se rendre maître de l'esprit du duc d'Orléans.</p> - -<p>Il est difficile de deviner ce qui a pu porter Lemontey à faire du -cardinal de Retz un factieux dans la première partie de sa vie, un -héros dans la seconde, si ce n'est la manie d'établir des contrastes -piquants, et d'entasser des phrases ingénieuses aux dépens de la vérité. -Cependant la lecture seule des <i>Mémoires</i> du cardinal de Retz, -faite avec discernement, suffit pour démentir l'idée que Lemontey -veut en donner. Cet auteur ne paraît avoir étudié l'histoire de la -Fronde que dans les <i>Mémoires</i> de Retz; et il était difficile de choisir -un guide plus infidèle et plus partial.</p> - -<p class="pnote">Page 329, lignes 23 et 24: Et voulait brûler la maison où elles s'étaient réfugiées.</p> - -<p>Cette maison appartenait à un nommé Vaurouy.</p> - -<p class="pnote">Page 331, ligne 6: Cependant Innocent.</p> - -<p>C'est par une distraction bien singulière qu'Anquetil a écrit (dans -l'<i>Intrigue du Cabinet</i>, t. IV, p. 145) <i>Léon X</i>, au lieu d'<i>Innocent X</i>. -Cette faute n'est point corrigée dans l'<i>errata</i>.</p> - -<p class="pnote">Page 333, ligne 8: La duchesse d'Aiguillon et Fabert.</p> - -<p>Fabert était tout dévoué à Mazarin, qui lui avait confié l'importante -place de Sedan, et lui avait donné ses nièces à garder.</p> - -<p class="pnote">Page 334, ligne 7: Une autorité au moins nominale.</p> - -<p>Condé adjoignit à son frère, pour commander sous son nom, le -comte de Marsin, un des généraux les plus expérimentés.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_431"> 431</a></span></p> - -<p class="pnote">Page 334, lignes 9 et 10: A des libelles outrageants pour tous deux.</p> - -<p>Conrart, à l'endroit cité, a le passage suivant: «On assure qu'ils -(Jarzé et Sarrazin) ajoutaient qu'étant survenu quelque chose de -pressé, où il fallait avoir les ordres du prince de Conti, on les avait -été chercher dans la chambre de madame de Longueville, où on les -trouva tous deux au même lit. Ces placards se sont vus imprimés.»</p> - -<p class="pnote">Page 334, ligne dernière: Négligeait par trop le soin de sa personne.</p> - -<p>Cette malpropreté était de famille; car le grand Condé, selon <i>Mademoiselle</i>, -était remarquable sous ce rapport. (Montpensier, <i>Mém.</i>, -t. XLI, p. 314; t. XLII, p. 220.)</p> - -<p class="pnote">Page 336, ligne 8: A la muse spirituelle de Benserade.</p> - -<p>Cette chanson de Benserade commençait ainsi:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Châtillon, gardez vos appas</p> -<p> Pour une autre conquête:</p> -<p class="i2"> Si vous êtes prête,</p> -<p class="i2"> Le roi ne l'est pas.</p> -</div></div> - -<p>Bussy, dans son <i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, rapporte le premier -vers de cette chanson, et nomme l'auteur, Prospère. Ce qui -prouve encore que les éditeurs de l'édition de 1754 ont mis les noms -d'après la clef de la première édition, c'est que cette clef ne contenait -pas l'explication du nom de Prospère, et qu'ils ont laissé ce nom -sans explication. Loménie de Brienne nomme Benserade au lieu de -Prospère, et dans l'édition de l'<i>Histoire amoureuse de France</i> de -1710 le nom de Benserade est substitué à celui de Prospère. Les -éditions récentes de l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, sous format -in-8<sup>o</sup>, ne sont que des réimpressions de l'édition de 1754, avec de nouvelles -fautes d'impression.</p> - -<p class="pnote">Page 336, ligne 20: Cambiac se retira lorsqu'il sut que Condé était son rival.</p> - -<p>Lenet dit: «La princesse (de Condé la mère) tint un conseil composé -de Roquette, de la duchesse (de Châtillon), de madame de Bourgneuf, -de Cambiac, et de moi.» Ce passage prouve que Cambiac était du -conseil intime de la princesse douairière, et confirme tout ce que -Bussy en dit, page 181. On doit remarquer que <span class="small1">Mademoiselle</span> et Lenet -<span class="pagenum"><a id="Page_432"> 432</a></span> -confirment ce que Bussy dit sur Cambiac; ce qui vient à l'appui de -l'assertion de Bussy dans sa lettre au comte du Saint-Aignan, où il -affirme que dans l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i> il n'a fourni que -la broderie, mais que pour les faits, il n'a écrit que ce qui était connu -à la cour. Il y a ici de notables différences entre les diverses éditons -de ce livre. Celle de 1710, intitulée <i>Histoire amoureuse de -France</i>, donne sans déguisement le nom de Cambiac.</p> - -<p class="pnote">Page 338, ligne 15: Publiaient l'un contre l'autre des libelles anonymes.</p> - -<p>Gondi répondit à tous les écrits de Chavigny par un petit écrit intitulé -<i>les Contre-temps du sieur de Chavigny</i>; pamphlet plein de sel -et de gaieté, qui fit, dit-on, pleurer de rage celui contre lequel il était -dirigé.</p> - -<p class="pnote">Page 339, lignes 12 et 13: En empêchant les troupes du roi de pénétrer dans Orléans.</p> - -<p>On fit alors une estampe satirique qui représentait <span class="small1">Mademoiselle</span> -en amazone, armée d'un grand balai, et balayant, comme une ordure, -Mazarin hors des portes d'Orléans.</p> - -<p class="pnote">Page 341, ligne 19 et 20: Qu'il protégeait contre tous les maux de la guerre-civile.</p> - -<p>Brienne dit: «On eût bien pu trouver des endroits convenables, en -Normandie, au séjour de la cour; mais on craignait de donner de la -jalousie et du soupçon à M. de Longueville, qui faisait en sorte que -le roi y jouissait d'une partie de ses revenus, qui empêchait qu'on -s'y soulevât, et qu'on y causât le moindre préjudice au service de -S. M.; mais il donnait assez à entendre qu'il ne fallait pas en demander -davantage de lui.»</p> - -<p class="pnote">Page 342, lignes 4 et 5: Et une hideuse famine.</p> - -<p>Balzac écrivait à Conrart, le 20 novembre 1651: «Quand la paix -se ferait demain, cette courte guerre y laissera une longue mémoire -des maux qu'elle a faits. Si on réforme et si on règle ainsi les États, -bien heureux sont les États qu'on laisse dans le désordre et la corruption.»</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_433"> 433</a></span></p> -<p class="echap">CHAPITRE XXIV.</p> - -<p class="pnote">Page 346, ligne 5: Une actrice.</p> - -<p>Cette actrice se nommait Baron.</p> - -<p class="pnote">Page 347, ligne 4: La duchesse d'Orléans.</p> - -<p>La duchesse d'Orléans mit aussi à profit la fureur du jeu, et joua -ses meubles contre des sommes qui surpassaient leur valeur, mais -dont la destination était marquée d'avance. Cet exemple fut imité.</p> - -<p class="pnote">Page 348, ligne 15: Leurs ouvrages et leurs exemples avaient donné un caractère plus grave à ces réunions d'hommes de lettres.</p> - -<p>Un maître des requêtes, membre de l'Académie Française, Habert de -Montmor, était à cette époque le Mécène des gens de lettres. Il cultivait -également les sciences et la littérature, et faisait facilement -des vers latins. Il avait table ouverte pour les savants et les beaux -esprits. Il en logeait plusieurs dans son hôtel. Gassendi, l'homme le -plus universel de son temps, ce digne rival de Galilée et de Kepler, ce -précurseur de Newton et de Leibnitz, logea chez lui, et y mourut. Les -réunions dont il était l'oracle et le patriarche ne discontinuèrent pas -même pendant les crises orageuses de l'année suivante. On y lisait -fréquemment des lettres de la reine Christine, alors en correspondance -avec Gassendi et avec plusieurs autres savants de Paris, qu'elle cherchait -à attirer en Suède, donnant ainsi l'exemple rare, parmi les souverains, -de sa prédilection pour un genre de gloire préférable à celui -des conquêtes.</p> - -<p class="pnote">Page 355, ligne 7: Saint-Évremond.</p> - -<p>Saint-Évremond a fait le portrait de la comtesse d'Olonne dans le -temps où il en était lui-même amoureux. Sa mère se nommait Marie -de Raynier. La comtesse d'Olonne mourut le 13 juin 1714.</p> - -<p class="pnote">Page 359, avant-dernière ligne: Fit échouer les projets du cardinal.</p> - -<p>La sœur cadette de la comtesse d'Olonne épousa le maréchal de la -Ferté. Les deux sœurs se ressemblaient par les mœurs, et demeurèrent -ensemble vers la fin de leur vie. Elles étaient d'une branche cadette de -la maison d'Angennes. Elles moururent toutes deux en 1714. Saint-Simon -rapporte sur elles une anecdote curieuse à l'endroit cité.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_434"> 434</a></span></p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXV.</p> - -<p class="pnote">Page 362, ligne 6: Quand on veut jaser et qu'on n'ose.</p> - -<p>Loret donne une épithète à chacune de ses lettres, pour en caractériser -par un seul mot le contenu, et il a surnommé <i>tremblante</i> celle -du 18 août. A la page 40 du livre III, il nous apprend que sur le Pont-Neuf -les crieurs faisaient retentir la place des nouvelles victoires -remportées contre les mazarinistes, tandis que chez le maréchal de -L'Hospital on faisait ceux-ci victorieux.</p> - -<p class="pnote">Page 362, lignes 17 et 18: On s'empressait aux sermons du père Le Boux.... du père George.....</p> - -<p>Le père Berthod indique encore un autre prédicateur qui, comme le -père George, prêchait contre Mazarin; mais il n'en donne pas le nom. -Nous apprenons par Loret que c'était à l'église de Saint-Severin que -prêchait le père Le Boux; le père George prêchait aux Jacobins de la -rue Saint-Honoré.</p> - -<p class="pnote">Page 365, ligne 23: Le déguisement qu'il avait emprunté.</p> - -<p>On commanda à Condé de brider un cheval, et il ne sut comment -s'y prendre. Une autre fois, on lui donna la queue de la poêle à tenir -pour faire cuire une omelette, et, en voulant la retourner, il la jeta -dans le feu. M. de Saint-Aulaire, dans son <i>Histoire de la Fronde</i>, t. III, -p. 120, se trompe lorsqu'en parlant de cette marche il dit de Condé, -«qu'il s'acquittait mieux qu'aucun de ses compagnons des différents -rôles que lui imposait la nécessité». Il est à présumer qu'il n'a lu ni -la relation de Chavagnac ni celle de Gourville, qui sont les deux -véritables autorités pour ce point d'histoire. Nemours, qui avait fait -une traversée semblable avec Chavagnac, pour aller en Flandre chercher -les troupes espagnoles, s'était montré encore plus inexpérimenté. -Malgré son courage, il ne pouvait supporter la fatigue et les privations; -et il subissait tous les inconvénients d'une éducation molle et -efféminée.</p> - -<p class="pnote">Page 365, ligne 23: Contre un gentil-homme royaliste.</p> - -<p>La Rochefoucauld nomme ce gentil-homme La Bassinière; Chavagnac -le nomme Bassiniac. Chavagnac raconte, à la page 151, un -singulier acte de brutalité de Condé envers Guitaut.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_435"> 435</a></span></p> - -<p class="pnote">Page 367, lignes 13 et 14: Le Languedoc ne lui eût point été contraire.</p> - -<p>Du Languedoc il faut excepter la ville de Toulouse, que le parlement eût maintenue dans le parti du roi.</p> - -<p class="pnote">Page 367, ligne 23: Condé se rendit à Paris.</p> - -<p>Loret nous apprend que ce fut un jeudi que Condé entra dans Paris. -Le bas peuple cria <i>vive Condé!</i> et des femmes du peuple allèrent -à sa rencontre avec des lauriers.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXVI.</p> - -<p class="pnote">Page 373, ligne 3: Il chemina lentement.</p> - -<p>Le roi alla loger au Louvre, qui était alors entouré de fossés, et -non aux Tuileries.</p> - -<p class="pnote">Page 373, note 2: <i>Loménie de Brienne</i>.</p> - -<p>On dira peut-être, au sujet de cette citation de Loménie de Brienne, -qu'elle prouve peu, parce que dans ce passage c'est le fils du maréchal -de Villeroi qui dément les bruits injurieux répandus sur son père -relativement à l'éducation de Louis XIV, dont le maréchal était gouverneur; -mais ce témoignage vaut bien celui des ennemis de Mazarin, -qui avaient plus d'intérêt à noircir ce ministre, que Villeroi fils -à le disculper longtemps après sa mort.</p> - -<p class="pnote">Page 377, ligne 12: La dispersion du papier par ceux de la paille.</p> - -<p>L'affaire du papier, quoique réprimée, produisit cependant son -effet; elle amena la concession des passe-ports qu'on avait refusés -aux bourgeois députés par le roi, et la démission de Broussel de sa -place de prévôt des marchands.</p> - -<p class="pnote">Page 377, ligne 16: Les partisans du roi dans Paris.</p> - -<p>Sève, annonçant au roi qu'il était suivi par un grand nombre de -ses concitoyens, dit: «Sire, laissez-vous vaincre à leurs prières, -rendez-vous à leurs larmes, etc.»</p> - -<p class="pnote">Page 378, note 2: Berthod.</p> - -<p>La publication récente des Mémoires du P. Berthod a jeté un jour -<span class="pagenum"><a id="Page_436"> 436</a></span> -tout nouveau sur cette partie importante de l'histoire de la Fronde. -Quand les masses sont préparées à une révolution, l'influence individuelle -a une grande puissance; quand, au contraire, elles sont opposées -à tout changement, cette influence est nulle.</p> - -<p class="pnote">Page 380, ligne 19: Jaloux de la faveur dont il jouissait.</p> - -<p>Loret lui-même, quoique bon royaliste, n'aimait pas Mazarin, et -dit qu'il est haï des provinces.</p> - -<p class="pnote">Page 382, ligne 12: Mazarin reparut.</p> - -<p>Tandis que Condé pillait les convois de grains qui entraient dans la -capitale, Mazarin les faisait protéger par les troupes royales. Quand -il fallut conférer pour l'entrée du roi, ce ne fut pas aux chefs des partis, -ou au prévôt des marchands, ou au gouverneur, que l'on voulut -avoir affaire, mais avec les six corps des marchands et avec les trois -cents bourgeois qui commandaient la garde urbaine. Voilà de l'habileté. -<span class="small1">Mademoiselle</span> s'enfuit, masquée et déguisée, et sous un faux -nom, dans le carrosse de madame de Montmort. Gaston, en partant, -ne voulut point la voir; il lui reprochait de l'avoir poussé contre la -cour. Les caractères faibles se font justice: ils sentent qu'ils ne peuvent -rien par eux-mêmes, et attribuent toujours aux autres les fautes -qu'ils commettent. Tous les membres du parlement, quelles que fussent -leurs opinions, quelle qu'eût été leur conduite, furent convoqués -au Louvre, à la réserve d'un très-petit nombre des plus factieux; -savoir, Broussel, Vial, de Thou, Portail, Bertaut, Croissy, Fouquet, -Machault-Fleury. Vincennes et la Bastille furent rendus par Louvière -et madame de Chavigny, sur un simple ordre du roi. Gaston et le parti -des princes voulurent faire croire à la cour que Paris était encore trop -près de la révolte; ils demandaient du temps pour disposer la population -à recevoir le roi; mais on était trop bien instruit de l'état des -choses pour se laisser tromper, et la cour continua sa marche. La -même situation se retrouva pour Louis XVIII. Fouché persuada au -conseil du roi que les jacobins étaient encore redoutables dans Paris, -et il arrêta le monarque à Saint-Ouen; par là on crut cet homme -nécessaire ainsi que les siens, et il souilla la royauté de son ministère. -On apprit ainsi aux peuples que le sceptre résidait entre les mains de -la peur. Tous les malheurs qui suivirent viennent de cette première -faute. Lorsque Louis XVIII crut devoir s'arrêter à Saint-Ouen, les jacobins -<span class="pagenum"><a id="Page_437"> 437</a></span> -avaient encore moins d'influence dans Paris que les frondeurs lors -du retour de Louis XIV. On ne sut pas séparer le parti conventionnel -ou jacobin du parti militaire ou bonapartiste; ces deux partis étaient -bien distincts, et opposés. Ils se réunirent quand ils se virent enveloppés -par la royauté dans une même défiance. Alors le roi et la monarchie -restèrent dépouillés de leurs plus fermes appuis, et eurent pour -ennemis les bonapartistes, qui alors, ayant répudié leur chef, avaient -intérêt à tout conserver, à tout affermir, et au besoin à tout reconquérir.</p> - -<p class="pnote">Page 383, lignes 4, 5 et 6: Cette marche habile lui acquit l'estime -de tous les cabinets étrangers.</p> - -<p>De même que Richelieu, Mazarin ne sépara jamais ses intérêts de -ceux du royaume, ni le royaume de la personne du roi. Lorsque -Condé voulait dominer le roi, Mazarin conseillait à la reine de s'unir -au coadjuteur, qui pourtant était son plus grand ennemi; et plus -tard il préférait mettre le roi sous le joug de Condé, et par conséquent -sous celui de ses sujets révoltés, plutôt que sous la domination -des Espagnols.</p> - -<p class="pnote">Page 386, ligne 21: Au lieu d'armer et de se fortifier.</p> - -<p>Le roi d'Angleterre (le prétendant) prêta au cardinal de Retz jusqu'à -cent vingt hommes pour se fortifier.</p> - -<p class="pnote">Page 387, lignes 5 et 6: Où il étala tant de luxe et de magnificence.</p> - -<p>Pendant la durée de cette ambassade, sa dépense se montait à huit -cents écus par jour.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXVII.</p> - -<p class="pnote">Page 392, lignes 21, 23, 24: Condé... vient siéger sur les fleurs de lis.</p> - -<p>Monglat dit que ce fut le 10 août que Condé vint siéger au parlement.</p> - -<p class="pnote">Page 393, note 1: <span class="small1">De Villefore</span>, la véritable vie d'Anne-Geneviève de Bourbon, duchesse de Longueville, etc.</p> - -<p>L'édition qui porte pour titre: <i>Vie de madame de Longueville</i>, et -<span class="pagenum"><a id="Page_438"> 438</a></span> -qui est sans nom de lieu, est faite à Paris. L'auteur n'est point nommé, -tandis qu'il l'est deux fois dans l'édition d'Amsterdam, dans un avis -du libraire et dans un avertissement d'éditeur. L'avis du libraire, -qui indique les retranchements qu'a subis l'édition de Paris, est à la -fin du volume.</p> - -<p class="pnote">Page 399, ligne 2: C'est dans le château de celui-ci que se fit le mariage.</p> - -<p>Ce mariage se fit en 1646, vers la fin de l'hiver. Mademoiselle -de Rohan avait vingt-sept à vingt-huit ans, et était d'une vertu sévère.</p> - -<p class="pnote">Page 400, ligne 9: Sa mort termina ce romanesque procès.</p> - -<p>Tancrède mourut le 1<sup>er</sup> février 1649, âgé de dix-neuf ans. Conférez -l'<i>Histoire de Tancrède de Rohan</i> (par le père Griffet); Liége, 1767, -in-12, p. 55 et 91. Ce volume, par les pièces justificatives qui le terminent, -contient quelques documents curieux pour l'histoire.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXVIII.</p> - -<p class="pnote">Page 404, ligne 21: La duchesse n'y paraissait point.</p> - -<p>Mademoiselle de Montpensier décrit, dans ses Mémoires, une fête -qui eut lieu chez la comtesse de Choisy, où il y eut comédie et collation. -Puis elle ajoute: «Tout ce qu'il y avait d'hommes et de femmes -à Paris y vinrent.» Ce qui veut dire, dans son langage, qu'il n'y -avait pas un seul homme ni une seule femme de la classe bourgeoise.</p> - -<p class="pnote">Page 404, les deux dernières lignes: C'est que c'était aux Tuileries, où elle demeurait alors.</p> - -<p>Mademoiselle de Montpensier fut délogée des Tuileries au retour du -roi. Il faut lire dans l'endroit cité les regrets qu'elle exprime d'être -forcée de quitter ces magnifiques appartements, où elle avait toujours -habité.</p> - -<p class="pnote">Page 408, ligne 12: Adonnée à l'astrologie et à la divination.</p> - -<p>Il faut lire dans Segrais la curieuse histoire de l'abbé Brigalier.</p> - -<p class="pnote">Page 409, lignes 27 et 28: La présidente de Pommereuil pour le cardinal de Retz.</p> - -<p>Le cardinal de Retz donna au roi et à la reine d'Angleterre un repas -<span class="pagenum"><a id="Page_439"> 439</a></span> -si magnifique, qu'il fut pendant quelques jours, dans Paris, l'objet -principal des entretiens des cercles et des ruelles.</p> - -<p class="pnote">Page 410, ligne 3: Chez la marquise de Bonnelle.</p> - -<p>C'était, à ce qu'il paraît, d'après Loret, chez la marquise de Bonnelle -que l'on jouait alors. Le jeu à la mode était celui de quinola ou -le reversis. Il venait d'Espagne.</p> - -<p class="pnote">Page 410, lignes 6 et 7: <span class="small1">Mademoiselle</span> faisait presque toujours venir les vingt-quatre violons.</p> - -<p>Les vingt-quatre violons firent partie de la maison du roi, mais ils -ne formaient pas les seuls musiciens de la chambre; il y avait encore -les joueurs de violons ordinaires, les joueurs de hautbois, de <i>saqueboutes</i> -et <i>cornets</i>, les joueurs de <i>phiphres</i>, <i>tabourins</i> et <i>muzettes</i>. -Tous avaient des gages, et les sommes qu'ils recevaient se lisent -p. 143, 144, 168 et 169 de l'ouvrage du sieur de <span class="small1">la Marinière</span>, intitulé -<i>Estat général des officiers, domestiques et commençaux de la -Maison du Roy</i>; Paris, 1660, in-8<sup>o</sup>. Ce livre est curieux et peu connu, -et il ne faut pas le confondre avec l'<i>État de la France</i>, dont on -publiait une nouvelle édition presque tous les ans, et auquel a succédé -l'<i>Almanach royal</i>.</p> - -<p class="pnote">Page 411, ligne 2: Joints aux négociations.</p> - -<p>La duchesse d'Aiguillon négociait à Saint-Germain pour le prince de -Condé. Voyez Chavagnac, t. I, p. 167. Il y a dans cet endroit une -erreur de pagination.</p> - -<p class="pnote">Page 411, ligne 16: La gaieté régnait au milieu des dangers.</p> - -<p>Remarquons cependant que dans le midi la guerre se faisait avec -acharnement, et donnait lieu à d'atroces forfaits: témoin l'affaire du -chevalier de Canolle, pendu quoique prisonnier de guerre, et celle du -père de Chavagnac, livré par ses propres troupes et assassiné par son -maître d'hôtel.</p> - -<p class="pnote">Page 412, lignes 14 et 15: Ces divers spectacles attiraient hors de Paris.</p> - -<p>Ces divertissements et ces communications eurent surtout lieu lorsque -Turenne s'était retranché derrière le bois qui est sur les hauteurs -de Villeneuve-Saint-Georges; alors les princes se trouvaient campés -proche de Boissy-Saint-Léger, dans la plaine qui est entre ce village -<span class="pagenum"><a id="Page_440"> 440</a></span> -et le bois de Villeneuve-Saint-Georges (le bois du château de La Grange); -le bois séparait les deux camps, et formait l'intervalle qu'aucune des -deux armées n'osait franchir.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXIX.</p> - -<p class="pnote">Page 413, ligne 2 du texte: Fut encore augmenté par l'arrivée du duc de Lorraine à Paris.</p> - -<p>Ce fut le 5 septembre que le duc de Lorraine vint à Paris, accompagné -du duc de Wurtemberg. Le duc de Lorraine était né en 1604.</p> - -<p class="pnote">Page 414, lignes 10, 11 et 12: Faisait profession de ne tenir à sa parole qu'autant que son intérêt l'y obligeait.</p> - -<p>Pavillon, dans son Testament de Charles IV, a très-bien dit de -lui:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Il donna librement sa foi</p> -<p>Tour à tour à chaque couronne;</p> -<p class="i1"> Il se fit l'étrange loi</p> -<p>De ne la garder à personne.</p> -</div></div> - -<p>Cette morale dépravée fut commune parmi les guerriers de ce -temps, et le duc de Lorraine fit plus d'un élève. On peut lire dans les -<i>Mémoires de Loménie de Brienne</i>, t. II, p. 295, quels affreux conseils -donnait à ce jeune homme entrant dans le monde le duc de -Vendôme.</p> - -<p class="pnote">Page 414, ligne 20: En épousant ensuite Béatrix de Cusane, princesse de Cantecroix.</p> - -<p>Le mariage du duc de Lorraine avec la princesse de Cantecroix eut -lieu en 1637, à Besançon.</p> - -<p class="pnote">Page 415, ligne 25: Les déterminations de Charles IV.</p> - -<p>La duchesse de Châtillon elle-même ne craignait pas de donner de -la jalousie à Condé, en faisant des coquetteries au duc de Lorraine.</p> - -<p class="pnote">Page 416, ligne 2: Ses manières si étranges parurent piquantes.</p> - -<p>Dans une promenade au Cours que le duc de Lorraine fit avec la -<span class="pagenum"><a id="Page_441"> 441</a></span> -duchesse de Chevreuse, sa fille, et madame de Frontenac, sa conversation -fut tout à fait ordinaire. Voyez les Mémoires de Conrart.</p> - -<p class="pnote">Page 416, ligne 10: Les troupes de tous les partis.</p> - -<p>Les troupes du duc de Lorraine n'étaient pas les seules qui commissent -des désordres; celles des princes, les troupes royales elles-mêmes, -ne se conduisaient pas mieux. Pour donner une idée de l'indiscipline -de ces dernières, il suffit de dire que le maréchal d'Hocquincourt, -qui les commandait, ne put empêcher sa maison d'être -dévastée. Chavagnac avoue que pendant deux jours qu'il fut cantonné -à Poissy, il reçut de riches présents des propriétaires des -environs pour empêcher qu'ils ne fussent pillés.</p> - -<p class="pnote">Page 416, ligne 20: Le chef d'une troupe de démons que, comme un général d'armée...</p> - -<p>Loret, dans sa gazette, raille ainsi les Parisiens de l'accueil qu'ils -faisaient au duc de Lorraine:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Les soldats du duc de Lorraine</p> -<p>Ont enfin traversé la Seine,</p> -<p>Et plusieurs des gens de Paris,</p> -<p>Loin d'en avoir les cœurs marris,</p> -<p>Après avoir mangé leurs soupes,</p> -<p>Allèrent voir passer ces troupes</p> -<p>Avant-hier, qu'il faisait beau,</p> -<p>Dans la plaine de Long-Boyau.</p> -<p>Ils ont brûlé cinq cents villages,</p> -<p>Ravi douze cents pucelages,</p> -<p>Fait deux mille maris cornus,</p> -<p>Et pourtant sont les bien-venus.</p> -</div></div> - -<p class="pnote">Page 418, ligne 15: L'abbesse de Pont-aux-Dames.</p> - -<p>Conrart place ce fait le 4 juin.</p> - -<p class="pnote">Page 421, lignes 6 à 8: Elles portaient des rubans, des montres d'or, etc.</p> - -<p>Au sujet des habillements de ces religieuses, voici comment s'exprime -saint Vincent de Paul:</p> - -<p>«Plures vestes monialum deferunt indecentes, et immodestas. In -<span class="pagenum"><a id="Page_442"> 442</a></span> -locutoriis se ostentant vittis ignei coloris fulgentes; horarias aureas, -seu horologia aurea gestitant; chirotecas etiam raras, et quas vocant -hispanas, induunt.» (<span class="small1">G. Delort</span>, <i>Mes Voyages aux environs de -Paris</i>, in-8<sup>o</sup>, t. II, p. 173.)</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXX.</p> - -<p class="pnote">Page 425, ligne 6: Où chaque guerrier se bat avec acharnement.</p> - -<p>Cette bataille eut lieu le 5 juillet. Les descriptions qu'en ont données -les historiens que j'ai cités se ressemblent toutes, et sont exactes; -mais elles sont dépourvues de ces scènes animées qu'on trouve -dans les Mémoires, et dont nous avons tenté de donner une esquisse. -Il y a dans Ramsay, ainsi que dans Désormeaux, un très-beau plan -de cette bataille; c'est le même dans les deux ouvrages. Il a été réduit -dans l'édition in-12 de l'ouvrage de Désormeaux.</p> - -<p class="pnote">Page 425, ligne 21: En versant des torrents de sang.</p> - -<p>L'aide de camp de Chavagnac, après s'être battu en brave homme, -fut tellement frappé d'horreur du massacre de cette journée, qu'il -quitta l'état militaire et se fit capucin.</p> - -<p class="pnote">Page 426, ligne 16: Mais nul plus que Saint-Mesgrin.</p> - -<p>Personne n'était plus aimé à la cour que Saint-Mesgrin. Malgré sa -jeunesse, il avait commandé en chef une armée en Catalogne, et déployé -dans cette campagne les plus grands talents pour la guerre. -La reine mère, dont il était chéri et favorisé, le pleura, et le fit inhumer -avec pompe à Saint-Denis. Saint-Simon donne très en détail, dans -l'endroit cité, toute l'histoire du père de ce jeune homme, qui mourut -en 1665, à l'âge de quatre-vingt-trois ans. Il était gendre du maréchal -de Roquelaure, et grand sénéchal de Guyenne. Saint-Simon nous apprend -que le vrai nom du père de Saint-Mesgrin était Esthbuert; ce fut par -une héritière de Caussade, dont il joignit son nom au sien, qu'il devint -Saint-Mesgrin. Dans l'insipide ouvrage de Somaize, il y a quelques -détails sur la duchesse de Chaulnes, qui fut veuve de Saint-Mesgrin, et -sur les femmes qui étaient ses amies. Elle est désignée sous le nom de -Clidaris; Sophronie est madame de Sévigné; le Palais-Sénèque est le -Palais-Royal; Barsane est cette marquise des Brosses dont j'ai raconté -les aventures touchantes dans la Vie de Maucroix. Le jeune de Fouilloux -s'était joint aussi à Saint-Mesgrin, et périt dans la même action.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_443"> 443</a></span></p> - -<p class="pnote">Page 428, lignes 8 et 9: Dans une maison de particulier.</p> - -<p>Cette maison était celle d'un nommé de La Croix, maître des -comptes.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXXI.</p> - -<p class="pnote">Page 431, ligne 16: Le duc de Beaufort, le héros de la populace de Paris.</p> - -<p>L'hôtel de Beaufort était alors rue Quincampoix.</p> - -<p class="pnote">Page 431, lignes 19, 20: Qui épouvantèrent le gouverneur, le prévôt des marchands, les échevins.</p> - -<p>Le carrosse du prévôt des marchands fut attaqué par la populace, -et un échevin fut blessé. On pilla la boutique d'un armurier nommé -Regnicourt. Un nommé L'Espinois, capitaine de son quartier, manqua -d'être jeté à l'eau, parce qu'il était accusé d'être retz ou mazarin.</p> - -<p class="pnote">Page 431, ligne 21: Et forcèrent à fuir sous divers déguisements...</p> - -<p>La maréchale de Turenne, qui demeurait alors rue Saint-Louis au -Marais, alla rejoindre la cour; Seguier, premier président, en fit autant, -ainsi que le roi et la reine d'Angleterre, qui se trouvaient alors -à Paris. (Loret, liv. III, p. 64.)</p> - -<p class="pnote">Page 432, ligne 9: Força de recourir à une assemblée générale.</p> - -<p>Talon donne, dans cet endroit de ses Mémoires, des renseignements -curieux et intéressants sur les grandes et les petites assemblées -de la ville de Paris.</p> - -<p class="pnote">Page 432, lignes 16 et 17: De ses soldats déguisés en gens du peuple.</p> - -<p>Lefebvre de La Barre, prévôt des marchands, donna sa démission -aussitôt après le tumulte.</p> - -<p class="pnote">Page 432, ligne 22: A se soustraire à la fureur populaire.</p> - -<p>Les vers de Loret, quoiqu'ils soient toujours dépourvus de grâce -et de poésie, ont, en racontant ces scènes déplorables, une naïveté -qui plaît, parce qu'on y voit une douleur sincère dans celui qui les -écrivait. Ce gazetier si insipide, ce versificateur si plat, était un -<span class="pagenum"><a id="Page_444"> 444</a></span> -des plus honnêtes hommes de cette époque; il montre partout les sentiments -d'un bon Français; et s'il flattait les grands, il ne les abandonnait -pas dans le malheur, comme le prouva l'affaire de Fouquet.</p> - -<p class="pnote">Page 434, ligne 24: Avaient encore augmenté le resserrement de la population.</p> - -<p>Talon dit qu'il y avait alors cent mille personnes auxquelles la charité -était distribuée. Le pain blanc valait le 6 juillet onze à douze -sous la livre (c'est vingt-quatre sous d'aujourd'hui). Le pain bis valait -sept sous (quatorze sous).</p> - -<p class="pnote">Page 435, ligne 21: Pour un vol de 300,000 livres de marchandises.</p> - -<p>C'est Chavagnac lui-même qui raconte ce fait. Ces marchandises -appartenaient à des bourgeois de Paris.</p> - -<p class="pnote">Page 435, ligne 25: Gaston fit aussitôt conduire le comte de Rieux à la Bastille.</p> - -<p>Il est fait mention de cette affaire du comte de Rieux dans plusieurs -des Mémoires du temps; mais c'est dans les Mémoires de -Talon qu'elle est le mieux détaillée.</p> - -<p class="pnote">Page 436, ligne 11: Beau, galant, gracieux et enjoué.</p> - -<p>Voici le portrait que Bussy-Rabutin, qui n'est pas louangeur, nous -a laissé du duc de Nemours: «Ce duc avait les cheveux fort blonds, -le nez bien fait, la bouche petite et de belle couleur; il avait la plus -jolie taille du monde, et dans ses moindres actions une grâce qu'on -ne pouvait assez admirer; l'esprit fort enjoué et badin.»</p> - -<p class="pnote">Page 438, ligne 25: Pour en arracher cette détermination.</p> - -<p>Condé, par le moyen de ses liaisons avec l'Espagne, avait obtenu, -au moyen d'une rançon, la liberté du duc de Guise, fait prisonnier -par les Espagnol, lors de son expédition contre le royaume de Naples; -mais en arrivant à Paris le duc de Guise se déclara pour le -roi, et siégea dans la séance où la déclaration royale qui proscrivait -Condé fut enregistrée. Le duc de Rohan aussi accepta l'amnistie, et -ne suivit pas Condé.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_445"> 445</a></span></p> - -<p class="pnote">Page 439, ligne 24: Depuis qu'il n'était plus obligé de la disputer à Nemours.</p> - -<p>Lorsque Condé, par une habile manœuvre, eut enfermé l'armée de -Turenne entre la sienne et celle du duc de Lorraine, il fut saisi d'une -fièvre qui lui dura quelques jours, et l'empêcha de profiter des succès -de ses combinaisons. Guy-Joly dit, dans ses Mémoires, que cette -indisposition de M. le Prince fut causée par une comédienne dont il -s'était trop approché. Ce qui me semble prouver, comme je l'ai dit, -que Condé bien avant son départ de Paris était fort refroidi à l'égard -de la duchesse de Châtillon.</p> - -<p class="pnote">Pages 441, lignes 1 et 2: De femmes qui dans le vice conservassent moins de respect pour la vertu.</p> - -<p>Sauval donne encore pour amants à la duchesse de Châtillon, Bouchu, -intendant de Bourgogne, et Cambiac, auquel il donne le titre -de chanoine d'Alby et de Montauban. Mais Sauval, mal instruit des -choses de la cour, a écrit longtemps après les événements. Pour tous -ces petits faits scandaleux, qui ont de l'importance par leur influence -sur les grands événements, il faut consulter les Mémoires des personnes -qui ont connu les personnages mêmes auxquels ces anecdotes -sont relatives. Les Mémoires de Montpensier, de Motteville, et surtout -ceux de Bussy, sont les meilleures sources et les plus authentiques.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXXII.</p> - -<p class="pnote">Page 446, ligne 17: Telles étaient les dispositions où se trouvait Balzac.</p> - -<p>Jean-Louis Guez, seigneur de Balzac, naquit en 1594 et mourut -en 1655. Employé d'abord à Rome sous le cardinal de la Valette, il -avait été fait conseiller d'État.</p> - -<p class="pnote">Page 448, lignes 20 et 27: Le suivirent à Nantes.</p> - -<p>Salmonet était d'avis que le cardinal de Retz s'évadât; et s'il avait -suivi ce conseil et qu'il eût cessé d'intriguer avec ceux du parti de -Condé, il se serait encore arrangé avec la cour, tant la possession -de l'archevêché de Paris et son union avec le clergé de cette ville -le rendaient puissant, et exigeaient de ménagements de la part de -l'autorité.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_446"> 446</a></span></p> - -<p class="pnote">Page 451, lignes 17 et 18: Après ce piquant écrit: <i>Vita Mamurræ</i>.</p> - -<p>La <i>Vita Gargillii Mamurræ</i> fut composée en 1636, et imprimée -en 1643 par Adrien de Valois, dans un recueil de pièces contre Montmaur, -t. I, p. 23. L'Anti-Gomorrhe, t. I, p. 44, de Sallengre, est de -Charles Vion. Sallengre cite des mots de Montmaur très-spirituels. -La <i>Vita Mamurræ</i> est dédiée à un nommé Ferramus, avocat; il -était de Boulogne.</p> - -<p class="pnote">Page 452, ligne dernière du texte: Dans cette première édition des poésies de Ménage.</p> - -<p>Ménage, à la cinquième édition, ajouta à l'idylle d'Alexis les deux -vers suivants, p. 146:</p> - -<p class="quote">Digne objet de mes vœux, à qui tous les mortels<br /> -Partout, à mon exemple, élèvent des autels.</p> - -<p>Et dans la septième, à ces mots: <i>à la tendre amitié</i>, il substitua: -<i>aux lois de l'amitié</i>; et à ceux-ci: <i>et dont l'âme insensible</i>,—<i>et -toujours insensible</i>.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXXIII.</p> - -<p class="pnote">Page 456, ligne 1<sup>re</sup> du texte: Le marquis de Tonquedec était...</p> - -<p>Conrart rapporte les deux versions qui coururent dans le public -sur cette première rencontre de Tonquedec et de Rohan: la version -de Rohan et celle de madame de Sévigné (p. 91). Celle de madame de -Sévigné mérite le plus de confiance, et est aussi la plus vraisemblable.</p> - -<p class="pnote">Page 459, lignes 22 et 23: Et Loret même en avait parlé dans sa gazette.</p> - -<p>Loret, dans sa <i>Muse historique</i>, annonce ainsi cette affaire.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Rohan, dont le cœur et la mine</p> -<p>L'ont fait parvenir à l'hermine,</p> -<p>Et le marquis de Tonquedec,</p> -<p>Quoique dans un lieu de respec,</p> -<p>Savoir, chez Sevigny la belle,</p> -<p>Eurent entre eux grosse querelle, etc.</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_447"> 447</a></span></p> - -<p class="pnote">Page 461, ligne 25: Le duc de Rohan mourut.</p> - -<p>Loret a donné la date précise de la mort du duc de Rohan, dans -sa gazette datée du 6 mars, lorsqu'il dit:</p> - -<p class="quote">Ce fut depuis sept jours en çà<br /> -Que le noble duc trépassa, etc.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXXIV.</p> - -<p class="pnote">Page 464, ligne 1<sup>re</sup>: Scarron se maria.</p> - -<p>L'époque du mariage de Scarron avec Françoise d'Aubigné (depuis -madame de Maintenon) se trouve exactement déterminée par la gazette -de Loret; cependant presque tous les auteurs qui ont écrit sur -elle ou sur Scarron l'ont ignorée, ou, ce qui est pire, lui ont assigné -une fausse date. M. Monmerqué, si curieux et si exact dans ses -recherches, ne donne point la date de ce mariage dans l'article -<i>Maintenon</i>, dont il a enrichi la <i>Biographie Universelle</i>. Madame -Suard et Dreux du Radier placent ce mariage en 1650, deux ans avant -sa véritable date. Madame Guizot le met en 1651, probablement sur -l'autorité de La Beaumelle, qui même va jusqu'à désigner en marge le -mois d'avril; mais la date de l'année comme celle du mois sont également -fausses. Segrais, par ses contradictions, est la première cause -de ces erreurs; dans une page de ses <i>Souvenirs</i>, il dit que Scarron -se maria en 1650 (voyez page 100), et dans une autre, p. 105, en -1651. Les auteurs subséquents ont pris à peu près au hasard l'une ou -l'antre date, sans se douter qu'ils ne choisissaient qu'entre deux -erreurs. Cependant, longtemps avant moi, les frères Parfaict, dans -leur <i>Histoire du Théâtre français</i>, avaient, d'après la gazette de -Loret, donné la véritable date. M. Fabien Pillet, dans l'article <i>Scarron</i>, -de la <i>Biographie Universelle</i>, a bien dit que ce mariage eut lieu -en 1652, mais sans aucune discussion, et sans détermination plus -précise. C'est dans sa lettre 52, du 31 décembre 1651 (liv. II, p. 179), -que Loret parle du projet de Scarron de se transporter en Amérique -avec la sœur Céleste (mademoiselle de Palaiseau), quand le printemps -sera venu; nulle mention alors que Scarron eût pris femme: c'est -dans la lettre 22 du 9 Juin 1652 (liv. III, p. 77) que Loret parle du -mariage récent de Scarron, et de son procès avec sa belle-mère.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Monsieur Scarron, esprit insigne...,</p> -<p>Avait un procès d'importance,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_448"> 448</a></span></div> -<p>Lequel il a perdu tout net.</p> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<p>Car enfin ledit personnage</p> -<p>Ayant contracté mariage</p> -<p>Avec une épouse ou moitié,</p> -<p>Qu'il a prise par amitié,</p> -<p>Il était chargé, ce me semble,</p> -<p>De deux pesants fardeaux ensemble.</p> -</div></div> - -<p>C'est à l'imitation de Scarron que Loret écrivait sa gazette en style -burlesque. Il le regardait comme son maître et son modèle dans ce -genre d'écrire. Il professait pour lui la plus grande admiration. Il -donne place dans sa gazette aux plus petites choses qui le concernent. -Si donc ce mariage avait été antérieur de plus de quinze jours à -cette feuille du 9 juin, Loret n'aurait pas manqué d'en faire mention -dans les gazettes antérieures; il n'en dit rien: donc c'est entre la -gazette qui a précédé celle-ci et le 9 juin que ce mariage a eu lieu.</p> - -<p class="pnote">Page 463, note 2: <i>Lettre</i> à mademoiselle d'Aubigné.</p> - -<p>Cette curieuse lettre de Scarron est certainement adressée à mademoiselle -d'Aubigné, quoique son nom ne soit pas dans les éditions. -Les correspondances de Scarron, de madame de Maintenon, et de -Bussy, ont été imprimées avec une négligence qui les rend souvent -inintelligibles même aux plus instruits.</p> - -<p class="pnote">Page 464, lignes 7 et 8: Agée de seize ans et demi.</p> - -<p>Madame de Maintenon était née le 28 novembre 1635; elle avait -donc seize ans et demi lors de son mariage; son frère était plus jeune.</p> - -<p class="pnote">Page 465, lignes 6 et 7: Contemplez cet enfant qui se joue sur le rivage de Sicile.</p> - -<p>Des recherches récentes, dues à un savant Italien, sur l'origine de -la famille de Mazarin, ont constaté ces faits. Ils m'ont été communiqués -par M. Artaud de Montor, qui a résidé longtemps en -Italie, auquel nous devons la meilleure traduction et la meilleure -vie du Dante, et tant d'excellents ouvrages qui concernent l'Italie. -Saint-Simon, si curieux et si savant sur tout ce qui se rapporte -aux recherches généalogiques, avait en quelque sorte deviné -la naissance infime de Mazarin; car dans ses <i>Mémoires</i>, après -avoir parlé des nièces du cardinal, il dit: «Si les pères de ces -nièces n'étaient rien, leurs mères, sœurs du cardinal Mazarin, -<span class="pagenum"><a id="Page_449"> 449</a></span> -étaient, s'il se peut, encore moins. Jamais on n'a pu remonter plus -haut que le père de cette fameuse éminence, ni savoir où elle est -née, ni quoi que ce soit de sa première jeunesse. On sait seulement -qu'ils étaient de Sicile; on les a crus des manants de la vallée de Mazare, -qui avaient pris le nom de Mazarin, comme on voit à Paris des -gens qui se font appeler Champagne, Bourguignon. La mère du cardinal -était Buffalini. Son père mourut obscur à Rome, en 1654, âgé -de soixante-dix-huit ans. Cela n'y fit pas le moindre bruit. Les nouvelles -publiques de Rome eurent la malice d'y insérer ces mots: «Les -lettres de Paris nous apprennent que le seigneur Pietro Mazarini, père -du cardinal de ce nom, est mort en cette ville de Rome, etc.» (T. XI, -p. 190.) Loménie de Brienne, qui écrivait du vivant même de Mazarin, -et lorsqu'il était tout-puissant, ne savait rien non plus sur son -origine; il dit, t. II, p. 10: «Que le cardinal fût de Rome ou de -Mazara, qu'il fût né gentil-homme ou non, je laisse ces difficultés à -débrouiller aux généalogistes.»</p> - -<p class="pnote">Page 466, ligne 24: Au dur despotisme d'une parente avare.</p> - -<p>Cette parente était la comtesse de Neuillant, mère de madame la -duchesse de Navailles.</p> - -<p class="pnote">Page 466, lignes 26 et 27: On la croyait née en Amérique.</p> - -<p>Saint-Simon le croyait encore, et ignorait de qui elle était descendue. -La justice vient tard pour les personnages qui ont exercé un -grand pouvoir; tout ce que dit Saint-Simon sur madame de Maintenon -est l'expression de la haine et le résultat de la plus injuste partialité. -Il en est de même de ce qu'a dit <span class="small1">Madame</span> (mère du duc d'Orléans, -régent) dans sa correspondance. Il en est de même de presque -tous ceux qui ont écrit sur cette femme célèbre dans le temps de sa -faveur. Pendant tout le dix-huitième siècle les philosophes, à cause -de sa dévotion, lui ont attribué sur les affaires une influence qu'elle -n'avait pas, afin de pouvoir rejeter sur elle les malheurs publics et -les désastres des dernières années du règne de Louis XIV. Ce n'est -que de nos jours que l'on a commencé à la juger impartialement.</p> - -<p class="pnote">Page 467, lignes 17 et 18: Loret, en devisant sur ce prétendu voyage dans sa bavarde gazette.</p> - -<p>Dans la lettre 25, en date du 5 octobre 1652, liv. III, p. 139, -Loret dit: -<span class="pagenum"><a id="Page_450"> 450</a></span></p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Monsieur Scarron, auteur burlesque,</p> -<p>Fort aimé du comte de Fiesque,</p> -<p>Est parti de cette cité</p> -<p>Ayant sa femme à son côté,</p> -<p>Ou du moins en étant bien proche,</p> -<p>Lui dans une chaise, elle en coche,</p> -<p>Pour devers la ville de Tours</p> -<p>Aller attendre quelques jours</p> -<p>L'embarquement pour l'Amérique,</p> -<p>Où sa personne poétique</p> -<p>Espère trouver guérison.</p> -</div></div> - -<p>Puis, dans la lettre 45, en date du 9 novembre 1652, liv. III, -p. 154, c'est-à-dire un mois après la lettre précédente:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>J'avais dit, en juin ou juillet,</p> -<p>Que cet esprit rare et follet,</p> -<p>Admiré de tout galant homme,</p> -<p>Qui le petit Scarron se nomme,</p> -<p>Avait choisi par amitié</p> -<p>Une jeune et belle moitié.</p> -<p>J'ai dit, en une autre semaine,</p> -<p>Que vers les champs de la Touraine</p> -<p>Icelui s'était transporté</p> -<p>Ayant sa femme à son côté,</p> -<p>Avec intention formée</p> -<p>(Ce disait lors la Renommée)</p> -<p>D'attendre, sans y manquer,</p> -<p>La saison propre à s'embarquer,</p> -<p>Pour voguer en terre lointaine,</p> -<p>Que l'on appelle américaine,</p> -<p>En laquelle il prétend, dit-on,</p> -<p>Devoir rehausser son menton.</p> -<p>Or, j'ai maintenant à vous dire</p> -<p>Que cet auteur à faire rire,</p> -<p>Nonobstant son corps maladif,</p> -<p>Est devenu génératif;</p> -<p>Car un sien ami tient sans feinte</p> -<p>Que sadite épouse est enceinte</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_451"> 451</a></span></div> -<p>De trois ou quatre mois et plus.</p> -<p>Et puis dites qu'il est perclus!</p> -</div></div> - -<p>Madame de Maintenon écrivait, dans une de ses lettres à son frère: -«Vous savez que je n'ai jamais été mariée.»</p> - -<p class="pnote">Page 468, lignes 15 et 16: C'est elle-même qui a fait l'aveu de ce dernier motif comme d'une faiblesse...</p> - -<p>Dans le passage cité de La Beaumelle, elle dit: «J'en suis punie -aujourd'hui par l'excès de faveur; comme si Dieu m'eût dit, dans -sa colère: Tu veux de la gloire et des louanges: eh bien! tu en -auras jusqu'à en être rassasiée.»</p> - -<p class="pnote">Pages 468 et 469, lignes dernière et première: Les doutes qu'on a élevés sur madame Scarron au sujet du marquis de Villarceaux.</p> - -<p>Tallemant des Réaux, après avoir rapporté un voyage que madame -Scarron fit au château de Villarceaux avec Ninon, et l'amour que Villarceaux -avait pour madame Scarron, et les efforts qu'il fit pour la séduire, -termine ainsi: «On croit cependant qu'elle n'a pas franchi le pas.» -Scarron à l'endroit cité marque le commencement de sa liaison avec -Villarceaux, et ajoute: «Je vous en dirai demain davantage chez -mademoiselle de Lenclos, où je me ferai porter à l'heure du dîner.»</p> - -<p class="pnote">Page 469, ligne 21.</p> - -<p>La pièce de Scarron intitulée <i>Étrenne à mademoiselle de Lenclos</i> -est, suivant moi, du temps de la jeunesse de Scarron et de -Ninon. Voici le passage de Saint-Simon sur la liaison de madame -de Maintenon avec Ninon: «Elle (Ninon de Lenclos) avait été -amie intime de madame de Maintenon tout le temps que celle-ci -demeura à Paris. Madame de Maintenon n'aimait pas qu'on lui -parlât d'elle, mais elle n'osait la désavouer. Elle lui a écrit de temps -en temps jusqu'à sa mort avec amitié. Lenclos (car Ninon avait pris -ce nom depuis qu'elle eut quitté le métier de sa jeunesse longtemps -poussée) n'y était pas si réservée avec ses amis intimes; et quand -il lui est arrivé de s'intéresser fortement pour quelqu'un ou quelque -chose, ce qu'elle savait rendre rare et bien ménager, elle en -écrivait à madame de Maintenon, qui la servait efficacement et -avec promptitude; mais depuis sa grandeur elles ne se sont vues -que deux ou trois fois, et bien en secret.»</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_452"> 452</a></span></p> - -<p class="pnote">Page 472, ligne 14: Il propose des plans d'entreprise.</p> - -<p>Il s'agissait de créer des offices de <i>déchargeurs</i> pour les marchandises, -auxquels une compagnie aurait avancé des fonds pour payer les -droits, et faire rendre et décharger les marchandises dans les magasins, -aux frais, risques et périls des déchargeurs.</p> - -<p class="pnote">Page 473, ligne 7: Sa femme obtint une pension.</p> - -<p>La Beaumelle place en 1653 la pension de seize cents livres que -madame de Maintenon obtint par l'entremise de madame Fouquet.</p> - -<p class="pnote">Page 473, lignes 17 et 18: Qui chantaient les louanges de la belle Indienne.</p> - -<p>Voici quelques vers de la pièce de La Mesnardière, intitulée <i>la -Belle Indienne</i>, à la jeune, belle et spirituelle madame Scarron:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i3"><i>Galanterie.</i></p> -</div> -<div class="stanza"> -<p>Quant à moi, je me persuade</p> -<p>Que ce rare et plaisant malade,</p> -<p>Votre fameux et cher époux,</p> -<p>Se passera fort bien de vous.</p> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<p>Et pour lui faire voir, ma belle,</p> -<p>Combien votre approche est mortelle,</p> -<p>Je connais des gens à la cour</p> -<p>Qui, pour avoir vu certain jour</p> -<p>Seulement votre gorge nue,</p> -<p>En ont la fièvre continue.</p> -<p>Quel devrait être leur tourment,</p> -<p>S'ils vous voyaient à tout moment!</p> -</div></div> - -<p>Ceci prouve, au reste, qu'alors la mode pour les femmes était de -se découvrir le sein lorsqu'elles étaient habillées; mais ce n'est pas -sur ce ton que la Mesnardière louait les appas de la marquise de Rambouillet, -ou de sa fille, la duchesse de Montausier. Segrais rapporte -que Scarron avait un valet fort simple et fort benêt, auquel les jeunes -seigneurs qui venaient chez lui s'amusaient à demander si son -maître ne ferait pas bien un enfant à sa femme, parce qu'il répondait -toujours: «Oui-da, monsieur, s'il plaît à Dieu.»</p> - -<p class="pnote">Page 473, ligne 23: Qu'avant l'invention des sonnettes de renvoi.</p> - -<p>Saint-Simon dit aussi de l'abbé de Fleury, dans ses <i>Mémoires</i>, -<span class="pagenum"><a id="Page_453"> 453</a></span> -qu'il s'était rendu agréable dans plusieurs maisons, et qu'il suppléait -aux sonnettes avant leur invention.</p> - -<p class="pnote">Page 474, ligne 16: Nos recherches n'ont pu nous faire découvrir.</p> - -<p>J'ai cherché en vain l'époque de l'invention des sonnettes de renvoi -dans les ouvrages qui décrivent l'art de la serrurerie, dans le -grand Dictionnaire des Inventions. Elle n'est pas ancienne; et en -parcourant les gazettes publiques du commencement de la régence, -on doit pouvoir la déterminer facilement. Ceci m'a donné occasion -de remarquer plusieurs passages de Saint-Simon qui nous indiquent -les époques auxquelles il a écrit les différents volumes de ses <i>Mémoires</i>. -Né en janvier 1675, déjà en 1699, à l'âge de vingt-quatre ans, il les -avait commencés, puisque alors il consultait l'abbé de Rancé pour savoir -si en sûreté de conscience il pouvait se permettre de les continuer. -Ce qui concerne l'année 1714 a été écrit ou retouché postérieurement -à l'année 1732 (voy. t. XI, p. 371), puisque Saint-Simon cite dans cet -endroit ce que Du Halde lui a dit en 1732. L'année 1715 a été écrite -en septembre 1745 (voyez t. XII, p. 248); une autre portion de ces -<i>mémoires</i>, en 1746, c'est-à-dire plus de trente ans après l'événement. -Le discours préliminaire, ou l'introduction, est daté de juillet 1743; -c'est dans cette année ou dans l'année précédente qu'a été écrit le -XVIII<sup>e</sup> volume, qui concerne les années 1719 et 1721.</p> - -<p class="pnote">Page 474, deux dernières lignes: Qu'elle fit pleuvoir sur ses anciennes protectrices.</p> - -<p>On trouve dans les lettres de Scarron quelques détails curieux sur -les rapports de madame Scarron avec les grandes dames ses protectrices, -dont quelques-unes ont été depuis protégées par elle. Scarron, -t. I, p. 92, écrit au maréchal d'Albret: «Madame Scarron a été à -Saint-Mandé. Elle est fort satisfaite de la civilité de madame la surintendante -(madame Fouquet); et je la trouve si férue de ses attraits, -que j'ai peur qu'il ne s'y mêle quelque chose d'impur. Mais comme -elle ne va que quand ses amis la mènent, faute de carrosse, elle ne -peut lui faire sa cour aussi souvent qu'elle le souhaite.»—Il dit -encore au maréchal d'Albret: «Votre carrosse rendait ma petite -porte vénérable à tous les habitants de la rue Saint-Louis.»—Dans -sa lettre au duc d'Elbœuf, il se plaint que madame de Montchevreuil -lui a enlevé madame Scarron. -<span class="pagenum"><a id="Page_454"> 454</a></span></p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXXV.</p> - -<p class="pnote">Page 479, avant-dernière ligne: Dans le grenier d'une maison voisine.</p> - -<p>Le maître de la maison dans laquelle Marigny s'était retiré ne sut -que longtemps après qu'il avait donné refuge à un criminel d'État, -et les soins que sa servante lui avait rendus. C'est presque aussitôt -après s'être évadé de Paris, et au commencement de l'année 1655, -que Marigny écrivit de Bruxelles cette lettre à Gaston, qui depuis a -été imprimée, et où il lui parle de toutes les beautés que le prince -avait eu occasion de fréquenter autrefois pendant son séjour dans la -capitale de la Flandre. Cette lettre nous apprend que la comtesse -flamande qui envoya un médaillier à Gaston, dont parle mademoiselle -de Montpensier, mais qu'elle ne nomme pas, était la marquise de Lédé.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXXVI.</p> - -<p class="pnote">Page 488, ligne 19: Nulle femme n'a jamais su mieux qu'Anne d'Autriche tenir un cercle.</p> - -<p>Saint-Simon dit que Louis XIV, élevé dans les cercles brillants de -la reine sa mère, aurait voulu les faire revivre, mais qu'il ne put y -parvenir. Ces cercles finirent avec elle.</p> - -<p class="pnote">Page 490, ligne 24: Toutes les fois qu'on donnait <i>le Cid</i>.</p> - -<p>On représenta <i>le Cid</i> aux noces de mademoiselle de Schomberg, -et il eut alors un succès extraordinaire.</p> - -<p class="pnote">Page 492, lignes 16 et 17: Dans son château de Saint-Fargeau, qu'elle agrandissait.</p> - -<p>Ce fut Le Vau, architecte du roi, qui fit les nouvelles constructions -du château de Saint-Fargeau. <span class="small1">Mademoiselle</span> y dépensa plus -de 200,000 fr., valeur de cette époque (400,000 fr.). Elle avait avec -elle dans son exil la vieille comtesse de Fiesque, puis sa belle-fille la -comtesse de Fiesque la jeune, et madame de Frontenac. Elle eut de -fréquentes querelles avec ces deux dernières: elle n'en était guère -aimée, et leur rendait le change. La vieille madame de Fiesque -voulut introduire dans le château mademoiselle d'Outrelaise, qu'à -cette occasion Loret nomme la <i>divine</i>. Nous reviendrons sur cette -expression, et sur mademoiselle d'Outrelaise, lorsque madame de -Sévigné, qui fait mention d'elle, nous en fournira l'occasion.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_455"> 455</a></span></p> - -<p class="pnote">Page 492, ligne 19: Sa naine.</p> - -<p>Loret, dans sa gazette, annonce sa mort et fait son épitaphe. Il -dit qu'en la mettant dans une petite balance, avec sa robe, sa chemise -et sa coiffure, elle ne pesait pas plus qu'un louis d'or. Si le fait -était rigoureusement vrai, il resterait à déterminer quel était le -poids d'un louis d'or en 1653.</p> - -<p class="pnote">Page 492, ligne 20: Entretenait une troupe de comédiens.</p> - -<p>Nous avons dit qu'on ne donnait pas une grande fête, pas un -grand repas, sans le secours des comédiens. Ainsi lorsque le président -Tubœuf régala toute la cour dans son château de Ruel, qui avait -appartenu au cardinal de Richelieu, il fit représenter, avec des décorations -de Beaubrun, la pastorale d'<i>Amarillis</i>, qui avait eu tant de -succès l'année précédente. Beaubrun était un fameux peintre de portraits, -qui mourut en 1692, à quatre-vingt-huit ans. Loret a décrit le -repas donné au mois d'août à <span class="small1">Monsieur</span> par Mazarin, et où se trouvèrent -le roi, les deux reines, c'est-à-dire la reine mère et la reine -d'Angleterre, avec les princes ses fils, le prince et la princesse de -Galles, le duc d'York et le duc de Glocester, qui venait d'arriver; et -dans cette description le gazetier n'oublie pas de nous dire</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Qu'après les friands aliments</p> -<p>Vinrent les divertissements,</p> -<p>Savoir, d'excellentes musiques</p> -<p>Et de beaux spectacles comiques.</p> -</div></div> - -<p>Loret nous apprend que le service fut fait en argent ou porcelaine. -La porcelaine était donc alors en usage. Voyez Loret, liv. IV, p. 97, -et liv. V, p. 24.</p> - -<p>Loret, en décrivant le repas donné par le duc d'Arpajon, dit:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Tout y fut assez jovial,</p> -<p>Car la comédie et le bal</p> -<p>Qui suivirent cette abondance</p> -<p>Divertirent fort l'assistance.</p> -</div></div> - -<p>Et aussi, lors du festin pour les noces du marquis de Bade:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Enfin, après ce grand repas</p> -<p>Si semé de plats et d'appas,</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_456"> 456</a></span></div> -<p>On ouït quelque mélodie,</p> -<p>Et sur le soir la comédie.</p> -</div></div> - -<p>Voyez Loret, liv. V, p. 19, lettre en date du 7 janvier 1654, et -p. 24, lettre en date du 21 février 1654. Je pourrais multiplier ces -exemples.</p> - -<p class="pnote">Page 493, ligne 25: Et celui du Petit-Bourbon.</p> - -<p>Loret nous apprend ce fait dans sa gazette du 30 août 1653:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Une troupe de gens comiques</p> -<p>Venus des climats italiques,</p> -<p>Dimanche dernier, tout de bon,</p> -<p>Firent dans le Petit-Bourbon</p> -<p>L'ouverture de leur théâtre.</p> -</div></div> - -<p class="pnote">Page 494, ligne 19: Ayant pour titre <i>la Nuit</i>.</p> - -<p>La description de ce ballet de <i>la Nuit</i> fut imprimée chez Ballard; -mais il en existe une copie manuscrite in-folio à la bibliothèque de -l'institut, avec les dessins de tous les personnages revêtus de leurs -costumes, peints à l'aquarelle. Ces costumes étaient riches en couleurs, -chargés d'or et d'argent, de galons, et de paillettes brillantes, -bizarres et fantastiques.</p> - -<p>Je remarque que, dans la prolixe description qu'il a donnée de ce -ballet, Loret parle de Villequier (probablement le duc de Villequier) -qui distribuait des billets, et faisait placer tout le monde. La rue qui -passait devant le théâtre du Petit-Bourbon, et qui était une continuation -de la rue actuelle des Poulies, se nomme Villequier sur le -plan de Paris de Berey de 1654; et je crois que ce nom a échappé -à Jaillot, et à tous les laborieux scrutateurs des origines de Paris.</p> - -<p class="pnote">Page 496, lignes 12 et 13: La suite en fit voir de déplorables conséquences.</p> - -<p>Philippe de France ou <span class="small1">Monsieur</span>, frère de Louis XIV, naquit le 21 -septembre 1640; Louis XIV, le 5 septembre 1638. Les preuves abondent -sur les goûts dépravés de <span class="small1">Monsieur</span>, qui inspiraient à son frère -une juste aversion. Saint-Simon, à l'endroit cité, dit: «Le goût de -<span class="small1">Monsieur</span> n'était pas celui des femmes, et il ne s'en cachait pas.» A -ce ballet de <i>la Nuit</i>, le duc de Buckingham, fils de celui qui excita -si vivement la jalousie de Louis XIII par ses attentions pour Anne -d'Autriche, représenta le démon du feu. (Benserade, t. II, p. 57.)</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_457"> 457</a></span> -Je remarque dans les diverses descriptions de ce ballet que certains -objets de luxe étaient alors d'une cherté qu'on a peine à -concevoir aujourd'hui: ainsi Loret nous apprend qu'une orange de -Portugal coûtait cinq livres, c'est-à-dire dix livres de notre monnaie -actuelle. (Loret, liv. IV, p. 59.)</p> - -<p class="pnote">Page 497, lignes 11 et 12: Monsieur et madame de Montausier étaient occupés à solliciter.</p> - -<p>La marquise était venue à Paris la première, pour solliciter Mazarin. -Son mari ne vint l'y rejoindre qu'après la paix de Bordeaux, le -31 juillet.</p> - -<p class="pnote">Page 498, lignes 20 et 21: Ne sont pas toujours exemptes d'obscénités.</p> - -<p>Voyez, p. 74 de ce recueil de Sercy, une pièce intitulée <i>A une demoiselle -tourmentée de vents</i>, dont je ne puis rien citer. Cela se -dédiait à un aumônier du roi, et s'imprimait avec privilége du roi. -Le privilége est du 19 janvier 1653. Le livre fut achevé d'imprimer -le 24 mars de la même année.</p> - -<p class="pnote">Page 498, note 1: <i>Poésies choisies</i>, etc.</p> - -<p>C'est dans ce recueil de Sercy qu'on trouve aussi pour la première -fois imprimés les vers pour la Guirlande de Julie, et les épigrammes, -rondeaux et impromptus auxquels la dispute des sonnets de Job et -d'Uranie a donné lieu.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXXVII.</p> - -<p class="pnote">Page 505, note 1: <span class="small1">Corbinelli</span>, <i>Histoire de la maison de Gondi</i>.</p> - -<p>L'histoire généalogique de la maison de Gondi a été composée par -Corbinelli, en commun avec Ant. Pezay. La duchesse de Lesdiguières -en fit les frais. C'est un ouvrage magnifique, pour la beauté des portraits. -Des <i>Anciens Historiens réduits en Maximes</i>, il n'y a d'imprimé -que les extraits de Tacite.</p> - -<p class="pnote">Page 505, ligne 11: Il se logea dans le quartier du Marais du Temple.</p> - -<p>Saint-Simon nous apprend qu'au sujet des différents quartiers de -Paris, et des statues de nos rois qui s'y trouvaient, on disait: Henri IV -avec son peuple sur le Pont-Neuf, Louis XIII avec les gens de qualité -<span class="pagenum"><a id="Page_458"> 458</a></span> -à la place Royale, et Louis XIV avec les maltôtiers à la place des -Victoires. Sur quoi Saint-Simon ajoute: «Celle de Vendôme, faite -longtemps depuis, ne lui a guère donné meilleure compagnie.»</p> - -<p class="pnote">Page 506, ligne 3: Il l'acheta 270,000 livres.</p> - -<p>Bussy dit quatre-vingt-dix mille écus. C'était l'écu de 1641, qu'on -appelait louis blanc; mais alors le louis d'or ne valait que 12 f., ou -plutôt 11 f. 05. Voyez l'<i>Extrait de tous les Édits et déclarations sur -les Monnaies</i>, 1643, in-4<sup>o</sup>. Bussy, dans l'histoire qu'il adonnée de cette -charge de mestre de camp de la cavalerie légère, remonte jusqu'à sa -première formation, due à un seigneur albanais nommé George Castriol, -sous Charles VIII. Le prix de ces charges était énorme. Ainsi le -marquis de Soyecourt vendit 400,000 liv. (800,000 fr.) la charge de -maître de la garderobe au duc de Roquelaure, qui se maria ensuite à -la belle du Lude (Loret, <i>Muse historique</i>, liv. IV, p. 106 et 107). -Beringhen acheta le même prix de Saint-Simon (le père de l'auteur -des <i>Mémoires</i>), alors en disgrâce, la chaire de premier écuyer, et de -plus 20,000 fr. de pension sa vie durant. De tels prix ne pouvaient -provenir que des droits et priviléges lucratifs attachés à ces charges. Mais -ce qu'on a plus de peine à comprendre, c'est le haut revenu des gouverneurs -des petites places de guerre. Celle de Doullens une des moindres, -valait à son gouverneur vingt mille écus (120,000 fr. monnaie actuelle).</p> - -<p class="pnote">Page 507, ligne 26: La vicomtesse de Lisle.</p> - -<p>Cette madame de Lisle, dont parle Bussy, était probablement -belle-fille du comte de Lisle qui en 1654 servait sous Conti, à l'armée -de Catalogne. Voyez <i>Histoire de la Monarchie Françoise sous le -règne de Louis le Grand</i>, 1697, in-12, t. II, p. 66, 4<sup>e</sup> édit.</p> - -<p class="pnote">Page 513, ligne 1: Madame de Précy s'aperçut qu'elle était jouée.</p> - -<p>Dans les éditions de 1710 (p. 337), comme dans l'édition de 1754, le -récit de Bussy finit ainsi: «J'en avertis madame de Monglas, ce qui -fut cause qu'elles rompirent ensemble, et que dans la suite cette belle -eut toutes les raisons du monde de croire que j'avais véritablement -de l'amour pour elle.» Dans les deux éditions de Liége sans date, -page 69 de l'une, page 207 de l'autre, on lit pour cette fin: «Le -grand jour obligea la compagnie à se séparer, et la fin de cette histoire -mit fin à l'entretien des quatre illustres pénitents, qui après une -si belle préparation s'en retournèrent à Paris faire leurs pasques.» -<span class="pagenum"><a id="Page_459"> 459</a></span> -Au lieu de cette fin, qui est une dérision, on lit ce qui suit dans le -manuscrit de l'Institut: «Mais madame de Monglas, qui était prévenue -de ses artifices, lui battit froid là-dessus; et c'est là où finit cette -plaisante affaire, à cause que la fonction de ma charge m'obligea -d'aller à l'armée.»</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXXVIII.</p> - -<p class="pnote">Page 515, ligne 8: Le nombre de mariages.</p> - -<p>Les principaux mariages qui eurent lieu pendant cet hiver dans la -noblesse furent ceux du marquis de Bade et de la princesse de Savoie, -et du comte d'Orval. Le grand maître de l'artillerie donna un dîner au -roi; les religieuses même s'en mêlèrent. Il y eut un repas magnifique -donné à la reine par l'abbé de Saint-Antoine, qui coûta 3,130 écus, -ou environ 18,760 francs de notre monnaie actuelle.</p> - -<p class="pnote">Page 517, note 1: <i>Description particulière du grand ballet de</i> Pélée et Thétis, etc.</p> - -<p>Dans cet ouvrage les costumes de chaque rôle sont décrits; on -donne les noms de tous les acteurs, au nombre desquels étaient le roi -de France, le duc d'York, la princesse d'Angleterre. Les figures de -l'exemplaire qui est à la bibliothèque de l'Institut sont sur papier, -mais peintes ou enluminées, et collées sur vélin. Le roi (Louis XIV) s'y -trouve avec son costume d'Apollon. Ainsi que je l'ai déjà dit, ces -costumes n'ont rien d'antique; ils sont bizarres, de mauvais goût, -seulement éclatants par la richesse.</p> - -<p>Le ballet de <i>Pelée et Thétis</i> fut joué alors, pour la dernière fois, -en mai 1654. Cependant ce goût des ballets dura longtemps: dans -un beau tableau de Mignard, que nous possédons, madame de Thianges -est représentée en Thétis, tenant par la main le duc du Maine, âgé -d'environ douze ans, costumé en guerrier, et figurant Achille adolescent. -Loret nous apprend que des particuliers, à l'exemple du roi, -firent jouer chez eux des ballets en action. Un sieur Maréchal fit représenter -chez lui un ballet intitulé <i>les Plaisirs de la Vie</i>.</p> - -<p class="pnote">Page 518, ligne 8: Par les révélations de La Porte.</p> - -<p>Voltaire a très-bien jugé ce fait, et bien apprécié la conduite de -La Porte. La haine contre le cardinal l'aveugla; il crut avoir trouvé -occasion de le perdre par la plus absurde des accusations. Mais La -Porte était de bonne foi dans cette accusation. -<span class="pagenum"><a id="Page_460"> 460</a></span></p> - -<p class="pnote">Page 518, ligne 24: Cette gentille Henriette.</p> - -<p>Louis XIV, à qui Henriette d'Angleterre plut peut-être trop par la -suite, ne l'aimait pas dans sa jeunesse; ou plutôt encore adolescent, -et dans la première effervescence des sens, l'instinct de la nature lui -faisait préférer les femmes formées à celles qui étaient à peine -sorties de l'enfance. En 1645, dans un bal où se trouvait la princesse -d'Angleterre, il se disposait à commencer la danse avec Olympe -Mancini: l'impétueuse Anne d'Autriche, qui était présente, devint -rouge de colère, arracha à son fils la nièce du cardinal, qu'il tenait à -la main, et le força d'aller prier la princesse d'Angleterre. Elle lui -fit sévèrement sentir qu'étant roi, c'était à lui, plus qu'à tout autre, -de donner l'exemple du respect et des honneurs dus au sang royal, -et que la jeunesse de la princesse, comme lui issue de Henri IV, et -sa parente, ne le dispensait pas de ce devoir. (Voir Motteville, -t. XXXIX, p. 367-368.)</p> - -<p class="pnote">Page 519, note 4: M<span class="small1">onmerque</span>.</p> - -<p>Le savant biographe donne sur ce sujet des détails curieux, et auparavant -inconnus. Il rapporte une épître de Godeau, évêque de -Vence, à Conrart, en date du 22 janvier 1655, qui prouve que la -première partie de <i>Clélie</i> a dû paraître en 1654. Cependant l'exemplaire -que j'ai vu porte pour cette première partie 1656. Est-ce un -titre renouvelé, ou une réimpression?</p> - -<p class="pnote">Page 520, ligne 21: La mort du marquis de La Vieuville.</p> - -<p>La Vieuville mourut le 2 janvier 1654.</p> - -<p class="pnote">Page 522, ligne 14: Ses châteaux de Vaux et de Saint-Mandé.</p> - -<p>La bibliothèque que Fouquet avait réunie à Saint-Mandé était une -des plus belles de l'Europe.</p> - -<p class="pnote">Page 523, ligne 25: De celle qu'il venait d'épouser.</p> - -<p>Turenne s'était marié en 1653, à Charlotte de Caumont, fille du -maréchal de La Force, riche héritière, qui mourut sans enfants.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXXIX.</p> - -<p class="pnote">Page 528, ligne 13: Ce nom de Saint-Nectaire.</p> - -<p>Dans la gazette de Loret il est parlé «du bonhomme Senetaire, -<span class="pagenum"><a id="Page_461"> 461</a></span> -raffiné courtisan, vieil ami de maint partisan.» Ainsi Bussy, Loret, -les Mémoires de madame de Motteville et ceux de Retz nous donnent -des exemples de la transformation successive de ce nom de Saint-Nectaire -en Senectaire, Senetaire, et Senneterre.</p> - -<p class="pnote">Page 533, lignes 3 et 4: «<i>Si l'on pouvait avoir de vos poulets, madame, on ne ferait pas tant de cas de vos lettres.</i>»</p> - -<p>Le mot <i>poulet</i> signifiant un billet galant n'est pas fort ancien; il -ne se trouve ni dans Nicot, ni dans Cotgrave. Il vient évidemment -de l'usage d'appeler amoureusement une jeune fille <i>poulette</i>. Du -temps de Voiture, qui s'est rendu célèbre par l'élégance de ses <i>poulets</i>, -ce mot était fort en usage. Il l'était encore lorsque Bussy écrivait -sa lettre à madame de Sévigné; mais, vingt-cinq ans après, -Richelet remarqua dans son Dictionnaire (1699, in-4<sup>o</sup>, t. II, p. 199) -que «le mot <i>poulet</i> en ce sens (de petite lettre d'amour ou galante) -n'est pas si en usage qu'il était autrefois.» Cependant l'Académie -Française n'a pas cessé dans toutes les éditions de son Dictionnaire, -depuis la première jusqu'à la dernière (1694-1835) de mettre le mot -<i>poulet</i> avec la signification donnée par Richelet, sans reproduire sa -remarque, qui n'a pas cessé d'être vraie.</p> - -<p class="pnote">Page 536, ligne 16: La marquise d'Uxelles lui plaisait plus par son esprit que par sa beauté.</p> - -<p>La lettre du 20 juin 1672 nous apprend que la marquise d'Uxelles -était devenue fort grasse, et qu'elle avait eu une intrigue avec le -fils du duc de Longueville. La lettre du 14 août 1676 prouve son -étroite intimité avec un nommé La Garde, dont le mariage la contrarie -si fortement.</p> - -<p class="pnote">Page 536, ligne 10: Déjà mariée en secondes noces.</p> - -<p>Anne-Élisabeth, comtesse de Lannoi, fut mariée en premières noces -à Henri-Roger du Plessis, comte de La Roche-Guyon. Elle fut mariée -en secondes noces au duc d'Elbeuf, le 7 mars 1648, et mourut à -vingt-huit ans, le 3 octobre 1654.</p> - -<p class="pnote">Page 537, lignes 6 et 7: Ne comptait pas une année de mariage.</p> - -<p>Il résulte des deux lettres citées de Loret que le mariage de la -duchesse de Roquelaure a eu lieu entre le 20 et le 26 septembre 1653. -Dans la première lettre de Loret il est parlé des fiançailles de la duchesse -<span class="pagenum"><a id="Page_462"> 462</a></span> -de Roquelaure, et nous y apprenons que le duc de Roquelaure -donne à sa fiancée douze bourses parfumées, contenant six mille -pièces d'or de onze livres dix sous chacune, faisant 69,000 livres -monnaie de cette époque, ou 138,000 fr. valeur actuelle.</p> - -<p class="pnote">Page 538, avant-dernière ligne: La cour entière fut attristée par sa mort.</p> - -<p>D'après la dernière lettre de Loret que nous citons, nous voyons -que cet accouchement, à la suite duquel mourut la duchesse de Roquelaure, -était au moins le second, et que le premier accouchement -avait été également difficile. Loret en annonçant cette mort de la -duchesse de Roquelaure,</p> - -<p class="quote">Plus fraîche et plus belle que Flore</p> - -<p>ajoute:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Quand au Louvre on sut le trépas</p> -<p>De cet objet rempli d'appas,</p> -<p>Une tristesse générale</p> -<p>S'empara de la cour royale;</p> -<p>Et les cœurs les plus généreux,</p> -<p>Qui sans doute étaient amoureux</p> -<p>De ses vertus et de ses charmes,</p> -<p>Versant abondance de larmes,</p> -<p>Firent bien voir que cette mort</p> -<p>Les touchait et les blessait fort.</p> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<p>O fleurs d'une aimable jeunesse,</p> -<p>Vous êtes charmantes et belles,</p> -<p>Mais vous n'êtes pas immortelles.</p> -</div></div> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_463"> 463</a></span></p> -<p class="extra"><span class="xlarge">DEUXIÈME PARTIE.</span><br /> -<span class="large">CHAPITRE I</span>.</p> -<hr class="tb" /> -</div> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_3">3</a>, ligne 13: Le 7 juin.</p> - -<p>Deux jours après, le jeune roi toucha les écrouelles.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_4">4</a>, ligne 17: Quand tout paraissait perdu, il sauva tout.</p> - -<p>Ce sont les expressions mêmes de la lettre de Philippe IV à Condé: -«Mi primo, he intendido toto estava perdido, V. A. ha conservado -toto.»</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_8">8</a>, ligne 2: Il s'était servi de l'abbé Fouquet.</p> - -<p>L'abbé Fouquet fut soupçonné d'avoir profité de la confiance que -lui accordait Mazarin, et des vilaines fonctions dont il l'avait chargé, -pour assouvir ses vengeances particulières. Un jour le gardien de -la Bastille témoignait son étonnement à la vue d'un lévrier qui se -trouvait dans la cour, et demandait pourquoi il était là: «C'est, lui -répondit un prisonnier, parce qu'il aura mordu le chien de l'abbé -Fouquet.»</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_8">8</a>, ligne 4: Ses intrigues avec les anciens frondeurs.</p> - -<p>Le président Le Coigneux, qui avait été un des plus violents dans -le parlement contre Mazarin, fut un des premiers corrompus.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_8">8</a>, lignes 10 et 11: Après la mort de son oncle.</p> - -<p>L'oncle du cardinal de Retz mourut le 21 mars 1654.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_9">9</a>, lignes 7 et 8: Dans le château de Nantes.</p> - -<p>Le cardinal de Retz sortit de Vincennes pour aller à Nantes, le -30 mars 1654.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_464"> 464</a></span></p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_11">11</a>, ligne 4: Il s'évada en plein jour.</p> - -<p>Retz se sauva de Nantes le samedi 8 août, à cinq heures du soir. Il -arriva à Belle-Isle le 14 août.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_12">12</a>, ligne 6: dans l'île Majorque.</p> - -<p>Retz pour traverser la Méditerranée s'embarqua au port de Vivaros -en octobre 1654.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_13">13</a>, ligne 2: Que pour venir à temps.</p> - -<p>Le cardinal de Retz fit son entrée dans Rome le 28 novembre 1654.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_13">13</a>, lignes 5 et 6: Un souverain pontife.</p> - -<p>Innocent X mourut le 7 janvier 1655.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_14">14</a>, ligne 22: Soit à Belle-Isle.</p> - -<p>Je pense que ce fut de Machecoul ou de Belle-Isle, et non d'Espagne, -comme le croit M. Monmerqué, que Retz écrivit à madame de Sévigné. -D'abord on doit supposer que Retz, dont l'honneur se trouvait -compromis par sa fuite, devait être empressé de faire parvenir au -maréchal les motifs qui pouvaient l'excuser. De plus, les <i>Mémoires de -Joly</i> prouvent (t. XLVII, p. 322) que Retz aborda à Belle-Isle le -vendredi 14 août, et en Espagne le 12 septembre (t. XLVII, p. 330). -La lettre de madame de Sévigné est du 1<sup>er</sup> octobre; par conséquent -celle de Retz a dû lui parvenir le 29 septembre au plus tard, puisqu'elle -dit l'avoir envoyée au maréchal le 30. Il est difficile de croire -qu'une lettre partie d'Espagne, pays avec lequel on était en guerre, -soit parvenue à Paris, et ensuite envoyée en Bretagne, et remise au -château des Rochers, où était madame de Sévigné, dans un espace -de quinze à seize jours, à une époque où les communications étaient -difficiles et lentes. Encore même, pour qu'il y ait quinze à seize jours -d'intervalle, faut-il supposer que la lettre de Retz a été écrite et -est partie d'Espagne le lendemain ou le surlendemain de son débarquement, -et que Ménage l'a transmise à madame de Sévigné le jour -même où il l'a reçue.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE II.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_18">18</a>, ligne 5 du texte: Et son vicaire Chassebras.</p> - -<p>La sentence du parlement qui bannit à perpétuité Chassebras, vicaire -de la Madeleine, est du 27 septembre 1652.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_465"> 465</a></span></p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_18">18</a>, ligne 8 du texte: Le retour du jeune roi dans sa capitale.</p> - -<p>Loret (livre VI, page 106) dit qu'il y avait cent six carrosses à -cette entrée.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_19">19</a>, ligne 7: D'une des demoiselles de Mortemart.</p> - -<p>Cette demoiselle de Mortemart, qui fut marquise de Thianges, était -la sœur de celle qui fut depuis connue sous le nom de duchesse de -Montespan.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_19">19</a>, ligne 9: Celui de Loménie de Brienne.</p> - -<p>Les fiançailles de Loménie de Brienne eurent lieu en décembre 1654, -et le mariage seulement en janvier 1656. Ces détails, qui nous sont -donnés par Loret, ont été ignorés par le spirituel éditeur des <i>Mémoires -de Loménie de Brienne</i>, qui parle de ce mariage sans en -donner la date.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_19">19</a>, ligne 12: Non-seulement le jeune monarque.</p> - -<p>Le roi et son frère furent de toutes les fêtes données par Mazarin, -par le duc d'Amville, par le chancelier Seguier. Le roi dansa dans le -ballet qui fut donné par le chancelier Seguier. Loret (liv. V, p. 77) -fait la description d'une magnifique fête donnée par Hesselin, dans -son palais d'Essone. Loret le nomme.</p> - -<p class="quote">Goinfre du plus haut étage,<br /> -Rare et galant personnage.</p> - -<p>Madame de La Sablière était une demoiselle Hesselin, et cet Hesselin -était peut-être son père.</p> - -<p>Je remarque que Loret, au milieu de ces descriptions de fêtes et -de divertissements, liv. VI, t. II, p. 159, dans la lettre en date du -16 octobre, fait mention d'une attaque de <i>cholera-morbus</i> dont fut -subitement attaqué un nommé Coquerel, directeur des carmélites, -pendant qu'il était à Marseille:</p> - -<p class="quote">Et quoique ce mal fût mortel,<br /> -Son bonheur cependant fut tel,</p> - -<p>qu'il en réchappa. Ainsi dès cette époque le <i>cholera-morbus</i> était -connu par son vrai nom et dès cette époque aussi il était considéré -comme mortel.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_466"> 466</a></span></p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_19">19</a>, ligne 16: Il y fit jouer trois nouveaux ballets.</p> - -<p>Louis XIV représentait dans le ballet des <i>Plaisirs</i> le génie de la -danse, un berger et un débauché; mais ce dernier rôle n'était introduit -que pour motiver des vers contre la débauche. (Benserade, -t. II, p. 117, 131, 137.) En février 1656, lors de la visite de la -princesse d'Orange, Mazarin donna à dîner à toute la famille royale, -et l'on entendit la fameuse La Barre et la signora Bergerota. Créqui -donna à dîner au frère du roi en février (Loret, t. VII, p. 32), et -Seguier à toute la famille royale (t. VII, p. 33 ). Mazarin donna une -fête au duc de Mantoue, le 18 septembre. Loret dit qu'il y eut cette -année</p> - -<p class="quote"><span class="i2"> <b>.....</b> </span>Plus de mille assemblées<br /> -En des maisons fort signalées.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_21">21</a>, lignes 7 et 8: Composèrent dès lors des tragédies latines.</p> - -<p>Loret, qui assistait à ces représentations, dit que ces pièces latines -furent écoutées par plus de sept mille auditeurs. Le naïf gazetier -avoue qu'il n'a jamais su le latin. Les jésuites commencèrent d'abord -par composer des pièces chrétiennes. On joua cette année, au collége -de Navarre, une tragédie intitulée <i>Sainte Julienne</i>. Loret nous apprend -que le jeune marquis de Bretoncelle joua admirablement le -rôle de l'impératrice, et que les jeunes d'Humières, La Vallière, Colbert, -Menardeau, Beauvais, s'attirèrent également les applaudissements -de la docte assemblée. Il y eut une autre tragédie latine, jouée -au collége de Clermont (aujourd'hui le collége Louis le Grand), sur -un plus vaste théâtre; mais le sujet en était national, et tiré de l'histoire -de la maison de Foix.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_23">23</a>, ligne 9: Le carrousel que le roi.</p> - -<p>Le roi avait pris pour devise, dans ce carrousel, un soleil avec ces -mots: <i>Ne più, ne pari</i>; c'est en langue italienne la fameuse devise -adoptée dans les médailles, un soleil avec ces mots: <i>Nec pluribus -impar</i>.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_28">28</a>, ligne 7: Jusqu'à Lésigny.</p> - -<p>Lésigny est dans le département de Seine-et-Marne, près Brie-sur-Yères.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_467"> 467</a></span></p> - -<p class="echap">CHAPITRE III.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_32">32</a>, ligne 26: La princesse de Condé, douairière.</p> - -<p>La princesse de Condé douairière mourut en 1650; le récit de sa -mort, dans madame de Motteville, est plein d'intérêt. On n'a pas assez -remarqué combien les <i>Mémoires de Madame de Motteville</i> font honneur -à son talent d'écrivain. Son style offre moins d'imagination que -celui de madame de Sévigné; mais il est plus pur, plus travaillé; -et c'est par cette raison peut-être qu'il a moins de charme. Elle dispose -admirablement toutes les parties d'un récit. Ce qui est plus rare -que son talent, c'est sa belle âme, son bon cœur, et son amour pour -la vérité. C'est ce qui a nui à sa réputation. Comment dans le siècle -où nous sommes, et dans celui qui l'a précédé, peut-on se résoudre -à admirer une femme qui avec beaucoup d'esprit est pieuse, ennemie -de la médisance, et qui se croit tenue de défendre la mémoire de sa -maîtresse auprès de la postérité, quoique cette maîtresse fût une -reine?</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_35">35</a>, ligne 3: Qui eussent été servies de tous.</p> - -<p>Lenet en servait une: c'était une fort jolie Anglaise, nommée mademoiselle -Gerbier. Bourdelot, médecin du prince de Condé, si connu -par ses relations avec la reine Christine et tous les beaux esprits de -son temps, était alors à Chantilly en même temps que Lenet, ainsi -qu'un certain abbé de Massé, aimable et brillant d'esprit.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_35">35</a>, ligne 6: La marquise de Gouville.</p> - -<p>Le nom de la marquise de Gouville était Lucie Cotentin de Tourville, -femme de Michel d'Argouges, marquis de Gouville.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE IV.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_40">40</a>, ligne 17: Ce fut Prudhomme.</p> - -<p>Chavagnac arrive à Paris avec le duc de Candale, et dit: «Nous -mîmes pied à terre chez Prudhomme, baigneur de réputation, où -arriva dans le moment le maréchal d'Albret, qui vint l'embrasser -[le duc de Candale], en lui disant qu'en quittant la botte il fallait -aussi quitter l'altesse.»</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_468"> 468</a></span></p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_40">40</a>, ligne 20: La Vienne devint par la suite...</p> - -<p>Le passage des <i>Mémoires de Saint-Simon</i>, relatif à La Vienne est -tronqué dans les œuvres de Saint-Simon données par Soulavie. Dans -les <i>Mémoires</i> Saint-Simon dit: «La Vienne avait passé sa vie avec -les plus grands seigneurs, et n'avait jamais pu apprendre le moins -du monde à vivre. C'était un gros homme noir, frais, de bonne -mine, qui gardait encore sa moustache comme le vieux Villars; -rustre, très-volontiers brutal; pair et compagnon avec tout le monde; -n'ayant d'impertinent que l'écorce; honnête homme, même bon -homme et serviable.»</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_42">42</a>, ligne 6: Datée de Paris le 19 juillet.</p> - -<p>Il n'y a que cinquante lieues de Paris à Landrecies, où était Bussy; -cependant cette lettre de madame de Sévigné, datée du 19 juillet, ne -parvint à Bussy que le 7 août, et fut par conséquent dix-sept jours en -route, tant le service des postes était alors lent et mal organisé.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_43">43</a>, ligne 2: Que son cousin s'était distingué à Landrecies.</p> - -<p>Monglat indique la prise de Landrecies au 14 juillet. Le même -raconte le revers qu'essuya Bussy, et comment il se laissa prendre ses -drapeaux. Sur cette déroute, voyez Bussy, <i>Mém.</i>, t. II, p. 37. La -tranchée devant Landrecies avait été ouverte du 26 au 27 du mois -précédent. «Le 29, dit l'auteur de la <i>Monarchie Françoise</i>, le sieur -de Bussy-Rabutin, mestre de camp général de la cavalerie, releva -la tranchée, et au signal de deux coups de canon il commença sur -la palissade un logement capable de contenir deux cents hommes, -après avoir chassé les ennemis de la contrescarpe.» Bussy se distingua -encore au siége de Condé le 10 août: voyez <i>les Fastes des -Rois de la maison d'Orléans et celle de Bourbon</i> (par le père du -Londel), 1697, in-8<sup>o</sup>, p. 195.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_46">46</a>, ligne 19: Une petite lettre en galopant.</p> - -<p>Les contre-vérités que renferme le commencement de cette lettre -sont prises au sérieux par M. G. de St.-G., éditeur des <i>Lettres de Madame -de Sévigné</i>, quoique le sens ironique fût fort clair, et explicitement -annoncé par Bussy lui-même, qui dans sa lettre du 13 août dit: -«J'ai bien ri en <i>lisant vos contre-vérités</i>.» Bussy, <i>Mém.</i>, t. II, p. 32.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_469"> 469</a></span></p> -<p class="echap">CHAPITRE V.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_50">50</a>, ligne 26: Il séduisit la femme de chambre.</p> - -<p>Dans le grand nombre de passages des Mémoires du temps où le -nom de Bartet se trouve, il est souvent défiguré, par la faute des imprimeurs -ou copistes, qui mettent Barlet ou Baret. Le conseiller au -parlement de Navarre chez lequel était la femme de chambre qu'épousa -Bartet se nommait Giraud.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_53">53</a>, ligne 7: Candale avait rendu de grands services.</p> - -<p>Certaines aventures du duc de Candale sont d'une nature si extraordinaire -et si tragique, qu'elles pourraient fournir la matière de plusieurs -romans. Un jour il court à franc étrier de Paris à Bordeaux, -pour aller joindre une maîtresse qui l'attendait; il arrive à sa maison; -il monte précipitamment les escaliers, trouve toutes les portes ouvertes, -se précipite dans sa chambre, préoccupé du plaisir qu'il va éprouver -en la serrant sur son sein. Là, il est frappé à la vue du cadavre -de celle qu'il aimait, posé sur un drap mortuaire, entouré de six -cierges, sur lequel se penchaient deux chirurgiens, qui considéraient -avec attention les entrailles déjà séparées du corps, tandis que la tête, -ensanglantée et défigurée, était d'un autre côté. Deux religieux étaient -auprès, et récitaient des prières. (Voyez Chavagnac, <i>Mém.</i>, t. I, -p. 210.) Le portrait que Saint-Évremond nous a laissé du duc de Candale -est un des meilleurs morceaux de ce spirituel écrivain. Sur ses -amours avec madame d'Olonne, on peut consulter Bussy. Madame de -Saint-Loup avait été sa première maîtresse. Il a terminé sa carrière -galante par une intrigue avec la marquise de Gange, objet d'un attentat -qui surpasse ce que les romanciers ont inventé de plus atroce.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_54">54</a>, ligne 4: Bartet n'obtint aucune réparation.</p> - -<p>Bartet avait été disgracié, et vécut trente ans exilé; mais Louis XIV, -sollicité par Villeroi, lui permit de reparaître à la cour. Voyez <i>Dangeau</i>, -sous la date du 16 janvier 1690, t. II, p. 251, édit. de Paul Lacroix, -1830, in-8<sup>o</sup>. Bartet mourut à Neufville, près de Lyon, en 1707, âgé de -plus de cent ans. Voyez <span class="small1">Conrart</span>, <i>Mém.</i>, p. 270, note de M. Monmerqué, -qui cite les <i>Mémoires de</i> <span class="small1">Choisy</span>, t. II, p. 205; Utrecht, 1727.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_470"> 470</a></span></p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_55">55</a>, ligne 7: Sa femme se fit connaître par des désordres honteux.</p> - -<p>La femme de Bautru (Nicolas I<sup>er</sup>) se nommait Marie Coulon. Le -valet avec lequel fut surprise cette comtesse de Bautru fut condamné -à être pendu; la peine fut commuée. Marie Coulon n'aimait pas qu'on -l'appelât Bautru, mais Nogent, parce qu'Anne d'Autriche prononçait -le premier nom à la manière espagnole ou italienne. Nicolas Bautru -mourut à soixante dix-sept ans. Il disait souvent que si les Bautru -étaient c...., ils n'étaient pas <i>sots</i>, jouant ainsi sur l'ancienne et -double signification de ce dernier mot. Il ne faut pas confondre -Marie Coulon avec Marthe Bigot, femme de Guillaume Bautru, frère -de Nicolas I<sup>er</sup>.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_55">55</a>, lig. 21: Madame de Roquelaure est revenue tellement belle.</p> - -<p><span class="small1">Mademoiselle</span>, dans ses Mémoires, dit, en parlant des personnes -qui vinrent la voir à Juvisy: «J'y vis aussi madame de Roquelaure, dont -la beauté faisait grand bruit: assurément c'était une belle créature.»</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_57">57</a>, ligne 1: Qu'il eut avec mademoiselle de Guerchy.</p> - -<p>Les noms sont en blanc dans les Mémoires de Chavagnac; mais -nous apprenons par eux que mademoiselle de Guerchy fut piquée -avec une épingle empoisonnée; qu'elle entra en convulsion dans le -moment, et mourut dans les douleurs les plus horribles. Au sujet du -nom de Montjeu, que portait Jeannin de Castille, je remarque dans -Loret, liv. V, p. 22, que dans sa lettre en date du 7 février 1654 -il est fait mention d'une certaine madame Mondejeu qui s'enfuit un -jour de chez son mari et se retira au couvent. Mondejeu est-il le -même nom que Montjeu, et est-il question dans cette anecdote de -Jeannin et de sa femme? Je le crois.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE VI.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_60">60</a>, ligne dernière: Protégea contre la main scrupuleuse d'un monarque.</p> - -<p>La circonstance des pincettes paraît avoir été inventée à plaisir. -Elle ne se trouve pas dans le premier passage cité de Sauval, mais -dans l'autre du même volume; et elle est reproduite en outre dans -une estampe, aussi ridicule que le conte. L'abbé de Bois-Robert a -<span class="pagenum"><a id="Page_471"> 471</a></span> -fait des vers à la louange de la gorge de madame de Schomberg, au -sujet d'une perle tombée dans son sein.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_61">61</a>, ligne 7: La confidente la plus intime.</p> - -<p>La pièce de Scarron intitulée <i>Étrennes</i> doit dater du temps de -la jeunesse de l'auteur, et est de l'époque de l'amour de Louis XIII -pour mademoiselle de Hautefort. Elle commence ainsi:</p> - -<p class="quote">Visible déité d'un monarque amoureux.</p> - -<p>Elle est d'un style tout différent de celui qui est ordinaire à l'auteur. -Il est probable que ce n'est que plus tard, et pour se distraire de ses -infirmités, que Scarron adopta le burlesque, où il eut tant de succès.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_61">61</a>, ligne 20: Chemerault, autre dame de la reine.</p> - -<p>La Porte dit que les lettres de Chemerault au cardinal de Richelieu -relatives à son espionnage auprès de mademoiselle de Hautefort -sont au nombre de dix-sept, et qu'elles furent imprimées pendant -les troubles de la Fronde. Je suis informé qu'il existe une vie manuscrite -de madame la maréchale de Schomberg, et des lettres du -maréchal à la suite de celles de son père, à la Bibliothèque royale.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_63">63</a>, ligne 27: Qu'elle ne se fît religieuse.</p> - -<p>C'est à cause de sa dévotion que Scarron la nomme souvent dans -ses vers sainte Hautefort, et qu'il lui dit Votre Sainteté.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_64">64</a>, lignes 3: Elle épousa en 1646.</p> - -<p>Mademoiselle de Hautefort, qu'on appelait madame de Hautefort -parce qu'elle était dame d'atour, avait été exilée avec sa sœur mademoiselle -d'Escars en 1644.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_64">64</a>, note 118: Scarron, <i>épithalame</i>.</p> - -<p>Scarron dit du maréchal de Schomberg, dans cet épithalame:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Il a l'âme savante et bonne</p> -<p>Autant qu'un docteur de Sorbonne,</p> -<p>L'esprit à son courage égal,</p> -<p>Adroit à pied comme à cheval,</p> -<p>Faisant toute chose sans peine,</p> -<p>Où les autres perdent haleine.</p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_472"> 472</a></span></div> -<p>S'il chante, les plus entendus</p> -<p>Au métier en sont confondus;</p> -<p>S'il danse, c'est la même chose.</p> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<p>Mais dans la paix, s'il est aimable,</p> -<p>Dans la guerre il est effroyable. (P. 254)</p> -</div></div> - -<p>Remarquons que le mot <i>effroyable</i> est employé ici dans le sens -de ce qui cause et produit l'effroi, dans le sens direct et favorable, -et non dans le sens réfléchi et défavorable; et à cet égard je dirai -aussi que le mot <i>pitoyable</i> appliqué à quelqu'un ne signifiait pas autrefois -celui ou celle qui inspire la pitié, mais une personne susceptible -de pitié, capable de se laisser fléchir. Jean-Jacques Rousseau, -dans sa <i>Nouvelle Héloïse</i>, a encore employé ce mot dans ce sens.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_66">66</a>, ligne 5: La file des carrosses s'étendait.</p> - -<p>On y voyait, dit Loret,</p> - -<p class="quote">Plusieurs gens de mérite exquis,<br /> -Des ducs, des comtes, des marquis.</p> - -<p>Puis parmi les femmes il cite la duchesse de Liancourt, connue par -sa vertu et sa dévotion; la maréchale de La Mothe, la duchesse de -Roquelaure, la duchesse de Choiseul-Praslin, madame Desmarest, accompagnée -de sa fille, une des plus jolies personnes de cette époque; -madame de Toussy, madame de Bonnelle. Le maréchal de Schomberg -et sa femme allèrent loger à l'hôtel de Liancourt ou de La Rochefoucauld, -rue de Seine (détruit de nos jours pour construire la rue -des Beaux-Arts). La date de l'arrivée du duc et de la duchesse de Schomberg -à Paris n'est pas celle de la lettre de Loret; car il est dit p. 64:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Ledit Schomberg et son épouse,</p> -<p>Depuis des jours environ douze,</p> -<p>Sont dans l'hôtel de Liancour.</p> -</div></div> - -<p>Ainsi la lettre de Loret étant du 22 avril, il en résulterait que le -maréchal de Schomberg et sa femme entrèrent dans Paris le 10 avril, -qui est le jour de la mort de madame de La Flotte.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_473"> 473</a></span></p> -<p class="echap">CHAPITRE VII.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_69">69</a>, ligne première: Elle fut donc témoin de toutes les fêtes.</p> - -<p>Le duc de Gramont donna cette année une fête splendide. La reine -elle-même donna un ballet, à la suite d'un repas, veille des Rois, où la -fève échut au duc d'Amville. Les représentations du ballet de <i>Psyché</i> -se continuèrent. Il y eut chez le cardinal de Mazarin un bal masqué, ou -les Trivelin et les Scaramouche amusèrent l'assemblée; puis un concert, -où chantèrent Baptiste, La Barre, Saint-Hilaire, la signora Bergerota, -le délicieux Sarcamanan. Ce furent les mêmes virtuoses qui -chantèrent Ténèbres aux Feuillants, pendant l'interruption de tous les -plaisirs. Le chancelier Seguier donna un bal masqué, où le roi dansa.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_69">69</a>, ligne 18: Le théâtre et les concerts publics.</p> - -<p>Une petite comédie intitulée <i>Intrigue d'amour</i>, d'un nommé Lambert, -qui a échappé aux recherches exactes et minutieuses des auteurs -de l'<i>Histoire du Théâtre françois</i>, charma aussi le public de cette -époque. (Voyez Loret, liv. VII, p. 198, lettre en date du 16 décembre.)</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_70">70</a>, ligne 7: Les mariages.</p> - -<p>Parmi les mariages notables que l'on vit cette année furent ceux du -marquis de La Luzerne avec la fille d'un fameux financier, nommé -Picard; du prince d'Harcourt avec mademoiselle de Bouillon, nièce de -Turenne; celui de Soyecourt avec la fille du président de Maisons; du -marquis de Rambures avec mademoiselle de Nogent; du marquis de -Vardes avec mademoiselle de Nicolaï (pauvre duchesse de Roquelaure!); -de Bignon avec mademoiselle de Pontchartrain. Parmi les -exilés qui furent rappelés, on remarqua le père George, capucin, ce -fameux prédicateur de la Fronde. Mademoiselle de Montpensier -(t. XLII, p. 37) fait mention des demoiselles d'Harcourt, privées de -leur mère. Alphonse-Henri-Charles de Lorraine, comte d'Harcourt, fut -marié, le 2 février 1667, à mademoiselle de Brancas. Voyez <i>Sévigné</i> -(<i>Lettre</i> en date du 23 mai 1667), t. I, p. 163, édit. de G. de S.-G.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_72">72</a>, ligne première: Le marquis de La Trousse.</p> - -<p>Le nom du marquis de La Trousse était Philippe-Auguste Le Hardi. -<span class="pagenum"><a id="Page_474"> 474</a></span> -La terre de La Trousse en Brie avait été érigée en marquisat sous -son père, par lettres patentes de 1605 (Monmerqué).</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_72">72</a>, ligne 14: Devant Capelle.</p> - -<p>La Prise de Capelle eut lieu le 18 août.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_73">73</a>, ligne 14: Bussy quitta l'armée le 2 novembre.</p> - -<p>Bussy, à son passage à Paris, put assister au nouveau ballet royal -qui fut donné le 18 novembre.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_73">73</a>, ligne 20: Après le départ du duc de Modène.</p> - -<p>Aidé des troupes françaises commandées par le duc de Mercœur, -le duc de Modène s'empara de Valenza le 6 septembre, ce qui contribua -à augmenter en Italie la considération de la France. Monglat, -t. LI, p. 19.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_81">81</a>, ligne 17: L'intrigueuse vient là.</p> - -<p>On ne dit plus aujourd'hui intrigueur et intrigueuse, mais intrigant -et intrigante. A l'époque où Saint-Évremond écrivait on ne disait -ni l'un ni l'autre; c'était un mot forgé ou un mot nouveau, mais non -encore adopté, et qui ne le fut de longtemps. Dans le Dictionnaire de -Nicot, imprimé en 1666, on ne trouve ni intrigueur ni intrigant; il -en est de même dans le Dictionnaire de Richelet, imprimé en 1680; -mais on trouve l'un et l'autre de ces mots dans la première édition -du Dictionnaire de l'Académie Française, qui remarque qu'intrigueuse -est plus souvent employé qu'intrigueur; et c'est ce féminin, dont la -désinence en <i>gueuse</i> était désagréable, qui aura déterminé à préférer -intrigante et intrigant.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE VIII.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_90">90</a>, ligne 4 du texte: Un mot qui manque à notre langue.</p> - -<p>Les mots <i>infans</i> et <i>puer</i>, que nous ne pouvons traduire que par -le seul mot enfant, exprimaient chez les Romains deux âges différents -de la vie.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_95">95</a>, note 154, ligne 3 de la note: M. de Bausset n'a pas bien connu.</p> - -<p>M. de Bausset, dans sa <i>Vie de Bossuet</i>, dit que cet homme illustre -<span class="pagenum"><a id="Page_475"> 475</a></span> -n'a commencé ses prédications à Paris que vers la fin de l'année de -1658, par le panégyrique de saint Joseph, ce qui est une erreur. Il -y a pareillement erreur de la part du dernier et savant éditeur des -œuvres de Bossuet, qui, entraîné peut-être par l'assertion de M. de -Bausset, a placé le panégyrique de sainte Thérèse à la date de l'année -1658. Il est antérieur d'un an. Les détails que nous n'avons pu -qu'indiquer, sur les premiers débuts de Bossuet dans la chaire évangélique -forment une véritable lacune dans l'histoire de M. de Bausset, -qui les a ignorés. Cette <i>Vie de Bossuet</i> est d'ailleurs un ouvrage -d'un grand mérite; et bien qu'elle n'ait pas eu le même succès -que la <i>Vie de Fénelon</i>, elle lui est, suivant nous, supérieure: elle -offrait plus de difficultés dans son exécution.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_100">100</a>, note 1: <i>Dissertation critique</i>.</p> - -<p>Ce livre fut achevé d'imprimer le 3 août 1697. Ainsi sur le titre il -faut lire M. DC. XCVIII au lieu de M. DC. XVIII, qui est une faute -de l'imprimeur. On a réimprimé à la suite des éditions de <i>Madame -de Sévigné</i> cette dissertation, ainsi que celles de Dacier et de Dumarsais, -sur le même sujet.</p> - -<p class="pnote">Page 103, ligne 4: Mazarin lui fit une pension de mille livres.</p> - -<p>M. Weiss s'est trompé quand il a dit que Richelieu avait accordé -une pension de 1,000 francs à Beauchâteau. Cet anachronisme ne peut -être qu'une inadvertance du savant auteur. M. Weiss dit que cet -enfant célèbre naquit à Beauchâteau, le 8 mai 1645; j'ignore sur quelle -autorité Loret (liv. IX, p. 25, lettre en date du 16 février) ne lui -donne que onze ans lorsqu'en février 1658 il présenta lui-même son -recueil imprimé à l'Académie Française. C'est dans la lettre du 1<sup>er</sup> novembre -1659 (liv. X, p. 170) que Loret nous apprend qu'il était en -Espagne.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE IX.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_105">105</a>, ligne 3: Qui eurent lieu dans l'intervalle de quelques mois.</p> - -<p>La mort du duc de Chevreuse et celle du duc de Villars produisirent -peu de sensation, parce qu'ils étaient presque octogénaires. On -regretta peu la mort du maréchal de La Mothe-Houdancourt, qui -s'était montré pendant la Fronde d'une fidélité douteuse. Celle du duc -d'Elbœuf ne fut remarquée que par la magnificence de son enterrement. -<span class="pagenum"><a id="Page_476"> 476</a></span> -La duchesse de Bouillon était une femme d'un grand mérite, -mais dont on n'avait plus rien à espérer ni à craindre. La duchesse -de Mercœur se trouvait à l'extrémité dans le moment où le roi dansait -un ballet; et le lendemain on vint avertir qu'elle était morte. -Elle mourut le 8 février. La duchesse de Montbazon mourut à cinquante -ans, encore belle. De tous ces décès, celui qui occasionna le -plus de regrets fut celui de Pomponne de Bellièvre, premier président -du parlement de Paris; non que sous plusieurs rapports ce fût un -magistrat très-recommandable: il était paresseux et voluptueux, -adonné aux délices de la table; mais il était en même temps généreux, -hospitalier, bienfaisant, et jouissait avec magnificence de sa -fortune. Sa probité, son désintéressement, son patriotisme, la fermeté -avec laquelle il résistait au premier ministre, et le retard qu'il -apportait à l'enregistrement des édits qui créaient de nouveaux impôts, -l'avaient rendu cher au peuple et à sa compagnie. Mazarin fut -le seul satisfait de sa perte; mais celle de sa nièce la duchesse de -Mercœur, enlevée en quelques heures de maladie, lui fut très-sensible.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_105">105</a>, ligne 18: L'arrivée du duc de Mantoue.</p> - -<p>On ne fit pas un aussi bon accueil au duc de Mantoue qu'au duc -de Modène, parce que, par les séductions de sa femme, le premier -s'était laissé entraîner dans le parti de l'Espagne.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_106">106</a>, lignes 19 et 20: Le goût... pour les déguisements de femme.</p> - -<p>Dans le ballet nouveau de <i>l'Amour malade</i>, le jeune duc d'Amville, -déguisé en femme, joua le rôle d'une mariée. L'ancien ballet de <i>Psyché</i> -fut de nouveau représenté. (Loret, liv. VIII, p. 9, du 19 février.) -<span class="small1">Monsieur</span> donna un repas magnifique au roi et à la reine et au cardinal, -après lequel on joua la fameuse tragédie de Thomas Corneille, -intitulée <i>Timocrate</i>; une autre fois on fit jouer les vingt-quatre violons. -Le duc de Guise, à l'imitation du roi, fit représenter un ballet, -où il dansa avec Beauchamps. (Loret, liv. VIII, p. 29.) Mais le même -donna une fête plus magnifique et un repas de 200 couverts, lorsque -la princesse de Guise fut nommée abbesse de Montmartre. (Loret, 75.) -Pendant la campagne de cette année, le maréchal de La Ferté traita -dans son camp le roi et toute sa suite, avec la même magnificence, -avec la même recherche de mets qu'il aurait pu faire à Paris. Au retour -de cette campagne, Louis XIV parut masqué, avec toute sa cour, -<span class="pagenum"><a id="Page_477"> 477</a></span> -dans un bal magnifique, qui fut donné par le maréchal de L'Hôpital, -gouverneur de Paris. (Loret, liv. IX, p. 21, 9 février 1658.)</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_110">110</a>, ligne 6: Après une retraite de huit jours.</p> - -<p>Madame de Motteville n'indique pas la durée de la retraite du roi -à Vincennes; mais Loret, qui écrivait au moment même des événements, -dit qu'elle dura une semaine.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_110">110</a>, note 175: <span class="small1">Montpensier</span>.</p> - -<p>Il faut dans cet endroit des <i>Mémoires de</i> <span class="small1">Montpensier</span> substituer -La Mothe d'Argencourt à La Mothe-Houdancourt, qui est une faute de -copiste, ou une mauvaise correction d'éditeur. La même faute avait -été commise dans les <i>Mémoires de</i> <span class="small1">La Fare</span>, et a été rectifiée par M. de -Monmerqué, d'après l'autorité des manuscrits.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_112">112</a>, ligne 3: Mais un jour elle parut.</p> - -<p>Puisque Loret nomme encore mademoiselle d'Argencourt au nombre -des filles de la reine, dans sa lettre du 26 octobre, la scène de -bal dont parle madame de Motteville ne peut être postérieure à ce -mois. Le départ subit de la cour en septembre, qui n'était pas ordinaire, -annoncé par Loret, tenait peut-être à cette aventure: on -comprit qu'il fallait se presser d'aller négocier le mariage du roi.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_115">115</a>, ligne 21: Bontemps... fut chargé de la marier.</p> - -<p>Saint-Simon remarque que dans l'acte du mariage de cette fille de -Louis XIV il ne fut fait aucune mention de son père ni de sa mère. -Il dit aussi que Laqueue, ce gendre de Louis XIV, ne paraissait presque -jamais à la cour; quand il y paraissait, c'était, dit-il, comme un simple -officier, et le moins recueilli de la foule. Bontemps ne laissait pas de -lui donner de temps en temps de l'argent. (<i>Saint-Simon</i>, t. IV, p. 182.)</p> - -<p class="echap">CHAPITRE X.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_120">120</a>, ligne 2: Gaston et <span class="small1">Mademoiselle</span>.</p> - -<p>La lettre de Loret nous apprend que lorsque <span class="small1">Mademoiselle</span> revint -à Paris, en 1658, elle alla loger au Luxembourg. -<span class="pagenum"><a id="Page_478"> 478</a></span></p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_121">121</a>, notes 186 et 188: <i>Vie de la duchesse de Longueville</i>, édit. 1739.</p> - -<p>On sait que l'édition de Paris est intitulée <i>De la Vie de la duchesse -de Longueville</i>, et qu'on en a ôté tout ce qui pouvait avoir trait au -jansénisme.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_121">121</a>, ligne 18: Cependant il s'y résolut.</p> - -<p>Le duc de Beaufort ne revint en cour qu'en 1658.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_122">122</a>, lignes 24 et 25: La reine d'Angleterre... eut seule la permission d'y rester.</p> - -<p>Encore ne resta-t-elle point à la cour. Elle se rendit cette année -aux eaux de Bourbon.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_123">123</a>, ligne 11: Tandis que des plénipotentiaires français.</p> - -<p>Ce furent le duc de Gramont et de Lionne que Mazarin envoya -comme négociateurs à la diète de Francfort; mais il tenait lui seul -tous les fils de ses négociations, où il employait d'autres personnages -que ceux qui étaient accrédités. Ainsi un castrat nommé Atto, qu'il -avait fait venir d'Italie pour la musique, fut envoyé en Bavière, parce -qu'il le savait bien avec l'électrice. A une autre époque il envoya -son secrétaire particulier.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_123">123</a>, ligne 12: En Hollande.</p> - -<p>Ce fut de Thou qu'on envoya en Hollande, avec laquelle alors -on était en paix.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XI.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_131">131</a>, ligne 25: Puisque j'ose bien juger des ouvrages de Chapelain.</p> - -<p>Loret disait alors:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Le ciel, parmi tant de lumières,</p> -<p>N'a qu'un soleil qui luise à point;</p> -<p>La terre n'a qu'un Chapelain.</p> -</div></div> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_136">136</a>, lignes 23 et 24: Envoya Corbinelli à sa cousine.</p> - -<p>On voit par là que Grouvelle se trompe quand il dit que madame de -<span class="pagenum"><a id="Page_479"> 479</a></span> -Sévigné ne connut Corbinelli qu'en 1661. Leur liaison était bien antérieure. -Voyez la première partie de ces Mémoires, chapitre XXXVII, -page 503, et Grouvelle, <i>notice sur</i> <span class="small1">Corbinelli</span>, dans l'édition in-12 -des <i>Lettres de Madame de Sévigné</i>, t. I, p. <span class="small1">CXLVII</span>.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XII.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_146">146</a>, ligne 15: Par une nouvelle et délicieuse mélodie.</p> - -<p>Lambert, Boisset et Molière (c'est le musicien, et non l'auteur) -contribuèrent aussi à cette révolution musicale. On commençait à -introduire alors dans les orchestres un plus grand nombre d'instruments; -aux violons on joignit les flûtes, les clavecins, les guitares, -les téorbes, les luths. (Loret, liv. IX, p. 26-28.) Les cantatrices en -vogue, mesdemoiselles La Barre, Raymond et Hilaire, ajoutaient, -par la beauté et la puissance de leur voix, aux charmes de la nouvelle -musique.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_146">146</a>, ligne 18: C'est alors.</p> - -<p>Mazarin donna alors un grand repas, qui coûta, dit-on, 300,000 liv.; -somme qui ne surprendra pas quand on saura qu'il y eut à la suite de -ce repas une loterie. Loret a décrit avec beaucoup de prolixité dans sa -gazette le bal donné par <span class="small1">Mademoiselle</span> à la cour, ainsi que les fêtes -données par Fouquet, par Mazarin, par la duchesse de Lesdiguières, -par la maréchale de L'Hospital, par madame de La Bazinière.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_146">146</a>, lignes avant-dernière et dernière: Que les promenades au Cours, que la foire Saint-Germain.</p> - -<p>La foire Saint-Germain se tenait à la même place où l'on a construit -un marché qui porte aussi le nom du saint, et dans deux halles longues -de 130 pas, larges de cent, composées d'une charpente fort -exhaussée, divisées régulièrement en neuf rues, et partagées en vingt-quatre -îles bordées d'un nombre considérable de loges ou de boutiques, -enfermées dans un enclos où l'on entrait par sept portes. Cette -charpente fut brûlée en 1763. Il n'y avait pas alors à Paris ce luxe -de boutiques et de magasins qui depuis le siècle de Louis XIV, et -surtout dans ces dernières années, n'a cessé de s'accroître sans fin -et sans mesure; de sorte que l'ouverture de la foire Saint-Germain fut -pendant longtemps un événement pour les Parisiens. Elle avait lieu -<span class="pagenum"><a id="Page_480"> 480</a></span> -le 3 février. Cette foire se prolongeait jusqu'à la semaine sainte, et -souvent même au delà.</p> - -<p>De même, pour se rendre compte de l'attrait que pouvait avoir alors -la promenade du Cours, il faut se représenter l'état de Paris à cette -époque. Ses magnifiques boulevards n'existaient pas, ou plutôt Paris -avait de véritables boulevards, c'est-à-dire des fortifications flanquées -de bastions: toute la ville était entourée de remparts et de fossés profonds -qui servaient à sa défense, mais point aux promeneurs. Les rues -étaient étroites, resserrées; la place des Victoires, la place Vendôme -et la place Louis XV n'existaient pas. Le Luxembourg ou palais d'Orléans, -qui plus tard fut renfermé dans l'enceinte de Paris, était hors -de ses murs, et ses jardins n'étaient point publics: il en était de même -de ceux du palais Cardinal ou Palais-Royal. Les seules promenades -publiques qui existassent dans l'intérieur de la ville se réduisaient donc -à la place Royale (au Marais), au jardin du Temple, qui n'existe -plus aujourd'hui, et aux Tuileries. Mais le jardin des Tuileries, qui -fait aujourd'hui l'admiration de l'Europe, n'était pas tel, alors, que -Le Nostre et les accroissements successifs de la capitale l'ont fait -depuis. Subdivisé en une trentaine de plates-bandes ou de bosquets -(dont un formait un labyrinthe)<a id="FNanchor_A" href="#Footnote_A" class="fnanchor"> [A]</a>., tous égaux, séparés par des allées -étroites, il était beaucoup plus resserré qu'aujourd'hui. A l'extrémité -du massif d'arbres qui succède au parterre, l'espace découvert où est -le grand bassin était l'intérieur d'un bastion dont les terrasses latérales -étaient les faces, et dont la pointe se trouvait à l'endroit où est -actuellement l'entrée du jardin: là existait avant nos révolutions le -petit pont de bois qu'on nommait encore le pont tournant, quoiqu'il -ne tournât plus. Au delà, au lieu de cette magnifique place Louis XV, -de ces massifs d'arbres, de ces longues allées qu'on nomme les -Champs-Élysées, qui font suite au jardin des Tuileries et se prolongent -jusqu'à l'Arc de triomphe, on n'apercevait que des terres labourables, -nues, sans une seule plantation. Trois routes ou chemins coupaient -ces champs, et aboutissaient à deux portes de la ville, l'une à la -porte Saint-Honoré, près la place actuelle de la Madeleine; l'autre à la -porte de la Conférence, placée à l'extrémité actuelle de la terrasse des -Tuileries du côté de la Seine. (Voyez le plan de Paris de Berey, en quatre -feuilles). Après avoir gagné par une de ces deux portes, mais ordinairement -<span class="pagenum"><a id="Page_481"> 481</a></span> -par la dernière, le chemin qui bordait la rivière, on arrivait, -après un court trajet, à la promenade que l'on nommait le <i>Cours la -Reine</i>, parce qu'elle avait été faite par Marie de Médicis pendant sa -régence. Cette promenade se composait de trois allées d'arbres, longues -de six cents toises, entourées de fossés, et ayant aux deux extrémités -deux grands portails, qui se fermaient par des grilles en fer. L'allée -du milieu avait six à sept toises de largeur, et les deux autres la -moitié. Un vaste espace rond, de trente-cinq toises de diamètre, coupait -ces trois allées par le milieu. C'est dans cette promenade, qui ne -fut détruite qu'en 1723, que la cour au temps de madame de Sévigné -se rendait dans les beaux jours, en voiture et à cheval; c'était le bois -de Boulogne, le Hyde-Park de Londres de cette époque, si toutefois -ces deux promenades elles-mêmes, si brillantes au temps de ma jeunesse, -ne sont pas passées de mode. Sauval dit qu'au Cours on se rencontrait, -on se saluait, on se parlait, et que les hommes y avaient -presque toujours le chapeau bas. Il en était ainsi avant nos révolutions, -le jeudi, sur les boulevards du nord, où trois files de voitures -se promenaient lentement, pour que les dames qui étaient dedans -pussent s'entretenir avec les personnes de leur société, qui étaient à -pied et à cheval; là on se disait les nouvelles, là on se faisait des -invitations. Il n'était d'usage d'aller au bois de Boulogne que le dimanche, -et dans l'allée de Longchamps; et là, comme sur les boulevards, -les carrosses marchaient lentement ou s'arrêtaient, à cause des -nombreuses conversations particulières. Aujourd'hui cette manière -serait mortellement ennuyeuse; on a besoin de courir, comme des -gens qui s'enfuient et s'évitent.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_148">148</a>, lignes 21, 24, 25: Anne d'Autriche..... ne chercha point à mettre de digue à ce torrent de dissipation et de licence.</p> - -<p>Ce fut surtout au retour du voyage de la cour à Lyon, et dans -l'hiver de 1659, que le goût des mascarades se répandit. La reine -elle-même avait peine à se défendre du plaisir que causaient alors ces -sortes de divertissements. «On se déguise souvent, dit mademoiselle -de Montpensier; nous fîmes une mascarade la plus jolie du monde.» -Elle rapporte qu'elle et mademoiselle de Villeroi étaient habillées en -paysannes de la Bresse. «Mon corps, dit-elle, était lacé de perles et -attaché avec des diamants; il y en avait partout.» Le comte de -Guiche, le duc de Roquelaure, Puiguilhem (depuis le duc de Lauzun, -qui épousa <span class="small1">Mademoiselle</span>), et le marquis de Villeroi, étaient au nombre -<span class="pagenum"><a id="Page_482"> 482</a></span> - des bergers... Le roi et tous ceux qui l'accompagnaient étaient -déguisés en vieillards, et toutes les femmes de sa troupe en vieilles. -«La reine, ajoute <span class="small1">Mademoiselle</span>, nous trouva fort à sa fantaisie, ce -qui n'est pas peu. Nous allâmes à l'Arsenal, où le maréchal de la -Meilleraye donnait une grande assemblée.» Cette même mascarade -eut encore lieu un autre jour et de la même manière, parce que la -reine, à qui elle avait beaucoup plu, le désira. (Montpensier, <i>Mém.</i>, -t. XLII, p. 408.) <span class="small1">Mademoiselle</span> nous donne encore des détails curieux -sur la mascarade que firent le chevalier de Sillery, la comtesse d'Olonne -et le prince de Marsillac, alors son amant. Toute la troupe alla -s'habiller chez Gourville. Ces détails confirment tout ce que Bussy -a raconté, dans son <i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, sur ces personnages. -Le chevalier de Gramont, qui courtisait à la même époque la -comtesse d'Olonne, était outré que le prince de Marsillac eût mieux -réussi que lui; et comme ce dernier ne passait pas pour avoir beaucoup -d'esprit, Gramont avait coutume de dire que Marsillac, comme -un autre Samson, avait vaincu ses rivaux avec une mâchoire d'âne.</p> - -<p>Il y eut encore à cette époque une aventure qui fit rire tout Paris, -et qui prouve ce que nous avons avancé dans le texte au sujet des -mascarades. Un jeune page de <span class="small1">Mademoiselle</span>, remarquable par la -fraîcheur de son teint, la finesse de ses traits et sa figure féminine, -prenait plaisir à se promener déguisé en jeune fille, à écouter les discours -et les galanteries de ceux qui se méprenaient sur son sexe; -mais un jeune et riche bourgeois en devint sérieusement amoureux: -le page poussa les choses au point de se laisser emmener chez le -bourgeois; et au moment où celui-ci se croyait au comble de ses -vœux, le page se débat, s'échappe d'entre ses bras, s'enfuit, fait une -chute, et laisse apercevoir sous ses jupes, au bourgeois étonné, ses -vêtements de page. Ces scènes indécentes étaient le prélude de celles, -bien autrement coupables, de la jeunesse de l'abbé de Choisy. (Conférez -Montpensier, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 330; <i>ibid.</i>, p. 389; Loret, -<i>Muse historique</i>, lib. IX, p. 44, 6 juillet; <i>Vie de l'abbé de Choisy</i>, -l'<i>Histoire de la comtesse de Barre</i>, et une note de M. Monmerqué -dans son édition des <i>Lettres de Madame de Sévigné</i>, qui indique que -le manuscrit, beaucoup plus complet, de cette histoire existe à la bibliothèque -de l'Arsenal.) En 1658, le premier jour de carême, on vit une -troupe de masques déguisés en capucins et en capucines. Les prédicateurs -dénoncèrent en chaire cette impiété; la reine se fâcha, et -l'on sut que les coupables étaient l'abbé de Villarceaux, Ivry, ce mylord -<span class="pagenum"><a id="Page_483"> 483</a></span> -anglais amant de la duchesse de Châtillon, le comte d'Olonne et sa -femme, Jeannin, trésorier de l'épargne. (Loret, liv. IX, p. 31, -23 février, et p. 43, 16 mars 1658.)</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_149">149</a>, ligne 18: Ses Mémoires nous apprennent.</p> - -<p>«Les deux premiers jours, dit <span class="small1">Mademoiselle</span> (t. XLII, p. 308), -après le départ de la cour (en 1658), je m'ennuyai un peu, particulièrement -le temps où j'avais accoutumé d'aller au Louvre. J'en fus -bientôt désaccoutumée. J'allais tous les jours au Cours, je me promenais -deux ou trois fois à cheval. Mademoiselle de Villeroi y vint avec -moi, et Bonneuil, qui était retiré à Paris, et madame de Sévigné. Hors -elles, tout ce qui était accoutumé de se promener avec moi ne montait -pas à cheval.» (Conférez t. I, p. 292 de la collect. de Michaud.)</p> - -<p>Ce fut pour désennuyer <span class="small1">Mademoiselle</span> pendant son exil, que Segrais, -qui était son secrétaire, composa cette suite de petits romans -intitulée <i>Nouvelles françaises, ou les Divertissements de la princesse -Aurélie</i>, 1657, in-8<sup>o</sup>. Dans la première, intitulée <i>Eugénie</i> -(t. I, p. 41), un amant se déguise en femme de chambre pour s'introduire -près de sa maîtresse. C'est dans les Mémoires de <span class="small1">Mademoiselle</span> -que nous trouvons les détails les plus curieux sur l'influence -fâcheuse de ces sortes de déguisements relativement aux mœurs de -la cour, et surtout sur celles du jeune duc d'Anjou et de ses indignes -favoris, Guiche, Villequier, Manicamp, etc. (Voyez l'<i>Hist. am. des -Gaules</i>, 1754, t. I, p. 49, 52, 56, 62, 132; Montpensier, t. XLII, -p. 408.) Toute la vigilance d'Anne d'Autriche n'y put rien: peut-être -eût-il mieux valu qu'elle en eût eu moins, et que ce jeune prince -eût pu avoir à se défendre contre une séductrice moins âgée que la -princesse Palatine. Un tel début, des appas si flétris, n'étaient pas -propres à lui donner du goût pour le commerce des femmes.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_150">150</a>, ligne 9: Plusieurs mariages.</p> - -<p>C'est dans cette année que le prince de Marsillac épousa l'héritière -de Liancourt (Loret, liv. IX, p. 67, en date du 4 mai), et que -la fille de Servien fut mariée au marquis de Rosny (Loret, liv. IX, -p. 154, en date du 5 octobre).</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_155">155</a>, note 247, <i>lettre autographe de Mazarin à Colbert</i>.</p> - -<p>Soulavie a imprimé cette lettre dans les <i>Œuvres de Saint-Simon</i>, t. I, -p. 241, mais mutilée, et avec des fautes d'impression sans nombre: -<span class="pagenum"><a id="Page_484"> 484</a></span> -au lieu d'Hervart, ce financier si connu, il écrivit Hervaut; au lieu -de madame de Venel (gouvernante des nièces de Mazarin), il met -Venès; et ainsi du reste.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_157">157</a>, ligne 25: Il écrivait tous les jours.</p> - -<p>La première séparation de Louis XIV et de Marie de Mancini eut -lieu le 22 juin 1659. Dans la correspondance qui s'établit ensuite par -lettres entre eux, Vivonne fut l'intermédiaire.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XIII.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_164">164</a>, ligne 3: Sa cour donnait le ton à la capitale et aux provinces.</p> - -<p><span class="small1">Mademoiselle</span>, dans ses Mémoires, parle de deux jeunes femmes -qu'elle vit à Lyon, l'une veuve d'un officier, l'autre femme d'un lieutenant -général. Elles étaient accomplies sous le double rapport de -l'esprit et de la figure. <span class="small1">Mademoiselle</span>, pour en faire l'éloge, dit: -«Elles sont bien faites et spirituelles, pour femmes de province.» -(Montpensier, t. XLII, p. 38.) Ceci rappelle ce vers de Gresset, que -j'avais à tort attribué à Regnard dans la première édition de cet ouvrage:</p> - -<p class="quote">Elle a de fort beaux yeux, pour des yeux de province.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_164">164</a>, ligne 15: Ils furent en cela imités par les auteurs dramatiques.</p> - -<p>Les auteurs dramatiques mettaient alors dans la bouche des héros -de l'antiquité les discours de galanterie et les raffinements de sentiments -à la mode dans les ruelles. Ils travestissaient tous les héros de -l'antiquité en seigneurs de la Fronde. Ainsi l'<i>Amalasonte</i> de Quinault, -donnée en 1657, est une véritable précieuse; et cette pièce valut à -l'auteur une gratification du roi. <i>Le Mariage de Cambyse</i>, du même -auteur, est une pièce écrite dans ce style. Corneille le jeune, dans sa -tragédie de <i>Bérénice</i>, se vantait d'avoir imité un roman de Scudéry.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_166">166</a>, ligne 7: La plus galante personne du monde.</p> - -<p>Nous voyons ici le mot <i>galante</i> employé dans une signification qui -<span class="pagenum"><a id="Page_485"> 485</a></span> -n'a plus cours que pour le genre masculin du même adjectif. C'est -dans ce sens qu'on dit un galant homme c'est-à-dire un honnête -homme, un homme qui sait vivre, qui a une conduite honorable; -mais on ne dit plus une galante femme, bien qu'on dise encore, mais -dans un autre sens, une femme galante.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_166">166</a>, ligne 25: Donna à madame de La Fayette l'idée de tracer le portrait de madame de Sévigné.</p> - -<p>On a inséré ce portrait dans toutes les éditions de <i>Madame de -Sévigné</i>, mais aucun éditeur n'a indiqué où il a été imprimé pour la -première fois. Je n'ai pu remonter qu'à l'édition des <i>Lettres de Madame -de Sévigné</i> de 1734. L'éditeur, le chevalier Perrin, en l'insérant -dans sa préface, dit: «J'ai heureusement trouvé le portrait qu'en -fit autrefois, sous le nom d'un inconnu, madame de La Fayette...» -Ces mots semblent indiquer que ce portrait a été trouvé manuscrit -dans les papiers de madame de Simiane, que Perrin a eus à sa disposition -pour la publication des lettres de madame de Sévigné, et -qu'avant ce portrait n'avait jamais été imprimé.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_171">171</a>, avant-dernière ligne: La troisième édition de ces poésies.</p> - -<p>C'est dans cette troisième édition que Ménage fit paraître pour la -première fois ses poésies grecques et italiennes; cependant la seconde -édition (1656) contenait, p. 117, un sonnet italien à mademoiselle -de La Vergne.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_172">172</a>, ligue 4: Un madrigal allégorique.</p> - -<p>La fin du madrigal est jolie, mais elle est de Guarini, et non de -Ménage; et il est étonnant que celui-ci ait songé à s'approprier des -vers si connus. La muse de Ménage, quoique si souvent gratifiée des -dons de sa mémoire, n'en est pas devenue plus riche.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_172">172</a>, lignes avant-dernière et dernière: La septième édition, qui ne fut pas la dernière.</p> - -<p>C'est la huitième qui est la dernière et la meilleure, et est accompagnée -d'excellentes tables. Toutes ces éditions sont rares. Il est probable -qu'elles furent tirées à petit nombre. La plus jolie de toutes, -celle imprimée par les Elzeviers, est celle que j'ai le plus souvent -<span class="pagenum"><a id="Page_486"> 486</a></span> -rencontrée. J'ai donné une liste de toutes ces éditions à la page 452 -de la première partie de ces <i>Mémoires</i>.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_174">174</a>, ligne 10: M. de Noirmoutier.</p> - -<p>Louis de La Trémouille, duc de Noirmoutier, mourut en 1666, le -15 octobre, à l'âge de cinquante-quatre ans.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XIV.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_177">177</a>, avant-dernière ligne: Un aspect de bonheur.</p> - -<p>Loret, selon sa coutume, a rempli sa gazette de la description -des fêtes données pendant l'hiver qui précéda le départ du roi pour -le midi. Voici celles dont nous avons tenu note, comme des plus remarquables. -En février (le roi ne revint de Lyon qu'à cette époque), -divers bals chez le maréchal de L'Hospital, gouverneur de Paris, chez -le duc de Saint-Simon; ballet royal de <i>la Raillerie</i>, plusieurs fois dansé -par le roi; concert de soixante instruments, et des chantres et des -chanteuses, les plus remarquables; mascarade en traîneaux à la place -Royale, où tous les jeunes seigneurs étaient masqués: toute la cour y -assistait, et était dans l'hôtel des Hameaux; plus tard, fête donnée par -le roi, où il y eut une loterie de 100,000 livres. Le 3 mai, le roi fait -des courses à cheval au bois de Vincennes; le 10 de mai, grand dîner -de <span class="small1">Monsieur</span> au roi, à Saint-Cloud. Fête superbe donnée au roi par de -Lionne, dans son château de Berny: Mazarin en fit les frais. Cette fête -était toute diplomatique: Pimentel, le négociateur du roi d'Espagne, -s'y trouvait, et il était le véritable but de la fêle. A Vincennes, revue -de soldats, ballets, danses et parades. On joua une pastorale de Trivelin-Canaille -et de Scaramouche, qui amusa fort, et fit beaucoup -rire.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_178">178</a>, note 284: <i>Journal contenant</i>, etc.</p> - -<p>Toutes ces pièces sont de Colletet; elles furent publiées comme -un journal, au moment même des événements; la réunion en est rare. -J'en donne les titres d'après un exemplaire qui renferme encore un -volume in-4<sup>o</sup> en espagnol, accompagné de plans et de portraits, qui -décrit la marche de l'infante jusqu'à la frontière de France. A ces -pièces il faut joindre les ouvrages que j'ai cités dans mon édition -de <i>La Fontaine</i> au sujet de la lettre de notre fabuliste à de Maucroix, -<span class="pagenum"><a id="Page_487"> 487</a></span> -sur l'entrée de la reine. Ceux qui désireraient tout connaître -sur cette époque célèbre ne doivent pas négliger de consulter les -volumes de la collection d'estampes sur l'histoire de France, qui est -à la Bibliothèque Royale. Au tome XXVI, ils trouveront une très-belle -estampe de l'entrevue des deux rois, de la reine et de l'infante, et -une autre, de Charles Le Brun, qui représente le mariage dans l'église -de Saint-Jean de Luz. Dans une autre estampe allégorique, un Espagnol -dit à un Français:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>A voir sur vos habits ces monceaux d'aiguillettes,</p> -<p>Vos poudres, vos galands, vos canons, vos manchettes,</p> -<p class="i2"> Rien qu'un esprit ne vous peut inspirer.</p> -</div></div> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_179">179</a>, ligne 21: Pour suivre les représentations théâtrales.</p> - -<p>Le goût des spectacles faisait naître le désir de les varier. Ce fut au -mois d'avril de l'année 1660 que plusieurs particuliers, par zèle pour -l'art théâtral, donnèrent au public, dans la maison d'un sieur de La -Haye, à Issy, l'exemple d'une comédie française toute chantée. La -musique était de Lambert, les paroles de l'abbé Perrin. Cette pièce, -exécutée par les plus belles voix de cette époque, charma les spectateurs. -Le 30 du même mois, Mazarin la fit représenter à Vincennes: -elle plut tellement à la cour, que Mazarin ordonna a l'abbé Perrin -d'en composer une seconde; il fit <i>Ariane, ou le Mariage de Bacchus</i>. -Ainsi fut fondé un spectacle qui ne pouvait se maintenir que par la -munificence royale, et dont la pompe et la splendeur se sont cependant -toujours accrues depuis près de deux siècles, au milieu de toutes -les révolutions, de toutes les banqueroutes et des pénuries des finances, -et sans que jamais le public s'y soit porté avec assez d'empressement -pour subvenir à la dépense qu'il exige.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_183">183</a>, ligne première: En mettant de côté la soutane du séminariste.</p> - -<p>J'ai rapporté dans mes notes sur la <i>Vie de La Fontaine</i> le passage -des Mémoires manuscrits de Tallemant des Réaux qui nous apprend -que les parents de Molière l'avaient d'abord fait étudier pour être d'Église; -et ceci se trouve confirmé par ce qui est dit dans la <i>Vie</i> de notre -grand comique composée par l'éditeur de ses œuvres en 1730: c'est -ce que paraissent avoir ignoré les récents éditeurs de <i>Molière</i>, qui, -par des arguments nullement concluants, ont rejeté le témoignage -<span class="pagenum"><a id="Page_488"> 488</a></span> -contemporain de Tallemant des Réaux, tandis qu'ils n'ont pas fait -difficulté d'admettre, sans critique et sans examen, les faits rapportés -sur Molière par Grimarest, quoique lorsque cette <i>Vie</i> parut -Boileau ait déclaré qu'elle fourmillait d'erreurs et de contes absurdes. -Je suis revenu sur ce point de critique littéraire dans la quatrième -édition que j'ai préparée de l'<i>Histoire de La Fontaine</i>, non encore -publiée.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_184">184</a>, lignes 5 et 6: Dont l'intrigue ne lui appartenait pas.</p> - -<p>Dans la pièce de Chapuzeau qui fut donnée en 1756, trois ans avant -<i>les Précieuses ridicules</i>, il y a, comme dans cette dernière pièce, -un homme dont la déclaration est fort mal reçue par une femme infatuée -de bel esprit, et qui s'en venge en introduisant auprès d'elle -son valet, déguisé en marquis magnifique, qui lui plaît beaucoup plus.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_185">185</a>, note 299: <span class="small1">Bodeau de Somaize</span>.</p> - -<p>Somaize ne s'est point nommé dans cette préface des <i>Véritables -Précieuses</i>. Il accuse Molière d'avoir imité <i>le Médecin et les Précieuses</i> -de l'abbé de Pure, et plusieurs autres pièces italiennes; et il -cherche à le rendre odieux aux gens de cour. Cependant ce misérable -écrivain spécula sur le succès de la pièce de Molière, et la mit en -mauvais vers. On voit, par l'avertissement, que les libraires propriétaires -de l'édition de la pièce de Molière mirent opposition à la vente -de la traduction en vers. La pièce des <i>Précieuses ridicules</i>, en -vers (1660, in-12), est dédiée à Marie de Mancini, dont Somaize -parle souvent dans son <i>Grand Dictionnaire des Précieuses</i>. Somaize -composa encore <i>le Procès des Précieuses</i>, en vers burlesques (1660, -in-12), qu'il dédia à la marquise de Monloy; c'est probablement -cette madame de <i>Monlouet</i> dont il est fait mention dans madame de -Sévigné.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XV.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_188">188</a>, ligue première du texte: Mazarin n'était plus.</p> - -<p>Mazarin mourut le 9 mars, entre deux et trois heures du matin.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_189">189</a>, ligne 24: Une jeune reine déjà enceinte.</p> - -<p>La grossesse de la reine fut soupçonnée dès le 9 mai. -<span class="pagenum"><a id="Page_489"> 489</a></span></p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_190">190</a>, ligne 16: Donnèrent pendant plusieurs mois à Fontainebleau.</p> - -<p>Madame de Motteville avoue, en parlant des fêtes de Fontainebleau, -que même dans le beau temps de la régence jamais la cour n'eut -cet éclat; et ce temps de la régence était cependant celui de sa jeunesse.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_191">191</a>, ligne 2: L'amour du roi pour mademoiselle de La Vallière.</p> - -<p>Le roi parut hésiter quelque temps entre sa belle-sœur, mademoiselle -de Pons, et La Vallière; mais l'attrait qu'eut pour lui l'amour -le plus sincère et le plus entier, accompagné de la modestie et de la -pudeur, l'emportèrent sur les agaceries d'Henriette d'Angleterre, duchesse -d'Orléans, et sur les avances de mademoiselle de Pons.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_191">191</a>, ligne 3: Celui de <span class="small1">Madame</span> pour Buckingham.</p> - -<p>Le duc de Buckingham était le fils de celui qui fut soupçonné d'avoir -obtenu les bonnes grâces d'Anne d'Autriche.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_191">191</a>, ligne 4: Et ensuite pour le comte de Guiche.</p> - -<p>Madame de La Fayette nous apprend que le comte de Guiche se -déguisait en femme pour pénétrer chez <span class="small1">Madame</span>. On se rappelle ce -que j'ai dit de ces déguisements dans les ballets du roi.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_191">191</a>, ligne 5: Celui de la duchesse de Toscane.</p> - -<p>La duchesse de Toscane avait eu le désir d'épouser Charles de -Lorraine, qu'elle aimait. Elle n'avait pas encore rejoint son mari -lorsqu'elle donna à penser qu'elle n'avait rien refusé à son amant. -Choisy la compare à un ange pour la beauté, mais non pas pour la -conduite.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_191">191</a>, ligne 13: Soit pour elle-même, soit pour une autre.</p> - -<p>Quoique Montalais, dit madame de La Fayette, eût pour amant -Malicorne, elle était confidente de beaucoup d'autres liaisons, qu'elle -favorisait, et dont elle se mêlait sans aucun intérêt pour elle-même, -et par besoin d'intrigues.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_490"> 490</a></span></p> - -<p class="pnote">Pages <a href="#Page_193">193</a> et <a href="#Page_194">194</a>, lignes dernière et première: On risqua des sommes énormes sur une seule carte.</p> - -<p>Fouquet dans une seule partie avec Gourville perdit 55,000 fr. -en une demi-heure. L'abbé de Gordes, en 1660, perdit avec le roi -150,000 fr. en une seule séance. Il faut doubler ces sommes pour -avoir le montant de ces pertes en valeur actuelle.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_194">194</a>, ligne 5: La magnificence des ballets royaux.</p> - -<p>Les deux ballets royaux montés dans ces deux années furent ceux -de <i>l'Impatience</i> et des <i>Saisons</i>; le roi dansa dans les deux. Les -beautés de la cour qui y figurèrent furent mesdemoiselles de Pons, -Argencourt, Villeroi, Montbazon, Châtillon, Noailles, Brancas, -Arpajon, La Fayette, Guiche, Fouilloux, Meneville, Chemerault, -Bonneuil, La Vallière. Le ballet des <i>Saisons</i> fut joué à Fontainebleau, -et eut pour décoration les beaux arbres de la forêt. Celui qui disposait -alors les théâtres de la cour et était employé aux décorations -était un nommé Houdin (Antoine-Léonor), architecte du Louvre. -Nous avons de cet artiste une excellente vue en perspective, présentée -au roi en 1661, et des plans du Louvre. C'est cet architecte -qui probablement a bâti le palais Mazarin, où est actuellement la -Bibliothèque Royale, dont une partie, l'hôtel de Nevers, a été réparée, -en 1709, par Dulin. (Conférez Germain Brice, <i>Description de -Paris</i>, 1752, in-12, t. I, p. 362.)</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_196">196</a>, ligne 8: Elle se rendit au Mont Saint-Michel.</p> - -<p>L'ouvrage latin que j'ai cité, de Martin Zeiller, <i>Topographia -Galliæ</i>, 1657, in-folio, <i>pars</i> <span class="small1">VIII</span>, p. 20, donne une vue bien détaillée -et très-exacte du Mont Saint-Michel, tel qu'il se trouvait à l'époque -où madame de Sévigné s'y rendit avec sa fille.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XVI.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_201">201</a>, ligne 15: Profanaient par de honteux scandales.</p> - -<p>On doit lire à ce sujet les curieuses particularités que <span class="small1">Mademoiselle</span> -nous donne sur la vie que menaient les religieuses de Perpignan, -dont les désordres étaient publics.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_491"> 491</a></span></p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_208">208</a>, ligne 1<sup>re</sup>: Jamais il ne lui refusait d'audiences particulières.</p> - -<p>«Ce qui m'incommodait davantage, dit Louis XIV dans ses Instructions -au Dauphin, en parlant de Fouquet, c'est que, pour augmenter -la réputation de son crédit, il affectait de me demander des -audiences particulières, et que, pour ne pas lui donner de défiance, -j'étais contraint de les lui accorder.»</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_208">208</a>, ligne 21: Que le roi, furieux contre lui, voulait sa mort.</p> - -<p>La Fontaine, dans la lettre citée, dit, en parlant de cet événement: -«Il est arrêté; le roi est violent contre lui, au point qu'il dit -avoir dans les mains des pièces qui le feront pendre<a id="FNanchor_B" href="#Footnote_B" class="fnanchor"> [B]</a>.» Racine, -dans ses <i>Fragments historiques</i>, nous apprend qu'on avait entendu -dire à Louis XIV que si Fouquet avait été condamné, il l'aurait -laissé mourir.</p> - -<p>Grouvelle, connu par une édition des <i>Lettres de Madame de Sévigné</i>, -dit (t. I, p. <span class="small1">LXXX</span>), dans la spirituelle notice qu'il a composée -sur sa vie, qu'au moment de l'arrestation de Fouquet elle -s'était retirée dans sa terre, par crainte des coups d'autorité. Selon -Grouvelle, madame de Sévigné, en butte à la haine de Louis XIV, se -croyait en sûreté contre sa puissance dans son château des Rochers. -C'est avec cette ignorance des faits, avec ce défaut de jugement, que -l'histoire se trouve le plus souvent écrite.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XVII.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_212">212</a>, ligne 3: Qu'en 1659, après la mort de son collègue.</p> - -<p>Servien mourut le 16 février 1659.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_218">218</a>, ligne 27: Le payement intégral de ces ordonnances.</p> - -<p>Gourville avoue (en 1657) qu'il se fit par ce moyen de grandes -fortunes; puis il ajoute naïvement: «Ayant tous ces exemples devant -moi, j'en profitai beaucoup.»</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_224">224</a>, ligne 10: Aux femmes de cour intrigantes.</p> - -<p>On trouve à l'endroit cité des Défenses de Fouquet un état duquel -<span class="pagenum"><a id="Page_492"> 492</a></span> -il résulte qu'il avait payé 245,528 livres en gratifications, en une -seule année, à des dames de la cour, et une somme de 204,498 livres -à madame Duplessis-Bellière seule. On sait qu'elle était sa confidente -pour les affaires d'amour; aussi sa fille, la marquise de Créqui, reçut -de Fouquet 200,000 livres lorsqu'elle se maria.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_224">224</a>, ligne 12: Et donnait sans cesse des fêtes et des repas somptueux.</p> - -<p>Mazarin lors de son départ pour Saint-Jean de Luz alla loger -familièrement chez lui, à Vaux, le 25 juin 1659.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_224">224</a>, ligne 15: Il avait partout des agents.</p> - -<p>Ainsi nous voyons qu'il était instruit de tout ce qui se passait à la -cour de Savoie, par une dame d'honneur qu'il pensionnait. Il avait -envoyé de Maucroix à Rome, qui sous le faux nom d'abbé de -Crécy y était son chargé d'affaires.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_226">226</a>, ligne 4: Le Tellier allié à sa famille.</p> - -<p>Le Tellier avait épousé la sœur de Jean-Baptiste Colbert, seigneur -de Saint-Pouange, cousin du Colbert qui fut ministre.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_226">226</a>, ligne 6: Dans le mémoire où il lui exposait les malversations de Fouquet.</p> - -<p>C'est le 28 septembre 1659 que Colbert écrivit son mémoire. La -copie qui en fut trouvée dans les papiers de Fouquet a servi à convaincre -les juges de l'ancienne haine de Colbert contre Fouquet, et -a contribué beaucoup à adoucir la sentence.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_228">228</a>, ligne 15: Dans une seconde lettre.</p> - -<p>Les originaux de ces deux lettres de Colbert, avec les réponses à -mi-marge de la main de Mazarin, sont sous nos yeux: en les confrontant -avec la publication qu'en a faite Soulavie dans cet incohérent -mais curieux recueil d'extraits et de pièces qu'il a intitulé <i>Œuvres -de Saint-Simon</i>, on s'aperçoit qu'il les a mal lues, et qu'il a laissé -passer à l'impression une foule de fautes grossières. Ainsi, au commencement -de celle qui est datée du 28 octobre 1659, au lieu de ces -mots, «J'ai reçu à désir les dépêches, etc.,» on lit dans l'autographe: -<span class="pagenum"><a id="Page_493"> 493</a></span> -«J'ai reçu à Decize les dépêches, etc.» Partout où se trouve -le nom d'Hervart, on a imprimé <i>Herveau</i>, etc.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_232">232</a>, ligne 22: Toutes les instructions dont il avait besoin.</p> - -<p>Deux jours avant sa mort, Mazarin entretint encore longtemps -Louis XIV de ces grands objets, et lui renouvela ses dernières recommandations.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_233">233</a>, ligne 24: Il lui fit donation pleine et entière de tous ses -biens.</p> - -<p>Si l'on en croit Fouquet dans sa défense, la fortune de Mazarin se -montait à 40 ou 50 millions (80 ou 100 millions de notre monnaie -actuelle).</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_236">236</a>, ligne 5: Mazarin environna le roi d'une cour brillante.</p> - -<p>Ce fut en 1657 que Mazarin acheva d'organiser la maison du roi -d'une manière somptueuse. L'état des payements de tous ceux qui se -trouvaient gagés et employés au service du jeune roi fut alors dressé, -et ensuite imprimé dans un livre curieux, que j'ai souvent cité, mais -dont je donnerai ici le titre entier:</p> - -<p><i>Estat général des officiers, domestiques et commensaux de la -Maison du Roy. Ensemble l'ordre et règlement qui doit estre tenu -et observé en la Maison de Sa Majesté, tiré des mémoires de M. de -Saintot, maistre des cérémonies de France.</i> Mis en ordre par le -sieur de <span class="small1">La Marinière</span>; Paris, chez Jean Guignard, 1660, in-8<sup>o</sup>.</p> - -<p>Environ six mille noms de personnes se trouvent inscrits et classés -dans ce livre, avec les sommes qu'elles recevaient annuellement. Mais -«<i>le surintendant au gouvernement et à la conduite de la personne -du Roy et celle de monseigneur le duc d'Anjou, monsieur le cardinal</i> -<span class="small1">Mazarin</span>,» s'y trouve porté, p. 113, sans désignation d'appointements. -Cet ouvrage démontre que près de six mille personnes, appartenant -presque toutes à la classe des bourgeois et des industriels, -étaient salariées par le roi, et que les gages et les profits qu'elles tiraient -de leurs places n'étaient pas le seul motif d'intérêt qui les attachait -aux soutiens du trône. En vertu de lettres patentes de Charles IX, -d'Henri III, renouvelées et confirmées par Henri IV, Louis XIII et -Louis XIV, tous ces salariés formaient, en leurs qualités d'<i>officiers, -domestiques, commensaux et marchands suivant la cour</i>, une -<span class="pagenum"><a id="Page_494"> 494</a></span> -classe privilégiée comme la noblesse sous le rapport des impôts, -jouissant, comme disent les lettres patentes, eux et leurs veuves -pendant leur viduité, «des exemptions, franchises, libertés, affranchissements -de contributions et subventions généralement quelconques -faites et à faire.» Toutes ces lettres patentes sont imprimées <i>in -extenso</i>, et à la suite de <i>l'ordre et règlement qui doit estre tenu -et observé en la Maison du Roy</i>; Paris, 1657, in-8<sup>o</sup>. A Paris, chez -Marin Leché, imprimeur du Roi.</p> - -<p>L'état donné par La Marinière offre de singuliers contrastes relativement -aux appointements. Le maître à danser de Sa Majesté a 2,000 livres, -son maître d'écriture 300 livres, son maître de dessin 1,500 livres, -les <i>galopins</i> qui servaient dans la cuisine sous les officiers de -bouche, au nombre de trois seulement, ont chacun 300 livres, etc., etc.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_237">237</a>, ligne 20: Le soupçonneux Mazarin.</p> - -<p>La partie des Mémoires de Brienne citée ici en note en est la plus -curieuse. Les détails sur les derniers moments de Mazarin sont d'un -grand intérêt. C'est une belle leçon de morale que la mort de ce -ministre, soupçonnant tout ce qui l'environne, sachant qu'il est condamné -par les médecins; semblable à un spectre, promenant ses -regards, dans son palais, sur ses beaux tableaux, ses riches ameublements; -puis, disant arec amertume: «Il faut quitter tout cela, -<i>Guénaud l'a dit</i>.»</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_240">240</a>, ligne 17: L'importance des affaires dont il était chargé.</p> - -<p>Louis XIV se servit de Fouquet pour les négociations avec le roi -d'Angleterre. Louis XIV voulait, malgré la clause du traité des Pyrénées, -secourir le Portugal contre l'Espagne. Pour que ses ruses ne -fussent pas découvertes, il trompa d'Estrades, son propre ambassadeur -en Angleterre. C'était se montrer de bonne heure un vrai disciple -de Mazarin.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_241">241</a>, ligne 1: Le Tellier, son ennemi secret.</p> - -<p>Pomponne écrivait à son père, aussitôt après la mort de Mazarin: -«M. le procureur général et M. Le Tellier paraissent fort unis; j'espère -qu'ils le seront toujours, c'est leur intérêt.»</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_241">241</a>, lignes 17-21: Offrit à la reine d'employer ses bons offices pour l'influence que Mazarin lui avait fait perdre.</p> - -<p>Ceci occasionna un refroidissement entre la reine mère et Mazarin, -<span class="pagenum"><a id="Page_495"> 495</a></span> -dont on s'aperçoit dans une lettre que la reine mère écrivit à ce -ministre; lettre curieuse, qui donne beaucoup à penser sur la nature -de leur ancienne liaison. Nous avons imprimé cette lettre à la fin -de la troisième partie de ces <i>Mémoires</i>, p. 471.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XVIII.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_248">248</a>, ligne 3: Qu'elle était aimée du roi.</p> - -<p>Madame de La Fayette dit qu'on a cru que Louis XIV vit La Vallière -pour la première fois à Vaux; mais on se trompait: nous savons -actuellement qu'avant cette époque il la voyait, d'une manière -plus efficace, dans l'appartement du comte de Saint-Aignan.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_249">249</a>, ligues 24 et 25: La duchesse de Chevreuse..... sut lui persuader.</p> - -<p>Le voyage de la reine mère à Dampierre, chez la duchesse de -Chevreuse, eut lieu dans les derniers jours de mai et le commencement -de juin.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_250">250</a>, note 418: <span class="small1">Loménie de Brienne</span>.</p> - -<p>Le mot de Mazarin à madame de Tubœuf, rapporté par Brienne dans -cet endroit de ses Mémoires, «Puisqu'il faut vous donner, madame, -je vous donne le bonjour,» ressemble beaucoup à celui d'un Anglais -très-riche et très-avare (Elves), à qui on demandait ce qu'il donnait -à son fils en mariage. Il entra d'abord dans une grande colère, puis -termina en disant: «Moi, je donne... je donne mon consentement.»</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_253">253</a>, lignes 19 et 20: Un officier qui n'y était pas appelé par son rang.</p> - -<p>Ce fut d'Artagnan (Charles de Baatz) qui arrêta Fouquet.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_253">253</a>, ligne dernière: Qui est un des plus beaux passages de son éloquent plaidoyer.</p> - -<p>«..... N'employa-t-il pas pour votre service tout ce qu'il avait -reçu du prix de sa charge? Cette fois je ne puis croire que Votre Majesté -puisse en rappeler le souvenir sans en être touchée. Que serait-ce -si elle voyait cet infortuné, à peine connaissable, moins changé et -moins abattu de la longueur de sa prison que du regret d'avoir pu -<span class="pagenum"><a id="Page_496"> 496</a></span> -déplaire à Votre Majesté, et qu'il lui dit: «Sire, j'ai failli; si Votre -Majesté le veut, je mérite toutes sortes de supplices... Je ne me -plains point de la colère de Votre majesté; souffrez seulement que -je me plaigne de ses bontés. Quand est-ce qu'elles m'ont permis de -connaître mes fautes et ma mauvaise conduite? Quand est-ce que Votre -Majesté a fait pour moi ce que les maîtres font pour leurs esclaves -les plus misérables, ce qu'il est besoin que Dieu fasse pour tous -les hommes et pour les rois même, qui est de les menacer avant de -les punir?» (Pellisson, <i>Premier Discours au Roi</i>, page 74.)</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_255">255</a>, ligne 20: Dont plusieurs s'étaient enrichies.</p> - -<p>Gourville fut obligé de donner 500,000 fr. pour se racheter contre -les poursuites de la chambre de justice, et il resta encore fort -riche.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_256">256</a>, ligne 7: Dès lors son règne commença.</p> - -<p>Les Instructions de Louis XIV au Dauphin sont ce qui a été écrit -de mieux sur l'administration d'un grand royaume. Quelle pitié -qu'elles aient si peu profité à ses successeurs!</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_257">257</a>, lignes 1 et 2: N'offre pas un second exemple.</p> - -<p>J'ai donné à dessein ici les citations pour l'affaire de Fargues, -qu'on pourrait m'objecter si elle était telle que Lemontey la raconte; -mais en l'approfondissant on s'aperçoit qu'elle est tout autre. Ce personnage -n'avait pas seulement pris parti contre le roi au temps de -la Fronde: il avait d'abord été dans le parti du roi; il s'était fait -donner le commandement de la place de Hesdin, qu'il vendit aux -ennemis. Il fut à la vérité, sous Mazarin, compris dans un traité, et -il avait obtenu des lettres d'abolition pour sa trahison (Loret, liv. XI, -page 42), mais il négligea d'obtenir sa grâce du roi. Il se tint caché -dans une de ses terres, à Courson. S'il y avait été sous son nom, -le roi l'aurait su. Louis XIV s'irrita de l'audace de ce traître, jouissant -si près de lui de ses grandes richesses; il lui fit faire son procès. -Fargues fut convaincu comme concussionnaire, et pendu. C'est un -acte de despotisme d'autant plus blâmable, que Fargues ne fut point -jugé par le parlement, mais par une commission. Fargues avait mérité -la mort, mais il fallait le juger régulièrement. Toutefois, sa conduite -avait été si odieuse, que sa condamnation ne fut point blâmée.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_497"> 497</a></span></p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_257">257</a>, lignes 4 et 5: Lui avait reconnu une audace capable de tout oser.</p> - -<p>Madame de La Fayette dit, en parlant de Fouquet: «Homme d'une -ambition sans bornes, dont les desseins étaient infinis pour les affaires -aussi bien que pour la galanterie.»</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XIX.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_265">265</a>, lignes 17 et 18: Pomponne resta dix-huit mois à la Ferté-sous-Jouarre.</p> - -<p>Les affaires qui appelaient Pomponne à la Ferté-sous-Jouarre concernaient -la succession que Nicolas Ladvocat, son beau-père, avait -laissée à sa femme. Fouquet avait contribué au mariage de Pomponne -avec mademoiselle Ladvocat. La belle-mère de Pomponne se nommait -Marguerite de Bouillé.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_270">270</a>, ligne 13: Dîner à l'hôtel de Nevers; et note 458: Cet hôtel.</p> - -<p>Ma note et mes nombreuses citations ne peuvent suffire pour -redresser toutes les erreurs auxquelles l'hôtel de Nevers a donné -lieu. Madame de Sévigné, Pomponne, et plusieurs de leurs contemporains, -désignent toujours l'hôtel qu'habitait madame de Guénégaud -par le nom d'<i>hôtel de Nevers</i>, parce qu'en effet c'était cet -hôtel, situé près des fossés de l'ancienne enceinte de la ville et de la -porte de Nesle, où est actuellement l'hôtel des Monnaies, que Henri de -Guénégaud, ministre et secrétaire d'État, avait acheté, en 1641, de -la princesse Marie de Gonzague de Clèves, veuve du duc de Nevers. -Guénégaud embellit et rebâtit presque en entier cet hôtel; il l'agrandit, -en y joignant un autre hôtel, plus petit, qui se trouvait voisin. Cependant -on continuait toujours à appeler cet hôtel <i>hôtel de Nevers</i>, quoique -sur les plans gravés de Paris, de l'année 1654, il eût déjà pris le -nom d'<i>hôtel de Guénégaud</i> (voyez le plan de Berey, celui de Gomboust, -et celui de Builet). La rue des Deux-Portes, qui longeait les murs de -cet hôtel, avait pris le nom de <i>rue de Nevers</i>, qu'elle a conservé. -Trompé par ce nom d'hôtel de Nevers, appliqué par continuation à -l'hôtel Guénégaud, M. Monmerqué a quelquefois cru qu'il était question, -dans les écrits du temps, d'Anne de Gonzague ou de la princesse -Palatine, quand il s'agissait de madame Duplessis-Guénégaud; ce qui -l'a fait tomber dans quelques erreurs. (Voyez <i>Lettres de Sévigné</i>, t. I, -<span class="pagenum"><a id="Page_498"> 498</a></span> -p. 81, note <i>a</i>; <i>Mémoires de Coulanges</i>, 1820, in-8<sup>o</sup>, p. 383; <i>Biographie -Universelle</i>, t. XXXV, p. 321, article <span class="small1">Pomponne</span>.) Ainsi, c'est -chez madame de Guénégaud qu'allait madame de Sévigné lorsqu'elle -se rendait à l'hôtel de Nevers. C'est chez madame de Guénégaud que -Pomponne se rendit lorsqu'il vint à Paris, au retour de son exil. C'est -chez madame de Guénégaud, et non chez la princesse Palatine, qui -n'habitait plus alors Paris, que Boileau lut ses premières satires, et -Racine sa première tragédie (<i>Alexandre</i>). M. de Saint-Surin est donc -dans l'erreur aussi à cet égard (voyez <i>Œuvres</i> de Boileau, édit. de -1821, t. I, p. 41 de la notice biographique).</p> - -<p>L'hôtel de Nevers, situé à côté de la tour de Nesle, et près des -fossés de la ville et de l'ancienne enceinte, avait remplacé l'hôtel de -Nesle. L'hôtel de Guénégaud remplaça l'hôtel de Nevers en 1652. En -1670 le prince de Conti l'acheta, et alors il devint l'hôtel de Conti; -et l'édifice actuel de la Monnaie a remplacé l'hôtel de Conti. Marie de -Gonzague, qui épousa successivement Wladislas IV, et Casimir, roi -de Pologne, a bien possédé et occupé l'hôtel de Nevers; mais il est -douteux que sa sœur cadette, Anne de Gonzague, qui fut mariée à -Édouard, prince palatin de Bavière, et qu'on nommait la princesse -Palatine, ait jamais logé dans cet hôtel. Il y a trois vues intéressantes -gravées de l'hôtel de Nevers avant qu'il eût été abattu en tout ou en -partie pour devenir l'hôtel Guénégaud, dans Martin Zeiler, <i>Topographia -Galliæ</i>; <i>Francofurti</i>, in-folio, t. I, pages 58, 59 et 60.</p> - -<p>Duplessis-Guénégaud acheta non-seulement l'hôtel de Nevers, mais -il acquit encore de la ville de Paris tous les terrains vagues laissés par -les fossés de la ville, qui se trouvaient derrière. C'est sur ces terrains -que l'on construisit depuis le collége des Quatre-Nations (le palais de -l'Institut) et la rue Mazarine, tracée exactement dans la direction de -ces anciens fossés. Les nouvelles constructions de l'Hôtel de Guénégaud -paraissent avoir été terminées avant qu'on eût rien bâti sur ces -anciens fossés; car ils sont tracés encore sur le plan de Berey en -quatre feuilles, où le nom d'hôtel Guénégaud a remplacé celui d'hôtel -de Nevers. Ce nom d'hôtel Guénégaud est aussi le seul qu'on trouve -en cet endroit sur le grand plan de Paris de Gomboust, fait sous la -direction de Petit, maître des fortifications de Paris. Il en est de -même du plan de Builet, en douze feuilles; mais on voit que dans -l'usage on continuait d'appeler cet hôtel hôtel du Nevers; car de -Joly, dans ses <i>Mémoires</i> (t. XLVII, p. 213), en racontant une émeute -de la populace qui eut lieu en 1652, et qu'on fut obligé de réprimer -<span class="pagenum"><a id="Page_499"> 499</a></span> -par la force, dit: «Son Altesse Royale fut obligée d'envoyer des -gardes et de faire armer des bourgeois pour dissiper une troupe de -canaille qui voulait piller l'<i>hotel de Nevers</i>, appartenant au sieur de -Guénégaud, secrétaire d'État.»</p> - -<p>Nous lisons dans les <i>Mémoires de Gourville</i> (t. LII, p. 330) qu'il -se rendit à Paris, dans une maison que madame Duplessis-Guénégaud -lui avait fait bâtir. En effet, dans le <i>Paris ancien et nouveau</i> de -Le Maire, édition de 1685, t. III, p. 269, il est dit que l'hôtel de -Sillery a été bâti, il y a environ trente ans, dans un cul-de-sac de -l'hôtel de Conti, c'est-à-dire de l'hôtel de Guénégaud. Gourville était -fort lié avec madame Duplessis-Guénégaud; et ce fut chez elle qu'il -déposa ses papiers et son argent quand il partit pour faire le voyage -de Nantes. (<i>Mémoires de Gourville</i>, t. LII, p. 354.)</p> - -<p>Après la mort de Mazarin, il y eut un autre hôtel de Nevers; ce -fut la partie du palais Mazarin qui échut en partage à son neveu le -marquis de Mancini, duc de Nevers. C'est celui qu'occupe aujourd'hui -la Bibliothèque du Roi, rue de Richelieu. (Voyez <i>Piganiol de La Force</i>, -t. III, pages 57, 58 et 140.) Je n'ai pas besoin de dire que cet hôtel -n'a d'autre rapport que le nom avec celui qui fut occupé par les anciens -ducs de Nevers, et dont je viens de tracer les diverses transformations. -Madame Duplessis-Guénégaud était sœur de la maréchale -d'Étampes, dame d'honneur de la duchesse d'Orléans douairière.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_273">273</a>, ligne 3: M. de Neuré, fameux astrologue.</p> - -<p>Ce Neuré ne pouvait être soupçonné de vouloir favoriser Fouquet. -Gourville en parle comme d'un vieux philosophe qui avait pris à -ferme un petit domaine du marquis de Vardes. C'est dans ce domaine, -et par conséquent chez Neuré, que Vardes mit Gourville, qui y -resta quelque temps, caché sous un nom supposé, lorsqu'on 1662 -Gourville, poursuivi, par suite de l'affaire de Fouquet, par la chambre -de justice, se rendit en secret à Paris, sur l'invitation de Vardes, qui -avait besoin de conférer avec lui relativement à la fausse lettre du -roi d'Espagne à la reine de France, écrite par Vardes et remise à la -Molina, femme de chambre de cette dernière. Gourville raconta -plaisamment comment le bonhomme Neuré, de fort mauvaise humeur -contre les financiers et les traitants, louait fort la chambre de justice -et la rigueur qu'elle mettait dans ses poursuites contre de telle gens. -«Parmi ceux, dit Gourville, qui lui blessèrent le plus l'imagination, -il me nommait souvent, surtout parce qu'il avait vu chez M. de La -<span class="pagenum"><a id="Page_500"> 500</a></span> -Rochefoucauld une pendule de grand prix, qui allait six mois, laquelle -m'appartenait. Je ne manquais pas de l'applaudir, et de renchérir sur -tout ce qu'il disait, et même contre moi en particulier.»</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_274">274</a>, ligne 11: A la condamnation à la peine capitale.</p> - -<p>«Contre toute espérance, dit Loménie de Brienne, Fouquet eut la -vie sauve.»</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_276">276</a>, ligne 17: Ces deux vers du Tasse me reviennent en mémoire.</p> - -<p>La fin de l'affaire du procès de Fouquet n'a pas dû être la fin de la -correspondance de madame de Sévigné avec Pomponne. Elle aimait -à écrire, et sa tendresse pour sa fille n'a pas été le seul motif qui l'ait -rendue si active dans sa correspondance épistolaire. Voici ce qu'elle -répond aux remercîments que Pomponne lui fit sur son exactitude -à l'instruire de tout ce qui avait concerné Fouquet: «Il me semble, -par vos beaux remercîments que vous me donnez mon congé; -mais je ne le prends pas encore. Je prétends vous écrire quand il me -plaira; et dès qu'il y aura des vers du Pont-Neuf ou autres, je vous -les enverrai fort bien.» (Lettre en date de janvier 1665.) Et en -effet, dans un <i>post scriptum</i> de cette même lettre, écrit plusieurs -jours après, elle demande à Pomponne son avis sur les stances, les -couplets qu'elle lui a envoyés. Il est probable que c'étaient quelques -vers des nombreuses chansons que l'on fit alors contre Colbert et -autres ennemis du surintendant, et contre les juges qui avaient -opiné à mort.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_278">278</a>, ligne 3: Ce Puiguilhem, ce cadet de Gascogne.</p> - -<p>Lauzun était Périgourdin. Puiguilhem (l'orthographe de ce nom est -presque toujours défigurée) est une paroisse du Périgord, à trois -lieues au sud-ouest de Bergerac. (Conférez le <i>Nouveau Dénombrement -du Royaume</i>, 1720, in-4<sup>o</sup>, p. 226; d'Expilly, <i>Grand Dictionnaire -des Gaules et de la France</i>, in-folio, t. V, p. 1014.)</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XX.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_284">284</a>, ligne 3: Dans cette première année.</p> - -<p>Bussy dit «qu'au lieu de ce mic-mac et des faiblesses comme du -temps de Mazarin, on vit des hauteurs dignes d'un grand prince.»</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_501"> 501</a></span></p> -<p class="pnote">Page <a href="#Page_284">284</a>, ligne 4: Contre tous les embarras d'une disette.</p> - -<p>On fit venir des grains, qu'on vendait à bas prix au peuple. On fit à -Paris un four ménager, pour donner le pain aux pauvres à meilleur -marché. On vendait à Paris un setier de blé 26 livres. Louis XIV réduisit -les dépenses des forêts, et gagnait quatre millions en affermant -de nouveau les octrois. Il dégreva les provinces d'une partie de leurs -tailles.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_284">284</a>, ligne 24: Sur la Lorraine et le Barrois.</p> - -<p>Le duc de Lorraine voulut vendre son duché et en frustrer son héritier, -par amour pour la fille d'un apothicaire nommé Pajot. Louis XIV -sut profiter de cette disposition.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_285">285</a>, ligne 6: Imprimèrent un grand respect à son nom.</p> - -<p>La lettre écrite par Louis XIV au roi de Pologne en 1663, au sujet -de l'affaire de Rome, est un chef-d'œuvre d'adresse, de diction et de -dignité.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_285">285</a>, ligne 15: Des provisions que pour trois ans.</p> - -<p>Pour qu'on ne pût pas murmurer de cette innovation, il commença -par donner ainsi, pour trois ans seulement, le gouvernement de Paris -au duc d'Aumont, l'un de ses quatre capitaines des gardes.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_285">285</a>, ligne 17: Le cardinal de Retz fut amené à donner sa démission.</p> - -<p>Un court billet du roi accuse au cardinal de Retz la démission de -son archevêché. Il ne fut pas même permis à Retz de venir en cour. -Il avait cependant été consulté sur l'affaire de Rome; et ce fut lui -qui donna l'idée de la pyramide. (Voyez Joly, <i>Mémoires</i>, t. XLVII, -page 454, 460, 462.) Chandenier, qui avait tout quitté pour suivre -le parti de Retz, ne voulut accepter aucun dédommagement pour sa -place de capitaine des gardes.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_286">286</a>, ligne 11: Le jeune roi se montra moins sage que Mazarin.</p> - -<p>Entre les catholiques, les jansénistes et les protestants, venait se -placer la secte des libertins ou incrédules, que nous avons déjà signalée, -mais trop peu nombreuse alors et trop obscure pour que le -gouvernement pût deviner qu'elle devînt un jour la plus dangereuse. -Elle se moquait de tout, et son opposition au gouvernement et à -<span class="pagenum"><a id="Page_502"> 502</a></span> -l'Église se manifestait par des vaudevilles, des épigrammes, et de -malignes satires. Ce fut cette année que Saint-Évremond écrivit sa -<i>Conversation du maréchal d'Hocquincourt et du père Canaye</i> -(Saint-Évremond, <i>Œuvres</i>, t. III, p. 54, et <i>Vie de Saint-Évremond</i>, -par Desmaiseaux). Dans le pays de Gex, Louis XIV fit fermer cette -année vingt-deux temples protestants; et dans le mois de juillet de -cette même année il fit mettre à la Bastille le libraire Des Prés, pour -avoir réimprimé la lettre de Pavillon, évêque d'Ath, où étaient déduites -les raisons qui empêchaient cet évêque de signer les cinq -propositions. La lettre de Racine à Vitart prouve que les jansénistes -étaient déjà menacés dans le midi.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_288">288</a>, ligne 5: Il fut attaqué par l'abbé d'Aubignac.</p> - -<p>Voici un échantillon de la critique de l'abbé d'Aubignac: «Pour moi, -qui depuis dix-sept ans me suis retiré dans les ténèbres de mon cabinet -sans voir la cour, je pourrais bien en avoir oublié le langage aussi -bien que les mystères. Mais M. Corneille, qui depuis tant d'années en -fait un Pérou, ne devait pas tant de fois et si souvent donner cette -qualité de suivantes aux dames et aux filles qui servent ces princesses, -si cela ne s'accorde pas au faste et aux intrigues des belles cours.» -Qui eût dit qu'on eût jamais osé reprocher à Corneille d'être homme -de cour!</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_290">290</a>, lignes 5 et 6: Il inséra dans ses satires les noms des personnes qu'il voulait livrer à la risée et au mépris public.</p> - -<p>Dans les éditions de 1667 et de 1669 des Satires de Boileau on -trouve les vers suivants:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Je ne puis arracher du creux de ma cervelle</p> -<p>Que des vers plus forcés que ceux de <i>la Pucelle</i>.</p> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<p>Faut-il d'un froid rimeur dépeindre la manie,</p> -<p>Mes vers comme un torrent coulent sur le papier;</p> -<p>Je rencontre à la fois Perrin et Pelletier,</p> -<p>Bardou, Mauroy, Boursault, Colletet, Titreville;</p> -<p>Et pour un que je veux j'en trouve plus de mille.</p> -</div></div> - -<p>Bien pour ces vers, qui ne frondaient que l'esprit; mais comment -l'auteur ne se faisait-il pas des affaires avec les tribunaux pour les -vers suivants, qui concernaient un procureur fameux, un libraire fort -<span class="pagenum"><a id="Page_503"> 503</a></span> -connu, un avocat, compilateur estimable et laborieux de l'histoire de -Paris, dont il imprimait les noms dans ses satires sans aucun déguisement?</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>J'appelle un chat un chat, et Rollet un fripon.</p> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<p>Faut-il peindre un fripon fameux en cette ville,</p> -<p>Ma main, sans que j'y rêve, écrira Saumaville;</p> -<p>Faut-il d'un sot parfait montrer l'original,</p> -<p>Ma plume, au bout du vers, d'abord trouve Saufal (Sauval).</p> -</div></div> - -<p>Quoi qu'en ait dit M. de Saint-Surin (<i>Œuvres de Boileau</i>, t. II, -p. 271), il y a Saumaville dans l'édition de 1666; dans l'édition de -1667 on trouve Raumaville; mais ce doit être une faute d'impression, -car celle de 1669 porte derechef Saumaville.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_290">290</a>, note 497: <span class="small1">Racine</span>, <i>lettres de Vitart</i>.</p> - -<p>Je cite ici l'édition de Racine de Geoffroy, non que ce soit la meilleure, -mais parce que c'est dans cette édition que les lettres de Racine -à Vitart et à l'abbé Levasseur ont été imprimées en entier, et -d'après les originaux manuscrits. Racine le fils, en les publiant le premier, -y avait fait des retranchements. On voit par la lettre p. 119, -que Racine, sans souvenir du passé, approuve toutes les rigueurs -contre le surintendant. On voit aussi (t. VII, p. 22) qu'alors il faisait -grand cas de Perrault.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_294">294</a>, ligne 3: Une cour nombreuse.</p> - -<p>Le frère du roi alla habiter le palais Cardinal ou le Palais-Royal. Il -y donnait, ainsi qu'à Saint-Cloud, des fêtes et des repas à la famille -royale; il allait souvent à son château de Villers-Cotterets, que -Louis XIV lui avait donné pour apanage. Le duc de Beaufort, qui demeurait -dans la rue Saint-Honoré, donnait aussi des repas au roi et -à la reine, aussi bien que le président de Maisons. <span class="small1">Monsieur</span> donna -au Palais-Royal une fête au roi et à toute sa cour.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_294">294</a>, ligne 12: Il renouvelle cet éloge.</p> - -<p>Dans la <i>Critique de l'École des Femmes</i>, Molière fait dire à son -Dorante «qu'on peut être habile avec un point de Venise et des plumes, -aussi bien qu'avec une perruque courte et un petit rabat uni; -que la grande épreuve de toutes les comédies, c'est le jugement de -<span class="pagenum"><a id="Page_504"> 504</a></span> -la cour; que c'est son goût qu'il faut étudier pour trouver l'art de réussir; -qu'il n'y a point de lieu où les décisions soient si justes... et -qu'on s'y fait une manière d'esprit qui sans comparaison juge plus -finement des choses que tout le savoir enrouillé des pédants.» Il reproduit -les mêmes idées en vers dans <i>les Femmes Savantes</i>.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_294">294</a>, lignes 13 et 20.</p> - -<p>Voyez la tirade qui commence par ces vers:</p> - -<p class="quote">Je sais bien que souvent un cœur lâche et perfide, etc.</p> - -<p>Alors en fulminant contre les crimes, il ne craignait pas de nommer -les criminels.</p> - -<p class="quote">Et Monleron ne doit qu'à ses crimes divers<br /> -Ses superbes lambris, ses jardins toujours verts.</p> - -<p>Ce Monleron n'était pas un nom supposé, mais un homme très-riche, -et vivant lorsque Boileau imprima sa satire. Tout cela a été -retranché dans les éditions subséquentes. Voyez la note de l'édition -de Saint-Marc, 1747, in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 32.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_295">295</a>, ligne 11: Soixante-dix cordons bleus.</p> - -<p>Il est dit dans l'<i>Histoire de France en estampes</i> que le roi fit -soixante-trois chevaliers d'épée, et huit d'Église. Ce serait soixante-onze.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_296">296</a>, ligne 2: Du titre de <i>Mémoires de Coligny</i>.</p> - -<p>Depuis que ceci a été écrit, les vrais <i>Mémoires de Coligny</i>, dont -cette note marginale n'était qu'un fragment, ont été publiés par la -Société de l'Histoire de France, et ont eu pour éditeur M. Monmerqué.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_297">297</a>, ligne 19: Puis vint le célèbre carrousel; et page 298, note 508: <i>Description du Carrousel</i>.</p> - -<p>Il y a un exemplaire de cette description officielle du carrousel de -1662, avec toutes les figures, supérieurement peintes en miniature, à -la Bibliothèque de Versailles. Dans cette bibliothèque il y a encore -deux autres ballets avec tous les personnages et leurs costumes peints -en grand. Ce fut Fléchier qui traduisit en latin la description du carrousel -de 1662, et le même fit des vers latins sur ce sujet. C'est dans -ce carrousel que Louis XIV prit pour la première fois cette devise -orgueilleuse qu'il a toujours gardée depuis, et qu'il cherche à justifier -dans ses Instructions au Dauphin, contre les critiques nombreuses -<span class="pagenum"><a id="Page_505"> 505</a></span> -qu'on en a faites. On sait qu'elle avait pour corps un soleil -éclairant le globe de ses rayons, et pour âme ces mots latins: <i>Nec -pluribus impar</i>.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_300">300</a>, lignes 2 et 3: Aux inclinations qui pouvaient le distraire des soucis de la royauté.</p> - -<p>«Le roi, dit naïvement madame de Motteville, avait le cœur rempli -de ces misères humaines qui font le faux bonheur de tous honnêtes -gens.»</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_300">300</a>, lignes 17 et 18: Dans le couvent des Filles Sainte-Marie -de Chaillot.</p> - -<p>Cette retraite de La Vallière avait été précédée d'une altercation -avec le roi. Elle eut l'esprit comme égaré d'avoir osé dissimuler avec -lui.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_300">300</a>, ligne dernière: En faisant remettre à Marie-Thérèse.</p> - -<p>La reine connaissait bien avant cette lettre la liaison du roi avec -La Vallière. Elle dit en espagnol à madame de Motteville, qui la vint -voir pendant ses couches, tandis que La Vallière était présente: «<i>Esta -donzella con las aracades de diamante es esta a que el rey -quiere.</i>»</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_301">301</a>, ligne 12: A faire enfermer dans un couvent mademoiselle de Montalais.</p> - -<p>La lettre du roi à l'abbesse de Fontevrault lui recommande de ne -laisser communiquer personne avec mademoiselle de Montalais. Celle-ci -s'était non-seulement rendue la confidente des amours du comte de -Guiche et de <span class="small1">Madame</span>, mais aussi de celles de mademoiselle de Tonnay-Charente -(depuis madame de Montespan), qui avait de l'inclination -pour le marquis de Marmoutiers, et désirait l'épouser. Le comte de -Guiche se déguisa plusieurs fois en femme pour pénétrer près de <span class="small1">Madame</span> -(Conrart, <i>Mém.</i>, t. XLVIII, p. 280; Montpensier, <i>Mém.</i>, t. XLIII, -p. 43). Gramont avait osé disputer mademoiselle de La Motte-Houdancourt -au roi. Il fut exilé, et alla en Angleterre rejoindre Saint-Évremond; -mais ensuite il revint, et rentra en grâce.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_302">302</a>, ligne 14: Ils y parvinrent; et note 1: <span class="small1">Louis XIV</span>, <i>lettre</i> du 20 décembre 1662.</p> - -<p>La lettre de Louis XIV adressée à l'abbesse de Fontevrault est -pour donner la liberté à Montalais.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_506"> 506</a></span></p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_303">303</a>, ligne 25: C'étaient encore des mystères.</p> - -<p>La liaison de Louis XIV avec La Vallière était encore un secret pour -la cour lors de la naissance de la fille qui fut le premier fruit de -cet amour. Cette enfant mourut peu après sa naissance, en novembre -1662. Voyez Motteville, t. XL, p. 177. Nous voyons dans Loret, -liv. XIII, p. 109, que le roi donna un dîner à Versailles; et ce fut le -premier. Les dames à Saint-Germain allaient à la chasse avec le roi. -Le 4 novembre la chasse de Saint-Hubert eut lieu à Saint-Germain. -(Loret, liv. XIII, p. 170.)</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_304">304</a>, ligne 2: La béatification de saint François de Sales.</p> - -<p>Ce fut l'évêque de Montpellier qui fit l'éloge de saint François de -Sales. La canonisation de saint François de Sales eut lieu en 1665; la -cérémonie, au mois de mai. (<i>Histoire de la Monarchie Françoise</i>, -1697, t. II, p. 235.)</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_305">305</a>, ligne 9: Quoique Corbinelli fût à Paris membre d'une académie italienne.</p> - -<p>L'ambassadeur de Venise était le protecteur de cette académie italienne. -Le chevalier Amalthée et Corbinelli en étaient les chanceliers -honoraires.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXI.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_313">313</a>, ligne 4: Il imprimait au dehors le respect et la crainte.</p> - -<p>Le légat du pape et un cardinal vinrent demander pardon au roi -pour ce qui s'était passé à Rome. En même temps Louis XIV se -conduisait d'une manière toute chevaleresque envers ses alliés, -et rendait à l'empereur d'Allemagne les drapeaux conquis sur les -Turcs.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_313">313</a>, ligne 7: Il terminait le Louvre et commençait Versailles.</p> - -<p>Loret dès le mois d'octobre 1663 parle déjà du labyrinthe de Versailles -et de la ménagerie. Le Vau était l'architecte du Louvre. Les -grands travaux de Versailles ne commencèrent qu'en 1664. Ils ont -coûté 116 millions ou 190 millions de notre monnaie actuelle, somme -que Mirabeau exagérait en la portant à 1,200 millions, et Volney à -quatre milliards six cents millions! et cela dans des <i>Leçons d'Histoire</i> -<span class="pagenum"><a id="Page_507"> 507</a></span> -(1799, in-8<sup>o</sup>, p. 141). Conférez la troisième partie de ces <i>Mémoires</i>, -p. 450.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_314">314</a>, lignes 5 et 6: Pour les recherches à faire sur toutes les branches d'administration du royaume.</p> - -<p>Voici ce que dit au sujet de cette circulaire M. d'Hauterive, un -des hommes les plus instruits et les plus habiles en administration -du règne de Napoléon: «Je viens dans le moment même de découvrir -une minute de la circulaire qui fut adressée par Colbert, par ordre du -roi, en 1664, à tous les intendants du royaume. Elle contient un système -tout à fait complet de recherches sur tous les objets que j'ai -passés trop rapidement en revue dans mes conseils (<i>Conseils à un -jeune Voyageur</i>). Ce système présente dans de bien minutieux détails -les rapports de toutes les administrations du royaume avec toutes les -classes des sujets et les individus de toutes les classes. Les objets -d'informations y sont classés d'une manière admirable; rien n'y est -omis: produits, échanges, rangs, mœurs et usages; divisions géographique, -administrative, ecclésiastique, militaire; ordre judiciaire, -finances, et toutes les parties de chacune des administrations de -l'État y sont proposés à l'examen et à l'étude de l'observateur officiel, -pour qu'il y remarque le bien, le mal, le moyen d'améliorer ou le -remède, et qu'il rende successivement compte de ses observations. -Les actes de l'autorité sont tous nominativement mis en regard des -droits et des besoins des peuples, et le ministre exprime sur chaque -point la sollicitude du souverain sur des abus qu'il ignore, qu'il veut -connaître, et qu'il est dans sa royale intention de prévenir et de réformer.»</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_314">314</a>, ligne 16: Dans le <i>Discours au Roi</i>, et note 540 <i>Suite du Nouveau Recueil.</i></p> - -<p>Le <i>Recueil</i> où le <i>Discours au Roi</i>, de Boileau, se trouve imprimé -pour la première fois a échappé aux nombreux commentateurs de -l'auteur de l'<i>Art Poétique</i>, quoiqu'il ait dû être dans le temps fort -répandu.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_314">314</a>, lignes 19 et 20: Les premières satires du jeune poëte; et note 541: <i>Nouveau Recueil</i>.</p> - -<p>Dans la satire à Molière, telle qu'elle est imprimée dans le <i>Recueil</i> -<span class="pagenum"><a id="Page_508"> 508</a></span> -cité, qui est de 1665, antérieur à la première édition donnée par l'auteur, -on lit:</p> - -<p class="quote">Si je pense parler d'un galant de notre âge,<br /> -Ma plume pour rimer rencontrera Ménage.</p> - -<p>Ainsi les commentateurs de Boileau se sont trompés quand ils ont -avancé que ces vers n'avaient jamais été imprimés ainsi, et que cette -variante n'avait existé que sur le manuscrit.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_317">317</a>, ligne 7: Mademoiselle de La Vallière, dont la liaison avec le monarque n'était plus un mystère.</p> - -<p>Dans le ballet royal des <i>Arts</i>, La Vallière jouait, déguisée en bergère; -et Benserade fait dire à ce sujet:</p> - -<p class="quote">Et je ne pense pas que dans tout le village<br /> -Il se rencontre un cœur mieux placé que le sien.</p> - -<p>Guéret, dans sa <i>Carte de la Cour</i>, qui parut en 1663, fait ainsi le -portrait de Clarice: «L'ingénieuse Clarice paraît aussi beaucoup dans -ces lieux; et si je n'ose dire hardiment qu'elle en est l'âme (comme -plusieurs personnes disent à sa gloire), du moins j'avancerai avec -assurance qu'elle en est un des plus beaux ornements. L'on croit que -ses conquêtes s'étendent bien au delà de cette cour.» Et en marge -il est écrit: <i>La Vallière</i>.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_319">319</a>, ligne 16: Plus adroitement que toutes ses femmes; et note 547.</p> - -<p>Les médecins prescrivirent le quinquina; ce qui prouve que ce -médicament était connu alors.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXII.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_322">322</a>, lignes 9 et 10: Donnèrent encore plus d'activité aux fêtes.</p> - -<p>La foire de Saint-Laurent cette année fut très-brillante (25 août); -Loret, liv. XIV, p. 136. Il y eut le mariage de mademoiselle de Valois -et celui de M. le Duc, fils du prince de Condé (Montpensier, t. XLIII, -p. 54, 68). On donna un carrousel pour l'arrivée du légat (Loret, -liv. XV, p. 123). Il y eut une jolie fête à Vincennes, où le roi figura. -On y joua à l'escarpolette (Loret, liv. XIV, p. 189, 191). Il y eut -<span class="pagenum"><a id="Page_509"> 509</a></span> -aussi des fêtes en Bretagne pour la tenue des états (Loret, liv. XIV, -p. 152).</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_327">327</a>, lignes 15 et 18: Mademoiselle de Mortemart.... s'était mariée à Montespan.</p> - -<p>Nous apprenons par Loret que l'hôtel où se firent les noces de mademoiselle -de Mortemart se nommait l'hôtel d'Antin. Le fils que madame -de Montespan eut de son mari, et dont nous avons les Mémoires, -imprimés par la Société des Bibliophiles, portait le titre de duc -d'Antin.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_327">327</a>, note 549: <span class="small1">Loret</span>.</p> - -<p>Loret nous apprend qu'il y a une relation de ce ballet des <i>Arts</i> imprimée -chez Ballard, et que la <i>Gazette</i> en rapporte «maintes choses»: -c'était la <i>Gazette de France</i> de Renaudot, la seule qui existât -alors. Ce ballet fut joué aussi au Palais-Royal, chez <span class="small1">Monsieur</span>, à la fin -de février (Loret, liv. XIV, p. 35, en date du 1<sup>er</sup> mars).</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_329">329</a>, ligne 9: Pour <i>mademoiselle</i> <span class="small1">de Sévigny</span>.</p> - -<p>Loret écrit souvent Cevigny, mais quelquefois mieux Sevigny; -dans Benserade et dans Bussy, c'est toujours Sevigny. Le goût que -l'on avait pour la langue italienne faisait affecter les terminaisons italiennes.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_330">330</a>, ligne 19: Le jeu qu'on appelait <i>la ramasse</i>.</p> - -<p>Loret parle ainsi du jeu nommé <i>la ramasse</i>:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Mercredi le roi notre sire,</p> -<p>A qui de longs jours je désire,</p> -<p>Dans Versailles traita la cour,</p> -<p>Et quoique ce fût un beau jour,</p> -<p>On n'y fit point, dit-on, de chasse;</p> -<p>Mais le plaisir de <i>la ramasse</i>,</p> -<p>Plus rapide que hasardeux,</p> -<p>Les divertit une heure ou deux.</p> -</div></div> - -<p>Au mot <i>ramasse</i>, par un renvoi, Loret a mis en marge: <i>Machine -de nouvelle invention</i>.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_330">330</a>, avant-dernière et dernière lignes: Toutes les fêtes de l'hiver furent surpassées par celles que Louis XIV donna au printemps.</p> - -<p>La description de ces fêtes se trouve dans toutes les éditions de -<span class="pagenum"><a id="Page_510"> 510</a></span> -notre grand comique. Benserade fait commencer ces fêtes le 10 mai; -la lettre de Marigny, mélangée de prose et de vers, où elles sont -décrites, est datée du 14 mai 1664.</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXIII.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_334">334</a>, ligne 9: Il n'a plus la faculté de brûler.</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Arde per voi d'Amore.</p> -<p>Fuor del mio, vaga <span class="small1">Filli</span>,</p> -<p>Ogni più nobil core</p> -<p>Non accusi però vostra bellezza</p> -<p>Questo cor di rozzezza!</p> -<p>Che con mille beltà vaghe, leggiadre</p> -<p>Di mille e mille flamme al mondo note,</p> -<p>L'arse, et l'incenerì della madre;</p> -<p>E cosa incenerita arder non puote.</p> -</div></div> - -<p class="echap">CHAPITRE XXIV.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_342">342</a>, lignes 11 et 12: On lui permet d'acheter la charge de mestre de camp de la cavalerie légère.</p> - -<p>Bussy, dans son <i>Discours à ses Enfants</i>, et la maréchale de Clérambault, -au mari duquel Bussy acheta cette charge de mestre de cavalerie, -disent qu'elle coûta 90,000 écus; et Bussy, dans ses <i>Mémoires</i>, -dit 252,000 livres. C'était environ cinq cent mille francs de notre -monnaie actuelle.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_350">350</a>, lignes 4 et 5: Quelque épigramme comme celle que Loménie de Brienne lui attribue.</p> - -<p>Voici cette épigramme, dont la pointe est fondée sur le surnom de -Louis Dieudonné, conféré à Louis XIV lors de sa naissance:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i2"> Ce roi si grand, si fortuné,</p> -<p>Plus sage que César, plus vaillant qu'Alexandre,</p> -<p class="i2"> On dit que Dieu nous l'a donné:</p> -<p class="i2"> Hélas! s'il voulait le reprendre!</p> -</div></div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_511"> 511</a></span></p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_353">353</a>, ligne 7: Elle dit un jour à son cercle; et note 605.</p> - -<p>Cette anecdote a été racontée par Roquette, évêque d'Autun, à -Boubier lui-même.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_355">355</a>, lignes 9 et 10: Les inscriptions et les emblèmes qui se voyaient au château de Bussy.</p> - -<p>On sait que Bussy avait réuni dans cette galerie les portraits de toutes -les femmes qu'il avait aimées. Il les avait accompagnés d'inscriptions -et d'emblèmes. Sous le portrait de la marquise de Monglat on -lisait: «Isabelle-Cécile Hurault de Cheverny, marquise de Monglat, -qui par son inconstance a remis en honneur la matrone d'Éphèse -et les femmes d'Astolfe et de Joconde.» Bussy avait fait peindre -cette marquise dans le bassin d'une balance. Elle était emportée par -le bassin vide, et sur le plateau où elle se trouvait on lisait: <i>Levior -aura</i>, «plus légère que l'air». Dans un autre endroit de sa galerie -il l'avait encore fait peindre avec les emblèmes et sous les attributs -de la Fortune, et on lisait: <i>Leves ambo, ambo ingratæ</i>, «toutes -deux légères, toutes deux ingrates».</p> - -<p class="echap">CHAPITRE XXV.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_363">363</a>, lignes 8 et 9: Cette réconciliation fut sincère de part et d'autre.</p> - -<p>«Vous savez encore, dit-elle, notre voyage de Bourgogne, et avec -quelle franchise je vous redonnai toute la part que vous aviez jamais -eue dans mon amitié.»</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_364">364</a>, ligne 6: Ce dernier en eut ensuite ramassé et rejoint les morceaux.</p> - -<p>Ce récit de Bussy-Rabutin est invraisemblable, et ne le justifie -pas.</p> - -<p class="pnote">Page <a href="#Page_367">367</a>, ligne 14: A sa terre des Rochers, qu'elle s'occupait à agrandir et à embellir.</p> - -<p>Elle acheta de nouvelles terres, fit un labyrinthe (à cette époque, à -l'imitation de Versailles, on en faisait partout), et elle augmenta son -parc.</p> - -<hr class="deco" /> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_512"> 512</a></span></p> - -<p class="subh">SUR DIFFÉRENTS PORTRAITS QU'ON A GRAVÉS DE MADAME DE SÉVIGNÉ.</p> - -<p>J'ai dit à la page 380 de ce volume, dans la note sur la page 14, lignes -10 et 15 de la première partie de ces <i>Mémoires</i>, que le portrait -de madame de Sévigné inséré dans les éditions de 1818 et de 1820 était -un des moins ressemblants de tous ceux qui ont été gravés. J'ai acquis -depuis la certitude que ce portrait est celui d'une autre femme, qui -n'avait avec la célèbre madame de Sévigné aucune ressemblance. -L'erreur est ancienne: Odieuvre, dans sa collection de portraits, a -donné comme portrait de madame de Sévigné la figure d'une femme -peinte par Ferdinand et gravée par Schmidt; le cadre de cette peinture -avait les armes de Grignan et de Sévigné, et c'est ce qui a produit -l'erreur. C'est ce portrait (dont Petitot a fait une miniature) qui, -gravé par Masquelier, a été inséré dans les éditions des <i>Lettres de -Sévigné</i>, de 1818 et de 1820. Le graveur Saint-Aubin, en le transformant -pour le mettre de profil, a encore plus fait ressortir les dissemblances -entre cette figure et celle de madame de Sévigné, surtout relativement -à la longueur du nez. Néanmoins ce portrait a été reproduit un grand -nombre de fois par la gravure, comme étant celui de madame de -Sévigné.</p> - -<p>Sur environ quarante portraits gravés de madame de Sévigné, que -nous avons eu occasion d'examiner, il y en a un qui est bien certainement -authentique: c'est celui qui a été réduit et gravé par Édelinck, -d'après une peinture au pastel de Nanteuil, exécutée d'après nature. Ce -portrait, dans la gravure, a environ deux pouces et demi de hauteur; -la tête, un pouce de hauteur. Il a depuis été gravé plus en grand par -Delegorgue, d'après le pastel original de Nanteuil, tiré du cabinet de -M. Traullé. Dans cette gravure ce portrait a trois pouces et demi de -haut; mais les traits sont moins bien modelés que dans celui d'Édelinck, -et l'on s'aperçoit qu'il a été fait sur un original en partie effacé -par le temps. C'est ce portrait qui a été réduit, et plus ou moins altéré, -dans les diverses gravures qu'on a insérées dans les nombreuses éditions -de madame de Sévigné, dans les notices que l'on a écrites sur -cette femme célèbre, et dans les diverses collections de personnages -célèbres. Il a été habilement lithographié pour la collection de madame -Delpech.</p> - -<p>Il y a une lithographie exécutée à Rennes, qui est un portrait de -femme âgée, nullement ressemblant à madame de Sévigné. Pourtant -<span class="pagenum"><a id="Page_513"> 513</a></span> -au bas de cette lithographie on lit: <i>Marie-Rabutin Chantal, marquise -de Sévigné, née en 1549, morte en 1610, dessinée et lithographiée -d'après le portrait original de Mignard, qui existe au château -des Rochers près Vitré</i>. Serait-ce le portrait de l'aïeule du -marquis de Sévigné, retrouvé à Vitré, qui aurait donné lieu à cet -exemple curieux d'ignorance dans le pays même où madame de Sévigné -habita si longtemps, et où son souvenir vit encore?</p> - -<hr class="tb" /> - -<p>Je n'ajouterai que peu de lignes à la note précédente, réimprimée -d'après la première édition de ce volume. Je donnerai seulement le -résultat des recherches que j'ai faites depuis sur les portraits de -madame de Sévigné, me réservant de justifier plus tard mes assertions -par une dissertation spéciale sur ces portraits et sur ceux de -plusieurs femmes célèbres du temps de Louis XIV. Ce sujet a de -l'intérêt, non-seulement pour l'histoire de madame de Sévigné, mais -pour celle des mœurs et des habitudes du siècle où elle a vécu.</p> - -<p>Nous avons trois portraits authentiques de madame de Sévigné: -celui qui a été gravé par Édelinck, et ensuite par Delegorgue, lithographié -par Delpech, est le plus certain et le principal. Ce portrait est du -temps de la régence d'Anne d'Autriche, et madame de Sévigné avait -alors trente et un ans. Le portrait gravé et enluminé ou peint à l'aquarelle, -gravé par Gatine et dessiné par Lanté, sous la direction de M. Lamésangère, -d'après un original peint par Mignard, et une mignature -sur vélin, est en pied; il a été fait à la même époque que le précédent; -il est le même pour la tête: c'est le portrait de madame de Sévigné -qui nous donne l'idée la plus fidèle de son port et de sa physionomie. -Je ne parle pas des tableaux originaux d'après lesquels ces deux portraits -ont été gravés; je ne les ai pas vus. C'est sur le tableau de ce portrait -gravé en pied, dans lequel madame de Sévigné tient une lettre, -d'une main et une plume de l'autre, que Ménage a écrit un sonnet en -italien inséré dans la troisième édition de ses poésies, en 1658, page 16.</p> - -<p>Le portrait qui est dans l'édition des <i>Lettres de Sévigné</i> de 1734 -diffère des deux précédents; il appartient à un âge différent, lorsque -madame de Sévigné avait environ quarante à quarante-cinq ans; il -provient d'un tableau qu'avait Bussy-Rabutin, et que son fils l'évêque -de Luçon a communiqué au chevalier Perrin, ami de madame de -Simiane et éditeur des <i>Lettres de Madame de Sévigné</i>.</p> - -<p>Le prétendu portrait de madame de Sévigné qui est dans la galerie -de Versailles, et qui a été gravé, est la copie d'un tableau de la galerie -<span class="pagenum"><a id="Page_514"> 514</a></span> -du château d'Eu. Ce portrait est celui de la belle-fille de madame -de Sévigné: c'est celui de Jeanne-Marguerite de Brehant de -Mauron, marquise de Sévigné, et non pas celui de Marie de Rabutin-Chantal. -Le portrait gravé par Masquelier, d'après une mignature -de Petitot, et inséré dans l'édition des lettres de madame de Sévigné -par M. Monmerqué, est aussi le portrait de sa belle-fille, et -non le sien. Quant aux portraits gravés de madame de Grignan, il -n'y a lieu à aucune rectification; ils sont tous dérivés de copies plus -ou moins bien faites primitivement, d'après un seul et même original -peint par Mignard.</p> - -<p class="end">FIN.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_515"> 515</a></span></p> - - -<div class="chapter"> -<div class="footnotes"> -<h2 class="normal">NOTES:</h2> -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_1" href="#FNanchor_1" class="label">[1]</a> <span class="small1">Motteville,</span> <i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 364, 365.</p> - -<p><a id="Footnote_2" href="#FNanchor_2" class="label">[2]</a> <span class="small1">Desormaux,</span> <i>Histoire de Louis de Bourbon, prince de Condé, -second du nom</i>, 1779, in-12, t. IV, p. 14 et 15.—<span class="small1">Loret</span>, liv. V, p. 12, -24 janvier 1654, p. 37, 40.—<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. L, p. 430.</p> - -<p><a id="Footnote_3" href="#FNanchor_3" class="label">[3]</a> <span class="small1">Brienne</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXVI, p. 219.—<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. L, -p. 534.—<span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLI, p. 444.—<span class="small1">Loret</span>, lib. V, p. 72, -13 juin 1654.</p> - -<p><a id="Footnote_4" href="#FNanchor_4" class="label">[4]</a> <span class="small1">Desormeaux</span>, <i>Hist. de Condé</i>, t. IV, p. 18.—<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, -t. L, p. 438.—<span class="small1">Motteville</span>, t. XLI, p. 427.—<span class="small1">Loret</span>, liv. V, p. 30, -33, 82, 14 mars et 4 juillet 1654.</p> - -<p><a id="Footnote_5" href="#FNanchor_5" class="label">[5]</a> <i>Mss. de l'hôtel de Condé</i> cités par <span class="small1">Desormeaux</span> dans l'<i>Hist. de -Condé</i>, t. IV, p. 45, 68.—<span class="small1">Navailles</span>, <i>Mém.</i>, 1701, in-12, p. 167.—<span class="small1">Bussy</span>, -<i>Hist. am. des Gaules</i>, t. I, p. 199, édit. 1754.—Ibid., -<i>Hist. am. de France</i>, p. 216 et 239.—Ibid., <i>Hist. am. de France</i>, -édit. de Liége, p. 160 à 189, édit. 1<sup>re</sup>; p. 130 et 154, édit. 2<sup>e</sup>.</p> -</div> -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_6" href="#FNanchor_6" class="label">[6]</a> <span class="small1">De Ramsay</span>, <i>Hist. de Turenne</i>, liv. IV, t. II, p. 18, édit. in-12, -et la planche 6 de l'atlas.</p> - -<p><a id="Footnote_7" href="#FNanchor_7" class="label">[7]</a> <span class="small1">Desormeaux</span>, <i>Hist. de Condé</i>, t. IV, p. 49.—<span class="small1">Loret</span>, liv. V, -p. 118, 12 septembre 1654.—<span class="small1">Raguenet</span>, <i>Hist. du vicomte de Turenne</i>, -p. 238 à 255.</p> - -<p><a id="Footnote_8" href="#FNanchor_8" class="label">[8]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. L, p. 469.—<span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 426, -429.—<span class="small1">De Ramsay</span>, <i>Hist. de Turenne</i>, t. II, p. 47 et 87, édit. in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_9" href="#FNanchor_9" class="label">[9]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 363.—<span class="small1">Monglat</span>, t. L, p. 458.</p> - -<p><a id="Footnote_10" href="#FNanchor_10" class="label">[10]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 301.</p> - -<p><a id="Footnote_11" href="#FNanchor_11" class="label">[11]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 397.</p> - -<p><a id="Footnote_12" href="#FNanchor_12" class="label">[12]</a> <span class="small1">Retz</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVI, p. 243.—<span class="small1">Guy-Joly</span>, t. XLVII, p. 262.</p> - -<p><a id="Footnote_13" href="#FNanchor_13" class="label">[13]</a> <span class="small1">Guy-Joly</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 292.</p> - -<p><a id="Footnote_14" href="#FNanchor_14" class="label">[14]</a> <span class="small1">Retz</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVI, p. 253 et 254.</p> - -<p><a id="Footnote_15" href="#FNanchor_15" class="label">[15]</a> <span class="small1">Guy-Joly</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 294.—<span class="small1">Retz</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVI, -p. 253.</p> - -<p><a id="Footnote_16" href="#FNanchor_16" class="label">[16]</a> <span class="small1">Retz</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVI, p. 253, ou p. 437 de l'édit. Champollion.</p> - -<p><a id="Footnote_17" href="#FNanchor_17" class="label">[17]</a> <span class="small1">Retz</span>, t. XLVI, p. 258, 201 et 273.</p> - -<p><a id="Footnote_18" href="#FNanchor_18" class="label">[18]</a> Ibid., p. 271.—<span class="small1">Guy-Joly</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 312 à 317.</p> - -<p><a id="Footnote_19" href="#FNanchor_19" class="label">[19]</a> <span class="small1">Retz</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVI, p. 281.</p> - -<p><a id="Footnote_20" href="#FNanchor_20" class="label">[20]</a> <span class="small1">Retz</span>, <i>Mém.</i>, t. LXVI, p. 285.—<span class="small1">Guy-Joly</span>, t. XLVII, p. 238.</p> - -<p><a id="Footnote_21" href="#FNanchor_21" class="label">[21]</a> <span class="small1">Retz</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVI, p. 287.</p> - -<p><a id="Footnote_22" href="#FNanchor_22" class="label">[22]</a> Ibid., p. 293.</p> - -<p><a id="Footnote_23" href="#FNanchor_23" class="label">[23]</a> <span class="small1">Guy-Joly</span>, t. XLVII, p. 345 (le 28 novembre 1655).</p> - -<p><a id="Footnote_24" href="#FNanchor_24" class="label">[24]</a> <span class="small1">Retz</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVI, p. 303.</p> - -<p><a id="Footnote_25" href="#FNanchor_25" class="label">[25]</a> <span class="small1">Retz</span>, t. XLVI, p. 305, 348.—<span class="small1">Guy-Joly</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 372 -et 374.—<span class="small1">Monglat</span>, t. L, p. 471.</p> - -<p><a id="Footnote_26" href="#FNanchor_26" class="label">[26]</a> <span class="small1">Guy-Joly</span>, t. XLVII, p. 387 et 388.</p> - -<p><a id="Footnote_27" href="#FNanchor_27" class="label">[27]</a> <span class="small1">Retz</span>, t. XLVI, p. 344.—<span class="small1">Joly</span>, t. XLVII, p. 372-374.</p> - -<p><a id="Footnote_28" href="#FNanchor_28" class="label">[28]</a> <span class="small1">Guy-Joly</span>, t. LXVII, p. 322, 323, 330.—<span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, 1820, -in-8<sup>o</sup>, t. I<sup>er</sup>, p. 28. Cette lettre de Retz ne fut point écrite d'Espagne.</p> - -<p><a id="Footnote_29" href="#FNanchor_29" class="label">[29]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. III, p. 140, 5 octobre 1652; <i>Ménagiana</i>, -t. II, p. 5.</p> - -<p><a id="Footnote_30" href="#FNanchor_30" class="label">[30]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 1, 28 et 29 (1<sup>er</sup> octobre 1654), édit. -1820, et t. I, p. 34 et 37, édit. de G. de St.-G.</p> - -<p><a id="Footnote_31" href="#FNanchor_31" class="label">[31]</a> <i>Ménagiana</i>, t. II, p. 5; t. III, p. 192 et 193.—<span class="small1">Bruzen de la -Martinière</span>, <i>Hist. de M. Scarron</i>, t. I, p. 58 des <i>Œuvres</i>, édit. 1737, -in-18.—Voyez la première partie de ces Mémoires, p. 452.</p> - -<p><a id="Footnote_32" href="#FNanchor_32" class="label">[32]</a> <span class="small1">Tallemant des Réaux</span>, t. V, p. 257, édit. in-8<sup>o</sup>; t. IX, p. 123, -édit. in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_33" href="#FNanchor_33" class="label">[33]</a> Jean <span class="small1">Bernier</span>, <i>Anti-Ménagiana</i>, p. 43.—Gilles <span class="small1">Boileau</span>, <i>Avis -à M. Ménage sur son églogue intitulée Christine</i>, dans le <i>Recueil -des pièces choisies de</i> <span class="small1">La Monnoye</span>, 1714, t. I, p. 278, préface.</p> - -<p><a id="Footnote_34" href="#FNanchor_34" class="label">[34]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. L, p. 459.—<span class="small1">Ramsay</span>, <i>Hist. de Turenne</i>, -t. II, liv. IV, p. 17 à 69, édit. in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_35" href="#FNanchor_35" class="label">[35]</a> <span class="small1">Retz</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 382, 391, 535.</p> - -<p><a id="Footnote_36" href="#FNanchor_36" class="label">[36]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, t. II, liv. VI, p. 17, <i>lettre</i> en date du -30 janvier 1655.—Ibid., p. 6 et 12.—<span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 369.</p> - -<p><a id="Footnote_37" href="#FNanchor_37" class="label">[37]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VI, p. 79, 106; liv. VII, p. 6, 7 et 19.</p> - -<p><a id="Footnote_38" href="#FNanchor_38" class="label">[38]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VI, p. 141, 190 et 199, <i>lettre</i> en date du 24 déc. 1655.</p> - -<p><a id="Footnote_39" href="#FNanchor_39" class="label">[39]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 22, <i>lettre</i> 6, en date du 5 février.</p> - -<p><a id="Footnote_40" href="#FNanchor_40" class="label">[40]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VI, p. 82.</p> - -<p><a id="Footnote_41" href="#FNanchor_41" class="label">[41]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VI, p. 193, <i>lettre</i> en date du 18 décembre 1655, et -liv. VII, p. 13, <i>lettre</i> en date du 12 janvier 1656. Ce Brienne est -celui dont M. Barrière a publié les Mémoires.</p> - -<p><a id="Footnote_42" href="#FNanchor_42" class="label">[42]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. V, p. 77; liv. VII, p. 32 et 33, et p. 37, en date du -4 mars 1656.</p> - -<p><a id="Footnote_43" href="#FNanchor_43" class="label">[43]</a> <span class="small1">Benserade</span>, <i>Œuvres</i>, t. II, p. 117.—<span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 20, en -date du 19 février 1656.</p> - -<p><a id="Footnote_44" href="#FNanchor_44" class="label">[44]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VI, p. 12, 67, 69, 107, 141, 143, 193.—<span class="small1">Motteville</span>, -<i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 369.—<span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 2, 3, 5, 14, 15, 19, -43 (<i>lettre</i> du 25 janvier); liv. VIII, p. 43.—<span class="small1">Benserade</span>, <i>Œuvres</i>, -t. II, p. 172.</p> - -<p><a id="Footnote_45" href="#FNanchor_45" class="label">[45]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VI, p. 141, 142, 143; liv. VII, p. 23 et 25.</p> - -<p><a id="Footnote_46" href="#FNanchor_46" class="label">[46]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse hist.</i>, liv. VI, p. 17, <i>lettre</i> en date du 30 janvier -1655, et ibid., p. 6 et 12.—<span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 307, 369.</p> - -<p><a id="Footnote_47" href="#FNanchor_47" class="label">[47]</a> <span class="small1">Loret</span>, t. II, liv. IV, p. 118 et 127 (7 et 21 août 1655).</p> - -<p><a id="Footnote_48" href="#FNanchor_48" class="label">[48]</a> Frères <span class="small1">Parfaict</span>, <i>Histoire du Théâtre François</i>, t. VIII, p. 129 -à 140.—<span class="small1">Quinault</span>, <i>Œuvres</i>, 1715, in-12, t. I<sup>er</sup>, p. 260 à 358.</p> - -<p><a id="Footnote_49" href="#FNanchor_49" class="label">[49]</a> <span class="small1">Loret</span>, t. II, liv. VI, p. 127, <i>lettre</i> 31, en date du 25 août 1655.</p> - -<p><a id="Footnote_50" href="#FNanchor_50" class="label">[50]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 58, 60.—<span class="small1">Sauval</span>, <i>Galanteries -des Rois de France</i>, 1738, t. II, p. 10.</p> - -<p><a id="Footnote_51" href="#FNanchor_51" class="label">[51]</a> <i>Mémoires de</i> <span class="small1">Guise</span>.—<span class="small1">Pastoret</span> fils, <i>Révolution de Naples</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_52" href="#FNanchor_52" class="label">[52]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 372.</p> - -<p><a id="Footnote_53" href="#FNanchor_53" class="label">[53]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv, VI, p. 78, 79, 81.—<span class="small1">Benserade</span>, <i>Œuvres</i>, t. II, p. 113.</p> - -<p><a id="Footnote_54" href="#FNanchor_54" class="label">[54]</a> <i>Registres des états de Bretagne</i>, mss. Bibl. du roi; Bl. Mant., -n<sup>o</sup> 75, p. 324 à 329.</p> - -<p><a id="Footnote_55" href="#FNanchor_55" class="label">[55]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLI, p. 487.</p> - -<p><a id="Footnote_56" href="#FNanchor_56" class="label">[56]</a> Sur les constructions et les embellissements que <span class="small1">Mademoiselle</span> -fit alors exécuter à son château de Saint-Fargeau, consultez M. le -baron <span class="small1">Chaillou des Barres</span>, <i>Châteaux d'Ancy-le-Franc, de Saint-Fargeau</i> -et <i>de Tanlay</i>, 1845, in-4<sup>o</sup>, p. 71.</p> - -<p><a id="Footnote_57" href="#FNanchor_57" class="label">[57]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLI, p. 473 et 474.</p> - -<p><a id="Footnote_58" href="#FNanchor_58" class="label">[58]</a> <span class="small1">Sauval</span>, <i>Galanteries des Rois de France</i>, édit. 1738, t. II, p. 59.</p> - -<p><a id="Footnote_59" href="#FNanchor_59" class="label">[59]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XLI, p. 95.</p> - -<p><a id="Footnote_60" href="#FNanchor_60" class="label">[60]</a> <span class="small1">Lenet</span>, t. LIII, p. 139, 140, 142, 143.</p> - -<p><a id="Footnote_61" href="#FNanchor_61" class="label">[61]</a> <span class="small1">Lenet</span>, <i>Mém.</i>, t. LIII, p. 112, 143, 155.</p> - -<p><a id="Footnote_62" href="#FNanchor_62" class="label">[62]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLI, p. 190.</p> - -<p><a id="Footnote_63" href="#FNanchor_63" class="label">[63]</a> <span class="small1">Lenet</span>, <i>Mém.</i>, t. LIII, p. 112, 113, 154, 155, 239, 266 et 513; -t. LIV, p. 213.—<span class="small1">Coligny-Saligny</span>, <i>Mém.</i>, 1841, in-8<sup>o</sup>, p. 24 à 31.</p> - -<p><a id="Footnote_64" href="#FNanchor_64" class="label">[64]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VI, p. 106, du 17 juillet 1655.</p> - -<p><a id="Footnote_65" href="#FNanchor_65" class="label">[65]</a> <span class="small1">Segrais</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 127.</p> - -<p><a id="Footnote_66" href="#FNanchor_66" class="label">[66]</a> <span class="small1">Conrart</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVIII, p. 200.</p> - -<p><a id="Footnote_67" href="#FNanchor_67" class="label">[67]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>lettres</i> (26 juin et 3 juillet 1655), t. I, p. 30 et 32, édit. -M.; t. I, p. 38 et 40, édit. G. C'est bien de la marquise de Gouville -qu'il est question en cet endroit.</p> - -<p><a id="Footnote_68" href="#FNanchor_68" class="label">[68]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, édit. 1721, t. II, p. 14, et t. II, p. 17 de l'édit. -in-4<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_69" href="#FNanchor_69" class="label">[69]</a> <span class="small1">Sauval</span>, <i>Antiquités de Paris</i>, t. II, p. 650.</p> - -<p><a id="Footnote_70" href="#FNanchor_70" class="label">[70]</a> <i>Livre commode, contenant les adresses de la ville de Paris</i>, -1692, in-8<sup>o</sup>, p. 54 à 89.</p> - -<p><a id="Footnote_71" href="#FNanchor_71" class="label">[71]</a> <span class="small1">Chavagnac</span>, <i>Mém.</i>, 1699, in-12, t. I, p. 207.—<span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, -t. LXIII, p. 304 (Prud'homme fournissait de l'argent au duc de la -Feuillade).</p> - -<p><a id="Footnote_72" href="#FNanchor_72" class="label">[72]</a> <i>France galante, ou Hist. am. de la Cour</i>, 1695, in-12, p. 134; -<i>Hist. am. des Gaules</i>, 1754, t. II, p. 326, 331.—<span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> -(4 avril 1671), t. II, p. 3, édit. de Monmerqué.—<span class="small1">Saint-Simon</span>, -<i>Œuvres complètes</i>, 1791, in-8<sup>o</sup>, t. I<sup>er</sup>, p. 75.—Ibid., <i>Mém. authentiques</i>, -t. II, p. 81, 82. Voyez ci-après, p. 54.</p> - -<p><a id="Footnote_73" href="#FNanchor_73" class="label">[73]</a> <i>Supplément aux Mém. et Lettres de M. le comte de Bussy</i>, -t. I, p. 49.—<span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, 1721, in-12, t. II, p. 14; t. II, p. 17 de -l'édit. in-4<sup>o</sup>.—<span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (3 juillet 1655), t. I, p. 30 et 32, édit. -Monmerqué; ou t. I, p. 38 et 40 de l'édit. de G. de S.-G.</p> - -<p><a id="Footnote_74" href="#FNanchor_74" class="label">[74]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 36, édit. de M.; ou p. 46, édit. de G.; -<i>Supplément aux Mém. de</i> <span class="small1">Bussy</span>, t. I, p. 51; <i>Mém.</i>, t. II, p. 27, -édit. in-12, et p. 35 de l'édit. in-4<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_75" href="#FNanchor_75" class="label">[75]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mémoires</i>, t. L, p. 461; <i>Histoire de la Monarchie -françoise sous le règne de Louis le Grand</i>, 4<sup>e</sup> édition, 1697, in-12, -p. 72.</p> - -<p><a id="Footnote_76" href="#FNanchor_76" class="label">[76]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 47, in-12, et p. 56 de l'in-4<sup>o</sup>.—<span class="small1">Sévigné</span>, -<i>Lettres</i> (7 octobre 1655), t. I, p. 42, édit. M.; t. I, p. 52, édit. G.</p> - -<p><a id="Footnote_77" href="#FNanchor_77" class="label">[77]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>lettre</i> en date du 19 juillet 1655, t. I, p. 130, et t. I, -p. 45, édit. de G. de S.-G.</p> - -<p><a id="Footnote_78" href="#FNanchor_78" class="label">[78]</a> <i>Lettre de Bussy</i>, en date du 13 août 1655.—Dans <span class="small1">Sévigné</span>, -<i>Lettres</i>, t. I, p. 40, édit. M.; p. 49.—<span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 32, -in-12, et dans l'édit. in-4<sup>o</sup>, t. II, p. 38.</p> - -<p><a id="Footnote_79" href="#FNanchor_79" class="label">[79]</a> <span class="small1">Sévigny</span>, <i>Lettres</i> (25 novembre 1655), t. I, p. 56, édit. G., p. 45, -édit. M.</p> - -<p><a id="Footnote_80" href="#FNanchor_80" class="label">[80]</a> <span class="small1">Sévigny</span>, <i>Lettres</i> (20 juin 1655), t. I, p. 31, édit. M., ou p. 39, -édit. G.—<span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i> t. II, p. 15 de l'in-12; de l'édit. in-4<sup>o</sup>, p. 18.</p> - -<p><a id="Footnote_81" href="#FNanchor_81" class="label">[81]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (14 juillet, t. I, p. 33), édit. M.—<span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, -t. II, p. 23 de l'édit. in-12, et t. II, p. 28 de l'édit. in-4<sup>o</sup>.—<i>Lettres -de</i> <span class="small1">Sévigné</span>, t. I, p. 42 et 45 de l'édit. de G. de S.-G.; t. I, p. 35 et 36, -édit. M. (19 juillet).</p> - -<p><a id="Footnote_82" href="#FNanchor_82" class="label">[82]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VI, p. 106, <i>lettre</i> 28 juillet 1655.</p> - -<p><a id="Footnote_83" href="#FNanchor_83" class="label">[83]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 juillet 1655), t. I, p. 37, édit de M., et t. I, -p. 46, édit. de G. de S.-G.—<span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 28, in-12, et de -l'in-4<sup>o</sup>, t. II, p. 34.</p> - -<p><a id="Footnote_84" href="#FNanchor_84" class="label">[84]</a> <span class="small1">Conrart</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVIII, p. 267.</p> - -<p><a id="Footnote_85" href="#FNanchor_85" class="label">[85]</a> <span class="small1">Conrart</span>, t. XLVIII, p. 260 à 270.—<span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLI, -p. 136, 326, 488; t. XLII, p. 22.—<span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIX, -p. 115, 116 et 210.—<span class="small1">Retz</span>, t. XLV, p. 279, 282, 380, 388, 412, 422, -459; t. XLVI, p. 329.—<span class="small1">Guy-Joly</span>, t. XLVII, p. 230.—<span class="small1">Nemours</span>, -t. XXXIV, p. 510.—<span class="small1">Conrart</span>, t. XLVIII, p. 230.—<span class="small1">La Rochefoucauld</span>, -t. LI, p. 95 et 96.—<span class="small1">Duplessis</span>, t. LVII, p. 370 et 372.—<span class="small1">Loret</span>, -liv. III, 1652, p. 178; liv. V, 1654, p. 17.</p> - -<p><a id="Footnote_86" href="#FNanchor_86" class="label">[86]</a> <span class="small1">Chavagnac</span>, <i>Mém.</i>, t. I, p. 165, 185, 208, 210, 220, 226, 227.—<span class="small1">Motteville</span>, -t. XXXIX, p. 210.—<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. L, p. 394.—<span class="small1">Conrart</span>, -t. XLVIII, p. 265.—<span class="small1">Bussy</span>, <i>Hist. am. des Gaules</i>, t. I, -p. 1 à 42, édit. 1754.—<span class="small1">Sauval</span>, <i>Galanteries des Rois de France</i> -t. II, p. 60, 61, 206.—<span class="small1">Retz</span>, t. XLV, p. 113.—<span class="small1">Saint-Évremond</span>, -<i>Œuvres</i>, 1753, in-12, t. I, p. v et p. 34; t. III, p. 154 à 180; t. VII, -p. 42.</p> - -<p><a id="Footnote_87" href="#FNanchor_87" class="label">[87]</a> <span class="small1">Chavagnac</span>, <i>Mém.</i>, t. I, p. 220.—<span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLI, -p. 489.—<span class="small1">Conrart</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVIII, p. 265.</p> - -<p><a id="Footnote_88" href="#FNanchor_88" class="label">[88]</a> <i>Lettres du cardinal Mazarin à la reine</i>, 1836, in-8<sup>o</sup>, p. 419; -<i>lettre</i> en date du 27 novembre 1641.</p> - -<p><a id="Footnote_89" href="#FNanchor_89" class="label">[89]</a> <span class="small1">Chavagnac</span>, t. I, p. 220.</p> - -<p><a id="Footnote_90" href="#FNanchor_90" class="label">[90]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (19 juillet 1655), t. I, p. 37, édit. de Monmerqué; -t. I, p. 47, édit. de G. de S.-G.</p> - -<p><a id="Footnote_91" href="#FNanchor_91" class="label">[91]</a> <span class="small1">Conrart</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVIII, p. 263, note 1. Voyez ci-dessus, p. 40.</p> - -<p><a id="Footnote_92" href="#FNanchor_92" class="label">[92]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 22.</p> - -<p><a id="Footnote_93" href="#FNanchor_93" class="label">[93]</a> <span class="small1">Bussy</span>, dans les <i>Lettres de</i> <span class="small1">Sévigné</span>, t. I, p. 43 de l'édit. M.; -t. I, p. 53 de l'édit. de G. de S.-G.</p> - -<p><a id="Footnote_94" href="#FNanchor_94" class="label">[94]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 287.</p> - -<p><a id="Footnote_95" href="#FNanchor_95" class="label">[95]</a> Voyez la première partie de ces Mémoires, ch. <span class="small1">XVI</span>, p. 244.</p> - -<p><a id="Footnote_96" href="#FNanchor_96" class="label">[96]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (17 juin 1672), t. II, p. 468, édit. M., et -t. III, p. 61, édit. G. de S.-G.</p> - -<p><a id="Footnote_97" href="#FNanchor_97" class="label">[97]</a> <i>Ménagiana</i>, t. I, p. 67, 140, 267.</p> - -<p><a id="Footnote_98" href="#FNanchor_98" class="label">[98]</a> <i>Ibid.</i>, t. III, p. 48 et 49.</p> - -<p><a id="Footnote_99" href="#FNanchor_99" class="label">[99]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (25 novembre 1655), t. I, p. 46, édit. de -M.; t. I, p. 59, édit. de G. de S.-G.—<span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 54, -édit. in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_100" href="#FNanchor_100" class="label">[100]</a> Conférez <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 137.</p> - -<p><a id="Footnote_101" href="#FNanchor_101" class="label">[101]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 268 et 269.</p> - -<p><a id="Footnote_102" href="#FNanchor_102" class="label">[102]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Histoire amoureuse de la France</i>, édit. 1710, p. 26, 31, -55.—<i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, édit. 1754, t. I, p. 23, 28, -32, 42, 52.</p> - -<p><a id="Footnote_103" href="#FNanchor_103" class="label">[103]</a> <span class="small1">Sauval</span>, <i>Galanteries des Rois de France</i>, 1738, t. II, p. 73.</p> - -<p><a id="Footnote_104" href="#FNanchor_104" class="label">[104]</a> <span class="small1">Gaspard</span>, comte de <span class="small1">Chavagnac</span>, <i>Mém.</i>, t. I, p. 220 à 222, édit. -de Besançon, 1699, in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_105" href="#FNanchor_105" class="label">[105]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (25 novembre 1655), t. I, p. 45, et p. 56 de -l'édit. de G. de S.-G.</p> - -<p><a id="Footnote_106" href="#FNanchor_106" class="label">[106]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, t. XLII, p. 148.</p> - -<p><a id="Footnote_107" href="#FNanchor_107" class="label">[107]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 54 et 57 de l'édit. in-12.—Ibid., t. II, -p. 65 et 68 de l'édit. in-4<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_108" href="#FNanchor_108" class="label">[108]</a> <span class="small1">Sauval</span>, <i>Galanteries des Rois de France</i>, 1738, in-12, t. II, -p. 18 et 277.—<span class="small1">Dreux du Radier</span>, <i>Mémoires et Anecdotes des Reines -et Régentes de France</i>; Amsterdam, 1782, t. VI, p. 294.—<span class="small1">Motteville</span>, -<i>Mém.</i>, t. XXXVI, p. 370 et 379.—<span class="small1">Monglat</span>, t. XLIII, p. 63.</p> - -<p><a id="Footnote_109" href="#FNanchor_109" class="label">[109]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXVI, p. 378 et 379.—<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, -t. XLIII, p. 251.—<span class="small1">La Porte</span>, <i>Mém.</i>, t. LIX, p. 394.—<span class="small1">Scarron</span>, -<i>Œuvres</i>, t. VIII, p. 399.</p> - -<p><a id="Footnote_110" href="#FNanchor_110" class="label">[110]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, <i>loc. cit.</i>—<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. XLIII, p. 241.—<span class="small1">La -Porte</span>, <i>Mém.</i>, t. LIX, p. 394.</p> - -<p><a id="Footnote_111" href="#FNanchor_111" class="label">[111]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXVII, p. 71.</p> - -<p><a id="Footnote_112" href="#FNanchor_112" class="label">[112]</a> <span class="small1">La Porte</span>, <i>Mém.</i>, t. LIX, p. 391 et 392.—<span class="small1">Scarron</span>, <i>Œuvres</i>, -t. VIII, p. 190.</p> - -<p><a id="Footnote_113" href="#FNanchor_113" class="label">[113]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXVII, p. 63.—<span class="small1">La Porte</span>, t. LIX, -p. 407.—<span class="small1">Scarron</span>, t. VIII, p. 160, 162, 168.</p> - -<p><a id="Footnote_114" href="#FNanchor_114" class="label">[114]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XXXVII, p. 32.</p> - -<p><a id="Footnote_115" href="#FNanchor_115" class="label">[115]</a> <i>Ibid.</i>, p. 36.</p> - -<p><a id="Footnote_116" href="#FNanchor_116" class="label">[116]</a> <i>Ibid.</i>, p. 63.—<span class="small1">La Porte</span>, t. LIX, p. 407.</p> - -<p><a id="Footnote_117" href="#FNanchor_117" class="label">[117]</a> <i>Ibid.</i>, p. 65.—<span class="small1">La Porte</span>, <i>loc. cit.</i></p> - -<p><a id="Footnote_118" href="#FNanchor_118" class="label">[118]</a> <span class="small1">Scarron</span>, <i>Épithalame ou ce qu'il vous plaira sur le mariage -de M. le maréchal de Schomberg et de madame de Hautefort, -Œuvres</i>, t. VIII, p. 252 et 254.</p> - -<p><a id="Footnote_119" href="#FNanchor_119" class="label">[119]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXVII, p. 277.</p> - -<p><a id="Footnote_120" href="#FNanchor_120" class="label">[120]</a> <span class="small1">Scarron</span>, <i>Œuvres</i>, t. VIII, p. 160, 162, 168, 247 et 399.</p> - -<p><a id="Footnote_121" href="#FNanchor_121" class="label">[121]</a> <span class="small1">De Bausset</span>, <i>Hist. de Bossuet</i>, 1814, in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 38 et 39.</p> - -<p><a id="Footnote_122" href="#FNanchor_122" class="label">[122]</a> <span class="small1">Loret</span>, t. VII, p. 62, <i>lettre</i> en date du 22 avril 1656.</p> - -<p><a id="Footnote_123" href="#FNanchor_123" class="label">[123]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. VII, p. 63, <i>lettre 16</i>, en date du -22 avril 1656.</p> - -<p><a id="Footnote_124" href="#FNanchor_124" class="label">[124]</a> <i>Ibid.</i></p> - -<p><a id="Footnote_125" href="#FNanchor_125" class="label">[125]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. VII, p. 68, <i>lettre 17</i>, en date -du 29 avril 1656, p. 97, <i>lettre 25</i>, en date du 24 juin.—<span class="small1">De Barante</span>, -dans la <i>Biographie universelle</i>, art. <i>Bossuet</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_126" href="#FNanchor_126" class="label">[126]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>lettre</i> du 22 avril 1656, liv. VII, p. 62.—<span class="small1">Bussy</span>, -dans <i>Lettres</i> de <span class="small1">Sévigné</span>, t. I, p. 48 et 51, lettres du 2 et 9 juillet 1656, -éd. M.</p> - -<p><a id="Footnote_127" href="#FNanchor_127" class="label">[127]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 1 et 2, <i>lettre</i> en date du 1<sup>er</sup> janvier 1656, -p. 14, 15, 19, 29; <i>lettres</i> en date des 22 et 29 janvier, 19 février -1656.—<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 1 et 2.—<span class="small1">Benserade</span>, <i>Œuvres</i>, -t. II, p. 142 à 172.—<span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 23, 61, <i>lettres</i> en date des -2 février et 2 avril 1656.</p> - -<p><a id="Footnote_128" href="#FNanchor_128" class="label">[128]</a> <span class="small1">Loret</span>, t. VII, p. 35, <i>lettre</i> en date du 26 janvier 1656; <i>lettres</i> -en date des 27 mai et 19 août 1656, p. 191; <i>lettre</i> en date du 2 décembre -1656, p. 50, 53, 54; <i>lettres</i> en date des 25 mars et 1<sup>er</sup> avril.—<span class="small1">Motteville</span>, -t. XXXIX, p. 371.</p> - -<p><a id="Footnote_129" href="#FNanchor_129" class="label">[129]</a> Frères <span class="small1">Parfaict</span>, <i>Hist. du Théâtre François</i>, t. VII, p. 178 à -182.—<span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 198, du 16 décembre 1656.—Ibid., p. 176, -apostille de la <i>lettre</i> en date du 5 novembre 1656.</p> - -<p><a id="Footnote_130" href="#FNanchor_130" class="label">[130]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 48, 51.—<span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 3; -<i>lettre</i> en date du 1<sup>er</sup> janvier 1656.—<span class="small1">Sévigné</span>, <i>lettre</i> de madame de -Coulanges du 24 juin. 1695.—<span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 78, en date du -20 mars 1656, et p. 29, 30, 35, 36, 103; <i>lettres</i> en date des 19 février, -18 avril, 24 juin et 1<sup>er</sup> juillet 1656.—<span class="small1">Sévigné</span>, <i>lettre</i> en date -du 15 mai 1671, t. II, p. 72, édit. de G. de St.-G., et 2 novembre -1673, t. III, p. 203.—<span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 104, <i>lettre</i> en date du -1<sup>er</sup> juillet 1656.</p> - -<p><a id="Footnote_131" href="#FNanchor_131" class="label">[131]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 65 et 72 de l'in-12.—Ibid., t. II, p. 78 -et 87 de l'in-4<sup>o</sup>.—<span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, édit. Monm., t. I, p. 48 et 51; -t. I, p. 59 et 82, édit. de G. de St.-G. (9 et 20 juillet 1656).</p> - -<p><a id="Footnote_132" href="#FNanchor_132" class="label">[132]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 50, note <i>b</i>, édit. M. (9 juillet 1656).</p> - -<p><a id="Footnote_133" href="#FNanchor_133" class="label">[133]</a> <span class="small1">Desormeaux</span>, <i>Histoire du grand Condé</i>, t. IV, p. 79, 86, 93.—<span class="small1">Monglat</span>, -<i>Mém.</i>, t. LI, p. 7.—<span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 303.—<span class="small1">Motteville</span>, -<i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 392.—<span class="small1">Raguenet</span>, <i>Hist. de Turenne</i>, -édit. de 1769, p. 264.—<span class="small1">Bussy-Rabutin</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 72, -80, 82, édit. in-12; <i>Discours de</i> <span class="small1">Bussy</span> <i>à ses Enfants</i>, p. 282, 302.</p> - -<p><a id="Footnote_134" href="#FNanchor_134" class="label">[134]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 84, <i>lettre</i> en date du 27 mai 1656.</p> - -<p><a id="Footnote_135" href="#FNanchor_135" class="label">[135]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 10.</p> - -<p><a id="Footnote_136" href="#FNanchor_136" class="label">[136]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 84 et 86.—<span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 181, <i>lettre</i> -en date du 18 novembre 1656.</p> - -<p><a id="Footnote_137" href="#FNanchor_137" class="label">[137]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 1.</p> - -<p><a id="Footnote_138" href="#FNanchor_138" class="label">[138]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 22, <i>lettre</i> en date du 5 février.</p> - -<p><a id="Footnote_139" href="#FNanchor_139" class="label">[139]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 41, 46, <i>lettres</i> en date des 18 mai et 9 septembre -1656; p. 50, 119, 126, <i>lettre</i> en date du 12 août, et p. 143, -144, 150, 155, 178; liv. VIII, p. 180, 181, 183, <i>lettres</i> en date des -17 et 24 novembre 1657; liv. IX, p. 34, 42, 43, des 2 et 16 mars -1658.—<span class="small1">Monglat</span>, t. LI, p. 12.—<span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 376, -384, 390 et 392.—<span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 54, 55, 58, 73.—Ibid., -t. XLII, p. 266 à 268.—<span class="small1">Bussy-Rabutin</span>, <i>Hist. am. des -Gaules</i>, t. I, p. 180 à 190, édit. 1754.—<span class="small1">Catteau-Catteville</span>, -<i>Hist. de Christine</i>, 1815, in-8<sup>o</sup>, t. II, p. 34, 37, 43, 48, 60, 61, 62.—Ibid., -t. I, p. 29; <i>Ménagiana</i>, t. II, p. 257.</p> - -<p><a id="Footnote_140" href="#FNanchor_140" class="label">[140]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 392.</p> - -<p><a id="Footnote_141" href="#FNanchor_141" class="label">[141]</a> <span class="small1">Catteau-Catteville</span>, <i>Hist. de Christine</i>, t. II, p. 61.</p> - -<p><a id="Footnote_142" href="#FNanchor_142" class="label">[142]</a> <i>Lettres de</i> <span class="small1">Costar</span>, seconde partie, 1659, in-4<sup>o</sup>, <i>lettre</i> 199, -p. 419.—<span class="small1">Menagii</span> <i>Poemata</i>, 1656, in-8<sup>o</sup>, p. 76.—<i>Lezione d</i>'<span class="small1">Egedio -Menagio</span> <i>sopra in sonetto VII di messer Francesco Petrarca</i>, -p. 62, 68 et 74, dans <i>Historia Mulierum Philosophorum</i>; Lugduni, -1690, in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_143" href="#FNanchor_143" class="label">[143]</a> <i>Ménagiana</i>, t. I, p. 220, t. IV, p. 24.</p> - -<p><a id="Footnote_144" href="#FNanchor_144" class="label">[144]</a> <span class="small1">Saint-Évremond</span>, <i>Œuvres</i>, édit. 1753, t. II, p. 79 à 83.</p> - -<p><a id="Footnote_145" href="#FNanchor_145" class="label">[145]</a> <span class="small1">Des Maizeaux</span>, <i>Vie de Saint-Évremond</i>, dans les <i>Œuvres</i>, -t. I, p. 78, 83.</p> - -<p><a id="Footnote_146" href="#FNanchor_146" class="label">[146]</a> Paul de la Barthe, maréchal de Thermes.</p> - -<p><a id="Footnote_147" href="#FNanchor_147" class="label">[147]</a> Le duc de Bellegarde, grand écuyer.</p> - -<p><a id="Footnote_148" href="#FNanchor_148" class="label">[148]</a> <span class="small1">Saint-Évremond</span>, t. II, p. 83.</p> - -<p><a id="Footnote_149" href="#FNanchor_149" class="label">[149]</a> Ibid., p. 83, 85.</p> - -<p><a id="Footnote_150" href="#FNanchor_150" class="label">[150]</a> <span class="small1">Arnauld</span> d'<span class="small1">Andilly</span>, <i>Mémoires</i>, t. XXXIV, p. 89, 94.</p> - -<p><a id="Footnote_151" href="#FNanchor_151" class="label">[151]</a> <i>Les Provinciales, ou les Lettres écrites par Louis de Montalte -à un provincial de ses amis et aux RR. PP. jésuites, sur le -sujet de la morale et de la politique des saints Pères</i>; Cologne, -1657, in-18, Elzeviers, p. 1 et 369.</p> - -<p><a id="Footnote_152" href="#FNanchor_152" class="label">[152]</a> <span class="small1">Petitot</span>, <i>Notice sur Port-Royal</i>, dans la <i>Collection des Mémoires -sur l'Hist. de France</i>, t. XXXIII, p. 137.</p> - -<p><a id="Footnote_153" href="#FNanchor_153" class="label">[153]</a> <span class="small1">Crévier</span>, <i>Hist. de l'Université de Paris</i>, t. VII, p. 60.</p> - -<p><a id="Footnote_154" href="#FNanchor_154" class="label">[154]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 36 et 162 (10 et 24 mars 1857).—Ibid., liv. VIII, -p. 28, 48, 200.—<span class="small1">De Bausset</span>, <i>Vie de Bossuet</i>, 1814, in-8<sup>o</sup>, t. I, -p. 130. M. de Bausset n'a pas bien connu ces premiers commencements -de Bossuet, ni bien déterminé les dates de ses premières compositions. -<i>Œuvres de Bossuet</i>; Versailles, 1816, in-8<sup>o</sup>, t. XVI, p. 463.</p> - -<p><a id="Footnote_155" href="#FNanchor_155" class="label">[155]</a> <span class="small1">De Bausset</span>, <i>Hist. de Bossuet</i>, t. I, p. 21.</p> - -<p><a id="Footnote_156" href="#FNanchor_156" class="label">[156]</a> <i>Dissertation critique sur l'Art poétique d'Horace, où l'on -donne une idée générale des pièces de théâtre, où l'on examine -si un poëte doit préférer les caractères connus aux caractères -inventez</i>; Paris, chez Barthélemy Girin, M. DC. XVIII (sic), in-12.—<span class="small1">Sévigné</span>, -<i>Lettres</i>, t. I, p. 314, et t. II, p. 6, édit. 1820, in-8<sup>o</sup> -(1<sup>er</sup> avril et 8 avril 1671).</p> - -<p><a id="Footnote_157" href="#FNanchor_157" class="label">[157]</a> <span class="small1">Petitot</span>, <i>Notice sur l'abbé Arnauld</i>, t. XXXIV, p. 112.</p> - -<p><a id="Footnote_158" href="#FNanchor_158" class="label">[158]</a> <i>Mémoires de l'abbé</i> <span class="small1">Arnauld</span> dans la <i>Collection de Petitot</i>, -in 8<sup>o</sup>, t. XXXIV, p. 314; t. II, p. 62 et 63 de l'édit. 1756.</p> - -<p><a id="Footnote_159" href="#FNanchor_159" class="label">[159]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, en date du 15 janvier 1674, t. III, p. 210, édit. -M., ou t. III, p. 307, édit. G.</p> - -<p><a id="Footnote_160" href="#FNanchor_160" class="label">[160]</a> <i>La Lyre du jeune Apollon, ou la Muse naissante du petit</i> -<span class="small1">Beauchasteau</span>, 1657, in-4<sup>o</sup>, p. 160.—<span class="small1">Du Tillet</span>, <i>Parnasse français</i>, -in-folio, p. 321.—<span class="small1">Weiss</span>, <i>Biographie universelle</i>, t. III, p. 621.—<span class="small1">Loret</span>, -liv. IX, p. 6 (12 janvier 1658), et p. 25, liv. X, p. 170.</p> - -<p><a id="Footnote_161" href="#FNanchor_161" class="label">[161]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 2, 13, 17 et 22, <i>lettres</i> en date des 6 janvier, -3, 10 et 26 février 1657.—Ibid., liv. VIII, p. 47 (7 avril).</p> - -<p><a id="Footnote_162" href="#FNanchor_162" class="label">[162]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 182 (1<sup>er</sup> décembre 1657).</p> - -<p><a id="Footnote_163" href="#FNanchor_163" class="label">[163]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 405.—<span class="small1">Guy-Joly</span>, t. XLVII, p. 414, -415.—<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 20.—<span class="small1">Guy-Patin</span>, <i>Lettres</i>, p. 132.</p> - -<p><a id="Footnote_164" href="#FNanchor_164" class="label">[164]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 412.—<span class="small1">Loret</span>, t. VIII, p. 63.</p> - -<p><a id="Footnote_165" href="#FNanchor_165" class="label">[165]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 22 (10 février 1657), p. 103 (10 juillet 1657).—<span class="small1">Motteville</span>, -t. XXXIX, p. 398.—<span class="small1">Monglat</span>, t. LI, p. 20.</p> - -<p><a id="Footnote_166" href="#FNanchor_166" class="label">[166]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, t. XLII, p. 264, 268.—<span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 195, -22 décembre 1657.</p> - -<p><a id="Footnote_167" href="#FNanchor_167" class="label">[167]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 20, 38, 64.—<span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 11 -(20 janvier), p. 29 (24 février), p. 73 (26 mai), p. 41 (17 mars), -p. 185 (8 décembre 1657).—<span class="small1">Loret</span>, liv. IX, p. 21 (9 février 1658).</p> - -<p><a id="Footnote_168" href="#FNanchor_168" class="label">[168]</a> <span class="small1">Benserade</span>, <i>Œuvres</i>, t. II, p. 173, 178 et 182.—<span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, -p. 9 (20 janvier), p. 15 (27 janvier), p. 21 (10 février), p. 29 (19 février).—<span class="small1">Loret</span>, -liv. VIII, p. 75.</p> - -<p><a id="Footnote_169" href="#FNanchor_169" class="label">[169]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 400.—<span class="small1">Sevelinges</span>, article <i>Lully</i> -dans la <i>Biographie universelle</i>, t. XXV, p. 423.</p> - -<p><a id="Footnote_170" href="#FNanchor_170" class="label">[170]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 9, 15, 21 (20 et 27 janvier, et 10 février -1657).</p> - -<p><a id="Footnote_171" href="#FNanchor_171" class="label">[171]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 59 (28 avril).—<span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém., Notice sur -sa vie</i>, t. LXIII, p. 124.</p> - -<p><a id="Footnote_172" href="#FNanchor_172" class="label">[172]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 400.—<span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, -liv. VIII, p. 29 (<i>lettre</i> en date du 24 février 1657).</p> - -<p><a id="Footnote_173" href="#FNanchor_173" class="label">[173]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 400.—<span class="small1">Montpensier</span>, t. XLII, -p. 120.—<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 114.</p> - -<p><a id="Footnote_174" href="#FNanchor_174" class="label">[174]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. IX, p. 15 (26 janvier 1658).—<span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, -p. 401.</p> - -<p><a id="Footnote_175" href="#FNanchor_175" class="label">[175]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 272, lig. 1 (lisez La Mothe d'Argencourt -au lieu de La Mothe-Houdancourt).</p> - -<p><a id="Footnote_176" href="#FNanchor_176" class="label">[176]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 400.—<span class="small1">Loret</span>, liv. IX, p. 168, en date -du 26 octobre, <i>lettre 42</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_177" href="#FNanchor_177" class="label">[177]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 400, 404, 435.—<span class="small1">La Fare</span>, chap. <span class="small1">IV</span>, -t. LXV, p. 157.—<span class="small1">Dreux du Radier</span>, <i>Mém. des Reines et Régents -de France</i>, 1782, t. VI, p. 363 à 373.—<span class="small1">Montpensier</span>, t. XLII, -p. 348.</p> - -<p><a id="Footnote_178" href="#FNanchor_178" class="label">[178]</a> <span class="small1">Saint-Simon</span>, <i>Mém.</i>, 1829, in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 124, ch. XIV.</p> - -<p><a id="Footnote_179" href="#FNanchor_179" class="label">[179]</a> <span class="small1">Saint-Simon</span>, <i>Mém.</i>, 1829, in-8<sup>o</sup>, t. IV, p. 192, ch. <span class="small1">XIV</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_180" href="#FNanchor_180" class="label">[180]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 411.</p> - -<p><a id="Footnote_181" href="#FNanchor_181" class="label">[181]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mémoires inédits</i>, 1828, t. II, p. 46.</p> - -<p><a id="Footnote_182" href="#FNanchor_182" class="label">[182]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 409.</p> - -<p><a id="Footnote_183" href="#FNanchor_183" class="label">[183]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 153.—<span class="small1">Montpensier</span>, t. XLII, p. 153.</p> - -<p><a id="Footnote_184" href="#FNanchor_184" class="label">[184]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 104, 169, 198, 207, 208, -215, 238.—<span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 98, 114 (en date du 6 août 1657), p. 121 -(13 août), p. 181.—<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 34.—<span class="small1">Motteville</span>, -<i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 47.—<span class="small1">Loret</span>, liv. IX, p. 5 (2 janvier 1658).</p> - -<p><a id="Footnote_185" href="#FNanchor_185" class="label">[185]</a> <span class="small1">Guy-Patin</span>, <i>Lettres</i>, t. V, p. 145.—<span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 421.—<span class="small1">Monglat</span>, -<i>Mém.</i>, t. LI, p. 26.—<span class="small1">Desormeaux</span>, <i>Histoire de Condé</i>, -t. IV, p. 102.</p> - -<p><a id="Footnote_186" href="#FNanchor_186" class="label">[186]</a> <i>Vie de madame de Longueville</i>, édit. 1739, t. II, p. 10, 11, 18, -22, 24 et 26.</p> - -<p><a id="Footnote_187" href="#FNanchor_187" class="label">[187]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 220 et 221.</p> - -<p><a id="Footnote_188" href="#FNanchor_188" class="label">[188]</a> <i>Vie de la duchesse de Longueville</i>; Amsterdam, 1739, in-12, -t. II, p. 26.</p> - -<p><a id="Footnote_189" href="#FNanchor_189" class="label">[189]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 299.</p> - -<p><a id="Footnote_190" href="#FNanchor_190" class="label">[190]</a> <span class="small1">Guy-Joly</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 410.—<span class="small1">Petitot</span>, <i>Notice sur Port-Royal</i>, -t. XXXIII, p. 137.</p> - -<p><a id="Footnote_191" href="#FNanchor_191" class="label">[191]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 136 (18 septembre), p. 156 (13 octobre).</p> - -<p><a id="Footnote_192" href="#FNanchor_192" class="label">[192]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 24, 37.—<span class="small1">Raguenet</span>, <i>Vie de Turenne</i>, -p. 270.—<span class="small1">Desormeaux</span>, <i>Hist. de Condé</i>, t. IV, p. 103.—<span class="small1">Jacques II</span>, -<i>Mémoires</i>, t. II, p. 116.—<span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 120, 123, 131, 142 -(13 août, 1<sup>er</sup> et 22 septembre).—<span class="small1">Ramsay</span>, <i>Hist. de Turenne</i>, t. II, -p. 72, 80, édit. in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_193" href="#FNanchor_193" class="label">[193]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 38 et 40.—<span class="small1">Gramont</span>, <i>Mém.</i>, t. LVI, -p. 275, 436, 445, 452, 463, 464, 477.—<span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 106, -136 et 143 (21 juillet, 8 et 12 septembre).—<span class="small1">Guy-Patin</span>, <i>Lettres</i>, -t. V, p. 137.</p> - -<p><a id="Footnote_194" href="#FNanchor_194" class="label">[194]</a> <span class="small1">Monglat</span>, t. LI, p. 64.—<span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 115 et 116.</p> - -<p><a id="Footnote_195" href="#FNanchor_195" class="label">[195]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 162 (27 octobre).</p> - -<p><a id="Footnote_196" href="#FNanchor_196" class="label">[196]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 111 (28 juillet).—<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 38; -<i>Hist. de la vie et des ouvrages de la Fontaine</i>, 3<sup>e</sup> éd., t. I, p. 37.</p> - -<p><a id="Footnote_197" href="#FNanchor_197" class="label">[197]</a> <span class="small1">La Fontaine</span>, <i>Œuvres</i>, édit. 1827, t. VI, p. 260.</p> - -<p><a id="Footnote_198" href="#FNanchor_198" class="label">[198]</a> Longtemps.</p> - -<p><a id="Footnote_199" href="#FNanchor_199" class="label">[199]</a> <span class="small1">Fouquet</span>, <i>Conclusions de ses Défenses</i>; Elzeviers, 1668, in-18, -p. 90.</p> - -<p><a id="Footnote_200" href="#FNanchor_200" class="label">[200]</a> <span class="small1">Maintenon</span>, <i>Lettres</i>, 1756, in-12, t. I, p. 24, <i>lettre à madame -Fouquet</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_201" href="#FNanchor_201" class="label">[201]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (4 mai 1672), t. I, p. 420, M.; (6 octobre 1679) -t. V, p. 452, 455, 458; (10 et 15 novembre 1688) t. VIII, p. 149, 153; -(19 novembre) p. 164; (6 décembre 1688) p. 192; et dans l'édition -de Gault de Saint-Germain, voyez t. VI, p. 152; t. VIII, p. 436, 440, -444, 446, 476; conférez 3<sup>e</sup> partie de ces <i>Mémoires</i>, ch. VIII, p. 133.</p> - -<p><a id="Footnote_202" href="#FNanchor_202" class="label">[202]</a> <span class="small1">Coulanges</span>, <i>Mémoires</i>, 1820, in-8<sup>o</sup>, p. 2 et 49; conf. 3<sup>e</sup> partie, -ch. VIII, p. 132.</p> - -<p><a id="Footnote_203" href="#FNanchor_203" class="label">[203]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (22 juillet 1676), t. IV, p. 382; dans G. de -St.-G., t. V, p. 31.</p> - -<p><a id="Footnote_204" href="#FNanchor_204" class="label">[204]</a> <span class="small1">Coulanges</span>, <i>Mémoires</i>, p. 49.</p> - -<p><a id="Footnote_205" href="#FNanchor_205" class="label">[205]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (5 août 1671), t. II, p. 143; (23 août 1671) -t. II, p. 168; (30 avril 1675) t. III, p. 264; (10 mai 1675) t. III, -p. 266; (2 octobre 1675) t. IV, p. 13; t. V, p. 224; conférez dans -l'édition de Gault de St.-Germain, t. II, p. 172, 202; t. III, p. 41, 383.</p> - -<p><a id="Footnote_206" href="#FNanchor_206" class="label">[206]</a> <span class="small1">Coulanges</span>, <i>Mémoires</i>, p. 49 et 50.</p> - -<p><a id="Footnote_207" href="#FNanchor_207" class="label">[207]</a> Conférez <span class="small1">Loret</span>, liv. VII, p. 21, <i>lettre</i> du 5 février 1656.</p> - -<p><a id="Footnote_208" href="#FNanchor_208" class="label">[208]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, 1721, in-12, t. II p. 90; édit. in-4<sup>o</sup>, t. II, p. 109; -<i>Supplément</i>, t. I, p. 158.—<span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 53.</p> - -<p><a id="Footnote_209" href="#FNanchor_209" class="label">[209]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 85, 89 de l'édit. in-12.—Ibid., t. II, -p. 203 et 207 de l'édit. in-4<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_210" href="#FNanchor_210" class="label">[210]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 100 à 109 de l'édit. in-12, p. 137 et 335 -de l'édit. in-4<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_211" href="#FNanchor_211" class="label">[211]</a> <span class="small1">Saint-Évremond</span>, <i>lettre touchant la destinée du comte de -Bussy-Rabutin</i>, <i>Œuvres</i>, 1753, in-12, t. IX, p. 119.—<span class="small1">Bussy</span>, -<i>Mém.</i>, t. II, p. 43, édit. in-12; t. II, p. 91 et 95, édit. in-4<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_212" href="#FNanchor_212" class="label">[212]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 91, passim.</p> - -<p><a id="Footnote_213" href="#FNanchor_213" class="label">[213]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 105.</p> - -<p><a id="Footnote_214" href="#FNanchor_214" class="label">[214]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 107 et 108 de l'édit. in-12, et t. II, p. 129 -de l'édit. in-4<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_215" href="#FNanchor_215" class="label">[215]</a> Ibid., <i>Mém.</i>, t. II, p. 140 à 146, édit. in-12, et t. II, p. 171 à -177 de l'édit. in-4<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_216" href="#FNanchor_216" class="label">[216]</a> <span class="small1">Bussy</span>, t. I, p. 456, édit. in-12, et t. I, p. 561 de l'édit. in-4<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_217" href="#FNanchor_217" class="label">[217]</a> <span class="small1">Sévigné</span> (lettre de Bussy, 4 août 1657), t. I, p. 66, édit. G, t. I, -p. 54, édit. M.</p> - -<p><a id="Footnote_218" href="#FNanchor_218" class="label">[218]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 109 de l'édit. in-12, ou t. II, p. 132 de -l'édit. in-4<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_219" href="#FNanchor_219" class="label">[219]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, passage inédit inséré dans les notes sur <span class="small1">Sévigné</span>, -<i>Lettres</i>, édit. 1820, t. I, p. 141, et <i>Lettres</i> de <span class="small1">Sévigné</span>, 29 juillet -1668, t. I, p. 133 et 134.—<span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 157.</p> - -<p><a id="Footnote_220" href="#FNanchor_220" class="label">[220]</a> Voyez 1<sup>re</sup> partie, ch. XI, p. 149 et 150.</p> - -<p><a id="Footnote_221" href="#FNanchor_221" class="label">[221]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 48, du 7 avril 1657.—<span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, -t. XL, p. 7.—<span class="small1">Dangeau</span>, <i>Nouveaux Mémoires</i>, dans l'<i>Essai sur l'établissement -monarchique de Louis XIV</i>, par Lemontey, p. 23.—<span class="small1">De -Subligny</span>, <i>Muse Dauphine</i>, p. 112; <i>Hist. de la Vie et des Ouvrages -de La Fontaine</i>, 3<sup>e</sup> édit., p. 410.—<span class="small1">La Fontaine</span>, <i>Œuvres</i>, -1827, t. VI, p. 162.</p> - -<p><a id="Footnote_222" href="#FNanchor_222" class="label">[222]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 153 et 155, édit. in-12.—Ibid., t. II, -p. 179 de l'édit. in-4<sup>o</sup>.—<span class="small1">Bussy</span>, <i>Hist. amour. de France</i>, 1710, -p. 273.—Ibid., édit. 1754, t. I, p. 234.—<span class="small1">Motteville</span>, t. XL, p. 6.</p> - -<p><a id="Footnote_223" href="#FNanchor_223" class="label">[223]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 162.</p> - -<p><a id="Footnote_224" href="#FNanchor_224" class="label">[224]</a> <span class="small1">Saint-Évremond</span>, <i>Œuvres</i>, t. IX, p. 119.</p> - -<p><a id="Footnote_225" href="#FNanchor_225" class="label">[225]</a> Le fameux cantique <i>Alleluia</i> ne se trouve point dans les deux -premières éditions de l'<i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, imprimées -à Liége, sans date. La première où il se rencontre, et où se trouve -aussi le nom de <span class="small1">Bussy</span>, est celle qui est intitulée <i>Histoire amoureuse -de France</i>, par <span class="small1">Bussy-Rabutin</span>, 1660, petit in-12 de 237 pages. -Conférez la 3<sup>e</sup> partie, ch. I, p. 3, et p. 447 et 448.</p> - -<p><a id="Footnote_226" href="#FNanchor_226" class="label">[226]</a> <i>Vie de</i> <span class="small1">Molière</span>, p. <span class="small1">XVIII</span>, dans les <i>Œuvres de M. de Molière</i>, -La Haye, 1735.—<span class="small1">La Fontaine</span>, <i>Œuvres</i>, t. VI, p. 40, <i>lettre à de -Maucroix</i>.—Frères <span class="small1">Parfaict</span>, <i>Hist. du Théâtre françois</i>, t. VIII, -p. 233 à 242.</p> - -<p><a id="Footnote_227" href="#FNanchor_227" class="label">[227]</a> <i>Vie de Scaramouche.</i>—<span class="small1">Loret</span>, liv. IX, p. 46, 23 mars 1658.</p> - -<p><a id="Footnote_228" href="#FNanchor_228" class="label">[228]</a> <span class="small1">Benserade</span>, <i>Œuvres</i>, t. II, p. 191 à 211.—<span class="small1">Loret</span>, liv. IX, p. 8, -26, 28, 34, 35.</p> - -<p><a id="Footnote_229" href="#FNanchor_229" class="label">[229]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 198 (22 décembre 1657).—Ibid., liv. IX, p. 9 -(19 janvier), et p. 45 (23 mars 1658).</p> - -<p><a id="Footnote_230" href="#FNanchor_230" class="label">[230]</a> Conférez le Plan de Paris de Berey, en quatre feuilles.—<span class="small1">Sauval</span>, -<i>Hist. et Recherches sur les Antiquités de Paris</i>, t. II, p. 287.—<span class="small1">Segrais</span>, -<i>Les Nouvelles françoises, ou les Divertissements de la -princesse Aurélie</i>, t. I, p. 147 à 155.</p> - -<p><a id="Footnote_231" href="#FNanchor_231" class="label">[231]</a> <span class="small1">Sauval</span>, <i>Histoire et Recherches sur les Antiquités de Paris</i>, -in-fol., t. I, p. 664, 666.</p> - -<p><a id="Footnote_232" href="#FNanchor_232" class="label">[232]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 285, 384, 389, 390.—<span class="small1">Bussy</span>, -<i>Amours des Gaules</i>, t. I, p. 25, 49, 52, 54, 56, 62, 132.</p> - -<p><a id="Footnote_233" href="#FNanchor_233" class="label">[233]</a> <span class="small1">Benserade</span>, <i>Œuvres</i>, t. II, p. 191 à 211.—<span class="small1">Loret</span>, liv. IX, p. 8, -p. 26, 28, 34 et 35.—<span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 285, 330, 384, -389, 408.—<span class="small1">Saint-Simon</span>, <i>Mém. complets et authentiques</i>, t. III, -ch. <span class="small1">XII</span>.—<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 46.</p> - -<p><a id="Footnote_234" href="#FNanchor_234" class="label">[234]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. IX, p. 10 (19 janvier 1658), p. 26, 41, 127.—Ibid., -liv. IX, 26 février 1658.—Ibid., p. 26, 41, 127, 158.—<span class="small1">Montpensier</span>, -<i>Mém.</i>, t. XLII, p. 276.</p> - -<p><a id="Footnote_235" href="#FNanchor_235" class="label">[235]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 47.—<span class="small1">Loret</span>, liv. VIII, p. 114, 121, -129.</p> - -<p><a id="Footnote_236" href="#FNanchor_236" class="label">[236]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, t. XLII, p. 308.</p> - -<p><a id="Footnote_237" href="#FNanchor_237" class="label">[237]</a> Ibid., p. 276-411.—<span class="small1">Sauval</span>, <i>Hist. et Recherches sur les Antiquités -de Paris</i>, in-fol., t. I, p. 664.</p> - -<p><a id="Footnote_238" href="#FNanchor_238" class="label">[238]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 238, 255, 257, 305, 308, 309, -345.</p> - -<p><a id="Footnote_239" href="#FNanchor_239" class="label">[239]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 330.—Ibid., p. 389.—<span class="small1">Loret</span>, -<i>Muse historique</i>, liv. IX, p. 44, 284, 286, 408, 409.</p> - -<p><a id="Footnote_240" href="#FNanchor_240" class="label">[240]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XXXIX, p. 423.—<span class="small1">Montpensier</span>, t. XLII, p. 278.—<span class="small1">Loret</span>, -liv. IX, p. 18, 67 (4 mai), p. 54 (6 avril), p. 154 (5 octobre).</p> - -<p><a id="Footnote_241" href="#FNanchor_241" class="label">[241]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 452.</p> - -<p><a id="Footnote_242" href="#FNanchor_242" class="label">[242]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 384.—<span class="small1">Bussy</span>, <i>Am. des Gaules</i>, -t. I, p. 29, édit. 1754.</p> - -<p><a id="Footnote_243" href="#FNanchor_243" class="label">[243]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 362.</p> - -<p><a id="Footnote_244" href="#FNanchor_244" class="label">[244]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 362.—<span class="small1">Loret</span>, liv. IX, p. 107 -et 112 (13 et 20 juillet 1658).—<span class="small1">Guy-Patin</span>, <i>Lettres</i>, t. V, p. 249.—<span class="small1">Motteville</span>, -t. XXXIX, p. 429, 436.—<span class="small1">Montpensier</span>, t. XLII, p. 344.</p> - -<p><a id="Footnote_245" href="#FNanchor_245" class="label">[245]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIV, p. 382.</p> - -<p><a id="Footnote_246" href="#FNanchor_246" class="label">[246]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mémoires inédits</i>, t. II, p. 46, et 49, 50 -et 342.</p> - -<p><a id="Footnote_247" href="#FNanchor_247" class="label">[247]</a> <i>Lettre autographe de Mazarin à Colbert</i>, en date du 22 octobre -1659, cote 37 de la Bibl. du Roi.</p> - -<p><a id="Footnote_248" href="#FNanchor_248" class="label">[248]</a> <i>Lettres du cardinal Mazarin</i>; Amsterdam, 1745, 2 vol. in-12, -t. I, p. 315, 368, 375; t. II, p. 62.</p> - -<p><a id="Footnote_249" href="#FNanchor_249" class="label">[249]</a> Cette lettre curieuse a été publiée, sur l'autographe de Mazarin, -dans le <i>Bulletin de la Société d'Hist. de France</i>, n<sup>o</sup> VI (décembre), -t. I, p. 176 à 188. Elle se trouvait déjà imprimée dans les <i>Lettres du -cardinal</i> <span class="small1">Mazarin</span>, t. I, p. 303, 322, Amsterdam; 1745, in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_250" href="#FNanchor_250" class="label">[250]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mémoires</i>, t. LI, p. 115.—<span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, -p. 196.—<span class="small1">La Fayette</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIV, p. 384.—<span class="small1">Motteville</span>, t. XL, -p. 11, 19, 23.</p> - -<p><a id="Footnote_251" href="#FNanchor_251" class="label">[251]</a> <span class="small1">Desormeaux</span>, <i>Hist. du grand Condé</i>, t. IV, p. 117.</p> - -<p><a id="Footnote_252" href="#FNanchor_252" class="label">[252]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, t. LXII, p. 317, 342.—<span class="small1">Monglat</span>, t. LI, p. 50, 64.—<span class="small1">Desormeaux</span>, -<i>Hist. du grand Condé</i>, t. IV, p. 132, 145, 147, 148; -<i>Vie de Turenne</i>, t. II, p. 101.—<span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 433.</p> - -<p><a id="Footnote_253" href="#FNanchor_253" class="label">[253]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. L, p. 478.—<span class="small1">Desormeaux</span>, <i>Hist. du grand -Condé</i>, t. IV, p. 117.—<span class="small1">Ramsay</span>, <i>Hist. du vicomte de Turenne</i>, -t. II, p. 114.</p> - -<p><a id="Footnote_254" href="#FNanchor_254" class="label">[254]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Discours à ses Enfants</i>, 1694, p. 89 et 95.—<span class="small1">Monglat</span>, -t. LI, p. 56, 64.—<span class="small1">Brienne</span>, t. XXXVI, p. 240 à 243.—<span class="small1">Motteville</span>, -t. XXXIX, p. 33.—<span class="small1">Montpensier</span>, t. XLII, p. 343.</p> - -<p><a id="Footnote_255" href="#FNanchor_255" class="label">[255]</a> <i>Lettre de Mazarin à Colbert</i>, mss. de la Bibl. du Roi.—<span class="small1">Motteville</span>, -t. XL, p. 1 à 3.—<span class="small1">Choisy</span>, t. LXIII, p. 95.</p> - -<p><a id="Footnote_256" href="#FNanchor_256" class="label">[256]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 388.</p> - -<p><a id="Footnote_257" href="#FNanchor_257" class="label">[257]</a> Frères <span class="small1">Parfaict</span>, <i>Hist. du Théâtre françois</i>, t. VIII, p. 196 et -197.—<span class="small1">Loret</span>, liv. IX, p. 169; liv. VIII, p. 77.</p> - -<p><a id="Footnote_258" href="#FNanchor_258" class="label">[258]</a> <i>Clélie, histoire romaine</i>, par <span class="small1">M. de Scudéry</span>, gouverneur de -Notre-Dame de la Garde; suite de la troisième partie; chez Augustin -Courbé, 1658, in-8<sup>o</sup>, p. 1331-1333. Conférez encore p. 1397, 1409, -1402, 1416, 1417, 1422, 1424, 1425.</p> - -<p><a id="Footnote_259" href="#FNanchor_259" class="label">[259]</a> Voyez <i>Lettres de Madame de</i> <span class="small1">Sévigné</span>, t. I, p. <span class="small1">XXIV</span>, éd. de 1734. -C'est dans cette édition que ce portrait a été imprimé pour la première -fois, t. I, p. <span class="small1">XXXIV</span>, dans l'édit. de 1754.</p> - -<p><a id="Footnote_260" href="#FNanchor_260" class="label">[260]</a> <i>Vie de</i> <span class="small1">M. Costar</span>, dans <i>Tallemant des Réaux</i>;, t. VI, p. 280, -284, édit. in-8<sup>o</sup>, 1635; et t. IV, p. 89, ou t. VII, p. 6 de l'édit. in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_261" href="#FNanchor_261" class="label">[261]</a> <i>Lettre de l'abbé Pauquet à Conrart</i>, en date du 5 mars 1652, -extraite des manuscrits de Conrart, Bibliothèque de l'Arsenal, t. IX, -p. 877; communiquée par M. Monmerqué.</p> - -<p><a id="Footnote_262" href="#FNanchor_262" class="label">[262]</a> <i>Lettres de</i> <span class="small1">M. Costar</span>; chez Augustin Courbé, Paris, 1658, in-4<sup>o</sup>; -<i>Lettres de</i> <span class="small1">M. Costar</span>, seconde partie; chez Augustin Courbé, 1659, -in-4<sup>o</sup>.—Costar mourut le 3 mai 1660.</p> - -<p><a id="Footnote_263" href="#FNanchor_263" class="label">[263]</a> <i>Lettres de</i> <span class="small1">M. Costar</span>, seconde partie: à Paris, chez Augustin -Courbé, 1659, in-4<sup>o</sup>, p. 19, <i>lettre 199</i>, p. 308, 812.</p> - -<p><a id="Footnote_264" href="#FNanchor_264" class="label">[264]</a> <i>Lettres de</i> <span class="small1">M. Costar</span>, seconde partie; à Paris, chez Augustin -Courbé, 1659, in-4<sup>o</sup>, p. 419, <i>lettre 199</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_265" href="#FNanchor_265" class="label">[265]</a> <i>Lettres de</i> <span class="small1">Costar</span>, seconde partie, p. 812, <i>lettre 308</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_266" href="#FNanchor_266" class="label">[266]</a> Voyez ci-dessus, I<sup>re</sup> partie, chap. XXXVI, p. 498, 2<sup>e</sup> édit.</p> - -<p><a id="Footnote_267" href="#FNanchor_267" class="label">[267]</a> <span class="small1">Ægidii Menagii</span> <i>Poemata</i>, édit. 3<sup>a</sup>, 1658, in-8<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_268" href="#FNanchor_268" class="label">[268]</a> <span class="small1">Ægidii Menagii</span> <i>Poemata</i>, p. 170, édit. 1680, ou p. 158, édit. -1663.</p> - -<p><a id="Footnote_269" href="#FNanchor_269" class="label">[269]</a> <i>Sopra il ritratto della bellissima signora marchesa di Sevigny</i>, -dans le <span class="small1">Menagii</span> <i>Poem.</i>, 4<sup>e</sup> édit., p. 305; 7<sup>e</sup> édit., p. 289, sonetto 2.</p> - -<p><a id="Footnote_270" href="#FNanchor_270" class="label">[270]</a> <i>Pianto di bella donna; madrigale per la signora marchesa -di Sevigny</i>, madrigale 12, p. 813 de la 4<sup>e</sup> édit.</p> - -<p><a id="Footnote_271" href="#FNanchor_271" class="label">[271]</a> <span class="small1">Ægidii Menagii</span> <i>Poemata</i>, 3<sup>a</sup> édit., in-8<sup>o</sup>, p. 111.—Ibid., 4<sup>a</sup> -édit., Elzeviers, 1663, in-18, liv. IV, p. 268.</p> - -<p><a id="Footnote_272" href="#FNanchor_272" class="label">[272]</a> <span class="small1">Ægidii Menagii</span> <i>Poemata</i>, 1680, septima editio, apud Petrum Le -Petit, liv. IV, p. 260, et la table des matières au mot <i>Sévigny</i>.—Ibid., -1687; Amstelodami, apud Westenium, octava édit., p. 296, et la -table des matières, p. 337, au mot <i>Sévigny</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_273" href="#FNanchor_273" class="label">[273]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, édit. de Monmerqué, 1820, in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 55, -n<sup>o</sup> 29.—Ibid., édit. de Gault de Saint-Germain, t. I, p. 68, <i>lettre -31</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_274" href="#FNanchor_274" class="label">[274]</a> <i>Lettre de madame de</i> <span class="small1">Sévigné</span> <i>à</i> <span class="small1">Ménage</span>, dans les <i>Mémoires de</i> -<span class="small1">Coulanges</span> publiés par M. Monmerqué, 1820, in-8<sup>o</sup>, p. 324.</p> - -<p><a id="Footnote_275" href="#FNanchor_275" class="label">[275]</a> Voyez ci-dessus, I<sup>re</sup> partie, ch. X, de 185 à 191, surtout à la p. 182.</p> - -<p><a id="Footnote_276" href="#FNanchor_276" class="label">[276]</a> <span class="small1">Boileau</span>, épître IX, vers 142 à 140.—<span class="small1">Menagii</span> <i>Poemata</i>, <i>Christine</i>, -éclogue; 4<sup>e</sup> édit., Elzeviers, p. 169 du liv. I. Éclogues et idylles, -7<sup>e</sup> édit., 1680, in-12, p. 180. Ménage avait dit:</p> - -<p class="quote">Le grand, l'illustre Abel, cet esprit sans pareil,<br /> -Plus clair, plus pénétrant que les traits du soleil.</p> - -<p><a id="Footnote_277" href="#FNanchor_277" class="label">[277]</a> <span class="small1">Brienne</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXVI, p. 244.</p> - -<p><a id="Footnote_278" href="#FNanchor_278" class="label">[278]</a> <span class="small1">Desormeaux</span>, <i>Hist. de Louis de Bourbon, second du nom, -prince de Condé</i>, t. IV, p. 162.—<span class="small1">Motteville</span>, t. XL, p. 39.</p> - -<p><a id="Footnote_279" href="#FNanchor_279" class="label">[279]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. X, p. 190 (6 décembre 1659).—<span class="small1">Guy-Joly</span>, <i>Mém.</i>, -t. XLVII, p. 435.</p> - -<p><a id="Footnote_280" href="#FNanchor_280" class="label">[280]</a> <i>Hist. de la Mon. fr.</i>, 1697, t. II, p. 14.—<i>Mém.</i> de <span class="small1">Rais</span>, 1836, -t. I, p. 584 de la collect. Michaud.</p> - -<p><a id="Footnote_281" href="#FNanchor_281" class="label">[281]</a> Le 2 février 1661. Voy. <span class="small1">Loret</span>, liv. XI, p. 24 (<i>lettre</i> du 7 février).</p> - -<p><a id="Footnote_282" href="#FNanchor_282" class="label">[282]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XI, p. 133-136.—<span class="small1">La Fontaine</span>, <i>Œuvres</i>, édit. 1827, -t. VI, p. 458 à 467.</p> - -<p><a id="Footnote_283" href="#FNanchor_283" class="label">[283]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. X, p. 23 (9 février), 28, 31, 35, 46, -53, 68, 70, 77, 83.—<span class="small1">Benserade</span>, <i>Œuvres</i>, p. 207.—<span class="small1">Montpensier</span>, -t. XLII, p. 407.</p> - -<p><a id="Footnote_284" href="#FNanchor_284" class="label">[284]</a> <i>Journal contenant la relation véritable du voyage du Roi et -de son Éminence</i>, 1659, in-4<sup>o</sup> (12 décembre 1659).—<i>Suite du Journal -historique du Voyage.</i>—<i>Journal historique</i>, 3<sup>e</sup> partie.—<i>Traité -de paix</i> en 124 articles, signé le 7 novembre 1659; in-4<sup>o</sup>, -64 pages.—<i>Nouveau Journal historique, contenant la relation -véritable de ce qui s'est passé au voyage de Son Éminence et aux -cérémonies du mariage de Sa Majesté, célébrées à Fontainebleau -et à Saint-Jean de Luz</i>; 1660, in-4<sup>o</sup> (22 mai).—<i>Nouvelle Relation -contenant l'entretien et le serment des Rois</i>; 1660, in-4<sup>o</sup>.—<i>Suite de -la nouvelle Relation contenant la marche de Leurs Majestés</i>; 1660, -in-4<sup>o</sup>, 8 pages (avec le portrait de Marie-Thérèse, par Larmesin).—<i>Relation -du Retour de Leurs Majestés jusqu'à Fontainebleau</i>, -8 pages.—<i>Le triomphe de la France pour l'entrée royale de -Leurs Majestés</i>; 1660, in-4<sup>o</sup>.—<i>Nouvelle Relation de l'Entrée royale</i>, -le 26 août 1660; in-4<sup>o</sup> de 24 pages.—<i>La véritable Explication en -prose et en vers des figures thermes, etc.</i>; 1660, in-4<sup>o</sup> de 20 pages.</p> - -<p><a id="Footnote_285" href="#FNanchor_285" class="label">[285]</a> Conférez <i>Lettres du cardinal</i> <span class="small1">Mazarin</span>, 2 vol., 1745, in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_286" href="#FNanchor_286" class="label">[286]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, lib. X, p. 97.—<span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, -t. XL, p. 6.</p> - -<p><a id="Footnote_287" href="#FNanchor_287" class="label">[287]</a> <span class="small1">Chapuzeau</span>, <i>Hist. du Théâtre françois</i>, p. 139-185.</p> - -<p><a id="Footnote_288" href="#FNanchor_288" class="label">[288]</a> Voyez <span class="small1">Chapuzeau</span>, <i>Hist. du Théâtre franç.</i>, 1674, in-12, p. 121 -et 156.—Les frères <span class="small1">Parfaict</span>, <i>Hist. du Théâtre franç.</i>, t. XI, p. 284 -à 326.</p> - -<p><a id="Footnote_289" href="#FNanchor_289" class="label">[289]</a> Frères <span class="small1">Parfaict</span>, <i>Hist. du Théâtre franç.</i>, t. VIII, p. 18.</p> - -<p><a id="Footnote_290" href="#FNanchor_290" class="label">[290]</a> <i>Ibid.</i>, t. XI, p. 326.—<span class="small1">Aimé Martin</span>, <i>Hist. de la Troupe de Molière</i>, -dans son édition de Molière, t. I, p. <span class="small1">CLXXXVI</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_291" href="#FNanchor_291" class="label">[291]</a> <span class="small1">De La Marinière</span>, <i>Estat général des officiers de la maison du -Roy</i>, 1660, in-8<sup>o</sup>, p. 84: «TAPISSIERS, Jean Poquelin et Jean son -fils [c'est Molière], en survivance, 300 livres.»</p> - -<p><a id="Footnote_292" href="#FNanchor_292" class="label">[292]</a> <span class="small1">Tallemant des Réaux</span>, <i>Mém.</i>, t. VI, p. 22, édit. in-8<sup>o</sup>, et t. X, -p. 51, édit. in-12.—<i>Œuvres de</i> <span class="small1">La Fontaine</span>, t. VI, p. 509, édit. 1823.</p> - -<p><a id="Footnote_293" href="#FNanchor_293" class="label">[293]</a> <span class="small1">Chapuzeau</span>, <i>Hist. du Théâtre franç.</i>, 1678, in-12, p. 139.</p> - -<p><a id="Footnote_294" href="#FNanchor_294" class="label">[294]</a> <span class="small1">Beauchamps</span>, <i>Recherches sur les Théâtres de France</i>, t. III, -p. 146 et 364.</p> - -<p><a id="Footnote_295" href="#FNanchor_295" class="label">[295]</a> Conférez <i>le Cercle des Femmes, ou le Secret du lit nuptial</i>, -de <span class="small1">Chapuzeau</span>, 1656.</p> - -<p><a id="Footnote_296" href="#FNanchor_296" class="label">[296]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. X, p. 192 (6 décembre 1659).</p> - -<p><a id="Footnote_297" href="#FNanchor_297" class="label">[297]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mém. inédits</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_298" href="#FNanchor_298" class="label">[298]</a> <i>Œuvres de</i> <span class="small1">Benserade</span>, t. II, p. 207.</p> - -<p><a id="Footnote_299" href="#FNanchor_299" class="label">[299]</a> <span class="small1">Bodeau de Somaize</span>, <i>les Véritables Précieuses</i>, 1660, préface, p. 1.</p> - -<p><a id="Footnote_300" href="#FNanchor_300" class="label">[300]</a> <i>Ménagiana</i>, t. II, p. 65.</p> - -<p><a id="Footnote_301" href="#FNanchor_301" class="label">[301]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse histor.</i>, liv. X, p. 24, 109, 151, 297.—Les frères -<span class="small1">Parfaict</span>, <i>Hist. du Théâtre franç.</i>, t. VIII, p. 297.—<span class="small1">François de -Neufchateau</span>, <i>Esprit du grand Corneille</i>, p. 254.</p> - -<p><a id="Footnote_302" href="#FNanchor_302" class="label">[302]</a> <span class="small1">Tallemant des Réaux</span>, <i>Mémoires</i>, t. VI, p. 189, 195, 205 de -l'édit. in 8<sup>o</sup>, ou t. X, p. 191, 196, 207.—Extraits des <i>manuscrits de -Pierre le Gouz</i>, dans <span class="small1">Barrière</span>, <i>La cour et la Ville sous Louis XIV -et Louis XV</i>, p. 53.</p> - -<p><a id="Footnote_303" href="#FNanchor_303" class="label">[303]</a> <span class="small1">Boileau</span>, satire VIII, v. 143 à 146, t. I, p. 126, édit. de Saint-Marc, -1747.—<span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. IX, p. 199; <i>ibid.</i>, liv. X, -p. 19, <i>lettre</i> du 1<sup>er</sup> février 1659.</p> - -<p><a id="Footnote_304" href="#FNanchor_304" class="label">[304]</a> <i>Journal du Palais</i>, 4<sup>e</sup> édition, 1755, in-fol., t. I, p. 780-789; -<span class="small1">Lamoignon</span>, <i>Plaidoyer pour le Congrès</i>, 1680, in-18, p. 6; <span class="small1">Boucher</span> -d'<span class="small1">Argis</span>, <i>Principes sur la nullité du mariage pour cause d'impuissance</i>, -1756, in-8<sup>o</sup>, p. 5, 63.</p> - -<p><a id="Footnote_305" href="#FNanchor_305" class="label">[305]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mém. inéd.</i>, t. II, p. 142.—<span class="small1">Montpensier</span>, -<i>Mém.</i>, t. XLII, p. 536.—<span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 345.—<span class="small1">Loret</span>, -liv. XII, p. 41 (<i>lettre</i> du 13 mars 1661).—<span class="small1">Coulanges</span>, <i>Mém.</i>, p. 379.</p> - -<p><a id="Footnote_306" href="#FNanchor_306" class="label">[306]</a> <span class="small1">Louis XIV</span>, <i>Œuvres</i>, t. V, p. 8.</p> - -<p><a id="Footnote_307" href="#FNanchor_307" class="label">[307]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i> t. XL, p. 115.</p> - -<p><a id="Footnote_308" href="#FNanchor_308" class="label">[308]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. L, p. 112-114.</p> - -<p><a id="Footnote_309" href="#FNanchor_309" class="label">[309]</a> <span class="small1">Guy-Patin</span>, <i>Lettres</i>, t. V, p. 205 (<i>lettre</i> du 5 avril 1661).</p> - -<p><a id="Footnote_310" href="#FNanchor_310" class="label">[310]</a> <span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 289.—<span class="small1">Motteville</span>, t. XL, p. 111-137.—<span class="small1">La -Fayette</span>, t. LXIV, p. 145.—<span class="small1">Loret</span>, t. XII, p. 71 (7 mai), -p. 95 (9 janvier).</p> - -<p><a id="Footnote_311" href="#FNanchor_311" class="label">[311]</a> <span class="small1">Gramont</span>, <i>Mém.</i>, t. LVII, p. 88.</p> - -<p><a id="Footnote_312" href="#FNanchor_312" class="label">[312]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XL, p. 134 et 136.—<span class="small1">La Fayette</span>, t. LXIV, -p. 397 à 402.—<span class="small1">Monglat</span>, t. LI, p. 119.—<i>Hist. de la Vie et des -Ouvrages de la Fontaine</i>, 3<sup>e</sup> édit., p. 84 à 85.</p> - -<p><a id="Footnote_313" href="#FNanchor_313" class="label">[313]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIV, p. 375, 381, 391, 393.</p> - -<p><a id="Footnote_314" href="#FNanchor_314" class="label">[314]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, t. XLIII, p. 21.—<span class="small1">Motteville</span>, t. XL, p. 124.—<span class="small1">La -Fayette</span>, t. LXIV, p. 400.</p> - -<p><a id="Footnote_315" href="#FNanchor_315" class="label">[315]</a> <span class="small1">Choisy</span>, t. LXIII, p. 237.</p> - -<p><a id="Footnote_316" href="#FNanchor_316" class="label">[316]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Histoire d'Henriette</i>, t. LXIV, p. 409, 411.—<span class="small1">Bussy-Rabutin</span>, -<i>Histoire amoureuse des Gaules</i>; <i>Galanteries de la Cour -de France</i>; <i>la France galante</i>; <i>Amours des Dames illustres</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_317" href="#FNanchor_317" class="label">[317]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 58 et 60, édit. Monmerqué.</p> - -<p><a id="Footnote_318" href="#FNanchor_318" class="label">[318]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XII, p. 173 (6 novembre 1665).—<span class="small1">Motteville</span>, -t. XL, p. 154.—<span class="small1">Montpensier</span>, t. XLIII, p. 21.</p> - -<p><a id="Footnote_319" href="#FNanchor_319" class="label">[319]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XII, p. 55 (2 avril 1661).</p> - -<p><a id="Footnote_320" href="#FNanchor_320" class="label">[320]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 108.—<span class="small1">Loret</span>, liv. XI, p. 188 (27 novembre -1660).—<span class="small1">Loret</span>, liv. XII, p. 61 (23 avril 1661).</p> - -<p><a id="Footnote_321" href="#FNanchor_321" class="label">[321]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XII, p. 39.—<span class="small1">Motteville</span>, t. XL, p. 89 (5 mars 1661).</p> - -<p><a id="Footnote_322" href="#FNanchor_322" class="label">[322]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, t. XII, p. 39.—<span class="small1">Guy-Patin</span>, <i>Lettres</i>, -t. V, p. 201.—<span class="small1">Motteville</span>, t. XL, p. 89.—<span class="small1">Montpensier</span>, t. XLIII, -p. 3.</p> - -<p><a id="Footnote_323" href="#FNanchor_323" class="label">[323]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 333, 334, 336.—<span class="small1">Gui-Joly</span>, <i>Mém.</i>, -t. XLVII, p. 339.</p> - -<p><a id="Footnote_324" href="#FNanchor_324" class="label">[324]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, t. XII, p. 14 (22 avril 1661).</p> - -<p><a id="Footnote_325" href="#FNanchor_325" class="label">[325]</a> <span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 289.—<span class="small1">Loret</span>, <i>Muse histor.</i>, liv. XI, -p. 142; liv. XII, p. 30 et 34.—<span class="small1">Benserade</span>, <i>Œuvres</i>, t. II, p. 217, 231.</p> - -<p><a id="Footnote_326" href="#FNanchor_326" class="label">[326]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XII, p. 19 et 31.—<span class="small1">François de Neufchateau</span>, -<i>Esprit du grand Corneille</i>, p. 265 à 281.</p> - -<p><a id="Footnote_327" href="#FNanchor_327" class="label">[327]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XI, p. 170, <i>lettre</i> du 30 octobre -1660; liv. XII, p. 110, 129, 136, 183 et 184; <i>lettres</i> des 17 juin 1660, -20, 27 août et 19 novembre 1661.</p> - -<p><a id="Footnote_328" href="#FNanchor_328" class="label">[328]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 120.—<i>Hist. de la Vie et des Ouvrages -de La Fontaine</i>, p. 74 à 91.—<span class="small1">La Fontaine</span>, <i>Œuvres</i>, édit. 1827, -t. V, p. 473.</p> - -<p><a id="Footnote_329" href="#FNanchor_329" class="label">[329]</a> <span class="small1">Noual de la Houssaye</span>, <i>Voyage au mont Saint-Michel et à la -Roche aux Fées</i>, 1811, in-18.—<span class="small1">Piganiol de la Force</span>, <i>Nouvelle -Description de la France</i>, 1754, in-12, t. IX, p. 521.—Martin <span class="small1">Zeiller</span>, -<i>Topographia Galliæ</i>; Francofurti, pars 8, p. 20, 1657, in-folio.</p> - -<p><a id="Footnote_330" href="#FNanchor_330" class="label">[330]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (en date du 9 mai 1689), t. VIII, p. 469, édit. -de Monmerqué.—<i>Ibid.</i>, t. IX, p. 301, édit. de G. de S.-Germ.</p> - -<p><a id="Footnote_331" href="#FNanchor_331" class="label">[331]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, t. VIII, p. 463, édit. de Monmerqué, note <i>a</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_332" href="#FNanchor_332" class="label">[332]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, édit. de Monmerqué, 1820, in-8<sup>o</sup>, t. VIII, -p. 463. M. Monmerqué a trouvé une copie de cette lettre dans le ms. -n<sup>o</sup> 902, in-fol., t. IX, p. 484, de la Bibliothèque de l'Arsenal.</p> - -<p><a id="Footnote_333" href="#FNanchor_333" class="label">[333]</a> <span class="small1">Louis XIV</span>, <i>Mémoires historiques, Œuvres</i>, t. I, p. 9 à 57.</p> - -<p><a id="Footnote_334" href="#FNanchor_334" class="label">[334]</a> <span class="small1">Gourville</span>, t. LII, p. 331, 332, 334.—<span class="small1">Gramont</span>, <i>Mémoires</i>, -t. LVII, p. 89.</p> - -<p><a id="Footnote_335" href="#FNanchor_335" class="label">[335]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 480.</p> - -<p><a id="Footnote_336" href="#FNanchor_336" class="label">[336]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 426.</p> - -<p><a id="Footnote_337" href="#FNanchor_337" class="label">[337]</a> <i>La Toison d'Or</i>, prologue, scène 1, vers 30-23, <i>Théâtre de</i> <span class="small1">Pierre -Corneille</span>, revu et corrigé par l'auteur, 1692, in-12, t. IV, p. 246.</p> - -<p><a id="Footnote_338" href="#FNanchor_338" class="label">[338]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mém. inéd.</i>; t. II, p. 156, 157; <span class="small1">Choisy</span>, -<i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 209, 211, 223.</p> - -<p><a id="Footnote_339" href="#FNanchor_339" class="label">[339]</a> <span class="small1">Mazarin</span>, <i>Lettres</i>, 1745, in-12, t. I, p. 2, 15, 27 (<i>lettres au -Roi</i>, des 29, 30 juin et 2 juillet 1659).</p> - -<p><a id="Footnote_340" href="#FNanchor_340" class="label">[340]</a> <span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 192.</p> - -<p><a id="Footnote_341" href="#FNanchor_341" class="label">[341]</a> <span class="small1">Desormeaux</span>, <i>Hist. de Condé</i>, t. IV, p. 189.—<span class="small1">Monglat</span>, -t. LI.</p> - -<p><a id="Footnote_342" href="#FNanchor_342" class="label">[342]</a> <i>Recueil de quelques Pièces nouvelles et galantes</i>, Cologne, -Pierre Marteau, 1667, 2<sup>e</sup> partie, p. 79 à 80.—<span class="small1">Monmerqué</span>, <i>Biographie -universelle</i>, t. XXXV, p. 32, article <i>Pomponne</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_343" href="#FNanchor_343" class="label">[343]</a> <i>Lettres et pièces tirées des manuscrits de</i> <span class="small1">Pomponne</span>, à la suite -des <i>Mémoires de Coulanges</i>; Paris, J.-J. Blaise, 1820, p. 376.</p> - -<p><a id="Footnote_344" href="#FNanchor_344" class="label">[344]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, t. I, <i>Lettres</i>, p. 59 (<i>lettre</i> en date du 11 octobre 1661).</p> - -<p><a id="Footnote_345" href="#FNanchor_345" class="label">[345]</a> Louis XIV, <i>Instructions au Dauphin</i>, t. I, p. 103 des <i>Œuvres</i> -(année 1661).</p> - -<p><a id="Footnote_346" href="#FNanchor_346" class="label">[346]</a> <span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 111.</p> - -<p><a id="Footnote_347" href="#FNanchor_347" class="label">[347]</a> <span class="small1">La Fontaine</span>, <i>lettre</i> à de Maucroix, <i>Œuvres</i>, t. VI, p. 484.—<span class="small1">Loret</span>, -liv. XII, p. 142, 143 et 154.—<span class="small1">Racine</span>, <i>Fragments historiques</i>, -dans les <i>Mémoires sur la Vie de J. Racine</i>, 1747, in-12, -part. 2, p. 22.</p> - -<p><a id="Footnote_348" href="#FNanchor_348" class="label">[348]</a> <span class="small1">Louis XIV</span>, <i>Instructions au Dauphin</i>, dans les <i>Œuvres</i>, t. I, -p. 101 à 113.—<span class="small1">Motteville</span>, t. XL, p. 139.</p> - -<p><a id="Footnote_349" href="#FNanchor_349" class="label">[349]</a> <span class="small1">Fouquet</span>, <i>Défenses</i>, édit. Elzev., 1665, in-18, t. II, p. 58, 60, 81, -91.—<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. L, p. 398; t. LI, p. 70.—<span class="small1">Loret</span>, <i>Muse -historique</i>, liv. IV, p. 20; liv. X, p. 29 (<i>lettres</i> du 8 février 1653 -et du 22 février 1659).</p> - -<p><a id="Footnote_350" href="#FNanchor_350" class="label">[350]</a> <span class="small1">Pellisson</span>, <i>2<sup>e</sup> Discours</i> pour Fouquet, t. II, p. 120 des <i>Œuvres -diverses</i>, 1735, in-12 (<i>Lettres et Provisions de MM. Servien et Fouquet, -de la surintendance des finances</i>, en date du 8 février 1653); -dans <span class="small1">Fouquet</span>, <i>Défenses</i>, t. II, p. 353.—<i>Ibid.</i>, t. I, p. 50; t. II, p. 58.</p> - -<p><a id="Footnote_351" href="#FNanchor_351" class="label">[351]</a> <span class="small1">Pellisson</span>, <i>Œuvres diverses</i>, t. II, p. 144, 145, 150.</p> - -<p><a id="Footnote_352" href="#FNanchor_352" class="label">[352]</a> <span class="small1">Pellisson</span>, <i>2<sup>e</sup> Discours au Roi pour la Défense de Fouquet</i>, -dans les <i>Œuvres diverses</i>, t. II, p. 152, 154, 160.</p> - -<p><a id="Footnote_353" href="#FNanchor_353" class="label">[353]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 314, 317, 318, 319, 322.</p> - -<p><a id="Footnote_354" href="#FNanchor_354" class="label">[354]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 314 et 319.</p> - -<p><a id="Footnote_355" href="#FNanchor_355" class="label">[355]</a> <span class="small1">Pellisson</span>, <i>2<sup>e</sup> Discours au Roi</i>, t. II, p. 136 et 149.</p> - -<p><a id="Footnote_356" href="#FNanchor_356" class="label">[356]</a> <span class="small1">Pellisson</span>, <i>2<sup>e</sup> Discours, Œuvres diverses</i>, t. II, p. 131.</p> - -<p><a id="Footnote_357" href="#FNanchor_357" class="label">[357]</a> <span class="small1">Pellisson</span>, <i>Œuvres diverses</i>, t. II, p. 96 et 108.</p> - -<p><a id="Footnote_358" href="#FNanchor_358" class="label">[358]</a> Ibid. p. 138.</p> - -<p><a id="Footnote_359" href="#FNanchor_359" class="label">[359]</a> <span class="small1">Pellisson</span>, <i>Œuvres diverses</i>, t. II, p. 132.</p> - -<p><a id="Footnote_360" href="#FNanchor_360" class="label">[360]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 322.</p> - -<p><a id="Footnote_361" href="#FNanchor_361" class="label">[361]</a> <i>De la Production de</i> <span class="small1">M. Fouquet</span> <i>contre celle de</i> <span class="small1">M. Talon</span>, t. III -des <i>Défenses</i>, p. 350 à 368.</p> - -<p><a id="Footnote_362" href="#FNanchor_362" class="label">[362]</a> <span class="small1">Pellisson</span>, <i>2<sup>e</sup> Discours</i>, t. II, p. 141 à 176.</p> - -<p><a id="Footnote_363" href="#FNanchor_363" class="label">[363]</a> <span class="small1">Fouquet</span>, <i>Défenses</i>, t. II, p. 333; t. III, p. 233.—<span class="small1">Pellisson</span>, -<i>Œuvres diverses</i>, t. II, p. 262.</p> - -<p><a id="Footnote_364" href="#FNanchor_364" class="label">[364]</a> <span class="small1">Fouquet</span>, <i>Défenses</i>, t. III, p. 138.</p> - -<p><a id="Footnote_365" href="#FNanchor_365" class="label">[365]</a> <span class="small1">Fouquet</span>, t. III des <i>Défenses</i>, p. 181, 186 et 201.—<span class="small1">Louis XIV</span>, -<i>Œuvres</i>, t. II, p. 25.</p> - -<p><a id="Footnote_366" href="#FNanchor_366" class="label">[366]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. X, p. 114; liv. XI, p. 113; liv. XII, p. 14, 109, 129, -132, 136.—<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 81.</p> - -<p><a id="Footnote_367" href="#FNanchor_367" class="label">[367]</a> <span class="small1">Louis XIV</span>, <i>Œuvres</i>, t. I, p. 102.—<span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, -p. 368.—<span class="small1">Sauval</span>, <i>Amours des Rois de France</i>, t. II, p. 111; -<i>Vie de Maucroix</i>; <i>Histoire de la Vie et des Ouvrages de</i> <span class="small1">La -Fontaine</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_368" href="#FNanchor_368" class="label">[368]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 107, 108, 142, 170 et 171.—<span class="small1">Fouquet</span>, <i>Défenses</i>, -t. VIII, p. 105.</p> - -<p><a id="Footnote_369" href="#FNanchor_369" class="label">[369]</a> <span class="small1">Des Maizeaux</span>, <i>Vie de Saint-Évremond</i>, dans les <i>Œuvres de</i> -<span class="small1">Saint-Évremond</span>, t. I, p. 36 et 52.—<span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 106.—<span class="small1">Motteville</span>, -t. XL, p. 140.</p> - -<p><a id="Footnote_370" href="#FNanchor_370" class="label">[370]</a> <i>Vie de Colbert</i> (par Sandraz de Courtils); Cologne, 1695, p. 4.</p> - -<p><a id="Footnote_371" href="#FNanchor_371" class="label">[371]</a> <span class="small1">Fouquet</span>, <i>Défenses</i>, t. II, p. 26 et 36.—<span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, -p. 326.—<span class="small1">Saint-Simon</span>, <i>Œuvres</i>, t. I, p. 221 (octobre 1659), t. IX, -p. 274 (janvier 1660); ibid., t. IX, p. 280, 282.</p> - -<p><a id="Footnote_372" href="#FNanchor_372" class="label">[372]</a> <span class="small1">Saint-Simon</span>, <i>Œuvres complètes</i>, édit. 1791, t. IX, p. 274 à 287; -<span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 326.</p> - -<p><a id="Footnote_373" href="#FNanchor_373" class="label">[373]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 322 et 325.—<span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, -p. 251.</p> - -<p><a id="Footnote_374" href="#FNanchor_374" class="label">[374]</a> <i>Lettres</i> de <span class="small1">Colbert</span> à <span class="small1">Mazarin</span>, <i>mss. autographes à la Bibliothèque -du Roi</i>.—<span class="small1">Saint-Simon</span>, <i>Œuvres</i>, t. IX, p. 274, 287, édit. -1791.</p> - -<p><a id="Footnote_375" href="#FNanchor_375" class="label">[375]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 337, 338 et 340.</p> - -<p><a id="Footnote_376" href="#FNanchor_376" class="label">[376]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 92, 93, 111.—<span class="small1">Motteville</span>, t. XL, -p. 100.—<span class="small1">Loret</span>, liv. X, p. 166.—<i>Lettres du cardinal</i> <span class="small1">Mazarin</span>, -1745, in-12, t. I, p. 2, 15, 20, 27, 42, 62, 315, 318, 375, 377; t. II, -p. 301.</p> - -<p><a id="Footnote_377" href="#FNanchor_377" class="label">[377]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XL, p. 80.—<span class="small1">Loret</span>, liv. XI, p. 117.</p> - -<p><a id="Footnote_378" href="#FNanchor_378" class="label">[378]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mémoires inédits</i>, t. II, p. 131.</p> - -<p><a id="Footnote_379" href="#FNanchor_379" class="label">[379]</a> <span class="small1">Fouquet</span>, <i>Défenses</i>, t. II, p. 21. Si l'on en croit Fouquet, la fortune -de Mazarin se montait à 40 ou 50 millions, 80 ou 100 millions -de notre monnaie actuelle.</p> - -<p><a id="Footnote_380" href="#FNanchor_380" class="label">[380]</a> <span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 198, 201.</p> - -<p><a id="Footnote_381" href="#FNanchor_381" class="label">[381]</a> <span class="small1">Mazarin</span>, <i>Lettres</i>, 1745, in-12, t. I, p. 70 à 81, 282 et 286, 363 -à 368; <i>lettres</i> en date des 16 juillet, 28 et 29 août 1659.</p> - -<p><a id="Footnote_382" href="#FNanchor_382" class="label">[382]</a> <span class="small1">Mazarin</span>, <i>Lettres</i>, 2 vol. in-12, 1745, t. I, p. 284 et 286, du -26 août 1659.</p> - -<p><a id="Footnote_383" href="#FNanchor_383" class="label">[383]</a> <span class="small1">Gramont</span>, <i>Mémoires</i>, t. LVII, p. 89.</p> - -<p><a id="Footnote_384" href="#FNanchor_384" class="label">[384]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. X, p. 83 (en date du 31 mai 1659).</p> - -<p><a id="Footnote_385" href="#FNanchor_385" class="label">[385]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mémoires inédits</i>, 1828, in-8<sup>o</sup>, t. II, p. 299, -ch. <span class="small1">XIII</span>.—<span class="small1">Loret</span>, liv. XI, p. 182 (20 novembre 1660).</p> - -<p><a id="Footnote_386" href="#FNanchor_386" class="label">[386]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 112.</p> - -<p><a id="Footnote_387" href="#FNanchor_387" class="label">[387]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mémoires inédits</i>, t. II, p. 111.</p> - -<p><a id="Footnote_388" href="#FNanchor_388" class="label">[388]</a> <span class="small1">Pomponne</span>, <i>lettre à Arnauld d'Andilly</i>, en date du 9 mars, -<i>Mém. de Coulanges</i>, p. 381.—<span class="small1">La Fayette</span>, <i>Mém.</i>, t LXIV, p. 375, 377.</p> - -<p><a id="Footnote_389" href="#FNanchor_389" class="label">[389]</a> <i>Lettre de</i> <span class="small1">Pomponne</span> <i>à Arnauld d'Andilly</i>, <i>Mém. de</i> <span class="small1">Coulanges</span>, -p. 378.</p> - -<p><a id="Footnote_390" href="#FNanchor_390" class="label">[390]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Lettres</i>, t. VI, p. 12 et 15.</p> - -<p><a id="Footnote_391" href="#FNanchor_391" class="label">[391]</a> <span class="small1">Pomponne</span>, <i>lettre à Arnauld d'Andilly</i>, <i>Mém. de</i> <span class="small1">Coulanges</span>, -p. 378; <i>lettre</i> en date du 4 février 1661.</p> - -<p><a id="Footnote_392" href="#FNanchor_392" class="label">[392]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XL, p. 104.</p> - -<p><a id="Footnote_393" href="#FNanchor_393" class="label">[393]</a> <span class="small1">Pomponne</span>, <i>lettre à Arnauld d'Andilly</i>, dans les <i>Mém.</i> de <span class="small1">Coulanges</span>, -p. 379.—<span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XL, p. 132.—<span class="small1">Monglat</span>, -t. LI, p. 123.</p> - -<p><a id="Footnote_394" href="#FNanchor_394" class="label">[394]</a> <span class="small1">Fouquet</span>, <i>Recueil des Défenses</i>, t. I, p. 61.—<span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Œuvres</i>, -t. I, p. 33.—Conférez ci-dessus, p. 213 et 220.</p> - -<p><a id="Footnote_395" href="#FNanchor_395" class="label">[395]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 325.</p> - -<p><a id="Footnote_396" href="#FNanchor_396" class="label">[396]</a> <span class="small1">Pelisson</span>, <i>Œuvres inédites</i>, t. II, p. 114, 116.</p> - -<p><a id="Footnote_397" href="#FNanchor_397" class="label">[397]</a> Conférez <span class="small1">Mignet</span>, <i>Introduction aux négociations relatives à -la succession d'Espagne sous Louis XIV</i>, t. I, p. <span class="small1">LVI</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_398" href="#FNanchor_398" class="label">[398]</a> <span class="small1">Choisy</span>, t. LXIII, p. 248.</p> - -<p><a id="Footnote_399" href="#FNanchor_399" class="label">[399]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 53.</p> - -<p><a id="Footnote_400" href="#FNanchor_400" class="label">[400]</a> <i>Lettre de Pomponne à Arnauld d'Andilly</i>, en date du 19 mars -1661, dans les <i>Mém.</i> de <span class="small1">Coulanges</span>, p. 382, in-8<sup>o</sup>.—<span class="small1">Motteville</span>, -t. XL, p. 132.</p> - -<p><a id="Footnote_401" href="#FNanchor_401" class="label">[401]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIV, p. 376.</p> - -<p><a id="Footnote_402" href="#FNanchor_402" class="label">[402]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XL, p. 158.</p> - -<p><a id="Footnote_403" href="#FNanchor_403" class="label">[403]</a> <span class="small1">Guy-Joly</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 445.</p> - -<p><a id="Footnote_404" href="#FNanchor_404" class="label">[404]</a> <span class="small1">Pellisson</span>, <i>Œuvres mêlées</i>, t. II, p. 120 et 123.—<span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, -t. LXIII, p. 122.</p> - -<p><a id="Footnote_405" href="#FNanchor_405" class="label">[405]</a> <span class="small1">Fouquet</span>, <i>Défenses</i>, t. II, p. 26 et 36, et ci-dessus.</p> - -<p><a id="Footnote_406" href="#FNanchor_406" class="label">[406]</a> <span class="small1">Gourville</span>, t. LIII, p. 337, 346.—<span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mém. -inédits</i>, t. II, p. 179.—<span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 248, 249, 251, 261, -262, 263.</p> - -<p><a id="Footnote_407" href="#FNanchor_407" class="label">[407]</a> <i>Lettre de</i> <span class="small1">Mazarin</span> <i>à Colbert</i>, en date du 22 octobre 1659, <i>mss. -de la Bibliothèque du Roi</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_408" href="#FNanchor_408" class="label">[408]</a> <i>Vie de</i> <span class="small1">Jacques II</span>, <i>roi d'Angleterre, d'après les Mémoires -écrits de sa propre main</i>, in-8<sup>o</sup>, t. I, p. 124 à 137.</p> - -<p><a id="Footnote_409" href="#FNanchor_409" class="label">[409]</a> <span class="small1">Forbonnais</span>, <i>Recherches et considérations sur les finances de -France</i>, édit. in-12, 1758, t. II, p. 120, 121.</p> - -<p><a id="Footnote_410" href="#FNanchor_410" class="label">[410]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, dans ses <i>Œuvres</i>, t. V, p. 54.—Ibid., <i>Instructions -de Louis XIV pour le Dauphin</i>, dans ses <i>Œuvres</i>, t. II, p. 57.</p> - -<p><a id="Footnote_411" href="#FNanchor_411" class="label">[411]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Œuvres</i>, t. V, p. 53, <i>lettre à la reine-mère</i>, en date -du 5 septembre.—<span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 248 à 251.</p> - -<p><a id="Footnote_412" href="#FNanchor_412" class="label">[412]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIV, p. 317, 377, 404, 413.</p> - -<p><a id="Footnote_413" href="#FNanchor_413" class="label">[413]</a> <i>Histoire de la Vie et des Ouvrages de</i> <span class="small1">La Fontaine</span>, 3<sup>e</sup> édit., -p. 70.—Idem, <i>Œuvres complètes de</i> <i>La Fontaine</i>, édit. 1827, -t. VI, p. 473.</p> - -<p><a id="Footnote_414" href="#FNanchor_414" class="label">[414]</a> <span class="small1">Racine</span>, <i>Fragments historiques</i>, t. VI, p. 335 des <i>Œuvres</i>, -édit. de Geoffroy.—<span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mémoires inédits</i>, t. II, -p. 177.—<span class="small1">Choisy</span>, <i>Mémoires</i>, t. LXIII, p. 253.</p> - -<p><a id="Footnote_415" href="#FNanchor_415" class="label">[415]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mémoires</i>, t. XL, p. 132.</p> - -<p><a id="Footnote_416" href="#FNanchor_416" class="label">[416]</a> <span class="small1">Fouquet</span>, <i>Défenses</i>, t. II, p. 15 et 16, édit. in-18, Elzeviers.</p> - -<p><a id="Footnote_417" href="#FNanchor_417" class="label">[417]</a> Ibid., p. 100.—<span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 256.</p> - -<p><a id="Footnote_418" href="#FNanchor_418" class="label">[418]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mém. inédits</i>, t. II, p. 136, 138, 142.</p> - -<p><a id="Footnote_419" href="#FNanchor_419" class="label">[419]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XL, p. 106.</p> - -<p><a id="Footnote_420" href="#FNanchor_420" class="label">[420]</a> Voyez les caricatures qui furent faites contre les maltôtiers en -1661, dans le XXVII<sup>e</sup> vol. de l'<i>Hist. de Fr. par estampes</i>, à la Bibliothèque -Royale.</p> - -<p><a id="Footnote_421" href="#FNanchor_421" class="label">[421]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Instructions pour le Dauphin son fils</i>, dans ses -<i>Œuvres</i>, t. I, p. 109 à 114.</p> - -<p><a id="Footnote_422" href="#FNanchor_422" class="label">[422]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 120 à 122.—<span class="small1">Choisy</span>, t. LXIII, p. 251.</p> - -<p><a id="Footnote_423" href="#FNanchor_423" class="label">[423]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIV, p. 403.</p> - -<p><a id="Footnote_424" href="#FNanchor_424" class="label">[424]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mém. inédits</i>, t. II, p. 205.—<span class="small1">La Fayette</span>, -<i>Mém.</i>, t. LXIV, p. 404.—<span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 170.—<span class="small1">Motteville</span>, -<i>Mém.</i>, t. XL, p. 41.</p> - -<p><a id="Footnote_425" href="#FNanchor_425" class="label">[425]</a> <span class="small1">Pellisson</span>, <i>Discours au Roi</i>, t. II, p. 274.</p> - -<p><a id="Footnote_426" href="#FNanchor_426" class="label">[426]</a> <span class="small1">Loménie</span> de <span class="small1">Brienne</span>, <i>Mémoires inédits</i>, t. II, p. 183 à 186.</p> - -<p><a id="Footnote_427" href="#FNanchor_427" class="label">[427]</a> <i>Hist. de la Vie et des Ouvrages de J. de la Fontaine</i>, 3<sup>e</sup> édit., -p. 112.</p> - -<p><a id="Footnote_428" href="#FNanchor_428" class="label">[428]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Instructions pour le Dauphin, son fils</i>, dans ses -<i>Œuvres</i>, t. I, p. 104, 108.—<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mémoires</i>, t. LI, p. 123.</p> - -<p><a id="Footnote_429" href="#FNanchor_429" class="label">[429]</a> <span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 277.</p> - -<p><a id="Footnote_430" href="#FNanchor_430" class="label">[430]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XL, p. 162.—<span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, -p. 354.—<span class="small1">Loret</span>, liv. XII, p. 187.</p> - -<p><a id="Footnote_431" href="#FNanchor_431" class="label">[431]</a> <span class="small1">La Fare</span>, <i>Mém.</i>, t. LXV, p. 149, 145.—<span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Œuvres</i>, -t. I, p. 37, 39.—<span class="small1">Monglat</span>, t. LI, p. 511.</p> - -<p><a id="Footnote_432" href="#FNanchor_432" class="label">[432]</a> <span class="small1">Racine</span>, <i>Fragments historiques</i>, t. VI, p. 335 des <i>Œuvres</i>.—<span class="small1">Fouquet</span>, -<i>Défenses</i>, t. I, p. 141, 142.—<span class="small1">Guy-Patin</span>, <i>Lettres</i>, t. V, -p. 218, 219 et 244; <i>lettre</i> en date du 14 juillet 1662.</p> - -<p><a id="Footnote_433" href="#FNanchor_433" class="label">[433]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 48.—<span class="small1">Loret</span>, liv. XI, p. 42 (1660).—<span class="small1">Lemontey</span>, -<i>Essai sur l'établissement monarchique de Louis XIV</i>, -p. 455-460.—<span class="small1">Bussy</span>, <i>Discours à ses Enfants</i>, p. 309.</p> - -<p><a id="Footnote_434" href="#FNanchor_434" class="label">[434]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIV, p. 379.</p> - -<p><a id="Footnote_435" href="#FNanchor_435" class="label">[435]</a> <i>Tableau de la Vie et du Gouvernement de MM. les cardinaux -Richelieu et Mazarin et de M. Colbert</i>, etc., 1694, in-12, p. 220-234.</p> - -<p><a id="Footnote_436" href="#FNanchor_436" class="label">[436]</a> <span class="small1">Conrart</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVIII, p. 256 à 259.—<span class="small1">Motteville</span>, LXL, -p. 162.</p> - -<p><a id="Footnote_437" href="#FNanchor_437" class="label">[437]</a> Voyez ci-dessus, p. 205 et 206.</p> - -<p><a id="Footnote_438" href="#FNanchor_438" class="label">[438]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 58, édit. de Monmerqué, 1820; t. I, -p. 86 de l'édit. de G. de S.-G.</p> - -<p><a id="Footnote_439" href="#FNanchor_439" class="label">[439]</a> <i>Histoire de la Vie et des Ouvrages de La Fontaine</i>, 3<sup>e</sup> édition, -p. 390.</p> - -<p><a id="Footnote_440" href="#FNanchor_440" class="label">[440]</a> <i>Ménagiana</i>, t. I, p. 19.</p> - -<p><a id="Footnote_441" href="#FNanchor_441" class="label">[441]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 60, édit. 1820; ou t. I, p. 96, édit. -de G. de S.-G.</p> - -<p><a id="Footnote_442" href="#FNanchor_442" class="label">[442]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, t. I, p. 58, note <i>a</i>, édit. 1820.—<span class="small1">Petitot</span>, <i>Notice sur -Port-Royal</i>, dans les <i>Mémoires</i>, t. XXXIII, p. 161.</p> - -<p><a id="Footnote_443" href="#FNanchor_443" class="label">[443]</a> L'abbé <span class="small1">Arnauld</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIV, p. 318.—<span class="small1">Monmerqué</span>, dans -les <i>Mém. de Coulanges</i>, p. 383, et l'article <i>Pomponne</i>, dans la <i>Biographie -universelle</i>, t. XXXV, p. 321.</p> - -<p><a id="Footnote_444" href="#FNanchor_444" class="label">[444]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 62 (en date du 17 novembre).</p> - -<p><a id="Footnote_445" href="#FNanchor_445" class="label">[445]</a> <i>Lettre de madame Duplessis-Bellière à Pomponne</i>, dans les -<i>Mémoires de</i> <span class="small1">Conrart</span>, t. XLVIII, p. 259, datée de Châlons le 19 -septembre 1661.</p> - -<p><a id="Footnote_446" href="#FNanchor_446" class="label">[446]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 79 (en date du 24 au 26 novembre).</p> - -<p><a id="Footnote_447" href="#FNanchor_447" class="label">[447]</a> <i>Lettres de madame de S*** à M. de Pompone</i>; à Amsterdam, -1756, in-12 (73 pages).</p> - -<p><a id="Footnote_448" href="#FNanchor_448" class="label">[448]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 62-105, édit. Monm.; t. I, p. 100 à 149 -de l'édit. de G. de S.-G.</p> - -<p><a id="Footnote_449" href="#FNanchor_449" class="label">[449]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, t. I, p. 65.</p> - -<p><a id="Footnote_450" href="#FNanchor_450" class="label">[450]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 66, 69-84 (du 18 novembre 1664).</p> - -<p><a id="Footnote_451" href="#FNanchor_451" class="label">[451]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 70.</p> - -<p><a id="Footnote_452" href="#FNanchor_452" class="label">[452]</a> Ibid., p. 77 (en date du 27 novembre).</p> - -<p><a id="Footnote_453" href="#FNanchor_453" class="label">[453]</a> Ibid., p. 67.</p> - -<p><a id="Footnote_454" href="#FNanchor_454" class="label">[454]</a> Ibid., p. 71 (en date du 20 novembre 1664).</p> - -<p><a id="Footnote_455" href="#FNanchor_455" class="label">[455]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 78 (27 novembre 1664).</p> - -<p><a id="Footnote_456" href="#FNanchor_456" class="label">[456]</a> Ibid., ibid.</p> - -<p><a id="Footnote_457" href="#FNanchor_457" class="label">[457]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 82 (<i>lettre</i> en date du 1<sup>er</sup> décembre -1664).</p> - -<p><a id="Footnote_458" href="#FNanchor_458" class="label">[458]</a> Cet hôtel, placé où est actuellement l'hôtel des Monnaies, acheté -par Guénégaud à la duchesse de Nevers, en 1641, fut nommé l'hôtel -Guénégaud. Conférez: <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XXXIX, p. 373.—<span class="small1">Gourville</span>, -<i>Mém.</i>, t. LII, p. 351.—<span class="small1">Berey</span>, <i>Plan de Paris</i>, en quatre -feuilles, 1654.—<span class="small1">Jaillot</span>, <i>Recherches sur Paris</i>, quartier Saint-Germain -des Prés, t. V, p. 54, 68, 69.—M. B*** (Germain Brice), -<i>Description nouvelle de ce qu'il y a de plus remarquable dans la -ville de Paris</i>, 1685, in-12, t. II, p. 217; édit. de 1698, p. 389.—<span class="small1">Le -Maire</span>, <i>Paris ancien et nouveau</i>, 1685, t. III, p. 237.—<span class="small1">Piganiol -de la Force</span>, <i>Description de Paris</i>, t. VIII, p. 231.—<span class="small1">Gourville</span>, -<i>Mém.</i>, t. LII, p. 330.—<span class="small1">Joly</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 213.</p> - -<p><a id="Footnote_459" href="#FNanchor_459" class="label">[459]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, édit. de Monmerqué, t. I, p. 88 (en date du -5 décembre 1664).</p> - -<p><a id="Footnote_460" href="#FNanchor_460" class="label">[460]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 90, édit. 1820 (en date du 9 novembre -1664).</p> - -<p><a id="Footnote_461" href="#FNanchor_461" class="label">[461]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 96 (en date du 17 décembre 1664).</p> - -<p><a id="Footnote_462" href="#FNanchor_462" class="label">[462]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 97 (du 17 décembre 1664).—<span class="small1">Gourville</span>, -<i>Mém.</i>, t. LII, p. 360.</p> - -<p><a id="Footnote_463" href="#FNanchor_463" class="label">[463]</a> <span class="small1">Choisy</span>, <i>Mémoires</i>, t. LXIV, p. 249 à 265.</p> - -<p><a id="Footnote_464" href="#FNanchor_464" class="label">[464]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 99 (en date du 17 décembre 1664).</p> - -<p><a id="Footnote_465" href="#FNanchor_465" class="label">[465]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mémoires inédits</i>, t. II, p. 211.</p> - -<p><a id="Footnote_466" href="#FNanchor_466" class="label">[466]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 104 (en date du 22 décembre -1664).</p> - -<p><a id="Footnote_467" href="#FNanchor_467" class="label">[467]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, p. 105 et 106.</p> - -<p><a id="Footnote_468" href="#FNanchor_468" class="label">[468]</a> Ibid., p. 107.</p> - -<p><a id="Footnote_469" href="#FNanchor_469" class="label">[469]</a> <span class="small1">Tasso</span>, <i>Gerusalemme liberata</i>, canto V, st. 35.</p> - -<p><a id="Footnote_470" href="#FNanchor_470" class="label">[470]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. II, p. 369 (en date du 23 mars 1672).</p> - -<p><a id="Footnote_471" href="#FNanchor_471" class="label">[471]</a> <i>Lettre de Louvois</i>, du 18 octobre 1672, dans <span class="small1">Delort</span>, <i>Histoire -de la Détention des Philosophes</i>, etc., t. I, p. 40 et 195.</p> - -<p><a id="Footnote_472" href="#FNanchor_472" class="label">[472]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. V, p. 394 (en date du 27 février 1679).—<span class="small1">Saint-Simon</span>, -<i>Œuvres</i>, t. X, p. 137-138.</p> - -<p><a id="Footnote_473" href="#FNanchor_473" class="label">[473]</a> <i>Lettre de Louvois</i>, avril 1680.</p> - -<p><a id="Footnote_474" href="#FNanchor_474" class="label">[474]</a> Voyez les <i>Lettres de Louvois</i>, en date des 24 janvier et 18 avril -1680, dans <span class="small1">Delort</span>, <i>Histoire de la Détention des Philosophes et des -Gens de lettres</i>, t. I, p. 314 et 317.</p> - -<p><a id="Footnote_475" href="#FNanchor_475" class="label">[475]</a> <i>Lettres de Louvois</i>, 15 février, 6 mars et 10 mai 1679, dans -<span class="small1">Delort</span>, <i>Histoire de la Détention des Philosophes et des Gens de -lettres</i>, t. I, p. 286.</p> - -<p><a id="Footnote_476" href="#FNanchor_476" class="label">[476]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>lettre</i> du 3 avril 1680, t. VI, p. 217.</p> - -<p><a id="Footnote_477" href="#FNanchor_477" class="label">[477]</a> <span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 401.—<span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, 5, 6 avril -1680, t. VI, p. 223.—<span class="small1">Bussy</span>, <i>Lettres</i>, t. IV, p. 428.—<span class="small1">Baroletti</span>, -<i>Notice sur la mort du surintendant Fouquet</i>, Turin, 1812, in-4<sup>o</sup>.—<i>Mercure -de France</i>, octobre 1754, p. 142 et 143.</p> - -<p><a id="Footnote_478" href="#FNanchor_478" class="label">[478]</a> <i>Lettres de Louvois</i> à Saint-Mars depuis les années 1672 à 1680, -dans <span class="small1">Delort</span>, <i>Hist. de la détention de Fouquet, de Pellisson et -Lauzun</i>, t. I de l'<i>Hist. de la Détention des Philosophes et des Gens -de lettres</i>, p. 195, 321.</p> - -<p><a id="Footnote_479" href="#FNanchor_479" class="label">[479]</a> <span class="small1">Paroletti</span>, <i>Notice sur la mort du surintendant Fouquet</i>, -Turin, 1812, in-4<sup>o</sup>.—<span class="small1">Gourville</span>, <i>Mém.</i>, t. LII, p. 461.—<span class="small1">Bussy</span>, -<i>Lettres</i>, t. IV, p. 428.</p> - -<p><a id="Footnote_480" href="#FNanchor_480" class="label">[480]</a> <span class="small1">Loménie de Brienne</span>, <i>Mémoires inédits</i>, t. II, p. 156 et 157.—<span class="small1">Gramont</span>, -<i>Mémoires</i>, t. LVII, p. 90 et 430.</p> - -<p><a id="Footnote_481" href="#FNanchor_481" class="label">[481]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 56.</p> - -<p><a id="Footnote_482" href="#FNanchor_482" class="label">[482]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XIII, p. 56, 58, 70.—<span class="small1">Colletet</span>, -<i>Abrégé des Annales de Paris</i>, 1664, in-12, p. 423.</p> - -<p><a id="Footnote_483" href="#FNanchor_483" class="label">[483]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Instructions pour le Dauphin son fils</i>, dans ses -<i>Œuvres</i>, t. I, p. 211, 216, 227.</p> - -<p><a id="Footnote_484" href="#FNanchor_484" class="label">[484]</a> <span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 126.</p> - -<p><a id="Footnote_485" href="#FNanchor_485" class="label">[485]</a> <span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 271.—<span class="small1">Joly</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 460.—<span class="small1">Monglat</span>, -<i>Mémoires</i>, t. LI, p. 128.—<span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Œuvres</i>, t. V, -p. 110, 119; <i>lettres au roi de Pologne</i>, en date du 1<sup>er</sup> et du 9 février -1663.</p> - -<p><a id="Footnote_486" href="#FNanchor_486" class="label">[486]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Instructions pour le Dauphin son fils</i>, dans ses -<i>Œuvres</i>, t. I, p. 197, 198.</p> - -<p><a id="Footnote_487" href="#FNanchor_487" class="label">[487]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XIII, p. 35 (4 mars 1662); dans <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Œuvres</i>, -t. I, p. 197; ibid., t. V, p. 81 (<i>lettre</i> en date du 17 mars 1662).—<span class="small1">Joly</span>, -<i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 454, 460 et 462.</p> - -<p><a id="Footnote_488" href="#FNanchor_488" class="label">[488]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XIII, p. 52 (<i>lettre</i> du 1<sup>er</sup> avril -1662). Vingt-deux temples protestants furent fermés dans le seul pays -de Gex.—<span class="small1">Racine</span>, <i>lettre à Vitart</i>, en date du 25 juillet, p. 162 et -165, t. VI des <i>Œuvres</i>, dans l'édit. d'Aimé Martin.—<span class="small1">Guy-Patin</span>, -<i>Lettres</i>, t. V, p. 22 (en date du 14 juillet 1662).</p> - -<p><a id="Footnote_489" href="#FNanchor_489" class="label">[489]</a> Frères <span class="small1">Parfaict</span>, <i>Hist. du Theâtre françois</i>, t. IX, p. 1 et 64.—<span class="small1">Loret</span>, -<i>Muse historique</i>, liv. XIII, p. 165 (28 octobre, 7 janvier 1662).</p> - -<p><a id="Footnote_490" href="#FNanchor_490" class="label">[490]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, t. XLIII, p. 26, 28, 31.</p> - -<p><a id="Footnote_491" href="#FNanchor_491" class="label">[491]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Œuvres</i>, t. I, p. 223.</p> - -<p><a id="Footnote_492" href="#FNanchor_492" class="label">[492]</a> <span class="small1">Corneille</span>, <i>Remercîments au roi</i>, t. XI, p. 95, édit. de Lefèvre, -in-8<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_493" href="#FNanchor_493" class="label">[493]</a> <i>Deux dissertations concernant le poëme dramatique, en forme -de remarques sur deux tragédies de M. Corneille, intitulées</i> Sophonisbe -<i>et</i> Sertorius, <i>envoyées à madame la duchesse R***</i> (Richelieu); -Paris, l'abbé <span class="small1">d'Aubignac</span>, chez Jacques Dubreuil, 1663, petit -in-12 de 104 pages.—<span class="small1">Visé</span>, <i>Défence</i> (sic) <i>du Sertorius de -M. Corneille</i>, dédiée à M. de Guise, 1663, in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_494" href="#FNanchor_494" class="label">[494]</a> <span class="small1">Boileau</span>, <i>Œuvres</i>, édition de Berriat Saint-Prix, 1830, in-8<sup>o</sup>, -t. II, p. 436, ou de l'édit. de Saint-Surin, 1821, t. II, p. 523; édit. -de Saint-Marc, 1747, p. 417.</p> - -<p><a id="Footnote_495" href="#FNanchor_495" class="label">[495]</a> <span class="small1">Racine</span>, t. VII, p. 173, édit. de Geoffroy.</p> - -<p><a id="Footnote_496" href="#FNanchor_496" class="label">[496]</a> <span class="small1">Boileau</span>, <i>Satire VII</i>, édit. 1666, p. 68 et 69; édit. 1667, p. 4, -et édit. 1669, p. 9.</p> - -<p><a id="Footnote_497" href="#FNanchor_497" class="label">[497]</a> <span class="small1">Racine</span>, <i>Œuvres</i>, <i>lettres</i> à Vitart, t. VII, p. 107 de l'édit. 1808, -in 8<sup>o</sup>, et t. I, p. 119.</p> - -<p><a id="Footnote_498" href="#FNanchor_498" class="label">[498]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XIII, p. 58 (22 avril 1662).</p> - -<p><a id="Footnote_499" href="#FNanchor_499" class="label">[499]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XI, p. 59, liv. XIII, p. 69, 130, 154, 199; 13 mars, -26 août, 7 octobre 1662, 17 avril 1660.</p> - -<p><a id="Footnote_500" href="#FNanchor_500" class="label">[500]</a> <span class="small1">Molière</span>, <i>Critique de l'École des Femmes</i>, scène <span class="small1">IV</span> (<span class="small1">VI</span> par -faute d'impression), p. 86 de la première édition, 1663, et aussi dans -les <i>Femmes savantes</i>, acte IV, scène III.</p> - -<p><a id="Footnote_501" href="#FNanchor_501" class="label">[501]</a> Voyez <i>Satires de B***</i>, édit. de 1660, p. 4 et 5.</p> - -<p><a id="Footnote_502" href="#FNanchor_502" class="label">[502]</a> <span class="small1">Desormeaux</span>, <i>Histoire de Louis II, prince de Condé</i>, t. IV, -p. 197, édit. in-12; <i>Histoire de France en estampes</i>, in-folio, année -1682, t. XXVIII (Bibliothèque royale).</p> - -<p><a id="Footnote_503" href="#FNanchor_503" class="label">[503]</a> <i>Mémoires de Jean de Coligny</i>, dans <span class="small1">Musset-Pathay</span>, <i>Contes -historiques</i>, 1826, in-8<sup>o</sup>, p. 234 et 237.—<i>Lettres</i> de <span class="small1">Sévigné</span>, édit. -de Monmerqué, t. I, p. 120, note <i>a</i>; t. II, p. 16, à la note de la <i>lettre</i> -du 25 octobre 1673.—Depuis les Mémoires complets de Coligny -ont été imprimés.</p> - -<p><a id="Footnote_504" href="#FNanchor_504" class="label">[504]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 191.—<span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Œuvres</i>, Paris, 1806, -t. VI, p. 375. (Modèle du brevet de justaucorps bleu accordé à Condé.)</p> - -<p><a id="Footnote_505" href="#FNanchor_505" class="label">[505]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XIII, p. 2, 15, 18, 21, 23, 199, -<i>lettres</i> en date des 7 et 28 janvier, 11, 14 février, 24 décembre 1662.</p> - -<p><a id="Footnote_506" href="#FNanchor_506" class="label">[506]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Œuvres</i>, t. II, p. 25, <i>Vies de plusieurs Personnages -célèbres</i>, t. I, p. 158, article <i>Clovis</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_507" href="#FNanchor_507" class="label">[507]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XIII, p. 29, 32, 59.—<span class="small1">Benserade</span>, t. II, p. 254-280.</p> - -<p><a id="Footnote_508" href="#FNanchor_508" class="label">[508]</a> <i>Description du carrousel</i> en 1667, in-folio, 1670, format atlas, -orné de figures.—<span class="small1">Loret</span>, liv. XIII, p. 67 et 85, 6 mai, 10 juin 1662.—<span class="small1">Montpensier</span>, -t. XLIII, p. 42.</p> - -<p><a id="Footnote_509" href="#FNanchor_509" class="label">[509]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Hist. d'Henriette d'Angleterre</i>, t. LXIV, p. 381.—<span class="small1">Motteville</span>, -<i>Mém.</i>, t. XL, p. 173.</p> - -<p><a id="Footnote_510" href="#FNanchor_510" class="label">[510]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XL, p. 70.</p> - -<p><a id="Footnote_511" href="#FNanchor_511" class="label">[511]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Hist. d'Henriette d'Angleterre</i>, t. LXIV, p. 412-415.—<span class="small1">Conrart</span>, -<i>Mém.</i>, t. XLVIII, p. 282.—<span class="small1">Motteville</span>, t. XL, -p. 170 et 179.—<span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLIII, p. 23, 43, 44.—Voy. -ci-après la III<sup>e</sup> partie, chap. <span class="small1">XII</span>, p. 209.</p> - -<p><a id="Footnote_512" href="#FNanchor_512" class="label">[512]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLIII, p. 43, 44.—<span class="small1">Motteville</span>, t. XL, -p. 174, 175.—<span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Œuvres</i>, t. V, p. 160.—<span class="small1">La Fayette</span>, -<i>Hist. d'Henriette d'Angleterre</i>, t. LXIV, p. 407.—<span class="small1">Hamilton</span>, -<i>Mém. de Gramont</i>, t. I, p. 103, édit. de ses <i>Œuvres</i> par Renouard, -1812, in-8<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_513" href="#FNanchor_513" class="label">[513]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Hist. d'Henriette d'Angleterre</i>, t. LXIV, p. 407, -408, 422, 423, 424.—<span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Œuvres</i>, t. V, p. 90, <i>lettre</i> en date -du 22 août.—<span class="small1">Conrart</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVIII, p. 280.</p> - -<p><a id="Footnote_514" href="#FNanchor_514" class="label">[514]</a> Voyez ci-après, III<sup>e</sup> partie, chap. <span class="small1">XII</span>, p. 197.</p> - -<p><a id="Footnote_515" href="#FNanchor_515" class="label">[515]</a> <span class="small1">La Fayette</span>, <i>Histoire d'Henriette</i>, t. LXIV, p. 427.—<span class="small1">Louis xiv</span>, -<i>Œuvres</i>, t. V, p. 103 (lettre du 20 décembre 1662).—Maréchal -<span class="small1">de Gramont</span>, <i>Mém.</i>, t. LVII, p. 93.</p> - -<p><a id="Footnote_516" href="#FNanchor_516" class="label">[516]</a> <span class="small1">Conrart</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVIII, p. 283.</p> - -<p><a id="Footnote_517" href="#FNanchor_517" class="label">[517]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XIII, p. 69, 100-170, 13 mai, 1<sup>er</sup> juillet, 4 nov. 1662.—<span class="small1">Motteville</span>, -t. XL, p. 177.—<span class="small1">La Fayette</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIV, p. 395.</p> - -<p><a id="Footnote_518" href="#FNanchor_518" class="label">[518]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XIII, p. 62 (16 avril 1662).</p> - -<p><a id="Footnote_519" href="#FNanchor_519" class="label">[519]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i> (6 mai 1676), t. IV, p. 422, édit. de G. de -S. G., t. IV, p. 281, édit. M.</p> - -<p><a id="Footnote_520" href="#FNanchor_520" class="label">[520]</a> <span class="small1">Saint-Surin</span>, <i>Notice sur Sévigné</i>, et <i>Lettres de Saint-Pavin</i> à -<i>madame de Sévigné</i>, t. I, p. 84, et p. <span class="small1">VII</span> et <span class="small1">VIII</span> des <i>Pièces préliminaires</i>, -dans l'édit. de Monmerqué des <i>Lettres</i> de <span class="small1">Sévigné</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_521" href="#FNanchor_521" class="label">[521]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, édit. de 1734, p. <span class="small1">XIX</span> de la préface du chevalier -Perrin, ou t. I, p. <span class="small1">XXVI</span> de l'édit. de 1754.</p> - -<p><a id="Footnote_522" href="#FNanchor_522" class="label">[522]</a> <span class="small1">Loret</span>, lib. VIII, p. 148 (<i>lettre</i> du 29 avril 1657).</p> - -<p><a id="Footnote_523" href="#FNanchor_523" class="label">[523]</a> <span class="small1">De Somaize</span>, <i>Grand Dictionnaire des Précieuses</i>, 1661, in-12, -t. II, p. 150.—<span class="small1">La Clef</span>, p. 15, Sophronie, <i>madame la marquise -de Seuigny</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_524" href="#FNanchor_524" class="label">[524]</a> <span class="small1">De Somaize</span>, le <i>Grand Dictionnaire des Précieuses</i>, 1661, -in-12, t. I, p. 93.</p> - -<p><a id="Footnote_525" href="#FNanchor_525" class="label">[525]</a> <span class="small1">Molière</span>, <i>École des Femmes</i>, acte II, scène <span class="small1">III</span>, p. 24 de l'édition -de 1663; t. III, p. 26 de l'édition d'Auger.</p> - -<p><a id="Footnote_526" href="#FNanchor_526" class="label">[526]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Œuvres</i>, t. V; <i>Lettres</i>, p. 203-205, 208, 209, 260 -(des 7 et 15 août 1664).</p> - -<p><a id="Footnote_527" href="#FNanchor_527" class="label">[527]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, t. V, p. 179-220.—<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, p. 131.—<span class="small1">Bussy</span>, -<i>Mém.</i>, t II, p. 208 et 209, édit. in-12.</p> - -<p><a id="Footnote_528" href="#FNanchor_528" class="label">[528]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Œuvres</i>, t. V, p. 145, 193, 210, 228, 264, 269, 281, -291, 305, 311, 318, 356, 365, 368, 377, 380, 384, 388, 403.</p> - -<p><a id="Footnote_529" href="#FNanchor_529" class="label">[529]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Œuvres</i>, t. V, p. 262.—<span class="small1">Loret</span>, liv. XV, p. 63.</p> - -<p><a id="Footnote_530" href="#FNanchor_530" class="label">[530]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, <i>Œuvres</i>, t. V, p. 205-225.</p> - -<p><a id="Footnote_531" href="#FNanchor_531" class="label">[531]</a> <span class="small1">La Fare</span>, <i>Mémoires</i>, t. LXV, p. 149.—<span class="small1">Monglat</span>, <i>Mém.</i>, t. LI, -p. 130.</p> - -<p><a id="Footnote_532" href="#FNanchor_532" class="label">[532]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XIV, p. 58-61 (21 et 28 avril 1664).</p> - -<p><a id="Footnote_533" href="#FNanchor_533" class="label">[533]</a> <i>Histoire de la Monarchie Françoise</i>, 1697, in-12, t. II, p. 236.</p> - -<p><a id="Footnote_534" href="#FNanchor_534" class="label">[534]</a> Ibid., t. II, p. 226 et 166.</p> - -<p><a id="Footnote_535" href="#FNanchor_535" class="label">[535]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XIV, p. 124 (en date du 29 juillet 1663).</p> - -<p><a id="Footnote_536" href="#FNanchor_536" class="label">[536]</a> <span class="small1">La Fontaine</span>, <i>Œuvres</i>, édit. 1827, t. VI, p. 109, note 1.</p> - -<p><a id="Footnote_537" href="#FNanchor_537" class="label">[537]</a> <span class="small1">Louis xiv</span>, t. V, p. 204 et 205 (<i>lettre</i> à Courtin, datée de Fontainebleau, -le 10 août 1664).</p> - -<p><a id="Footnote_538" href="#FNanchor_538" class="label">[538]</a> <span class="small1">D'Hauterive</span>, <i>Quelques Conseils à un jeune Voyageur</i> (16 avril -1826), in-8<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_539" href="#FNanchor_539" class="label">[539]</a> François <span class="small1">de Neufchateau</span>, <i>Esprit du grand Corneille</i>, -p. 434.</p> - -<p><a id="Footnote_540" href="#FNanchor_540" class="label">[540]</a> <i>Suite du Nouveau Recueil de plusieurs pièces diverses et galantes -de ce temps</i>, 1665, p. 82 et 86 (avec la sphère).</p> - -<p><a id="Footnote_541" href="#FNanchor_541" class="label">[541]</a> <i>Nouveau Recueil de plusieurs pièces diverses et galantes de -ce temps</i>, in-12, p. 24, la satire à Molière; p. 56, la satire à La -Mothe Le Vayer.</p> - -<p><a id="Footnote_542" href="#FNanchor_542" class="label">[542]</a> Frères <span class="small1">Parfaict</span>, <i>Hist. du Théâtre françois</i>, t. IX, p. 304.</p> - -<p><a id="Footnote_543" href="#FNanchor_543" class="label">[543]</a> <span class="small1">Molière</span>, édit. d'Auger, t. III, p. 386, et t. III, p. 296, édit. -d'Aimé Martin.</p> - -<p><a id="Footnote_544" href="#FNanchor_544" class="label">[544]</a> <span class="small1">Benserade</span>, t. II, p. 237.—<span class="small1">Gueret</span>, <i>Carte de la Cour</i>, 1663, -p. 69.</p> - -<p><a id="Footnote_545" href="#FNanchor_545" class="label">[545]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, t. XL, p. 141, 212 et 213.</p> - -<p><a id="Footnote_546" href="#FNanchor_546" class="label">[546]</a> <span class="small1">Motteville</span>, <i>Mémoires</i>, t. XL, p. 185-186.</p> - -<p><a id="Footnote_547" href="#FNanchor_547" class="label">[547]</a> Ibid., p. 186.</p> - -<p><a id="Footnote_548" href="#FNanchor_548" class="label">[548]</a> <span class="small1">Motteville</span>, t. XL, p. 199, 201, 203, 211, 213, 218, 225.</p> - -<p><a id="Footnote_549" href="#FNanchor_549" class="label">[549]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XV, p. 66 (15 mai 1664).</p> - -<p><a id="Footnote_550" href="#FNanchor_550" class="label">[550]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XV, p. 33, 61, 123, 165, 195-203, 200, 3 mars, 28 avril, -29 juillet, 6 octobre, 1<sup>er</sup> et 15 décembre 1663.—<span class="small1">Motteville</span>, <i>Mém.</i>, -t. XL, p. 195.—<span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLIII, p. 54-67.</p> - -<p><a id="Footnote_551" href="#FNanchor_551" class="label">[551]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. II, p. 92.</p> - -<p><a id="Footnote_552" href="#FNanchor_552" class="label">[552]</a> <span class="small1">La Fontaine</span>, <i>Fables</i>, liv. IV, fable 1; <span class="small1">I</span>; t. I, p. 177 des <i>Œuvres</i> -de <span class="small1">La Fontaine</span>, édit. 1827, in-8<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_553" href="#FNanchor_553" class="label">[553]</a> <span class="small1">Benserade</span>, <i>Œuvres</i>, t. II, p. 285, 288.</p> - -<p><a id="Footnote_554" href="#FNanchor_554" class="label">[554]</a> <span class="small1">Benserade</span>, <i>Œuvres</i>, t. II, p. 299.</p> - -<p><a id="Footnote_555" href="#FNanchor_555" class="label">[555]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XIV, p. 10.</p> - -<p><a id="Footnote_556" href="#FNanchor_556" class="label">[556]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XIV, p. 26 (17 février).</p> - -<p><a id="Footnote_557" href="#FNanchor_557" class="label">[557]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XIV, p. 46 (31 mars 1663).</p> - -<p><a id="Footnote_558" href="#FNanchor_558" class="label">[558]</a> Ibid., p. 13, 18, 48 et 49 (27 janvier, 3 février, 17 mars, et 7 avril -1663).</p> - -<p><a id="Footnote_559" href="#FNanchor_559" class="label">[559]</a> Id., liv. XIV, p. 188, 192 (17 et 24 novembre 1663).—<span class="small1">Montpensier</span>, -<i>Mém.</i>, t. XLIII, p. 54.—<span class="small1">Loret</span>, liv. XIV, p. 33 (3 mai).</p> - -<p><a id="Footnote_560" href="#FNanchor_560" class="label">[560]</a> Id., liv. XIV, p. 139, 140 (25 août), p. 174 (20 octobre).</p> - -<p><a id="Footnote_561" href="#FNanchor_561" class="label">[561]</a> <span class="small1">Benserade</span>, <i>Œuvres</i>, 1697, t. II, p. 316.—LORET, liv. XV, p. 25, -<i>lettre 6</i>, en date du 9 février 1664.</p> - -<p><a id="Footnote_562" href="#FNanchor_562" class="label">[562]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XV, p. 27 (16 février 1664).—Ibid., p. 32 et 33, et 35 -(1<sup>er</sup> mars).</p> - -<p><a id="Footnote_563" href="#FNanchor_563" class="label">[563]</a> Ibid., pag. 18 (2 février).</p> - -<p><a id="Footnote_564" href="#FNanchor_564" class="label">[564]</a> <span class="small1">Benserade</span>, <i>Œuvres</i>, t. II, p. 319 à 324.</p> - -<p><a id="Footnote_565" href="#FNanchor_565" class="label">[565]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historiques</i>, liv. XV, p. 73.—<span class="small1">Benserade</span>, t. II, -p. 319, 324.—<span class="small1">Molière</span>, <i>Œuvres</i> t. III, p. 105 à 150, édit. d'Auger; -t. III, p. 447, édit. d'Aimé Martin.—<span class="small1">Marigny</span>, <i>Relation des fêtes -que le roi a données aux reines dans le parc de Versailles</i> (14 mai -1664), dans les <i>Œuvres de</i> <span class="small1">Marigny</span>, p. 34.—<i>Les Plaisirs de l'île -enchantée</i>, 1 vol. in-folio, accompagné de neuf planches gravées par -<span class="small1">Israel Sylvestre</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_566" href="#FNanchor_566" class="label">[566]</a> <i>Lettre de Bussy à madame de Sévigné</i>, le 21 novembre 1866, -dans <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 109, édit. M.; t. I, p. 154, édit. G.</p> - -<p><a id="Footnote_567" href="#FNanchor_567" class="label">[567]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XV, p. 73.</p> - -<p><a id="Footnote_568" href="#FNanchor_568" class="label">[568]</a> <span class="small1">Benserade</span>, t. II, p. 364.—<span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XVI, -p. 23.</p> - -<p><a id="Footnote_569" href="#FNanchor_569" class="label">[569]</a> <span class="small1">Ægidii Menagii</span>, 1680, in-12, édit. 7<sup>me</sup>, p. 304.</p> - -<p><a id="Footnote_570" href="#FNanchor_570" class="label">[570]</a> <span class="small1">Ægidii Menagii</span>, 4<sup>e</sup> édit., 1663, p. 288. Ménage supprima cette -pièce, et elle ne se trouve plus dans la 7<sup>e</sup> édition de ses poésies, -publiée en 1680.</p> - -<p><a id="Footnote_571" href="#FNanchor_571" class="label">[571]</a> <span class="small1">Bussy de Rabutin</span>, <i>Hist. am. des Gaules</i>, édit. 1754, t. I, p. 242.—<i>Hist. -amoureuse de France</i>, p. M***, 1710, in-12, p. 283.</p> - -<p><a id="Footnote_572" href="#FNanchor_572" class="label">[572]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, édit. de G. de S.-G., t. I, p. <span class="small1">CXXIX</span>; édit. de -Grouvelle, 1811, t. I, p. <span class="small1">CLXIX</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_573" href="#FNanchor_573" class="label">[573]</a> <span class="small1">Guy-Joly</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVII, p. 446-468, 470, 473-474.—<span class="small1">Louis xiv</span>, -<i>Œuvres</i>, t. V, p. 81 (<i>lettre</i> en date du 17 mars 1662).—Ibid., t. V, -p. 186 (en date du 27 mai 1685).</p> - -<p><a id="Footnote_574" href="#FNanchor_574" class="label">[574]</a> Conférez <span class="small1">M. Cousin</span>, <i>Journal des Savants</i>, 1842.</p> - -<p><a id="Footnote_575" href="#FNanchor_575" class="label">[575]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. V, p. 192, édit. de Monmerqué, <i>lettre</i> en -date du 18 août.</p> - -<p><a id="Footnote_576" href="#FNanchor_576" class="label">[576]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 168, édit. de Monmerqué; <i>Lettres à -Pomponne</i> en date du 18 novembre 1664; <i>Pièces galantes</i>, 1667, -Cologne, chez Pierre Marteau, seconde partie, p. 79 à 93.</p> - -<p><a id="Footnote_577" href="#FNanchor_577" class="label">[577]</a> <span class="small1">Hénault</span>, <i>Abrégé chronologique</i>, t. III, p. 651.</p> - -<p><a id="Footnote_578" href="#FNanchor_578" class="label">[578]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLIII, p. 35, 38, 39.</p> - -<p><a id="Footnote_579" href="#FNanchor_579" class="label">[579]</a> <span class="small1">Loret</span>, liv. XIII, p. 41 (18 mars).—Ibid., liv. XIV, p. 56.—<span class="small1">Choisy</span>, -<i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 277.</p> - -<p><a id="Footnote_580" href="#FNanchor_580" class="label">[580]</a> <i>Abrégé chronologique des principaux événements qui ont précédé -la constitution</i> Unigenitus; Utrecht, 1730, in-24, p. 10.—<span class="small1">Guy-Patin</span>, -<i>Lettres</i>, t. V, p. 22.</p> - -<p><a id="Footnote_581" href="#FNanchor_581" class="label">[581]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mémoires</i>, t. II, p. 301, édit. 1721, in-12.—Ibid., t. II, -p. 399, édit. in-4<sup>o</sup>.—<span class="small1">Bussy</span>, <i>Discours à ses Enfants</i>, p. 374.</p> - -<p><a id="Footnote_582" href="#FNanchor_582" class="label">[582]</a> Voyez ci-dessus, chapitre XI, p. 130 à 144.</p> - -<p><a id="Footnote_583" href="#FNanchor_583" class="label">[583]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Discours à ses Enfants</i>, 1694, in-12, p. 403.—<i>Mémoires</i>, -t. II, p. 354. Bussy acheta cette charge 252,000 livres, environ -500,000 francs monnaie actuelle.</p> - -<p><a id="Footnote_584" href="#FNanchor_584" class="label">[584]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 171.</p> - -<p><a id="Footnote_585" href="#FNanchor_585" class="label">[585]</a> Ibid., t. II, p. 167.</p> - -<p><a id="Footnote_586" href="#FNanchor_586" class="label">[586]</a> Ibid., t. II, p. 179.</p> - -<p><a id="Footnote_587" href="#FNanchor_587" class="label">[587]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 182.</p> - -<p><a id="Footnote_588" href="#FNanchor_588" class="label">[588]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>lettre au duc de Saint-Aignan</i>, dans ses <i>Mémoires</i>, t. II, -p. 326 de l'édit. in-12.—Ibid., édit. in-4<sup>o</sup>, t. II, p. 162.</p> - -<p><a id="Footnote_589" href="#FNanchor_589" class="label">[589]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 194.—<span class="small1">Bussy de Rabutin</span>, <i>Supplément -aux Mémoires et Lettres</i>, t. I, p. 65.</p> - -<p><a id="Footnote_590" href="#FNanchor_590" class="label">[590]</a> <span class="small1">Saint-Simon</span>, <i>Mém.</i>, ch. XXXVII, t. X, p. 449 et 450.—Ibid., -t. V, chap. VII, p. 102 et 103.—<span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. V, p. 377, -note <i>b</i>, édit. de Monmerqué.—<span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 400.—<span class="small1">Chavagnac</span>, -<i>Mém.</i>, t. I, p. 198.—<span class="small1">Choisy</span>, <i>Mém.</i>, t. LXIII, p. 418.</p> - -<p><a id="Footnote_591" href="#FNanchor_591" class="label">[591]</a> <span class="small1">Montpensier</span>, <i>Mém.</i>, t. XLII, p. 400.</p> - -<p><a id="Footnote_592" href="#FNanchor_592" class="label">[592]</a> <span class="small1">Conrart</span>, <i>Mém.</i>, t. XLVIII, p. 258.</p> - -<p><a id="Footnote_593" href="#FNanchor_593" class="label">[593]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Discours à ses Enfants</i>, 1694, in-12, p. 373.</p> - -<p><a id="Footnote_594" href="#FNanchor_594" class="label">[594]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 200 à 214.</p> - -<p><a id="Footnote_595" href="#FNanchor_595" class="label">[595]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Supplément</i>, t. I, p. 65.</p> - -<p><a id="Footnote_596" href="#FNanchor_596" class="label">[596]</a> <i>Histoire amoureuse des Gaules</i>, Liége, in-18, en deux parties, -dont la première a 190 pages, la seconde 69, et la clef.—<span class="small1">Sévigné</span>, -<i>lettre de Bussy-Rabutin</i> en date du 19 juillet 1669, t. I, p. 136, -édit. de Monmerqué.</p> - -<p><a id="Footnote_597" href="#FNanchor_597" class="label">[597]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 200.</p> - -<p><a id="Footnote_598" href="#FNanchor_598" class="label">[598]</a> <span class="small1">De Brienne</span>, <i>Mém. inédits</i>, t. II, p. 304, ch. <span class="small1">XXVIII</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_599" href="#FNanchor_599" class="label">[599]</a> La première avec une croix de Saint-André sur le titre, et deux -paginations finissant, l'une à la page 190, l'autre à 69; la seconde -(suivant nous), avec une arabesque triangulaire sous le titre, et une -seule pagination finissant p. 208: ces deux éditions sont sans date; la -troisième avec une sphère sur le titre, intitulée <i>édition nouvelle</i>, -portant la date de 1666, et n'ayant qu'une seule pagination finissant à -la p. 260.</p> - -<p><a id="Footnote_600" href="#FNanchor_600" class="label">[600]</a> <span class="small1">Loret</span>, <i>Muse historique</i>, liv. XVI, p. 149.—<span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, -p. 297, 298.</p> - -<p><a id="Footnote_601" href="#FNanchor_601" class="label">[601]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 283.</p> - -<p><a id="Footnote_602" href="#FNanchor_602" class="label">[602]</a> Ibid., p. 295.</p> - -<p><a id="Footnote_603" href="#FNanchor_603" class="label">[603]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Supplément</i>, I<sup>re</sup> <i>partie</i>, p. 68.</p> - -<p><a id="Footnote_604" href="#FNanchor_604" class="label">[604]</a> <span class="small1">Bouhier</span>, <i>Manuscrits</i> cités dans <i>la Cour et la Ville</i>, publiés -par M. Barrière, p. 464.</p> - -<p><a id="Footnote_605" href="#FNanchor_605" class="label">[605]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. I, p. 301.—<span class="small1">Bussy</span>, <i>Discours à ses Enfants</i>, -p. 374.</p> - -<p><a id="Footnote_606" href="#FNanchor_606" class="label">[606]</a> <span class="small1">Boileau</span>, <i>Satire X</i>, v. 253 à 328, t. I, p. 182 à 185 de l'édit. de -Saint-Marc, 1747, in-8<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_607" href="#FNanchor_607" class="label">[607]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 336-356-358-367-368-370-372.</p> - -<p><a id="Footnote_608" href="#FNanchor_608" class="label">[608]</a> Voyez la I<sup>re</sup> partie de ces Mémoires, ch. XXXV, p. 479. Dallancé -mourut fort riche, et laissa un fils, physicien célèbre. Conférez -<span class="small1">Boileau</span>, Sat. X, v. 434, t. I, p. 194 de l'édit. de Saint-Marc.</p> - -<p><a id="Footnote_609" href="#FNanchor_609" class="label">[609]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 362.</p> - -<p><a id="Footnote_610" href="#FNanchor_610" class="label">[610]</a> Ibid.</p> - -<p><a id="Footnote_611" href="#FNanchor_611" class="label">[611]</a> <span class="small1">Millin</span>, <i>Voyages dans les départements du Midi</i>, t. I, p. 210, -213.—<span class="small1">Corrard de Breban</span>, <i>Souvenirs d'une visite aux ruines -d'Alise et au château de Bussy-Rabutin</i>, Troyes, 1833, p. 18.</p> - -<p><a id="Footnote_612" href="#FNanchor_612" class="label">[612]</a> <span class="small1">Bussy, comte de Rabutin</span>, <i>Mém. mss.</i> cités dans Monmerqué, -<i>Lettres</i> de <span class="small1">Sévigné</span>, t. I, p. 56.</p> - -<p><a id="Footnote_613" href="#FNanchor_613" class="label">[613]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 57, édit. 1820.</p> - -<p><a id="Footnote_614" href="#FNanchor_614" class="label">[614]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém. mss.</i>; dans <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, édit. 1820, t. I, p. 58.</p> - -<p><a id="Footnote_615" href="#FNanchor_615" class="label">[615]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>lettre</i> en date du 26 juillet 1668, t. I, p. 129.</p> - -<p><a id="Footnote_616" href="#FNanchor_616" class="label">[616]</a> <span class="small1">Bussy-Rabutin</span>, <i>Mém.</i>, t. II, p. 201.</p> - -<p><a id="Footnote_617" href="#FNanchor_617" class="label">[617]</a> <span class="small1">Bussy-Rabutin</span>, <i>lettre à madame de Sévigné</i> (datée de Forléans, -le 21 novembre 1666), t. I, p. 109 et 110 de l'édit. de Monmerqué.</p> - -<p><a id="Footnote_618" href="#FNanchor_618" class="label">[618]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 129, en date du 26 juillet 1668.</p> - -<p><a id="Footnote_619" href="#FNanchor_619" class="label">[619]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>lettre</i> en date du 29 juillet 1669, t. I, p. 135.</p> - -<p><a id="Footnote_620" href="#FNanchor_620" class="label">[620]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>lettre</i> en date du 20 juillet 1668, t. I, p. 131.</p> - -<p><a id="Footnote_621" href="#FNanchor_621" class="label">[621]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>loc. cit.</i></p> - -<p><a id="Footnote_622" href="#FNanchor_622" class="label">[622]</a> <span class="small1">Bussy</span>, <i>Mém.</i>, t. III, p. 337.</p> - -<p><a id="Footnote_623" href="#FNanchor_623" class="label">[623]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 131-137 (<i>lettre de madame de Sévigné</i>, -en date du 26 juillet, et <i>de Bussy</i>, en date du 29).</p> - -<p><a id="Footnote_624" href="#FNanchor_624" class="label">[624]</a> <span class="small1">Bussy</span> (<i>lettre</i> du 21 novembre 1666), dans <span class="small1">Sévigné</span>, t. I, p. 109.</p> - -<p><a id="Footnote_625" href="#FNanchor_625" class="label">[625]</a> Christophle de Rabutin, seigneur de Sully et de Bourbilly, né -vers 1500, mort en 1529.</p> - -<p><a id="Footnote_626" href="#FNanchor_626" class="label">[626]</a> Guy de Rabutin, né en 1532, le premier qui porta le titre de baron -de Chantal.</p> - -<p><a id="Footnote_627" href="#FNanchor_627" class="label">[627]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 111 (en date du 20 mai 1667).</p> - -<p><a id="Footnote_628" href="#FNanchor_628" class="label">[628]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 113 (<i>lettre de</i> <span class="small1">Bussy</span>, en date du -23 mai 1667).</p> - -<p><a id="Footnote_629" href="#FNanchor_629" class="label">[629]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 121 (le 9 janvier 1668).</p> - -<p><a id="Footnote_630" href="#FNanchor_630" class="label">[630]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 126 (en date du 17 juillet 1668).</p> - -<p><a id="Footnote_631" href="#FNanchor_631" class="label">[631]</a> Ibid., p. 127 (en date du 26 juillet 1668).</p> - -<p><a id="Footnote_632" href="#FNanchor_632" class="label">[632]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 133 (<i>lettre</i> en date du 29 juillet 1668).</p> - -<p><a id="Footnote_633" href="#FNanchor_633" class="label">[633]</a> Ibid., p. 138 (<i>lettre</i> du 29 juillet 1668).</p> - -<p><a id="Footnote_634" href="#FNanchor_634" class="label">[634]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, t. I, p. 143, édit. de Monmerqué (<i>lettre</i> en date du -14 août 1668).</p> - -<p><a id="Footnote_635" href="#FNanchor_635" class="label">[635]</a> Ibid., p. 144 (<i>lettre</i> en date du 14 août).</p> - -<p><a id="Footnote_636" href="#FNanchor_636" class="label">[636]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>lettre</i> en date du 28 août 1668, t. I, p. 145.</p> - -<p><a id="Footnote_637" href="#FNanchor_637" class="label">[637]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 146, <i>lettre</i> en date du 28 août 1669.</p> - -<p><a id="Footnote_638" href="#FNanchor_638" class="label">[638]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 149, <i>lettre de</i> <span class="small1">Bussy</span>, en date du dernier -août 1668.</p> - -<p><a id="Footnote_639" href="#FNanchor_639" class="label">[639]</a> <span class="small1">Sévigné</span>, <i>Lettres</i>, t. I, p. 150 (en date du 4 septembre 1668).</p> - -<p><a id="Footnote_640" href="#FNanchor_640" class="label">[640]</a> Duc de <span class="small1">Villars-Brancas</span>, <i>Lettre</i> dans l'édition de Sévigné de -M. Monmerqué, 1820, in-8<sup>o</sup>, t. I, p. <span class="small1">XXIV</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_A" href="#FNanchor_A" class="label">[A]</a> Conférez Segrais, <i>Nouvelles françaises, ou les Divertissements de la princesse -Aurelie</i>, t. I, p. 147 à 155, et les plans de Paris de Gomboust, 1652.</p> - -<p><a id="Footnote_B" href="#FNanchor_B" class="label">[B]</a> L'autographe de cette lettre de La Fontaine est dans ma collection.</p> - </div> - </div> -</div> - -<div class="chapter"> -<h2 class="normal">TABLE DES MATIÈRES</h2> -<p class="subh"><b>TABLE SOMMAIRE</b><br /> -<b>DES CHAPITRES DE CE VOLUME.</b></p> -</div> - -<table id="ToC" summary="contents"> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE PREMIER.—1654-1655</th> -</tr> -<tr> -<td> </td> -<td class="tdr">Pages.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">De Mazarin et de Retz.—Lettres de Retz à madame de -Sévigné.—Lettres de madame de Sévigné à Ménage.—Détails sur -Girault.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_1">1</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE II.—1655-1656.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Succès de Turenne.—Carrousel.—Mariage de mademoiselle -de La Vergne avec le comte de La Fayette.—Madame de Sévigné -va à Saint-Fargeau.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_18">18</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE III.—1655.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">De la marquise de Gouville et de Bussy.—Conduite de Bussy -à l'égard de madame de Sévigné.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_30">30</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE IV.—1655.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Active correspondance entre Bussy et madame de Sévigné.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_37">37</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE V.—1655.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">De la marquise de Gouville; aventure de Bartet et du duc de -Candale.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_48">48</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE VI.—1656.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">De madame de Sévigné, et de Marie de Hautefort, maréchale -de Schomberg.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_59">59</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE VII.—1656.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">De madame de Sévigné, et du roi.—Correspondance de Bussy -et de madame de Sévigné.—Détails sur la reine Christine.—Sur -les <i>précieuses</i> de cette époque.—Publication -des <i>Provinciales</i>.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_68">68</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE VIII.—1657-1658.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Madame de Sévigné fait l'éducation de ses enfants.—Leurs -caractères.—Liaison de madame de Sévigné avec l'abbé -Arnauld.—De Bossuet.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_90">90</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE IX.—1657-1658.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">De Louis XIV, de sa cour, de la comtesse de Choisy, d'Olympe -Mancini, et de mademoiselle de La Mothe d'Argencourt.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_104">104</a> -<span class="pagenum"><a id="Page_516"> 516</a></span></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE X.—1658.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Des partis qui se forment à la cour.—Conduite de -Mazarin.—Madrigal de La Fontaine pour madame de -Sévigné.—Madame de Sévigné reste à sa terre des -Rochers avec ses trois oncles.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_117">117</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XI.—1657-1658.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Correspondance de Bussy avec madame de Sévigné.—Rupture.—Intrigues -de Bussy.—Publication de l'<i>Histoire amoureuse -des Gaules</i>.—Conduite de madame de Sévigné à son égard.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_130">130</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XII.—1658-1659.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Conduite de madame de Sévigné dans le monde.—De Louis XIV, -et de Marie de Mancini.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_145">145</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XIII.—1658-1659.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Roman de <i>Clélie</i>.—Portrait de madame de Sévigné.—Ses -liaisons avec la famille de Lavardin, avec Costar.—Vers que -Ménage compose pour madame de Sévigné.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_162">162</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XIV.—1659-1660.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Heureux dénoûments de toutes les guerres et de toutes les -intrigues de la Fronde.—Mariage du roi.—Mort de -Gaston.—Les théâtres.—Vogue des <i>Précieuses ridicules</i>.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_176">176</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XV.—1661.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Mort de Mazarin.—La cour à Fontainebleau.—Intrigue -amoureuse du roi avec La Vallière.—Madame de Sévigné passe -l'été à sa terre des Rochers, et fait un voyage au mont -Saint-Michel.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_188">188</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XVI.—1661.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Situation des affaires.—Madame de Sévigné est liée avec les -deux fils d'Arnauld de Pomponne.—Ses espérances pour -Fouquet.—Fouquet est arrêté.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_199">199</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XVII.—1661.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Fouquet, surintendant des finances.—Ses malversations, et sa -conduite envers Louis XIV.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_209">209</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XVIII.—1661-1664.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Du procès de Fouquet.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_247">247</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XIX.—1661-1664.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Des lettres de madame de Sévigné trouvées dans la cassette de -Fouquet, et de celles qu'elle écrivit pendant la durée du -procès de Fouquet.—Captivité et mort de Fouquet.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_260">260</a> -<span class="pagenum"><a id="Page_517"> 517</a></span></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XX.—1662-1663</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Louis XIV et son gouvernement.—Prédications de Bossuet.—Représentation -de <i>Sertorius</i>.—De Boileau, de Racine, de -La Fontaine, et de Molière.—Ballets.—Intrigue du roi avec -mademoiselle de La Mothe-Houdancourt.—Révolutions de -cour.—Correspondance de madame de Sévigné avec madame -de La Fayette.—Portraits de madame de Sévigné et de Corbinelli, -par Somaize.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_282">282</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XXI.—1663-1666.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">De l'amour de madame de Sévigné pour ses enfants.—De -Louis XIV, de Boileau, de Molière, de Lulli, de La Fontaine, -et de Racine.—Fêtes.—Anne d'Autriche tombe malade.—Tendres -soins de Louis XIV pour sa mère.—Vision de madame -de Motteville.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_307">307</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XXII.—1663-1664.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Fêtes données à la cour, dans lesquelles figure mademoiselle -de Sévigné.—Madame de Sévigné se rend à sa terre de Bourbilly, -et voit Bussy.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_321">321</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XXIII.—1665.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Nouveaux ballets, où figure mademoiselle de Sévigné.—Vers que -Benserade a composés à sa louange.—Fêtes et plaisirs auxquels -madame de Sévigné prend part. Sa liaison avec madame -Duplessis-Guénégaud.—Conduite de Bussy avec madame -de Sévigné.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_332">332</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XXIV.—1658-1665.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Des intrigues de Bussy avec madame de Monglat et la marquise -de La Baume.—Publication des <i>Amours des Gaules</i>.—Bussy -est mis à la Bastille.—Il obtient sa liberté, est exilé dans -ses terres, et se réconcilie avec madame de Sévigné.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_341">341</a></td> -</tr> -<tr> -<th colspan="2" class="tdc">CHAPITRE XXV.—1658-1668.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Longue discussion entre madame de Sévigné et Bussy au -sujet de la conduite qu'ils ont tenue l'un envers -l'autre.—Renouvellement de leur correspondance et de -leur intimité.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_356">356</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Conclusion.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_375">375</a></td> -</tr> -<tr> -<th>NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.</th> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Première partie.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_379">379</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Seconde partie.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_463">463</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Table sommaire des chapitres.</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_515">515</a> -<span class="pagenumh"><a id="Page_518"> 518</a></span></td> -</tr> -</table> - - - - - - - - -<pre> - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Mémoires touchant la vie et les écrits -de Marie de Rabutin-Chantal, (2/6), by Charles Athanase Walckenaer - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK MÉMOIRES TOUCHANT LA VIE *** - -***** This file should be named 51364-h.htm or 51364-h.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/5/1/3/6/51364/ - -Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online -Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at -http://gallica.bnf.fr) - - -Updated editions will replace the previous one--the old editions -will be renamed. - -Creating the works from public domain print editions means that no -one owns a United States copyright in these works, so the Foundation -(and you!) can copy and distribute it in the United States without -permission and without paying copyright royalties. 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Thus, we do not necessarily -keep eBooks in compliance with any particular paper edition. - - -Most people start at our Web site which has the main PG search facility: - - http://www.gutenberg.org - -This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, -including how to make donations to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to -subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. - - -</pre> - -</body> -</html> diff --git a/old/51364-h/images/cover.jpg b/old/51364-h/images/cover.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index a7173a8..0000000 --- a/old/51364-h/images/cover.jpg +++ /dev/null |
