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| author | Roger Frank <rfrank@pglaf.org> | 2025-10-15 05:24:57 -0700 |
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Renault et Cie, Libraires-Éditeurs, 8, rue Larrey, +1858. + +[Text encoding is iso-8859-1.] + + + + + + + + LE LUTRIN + + + Poème héroï-comique + + +CHANT PREMIER + + +Je chante les combats, et ce prélat terrible +Qui par ses longs travaux et sa force invincible, +Dans une illustre église exerçant son grand coeur, +Fit placer à la fin un lutrin dans le choeur. +C'est en vain que le chantre, abusant d'un faux titre, +Deux fois l'en fit ôter par les mains du chapitre : +Ce prélat, sur le banc de son rival altier +Deux fois le reportant, l'en couvrit tout entier. + +Muse redis-mois donc quelle ardeur de vengeance +De ces hommes sacrés rompit l'intelligence, +Et troubla si longtemps deux célèbres rivaux. +Tant de fiel entre-t-il dans l'âme des dévots ! + +Et toi, fameux héros, dont la sage entremise +De ce schisme naissant débarrassa l'Eglise, +Viens d'un regard heureux animer mon projet, +Et garde-toi de rire en ce grave sujet. + +Paris voyait fleurir son antique chapelle : +Ses chanoines vermeils et brillants de santé +S'engraissaient d'une longue et sainte oisiveté ; +Sans sortir de leurs lits plus doux que des hermines, +Ces pieux fainéants faisaient chanter matines, +Veillaient à bien dîner, et laissaient en leur lieu +A des chantres gagés le soin de louer Dieu : +Quand la Discorde, encore toute noire de crimes, +Sortant des Cordeliers pour aller aux Minimes, +Avec cet air hideux qui fait frémir la Paix, +S'arrêter près d'un arbre au pied de son palais, +Là, d'un oeil attentif contemplant son empire, +A l'aspect du tumulte elle-même s'admire. +Elle y voit par le coche et d'Evreux et du Mans +Accourir à grand flots ses fidèles Normands : +Elle y voit aborder le marquis, la comtesse, +Le bourgeois, le manant, le clergé, la noblesse ; +Et partout des plaideurs les escadrons épars +Faire autour de Thémis flotter ses étendards. +Mais une église seule à ses yeux immobile +Garde au sein du tumulte une assiette tranquille. +Elle seule la brave ; elle seule aux procès +De ses paisibles murs veut défendre l'accès. +La Discorde, à l'aspect d'un calme qui l'offense, +Fait siffler ses serpents, s'excite à la vengeance +Sa bouche se remplit d'un poison odieux, +Et de longs traits de feu lui sortent par les yeux. + +Quoi ! dit-elle d'un ton qui fit trembler les vitres, +J'aurai pu jusqu'ici brouiller tous les chapitres, +Diviser Cordeliers, Carmes et Célestins ; +J'aurai fait soutenir un siège aux Augustins : +Et cette église seule, à mes ordres rebelle, +Nourrira dans son sein une paix éternelle ! +Suis-je donc la Discorde ? et, parmi les mortels, +Qui voudra désormais encenser mes autels ? + +A ces mots, d'un bonnet couvrant sa tête énorme, +Elle prend d'un vieux chantre et la taille et la forme : +Elle peint de bourgeons son visage guerrier, +Et s'en va de ce pas trouver le trésorier. + +Dans le réduit obscur d'une alcôve enfoncée +S'élève un lit de plume à grand frais amassée : +Quatre rideaux pompeux, par un double contour, +En défendent l'entrée à la clarté du jour. +Là, parmi les douceurs d'un tranquille silence, +Règne sur le duvet une heureuse indolence : +C'est que le prélat, muni d'un déjeuner, +Dormant d'un léger somme, attendait le dîner. +La jeunesse en sa fleur brille sur son visage : +Son menton sur son sein descend à double étage ; +Et son corps ramassé dans sa courte grosseur +Fait gémir les coussins sous sa molle épaisseur. + +La déesse en entrant, qui voit la nappe mise, +Admire un si bel ordre, et reconnaît l'Eglise : +Et, marchant à grand pas vers le lieu du repos, +Au prélat sommeillant elle adresse ces mots : + +Tu dors, Prélat, tu dors, et là haut à ta place +Le chantre aux yeux du choeur étale son audace, +Chante les orémus, fait des processions, +Et répand à grands flots les bénédictions. +Tu dors ! Attends-tu donc que, sans bulle et sans titre, +Il te ravisse encore le rochet et la mitre ? +Sort de ce lit oiseux qui te tient attaché, +Et renonce au repos, ou bien à l'évêché. + +Elle dit, et, du vent de sa bouche profane, +Lui souffle avec ces mots l'ardeur de la chicane. +Le prélat se réveille, et, plein d'émotion, +Lui donne toutefois la bénédiction. + +Tel qu'on voit un taureau qu'une guêpe en furie +A piqué dans les flancs aux dépens de sa vie ; +Le superbe animal, agité de tourments, +Exhale sa douleur en longs mugissements ; +Tel le fougueux prélat, que ce songe épouvante, +Querelle en se levant et laquais et servante ; +Et, d'un juste courroux rallumant sa vigueur, +Même avant le dîner, parle d'aller au choeur. +Le prudent Gilotin, son aumônier fidèle, +En vain par ses conseils sagement le rappelle ; +Lui montre le péril ; que midi va sonner ; +Qu'il va faire, s'il sort, refroidir le dîner. + +Quelle fureur, dit-il, quel aveugle caprice, +Quand le dîner est prêt, vous appelle à l'office ? +De votre dignité soutenez mieux l'éclat : +Est-ce pour travailler que vous êtes prélat ? +A quoi bon ce dégoût et ce zèle inutile ? +Est-il donc pour jeûner quatre-temps ou vigile ? +reprenez vos esprits et souvenez-vous bien +Qu'un dîner réchauffé ne valut jamais rien. + +Ainsi dit Gilotin ; et ce ministre sage +Sur table, au même instant, fit servir le potage. +Le prélat voit la soupe, et plein d'un saint respect, +Demeure quelque temps muet à cet aspect. +Il cède, dîne enfin : mais, toujours plus farouche, +Les morceaux trop hâtés se pressent dans sa bouche. +Gilotin en frémit, et, sortant de fureur, +Chez tous ses partisans va semer la terreur. +On voit courir chez lui leurs troupes éperdues, +Comme l'on voit marcher les bataillons de grues +Quand le Pygmée altier, redoublant ses efforts, +De l'Hèbre ou du Styrmon vient d'occuper les bords. +A l'aspect imprévu de leur foule agréable, +Le prélat radouci veut se lever de table : +La couleur lui renaît, sa voix change de ton ; +Il fait par Gilotin rapporter un jambon. +Lui-même le premier pour honorer la troupe, +D'un vin pur et vermeil il fait remplir sa coupe ; +Il l'avale d'un trait : et chacun l'imitant, +La cruche au large ventre est vide en un instant. +Sitôt que du nectar la troupe est abreuvée, +On dessert : et soudain, la nappe étant levée, +Le prélat, d'une voix conforme à son malheur, +Leur confie en ces mots sa trop juste douleur : + +Illustres compagnons de mes longues fatigues, +Qui m'avez soutenu par vos pieuses ligues, +Et par qui, maître enfin d'un chapitre insensé, +Seul à Magnificat je me vois encensé ; +Souffrirez-vous toujours qu'un orgueilleux m'outrage ; +Que le chantre à vos yeux détruise votre ouvrage, +Usurpe tous mes droits, et s'égalant à moi, +Donne à votre lutrin et le ton et la loi ? +Ce matin même encore, ce n'est point un mensonge, +Une divinité me l'a fait voir en songe : +L'insolent s'emparant du fruit de mes travaux, +A prononcé pour moi le Benedicat vos ! +Oui, pour mieux m'égorger, il prend mes propres armes. + +Le prélat à ces mots verse un torrent de larmes. +Il veut, mais vainement, poursuivre son discours ; +Ses sanglots redoublés en arrêtent le cours. +Le zélé Gilotin, qui prend part à sa gloire, +Pour lui rendre la voix, fait rapporter à boire : +Quand Sidrae, à qui l'âge allonge le chemin, +Arrive dans la chambre, un bâton à la main, +Ce vieillard dans le choeur a déjà vu quatre âges ; +Il sait de tous les temps les différents usages : +Et son rare savoir, de simple marguillier, +L'éleva par degrés au rang de chevecier. +A l'aspect du prélat qui tombe en défaillance, +Il devine son mal, il se ride, il s'avance ; +Et d'un ton paternel réprimant ses douleurs : + +Laisse au chantre, dit-il, la tristesse et les pleurs, +Prélat ; et pour sauver tes droits et ton empire, +Ecoute seulement ce que le ciel m'inspire. +Vers cet endroit du choeur où le chantre orgueilleux +Montre, assis à ta gauche, un front si sourcilleux, +Sur ce rang d'ais serrés qui forment sa clôture +Fut jadis un lutrin d'inégale structure, +Dont les flancs élargis de leur vaste contour +Ombrageaient pleinement tous les lieux d'alentour. +Derrière ce lutrin, ainsi qu'au fond d'un antre, +A peine sur son banc on discernait le chantre : +Tandis qu'à l'autre banc le prélat radieux, +Découvert au grand jour, attirait tous les yeux. +Mais un démon, fatal à cette ample machine, +Soit qu'une main la nuit eût hâté sa ruine, +Soit qu'ainsi de tout temps l'ordonnât le destin, +Fit tomber à nos yeux le pupitre un matin. +J'eus beau prendre le ciel et le chantre à partie, +Il fallut l'emporter dans notre sacristie, +Où depuis trente hivers, sans gloire enseveli, +Il languit tout poudreux dans un honteux oubli. +Entends-moi donc, Prélat. Dès que l'ombre tranquille +Viendra d'un crêpe noir envelopper la ville, +Il faut que trois de nous, sans tumulte et sans bruit, +Partent, à l a faveur de la naissante nuit, +Et du lutrin rompu réunissant la masse, +Aillent d'un zèle adroit le remettre en sa place. +Si le chantre demain ose le renverser, +Alors de cent arrêts tu peux le terrasser. +Pour soutenir tes droits, que le ciel autorise, +Abyme tout plutôt : c'est l'esprit de l'Eglise ; +C'est par là qu'un prélat signale sa vigueur. +Ne borne pas ta gloire à prier dans un choeur : +Ces vertus dans Aleth peuvent être en usage ; +Mais dans Paris, plaidons ; c'est là notre partage. +Tes bénédictions, dans le trouble croissant, +Tu pourras les répandre et par vingt et par cent ; +Et, pour braver le chantre en son orgueil extrême, +Les répandre à ses yeux, et le bénir lui-même. + +Ce discours aussitôt frappe tous les esprits ; +Et le prélat charmé l'approuve par des cris. +Il veut que, sur-le-champ, dans la troupe on choisisse +Les trois que Dieu destine à ce pieux office : +Mais chacun prétend part à cet illustre emploi. +Le sort, dit le prélat, vous servira de loi. +Que l'on tire au billet ceux que l'on doit élire. +Il dit, on obéit, on se presse d'écrire. +Aussitôt trente noms, sur le papier tracés, +Sont au fond d'un bonnet par billets entassés. +Pour tirer ces billets avec moins d'artifice, +Guillaume, enfant de choeur, prête sa main novice : +Son front nouveau tondu, symbole de candeur, +Rougit, en approchant, d'une honnête pudeur. +Cependant le prélat, l'oeil au ciel, la main nue, +Bénit trois fois les noms, et trois fois les remue. +Il tourne le bonnet : l'enfant tire et Brontin +Est le premier des noms qu'apporte le destin. +Le prélat en conçoit un favorable augure +Et ce nom dans la troupe excite un doux murmure. +On se tait ; et bientôt on voit paraître au jour +Le nom, le fameux nom du perruquier l'Amour. +Ce nouvel Adonis, à la blonde crinière, +Est l'unique souci d'Anne sa perruquière : +Ils s'adorent l'un l'autre ; et ce couple charmant +S'unit longtemps, dit-on, avant le sacrement ; +Mais, depuis trois moissons, à leur saint assemblage +L'official a joint le nom de mariage. +Ce perruquier superbe est l'effroi du quartier, +Et son courage est peint sur son visage altier. +Un des noms reste encore et le prélat par grâce +Une dernière fois les brouille et les ressasse. +Chacun croit que son nom est le dernier des trois. +Mais que ne dis-tu point, ô puissant porte-croix, +Boirude, sacristain, cher appui de ton maître, +Lorsqu'aux yeux du prélat tu vis ton nom paraître ! +On dit que ton front jaune, et ton teint sans couleur, +perdit en ce moment son antique pâleur ; +Et que ton corps goutteux, plein d'une ardeur guerrière, +Pour sauter au plancher fit deux pas en arrière. +Chacun bénit tout haut l'arbitre des humains, +Qui remet leur bon droit en de si bonnes mains. +Aussitôt on se lève ; et l'assemblée en foule, +Avec un bruit confus, par les portes s'écoule. + +Le prélat resté seul calme un peu son dépit, +Et jusques au souper se couche et s'assoupit. + + + + + + + + +CHANT SECOND + +Cependant cet oiseau qui prône les merveilles, +Ce monstre composé de bouches et d'oreilles, +Qui, sans cesse volant de climats en climats, +Dit partout ce qu'il sait et ce qu'il ne sait pas ; +La Renommée enfin, cette prompte courrière, +Va d'un mortel effroi glacer la perruquière ; +Lui dit que son époux, d'un faux zèle conduit, +Pour placer un lutrin doit veiller cette nuit. + +A ce triste récit, tremblante, désolée, +Elle accourt, l'oeil en feu, la tête échevelée, +Et trop sûre d'un mal qu'on pense lui celer : + +Oses-tu bien encor, traître, dissimuler ? +Dit-elle : et ni la foi que ta main m'a donnée, +Ni nos embrassements qu'a suivis l'hyménée, +Ni ton épouse enfin toute prête à périr, +Ne sauraient donc t'ôter cette ardeur de courir ? +Perfide ! si du moins, à ton devoir fidèle, +Tu veillais pour orner quelque tête nouvelle ! +L'espoir d'un juste gain consolant ma langueur +Pourrait de ton absence adoucir la longueur. +Mais quel zèle indiscret, quelle aveugle entreprise +Arme aujourd'hui ton bras en faveur d'une église ? +Où vas-tu cher époux, est-ce que tu me fuis ? +As-tu oublié tant de si douces nuits ? +Quoi ! d'un oeil sans pitié vois-tu couler mes larmes ? +Au nom de nos baisers jadis si plein de charmes, +Si mon coeur, de tout temps facile à tes désirs, +N'a jamais d'un moment différé tes plaisirs ; +Si pour te prodiguer mes plus tendres caresses, +Je n'ai point exigé ni serments, ni promesses ; +Si toi seul à mon lit enfin eus toujours part ; +Diffère au moins d'un jour ce funeste départ . + +En achevant ces mots cette amante enflammée +Sur un placet voisin tombe demi-pâmée. +Son époux s'en émeut, et son coeur éperdu +Entre deux passions demeure suspendu ; +Mais enfin rappelant son audace première : + +Ma femme, lui dit-il d'une voix douce et fière, +Je ne veux point nier les solides bienfaits +Dont ton amour prodigue a comblé mes souhaits, +Et le Rhin de ses flots ira grossir la Loire +Avant que tes faveurs sortent de ma mémoire ; +Mais ne présume pas qu'en te donnant ma foi +L'hymen m'ait pour jamais asservi sous ta loi. +Si le ciel en mes mains eût mis ma destinée, +Nous aurions fui tous deux le joug de l'hyménée ; +Et, sans nous opposer ces devoirs prétendus, +Nous goûterions encor des plaisirs défendus. +Cesse donc à mes yeux d'étaler un vain titre : +Ne m'ôte pas l'honneur d'élever un pupitre, +Et toi-même, donnant un frein à tes désirs, +Raffermis la vertu qu'ébranlent tes soupirs. +Que te dirai-je enfin ? C'est le ciel qui m'appelle, +Une église, un prélat m'engage en sa querelle, +Il faut partir : j'y cours. Dissipe tes douleurs , +Et ne me trouble plus par ces indignes pleurs. + +Il la quitte à ces mots. Son amante effarée +Demeure le teint pâle, et la vue égarée : +La force l'abandonne ; et sa bouche, trois fois +Voulant le rappeler, ne trouve plus de voix. +Elle fuit, et de pleurs inondant son visage, +Seule pour s'enfermer vole au cinquième étage. +Mais d'un bouge prochain accourant à ce bruit, +Sa servante Alizon la rattrape et la suit. + +Les ombres cependant, sur la ville épandues, +Du faîte des maisons descendent dans les rues . +Le souper hors du coeur chasse les chapelains, +Et de chantres buvant les cabarets sont pleins. +Le redouté Brontin, que son devoir éveille, +Sort à l'instant, chargé d'une triple bouteille, +D'un vin dont Gilotin, qui savait tout prévoir, +Au sortir du conseil eut soin de le pourvoir. +L'odeur d'un jus si doux lui rend la faim moins rude. +Il est bientôt suivi du sacristain Boirude ; +Et tous deux, de ce pas, s'en vont avec chaleur +Du trop lent perruquier réveiller la valeur. +Partons, lui dit Brontin : déjà le jour plus sombre, +Dans les eaux s'éteignant, va faire place à l'ombre. +D'où vient ce noir chagrin que je lis dans tes yeux ? +Quoi ? le pardon sonnant te retrouve en ces lieux ! +Où donc est ce grand coeur dont tantôt l'allégresse +Semblait du jour trop long accuser la paresse ? +Marche, et suis nous du moins où l'honneur nous attend. + +Le perruquier honteux rougit en l'écoutant. +Aussitôt de longs clous il prend une poignée : +Sur son épaule il charge une lourde cognée ; +Et derrière son dos, qui tremble sous le poids, +Il attache une scie en forme de carquois : +Il sort au même instant, il se met à leur tête. +A suivre ce grand chef l'un et l'autre s'apprête : +Leur coeur semble allumé d'un zèle tout nouveau ; +Brontin tient un maillet ; et Boirude un marteau. +La lune, qui du ciel voit leur démarche altière, +Retire en leur faveur sa paisible lumière. +La Discorde en sourit, et, les suivant des yeux, +De joie, en les voyant, pousse un cri dans les cieux. +L'air, qui gémit du cri de l'horrible déesse, +Va jusque dans Citeaux réveiller la Mollesse. +C'est là qu'en un dortoir elle fait son séjour : +Les Plaisirs nonchalants folâtrent à l'entour ; +L'un pétrit dans un coin l'embonpoint des chanoines ; +L'autre broie en riant le vermillon des moines : +La Volupté la sert avec des yeux dévots, +Et toujours le Sommeil lui verse des pavots. +Ce soir, plus que jamais, en vain il les redouble. +La Mollesse à ce bruit se réveille, se trouble : +Quand la Nuit, qui déjà va tout envelopper, +D'un funeste récit vient encor la frapper ; +Lui conte du prélat l'entreprise nouvelle : +Aux pieds des murs sacrés d'une sainte chapelle, +Elle a vu trois guerriers, ennemis de la paix, +Marcher à la faveur de ses voiles épais. +La Discorde en ces lieux menace de s'accroître : +Demain avec l'aurore un lutrin va paraître, +Qui doit y soulever un peuple de mutins : +Ainsi le ciel l'écrit au livre des destins. + +A ce triste discours, qu'un long soupir achève, +La Mollesse, en pleurant, sur un bras se relève, +Ouvre un oeil languissant, et, d'un faible voix, +Laisse tomber ces mots qu'elle interrompt vingt fois : +O Nuit ! que m'as-tu dit ? quel démon sur la terre +Souffle dans tous les coeurs la fatigue et la guerre ? +Hélas ! qu'est devenu ce temps, cet heureux temps, +Où les rois s'honoraient du nom de fainéants, +S'endormaient sur le trône, et me servant sans honte +Laissaient leur sceptre aux mains d'un maire ou d'un comte ! +Aucun soin n'approchait de leur paisible cour : +On reposait la nuit, on dormait tout le jour. +Seulement au printemps, quand Flore dans les plaines +Faisait taire des vents les bruyantes haleines, +Quatre boeufs attelés, d'un pas tranquille et lent, +Promenaient dans Paris le monarque indolent. +Ce doux siècle n'est plus. Le ciel impitoyable +A placé sur le trône un prince infatigable. +Il brave mes douceurs, il est sourd à ma voix : +Tous les jours il m'éveille du bruit de ses exploits. +Rien ne peut arrêter sa vigilante audace : +L'été n'a point de feux, l'hiver n'a point de glace. +J'entends à son seul nom tous mes sujets frémir +En vain deux fois la paix a voulu l'endormir ; +Loin de moi son courage, entraîné par la gloire, +Ne se plaît qu'à courir de victoire en victoire. +Je me fatiguerais de te tracer le cours +Des outrages cruels qu'il me fait tous les jours. +Je croyais, loin des lieux où ce prince m'exile, +Que l'Eglise du moins m'assurait un asile. +Mais qu'en vain j'espérais y régner sans effroi : +Moines, abbés prieurs, tout s'arme contre moi. +Par mon exil honteux la Trappe est ennoblie ; +J'ai vu dans Saint Denys la réforme établie ; +La Carme, le Feuillant, s'endurcit aux travaux ; +Et la règle déjà se remet dans Clairvaux. +Citeaux dormait encor, et la sainte Chapelle +Conservait du vieux temps l'oisiveté fidèle : +Et voici qu'un lutrin, prêt à tout renverser, +D'un séjour si chéri vient encor me chasser ! +O toi, de mon repos, compagne aimable et sombre, +A de si noirs forfaits prêteras-tu ton ombre ? +Ah ! Nuit, si tant de fois, dans les bras de l'amour, +Je t'admis aux plaisirs que je cachais au jour, +Du moins ne permets pas... La Mollesse oppressée +Dans sa bouche à ce mot sent sa langue glacée ; +Et, lasse de parler, succombant sous l'effort, +Soupire, étend les bras, ferme l'oeil et s'endort. + + + + + + + + + + +CHANT TROISIEME + + +Mais la nuit aussitôt de ses ailes affreuses +Couvre des Bourguignons les campagnes vineuses, +Revole vers Paris, et, hâtant son retour, +Déjà de Mont-Lhéri voit la fameuse tour. +Ses murs, dont le sommet se dérobe à la vue, +Sur la cime d'un roc s'allongent dans la nue, +Et présentant de loin leur objet ennuyeux, +Du passant qui le fuit semblent le suivre des yeux. +Mille oiseaux effrayants, mille corbeaux funèbres, +De ces murs désertés habitent les ténèbres. +Là, depuis trente hivers, un hibou retiré +Trouvait contre le jour un refuge assuré. +Des désastres fameux ce messager fidèle +Sait toujours des malheurs la première nouvelle, +Et, tout prêt d'en semer le présage odieux, +Il attendait la nuit dans ces sauvages lieux. +Aux cris qu'à son abord vers le ciel il envoie, +Il rend tous ses voisins attristés de sa joie. +La plaintive Prognée de douleur en frémit ; +Et, dans les bois prochains, Philomène en gémit. +Suis-moi, lui dit la Nuit. L'oiseau plein d'allégresse +Reconnaît à ce ton la voix de sa maîtresse. +Il la suit : et tous deux, d'un cours précipité, +De Paris à l'instant ils abordent la cité ; +Là, s'élançant d'un vol que le vent favorise, +Ils montent au sommet de la fatale église. +La Nuit baisse la vue, et, du haut du clocher, +Observe les guerriers, les regarde marcher. +Elle voit le barbier qui, d'une main légère, +Tient un verre de vin qui rit dans la fougère ; +Et chacun, tour à tour s'inondant de ce jus, +Célébrer, en riant, Gilotin et Bacchus. +Ils triomphent, dit-elle, et leur âme abusée +Se promet dans mon ombre une victoire aisée : +Mais allons ; il est temps qu'il connaissent la Nuit. +A ces mots, regardant le hibou qui la suit, +Elle perce les murs de la voûte sacrée ; +Jusqu'à la sacristie elle s'ouvre une entrée +Et, dans le ventre creux du pupitre fatal, +Va placer de ce pas le sinistre animal. + +Mais les trois champions, pleins de vin et d'audace, +Du palais cependant passent la grande place ; +Et, suivant de Bacchus les auspices sacrés, +De l'auguste chapelle ils montent les degrés. +Ils atteignaient déjà le superbe portique +Où Ribou le libraire, au fond de sa boutique, +Sous vingt fidèles clefs, garde et tient en dépôt +L'amas toujours entier des écrits de Haynaut : +Quand Boirude, qui voit que le péril approche, +Les arrête, et, tirant un fusil de sa poche, +Des veines d'un caillou, qu'il frappe au même instant, +Il fait jaillir un feu qui pétille en sortant ; +Et bientôt, au brasier d'une mèche enflammée, +Montre, à l'aide du soufre, une cire allumée. +Cet astre tremblotant, dont le jour les conduit, +Est pour eux un soleil au milieu de la nuit. +Le temple à sa faveur est ouvert par Boirude : +Ils passent de la nef la vaste solitude, +Et dans la sacristie entrant, non sans terreur, +En percent jusqu'au fond la ténébreuse horreur. + +C'est là que du lutrin gît la machine énorme : +La troupe quelque temps en admire la forme. +Mais le barbier, qui tient les moments précieux : +Ce spectacle n'est pas pour amuser nos yeux, +Dit-il : ce temps est cher, portons-le dans le temple : +C'est là qu'il faut demain qu'un prélat le contemple. +Et d'un bras, à ces mots, qui peut tout ébranler, +Lui-même, se courbant, s'apprête à le rouler. +Mais à peine il y touche, ô prodige incroyable ! +Que du pupitre sort une voix effroyable. +Brontin en est ému, le sacristain pâlit ; +Le perruquier commence à regretter son lit. +Dans son hardi projet toutefois il s'obstine ; +Lorsque des flanc poudreux de la vaste machine +L'oiseau sort en courroux, et, d'un cri menaçant, +Achève d'étonner le barbier frémissant : +De ses ailes dans l'air secouant la poussière, +Dans la main de Boirude il éteint la lumière. +Les guerriers à ce coup demeurent confondus ; +Ils regagnent la nef, de frayeur éperdus : +Sous leurs corps tremblotants leurs genoux s'affaiblissent, +D'une subite horreur leurs cheveux se hérissent ; +Et bientôt, au travers des ombres de la nuit, +Le timide escadron se dissipe et s'enfuit. + +Ainsi lorsqu'en un coin, qui leur tient lieu d'asile, +D'écoliers libertins une troupe indocile, +Loin des yeux d'un préfet au travail assidu +Va tenir quelquefois un brelan défendu : +Si du vaillant Argas la figure effrayante +Dans l'ardeur du plaisir à leurs yeux se présente, +Le jeu cesse à l'instant, l'asile est déserté, +Et tout fuit à grand pas le tyran redouté. + +La Discorde, qui voit leur honteuse disgrâce, +Dans les airs, cependant tonne, éclate, menace, +Et, malgré la frayeur dont leurs coeurs sont glacés, +S'apprête à réunir ses soldats dispersés. +Aussitôt de Sidrac elle emprunte l'image : +Elle ride son front, allonge son visage, +Sur un bâton noueux laisse courber son corps, +Dont la chicane semble animer les ressorts ; +Prend un cierge en sa main, et d'une voix cassée, +Vient ainsi gourmander la troupe terrassée. + +Lâches, où fuyez-vous ? quelle peur vous abat ? +Aux cris du vil oiseau vous cédez sans combat ? +Où sont ces beaux discours jadis si pleins d'audace ? +Craignez-vous d'un hibou l'impuissante grimace ? +Que feriez-vous, hélas, si quelque exploit nouveau +Chaque jour, comme moi, vous traînait au barreau ; +S'il fallait, sans amis, briguant une audience, +D'un magistrat glacé soutenir la présence, +Ou, d'un nouveau procès, hardi solliciteur, +Aborder sans argent un clerc de rapporteur ? +Croyez-moi, mes enfants, je vous parle à bon titre : +J'ai moi seul autrefois plaidé tout un chapitre ; +Et le barreau n'a point de monstres si hagards, +Dont mon oeil n'ait cent fois soutenu les regards. +Tous les jours sans trembler j'assiégeais leurs passages. +L'Eglise était alors fertile en grands courages : +Le moindre d'entre nous, sans argent, sans appui, +Eût plaidé le prélat, et le chantre avec lui. +Le monde, de qui l'âge avance les ruines, +Ne peut plus enfanter de ces âmes divines : +Mais que vos coeurs, du moins, imitant leurs vertus, +De l'aspect d'un hibou ne soient pas abattus. +Songez quel déshonneur va souiller votre gloire, +Quand le chantre demain entendra sa victoire. +Vous verrez tous les jours le chanoine insolent, +Au seul mot de hibou, vous sourire en parlant. +Votre âme, à ce penser, de colère murmure : +Allez donc de ce pas en prévenir l'injure ; +Méritez les lauriers qui vous sont réservés, +Et ressouvenez-vous quel prélat vous servez. +Mais déjà la fureur dans vos yeux étincelle. +Marchez, courez, volez où l'honneur vous appelle. +Que le prélat, surpris d'un changement si prompt, +Apprenne la vengeance aussitôt que l'affront. + +En achevant ces mots, la déesse guerrière +De son pied trace en l'air un sillon de lumière ; +rend aux trois champions leur intrépidité, +Et les laisse tout pleins de sa divinité. + +C'est ainsi, grand Condé, qu'en ce combat célèbre, +Où ton bras fit trembler le Rhin, l'Escaut et l'Ebre, +Lorsqu'aux plaines de Lens nos bataillons poussés +Furent presque à tes yeux ouverts ou renversés, +Ta valeur, arrêtant les troupes fugitives, +Rallia d'un regard leurs cohortes craintives ; +Répandit dans leurs rangs ton esprit belliqueux, +Et força la victoire à te suivre avec eux. + +La colère à l'instant succédant à la crainte, +Ils rallument le feu de leur bougie éteinte : +Ils rentrent ; l'oiseau sort : l'escadron raffermi +Rit du honteux départ d'un si faible ennemi. +Aussitôt dans le choeur la machine emportée +Est sur le banc du chantre à grand bruit remontée. +Ses ais demi-pourris, que l'âge a relâchés, +Sont à coups de maillet unis et rapprochés. +Sous les coups redoublés tous les bancs retentissent, +Les murs en sont émus, les voûtes en mugissent. +Et l'orgue même en pousse un long gémissement. + +Que fais-tu, chantre, hélas ! dans ce triste moment ? +Tu dors d'un profond somme, et ton coeur sans alarmes +Ne sait pas qu'on bâtit l'instrument de tes larmes ! +Oh ! que si quelque bruit, par un heureux réveil, +T'annonçait du lutrin le funeste appareil ; +Avant que de souffrir qu'on en posât la masse, +Tu viendrais en apôtre expirer dans ta place ; +Et, martyr glorieux d'un point d'honneur nouveau +Offrir ton corps aux clous et ta tête au marteau. + +Mais déjà sur ton banc la machine enclavée +Est, durant ton sommeil, à ta honte élevée. +Le sacristain achève en deux coups de rabot ; +Et le pupitre enfin tourne sur son pivot. + + + + + + + + + + +CHANT QUATRIEME + + +Les cloches, dans les airs, de leurs voix argentines, +Appelaient à grand bruit les chantres à matines ; +Quand leur chef, agité d'un sommeil effrayant, +Encor tout en sueur se réveille en criant. +Aux élans redoublés de sa voix douloureuse, +Tous ses valets tremblants quittent la plume oiseuse ; +Le vigilant Girot court à lui le premier : +C'est d'un maître si saint le plus digne officier ; +La porte dans le choeur à sa garde est commise : +Valet souple au logis, fier huissier à l'église. + +Quel chagrin, lui dit-il, trouble votre sommeil ? +Quoi ! voulez-vous au choeur prévenir le soleil ? +Ah ! dormez, et laissez à des chantres vulgaires +Le soin d'aller sitôt mériter leurs salaires. + +Ami, lui dit le chantre encor pâle d'horreur, +N'insulte point, de grâce, à ma juste terreur : +Mêle plutôt ici tes soupirs à mes plaintes, +Et tremble en écoutant le sujet de mes craintes. +Pour la seconde fois un sommeil grâcieux +Avait sous ses pavots appesanti mes yeux ; +Quand, l'esprit enivré d'une douce fumée, +J'ai cru remplir au choeur ma place accoutumée. +Là, triomphant aux yeux des chantres impuissant, +Je bénissais le peuple, et j'avalais l'encens ; +Lorsque du fond caché de notre sacristie +Une épaisse nuée à longs flots est sortie, +Qui, s'ouvrant à mes yeux, dans un bleuâtre éclat +M'a fait voir un serpent conduit par le prélat. +Du corps de ce dragon, plein de soufre et de nitre, +Une tête sortait en forme de pupitre, +Dont le triangle affreux, tout hérissé de crins, +Surpassait en grosseur nos plus épais lutrins. +Animé par son guide, en sifflant il s'avance : +Contre moi sur mon banc je le vois qui s'élance. +J'ai crié, mais en vain : et, fuyant sa fureur, +Je me suis réveillé plein de trouble et d'horreur. + +Le chantre, s'arrêtant à cet endroit funeste, +A ses yeux effrayés laisse dire le reste. +Girot en vain l'assure, et, riant de sa peur, +Nomme sa vision l'effet d'une vapeur : +Le désolé vieillard, qui hait la raillerie, +Lui défend de parler, sort du lit en furie. +On apporte à l'instant ses somptueux habits, +Où sur l'ouate molle éclata le tabis. +D'une longue soutane il endosse la moire, +Prend ses gants violets, les marques de sa gloire ; +Et saisit, en pleurant, ce rochet qu'autrefois +Le prélat trop jaloux lui rogna de trois doigts. +Aussitôt d'un bonnet ornant sa tête grise, +Déjà l'aumuce en main il marche vers l'église, +Et, hâtant de ses ans l'importune langueur, +Court, vole, et, le premier, arrive dans le choeur. + +O toi qui, sur ces bords qu'une eau dormante mouille +Vit combattre autrefois le rat et la grenouille ; +Qui, par les traits hardis d'un bizarre pinceau, +Mit l'Italie en feu pour la perte d'un seau ; +Muse, prête à ma bouche une voix plus sauvage, +Pour chanter le dépit, la colère, la rage, +Que le chantre sentit allumer dans son sang +A l'aspect du pupitre élevé sur son banc. +D'abord pâle et muet, de colère immobile, +A force de douleur, il demeura tranquille ; +Mais sa voix s'échappant au travers des sanglots +Dans sa bouche à la fin fit passage à ces mots : +La voilà donc, Girot, cette hydre épouvantable +Que m'a fait voir un songe, hélas ! trop véritable ! +Je le vois ce dragon tout prêt à m'égorger, +Ce pupitre fatal qui me doit ombrager ! +Prélat, que t'ai-je fait ? quelle rage envieuse +Rend pour me tourmenter ton âme ingénieuse ? +Quoi ! même dans ton lit, cruel, entre deux draps, +Ta profane fureur ne se repose pas ! +O ciel ! quoi ! sur mon banc une honteuse masse +Désormais me va faire un cachot de ma place ! +Inconnu dans l'église, ignoré dans ce lieu, +Je ne pourrai donc plus être vu que de Dieu ! +Ah ! plutôt qu'un moment cet affront m'obscurcisse, +Renonçons à l'autel, abandonnons l'office ; +Et, sans lasser le ciel par de chants superflus, +Ne voyons plus un choeur où l'on ne nous voit plus. +Sortons... Mais cependant mon ennemi tranquille +Jouira sur son banc de ma rage inutile, +Et verra dans le choeur le pupitre exhaussé +Tourner sur le pivot où sa main l'a placé ! +Non, s'il n'est abattu, je ne saurais plus vivre. +A moi, Girot, je veux que mon bras l'en délivre. +Périssons s'il le faut, mais de ses ais brisés +Entraînons, en mourant, les restes divisés. + +A ces mots, d'une main par la rage affermie, +Il saisissait déjà la machine ennemie. +Lorsqu'en ce sacré lieu, par un heureux hasard, +Entre Jean le choriste, et le sonneur Girard +Deux Manseaux renommés, en qui l'expérience +Pour les procès est jointe à la vaste science. +L'un et l'autre aussitôt prend part à son affront. +Toutefois condamnant un mouvement trop prompt +Du lutrin, disent-ils, abattons la machine : +Mais ne nous chargeons pas tous seuls de sa ruine ; +Et que tantôt, aux yeux du chapitre assemblé, +Il soit sous trente mains en plein jour accablé. + +Ces mots des mains du chantre arrachent le pupitre. +J'y consens, leur dit-il ; assemblons le chapitre. +Allez donc de ce pas, par de saints hurlements, +Vous-mêmes appeler les chanoines dormants. +Partez. Mais ce discours les surprend et les glace. +Nous ! qu'en ce vain projet, pleins d'une folle audace, +Nous allions, dit Girard, la nuit nous engager ! +De notre complaisance osez-vous l'exiger ? +Hé ! seigneur ! quand nos cris pourraient, du fond des rues, +De leurs appartements percer les avenues, +Réveiller ces valets autour d'eux étendus, +De leurs sacrés repos ministres assidus, +Et pénétrer des lits aux bruits inaccessibles ; +Pensez-vous, au moment que les ombres paisibles +A ces lits enchanteurs ont su les attacher. +Que la voix d'un mortel les en puisse arracher ? +Deux chantres feront-ils, dans l'ardeur de vous plaire, +Ce que depuis trente ans six cloches n'ont pu faire ? + +Ah ! je vois bien où tend tout ce discours trompeur, +Reprend le chaud vieillard : le prélat vous fait peur. +Je vous ai vus cent fois, sous sa main bénissante, +Courber servilement une épaule tremblante. +Hé bien ! allez ; sous lui fléchissez les genoux : +Je saurai réveiller les chanoines sans vous. +Viens, Girot, seul ami qui me reste fidèle : +Prenons du saint jeudi la bruyante crécelle. +Suis-moi. Qu'à son lever le soleil aujourd'hui +trouve tout le chapitre éveillé devant lui. + +Il dit. Du fond poudreux d'une armoire sacrée +Par les mains de Girot la crécelle est tirée. +Ils sortent à l'instant, et, par d'heureux efforts, +Du lugubre instrument font crier les ressorts. +Pour augmenter l'effroi, la Discorde infernale +Monte dans le palais, entre dans la grand'salle, +Et, du fond de cet antre, au travers de la nuit, +Fait sortir le démon du tumulte et du bruit. +Le quartier alarmé n'a plus d'yeux qui sommeillent ; +Déjà de toutes parts les chanoines s'éveillent +L'on croit que le tonnerre est tombé sur les toits, +Et que l'église brûle une seconde fois ; +L'autre, encor agité de vapeurs plus funèbres, +Pense être au jeudi saint, croit que l'on dit ténèbres, +Et déjà tout confus, tenant midi sonné, +En soi-même frémit de n'avoir point dîné. + +Ainsi, lorsque tout prêt à briser cent murailles +Louis, la foudre en main abandonnant Versailles, +Au retour du soleil et des zéphyrs nouveaux, +Fait dans les champs de Mars déployer les drapeaux ; +Au seul bruit répandu de sa marche étonnante, +Le Danube s'émeut, le Tage s'épouvante, +Bruxelles attend le coup qui la doit foudroyer, +Et le Batave encore est prêt à se noyer. + +Mais en vain dans leurs lits un juste effroi les presse : +Aucun ne laisse encor la plume enchanteresse. +Pour les en arracher Girot s'inquiétant +Va crier qu'au chapitre un repas les attend. +Ce mot, dans tous les coeurs répand la vigilance. +Tout s'ébranle, tout sort, tout marche en diligence. +Ils courent au chapitre, et chacun se pressant +Flatte d'un doux espoir son appétit naissant. +Mais, ô d'un déjeuner vaine et frivole attente ! +A peine ils sont assis, que, d'une voix dolente, +Le chantre désolé, lamentant son malheur, +Fait mourir l'appétit et naître la douleur. +Le seul chanoine Evrard, d'abstinence incapable, +Ose encor proposer qu'on apporte la table. +Mais il a beau presser, aucun ne lui répond : +Quand le premier rompant ce silence profond, +Alain tousse et se lève ; Alain, ce savant homme, +Qui de Bauny vingt fois a lu toute la somme, +Qui possède Abéli, qui sait tout Raconis, +Et même entend, dit-on, le latin d'A-Kempis. + +N'en doutez point, leur dit ce savant canoniste, +Ce coup part, j'en suis sûr, d'une main janséniste. +Mes yeux en sont témoins : j'ai vu moi-même hier +Entrer chez le prélat le chapelain Garnier. +Arnaud, cet hérétique ardent à nous détruire, +Par ce ministre adroit tente de le séduire : +Sans doute il aura lu dans son saint Augustin +Qu'autrefois saint Louis érigea ce lutrin ; +Il va nous inonder des torrents de sa plume. +Il faut, pour lui répondre, ouvrir plus d'un volume. +Consultons sur ce point quelque auteur signalé ; +Voyons si des lutrins Bauny n'a point parlé +Etudions enfin, il en est temps encor ; +Et, pour ce grand projet, tantôt dès que l'aurore +Rallumera le jour dans l'onde enseveli, +Que chacun prenne en main le moelleux Abéli. + +Ce conseil imprévu de nouveau les étonne : +Surtout le gras Evrard d'épouvante en frissonne. +Moi, dit-il, qu'à mon âge, écolier tout nouveau, +J'aille pour un lutrin me troubler le cerveau ! +O le plaisant conseil ! Non, non, songeons à vivre : +Va maigrir, si tu veux, et sécher sur un livre. +Pour moi, je lis la bible autant que l'alcoran : +Je sais ce qu'un fermier nous doit rendre par an ; +Sur quelle vigne à Reims nous avons hypothèque : +Vingt muids rangés chez moi font ma bibliothèque. +En plaçant un pupitre on croit nous rabaisser : +Mon bras seul sans latin saura le renverser. +Que m'importe qu'Arnaud me condamne ou m'approuve ? +J'abats ce qui me nuit partout où je le trouve : +C'est là mon sentiments. A quoi bon tant d'apprêts ? +Du reste déjeûnons, messieurs, et buvons frais. + +Ce discours, que soutient l'embonpoint du visage, +Rétablit l'appétit, réchauffe le courage. +Mais le chantre surtout en paraît rassuré, +Oui, dit-il, le pupitre a déjà trop duré. +Allons sur sa ruine assurer ma vengeance : +Donnons à ce grand oeuvre une heure d'abstinence, +Et qu'au retour tantôt un ample déjeûner +Longtemps nous tienne à table, et s'unisse au dîner. + +Aussitôt il se lève, et la troupe fidèle +Par ces mots attirants sent redoubler son zèle. +Ils marchent droit au coeur d'un pas audacieux. +Et bientôt le lutrin se fait voir à leurs yeux. +A ce terrible objet aucun d'eux ne consulte, +Sur l'ennemi commun ils fondent en tumulte, +Ils sapent le pivot, qui se défend en vain ; +Chacun sur lui d'un coup veut honorer sa main. +Enfin sous tant d'efforts la machine succombe, +Et son corps entr'ouvert chancelle, éclate et tombe : +Tel sur les monts glacés des farouches Gélons +Tombe un chêne battu des voisins aquilons ; +Ou tel, abandonné de ses poutres usées, +Fond enfin un vieux toit sous ses tuiles brisés. +La masse est emportée, et ses ais arrachés +Sont aux yeux des mortels chez le chantre cachés. + + + + + + + + + + + +CHANT CINQUIEME + + + +L'Aurore cependant, d'un juste effroi troublée, +Des chanoines levés voit la troupe assemblée, +Et contemple longtemps, avec des yeux confus, +Ces visages fleuris qu'elle n'a jamais vus. +Chez Sidrac aussitôt Brontin d'un pied fidèle +Du pupitre abattu va porter la nouvelle. +Le vieillard de ses soins bénit l'heureux succès, +Et sur le bois détruit bâtit mille procès. +L'espoir d'un doux tumulte échauffant son courage, +Il ne sent plus le poids ni les glaces de l'âge ; +Et chez le trésorier, de ce pas, à grand bruit, +Vient éclater au jour les crimes de la nuit. + +Au récit imprévu de l'horrible insolence, +Le prélat hors du lit impétueux s'élance +Vainement d'un breuvage à deux mains apporté +Gilotin avant tout le veut voir humecté : +Il veut partir à jeun. Il se peigne, il s'apprête ; +L'ivoire trop hâté deux fois rompt sur sa tête, +Et deux fois de sa main le buis tombe en morceaux ; +Tel Hercule filant rompait tous les fuseaux, +Il sort demi-paré. Mais déjà sur sa porte +Il voit de saints guerriers une ardente cohorte, +Qui tous, remplis pour lui d'une égale vigueur, +Sont prêts, pour le servir, à déserter le choeur. +Mais le vieillard condamne un projet inutile. +Nos destins sont, dit-il, écrits chez la Sibylle : +Son antre n'est pas loin ; allons la consulter, +Et subissons la loi qu'elle nous va dicter. +Il dit : à ce conseil, où la raison domine, +Sur ses pas au barreau la troupe s'achemine, +Et bientôt dans le temple, entend, non sans frémir, +De l'antre redouté les soupiraux gémir. + +Entre ces vieux appuis dont l'affreuse grand'salle +Soutient l'énorme poids de sa voûte infernale, +Est un pilier fameux, des plaideurs respecté, +Et toujours de Normands à midi fréquenté. +Là, sur des tas poudreux de sacs et de pratique, +Hurle tous les matins une Sibylle étique : +On l'appelle Chicane ; et ce monstre odieux +Jamais pour l'équité n'eut d'oreilles ni d'yeux. +La Disette au teint blême, et la triste Famine, +Les Chagrins dévorants, et l'infâme Ruine, +Enfants infortunés de ses raffinements, +Troublent l'air d'alentour de longs gémissements. +Sans cesse feuilletant les lois et la coutume, +Pour consumer autrui, le monstre se consume ; +Et, dévorant maison, palais, châteaux entiers, +Rend pour des monceaux d'or de vains tas de papiers. +Sous le coupable effort de ta noire insolence, +Thémis a vu cent fois chanceler sa balance. +Incessamment il va de détour en détour. +Comme un hibou, souvent il se dérobe au jour : +Tantôt, les yeux en feu, c'est un lion superbe ; +Tantôt, humble serpent, il se glisse sous l'herbe. +En vain, pour le dompter, le plus juste des rois +Fit régler le chaos des ténébreuses lois ; +Ses griffes vainement par Pussort accourcies, +Se rallongent déjà, toujours d'encre noircies ; +Et ses ruses, perçant et digues et remparts, +Par cent brèches déjà rentrent de toutes parts. + +Le vieillard humblement l'aborde et le salue, +Et faisant, avant tout, briller l'or à sa vue : +Reine des longs procès, dit-il, dont le savoir +Rend la force inutile, et les lois sans pouvoir, +Toi, pour qui dans le Mans le laboureur moissonne, +Pour qui naissent à Caen tous les fruits de l'automne : +Si, dès mes premiers ans, heurtant tous les mortels, +L'encre a toujours pour loi coulé sur tes autels, +Daigne encor me connaître en ma saison dernière ; +D'un prélat qui t'implore exauce la prière. +Un rival orgueilleux, de sa gloire offensé, +A détruit le lutrin par nos mains redressé. +Epuise en sa faveur ta science fatale : +Du digeste et du code ouvre-nous le dédale; +Et montre-nous cet art, connu de tes amis, +Qui, dans ses propres lois, embarrasse Thémis. + +La Sibylle, à ces mots, déjà hors d'elle-même, +Fait lire sa fureur sur son visage blême, +Et, pleine du démon qui la vient oppresser, +Par ces mots étonnants tâche à le repousser. + +Chantres, ne craignez plus une audace insensée. +Je vois, je vois au choeur la masse replacée : +Mais il faut des combats. Tel est l'arrêt du sort, +Et surtout évitez un dangereux accord. + +Là bornant son discours, encor tout écumante, +Elle souffle aux guerriers l'esprit qui la tourmente ; +Et dans leurs coeurs brûlants de la soif de plaider +Verse l'amour de nuire, et la peur de céder. + +Pour tracer à loisir une longue requête, +A retourner chez soi leur brigade s'apprête. +Sous leurs pas diligents le chemin disparaît, +Et le pilier, loin d'eux, déjà baisse et décroît. + +Loin du bruit cependant les chanoines à table +Immolent trente mets à leur faim indomptable. +Leur appétit fougueux, par l'objet excité, +Parcourt tous les recoins d'un monstrueux pâté ; +Par le sel irritant la soif est allumée : +Lorsque d'un pied léger la prompte Renommée, +Semant partout l'effroi, vient au chantre éperdu +Conter l'affreux détail de l'oracle rendu. +Il se lève, enflammé de muscat et de bile, +Et prétend à son tour consulter la Sibylle. +Evrard a beau gémir du repas déserté, +Lui-même est au barreau par le nombre emporté. +Par les détours étroits d'une barrière oblique, +Ils gagnent les degrés, et le perron antique +Où sans cesse, étalant bons et méchants écrits, +Barbin vend aux passants les auteurs à tout prix. + +Là le chantre à grand bruit arrive et se fait place, +Dans le fatal instant que, d'un égale audace, +Le prélat et sa troupe , à pas tumultueux, +Descendaient du palais l'escalier tortueux. +L'un et l'autre rival, s'arrêtant au passage, +Se mesure des yeux, s'observe, s'envisage ; +Une égale fureur anime les esprits : +Tels deux fougueux taureaux, de jalousie épris +Auprès d'une génisse au front large et superbe +Oubliant tous les jours le pâturage et l'herbe, +A l'aspect l'un de l'autre, embrasés, furieux, +Déjà le front baissé, se menacent des yeux. +Mais Evrard, en passant coudoyé par Boirude, +Ne sait point contenir son aigre inquiétude ; +Il entre chez Barbin, et, d'un bras irrité, +Saisissant du Cyrus un volume écarté, +Il lance au sacristain le tome épouvantable. +Boirude fuit le coup : le volume effroyable +Lui rase le visage, et, droit dans l'estomac, +Va frapper en sifflant l'infortuné Sidrac. +Le vieillard, accablé de l'horrible Artamène, +Tombe aux pieds du prélat, sans pouls et sans haleine. +Sa troupe le croit mort, et chacun empressé +Se croit frappé du coup dont il le voit blessé. +Aussitôt contre Evrard vingt champions s'élancent ; +Pour soutenir leur choc les chanoine s'avancent. +La Discorde triomphe, et du combat fatal +Par un cri donne en l'air l'effroyable signal. + +Chez le libraire absent tout entre, tout se mêle : +Les livres sur Evrard fondent comme la grêle +Qui, dans un grand jardin, à coups impétueux, +Abat l'honneur naissant des rameaux fructueux. +Chacun s'arme au hasard du livre qu'il rencontre : +L'un tient l'Edit d'amour, l'autre en saisit la Montre ; +L'un prend le seul Jonas qu'on ait vu relié ; +L'autre un Tasse français, en naissant oublié. +L'élève de Barbin, commis à la boutique, +veut en vain s'opposer à leur fureur gothique : +Les volumes, sans choix à la tête jetés, +Sur le perron poudreux volent de tous côtés : +Là, près d'un Guarini, Térence tombe à terre ; +Là, Xénophon dans l'air heurte contre un la Serre, +Oh ! que d'écrits obscurs, de livres ignorés, +Furent en ce grand jour de la poudre tirés ! +Vous en fûtes tirés, Almerinde et Simandre : +Et toi, rebut du peuple, inconnu Caloandre, +Dans ton repos, dit-on, saisi par Gaillerbois, +Tu vis le jour alors pour la première fois. +Chaque coup sur la chair laisse une meurtrissure : +Déjà plus d'un guerrier se plaint d'une blessure. +D'un le Vayer épais Giraut est renversé : +Marineau, d'un Brébeuf à l'épaule blessé, +En sent par tout le bras une douleur amère, +Et maudit le Pharsale aux provinces si chère. +D'un Pinchêne in-quarto Dodillon étourdi +A longtemps le teint pâle et le coeur affadi. +Au plus fort du combat le chapelain Garagne, +Vers le sommet du front atteint d'un Charlemagne, +(Des vers de ce poème effet prodigieux)! +Tout prêt à s'endormir, bâille, et ferme les yeux. +A plus d'un combattant la Clélie est fatale : +Girou dix fois par elle éclate et se signale. +Mais tout cède aux efforts du chanoine Fabri. +Ce guerrier, dans l'église aux querelles nourri, +Est robuste de corps, terrible de visage, +Et de l'eau dans son vin n'a jamais su l'usage. +Il terrasse lui seul et Guilbert et Grasset, +Et Gorillon la basse, et Grandin le fausset, +Et Gerbais l'agréable, et Guerin l'insipide. + +Des chantres désormais la brigade timide +S'écarte, et du palais regagne les chemins : +Telle, à l'aspect d'un loup, terreur des champs voisins, +Fuit d'agneaux effrayés une troupe bêlante ; +Ou tels devant Achille, aux campagnes de Xanthe, +Les Troyens se sauvaient à l'abri de leurs tours, +Quand Brontin à Boirude adresse ce discours : + +Illustre porte-croix, par qui notre bannière +N'a jamais en marchant fait un pas en arrière, +Un chanoine lui seul triomphant du prélat +Du rochet à nos yeux ternira-t-il l'éclat ? +Non, non : pour te couvrir de sa main redoutable, +Accepte de mon corps l'épaisseur favorable. +Viens, et, sous ce rempart, à ce guerrier hautain +Fais voler ce Quinault qui me reste à la main. +A ces mots, il lui tend le doux et tendre ouvrage. +Le sacristain, bouillant de zèle et de courage, +Le prend, se cache, approche, et, droit entre le syeux, +Frappe du noble écrit l'athlète audacieux. +Mais c'est pour l'ébranler une faible tempête, +Le livre sans vigueur mollit contre sa tête. +Le chanoine les voit, de colère embrasé : +Attendez, leur dit-il, couple lâche et rusé, +Et jugez si ma main, aux grands exploits novice, +Lance à mes ennemis un livre qui mollisse. +A ces mots il saisit un vieil Infortiat, +Grossi des visions d'Accurse et d'Alciat, +Inutile ramas de gothique écriture, +Dont quatre ais mal unis formaient la couverture, +Entouré à demi d'un vieux parchemin noir, +Où pendait à trois clous un reste de fermoir. +Sur l'ais qui le soutient auprès d'un Avicenne, +Deux des plus forts mortels l'ébranleraient à peine : +Le chanoine pourtant l'enlève sans effort, +Et, sur le couple pâle et déjà demi-mort, +Fait tomber à deux mains l'effroyable tonnerre. +Les guerriers de ce coup vont mesurer la terre, +Et, du bois et des clous meurtris et déchirés, +Longtemps, loin du perron, roulent sur les degrés. + +Au spectacle étonnant de leur chute imprévue, +Le prélat pousse un cri qui pénètre la nue. +Il maudit dans son coeur le démon des combats, +Et de l'horreur du coup il recule six pas. +Mais bientôt rappelant son antique prouesse +Il tire du manteau sa dextre vengeresse ; +Il part, et, de ses doigts saintement allongés, +Bénit tous les passants, en deux files rangés. +Il sait que l'ennemi, que ce coup va surprendre, +Désormais sur ses pieds ne l'oserait attendre, +Et déjà voit pour lui tout ce peuple en courroux +Crier aux combattants : Profanes, à genoux ! +Le chantre, qui de loin voit approcher l'orage, +Dans son coeur éperdu cherche en vain du courage : +Sa fierté l'abandonne, il tremble, il cède, il fuit. +Le long des sacrés murs sa brigade le suit : +Tout s'écarte à l'instant ; mais aucun n'en réchappe ; +Partout le doigt vainqueur les suit et les rattrape. +Evrard seul, en un coin prudemment retiré, +Se croyait à couvert de l'insulte sacré : +Mais le prélat vers lui fait une marche adroite, +Il l'observe de l'oeil ; et tirant vers la droite, +Tout d'un coup tourne à gauche, et d'un bras fortuné +Bénit subitement le guerrier consterné. +Le chanoine, surpris de la foudre mortelle, +Se dresse, et lève en vain une tête rebelle ; +Sur ses genoux tremblants il tombe à cet aspect, +Et donne à la frayeur ce qu'il doit au respect. +Dans le temple aussitôt le prélat plein de gloire +Va goûter les doux fruits de sa sainte victoire ; +Et de leur vain projet les chanoines punis +S'en retournent chez eux, éperdus et bénis. + + + + + + + + + + +CHANT SIXIEME + + + +Tandis que tout conspire à la guerre sacrée, +La Piété sincère, aux Alpes retirée, +Du fond de son désert entend les tristes cris, +De ses sujets cachés dans les murs de Paris. +Elle quitte à l'instant sa retraite divine +La Foi, d'un pas certain, devant elle chemine ; +L'Espérance au front gai l'appuie et la conduit ; +Et, la bourse à la main, la Charité la suit. +Vers Paris elle vole, et d'une audace sainte, +Vient aux pieds de Thémis proférer cette plainte : + +Vierge, effroi des méchants, appui de mes autels, +Qui, la balance en main, règle tous les mortels, +Ne viendrai-je jamais en tes bras salutaires +Que pousser des soupirs et pleurer mes misères ! +Ce n'est donc pas assez qu'au mépris de tes lois +L'Hypocrisie ait pris et mon nom et ma voix ; +Que, sous ce nom sacré, partout ses mains avares +Cherchent à me ravir crosses, mitres, tiares ! +Faudra-t-il voir encor cent monstres furieux +Ravager mes états usurpés à tes yeux ! +Dans les temps orageux de mon naissant empire, +Au sortir de baptême on courait au martyre. +Chacun, plein de mon nom, ne respirait que moi : +Le fidèle, attentif aux règles de sa loi, +Fuyant des vanités la dangereuse amorce, +Aux honneurs appelé, n'y montait que par force : +Ces coeurs, que les bourreaux ne faisaient point frémir, +A l'offre d'une mitre étaient prêts à gémir ; +Et, sans peur des travaux, sur mes traces divines +Couraient chercher le ciel au travers des épines. +Mais, depuis que l'Eglise eut, aux yeux des mortels, +De son sang en tous lieux cimenté ses autels, +Le calme dangereux succédant aux orages, +Une lâche tiédeur s'empara des courages, +De leur zèle brûlant l'ardeur se ralentit. +Sous le joug des péchés leur foi s'appesantit : +Le moine secoua la cilice et la haire, +Le chanoine indolent apprit à ne rien faire ; +Le prélat, par la brigue aux honneurs parvenu, +Ne sut plus qu'abuser d'un humble revenu, +Et pour toutes vertus fit, au dos d'un carrosse, +A côté d'une mitre armorier sa crosse ; +L'Ambition partout chassa l'Humilité ; +Dans la crasse du froc logea la Vanité. +Alors de tous les coeurs l'union fut détruite. +Dans mes cloîtres sacrés la Discorde introduite +Y bâtit de mon bien ses plus sûrs arsenaux ; +Traîne tous mes sujets au pied des tribunaux. +En vain à ses fureurs j'opposai mes prières ; +L'insolente, à mes yeux, marcha sous mes bannières. +Pour comble de misère, un tas de faux docteurs +Vint flatter les péchés de discours imposteurs ; +Infectant les esprits d'exécrables maximes, +Voulut faire à Dieu même approuver tous les crimes. +Une servile peur leur tint lieu de charité, +Le besoin d'aimer Dieu passa pour nouveauté ; +Et chacun à mes pieds, conservant sa malice, +N'apporta de vertu que l'aveu de son vice. + +Pour éviter l'affront de ces noirs attentats, +J'allai chercher le calme au séjour des frimas, +Sur ces monts entourés d'une éternelle glace +Où jamais au printemps les hivers n'ont fait place. +Mais, jusques dans la nuit de mes sacrés déserts, +Le bruit de mes malheurs fait retentir les airs. +Aujourd'hui même encore une voix trop fidèle +M'a d'un triste désastre apporté la nouvelle : +J'apprends que, dans ce temple où le plus saint des rois +Consacra tout le fruit de ses pieux exploits, +Et signala pour moi sa pompeuse largesse, +L'implacable Discorde et l'infâme Mollesse, +Foulant aux pieds les lois, l'honneur et le devoir, +Usurpent en mon nom le souverain pouvoir. +Souffriras-tu, ma soeur, une action si noire ? +Quoi ! ce temple, à ta porte, élevé pour ma gloire, +Où jadis des humains j'attirais tous les voeux, +Sera de leurs combats le théâtre honteux ! +Non, non, il faut enfin que ma vengeance éclate : +Assez et trop longtemps l'impunité les flatte. +Prends ton glaive, et, fondant sur ces audacieux, +Viens aux yeux des mortels justifier les cieux. + +Ainsi parle à sa soeur cette vierge enflammée : +La grâce est dans ses yeux d'un feu pur allumée. +Thémis sans différer lui promet son secours, +La flatte, la rassure et lui tient ce discours : + +Chère et divine soeur, dont les mains secourables +Ont tant de fois séché les pleurs des misérables, +Pourquoi toi-même, en proie à tes vives douleurs, +Cherches-tu sans raison à grossir tes malheurs ? +En vain de tes sujets l'ardeur est ralentie ; +D'un ciment éternel ton Eglise est bâtie, +Et jamais de l'enfer les noirs frémissements +N'en sauraient ébranler les fermes fondements. +Au milieu des combats, des troubles, des querelles, +Ton nom encor chéri vit au sein des fidèles. +Crois-moi, dans ce lieu même où l'on veut t'opprimer, +Le trouble qui t'étonne est facile à calmer ; +Et, pour y rappeler la paix tant désirée, +Je vais t'ouvrir, ma soeur, une route assurée. +Prête-moi donc l'oreille, et retiens tes soupirs. + +Vers ce temple fameux, si chers à tes désirs +Où le ciel fut pour toi si prodigue en miracles, +Non loin de ce palais où je rends mes oracles, +Est un vaste séjour des mortels révéré, +Et de clients soumis à toute heure entouré, +Là, sous le faix pompeux de ma pourpre honorable, +Veille au soin de ma gloire un homme incomparable, +Ariste, dont le Ciel et Louis ont fait choix +Pour régler ma balance et dispenser mes lois. +Par lui dans le barreau sur mon trône affermie +Je vois hurler en vain la chicane ennemie ; +Par lui la vérité ne craint plus l'imposteur, +Et l'orphelin n'est plus dévoré du tuteur. +Mais pourquoi vainement t'en retracer l'image ? +Tu le connais assez : Ariste est ton ouvrage. +C'est toi qui le formas dès ses plus jeunes ans : +Son mérite sans tache est un de tes présents. +Tes divines leçons, avec le lait sucées, +Allumèrent l'ardeur de ses nobles pensées. +Aussi son coeur, pour toi brûlant d'un si beau feu, +N'en fit point dans le monde un lâche désaveu ; +Et son zèle hardi, toujours prêt à paraître, +N'alla point se cacher dans le sombres d'un cloître. +Va le trouver, ma soeur a ton auguste nom, +Tout s'ouvrira d'abord en sa sainte maison. +Ton visage est connu de sa noble famille. +Tout y garde tes lois, enfants, soeurs, femme, fille. +Tes yeux d'un seul regard sauront le pénétrer ; +Et, pour obtenir tout, tu n'as qu'à te montrer. + +Là s'arrêta Thémis. La Piété charmée +Sent renaître la joie en son âme calmée. +Elle court chez Ariste ; Et s'offrant à ses yeux : + +Que me sert, lui dit-elle, Ariste qu'en tous lieux +Tu signales pour moi ton zèle et ton courage, +Si la Discorde impie à ma porte m'outrage ? +Dans ces murs, autrefois si saints, si renommés, +A mes sacrés autels font un profane insulte, +Remplissent tout d'effroi, de trouble et de tumulte. +De leur crime à leurs yeux va-t-en peindre l'horreur : +Sauve-moi, sauve-les de leur propre fureur. + +Elle sort à ces mots. Le héros en prière +Demeure tout couvert de feux et de lumière. +De la céleste fille il reconnaît l'éclat, +Et mande au même instant le chantre et le prélat. + +Muse, c'est à ce coup que mon esprit timide +Dans sa course élevée a besoin qu'on le guide. +Pour chanter par quels soins, par quels nobles travaux +Un mortel sut fléchir ces superbes rivaux. + +Mais plutôt, toi qui fis ce merveilleux ouvrage, +Ariste, c'est à toi d'en instruire nôtre âge. +Seul tu peux révéler par quel art tout puissant +Tu rendis tout-à-coup le chantre obéissant. +Tu sais par quel conseil rassemblant le chapitre +Lui-même, de sa main, reporta le pupitre ; +Et comment le prélat, de ses respects content, +Le fit du banc fatal enlever à l'instant. +Parle donc : c'est à toi d'éclaircir ces merveilles. +Il me suffit pour moi d'avoir su, par mes veilles +Jusqu'au sixième chant pousser ma fiction, +Et fait d'un vain pupitre un second Ilion. +Finissons. Aussi bien, quelque ardeur qui m'inspire, +Quand je songe au héros qui me reste à décrire, +Qu'il faut parler de toi, mon esprit éperdu +Demeure sans parole, interdit, confondu. + +Ariste, c'est ainsi qu'en ce sénat illustre +Où Thémis, par tes soins, reprend son premier lustre, +Quand, la première fois, un athlète nouveau +Vient combattre en champ clos aux joutes du barreau, +Souvent sans y penser ton auguste présence +Troublant par trop d'éclat sa timide éloquence, +Le nouveau Cicéron, tremblant, décoloré, +Cherche en vain son discours sur sa langue égaré : +En vain, pour gagner temps, dans ses transes affreuses, +Traîne d'un dernier mot les syllabes honteuses ; +Il hésite, il bégaie ; et le triste orateur +Demeure enfin muet aux yeux du spectateur. + + + +BOILEAU + + + + + + +*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK, LE LUTRIN *** + +This file should be named 5158-8.txt or 5158-8.zip + +Project Gutenberg eBooks are often created from several printed +editions, all of which are confirmed as Public Domain in the US +unless a copyright notice is included. Thus, we usually do not +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + +We are now trying to release all our eBooks one year in advance +of the official release dates, leaving time for better editing. +Please be encouraged to tell us about any error or corrections, +even years after the official publication date. + +Please note neither this listing nor its contents are final til +midnight of the last day of the month of any such announcement. +The official release date of all Project Gutenberg eBooks is at +Midnight, Central Time, of the last day of the stated month. 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