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-The Project Gutenberg EBook of Albert Durer a Venise et dans les Pays-Bas, by
-Albert Durer
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
-other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of
-the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
-www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have
-to check the laws of the country where you are located before using this ebook.
-
-
-
-Title: Albert Durer a Venise et dans les Pays-Bas
- autobiographie, lettres, journal de voyages, papiers divers
-
-Author: Albert Durer
-
-Translator: Charles Narrey
-
-Release Date: September 26, 2016 [EBook #53147]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: UTF-8
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ALBERT DURER A VENISE ET ***
-
-
-
-
-Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online
-Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
-file was produced from images generously made available
-by The Internet Archive/American Libraries.)
-
-
-
-
-
-
-
-Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le
-typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et
-n'a pas été harmonisée.
-
-
-
-
-ALBERT DURER
-
-
-
-
-[Illustration: IMPRIMERIE J. CLAYE RUE SAINT BENOIT 7 PARIS]
-
-
-[Illustration: Montigneul SC AH-CABASSON D]
-
-
-
-
- ALBERT DURER
-
- A VENISE
-
- ET
-
- DANS LES PAYS-BAS
-
- AUTOBIOGRAPHIE
-
- LETTRES, JOURNAL DE VOYAGES
-
- PAPIERS DIVERS
-
- TRADUITS DE L'ALLEMAND
-
- AVEC DES NOTES ET UNE INTRODUCTION
-
- PAR
-
- CHARLES NARREY
-
- Ouvrage orné de 27 gravures sur papier de Chine
-
- [Illustration: Logo]
-
- PARIS
-
- LIBRAIRIE Ve JULES RENOUARD, ÉDITEUR
-
- G. ÉTHIOU-PÉROU, DIRECTEUR-GÉRANT
-
- 6, RUE DE TOURNON, 6
-
- MDCCCLXVI
-
-
-
-
- A
-
- MONSIEUR LE BARON BEYENS
-
- Ministre de Belgique en France
-
- Hommage affectueux,
-
- CHARLES NARREY.
-
-
-
-
-INTRODUCTION.
-
-
-[Illustration]
-
-La vie des grands hommes est le flambeau qui éclaire leur œuvre.
-
-Les souffrances et les faiblesses, les luttes et les triomphes de ces
-génies prédestinés expliquent et commentent leurs ouvrages, et chaque
-étape de leur existence correspond à une évolution de leur talent. Leur
-biographie est donc en quelque sorte le lien logique de leurs ouvrages;
-elle donne la clef de la succession de leurs pensées et démontre comment
-elles s'enchaînent.
-
-Écrire l'histoire d'un grand artiste, si l'on se place à ce point de vue
-élevé, c'est faire en même temps l'histoire de ses idées, c'est pénétrer
-avec lui dans les mystères de son inspiration.
-
-Prenez l'homme le plus profondément original, et le plus rebelle aux
-influences extérieures; ses relations avec ses contemporains, son
-commerce avec d'autres artistes, grands comme lui, mais comprenant leur
-art de façons différentes, ne pourront manquer d'imprimer une
-modification, si minime qu'elle soit, à ses propres idées.
-
-S'il y a entre les hommes ainsi rassemblés par le caprice du hasard ou
-par une loi mystérieuse de la création de larges points de contact et des
-horizons communs, cette influence deviendra décisive et modifiera parfois
-d'une manière profonde le _faire_ de l'artiste qui la subit. Y a-t-il au
-contraire une opposition fondamentale entre leur esprit, leur principe
-réciproque s'accentuera avec plus de vigueur, et leur contact servira à
-caractériser davantage leur tendance primitive. Grande ou petite,
-profonde ou superficielle, cette influence doit subsister, et la saisir
-jusque dans ses manifestations les moins apparentes est l'objet de la
-critique.
-
-Or, c'est l'histoire de l'artiste, et son histoire de chaque jour, qui
-peut en fournir les éléments d'appréciation.
-
-Quoi d'étonnant alors que les moindres particularités de la vie privée
-d'un grand homme acquièrent la plus haute valeur aux yeux de la
-postérité?
-
-Aussi, dans ces derniers temps, ce genre d'études historiques a-t-il fait
-l'objet de nombreux et de consciencieux travaux. On a cherché à y
-introduire la précision et la sévérité de la critique moderne, et l'on a
-bravement fermé la porte à toutes les fables et à toutes les anecdotes de
-contrebande, pour y substituer définitivement la vérité dans sa froide et
-chaste nudité. Mais on ne croit guère que de pareils travaux présentent
-énormément de difficultés, et beaucoup plus même que ceux qui concernent
-la grande histoire.
-
-Les faits que recherche le biographe sont presque toujours d'une
-apparente insignifiance, et par cela même les contemporains des grands
-hommes, sans prévoir la valeur que ces détails pourront acquérir un jour,
-ont négligé de les consigner. Aussi quelle bonne fortune extraordinaire,
-lorsque l'artiste lui-même, soit par une sage prévision, soit dans un
-but désintéressé, a pris soin de rassembler minutieusement tous les
-matériaux d'une autobiographie.
-
-C'est précisément ce qui nous arrive pour l'illustre père de l'école
-allemande.
-
-Albert Dürer a laissé sur sa vie privée un grand nombre de notes et de
-correspondances qui éclairent d'un jour nouveau sa vie et ses œuvres, et
-mettent hors de discussion un grand nombre de points qui, pour des
-artistes beaucoup plus récents même, ne sont ordinairement qu'un stérile
-sujet de querelles entre les historiens.
-
-Mais avant de donner la parole au maître lui-même et de laisser découler
-de ses écrits les commentaires qui en dérivent, on nous permettra d'en
-tirer quelques conclusions générales et quelques conclusions
-personnelles.
-
-Ce qui résulte d'abord de la vie de cet éminent artiste, telle qu'il l'a
-simplement racontée lui-même, ce qui ressort de la lecture de sa
-correspondance intime avec son ami Bilibald Pirkeimer, c'est une profonde
-estime pour le caractère de l'homme, comme une grande admiration pour
-l'artiste ressort de la contemplation de ses œuvres.
-
-Albert Dürer est un aussi grand et noble caractère qu'il est un génie
-original et transcendant. Cette double perfection est une chose trop rare
-dans le cercle des grands esprits pour ne pas y insister.
-
-On dirait, en vérité, que l'intelligence ne peut se développer qu'au
-détriment du caractère, et trop souvent l'épanouissement de la pensée a
-pour corollaire fatal l'atrophie morale du cœur. Si quelque chose, par
-exemple, pouvait amoindrir notre admiration pour le panthéiste Gœthe, ne
-serait-ce pas la sécheresse de son âme et l'égoïsme de son caractère.
-L'esprit humain, qui tend sans cesse à l'idéal et qui prodigue d'instinct
-aux élus de l'intelligence tous les dons et toutes les qualités, est
-péniblement déçu en voyant tant de grandeur intellectuelle à côté de tant
-de petitesse de sentiment. Nous n'aimons pas à apprendre que Virgile
-était le flatteur d'Auguste et que Horace eut peur à la bataille
-d'Actium.
-
-Je ne connais que bien peu de génies qui aient été en même temps des
-héros du cœur. Michel Cervantes dans les lettres et Michel-Ange dans les
-arts sont pour moi les types de cette double grandeur; notre Albert Dürer
-peut aussi revendiquer ces deux auréoles. Sa vie a été une lutte
-continuelle, soyons plus vrai,--un long martyre causé par celle qui
-aurait dû précisément arracher les ronces et les épines de sa route.
-
-Marié de bonne heure, sans qu'on eût consulté son inclination, à une
-femme froide et avare, il n'a pas eu la consolation de se reposer dans la
-douce vie du foyer des tracasseries envieuses auxquelles un homme de sa
-valeur devait nécessairement se trouver exposé.
-
-Dès l'âge de 23 ans il devenait le seul soutien de sa famille. «Deux ans
-après la mort de mon père, je pris aussi ma mère avec moi (il s'était
-déjà chargé de son frère Hans), car elle n'avait plus rien. En 1513 elle
-tomba subitement malade. Ses souffrances durèrent une année entière, et
-elle fut mourante du premier au dernier jour.»
-
-Dans ces conditions il fut obligé de se livrer à un travail assidu et
-pénible; en outre sa femme l'excitait sans cesse au labeur et le
-stimulait avec ses avaricieuses exigences. Et pourtant c'est à peine si,
-dans ses écrits, on entend l'écho d'une plainte contre celle qui le
-faisait tant souffrir; tout au plus dans sa correspondance avec Bilibald
-Pirkeimer, correspondance si franche et si naïve, hasarde-t-il de temps
-en temps quelque allusion prudente à ses affaires de ménage. Encore en
-parle-t-il avec tant de mansuétude et de bonne humeur, qu'on ne
-soupçonnerait pas la profondeur de sa blessure si ses amis n'avaient pas
-pris la peine de la sonder.
-
-«Il était fort contre l'adversité, dit Schrober, mais il est vrai qu'il
-n'avait que trop le moyen de s'exercer à la patience, sa femme se
-chargeait tous les jours de lui en fournir l'occasion.»
-
-C'est assez clair, et cependant les lettres de G. Hartmann et de
-Pirkeimer sont encore plus explicites.
-
-En voici des extraits:
-
-
-G. HARTMANN A M. BUCHLER.
-
-«. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
-. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . «Elle était d'une
-piété et d'une honnêteté si intolérantes, qu'il aurait mieux valu pour
-Albert Dürer être le mari d'une coquine avec un caractère aimable, que
-d'avoir à ses trousses une de ces dévotes qui sont d'une humeur si
-féroce, qu'elles vous laissent à peine des moments suffisants pour
-respirer. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .»
-
-
-AUTRE LETTRE DE GEORGES HARTMANN.
-
-«Il ne faut imputer le décès de Dürer à personne qu'à sa femme. Elle lui
-avait si bien rongé le cœur, elle lui avait fait endurer de telles
-souffrances, qu'il semblait en avoir perdu la raison. Elle ne lui
-permettait jamais d'interrompre son travail, l'éloignait de toutes les
-sociétés, et par des plaintes continuelles, répétées le jour et la nuit,
-le tenait rigoureusement enchaîné à l'œuvre, afin qu'il amassât de
-l'argent pour le lui laisser après sa mort. Elle avait sans cesse la
-crainte de périr dans la misère, et cette crainte la torture encore
-maintenant, quoique Dürer lui ait légué près de 6,000 florins. Elle est
-insatiable: elle a donc été vraiment la cause de sa mort, etc.»
-
-
-LETTRE DE PIRKEIMER A TZERTE,
-
-_Architecte de l'Empereur, à Vienne_.
-
-«J'ai positivement perdu, dans la personne d'Albert Dürer, un des
-meilleurs amis que j'aie eus de ma vie. Sa mort m'a fait d'autant plus de
-peine qu'elle s'est produite sous l'influence de causes bien pénibles. En
-effet, je ne puis l'attribuer, après Dieu, qu'à sa femme qui lui a causé
-de si vifs chagrins et l'a tourmenté d'une façon si cruelle, qu'elle l'a
-poussé vers la tombe, et l'a rendu sec _comme de la paille_. Le pauvre
-homme n'avait plus de courage et ne recherchait plus aucune société.
-Cette mégère prenait soin de ses intérêts, et poussait son mari au
-travail nuit et jour afin qu'il lui laissât le plus d'écus possible. . .
-. . . . . . . . Je lui ai souvent reproché ses procédés, et je lui ai
-même prédit ce qui est arrivé; mais cela ne m'a valu que de
-l'ingratitude. Du reste, tous ceux qui aimaient le pauvre Albert
-détestent sa femme, qui le leur rend bien. En somme, c'est elle qui a mis
-le cher homme en terre.»
-
-Dans les premiers temps de son mariage, Albert Dürer avait fait des
-efforts héroïques pour se soustraire à la domination de sa femme, mais la
-lutte ne convenait pas à son caractère; peu à peu il avait fini par
-courber le front, et, aux derniers jours de sa vie, il obéissait comme un
-enfant à cette nouvelle Xantippe.
-
-Poussait-il la douceur jusqu'à la pusillanimité?--Nous ne le croyons
-pas,--car plusieurs fois, pendant sa trop courte existence, il a prouvé
-qu'avec les hommes il savait parler en homme.--Ou puisait-il cette
-patience angélique dans la religion? En voyant le portrait d'Agnès Frey
-qu'il a dessiné lui-même, et que l'on trouve encore aujourd'hui à Vienne,
-nous croyons plutôt qu'il fut toujours amoureux de sa femme,--car elle
-était fort belle.--Son front était froid, mais l'intelligence s'y jouait
-comme un rayon de soleil sur une plaque d'acier poli; ses yeux étaient
-durs, mais grands, veloutés et noirs; sa bouche était hautaine, mais
-correcte; ses traits étaient sévères, mais remarquablement beaux; ils ne
-commandaient pas la sympathie cependant: on sentait que celui qui avait
-aimé cette femme l'aimerait toute sa vie, dût-il mourir de son amour.
-
-Quelle personnalité attachante que celle d'Albert Dürer!
-
-[Illustration:
- ALBERT-DÜRER P.
- AH.-CABASSON D.
- TAMISIER. Sc. 1850.]
-
-Il était beau, et la noblesse de ses traits reflétait la pureté de son
-âme et la lumière de son intelligence.
-
-Qui a vu une fois un de ses portraits ne peut plus l'oublier. De beaux
-cheveux blonds cendrés qui flottent sur ses épaules, un front élevé et
-pur où le génie a imprimé sa sévère majesté, de grands yeux bleus,
-bien enchâssés dans leur arcade et ombragés de longs cils plus foncés que
-ses cheveux, une bouche rêveuse, un cou flexible qui porte une tête digne
-du ciseau de Phidias, comme la tige du lis porte la fleur des rois, tels
-sont les traits principaux de cette figure ravissante.
-
-Toute sa personne était sympathique et séduisante.
-
-«Il avait de la noblesse et de l'aisance dans les mouvements, et sa haute
-raison et son rare bon sens perçaient naturellement dans ses discours.»
-«_Sermonis tanta in eo suavitas et lepor erat_, dit Joachim Camerarius,
-_ut nihil esset audientibus magis contrarium quam finis_.»
-
-Et Schrober dit aussi:
-
-«Il y avait quelque chose de si doux et de si harmonieux dans sa manière
-de parler, qu'on l'écoutait avec ravissement.» Du reste son instruction
-était fort étendue.
-
-Peintre, dessinateur, graveur, orfévre, architecte, statuaire, ingénieur
-et _géométrien_, comme l'écrit Loys Meygret, le traducteur de son livre
-_des Proportions humaines_, il fut tout ce qu'il voulut être[1].
-
- [1] Albert Dürer fit une grande quantité de dessins fort
- remarquables, mais ses tableaux se comptent, on sait où les
- rencontrer tous; ils sont dans les musées publics ou chez des
- particuliers qui se font une fête de les montrer aux étrangers.
-
- Voici un petit catalogue rédigé, par ordre chronologique, d'après
- nos notes de voyage; il n'a pas d'autre prétention que d'être
- d'une scrupuleuse exactitude et de donner au lecteur le moyen de
- trouver, sans les chercher, les chefs-d'œuvre du maître.
-
- Nous ne parlerons ici que pour mémoire du portrait d'Albert Dürer
- qui est conservé précieusement à Vienne dans la collection
- Albertine;--ce portrait, d'une grâce et d'une naïveté délicieuses,
- est exécuté à la pointe d'argent sur papier teinté.--Il porte
- cette inscription, écrite par l'artiste lui-même: «J'ai dessiné
- ceci d'après moi, dans un miroir, en 1484, quand j'étais encore
- enfant.
-
- «ALBERT DURER.»
-
- Il avait donc 13 ans à peine, et il était encore apprenti orfévre;
- c'est en 1486 seulement qu'il fit son entrée dans l'atelier de
- maître Wohlgemuth.
-
- La première peinture d'Albert Dürer qui soit parvenue jusqu'à
- nous, est le portrait de son père. On la voit dans la pinacothèque
- de Munich, cabinet VII, sous le numéro 128, avec cette légende:
- «J'ai peint ce tableau d'après la personne de mon père, lorsqu'il
- avait 70 ans. Albert DURER l'aîné.»
-
- Puis viennent le célèbre monogramme et la date 1497.
-
- Il fit deux fois son propre portrait en 1498: l'un est à Florence,
- il a été gravé par Hollar et par Édelinck; l'autre est à Madrid,
- au _museo del Rey_. Dans ce dernier portrait, son visage est un
- peu maigre et un peu long, mais fort beau et fort distingué. Ses
- grands yeux bleus, sa barbe naissante, ses cheveux blonds qui
- s'échappent en grosses boucles d'un bonnet pointu, son costume
- blanc et noir théâtralement drapé lui donnent un aspect à la fois
- étrange et charmant. (Voir à la 1re page de ce livre.)
-
- En 1499, il a peint le portrait d'Oswald Krel, qui est à Munich,
- cabinet VII, sous le numéro 120.
-
- En 1500, il a fait le portrait d'un jeune homme, peut-être Joannes
- Dürer, son frère (Munich, cabinet VII, no 147), et aussi son
- propre portrait. Ce n'est plus le même homme que l'on a vu à
- Madrid; sa barbe est plus touffue, son visage est plus mâle, son
- front est déjà un peu soucieux, son costume surtout est changé de
- fond en comble; le bariolage blanc et noir est remplacé par une
- fourrure de prix. On reconnaît en lui le chef d'une illustre école
- de peinture, et on voit jusqu'à quel point Camerarius a raison
- lorsqu'il dit: «Non-seulement Albert Dürer était beau, mais il
- était très-fier de sa beauté, et il ne négligeait rien pour la
- faire ressortir.» Ce portrait est fort remarquable, il ne peut
- être comparé qu'à celui qu'il a fait plus tard de son vénérable
- maître Wohlgemuth, et qui est dans le même musée.
-
- Nous trouvons dans la galerie du Belvédère, à Vienne, avec la date
- de 1503, une _Sainte Vierge et l'Enfant Jésus_, deux têtes, deux
- chefs-d'œuvre.
-
- En 1504, Albert Dürer grava sans doute plus qu'il ne peignit, car
- nous ne connaissons qu'un seul tableau qui porte cette date, c'est
- un _Marius sur les ruines de Carthage_. Le grand homme est assis
- près d'une colonne brisée; il jette un long regard triste sur
- cette ville autrefois si superbe, et il se dit sans doute que les
- destinées des hommes et des empires sont souvent les mêmes: plus
- ils sont puissants, plus leur chute est imminente. Ce tableau est
- surtout remarquable par la couleur.
-
- C'est en 1506 qu'il fit son voyage à Venise, où il peignit, outre
- le _Saint Bartholomé_, dont il parle dans sa première lettre à
- Pirkeimer, un _Christ avec les Pharisiens_, qu'il termina en cinq
- jours, et une _Sainte Vierge couronnée par les anges_. Albert
- Dürer ébauchait ce dernier tableau, lorsque Giovanni Bellini vint
- le voir dans son atelier: «Mon cher Albert, lui dit-il,
- voudriez-vous me rendre un grand service?--Certainement, dit le
- peintre nurembergeois, si ce que vous me demandez est en mon
- pouvoir.--Parfaitement, répondit Bellini, faites-moi présent d'un
- de vos pinceaux, de celui qui vous sert à peindre les cheveux de
- vos personnages.» Dürer prit une poignée de pinceaux absolument
- semblables à ceux dont se servait Bellini, et les lui offrant:
- «Choisissez, dit-il, celui qui vous plaît, ou les prenez tous.» Le
- peintre italien, croyant à une méprise, insista pour avoir un des
- pinceaux avec lesquels il exécutait les cheveux. Pour toute
- réponse, Albert Dürer s'assit et peignit avec l'un d'eux, le
- premier qui lui tomba sous la main, la chevelure longue et bouclée
- de la _Vierge aux anges_ avec une telle sûreté de main, que son
- ami resta stupéfait de sa facilité.
-
- Nous trouvons dans la galerie du Belvédère, à Vienne, une toile
- datée de 1507. C'est le portrait d'un jeune homme inconnu, dont
- les traits sont d'une très-grande beauté.
-
- 1508 nous donne un des tableaux les plus célèbres du maître, la
- _Légende des dix mille saints martyrisés sous le roi de Perse
- Sapor II_. Malgré la multiplicité des personnages et le beau fini
- des détails, Albert Dürer le peignit en un an pour le duc Frédéric
- de Saxe; plus tard il devint la propriété du prince Albert, qui
- l'offrit au cardinal de Granvelle. Je n'ai trouvé nulle part
- comment il devint la propriété de l'empereur d'Autriche. Tout ce
- que je puis dire, c'est qu'il est depuis longtemps déjà à Vienne,
- au Belvédère (salle 1re, no 18), où il excite une juste
- admiration.--Au milieu de la toile, on aperçoit Albert Dürer et
- son Pylade Bilibald Pirkeimer; tous deux sont vêtus d'habits noirs
- et suivent avec intérêt les péripéties du drame terrible qui se
- déroule devant eux: leur attitude est calme et digne; l'artiste
- tient à la main un petit drapeau sur lequel on lit l'inscription
- suivante: _Ista faciebat anno Domini, 1508, Albertus Dürer
- Alemanus_.
-
- Il y a, dans la galerie de Schleissheim, une répétition de cette
- toile. Un an avant d'exécuter la _Légende des dix mille martyrs_,
- l'artiste en avait fait un croquis à la plume. C'est le prince
- royal de Suède qui est l'heureux possesseur de ce petit
- chef-d'œuvre.
-
- Albert Dürer peignit l'_Ascension de la Vierge_ pour Jacques
- Heller, de Francfort; il se représenta au second plan, appuyé sur
- une table qui portait son nom et la date 1509. Je dis qui portait,
- car cette belle toile a été détruite dans le terrible incendie du
- château de Munich. Le fameux tableau l'_Adoration des rois mages_,
- que l'on voit à Florence, porte aussi la date de 1509. C'est une
- œuvre du plus haut style, malgré son aspect un peu étrange. En
- effet, on a peine à garder son sérieux devant ses rois d'Orient,
- vêtus comme des gentilshommes allemands du commencement du XVIe
- siècle.
-
- Suivant les errements de tous les peintres, ses prédécesseurs,
- Albert Dürer ne se souciait pas du costume, il habillait ses
- personnages à la mode de son époque et de son pays.
-
- Revenons au Belvédère, nous ne perdrons pas nos pas, car nous nous
- trouverons en face d'une des plus belles pages du maître, _la
- Trinité_. Il fit ce chef-d'œuvre pour une église de Nuremberg,
- d'où on la porta à Prague; ensuite elle passa à Vienne, où on la
- voit encore. En haut, au milieu de la toile, Dieu le père presse
- entre ses bras le Christ attaché à la croix; le Saint-Esprit plane
- sur sa tête; deux séraphins tiennent le manteau de Jéhovah, tandis
- que plusieurs anges voltigent autour d'eux, portant les
- instruments de la Passion. A gauche, on aperçoit des saintes
- conduites par la Vierge; à droite, des saints conduits par saint
- Jean-Baptiste; au-dessous, une troupe d'élus de tous les états et
- de toutes les races se tiennent debout sur des nuages et rendent
- des actions de grâces au Créateur. A la droite du spectateur, on
- aperçoit Albert Dürer lui-même, vêtu d'un riche manteau fourré; il
- tient dans la main gauche un écusson sur lequel on lit: _Albertus
- Durer Noricus faciebat anno Virginis partu 1511_.
-
- Un beau paysage, baigné par un lac transparent, occupe le bas de
- la toile.
-
- 1511 nous donne un autre tableau qui ne vaut pas le précédent, il
- s'en faut; c'est une _Vierge allaitant l'enfant Jésus_, que l'on
- trouve au musée royal de Madrid. On peut reprocher à la mère du
- Sauveur de n'être qu'une bonne bourgeoise de Nuremberg, mais on
- doit reconnaître que la toile est d'un bel effet et d'un bon
- coloris.
-
- 1512 ne nous apporte qu'un tableau que l'on voit à Vienne, au
- Belvédère, c'est une _Madone_ qui se ressent du séjour du maître
- en Italie. La robe bleue de la Vierge est d'une couleur
- très-intense, trop intense peut-être; elle écrase un peu les
- chairs qui sont un peu pâles; l'enfant nu que la Madone tient sur
- ses genoux est remarquablement beau.
-
- Le musée du roi, à Madrid, renferme un _Calvaire_ daté de 1513,
- qui peut rivaliser avec les meilleurs morceaux d'Albert Dürer. Ce
- n'est guère qu'un tableau de chevalet. Mais les œuvres de génie
- ne se mesurent pas au mètre.
-
- En 1515, il fit à la plume les dessins du célèbre livre de prières
- destiné à l'empereur Maximilien. Aucun de ces nombreux petits
- chefs-d'œuvre ne ressemble à son voisin: les uns sont sérieux,
- les autres spirituels, tous sont admirables, et c'est toujours
- celui que l'on a sous les yeux qui paraît le meilleur. Ce livre
- unique est à Munich, dans la bibliothèque de la Cour.
-
- De tous les portraits d'Albert Dürer, le plus beau sans contredit
- est celui qu'il a fait en 1516, d'après la _ressemblance_ de son
- vieux maître, Michel Wohlgemuth. Cette œuvre pieuse est conservée
- à la pinacothèque de Munich, cabinet VII, sous le numéro 139; elle
- est peinte sur un fond vert uni et porte cette singulière légende:
- «Albert Dürer a fait ce portrait en 1516, d'après la ressemblance
- de son maître, Michel Wohlgemuth, qui était âgé de 82 ans et qui a
- vécu jusqu'en 1519. Il est mort le jour de la Saint-André, avant
- le lever du soleil.»
-
- A l'âge de quatre-vingt-deux ans maître Wohlgemuth avait encore
- l'air intelligent, mais il ressemblait plutôt à un moine qu'à un
- grand artiste.
-
- La _Lucrèce_ que nous trouvons à la pinacothèque de Munich, dans
- la deuxième salle, sous le numéro 93, passe pour être le portrait
- de sa femme. On se trompe évidemment; Agnès Frey était belle et
- distinguée, et cette Lucrèce est laide et sans distinction. La
- même année, Albert Dürer a peint une _Vierge tenant son fils sur
- ses genoux_. L'Enfant divin porte au cou un collier d'ambre jaune,
- et sur une table verte on aperçoit un citron coupé qui fait pâmer
- d'aise tous les réalistes. La Mère du Sauveur est aussi belle que
- les plus belles Vierges de Raphaël.--Ce tableau est à Vienne, au
- Belvédère à côté d'un superbe portrait de l'empereur Maximilien
- Ier, daté de 1519.
-
- En 1520, Albert Dürer entreprend son voyage dans les Pays-Bas.
- Chemin faisant, il dessine sur un album qu'il emporte toujours
- avec lui les personnages et les objets qui lui semblent
- intéressants. Ce précieux album a été vendu en détail; nous en
- avons vu quelques feuillets qui appartiennent à un amateur
- distingué, M. Ambroise-Firmin Didot. Ils nous ont laissé le regret
- de ne pas connaître les autres.
-
- Dans la pinacothèque de Munich, cabinet VII, numéro 127, nous
- trouvons _Siméon et l'évêque Lazare_, un petit tableau charmant
- qui porte la date de 1523, et qui cependant est peint sur un fond
- d'or, dans le style de l'école de Cologne. A la même date, nous
- avons non-seulement un magnifique portrait d'homme peint à la
- détrempe sur toile, que l'on suppose être Jacques Frugger, mais
- encore trois des meilleurs tableaux du maître: 1º une _Descente de
- croix_, fort bien composée et d'une vérité qui vous fait froid au
- cœur; 2º une _Nativité dans la crèche_, où l'on voit sainte Marie
- et saint Joseph adorer l'enfant Jésus entouré d'un groupe de
- chérubins, tandis que d'autres anges vont annoncer la bonne
- nouvelle aux bergers. Cette _Nativité_ formait le centre d'un
- triptyque dont on a détaché les volets qui contenaient les
- portraits en pied des frères Baumgartner, dont Albert Dürer parle
- souvent dans ses lettres à Pirkeimer; 3º la _Sainte Trinité_, qui
- appartient à un habitant d'Augsbourg. C'est un beau tableau
- largement peint et fort bien conçu.
-
- Le musée Van Ertborn, d'Anvers, possède une magnifique grisaille;
- c'est le portrait de l'électeur Frédéric III, de Saxe, conforme à
- la gravure qu'Albert Dürer en a faite en 1524 et qui porte son
- monogramme si connu.
-
- 1526 nous apporte trois pages superbes. On voit la première à
- Aix-la-Chapelle; c'est un Christ qui fait ses adieux à sa Mère.
-
- On voit la seconde à Vienne, dans la galerie du Belvédère; c'est
- le portrait d'un certain Johann Kleeberger, dont les grands yeux
- noirs et le teint mat sont très-poétiques. Il serait très-beau
- s'il avait un nez, mais ce détail lui manque presque absolument.
- Ce Kleeberger épousa Felicitas Pirkeimer, la fille de l'ami de
- Dürer. En 1532, deux ans après la mort de sa femme, il s'établit à
- Lyon où on ne l'appela bientôt que _le bon Allemand_, à cause du
- bien qu'il faisait aux pauvres. Lorsqu'il mourut, en 1546, ses
- compatriotes d'adoption lui élevèrent, sur le roc de Bourgneuf,
- une statue en bois, qui fut remplacée en 1849 par une statue en
- pierre, due au ciseau de M. Bonnaire.
-
- La troisième est le portrait d'un des ancêtres de M. le conseiller
- et docteur Rodolphe Holzschuler, chef d'une illustre famille de
- Nuremberg, qui le montre aux étrangers avec une grâce parfaite.
- Son aïeul a cinquante-sept ans environ; mais malgré ses cheveux
- blancs, il a l'air fort jeune. Ce portrait est un chef-d'œuvre.
-
- Il ne nous reste plus qu'à parler des tableaux qui n'ont pas de
- date certaine. Parmi ceux-là nous trouvons, à Venise, le célèbre
- _Ecce Homo_ qui doit avoir été peint en 1505 ou en 1506.--A
- Vienne, dans la galerie de Fries, la _Mort de la Vierge_. La tête
- de la mère du Christ est le portrait fidèle de Marie de Bourgogne,
- première femme de Maximilien. Au second plan, on reconnaît
- l'empereur, son fils et un grand nombre de contemporains célèbres.
- La beauté de la couleur, le fini des détails et la ressemblance
- des personnages historiques donnent un grand attrait à cette
- admirable peinture.--A Florence, dans la galerie des Offices, la
- _Madone avec l'Enfant_. Ce tableau est mal placé; cependant on
- remarque la grâce et la beauté de la Vierge: on jurerait une de
- ces belles toiles de Jules Romain ou de son illustre maître. A
- Schleissheim, _la Vierge, sainte Anne et l'Enfant Jésus endormi_,
- tableau d'une exécution irréprochable, et une _Mater dolorosa_
- debout, les mains jointes.--Citons encore un _Ecce Homo_ qui, pour
- ne pas valoir celui de Venise, n'est pas moins une fort belle
- chose dont la chapelle de Moritz, de Nuremberg, peut tirer grande
- vanité.--_Hercule tuant les Harpies_ est un tableau peint à la
- détrempe; il en reste juste assez pour faire voir qu'il a été
- superbe et combien on doit le regretter.--Les _Bustes des
- empereurs Charles et Sigismond_, du château de Nuremberg, belles
- figures puissantes et majestueuses, peintes avec une grande sûreté
- de main.--Dans la galerie de Schleissheim, le _Portrait d'un jeune
- savant_, bon ouvrage exécuté à la détrempe, infiniment mieux
- conservé que l'_Hercule_ dont nous avons déploré la fin
- prématurée.--A Anvers, au musée Van Ertborn, une _Mater dolorosa_.
- La Vierge, vêtue d'un manteau vert, est assise les mains jointes.
- Ce tableau est très-beau, très-fini, d'une couleur très-intense et
- d'une conservation parfaite; Otto Mündler l'attribue à Altdorfer.
- Il est peut-être d'Albert Dürer; les hommes distingués qui ont
- rédigé le livret du musée d'Anvers se contentent de dire qu'il
- appartient à l'école allemande. En Espagne ou en Italie on le
- donnerait sans hésiter à Albert Dürer. En Belgique, dans le doute,
- on s'abstient toujours, ce qui est à la fois plus honnête et plus
- habile.
-
- Faut-il parler ici des peintures dont le musée de
- Saint-Pétersbourg gratifie trop généreusement Albert Dürer? Comme
- elles n'ont pas sur elles leur extrait de naissance ou leur
- passe-port, ce qui n'est pas toujours la même chose, nous aimons
- mieux les oublier pour n'avoir pas à les débaptiser.
-
- La bibliothèque Ambroisienne de Milan possède la _Conversion de
- saint Eustache_, dont Albert Dürer a fait une de ses plus belles
- gravures.
-
- A Rome, il y a un tableau de Dürer, où il nous montre des _Avares_
- repoussants, à force d'être vrais, et une copie de l'_Adoration
- des rois_, que l'on voit à Florence. Tout le monde croit qu'elle
- est faite par un des bons élèves de Dürer. Le directeur du musée
- seul déclare avec assurance que c'est un original. Dans trois ans,
- si Dieu prête vie à ce galant homme, ce que je désire de tout mon
- cœur, il assurera avec le même aplomb que le tableau de Florence
- est une simple contrefaçon;--trois ans plus tard, il nommera
- l'élève de Dürer qui l'a fait d'après celui de Rome; il dira, si
- on l'exige, combien de temps il a employé à ce travail, où il
- était logé, ce qu'il mangeait à ses repas, et il ne croira pas
- mentir. Rien ne peut être comparé à l'imagination d'un
- propriétaire de tableaux. Et un directeur de musée n'est-il pas
- propriétaire de tous les tableaux qu'il a sous sa garde?
-
- Nous trouvons, à Turin, une _Déposition de croix_ d'une belle
- couleur, et un _Ermite en prière_, qui pourrait bien être de
- Heinrich Aldegrœver.
-
- Dans la galerie du prince de Liechtenstein, à Vienne, il y a deux
- volets de triptyque dont le panneau central est absent: ce sont
- deux portraits en pied qui ne manquent pas de majesté et une
- petite esquisse à peine ébauchée, vrai chef-d'œuvre de naïveté.
-
- A Dresde, on montre un portrait que l'on assure être celui de
- Lucas de Leyde, qu'Albert Dürer a fait à Anvers, en 1520, et dont
- il parle dans ses notes de voyage.--Un _Portement de croix_ en
- figurines et en grisailles, et un _Lapin_ à la gouache sur
- parchemin, d'une vérité parfaite;--il amuse beaucoup les enfants,
- les grandes personnes se contentent de l'admirer.
-
- Nous trouvons dans le musée de Madrid deux _allégories_
- philosophiques et chrétiennes peintes sur des panneaux longs et
- étroits. Comme dans l'un et dans l'autre la mort joue le rôle
- principal, on prétend qu'ils ont été commandés par un seigneur du
- temps qui avait le spleen.
-
- Et enfin les apôtres Pierre et Jean, Paul et Marc, que l'on admire
- à Munich, salle première, sous les numéros 71 et 76. Ils ne
- portent aucune date, mais le livret de la pinacothèque nous
- apprend qu'ils ont été faits en 1527, c'est-à-dire un an avant la
- mort d'Albert Dürer. Ces quatre apôtres pourraient être signés:
- Raphaël ou Fra Bartholomeo. Quelle élévation de style, quelle
- grandeur imposante et quelle noblesse! On les reconnaît, ce sont
- bien eux qui ont porté la parole du Christ par la terre entière.
- En peignant l'apôtre saint Jean, Albert Dürer lui a donné la belle
- et sympathique figure de Schiller. On dirait que le grand peintre
- a pressenti la venue du grand poëte et qu'il a voulu d'avance
- faire son portrait.
-
- On remarquera sans doute que nous n'avons pas cité une seule fois
- Paris dans ce rapide travail; c'est qu'en effet notre musée
- impérial, qui contient quelques beaux dessins du Raphaël de
- l'Allemagne, n'a pas une seule de ses admirables peintures. Je
- n'accuse personne, je sais combien notre surintendant est artiste;
- je sais aussi, sans qu'il me l'ait dit, avec quelle joie il
- payerait, non pas au poids de l'or, ce serait trop bon marché, au
- poids du rubis, un tableau qui porterait la signature d'Albert
- Dürer ou son célèbre monogramme. Mais ceux qui ont le bonheur de
- posséder ces inimitables chefs-d'œuvre les gardent. Il lui serait
- facile de se procurer quelques-unes des innombrables contrefaçons
- que l'on fabrique par un procédé qui est d'une déplorable
- simplicité; le voici: on colle sur une plaque de cuivre une
- gravure du maître, on la met en couleur; on a soin de respecter le
- monogramme; on la vernit, on l'envoie en Hollande, d'où elle
- revient sans toucher terre; on la conduit à l'hôtel Drouot, où on
- la sert aux banquiers enrichis en un jour qui se font une galerie
- en une heure.
-
- Si notre surintendant n'était pas lui-même un artiste distingué,
- il se laisserait prendre à ce piége, car il est quelquefois assez
- vraisemblablement ourdi, et nous aurions, comme quelques musées
- étrangers, une demi-douzaine d'Albert Dürer. Mais combien nous
- préférons l'absence du chef de l'école nurembergeoise à ces toiles
- douteuses qui font hausser les épaules aux vrais connaisseurs! Il
- y a encore assez de tableaux authentiques d'Albert Dürer dans les
- mains des particuliers, pour qu'un bon vent nous en amène un; s'il
- faut le payer cher, on le payera cher!
-
- Les musées de province ne sont guère plus riches que celui de
- Paris. Cependant Lyon a un _ex-voto_ de l'empereur Maximilien
- signé du portrait de Dürer lui-même, et Limoges un magnifique
- tableau peint sur fond d'or.
-
- Dans la relation de son voyage en Flandre, Albert Dürer passe en
- revue la plus grande partie de ses gravures. Nous compléterons,
- chemin faisant, les renseignements qu'il donne lui-même, et nous
- prierons le lecteur qui voudra de plus amples détails de consulter
- l'_Abecedario de Mariette_, publié et annoté par MM. de
- Chenevières et de Montaiglon, M. Charles Blanc, qui parle
- longuement et savamment de l'œuvre gravé d'Albert Dürer dans son
- admirable _Histoire des peintres_, Heller, qui a corrigé Bartsch,
- M. Passavant, qui a corrigé Heller, et M. Émile Galichon qui, lui,
- n'a voulu corriger personne, et a pourtant écrit un fort bon
- ouvrage sur les gravures d'Albert Dürer.
-
- Nous l'avons dit, Albert Dürer ne fut pas seulement peintre et
- graveur, il embrassa tous les arts et excella dans tous. Il fut
- orfévre, mais aucun de ses travaux n'est resté. Sandrart nous
- apprend qu'il a ciselé sept sujets de la Passion, mais il ne les a
- pas vus.
-
- On lira dans le _Voyage en Flandre_ qu'il fit beaucoup de dessins
- pour les orfévres. On verra, dans la même relation, qu'il s'occupa
- aussi d'architecture; entre autres travaux, il dessina au lavis le
- plan d'une maison pour le médecin de dame Marguerite, et le
- British Museum possède le plan d'une fort belle fontaine qu'il a
- dessiné à la plume; malheureusement, cette fontaine est restée à
- l'état de projet.
-
- Il fut aussi ingénieur comme Léonard de Vinci et Michel-Ange.
- C'est lui qui dirigea les travaux de fortifications de la ville de
- Nuremberg.
-
- Comme sculpteur, on lui donne: 1º un petit bas-relief en pierre,
- représentant la naissance de saint Jean-Baptiste (il est conservé
- au British Museum); 2º deux statuettes, Adam et Ève (au musée de
- Gotha); 3º deux madones, bas-reliefs sculptés en bois; deux femmes
- nues, vues l'une de face, l'autre de dos, bas-reliefs en marbre (à
- Munich); 4º un saint Jean prêchant dans le désert, bas-relief (à
- Brunswick); 5º divers ouvrages exécutés en ivoire et en bois (à
- Dresde, dans la collection des Grünes Gewölbe); 6º une arquebuse
- (à Vienne); 7º plusieurs bas-reliefs en bois et en pierre
- lithographique, avec le monogramme d'Albert Dürer (à Paris, au
- Louvre, et à Bruges, au séminaire). Mais nous n'acceptons la plus
- grande partie de ces ouvrages que sous bénéfice d'inventaire. Les
- numismates lui attribuent aussi plusieurs médailles.
-
- Voici un pfenning qu'il grava pour Martin Luther:
-
- [Illustration]
-
- Le premier livre d'Albert Dürer est intitulé: _Traité de
- géométrie, ou Méthode pour apprendre à mesurer avec la règle et le
- compas_. Cet ouvrage est mûrement pensé et écrit clairement. On
- voit que l'auteur est convaincu de ce qu'il avance, à savoir «que
- la géométrie est le vrai fondement de toute peinture, et que, sans
- posséder à fond cette science, personne ne peut devenir un bon
- peintre.»
-
- Ce traité était fort estimé au XVIe siècle.--A la demande d'Agnès
- Frey, Joachim Camerarius en fit une traduction qui fut publiée à
- Paris, _ex officina Christiani Welcheli_.
-
- _Sub scuto Basilensi_ M. D. XXXV.
-
- A la même époque, le même éditeur mit en vente une traduction
- latine du _Traité sur les fortifications des villes, châteaux et
- bourgs_, qu'Albert Dürer avait publié en 1527, et qu'il avait
- dédié au roi de Hongrie, Ferdinand, frère de Charles-Quint.
-
- L'ouvrage intitulé: _Les quatre livres des proportions humaines_,
- qui a été écrit en 1523, n'a été publié qu'après la mort d'Albert
- Dürer, par les soins de sa femme, qui n'a rien négligé pour en
- retirer un bon prix; il a aussi été traduit en latin par
- Camerarius, et en français par Loys Meygret, de Lyon. Nous ne
- dirons rien de cet ouvrage, puisqu'on peut le lire en français; il
- y en a un exemplaire à la Bibliothèque impériale. Outre les trois
- traités dont nous venons de parler, on conserve à la Bibliothèque
- de la Madeleine, à Breslau, un livre sur l'escrime qui doit être
- authentique. On sait combien Albert Dürer aimait tous les
- exercices du corps.
-
- Un ouvrage sur les proportions du cheval, qu'on lui attribue,
- n'est pas de lui, si l'on en croit Camerarius, qui est digne de
- foi.
-
-
-On l'a souvent comparé à Raphaël, mais du côté de l'universalité des
-connaissances, il a bien plus de points de contact avec Michel-Ange.
-
-J'ai vu quelque part qu'on lui reconnaît aussi le talent de l'écrivain.
-On prétend même qu'il a contribué à fixer la langue allemande,--mais
-c'est là une assertion que je ne peux admettre. Pour ses traités
-didactiques, il est certain que Pirkeimer y mettait la main, car ils
-diffèrent notablement, comme style et comme orthographe, de sa
-correspondance intime. Dans ses lettres à Pirkeimer, le même mot est
-écrit parfois de quatre ou cinq façons différentes, et l'on ne peut
-s'empêcher de rire à la vue de ses essais de versification.
-
-Comme artiste, Albert Dürer est un des esprits les plus originaux que je
-connaisse. C'est un peintre qui est avant tout de son pays et de son
-époque, grande qualité, si l'on y réfléchit, et à ce titre il mérite
-pleinement la qualification de père de l'école allemande.
-
-Vasari, Lambert-Lombart, Mariette, et quelques autres auteurs anciens et
-modernes ont regretté qu'Albert Dürer ne fût pas né en Italie, et ils lui
-ont reproché sérieusement de n'avoir pas été à Rome étudier l'antique. Ce
-sont là des idées étroites et puériles que l'on est étonné de trouver
-chez des écrivains d'une valeur réelle. S'il fallait en croire certains
-critiques trop exclusifs, l'art ne serait bientôt plus qu'une formule,
-car pour eux le beau n'a qu'un type unique en qui réside une perfection
-absolue. Ce serait un moule où les esprits les plus divers viendraient
-prendre une empreinte fastidieusement uniforme. C'est une folie que ce
-nouveau lit de Procruste, car le beau est dans tout, dans l'harmonie des
-proportions, comme dans la profondeur du sentiment, dans l'éclat de la
-couleur, comme dans la correction du dessin.
-
-Ces dernières idées étaient aussi celles d'Albert Dürer.
-
-«L'homme qui cherche le beau, dit-il, rencontre le multiple et le
-divers, et il y a plusieurs voies pour atteindre à la beauté.»
-
-Il a entrevu l'accord et l'agrément de la nature, jusque dans ses
-difformités, et il a deviné la beauté des diverses races. «Il y a des
-corps d'Éthiopiens, ajoute-t-il, où la nature a mis une telle convenance
-et une telle harmonie, qu'on ne peut rien concevoir de plus parfait.» On
-le voit, il n'a pas inventé, comme on l'a prétendu, la fameuse phrase: Le
-beau, c'est le laid. Quand son modèle est beau, il le fait beau, témoin
-le _Jeune homme_ de la galerie de Vienne, témoin le _Saint Jean_, de
-Munich.
-
-Du reste, mille circonstances viendraient empêcher cette fusion, si
-quelqu'un était assez fou pour la tenter, et pour n'en citer qu'une
-seule, la variété des climats maintiendra toujours une différence
-fondamentale entre le peintre allemand et le peintre italien. Du temps de
-Dürer, une autre cause encore venait accentuer cette différence entre les
-deux écoles. Les anciens peintres allemands procédaient des Byzantins
-comme les Italiens; cependant, le développement de l'art se faisait de
-part et d'autre dans des conditions toutes différentes.
-
-Les Italiens, ayant sous les yeux les trésors de la statuaire antique,
-ont pu acquérir rapidement la pureté et la correction du dessin. Ils ont
-appris à donner à leurs figures cette souplesse et cette élégance de
-pose, et à les revêtir de draperies artistement disposées. Les Allemands,
-au contraire, n'avaient qu'un modèle: la nature. Aussi, si leurs poses
-ont quelque roideur, si leurs têtes sont presque toutes des portraits,
-ils ont un grand charme et une délicieuse naïveté dans l'expression. Ils
-sont, en quelque sorte, restés plus près de la vérité.
-
-Albert Dürer a conservé quelques-uns des défauts de ses prédécesseurs,
-mais il a recueilli le riche héritage de leurs qualités; c'est non pas un
-réaliste, dans le sens moderne du mot, mais un _naturaliste_.
-
-Du reste, en laissant de côté ces préoccupations d'école, Albert Dürer
-est encore un génie de premier ordre. Ce qui le prouve, c'est que les
-plus grands peintres, Andrea del Sarto, le Pontorme, le Guide, n'ont pas
-dédaigné de lui faire de larges emprunts.--Le Guide a copié plusieurs
-figures du char de Maximilien dans la fresque de l'_Aurore_ qu'il a faite
-au palais Rospigliosi.
-
-Raphaël l'estimait fort, il lui envoya son portrait et quelques dessins
-précieux; il disait aussi avec franchise et naïveté:
-
-«En voilà un qui nous dépasserait tous, s'il avait pu contempler, comme
-nous, les chefs-d'œuvre de l'art.»
-
-Et pour que cet éloge parût plus sincère, tout partisan qu'il était de
-l'antique, il exposa plusieurs estampes du graveur allemand dans son
-atelier.
-
-Bernard Palissy connaissait et estimait les gravures d'Albert Dürer;
-voici ce qu'il en dit dans son livre intitulé: _de l'Art de terre_.
-
-«As-tu pas veu aussi combien les imprimeurs ont endommagé les peintres
-pourtrayeurs sçavans? J'ay souvenance d'avoir veu les histoires de
-Notre-Dame imprimées de gros traits, après l'invention d'un Alemand nommé
-Albert, lesquelles histoires vindrent une fois à tel mepris, à cause de
-l'abondance qui en fut faite, qu'on donnait pour deux liards chascune
-desdites histoires, combien que la pourtraiture fust d'une belle
-invention[2].»
-
- [2] OEuvres de Bernard Palissy, page 10 (_édition
- Ruault_,--1777); dans une note, on lit ceci: «En 1777, les pièces
- capitales se vendent jusqu'à 15 et 16 livres.» Que dirait donc
- l'auteur de la note, s'il savait que j'en ai vu vendre une,
- dernièrement, 1,200 francs?
-
-Albert Dürer est né à Nuremberg, le 20 mai 1471, au moment où cette ville
-était dans toute sa splendeur; mais cédons la parole au chef de l'école
-allemande et laissons-le se présenter lui-même tenant toute sa famille
-par la main.
-
-Nous traduisons mot à mot les notes de famille, recueillies par Albert
-Dürer et laissées dans ses papiers. Elles diront mieux qu'on ne l'a fait
-jusqu'à ce jour l'origine et les commencements du célèbre artiste.
-
-Nous sommes tellement sûrs que rien de ce qui a été écrit par un homme
-comme Albert Dürer ne peut être indifférent au public, que nous donnons
-ces notes sans en élaguer les passages qui pourraient peut-être paraître
-un peu longs, s'ils venaient d'un personnage moins sympathique.
-
-
-NOTES DE FAMILLE
-
-RECUEILLIES PAR ALBERT DURER.
-
-
-Moi, Albert Durer le jeune, j'ai appris par les papiers que j'ai trouvés
-chez mon père, où il est né, comment il est venu à Nuremberg et comment
-il est mort saintement.
-
-Que Dieu lui soit miséricordieux! _Amen!_
-
-
-ANNÉE 1524.
-
-Albert Dürer le vieux est né dans le royaume de Hongrie, près de Jula, à
-8 milles au-dessous de Wardein, dans un petit village appelé Eytas, où sa
-famille élevait des bœufs et des chevaux.
-
-Mon grand-père se nommait Antony Durer; jeune encore, il vint habiter
-Jula et se mit en apprentissage chez un orfévre. Il épousa une jeune
-personne appelée Élisabeth dont il eut une fille, Catharina, et trois
-garçons. L'aîné, mon père, est aussi devenu un très-honnête et
-très-habile orfévre. Ladislas, le second, se fit sellier; il est le père
-de mon cousin Nicolas Durer qui demeure à Cologne et qu'on appelle
-Nicolas le Hongrois; il a appris le métier d'orfévre à Nuremberg chez mon
-père. Le troisième fils, Jean, eut la permission d'étudier; il fut
-ordonné prêtre et desservit pendant plus de trente ans la cure de
-Wardein.
-
-Mon père, Albert Durer, est d'abord venu en Allemagne, puis il a séjourné
-assez longtemps dans les Pays-Bas, où il a vécu dans l'intimité des
-grands artistes, et définitivement il s'est fixé à Nuremberg, l'an 1454,
-à la Saint-Louis, le jour même que Philippe Pirkeimer avait choisi pour
-faire ses noces sur les remparts; on dansa longuement et allégrement sous
-les grands tilleuls.
-
-Mon cher père entra chez Jérôme Haller qui est devenu depuis mon
-grand-père; il est resté à son service jusqu'en 1467. Alors il lui
-demanda la main de sa fille Barbara, une jeune personne jolie et
-éveillée, à peine âgée de quinze ans. Haller la lui accorda et les noces
-furent faites huit jours avant _viti_.
-
-Il est bon de savoir que ma grand'mère maternelle était fille d'Oellinger
-de Weissenburg, et qu'elle s'appelait Cunégonde.
-
-Du mariage de mon cher père et de ma chère mère sont nés les enfants dont
-les noms suivent:
-
-_Tout ce qu'on va lire maintenant, je l'ai copié mot à mot dans le livre
-de mon père._
-
-I.--L'année 1468 après la naissance de Jésus-Christ, le jour de
-Sainte-Marguerite, ma femme Barbara accoucha de ma fille aînée. La
-vieille Marguerite de Weissenburg fut sa marraine; elle donna à l'enfant
-le nom de sa mère.
-
-II.--_Item._ En 1470, à la Sainte-Marie du carême, vers deux heures du
-matin, ma femme accoucha d'un fils. Il fut tenu sur les fonts par
-Frédéric Roth de Bayreuth, qui l'appela Hans[3].
-
- [3] Jean.
-
-III.--_Item._ L'année 1471, à six heures du soir, un vendredi de la croix
-(la semaine avant la Pentecôte), le jour de Sainte-Prudence, un autre
-fils nous arriva. Son parrain Antoine Koberger[4] le nomma Albert, pour
-m'être agréable.
-
- [4] Célèbre imprimeur de Nuremberg.
-
-IV.--_Item._ En 1472, vers trois heures du matin, à la Saint-Félix, ma
-femme me donna un quatrième enfant. Il se nomma Sebald, comme son
-parrain, Sebald Hotzle.
-
-V.--_Item._ En 1473, le jour de Saint-Ruppert, à six heures, Barbara
-accoucha d'un cinquième enfant que son parrain, Hans Schreiner de Laufer
-Thor, appela Jérôme, comme mon beau-père.
-
-VI.--_Item._ L'année 1474, à la Saint-Domitien, vers sept heures, ma
-femme me donna mon sixième enfant. Son parrain Ulric Mank, l'orfévre, le
-nomma Antoine.
-
-VII.--_Item._ En 1476, à la Saint-Sébastien, vers une heure, Barbara me
-fit cadeau d'une fille. Sa marraine, demoiselle Agnès Bayrin, lui donna
-son nom.
-
-VIII.--_Item._ A une heure de là ma femme accoucha, au milieu de douleurs
-intolérables, d'une seconde fille que l'on crut devoir baptiser
-immédiatement. On lui donna le nom de Marguerite.
-
-IX.--_Item._ En 1477, le premier mercredi après la Saint-Louis, ma
-ménagère me donna encore une fille, qui s'appela Ursule comme sa
-marraine.
-
-X.--_Item._ L'année 1478, à trois heures de la nuit, le lendemain de
-Saint-Pierre et Saint-Paul, Barbara accoucha d'un fils que son parrain,
-Hans Sterger, un ami de Sohmbachs, nomma Hans.
-
-XI.--_Item._ En 1479, à trois heures du matin, à la Saint-Arnold, un
-dimanche, ma femme me fit présent d'une fille à qui Agnès Fritz-Fischer,
-sa marraine, donna son nom.
-
-XII.--_Item._ L'année 1481, à une heure, le jour de Saint-Pierre, Barbara
-mit au monde notre douzième enfant,--un garçon.--Nicolas, le commis de
-Josse Haller, fut son parrain et l'appela Pierre.
-
-XIII.--_Item._ En 1482, à quatre heures du matin, le mardi avant la
-Saint-Bartholomé, ma femme accoucha d'un enfant du sexe féminin.--Sa
-marraine, Catherine, la fille de Brintwar, lui donna son nom.
-
-XIV.--_Item._ En 1484, le jour de la Saint-Marc, à une heure après
-minuit, Barbara me donna mon quatorzième enfant; il s'appelle André,
-parce que son parrain André Stromayer a voulu lui donner son nom.
-
-XV.--_Item._ L'année 1486, la veille de la Saint-Georges, à midi, ma
-femme accoucha d'un fils; Sebald de Lochheim fut son parrain et l'appela
-Sebald.
-
-C'est le second de mes enfants qui porte ce nom.
-
-XVI.--_Item._ En 1488, le vendredi avant l'Ascension, à midi, Barbara mit
-au monde une fille, à qui sa marraine, la femme de Bernard Walter, donna
-le nom de Christine, qu'elle portait elle-même.
-
-XVII.--_Item._ L'année 1490, le dimanche du Carnaval, à deux heures après
-minuit, ma femme donna le jour à un enfant du sexe masculin; M. George,
-le digne vicaire de Saint-Sebald, fut son parrain et l'appela Hans.
-
-C'est le troisième de mes enfants qui porte ce nom.
-
-XVIII.--_Item._ En 1492, le jour de la Saint-Cyriac, à deux heures avant
-le soir, Barbara me donna mon dix-huitième et dernier enfant. M. Charles
-d'Oehsenfurt, son parrain, l'appela Charles.
-
-A l'heure qu'il est, presque tous ces frères et sœurs, enfants de mon
-cher père, sont morts, les uns tout jeunes, les autres un peu plus tard.
-Trois d'entre nous ont survécu et vivront tant qu'il plaira à
-Dieu.--C'est mon frère André[5], mon frère Jean[6], et moi, Albert.
-
- [5] Celui-ci a survécu à Albert, et fut son héritier.
-
- [6] Jean fut peintre du roi de Pologne.
-
-Albert Durer le vieux a passé sa vie au milieu des plus grandes
-privations et des plus rudes labeurs. Pour nourrir sa femme et élever ses
-enfants, il n'avait pas d'autres ressources que le travail de ses mains.
-Aussi n'a-t-il jamais été bien riche.--Mais comme il eut le courage de
-supporter honorablement et chrétiennement l'adversité, il fut loué et
-estimé de tous ceux qui l'ont connu. Il fut un homme patient, pieux et
-doux; plein de bienveillance pour tout le monde et très-reconnaissant
-envers Dieu, malgré sa misère. Il fuyait les plaisirs, n'aimait pas la
-société et parlait fort peu.
-
-Mon cher père avait grand soin de ses enfants, qu'il élevait d'une façon
-très-convenable, afin qu'ils fussent agréables à Dieu et aux hommes; il
-nous recommandait sans cesse d'honorer le souverain créateur de toutes
-choses et de vivre honnêtement avec notre prochain.
-
-Il nous aimait tous, mais il avait principalement de l'affection pour
-moi. Voyant que j'étais studieux, il me laissa aller à l'école; quand je
-sus lire et écrire, il me fit rester à la maison et m'apprit l'état
-d'orfévre. Je travaillai bientôt très-convenablement. Cependant, mon
-inclination me portait vers la peinture; je m'en expliquai avec mon père,
-qui me reçut d'abord fort mal; il regrettait le temps que j'avais perdu à
-apprendre l'état d'orfévre; il céda néanmoins à mes instances, et l'année
-1486, le jour de la Saint-André, il me plaça pour trois ans comme
-apprenti chez un grand peintre, nommé Michel Wohlgemuth[7].
-
- [7] Né à Nuremberg en 1434, mort en 1519 dans sa ville natale. On
- l'appelle généralement le Pérugin du Raphaël de l'Allemagne.
- Lorsque Albert Dürer entra chez Michel Wohlgemuth, ce peintre
- illustrait la _Chronique de Nuremberg_, livre célèbre, qui fut
- imprimé, pour la première fois, en 1493, par le parrain d'Albert,
- Antoine Koberger.
-
-[Illustration: ALBERT-DURER, P. AH. CABASSON, D. TAMISIER. Sc.]
-
-Pendant ces trois ans, Dieu me donna un grand courage; aussi mes progrès
-furent rapides,--mais j'eus beaucoup à souffrir de mes condisciples, qui
-auraient voulu en savoir plus que moi en travaillant moins.
-
-Quand mon apprentissage fut terminé, mon père me fit voyager; je restai
-absent jusqu'au jour où il lui plut de me rappeler. En 1490, après
-Pâques, je partis de nouveau, et je revins en 1494. Quand je fus à la
-maison depuis quelques jours, Hans Frey proposa à mon père de me
-donner sa fille Agnès, avec une dot de 200 florins;--il accepta, et les
-noces furent faites le lundi avant la Sainte Marguerite de la même année.
-
-Peu de temps après mon mariage, mon père tomba malade d'une dyssenterie,
-contre laquelle personne ne put rien.--Voyant approcher son heure
-dernière, il se résigna, me recommanda ma mère, et nous supplia de
-continuer à vivre en honnêtes gens; il reçut les saints sacrements et
-mourut en vrai chrétien, en 1502, la veille de la Saint-Matthieu, vers
-minuit, comme je l'ai déjà écrit longuement dans un autre livre. Dieu
-veuille avoir son âme! Je pris mon frère Hans chez moi, et nous mîmes
-André en pension.
-
-Deux ans après la mort de mon père, je pris aussi ma mère avec moi, car
-elle n'avait plus rien. En 1513, elle tomba subitement malade.
-
-Sa maladie dura une année entière, et elle fut mourante du premier au
-dernier jour, le 17 mai 1514, deux heures avant la nuit; après avoir été
-administrée, elle succomba.
-
-J'ai prié Dieu de l'avoir en sa sainte garde.
-
-En 1521, le dimanche avant la Saint-Barthélemy, dix-huitième jour du mois
-d'août, ma chère belle-mère se mit au lit, et le 29 septembre, à neuf
-heures de la nuit, elle mourut pieusement.
-
-En 1523, à la fête de la Présentation, de grand matin, est mort, après
-avoir reçu les saints sacrements, mon honoré beau-père Hans Frey, qui a
-été malade près de six longues années, et qui a aussi eu à essuyer de
-grandes adversités dans cette vie.
-
-Dieu tout-puissant, sois-lui miséricordieux!
-
-
-Rien dans les papiers de Dürer ne dit positivement où il a voyagé de 1490
-à 1494; mais Roth (J.-F.), diacre de l'église Saint-Jacques à Nuremberg,
-dans un livre intitulé _Leben Albrecht Dürer_, publié en 1791, nous dit:
-«En 1490, Albert Dürer voyagea à travers l'Allemagne, les Pays-Bas et
-poussa jusque dans la Vénétie.»
-
-Une phrase de la deuxième lettre à Pirkeimer nous fait penser que Roth a
-raison; du reste un voyage de Nuremberg à Venise était chose très-peu
-extraordinaire à la fin du XVe siècle. Les relations des deux villes
-étaient très-suivies; une grande quantité de marchands de Nuremberg
-avaient une succursale de leur maison à Venise, et un messager partait
-chaque semaine de Nuremberg et un autre de Venise.
-
-Beaucoup de jeunes gens visitaient l'Italie pour compléter leurs études;
-ajoutons que l'on voit dans une des gravures du maître, faite avant 1506,
-une gondole comme celles que l'on ne rencontre que sur l'Adriatique, et
-le marinier la conduit trop bien à la façon des Vénitiens, pour n'avoir
-pas été dessiné d'après nature.
-
-Sandrart assure qu'il séjourna dans les Pays-Bas; mais dans ses notes de
-voyage, Albert Dürer ne fait pas une seule fois allusion à une visite
-antérieure.
-
-En 1492, il traversa Colmar, nous dit Scheurl, qui prétend le tenir
-d'Albert Dürer lui-même; il fut fort bien reçu par les trois frères de
-Martin Schongauer (Martin le Beau), mais il eut le regret de ne pas voir
-le célèbre artiste qui, le premier, osa s'affranchir de l'imitation des
-peintres hollandais et remplacer la roideur et la sécheresse par la
-distinction et la grâce. Il était mort depuis quatre ans.
-
-De 1494 à 1505, Albert Dürer ne quitta pas Nuremberg, sa ville natale; il
-y vécut à l'ombre, dans l'étude, sans autre distractions que ses longs
-entretiens avec son ami Pirkeimer, qu'il appelait son second père et qui
-était un peu son professeur, à leur insu à tous les deux.
-
-J'ai visité sa triste maison[8]; j'y ai rencontré à chaque pas l'ombre
-exécrée de sa femme, cette abominable Agnès Frey, si belle, si honnête,
-si pieuse, si acariâtre, si intolérante et si avare. J'avais le cœur
-gros en pensant à ce qu'avait dû souffrir ce pauvre homme de génie
-pendant les longues années qu'il a passées avec ce monstre charmant qui
-le tuait à petit feu.
-
- [8] Cette maison ou plutôt cette cage n'est intéressante que
- parce qu'elle a été habitée par le célèbre artiste pendant la
- plus grande partie de sa vie, et qu'il y a composé presque tous
- ses chefs-d'œuvre.--Elle est située à l'extrémité de la rue
- Albert Dürer et porte le numéro 376. Les murs sont construits
- avec des soliveaux entre-croisés, dont les intervalles sont
- remplis par la maçonnerie; les fenêtres sont nombreuses et
- larges; elle est coiffée d'un énorme toit rouge percé d'une
- grande quantité de lucarnes longues et basses comme ses voisines,
- dont elle n'a pas l'air de chercher à se distinguer.
-
- La tradition rapporte que, sur le pignon, à la hauteur du premier
- étage, s'avançait autrefois en saillie une loge vitrée qui servait
- d'atelier au maître; elle a été démolie, parce qu'elle menaçait
- ruine, et on a eu le tort de ne pas la reconstruire.
-
- La ville de Nuremberg a acquis cette maison et lui a donné une
- noble destination en la réservant aux assemblées de la _Société
- Albert Dürer_ et aux expositions permanentes d'objets d'art.--Les
- étrangers qui désirent visiter ce pieux souvenir historique sont
- fort bien accueillis par un artiste délégué, qui leur montre avec
- une grâce parfaite le rez-de-chaussée où Dürer faisait poser ses
- modèles; la grande salle du premier étage où le maître recevait
- ses élèves et ses amis, après ses longues journées de labeur,
- lorsque la belle Agnès l'autorisait à ne pas travailler le soir,
- ce qui était fort rare; et enfin le second étage où on voit la
- chambre à coucher d'Albert Dürer. C'est un réduit situé sur la
- cour, où le soleil n'a jamais daigné venir le saluer, et où un
- homme de moyenne taille peut à peine se tenir debout. Si j'offrais
- à mon domestique quelque chose de pareil, il m'aurait bientôt
- donné mon compte.
-
-Vers la fin de 1505, il partit pour Venise où il séjourna un an environ;
-c'est de là qu'il adressa à Bilibald Pirkeimer les huit lettres intimes
-que l'on trouvera plus loin.
-
-De 1506 à 1520, il ne sortit guère de son atelier.
-
-En 1520, il fit dans les Pays-Bas le célèbre voyage dont nous publions
-ici _in extenso_ la relation.
-
-A son retour en Allemagne, Albert Dürer reprit sa vie de travail presque
-en tête-à-tête avec son acariâtre épouse, car la mégère avait réussi à
-faire le vide autour de lui; mais une telle existence ne pouvait être
-longue. Le 6 avril 1528, le pauvre grand homme mourut d'épuisement et de
-chagrin, dans toute la force de son talent, à l'âge de 57 ans, sans
-enfants, laissant ses objets d'art à son frère André et sa fortune à sa
-femme, que ses compatriotes auraient tant voulu voir déshériter.
-
-La mort d'Albert Dürer affligea sérieusement ses nombreux amis.
-
-Nous avons cité des fragments de lettres, citons aussi quelques mots
-d'Érasme, qui était lié avec lui, mais qui était avant tout philosophe:
-
-_Quid attinet Dureri mortem deplorare, quum simus mortales omnes?
-Epitaphium illi paratum est in libello meo._
-
-Traduction:
-
-A quoi bon pleurer la mort d'Albert Dürer, puisque nous sommes tous
-mortels? Je lui ai fait une épitaphe dans mon petit livre.
-
-Avons-nous besoin de dire à ceux qui connaissent le cœur humain
-qu'Albert Dürer était admiré plus par les princes[9] que par ses
-égaux,--par les étrangers que par ses compatriotes, prouvant ainsi une
-fois encore l'éternelle vérité du proverbe: _Nul n'est prophète en son
-pays._
-
- [9] Un jour, l'empereur Maximilien fit pour Albert Dürer ce que
- Charles-Quint fit plus tard pour le Titien, et François Ier pour
- Benvenuto Cellini, il maintint en équilibre l'échelle sur
- laquelle le peintre était monté, et dit aux gentilshommes de sa
- suite: «Vous le voyez, messieurs, le génie d'Albert Dürer le
- place même au-dessus de l'empereur.»
-
- Un autre jour, Albert Dürer, dessinant sur une muraille, allait
- devoir interrompre son travail, parce qu'il ne se trouvait plus
- assez élevé, lorsque l'empereur Maximilien, qui était présent,
- ordonna à un de ses gentilshommes de se poser de façon que
- l'artiste pût se servir de lui pour s'exhausser. Le gentilhomme
- représenta humblement qu'il était prêt à obéir, bien qu'il trouvât
- cette posture fort humiliante; il ajouta qu'on ne pouvait guère
- plus avilir la noblesse, qu'en la faisant servir de marchepied à
- un peintre.
-
- «Ce peintre, reprit l'empereur, est plus que noble par ses
- talents; je peux d'un paysan faire un noble, mais d'un noble je ne
- ferais jamais un artiste comme Albert Dürer.» Le soir même, Albert
- Dürer fut anobli par l'empereur, qui lui donna pour armes trois
- écussons d'argent, deux en chef et un en pointe sur champ d'azur.
-
- Nous laissons la responsabilité de ces anecdotes à Karle de
- Mander, qui a fait des comédies charmantes et des fables fort
- spirituelles, dont il s'est un peu trop souvent souvenu quand il a
- écrit son histoire des peintres.
-
-[Illustration: Leon Gauchenel Sct.
- LA SAINTE TRINITE
- Dessin d'ALBERT DURER
- Collection de M. F. Reiset Imp. A. Salmon
- Gazette des Beau-Arts]
-
-Voici deux lettres qui attestent suffisamment ce que j'avance:
-
-
-LETTRE DE L'EMPEREUR MAXIMILIEN
-
-AUX MAGISTRATS DE LA VILLE DE NUREMRERG.
-
-«Honorables et chers fidèles,
-
-«Le soin qu'a toujours montré notre fidèle Albert Dürer dans l'exécution
-des dessins et des gravures que nous lui avons demandés; l'offre qu'il a
-faite de continuer de nous servir avec le même zèle, et dont nous
-avons ressenti un plaisir tout particulier; sa célébrité bien connue
-entre tous les peintres, nous ont fait résoudre de lui venir en aide et
-de le récompenser par une faveur toute spéciale.
-
-»Nous vous demandons donc avec instances sérieuses de vouloir bien
-l'exempter de tout impôt communal de ville et de toute autre
-contribution, en témoignage de notre amitié pour lui et en faveur de son
-art merveilleux auquel il est juste qu'il puisse s'adonner librement.
-
-«Nous espérons que dans aucun cas vous ne refuserez la demande que nous
-vous adressons, comme du reste il est convenable que vous le fassiez,
-tant pour nous être agréables, qu'en considération de l'art dont il
-importe de favoriser le développement parmi vous.
-
-«Vous reconnaîtrez ainsi la bienveillance particulière que nous vous
-avons toujours témoignée à vous et à votre ville.
-
-«Donné dans notre ville impériale de Landau, le douzième du mois de
-décembre 1512, de notre règne le vingt-septième.»
-
-_Ad mandatum Dmi imperatoris Mppria._
-
-
-LETTRE D'ALBERT DURER
-
-AUX MAGISTRATS DE LA VILLE DE NUREMBERG.
-
-«Honorables, sages et gracieux seigneurs,
-
-«Par mes travaux et avec l'aide de Dieu, pendant une longue suite
-d'années, j'ai acquis la somme de mille florins du Rhin, que je voudrais
-placer pour mon entretien.
-
-«Comme je sais que vous n'avez pas l'habitude de donner un intérêt
-très-élevé, et que vous avez souvent refusé un florin sur vingt, j'ai
-hésité longtemps à vous demander ce service; je m'y suis cependant
-résolu, par besoin d'abord, et aussi en songeant à la faveur toute
-particulière avec laquelle vos seigneuries m'ont traité en toute
-circonstance.
-
-«Vos seigneuries savent combien j'ai été dévoué et prêt à rendre service
-au conseil, dans les affaires publiques et particulières, partout où il a
-eu besoin de moi.
-
-«Dans notre ville, pour ce qui est de mon art, j'ai travaillé plus
-souvent gratis que pour de l'argent, et, depuis trente ans que j'habite
-ce pays, je puis le dire avec vérité, les travaux dont j'ai été chargé ne
-se sont pas élevés à 500 écus; somme peu considérable et sur laquelle je
-n'ai pas eu un cinquième de bénéfice.
-
-«J'ai gagné ma fortune, je veux dire ma pauvreté, qui, Dieu le sait, m'a
-été amère et m'a coûté bien des labeurs, avec les princes, les seigneurs,
-et d'autres personnes du dehors. Je suis le seul de cette ville qui vive
-de l'étranger.
-
-«Vos seigneuries n'ont pas oublié que feu l'empereur Maximilien, de
-glorieuse mémoire, m'avait exempté des charges de cette ville,--de son
-propre mouvement, et pour reconnaître les loyaux services que je lui
-avais rendus; depuis, j'ai renoncé à ce privilége, suivant les avis de
-quelques-uns des membres les plus anciens du conseil; je l'ai fait en
-l'honneur de mes maîtres et pour me conserver leurs bonnes grâces.
-
-«Il y a dix-neuf ans, le doge de Venise m'écrivit de venir demeurer dans
-cette ville, en m'offrant 200 ducats par an de provision.
-
-«Plus tard, la commune d'Anvers, pendant le peu de temps que je suis
-resté dans les Pays-Bas, m'a aussi offert 300 florins de Philippe par an,
-et elle y ajoutait le don d'une belle maison.
-
-«Dans l'une comme dans l'autre ville, tous mes travaux m'eussent été
-payés à part.
-
-«J'ai refusé tout cela par l'inclination et l'amour particulier que
-j'ai pour vos seigneuries, pour notre ville et pour ma patrie. J'ai
-préféré vivre simplement ici, que d'être riche et puissant ailleurs.
-
-[Illustration]
-
-«Je vous prie donc respectueusement de prendre en considération toutes
-ces choses, d'accepter les mille florins, que j'aime mieux savoir entre
-vos mains que partout ailleurs, et de m'en donner, comme une grâce
-particulière, cinquante florins d'intérêt par an, pour moi et ma femme
-qui, tous deux, devenons de jour en jour vieux, faibles et infirmes.
-
-«Je reconnaîtrai en cela l'intérêt que votre sagesse m'a témoigné jusqu'à
-ce jour et que je m'efforcerai sans cesse de mériter.
-
-«De vos seigneuries, le très-dévoué concitoyen,
-
- «ALBERT DURER.»
-
-Nous l'avons dit, nous le répétons, lorsqu'en 1528 la mort vint frapper
-Albert Dürer, il était arrivé à l'apogée de son génie.--Sa manière
-s'éloignait de plus en plus des peintures flamandes et allemandes, pour
-se rapprocher de celles des grands maîtres de l'Italie, qu'il allait
-peut-être égaler bientôt. Les lettres de Mélanchthon nous apprennent
-qu'Albert Dürer disait lui-même n'avoir connu la vraie beauté de la
-nature que fort tard; il comprit alors que la simplicité est le plus bel
-ornement de l'art. Il soupira en songeant à ses premières œuvres si
-compliquées, et il se plaignit de ne pouvoir plus atteindre son admirable
-modèle[10].
-
- [10] Memini virum excellentem ingenio et virtute Albertum Durerum
- pictorem dicere, se juvenem floridas et maxime varias picturas
- amasse, seque admiratorem suorum operum valde lætatum esse,
- contemplando hanc varietatem in sua aliqua pictura.
-
- Postea se senem cœpisse intueri naturam, et illius nativam faciem
- intueri conatum esse.
-
- Quam cum non prorsus adsequi posset, dicebat se jam non esse
- admiratorem operum suorum ut olim, sed sæpe gemere intuentem suas
- tabulas et cogitare de infirmitate sua, etc., etc.
-
- (_Epistolæ Ph. Melancthonis._, Ep. XLVII, page 42.)
-Albert Dürer est un grand peintre, mais c'est surtout à son œuvre
-gravé qu'il doit le premier rang qu'il occupe dans l'art.
-
-Comme graveur, personne ne peut lui être comparé, ni Marc-Antoine, ni
-Lucas de Leyde, ni Martin Schongauer, qui a été son premier maître, en
-dépit de l'éloignement, en dépit de la mort même qui l'enlevait le jour
-où Dürer père se décidait à envoyer son fils à Colmar pour suivre ses
-leçons.--C'est donc à la fin prématurée de cet homme, justement célèbre,
-que Wolhgemuth doit l'honneur d'avoir conservé un élève qui l'a fait
-connaître plus que ses ouvrages.
-
-Comme Martin Schongauer, le maître de Colmar, Albert Dürer réunit autour
-de lui de nombreux élèves: Hans Springinklie et Hans Schauflein, qui ont
-fourni d'admirables dessins aux graveurs sur bois; Barthélemy Beham, son
-cousin, Hans-Sebald Beham, Georges Penz, Henri Aldegraever, Jacob Binck,
-Albert Altdorfer, Hans Wagner de Kulmback, Mathias Gruenewald et Melchior
-Feselen, qui se servirent avec un égal talent du burin et du pinceau.
-Mais à la mort du maître, tous, excepté Henri Aldegraever, abandonnèrent
-la manière purement allemande; trois d'entre eux se firent même admettre
-dans l'atelier de Marc-Antoine et contribuèrent, après leur retour en
-Allemagne, à y répandre le style italien.
-
-Albert Dürer fut enterré à Nuremberg, dans le cimetière Saint-Jean, à
-quelques pas du Calvaire sculpté par Adam Kraft pour le compte du
-praticien Martin Kœtzel[11].
-
- [11] En 1477, un patricien de Nuremberg, nommé Martin Kœtzel,
- fit un voyage en Palestine. Pendant son séjour en Terre Sainte,
- il compta le nombre de pas qui séparent la maison de Pilate du
- Golgotha. Son dessein était de mesurer une distance égale, à
- partir de sa maison de Nuremberg jusqu'au cimetière Saint-Jean,
- et de faire sculpter, par l'illustre statuaire Kraft, sept
- stations dans l'intervalle et un calvaire avec le Christ, et les
- deux larrons à l'extrémité.--Qu'arriva-t-il?--Le patricien
- perdit-il la mémoire ou ses notes? On l'ignore. Ce que l'on sait,
- c'est que, revenu chez lui, il n'avait plus ses mesures. Onze ans
- après, en 1488, il entreprit un nouveau pèlerinage pour pouvoir
- faire de nouveau son calcul sur place, et au retour il fut assez
- heureux pour trouver Adam Kraft plein de vie et dans toute la
- force de son talent. Cette fois, il ne perdit pas une seconde,
- son œuvre pie fut exécutée et fort bien, si l'on en juge par les
- morceaux que le temps n'a pas dévorés.
-
-Pirkeimer fit inscrire ces mots sur la tombe de son ami:
-
- _Me. al. du.
- Quidquid Alberti Dureri mortale
- fuit, sub hoc conditur tumulo.
- Emigravit VIII. idus aprilis.
- M. D. XXVIII._
-
-[Illustration]
-
-Lorsque Sandrart visita le cimetière Saint-Jean à Nuremberg, il fut fort
-ému en trouvant la tombe d'Albert Dürer délaissée et dans un état complet
-de délabrement. Il s'en plaignit avec amertume, et ne s'en tint pas aux
-plaintes comme cela arrive trop souvent; il eut la pieuse pensée de faire
-réparer les dégâts et de graver sur une plaque de bronze cet éloge que
-l'on peut lire encore aujourd'hui sur la pierre, qui n'a pas été changée
-depuis 1681:
-
- _Vixit Germaniæ suæ decus
- Albertus Durerus,
- Artium lumen, sol artificum,
- Urbis patriæ nor. Ornamentum,
- Pictor, chalcographus, sculptor
- Sine exemplo, qui omniscius
- Dignus inventus exteris,
- Quem imitandum censerent,_
- _Magnes magnatum, eos ingeniorum
- Post sesquiseculi requiem,
- Quia parem non habuit,
- Solus hic cubare jubetur,
- Tu flores sparge viator.
- A. R. S. MDCLXXXI.
- Opt. mer. F. cur.
- J. DE. S._
-
-A côté de cette légende latine s'en trouve une seconde en vers allemands:
-
- _Die ruhe Künsler Fürst du mehr als grosser Mann
- In Vielkunst hat es dir noch keiner gleich gethan
- Die Erd ward ausgemalt der Himmel dich jetzt hat
-Du maltest (malest) Heilig pum dort an der Gottes stadt
- Die Bau-Bild-Malerkunst die neppen Dich Patron
- Und setzen dir nun auf im Tod die Lorbeerkron_
-
-Traduction:
-
- Repose ici, prince des artistes, toi qui fus le plus grand des hommes.
- Dans plus d'un art, personne ne t'a encore égalé;
- Tu as peint la terre, et maintenant le ciel te possède;
- Devenu saint, tu peins là-haut dans la cité de Dieu.
-Les maîtres de l'architecture, de la sculpture et de la peinture te
- nomment leur maître
- Et maintenant, dans la mort, te couronnent de lauriers.
-
-En 1840, la Bavière reconnaissante a élevé un monument à la mémoire
-d'Albert Dürer, dont le génie multiple fut l'étincelle qui illumina
-l'Allemagne entière et la fit, à la fin du XVe siècle, la rivale sérieuse
-de l'Italie.
-
-Au bas de la rue de la Montagne (Berg-Strasse), entre la maison de Pilate
-et la maison d'Albert Dürer, on voit une statue de onze pieds de haut,
-modelée, à Berlin, par Rauch, et fondue, en 1839, à Nuremberg.
-
-Albert Dürer est vêtu d'une longue robe fourrée de belles pelleteries; il
-porte les cheveux pendants sur ses épaules, en boucles soyeuses. Quant au
-caractère de la figure, le sculpteur s'est inspiré des nombreux portraits
-peints par le maître lui-même.
-
-Les personnes qui ne connaîtraient que le portrait de face, que l'on voit
-aujourd'hui à la pinacothèque de Munich, admettraient peut-être
-difficilement d'abord les profils de la statue de Rauch.--On en pourrait
-dire autant de celles qui n'auraient vu que celui du musée de Lyon, où
-Albert Dürer s'est peint de trois quarts.--Dans l'un, le premier, il a
-vingt-cinq ans à peine; il est pourtant déjà rêveur; sur son visage
-amaigri et mystique, on n'aperçoit aucune saillie qui annonce la force;
-tout est douceur et mélancolie. On le prendrait volontiers pour un des
-disciples de Jésus-Christ, ou pour Jésus-Christ lui-même.
-
-Dans l'autre, au contraire, on trouve une figure mâle, à laquelle les
-arêtes vives du nez et les lignes nettes des lèvres et du front donnent
-une incontestable expression de vigueur.
-
-Rauch a pris un moyen terme entre ces deux types si dissemblables. Sa
-statue est plus idéalisée que la peinture réaliste de Lyon, et moins
-extatique que celle de Munich; c'est un chef-d'œuvre parmi les
-chefs-d'œuvre du maître prussien.
-
-Un mot encore avant de terminer cette étude, qui est déjà un peu bien
-longue.
-
-La gloire d'Albert Dürer est un tout éblouissant, mais dont les rayons
-sont distincts: son imagination est inépuisable, sa naïveté est pleine de
-grâce, sa touche est savante, son dessin est humain et vigoureux. Son
-exécution est large et puissante; sous sa couleur délicate et vive on
-discerne la science anatomique aussi facilement qu'on distingue la couche
-calcaire d'un coquillage sous la nacre irisée qui la recouvre. Son
-bonheur est extrême dans le choix de ses sujets; il y groupe savamment
-les personnages; mieux que personne de son temps et du nôtre, il sait
-allier dans les plis de ses draperies l'élégance et le goût à je ne sais
-quelle grandeur sauvage; ses ciels sont lumineux comme son génie. Ses
-paysages sont pittoresques et accidentés; on comprend, en les regardant,
-que l'artiste est allé au delà de la réalité chercher, grâce à son
-imagination, le doux rêve qu'il ne trouve pas sous son toit.
-
-Les critiques n'ont pas manqué à sa gloire; on lui a reproché ses femmes
-nues, qui sont plutôt une tristesse qu'une défaillance. Puis, comme si
-l'honnête homme ne devait pas avoir souci d'achever son œuvre, on lui a
-reproché encore le fini précieux de ses peintures: à notre époque, on lui
-reprocherait d'être grand.
-
-Ses portraits respirent la vie: nouveau Pygmalion, il les anime de par sa
-volonté. La volonté d'un grand artiste n'est-elle pas une étincelle du
-feu divin? Hélas! aussi puissant qu'il soit, ce souffle de Dieu
-s'amoindrit et se dissipe en arrivant vers la terre; heureux les élus qui
-savent, comme Albert Dürer, en garder les reflets pour étonner le monde
-et faire rêver l'humanité!
-
- CHARLES NARREY.
-
-[Illustration: AH-CABASSON, D. CH-JARDIN SC.]
-
-[Illustration: BILIBALDI PIRKEYMHERI EFFIGIES AETATIS SVAE ANNO L III
-VIVITVR INGENIO CAETERA MORTIS ERVNT M D XX IV ALBERT DURER SCULP. FAC
-SIMILE DE A. DURAND. BILIBALD PIRKEYMHER. Gazette des Beaux Arts Imp A.
-Salmon, Paris]
-
-
-
-
- LETTRES CONFIDENTIELLES
- D'ALBERT DÜRER
- A BILIBALD PIRKEIMER
-
-
- LETTRES CONFIDENTIELLES
- D'ALBERT DÜRER
- A BILIBALD PIRKEIMER[12]
-
-
-LETTRE I.
-
-
-[Illustration]
-
-Mon cher monsieur Pirkeimer, je vous offre mes services et j'espère que
-votre santé est meilleure que la mienne.--Je vous souhaite une bonne et
-heureuse année à vous et aux vôtres. Pour ce qui est des perles et des
-pierreries que vous m'avez chargé d'acheter, je vous annonce que je n'ai
-rien pu trouver, même pour bon argent. Les Allemands ont tout accaparé,
-et pour leur en racheter il faudrait les payer plus qu'elles ne valent,
-car ils sont très-peu accommodants. Ce sont du reste les plus vilaines
-gens que la terre ait portés[13]. Il ne faut pas compter sur eux pour le
-moindre service, et des amis sérieux m'ont assuré qu'il est prudent de se
-garer d'eux,--ils se moquent de tout, attendu qu'ils sont maîtres de la
-place.--Tout le monde est d'accord pour déclarer que l'on trouve à
-Francfort de plus beaux objets à meilleur prix qu'à Venise.
-
- [12] Willibald ou Bilibald Pirkeimer, sénateur de Nuremberg,
- homme de lettres distingué et l'un des amis intimes d'Albert
- Dürer.--Il a fait son portrait sur cuivre en buste vu de trois
- quarts avec cette épigraphe: _Bilibaldi Pirkeymheri. effigies.
- œtatis. suæ, anno_ L. III. _Vivitur. ingenio cætera. mortis
- erunt_ M. D. XX. IV. Ce portrait admirable est celui dont nous
- donnons, dans ce livre, une copie exécutée par M. Durand, d'après
- une épreuve de la collection de M. Ambroise-Firmin Didot. Dürer a
- aussi peint les armoiries de Pirkeimer, deux écus soutenus par
- deux génies ailés au-dessus desquels on lit: _Sibi et amicis_ P.,
- et dans la marge du bas: Liber _Bilibaldi Pirkeimer_: dans celle
- du haut est une inscription en hébreu, une seconde en langue
- grecque et la suivante en latin: _Initium sapientiæ timor
- Domini_.
-
- [13] Il parle certainement des Allemands qui habitent la
- _Giudecca_ ou _Zuecca_ (quartier des Juifs), dans l'île de
- _Spinalonga_.
-
-Les livres que vous m'avez demandés sont expédiés, vous les recevrez
-bientôt, et si vous avez besoin d'autres choses, faites-le moi savoir, je
-me ferai un plaisir de vous les envoyer. Fasse le ciel que je puisse vous
-rendre un jour un vrai service, car je reconnais que je vous dois
-beaucoup. Je vous en prie, ne vous impatientez pas trop, cette dette me
-préoccupe plus que vous, j'en suis certain. Si Dieu me vient en aide, je
-vous payerai prochainement en vous conservant une éternelle
-reconnaissance. Car les Allemands[14] m'ont commandé un tableau[15]
-qu'ils me payeront cent dix florins rhénans, et je n'aurai que cinq
-florins de frais.
-
- [14] Il veut parler sans doute d'une communauté allemande qui
- existait alors à Venise.
-
- [15] C'était le _Martyre de saint Bartholomé_. Ce tableau fut
- acheté plus tard par le roi de Bohême Rodolphe II, qui le plaça
- dans la galerie de Prague.
-
-Je me mettrai à l'ouvrage tout de suite, j'esquisserai mon tableau en
-huit jours, et dans un mois il pourra figurer sur l'autel. En épargnant
-tout cet argent, je serai en mesure de vous payer, car je ne crois pas
-qu'il soit nécessaire d'envoyer rien en ce moment à ma mère et à ma
-femme. J'ai laissé à ma mère dix florins, elle en a reçu neuf ou dix pour
-des objets d'art, le marchand de fil d'archal lui en a payé douze. Je lui
-en ai encore envoyé neuf par l'entremise de Bastien Imhoff, et elle n'a
-dû payer que sept florins à Gartner pour ses gages. Quant à ma femme, je
-lui ai donné douze florins, elle en a reçu treize autres, ce qui fait
-vingt-cinq. Je pense donc également qu'elle n'a besoin de rien; et s'il
-lui manque quelque chose, le beau-frère n'a qu'à l'aider jusqu'à mon
-retour; alors je le rembourserais intégralement.
-
-Sur ce, je me recommande instamment à votre bon souvenir.
-
-Datée de Venise, le saint jour des Rois 1506.
-
-Saluez de ma part Étienne Baumgartner et les autres personnes qui
-s'informeront de moi.
-
- ALBERT DURER.
-
-
-
-
-LETTRE II.
-
-
-Je vous présente mes respects, mon cher monsieur Pirkeimer, j'espère que
-vous jouissez d'une bonne santé, et je le souhaite aussi sincèrement que
-s'il s'agissait de la mienne propre.
-
-Je vous ai écrit dernièrement, faites-moi savoir si ma lettre vous est
-parvenue. Ma mère m'a grondé parce que je ne vous envoyais pas de mes
-nouvelles, et elle m'a donné à entendre que vous étiez furieux contre
-moi.
-
-Voici mon excuse: je suis paresseux quand il s'agit d'écrire, je croyais
-que ma lettre ne vous trouverait pas chez vous, et enfin j'avais
-recommandé à _Castel_, le messager, de vous présenter particulièrement
-mes hommages. Je vous prie donc humblement de me pardonner, car je n'ai
-pas d'autre ami que vous en ce monde.
-
-Je ne crois pourtant pas que vous soyez sérieusement irrité contre moi,
-car je vous considère comme un second père.
-
-Je voudrais que vous fussiez à Venise auprès de moi, vous trouveriez une
-quantité de joyeux compagnons parmi les Italiens qui s'attachent de plus
-en plus à moi. Ce sont des gens de cœur, d'un commerce agréable,
-instruits, honorables, et bons musiciens. Ils m'ont en grande estime et
-me témoignent beaucoup d'amitié. Par contre, il y en a parmi eux qui sont
-les plus fieffés coquins du monde, mais des coquins bien séduisants, et
-celui qui ne verrait que superficiellement les choses serait tenté
-d'avoir d'eux la meilleure opinion. Je ris souvent dans ma barbe quand
-ils me parlent; ils n'ignorent pas qu'on sait de belles méchancetés
-d'eux, mais ils s'en moquent.
-
-J'ai beaucoup d'excellents amis parmi les Italiens, qui m'engagent à ne
-pas vivre trop familièrement avec leurs peintres.--Il est vrai que j'ai
-aussi beaucoup d'ennemis qui critiquent mes ouvrages dans les églises et
-partout où ils les trouvent. Ils disent qu'ils ne valent rien parce que
-je ne peins pas à la manière antique, ce qui ne les empêche pas de les
-copier. Giovani Bellini[16] a fait les plus grands éloges de mon talent
-devant beaucoup de gentilshommes; il désire avoir une de mes œuvres, il
-est venu me voir et il a insisté pour que je lui fisse une composition,
-promettant de la bien payer. Plusieurs personnes considérables m'ont
-assuré que c'est un homme excellent, et qu'il m'est très-favorable. Il
-est vieux, excessivement vieux même; cependant aucun des peintres de
-Venise ne peut se vanter d'être aussi vert que lui. Ce qui me plaisait il
-y a onze ans ne me plaît plus aujourd'hui, je l'avoue franchement, bien
-que cela paraisse extraordinaire.
-
- [16] Le plus jeune et le plus illustre des deux frères Bellini,
- le maître de Giorgion et du Titien.
-
- Il est né à Venise en 1426, il y est mort en 1516 et il y est
- enterré à côté de son frère Gentile, dans l'église des apôtres
- saint Jean et saint Paul.
-
-Il y a ici des artistes qui ont beaucoup plus de talent que maître
-Jacob[17]; Antoine Kolb seul jure ses grands dieux qu'il n'y a pas de
-meilleur peintre au monde que Jacob. Ici on se moque de lui, et cependant
-il reste de son opinion.
-
- [17] Albert Dürer parle-t-il de Jacob Walch ou de Jacob Elsner,
- l'artiste universel dont Neudörffer dit: «Ce Jacob Elsner était
- un homme d'un commerce agréable que les patriciens recherchaient
- fort. Il jouait admirablement du luth et vivait dans l'intimité
- des habiles organistes Sébastien Imhoff, Guillaume Haller et
- Laurent Stauber. Il peignit leurs portraits, illumina leurs beaux
- livres, dessina les blasons que l'empereur et les rois leur
- avaient donnés et fit nombre d'autres petits travaux pour eux.
- Personne de son temps ne savait peindre l'or comme lui.» Le
- docteur Frédéric Campe croit qu'il est question d'Elsner. «Albert
- Dürer, dit-il, parlerait avec plus de respect de son honorable
- prédécesseur Jacob Walch ou le Walche.» Le respect n'a rien à
- faire ici. Albert Dürer donne son opinion sur les peintres
- italiens, et s'il attaque quelqu'un, c'est Antoine Kolb, dont le
- zèle amical est en effet un peu bien exagéré.
-
- M. Passavant déclare nettement qu'il s'agit ici d'un tableau de
- Jacob Walch qui venait, grâce à Kolb, d'obtenir une situation
- auprès de Philippe de Bourgogne. Il ajoute qu'Albert Dürer avait
- peut-être sollicité cette situation. Pourquoi cette supposition
- toute gratuite? L'appréciation d'Albert Dürer n'était que juste.
- «Jacob Walch, dit Jacob de Barbarj, dit le Maître au caducée,
- avait du talent, mais il était loin d'égaler les maîtres
- italiens.» (Voir le travail de M. Émile Galichon sur ce peintre.
- _Gazette des Beaux-Arts_, t. XI, p. 314, no 456.)
-
-J'ai commencé à travailler à mon tableau, c'est-à-dire que je l'ai
-esquissé, mais mes mains ont été si malades qu'il m'a été impossible de
-travailler sérieusement. J'ai laissé passer cette mauvaise disposition;
-ne m'en veuillez pas et devenez rangé comme moi, mais vous ne voulez
-jamais suivre mes conseils.
-
-Mon cher, il me serait agréable de savoir si aucune des personnes que
-vous aimez n'est morte, celle qui habite près de l'eau, ou celle qui
-ressemble à ceci [Illustration] ou celle qui ressemble à cela
-[Illustration] ou la fille de [Illustration].
-
-Écrite à Venise, à 9 heures[18] du soir, le samedi après la Chandeleur,
-1506.
-
-Présentez mes services à Étienne Baumgartner, à Harstorfer et à Falkamer.
-
- ALBERT DURER.
-
- [18] Minuit et demi de notre temps.
-
-
-
-
-LETTRE III.
-
-
-Mes salutations empressées à mon cher monsieur Pirkeimer.
-
-Je vous expédie en même temps que cette lettre la bague ornée d'un saphir
-que vous m'avez demandée; il m'a été impossible de vous l'envoyer plus
-tôt. Pendant deux jours j'ai couru chez tous les orfévres allemands et
-italiens de Venise dans la compagnie d'un habile homme que j'ai défrayé;
-nous avons longtemps cherché avant de trouver ce qu'il nous fallait, et à
-la fin, en marchandant beaucoup, j'en ai acheté une pour dix-huit ducats
-et quatre martzels à un particulier qui ne fait pas le commerce de bijoux
-et qui la portait lui-même; il me l'a vendue pour me rendre service. Je
-lui ai dit que c'était une acquisition que je faisais pour mon usage. Je
-l'avais à peine payée qu'un orfévre allemand m'en a offert trois ducats
-de bénéfice; j'espère donc que vous la trouverez à votre gré, car tous
-ceux à qui je la montre prétendent que c'est une _pierre trouvée_, et
-qu'en Allemagne on la payerait cinquante florins. Mais vous verrez bien
-s'ils disent vrai ou s'ils mentent; quant à moi, je n'y connais rien.
-
-J'ai acheté une améthyste à un ami intime pour douze ducats; il m'a volé
-comme dans un bois, car elle n'en vaut pas sept. Mes camarades et moi
-nous avons tant fait qu'il a consenti à rompre le marché, et je lui ai
-payé un dîner au poisson. J'ai repris mon argent et je suis fort
-satisfait de cet arrangement. De bons amis ont estimé la bague, et s'ils
-ne se sont pas trompés, la pierre ne revient pas à plus de dix-neuf
-florins rhénans, car elle pèse environ cinq florins d'or. Je n'ai donc
-pas dépassé vos ordres, puisque vous m'avez écrit de ne pas dépenser plus
-de quinze ou vingt florins.
-
-Quant à l'autre pierre que vous m'avez demandée, je n'ai pas encore pu me
-la procurer, mais je déploierai tout mon zèle à ce travail.
-
-On me dit qu'en Allemagne on ne pourrait pas avoir ces pierres, même à la
-foire de Francfort, car les Italiens les accaparent toutes aussitôt qu'il
-y en a quelque part. Les marchands se sont moqués de moi lorsque je
-leur ai offert deux ducats pour des jacinthes; écrivez-moi donc le
-plus tôt possible, et dites-moi ce que j'ai à faire. J'ai vu un beau
-diamant, je ne sais pas encore ce que l'on en demande; je vous
-l'achèterai, si votre lettre m'en donne l'ordre.
-
-Les émeraudes sont excessivement chères, mais on peut avoir une améthyste
-de moyenne grandeur pour vingt ou vingt-cinq ducats.
-
-D'après toutes les commissions que vous m'avez données, je présume que
-vous avez pris une maîtresse. Prenez garde que ce ne soit un maître! Du
-reste vous êtes assez grand et assez sage pour vous conduire.
-
-Endres Künhoffer vous présente ses respects; il vous écrira sous peu de
-jours; en attendant, il vous prie de l'excuser auprès de son maître s'il
-ne reste pas à Padoue; il n'y a rien à apprendre là pour lui. Ne m'en
-veuillez pas, je vous en prie, si je ne vous expédie pas toutes vos
-commandes à la fois; malgré mon zèle il m'a été impossible de les
-rassembler pour le départ du messager.
-
-Mes amis vous conseillent de faire remonter la pierre: ils prétendent
-qu'elle est belle et que la bague est vieille et démodée. Je vous prie
-d'engager ma mère à m'écrire et à continuer ses bons rapports avec vous.
-Sur ce, je me recommande à votre bonne amitié.
-
-Venise, le deuxième dimanche du Carême 1506.
-
-Rappelez-moi au souvenir de votre servante.
-
-
-[Illustration]
-
-
-
-
-LETTRE IV.
-
-
-Avant tout j'offre mes services à mon cher ami Pirkeimer. J'ai reçu le
-jeudi avant la semaine des Rameaux une lettre de vous, et la bague avec
-l'émeraude. Je me suis rendu à l'instant chez l'homme de qui je la
-tenais: il consent à me rendre mon argent, bien qu'il ne le fasse pas
-volontiers; il prétend qu'il a été trompé lui-même par le bijoutier.
-
-Mes amis m'ont assuré qu'une des deux autres bagues vaut bien six ducats
-et qu'elles sont bien conditionnées et d'un or pur; ils ajoutent que vous
-ne vous repentirez pas de l'affaire. Je ne me suis donc trompé que de
-deux ducats sur les trois bagues. Du reste Bernard Holdtzbock voulait me
-les prendre pour le prix d'achat.
-
-Depuis je vous ai envoyé un saphir par Hans Imhoff. J'espère que vous
-l'avez reçu. Je crois que j'ai fait une bonne affaire. On m'a offert un
-bénéfice; c'est bien un hasard, car vous savez que personnellement je ne
-connais pas la valeur de ces objets et que je suis obligé de me fier à
-ceux qui me conseillent.
-
-Décidément les peintres ne me veulent pas de bien; ils m'ont déjà fait
-venir trois fois devant le magistrat, et cependant j'ai donné trois beaux
-florins pour leur caisse.
-
-J'aurais pu gagner beaucoup d'argent, si je n'avais pas entrepris le
-tableau pour les Allemands. Cet ouvrage demande beaucoup de soin, et je
-ne pourrai pas l'achever avant la Pentecôte; on ne m'en donnera pourtant
-pas plus de quatre-vingt-cinq ducats, et cela se dépense vite.
-
-J'ai acheté une foule d'objets et j'ai envoyé beaucoup d'argent chez moi,
-de sorte qu'il ne m'en reste guère. Je vois bien que je ne pourrai pas
-encore m'acquitter envers vous. Sans cette commande, j'aurais pu
-facilement gagner cent florins, car, excepté les peintres, tout le monde
-ici est excellent pour moi.
-
-Quant à ce qui concerne mon frère, dites à ma mère qu'elle parle à mon
-vieux maître Wohlgemuth; s'il a besoin de lui, qu'il soit assez bon pour
-lui donner de l'ouvrage jusqu'à mon retour, ou qu'il aille en chercher
-chez les autres. J'aurais bien voulu le prendre avec moi à Venise;
-voyager lui aurait été très-utile, il aurait pu y apprendre la langue du
-pays. Mais ma mère eût craint que le ciel ne tombât sur nous deux. Je
-vous en prie, veillez à ce qu'il ne se perde pas avec les femmes. Causez
-avec le gaillard et tâchez qu'il reste sage et raisonnable au moins
-jusqu'à ma rentrée. Qu'il ne tombe pas à la charge de ma mère. Je ne peux
-pas tout faire pour les miens, mais je suis prêt à faire ce qui dépend de
-moi.
-
-Pour ce qui est de moi personnellement, je ne suis pas inquiet; cependant
-il n'est pas absolument facile de gagner sa vie ici, car personne n'aime
-à jeter son argent par les fenêtres.
-
-Dites, je vous prie, à ma mère, qu'elle veille à la vente des œufs de
-Pâques[19]. Je pense du reste que ma femme aura eu soin de lui
-transmettre toutes mes instructions, car je lui ai écrit à ce sujet.
-
- [19] La mère de Dürer faisait cuire des œufs et Hans les
- peignait. Cette coutume existe encore aujourd'hui à Nuremberg et
- à Prague. Ces œufs, qui sont artistement peints, amusent
- toujours les petits enfants et même les grandes personnes.
-
-Je n'achèterai pas le diamant avant que vous ne m'ayez répondu à son
-sujet. Je ne compte pas retourner à Nuremberg avant l'automne, même si
-mon tableau était fini à la Pentecôte.
-
-J'espère conserver une grande partie de ce que je gagnerai.
-
-Comme je suis indécis sur le jour de mon départ, n'en dites rien à ma
-femme, je lui écrirai de temps en temps: je reviens...
-
-Ayez la bonté de répondre quelques mots à cette lettre.
-
-Venise, le jeudi avant la semaine des Rameaux 1506.
-
-
-
-
-LETTRE V.
-
-
-Mes services à mon cher ami Pirkeimer.
-
-Si votre santé est bonne, j'en suis fort aise; moi je me porte bien
-aussi, et je travaille ferme; cependant je n'espère pas être prêt avant
-la Pentecôte.
-
-J'ai vendu toutes mes esquisses, sauf une seule. J'en ai donné deux pour
-vingt-quatre ducats, et les trois autres pour trois bagues qui ont été
-évaluées à vingt-quatre ducats, mais je les ai fait voir à mes amis qui
-disent qu'elles n'en valent que vingt-deux. Comme vous m'avez écrit de
-vous acheter des pierreries, j'ai cru vous être agréable en vous les
-expédiant par Frantz. Faites-les estimer chez vous par des gens qui s'y
-entendent, et conservez-les pour leur prix d'estimation. Si cependant
-elles ne vous conviennent pas, retournez-les-moi par le prochain
-messager. Car à Venise on m'offre douze ducats pour l'émeraude et dix
-pour le diamant. Seulement, comme je ne désire pas perdre deux ducats, je
-ne veux pas les donner. Je voudrais bien que vous pussiez venir en
-Italie, mais je sais tout le prix de vos instants.
-
-Le temps s'envole rapidement ici; il y a beaucoup de gens fort aimables
-qui viennent me distraire dans mon atelier. Je puis consacrer si peu
-d'heures à la peinture, que je suis parfois obligé de me cacher. Les
-gentilshommes me veulent tous du bien; je n'en dirai pas autant des
-peintres depuis qu'ils savent que je sais peindre.
-
-Endres Künhoffer vous présente ses civilités; il vous écrira par le
-prochain courrier.
-
-Je me recommande à votre bon souvenir et je vous prie de dire à ma mère
-que je suis très-étonné de rester si longtemps sans recevoir de ses
-nouvelles; ma femme non plus ne m'écrit pas, je crois l'avoir perdue....
-Je suis aussi très-chagrin de ne pas recevoir de lettres de vous, cher
-monsieur. J'ai lu le billet que vous avez écrit à Bastien Imhoff, où vous
-lui parlez de moi.
-
-Soyez assez bon pour donner les deux lettres ci-incluses à ma mère.
-Oubliez un peu ma dette, et soyez sûr que j'y penserai, moi, pour vous
-payer honorablement.
-
-Saluez de ma part Étienne Baumgartner et d'autres bons amis. Faites-moi
-savoir si vos amours sont toujours de ce monde, et tâchez de pouvoir lire
-mon écriture, car j'ai affreusement griffonné.
-
-Faite à Venise le samedi avant le dimanche blanc[20]. Demain il est bon
-de se confesser.
-
- [20] Le premier dimanche après Pâques.
-
-
-
-
-LETTRE VI.
-
-
-Magnifique seigneur Pirkeimer, très-grand et premier homme du monde,
-votre serviteur et esclave Albert Dürer vous donne le salut[21]. Il est
-enchanté et honoré d'apprendre que votre santé est excellente, mais il
-s'étonne qu'un homme de votre sorte ne trouve que la grâce de Dieu pour
-combattre le savant _Trasibul_[22] d'après ce que me dit votre lettre de
-ce _monstre étrange_. J'ai eu peur, car cela me paraît en effet une
-grande affaire.
-
- [21] La première partie de cette lettre est écrite un peu en
- italien de cuisine, un peu en espagnol, un peu en portugais et
- beaucoup en patois indéchiffrable.--Pirkeimer, qui était un homme
- fort instruit, a dû rire beaucoup en la recevant.--Voici le texte
- original, original est le mot.
-
- «Grandissimo primo homo de mondo, woster servitor ell schiavo
- Alberto Dürer disi salus suo magnifico miser Willibaldo Pircamer
- my fede el aldy Wolentiri cum grando pisir woster sanita et grando
- honor el my maraweio como ell possibile star uno homo cosi wu
- contra thanto sapientissimo Tirasibuly milites non altro modo nysy
- una gracia de dio quando my leser woster littera de questi strania
- fysa de catza my habe thanto pawra et para my uno grando kosa.»
-
- [22] Pirkeimer avait envoyé à son ami un dessin un peu intime, en
- effet.
-
-Vous n'êtes donc pas devenu plus raisonnable. Vous faites toujours
-l'aimable, mais y songez-vous donc, mon cher, l'amabilité vous sied comme
-la civette aux lansquenets. Vous vous habillez de satin et vous vous
-pavoisez de rubans pour courir les ruelles comme un étourdi; décidément
-vous voulez devenir irrésistible, et vous croyez que tout est dit lorsque
-vous êtes parvenu à plaire à quelques femmes de mœurs faciles. Si encore
-vous étiez un homme comme moi, mais vous avez beaucoup de maîtresses, et
-lorsque vous leur avez embrassé le bout des doigts, vous êtes sur les
-dents pour un mois et plus. C'est vraiment bien la peine d'en changer si
-souvent.
-
-[Illustration: ALBERT DURER. AH CABASSON DEL. L. DUJARDIN SC.]
-
-Je vous remercie de la façon dont vous avez traité mes affaires avec ma
-femme, et j'avoue que vous êtes plein de sagesse. Si seulement vous
-étiez aussi calme que moi, vous auriez toutes les vertus. Vous méritez
-aussi des remercîments pour la loyauté que vous avez montrée à propos des
-bagues. Après tout, si elles ne vous conviennent pas, cassez-leur la tête
-et les jetez sur le fumier, comme dit Peter Weisbeker.
-
-Petit à petit je deviens un véritable gentilhomme de Venise, et j'ai
-appris avec plaisir que vous composez de beaux vers. Vous seriez bien
-ici, avec nos violons qui jouent si tendrement qu'ils en pleurent
-eux-mêmes. Plût à Dieu que notre maîtresse de calcul[23] pût les
-entendre, elle s'attendrirait peut-être un peu.
-
- [23] Il parle de sa femme.
-
-Du reste je suivrai votre conseil, j'apaiserai ma colère et resterai
-indifférent aux ennuis qu'elle me cause, comme je l'ai toujours fait
-jusqu'à présent.
-
-Comme je ne pourrai pas songer au retour avant deux mois, car rien n'est
-encore prêt, je vous prie de prêter à ma mère une dizaine de florins,
-jusqu'au moment où Dieu me tirera de la gêne. Je vous payerai honnêtement
-le tout ensemble. Je vous envoie la glace de Venise par le courrier.
-Quant aux deux tapis, Antony Kolb me prêtera son expérience pour les
-acheter, et aussitôt que je les aurai je les remettrai au commis du
-messager qui vous les fera parvenir. Je n'ai pas encore pu trouver les
-plumes de grue que vous m'avez demandées; mais il y a ici beaucoup de
-plumes de cygne avec lesquelles on écrit et que vous pouvez mettre à
-votre chapeau en attendant. J'ai causé avec un imprimeur qui m'a assuré
-qu'aucun nouvel ouvrage grec n'avait paru récemment; si par hasard on
-édite quelque chose d'intéressant dans ce genre, il me le dira, et je
-vous le ferai savoir.
-
-Dites-moi combien de papier vous voulez. Vous avez bien fait de me donner
-cette commission, car jamais je n'en ai vu de plus beau que celui que
-l'on vend ici.
-
-Pour ce qui est des travaux historiques, les Italiens n'ont rien fait de
-bien remarquable et qui soit digne d'être lu par un homme comme vous. Il
-y a toujours quelque chose à critiquer dans leurs ouvrages sur
-l'histoire, vous le savez vous-même mieux que moi.
-
-Je vous ai écrit brièvement par le messager Kantengysserle. Je voudrais
-savoir si vous êtes toujours d'accord avec le messager Kuntz.
-
-Je me recommande à votre bon souvenir; présentez aussi mes amitiés à
-notre bon prieur[24], et dites-lui de m'accorder quelques prières; qu'il
-fasse que le bon Dieu me préserve de toute maladie et surtout du mal
-français; il n'y a rien sur la terre que je craigne davantage, presque
-tout le monde ici en est infecté et beaucoup de gens en meurent.
-
- [24] Eucharis Karll, prieur des Augustins.
-
-Saluez aussi de ma part Étienne Baumgartner, Lorentz et tous ceux qui
-demandent amicalement de mes nouvelles.
-
-Écrit à Venise 1506, le 18 août.
-
- ALBERTUS DURER.
- Noricorius Sivus (textuel).
-
-_Post-scriptum._--Andreas est ici et il me prie de vous offrir ses
-amitiés, il n'est pas encore bien fort; il a eu et il a des embarras
-d'argent à cause de la longue maladie qu'il a faite. Je vous dirai même,
-entre nous, que je lui ai prêté huit ducats; mais n'en parlez à personne,
-il pourrait croire que je n'ai pas confiance en lui; du reste, il saura
-se procurer de quoi me rembourser, car il se conduit très-honorablement,
-et tout le monde lui veut du bien.
-
-Si le roi vient en Italie, j'ai le projet d'aller avec lui à Rome.
-
-
-
-
-LETTRE VII.
-
-
-Savant, sage, instruit en beaucoup de langues, homme habile à discerner
-la vérité du mensonge, honorable et honoré Bilibald Pirkeimer, votre
-humble serviteur Albert Dürer vous souhaite toutes sortes de prospérités.
-Cependant, avec cette belle diable de chance qui le tient, il semble
-qu'il veuille renoncer à votre cœur[25], vous allez croire que lui aussi
-est un orateur à cent finesses comme vous. La chambre qu'il habite
-devrait avoir plus de quatre coins où il pourrait placer les dieux de la
-mémoire....; mais je ne veux pas me casser la tête à m'excuser plus
-longtemps, je me contenterai de me recommander à votre indulgence. Pour
-me souvenir de toutes vos commandes, il faudrait que mon cerveau eût
-autant de cases différentes que vous avez de pois chiches dans votre
-jardin; mais en voilà assez sur ce sujet. Le margrave[26] lui-même ne
-donnerait pas une si longue audience. J'ai calculé que cent articles, en
-ne mettant que cent mots par article, demandent un travail de neuf jours,
-sept heures, cinquante-deux minutes, et notez que je n'ai pas encore
-compté les soupirs. Voilà pourquoi on ne s'improvise pas orateur, comme
-dit Tettels.
-
- [25] Les quelques premiers mots de cette phrase sont écrits en
- italien, un peu moins indéchiffrable que celui que l'on trouve au
- commencement de la lettre précédente.
-
- [26] A l'époque dont parle Albert Dürer, Pirkeimer fit partie de
- l'ambassade qui fut envoyée au conseil de la Confédération souabe
- par la ville de Nuremberg. L'histoire de cette négociation est
- conservée dans les archives de Nuremberg sous ce titre:
- Conventions conclues entre le margrave Frédéric de Brandenbourg
- et l'ambassade de Nuremberg, etc., 1506, in-folio.
-
-Je déploie tout mon zèle, et cependant je ne peux pas mettre la main sur
-des tapis larges; ils sont tous étroits et longs. Je continue mes
-explorations avec l'aide d'Antony Kolb. Bernard Hirsffogel vous salue et
-vous offre de nouveau ses services; il est très-triste, car il a perdu
-son fils, l'enfant le plus amusant que j'aie vu de la vie. Je ne peux pas
-trouver les plumes de fou que vous demandez. Oh! si vous étiez ici, vous
-verriez de crânes lansquenets italiens. Je pense souvent à vous et à
-l'intérêt que vous prendriez à examiner leurs armes. Ils ont des
-_roncani_ avec deux cent dix-huit pointes; lorsqu'ils touchent un homme
-avec cette arme, il est mort, car toutes les pointes sont empoisonnées.
-Les Vénitiens mettent beaucoup de soldats sous les armes, le pape et le
-roi de France aussi; je ne sais pas ce qui en résultera.
-
-On se moque beaucoup ici de notre roi.
-
-Bonne chance à Étienne Baumgartner (je ne suis pas étonné qu'il ait pris
-femme). Rappelez-moi au souvenir de Borcht, de M. Lorentz, et même de
-notre maîtresse de comptes. Remerciez votre fille de chambre de m'avoir
-souhaité le bonjour, mais dites-lui qu'elle est un monstre.
-
-[Illustration]
-
-J'ai expédié du bois de palmier de Venise à Augsbourg, où je le laisse en
-dépôt; il pèse dix quintaux.
-
-Mon tableau est enfin terminé; je gage un ducat que si vous le voyiez
-vous le trouveriez bien composé et d'un bon coloris. Cet ouvrage m'a valu
-beaucoup d'honneur, mais peu de profit. Pendant le temps que j'ai mis à
-le peindre j'aurais bien pu gagner deux cents ducats, car j'ai refusé
-beaucoup de commandes pour pouvoir m'en occuper exclusivement. Ma seule
-consolation est d'avoir fermé la bouche aux peintres qui disaient: C'est
-un habile graveur, mais il n'entend rien au maniement des couleurs.
-Maintenant tout le monde s'accorde à dire que l'on n'a jamais vu plus
-beau coloris.
-
-Mon manteau français vous présente ses respects, et mon habit italien
-vous tire sa révérence.
-
-Vous passez toujours votre vie chez les femmes légères. Vous êtes en si
-mauvaise odeur à Nuremberg, que je vous sens d'ici. On me dit que lorsque
-vous courez à vos amours, on ne vous donnerait pas plus de vingt-cinq
-ans. Oui-da! multipliez-les par un chiffre quelconque, et alors je vous
-croirai. Il y a ici beaucoup d'italiens qui vous ressemblent sous ce
-rapport; je ne sais pas comment cela se fait.
-
-Le doge[27] et le patriarche de Venise[28] sont venus voir mon tableau.
-
- [27] Leonardo Loredano, doge de Venise de 1500 à 1521.
-
- [28] Antonio Suriano.
-
-Maintenant je suis votre serviteur, il faut que j'aille me coucher, il
-sonne sept heures de la nuit. Je vous ai écrit, j'ai écrit au prieur des
-Augustins, à ma belle-sœur la marchande de couleur et à ma femme; donc
-j'ai déjà barbouillé une belle quantité de papier, et je pense qu'il est
-plus amusant pour vous de causer avec des princes qu'avec moi.
-
-Venise, le jour de la sainte Vierge en septembre.
-
-A propos, ne prêtez pas un sou à ma mère et à ma femme; elles ont assez
-d'argent.
-
- ALBERT DURER.
-
-
-
-
-LETTRE VIII.
-
-
-Comme je sais que vous êtes convaincu de mon attachement pour vous, je me
-dispense de vous en parler. Cependant je ne puis vous dissimuler combien
-je suis heureux de la grande réputation dont vous jouissez et que vous
-avez su acquérir par votre sagesse et votre instruction. C'est chose
-vraiment surprenante et rare de voir tant d'esprit dans un corps si
-chétif. C'est une grâce particulière que Dieu vous a faite comme à moi.
-
-Nous sommes donc deux personnages remarquables, vous par votre esprit et
-moi par mon talent. Combien de fois ne nous est-il pas arrivé pourtant,
-lorsque nous y réfléchissons bien, de nous être retournés et d'avoir vu
-des gens qui se moquaient de nous pendant que d'autres nous comblaient
-d'éloges! Ne croyez donc pas aveuglément tous ceux qui vous
-complimentent; mais peut-être êtes-vous trop peu modeste pour ne pas les
-croire. Il me semble que je vous vois en présence du margrave, et que
-vous mettez autant d'élégance dans vos discours que dans votre manière de
-toucher vos thalers.
-
-J'ai bien vu dans votre neuvième lettre que vous êtes encore une fois
-très-occupé de femmes; vous devriez avoir honte de n'être pas plus
-raisonnable à votre âge. Sachez que vous avez autant de grâce à faire
-toutes ces fredaines qu'un gros bouledogue à jouer avec un petit chat. Je
-voudrais apprendre que vous êtes devenu aussi rangé que moi. Si j'étais
-bourgmestre, je vous ferais mettre en prison et j'enfermerais avec vous
-la Rech..., la Ros..., la Gart..., la Ech..., et d'autres encore que je
-ne veux pas nommer: elles sauraient bien vous mettre à la raison. Vous me
-dites finement que beaucoup de femmes honnêtes ou légères demandent de
-mes nouvelles: cet intérêt ne prouve rien contre ma vertu.
-
-Si Dieu me ramène à Nuremberg, je ne sais vraiment pas comment je ferai
-pour vivre avec vous qui êtes illustre maintenant. Je me réjouis
-cependant de votre gloire et de votre nouvelle dignité. Vous ne battrez
-plus vos chiens jusqu'à ce qu'ils en soient perclus; mais peut-être ne
-voudrez-vous plus vous montrer dans les rues avec un pauvre barbouilleur
-comme Albert Dürer; vous trouverez peut-être que c'est une honte pour un
-seigneur de votre importance.
-
-[Illustration]
-
-Notre cher ami Baumgartner est aussi enchanté que moi de votre bonne
-réputation.
-
-Pendant que je suis en train de vous écrire allégrement, un incendie
-dévore six maisons chez Petre Pender; j'y perds une pièce de laine que
-j'avais achetée hier pour huit ducats: de cette façon j'éprouve du
-dommage par suite de ce désastre.
-
-Il est beaucoup question d'incendies ici. J'attends que vous m'écriviez
-pour rentrer à Nuremberg; je partirai le plus tôt possible, car je
-dépense beaucoup d'argent pour ma nourriture. J'ai donné environ cent
-ducats pour des couleurs et d'autres objets. J'ai commandé pour vous deux
-tapis que je payerai demain, mais je n'ai pas pu les avoir à bon marché.
-Je les emballerai avec mes hardes, et aussitôt que vous m'écrirez je
-reviendrai.
-
-Vous tourmentez vraiment trop ma femme. Je vous fais savoir aussi que je
-m'étais mis dans la tête d'apprendre à danser; j'ai été deux fois à
-l'école, et il m'a fallu payer un ducat au maître; après cela vous me
-connaissez assez pour savoir qu'il n'y a de force humaine qui pourrait
-m'y faire retourner. Je dépenserais lestement tout l'argent que j'ai
-gagné et je ne saurais rien par-dessus le marché.
-
-Le messager Ferbre vous apportera la glace de Venise. Je n'ai pu
-découvrir aucun ouvrage grec nouvellement paru, mais je vous rapporterai
-une rame de votre papier; pour les plumes, je n'ai pas pu me procurer
-celles que vous m'avez demandées, j'en ai acheté de blanches, et si j'en
-trouve de vertes je les rapporterai également. Étienne Baumgartner m'a
-écrit de lui envoyer cinquante grains de cornaline pour un rosaire; je
-les ai achetés, mais cher, et je n'ai pas pu les avoir gros: je les lui
-expédierai par le plus prochain messager.
-
-Je vous ferai savoir au juste, d'après votre désir, le jour de mon
-départ, pour que _mes maîtres_ puissent prendre des dispositions en
-conséquence.
-
-J'irai avant à Bologne pour une raison d'art: quelqu'un m'a promis de
-m'apprendre le secret d'une perspective; je resterai huit ou dix jours
-dans cette ville, je retournerai à Venise et je reviendrai à Nuremberg
-par le prochain messager.
-
-Hélas! j'ai mangé mon pain blanc avant mon pain noir. Que je regretterai
-le soleil de Venise! Ici je suis un grand seigneur, chez moi je ne serais
-plus qu'un pauvre diable!
-
-J'aurais encore beaucoup de choses à vous écrire, mais je vous verrai
-prochainement.
-
-Écrite à Venise, je ne sais pas la date du mois, mais environ quinze
-jours après la Saint-Michel, 1506.
-
- ALBERT DURER.
-
-_Post-scriptum._--Faites-moi savoir si aucun de vos enfants n'est mort.
-Vous m'avez écrit une fois que Joseph Rumell a épousé votre fille, et
-vous ne dites rien de plus; comment voulez-vous que je sache à laquelle
-vous faites allusion.
-
-Ah! si j'avais seulement ma pièce de laine! Mais je crains maintenant que
-mon manteau ne soit aussi brûlé; si cela est, j'en deviendrai fou. J'ai
-vraiment du malheur, car il y a trois semaines un de mes débiteurs s'est
-sauvé emportant huit ducats qu'il me devait.
-
-
-Ces lettres portent l'empreinte du cachet d'Albert Dürer et la
-suscription suivante:
-
-A l'honorable et savant Bilibald Pirkeimer, bourgeois de Nuremberg, mon
-gracieux seigneur.
-
-Voici le cachet d'Albert Dürer:
-
-[Illustration]
-
-Ses principaux monogrammes,
-
-[Illustrations]
-
-Son écriture et sa signature,
-
-[Illustration]
-
-Traduction:
-
-Écrite à Venise, à 9 heures du soir, le samedi après la Chandeleur.
-
- ALBERT DURER.
-
-C'est la fin de la deuxième lettre à Pirkeimer.
-
-
- JOURNAL DU VOYAGE
- D'ALBERT DÜRER
- DANS LES PAYS-BAS
- ÉCRIT PAR LUI-MÊME PENDANT LES ANNÉES 1520 ET 1521.
-
-
-
-
-JOURNAL DU VOYAGE
-
-DANS LES PAYS-BAS
-
-ÉCRIT PAR LUI-MÊME PENDANT LES ANNÉES 1520 ET 1521.
-
-
- Nuremberg, 1520.
-
-[Illustration]
-
-A mes frais et dépens, le jeudi après la Saint-Kilian, moi, Albert Dürer,
-je quitte Nuremberg avec ma femme[29] pour me rendre dans les Pays-Bas.
-Après avoir passé le même jour par Erlangen, nous logeons à Baiersdorf,
-et j'y dépense trois sous moins six deniers. De là, nous partons par la
-route la plus courte pour Forchheim, où nous arrivons le vendredi; là,
-pour un sauf-conduit, je paye vingt-deux deniers. Je pars pour Bamberg où
-j'offre à l'évêque[30] une peinture de la Vierge, la Vie de
-Notre-Dame[31], une Apocalypse[32] et des gravures pour la valeur d'un
-florin.
-
- [29] Agnès Frey, fille d'Hans Frey de Nuremberg, épousa Albert
- Dürer en 1494. Le journal de Dürer prouve qu'il n'avait pas
- laissé à Nuremberg son avare et querelleuse femme, comme l'ont
- prétendu jusqu'ici ses biographes, entre autres J. Sandrart, qui
- l'écrit en toutes lettres dans le deuxième volume de l'_Académie
- allemande_, page 225 (_imprimé à Nuremberg en 1675_). Du reste,
- Albert Dürer, dans son journal, ne dit pas un mot du caractère de
- sa femme. Il résulte aussi de ce document qu'en 1520 il se rendit
- pour la première fois dans les Pays-Bas. Il n'avait donc pas
- visité précédemment ce pays avec l'empereur Maximilien I, comme
- Quadens le prétend à tort dans les _Fastes de la nation
- allemande_, page 428. S'il est vrai qu'Albert Dürer alla dans les
- Pays-Bas pour fuir des chagrins domestiques, malheureusement trop
- réels, il faut que ce voyage nouveau ait eu lieu en 1523 ou en
- 1524 seulement.
-
- [30] Georges III, sacré en 1505, mort en 1522, protecteur des
- arts. Albert Dürer a fait son portrait.
-
- [31] Suite de 20 estampes. Hauteur, 11 pouces; largeur, 7 pouces
- 9 lignes. Voir Bartsch, _le Peintre-Graveur_, D. VII, no 76-95.
-
- [32] L'Apocalypse de saint Jean, 15 estampes. Hauteur, 14 pouces
- 6 lignes; largeur, 10 pouces 3 à 6 lignes. Voir Bartsch, _le
- Peintre-Graveur_, 60-75.
-
- Cette œuvre gigantesque est digne de l'homme de génie qui l'a
- exécutée, et digne du livre étrange qui l'a inspirée.
-
-Il me fait quitter mon auberge où j'avais dépensé environ un florin,
-m'invite à venir chez lui, et me donne un laisser passer pour la douane
-et trois lettres de recommandation. Je paye six florins d'or[33] au
-voiturier qui va me mener de Bamberg à Francfort.
-
- [33] Le florin d'or valait 8 fr. 60 de notre monnaie d'aujourd'hui.
-
-Maître Nicolas Laux, Benedict et Hans le peintre[34] me versent le coup
-de l'étrier; je bois et je pars.
-
- [34] Hans Wolfgang Ratzheimer vivait à Bamberg, de 1492 à 1527.
-
-Je donne quatre sous pour du pain et treize sous pour des pourboires. Je
-vais rapidement de Bamberg à Eltman; de là, je me rends à Zeil, je
-dépense vingt et un sous, et j'arrive à Hasfurth où je montre ma lettre
-de douane, après quoi on me laisse partir.
-
-Je dépense un florin dans la chancellerie de l'évêque de Bamberg. A
-Theres, au couvent, j'exhibe mes papiers et continue ma route.
-
-Nous arrivons au bord du Rhin, où nous passons la nuit pour un denier; de
-là, nous allons à Maynberg. A Schweinfurth, je suis invité par le docteur
-Georges Rebart qui me donne du vin que nous mettons dans notre bateau. On
-m'exempte des droits de douane.
-
-J'avais dépensé dix deniers pour un poulet rôti et dix-huit deniers pour
-le cuisinier et son fils. De là, nous nous rendons à Volkach, et ensuite
-à Zwartzach où nous passons la nuit et dépensons vingt-deux deniers.
-
-Le lundi, nous nous levons de grand matin pour nous rendre à Fettelbach.
-A Ritzing, nous dépensons trente-sept deniers.
-
-Par Seilzfeldt, nous arrivons à Markbreit, d'où on me laisse partir après
-avoir vu mes papiers.
-
-En passant par Frickenhaussen et Ochsenfurth nous gagnons Eivelstadt,
-puis Murzburg. De là, nous arrivons à _Erla-Brunn_ où on nous donne un
-lit pour vingt-deux deniers.
-
-En passant par Relzbach et Zelling nous gagnons Karlstadt et puis Gemûnd;
-nous y dînons assez bien pour vingt-deux deniers.
-
-Nous voyons successivement Hofstetten, Lohr et Nevenstadt où j'ai dû
-montrer ma lettre de transit; je dépense dix deniers pour du vin et des
-écrevisses. Le mercredi matin, après avoir laissé derrière nous
-Rotenfels, nous arrivons à Saint-Écarig, d'où nous nous rendons à
-Heudenfeldt, Triffelstein, Homburg, Wertheim, et puis à Brodselten,
-Freudenberg, Miltenberg, Klingenberg, Worth, Obernburg, Asschaffenburg,
-Selgenstadt et Steinheim, où je montre mes papiers.
-
-Nous passons la nuit près de Johansen. Le matin, on nous ouvre les portes
-de la ville et l'on nous fait beaucoup d'amitiés; j'y dépense six
-weispfenning.
-
-Le vendredi, nous nous rendons à Kesselstadt pour gagner Francfort où je
-montre ma lettre de douane. Je dépense six sous pour un lit, et je donne
-deux sous au garçon. Jacob Heller me régale de vin à l'auberge, et je
-fais accord avec un homme qui consent à me conduire de Francfort à
-Mayence pour un florin, deux sous. La nuit, nous dépensons huit sous.
-
-Le dimanche, je prends le bateau du matin qui va de Francfort à Mayence.
-Arrivé à mi-chemin, c'est-à-dire à Hochst, je montre ma lettre de transit
-et on me laisse passer. Je dépense huit deniers francfortois. De là, nous
-allons à Mayence; je dépense un albus[35] pour faire décharger mes
-effets, plus dix-huit deniers pour les courroies.
-
- [35] Albus, ou pfennig blanc, monnaie d'argent mise en circulation
- vers 1360. Sous l'empereur Charles IV, elle avait surtout cours
- dans l'électorat de Cologne et dans la Hesse-Cassel; elle valait
- 9 pfennigs. On n'en trouve plus que dans les cabinets des numismates.
-
-Je fais accord avec le capitaine du bateau de Cologne qui s'engage à me
-transporter, avec mon bagage, pour trois florins. J'avais dépensé
-dix-sept albus à Mayence.
-
-Peeter, l'essayeur de la corporation des orfévres, me fait cadeau de deux
-bouteilles de vin. Veith Farnpuhler m'invite, mais l'aubergiste refuse de
-recevoir son argent et veut lui-même être mon hôte. On me rend beaucoup
-d'honneurs. Je pars de Mayence, où le Mein se jette dans le Rhin, le jour
-de sainte Marguerite, et je dépense dix-neuf hellers pour de la viande,
-du pain et des œufs que je prends avec moi sur le bateau. Léonhard,
-l'orfévre, me fait présent de vin et de gibier; il me donne aussi du
-charbon, qui me servira à faire la cuisine sur le bateau. Le frère de
-Joostes m'offre une bouteille de vin, et la corporation des peintres
-deux. Après avoir passé devant Erfeld et Rudisheim, nous arrivons à
-Erenfels. Là je montre mon passavant, mais on exige deux florins d'or
-qu'on promet de me rendre si dans les deux mois je rapporte une lettre
-d'exemption. Nous arrivons à Bacharach où je dois également m'engager à
-acquitter les droits dans les deux mois ou à présenter une exemption.
-
-A Caub, on ne me laisse passer que sous les mêmes conditions.
-
-A Saint-Goar, le percepteur me demande où j'ai acquitté les droits; je me
-contente de lui répondre que je n'ai pas d'argent à lui donner.
-
-A Bopart, la douane de Trèves ne me laisse passer sur la vue de ma lettre
-de transit que lorsque j'ai déclaré, écrit et signé que je n'ai avec moi
-aucune espèce de marchandise. De là, nous nous rendons à Lahnstein où je
-montre mon passavant; non-seulement le percepteur me laisse passer, mais
-il me prie de le recommander au seigneur de Mayence et il me fait cadeau
-d'une bouteille de vin; il connaît beaucoup ma femme, et il désirait me
-voir depuis longtemps.
-
-A Engers, ma lettre de transit suffit pour me donner passage. Cette place
-appartient au duché de Trèves.
-
-A Andernach, je dépense onze hellers, et je quitte cette ville le jour de
-la Saint-Jacques pour me rendre à Bonn. De là, je vais à Cologne; nous
-avons dépensé neuf sous dans le bateau, un sou quatre deniers pour des
-fruits et du charbon, sept sous pour le déchargement, et quatorze hellers
-pour les domestiques des bateliers. Je fais cadeau à mon cousin
-Nicolas[36] de ma redingote doublée et bordée de velours; je donne un
-florin à sa femme. Jérôme Fugger, Jean Ghrosserpeck et mon cousin me
-régalent de vin. Je dîne au couvent des Chartreux, où un frère m'offre un
-coupon de drap. M. Jean Ghrosserpeck me fait cadeau de douze mesures de
-vin fin. Je dépense cependant à Cologne deux florins quatorze sous, plus
-trois sous pour des fruits, un sou de pourboire, et un sou pour le
-messager.
-
- [36] Le fils du sellier, l'élève du père d'Albert Dürer.
-
-[Illustration]
-
-Le jour de la Saint-Pantaléon, nous partons pour Postorff où nous passons
-la nuit pour trois sous. Le dimanche, nous dînons à Rodingen. Le
-lendemain, de bonne heure, nous quittons Freendorf pour nous rendre à la
-petite ville de Sangelt, nous dînons dans un village nommé Systerkylen
-pour deux sous et deux hellers. Nous passons par Sittard, jolie petite
-ville, pour nous rendre à Starkem, un endroit charmant où nous descendons
-dans une excellente auberge. Nous mangeons fort bien, nous nous
-couchons dans un bon lit, et la dépense ne s'élève pas à plus de quatre
-sous.
-
-Le vendredi matin, nous passons la Meuse et faisons notre entrée à Marten
-Lewbehrn; je donne un sou pour un jeune poulet. De là, nous partons pour
-Stoffer, et, le mercredi, nous sommes à Merpeck où, pour trois sous,
-j'achète du pain et du vin. En passant par Brantenmuhl et Culenberg, nous
-arrivons le mardi matin à La Croix où, pour trois sous deux deniers, on
-nous sert un assez bon repas.
-
-Nous prenons le chemin d'Anvers[37]. Aussitôt arrivé, je me rends à
-l'auberge de Joost Plankfeld. Le même soir, le factor Bernard Stecher me
-donne un souper splendide; ma femme reste à l'auberge, et je donne trois
-florins au voiturier.
-
- [37] On sait que du temps d'Albert Dürer, cette ville était
- appelée Antorff par les Allemands.
-
-Le samedi après la Saint-Pierre-aux-Liens, mon hôte me mène chez le
-bourgmestre d'Anvers[38]; sa maison[39] est grande et bien distribuée,
-avec des chambres très-vastes et très-belles. Elle est flanquée d'une
-tour précieusement travaillée et entourée d'immenses jardins; en somme,
-c'est une demeure princière. Je n'ai pas vu sa pareille dans toute
-l'Allemagne. Une grande rue toute neuve donne accès de deux côtés à cette
-maison, qu'il a fait bâtir ainsi à sa fantaisie.
-
- [38] Le chevalier Arnold de Liere, qui fut successivement
- bourgmestre de l'extérieur et de l'intérieur, de 1506 à 1529,
- date de sa mort.
-
- [39] Cette maison, située rue des Princes, devant la cour de
- Liere, est aussi appelée la Maison Anglaise. Aujourd'hui, c'est
- un hôpital militaire. L. Guicciardyn dit, dans sa _Description
- des Pays-Bas_, Amsterdam 1612, page 69, qu'elle fut bâtie par le
- seigneur Aert, né de la branche noble de Liere, pour servir de
- résidence à Charles V.
-
-Le dimanche, jour de la Saint-Oswald, les peintres m'invitent dans leur
-cercle avec ma femme et ma servante. Nous mangeons un excellent dîner,
-dans un service complet d'argent. Toutes les femmes des peintres sont là;
-et, lorsque l'on me mène à ma place, l'assemblée entière, debout, fait la
-haie comme si j'étais un grand seigneur. Il y a à ce banquet des
-personnages très-considérables qui se courbent devant moi et me font
-mille politesses, me disant qu'ils veulent tout faire pour m'être
-agréable. Lorsque je suis assis, le pensionnaire du Conseil d'Anvers
-vient à moi avec deux valets et me fait présent, de la part de ces
-messieurs de la ville, de quatre pots de vin, en me disant qu'ils veulent
-m'honorer par là et me témoigner leur estime. Je le prie de leur
-transmettre mes remercîments, et lui offre mes très-humbles services.
-
-Après lui vient maître Pierre[40], qui me présente, avec ses hommages,
-deux autres pots de vin. Après avoir passé gaiement à table une grande
-partie de la nuit, on me reconduit aux flambeaux, en me faisant mille et
-mille démonstrations amicales. Je remercie chaudement, et vais me mettre
-au lit.
-
- [40] Maître Pierre, charpentier de la ville.
-
-Je suis allé voir Quentin Metsys[41] dans sa maison[42].
-
- [41] Quentin Metsys, peintre fameux, né à Louvain vers 1466, mort
- à Anvers en 1530.
-
- Nous disons en 1530. En effet, il résulte d'une communication
- faite à M. Pierre Génard par le chevalier Léon de Burbure, et
- insérée à la page 196 de la _Vlamsche School_, volume de 1857, que
- maître Quentin Metsys est décédé entre le jour de la Noël 1529 et
- la veille de cette fête 1530. C'est en cette dernière année qu'il
- est mort, puisqu'il avait assisté encore, le 8 juillet 1530, à la
- passation d'un acte.... (_Livret du musée d'Anvers_).
-
- Le célèbre ferronnier-peintre avait donc seulement 64 ans et non
- 84 comme on le croyait avant la découverte de son acte de
- naissance faite récemment par M. Edward Van Even, l'infatigable
- archiviste de la ville de Louvain. M. Paul Mantz, qui est à
- l'affût de tout ce qui peut donner un attrait nouveau à son
- _Histoire des peintres flamands_, publiera, j'en suis sûr, ce
- précieux document dans la prochaine édition de son excellent
- livre.
-
- [42] Quentin Metsys habitait alors une maison appelée le Singe
- (de Simme), dans la rue des Tanneurs (Huidevetters-Straet,
- section 3, no 1037).
-
- Plus tard il alla habiter la rue du Jardin dans les Arbaletriers
- (Schutters-hof-Straet). C'est cette deuxième demeure qui avait
- encore, en 1658, pour enseigne, un saint Quentin forgé en fer par
- maître Quentin Metsys lui-même, si l'on en croit Van Fornenberg.
-
-J'ai aussi visité les trois grandes places de tir[43]. Je fais un
-excellent dîner chez Haber et un autre chez le consul de Portugal, dont
-je dessine le portrait. Je fais aussi le portrait de mon hôte Joost
-Planckfeld, qui m'offre une branche de corail. Je donne deux sous pour du
-beurre, et la même somme aux charpentiers des peintres. Mon hôte me mène
-dans l'atelier où les peintres pensionnés par la ville d'Anvers
-travaillent aux arcs de triomphe qui seront élevés sur le passage du roi
-Charles V[44]. Il n'y en aura pas moins de quatre cents, de quarante
-pieds de long chacun; ils régneront des deux côtés des rues, seront bien
-peints et auront deux étages, sur lesquels on donnera des
-représentations allégoriques. La menuiserie et la peinture coûteront
-ensemble quatre cents florins. Cette décoration sera d'un bel effet.
-
-[Illustration: C. BOGDURT. D. ALBERT-DURER. E. SOTAIN. JC]
-
- [43] Les places de tir étaient alors situées, les deux premières,
- où sont aujourd'hui le marché au blé et le nouveau théâtre; la
- troisième, près des rues des Tapissiers et du Jardin-du-Tir.
- Elles furent toutes les trois rebâties en partie par Gillibert
- van Schoonbeke, en 1552.
-
- [44] Le 23 décembre 1520, Charles V fit son entrée triomphale à
- Anvers, où se tenait alors le conseil de toutes les provinces,
- pour offrir à Sa Majesté deux cent mille couronnes (_Chronique
- anversoise_, page 14).
-
-Je dîne de nouveau chez le consul de Portugal et chez Alexandre[45].
-
- [45] Orfévre et amateur de Nuremberg, né en 1504, mort en 1546,
- reçu de la gilde de Saint-Luc en 1546.
-
-Sebald Fischer m'achète seize petits dessins de la Passion[46] pour
-quatre florins; trente-deux grands livres pour huit florins; six gravures
-de la Passion[47] pour trois florins; vingt demi-feuilles, différents
-sujets, l'un parmi l'autre, un florin; il m'en prend pour trois florins.
-Je vends aussi des quarts de feuille pour cinq florins et demi, plus huit
-grandes feuilles pour un florin.
-
- [46] 37 estampes. Hauteur, 4 pouces 8 à 10 lignes; largeur, 3
- pouces 7 lignes. Voir Bartsch, _le Peintre-Graveur_, 16-52.
-
- [47] Suite de 16 pièces gravées sur bois. Hauteur, 4 pouces 4
- lignes; largeur, 2 pouces 9 lignes. Voir Bartsch, _le
- Peintre-Graveur_, 3-18. Vasari dit qu'Albert Dürer a été à Venise
- pour porter plainte contre Marc-Antoine, qui avait fait et vendu
- des copies de la grande et petite Passion de Jésus-Christ. Cette
- assertion est fausse. Ce qui le prouve mieux que tous les
- raisonnements, c'est que les cinquante-trois pièces qui composent
- les deux séries de la Passion ont été commencées en 1507 et
- terminées en 1513, lorsque Albert était revenu depuis longtemps
- de Venise. S'il y a été une autre fois, c'est avant 1506 et non
- après.
-
-J'avais remis à mon hôte une figure de la Vierge peinte sur toile; il l'a
-vendue pour mon compte deux florins du Rhin.
-
-Je fais le portrait de Félix, le joueur de luth[48]. Je dépense deux sous
-pour de la bière et du pain, deux sous pour un bain, et quatorze sous
-pour trois petits panneaux.
-
- [48] Félix Hungersberg, musicien célèbre et capitaine de
- l'empire.
-
-Je dîne chez l'orfévre Alexandre, et aussi chez Félix.
-
-Maître Joachim[49] a dîné chez moi hier, ainsi que son élève. Pour les
-peintres, je fais en demi-teinte un écusson; j'accepte un florin pour les
-débours. Je donne mes quatre nouvelles pièces à Pierre Wolfgang, et à
-Joachim des dessins pour la valeur d'un florin, parce qu'il m'a prêté son
-domestique et ses couleurs; du reste, j'avais retenu son domestique à
-dîner, et je lui avais donné pour trois sous de dessins. J'envoie à
-l'orfévre Alexandre quatre nouvelles pièces. Je fais au fusain les
-portraits du Génois Tommaso Florianus, de Romanus, qui est de Lucques, et
-des deux frères de Tommaso, Vincent et Gérard, tous trois de la famille
-des Pombelli. Je dîne douze fois chez Tommaso.
-
- [49] Joachim Patenier ou de Patenir, né à Dinant, vers la fin du
- XVe siècle, célèbre comme peintre et comme ivrogne. Il a fait
- quelques batailles; mais c'est comme paysagiste qu'il s'est
- illustré. Il mettait dans un coin de tous ses tableaux un petit
- bonhomme accroupi et ...... C'était le coin du maître. Albert
- Dürer estimait beaucoup sa peinture; mais il voyait avec chagrin
- un homme de son mérite _vivre misérablement dans la crapule_.
-
-Le trésorier me donne une tête d'enfant peinte sur toile, et une arme en
-bois de Calcutta. Tommaso me fait cadeau d'un chapeau de paille. Je dîne
-chez le consul de Portugal, et l'un des frères de Tommaso me fait
-accepter des gravures pour la valeur de trois florins.
-
-Érasme[50] m'offre un manteau espagnol, et trois dessins représentant des
-portraits d'hommes. Je reçois du frère de Tommaso une paire de gants, et
-je fais un deuxième portrait de Vincent. Je donne à maître Augustin
-Lumbarth[51] les deux parties des _imagines cœli_[52]. Je dessine le
-portrait d'Opiius au nez tordu. Ma femme et ma servante Susanne ont dîné
-chez Tommaso.
-
- [50] Desiderius Erasme, né à Rotterdam le 28 octobre 1467, mort
- le 11 juillet 1536 à Basel.
-
- [51] Peut-être le frère de Lumbardus, le peintre.
-
- [52] _Imagines cœli septentrionalis._ Hauteur et largeur, 15
- pouces 10 lignes. _Imagines cœli meridionalis._ Hauteur et
- largeur, 15 pouces 8 lignes. Voir Bartsch, _le Peintre-Graveur_,
- no 151-152.
-
-Notre-Dame d'Anvers est très-grande. On y dit plusieurs messes à la fois
-sans produire de confusion; ses autels ont de riches fondations. Les
-meilleurs musiciens y sont attachés; l'église possède plusieurs ornements
-et sculptures remarquables, ainsi qu'une jolie tour.
-
-J'ai visité la riche abbaye de Saint-Michel, dont le chœur est garni de
-beaux fauteuils taillés dans la pierre.
-
-A Anvers, quand il s'agit d'art, on ne se laisse pas arrêter par les
-frais, car l'argent n'y est pas rare.
-
-Je fais le portrait de Nicolas[53], astronome du roi d'Angleterre; c'est
-un Allemand né à Munich, qui m'a été fort utile dans diverses
-circonstances.
-
- [53] Nicolas Kratzer, chimiste et astronome fameux, florissait à
- Oxford en 1517. Holbein fit aussi son portrait en 1528.
-
-Hans Pfaffroth me donne un florin de Philippe pour son portrait que j'ai
-dessiné. Je dîne de nouveau chez Tommaso; le beau-frère de mon hôte m'a
-invité avec ma femme. Je change deux mauvais florins contre vingt-quatre
-sous. Je donne un sou à quelqu'un qui me montre un tableau. Le dimanche
-après l'Assomption, j'ai vu la grande procession de Notre-Dame d'Anvers;
-c'est un spectacle féerique; toutes les corporations et tous les
-métiers habillés somptueusement étaient présents. Chaque profession et
-chaque gilde avaient ses attributs particuliers, quelques personnes
-portaient d'énormes cierges et de longues trompettes antiques en argent
-massif. Il y avait un grand nombre de joueurs de flûte et de tambour
-vêtus à l'allemande qui, avec leurs instruments, faisaient un terrible
-vacarme, je les ai aperçus qui circulaient dans les rues par bandes
-séparées. Voici dans quel ordre on marchait: les orfévres, les peintres,
-les sculpteurs, les brodeurs sur soie, les statuaires, les menuisiers,
-les charpentiers, les bateliers, les pêcheurs, les maçons, les tanneurs,
-les teinturiers, les boulangers, les tailleurs, les cordonniers et divers
-autres métiers. Il y avait aussi un grand nombre d'hommes de peine et de
-négociants, des boutiquiers et des marchands de toute espèce avec leurs
-commis. Après ceux-là venaient les tireurs avec leur carabine, leur arc
-ou leur arbalète, des cavaliers et des fantassins, la garde des
-fonctionnaires, et enfin une troupe très-belle qui était précédée de tous
-les ordres représentés par des gens costumés d'une façon spéciale. J'ai
-remarqué aussi dans cette procession une troupe de veuves qui vivent de
-leur travail et suivent une règle claustrale; elles sont couvertes des
-pieds à la tête de longs vêtements de toile blanche, c'est très-curieux à
-voir;--parmi ces femmes il y a des personnes fort distinguées. On y
-remarquait aussi le chapitre de Notre-Dame, une masse de prêtres,
-d'écoliers et de boursiers qui fermaient la marche. Vingt personnes
-portaient les images de la Vierge et de l'enfant Jésus splendidement
-ornées. Pour cette procession on avait construit à grands frais des
-objets très-remarquables, c'est-à-dire un grand nombre de chars et
-quantité de bateaux mobiles sur lesquels on représente des scènes de tout
-genre. J'ai remarqué les allégories suivantes: l'ordre des Prophètes, le
-Nouveau Testament, la salutation de l'Ange, les trois rois Mages sur des
-chameaux et d'autres animaux rares fort curieusement costumés, la fuite
-en Égypte et beaucoup d'autres choses que je passe pour abréger. Enfin
-venait un grand dragon conduit en laisse par sainte Marguerite et ses
-vierges qui étaient extrêmement jolies, puis saint Georges, un fort beau
-garçon et ses pages; un grand nombre de jeunes gens et de jeunes filles
-costumés de différentes façons représentaient des saints et des saintes.
-
-Cette procession mit deux heures pour défiler devant notre maison, et
-elle présentait trop de particularités pour pouvoir être relatées toutes
-ici[54].
-
- [54] Ces quelques lignes ont inspiré au grand peintre belge,
- Henri Leys, un tableau qui est un chef-d'œuvre.
-
-J'ai été dans la maison que Focker s'est fait construire[55] récemment,
-elle est fort belle, flanquée d'une jolie tour et entourée de jardins
-immenses. J'ai surtout admiré ses magnifiques écuries.
-
- [55] Cette maison existe encore aujourd'hui; elle est située,
- rempart des tailleurs de pierre, W. 4, no 794; mais elle est
- entièrement défigurée. Les Focker ou Fugger étaient, en ce
- temps-là, les plus riches marchands de l'Europe. Ils étaient
- originaires d'Augsbourg et s'étaient fixés à Anvers en 1505.
-
-Tommaso a donné à ma femme quatorze aunes de gros damas d'Arras pour s'en
-faire une robe, et de plus, deux aunes et demie de demi-satin pour la
-doublure. J'ai fait, à la demande des orfévres, une esquisse d'une
-couronne pour la tête de Notre-Dame. Le consul de Portugal m'a offert
-dans son hôtel[56] des vins de France et de Portugal. Roderigo[57] m'a
-donné un petit tonneau de sucreries de toute sorte, où se trouvent une
-boîte de sucre candi, deux plats de sucrerie fine, des massepains et même
-quelques cannes à sucre, telles qu'elles croissent naturellement. J'ai
-gratifié son domestique d'un florin et changé un mauvais florin contre
-douze sous.
-
- [56] L'hôtel de Portugal, situé au _Kipdorp_, W. 2, no 1668,
- acheté par la ville à M. Gilles de Schermere, le 20 novembre
- 1511, et donné au facteur et consuls ordinaires du Portugal, «et
- ce tant et durant que les dicts facteur ou consuls se tiendront
- en ceste ditte ville, et que le facteur tiendra sa demeure en la
- ditte maison.» En 1817, on en fit la caserne des pompiers.
-
- [57] Rodrigo Fernandès, très-gros commerçant, facteur de Portugal
- en 1528. Cette année, il acheta le splendide hôtel d'Immerseele,
- appelé plus tard le Vetkot, situé rue Longue-Neuve W. 2, no 1468.
- Il l'acheta au seigneur Jan d'Immerseele, bailli d'Anvers et
- marquis du pays de Ryen, et à demoiselle Marie De Lannoy, sa
- femme. La rue du Marquisat qui est près de là en a pris son nom.
- La jolie chapelle qui existe encore fut bâtie par le marquis en
- 1496.
-
-Les colonnes de l'église paroissiale du couvent de Saint-Michel sont
-toutes faites d'un seul morceau de belle pierre noire.
-
-Je donne à M. Gilgen, chambellan du roi Charles, et à maître Conrad[58],
-excellent sculpteur qui est au service de Mme Marguerite, fille de
-l'empereur Maximilien, les objets suivants:
-
-Saint Jérôme en prière[59], la Mélancolie[60], trois nouvelles Marie,
-saint Antoine[61] et sainte Véronique[62]; de plus, à maître Gilgen un
-saint Eustache[63] et une Némésis[64].
-
-[Illustration: ALBERT-DURER P. AH CABASSON D. CH-JARDIN SC.]
-
-[Illustration]
-
- [58] Conrad Meyt, né à Malines, reçu à la gilde de Saint-Luc, en
- 1536.
-
- [59] Cette estampe est gravée à l'eau-forte sur fer. Hauteur, 7
- pouces 9 lignes; largeur, 6 pouces 10 lignes. Voir Bartsch, _le
- Peintre-Graveur_, no 59.
-
- [60] Il y a tout un poëme dans cette figure, qui revient sans
- cesse, et peut-être malgré lui, dans l'œuvre du maître. Ce sont
- les traits de _la jalousie_ d'une grande quantité de ses vierges
- terrestres, et sans doute de ce monstre charmant, Agnès Frey,
- qu'il déteste et qu'il adore. Voir page XIV.
-
- [61] Gravure que l'on trouve assez facilement belle. Hauteur, 3
- pouces 7 lignes; largeur, 5 pouces 3 lignes. Voir Bartsch, _le
- Peintre-Graveur_, no 58.
-
- [62] Cette petite merveille que nous donnons ici est gravée au
- burin sec. Albert Dürer en avait fait tirer très-peu
- d'exemplaires. Aussi était-elle déjà rare de son vivant, et ne
- l'offrait-il qu'aux personnes dont il faisait grand cas.
-
- [63] Cette gravure, dont l'empereur Rodolphe II a fait dorer la
- planche, est une des plus fines et des plus remarquables du
- maître. On la nomme aussi _saint Hubert_, parce que l'on y voit
- dans une forêt un chasseur à genoux devant un cerf qui porte une
- croix lumineuse au-dessus de la tête. On croit, généralement que
- l'artiste a fait le portrait de Maximilien Ier. Peut-être est-ce
- celui de son ami Reiter, qui ressemblait à l'empereur. Hauteur
- mesurée du côté gauche, 13 pouces 3 lignes; du côté droit, 13
- pouces seulement; largeur, 9 pouces 7 lignes. Voir Bartsch, _le
- Peintre-Graveur_, no 57.
-
- [64] On ne trouve plus ce titre dans les catalogues de l'œuvre
- d'Albert Dürer; il s'agit ici de la _justice_ ou de la _grande
- fortune_.
-
-Le dimanche qui précède la Saint-Barthélemy je devais déjà à mon hôte
-sept florins vingt sous et un heller.
-
-Mon salon, ma chambre à coucher et la literie me reviennent à onze
-florins par mois.
-
-Le 27 du mois d'août, qui est le lundi qui suit la Saint-Barthélemy, je
-fais un nouveau contrat par lequel je dois payer deux sous par repas, y
-compris la boisson; ma femme et ma servante feront la cuisine et
-mangeront dans leur chambre. J'offre au facteur de Portugal un petit bois
-représentant un enfant, Adam et Ève[65], saint Jérôme en prière, Hercule,
-saint Eustache, la Mélancolie et une Némésis, puis sur demi-feuilles
-trois nouvelles figures de la Vierge, Véronique, saint Antoine, la
-Nativité[66] et le Crucifix[67]; mes meilleurs dessins sur quart de
-feuilles (huit pièces), les trois livres de la vie de Notre-Dame,
-l'Apocalypse, la grande Passion, la petite Passion et la Passion sur
-cuivre.
-
- [65] Cette gravure, très-belle et très-rare, porte cette
- inscription: Albertus Dürer Noricus faciebat 1504. C'est la
- première fois que le maître signe en toutes lettres. Il a compris
- sans doute que l'œuvre est digne du grand nom qu'il se fera. Dès
- ce moment, en effet, son dessin et son exécution technique sont
- irréprochables. Il n'a plus ni dureté, ni sécheresse, il n'est
- plus l'élève d'aucun maître. Il est lui! Hauteur, 9 pouces 2
- lignes; largeur, 7 pouces 1 ligne. Voir Bartsch, _le
- Peintre-Graveur_, no 1.
-
- [66] Voir page CL.
-
- [67] Le Christ expirant sur la croix. On dit que cette estampe a
- été gravée sur le pommeau de l'épée de l'empereur Maximilien.
- C'est un petit chef-d'œuvre extrêmement rare.
-
-Tout cela vaut bien cinq florins.
-
-Je fais le même cadeau au Portugais Rodrigo qui a donné à ma femme un
-petit perroquet vert. Le dimanche après la Saint-Barthélemy je pars
-d'Anvers avec M. Tommassin pour aller à Malines, où nous passons la nuit.
-
-J'invite à dîner un peintre et maître Conrad, l'excellent sculpteur de
-Mme Marguerite. De Malines, en passant par Vilvorde, nous nous rendons à
-Bruxelles où nous arrivons le lundi 3 septembre. Je donne trois sous au
-messager. Je dîne avec ces messieurs de Bruxelles, et une autre fois avec
-M. Bonisius[68], à qui j'offre une Passion en cuivre. Je remets au
-margrave Hans la lettre de recommandation de l'évêque de Bamberg, plus
-une Passion en cuivre. Je dîne une seule fois avec ces messieurs de
-Nuremberg.
-
- [68] Agent d'une maison de commerce du royaume à Bruxelles.
-
-Dans la chambre d'or du conseil de Bruxelles j'ai pu admirer quatre
-tableaux du grand peintre Rudier[69]. Derrière le palais du roi, j'ai vu
-les fontaines, le labyrinthe et le jardin zoologique, toutes choses si
-belles que je n'en avais jamais contemplé de pareilles; je me croyais en
-paradis.
-
- [69] Rogier de Bruges, ou plutôt Rogier van der Weyden, peintre,
- né à Bruxelles, suivant les uns, à Tournay, suivant les autres,
- vers 1400, et mort à Bruxelles le 16 juin 1464, d'une maladie
- épidémique appelée le _mal anglais_, qui ravageait alors le pays.
-
- Trois des tableaux dont parle Albert Dürer sont d'une grande
- naïveté, mais le quatrième est d'un effet très-saisissant: c'est
- Herkenbaldt, mourant dans son lit, qui embrasse son neveu,
- convaincu d'un viol, et qui en même temps l'égorge pour le
- soustraire à l'ignominie du supplice.--La tête du vieillard est du
- plus haut style. M. Alphonse Wauters croit que ces tableaux ont
- été détruits dans le bombardement de Bruxelles, en 1695. Quatre
- magnifiques tapisseries de 26 pieds de longueur sur 13 pieds 6
- pouces de hauteur, conservées précisément dans la sacristie de
- l'église de Berne, les reproduisent de la manière la plus
- complète, et nous font voir combien Lampsonius avait raison quand
- il s'écriait avec admiration: «O maître Rogier, quel homme vous
- étiez!
-
-La maison du conseil à Bruxelles est magnifique et fort grande, bâtie en
-belles pierres, avec une superbe tour découpée à jour. A Bruxelles, j'ai
-fait à la lueur de la chandelle trois portraits, celui de maître Conrad
-qui était mon hôte, celui du fils du docteur Lampaters et celui de mon
-hôtesse.
-
-J'ai vu parmi les curiosités qu'on a apportées au roi du nouveau pays de
-l'or[70], un soleil d'or de la grandeur d'une brasse et une lune d'argent
-de la même dimension. J'ai admiré deux chambres pleines de toutes espèces
-de curiosités venant du même endroit, des armes, des harnais, des engins
-de guerre, des habillements fort bizarres, des literies et bien d'autres
-choses encore à l'usage des gens de ce pays-là. Il est à remarquer que
-tous ces objets sont infiniment plus beaux et plus riches que ce que nous
-trouvons chez nous. Ils sont tellement précieux qu'on les évalue à cent
-mille florins. J'avoue que jamais rien n'a excité autant ma curiosité que
-ces produits extraordinaires qui prouvent combien les habitants de ces
-contrées lointaines ont l'esprit ingénieux et inventif.
-
- [70] Le Mexique.
-
-A Bruxelles, j'ai vu bien d'autres belles choses, et spécialement une
-gigantesque arête de poisson, qui paraît construite en pierres de taille.
-Cette arête a une brasse de largeur et pèse environ quinze quintaux. Sa
-forme est à peu près celle-ci:
-
-(Le dessin n'est pas dans le manuscrit.)
-
-Cette arête se trouve derrière la tête du poisson.
-
-J'ai visité l'hôtel de Nassau; c'est un splendide bâtiment, luxueusement
-décoré.
-
-J'ai dîné encore deux fois avec ces messieurs de Bruxelles. Mme
-Marguerite de Flandre m'a envoyé chercher et m'a promis de me recommander
-au roi Charles. Elle a été avec moi d'une grâce charmante. Je lui ai
-offert ma Passion sur cuivre. J'ai fait le même cadeau à son trésorier
-Jean Marini, et, de plus, j'ai dessiné son portrait. J'ai donné deux sous
-pour un anneau de buffle, et deux sous pour faire ouvrir le tableau de
-l'autel de Saint-Luc.
-
-Lors de ma visite à l'hôtel de Nassau, j'ai vu dans la chapelle la belle
-peinture de maître Hugo[71]. J'ai remarqué aussi deux belles salles et
-tous les objets précieux qui sont dispersés dans l'hôtel; enfin l'immense
-lit qui peut contenir cinquante personnes. J'ai examiné avec attention le
-quartier de roc que l'orage a jeté aux pieds du seigneur de Nassau. Cet
-hôtel est situé sur une hauteur et jouit d'une vue admirable qui, je
-crois, n'a pas sa pareille dans l'Allemagne entière. Maître Bernard[72],
-le peintre, m'a invité à sa table et m'a fait servir un dîner si
-recherché, qu'à mon avis il ne doit pas en avoir été quitte pour dix
-florins. Pour me tenir compagnie, le trésorier de dame Marguerite,
-l'intendant de la cour Meteni, et le trésorier de la ville Pufladis,
-s'étaient fait inviter à ce dîner. J'ai donné à Pufladis une Passion sur
-cuivre, et il m'a remis en échange une bourse espagnole noire de la
-valeur de trois florins. J'ai envoyé une Passion sur cuivre à Érasme de
-Rotterdam. J'ai fait le même cadeau à Érasme, le secrétaire de Bonisius.
-L'Anversois qui m'a donné une tête d'enfant s'appelle Laurent Sterk[73].
-J'ai dessiné le portrait de maître Bernard, le peintre de dame
-Marguerite, et j'ai recommencé celui d'Érasme de Rotterdam[74]. J'ai
-offert à Laurent Sterk un saint Jérôme assis et la Mélancolie.
-
- [71] Hugues Vandergoes, peintre distingué, que Vasari nomme Hugo
- d'Anversa. Pourquoi? Ce n'est sans doute pas parce qu'il est né à
- Gand vers 1430.--En 1476 il se fit ordonner prêtre, devint
- chanoine régulier au monastère de la Croix-Rouge, dans la forêt
- de Soignes, aux portes de Bruxelles, et mourut en 1482.
-
- Ses compagnons de retraite gravèrent cette inscription sur sa
- tombe:
-
- Pictor Hugo van der Goes humatus hic quiescit.
- Dolet ars, cum similem sibi modo nescit.
-
- [72] Bernard van Orley, ou Barend van Brussel, né à Bruxelles en
- 1471, mort dans sa ville natale en 1541, peintre de Marguerite
- d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas. Il eut la gloire d'être un
- des rares peintres flamands qui accueillirent Albert Dürer sans
- jalousie.
-
- [73] Receveur du Brabant pour le quartier de la ville d'Anvers.
-
- [74] Il est représenté à mi-corps dans son cabinet. Il écrit.
- Érasme ne fut pas content de ce portrait comme il l'avait été de
- celui fait par Holbein, qu'il avait gardé dix jours chez lui
- avant de le rendre, pour qu'il pût paraître dans la célèbre
- édition de l'_Éloge de la folie_, dite édition d'Holbein, parce
- que ce grand peintre l'avait illustrée de quatre-vingt-trois
- dessins, gravés sur cuivre, sans compter son portrait, celui de
- Morus et celui d'Érasme sur une seule planche. Oh! oh! s'était
- écrié le philosophe de Rotterdam en voyant ce portrait, si je
- ressemblais encore à cet Érasme-là, en vérité, je voudrais me
- marier. Albert Dürer a gravé ce portrait sur cuivre, avec cette
- inscription: «Imago Erasmi Roterodami ab Alberto Durero ad vivam
- effigiem delineata, MDXXVI.» Hauteur, 9 pouces 3 lignes; largeur,
- 7 pouces 2 lignes.
-
-[Illustration]
-
-Six personnes de Bruxelles, dont j'ai fait le portrait, ne m'ont rien
-donné.
-
-J'ai acheté deux cornes de bœuf pour trois sous, et deux
-uilenspiegels[75] pour un sou.
-
- [75] Albert Dürer parle-t-il de l'estampe de Lucas de Leyde, ou
- du petit livre populaire intitulé _Aventures de Thyl
- Uylenspiegel_, qui fut traduit en 1483 du néerlandais en
- allemand, selon les Flamands, ou de l'allemand en néerlandais,
- selon les Allemands? En 1613, Van der Hoeven, de Rotterdam, fit
- une nouvelle édition de cette bonne bouffonnerie avec ce titre:
- «Histoire de Thyl Uylenspiegel, relation des farces ingénieuses
- qu'il a faites; très-amusante à lire, avec de belles gravures.»
- Depuis on en a publié bon nombre corrigées et considérablement
- augmentées. Pour ma part j'en connais bien dix, en comptant celle
- qui est spirituellement illustrée par Paul Lauters. Je crois
- qu'Albert Dürer parle du livre, car de son temps la gravure
- devait déjà être très-rare. A peine gravée, la planche avait été
- perdue; peut-être Lucas l'avait-il détruite lui-même, car cette
- estampe n'était pas à la hauteur de ses autres ouvrages.
-
- Le graveur Henri Hondius en a fait une copie en 1644, avec cette
- inscription:
-
- Dees eerste vorm is wech, men vinter geen voor ons,
- Want een papiere Druck gelt vyftich Ducatons.
- «Cette forme première est perdue, on ne peut la retrouver; et un
- exemplaire sur papier se paye cinquante ducatons.»
-
-Le dimanche après la Saint-Gilgen, je prends congé de Hans Ebner[76]. Il
-ne veut rien recevoir de Hans Gender pour les sept jours que j'ai passés
-chez lui. Je donne un sou à son domestique, et nous partons, M. Tommaso
-et moi, pour Malines. Le soir, je dîne avec Mme de Nieuwkerk, et le lundi
-de bonne heure je retourne à Anvers.
-
- [76] Ambassadeur nurembergeois; fut conseiller et bourgmestre de
- sa ville, et mourut en 1553.
-
-Je déjeune le matin avec le facteur de Portugal, qui me donne trois
-Porzolana[77], et Roderigo me prie d'accepter quelques objets en plumes
-venant de Calcutta. J'achète pour Susanne une cape de deux florins dix
-sous. Pendant mon absence, ma femme a dépensé quatre florins rhénans pour
-un lessivage, un soufflet, une terrine, des pantoufles, du bois, des bas,
-une cage de perroquet, deux gobelets et des pourboires; ses repas, sa
-boisson, et d'autres choses de première nécessité, ont en outre coûté
-vingt et un sous.
-
- [77] Tasses de Majolica. Poterie italienne.
-
-Le lundi après la Saint-Égide, je rentre chez mon hôte Joost Plankfeld et
-j'y dîne seize fois. Je donne au domestique de Nicolas Tommaso un sou
-pour lui et six sous pour un cadre. Mon hôte me fait cadeau d'une poule
-indienne et d'un fouet turc. Je dîne treize fois chez Tommaso. Les
-seigneurs de Rogendorf m'invitent à dîner. J'accepte leur invitation et
-je peins en grand leur écusson sur bois, pour qu'on pût le graver. Je
-dépense un sou, et ma femme change un florin contre vingt-quatre sous. Je
-dîne un jour avec Jacob Rechlinger dans la maison de Ficker, et, une
-autre fois, avec toute la famille.
-
-Je donne à Guillaume Havenhüth, le valet de pied du duc comte palatin
-Frédéric, un saint Jérôme sur cuivre et les deux demi-feuilles
-représentant Marie et saint Antoine; à Jacques Bonisius, une bonne figure
-de sainte Véronique, un saint Eustache, la Mélancolie, saint Jérôme
-assis, saint Antoine, les deux nouvelles Vierges et le Nouveau paysan; à
-son secrétaire Érasme, qui a remis ma pétition, un saint Jérôme assis, la
-Mélancolie, saint Antoine et les deux nouvelles Vierges, le tout d'une
-valeur de sept florins. J'offre à l'orfévre Merx une Passion sur cuivre,
-et je lui vends des gravures pour trois florins; je vends, d'un autre
-côté, pour trois florins vingt sous d'objets d'art. Je donne au peintre
-sur verre Honig quatre petites pièces sur cuivre. Je dîne trois fois chez
-Bonisius. J'achète du fusain et du crayon noir pour quatre sous, du bois
-pour un florin huit sous, et trois sous disparaissent sans que je puisse
-dire où ils sont passés. Je dîne dix fois chez ces messieurs de
-Nuremberg.
-
-Maître Diderik, peintre sur verre, m'envoie de la couleur rouge que l'on
-trouve à Anvers dans les briques nouvellement cuites. Je dessine le
-portrait de maître Jacques de Lubeck. Il donne un florin de Philippe à ma
-femme. Je le change pour avoir de la monnaie. J'offre à dame Marguerite
-un saint Jérôme assis sur cuivre, je vends une Passion sur bois pour
-douze sous, et un Adam et Ève pour quatre sous. Félix, le joueur de luth,
-achète tout mon œuvre sur cuivre, ma Passion sur bois, ma Passion sur
-cuivre, deux demi-feuilles, deux quarts de feuilles, pour huit florins
-d'or. Je fais le portrait de Bonisius. Rodrigo m'envoie de nouveau un
-perroquet; je donne deux sous de pourboire à son domestique. Je fais
-présent au joueur de trompette Jean Van den Winkel d'une petite Passion
-sur bois, d'un saint Jérôme en prière et d'une Mélancolie.
-
-[Illustration:
- ALBERT DURER. P.
- PERUGINI. D.
- TAMISIER. SC.]
-
-J'achète une paire de souliers pour six sous et une verge de mer pour
-cinq sous; Georges Schlautersbach m'en avait donné une qui valait six
-sous. Je dîne une fois avec l'agent des Focker, Wolf-Haller[78], à
-l'occasion d'une invitation qu'il avait faite à messeigneurs de
-Nuremberg. Je dîne avec ma femme, et je donne un sou au garçon de Hans
-Deners. Je vends pour cent sous d'objets d'art. Je fais le portrait de
-maître Jacques[79], le peintre des Van Rogendorf. Comme j'ai dessiné sur
-bois l'écusson des Van Rogendorf[80], on me donne pour ma peine sept
-aunes de velours. Je dessine au fusain le portrait de Jararott Pruk pour
-un florin. Je dîne chez le facteur de Portugal. A Hans Schwarz[81], je
-paye deux florins d'or pour mon portrait; je les lui envoie à Augsbourg
-par l'entremise des Focker dans une lettre. J'achète une chemise de laine
-rouge pour trente et un sous, de la couleur rouge que l'on trouve dans
-les briques nouvellement cuites pour deux sous, et une corne de bœuf
-pour neuf sous. Je dessine le portrait d'un Espagnol; je dîne avec ma
-femme; je donne deux sous pour mille pierres à feu, et trois sous pour
-deux tasses pareilles à celles que Félix et maître Jacques de Lubeck ont
-données à ma femme. Je dîne chez Rogendorf et donne un sou pour une
-brochure relatant l'entrée triomphale du roi à Anvers[82].
-
- [78] L'écusson de cette famille fut peint par Dürer, et peut-être
- même gravé sur bois.
-
- [79] Jacques Cornelisz, né au village de Oostzanen, et maître de
- Jean Schorel. En 1512, il jouissait déjà d'une grande réputation.
- Charles van Mandre a vu à Harlem, chez Corneille Suyver, une
- Circoncision peinte par lui en 1517, dont il dit le plus grand
- bien. Ce peintre avait un frère, nommé Buys, et un fils nommé
- Dirck Jacob; l'un a fait de beaux paysages, l'autre de beaux
- portraits. Jacques Cornelisz est mort à Amsterdam dans un âge
- avancé. Dürer l'appelle Jacques de Lubeck, parce qu'il avait été
- pensionné par les magistrats de cette ville.
-
- [80] Ce sont ces quelques mots qui ont fait dire qu'Albert Dürer
- ne grava pas sur bois. Comment supposer cependant qu'étant en
- apprentissage chez Wolhgemuth, au moment où ce peintre était déjà
- occupé des dessins de _la Chronique de Nuremberg_, il n'ait pas
- appris toutes les pratiques de l'atelier de son maître, et qu'il
- n'ait pas plus tard mis la main à quelques-uns des bois à sa
- marque. On convient généralement que les dessins de Dürer sont
- mieux gravés que ceux des autres artistes de son temps. N'en
- pourrait-on pas conclure qu'il donnait le dernier coup de ciseau,
- ou qu'il dirigeait le travail comme un homme qui sait le métier
- et qui ne grave pas habituellement, parce qu'il n'a pas le loisir
- de s'occuper de cet ouvrage long et minutieux?
-
- [81] Jean Swart ou Jean Lenoir, originaire de Groningue, fit des
- tableaux d'histoire et des paysages avec un égal succès. Ses
- toiles sont fort rares; mais j'ai vu beaucoup de charmantes
- gravures sur bois, gravées par lui ou d'après ses dessins. Il
- avait une grande prédilection pour les cavaliers turcs, armés de
- flèches et de carquois, car il en a mis partout. Il courut
- beaucoup le monde et finit par se fixer à Gouda en 1522.
-
- [82] Cornelii Graphæi gratulatio Caroli V imperatoris, 1520.
- Antverpiæ, apud Joan. Croccium. 8º.
-
-Les portes étaient garnies de représentations allégoriques et de jeunes
-filles presque nues; j'en ai vu rarement d'aussi belles[83]. J'ai changé
-un florin pour avoir de la monnaie. A Anvers, on m'a montré plusieurs
-ossements du géant[84]. L'os de la cuisse a quatre pieds et demi de long,
-et est extrêmement lourd. Son omoplate est plus grande que le dos entier
-d'une grande personne. Ce géant a eu dix-huit pieds de hauteur; il a
-gouverné Anvers, et y a fait plusieurs choses surprenantes. Ces messieurs
-de la ville ont beaucoup écrit sur lui dans un gros livre[85].
-
- [83] Dürer s'exprima plus longuement à ce sujet en causant avec
- Melanchthon qui, lors de son séjour à Nuremberg, vint souvent
- visiter le peintre. Il lui disait entre autres choses: «J'ai
- regardé ces jeunes filles fort attentivement et même brutalement
- (puisque je suis peintre).» Manlii Collectanea Locor. communium,
- page 345. Ces jeunes vierges étaient les plus belles personnes
- d'Anvers; elles étaient presque nues et habillées seulement d'une
- gaze légère. Lorsque Charles V fit son entrée triomphale, il ne
- se montra pas aussi admirateur que Dürer de leur beauté; car en
- passant devant elles il baissa les yeux, ce qui les indisposa
- fort contre lui.
-
- A cette époque, on voyait des vierges à peu près nues dans toutes
- les solennités de ce genre. Les jeunes filles se disputaient
- l'honneur d'être désignées par les juges institués _ad hoc_, car
- la mission de ces nouveaux Pâris était de choisir les plus belles
- et les mieux faites. Elles recevaient donc un diplôme de beauté,
- et plus tard leur mari pouvait dire avec un noble orgueil: Ma
- femme figurait à l'entrée de tel ou tel souverain.
-
- [84] Brabon.
-
- [85] Ce livre est un manuscrit du XVe siècle, que l'on trouve
- encore aujourd'hui dans les archives d'Anvers. C'est un in-folio,
- relié en corne blanche. Il porte ce titre: «Le vieux registre de
- divers mandements». Page 33, on lit l'histoire fabuleuse du géant
- Brabon et autres de son espèce.
-
-L'école de Raphaël d'Urbin s'est considérablement amoindrie après la mort
-de ce grand homme. Un de ses élèves, Thomas Polonius[86], bon peintre, a
-désiré me voir; il est venu chez moi et m'a fait cadeau d'une bague en or
-antique, ornée d'un beau camée d'une valeur de cinq florins, et dont on
-m'a déjà offert le double. En retour, je lui ai donné pour six florins de
-mes meilleures gravures. Je dépense trois sous pour un _calacut_, un sou
-pour un messager, et trois sous avec des camarades.
-
- [86] Cet élève de Raphaël se nommait Thomaso Vincidore, de
- Bologne; il paraît avoir été envoyé en Flandre pour surveiller
- l'exécution de certaines tapisseries, faites d'après des dessins
- de Raphaël.
-
-[Illustration:
- MARTIN. D.
- SOTAIMS]
-
-J'ai offert à dame Marguerite, sœur du roi Charles, un exemplaire de mon
-œuvre gravé; j'ai fait aussi pour elle, avec un grand soin, deux dessins
-sur parchemin, que j'évalue à trente florins; et, pour son médecin, le
-plan d'une maison qu'il veut bâtir. Je ne voudrais pas refaire ce
-dessin à moins de dix florins. Je donne à Nicolas Ziegler un Christ mort
-qui vaut trois florins, et au facteur de Portugal une tête d'enfant
-peinte, que je vendrais bien un florin.
-
-J'achète une corne de buffle pour dix sous, une patte d'élan pour un
-florin d'or.
-
-J'ai fait le portrait de maître Adrien au crayon, et celui de Wolf
-Rogendorf au poinçon. J'ai dépensé deux sous pour des condamnations et
-des dialogues, et j'ai donné à maître Adrien des œuvres d'art pour une
-valeur de deux florins. On m'a vendu un seul crayon rouge un sou. J'ai
-peint le portrait d'une dame noble dans la maison de Tommaso. J'ai offert
-à Nicolas un saint Jérôme en prière et les deux nouvelles Vierges.
-
-Le lundi après la Saint-Michel, je donne à Thomas Polonius tout mon
-œuvre gravé. Par l'entremise d'un peintre, il doit être envoyé à Rome,
-et l'on me promet en échange des dessins de Raphaël.
-
-Je dîne avec ma femme, et je dépense trois sous pour la régaler.
-
-Polonius a fait mon portrait[87] pour l'emporter à Rome. Je change une
-couronne et garde onze florins pour mes besoins. Je donne neuf sous pour
-du bois, et vingt sous pour porter ma malle à la barque de Bruges.
-
- [87] Ce portrait fut gravé au burin par André Stock. On lit cette
- inscription au bas de la planche: Effigies Alberti Dureri Norici,
- pictoris et sculptoris hactenus excellentissimi delineata ad
- imaginem ejus quam Thomas Vincidor de Bolognia ad vivum depinxit
- Antuerpiæ 1520. And. Stock, sculp. H. Hondius excudit 1639.
-
-A Bruges, je dessine le portrait d'une femme qui me le paye un florin. Je
-fais de grandes dépenses: un sou pour du vernis, un sou pour de la
-couleur, treize sous pour des fourrures, un sou pour du cuir, et deux
-sous pour deux écailles de moule. Dans la maison de Jean Gabriel, je
-peins le portrait d'un Italien pour deux florins d'or. J'achète un sac de
-voyage deux florins et quatre sous.
-
-Le jeudi après la Saint-Michel, je pars pour Aix-la-Chapelle. Je prends
-avec moi un florin et un noble, et j'arrive le dimanche à Aix-la-Chapelle
-après avoir passé par Maëstricht et par Gulpen. Jusqu'à présent mon
-voyage, tout compris, m'a coûté trois florins.
-
-A Aix-la-Chapelle, je vois les colonnes que Charles a fait venir de Rome,
-et qui sont ornées de chapiteaux de porphyre rouge et vert. Elles sont
-faites très-artistement d'après Vitruve. Je peins deux fois le portrait
-de Hans Ebner[88], et je dessine au fusain ceux de Georges
-Schlaudersbach, du jeune Christophe Groland et de mon hôte Pierre Van
-Enden. Je donne deux sous pour une pierre à aiguiser, cinq sous pour un
-bain et deux deniers au domestique de la ville qui m'a conduit à la salle
-du Conseil; je paye pour cinq deniers de boisson à des camarades, et je
-perds sept sous au jeu avec Hans Ebner. Je dessine dans mon album les
-portraits de Paulus Topler et de Martin Pfinzing.
-
- [88] C'est à la famille d'Ebner que nous devons le journal
- d'Albert Dürer. M. C. G. de Murr, qui a publié le texte allemand,
- dit qu'il l'a tiré _ex bibliotheca Ebneriana_. M. Frédéric
- Verachter, le savant archiviste de la ville d'Anvers, a traduit
- en flamand ce document précieux. Je me suis beaucoup aidé de son
- travail qui est fait avec une grande intelligence; pour être tout
- à fait juste, je dois dire que sans lui je ne serais jamais
- parvenu à rendre clairs une certaine quantité de passages qui
- étaient restés inexpliqués jusqu'à ce jour.
-
-Je vois à Aix-la-Chapelle le bras de l'empereur Henri, la chemise de la
-vierge Marie et d'autres reliques. Je dessine l'église de Notre-Dame, et
-je fais le portrait de Sturm[89]. Je dessine le portrait des sœurs de
-Kopffinger, une fois au charbon et une fois au crayon noir. Je donne dix
-sous pour une grande corne de bœuf, et je perds trois sous au jeu.
-J'offre à la fille de Tomasius une peinture de la Trinité d'une valeur de
-quatre florins, et je dépense un sou pour du cirage, trois sous pour un
-bain, huit sous pour une corne de buffle, et deux sous pour une ceinture.
-
- [89] Gaspard Sturm, dit Teutschland (Allemagne), le héraut
- d'armes qui assista à la prise du château de Sickingen, et qui
- fut chargé de conduire Luther à la diète de Worms. (Voir la _Vie
- de Luther_, par Audin, t. VI, p. 207.)
-
-[Illustration]
-
-Le 23 octobre, j'assiste au couronnement du roi Charles à
-Aix-la-Chapelle; c'est si beau et si riche, que de la vie je n'ai vu
-pareil spectacle, et que je renonce à le décrire. Je donne à Mathias pour
-onze florins de mes gravures et trois pièces à Stéphan, chambellan de
-dame Marguerite. J'achète un chapelet de bois de cèdre pour dix sous, et
-je perds trois demi-sous au jeu. Je donne deux sous au barbier et quatre
-sous pour deux verres de lunettes; je perds encore une pièce blanche au
-jeu.
-
-Le vendredi qui précède la fête de Simon et Judas, je me rends à Louvain,
-laissant sept sous de pourboire dans la maison de mon hôte; je visite
-l'église où est la tête de sainte Anne.
-
-Le dimanche, nous arrivons à Cologne.
-
-A Bruxelles, j'ai été hébergé complétement par ces messieurs de
-Nuremberg, qui n'ont rien voulu accepter. A Aix-la-Chapelle, ils
-m'avaient déjà rendu le même service pendant trois semaines; ils me
-conduisent à Cologne, où ils me renouvellent le refus d'accepter la plus
-légère rétribution.
-
-Je dépense cinq sous pour un traité de Luther, un sou pour la
-condamnation de cet homme courageux, un sou pour un chapelet et deux
-sous pour une ceinture. J'offre à Léonard Groland ma grande corne de
-bœuf, et mon chapelet en bois de cèdre à Hans Ebner. J'achète une paire
-de souliers pour six sous et une petite tête de mort pour deux sous. Je
-donne un sou pour de la bière et du pain, deux sous au barbier, à Ziegler
-Linhart des gravures pour deux florins, et deux sous à celui qui m'a
-laissé voir le tableau de maître Stephanus[90]. Je dépense deux sous avec
-des camarades et un sou pour un petit traité. Je fais le portrait de la
-sœur de Gott-Schalken. Le dimanche soir après la Toussaint, je suis
-encore à Cologne et j'assiste au bal[91] et au festin donnés par
-l'empereur Charles; c'est fort beau. Je dessine l'écusson de Staber, et
-j'offre à un jeune comte de Cologne une Mélancolie et au duc Frédéric ma
-nouvelle Vierge. Je fais au charbon le portrait de Nicolas Haller et je
-donne deux sous au portier, trois sous pour deux petits traités et dix
-sous pour une corne de vache.
-
- [90] Stephen Lochner (de Constance), et non Lothner comme on l'a
- cru longtemps, né....? mort en 1451. Le tableau en question est
- un triptyque dont le panneau central représente l'Adoration des
- Mages. Les volets sont peints des deux côtés, celui de droite
- nous montre sainte Ursule et ses compagnes à l'intérieur, et à
- l'extérieur l'Annonciation; sur celui de gauche, on voit à
- l'intérieur saint Géréon, le glorieux patron de la ville de
- Cologne, et un ange à genoux à l'extérieur. Avant la visite
- d'Albert Dürer il était attribué tantôt à Philippe Kaff, tantôt à
- Willem; depuis, il n'y a plus eu d'incertitude. Ce chef-d'œuvre
- est aujourd'hui dans la cathédrale de Cologne (chapelle
- Sainte-Agnès), où on l'admirerait sans restriction s'il n'avait
- pas subi quelques regrettables retouches. Une inscription que
- l'on peut lire sous le tableau dit qu'il a été peint à l'huile en
- 1410.
-
- [91] Il en fit un dessin gravé sur bois. Voir Bartsch, _le
- Peintre-Graveur_, 38.
-
-A Cologne, je visite l'église de Sainte-Ursule ainsi que son tombeau; je
-vois les statues des vierges et aussi celles des saints. Je dessine au
-fusain le portrait de Forherwerger, et je donne à la femme de Nicolas
-huit sous parce qu'elle m'a offert l'hospitalité.
-
-J'ai séjourné huit jours à Bruxelles, trois semaines à Aix, quatorze
-jours à Cologne, et ces trois messieurs de l'ambassade de Nuremberg,
-Léonard Groland, Hans Ebner et Nicolas Haller, m'ont constamment hébergé.
-J'ai fait des portraits chez les nonnes pour sept sous et leur ai offert
-trois demi-feuilles de gravures sur cuivre.
-
-Le lundi après la Saint-Martin, ces messieurs de l'ambassade de Nuremberg
-m'apprennent qu'ils viennent d'obtenir pour moi le titre de peintre de la
-cour de l'empereur Charles[92].
-
- [92] Cet acte de Charles V est du 4 novembre 1520, daté de
- Cologne. Par cet acte, les magistrats furent chargés de payer à
- Dürer la pension viagère de cent florins, qui lui avait été
- accordée par l'empereur Maximilien. La pièce originale de cet
- acte est encore aux archives de Nuremberg.
-
-Dorfer m'invite une fois chez Staber et une autre fois chez le vieux
-Wolfgang. Je dîne aussi chez mon cousin Nicolas; j'offre un florin à sa
-femme, deux liards à sa petite fille, sept sous à la servante et un saint
-Eustache à son domestique, car je leur ai donné beaucoup de mal à tous.
-
-Le mercredi de la Saint-Martin, après avoir acheté une petite tête de
-mort en ivoire pour un florin, et une paire de souliers pour sept sous,
-je remonte de bonne heure le Rhin avec le bateau de Cologne; nous
-arrivons à Zons, de là à Neus et puis à Stain, où nous passons la nuit
-pour deux sous. Le lendemain, nous voyons Keizerswerth, Duisburg, Orson
-et nous couchons à Rheinberg pour six sous. De là nous allons à Wezel, à
-Rees, à Entmerich, à Thomas et enfin à Nimègue, où on nous donne un
-mauvais lit pour quatre sous. Le lendemain, nous partons pour Thiel, Pust
-et Entmerich, où je m'arrête un moment. J'y fais un bon dîner pour trois
-sous. Je profite d'un grand coup de vent qui nous empêche de continuer
-notre route pour dessiner le portrait d'un compagnon orfévre d'Anvers,
-nommé Pierre Federmacher, une tête de femme et un croquis d'après
-l'aubergiste.
-
-C'est seulement le dimanche que nous arrivons à Nimègue. Je donne vingt
-sous au batelier.
-
-Nimègue est une jolie ville qui possède une belle église et un château
-fort bien situé.
-
-A Thiel, sur le Waal, nous quittons le Rhin pour remonter la Meuse; nous
-arrivons à Terveer, où il y a deux tours, nous y passons la nuit et je
-dépense sept sous.
-
-Le vendredi matin, nous partons pour Bommel; là survient une furieuse
-tempête qui nous oblige à louer pour un florin des chevaux de paysan qui
-nous portent tant bien que mal à Bois-le-Duc. Bois-le-Duc est une jolie
-ville qui renferme de belles et riches églises et qui est solidement
-fortifiée. J'y dépense dix sous que maître Arnold[93] veut absolument
-payer. Les orfévres de l'endroit viennent me voir et me font beaucoup de
-politesses.
-
- [93] Arnold de Beer, élève de Lambert Suterman, peintre d'Anvers.
- Il s'est fait une réputation comme dessinateur plutôt que comme
- coloriste.
-
-Le jour de Notre-Dame, nous arrivons de bonne heure au magnifique village
-d'Osterwyck, de là à Tilborg, où nous faisons un repas assez convenable,
-et nous restons coucher à Baerle; mais comme mes compagnons tombent en
-désaccord avec l'aubergiste, nous partons pour Hoogstraeten après deux
-heures de repos. Arrivés à Harfth, nous déjeunons en face de l'église
-Saint-Léonard pour quatre sous.
-
-Le jeudi après l'Assomption, je revois Anvers; je donne quinze sous au
-voiturier et je vais me loger de nouveau chez Joost Planckfeld. Je dîne
-trois fois avec lui et deux fois avec ma femme. Le premier portrait que
-je fais est celui de Nicolas Sombalis.
-
-Pendant sept semaines qu'a duré mon voyage, ma femme et ma servante ont
-dépensé sept couronnes pour le ménage et quatre florins pour les menus
-objets. Je dépense quatre sous avec des camarades. Je dîne six fois chez
-Tommaso.
-
-Le jour de la Saint-Martin, dans l'église de Notre-Dame, on coupe la
-bourse de ma femme; elle valait un florin et contenait deux florins et
-quelques clefs.
-
-Le soir de la Sainte-Catherine, je paye à Joost Planckfeld dix couronnes
-d'or en à-compte de ce que je lui dois.
-
-Je dîne deux fois chez les Portugais. Rodrigue me fait cadeau de six noix
-indiennes; je donne deux sous à son domestique, et dix-neuf sous pour du
-parchemin. Je prends la monnaie de deux couronnes.
-
-Je vends les gravures suivantes: deux Adam et Ève, très-belles épreuves,
-un saint Jérôme, un cavalier, une Némésis, un saint Eustache, dix-sept
-pièces gravées à l'eau-forte, huit quarts de feuilles, dix-neuf pièces
-sur bois, sept mauvaises gravures sur bois et dix livres de la petite
-Passion, le tout pour huit florins; pour une once de couleur de plomb je
-donne trois gros livres. Je prends la monnaie d'un florin de Philippe et
-ma femme celle d'un florin simple.
-
-A Ziericzée (en Zélande), une forte marée chassée par l'ouragan fait
-échouer une baleine; elle a plus de cent toises de long et personne ne se
-souvient d'en avoir vu une pareille en Zélande.
-
-Ce poisson ne peut être mis à flot; les habitants voudraient s'en
-débarrasser parce qu'il infecte la contrée. Il est si monstrueux qu'ils
-n'espèrent pas avant six mois d'ici pouvoir le mettre en pièces et le
-réduire en huile.
-
-Stéphan Capello me donne un chapelet en cèdre, à condition que je ferai
-son portrait. J'achète pour quatre sous de tripoli et du papier pour
-trois sous.
-
-Je fais le portrait de Félix à genoux, à la plume, dans son album; il me
-donne cent huîtres. Je fais présent au seigneur Lazare, surnommé le
-Grand Homme, d'un saint Jérôme sur cuivre et de trois grands livres.
-Rodrigue m'envoie du vin fort et des huîtres. J'invite à dîner Tomasin
-Gerhard, sa fille et son mari, Honing, le peintre sur verre, Félix, Joost
-et sa femme; cela me coûte deux florins. Thomassin me fait cadeau de
-trois aunes de gros damas.
-
-Le soir de la Sainte-Barbe, je me rends à Bergen[94], je dépense un
-florin six sous et douze sous pour le cheval. J'achète dans cette ville
-une faille pour ma femme; je la paye un florin sept sous; je donne six
-sous pour trois paires de souliers, un sou pour un microscope et six sous
-pour une pomme d'ivoire.
-
- [94] C'est à Berg-op-Zoom que Dürer veut dire.
-
-Je dessine les portraits de Jean de Haes[95], de sa femme et de ses deux
-filles au charbon noir, et je fais des croquis de sa servante et d'une
-vieille femme au poinçon sur son album. Je visite la maison de ville de
-Bergen, elle est très-belle. Bergen est une ville fort agréable en été:
-elle a deux foires considérables par an.
-
- [95] Sculpteur, né à Metz.
-
-La veille de la fête de la Vierge, je pars avec mes compagnons pour la
-Zélande. Sébastien Imhoff me prête cinq florins.--Nous passons la
-première nuit sur le navire à l'ancre; il fait très-froid et nous n'avons
-rien à boire ni à manger. Le samedi, nous arrivons à Ter-Goes, où je
-dessine une jeune fille avec son costume national. Nous partons pour Erma
-et arrivons devant l'île de Walcheren; nous passons la nuit à Ernig; de
-là nous allons à Middelbourg. Dans l'église de l'abbaye[96], je remarque
-le grand tableau de Jean de Mabuse[97], qui est mieux peint que
-dessiné[98]. De là je pars pour la jolie ville de Terveer, où relâchent
-des vaisseaux de tous les pays.
-
- [96] L'abbaye de l'ordre de Prémontré, dédiée N.-D. et à saint
- Nicolas.
-
- [97] Jean Gossaert, dit _Jean de Maubeuge,_ né à Maubeuge vers
- 1470, mort le 1er octobre 1532, mort à Anvers, où il fut enterré
- à Notre-Dame.
-
- [98] Une Descente de Croix qui avait été commandée par l'abbé
- Maximilien de Bourgogne. Ce tableau, un des meilleurs du maître,
- fut détruit par la foudre le 24 janvier 1568.
-
-A Aremuidem, il nous arrive un grand malheur. Au moment où nous voulons
-prendre terre, après avoir lancé notre câble sur le rivage et qu'une
-grande partie de l'équipage est déjà descendue, un vaisseau vient se
-heurter avec force contre le nôtre. Comme à cause de la presse j'avais
-laissé passer devant moi la foule, j'étais encore dans le navire avec
-Georges Kotzler, deux vieilles femmes, le capitaine du navire et un
-mousse. Le vaisseau qui nous avait abordés nous entraîne, et malgré nos
-efforts nous ne parvenons pas à nous dégager. Alors le câble se rompt et
-un violent coup de vent nous rejette en pleine mer.--C'est en vain que
-nous crions au secours, personne n'ose se hasarder, le capitaine se
-lamente parce que ses matelots sont descendus et que son navire n'est
-plus assez chargé. La position est désespérée, le vent souffle avec
-violence et nous ne sommes pas plus de six personnes à bord. Je dis au
-capitaine de prendre courage et de mettre son espoir en Dieu.
-
---Et après? me répondit-il.
-
---Et après, lui dis-je, carguez la petite voile.
-
-Nous exécutons tant bien que mal cette manœuvre en réunissant tous nos
-efforts.
-
-Ceux qui sont sur la côte, nous voyant lutter énergiquement contre la
-mort, se décident à venir à notre aide et nous réussissons à reprendre
-terre.
-
-Middelbourg est une bonne cité qui a une jolie maison de ville et une
-superbe tour; tout cela est fait avec art. Dans l'abbaye, il y a un jubé
-remarquable et un imposant portique en pierre. L'église paroissiale est
-très-belle; si j'y retourne jamais, je prendrai un croquis de cette
-charmante ville.
-
-La Zélande est du reste un pays bien curieux, le niveau de la mer y
-dépasse la plaine.
-
-A Ernig, je fais le portrait d'un aubergiste.
-
-Maître Hugo, Alexandre Imhoff et Frédéric, le serviteur des Hierchvogel,
-me donnent chacune une poule indienne qu'ils ont gagnée au jeu, et
-l'aubergiste me fait cadeau d'un bel oignon.
-
-Le matin, nous repartons avec le bateau, nous arrivons bientôt à Terveer
-et ensuite à Ziericzée, où j'aurais voulu admirer la baleine, mais la
-marée l'avait emportée. Je donne deux florins pour des plumes, deux
-florins pour un manteau, quatre sous pour une cage et trois sous à celui
-qui me l'a apportée; je perds six sous au jeu et je repars pour Bergen.
-Je peins l'aubergiste Arden et Schnabhann. Je donne dix sous pour un
-peigne en ivoire, deux florins moins cinq sous pour une plaque d'étain
-ordinaire. Je fais les portraits du jeune Bernhard de Bresles, de Georges
-Kotzler et de François de Cambrai. Chacun me paye un florin. J'oubliais
-Jean de Has-Eiden, à qui je rends le même service et qui me donne aussi
-un florin. J'achète encore deux plaques d'étain pour quatre florins moins
-dix sous et peins Nicolas Soilir.
-
-Voilà neuf fois depuis mon départ de Zélande que je dîne à Bergen,
-chaque fois à raison de quatre sous. Je donne trois sous au voiturier,
-et le vendredi après la Sainte-Lucie j'arrive à Anvers, chez Joost
-Planckfeld. Je dîne avec ma femme chez mon hôte et je paye la dépense.
-
-[Illustration:
- FAC-SIMILE D'APRÈS ALBERT DURER. BAUDRAN SCULP.
- BOURGEOIS D'ANVERS. (Cabinet de M. Didot.)
- Gazette des Beaux Arts. Imprimerie A. Salmon]
-
-Le seigneur Lazare de Ravensberg me donne en retour des trois livres dont
-je lui ai fait présent autrefois quelques curiosités d'histoire
-naturelle. Je change une couronne. Le facteur de Portugal m'envoie un sac
-de velours brun et une boîte treillagée.
-
-J'achète plusieurs petites guenons (Mehrkätzlein) pour quatre florins
-d'or, cinq poissons pour quatorze sous et un petit traité de deux sous.
-Je donne à Lazare de Ravensberg un portrait peint sur panneau qui m'a
-coûté six sous, huit pièces de grandes gravures sur cuivre et une Passion
-sur bois, le tout valant plus de quatre florins. Je fais changer un
-florin de Philippe; j'achète pour six sous un panneau, j'esquisse le
-portrait du domestique de l'agent de Portugal et je le lui donne comme
-cadeau de nouvel an avec deux sous de pourboire. J'offre à Bernard
-Stecher tout mon œuvre gravé sur cuivre. J'achète pour trente et un sous
-de bois. Je fais le portrait de Gerhard Pombelli et celui de la fille du
-procureur Sébastien. Je donne à Wolff de Rogendorff une Passion sur
-cuivre et une autre sur bois. Gerhard Pombelli m'envoie un mouchoir turc
-à dessins, et Wolff de Rogendorff, sept aunes brabançonnes de velours. Je
-donne un florin de Philippe à son domestique. Je dîne huit fois chez les
-Portugais, une fois chez le Trésorier, dix fois chez Tommaso, une fois
-chez Lazare de Ravensberg, une fois chez Wolff de Rogendorff, une fois
-chez Bernard Stecher, une fois chez Arnold Meyting, une fois chez Gaspard
-Lewenter, et chaque dîner me coûte un pourboire de quatre sous.
-
-Je donne trois sous à un homme d'après qui j'ai fait une étude et deux
-sous à son domestique. J'achète pour quatre sous de lin et je vends pour
-quatre florins de mes gravures. Je change une couronne et je donne six
-sous au pelletier. Je perds six sous au jeu et je dépense six sous. Je
-change un noble à la rose; pour dix-huit sous j'achète des raisins et
-trois paires de couteaux. En divers payements, je donne deux florins à
-Joost; j'offre à maître Jacques deux saint Jérôme sur cuivre, et à
-chacune des trois filles de Tommaso une paire de couteaux de cinq sous.
-J'ai joué plusieurs fois et fini par perdre sept sous. Rodrigues me fait
-présent d'une pomme de senteur que l'on cueille sur l'arbre du musc, de
-quelques autres raretés encore et d'une boîte de sucre. Je donne cinq
-sous à son domestique. Je dessine au charbon le portrait de la femme de
-Joost. J'achète trois coupons de drap pour quatre florins cinq sous. Ma
-femme a été marraine d'un enfant, et ce plaisir lui a coûté un florin,
-sans compter quatre sous pour la garde. Je change une couronne, je
-perds deux sous au jeu et je dépense deux sous.
-
-[Illustration:
- ALBERT-DURER. P.
- AH CABASSON.D.
- E. SOTAIN. S]
-
-Je donne à maître Thiéry, peintre sur verre, une Apocalypse, au jeune
-facteur de Portugal, le seigneur Francisco, ma pièce avec le petit enfant
-qui vaut lix florins, et au docteur Loffen, d'Anvers, les quatre livres
-et un saint Jérôme sur cuivre. J'exécute pour Joost Planckfeld l'écusson
-de Staber et un autre encore. Je fais les portraits du fils et de la
-fille de Tommaso au poinçon et une figure d'archiduc à l'huile sur
-panneau.
-
-Rodrigues Scrivan, de Portugal, me fait présent de deux filets de
-Calcutta en soie, d'un bonnet rempli d'ornements, d'un petit vase avec du
-_mirabolon_ et d'une branche de cèdre. Tout cela vaut au moins dix
-florins. Je donne cinq sous à son domestique. J'achète un pinceau pour
-deux sous. J'ai fait sur la commande de Focker un dessin pour masque; je
-reçois pour ce travail un angelot[99]. Je change un florin et donne huit
-sous pour deux petites cornes à herbes. Je perds trois sous au jeu et
-change mon angelot. Pour Tommaso, j'exécute deux feuilles de jolis
-masques.
-
- [99] L'angelot valait deux florins et deux sous. L'archange
- Michel y était figuré, tenant de la main droite une épée, et de
- la gauche un écu chargé de trois fleurs de lis. Sous ses pieds,
- il avait un serpent.
-
-J'ai peint à l'huile une bonne figure de Véronique, ce tableau vaut douze
-florins. Je l'ai donné à Francisco, facteur de Portugal. J'ai fait de sa
-femme un portrait à l'huile qui vaut mieux que le précédent, et je l'ai
-donné au facteur Brandon, de Portugal. Pour le premier objet, ma servante
-a reçu en pourboire un florin de Philippe, un florin pour la Véronique et
-un florin de Brandon.
-
-La veille du carême, les orfévres m'invitent à dîner avec ma femme. Je
-vois là beaucoup de gens distingués. Le banquet est superbe et l'on me
-rend beaucoup d'honneurs. Vers le soir, le vieux fonctionnaire de la
-ville[100] m'invite et me reçoit très-bien, je vois chez lui de
-très-drôles de masques. Je fais le portrait de Florez, organiste de dame
-Marguerite. Le lundi soir, j'ai été invité à un grand dîner chez H.
-Lupez[101]. La fête a été fort belle et a duré jusqu'à deux heures;
-Laurent Stark m'a donné une pelisse espagnole; à ce festin, il y avait
-des masques très-richement mis, on remarquait surtout Tomasso et
-Branbell. J'ai gagné deux florins au jeu et donné quatorze sous pour un
-petit panier de raisins. J'ai fait au crayon noir le portrait de Bernard
-de Castell que j'avais battu au jeu.
-
- [100] Le chevalier Gérard van de Werve.
-
- [101] Thomas Lopez (le chevalier), ambassadeur du roi de
- Portugal.
-
-Le frère de Gérard Tommaso m'envoie quatre aunes brabançonnes du meilleur
-satin et trois grandes boîtes incrustées, je donne trois sous à sa
-servante. J'achète pour treize sous de bois et pour deux sous de vernis.
-J'ai fait au poinçon un joli portrait de la fille du procureur. Je change
-un angelot. Maître Jean[102], bon statuaire, né à Metz, qui a étudié en
-Italie et ressemble beaucoup à Christophe Holer, m'a prié de dessiner son
-portrait au crayon. Je l'ai fait avec plaisir. Je donne à Jean Turcken
-trois florins pour des objets d'art italien et pour une once de bon
-outremer.
-
- [102] De Haes.
-
-Pour la petite Passion en bois, je reçois trois florins; et, pour quatre
-livres de gravures de Schaufelein[103], aussi trois florins. J'achète
-deux salières en ivoire de Calcutta, je les paye deux florins. Rudinger
-de Gelern me donne une petite corne pleine de monnaie d'or et d'argent,
-un quart de florin environ, pour trois grands livres, et un cavalier sur
-cuivre. Je dépense onze sous pour des objets d'art, deux florins de
-Philippe pour un saint Pierre et saint Paul, que je veux donner à Mme
-Koler, et six sous pour du bois. Je dîne chez le Français, deux fois chez
-Hirschvogel, et une fois chez maître Pierre[104] l'écrivain, avec Érasme,
-de Rotterdam. Je donne un sou à l'homme qui me montre la tour d'Anvers;
-cette tour[105] sera plus haute que celle de Strasbourg. De là, je vois
-la ville dans tous les sens; cette vue est très-belle. Je change un
-angelot. Le facteur Brandon me fait cadeau de deux grandes cannes à sucre
-blanc, d'un bol, de deux pots verts remplis de sucreries, et de quatre
-aunes de fort satin. Je donne dix sous à son domestique. Je fais au
-poinçon le portrait de la jolie fille de Gerhard. Je change un angelot.
-J'ai dîné chez le receveur Laurent Serk, qui m'a donné une petite flûte
-en ivoire et de la jolie porcelaine; je lui ai remis, en échange de sa
-politesse, un exemplaire de mon œuvre, ainsi qu'à Adrien[106], l'orateur
-de la ville d'Anvers. J'ai offert à la chambre des riches commerçants
-d'Anvers (les merciers) un saint Nicolas assis; on m'a prié d'accepter
-trois florins de Philippe de gratification. J'ai donné à Pierre (le
-menuisier de la ville) les vieux cadres de saint Jérôme, et quatre
-florins pour le cadre du portrait du receveur. J'ai acheté pour onze sous
-de bois, et payé quatre sous à un paysan.
-
- [103] Hans Schaufelein, un des bons élèves d'Albert Dürer.
-
- [104] Pierre Ægidius, plus tard greffier de la ville d'Anvers.
- C'était un ami intime d'Érasme et du chancelier Thomas Morus.
- Ægidius se trouvant un jour avec Érasme chez Quentin Metsys, ce
- peintre fit leur portrait sur deux panneaux ovales, attachés l'un
- à l'autre avec cette inscription latine:
-
- Quanti olim fuerant Pollux et Castor amici,
- Erasmus tantos Ægidiumque fere.
- Morus ab is dolet esse loco, conjunctus amore,
- Tam prope quam quisquam vix queat esse sibi.
- Sic desiderio est consultum absentis ut horum
- Reddat amans animum littera, corpus ego.
-
- Pierre Ægidius, autrement dit Gillis, naquit à Anvers en 1486, et
- laissa plusieurs écrits remarquables. Il mourut dans sa ville
- natale en juin 1533. Son père, Nicolas Ægidius, avait été bailli
- d'Anvers.
-
- [105] Cette tour fut commencée en 1422, par un architecte nommé
- Jean Amelius de Bologne, selon les uns; selon les autres, par
- Pierre Smit, dit Appelmans, qui bâtit l'église de Saint-Georges
- et beaucoup de maisons des environs. Quoi qu'il en soit, il
- paraît, d'après le témoignage de Dürer, qu'en 1520 cette tour
- n'était pas encore achevée. Elle a cent vingt-deux mètres neuf
- cent vingt-cinq millimètres de haut. Albert Dürer n'est donc pas
- de beaucoup au-dessous de la vérité, puisque la flèche de
- Strasbourg n'en a que cent quarante-deux.
-
- [106] Adrien Herbouts, né et mort à Anvers, devint pensionnaire
- de cette ville en 1506. On voyait autrefois son épitaphe dans
- l'église des Pauvres-Claires:
-
- D. O. M.
- D. Adriano Herbouts,
- Præclaræ hujus urbis per XLI ann.
- Pensionario
- Utriusque juris doctori
- Decessit X Januarii CI[C]. I[C]. XLVI
- Elisabethæ nilis illius conjugi
- Obiit IX Augusti, anno CI[C]. I[C]. XXXIII.
- Levinæ legitimæ utriusque illorum F.
- Nicolai van der Heyden uxori;
- Periit dolore partus,
- XXIV Martii A. CI[C]. I[C]. XXVII.
-
-J'ai confié ma malle à Jacques et André Heszler, qui doivent la
-transporter à Nuremberg pour deux florins par quintal; ils la remettront
-au vieil Hans Imhoff. Je leur ai déjà donné deux florins.
-
-Le dimanche _Judica_, 1521, Rodrigues m'envoie six noix de coco, une
-jolie branche de corail, et deux florins d'or de Portugal pesant chacun
-onze ducats. Je donne quinze sous à son domestique.
-
-Je paye six sous pour un aimant. J'envoie à maître Hugo, à Bruxelles, un
-petit morceau de porphyre, une Passion sur cuivre, et quelques autres
-pièces. Je fais pour Tomasso un dessin d'après lequel on va peindre sa
-maison. J'ai fait avec empressement un saint Jérôme à l'huile pour
-Rodrigues, qui a donné à ma servante Suzanne un ducat de pourboire. J'ai
-donné dix sous à mon confesseur, et quatre sous pour une petite tortue.
-
-J'ai dîné chez Gilbert, qui m'a offert un petit bouclier de Calcutta,
-fait avec une écaille de poisson, et de petits gantelets. J'ai fait au
-crayon rouge le portrait de Cornelis[107], secrétaire de la ville
-d'Anvers; il est parfaitement réussi. J'ai acheté six brosses pour vingt
-sous, et six ceintures de soie pour trois florins seize sous. Je les ai
-offertes aux femmes de Gaspard Nutzel, Hans Imhoff, Spingler et
-Loffelhotz, et je leur ai donné par-dessus le marché une bonne paire de
-gants. Gaspar Nutzel, Hans Imhoff, Spengler et Jérôme Holzschuher ont
-reçu de moi de très-jolies choses. J'ai fait cadeau à Pirkeimer d'un beau
-bonnet et d'un riche encrier.
-
- [107] Graphæus ou Schryver, ou encore Scribonius, né à Alost en
- 1482. Savant très-versé dans les langues étrangères. Il mourut à
- Anvers le 19 décembre 1558 et fut enterré dans l'église
- Notre-Dame. Son tombeau, élevé par son fils Alexandre, porte
- l'inscription suivante:
-
- Cornelius Scribonius
- Præclaræ hujus urbis a secretis,
- Sibi suisque
- Et Adrianæ Philippæ
- Dulciss. uxori vivens pos.
- Ipsa quidem vixit ann. LXXI.
- Uno et XL. ann. marita:
- Matrona et prudentiss.
- Et pietatis cultrix eximia.
- Ille vero caram secutus conjugem,
- Migravit XIX Decembris M. D. LVIII
- Cum vixisset annos LXXVI
-
-Je dîne chez maître Adrien, qui me fait présent d'un petit tableau
-représentant Loth et ses deux filles, peint par Joachim Patenier. Je
-vends à Hans Grun pour un florin d'objets d'art. Rudiger de Gelern
-m'envoie un morceau de bois de santal. Je donne un sou à son domestique.
-Je fais le portrait à l'huile de Bernard de Reszen; il me le paye huit
-florins, et donne de plus une couronne à ma femme et un florin de
-vingt-quatre sous à Suzanne, ma servante.
-
-Je donne quatre sous à mon confesseur. Je vends pour quatre florins dix
-sous de gravures; j'achète du baume pour cinq sous, du bois pour douze
-demi-sous, et quatorze pièces de bois français pour un florin. Je donne à
-Ambroise Hochstetter[108] une Vie de la Vierge, en échange de quoi je
-reçois un dessin de son navire. Rodrigues offre une petite bague, qui
-vaut plus de cinq florins, à ma femme.
-
- [108] Ambroise et Jean, deux frères, riches marchands,
- originaires d'Augsbourg, arrivés à Anvers vers 1485.
-
-J'ai fait au fusain le portrait du secrétaire du facteur Brandon, et
-celui de sa négresse au poinçon. J'ai peint le portrait de Rodrigues sur
-une grande feuille de papier, avec de la couleur noire et blanche.
-
-J'ai acheté une pièce de camelot de vingt-quatre aunes qui me coûte seize
-florins et un sou pour l'emporter avec moi; j'ai aussi acheté des gants
-pour deux sous. Lucas de Dantzig, dont j'ai dessiné le portrait au
-charbon, m'a donné un florin et un morceau de bois de santal.
-
-Le samedi après Pâques, je pars d'Anvers pour Bruges avec Hans Luber et
-maître Jean Plos, bon peintre, né à Bruges. Nous passons par Beveren, un
-gros village; de là, nous allons à Vracène, un autre gros village. De
-bourg en bourg, de village en village, nous arrivons enfin à Saint-Paul,
-qui est célèbre par la richesse de ses habitants et de son abbaye. Après
-avoir passé par Kalve, nous allons loger à Erdvelde.
-
-Le dimanche matin, nous nous rendons à Eecloo, très-gros bourg qui a une
-chaussée et un marché. Nous y déjeunons; nous traversons Maldeghem et
-quelques autres villages d'un fort joli aspect, et nous arrivons à
-Bruges, qui est une belle ville.
-
-Jusqu'ici mon voyage me coûte vingt et un sous.
-
-Arrivé à Bruges, Jean Plos me donne l'hospitalité chez lui et fait
-préparer le soir même un banquet; il invite beaucoup de monde. Le
-lendemain, l'orfévre Marx en fait autant.
-
-On me mène au palais de l'empereur, riche et beau bâtiment.
-
-Dans la chapelle de ce palais, il m'est permis d'admirer le tableau de
-Rudiger[109] et d'autres productions remarquables d'un ancien grand
-maître. Je donne un sou à l'homme qui me les fait voir. J'achète trois
-peignes d'ivoire peur trente sous. On me conduit ensuite à Saint-Jacques
-devant les belles peintures de Rudiger et d'Hugo[110], deux grands
-artistes. Je vois aussi la statue de la Vierge en albâtre faite par
-Michel-Ange[111] de Rome; elle est dans l'église Notre-Dame. Je visite
-successivement plusieurs églises où se trouvent tous les tableaux de
-Jean[112] et d'autres artistes remarquables.
-
- [109] Rogier van der Weyden.
-
- [110] Hugo van der Goes. Le tableau dont il est question ici est
- une sainte Vierge avec l'enfant Jésus.
-
- [111] Cette admirable statue est encore aujourd'hui dans la même
- église.
-
- [112] Albert Dürer parle-t-il de Jean van Eyck? C'est probable.
- Cependant il pourrait être question de _Jean Hemmlinck_ ou de
- _Jean Spital_.
-
-La chapelle des peintres renferme aussi des choses très-curieuses.
-
-Après m'avoir offert un riche banquet, les peintres me mènent à leur
-chambre de gilde, où se trouvent plusieurs personnes distinguées telles
-qu'orfévres, peintres et marchands. Ils me forcent courtoisement à souper
-avec eux; on me régale, on me choie, bref, on me fait beaucoup
-d'honneurs. Les conseillers Jacques et Pierre Mostaert m'offrent douze
-mesures de vin, après quoi toute la société, composée de soixante
-personnes, me ramène chez moi avec des lanternes.
-
-J'ai également visité la société du tir. J'y ai admiré le grand plat à
-poisson qu'on sert sur la table des tireurs et qui a dix-neuf pieds de
-long, sept de haut et trois de large.
-
-Avant mon départ, je fais au poinçon les portraits de Jean Plos et de sa
-femme, et je donne dix sous à ses gens pour mes adieux.
-
-Nous partons pour Orchhel où nous faisons un repas. Après avoir passé par
-six villages, nous arrivons à Gand. J'avais dépensé en tout quatre sous
-pour mon transport, et quatre sous pour des objets divers.
-
-A mon débarquement à Gand, je suis reçu par le doyen des peintres et les
-autres dignitaires; ils me rendent de grands honneurs en m'offrant leurs
-services.
-
-Le soir, nous dînons ensemble.
-
-Le mercredi matin, on me fait monter à la haute tour de Saint-Jean; de
-là, j'admire cette grande ville qui, elle aussi, m'appelle grand.
-
-Je vois le tableau de Jean[113]; il est superbe et admirablement conçu.
-
-J'admire surtout les figures d'Ève, de Marie et de Dieu le père.
-
- [113] Il est question ici de l'_Adoration de l'Agneau_, que les
- frères Jean et Hubert van Eyck peignirent pour Philippe le Bon,
- duc de Bourgogne, comte de Flandre. Après avoir admiré le génie
- des artistes, on admire leur patience. Rien, en effet, ne peut
- être comparé au fini précieux de ce tableau. On y compte trois
- cent trente têtes, sans en retrouver deux qui se ressemblent. De
- ce poëme, qui était composé de douze panneaux, il ne reste plus,
- dans la onzième chapelle de la cathédrale de Saint-Bavon à Gand,
- que quatre compartiments; mais si on en croit les chroniques, ce
- sont les plus beaux, et leur conservation est parfaite. Les
- couleurs principales, le rouge, le bleu et le pourpre, n'ont rien
- perdu de leur fraîcheur et de leur éclat; on croirait que cette
- belle œuvre, qui a aujourd'hui quatre cent trente-deux ans, sort
- de l'atelier des peintres. Il est vrai que les Gantois en ont un
- soin tout particulier; elle ne voit la lumière que rarement, à
- certains grands jours de fête, et à la demande des gens
- considérables. On m'a assuré à Gand que l'homme préposé à sa
- garde se livre à une petite supercherie, que nous sommes assez
- tentés de lui pardonner, puisqu'elle contribue à prolonger
- l'existence de ce chef-d'œuvre inimitable. Il a un flair
- excellent parmi les touristes dont il reçoit la visite, il
- distingue du premier coup d'œil ceux qui sont dignes d'adorer
- l'_Agneau_; s'il a affaire à des connaisseurs, il montre le vrai
- tableau; s'il a affaire à des profanes, il exhibe une toile au
- hasard; ce qui n'empêche pas ces braves gens de trouver la
- réputation du tableau surfaite. _Se non è vero è ben trovato._ Le
- roi d'Espagne, Philippe II, ne pouvait se lasser d'admirer cette
- peinture, il en offrit à plusieurs reprises des sommes
- considérables, mais vainement; enfin, il se décida à la faire
- copier par Michel Coxie, qui employa à ce travail pour
- trente-deux ducats de bleu, que le Titien lui avait envoyé
- d'Italie. Cette copie est fort belle; on lui reproche seulement
- de n'être pas la reproduction tout à fait exacte du modèle. On se
- demande, par exemple, pourquoi la sainte Cécile regarde derrière
- elle; si c'est, comme on le suppose, un caprice royal, nous
- excusons Coxie. Philippe II payait assez cher (quatre mille
- florins) pour avoir le droit de donner des ordres, même mauvais.
- Après bien des pérégrinations en Espagne, en Angleterre et en
- Hollande, elle est aujourd'hui dans la même chapelle que son
- admirable modèle; voici par quel concours de circonstances: le
- gouvernement belge l'avant achetée (1800 francs) à la vente du
- roi Guillaume II, proposa à l'évêque de Gand, Monseigneur
- Delebecque, et au chapitre de Saint-Bavon de l'échanger contre
- deux tableaux d'Hubert van Eyck, représentant Adam et Ève de
- grandeur naturelle, qui étaient relegués dans les combles de
- l'église à cause de la légèreté de leur costume. Le marché fut
- accepté moyennant un appoint de 12,000 fr. que le gouvernement
- belge paya; cet argent servit à faire exécuter les vitraux que
- l'on voit derrière le maître-autel. Des douze panneaux de la
- composition originale, six appartiennent au roi de Prusse, qui
- les a achetés à un Anglais, M. Solly, avec quelques toiles d'un
- ordre inférieur, pour la somme de 410,900 fr. Cet Anglais les
- avait payés 100,000 fr. à M. Nieuwenhuys de Bruxelles, à qui ils
- avaient coûté 6,000 francs.
-
-[Illustration]
-
-Je vais visiter les lions vivants, et je dessinerai l'un d'eux au
-poinçon[114]. Sur le pont où se font les exécutions, je vois deux statues
-qui rappellent l'histoire d'un fils qui décapita son père[115].
-
- [114] Wenceslas Hollar l'a gravé sur cuivre, d'après le dessin de
- Dürer, qui est dans le cabinet du comte Arundel. L'empereur
- Charles V, étant à Tunis, envoya un lion et quatre lionnes à un
- certain Dominique van Houcke, dit Van Vaernewyck, de Gand.
- _Histoire de Belgique_, page 119, Gand 1574.
-
- [115] On voyait autrefois ces statues sur un des ponts jetés sur
- la Lys, appelé le pont de la décapitation, avec cette
- inscription:
-
- Ae Gandt le en fant Fraepe sae père Tacte desuu
- Maies se Heppe rompe, si Grâce de Dieu.
-
- MCCCLXXI.
-
- Voici la légende: Deux hommes, le père et le fils, étaient
- condamnés à mort. Le roi avait fait grâce de la vie à celui des
- deux qui consentirait à décapiter l'autre. Le père refusa
- énergiquement, le fils eut la lâcheté d'accepter. Il brandit sa
- hache, mais elle se brisa et vint lui trancher la tête, au lieu de
- trancher celle de son père.
-
- Ces deux statues n'ont disparu que vers 1793.
-
-Gand est une ville très-remarquable, qui a quatre grands cours d'eau, et
-qui renferme en outre beaucoup de choses curieuses; les peintres et leur
-doyen ne me quittent pas, ils dînent avec moi, soupent avec moi, et
-veulent absolument tout payer. Ils me témoignent beaucoup d'amitié; je
-donne trois sous au sacristain et au gardien des lions, et cinq sous pour
-mes adieux dans la maison de l'épicier.
-
-Le mardi matin, après avoir déjeuné à l'auberge du Cygne, nous partons
-pour Anvers. Je paye huit sous pour le transport. Je fais au charbon le
-portrait d'Hans Luber, d'Ulm; il veut me le payer un florin, mais je
-refuse toute récompense.
-
-La troisième semaine après Pâques, je suis pris d'une fièvre froide qui
-m'affaiblit et me tourmente beaucoup. J'ai de violents maux de tête.
-Déjà, lors de mon séjour en Zélande, j'avais gagné une infirmité telle
-que personne n'en a jamais vu, et je l'ai toujours.
-
-Je paye en plusieurs fois au médecin trois florins et vingt sous à
-l'apothicaire. Pendant ma maladie, Rodrigues m'envoie beaucoup de
-sucreries. Je donne quatre sous à son domestique. Je fais le portrait de
-maître Joachim[116] au poinçon et une autre figure. J'envoie à Nuremberg
-un sac rempli d'effets à l'adresse de Hans Imhoff. Je paye treize sous
-pour l'emballage à Hans Rabner, et un florin au voiturier. Je fais accord
-pour le transport d'Anvers à Nuremberg de ce paquet qui pesait un
-quintal, à raison d'un florin et un liard. Je donne quatorze sous au
-docteur, à l'apothicaire et au barbier; de plus, à maître Jacques le
-médecin, quatre florins de gravure. Je dessine au fusain le portrait de
-Thomas Polonius de Rome.
-
- [116] Joachim Patenier. Le peintre de Dinant paraît avoir
- quarante-cinq ans environ. Il est en buste, vu de trois quarts,
- et coiffé d'un bonnet bizarre à deux étages, dont le premier est
- en fourrure. Les épaules sont couvertes d'un manteau bien drapé,
- qui laisse entrevoir un vêtement de chambre, d'une forme
- excentrique. Son cou est nu. Au haut de la planche à gauche,
- l'année 1521 et le chiffre d'Albert Dürer sont gravés sur un fond
- gris. Hauteur, 7 pouces 8 lignes, en comptant la petite marge du
- bas qui a 4 lignes.
-
- Il est prouvé aujourd'hui que ce portrait a été dessiné par Albert
- Dürer et gravé par Cornelius Cort.
-
-Mon tabart de camelot a absorbé vingt et une aunes brabançonnes: ces
-aunes ont trois grands doigts de plus que celles de Nuremberg. J'ai
-acheté à cet effet trente-quatre aunes d'étoffe espagnole noire pour
-faille à trois sous. Total dix florins deux sous.
-
-Je paye un florin au pelletier pour la confection.
-
-Pour deux aunes de garniture de velours, je donne cinq florins; pour de
-la soie, du cordonnet et du fil trente-quatre sous, pour le coupeur
-trente sous, pour le camelot quatorze florins un sou, et cinq sous au
-domestique.
-
-Je vends des gravures pour cinquante-trois sous, que je prends sur moi
-pour mes dépenses.
-
-Le dimanche qui précède les Rogations, maître Joachim Patenier, bon
-paysagiste, m'invite à son mariage. J'y vois deux pièces de théâtre,
-dont la première surtout est fort drôle. Je donne six sous au docteur.
-
-Le dimanche après l'Ascension, le peintre sur verre Thiéry (d'Anvers)
-m'invite fort amicalement à dîner avec plusieurs autres personnes parmi
-lesquelles se trouve Alexandre, un orfévre très-riche.
-
-Le dîner est fort bon, et l'on me fait de grands honneurs. Je dessine
-deux portraits au charbon, celui de maître Marx, orfévre à Bruges, et
-d'Ambroise Hochstetter, chez qui j'ai dîné. Je prends six repas chez Mme
-Tommaso. Je donne au médecin étranger une Vie de la Vierge, une autre au
-valet de chambre de Marx, huit sous au docteur, et quatre sous à celui
-qui m'a lavé à neuf un vieux bonnet. Je perds quatre sous au jeu.
-
-J'achète un nouveau bonnet de deux florins, et je change mon vieux bonnet
-qui est en étoffe trop grossière. Je remets six sous pour cet échange.
-
-Je fais à l'huile le portrait d'un duc, celui de Joost mon hôte, et celui
-du receveur Sterk, très-bien soigné et d'une valeur de vingt-cinq
-florins. Il me donne vingt florins et un florin à Suzanne.
-
-Je dessine de nouveau le portrait de la femme de Joost.
-
-Le vendredi avant la Pentecôte de l'année 1521, le bruit court à Anvers
-que Martin Luther[117] a été fait traîtreusement prisonnier.
-
- [117] Albert Dürer ajouta facilement foi à cette fausse nouvelle
- de l'emprisonnement et de la mort de Martin Luther, et il en fut
- fort attristé. Cet enlèvement n'avait pourtant pas été fait par
- ses ennemis, mais par ses amis. Lorsque Luther fut mis au ban de
- l'empire par Charles V, l'électeur, Frédéric III de Saxe,
- craignit qu'il ne lui arrivât malheur. Il résolut donc de le
- mettre en lieu sûr, et donna l'ordre à quelques hommes de
- confiance de l'enlever. Cet ordre fut exécuté par Jean de
- Berlepsch et Burkard de Kund, accompagnés de trois valets, le 4
- mai 1521, pendant que Luther traversait la forêt de Thuringe,
- entre le château d'Altenstein et la petite ville de Walterhausen;
- on l'emmena sous un déguisement au château de Wartburg, près
- d'Eisenach. Là, il écrivit plusieurs ouvrages et y resta jusqu'au
- 1er mars de l'année suivante, époque à laquelle il retourna à
- Wittenberg.
-
-On lui avait donné un sauf-conduit, et il était accompagné d'un héraut
-d'armes de l'empereur Charles, qui devait le protéger; mais lorsqu'ils
-furent arrivés près d'Eisenach, dans un endroit isolé, le héraut lui
-déclara qu'il cessait d'être son guide et le quitta. Alors survinrent dix
-cavaliers qui emmenèrent, trahi et vendu, l'homme pieux, éclairé par le
-Saint-Esprit, qui était parmi nous le représentant de la véritable foi
-chrétienne. Vit-il encore, ou l'ont-ils assassiné? Je ne le sais pas.
-
-Mais ce que je sais, c'est qu'il aura souffert pour la vérité, parce
-qu'il a essayé de punir le papisme autrichien qui conspire de tout son
-pouvoir contre l'affranchissement promis par le Christ, nous ravit notre
-sueur et notre sang, dont il se nourrit honteusement, peuple fainéant et
-infâme qu'il est, tandis que les hommes malades et altérés meurent de
-faim. Mais ce qui m'attriste surtout, c'est de voir que notre Dieu veut
-peut-être nous laisser longtemps encore dans cette doctrine fausse et
-aveugle inventée par des hommes qu'ils appellent _les pères_, qui sont
-cause que la parole divine nous a été faussement interprétée en beaucoup
-d'endroits, ou qu'on n'en a pas tenu compte. O Dieu, qui es dans le ciel,
-prends-nous en pitié! O Seigneur Jésus, X P E, prie pour ton peuple,
-délivre-nous au temps prédit, conserve en nous la véritable foi
-chrétienne; rassemble par ta parole, appelée dans la Bible la parole de
-Dieu, tes troupeaux dispersés! Aide-nous à reconnaître la vraie voie,
-afin que nous ne suivions pas les erreurs nées du délire des hommes, et
-que nous ne te quittions pas, Seigneur Jésus, X P E!
-
-Appelle, réunis dans tes pâturages tes brebis dispersées, dont une partie
-se trouve encore égarée dans l'Église romaine, et l'autre parmi les
-Indiens, les Moscovites et les Grecs, qui ont été séparés de nous par
-l'avarice des papes et leur faux semblant de sainteté. O Dieu, délivre
-ton peuple infortuné, qui est contraint, sous des peines rigoureuses,
-d'observer des commandements qui répugnent à sa nature et l'obligent à
-pécher sans cesse contre sa conscience! O Dieu, jamais hommes n'ont été
-aussi cruellement opprimés sous des lois humaines que nous sous le siége
-de Rome, nous qui, chaque jour, sommes rachetés par le sacrifice de ton
-précieux sang, et qui devons vivre chrétiens et libres! O père suprême et
-céleste, que ton fils verse dans nos cœurs une lumière telle que nous
-puissions reconnaître quel est ton envoyé véritable; qu'il nous soit
-permis de nous dégager en pleine sûreté de conscience des entraves
-étrangères, et de te servir dans toute la joie de notre cœur!
-
-Puisque nous avons perdu cet homme à qui tu avais donné un esprit si
-évangélique, et dont la parole était plus claire que celle de tout autre
-qu'on ait entendue depuis 140 ans, nous te prions, ô père céleste, de
-donner de nouveau ton Saint-Esprit à un apôtre qui rassemble encore une
-fois ton Église!
-
-Fais que nous puissions vivre unis et chrétiens, et que, grâce à nos
-salutaires efforts, tous les infidèles, tels que les Turcs, les païens et
-les Calcuttes, viennent d'eux-mêmes à nous pour embrasser la vraie foi!
-
-Mais, Seigneur, toi dont le fils I H C X P E a été mis à mort par les
-prêtres, puisque tu as voulu qu'avant le jugement il en arrivât autant à
-son successeur Martin Luther, que le pape a fait tuer traîtreusement et
-par des meurtriers à gages; de même que tes décrets avaient ordonné la
-ruine de Jérusalem, détruis également cette puissance usurpée du siége
-romain. O Seigneur, donne-nous alors la Jérusalem nouvellement parée, qui
-doit descendre du ciel, ainsi qu'il est écrit dans l'Apocalypse!
-Donne-nous l'Évangile saint et clair qui n'ait pas été altéré par les
-fausses doctrines! Quiconque lira les livres de Martin Luther verra
-combien sa doctrine est claire et transparente, et combien elle est
-conforme au saint Évangile. Il faut donc les conserver en grand honneur
-et non les brûler, à moins qu'on ne jette au feu tout le parti qui lui
-est opposé, avec ses contrevérités et ses prétentions de changer des
-hommes en dieux. O Seigneur, si Luther est mort, qui nous expliquera le
-saint Évangile avec la même clarté? O Dieu, que de choses il aurait pu
-écrire encore dans l'espace de dix ou vingt années! O vous tous,
-chrétiens pieux, déplorez avec moi la perte de cet homme doué de l'esprit
-divin, et priez le Seigneur qu'il nous envoie un autre guide aussi
-éclairé! O Érasme de Rotterdam, où veux tu aller?--Vois ce que fait
-l'injuste et aveugle tyrannie des puissants du monde! Écoute, chevalier
-du Christ, montre-toi à cheval à côté du Seigneur X P E; malgré ta
-vieillesse et la faiblesse de ton corps, va conquérir la couronne du
-martyre. Je t'ai entendu dire que tu t'étais donné encore deux ans pour
-faire quelque chose. Emploie-les bien pour l'amour de l'Évangile et de la
-véritable foi chrétienne. Fais entendre ta voix: le siége romain, les
-portes de l'enfer, comme l'a dit Jésus, ne prévaudront pas contre toi: et
-s'il arrivait que ton sort fût le même que celui de ton maître le Christ,
-que les menteurs t'accablassent, comme lui, d'ignominies, et que tu
-mourusses un peu avant le temps, tu ressusciterais et tu serais glorifié
-en Jésus-Christ; car en buvant dans la coupe où il a trempé ses lèvres,
-tu régnerais avec lui et tu jugerais ceux dont les actions n'ont pas été
-justes.--O Érasme, fais que Dieu, ton juge, se glorifie en toi! Comme il
-est écrit dans David, tu peux, comme lui, abattre Goliath, car le
-Seigneur est debout près de la sainte Église. Que sa volonté divine nous
-conduise à la béatitude éternelle. Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, un
-Dieu éternel. Amen.
-
-O vous, chrétiens, priez Dieu et demandez-lui grâce, car son jugement
-approche et sa justice va se manifester! C'est alors que le pape, les
-prêtres, les moines, et tous ceux qui ont versé le sang innocent, seront
-jugés et condamnés. Voilà les victimes innocentes abattues sous l'autel
-de Dieu, et qui crient vengeance. A quoi la voix céleste répond:
-Travaillez jusqu'à ce que le nombre des martyrs soit complet; alors je
-jugerai!
-
-Je change un florin, et donne encore huit sous au docteur.
-
-Je dîne deux fois chez Rodrigues, et une fois chez le riche chanoine.
-
-Pendant les fêtes de la Pentecôte, je reçois à ma table maître Conrad,
-statuaire de Malines. Je fais pour maître Joachim, sur papier gris,
-quatre Christophe.
-
-Je donne dix-huit sous pour des objets d'art italien, et six sous au
-docteur.
-
-Le dernier jour de la Pentecôte vient la grande foire aux chevaux
-d'Anvers. J'y vais essayer plusieurs beaux étalons; on en achète deux
-devant moi pour sept cents florins.
-
-Je vends pour un florin trois liards de gravures, et je mets cet argent
-dans ma poche pour mes dépenses; je donne encore quatre sous au docteur.
-
-Je dîne trois fois chez Tommaso. Comme je lui ai dessiné trois fourreaux
-d'épée, il me donne un petit vase en albâtre.
-
-Je fais au charbon le portrait d'un lord anglais; je reçois un florin,
-que je prends sur moi pour mes menus plaisirs.
-
-Maître Gerhard[118] l'enlumineur a une petite fille de huit ans qui se
-nomme Suzanne[119]; elle a enluminé un Sauveur que j'ai payé un florin.
-Il est vraiment remarquable qu'une enfant de cet âge puisse faire
-pareille chose. Je perds six sous au jeu.
-
- [118] Maître Gérard Horebout ou Hurembout, né à Gand, peintre
- d'Henri VIII, roi d'Angleterre.
-
- [119] Cette Suzanne devint une grande et belle personne, fort
- recherchée à la cour du roi Henri VIII. Elle fit un art de
- l'enluminure et mourut en Angleterre, considérablement riche et
- comblée d'honneurs. Son frère, Lucas Hurembout, alléché par les
- succès de sa sœur, quitta la peinture pour se faire enlumineur,
- mais il ne réussit pas comme elle.
-
-Le jour de la Sainte-Trinité, il y a à Anvers une grande et belle
-procession.
-
-Maître Conrad m'envoie de jolis rasoirs; je donne à son vieux serviteur
-une Vie de Notre-Dame.
-
-Je fais au charbon le portrait de Jean l'orfévre, de Bruxelles, et celui
-de sa femme. Je reçois pour ces deux portraits, et pour le dessin de son
-sceau, trois philippes.
-
-[Illustration]
-
-Je lui fais présent de la Véronique que j'ai peinte à l'huile, et d'un
-Adam et Ève fait par Frans; il me donne à son tour une hyacinthe et une
-agate, sur laquelle est gravée une Lucrèce, que tout le monde évaluera à
-quatorze florins.
-
-Pour une bague et six petites pierres, je lui donne tout mon œuvre sur
-cuivre, qui vaut sept florins.
-
-J'achète deux paires de souliers pour quatorze sous, et deux petites
-boîtes à un sou pièce. Je donne sur du papier gris, avec du blanc et du
-noir, trois figures et deux costumes flamands, et je mets en couleur pour
-un florin l'écusson d'un Anglais.
-
-Je fais çà et là beaucoup de dessins, et d'autres choses à la convenance
-des personnes que je vois, mais la plupart du temps mon travail ne m'est
-pas payé.
-
-Entrès (de Curaçao) me donne un philippe pour un écusson et une tête
-d'enfant.
-
-Je paye deux sous pour des brosses. Je dîne cinq fois chez Tommaso, et
-donne six sous au docteur. Ma femme tombe malade. Le médecin reçoit
-dix-huit sous en divers payements. Je paye deux florins onze sous pour
-recettes et médecines à l'apothicaire, et huit sous au moine qui est venu
-voir ma femme, de nouveau vingt-quatre sous à l'apothicaire pour un
-clystère. J'achète toute une pièce de satin pour huit florins, et je
-donne encore autant pour quatorze aunes de satin fin. Je paye quatre sous
-au tailleur et dix sous pour des bandes.
-
-En 1521, le mercredi après la fête Corpus-Christi, je fais transporter
-d'Anvers à Nuremberg, par le voiturier Antoine Mez de Schlaudendorff, mes
-grands ballots. Je le paye un peu moins d'un demi-florin par quintal,
-c'est-à-dire en tout un florin.
-
-Je dessine au fusain le portrait du jeune Rehlinger d'Anvers.
-
-Le huitième jour après Corpus-Christi, je vais à Malines avec ma famille
-pour voir Mme Marguerite; je descends à l'auberge de la Tête-d'Or, chez
-maître Henri[120], le peintre. Les peintres et les statuaires m'invitent
-à dîner dans mon propre logement, et me rendent beaucoup d'honneurs.
-
- [120] Sans doute Henri de Bles ou Met de Bles, Henri à la Houppe,
- né à Bovines, près de Dinant. Les Italiens l'appelaient le Maître
- au hibou ou _Civetta_, parce qu'il avait la manie de peindre un
- hibou dans le feuillage de ses arbres; il l'y cachait si bien que
- souvent on avait beaucoup de mal à le trouver.
-
-Je visite la maison de Popenruter, le fondeur d'artillerie, et j'y trouve
-des choses vraiment dignes d'admiration. Je vais rendre visite à Mme
-Marguerite, qui refuse d'accepter le portrait de l'empereur que je lui
-offre.
-
-Le vendredi, elle me montre ses superbes collections; j'admire
-principalement quarante miniatures à l'huile, les plus belles qui
-soient. Je vois aussi de beaux tableaux de Jean[121] et de Jacob
-Walch[122]. Je prie Mme Marguerite de me donner le livre de dessins de
-maître Jacob; mais elle me répond qu'elle l'a promis à son peintre[123].
-Je remarque une belle bibliothèque.
-
- [121] Van Eyck.
-
- [122] Jacopo de Barbary, dit le maître au caducée.
-
- [123] Bernard van Orley.
-
-Maître Hans Popenruter m'invite à dîner, j'accepte; et, de mon côté,
-j'invite deux fois maître Conrad et une fois sa femme. Je dépense pour
-cela vingt-neuf sous.
-
-Je fais le portrait d'Étienne Kimmerling et celui de maître Conrad le
-sculpteur.
-
-Le samedi, je quitte Malines pour retourner à Anvers.
-
-Je dessine au charbon le portrait de maître Jacob. Je fais faire un cadre
-qui me coûte six sous, et je lui offre le tout sans lui rien faire payer.
-
-Je dîne deux fois chez les Augustins[124]. Je redessine une fois le
-portrait de Bernard Stecher, et deux fois celui de sa femme; je lui donne
-tout mon œuvre gravé, il me le paye dix florins.
-
- [124] C'étaient les Augustins de Saxe, arrivés à Anvers en 1513
- et chassés en 1523. Ils habitaient le quartier Saint-André, où il
- y a encore la rue des Augustins.
-
-J'ai été invité par maître Lucas[125] qui grave sur cuivre. C'est un
-petit homme de Leyde, en Hollande, qui est venu voir Anvers.
-
- [125] Lucas de Leyde, le célèbre graveur.
-
-Je dîne chez maître Bernard Stecher, et donne à son domestique un
-demi-sou. Je vends pour quatre florins et un liard de gravures.
-
-J'ai fait le portrait de maître Lucas de Leyde au poinçon, et perdu un
-florin au jeu. J'ai donné de nouveau douze sous au médecin.
-
-L'abbé du cloître des Augustins d'Anvers veut bien accepter une Vie de la
-Vierge que je lui offre. Je donne deux philippes pour quatorze peaux de
-poissons. J'ai dessiné le portrait du grand Antoine Haunolt et celui de
-maître Aest Braun[126] avec sa femme sur deux feuilles royales. Je l'ai
-fait autrefois au poinçon. J'ai reçu un angelot pour ces différents
-travaux. J'ai donné à l'orfévre qui a estimé mes bagues des gravures pour
-la valeur d'un florin. Ces trois bagues, que j'ai échangées contre des
-gravures, sont évaluées ainsi qu'il suit:
-
-Les deux moins belles quinze couronnes, et le saphir vingt-cinq
-couronnes; total cinquante-quatre florins huit sous, et parmi les choses
-échangées, le Français a reçu trente-six grands livres à neuf florins.
-L'homme aux trois bagues m'a payé trop peu de moitié.
-
- [126] Peintre sur verre.
-
-Décidément, je n'ai pas d'esprit.
-
-J'achète un couteau pour deux sous, et je donne dix-huit sous à mon
-filleul pour un bonnet rouge. Je perds douze sous au jeu, et je dépense
-deux sous à boire. J'achète trois jolis rubis pour onze florins d'or et
-douze sous.
-
-Je dîne une fois chez les Augustins et deux fois chez Tommaso.
-
-Je donne six sous pour des brosses de soies de sanglier, trois sous pour
-six autres brosses, un florin pour une paire de burins, six sous pour un
-encrier, vingt et un sous pour une douzaine de gants de femmes et six
-sous pour un sac.
-
-Antoine Haunolt me donne trois philippes pour son portrait, et Bernard
-Stecher un petit livre en écaille de tortue. Je fais le portrait de la
-fille de sa belle-sœur et je dîne une fois avec son mari. Il me paye
-deux philippes, et je donne un sou de pourboire à son valet. Antoine
-Haunolt accepte deux livres que je lui offre.
-
-J'ai donné quelque chose de maître Grun Hansen[127] à maître Joachim. Je
-donne à la femme de Joost quatre gravures sur bois et deux livres des
-plus grands à son domestique Frédéric, deux aussi au fils d'Honing, le
-peintre sur verre. Je dîne deux fois chez Bernard et deux fois chez Mme
-Tommaso.
-
- [127] Hans Baldung Grun, célèbre peintre et graveur de médailles.
-
-Rodrigues me fait cadeau d'un perroquet venu de Malaga. Je donne cinq
-sous à son domestique; pour trois sous, j'achète une paire de souliers et
-des bas.
-
-Je donne à Pierre deux grandes feuilles de gravures sur cuivre et
-beaucoup de gravures sur bois. Je dîne deux fois chez Mme Tommaso.
-
-J'offre à maître Aert, le peintre sur verre, une Vie de la Vierge et tout
-mon œuvre gravé à maître Jean, le sculpteur français; ce dernier avait
-donné à ma femme six fioles précieusement travaillées remplies d'eau de
-rose.
-
-Cornelis, le secrétaire, me fait présent de la Captivité de Babylone par
-Luther; je lui envoie en revanche mes trois grands livres. Je donne à
-Honing le peintre sur verre deux grands livres, et au moine Pierre Puz
-des gravures pour la valeur d'un florin environ.
-
-Lucas de Leyde me fait cadeau de son œuvre entier; il reçoit en échange
-une collection de mes gravures que j'évalue à huit florins. J'achète un
-sac pour neuf sous, je paye sept sous pour une demi-douzaine de cartes
-des Pays-Bas, trois sous pour un petit cornet de poste jaune,
-vingt-quatre sous pour de la viande, et dix-sept sous pour du gros drap.
-
-Rodrigues m'envoie six aunes de drap noir pour me faire un manteau;
-l'aune vaut une couronne; je donne deux sous au domestique du tailleur.
-
-Le jour de saint Pierre et Paul, j'ai fait mon compte avec Joost. Je lui
-devais trente et un florins que je lui ai payés. Déduction faite des deux
-peintures à l'huile, il m'a donné en supplément cinq livres de borax,
-poids des Pays-Bas.
-
-En Flandre, dans toutes mes transactions, dans toutes mes ventes et
-autres affaires, dans tous mes rapports avec les personnes de haute ou de
-basse condition, j'ai été lésé, spécialement par Mme Marguerite, qui ne
-m'a rien donné pour les présents que je lui ai faits et pour les travaux
-que j'ai exécutés pour elle.
-
-Je donne sept sous de pourboire au domestique de Rodrigues; à maître
-Henri, qui m'a envoyé de savoureuses cerises, ma Passion sur cuivre; et
-au tailleur, pour la confection de mon manteau, quarante-cinq sous.
-
-Je fais accord avec un voiturier qui s'engage à me transporter d'Anvers à
-Cologne pour treize mauvais florins, dont un vaut vingt-quatre mauvais
-sous.
-
-Jacob Relinger me paye son portrait au charbon un ducat, et maître
-Gerhard me fait présent de deux tonneaux de câpres et d'olives; je donne
-quatre sous de pourboire à son domestique et un sou à celui de Rodrigues.
-Je fais un échange avec le beau-fils de Jacob Tomasso; il m'envoie une
-pièce d'étoffe blanche pour mon portrait de l'empereur.
-
-Alexandre Imhoff me prête cent florins d'or la veille de la fête de la
-Vierge. Je lui donne mon sceau et ma signature avec promesse de les lui
-rendre lorsqu'il me présentera cette pièce à Nuremberg. J'achète une
-paire de souliers pour six sous, je paye onze sous au pharmacien et trois
-sous pour des cordes. Je fais cadeau au cuisinier de Tomasso d'un
-philippe; à la jeune demoiselle, sa fille, d'un florin d'or. Je donne à
-la femme de Joost un florin, un florin à ses cuisiniers, et, en dernier
-lieu, encore deux sous.
-
-Tomasso m'offre une boîte du _meilleur thériaque_. Je donne dix sous à
-son valet de chambre, un sou à Pierre, trois sous au domestique de maître
-Jacob, et trois sous au messager.
-
-Le jour de la Visitation, comme je suis sur le point de quitter Anvers,
-le roi de Danemark[128] m'envoie chercher en toute hâte. Je fais son
-portrait au charbon, ainsi qu'il le désirait, et aussi celui de son
-chambellan Antoni. Le roi me retient à dîner. Il se montre fort affable.
-
- [128] Christian II, roi des royaumes unis de Danemark, de Suède
- et de Norvége, surnommé le Néron du Nord.
-
-Je recommande mon bagage à Léonard Sucher, et lui donne ma pièce d'étoffe
-blanche. Ce n'est pas ce voiturier qui m'a transporté; au moment du
-départ, je suis tombé en désaccord avec lui.
-
-Gerhard me donne des objets d'art italiens très-remarquables. J'ai chargé
-le _Vicarius_ du transport de mes curiosités.
-
-Le lendemain de la Visitation, je pars pour Bruxelles par la même voie
-que le roi de Danemark, à qui j'offre les meilleures pièces de mon œuvre
-gravé. Je me suis amusé de la mine étonnée des Anversois devant la mâle
-beauté du roi de Danemark qui ne craint pas de traverser le pays de ses
-ennemis. J'ai vu l'empereur de Bruxelles venir à sa rencontre et le
-recevoir cordialement et en grande pompe. J'ai vu aussi le splendide
-banquet que l'empereur et Mme Marguerite lui ont offert le lendemain.
-
-Je paye deux sous pour une paire de gants.
-
-Monsieur Antoni me donne douze florins de Horn. J'en remets deux au
-peintre qui a acheté le panneau pour le portrait et qui a fait broyer mes
-couleurs. Je prends les huit autres florins pour ma dépense.
-
-Le dimanche qui précède la Sainte-Marguerite, le roi de Danemark offre un
-grand banquet à l'empereur, à dame Marguerite et à la reine d'Espagne. Il
-m'invite, je dîne au palais et je donne douze sous au cuisinier du roi.
-
-Je fais le portrait du roi à l'huile, il me le paye trente florins. Je
-donne deux sous au jeune Bartholomé qui a broyé mes couleurs, quatre
-demi-feuilles au domestique de maître Jean, et une Apocalypse à son
-rapin.
-
-Polonius me fait cadeau d'une belle œuvre d'art italienne.
-
-Le tailleur de maître Joost m'ayant invité, je mange avec lui le soir.
-
-Je passe huit jours à Bruxelles et je dépense vingt-deux sous pour mon
-logement. Je donne une Passion à la femme de l'orfévre Jean. J'avais dîné
-trois fois chez lui. Je fais cadeau à Bartholomé, le domestique du
-peintre, d'une Vie de la Vierge.
-
-Je dîne avec Nicolas Zigler et je donne quinze sous à Jean le domestique.
-
-Je me suis retenu deux jours à Bruxelles par la faute de ma voiture.
-
-Enfin, le vendredi matin, je quitte Bruxelles, je dois donner dix florins
-au voiturier. Je paye à mon hôtesse, pour cette seule nuit, cinq sous.
-
-Nous traversons deux villages et arrivons à Louvain, où nous dépensons
-treize sous pour notre repas. De là nous allons à Tirlemont, petite ville
-où nous passons la nuit; ma dépense s'élève à huit sous.
-
-Le jour de sainte Marguerite, de bon matin, nous partons et après avoir
-traversé deux villages nous nous arrêtons dans la ville de Saint-Trond,
-où l'on bâtit une très-belle tour; nous traversons ensuite des endroits
-assez misérables et nous nous trouvons à Tongres, où nous déjeunons pour
-six sous. De là, en passant par des villages plus pauvres encore, nous
-arrivons à Maëstricht, où nous couchons. Nous dépensons douze sous et
-deux blancs pour droits de garde.
-
-Le dimanche matin, nous nous rendons à Aix, où nous mangeons assez bien
-pour quatorze sous. De là nous mettons six heures pour arriver à
-Altenburg, où nous sommes obligés de passer la nuit, car le voiturier
-s'est perdu plusieurs fois.
-
-Le lundi, nous traversons Juliers, nous dînons à Berchem pour trois sous,
-et nous partons pour Cologne.
-
-
-Ici s'arrête le journal d'Albert Dürer. Il n'a pas pris de notes en route
-depuis Cologne, peut-être parce qu'il a précipité son retour, peut-être
-aussi parce que son voyage n'a été marqué par aucun incident digne d'être
-raconté.
-
-[Illustration: deco]
-
-
-
-
-TABLE.
- Pages
-
- INTRODUCTION IX
- Lettres d'Albert Dürer à Bilibald Pirkeimer IL
- Journal du voyage d'Albert Dürer dans les Pays-Bas LXXXI
-
-
-
-
-GRAVURES. Pages
-
-
- Portrait d'Albert Dürer I
- Fac-simile d'une médaille attribuée à Albert Dürer, de la
- collection de M. Niel IX
- Le grand Cheval XV
- Pfenning gravé par Albert Dürer pour Martin Luther XXVI
- Les Armoiries de la tête de mort XXXII
- La Sainte Trinité, dessin d'Albert Dürer, collection de
- M. Reiset. (Gravure hors texte.) XXXIX
- Les Cavaliers hongrois, XLI
- Tombeau d'Albert Dürer à Nuremberg XLV
- Les trois Génies XLVIII
- Portrait de Bilibald Pirkeimer. (Gravure hors texte.) LI
- Le petit Crucifix LI
- Rébus LV
- Fac-simile d'un dessin d'ornement par Albert Dürer, de la
- collection de M. Gatteaux LVII
- La Vierge au singe LXIV
- Caricature par Albert Dürer LXX
- La Dame à cheval LXXII
- Cachet, principaux monogrammes, écriture et signature
- d'Albert Dürer LXXVII
- Lettre. A LXXXI
- Système pour pourtraire trouvé par Albert Dürer LXXXV
- La Sépulture LXXXIII
- La Mélancolie XCIII
- Sainte Véronique XCVII
- La Nativité CI
- Le Christ faisant ses adieux à sa Mère CVII
- Samson tuant le lion CIX
- Portrait de Gaspard Sturm; dessin de la collection de
- M. F. Reiset CXIII
- Un Bourgeois d'Anvers, collection de M. Ambroise-Firmin
- Didot. (Gravure hors texte) CXIX
- Le Mariage de la Vierge CXXI
- Décollation de saint Jean-Baptiste CXXIX
- Le Seigneur et la Dame CXXXVII
-
-
-PARIS.--J. CLAYE, IMPRIMEUR, RUE SAINT-BENOIT, 7.
-
-
-
-
-
-End of the Project Gutenberg EBook of Albert Durer a Venise et dans les
-Pays-Bas, by Albert Durer
-
-*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ALBERT DURER A VENISE ET ***
-
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-things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
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-<body>
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-
-<pre>
-
-The Project Gutenberg EBook of Albert Durer a Venise et dans les Pays-Bas, by
-Albert Durer
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and most
-other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of
-the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
-www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have
-to check the laws of the country where you are located before using this ebook.
-
-
-
-Title: Albert Durer a Venise et dans les Pays-Bas
- autobiographie, lettres, journal de voyages, papiers divers
-
-Author: Albert Durer
-
-Translator: Charles Narrey
-
-Release Date: September 26, 2016 [EBook #53147]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: ISO-8859-1
-
-*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ALBERT DURER A VENISE ET ***
-
-
-
-
-Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online
-Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This
-file was produced from images generously made available
-by The Internet Archive/American Libraries.)
-
-
-
-
-
-
-</pre>
-
-
-<div class="tnote">
-<p>Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées.
-L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée.
-Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.</p>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_I"> I</a></span></p>
-<h1 class="topspace">ALBERT DURER</h1>
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_II"> II</a></span></p>
-<div class="figcenter">
-<img src="images/illus_002.jpg" width="300" height="307" alt="" />
-<div class="caption">
-<p class="i6 small">IMPRIMERIE J. CLAYE<br />
-<span class="small">RUE SAINT BENOIT 7</span><br />
-<span class="i3 small">PARIS</span></p>
-</div></div>
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_III"> III</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_IV"> IV</a></span></p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_004.jpg" width="300" height="332" alt="" />
-<div class="caption">
-<p class="i4"><span class="small">Montigneul SC AH-CABASSON D</span></p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_V"> V</a></span></p>
-
-<div class="topspace titlepage">
-<p><span class="xxlarge">ALBERT DURER</span><br />
-<span class="large">A VENISE</span><br />
-<span class="xs">ET</span><br />
-<span class="xlarge">DANS LES PAYS-BAS</span></p>
-
-<p><span class="xs">AUTOBIOGRAPHIE</span><br />
-<span class="xs">LETTRES, JOURNAL DE VOYAGES</span><br />
-<span class="xs">PAPIERS DIVERS</span><br />
-<span class="xxs">TRADUITS DE L'ALLEMAND</span><br />
-<span class="sper xs">AVEC DES NOTES ET UNE INTRODUCTION</span><br />
-<span class="xxs">PAR</span><br />
-<span class="medium">CHARLES NARREY</span><br />
-<span class="xs">Ouvrage orné de 27 gravures sur papier de Chine</span></p>
-<div class="figcenter">
-<img src="images/illus_005.jpg" width="75" height="101" alt="" />
-<div class="caption">
-<p>Logo</p>
-</div></div>
-
-<p><span class="large">PARIS</span><br />
-<span class="medium">LIBRAIRIE V<sup>e</sup> JULES RENOUARD, ÉDITEUR</span><br />
-<span class="xs">G. ÉTHIOU-PÉROU, DIRECTEUR-GÉRANT</span><br />
-<span class="small">6, RUE DE TOURNON, 6</span></p>
-<hr class="deco" />
-<p class="small">MDCCCLXVI</p>
-</div>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_VI"> VI</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_VII"> VII</a></span></p>
-
-<div class="chapter">
-<h2 class="normal"><span class="medium">A</span><br />
-<span class="large">MONSIEUR LE BARON BEYENS</span><br />
-<span class="small">Ministre de Belgique en France</span><br />
-<span class="small">Hommage affectueux,</span><br />
-<span class="small i9">CHARLES NARREY.</span></h2>
-</div>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_VIII"> VIII</a></span></p>
-
-<p class="subh"><b><span class="large">INTRODUCTION</span>.</b></p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_IX"> IX</a></span></p>
-<div class="figleft">
-<img src="images/illus_009.jpg" width="150" height="150" alt="" />
-</div>
-
-<p>La vie des grands
-hommes est le flambeau
-qui éclaire leur
-&oelig;uvre.</p>
-
-<p>Les souffrances et
-les faiblesses, les
-luttes et les triomphes
-de ces génies
-prédestinés expliquent
-et commentent
-leurs ouvrages,
-et chaque étape de
-leur existence correspond
-à une évolution
-de leur talent.
-Leur biographie est donc en quelque sorte le lien logique de
-leurs ouvrages; elle donne la clef de la succession de leurs
-pensées et démontre comment elles s'enchaînent.</p>
-
-<p>Écrire l'histoire d'un grand artiste, si l'on se place à ce
-point de vue élevé, c'est faire en même temps l'histoire de ses
-idées, c'est pénétrer avec lui dans les mystères de son inspiration.</p>
-
-<p>Prenez l'homme le plus profondément original, et le plus
-<span class="pagenum"><a id="Page_X"> X</a></span>
-rebelle aux influences extérieures; ses relations avec ses contemporains,
-son commerce avec d'autres artistes, grands
-comme lui, mais comprenant leur art de façons différentes,
-ne pourront manquer d'imprimer une modification, si minime
-qu'elle soit, à ses propres idées.</p>
-
-<p>S'il y a entre les hommes ainsi rassemblés par le caprice
-du hasard ou par une loi mystérieuse de la création de larges
-points de contact et des horizons communs, cette influence
-deviendra décisive et modifiera parfois d'une manière profonde
-le <i>faire</i> de l'artiste qui la subit. Y a-t-il au contraire
-une opposition fondamentale entre leur esprit, leur principe
-réciproque s'accentuera avec plus de vigueur, et leur contact
-servira à caractériser davantage leur tendance primitive.
-Grande ou petite, profonde ou superficielle, cette influence
-doit subsister, et la saisir jusque dans ses manifestations les
-moins apparentes est l'objet de la critique.</p>
-
-<p>Or, c'est l'histoire de l'artiste, et son histoire de chaque
-jour, qui peut en fournir les éléments d'appréciation.</p>
-
-<p>Quoi d'étonnant alors que les moindres particularités de la
-vie privée d'un grand homme acquièrent la plus haute valeur
-aux yeux de la postérité?</p>
-
-<p>Aussi, dans ces derniers temps, ce genre d'études historiques
-a-t-il fait l'objet de nombreux et de consciencieux travaux.
-On a cherché à y introduire la précision et la sévérité de
-la critique moderne, et l'on a bravement fermé la porte à toutes
-les fables et à toutes les anecdotes de contrebande, pour y
-substituer définitivement la vérité dans sa froide et chaste
-nudité. Mais on ne croit guère que de pareils travaux présentent
-énormément de difficultés, et beaucoup plus même
-que ceux qui concernent la grande histoire.</p>
-
-<p>Les faits que recherche le biographe sont presque toujours
-d'une apparente insignifiance, et par cela même les contemporains
-des grands hommes, sans prévoir la valeur que
-ces détails pourront acquérir un jour, ont négligé de les consigner.
-Aussi quelle bonne fortune extraordinaire, lorsque
-l'artiste lui-même, soit par une sage prévision, soit dans un
-<span class="pagenum"><a id="Page_XI"> XI</a></span>
-but désintéressé, a pris soin de rassembler minutieusement
-tous les matériaux d'une autobiographie.</p>
-
-<p>C'est précisément ce qui nous arrive pour l'illustre père de
-l'école allemande.</p>
-
-<p>Albert Dürer a laissé sur sa vie privée un grand nombre de
-notes et de correspondances qui éclairent d'un jour nouveau
-sa vie et ses &oelig;uvres, et mettent hors de discussion un grand
-nombre de points qui, pour des artistes beaucoup plus récents
-même, ne sont ordinairement qu'un stérile sujet de querelles
-entre les historiens.</p>
-
-<p>Mais avant de donner la parole au maître lui-même et de
-laisser découler de ses écrits les commentaires qui en dérivent,
-on nous permettra d'en tirer quelques conclusions
-générales et quelques conclusions personnelles.</p>
-
-<p>Ce qui résulte d'abord de la vie de cet éminent artiste,
-telle qu'il l'a simplement racontée lui-même, ce qui ressort
-de la lecture de sa correspondance intime avec son ami Bilibald
-Pirkeimer, c'est une profonde estime pour le caractère de
-l'homme, comme une grande admiration pour l'artiste ressort
-de la contemplation de ses &oelig;uvres.</p>
-
-<p>Albert Dürer est un aussi grand et noble caractère qu'il est
-un génie original et transcendant. Cette double perfection est
-une chose trop rare dans le cercle des grands esprits pour ne
-pas y insister.</p>
-
-<p>On dirait, en vérité, que l'intelligence ne peut se développer
-qu'au détriment du caractère, et trop souvent l'épanouissement
-de la pensée a pour corollaire fatal l'atrophie
-morale du c&oelig;ur. Si quelque chose, par exemple, pouvait
-amoindrir notre admiration pour le panthéiste G&oelig;the, ne serait-ce
-pas la sécheresse de son âme et l'égoïsme de son caractère.
-L'esprit humain, qui tend sans cesse à l'idéal et qui prodigue
-d'instinct aux élus de l'intelligence tous les dons et toutes les
-qualités, est péniblement déçu en voyant tant de grandeur intellectuelle
-à côté de tant de petitesse de sentiment. Nous n'aimons
-pas à apprendre que Virgile était le flatteur d'Auguste
-et que Horace eut peur à la bataille d'Actium.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XII"> XII</a></span>
-Je ne connais que bien peu de génies qui aient été en même
-temps des héros du c&oelig;ur. Michel Cervantes dans les lettres
-et Michel-Ange dans les arts sont pour moi les types de cette
-double grandeur; notre Albert Dürer peut aussi revendiquer
-ces deux auréoles. Sa vie a été une lutte continuelle, soyons
-plus vrai,&mdash;un long martyre causé par celle qui aurait dû
-précisément arracher les ronces et les épines de sa route.</p>
-
-<p>Marié de bonne heure, sans qu'on eût consulté son inclination,
-à une femme froide et avare, il n'a pas eu la consolation
-de se reposer dans la douce vie du foyer des tracasseries
-envieuses auxquelles un homme de sa valeur devait nécessairement
-se trouver exposé.</p>
-
-<p>Dès l'âge de 23 ans il devenait le seul soutien de sa famille.
-«Deux ans après la mort de mon père, je pris aussi ma mère
-avec moi (il s'était déjà chargé de son frère Hans), car elle
-n'avait plus rien. En 1513 elle tomba subitement malade. Ses
-souffrances durèrent une année entière, et elle fut mourante
-du premier au dernier jour.»</p>
-
-<p>Dans ces conditions il fut obligé de se livrer à un travail
-assidu et pénible; en outre sa femme l'excitait sans cesse au
-labeur et le stimulait avec ses avaricieuses exigences. Et pourtant
-c'est à peine si, dans ses écrits, on entend l'écho d'une
-plainte contre celle qui le faisait tant souffrir; tout au plus
-dans sa correspondance avec Bilibald Pirkeimer, correspondance
-si franche et si naïve, hasarde-t-il de temps en temps
-quelque allusion prudente à ses affaires de ménage. Encore en
-parle-t-il avec tant de mansuétude et de bonne humeur, qu'on
-ne soupçonnerait pas la profondeur de sa blessure si ses amis
-n'avaient pas pris la peine de la sonder.</p>
-
-<p>«Il était fort contre l'adversité, dit Schrober, mais il est
-vrai qu'il n'avait que trop le moyen de s'exercer à la patience,
-sa femme se chargeait tous les jours de lui en fournir
-l'occasion.»</p>
-
-<p>C'est assez clair, et cependant les lettres de G. Hartmann et
-de Pirkeimer sont encore plus explicites.</p>
-
-<p>En voici des extraits:</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XIII"> XIII</a></span></p>
-<p class="subh">G. HARTMANN A M. BUCHLER.</p>
-
-<p>«<b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p>
-
-<p>«Elle était d'une piété et d'une honnêteté si intolérantes,
-qu'il aurait mieux valu pour Albert Dürer être le mari d'une
-coquine avec un caractère aimable, que d'avoir à ses trousses
-une de ces dévotes qui sont d'une humeur si féroce, qu'elles
-vous laissent à peine des moments suffisants pour respirer.
-<b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b>»</p>
-
-<p class="subh">AUTRE LETTRE DE GEORGES HARTMANN.</p>
-
-<p>«Il ne faut imputer le décès de Dürer à personne qu'à sa
-femme. Elle lui avait si bien rongé le c&oelig;ur, elle lui avait
-fait endurer de telles souffrances, qu'il semblait en avoir
-perdu la raison. Elle ne lui permettait jamais d'interrompre
-son travail, l'éloignait de toutes les sociétés, et par des
-plaintes continuelles, répétées le jour et la nuit, le tenait
-rigoureusement enchaîné à l'&oelig;uvre, afin qu'il amassât de
-l'argent pour le lui laisser après sa mort. Elle avait sans
-cesse la crainte de périr dans la misère, et cette crainte la
-torture encore maintenant, quoique Dürer lui ait légué près
-de 6,000 florins. Elle est insatiable: elle a donc été vraiment
-la cause de sa mort, etc.»</p>
-
-<p class="subh">LETTRE DE PIRKEIMER A TZERTE,<br />
-<span class="medium"><i>Architecte de l'Empereur, à Vienne</i>.</span></p>
-
-<p>«J'ai positivement perdu, dans la personne d'Albert Dürer,
-un des meilleurs amis que j'aie eus de ma vie. Sa mort m'a
-fait d'autant plus de peine qu'elle s'est produite sous l'influence
-de causes bien pénibles. En effet, je ne puis l'attribuer,
-après Dieu, qu'à sa femme qui lui a causé de si vifs
-chagrins et l'a tourmenté d'une façon si cruelle, qu'elle l'a
-poussé vers la tombe, et l'a rendu sec <i>comme de la paille</i>. Le
-<span class="pagenum"><a id="Page_XIV"> XIV</a></span>
-pauvre homme n'avait plus de courage et ne recherchait
-plus aucune société. Cette mégère prenait soin de ses intérêts,
-et poussait son mari au travail nuit et jour afin qu'il lui
-laissât le plus d'écus possible<b>. . . . . . . . . . .</b>
-Je lui ai souvent reproché ses procédés, et je lui ai même
-prédit ce qui est arrivé; mais cela ne m'a valu que de l'ingratitude.
-Du reste, tous ceux qui aimaient le pauvre Albert
-détestent sa femme, qui le leur rend bien. En somme, c'est
-elle qui a mis le cher homme en terre.»</p>
-
-<p class="space">Dans les premiers temps de son mariage, Albert Dürer
-avait fait des efforts héroïques pour se soustraire à la domination
-de sa femme, mais la lutte ne convenait pas à son caractère;
-peu à peu il avait fini par courber le front, et, aux derniers
-jours de sa vie, il obéissait comme un enfant à cette
-nouvelle Xantippe.</p>
-
-<p>Poussait-il la douceur jusqu'à la pusillanimité?&mdash;Nous ne
-le croyons pas,&mdash;car plusieurs fois, pendant sa trop courte
-existence, il a prouvé qu'avec les hommes il savait parler en
-homme.&mdash;Ou puisait-il cette patience angélique dans la religion?
-En voyant le portrait d'Agnès Frey qu'il a dessiné lui-même,
-et que l'on trouve encore aujourd'hui à Vienne, nous
-croyons plutôt qu'il fut toujours amoureux de sa femme,&mdash;car
-elle était fort belle.&mdash;Son front était froid, mais l'intelligence
-s'y jouait comme un rayon de soleil sur une plaque d'acier
-poli; ses yeux étaient durs, mais grands, veloutés et noirs; sa
-bouche était hautaine, mais correcte; ses traits étaient sévères,
-mais remarquablement beaux; ils ne commandaient pas la
-sympathie cependant: on sentait que celui qui avait aimé cette
-femme l'aimerait toute sa vie, dût-il mourir de son amour.</p>
-
-<p>Quelle personnalité attachante que celle d'Albert Dürer!</p>
-
-<p>Il était beau, et la noblesse de ses traits reflétait la pureté
-de son âme et la lumière de son intelligence.</p>
-
-<p>Qui a vu une fois un de ses portraits ne peut plus l'oublier.
-De beaux cheveux blonds cendrés qui flottent sur ses épaules,
-un front élevé et pur où le génie a imprimé sa sévère majesté,
-<span class="pagenum"><a id="Page_XV"> XV</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_XVI"> XVI</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_XVII"> XVII</a></span>
-de grands yeux bleus, bien enchâssés dans leur arcade et ombragés
-de longs cils plus foncés que ses cheveux, une bouche
-rêveuse, un cou flexible qui porte une tête digne du ciseau de
-Phidias, comme la tige du lis porte la fleur des rois, tels sont
-les traits principaux de cette figure ravissante.</p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_015.jpg" width="300" height="407" alt="" />
-<div class="caption">
-<p class="i6"><span class="small">ALBERT-DÜRER P.</span><br />
-<span class="small">AH.-CABASSON D.</span><br />
-<span class="small">TAMISIER. SC. 1850.</span></p>
-</div></div>
-
-<p>Toute sa personne était sympathique et séduisante.</p>
-
-<p>«Il avait de la noblesse et de l'aisance dans les mouvements,
-et sa haute raison et son rare bon sens perçaient naturellement
-dans ses discours.» «<i>Sermonis tanta in eo suavitas et lepor
-erat</i>, dit Joachim Camerarius, <i>ut nihil esset audientibus magis
-contrarium quam finis</i>.»</p>
-
-<p>Et Schrober dit aussi:</p>
-
-<p>«Il y avait quelque chose de si doux et de si harmonieux
-dans sa manière de parler, qu'on l'écoutait avec ravissement.»
-Du reste son instruction était fort étendue.</p>
-
-<p>Peintre, dessinateur, graveur, orfévre, architecte, statuaire,
-ingénieur et <i>géométrien</i>, comme l'écrit Loys Meygret, le traducteur
-de son livre <i>des Proportions humaines</i>, il fut tout ce qu'il
-voulut être<a id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor">&nbsp;[1]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XVIII"> XVIII</a></span>
-On l'a souvent comparé à Raphaël, mais du côté de l'universalité
-des connaissances, il a bien plus de points de contact
-avec Michel-Ange.</p>
-
-<p>J'ai vu quelque part qu'on lui reconnaît aussi le talent de
-l'écrivain. On prétend même qu'il a contribué à fixer la langue
-allemande,&mdash;mais c'est là une assertion que je ne peux admettre.
-Pour ses traités didactiques, il est certain que Pirkeimer
-<span class="pagenum"><a id="Page_XIX"> XIX</a></span>
-y mettait la main, car ils diffèrent notablement, comme
-style et comme orthographe, de sa correspondance intime.
-Dans ses lettres à Pirkeimer, le même mot est écrit parfois de
-quatre ou cinq façons différentes, et l'on ne peut s'empêcher
-de rire à la vue de ses essais de versification.</p>
-
-<p>Comme artiste, Albert Dürer est un des esprits les plus
-<span class="pagenum"><a id="Page_XX"> XX</a></span>
-originaux que je connaisse. C'est un peintre qui est avant tout
-de son pays et de son époque, grande qualité, si l'on y réfléchit,
-et à ce titre il mérite pleinement la qualification de
-père de l'école allemande.</p>
-
-<p>Vasari, Lambert-Lombart, Mariette, et quelques autres auteurs
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXI"> XXI</a></span>
-anciens et modernes ont regretté qu'Albert Dürer ne fût pas
-né en Italie, et ils lui ont reproché sérieusement de n'avoir pas
-été à Rome étudier l'antique. Ce sont là des idées étroites et
-puériles que l'on est étonné de trouver chez des écrivains d'une
-valeur réelle. S'il fallait en croire certains critiques trop exclusifs,
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXII"> XXII</a></span>
-l'art ne serait bientôt plus qu'une formule, car pour
-eux le beau n'a qu'un type unique en qui réside une perfection
-absolue. Ce serait un moule où les esprits les plus divers
-viendraient prendre une empreinte fastidieusement uniforme.
-C'est une folie que ce nouveau lit de Procruste, car le beau est
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXIII"> XXIII</a></span>
-dans tout, dans l'harmonie des proportions, comme dans la
-profondeur du sentiment, dans l'éclat de la couleur, comme
-dans la correction du dessin.</p>
-
-<p>Ces dernières idées étaient aussi celles d'Albert Dürer.</p>
-
-<p>«L'homme qui cherche le beau, dit-il, rencontre le multiple
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXIV"> XXIV</a></span>
-et le divers, et il y a plusieurs voies pour atteindre à la
-beauté.»</p>
-
-<p>Il a entrevu l'accord et l'agrément de la nature, jusque
-dans ses difformités, et il a deviné la beauté des diverses races.
-«Il y a des corps d'Éthiopiens, ajoute-t-il, où la nature a mis
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXV"> XXV</a></span>
-une telle convenance et une telle harmonie, qu'on ne peut
-rien concevoir de plus parfait.» On le voit, il n'a pas inventé,
-comme on l'a prétendu, la fameuse phrase: Le beau, c'est le
-laid. Quand son modèle est beau, il le fait beau, témoin le <i>Jeune
-homme</i> de la galerie de Vienne, témoin le <i>Saint Jean</i>, de Munich.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XXVI"> XXVI</a></span>
-Du reste, mille circonstances viendraient empêcher cette
-fusion, si quelqu'un était assez fou pour la tenter, et pour n'en
-citer qu'une seule, la variété des climats maintiendra toujours
-une différence fondamentale entre le peintre allemand et le
-peintre italien. Du temps de Dürer, une autre cause encore
-venait accentuer cette différence entre les deux écoles. Les
-anciens peintres allemands procédaient des Byzantins comme
-les Italiens; cependant, le développement de l'art se faisait
-de part et d'autre dans des conditions toutes différentes.</p>
-
-<p>Les Italiens, ayant sous les yeux les trésors de la statuaire
-antique, ont pu acquérir rapidement la pureté et la correction
-du dessin. Ils ont appris à donner à leurs figures cette souplesse
-et cette élégance de pose, et à les revêtir de draperies
-artistement disposées. Les Allemands, au contraire, n'avaient
-qu'un modèle: la nature. Aussi, si leurs poses ont quelque
-roideur, si leurs têtes sont presque toutes des portraits, ils ont
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXVII"> XXVII</a></span>
-un grand charme et une délicieuse naïveté dans l'expression.
-Ils sont, en quelque sorte, restés plus près de la vérité.</p>
-
-<p>Albert Dürer a conservé quelques-uns des défauts de ses
-prédécesseurs, mais il a recueilli le riche héritage de leurs
-qualités; c'est non pas un réaliste, dans le sens moderne du
-mot, mais un <i>naturaliste</i>.</p>
-
-<p>Du reste, en laissant de côté ces préoccupations d'école,
-Albert Dürer est encore un génie de premier ordre. Ce qui le
-prouve, c'est que les plus grands peintres, Andrea del Sarto,
-le Pontorme, le Guide, n'ont pas dédaigné de lui faire de larges
-emprunts.&mdash;Le Guide a copié plusieurs figures du char de
-Maximilien dans la fresque de l'<i>Aurore</i> qu'il a faite au palais
-Rospigliosi.</p>
-
-<p>Raphaël l'estimait fort, il lui envoya son portrait et quelques
-dessins précieux; il disait aussi avec franchise et naïveté:</p>
-
-<p>«En voilà un qui nous dépasserait tous, s'il avait pu contempler,
-comme nous, les chefs-d'&oelig;uvre de l'art.»</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XXVIII"> XXVIII</a></span>
-Et pour que cet éloge parût plus sincère, tout partisan
-qu'il était de l'antique, il exposa plusieurs estampes du graveur
-allemand dans son atelier.</p>
-
-<p>Bernard Palissy connaissait et estimait les gravures d'Albert
-Dürer; voici ce qu'il en dit dans son livre intitulé: <i>de l'Art de terre</i>.</p>
-
-<p>«As-tu pas veu aussi combien les imprimeurs ont endommagé
-les peintres pourtrayeurs sçavans? J'ay souvenance
-d'avoir veu les histoires de Notre-Dame imprimées de gros
-traits, après l'invention d'un Alemand nommé Albert, lesquelles
-histoires vindrent une fois à tel mepris, à cause de
-l'abondance qui en fut faite, qu'on donnait pour deux liards
-chascune desdites histoires, combien que la pourtraiture fust
-d'une belle invention<a id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor">&nbsp;[2]</a>.»</p>
-
-<p>Albert Dürer est né à Nuremberg, le 20 mai 1471, au moment
-où cette ville était dans toute sa splendeur; mais cédons
-la parole au chef de l'école allemande et laissons-le se présenter
-lui-même tenant toute sa famille par la main.</p>
-
-<p>Nous traduisons mot à mot les notes de famille, recueillies
-par Albert Dürer et laissées dans ses papiers. Elles diront mieux
-qu'on ne l'a fait jusqu'à ce jour l'origine et les commencements
-du célèbre artiste.</p>
-
-<p>Nous sommes tellement sûrs que rien de ce qui a été écrit
-par un homme comme Albert Dürer ne peut être indifférent au
-public, que nous donnons ces notes sans en élaguer les passages
-qui pourraient peut-être paraître un peu longs, s'ils
-venaient d'un personnage moins sympathique.</p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XXIX"> XXIX</a></span></p>
-<h2 class="normal">NOTES DE FAMILLE<br />
-<span class="medium">RECUEILLIES PAR ALBERT DURER.</span></h2>
-</div>
-
-<div class="blockquote">
-<p>Moi, Albert Durer le jeune, j'ai appris par les papiers que j'ai
-trouvés chez mon père, où il est né, comment il est venu à Nuremberg
-et comment il est mort saintement.</p>
-
-<p>Que Dieu lui soit miséricordieux! <i>Amen!</i></p>
-
-<p class="subh">ANNÉE 1524.</p>
-
-<p>Albert Dürer le vieux est né dans le royaume de Hongrie, près de
-Jula, à 8 milles au-dessous de Wardein, dans un petit village appelé
-Eytas, où sa famille élevait des b&oelig;ufs et des chevaux.</p>
-
-<p>Mon grand-père se nommait Antony Durer; jeune encore, il vint habiter
-Jula et se mit en apprentissage chez un orfévre. Il épousa une jeune
-personne appelée Élisabeth dont il eut une fille, Catharina, et trois garçons.
-L'aîné, mon père, est aussi devenu un très-honnête et très-habile
-orfévre. Ladislas, le second, se fit sellier; il est le père de mon cousin
-Nicolas Durer qui demeure à Cologne et qu'on appelle Nicolas le Hongrois;
-il a appris le métier d'orfévre à Nuremberg chez mon père. Le
-troisième fils, Jean, eut la permission d'étudier; il fut ordonné prêtre et
-desservit pendant plus de trente ans la cure de Wardein.</p>
-
-<p>Mon père, Albert Durer, est d'abord venu en Allemagne, puis il a
-séjourné assez longtemps dans les Pays-Bas, où il a vécu dans l'intimité
-des grands artistes, et définitivement il s'est fixé à Nuremberg, l'an 1454,
-à la Saint-Louis, le jour même que Philippe Pirkeimer avait choisi pour
-faire ses noces sur les remparts; on dansa longuement et allégrement
-sous les grands tilleuls.</p>
-
-<p>Mon cher père entra chez Jérôme Haller qui est devenu depuis mon
-grand-père; il est resté à son service jusqu'en 1467. Alors il lui demanda
-la main de sa fille Barbara, une jeune personne jolie et éveillée, à peine
-âgée de quinze ans. Haller la lui accorda et les noces furent faites huit
-jours avant <i>viti</i>.</p>
-
-<p>Il est bon de savoir que ma grand'mère maternelle était fille d'Oellinger
-de Weissenburg, et qu'elle s'appelait Cunégonde.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XXX"> XXX</a></span>
-Du mariage de mon cher père et de ma chère mère sont nés les
-enfants dont les noms suivent:</p>
-
-<p><i>Tout ce qu'on va lire maintenant, je l'ai copié mot à mot dans le
-livre de mon père.</i></p>
-
-<p>I.&mdash;L'année 1468 après la naissance de Jésus-Christ, le jour de
-Sainte-Marguerite, ma femme Barbara accoucha de ma fille aînée. La
-vieille Marguerite de Weissenburg fut sa marraine; elle donna à l'enfant
-le nom de sa mère.</p>
-
-<p>II.&mdash;<i>Item.</i> En 1470, à la Sainte-Marie du carême, vers deux
-heures du matin, ma femme accoucha d'un fils. Il fut tenu sur les fonts
-par Frédéric Roth de Bayreuth, qui l'appela Hans<a id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor">&nbsp;[3]</a>.</p>
-
-<p>III.&mdash;<i>Item.</i> L'année 1471, à six heures du soir, un vendredi de la
-croix (la semaine avant la Pentecôte), le jour de Sainte-Prudence, un
-autre fils nous arriva. Son parrain Antoine Koberger<a id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor">&nbsp;[4]</a> le nomma Albert,
-pour m'être agréable.</p>
-
-<p>IV.&mdash;<i>Item.</i> En 1472, vers trois heures du matin, à la Saint-Félix,
-ma femme me donna un quatrième enfant. Il se nomma Sebald, comme
-son parrain, Sebald Hotzle.</p>
-
-<p>V.&mdash;<i>Item.</i> En 1473, le jour de Saint-Ruppert, à six heures, Barbara
-accoucha d'un cinquième enfant que son parrain, Hans Schreiner de
-Laufer Thor, appela Jérôme, comme mon beau-père.</p>
-
-<p>VI.&mdash;<i>Item.</i> L'année 1474, à la Saint-Domitien, vers sept heures,
-ma femme me donna mon sixième enfant. Son parrain Ulric Mank, l'orfévre,
-le nomma Antoine.</p>
-
-<p>VII.&mdash;<i>Item.</i> En 1476, à la Saint-Sébastien, vers une heure, Barbara
-me fit cadeau d'une fille. Sa marraine, demoiselle Agnès Bayrin, lui donna
-son nom.</p>
-
-<p>VIII.&mdash;<i>Item.</i> A une heure de là ma femme accoucha, au milieu de
-douleurs intolérables, d'une seconde fille que l'on crut devoir baptiser
-immédiatement. On lui donna le nom de Marguerite.</p>
-
-<p>IX.&mdash;<i>Item.</i> En 1477, le premier mercredi après la Saint-Louis, ma
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXXI"> XXXI</a></span>
-ménagère me donna encore une fille, qui s'appela Ursule comme sa
-marraine.</p>
-
-<p>X.&mdash;<i>Item.</i> L'année 1478, à trois heures de la nuit, le lendemain de
-Saint-Pierre et Saint-Paul, Barbara accoucha d'un fils que son parrain,
-Hans Sterger, un ami de Sohmbachs, nomma Hans.</p>
-
-<p>XI.&mdash;<i>Item.</i> En 1479, à trois heures du matin, à la Saint-Arnold, un
-dimanche, ma femme me fit présent d'une fille à qui Agnès Fritz-Fischer,
-sa marraine, donna son nom.</p>
-
-<p>XII.&mdash;<i>Item.</i> L'année 1481, à une heure, le jour de Saint-Pierre,
-Barbara mit au monde notre douzième enfant,&mdash;un garçon.&mdash;Nicolas,
-le commis de Josse Haller, fut son parrain et l'appela Pierre.</p>
-
-<p>XIII.&mdash;<i>Item.</i> En 1482, à quatre heures du matin, le mardi avant
-la Saint-Bartholomé, ma femme accoucha d'un enfant du sexe féminin.&mdash;Sa
-marraine, Catherine, la fille de Brintwar, lui donna son nom.</p>
-
-<p>XIV.&mdash;<i>Item.</i> En 1484, le jour de la Saint-Marc, à une heure après
-minuit, Barbara me donna mon quatorzième enfant; il s'appelle André,
-parce que son parrain André Stromayer a voulu lui donner son nom.</p>
-
-<p>XV.&mdash;<i>Item.</i> L'année 1486, la veille de la Saint-Georges, à midi, ma
-femme accoucha d'un fils; Sebald de Lochheim fut son parrain et l'appela
-Sebald.</p>
-
-<p>C'est le second de mes enfants qui porte ce nom.</p>
-
-<p>XVI.&mdash;<i>Item.</i> En 1488, le vendredi avant l'Ascension, à midi, Barbara
-mit au monde une fille, à qui sa marraine, la femme de Bernard Walter,
-donna le nom de Christine, qu'elle portait elle-même.</p>
-
-<p>XVII.&mdash;<i>Item.</i> L'année 1490, le dimanche du Carnaval, à deux heures
-après minuit, ma femme donna le jour à un enfant du sexe masculin;
-M. George, le digne vicaire de Saint-Sebald, fut son parrain et l'appela
-Hans.</p>
-
-<p>C'est le troisième de mes enfants qui porte ce nom.</p>
-
-<p>XVIII.&mdash;<i>Item.</i> En 1492, le jour de la Saint-Cyriac, à deux heures
-avant le soir, Barbara me donna mon dix-huitième et dernier enfant.
-M. Charles d'Oehsenfurt, son parrain, l'appela Charles.</p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_033.jpg" width="300" height="413" alt="" />
-<div class="caption">
-<p class="i6 small">ALBERT-DURER, P.<br />
-AH. CABASSON, D. <br />
-TAMISIER. SC.</p>
-</div></div>
-
-<p>A l'heure qu'il est, presque tous ces frères et s&oelig;urs, enfants de mon
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXXII"> XXXII</a></span>
-cher père, sont morts, les uns tout jeunes, les autres un peu plus tard.
-Trois d'entre nous ont survécu et vivront tant qu'il plaira à Dieu.&mdash;C'est
-mon frère André<a id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor">&nbsp;[5]</a>, mon frère Jean<a id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor">&nbsp;[6]</a>, et moi, Albert.</p>
-
-<p>Albert Durer le vieux a passé sa vie au milieu des plus grandes privations
-et des plus rudes labeurs. Pour nourrir sa femme et élever ses
-enfants, il n'avait pas d'autres ressources que le travail de ses mains.
-Aussi n'a-t-il jamais été bien riche.&mdash;Mais comme il eut le courage de
-supporter honorablement et chrétiennement l'adversité, il fut loué et
-estimé de tous ceux qui l'ont connu. Il fut un homme patient, pieux et
-doux; plein de bienveillance pour tout le monde et très-reconnaissant
-envers Dieu, malgré sa misère. Il fuyait les plaisirs, n'aimait pas la
-société et parlait fort peu.</p>
-
-<p>Mon cher père avait grand soin de ses enfants, qu'il élevait d'une façon
-très-convenable, afin qu'ils fussent agréables à Dieu et aux hommes;
-il nous recommandait sans cesse d'honorer le souverain créateur de
-toutes choses et de vivre honnêtement avec notre prochain.</p>
-
-<p>Il nous aimait tous, mais il avait principalement de l'affection pour
-moi. Voyant que j'étais studieux, il me laissa aller à l'école; quand je
-sus lire et écrire, il me fit rester à la maison et m'apprit l'état d'orfévre.
-Je travaillai bientôt très-convenablement. Cependant, mon inclination me
-portait vers la peinture; je m'en expliquai avec mon père, qui me reçut
-d'abord fort mal; il regrettait le temps que j'avais perdu à apprendre
-l'état d'orfévre; il céda néanmoins à mes instances, et l'année 1486, le
-jour de la Saint-André, il me plaça pour trois ans comme apprenti chez
-un grand peintre, nommé Michel Wohlgemuth<a id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor">&nbsp;[7]</a>.</p>
-
-<p>Pendant ces trois ans, Dieu me donna un grand courage; aussi mes
-progrès furent rapides,&mdash;mais j'eus beaucoup à souffrir de mes condisciples,
-qui auraient voulu en savoir plus que moi en travaillant moins.</p>
-
-<p>Quand mon apprentissage fut terminé, mon père me fit voyager; je
-restai absent jusqu'au jour où il lui plut de me rappeler. En 1490, après
-Pâques, je partis de nouveau, et je revins en 1494. Quand je fus à la
-maison depuis quelques jours, Hans Frey proposa à mon père de me
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXXIII"> XXXIII</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_XXXIV"> XXXIV</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_XXXV"> XXXV</a></span>
-donner sa fille Agnès, avec une dot de 200 florins;&mdash;il accepta, et
-les noces furent faites le lundi avant la Sainte Marguerite de la même
-année.</p>
-
-<p>Peu de temps après mon mariage, mon père tomba malade d'une
-dyssenterie, contre laquelle personne ne put rien.&mdash;Voyant approcher
-son heure dernière, il se résigna, me recommanda ma mère, et nous
-supplia de continuer à vivre en honnêtes gens; il reçut les saints sacrements
-et mourut en vrai chrétien, en 1502, la veille de la Saint-Matthieu,
-vers minuit, comme je l'ai déjà écrit longuement dans un autre livre.
-Dieu veuille avoir son âme! Je pris mon frère Hans chez moi, et nous
-mîmes André en pension.</p>
-
-<p>Deux ans après la mort de mon père, je pris aussi ma mère avec moi,
-car elle n'avait plus rien. En 1513, elle tomba subitement malade.</p>
-
-<p>Sa maladie dura une année entière, et elle fut mourante du premier
-au dernier jour, le 17 mai 1514, deux heures avant la nuit; après avoir
-été administrée, elle succomba.</p>
-
-<p>J'ai prié Dieu de l'avoir en sa sainte garde.</p>
-
-<p>En 1521, le dimanche avant la Saint-Barthélemy, dix-huitième jour
-du mois d'août, ma chère belle-mère se mit au lit, et le 29 septembre,
-à neuf heures de la nuit, elle mourut pieusement.</p>
-
-<p>En 1523, à la fête de la Présentation, de grand matin, est mort,
-après avoir reçu les saints sacrements, mon honoré beau-père Hans Frey,
-qui a été malade près de six longues années, et qui a aussi eu à essuyer
-de grandes adversités dans cette vie.</p>
-
-<p>Dieu tout-puissant, sois-lui miséricordieux!</p>
-</div>
-
-<p class="space">Rien dans les papiers de Dürer ne dit positivement où il a
-voyagé de 1490 à 1494; mais Roth (J.-F.), diacre de l'église
-Saint-Jacques à Nuremberg, dans un livre intitulé <i>Leben
-Albrecht Dürer</i>, publié en 1791, nous dit: «En 1490, Albert
-Dürer voyagea à travers l'Allemagne, les Pays-Bas et poussa
-jusque dans la Vénétie.»</p>
-
-<p>Une phrase de la deuxième lettre à Pirkeimer nous fait
-penser que Roth a raison; du reste un voyage de Nuremberg
-à Venise était chose très-peu extraordinaire à la fin du
-XV<sup>e</sup> siècle. Les relations des deux villes étaient très-suivies;
-une grande quantité de marchands de Nuremberg avaient une
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXXVI"> XXXVI</a></span>
-succursale de leur maison à Venise, et un messager partait
-chaque semaine de Nuremberg et un autre de Venise.</p>
-
-<p>Beaucoup de jeunes gens visitaient l'Italie pour compléter
-leurs études; ajoutons que l'on voit dans une des gravures du
-maître, faite avant 1506, une gondole comme celles que l'on
-ne rencontre que sur l'Adriatique, et le marinier la conduit
-trop bien à la façon des Vénitiens, pour n'avoir pas été dessiné
-d'après nature.</p>
-
-<p>Sandrart assure qu'il séjourna dans les Pays-Bas; mais dans
-ses notes de voyage, Albert Dürer ne fait pas une seule fois
-allusion à une visite antérieure.</p>
-
-<p>En 1492, il traversa Colmar, nous dit Scheurl, qui prétend
-le tenir d'Albert Dürer lui-même; il fut fort bien reçu par les
-trois frères de Martin Schongauer (Martin le Beau), mais il
-eut le regret de ne pas voir le célèbre artiste qui, le premier,
-osa s'affranchir de l'imitation des peintres hollandais et remplacer
-la roideur et la sécheresse par la distinction et la grâce.
-Il était mort depuis quatre ans.</p>
-
-<p>De 1494 à 1505, Albert Dürer ne quitta pas Nuremberg, sa
-ville natale; il y vécut à l'ombre, dans l'étude, sans autre distractions
-que ses longs entretiens avec son ami Pirkeimer,
-qu'il appelait son second père et qui était un peu son professeur,
-à leur insu à tous les deux.</p>
-
-<p>J'ai visité sa triste maison<a id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor">&nbsp;[8]</a>; j'y ai rencontré à chaque pas
-l'ombre exécrée de sa femme, cette abominable Agnès Frey, si
-belle, si honnête, si pieuse, si acariâtre, si intolérante et si
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXXVII"> XXXVII</a></span>
-avare. J'avais le c&oelig;ur gros en pensant à ce qu'avait dû souffrir
-ce pauvre homme de génie pendant les longues années qu'il a
-passées avec ce monstre charmant qui le tuait à petit feu.</p>
-
-<p>Vers la fin de 1505, il partit pour Venise où il séjourna un
-an environ; c'est de là qu'il adressa à Bilibald Pirkeimer les
-huit lettres intimes que l'on trouvera plus loin.</p>
-
-<p>De 1506 à 1520, il ne sortit guère de son atelier.</p>
-
-<p>En 1520, il fit dans les Pays-Bas le célèbre voyage dont
-nous publions ici <i>in extenso</i> la relation.</p>
-
-<p>A son retour en Allemagne, Albert Dürer reprit sa vie de
-travail presque en tête-à-tête avec son acariâtre épouse, car la
-mégère avait réussi à faire le vide autour de lui; mais une
-telle existence ne pouvait être longue. Le 6 avril 1528, le
-pauvre grand homme mourut d'épuisement et de chagrin,
-dans toute la force de son talent, à l'âge de 57 ans, sans enfants,
-laissant ses objets d'art à son frère André et sa fortune à sa
-femme, que ses compatriotes auraient tant voulu voir déshériter.</p>
-
-<p>La mort d'Albert Dürer affligea sérieusement ses nombreux
-amis.</p>
-
-<p>Nous avons cité des fragments de lettres, citons aussi quelques
-mots d'Érasme, qui était lié avec lui, mais qui était avant
-tout philosophe:</p>
-
-<p><i>Quid attinet Dureri mortem deplorare, quum simus mortales omnes?
-Epitaphium illi paratum est in libello meo.</i></p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XXXVIII"> XXXVIII</a></span>
-Traduction:</p>
-
-<p>A quoi bon pleurer la mort d'Albert Dürer, puisque nous
-sommes tous mortels? Je lui ai fait une épitaphe dans mon
-petit livre.</p>
-
-<p>Avons-nous besoin de dire à ceux qui connaissent le c&oelig;ur
-humain qu'Albert Dürer était admiré plus par les princes<a id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor">&nbsp;[9]</a>
-que par ses égaux,&mdash;par les étrangers que par ses compatriotes,
-prouvant ainsi une fois encore l'éternelle vérité du
-proverbe: <i>Nul n'est prophète en son pays.</i></p>
-
-<p>Voici deux lettres qui attestent suffisamment ce que j'avance:</p>
-
-<p class="subh">LETTRE DE L'EMPEREUR MAXIMILIEN<br />
-<span class="medium">AUX MAGISTRATS DE LA VILLE DE NUREMRERG.</span></p>
-
-<p class="titel">«Honorables et chers fidèles,</p>
-
-<p>«Le soin qu'a toujours montré notre fidèle Albert Dürer
-dans l'exécution des dessins et des gravures que nous lui
-avons demandés; l'offre qu'il a faite de continuer de nous
-<span class="pagenum"><a id="Page_XXXIX"> XXXIX</a></span>
-servir avec le même zèle, et dont nous avons ressenti un plaisir
-tout particulier; sa célébrité bien connue entre tous les peintres,
-nous ont fait résoudre de lui venir en aide et de le
-récompenser par une faveur toute spéciale.</p>
-
-<p>»Nous vous demandons donc avec instances sérieuses de
-vouloir bien l'exempter de tout impôt communal de ville et de
-toute autre contribution, en témoignage de notre amitié pour
-lui et en faveur de son art merveilleux auquel il est juste qu'il
-puisse s'adonner librement.</p>
-
-<p>«Nous espérons que dans aucun cas vous ne refuserez la
-demande que nous vous adressons, comme du reste il est convenable
-que vous le fassiez, tant pour nous être agréables,
-qu'en considération de l'art dont il importe de favoriser le développement
-parmi vous.</p>
-
-<p>«Vous reconnaîtrez ainsi la bienveillance particulière que
-nous vous avons toujours témoignée à vous et à votre ville.</p>
-
-<p>«Donné dans notre ville impériale de Landau, le douzième
-du mois de décembre 1512, de notre règne le vingt-septième.»</p>
-
-<p><i>Ad mandatum Dmi imperatoris Mppria.</i></p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_040.jpg" width="274" height="378" alt="" />
-<div class="caption">
-<p class="small"><span class="i6">Leon Gauchenel Sct.</span><br />
-<span class="i6">LA SAINTE TRINITE</span><br />
-<span class="i6">Dessin d'Albert Durer</span><br />
-<span class="i2">Collection de M. F. Reiset Imp. A. Salmon</span><br />
-<span class="i6">Gazette des Beau-Arts</span></p>
-</div></div>
-
-<p class="subh">LETTRE D'ALBERT DURER<br />
-<span class="medium">AUX MAGISTRATS DE LA VILLE DE NUREMBERG.</span></p>
-
-<p class="titel">«Honorables, sages et gracieux seigneurs,</p>
-
-<p>«Par mes travaux et avec l'aide de Dieu, pendant une
-longue suite d'années, j'ai acquis la somme de mille florins du
-Rhin, que je voudrais placer pour mon entretien.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XL"> XL</a></span>
-«Comme je sais que vous n'avez pas l'habitude de donner
-un intérêt très-élevé, et que vous avez souvent refusé un florin
-sur vingt, j'ai hésité longtemps à vous demander ce service;
-je m'y suis cependant résolu, par besoin d'abord, et aussi en
-songeant à la faveur toute particulière avec laquelle vos seigneuries
-m'ont traité en toute circonstance.</p>
-
-<p>«Vos seigneuries savent combien j'ai été dévoué et prêt à
-rendre service au conseil, dans les affaires publiques et particulières,
-partout où il a eu besoin de moi.</p>
-
-<p>«Dans notre ville, pour ce qui est de mon art, j'ai travaillé
-plus souvent gratis que pour de l'argent, et, depuis trente ans
-que j'habite ce pays, je puis le dire avec vérité, les travaux
-dont j'ai été chargé ne se sont pas élevés à 500 écus; somme
-peu considérable et sur laquelle je n'ai pas eu un cinquième
-de bénéfice.</p>
-
-<p>«J'ai gagné ma fortune, je veux dire ma pauvreté, qui,
-Dieu le sait, m'a été amère et m'a coûté bien des labeurs, avec
-les princes, les seigneurs, et d'autres personnes du dehors. Je
-suis le seul de cette ville qui vive de l'étranger.</p>
-
-<p>«Vos seigneuries n'ont pas oublié que feu l'empereur
-Maximilien, de glorieuse mémoire, m'avait exempté des charges
-de cette ville,&mdash;de son propre mouvement, et pour reconnaître
-les loyaux services que je lui avais rendus; depuis,
-j'ai renoncé à ce privilége, suivant les avis de quelques-uns
-des membres les plus anciens du conseil; je l'ai fait en l'honneur
-de mes maîtres et pour me conserver leurs bonnes
-grâces.</p>
-
-<p>«Il y a dix-neuf ans, le doge de Venise m'écrivit de venir
-demeurer dans cette ville, en m'offrant 200 ducats par an de
-provision.</p>
-
-<p>«Plus tard, la commune d'Anvers, pendant le peu de temps
-que je suis resté dans les Pays-Bas, m'a aussi offert 300 florins
-de Philippe par an, et elle y ajoutait le don d'une belle maison.</p>
-
-<p>«Dans l'une comme dans l'autre ville, tous mes travaux
-m'eussent été payés à part.</p>
-
-<p>«J'ai refusé tout cela par l'inclination et l'amour particulier
-<span class="pagenum"><a id="Page_XLI"> XLI</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_XLII"> XLII</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_XLIII"> XLIII</a></span>
-que j'ai pour vos seigneuries, pour notre ville et pour ma
-patrie. J'ai préféré vivre simplement ici, que d'être riche et
-puissant ailleurs.</p>
-
-<p>«Je vous prie donc respectueusement de prendre en considération
-toutes ces choses, d'accepter les mille florins, que
-j'aime mieux savoir entre vos mains que partout ailleurs, et
-de m'en donner, comme une grâce particulière, cinquante florins
-d'intérêt par an, pour moi et ma femme qui, tous deux,
-devenons de jour en jour vieux, faibles et infirmes.</p>
-
-<p>«Je reconnaîtrai en cela l'intérêt que votre sagesse m'a témoigné
-jusqu'à ce jour et que je m'efforcerai sans cesse de
-mériter.</p>
-
-<p>«De vos seigneuries, le très-dévoué concitoyen,</p>
-
-<p class="signature"><span class="cap">«A</span><span class="smallc">LBERT</span> <span class="cap">D</span><span class="smallc">URER.»</span></p>
-
-<div class="figcenter">
-<img src="images/illus_042.jpg" width="297" height="279" alt="" />
-</div>
-
-<p>Nous l'avons dit, nous le répétons, lorsqu'en 1528 la mort
-vint frapper Albert Dürer, il était arrivé à l'apogée de son
-génie.&mdash;Sa manière s'éloignait de plus en plus des peintures
-flamandes et allemandes, pour se rapprocher de celles des
-grands maîtres de l'Italie, qu'il allait peut-être égaler bientôt.
-Les lettres de Mélanchthon nous apprennent qu'Albert Dürer
-disait lui-même n'avoir connu la vraie beauté de la nature que
-fort tard; il comprit alors que la simplicité est le plus bel ornement
-de l'art. Il soupira en songeant à ses premières &oelig;uvres
-si compliquées, et il se plaignit de ne pouvoir plus atteindre
-son admirable modèle<a id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor">&nbsp;[10]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XLIV"> XLIV</a></span>
-Albert Dürer est un grand peintre, mais c'est surtout à son
-&oelig;uvre gravé qu'il doit le premier rang qu'il occupe dans l'art.</p>
-
-<p>Comme graveur, personne ne peut lui être comparé, ni
-Marc-Antoine, ni Lucas de Leyde, ni Martin Schongauer, qui
-a été son premier maître, en dépit de l'éloignement, en dépit
-de la mort même qui l'enlevait le jour où Dürer père se décidait
-à envoyer son fils à Colmar pour suivre ses leçons.&mdash;C'est
-donc à la fin prématurée de cet homme, justement célèbre,
-que Wolhgemuth doit l'honneur d'avoir conservé un élève qui
-l'a fait connaître plus que ses ouvrages.</p>
-
-<p>Comme Martin Schongauer, le maître de Colmar, Albert
-Dürer réunit autour de lui de nombreux élèves: Hans Springinklie
-et Hans Schauflein, qui ont fourni d'admirables dessins
-aux graveurs sur bois; Barthélemy Beham, son cousin, Hans-Sebald
-Beham, Georges Penz, Henri Aldegraever, Jacob Binck,
-Albert Altdorfer, Hans Wagner de Kulmback, Mathias Gruenewald
-et Melchior Feselen, qui se servirent avec un égal talent
-du burin et du pinceau. Mais à la mort du maître, tous, excepté
-Henri Aldegraever, abandonnèrent la manière purement allemande;
-trois d'entre eux se firent même admettre dans l'atelier
-de Marc-Antoine et contribuèrent, après leur retour en
-Allemagne, à y répandre le style italien.</p>
-
-<p>Albert Dürer fut enterré à Nuremberg, dans le cimetière
-Saint-Jean, à quelques pas du Calvaire sculpté par Adam Kraft
-pour le compte du praticien Martin K&oelig;tzel<a id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor">&nbsp;[11]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XLV"> XLV</a></span>
-Pirkeimer fit inscrire ces mots sur la tombe de son ami:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i3"> <i>Me. al. du.</i></p>
-<p><i>Quidquid Alberti Dureri mortale</i></p>
-<p><i>fuit, sub hoc conditur tumulo.</i></p>
-<p><i>Emigravit VIII. idus aprilis.</i></p>
-<p class="i3"> <i>M. D. XXVIII.</i></p>
-</div></div>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_047.jpg" width="400" height="208" alt="" title="" />
-</div>
-
-<p>Lorsque Sandrart visita le cimetière Saint-Jean à Nuremberg,
-il fut fort ému en trouvant la tombe d'Albert Dürer délaissée
-et dans un état complet de délabrement. Il s'en plaignit avec
-amertume, et ne s'en tint pas aux plaintes comme cela arrive
-trop souvent; il eut la pieuse pensée de faire réparer les dégâts
-et de graver sur une plaque de bronze cet éloge que l'on peut
-lire encore aujourd'hui sur la pierre, qui n'a pas été changée
-depuis 1681:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i1"> <i>Vixit Germaniæ suæ decus</i></p>
-<p class="i3"> <i>Albertus Durerus,</i></p>
-<p class="i1"> <i>Artium lumen, sol artificum,</i></p>
-<p><i>Urbis patriæ nor. Ornamentum,</i></p>
-<p class="i1"> <i>Pictor, chalcographus, sculptor</i></p>
-<p class="i2"> <i>Sine exemplo, qui omniscius</i></p>
-<p class="i3"> <i>Dignus inventus exteris,</i></p>
-<p class="i2"> <i>Quem imitandum censerent,</i></p>
-<div><span class="pagenum"><a id="Page_XLVI"> XLVI</a></span></div>
-<p><i>Magnes magnatum, eos ingeniorum</i></p>
-<p class="i2"> <i>Post sesquiseculi requiem,</i></p>
-<p class="i2"> <i>Quia parem non habuit,</i></p>
-<p class="i2"> <i>Solus hic cubare jubetur,</i></p>
-<p class="i2"> <i>Tu flores sparge viator.</i></p>
-<p class="i2"> <i>A. R. S. MDCLXXXI.</i></p>
-<p class="i3"> <i>Opt. mer. F. cur.</i></p>
-<p class="i4"> <i>J. DE. S.</i></p>
-</div></div>
-
-<p>A côté de cette légende latine s'en trouve une seconde en
-vers allemands:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i1"> <i>Die ruhe Künsler Fürst du mehr als grosser Mann</i></p>
-<p class="i1"> <i>In Vielkunst hat es dir noch keiner gleich gethan</i></p>
-<p class="i1"> <i>Die Erd ward ausgemalt der Himmel dich jetzt hat</i></p>
-<p><i>Du maltest (malest) Heilig pum dort an der Gottes stadt</i></p>
-<p class="i1"> <i>Die Bau-Bild-Malerkunst die neppen Dich Patron</i></p>
-<p class="i2"> <i>Und setzen dir nun auf im Tod die Lorbeerkron</i></p>
-</div></div>
-
-<p>Traduction:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i1"> Repose ici, prince des artistes, toi qui fus le plus grand des hommes.</p>
-<p class="i3"> Dans plus d'un art, personne ne t'a encore égalé;</p>
-<p class="i2"> Tu as peint la terre, et maintenant le ciel te possède;</p>
-<p class="i3"> Devenu saint, tu peins là-haut dans la cité de Dieu.</p>
-<p>Les maîtres de l'architecture, de la sculpture et de la peinture te<br />
-nomment leur maître</p>
-<p class="i2"> Et maintenant, dans la mort, te couronnent de lauriers.</p>
-</div></div>
-
-<p>En 1840, la Bavière reconnaissante a élevé un monument à
-la mémoire d'Albert Dürer, dont le génie multiple fut l'étincelle
-qui illumina l'Allemagne entière et la fit, à la fin du
-<span class="smallc">XV</span><sup>e</sup> siècle, la rivale sérieuse de l'Italie.</p>
-
-<p>Au bas de la rue de la Montagne (Berg-Strasse), entre la
-maison de Pilate et la maison d'Albert Dürer, on voit une statue
-de onze pieds de haut, modelée, à Berlin, par Rauch, et
-fondue, en 1839, à Nuremberg.</p>
-
-<p>Albert Dürer est vêtu d'une longue robe fourrée de belles
-pelleteries; il porte les cheveux pendants sur ses épaules, en
-boucles soyeuses. Quant au caractère de la figure, le sculpteur
-s'est inspiré des nombreux portraits peints par le maître lui-même.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XLVII"> XLVII</a></span>
-Les personnes qui ne connaîtraient que le portrait de face,
-que l'on voit aujourd'hui à la pinacothèque de Munich, admettraient
-peut-être difficilement d'abord les profils de la statue
-de Rauch.&mdash;On en pourrait dire autant de celles qui n'auraient
-vu que celui du musée de Lyon, où Albert Dürer s'est
-peint de trois quarts.&mdash;Dans l'un, le premier, il a vingt-cinq
-ans à peine; il est pourtant déjà rêveur; sur son visage
-amaigri et mystique, on n'aperçoit aucune saillie qui annonce
-la force; tout est douceur et mélancolie. On le prendrait volontiers
-pour un des disciples de Jésus-Christ, ou pour Jésus-Christ
-lui-même.</p>
-
-<p>Dans l'autre, au contraire, on trouve une figure mâle, à laquelle
-les arêtes vives du nez et les lignes nettes des lèvres et
-du front donnent une incontestable expression de vigueur.</p>
-
-<p>Rauch a pris un moyen terme entre ces deux types si
-dissemblables. Sa statue est plus idéalisée que la peinture réaliste
-de Lyon, et moins extatique que celle de Munich; c'est un
-chef-d'&oelig;uvre parmi les chefs-d'&oelig;uvre du maître prussien.</p>
-
-<p>Un mot encore avant de terminer cette étude, qui est déjà
-un peu bien longue.</p>
-
-<p>La gloire d'Albert Dürer est un tout éblouissant, mais dont
-les rayons sont distincts: son imagination est inépuisable, sa
-naïveté est pleine de grâce, sa touche est savante, son dessin
-est humain et vigoureux. Son exécution est large et puissante;
-sous sa couleur délicate et vive on discerne la science
-anatomique aussi facilement qu'on distingue la couche calcaire
-d'un coquillage sous la nacre irisée qui la recouvre. Son bonheur
-est extrême dans le choix de ses sujets; il y groupe savamment
-les personnages; mieux que personne de son temps
-et du nôtre, il sait allier dans les plis de ses draperies l'élégance
-et le goût à je ne sais quelle grandeur sauvage; ses ciels
-sont lumineux comme son génie. Ses paysages sont pittoresques
-et accidentés; on comprend, en les regardant, que l'artiste est
-allé au delà de la réalité chercher, grâce à son imagination, le
-doux rêve qu'il ne trouve pas sous son toit.</p>
-
-<p>Les critiques n'ont pas manqué à sa gloire; on lui a reproché
-<span class="pagenum"><a id="Page_XLVIII"> XLVIII</a></span>
-ses femmes nues, qui sont plutôt une tristesse qu'une défaillance.
-Puis, comme si l'honnête homme ne devait pas avoir
-souci d'achever son &oelig;uvre, on lui a reproché encore le fini
-précieux de ses peintures: à notre époque, on lui reprocherait
-d'être grand.</p>
-
-<p>Ses portraits respirent la vie: nouveau Pygmalion, il les
-anime de par sa volonté. La volonté d'un grand artiste n'est-elle
-pas une étincelle du feu divin? Hélas! aussi puissant qu'il soit,
-ce souffle de Dieu s'amoindrit et se dissipe en arrivant vers la
-terre; heureux les élus qui savent, comme Albert Dürer, en
-garder les reflets pour étonner le monde et faire rêver l'humanité!</p>
-
-<p class="signature">CHARLES NARREY.</p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_050.jpg" width="250" height="392" alt="" />
-<div class="caption">
-<p class="small"><span class="i6">AH-CABASSON,</span><br />
-<span class="i6">D. CH-JARDIN SC.</span></p>
-</div></div>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_052.jpg" width="250" height="387" alt="" />
-<div class="caption">
-<p class="small"><span class="i6">ALBERT DURER SCULP.</span><br />
-<span class="i6">FAC SIMILE DE A. DURAND.</span><br />
-<span class="i6">BILIBALD PIRKEYMHER.</span><br />
-<span class="i2">Gazette des Beaux Arts Imp A. Salmon, Paris</span></p>
-</div></div>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_XLIX"> XLIX</a></span></p>
-
-<p class="extra"><span class="small">LETTRES CONFIDENTIELLES</span><br />
-<span class="xlarge">D'ALBERT DÜRER</span><br />
-<span class="medium">A BILIBALD PIRKEIMER</span></p>
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_L"> L</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_LI"> LI</a></span></p>
-
-<h2 class="normal"><span class="medium">LETTRES CONFIDENTIELLES</span><br />
-<span class="xxlarge">D'ALBERT DÜRER</span><br />
-<span class="large">A BILIBALD PIRKEIMER</span><a id="FNanchor_12" href="#Footnote_12" class="fnanchor">&nbsp;[12]</a></h2>
-
-<hr class="deco" />
-<p class="subh">LETTRE I.</p>
-
-<div class="figleft">
-<img src="images/illus_055.jpg" width="125" height="121" alt="" />
-</div>
-
-<p>Mon cher monsieur Pirkeimer, je vous offre
-mes services et j'espère que votre santé est
-meilleure que la mienne.&mdash;Je vous souhaite
-une bonne et heureuse année à vous et aux
-vôtres. Pour ce qui est des perles et des pierreries
-que vous m'avez chargé d'acheter, je
-vous annonce que je n'ai rien pu trouver,
-même pour bon argent. Les Allemands ont tout
-accaparé, et pour leur en racheter il faudrait
-les payer plus qu'elles ne valent, car ils sont très-peu accommodants.
-Ce sont du reste les plus vilaines gens que la terre ait portés<a id="FNanchor_13" href="#Footnote_13" class="fnanchor">&nbsp;[13]</a>. Il ne
-<span class="pagenum"><a id="Page_LII"> LII</a></span>
-faut pas compter sur eux pour le moindre service, et des amis sérieux
-m'ont assuré qu'il est prudent de se garer d'eux,&mdash;ils se moquent
-de tout, attendu qu'ils sont maîtres de la place.&mdash;Tout le monde est
-d'accord pour déclarer que l'on trouve à Francfort de plus beaux objets
-à meilleur prix qu'à Venise.</p>
-
-<p>Les livres que vous m'avez demandés sont expédiés, vous les recevrez
-bientôt, et si vous avez besoin d'autres choses, faites-le moi savoir, je
-me ferai un plaisir de vous les envoyer. Fasse le ciel que je puisse vous
-rendre un jour un vrai service, car je reconnais que je vous dois beaucoup.
-Je vous en prie, ne vous impatientez pas trop, cette dette me
-préoccupe plus que vous, j'en suis certain. Si Dieu me vient en aide, je
-vous payerai prochainement en vous conservant une éternelle reconnaissance.
-Car les Allemands<a id="FNanchor_14" href="#Footnote_14" class="fnanchor">&nbsp;[14]</a> m'ont commandé un tableau<a id="FNanchor_15" href="#Footnote_15" class="fnanchor">&nbsp;[15]</a> qu'ils me payeront
-cent dix florins rhénans, et je n'aurai que cinq florins de frais.</p>
-
-<p>Je me mettrai à l'ouvrage tout de suite, j'esquisserai mon tableau en
-huit jours, et dans un mois il pourra figurer sur l'autel. En épargnant
-tout cet argent, je serai en mesure de vous payer, car je ne crois pas qu'il
-soit nécessaire d'envoyer rien en ce moment à ma mère et à ma femme.
-J'ai laissé à ma mère dix florins, elle en a reçu neuf ou dix pour des
-objets d'art, le marchand de fil d'archal lui en a payé douze. Je lui en ai
-encore envoyé neuf par l'entremise de Bastien Imhoff, et elle n'a dû
-payer que sept florins à Gartner pour ses gages. Quant à ma femme, je
-lui ai donné douze florins, elle en a reçu treize autres, ce qui fait
-vingt-cinq. Je pense donc également qu'elle n'a besoin de rien; et s'il
-lui manque quelque chose, le beau-frère n'a qu'à l'aider jusqu'à mon
-retour; alors je le rembourserais intégralement.</p>
-
-<p>Sur ce, je me recommande instamment à votre bon souvenir.</p>
-
-<p>Datée de Venise, le saint jour des Rois 1506.</p>
-
-<p>Saluez de ma part Étienne Baumgartner et les autres personnes qui
-s'informeront de moi.</p>
-
-<p class="signature"><span class="smallc">ALBERT DURER</span></p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_LIII"> LIII</a></span></p>
-
-<p class="space subh">LETTRE II.</p>
-
-<p>Je vous présente mes respects, mon cher monsieur Pirkeimer, j'espère
-que vous jouissez d'une bonne santé, et je le souhaite aussi sincèrement
-que s'il s'agissait de la mienne propre.</p>
-
-<p>Je vous ai écrit dernièrement, faites-moi savoir si ma lettre vous est
-parvenue. Ma mère m'a grondé parce que je ne vous envoyais pas de
-mes nouvelles, et elle m'a donné à entendre que vous étiez furieux contre
-moi.</p>
-
-<p>Voici mon excuse: je suis paresseux quand il s'agit d'écrire, je
-croyais que ma lettre ne vous trouverait pas chez vous, et enfin j'avais
-recommandé à <i>Castel</i>, le messager, de vous présenter particulièrement
-mes hommages. Je vous prie donc humblement de me pardonner, car je
-n'ai pas d'autre ami que vous en ce monde.</p>
-
-<p>Je ne crois pourtant pas que vous soyez sérieusement irrité contre
-moi, car je vous considère comme un second père.</p>
-
-<p>Je voudrais que vous fussiez à Venise auprès de moi, vous trouveriez
-une quantité de joyeux compagnons parmi les Italiens qui s'attachent de
-plus en plus à moi. Ce sont des gens de c&oelig;ur, d'un commerce agréable,
-instruits, honorables, et bons musiciens. Ils m'ont en grande estime et me
-témoignent beaucoup d'amitié. Par contre, il y en a parmi eux qui sont
-les plus fieffés coquins du monde, mais des coquins bien séduisants, et
-celui qui ne verrait que superficiellement les choses serait tenté d'avoir
-d'eux la meilleure opinion. Je ris souvent dans ma barbe quand ils me
-parlent; ils n'ignorent pas qu'on sait de belles méchancetés d'eux, mais
-ils s'en moquent.</p>
-
-<p>J'ai beaucoup d'excellents amis parmi les Italiens, qui m'engagent à
-ne pas vivre trop familièrement avec leurs peintres.&mdash;Il est vrai que
-j'ai aussi beaucoup d'ennemis qui critiquent mes ouvrages dans les
-églises et partout où ils les trouvent. Ils disent qu'ils ne valent rien parce
-que je ne peins pas à la manière antique, ce qui ne les empêche pas de
-<span class="pagenum"><a id="Page_LIV"> LIV</a></span>
-les copier. Giovani Bellini<a id="FNanchor_16" href="#Footnote_16" class="fnanchor">&nbsp;[16]</a> a fait les plus grands éloges de mon talent
-devant beaucoup de gentilshommes; il désire avoir une de mes &oelig;uvres,
-il est venu me voir et il a insisté pour que je lui fisse une composition,
-promettant de la bien payer. Plusieurs personnes considérables m'ont
-assuré que c'est un homme excellent, et qu'il m'est très-favorable. Il est
-vieux, excessivement vieux même; cependant aucun des peintres de
-Venise ne peut se vanter d'être aussi vert que lui. Ce qui me plaisait il y
-a onze ans ne me plaît plus aujourd'hui, je l'avoue franchement, bien que
-cela paraisse extraordinaire.</p>
-
-<p>Il y a ici des artistes qui ont beaucoup plus de talent que maître
-Jacob<a id="FNanchor_17" href="#Footnote_17" class="fnanchor">&nbsp;[17]</a>; Antoine Kolb seul jure ses grands dieux qu'il n'y a pas de meilleur
-peintre au monde que Jacob. Ici on se moque de lui, et cependant il
-reste de son opinion.</p>
-
-<p>J'ai commencé à travailler à mon tableau, c'est-à-dire que je l'ai
-esquissé, mais mes mains ont été si malades qu'il m'a été impossible de
-travailler sérieusement. J'ai laissé passer cette mauvaise disposition; ne
-m'en veuillez pas et devenez rangé comme moi, mais vous ne voulez
-jamais suivre mes conseils.</p>
-
-<p>Mon cher, il me serait agréable de savoir si aucune des personnes
-<span class="pagenum"><a id="Page_LV"> LV</a></span>
-que vous aimez n'est morte, celle qui habite près de l'eau, ou celle qui
-ressemble à ceci
-<img src="images/illus_059a.jpg" width="30" height="28" alt="" />
-ou celle qui ressemble à cela
-<img src="images/illus_059b.jpg" width="30" height="32" alt="" />
-ou
-la fille
-<img src="images/illus_059c.jpg" width="50" height="24" alt="" />.</p>
-
-<p>Écrite à Venise, à 9 heures<a id="FNanchor_18" href="#Footnote_18" class="fnanchor">&nbsp;[18]</a> du soir, le samedi après la Chandeleur,
-1506.</p>
-
-<p>Présentez mes services à Étienne Baumgartner, à Harstorfer et à Falkamer.</p>
-
-<p class="signature">ALBERT DURER.</p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_061.jpg" width="275" height="344" alt="" />
-</div>
-
-<p class="space subh"><span class="pagenum"><a id="Page_LVI"> LVI</a></span></p>
-<p class="subh">LETTRE III.</p>
-
-<p>Mes salutations empressées à mon cher monsieur Pirkeimer.</p>
-
-<p>Je vous expédie en même temps que cette lettre la bague ornée d'un
-saphir que vous m'avez demandée; il m'a été impossible de vous l'envoyer
-plus tôt. Pendant deux jours j'ai couru chez tous les orfévres allemands
-et italiens de Venise dans la compagnie d'un habile homme que j'ai
-défrayé; nous avons longtemps cherché avant de trouver ce qu'il nous
-fallait, et à la fin, en marchandant beaucoup, j'en ai acheté une pour dix-huit
-ducats et quatre martzels à un particulier qui ne fait pas le commerce
-de bijoux et qui la portait lui-même; il me l'a vendue pour me
-rendre service. Je lui ai dit que c'était une acquisition que je faisais pour
-mon usage. Je l'avais à peine payée qu'un orfévre allemand m'en a offert
-trois ducats de bénéfice; j'espère donc que vous la trouverez à votre gré,
-car tous ceux à qui je la montre prétendent que c'est une <i>pierre trouvée</i>,
-et qu'en Allemagne on la payerait cinquante florins. Mais vous verrez bien
-s'ils disent vrai ou s'ils mentent; quant à moi, je n'y connais rien.</p>
-
-<p>J'ai acheté une améthyste à un ami intime pour douze ducats; il m'a
-volé comme dans un bois, car elle n'en vaut pas sept. Mes camarades et
-moi nous avons tant fait qu'il a consenti à rompre le marché, et je lui ai
-payé un dîner au poisson. J'ai repris mon argent et je suis fort satisfait
-de cet arrangement. De bons amis ont estimé la bague, et s'ils ne se sont
-pas trompés, la pierre ne revient pas à plus de dix-neuf florins rhénans,
-car elle pèse environ cinq florins d'or. Je n'ai donc pas dépassé vos
-ordres, puisque vous m'avez écrit de ne pas dépenser plus de quinze
-ou vingt florins.</p>
-
-<p>Quant à l'autre pierre que vous m'avez demandée, je n'ai pas encore
-pu me la procurer, mais je déploierai tout mon zèle à ce travail.</p>
-
-<p>On me dit qu'en Allemagne on ne pourrait pas avoir ces pierres, même
-à la foire de Francfort, car les Italiens les accaparent toutes aussitôt qu'il
-y en a quelque part. Les marchands se sont moqués de moi lorsque je
-<span class="pagenumh"><a id="Page_LVII"> LVII</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_LVIII"> LVIII</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_LIX"> LIX</a></span>
-leur ai offert deux ducats pour des jacinthes; écrivez-moi donc le plus tôt
-possible, et dites-moi ce que j'ai à faire. J'ai vu un beau diamant, je ne
-sais pas encore ce que l'on en demande; je vous l'achèterai, si votre lettre
-m'en donne l'ordre.</p>
-
-<p>Les émeraudes sont excessivement chères, mais on peut avoir une
-améthyste de moyenne grandeur pour vingt ou vingt-cinq ducats.</p>
-
-<p>D'après toutes les commissions que vous m'avez données, je présume
-que vous avez pris une maîtresse. Prenez garde que ce ne soit un maître!
-Du reste vous êtes assez grand et assez sage pour vous conduire.</p>
-
-<p>Endres Künhoffer vous présente ses respects; il vous écrira sous peu
-de jours; en attendant, il vous prie de l'excuser auprès de son maître s'il
-ne reste pas à Padoue; il n'y a rien à apprendre là pour lui. Ne m'en
-veuillez pas, je vous en prie, si je ne vous expédie pas toutes vos commandes
-à la fois; malgré mon zèle il m'a été impossible de les rassembler
-pour le départ du messager.</p>
-
-<p>Mes amis vous conseillent de faire remonter la pierre: ils prétendent
-qu'elle est belle et que la bague est vieille et démodée. Je vous prie d'engager
-ma mère à m'écrire et à continuer ses bons rapports avec vous.
-Sur ce, je me recommande à votre bonne amitié.</p>
-
-<p>Venise, le deuxième dimanche du Carême 1506.</p>
-
-<p>Rappelez-moi au souvenir de votre servante.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_LX"> LX</a></span></p>
-<p class="subh">LETTRE IV.</p>
-
-<p>Avant tout j'offre mes services à mon cher ami Pirkeimer. J'ai reçu
-le jeudi avant la semaine des Rameaux une lettre de vous, et la bague
-avec l'émeraude. Je me suis rendu à l'instant chez l'homme de qui je la
-tenais: il consent à me rendre mon argent, bien qu'il ne le fasse pas
-volontiers; il prétend qu'il a été trompé lui-même par le bijoutier.</p>
-
-<p>Mes amis m'ont assuré qu'une des deux autres bagues vaut bien six
-ducats et qu'elles sont bien conditionnées et d'un or pur; ils ajoutent
-que vous ne vous repentirez pas de l'affaire. Je ne me suis donc trompé
-que de deux ducats sur les trois bagues. Du reste Bernard Holdtzbock
-voulait me les prendre pour le prix d'achat.</p>
-
-<p>Depuis je vous ai envoyé un saphir par Hans Imhoff. J'espère que
-vous l'avez reçu. Je crois que j'ai fait une bonne affaire. On m'a offert
-un bénéfice; c'est bien un hasard, car vous savez que personnellement je
-ne connais pas la valeur de ces objets et que je suis obligé de me fier à
-ceux qui me conseillent.</p>
-
-<p>Décidément les peintres ne me veulent pas de bien; ils m'ont déjà fait
-venir trois fois devant le magistrat, et cependant j'ai donné trois beaux
-florins pour leur caisse.</p>
-
-<p>J'aurais pu gagner beaucoup d'argent, si je n'avais pas entrepris le
-tableau pour les Allemands. Cet ouvrage demande beaucoup de soin, et
-je ne pourrai pas l'achever avant la Pentecôte; on ne m'en donnera
-pourtant pas plus de quatre-vingt-cinq ducats, et cela se dépense vite.</p>
-
-<p>J'ai acheté une foule d'objets et j'ai envoyé beaucoup d'argent chez
-moi, de sorte qu'il ne m'en reste guère. Je vois bien que je ne pourrai
-pas encore m'acquitter envers vous. Sans cette commande, j'aurais pu
-facilement gagner cent florins, car, excepté les peintres, tout le monde
-ici est excellent pour moi.</p>
-
-<p>Quant à ce qui concerne mon frère, dites à ma mère qu'elle parle à
-mon vieux maître Wohlgemuth; s'il a besoin de lui, qu'il soit assez bon
-<span class="pagenum"><a id="Page_LXI"> LXI</a></span>
-pour lui donner de l'ouvrage jusqu'à mon retour, ou qu'il aille en chercher
-chez les autres. J'aurais bien voulu le prendre avec moi à Venise;
-voyager lui aurait été très-utile, il aurait pu y apprendre la langue du
-pays. Mais ma mère eût craint que le ciel ne tombât sur nous deux. Je
-vous en prie, veillez à ce qu'il ne se perde pas avec les femmes. Causez
-avec le gaillard et tâchez qu'il reste sage et raisonnable au moins jusqu'à
-ma rentrée. Qu'il ne tombe pas à la charge de ma mère. Je ne
-peux pas tout faire pour les miens, mais je suis prêt à faire ce qui dépend
-de moi.</p>
-
-<p>Pour ce qui est de moi personnellement, je ne suis pas inquiet; cependant
-il n'est pas absolument facile de gagner sa vie ici, car personne
-n'aime à jeter son argent par les fenêtres.</p>
-
-<p>Dites, je vous prie, à ma mère, qu'elle veille à la vente des &oelig;ufs de
-Pâques<a id="FNanchor_19" href="#Footnote_19" class="fnanchor">&nbsp;[19]</a>. Je pense du reste que ma femme aura eu soin de lui transmettre
-toutes mes instructions, car je lui ai écrit à ce sujet.</p>
-
-<p>Je n'achèterai pas le diamant avant que vous ne m'ayez répondu à
-son sujet. Je ne compte pas retourner à Nuremberg avant l'automne,
-même si mon tableau était fini à la Pentecôte.</p>
-
-<p>J'espère conserver une grande partie de ce que je gagnerai.</p>
-
-<p>Comme je suis indécis sur le jour de mon départ, n'en dites rien à ma
-femme, je lui écrirai de temps en temps: je reviens...</p>
-
-<p>Ayez la bonté de répondre quelques mots à cette lettre.</p>
-
-<p>Venise, le jeudi avant la semaine des Rameaux 1506.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXII"> LXII</a></span></p>
-<p class="subh">LETTRE V.</p>
-
-<p>Mes services à mon cher ami Pirkeimer.</p>
-
-<p>Si votre santé est bonne, j'en suis fort aise; moi je me porte bien
-aussi, et je travaille ferme; cependant je n'espère pas être prêt avant la
-Pentecôte.</p>
-
-<p>J'ai vendu toutes mes esquisses, sauf une seule. J'en ai donné deux
-pour vingt-quatre ducats, et les trois autres pour trois bagues qui ont été
-évaluées à vingt-quatre ducats, mais je les ai fait voir à mes amis qui
-disent qu'elles n'en valent que vingt-deux. Comme vous m'avez écrit de
-vous acheter des pierreries, j'ai cru vous être agréable en vous les expédiant
-par Frantz. Faites-les estimer chez vous par des gens qui s'y entendent,
-et conservez-les pour leur prix d'estimation. Si cependant elles
-ne vous conviennent pas, retournez-les-moi par le prochain messager.
-Car à Venise on m'offre douze ducats pour l'émeraude et dix pour le
-diamant. Seulement, comme je ne désire pas perdre deux ducats, je ne
-veux pas les donner. Je voudrais bien que vous pussiez venir en Italie,
-mais je sais tout le prix de vos instants.</p>
-
-<p>Le temps s'envole rapidement ici; il y a beaucoup de gens fort aimables
-qui viennent me distraire dans mon atelier. Je puis consacrer si peu
-d'heures à la peinture, que je suis parfois obligé de me cacher. Les gentilshommes
-me veulent tous du bien; je n'en dirai pas autant des peintres
-depuis qu'ils savent que je sais peindre.</p>
-
-<p>Endres Künhoffer vous présente ses civilités; il vous écrira par le
-prochain courrier.</p>
-
-<p>Je me recommande à votre bon souvenir et je vous prie de dire à ma
-mère que je suis très-étonné de rester si longtemps sans recevoir de ses
-nouvelles; ma femme non plus ne m'écrit pas, je crois l'avoir perdue....
-Je suis aussi très-chagrin de ne pas recevoir de lettres de vous, cher
-monsieur. J'ai lu le billet que vous avez écrit à Bastien Imhoff, où vous
-lui parlez de moi.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXIII"> LXIII</a></span>
-Soyez assez bon pour donner les deux lettres ci-incluses à ma mère.
-Oubliez un peu ma dette, et soyez sûr que j'y penserai, moi, pour vous
-payer honorablement.</p>
-
-<p>Saluez de ma part Étienne Baumgartner et d'autres bons amis. Faites-moi
-savoir si vos amours sont toujours de ce monde, et tâchez de pouvoir
-lire mon écriture, car j'ai affreusement griffonné.</p>
-
-<p>Faite à Venise le samedi avant le dimanche blanc<a id="FNanchor_20" href="#Footnote_20" class="fnanchor">&nbsp;[20]</a>. Demain il est bon
-de se confesser.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXIV"> LXIV</a></span></p>
-
-<p class="subh">LETTRE VI.</p>
-
-<p>Magnifique seigneur Pirkeimer, très-grand et premier homme du
-monde, votre serviteur et esclave Albert Dürer vous donne le salut<a id="FNanchor_21" href="#Footnote_21" class="fnanchor">&nbsp;[21]</a>. Il
-est enchanté et honoré d'apprendre que votre santé est excellente, mais
-il s'étonne qu'un homme de votre sorte ne trouve que la grâce de Dieu
-pour combattre le savant <i>Trasibul</i><a id="FNanchor_22" href="#Footnote_22" class="fnanchor">&nbsp;[22]</a> d'après ce que me dit votre lettre
-de ce <i>monstre étrange</i>. J'ai eu peur, car cela me paraît en effet une
-grande affaire.</p>
-
-<p>Vous n'êtes donc pas devenu plus raisonnable. Vous faites toujours l'aimable,
-mais y songez-vous donc, mon cher, l'amabilité vous sied comme la
-civette aux lansquenets. Vous vous habillez de satin et vous vous pavoisez
-de rubans pour courir les ruelles comme un étourdi; décidément vous
-voulez devenir irrésistible, et vous croyez que tout est dit lorsque vous
-êtes parvenu à plaire à quelques femmes de m&oelig;urs faciles. Si encore
-vous étiez un homme comme moi, mais vous avez beaucoup de maîtresses,
-et lorsque vous leur avez embrassé le bout des doigts, vous êtes sur les
-dents pour un mois et plus. C'est vraiment bien la peine d'en changer si
-souvent.</p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_069.jpg" width="250" height="386" alt="" />
-<div class="caption">
-<p class="small"><span class="i6">ALBERT DURER.</span><br />
-<span class="i5">AH CABASSON DEL.</span><br />
-<span class="i6">L. DUJARDIN SC.</span></p>
-</div></div>
-
-<p>Je vous remercie de la façon dont vous avez traité mes affaires avec
-ma femme, et j'avoue que vous êtes plein de sagesse. Si seulement vous
-<span class="pagenumh"><a id="Page_LXV"> LXV</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_LXVI"> LXVI</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_LXVII"> LXVII</a></span>
-étiez aussi calme que moi, vous auriez toutes les vertus. Vous méritez
-aussi des remercîments pour la loyauté que vous avez montrée à propos
-des bagues. Après tout, si elles ne vous conviennent pas, cassez-leur la
-tête et les jetez sur le fumier, comme dit Peter Weisbeker.</p>
-
-<p>Petit à petit je deviens un véritable gentilhomme de Venise, et j'ai
-appris avec plaisir que vous composez de beaux vers. Vous seriez bien
-ici, avec nos violons qui jouent si tendrement qu'ils en pleurent eux-mêmes.
-Plût à Dieu que notre maîtresse de calcul<a id="FNanchor_23" href="#Footnote_23" class="fnanchor">&nbsp;[23]</a> pût les entendre, elle
-s'attendrirait peut-être un peu.</p>
-
-<p>Du reste je suivrai votre conseil, j'apaiserai ma colère et resterai
-indifférent aux ennuis qu'elle me cause, comme je l'ai toujours fait jusqu'à
-présent.</p>
-
-<p>Comme je ne pourrai pas songer au retour avant deux mois, car rien
-n'est encore prêt, je vous prie de prêter à ma mère une dizaine de florins,
-jusqu'au moment où Dieu me tirera de la gêne. Je vous payerai honnêtement
-le tout ensemble. Je vous envoie la glace de Venise par le courrier.
-Quant aux deux tapis, Antony Kolb me prêtera son expérience pour les
-acheter, et aussitôt que je les aurai je les remettrai au commis du messager
-qui vous les fera parvenir. Je n'ai pas encore pu trouver les plumes
-de grue que vous m'avez demandées; mais il y a ici beaucoup de
-plumes de cygne avec lesquelles on écrit et que vous pouvez mettre à
-votre chapeau en attendant. J'ai causé avec un imprimeur qui m'a
-assuré qu'aucun nouvel ouvrage grec n'avait paru récemment; si par
-hasard on édite quelque chose d'intéressant dans ce genre, il me le dira,
-et je vous le ferai savoir.</p>
-
-<p>Dites-moi combien de papier vous voulez. Vous avez bien fait de me
-donner cette commission, car jamais je n'en ai vu de plus beau que celui
-que l'on vend ici.</p>
-
-<p>Pour ce qui est des travaux historiques, les Italiens n'ont rien fait de
-bien remarquable et qui soit digne d'être lu par un homme comme vous.
-Il y a toujours quelque chose à critiquer dans leurs ouvrages sur l'histoire,
-vous le savez vous-même mieux que moi.</p>
-
-<p>Je vous ai écrit brièvement par le messager Kantengysserle. Je voudrais
-savoir si vous êtes toujours d'accord avec le messager Kuntz.</p>
-
-<p>Je me recommande à votre bon souvenir; présentez aussi mes amitiés
-à notre bon prieur<a id="FNanchor_24" href="#Footnote_24" class="fnanchor">&nbsp;[24]</a>, et dites-lui de m'accorder quelques prières;
-<span class="pagenum"><a id="Page_LXVIII"> LXVIII</a></span>
-qu'il fasse que le bon Dieu me préserve de toute maladie et surtout du
-mal français; il n'y a rien sur la terre que je craigne davantage, presque
-tout le monde ici en est infecté et beaucoup de gens en meurent.</p>
-
-<p>Saluez aussi de ma part Étienne Baumgartner, Lorentz et tous ceux
-qui demandent amicalement de mes nouvelles.</p>
-
-<p>Écrit à Venise 1506, le 18 août.</p>
-
-<p class="signature">ALBERTUS DURER.<br />
-Noricorius Sivus (textuel).</p>
-
-<p><i>Post-scriptum.</i>&mdash;Andreas est ici et il me prie de vous offrir ses
-amitiés, il n'est pas encore bien fort; il a eu et il a des embarras d'argent
-à cause de la longue maladie qu'il a faite. Je vous dirai même, entre
-nous, que je lui ai prêté huit ducats; mais n'en parlez à personne, il
-pourrait croire que je n'ai pas confiance en lui; du reste, il saura se procurer
-de quoi me rembourser, car il se conduit très-honorablement, et
-tout le monde lui veut du bien.</p>
-
-<p>Si le roi vient en Italie, j'ai le projet d'aller avec lui à Rome.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXIX"> LXIX</a></span></p>
-<p class="subh">LETTRE VII.</p>
-
-<p>Savant, sage, instruit en beaucoup de langues, homme habile à discerner
-la vérité du mensonge, honorable et honoré Bilibald Pirkeimer,
-votre humble serviteur Albert Dürer vous souhaite toutes sortes de prospérités.
-Cependant, avec cette belle diable de chance qui le tient, il
-semble qu'il veuille renoncer à votre c&oelig;ur<a id="FNanchor_25" href="#Footnote_25" class="fnanchor">&nbsp;[25]</a>, vous allez croire que lui
-aussi est un orateur à cent finesses comme vous. La chambre qu'il habite
-devrait avoir plus de quatre coins où il pourrait placer les dieux de la
-mémoire....; mais je ne veux pas me casser la tête à m'excuser plus
-longtemps, je me contenterai de me recommander à votre indulgence.
-Pour me souvenir de toutes vos commandes, il faudrait que mon cerveau
-eût autant de cases différentes que vous avez de pois chiches dans votre
-jardin; mais en voilà assez sur ce sujet. Le margrave<a id="FNanchor_26" href="#Footnote_26" class="fnanchor">&nbsp;[26]</a> lui-même ne donnerait
-pas une si longue audience. J'ai calculé que cent articles, en ne
-mettant que cent mots par article, demandent un travail de neuf jours,
-sept heures, cinquante-deux minutes, et notez que je n'ai pas encore
-compté les soupirs. Voilà pourquoi on ne s'improvise pas orateur, comme
-dit Tettels.</p>
-
-<p>Je déploie tout mon zèle, et cependant je ne peux pas mettre la main
-sur des tapis larges; ils sont tous étroits et longs. Je continue mes explorations
-avec l'aide d'Antony Kolb. Bernard Hirsffogel vous salue et vous
-offre de nouveau ses services; il est très-triste, car il a perdu son fils,
-l'enfant le plus amusant que j'aie vu de la vie. Je ne peux pas trouver les
-<span class="pagenum"><a id="Page_LXX"> LXX</a></span>
-plumes de fou que vous demandez. Oh! si vous étiez ici, vous verriez de
-crânes lansquenets italiens. Je pense souvent à vous et à l'intérêt que
-vous prendriez à examiner leurs armes. Ils ont des <i>roncani</i> avec deux
-cent dix-huit pointes; lorsqu'ils touchent un homme avec cette arme, il
-est mort, car toutes les pointes sont empoisonnées. Les Vénitiens mettent
-beaucoup de soldats sous les armes, le pape et le roi de France
-aussi; je ne sais pas ce qui en résultera.</p>
-
-<p>On se moque beaucoup ici de notre roi.</p>
-
-<p>Bonne chance à Étienne Baumgartner (je ne suis pas étonné qu'il
-ait pris femme). Rappelez-moi au souvenir de Borcht, de M. Lorentz, et
-même de notre maîtresse de comptes. Remerciez votre fille de chambre
-de m'avoir souhaité le bonjour, mais dites-lui qu'elle est un monstre.</p>
-
-<div class="figcenter">
-<img src="images/illus_074.jpg" width="150" height="143" alt="" />
-</div>
-
-<p>J'ai expédié du bois de palmier de Venise à Augsbourg, où je le laisse
-en dépôt; il pèse dix quintaux.</p>
-
-<p>Mon tableau est enfin terminé; je gage un ducat que si vous le voyiez
-vous le trouveriez bien composé et d'un bon coloris. Cet ouvrage m'a
-valu beaucoup d'honneur, mais peu de profit. Pendant le temps que j'ai
-mis à le peindre j'aurais bien pu gagner deux cents ducats, car j'ai refusé
-beaucoup de commandes pour pouvoir m'en occuper exclusivement. Ma
-seule consolation est d'avoir fermé la bouche aux peintres qui disaient:
-C'est un habile graveur, mais il n'entend rien au maniement des couleurs.
-Maintenant tout le monde s'accorde à dire que l'on n'a jamais vu plus
-beau coloris.</p>
-
-<p>Mon manteau français vous présente ses respects, et mon habit italien
-vous tire sa révérence.</p>
-
-<p>Vous passez toujours votre vie chez les femmes légères. Vous êtes
-en si mauvaise odeur à Nuremberg, que je vous sens d'ici. On me dit que
-lorsque vous courez à vos amours, on ne vous donnerait pas plus de
-<span class="pagenum"><a id="Page_LXXI"> LXXI</a></span>
-vingt-cinq ans. Oui-da! multipliez-les par un chiffre quelconque, et
-alors je vous croirai. Il y a ici beaucoup d'italiens qui vous ressemblent
-sous ce rapport; je ne sais pas comment cela se fait.</p>
-
-<p>Le doge<a id="FNanchor_27" href="#Footnote_27" class="fnanchor">&nbsp;[27]</a> et le patriarche de Venise<a id="FNanchor_28" href="#Footnote_28" class="fnanchor">&nbsp;[28]</a> sont venus voir mon tableau.</p>
-
-<p>Maintenant je suis votre serviteur, il faut que j'aille me coucher, il
-sonne sept heures de la nuit. Je vous ai écrit, j'ai écrit au prieur des Augustins,
-à ma belle-s&oelig;ur la marchande de couleur et à ma femme; donc
-j'ai déjà barbouillé une belle quantité de papier, et je pense qu'il est
-plus amusant pour vous de causer avec des princes qu'avec moi.</p>
-
-<p>Venise, le jour de la sainte Vierge en septembre.</p>
-
-<p>A propos, ne prêtez pas un sou à ma mère et à ma femme; elles ont
-assez d'argent.</p>
-
-<p class="signature">ALBERT DURER.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXXII"> LXXII</a></span></p>
-<p class="subh">LETTRE VIII.</p>
-
-<p>Comme je sais que vous êtes convaincu de mon attachement pour
-vous, je me dispense de vous en parler. Cependant je ne puis vous dissimuler
-combien je suis heureux de la grande réputation dont vous
-jouissez et que vous avez su acquérir par votre sagesse et votre instruction.
-C'est chose vraiment surprenante et rare de voir tant d'esprit dans
-un corps si chétif. C'est une grâce particulière que Dieu vous a faite
-comme à moi.</p>
-
-<p>Nous sommes donc deux personnages remarquables, vous par votre
-esprit et moi par mon talent. Combien de fois ne nous est-il pas arrivé
-pourtant, lorsque nous y réfléchissons bien, de nous être retournés et
-d'avoir vu des gens qui se moquaient de nous pendant que d'autres nous
-comblaient d'éloges! Ne croyez donc pas aveuglément tous ceux qui vous
-complimentent; mais peut-être êtes-vous trop peu modeste pour ne pas
-les croire. Il me semble que je vous vois en présence du margrave, et que
-vous mettez autant d'élégance dans vos discours que dans votre manière
-de toucher vos thalers.</p>
-
-<p>J'ai bien vu dans votre neuvième lettre que vous êtes encore une fois
-très-occupé de femmes; vous devriez avoir honte de n'être pas plus raisonnable
-à votre âge. Sachez que vous avez autant de grâce à faire
-toutes ces fredaines qu'un gros bouledogue à jouer avec un petit chat.
-Je voudrais apprendre que vous êtes devenu aussi rangé que moi. Si
-j'étais bourgmestre, je vous ferais mettre en prison et j'enfermerais avec
-vous la Rech..., la Ros..., la Gart..., la Ech..., et d'autres encore que je
-ne veux pas nommer: elles sauraient bien vous mettre à la raison. Vous
-me dites finement que beaucoup de femmes honnêtes ou légères demandent
-de mes nouvelles: cet intérêt ne prouve rien contre ma vertu.</p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_077.jpg" width="250" height="349" alt="" />
-</div>
-
-<p class="space">Si Dieu me ramène à Nuremberg, je ne sais vraiment pas comment
-je ferai pour vivre avec vous qui êtes illustre maintenant. Je me réjouis
-cependant de votre gloire et de votre nouvelle dignité. Vous ne battrez
-<span class="pagenumh"><a id="Page_LXXIII"> LXXIII</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_LXXIV"> LXXIV</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_LXXV"> LXXV</a></span>
-plus vos chiens jusqu'à ce qu'ils en soient perclus; mais peut-être ne
-voudrez-vous plus vous montrer dans les rues avec un pauvre barbouilleur
-comme Albert Dürer; vous trouverez peut-être que c'est une honte
-pour un seigneur de votre importance.</p>
-
-<p>Notre cher ami Baumgartner est aussi enchanté que moi de votre
-bonne réputation.</p>
-
-<p>Pendant que je suis en train de vous écrire allégrement, un incendie
-dévore six maisons chez Petre Pender; j'y perds une pièce de laine que
-j'avais achetée hier pour huit ducats: de cette façon j'éprouve du dommage
-par suite de ce désastre.</p>
-
-<p>Il est beaucoup question d'incendies ici. J'attends que vous m'écriviez
-pour rentrer à Nuremberg; je partirai le plus tôt possible, car je
-dépense beaucoup d'argent pour ma nourriture. J'ai donné environ cent
-ducats pour des couleurs et d'autres objets. J'ai commandé pour vous
-deux tapis que je payerai demain, mais je n'ai pas pu les avoir à bon
-marché. Je les emballerai avec mes hardes, et aussitôt que vous m'écrirez
-je reviendrai.</p>
-
-<p>Vous tourmentez vraiment trop ma femme. Je vous fais savoir aussi
-que je m'étais mis dans la tête d'apprendre à danser; j'ai été deux fois
-à l'école, et il m'a fallu payer un ducat au maître; après cela vous me
-connaissez assez pour savoir qu'il n'y a de force humaine qui pourrait
-m'y faire retourner. Je dépenserais lestement tout l'argent que j'ai gagné
-et je ne saurais rien par-dessus le marché.</p>
-
-<p>Le messager Ferbre vous apportera la glace de Venise. Je n'ai pu
-découvrir aucun ouvrage grec nouvellement paru, mais je vous rapporterai
-une rame de votre papier; pour les plumes, je n'ai pas pu me procurer
-celles que vous m'avez demandées, j'en ai acheté de blanches, et
-si j'en trouve de vertes je les rapporterai également. Étienne Baumgartner
-m'a écrit de lui envoyer cinquante grains de cornaline pour un
-rosaire; je les ai achetés, mais cher, et je n'ai pas pu les avoir gros: je
-les lui expédierai par le plus prochain messager.</p>
-
-<p>Je vous ferai savoir au juste, d'après votre désir, le jour de mon
-départ, pour que <i>mes maîtres</i> puissent prendre des dispositions en conséquence.</p>
-
-<p>J'irai avant à Bologne pour une raison d'art: quelqu'un m'a promis
-de m'apprendre le secret d'une perspective; je resterai huit ou dix jours
-dans cette ville, je retournerai à Venise et je reviendrai à Nuremberg par
-le prochain messager.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXXVI"> LXXVI</a></span>
-Hélas! j'ai mangé mon pain blanc avant mon pain noir. Que je regretterai
-le soleil de Venise! Ici je suis un grand seigneur, chez moi je ne
-serais plus qu'un pauvre diable!</p>
-
-<p>J'aurais encore beaucoup de choses à vous écrire, mais je vous verrai
-prochainement.</p>
-
-<p>Écrite à Venise, je ne sais pas la date du mois, mais environ quinze
-jours après la Saint-Michel, 1506.</p>
-
-<p class="signature">ALBERT DURER.</p>
-
-<p><i>Post-scriptum.</i>&mdash;Faites-moi savoir si aucun de vos enfants n'est
-mort. Vous m'avez écrit une fois que Joseph Rumell a épousé votre fille,
-et vous ne dites rien de plus; comment voulez-vous que je sache à laquelle
-vous faites allusion.</p>
-
-<p>Ah! si j'avais seulement ma pièce de laine! Mais je crains maintenant
-que mon manteau ne soit aussi brûlé; si cela est, j'en deviendrai fou. J'ai
-vraiment du malheur, car il y a trois semaines un de mes débiteurs s'est
-sauvé emportant huit ducats qu'il me devait.</p>
-
-<p>Ces lettres portent l'empreinte du cachet d'Albert Dürer et la suscription
-suivante:</p>
-
-<p>A l'honorable et savant Bilibald Pirkeimer, bourgeois de Nuremberg,
-mon gracieux seigneur.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXXVII"> LXXVII</a></span></p>
-
-<p>Voici le cachet d'Albert Dürer:</p>
-
-<div class="figcenter">
-<img src="images/illus_081a.jpg" width="75" height="77" alt="" />
-</div>
-
-<p>Ses principaux monogrammes,</p>
-
-<div class="figcenter">
-<img src="images/illus_081b.jpg" width="75" height="64" alt="" />
-</div>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_081c.jpg" width="75" height="75" alt="" />
-</div>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_081d.jpg" width="75" height="46" alt="" />
-</div>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_081e.jpg" width="75" height="47" alt="" />
-</div>
-
-<p>Son écriture</p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_081f.jpg" width="80" height="80" alt="" />
-</div>
-
-<p>et sa signature,</p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_081g.jpg" width="425" height="86" alt="" />
-</div>
-
-<p>Traduction:</p>
-
-<p>Écrite à Venise, à 9 heures du soir, le samedi après la Chandeleur.</p>
-
-<p class="signature">ALBERT DURER.</p>
-
-<p>C'est la fin de la deuxième lettre à Pirkeimer.
-<span class="pagenumh"><a id="Page_LXXVIII"> LXXVIII</a></span></p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXXIX"> LXXIX</a></span></p>
-<p class="space extra"><span class="large">JOURNAL DU VOYAGE</span><br />
-<span class="xxlarge">D'ALBERT DÜRER</span><br />
-<span class="medium">DANS LES PAYS-BAS</span><br />
-<span class="small">ÉCRIT PAR LUI-MÊME PENDANT LES ANNÉES 1520 ET 1521.</span></p>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_LXXX"> LXXX</a></span></p>
-
-<div class="chapter">
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXXXI"> LXXXI</a></span></p>
-<h2 class="normal"><span class="large">JOURNAL DU VOYAGE</span><br />
-<span class="xlarge">D'ALBERT DÜRER</span><br />
-<span class="small">DANS LES PAYS-BAS</span><br />
-<span class="xs">ÉCRIT PAR LUI-MÊME PENDANT LES ANNÉES 1520 ET 1521.</span></h2>
-</div>
-
-<p class="dater">Nuremberg, 1520.</p>
-
-<div class="figleft">
-<img src="images/illus_085.jpg" width="150" height="153" alt="" />
-</div>
-
-<p class="drop-cap">A mes frais et dépens, le jeudi après
-la Saint-Kilian, moi, Albert Dürer,
-je quitte Nuremberg avec ma
-femme<a id="FNanchor_29" href="#Footnote_29" class="fnanchor">&nbsp;[29]</a> pour me rendre dans les
-Pays-Bas. Après avoir passé le
-même jour par Erlangen, nous
-logeons à Baiersdorf, et j'y dépense
-trois sous moins six deniers.
-De là, nous partons par la
-route la plus courte pour Forchheim,
-où nous arrivons le vendredi;
-là, pour un sauf-conduit,
-je paye vingt-deux deniers. Je pars pour Bamberg où j'offre à l'évêque<a id="FNanchor_30" href="#Footnote_30" class="fnanchor">&nbsp;[30]</a>
-<span class="pagenum"><a id="Page_LXXXII"> LXXXII</a></span>
-une peinture de la Vierge, la Vie de Notre-Dame<a id="FNanchor_31" href="#Footnote_31" class="fnanchor">&nbsp;[31]</a>, une Apocalypse<a id="FNanchor_32" href="#Footnote_32" class="fnanchor">&nbsp;[32]</a>
-et des gravures pour la valeur d'un florin.</p>
-
-<p>Il me fait quitter mon auberge où j'avais dépensé environ un florin,
-m'invite à venir chez lui, et me donne un laisser passer pour la douane
-et trois lettres de recommandation. Je paye six florins d'or<a id="FNanchor_33" href="#Footnote_33" class="fnanchor">&nbsp;[33]</a> au voiturier
-qui va me mener de Bamberg à Francfort.</p>
-
-<p>Maître Nicolas Laux, Benedict et Hans le peintre<a id="FNanchor_34" href="#Footnote_34" class="fnanchor">&nbsp;[34]</a> me versent le coup
-de l'étrier; je bois et je pars.</p>
-
-<p>Je donne quatre sous pour du pain et treize sous pour des pourboires.
-Je vais rapidement de Bamberg à Eltman; de là, je me rends à
-Zeil, je dépense vingt et un sous, et j'arrive à Hasfurth où je montre ma
-lettre de douane, après quoi on me laisse partir.</p>
-
-<p>Je dépense un florin dans la chancellerie de l'évêque de Bamberg. A
-Theres, au couvent, j'exhibe mes papiers et continue ma route.</p>
-
-<p>Nous arrivons au bord du Rhin, où nous passons la nuit pour un
-denier; de là, nous allons à Maynberg. A Schweinfurth, je suis invité
-par le docteur Georges Rebart qui me donne du vin que nous mettons
-dans notre bateau. On m'exempte des droits de douane.</p>
-
-<p>J'avais dépensé dix deniers pour un poulet rôti et dix-huit deniers
-pour le cuisinier et son fils. De là, nous nous rendons à Volkach, et
-ensuite à Zwartzach où nous passons la nuit et dépensons vingt-deux
-deniers.</p>
-
-<p>Le lundi, nous nous levons de grand matin pour nous rendre à Fettelbach.
-A Ritzing, nous dépensons trente-sept deniers.</p>
-
-<p>Par Seilzfeldt, nous arrivons à Markbreit, d'où on me laisse partir
-après avoir vu mes papiers.</p>
-
-<p>En passant par Frickenhaussen et Ochsenfurth nous gagnons Eivelstadt,
-puis Murzburg. De là, nous arrivons à <i>Erla-Brunn</i> où on nous
-donne un lit pour vingt-deux deniers.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXXXIII"> LXXXIII</a></span>
-En passant par Relzbach et Zelling nous gagnons Karlstadt et puis
-Gemûnd; nous y dînons assez bien pour vingt-deux deniers.</p>
-
-<div class="figcenter">
-<img src="images/illus_093.jpg" width="300" height="397" alt="" />
-<div class="caption">
-<p class="small"><span class="i6">C. BOGDURT.</span><br />
-<span class="i5">D. ALBERT-DURER.</span><br />
-<span class="i6">E. SOTAIN. SC</span></p>
-</div></div>
-
-<p>Nous voyons successivement Hofstetten, Lohr et Nevenstadt où j'ai dû
-montrer ma lettre de transit; je dépense dix deniers pour du vin et des
-écrevisses. Le mercredi matin, après avoir laissé derrière nous Rotenfels,
-nous arrivons à Saint-Écarig, d'où nous nous rendons à Heudenfeldt,
-Triffelstein, Homburg, Wertheim, et puis à Brodselten, Freudenberg,
-Miltenberg, Klingenberg, Worth, Obernburg, Asschaffenburg, Selgenstadt
-et Steinheim, où je montre mes papiers.</p>
-
-<p>Nous passons la nuit près de Johansen. Le matin, on nous ouvre les
-portes de la ville et l'on nous fait beaucoup d'amitiés; j'y dépense six
-weispfenning.</p>
-
-<p>Le vendredi, nous nous rendons à Kesselstadt pour gagner Francfort
-où je montre ma lettre de douane. Je dépense six sous pour un lit, et je
-donne deux sous au garçon. Jacob Heller me régale de vin à l'auberge,
-et je fais accord avec un homme qui consent à me conduire de Francfort
-à Mayence pour un florin, deux sous. La nuit, nous dépensons huit
-sous.</p>
-
-<p>Le dimanche, je prends le bateau du matin qui va de Francfort à
-Mayence. Arrivé à mi-chemin, c'est-à-dire à Hochst, je montre ma lettre
-de transit et on me laisse passer. Je dépense huit deniers francfortois. De
-là, nous allons à Mayence; je dépense un albus<a id="FNanchor_35" href="#Footnote_35" class="fnanchor">&nbsp;[35]</a> pour faire décharger
-mes effets, plus dix-huit deniers pour les courroies.</p>
-
-<p>Je fais accord avec le capitaine du bateau de Cologne qui s'engage
-à me transporter, avec mon bagage, pour trois florins. J'avais dépensé
-dix-sept albus à Mayence.</p>
-
-<p>Peeter, l'essayeur de la corporation des orfévres, me fait cadeau de
-deux bouteilles de vin. Veith Farnpuhler m'invite, mais l'aubergiste refuse
-de recevoir son argent et veut lui-même être mon hôte. On me rend beaucoup
-d'honneurs. Je pars de Mayence, où le Mein se jette dans le Rhin,
-le jour de sainte Marguerite, et je dépense dix-neuf hellers pour de la
-viande, du pain et des &oelig;ufs que je prends avec moi sur le bateau.
-Léonhard, l'orfévre, me fait présent de vin et de gibier; il me donne aussi
-du charbon, qui me servira à faire la cuisine sur le bateau. Le frère de
-<span class="pagenum"><a id="Page_LXXXIV"> LXXXIV</a></span>
-Joostes m'offre une bouteille de vin, et la corporation des peintres deux.
-Après avoir passé devant Erfeld et Rudisheim, nous arrivons à Erenfels.
-Là je montre mon passavant, mais on exige deux florins d'or qu'on
-promet de me rendre si dans les deux mois je rapporte une lettre
-d'exemption. Nous arrivons à Bacharach où je dois également m'engager
-à acquitter les droits dans les deux mois ou à présenter une exemption.</p>
-
-<p>A Caub, on ne me laisse passer que sous les mêmes conditions.</p>
-
-<p>A Saint-Goar, le percepteur me demande où j'ai acquitté les droits;
-je me contente de lui répondre que je n'ai pas d'argent à lui donner.</p>
-
-<p>A Bopart, la douane de Trèves ne me laisse passer sur la vue de ma
-lettre de transit que lorsque j'ai déclaré, écrit et signé que je n'ai avec
-moi aucune espèce de marchandise. De là, nous nous rendons à
-Lahnstein où je montre mon passavant; non-seulement le percepteur me
-laisse passer, mais il me prie de le recommander au seigneur de Mayence
-et il me fait cadeau d'une bouteille de vin; il connaît beaucoup ma
-femme, et il désirait me voir depuis longtemps.</p>
-
-<p>A Engers, ma lettre de transit suffit pour me donner passage. Cette
-place appartient au duché de Trèves.</p>
-
-<p>A Andernach, je dépense onze hellers, et je quitte cette ville le jour
-de la Saint-Jacques pour me rendre à Bonn. De là, je vais à Cologne;
-nous avons dépensé neuf sous dans le bateau, un sou quatre deniers
-pour des fruits et du charbon, sept sous pour le déchargement, et quatorze
-hellers pour les domestiques des bateliers. Je fais cadeau à mon
-cousin Nicolas<a id="FNanchor_36" href="#Footnote_36" class="fnanchor">&nbsp;[36]</a> de ma redingote doublée et bordée de velours; je donne
-un florin à sa femme. Jérôme Fugger, Jean Ghrosserpeck et mon cousin
-me régalent de vin. Je dîne au couvent des Chartreux, où un frère
-m'offre un coupon de drap. M. Jean Ghrosserpeck me fait cadeau de
-douze mesures de vin fin. Je dépense cependant à Cologne deux florins
-quatorze sous, plus trois sous pour des fruits, un sou de pourboire, et un
-sou pour le messager.</p>
-
-<p>Le jour de la Saint-Pantaléon, nous partons pour Postorff où nous
-passons la nuit pour trois sous. Le dimanche, nous dînons à Rodingen.
-Le lendemain, de bonne heure, nous quittons Freendorf pour nous rendre
-à la petite ville de Sangelt, nous dînons dans un village nommé Systerkylen
-pour deux sous et deux hellers. Nous passons par Sittard, jolie
-petite ville, pour nous rendre à Starkem, un endroit charmant où nous
-descendons dans une excellente auberge. Nous mangeons fort bien, nous
-<span class="pagenumh"><a id="Page_LXXXV"> LXXXV</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_LXXXVI"> LXXXVI</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_LXXXVII"> LXXXVII</a></span>
-nous couchons dans un bon lit, et la dépense ne s'élève pas à plus de
-quatre sous.</p>
-
-<p>Le vendredi matin, nous passons la Meuse et faisons notre entrée à
-Marten Lewbehrn; je donne un sou pour un jeune poulet. De là, nous
-partons pour Stoffer, et, le mercredi, nous sommes à Merpeck où, pour
-trois sous, j'achète du pain et du vin. En passant par Brantenmuhl et
-Culenberg, nous arrivons le mardi matin à La Croix où, pour trois sous
-deux deniers, on nous sert un assez bon repas.</p>
-
-<p>Nous prenons le chemin d'Anvers<a id="FNanchor_37" href="#Footnote_37" class="fnanchor">&nbsp;[37]</a>. Aussitôt arrivé, je me rends à
-l'auberge de Joost Plankfeld. Le même soir, le factor Bernard Stecher me
-donne un souper splendide; ma femme reste à l'auberge, et je donne
-trois florins au voiturier.</p>
-
-<p>Le samedi après la Saint-Pierre-aux-Liens, mon hôte me mène chez
-le bourgmestre d'Anvers<a id="FNanchor_38" href="#Footnote_38" class="fnanchor">&nbsp;[38]</a>; sa maison<a id="FNanchor_39" href="#Footnote_39" class="fnanchor">&nbsp;[39]</a> est grande et bien distribuée, avec
-des chambres très-vastes et très-belles. Elle est flanquée d'une tour précieusement
-travaillée et entourée d'immenses jardins; en somme, c'est
-une demeure princière. Je n'ai pas vu sa pareille dans toute l'Allemagne.
-Une grande rue toute neuve donne accès de deux côtés à cette
-maison, qu'il a fait bâtir ainsi à sa fantaisie.</p>
-
-<p>Le dimanche, jour de la Saint-Oswald, les peintres m'invitent dans
-leur cercle avec ma femme et ma servante. Nous mangeons un excellent
-dîner, dans un service complet d'argent. Toutes les femmes des peintres
-sont là; et, lorsque l'on me mène à ma place, l'assemblée entière,
-debout, fait la haie comme si j'étais un grand seigneur. Il y a à ce banquet
-des personnages très-considérables qui se courbent devant moi et me
-font mille politesses, me disant qu'ils veulent tout faire pour m'être
-agréable. Lorsque je suis assis, le pensionnaire du Conseil d'Anvers
-vient à moi avec deux valets et me fait présent, de la part de ces messieurs
-de la ville, de quatre pots de vin, en me disant qu'ils veulent
-m'honorer par là et me témoigner leur estime. Je le prie de leur transmettre
-mes remercîments, et lui offre mes très-humbles services.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXXXVIII"> LXXXVIII</a></span>
-Après lui vient maître Pierre<a id="FNanchor_40" href="#Footnote_40" class="fnanchor">&nbsp;[40]</a>, qui me présente, avec ses hommages,
-deux autres pots de vin. Après avoir passé gaiement à table une grande
-partie de la nuit, on me reconduit aux flambeaux, en me faisant mille
-et mille démonstrations amicales. Je remercie chaudement, et vais me
-mettre au lit.</p>
-
-<p>Je suis allé voir Quentin Metsys<a id="FNanchor_41" href="#Footnote_41" class="fnanchor">&nbsp;[41]</a> dans sa maison<a id="FNanchor_42" href="#Footnote_42" class="fnanchor">&nbsp;[42]</a>.</p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_089.jpg" width="350" height="278" alt="" />
-</div>
-
-<p>J'ai aussi visité les trois grandes places de tir<a id="FNanchor_43" href="#Footnote_43" class="fnanchor">&nbsp;[43]</a>. Je fais un excellent
-dîner chez Haber et un autre chez le consul de Portugal, dont je dessine
-le portrait. Je fais aussi le portrait de mon hôte Joost Planckfeld, qui
-m'offre une branche de corail. Je donne deux sous pour du beurre, et
-la même somme aux charpentiers des peintres. Mon hôte me mène
-dans l'atelier où les peintres pensionnés par la ville d'Anvers travaillent
-aux arcs de triomphe qui seront élevés sur le passage du roi Charles V<a id="FNanchor_44" href="#Footnote_44" class="fnanchor">&nbsp;[44]</a>.
-Il n'y en aura pas moins de quatre cents, de quarante pieds de long
-chacun; ils régneront des deux côtés des rues, seront bien peints et
-<span class="pagenumh"><a id="Page_LXXXIX"> LXXXIX</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_XC"> XC</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_XCI"> XCI</a></span>
-auront deux étages, sur lesquels on donnera des représentations allégoriques.
-La menuiserie et la peinture coûteront ensemble quatre cents
-florins. Cette décoration sera d'un bel effet.</p>
-
-<p>Je dîne de nouveau chez le consul de Portugal et chez Alexandre<a id="FNanchor_45" href="#Footnote_45" class="fnanchor">&nbsp;[45]</a>.</p>
-
-<p>Sebald Fischer m'achète seize petits dessins de la Passion<a id="FNanchor_46" href="#Footnote_46" class="fnanchor">&nbsp;[46]</a> pour
-quatre florins; trente-deux grands livres pour huit florins; six gravures
-de la Passion<a id="FNanchor_47" href="#Footnote_47" class="fnanchor">&nbsp;[47]</a> pour trois florins; vingt demi-feuilles, différents sujets,
-l'un parmi l'autre, un florin; il m'en prend pour trois florins. Je vends
-aussi des quarts de feuille pour cinq florins et demi, plus huit grandes
-feuilles pour un florin.</p>
-
-<p>J'avais remis à mon hôte une figure de la Vierge peinte sur toile; il
-l'a vendue pour mon compte deux florins du Rhin.</p>
-
-<p>Je fais le portrait de Félix, le joueur de luth<a id="FNanchor_48" href="#Footnote_48" class="fnanchor">&nbsp;[48]</a>. Je dépense deux sous
-pour de la bière et du pain, deux sous pour un bain, et quatorze sous
-pour trois petits panneaux.</p>
-
-<p>Je dîne chez l'orfévre Alexandre, et aussi chez Félix.</p>
-
-<p>Maître Joachim<a id="FNanchor_49" href="#Footnote_49" class="fnanchor">&nbsp;[49]</a> a dîné chez moi hier, ainsi que son élève. Pour
-les peintres, je fais en demi-teinte un écusson; j'accepte un florin
-pour les débours. Je donne mes quatre nouvelles pièces à Pierre Wolfgang,
-et à Joachim des dessins pour la valeur d'un florin, parce qu'il m'a
-prêté son domestique et ses couleurs; du reste, j'avais retenu son
-domestique à dîner, et je lui avais donné pour trois sous de dessins.
-<span class="pagenum"><a id="Page_XCII"> XCII</a></span>
-J'envoie à l'orfévre Alexandre quatre nouvelles pièces. Je fais au fusain
-les portraits du Génois Tommaso Florianus, de Romanus, qui est de Lucques,
-et des deux frères de Tommaso, Vincent et Gérard, tous trois de la
-famille des Pombelli. Je dîne douze fois chez Tommaso.</p>
-
-<p>Le trésorier me donne une tête d'enfant peinte sur toile, et une arme
-en bois de Calcutta. Tommaso me fait cadeau d'un chapeau de paille. Je
-dîne chez le consul de Portugal, et l'un des frères de Tommaso me fait
-accepter des gravures pour la valeur de trois florins.</p>
-
-<p>Érasme<a id="FNanchor_50" href="#Footnote_50" class="fnanchor">&nbsp;[50]</a> m'offre un manteau espagnol, et trois dessins représentant
-des portraits d'hommes. Je reçois du frère de Tommaso une paire de
-gants, et je fais un deuxième portrait de Vincent. Je donne à maître
-Augustin Lumbarth<a id="FNanchor_51" href="#Footnote_51" class="fnanchor">&nbsp;[51]</a> les deux parties des <i>imagines c&oelig;li</i><a id="FNanchor_52" href="#Footnote_52" class="fnanchor">&nbsp;[52]</a>. Je dessine le
-portrait d'Opiius au nez tordu. Ma femme et ma servante Susanne ont
-dîné chez Tommaso.</p>
-
-<p>Notre-Dame d'Anvers est très-grande. On y dit plusieurs messes à la
-fois sans produire de confusion; ses autels ont de riches fondations.
-Les meilleurs musiciens y sont attachés; l'église possède plusieurs ornements
-et sculptures remarquables, ainsi qu'une jolie tour.</p>
-
-<p>J'ai visité la riche abbaye de Saint-Michel, dont le ch&oelig;ur est garni de
-beaux fauteuils taillés dans la pierre.</p>
-
-<p>A Anvers, quand il s'agit d'art, on ne se laisse pas arrêter par les
-frais, car l'argent n'y est pas rare.</p>
-
-<p>Je fais le portrait de Nicolas<a id="FNanchor_53" href="#Footnote_53" class="fnanchor">&nbsp;[53]</a>, astronome du roi d'Angleterre; c'est
-un Allemand né à Munich, qui m'a été fort utile dans diverses circonstances.</p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_097.jpg" width="300" height="381" alt="" />
-<div class="caption">
-<p class="small"><span class="i6">ALBERT-DURER P.</span><br />
-<span class="i6">AH CABASSON D.</span><br />
-<span class="i6">CH-JARDIN SC.</span></p>
-</div></div>
-
-<p>Hans Pfaffroth me donne un florin de Philippe pour son portrait que
-j'ai dessiné. Je dîne de nouveau chez Tommaso; le beau-frère de mon
-hôte m'a invité avec ma femme. Je change deux mauvais florins contre
-vingt-quatre sous. Je donne un sou à quelqu'un qui me montre un
-tableau. Le dimanche après l'Assomption, j'ai vu la grande procession
-de Notre-Dame d'Anvers; c'est un spectacle féerique; toutes les corporations
-<span class="pagenum"><a id="Page_XCIII"> XCIII</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_XCIV"> XCIV</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_XCV"> XCV</a></span>
-et tous les métiers habillés somptueusement étaient présents.
-Chaque profession et chaque gilde avaient ses attributs particuliers,
-quelques personnes portaient d'énormes cierges et de longues trompettes
-antiques en argent massif. Il y avait un grand nombre de joueurs de flûte
-et de tambour vêtus à l'allemande qui, avec leurs instruments, faisaient
-un terrible vacarme, je les ai aperçus qui circulaient dans les rues par
-bandes séparées. Voici dans quel ordre on marchait: les orfévres, les
-peintres, les sculpteurs, les brodeurs sur soie, les statuaires, les menuisiers,
-les charpentiers, les bateliers, les pêcheurs, les maçons, les tanneurs,
-les teinturiers, les boulangers, les tailleurs, les cordonniers et
-divers autres métiers. Il y avait aussi un grand nombre d'hommes de
-peine et de négociants, des boutiquiers et des marchands de toute espèce
-avec leurs commis. Après ceux-là venaient les tireurs avec leur carabine,
-leur arc ou leur arbalète, des cavaliers et des fantassins, la garde des
-fonctionnaires, et enfin une troupe très-belle qui était précédée de tous
-les ordres représentés par des gens costumés d'une façon spéciale. J'ai
-remarqué aussi dans cette procession une troupe de veuves qui vivent de
-leur travail et suivent une règle claustrale; elles sont couvertes des pieds
-à la tête de longs vêtements de toile blanche, c'est très-curieux à voir;&mdash;parmi
-ces femmes il y a des personnes fort distinguées. On y remarquait
-aussi le chapitre de Notre-Dame, une masse de prêtres, d'écoliers
-et de boursiers qui fermaient la marche. Vingt personnes portaient
-les images de la Vierge et de l'enfant Jésus splendidement ornées. Pour
-cette procession on avait construit à grands frais des objets très-remarquables,
-c'est-à-dire un grand nombre de chars et quantité de bateaux
-mobiles sur lesquels on représente des scènes de tout genre. J'ai remarqué
-les allégories suivantes: l'ordre des Prophètes, le Nouveau Testament,
-la salutation de l'Ange, les trois rois Mages sur des chameaux et
-d'autres animaux rares fort curieusement costumés, la fuite en Égypte
-et beaucoup d'autres choses que je passe pour abréger. Enfin venait un
-grand dragon conduit en laisse par sainte Marguerite et ses vierges qui
-étaient extrêmement jolies, puis saint Georges, un fort beau garçon et
-ses pages; un grand nombre de jeunes gens et de jeunes filles costumés
-de différentes façons représentaient des saints et des saintes.</p>
-
-<p>Cette procession mit deux heures pour défiler devant notre maison, et
-elle présentait trop de particularités pour pouvoir être relatées toutes ici<a id="FNanchor_54" href="#Footnote_54" class="fnanchor">&nbsp;[54]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XCVI"> XCVI</a></span>
-J'ai été dans la maison que Focker s'est fait construire<a id="FNanchor_55" href="#Footnote_55" class="fnanchor">&nbsp;[55]</a> récemment,
-elle est fort belle, flanquée d'une jolie tour et entourée de jardins immenses.
-J'ai surtout admiré ses magnifiques écuries.</p>
-
-<p>Tommaso a donné à ma femme quatorze aunes de gros damas d'Arras
-pour s'en faire une robe, et de plus, deux aunes et demie de demi-satin
-pour la doublure. J'ai fait, à la demande des orfévres, une esquisse d'une
-couronne pour la tête de Notre-Dame. Le consul de Portugal m'a offert
-dans son hôtel<a id="FNanchor_56" href="#Footnote_56" class="fnanchor">&nbsp;[56]</a> des vins de France et de Portugal. Roderigo<a id="FNanchor_57" href="#Footnote_57" class="fnanchor">&nbsp;[57]</a> m'a
-donné un petit tonneau de sucreries de toute sorte, où se trouvent une
-boîte de sucre candi, deux plats de sucrerie fine, des massepains et même
-quelques cannes à sucre, telles qu'elles croissent naturellement. J'ai gratifié
-son domestique d'un florin et changé un mauvais florin contre douze
-sous.</p>
-
-<p>Les colonnes de l'église paroissiale du couvent de Saint-Michel sont
-toutes faites d'un seul morceau de belle pierre noire.</p>
-
-<p>Je donne à M. Gilgen, chambellan du roi Charles, et à maître Conrad<a id="FNanchor_58" href="#Footnote_58" class="fnanchor">&nbsp;[58]</a>,
-excellent sculpteur qui est au service de M<sup>me</sup> Marguerite, fille de
-l'empereur Maximilien, les objets suivants:</p>
-
-<p>Saint Jérôme en prière<a id="FNanchor_59" href="#Footnote_59" class="fnanchor">&nbsp;[59]</a>, la Mélancolie<a id="FNanchor_60" href="#Footnote_60" class="fnanchor">&nbsp;[60]</a>, trois nouvelles Marie, saint
-<span class="pagenum"><a id="Page_XCVII"> XCVII</a></span>
-Antoine<a id="FNanchor_61" href="#Footnote_61" class="fnanchor">&nbsp;[61]</a> et sainte Véronique<a id="FNanchor_62" href="#Footnote_62" class="fnanchor">&nbsp;[62]</a>; de plus, à maître Gilgen un saint Eustache<a id="FNanchor_63" href="#Footnote_63" class="fnanchor">&nbsp;[63]</a>
-et une Némésis<a id="FNanchor_64" href="#Footnote_64" class="fnanchor">&nbsp;[64]</a>.</p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_101.jpg" width="250" height="385" alt="" />
-</div>
-
-<p>Le dimanche qui précède la Saint-Barthélemy je devais déjà à mon
-hôte sept florins vingt sous et un heller.</p>
-
-<p>Mon salon, ma chambre à coucher et la literie me reviennent à onze
-florins par mois.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_XCVIII"> XCVIII</a></span>
-Le 27 du mois d'août, qui est le lundi qui suit la Saint-Barthélemy,
-je fais un nouveau contrat par lequel je dois payer deux sous par repas,
-y compris la boisson; ma femme et ma servante feront la cuisine et mangeront
-dans leur chambre. J'offre au facteur de Portugal un petit bois
-représentant un enfant, Adam et Ève<a id="FNanchor_65" href="#Footnote_65" class="fnanchor">&nbsp;[65]</a>, saint Jérôme en prière, Hercule,
-saint Eustache, la Mélancolie et une Némésis, puis sur demi-feuilles trois
-nouvelles figures de la Vierge, Véronique, saint Antoine, la Nativité<a id="FNanchor_66" href="#Footnote_66" class="fnanchor">&nbsp;[66]</a> et
-le Crucifix<a id="FNanchor_67" href="#Footnote_67" class="fnanchor">&nbsp;[67]</a>; mes meilleurs dessins sur quart de feuilles (huit pièces), les
-trois livres de la vie de Notre-Dame, l'Apocalypse, la grande Passion, la
-petite Passion et la Passion sur cuivre.</p>
-
-<p>Tout cela vaut bien cinq florins.</p>
-
-<p>Je fais le même cadeau au Portugais Rodrigo qui a donné à ma femme
-un petit perroquet vert. Le dimanche après la Saint-Barthélemy je pars
-d'Anvers avec M. Tommassin pour aller à Malines, où nous passons la
-nuit.</p>
-
-<p>J'invite à dîner un peintre et maître Conrad, l'excellent sculpteur de
-M<sup>me</sup> Marguerite. De Malines, en passant par Vilvorde, nous nous rendons
-à Bruxelles où nous arrivons le lundi 3 septembre. Je donne trois sous
-au messager. Je dîne avec ces messieurs de Bruxelles, et une autre fois
-avec M. Bonisius<a id="FNanchor_68" href="#Footnote_68" class="fnanchor">&nbsp;[68]</a>, à qui j'offre une Passion en cuivre. Je remets au
-margrave Hans la lettre de recommandation de l'évêque de Bamberg,
-plus une Passion en cuivre. Je dîne une seule fois avec ces messieurs de
-Nuremberg.</p>
-
-<p>Dans la chambre d'or du conseil de Bruxelles j'ai pu admirer quatre
-tableaux du grand peintre Rudier<a id="FNanchor_69" href="#Footnote_69" class="fnanchor">&nbsp;[69]</a>. Derrière le palais du roi, j'ai vu les
-<span class="pagenum"><a id="Page_XCIX"> XCIX</a></span>
-fontaines, le labyrinthe et le jardin zoologique, toutes choses si belles
-que je n'en avais jamais contemplé de pareilles; je me croyais en paradis.</p>
-
-<p>La maison du conseil à Bruxelles est magnifique et fort grande, bâtie
-en belles pierres, avec une superbe tour découpée à jour. A Bruxelles,
-j'ai fait à la lueur de la chandelle trois portraits, celui de maître Conrad
-qui était mon hôte, celui du fils du docteur Lampaters et celui de mon
-hôtesse.</p>
-
-<p>J'ai vu parmi les curiosités qu'on a apportées au roi du nouveau pays
-de l'or<a id="FNanchor_70" href="#Footnote_70" class="fnanchor">&nbsp;[70]</a>, un soleil d'or de la grandeur d'une brasse et une lune d'argent
-de la même dimension. J'ai admiré deux chambres pleines de toutes
-espèces de curiosités venant du même endroit, des armes, des harnais,
-des engins de guerre, des habillements fort bizarres, des literies et bien
-d'autres choses encore à l'usage des gens de ce pays-là. Il est à remarquer
-que tous ces objets sont infiniment plus beaux et plus riches que ce
-que nous trouvons chez nous. Ils sont tellement précieux qu'on les
-évalue à cent mille florins. J'avoue que jamais rien n'a excité autant ma
-curiosité que ces produits extraordinaires qui prouvent combien les habitants
-de ces contrées lointaines ont l'esprit ingénieux et inventif.</p>
-
-<p>A Bruxelles, j'ai vu bien d'autres belles choses, et spécialement une
-gigantesque arête de poisson, qui paraît construite en pierres de taille.
-Cette arête a une brasse de largeur et pèse environ quinze quintaux. Sa
-forme est à peu près celle-ci:</p>
-
-<p>(Le dessin n'est pas dans le manuscrit.)</p>
-
-<p>Cette arête se trouve derrière la tête du poisson.</p>
-
-<p>J'ai visité l'hôtel de Nassau; c'est un splendide bâtiment, luxueusement
-décoré.</p>
-
-<p>J'ai dîné encore deux fois avec ces messieurs de Bruxelles. M<sup>me</sup> Marguerite
-de Flandre m'a envoyé chercher et m'a promis de me recommander
-<span class="pagenum"><a id="Page_C"> C</a></span>
-au roi Charles. Elle a été avec moi d'une grâce charmante. Je lui
-ai offert ma Passion sur cuivre. J'ai fait le même cadeau à son trésorier
-Jean Marini, et, de plus, j'ai dessiné son portrait. J'ai donné deux sous
-pour un anneau de buffle, et deux sous pour faire ouvrir le tableau de
-l'autel de Saint-Luc.</p>
-
-<p>Lors de ma visite à l'hôtel de Nassau, j'ai vu dans la chapelle la belle
-peinture de maître Hugo<a id="FNanchor_71" href="#Footnote_71" class="fnanchor">&nbsp;[71]</a>. J'ai remarqué aussi deux belles salles et tous
-les objets précieux qui sont dispersés dans l'hôtel; enfin l'immense lit
-qui peut contenir cinquante personnes. J'ai examiné avec attention le
-quartier de roc que l'orage a jeté aux pieds du seigneur de Nassau. Cet
-hôtel est situé sur une hauteur et jouit d'une vue admirable qui, je crois,
-n'a pas sa pareille dans l'Allemagne entière. Maître Bernard<a id="FNanchor_72" href="#Footnote_72" class="fnanchor">&nbsp;[72]</a>, le peintre,
-m'a invité à sa table et m'a fait servir un dîner si recherché, qu'à mon
-avis il ne doit pas en avoir été quitte pour dix florins. Pour me tenir
-compagnie, le trésorier de dame Marguerite, l'intendant de la cour
-Meteni, et le trésorier de la ville Pufladis, s'étaient fait inviter à ce dîner.
-J'ai donné à Pufladis une Passion sur cuivre, et il m'a remis en échange
-une bourse espagnole noire de la valeur de trois florins. J'ai envoyé une
-Passion sur cuivre à Érasme de Rotterdam. J'ai fait le même cadeau à
-Érasme, le secrétaire de Bonisius. L'Anversois qui m'a donné une tête
-d'enfant s'appelle Laurent Sterk<a id="FNanchor_73" href="#Footnote_73" class="fnanchor">&nbsp;[73]</a>. J'ai dessiné le portrait de maître Bernard,
-le peintre de dame Marguerite, et j'ai recommencé celui d'Érasme
-de Rotterdam<a id="FNanchor_74" href="#Footnote_74" class="fnanchor">&nbsp;[74]</a>. J'ai offert à Laurent Sterk un saint Jérôme assis et la
-Mélancolie.</p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_105.jpg" width="250" height="408" alt="" />
-</div>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_CI"> CI</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_CII"> CII</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_CIII"> CIII</a></span>
-Six personnes de Bruxelles, dont j'ai fait le portrait, ne m'ont rien
-donné.</p>
-
-<p>J'ai acheté deux cornes de b&oelig;uf pour trois sous, et deux uilenspiegels<a id="FNanchor_75" href="#Footnote_75" class="fnanchor">&nbsp;[75]</a>
-pour un sou.</p>
-
-<p>Le dimanche après la Saint-Gilgen, je prends congé de Hans Ebner<a id="FNanchor_76" href="#Footnote_76" class="fnanchor">&nbsp;[76]</a>.
-Il ne veut rien recevoir de Hans Gender pour les sept jours que j'ai passés
-chez lui. Je donne un sou à son domestique, et nous partons, M. Tommaso
-et moi, pour Malines. Le soir, je dîne avec M<sup>me</sup> de Nieuwkerk, et le lundi
-de bonne heure je retourne à Anvers.</p>
-
-<p>Je déjeune le matin avec le facteur de Portugal, qui me donne trois
-Porzolana<a id="FNanchor_77" href="#Footnote_77" class="fnanchor">&nbsp;[77]</a>, et Roderigo me prie d'accepter quelques objets en plumes
-venant de Calcutta. J'achète pour Susanne une cape de deux florins dix
-sous. Pendant mon absence, ma femme a dépensé quatre florins rhénans
-pour un lessivage, un soufflet, une terrine, des pantoufles, du bois,
-des bas, une cage de perroquet, deux gobelets et des pourboires; ses
-repas, sa boisson, et d'autres choses de première nécessité, ont en outre
-coûté vingt et un sous.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_CIV"> CIV</a></span>
-Le lundi après la Saint-Égide, je rentre chez mon hôte Joost Plankfeld
-et j'y dîne seize fois. Je donne au domestique de Nicolas Tommaso un
-sou pour lui et six sous pour un cadre. Mon hôte me fait cadeau d'une
-poule indienne et d'un fouet turc. Je dîne treize fois chez Tommaso. Les
-seigneurs de Rogendorf m'invitent à dîner. J'accepte leur invitation et je
-peins en grand leur écusson sur bois, pour qu'on pût le graver. Je
-dépense un sou, et ma femme change un florin contre vingt-quatre sous.
-Je dîne un jour avec Jacob Rechlinger dans la maison de Ficker, et, une
-autre fois, avec toute la famille.</p>
-
-<p>Je donne à Guillaume Havenhüth, le valet de pied du duc comte
-palatin Frédéric, un saint Jérôme sur cuivre et les deux demi-feuilles
-représentant Marie et saint Antoine; à Jacques Bonisius, une bonne
-figure de sainte Véronique, un saint Eustache, la Mélancolie, saint Jérôme
-assis, saint Antoine, les deux nouvelles Vierges et le Nouveau paysan; à
-son secrétaire Érasme, qui a remis ma pétition, un saint Jérôme assis, la
-Mélancolie, saint Antoine et les deux nouvelles Vierges, le tout d'une
-valeur de sept florins. J'offre à l'orfévre Merx une Passion sur cuivre,
-et je lui vends des gravures pour trois florins; je vends, d'un autre
-côté, pour trois florins vingt sous d'objets d'art. Je donne au peintre
-sur verre Honig quatre petites pièces sur cuivre. Je dîne trois fois chez
-Bonisius. J'achète du fusain et du crayon noir pour quatre sous, du bois
-pour un florin huit sous, et trois sous disparaissent sans que je puisse
-dire où ils sont passés. Je dîne dix fois chez ces messieurs de Nuremberg.</p>
-
-<p>Maître Diderik, peintre sur verre, m'envoie de la couleur rouge que
-l'on trouve à Anvers dans les briques nouvellement cuites. Je dessine le
-portrait de maître Jacques de Lubeck. Il donne un florin de Philippe à
-ma femme. Je le change pour avoir de la monnaie. J'offre à dame Marguerite
-un saint Jérôme assis sur cuivre, je vends une Passion sur bois
-pour douze sous, et un Adam et Ève pour quatre sous. Félix, le joueur
-de luth, achète tout mon &oelig;uvre sur cuivre, ma Passion sur bois, ma
-Passion sur cuivre, deux demi-feuilles, deux quarts de feuilles, pour huit
-florins d'or. Je fais le portrait de Bonisius. Rodrigo m'envoie de nouveau
-un perroquet; je donne deux sous de pourboire à son domestique.
-Je fais présent au joueur de trompette Jean Van den Winkel d'une
-petite Passion sur bois, d'un saint Jérôme en prière et d'une Mélancolie.</p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_109.jpg" width="250" height="359" alt="" />
-<div class="caption">
-<p class="small"><span class="i6">ALBERT DURER. P.</span><br />
-<span class="i6">PERUGINI. D.</span><br />
-<span class="i6">TAMISIER. SC.</span></p>
-</div></div>
-
-<p>J'achète une paire de souliers pour six sous et une verge de mer
-pour cinq sous; Georges Schlautersbach m'en avait donné une qui valait
-<span class="pagenum"><a id="Page_CV"> CV</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_CVI"> CVI</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_CVII"> CVII</a></span>
-six sous. Je dîne une fois avec l'agent des Focker, Wolf-Haller<a id="FNanchor_78" href="#Footnote_78" class="fnanchor">&nbsp;[78]</a>, à l'occasion
-d'une invitation qu'il avait faite à messeigneurs de Nuremberg. Je
-dîne avec ma femme, et je donne un sou au garçon de Hans Deners. Je
-vends pour cent sous d'objets d'art. Je fais le portrait de maître
-Jacques<a id="FNanchor_79" href="#Footnote_79" class="fnanchor">&nbsp;[79]</a>, le peintre des Van Rogendorf. Comme j'ai dessiné sur bois
-l'écusson des Van Rogendorf<a id="FNanchor_80" href="#Footnote_80" class="fnanchor">&nbsp;[80]</a>, on me donne pour ma peine sept aunes
-de velours. Je dessine au fusain le portrait de Jararott Pruk pour un
-florin. Je dîne chez le facteur de Portugal. A Hans Schwarz<a id="FNanchor_81" href="#Footnote_81" class="fnanchor">&nbsp;[81]</a>, je paye
-deux florins d'or pour mon portrait; je les lui envoie à Augsbourg par l'entremise
-des Focker dans une lettre. J'achète une chemise de laine rouge
-pour trente et un sous, de la couleur rouge que l'on trouve dans les briques
-nouvellement cuites pour deux sous, et une corne de b&oelig;uf pour neuf sous.
-Je dessine le portrait d'un Espagnol; je dîne avec ma femme; je donne
-deux sous pour mille pierres à feu, et trois sous pour deux tasses pareilles
-à celles que Félix et maître Jacques de Lubeck ont données à ma femme.
-Je dîne chez Rogendorf et donne un sou pour une brochure relatant
-l'entrée triomphale du roi à Anvers<a id="FNanchor_82" href="#Footnote_82" class="fnanchor">&nbsp;[82]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_CVIII"> CVIII</a></span>
-Les portes étaient garnies de représentations allégoriques et de jeunes
-filles presque nues; j'en ai vu rarement d'aussi belles<a id="FNanchor_83" href="#Footnote_83" class="fnanchor">&nbsp;[83]</a>. J'ai changé un
-florin pour avoir de la monnaie. A Anvers, on m'a montré plusieurs ossements
-du géant<a id="FNanchor_84" href="#Footnote_84" class="fnanchor">&nbsp;[84]</a>. L'os de la cuisse a quatre pieds et demi de long, et est
-extrêmement lourd. Son omoplate est plus grande que le dos entier
-d'une grande personne. Ce géant a eu dix-huit pieds de hauteur; il a
-gouverné Anvers, et y a fait plusieurs choses surprenantes. Ces messieurs
-de la ville ont beaucoup écrit sur lui dans un gros livre<a id="FNanchor_85" href="#Footnote_85" class="fnanchor">&nbsp;[85]</a>.</p>
-
-<p>L'école de Raphaël d'Urbin s'est considérablement amoindrie après
-la mort de ce grand homme. Un de ses élèves, Thomas Polonius<a id="FNanchor_86" href="#Footnote_86" class="fnanchor">&nbsp;[86]</a>, bon
-peintre, a désiré me voir; il est venu chez moi et m'a fait cadeau d'une
-bague en or antique, ornée d'un beau camée d'une valeur de cinq florins,
-et dont on m'a déjà offert le double. En retour, je lui ai donné pour six
-florins de mes meilleures gravures. Je dépense trois sous pour un
-<i>calacut</i>, un sou pour un messager, et trois sous avec des camarades.</p>
-
-<p>J'ai offert à dame Marguerite, s&oelig;ur du roi Charles, un exemplaire de
-mon &oelig;uvre gravé; j'ai fait aussi pour elle, avec un grand soin, deux
-dessins sur parchemin, que j'évalue à trente florins; et, pour son
-médecin, le plan d'une maison qu'il veut bâtir. Je ne voudrais pas
-<span class="pagenum"><a id="Page_CIX"> CIX</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_CX"> CX</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXI"> CXI</a></span>
-refaire ce dessin à moins de dix florins. Je donne à Nicolas Ziegler un
-Christ mort qui vaut trois florins, et au facteur de Portugal une tête
-d'enfant peinte, que je vendrais bien un florin.</p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_113.jpg" width="275" height="385" alt="" />
-<div class="caption">
-<p class="small"><span class="i6">MARTIN. D.</span><br />
-<span class="i6">SOTAIMS</span></p>
-</div></div>
-
-<p>J'achète une corne de buffle pour dix sous, une patte d'élan pour un
-florin d'or.</p>
-
-<p>J'ai fait le portrait de maître Adrien au crayon, et celui de Wolf
-Rogendorf au poinçon. J'ai dépensé deux sous pour des condamnations
-et des dialogues, et j'ai donné à maître Adrien des &oelig;uvres d'art pour une
-valeur de deux florins. On m'a vendu un seul crayon rouge un sou. J'ai
-peint le portrait d'une dame noble dans la maison de Tommaso. J'ai
-offert à Nicolas un saint Jérôme en prière et les deux nouvelles Vierges.</p>
-
-<p>Le lundi après la Saint-Michel, je donne à Thomas Polonius tout
-mon &oelig;uvre gravé. Par l'entremise d'un peintre, il doit être envoyé à
-Rome, et l'on me promet en échange des dessins de Raphaël.</p>
-
-<p>Je dîne avec ma femme, et je dépense trois sous pour la régaler.</p>
-
-<p>Polonius a fait mon portrait<a id="FNanchor_87" href="#Footnote_87" class="fnanchor">&nbsp;[87]</a> pour l'emporter à Rome. Je change
-une couronne et garde onze florins pour mes besoins. Je donne neuf sous
-pour du bois, et vingt sous pour porter ma malle à la barque de Bruges.</p>
-
-<p>A Bruges, je dessine le portrait d'une femme qui me le paye un florin.
-Je fais de grandes dépenses: un sou pour du vernis, un sou pour de la
-couleur, treize sous pour des fourrures, un sou pour du cuir, et deux
-sous pour deux écailles de moule. Dans la maison de Jean Gabriel, je
-peins le portrait d'un Italien pour deux florins d'or. J'achète un sac de
-voyage deux florins et quatre sous.</p>
-
-<p>Le jeudi après la Saint-Michel, je pars pour Aix-la-Chapelle. Je
-prends avec moi un florin et un noble, et j'arrive le dimanche à Aix-la-Chapelle
-après avoir passé par Maëstricht et par Gulpen. Jusqu'à présent
-mon voyage, tout compris, m'a coûté trois florins.</p>
-
-<p>A Aix-la-Chapelle, je vois les colonnes que Charles a fait venir de
-Rome, et qui sont ornées de chapiteaux de porphyre rouge et vert. Elles
-sont faites très-artistement d'après Vitruve. Je peins deux fois le portrait
-de Hans Ebner<a id="FNanchor_88" href="#Footnote_88" class="fnanchor">&nbsp;[88]</a>, et je dessine au fusain ceux de Georges Schlaudersbach,
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXII"> CXII</a></span>
-du jeune Christophe Groland et de mon hôte Pierre Van Enden. Je donne
-deux sous pour une pierre à aiguiser, cinq sous pour un bain et deux
-deniers au domestique de la ville qui m'a conduit à la salle du Conseil;
-je paye pour cinq deniers de boisson à des camarades, et je perds sept
-sous au jeu avec Hans Ebner. Je dessine dans mon album les portraits de
-Paulus Topler et de Martin Pfinzing.</p>
-
-<p>Je vois à Aix-la-Chapelle le bras de l'empereur Henri, la chemise de la
-vierge Marie et d'autres reliques. Je dessine l'église de Notre-Dame, et je
-fais le portrait de Sturm<a id="FNanchor_89" href="#Footnote_89" class="fnanchor">&nbsp;[89]</a>. Je dessine le portrait des s&oelig;urs de Kopffinger,
-une fois au charbon et une fois au crayon noir. Je donne dix sous
-pour une grande corne de b&oelig;uf, et je perds trois sous au jeu. J'offre à la
-fille de Tomasius une peinture de la Trinité d'une valeur de quatre florins,
-et je dépense un sou pour du cirage, trois sous pour un bain, huit
-sous pour une corne de buffle, et deux sous pour une ceinture.</p>
-
-<p>Le 23 octobre, j'assiste au couronnement du roi Charles à Aix-la-Chapelle;
-c'est si beau et si riche, que de la vie je n'ai vu pareil spectacle,
-et que je renonce à le décrire. Je donne à Mathias pour onze florins
-de mes gravures et trois pièces à Stéphan, chambellan de dame Marguerite.
-J'achète un chapelet de bois de cèdre pour dix sous, et je perds trois
-demi-sous au jeu. Je donne deux sous au barbier et quatre sous pour
-deux verres de lunettes; je perds encore une pièce blanche au jeu.</p>
-
-<p>Le vendredi qui précède la fête de Simon et Judas, je me rends
-à Louvain, laissant sept sous de pourboire dans la maison de mon hôte;
-je visite l'église où est la tête de sainte Anne.</p>
-
-<p>Le dimanche, nous arrivons à Cologne.</p>
-
-<p>A Bruxelles, j'ai été hébergé complétement par ces messieurs de
-Nuremberg, qui n'ont rien voulu accepter. A Aix-la-Chapelle, ils m'avaient
-déjà rendu le même service pendant trois semaines; ils me conduisent
-à Cologne, où ils me renouvellent le refus d'accepter la plus légère rétribution.</p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_117.jpg" width="400" height="253" alt="" />
-</div>
-
-<p>Je dépense cinq sous pour un traité de Luther, un sou pour la condamnation
-de cet homme courageux, un sou pour un chapelet et deux
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXIII"> CXIII</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_CXIV"> CXIV</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_CXV"> CXV</a></span>
-sous pour une ceinture. J'offre à Léonard Groland ma grande corne de
-b&oelig;uf, et mon chapelet en bois de cèdre à Hans Ebner. J'achète une paire
-de souliers pour six sous et une petite tête de mort pour deux sous. Je
-donne un sou pour de la bière et du pain, deux sous au barbier, à Ziegler
-Linhart des gravures pour deux florins, et deux sous à celui qui m'a
-laissé voir le tableau de maître Stephanus<a id="FNanchor_90" href="#Footnote_90" class="fnanchor">&nbsp;[90]</a>. Je dépense deux sous avec
-des camarades et un sou pour un petit traité. Je fais le portrait de la
-s&oelig;ur de Gott-Schalken. Le dimanche soir après la Toussaint, je suis
-encore à Cologne et j'assiste au bal<a id="FNanchor_91" href="#Footnote_91" class="fnanchor">&nbsp;[91]</a> et au festin donnés par l'empereur
-Charles; c'est fort beau. Je dessine l'écusson de Staber, et j'offre à un
-jeune comte de Cologne une Mélancolie et au duc Frédéric ma nouvelle
-Vierge. Je fais au charbon le portrait de Nicolas Haller et je donne deux
-sous au portier, trois sous pour deux petits traités et dix sous pour une
-corne de vache.</p>
-
-<p>A Cologne, je visite l'église de Sainte-Ursule ainsi que son tombeau;
-je vois les statues des vierges et aussi celles des saints. Je dessine au
-fusain le portrait de Forherwerger, et je donne à la femme de Nicolas
-huit sous parce qu'elle m'a offert l'hospitalité.</p>
-
-<p>J'ai séjourné huit jours à Bruxelles, trois semaines à Aix, quatorze
-jours à Cologne, et ces trois messieurs de l'ambassade de Nuremberg,
-Léonard Groland, Hans Ebner et Nicolas Haller, m'ont constamment
-hébergé. J'ai fait des portraits chez les nonnes pour sept sous et leur ai
-offert trois demi-feuilles de gravures sur cuivre.</p>
-
-<p>Le lundi après la Saint-Martin, ces messieurs de l'ambassade de Nuremberg
-m'apprennent qu'ils viennent d'obtenir pour moi le titre de
-peintre de la cour de l'empereur Charles<a id="FNanchor_92" href="#Footnote_92" class="fnanchor">&nbsp;[92]</a>.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_CXVI"> CXVI</a></span>
-Dorfer m'invite une fois chez Staber et une autre fois chez le vieux
-Wolfgang. Je dîne aussi chez mon cousin Nicolas; j'offre un florin à sa
-femme, deux liards à sa petite fille, sept sous à la servante et un saint
-Eustache à son domestique, car je leur ai donné beaucoup de mal à
-tous.</p>
-
-<p>Le mercredi de la Saint-Martin, après avoir acheté une petite tête
-de mort en ivoire pour un florin, et une paire de souliers pour sept
-sous, je remonte de bonne heure le Rhin avec le bateau de Cologne;
-nous arrivons à Zons, de là à Neus et puis à Stain, où nous passons la
-nuit pour deux sous. Le lendemain, nous voyons Keizerswerth, Duisburg,
-Orson et nous couchons à Rheinberg pour six sous. De là nous allons
-à Wezel, à Rees, à Entmerich, à Thomas et enfin à Nimègue, où on nous
-donne un mauvais lit pour quatre sous. Le lendemain, nous partons pour
-Thiel, Pust et Entmerich, où je m'arrête un moment. J'y fais un bon dîner
-pour trois sous. Je profite d'un grand coup de vent qui nous empêche de
-continuer notre route pour dessiner le portrait d'un compagnon orfévre
-d'Anvers, nommé Pierre Federmacher, une tête de femme et un croquis
-d'après l'aubergiste.</p>
-
-<p>C'est seulement le dimanche que nous arrivons à Nimègue. Je donne
-vingt sous au batelier.</p>
-
-<p>Nimègue est une jolie ville qui possède une belle église et un château
-fort bien situé.</p>
-
-<p>A Thiel, sur le Waal, nous quittons le Rhin pour remonter la Meuse;
-nous arrivons à Terveer, où il y a deux tours, nous y passons la nuit et je
-dépense sept sous.</p>
-
-<p>Le vendredi matin, nous partons pour Bommel; là survient une furieuse
-tempête qui nous oblige à louer pour un florin des chevaux de
-paysan qui nous portent tant bien que mal à Bois-le-Duc. Bois-le-Duc
-est une jolie ville qui renferme de belles et riches églises et qui est solidement
-fortifiée. J'y dépense dix sous que maître Arnold<a id="FNanchor_93" href="#Footnote_93" class="fnanchor">&nbsp;[93]</a> veut absolument
-payer. Les orfévres de l'endroit viennent me voir et me font beaucoup de
-politesses.</p>
-
-<p>Le jour de Notre-Dame, nous arrivons de bonne heure au magnifique
-village d'Osterwyck, de là à Tilborg, où nous faisons un repas assez convenable,
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXVII"> CXVII</a></span>
-et nous restons coucher à Baerle; mais comme mes compagnons
-tombent en désaccord avec l'aubergiste, nous partons pour Hoogstraeten
-après deux heures de repos. Arrivés à Harfth, nous déjeunons en face
-de l'église Saint-Léonard pour quatre sous.</p>
-
-<p>Le jeudi après l'Assomption, je revois Anvers; je donne quinze sous
-au voiturier et je vais me loger de nouveau chez Joost Planckfeld. Je dîne
-trois fois avec lui et deux fois avec ma femme. Le premier portrait que
-je fais est celui de Nicolas Sombalis.</p>
-
-<p>Pendant sept semaines qu'a duré mon voyage, ma femme et ma servante
-ont dépensé sept couronnes pour le ménage et quatre florins pour
-les menus objets. Je dépense quatre sous avec des camarades. Je dîne six
-fois chez Tommaso.</p>
-
-<p>Le jour de la Saint-Martin, dans l'église de Notre-Dame, on coupe la
-bourse de ma femme; elle valait un florin et contenait deux florins et
-quelques clefs.</p>
-
-<p>Le soir de la Sainte-Catherine, je paye à Joost Planckfeld dix couronnes
-d'or en à-compte de ce que je lui dois.</p>
-
-<p>Je dîne deux fois chez les Portugais. Rodrigue me fait cadeau de six
-noix indiennes; je donne deux sous à son domestique, et dix-neuf sous
-pour du parchemin. Je prends la monnaie de deux couronnes.</p>
-
-<p>Je vends les gravures suivantes: deux Adam et Ève, très-belles épreuves,
-un saint Jérôme, un cavalier, une Némésis, un saint Eustache, dix-sept
-pièces gravées à l'eau-forte, huit quarts de feuilles, dix-neuf pièces
-sur bois, sept mauvaises gravures sur bois et dix livres de la petite Passion,
-le tout pour huit florins; pour une once de couleur de plomb je
-donne trois gros livres. Je prends la monnaie d'un florin de Philippe et
-ma femme celle d'un florin simple.</p>
-
-<p>A Ziericzée (en Zélande), une forte marée chassée par l'ouragan fait
-échouer une baleine; elle a plus de cent toises de long et personne ne se
-souvient d'en avoir vu une pareille en Zélande.</p>
-
-<p>Ce poisson ne peut être mis à flot; les habitants voudraient s'en
-débarrasser parce qu'il infecte la contrée. Il est si monstrueux qu'ils n'espèrent
-pas avant six mois d'ici pouvoir le mettre en pièces et le réduire
-en huile.</p>
-
-<p>Stéphan Capello me donne un chapelet en cèdre, à condition que je
-ferai son portrait. J'achète pour quatre sous de tripoli et du papier pour
-trois sous.</p>
-
-<p>Je fais le portrait de Félix à genoux, à la plume, dans son album;
-il me donne cent huîtres. Je fais présent au seigneur Lazare, surnommé
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXVIII"> CXVIII</a></span>
-le Grand Homme, d'un saint Jérôme sur cuivre et de trois grands livres.
-Rodrigue m'envoie du vin fort et des huîtres. J'invite à dîner Tomasin
-Gerhard, sa fille et son mari, Honing, le peintre sur verre, Félix, Joost et
-sa femme; cela me coûte deux florins. Thomassin me fait cadeau de trois
-aunes de gros damas.</p>
-
-<p>Le soir de la Sainte-Barbe, je me rends à Bergen<a id="FNanchor_94" href="#Footnote_94" class="fnanchor">&nbsp;[94]</a>, je dépense un
-florin six sous et douze sous pour le cheval. J'achète dans cette ville une
-faille pour ma femme; je la paye un florin sept sous; je donne six sous
-pour trois paires de souliers, un sou pour un microscope et six sous pour
-une pomme d'ivoire.</p>
-
-<p>Je dessine les portraits de Jean de Haes<a id="FNanchor_95" href="#Footnote_95" class="fnanchor">&nbsp;[95]</a>, de sa femme et de ses
-deux filles au charbon noir, et je fais des croquis de sa servante et d'une
-vieille femme au poinçon sur son album. Je visite la maison de ville de
-Bergen, elle est très-belle. Bergen est une ville fort agréable en été:
-elle a deux foires considérables par an.</p>
-
-<p>La veille de la fête de la Vierge, je pars avec mes compagnons pour
-la Zélande. Sébastien Imhoff me prête cinq florins.&mdash;Nous passons la
-première nuit sur le navire à l'ancre; il fait très-froid et nous n'avons
-rien à boire ni à manger. Le samedi, nous arrivons à Ter-Goes, où je
-dessine une jeune fille avec son costume national. Nous partons pour
-Erma et arrivons devant l'île de Walcheren; nous passons la nuit à
-Ernig; de là nous allons à Middelbourg. Dans l'église de l'abbaye<a id="FNanchor_96" href="#Footnote_96" class="fnanchor">&nbsp;[96]</a>, je
-remarque le grand tableau de Jean de Mabuse<a id="FNanchor_97" href="#Footnote_97" class="fnanchor">&nbsp;[97]</a>, qui est mieux peint que
-dessiné<a id="FNanchor_98" href="#Footnote_98" class="fnanchor">&nbsp;[98]</a>. De là je pars pour la jolie ville de Terveer, où relâchent des
-vaisseaux de tous les pays.</p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_124.jpg" width="400" height="325" alt="" />
-<div class="caption">
-<p class="small"><span class="i2">FAC-SIMILE D'APRÈS ALBERT DURER.</span><br />
-<span class="i6">BAUDRAN SCULP.</span><br />
-<span class="i5">BOURGEOIS D'ANVERS.</span><br />
-<span class="i6">(Cabinet de M. Didot.)</span><br />
-Gazette des Beaux Arts. Imprimerie A. Salmon</p>
-</div></div>
-
-<p>A Aremuidem, il nous arrive un grand malheur. Au moment où
-nous voulons prendre terre, après avoir lancé notre câble sur le rivage
-et qu'une grande partie de l'équipage est déjà descendue, un vaisseau
-vient se heurter avec force contre le nôtre. Comme à cause de la presse
-j'avais laissé passer devant moi la foule, j'étais encore dans le navire avec
-Georges Kotzler, deux vieilles femmes, le capitaine du navire et un
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXIX"> CXIX</a></span>
-mousse. Le vaisseau qui nous avait abordés nous entraîne, et malgré
-nos efforts nous ne parvenons pas à nous dégager. Alors le câble se
-rompt et un violent coup de vent nous rejette en pleine mer.&mdash;C'est
-en vain que nous crions au secours, personne n'ose se hasarder, le capitaine
-se lamente parce que ses matelots sont descendus et que son navire
-n'est plus assez chargé. La position est désespérée, le vent souffle avec
-violence et nous ne sommes pas plus de six personnes à bord. Je dis au
-capitaine de prendre courage et de mettre son espoir en Dieu.</p>
-
-<p>&mdash;Et après? me répondit-il.</p>
-
-<p>&mdash;Et après, lui dis-je, carguez la petite voile.</p>
-
-<p>Nous exécutons tant bien que mal cette man&oelig;uvre en réunissant tous
-nos efforts.</p>
-
-<p>Ceux qui sont sur la côte, nous voyant lutter énergiquement contre la
-mort, se décident à venir à notre aide et nous réussissons à reprendre
-terre.</p>
-
-<p>Middelbourg est une bonne cité qui a une jolie maison de ville et une
-superbe tour; tout cela est fait avec art. Dans l'abbaye, il y a un jubé
-remarquable et un imposant portique en pierre. L'église paroissiale est
-très-belle; si j'y retourne jamais, je prendrai un croquis de cette charmante
-ville.</p>
-
-<p>La Zélande est du reste un pays bien curieux, le niveau de la mer y
-dépasse la plaine.</p>
-
-<p>A Ernig, je fais le portrait d'un aubergiste.</p>
-
-<p>Maître Hugo, Alexandre Imhoff et Frédéric, le serviteur des Hierchvogel,
-me donnent chacune une poule indienne qu'ils ont gagnée au jeu,
-et l'aubergiste me fait cadeau d'un bel oignon.</p>
-
-<p>Le matin, nous repartons avec le bateau, nous arrivons bientôt à
-Terveer et ensuite à Ziericzée, où j'aurais voulu admirer la baleine, mais
-la marée l'avait emportée. Je donne deux florins pour des plumes, deux
-florins pour un manteau, quatre sous pour une cage et trois sous à
-celui qui me l'a apportée; je perds six sous au jeu et je repars pour
-Bergen. Je peins l'aubergiste Arden et Schnabhann. Je donne dix sous
-pour un peigne en ivoire, deux florins moins cinq sous pour une plaque
-d'étain ordinaire. Je fais les portraits du jeune Bernhard de Bresles, de
-Georges Kotzler et de François de Cambrai. Chacun me paye un florin.
-J'oubliais Jean de Has-Eiden, à qui je rends le même service et qui me
-donne aussi un florin. J'achète encore deux plaques d'étain pour quatre
-florins moins dix sous et peins Nicolas Soilir.</p>
-
-<p>Voilà neuf fois depuis mon départ de Zélande que je dîne à Bergen,
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXX"> CXX</a></span>
-chaque fois à raison de quatre sous. Je donne trois sous au voiturier, et
-le vendredi après la Sainte-Lucie j'arrive à Anvers, chez Joost Planckfeld.
-Je dîne avec ma femme chez mon hôte et je paye la dépense.</p>
-
-<p>Le seigneur Lazare de Ravensberg me donne en retour des trois livres
-dont je lui ai fait présent autrefois quelques curiosités d'histoire naturelle.
-Je change une couronne. Le facteur de Portugal m'envoie un sac
-de velours brun et une boîte treillagée.</p>
-
-<p>J'achète plusieurs petites guenons (Mehrkätzlein) pour quatre florins
-d'or, cinq poissons pour quatorze sous et un petit traité de deux sous.
-Je donne à Lazare de Ravensberg un portrait peint sur panneau qui m'a
-coûté six sous, huit pièces de grandes gravures sur cuivre et une Passion
-sur bois, le tout valant plus de quatre florins. Je fais changer un florin
-de Philippe; j'achète pour six sous un panneau, j'esquisse le portrait du
-domestique de l'agent de Portugal et je le lui donne comme cadeau de nouvel
-an avec deux sous de pourboire. J'offre à Bernard Stecher tout mon
-&oelig;uvre gravé sur cuivre. J'achète pour trente et un sous de bois. Je fais
-le portrait de Gerhard Pombelli et celui de la fille du procureur Sébastien.
-Je donne à Wolff de Rogendorff une Passion sur cuivre et une autre sur
-bois. Gerhard Pombelli m'envoie un mouchoir turc à dessins, et Wolff de
-Rogendorff, sept aunes brabançonnes de velours. Je donne un florin de
-Philippe à son domestique. Je dîne huit fois chez les Portugais, une fois
-chez le Trésorier, dix fois chez Tommaso, une fois chez Lazare de Ravensberg,
-une fois chez Wolff de Rogendorff, une fois chez Bernard Stecher,
-une fois chez Arnold Meyting, une fois chez Gaspard Lewenter, et chaque
-dîner me coûte un pourboire de quatre sous.</p>
-
-<p>Je donne trois sous à un homme d'après qui j'ai fait une étude et deux
-sous à son domestique. J'achète pour quatre sous de lin et je vends pour
-quatre florins de mes gravures. Je change une couronne et je donne six
-sous au pelletier. Je perds six sous au jeu et je dépense six sous. Je
-change un noble à la rose; pour dix-huit sous j'achète des raisins et
-trois paires de couteaux. En divers payements, je donne deux florins à
-Joost; j'offre à maître Jacques deux saint Jérôme sur cuivre, et à chacune
-des trois filles de Tommaso une paire de couteaux de cinq sous. J'ai
-joué plusieurs fois et fini par perdre sept sous. Rodrigues me fait présent
-d'une pomme de senteur que l'on cueille sur l'arbre du musc, de quelques
-autres raretés encore et d'une boîte de sucre. Je donne cinq sous
-à son domestique. Je dessine au charbon le portrait de la femme de Joost.
-J'achète trois coupons de drap pour quatre florins cinq sous. Ma femme
-a été marraine d'un enfant, et ce plaisir lui a coûté un florin, sans
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXXI"> CXXI</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXXII"> CXXII</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXXIII"> CXXIII</a></span>
-compter quatre sous pour la garde. Je change une couronne, je perds
-deux sous au jeu et je dépense deux sous.</p>
-
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_127.jpg" width="300" height="412" alt="" />
-<div class="caption">
-<p class="small"><span class="i6">ALBERT-DURER. P.</span><br />
-<span class="i6">AH CABASSON.D.</span><br />
-<span class="i7">E. SOTAIN. S</span></p>
-</div></div>
-
-<p>Je donne à maître Thiéry, peintre sur verre, une Apocalypse, au jeune
-facteur de Portugal, le seigneur Francisco, ma pièce avec le petit enfant
-qui vaut lix florins, et au docteur Loffen, d'Anvers, les quatre livres et
-un saint Jérôme sur cuivre. J'exécute pour Joost Planckfeld l'écusson de
-Staber et un autre encore. Je fais les portraits du fils et de la fille de
-Tommaso au poinçon et une figure d'archiduc à l'huile sur panneau.</p>
-
-<p>Rodrigues Scrivan, de Portugal, me fait présent de deux filets de
-Calcutta en soie, d'un bonnet rempli d'ornements, d'un petit vase avec du
-<i>mirabolon</i> et d'une branche de cèdre. Tout cela vaut au moins dix florins.
-Je donne cinq sous à son domestique. J'achète un pinceau pour deux
-sous. J'ai fait sur la commande de Focker un dessin pour masque; je
-reçois pour ce travail un angelot<a id="FNanchor_99" href="#Footnote_99" class="fnanchor">&nbsp;[99]</a>. Je change un florin et donne huit
-sous pour deux petites cornes à herbes. Je perds trois sous au jeu et
-change mon angelot. Pour Tommaso, j'exécute deux feuilles de jolis
-masques.</p>
-
-<p>J'ai peint à l'huile une bonne figure de Véronique, ce tableau vaut
-douze florins. Je l'ai donné à Francisco, facteur de Portugal. J'ai fait de
-sa femme un portrait à l'huile qui vaut mieux que le précédent, et je
-l'ai donné au facteur Brandon, de Portugal. Pour le premier objet, ma
-servante a reçu en pourboire un florin de Philippe, un florin pour la
-Véronique et un florin de Brandon.</p>
-
-<p>La veille du carême, les orfévres m'invitent à dîner avec ma femme.
-Je vois là beaucoup de gens distingués. Le banquet est superbe et l'on
-me rend beaucoup d'honneurs. Vers le soir, le vieux fonctionnaire de la
-ville<a id="FNanchor_100" href="#Footnote_100" class="fnanchor">&nbsp;[100]</a> m'invite et me reçoit très-bien, je vois chez lui de très-drôles de
-masques. Je fais le portrait de Florez, organiste de dame Marguerite. Le
-lundi soir, j'ai été invité à un grand dîner chez H. Lupez<a id="FNanchor_101" href="#Footnote_101" class="fnanchor">&nbsp;[101]</a>. La fête a été
-fort belle et a duré jusqu'à deux heures; Laurent Stark m'a donné une
-pelisse espagnole; à ce festin, il y avait des masques très-richement mis,
-on remarquait surtout Tomasso et Branbell. J'ai gagné deux florins au
-jeu et donné quatorze sous pour un petit panier de raisins. J'ai fait au
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXXIV"> CXXIV</a></span>
-crayon noir le portrait de Bernard de Castell que j'avais battu au jeu.</p>
-
-<p>Le frère de Gérard Tommaso m'envoie quatre aunes brabançonnes du
-meilleur satin et trois grandes boîtes incrustées, je donne trois sous à sa
-servante. J'achète pour treize sous de bois et pour deux sous de vernis.
-J'ai fait au poinçon un joli portrait de la fille du procureur. Je change
-un angelot. Maître Jean<a id="FNanchor_102" href="#Footnote_102" class="fnanchor">&nbsp;[102]</a>, bon statuaire, né à Metz, qui a étudié en
-Italie et ressemble beaucoup à Christophe Holer, m'a prié de dessiner son
-portrait au crayon. Je l'ai fait avec plaisir. Je donne à Jean Turcken trois
-florins pour des objets d'art italien et pour une once de bon outremer.</p>
-
-<p>Pour la petite Passion en bois, je reçois trois florins; et, pour quatre
-livres de gravures de Schaufelein<a id="FNanchor_103" href="#Footnote_103" class="fnanchor">&nbsp;[103]</a>, aussi trois florins. J'achète deux
-salières en ivoire de Calcutta, je les paye deux florins. Rudinger de
-Gelern me donne une petite corne pleine de monnaie d'or et d'argent,
-un quart de florin environ, pour trois grands livres, et un cavalier sur
-cuivre. Je dépense onze sous pour des objets d'art, deux florins de Philippe
-pour un saint Pierre et saint Paul, que je veux donner à M<sup>me</sup> Koler,
-et six sous pour du bois. Je dîne chez le Français, deux fois chez Hirschvogel,
-et une fois chez maître Pierre<a id="FNanchor_104" href="#Footnote_104" class="fnanchor">&nbsp;[104]</a> l'écrivain, avec Érasme, de Rotterdam.
-Je donne un sou à l'homme qui me montre la tour d'Anvers;
-cette tour<a id="FNanchor_105" href="#Footnote_105" class="fnanchor">&nbsp;[105]</a> sera plus haute que celle de Strasbourg. De là, je vois la
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXXV"> CXXV</a></span>
-ville dans tous les sens; cette vue est très-belle. Je change un angelot.
-Le facteur Brandon me fait cadeau de deux grandes cannes à sucre blanc,
-d'un bol, de deux pots verts remplis de sucreries, et de quatre aunes de
-fort satin. Je donne dix sous à son domestique. Je fais au poinçon le
-portrait de la jolie fille de Gerhard. Je change un angelot. J'ai dîné chez
-le receveur Laurent Serk, qui m'a donné une petite flûte en ivoire et de
-la jolie porcelaine; je lui ai remis, en échange de sa politesse, un exemplaire
-de mon &oelig;uvre, ainsi qu'à Adrien<a id="FNanchor_106" href="#Footnote_106" class="fnanchor">&nbsp;[106]</a>, l'orateur de la ville d'Anvers.
-J'ai offert à la chambre des riches commerçants d'Anvers (les merciers)
-un saint Nicolas assis; on m'a prié d'accepter trois florins de Philippe de
-gratification. J'ai donné à Pierre (le menuisier de la ville) les vieux
-cadres de saint Jérôme, et quatre florins pour le cadre du portrait du
-receveur. J'ai acheté pour onze sous de bois, et payé quatre sous à un
-paysan.</p>
-
-<p>J'ai confié ma malle à Jacques et André Heszler, qui doivent la transporter
-à Nuremberg pour deux florins par quintal; ils la remettront au
-vieil Hans Imhoff. Je leur ai déjà donné deux florins.</p>
-
-<p>Le dimanche <i>Judica</i>, 1521, Rodrigues m'envoie six noix de coco, une
-jolie branche de corail, et deux florins d'or de Portugal pesant chacun
-onze ducats. Je donne quinze sous à son domestique.</p>
-
-<p>Je paye six sous pour un aimant. J'envoie à maître Hugo, à Bruxelles,
-un petit morceau de porphyre, une Passion sur cuivre, et quelques
-autres pièces. Je fais pour Tomasso un dessin d'après lequel on va
-peindre sa maison. J'ai fait avec empressement un saint Jérôme à l'huile
-pour Rodrigues, qui a donné à ma servante Suzanne un ducat de pourboire.
-J'ai donné dix sous à mon confesseur, et quatre sous pour une
-petite tortue.</p>
-
-<p>J'ai dîné chez Gilbert, qui m'a offert un petit bouclier de Calcutta,
-fait avec une écaille de poisson, et de petits gantelets. J'ai fait au crayon
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXXVI"> CXXVI</a></span>
-rouge le portrait de Cornelis<a id="FNanchor_107" href="#Footnote_107" class="fnanchor">&nbsp;[107]</a>, secrétaire de la ville d'Anvers; il est parfaitement
-réussi. J'ai acheté six brosses pour vingt sous, et six ceintures
-de soie pour trois florins seize sous. Je les ai offertes aux femmes de Gaspard
-Nutzel, Hans Imhoff, Spingler et Loffelhotz, et je leur ai donné par-dessus
-le marché une bonne paire de gants. Gaspar Nutzel, Hans Imhoff,
-Spengler et Jérôme Holzschuher ont reçu de moi de très-jolies choses.
-J'ai fait cadeau à Pirkeimer d'un beau bonnet et d'un riche encrier.</p>
-
-<p>Je dîne chez maître Adrien, qui me fait présent d'un petit tableau
-représentant Loth et ses deux filles, peint par Joachim Patenier. Je vends
-à Hans Grun pour un florin d'objets d'art. Rudiger de Gelern m'envoie un
-morceau de bois de santal. Je donne un sou à son domestique. Je fais le
-portrait à l'huile de Bernard de Reszen; il me le paye huit florins, et
-donne de plus une couronne à ma femme et un florin de vingt-quatre
-sous à Suzanne, ma servante.</p>
-
-<p>Je donne quatre sous à mon confesseur. Je vends pour quatre florins
-dix sous de gravures; j'achète du baume pour cinq sous, du bois pour
-douze demi-sous, et quatorze pièces de bois français pour un florin. Je
-donne à Ambroise Hochstetter<a id="FNanchor_108" href="#Footnote_108" class="fnanchor">&nbsp;[108]</a> une Vie de la Vierge, en échange de
-quoi je reçois un dessin de son navire. Rodrigues offre une petite bague,
-qui vaut plus de cinq florins, à ma femme.</p>
-
-<p>J'ai fait au fusain le portrait du secrétaire du facteur Brandon, et
-celui de sa négresse au poinçon. J'ai peint le portrait de Rodrigues sur
-une grande feuille de papier, avec de la couleur noire et blanche.</p>
-
-<p>J'ai acheté une pièce de camelot de vingt-quatre aunes qui me coûte
-seize florins et un sou pour l'emporter avec moi; j'ai aussi acheté
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXXVII"> CXXVII</a></span>
-des gants pour deux sous. Lucas de Dantzig, dont j'ai dessiné le portrait
-au charbon, m'a donné un florin et un morceau de bois de santal.</p>
-
-<p>Le samedi après Pâques, je pars d'Anvers pour Bruges avec Hans
-Luber et maître Jean Plos, bon peintre, né à Bruges. Nous passons par
-Beveren, un gros village; de là, nous allons à Vracène, un autre gros
-village. De bourg en bourg, de village en village, nous arrivons enfin à
-Saint-Paul, qui est célèbre par la richesse de ses habitants et de son
-abbaye. Après avoir passé par Kalve, nous allons loger à Erdvelde.</p>
-
-<p>Le dimanche matin, nous nous rendons à Eecloo, très-gros bourg qui
-a une chaussée et un marché. Nous y déjeunons; nous traversons Maldeghem
-et quelques autres villages d'un fort joli aspect, et nous arrivons à
-Bruges, qui est une belle ville.</p>
-
-<p>Jusqu'ici mon voyage me coûte vingt et un sous.</p>
-
-<p>Arrivé à Bruges, Jean Plos me donne l'hospitalité chez lui et fait préparer
-le soir même un banquet; il invite beaucoup de monde. Le lendemain,
-l'orfévre Marx en fait autant.</p>
-
-<p>On me mène au palais de l'empereur, riche et beau bâtiment.</p>
-
-<p>Dans la chapelle de ce palais, il m'est permis d'admirer le tableau de
-Rudiger<a id="FNanchor_109" href="#Footnote_109" class="fnanchor">&nbsp;[109]</a> et d'autres productions remarquables d'un ancien grand
-maître. Je donne un sou à l'homme qui me les fait voir. J'achète trois
-peignes d'ivoire peur trente sous. On me conduit ensuite à Saint-Jacques
-devant les belles peintures de Rudiger et d'Hugo<a id="FNanchor_110" href="#Footnote_110" class="fnanchor">&nbsp;[110]</a>, deux grands artistes.
-Je vois aussi la statue de la Vierge en albâtre faite par Michel-Ange<a id="FNanchor_111" href="#Footnote_111" class="fnanchor">&nbsp;[111]</a>
-de Rome; elle est dans l'église Notre-Dame. Je visite successivement
-plusieurs églises où se trouvent tous les tableaux de Jean<a id="FNanchor_112" href="#Footnote_112" class="fnanchor">&nbsp;[112]</a> et d'autres
-artistes remarquables.</p>
-
-<p>La chapelle des peintres renferme aussi des choses très-curieuses.</p>
-
-<p>Après m'avoir offert un riche banquet, les peintres me mènent à leur
-chambre de gilde, où se trouvent plusieurs personnes distinguées telles
-qu'orfévres, peintres et marchands. Ils me forcent courtoisement à
-souper avec eux; on me régale, on me choie, bref, on me fait beaucoup
-d'honneurs. Les conseillers Jacques et Pierre Mostaert m'offrent douze
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXXVIII"> CXXVIII</a></span>
-mesures de vin, après quoi toute la société, composée de soixante personnes,
-me ramène chez moi avec des lanternes.</p>
-
-<p>J'ai également visité la société du tir. J'y ai admiré le grand plat à
-poisson qu'on sert sur la table des tireurs et qui a dix-neuf pieds de long,
-sept de haut et trois de large.</p>
-
-<p>Avant mon départ, je fais au poinçon les portraits de Jean Plos et de
-sa femme, et je donne dix sous à ses gens pour mes adieux.</p>
-
-<p>Nous partons pour Orchhel où nous faisons un repas. Après avoir passé
-par six villages, nous arrivons à Gand. J'avais dépensé en tout quatre
-sous pour mon transport, et quatre sous pour des objets divers.</p>
-
-<p>A mon débarquement à Gand, je suis reçu par le doyen des peintres
-et les autres dignitaires; ils me rendent de grands honneurs en m'offrant
-leurs services.</p>
-
-<p>Le soir, nous dînons ensemble.</p>
-
-<p>Le mercredi matin, on me fait monter à la haute tour de Saint-Jean;
-de là, j'admire cette grande ville qui, elle aussi, m'appelle grand.</p>
-
-<p>Je vois le tableau de Jean<a id="FNanchor_113" href="#Footnote_113" class="fnanchor">&nbsp;[113]</a>; il est superbe et admirablement conçu.
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXXIX"> CXXIX</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXXX"> CXXX</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXXXI"> CXXXI</a></span>
-J'admire surtout les figures d'Ève, de Marie et de Dieu le père.</p>
-
-<p>Je vais visiter les lions vivants, et je dessinerai l'un d'eux au poinçon<a id="FNanchor_114" href="#Footnote_114" class="fnanchor">&nbsp;[114]</a>.
-Sur le pont où se font les exécutions, je vois deux statues qui
-rappellent l'histoire d'un fils qui décapita son père<a id="FNanchor_115" href="#Footnote_115" class="fnanchor">&nbsp;[115]</a>.</p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_135.jpg" width="250" height="372" alt="" />
-</div>
-
-<p>Gand est une ville très-remarquable, qui a quatre grands cours d'eau,
-et qui renferme en outre beaucoup de choses curieuses; les peintres et
-leur doyen ne me quittent pas, ils dînent avec moi, soupent avec moi, et
-veulent absolument tout payer. Ils me témoignent beaucoup d'amitié;
-je donne trois sous au sacristain et au gardien des lions, et cinq sous
-pour mes adieux dans la maison de l'épicier.</p>
-
-<p>Le mardi matin, après avoir déjeuné à l'auberge du Cygne, nous partons
-pour Anvers. Je paye huit sous pour le transport. Je fais au charbon
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXXXII"> CXXXII</a></span>
-le portrait d'Hans Luber, d'Ulm; il veut me le payer un florin, mais je
-refuse toute récompense.</p>
-
-<p>La troisième semaine après Pâques, je suis pris d'une fièvre froide
-qui m'affaiblit et me tourmente beaucoup. J'ai de violents maux de tête.
-Déjà, lors de mon séjour en Zélande, j'avais gagné une infirmité telle
-que personne n'en a jamais vu, et je l'ai toujours.</p>
-
-<p>Je paye en plusieurs fois au médecin trois florins et vingt sous à
-l'apothicaire. Pendant ma maladie, Rodrigues m'envoie beaucoup de
-sucreries. Je donne quatre sous à son domestique. Je fais le portrait de
-maître Joachim<a id="FNanchor_116" href="#Footnote_116" class="fnanchor">&nbsp;[116]</a> au poinçon et une autre figure. J'envoie à Nuremberg
-un sac rempli d'effets à l'adresse de Hans Imhoff. Je paye treize sous
-pour l'emballage à Hans Rabner, et un florin au voiturier. Je fais accord
-pour le transport d'Anvers à Nuremberg de ce paquet qui pesait un
-quintal, à raison d'un florin et un liard. Je donne quatorze sous au docteur,
-à l'apothicaire et au barbier; de plus, à maître Jacques le médecin,
-quatre florins de gravure. Je dessine au fusain le portrait de Thomas
-Polonius de Rome.</p>
-
-<p>Mon tabart de camelot a absorbé vingt et une aunes brabançonnes:
-ces aunes ont trois grands doigts de plus que celles de Nuremberg. J'ai
-acheté à cet effet trente-quatre aunes d'étoffe espagnole noire pour faille
-à trois sous. Total dix florins deux sous.</p>
-
-<p>Je paye un florin au pelletier pour la confection.</p>
-
-<p>Pour deux aunes de garniture de velours, je donne cinq florins; pour
-de la soie, du cordonnet et du fil trente-quatre sous, pour le coupeur
-trente sous, pour le camelot quatorze florins un sou, et cinq sous au
-domestique.</p>
-
-<p>Je vends des gravures pour cinquante-trois sous, que je prends sur
-moi pour mes dépenses.</p>
-
-<p>Le dimanche qui précède les Rogations, maître Joachim Patenier,
-bon paysagiste, m'invite à son mariage. J'y vois deux pièces de théâtre,
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXXXIII"> CXXXIII</a></span>
-dont la première surtout est fort drôle. Je donne six sous au docteur.</p>
-
-<p>Le dimanche après l'Ascension, le peintre sur verre Thiéry (d'Anvers)
-m'invite fort amicalement à dîner avec plusieurs autres personnes parmi
-lesquelles se trouve Alexandre, un orfévre très-riche.</p>
-
-<p>Le dîner est fort bon, et l'on me fait de grands honneurs. Je dessine
-deux portraits au charbon, celui de maître Marx, orfévre à Bruges, et
-d'Ambroise Hochstetter, chez qui j'ai dîné. Je prends six repas chez
-M<sup>me</sup> Tommaso. Je donne au médecin étranger une Vie de la Vierge, une
-autre au valet de chambre de Marx, huit sous au docteur, et quatre sous
-à celui qui m'a lavé à neuf un vieux bonnet. Je perds quatre sous
-au jeu.</p>
-
-<p>J'achète un nouveau bonnet de deux florins, et je change mon vieux
-bonnet qui est en étoffe trop grossière. Je remets six sous pour cet
-échange.</p>
-
-<p>Je fais à l'huile le portrait d'un duc, celui de Joost mon hôte, et celui
-du receveur Sterk, très-bien soigné et d'une valeur de vingt-cinq florins.
-Il me donne vingt florins et un florin à Suzanne.</p>
-
-<p>Je dessine de nouveau le portrait de la femme de Joost.</p>
-
-<p>Le vendredi avant la Pentecôte de l'année 1521, le bruit court à
-Anvers que Martin Luther<a id="FNanchor_117" href="#Footnote_117" class="fnanchor">&nbsp;[117]</a> a été fait traîtreusement prisonnier.</p>
-
-<p>On lui avait donné un sauf-conduit, et il était accompagné d'un
-héraut d'armes de l'empereur Charles, qui devait le protéger; mais
-lorsqu'ils furent arrivés près d'Eisenach, dans un endroit isolé, le héraut
-lui déclara qu'il cessait d'être son guide et le quitta. Alors survinrent
-dix cavaliers qui emmenèrent, trahi et vendu, l'homme pieux, éclairé par
-le Saint-Esprit, qui était parmi nous le représentant de la véritable foi
-chrétienne. Vit-il encore, ou l'ont-ils assassiné? Je ne le sais pas.</p>
-
-<p>Mais ce que je sais, c'est qu'il aura souffert pour la vérité, parce
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXXXIV"> CXXXIV</a></span>
-qu'il a essayé de punir le papisme autrichien qui conspire de tout son
-pouvoir contre l'affranchissement promis par le Christ, nous ravit notre
-sueur et notre sang, dont il se nourrit honteusement, peuple fainéant et
-infâme qu'il est, tandis que les hommes malades et altérés meurent de
-faim. Mais ce qui m'attriste surtout, c'est de voir que notre Dieu veut
-peut-être nous laisser longtemps encore dans cette doctrine fausse et
-aveugle inventée par des hommes qu'ils appellent <i>les pères</i>, qui sont
-cause que la parole divine nous a été faussement interprétée en beaucoup
-d'endroits, ou qu'on n'en a pas tenu compte. O Dieu, qui es dans
-le ciel, prends-nous en pitié! O Seigneur Jésus, X P E, prie pour ton
-peuple, délivre-nous au temps prédit, conserve en nous la véritable foi
-chrétienne; rassemble par ta parole, appelée dans la Bible la parole de
-Dieu, tes troupeaux dispersés! Aide-nous à reconnaître la vraie voie,
-afin que nous ne suivions pas les erreurs nées du délire des hommes, et
-que nous ne te quittions pas, Seigneur Jésus, X P E!</p>
-
-<p>Appelle, réunis dans tes pâturages tes brebis dispersées, dont une
-partie se trouve encore égarée dans l'Église romaine, et l'autre parmi les
-Indiens, les Moscovites et les Grecs, qui ont été séparés de nous par
-l'avarice des papes et leur faux semblant de sainteté. O Dieu, délivre
-ton peuple infortuné, qui est contraint, sous des peines rigoureuses,
-d'observer des commandements qui répugnent à sa nature et l'obligent
-à pécher sans cesse contre sa conscience! O Dieu, jamais hommes
-n'ont été aussi cruellement opprimés sous des lois humaines que nous
-sous le siége de Rome, nous qui, chaque jour, sommes rachetés par le
-sacrifice de ton précieux sang, et qui devons vivre chrétiens et libres! O
-père suprême et céleste, que ton fils verse dans nos c&oelig;urs une lumière
-telle que nous puissions reconnaître quel est ton envoyé véritable; qu'il
-nous soit permis de nous dégager en pleine sûreté de conscience des
-entraves étrangères, et de te servir dans toute la joie de notre c&oelig;ur!</p>
-
-<p>Puisque nous avons perdu cet homme à qui tu avais donné un esprit
-si évangélique, et dont la parole était plus claire que celle de tout autre
-qu'on ait entendue depuis 140 ans, nous te prions, ô père céleste, de donner
-de nouveau ton Saint-Esprit à un apôtre qui rassemble encore une
-fois ton Église!</p>
-
-<p>Fais que nous puissions vivre unis et chrétiens, et que, grâce à nos
-salutaires efforts, tous les infidèles, tels que les Turcs, les païens et les
-Calcuttes, viennent d'eux-mêmes à nous pour embrasser la vraie foi!</p>
-
-<p>Mais, Seigneur, toi dont le fils I H C X P E a été mis à mort par les prêtres,
-puisque tu as voulu qu'avant le jugement il en arrivât autant à son
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXXXV"> CXXXV</a></span>
-successeur Martin Luther, que le pape a fait tuer traîtreusement et par
-des meurtriers à gages; de même que tes décrets avaient ordonné la ruine
-de Jérusalem, détruis également cette puissance usurpée du siége romain.
-O Seigneur, donne-nous alors la Jérusalem nouvellement parée, qui doit
-descendre du ciel, ainsi qu'il est écrit dans l'Apocalypse! Donne-nous
-l'Évangile saint et clair qui n'ait pas été altéré par les fausses doctrines!
-Quiconque lira les livres de Martin Luther verra combien sa doctrine
-est claire et transparente, et combien elle est conforme au saint Évangile.
-Il faut donc les conserver en grand honneur et non les brûler, à moins
-qu'on ne jette au feu tout le parti qui lui est opposé, avec ses contrevérités
-et ses prétentions de changer des hommes en dieux. O Seigneur,
-si Luther est mort, qui nous expliquera le saint Évangile avec la même
-clarté? O Dieu, que de choses il aurait pu écrire encore dans l'espace
-de dix ou vingt années! O vous tous, chrétiens pieux, déplorez avec moi
-la perte de cet homme doué de l'esprit divin, et priez le Seigneur qu'il
-nous envoie un autre guide aussi éclairé! O Érasme de Rotterdam, où
-veux tu aller?&mdash;Vois ce que fait l'injuste et aveugle tyrannie des puissants
-du monde! Écoute, chevalier du Christ, montre-toi à cheval à côté du
-Seigneur X P E; malgré ta vieillesse et la faiblesse de ton corps, va conquérir
-la couronne du martyre. Je t'ai entendu dire que tu t'étais donné
-encore deux ans pour faire quelque chose. Emploie-les bien pour l'amour
-de l'Évangile et de la véritable foi chrétienne. Fais entendre ta voix: le
-siége romain, les portes de l'enfer, comme l'a dit Jésus, ne prévaudront
-pas contre toi: et s'il arrivait que ton sort fût le même que celui de ton
-maître le Christ, que les menteurs t'accablassent, comme lui, d'ignominies,
-et que tu mourusses un peu avant le temps, tu ressusciterais et tu serais
-glorifié en Jésus-Christ; car en buvant dans la coupe où il a trempé ses
-lèvres, tu régnerais avec lui et tu jugerais ceux dont les actions n'ont pas
-été justes.&mdash;O Érasme, fais que Dieu, ton juge, se glorifie en toi!
-Comme il est écrit dans David, tu peux, comme lui, abattre Goliath, car
-le Seigneur est debout près de la sainte Église. Que sa volonté divine
-nous conduise à la béatitude éternelle. Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit,
-un Dieu éternel. Amen.</p>
-
-<p>O vous, chrétiens, priez Dieu et demandez-lui grâce, car son jugement
-approche et sa justice va se manifester! C'est alors que le pape, les prêtres,
-les moines, et tous ceux qui ont versé le sang innocent, seront jugés et
-condamnés. Voilà les victimes innocentes abattues sous l'autel de Dieu,
-et qui crient vengeance. A quoi la voix céleste répond: Travaillez jusqu'à
-ce que le nombre des martyrs soit complet; alors je jugerai!</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_CXXXVI"> CXXXVI</a></span>
-Je change un florin, et donne encore huit sous au docteur.</p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_143.jpg" width="250" height="396" alt="" />
-</div>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_CXXXVII"> CXXXVII</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_CXXXVIII"> CXXXVIII</a></span>
-<span class="pagenumh"><a id="Page_CXXXIX"> CXXXIX</a></span>
-Pour une bague et six petites pierres, je lui donne tout mon &oelig;uvre
-sur cuivre, qui vaut sept florins.</p>
-
-<p>Je dîne deux fois chez Rodrigues, et une fois chez le riche chanoine.</p>
-
-<p>Pendant les fêtes de la Pentecôte, je reçois à ma table maître Conrad,
-statuaire de Malines. Je fais pour maître Joachim, sur papier gris, quatre
-Christophe.</p>
-
-<p>Je donne dix-huit sous pour des objets d'art italien, et six sous au
-docteur.</p>
-
-<p>Le dernier jour de la Pentecôte vient la grande foire aux chevaux
-d'Anvers. J'y vais essayer plusieurs beaux étalons; on en achète deux
-devant moi pour sept cents florins.</p>
-
-<p>Je vends pour un florin trois liards de gravures, et je mets cet argent
-dans ma poche pour mes dépenses; je donne encore quatre sous au
-docteur.</p>
-
-<p>Je dîne trois fois chez Tommaso. Comme je lui ai dessiné trois
-fourreaux d'épée, il me donne un petit vase en albâtre.</p>
-
-<p>Je fais au charbon le portrait d'un lord anglais; je reçois un florin,
-que je prends sur moi pour mes menus plaisirs.</p>
-
-<p>Maître Gerhard<a id="FNanchor_118" href="#Footnote_118" class="fnanchor">&nbsp;[118]</a> l'enlumineur a une petite fille de huit ans qui se
-nomme Suzanne<a id="FNanchor_119" href="#Footnote_119" class="fnanchor">&nbsp;[119]</a>; elle a enluminé un Sauveur que j'ai payé un florin.
-Il est vraiment remarquable qu'une enfant de cet âge puisse faire pareille
-chose. Je perds six sous au jeu.</p>
-
-<p>Le jour de la Sainte-Trinité, il y a à Anvers une grande et belle
-procession.</p>
-
-<p>Maître Conrad m'envoie de jolis rasoirs; je donne à son vieux serviteur
-une Vie de Notre-Dame.</p>
-
-<p>Je fais au charbon le portrait de Jean l'orfévre, de Bruxelles, et celui
-de sa femme. Je reçois pour ces deux portraits, et pour le dessin de son
-sceau, trois philippes.</p>
-
-<p>Je lui fais présent de la Véronique que j'ai peinte à l'huile, et d'un
-Adam et Ève fait par Frans; il me donne à son tour une hyacinthe et une
-agate, sur laquelle est gravée une Lucrèce, que tout le monde évaluera
-à quatorze florins.</p>
-
-<p>J'achète deux paires de souliers pour quatorze sous, et deux petites
-boîtes à un sou pièce. Je donne sur du papier gris, avec du blanc et du
-noir, trois figures et deux costumes flamands, et je mets en couleur
-pour un florin l'écusson d'un Anglais.</p>
-
-<p>Je fais çà et là beaucoup de dessins, et d'autres choses à la convenance
-des personnes que je vois, mais la plupart du temps mon travail
-ne m'est pas payé.</p>
-
-<p>Entrès (de Curaçao) me donne un philippe pour un écusson et une
-tête d'enfant.</p>
-
-<p>Je paye deux sous pour des brosses. Je dîne cinq fois chez Tommaso,
-et donne six sous au docteur. Ma femme tombe malade. Le médecin
-reçoit dix-huit sous en divers payements. Je paye deux florins onze sous
-pour recettes et médecines à l'apothicaire, et huit sous au moine qui est
-venu voir ma femme, de nouveau vingt-quatre sous à l'apothicaire
-pour un clystère. J'achète toute une pièce de satin pour huit florins, et
-je donne encore autant pour quatorze aunes de satin fin. Je paye quatre
-sous au tailleur et dix sous pour des bandes.</p>
-
-<p>En 1521, le mercredi après la fête Corpus-Christi, je fais transporter
-d'Anvers à Nuremberg, par le voiturier Antoine Mez de Schlaudendorff,
-mes grands ballots. Je le paye un peu moins d'un demi-florin par
-quintal, c'est-à-dire en tout un florin.</p>
-
-<p>Je dessine au fusain le portrait du jeune Rehlinger d'Anvers.</p>
-
-<p>Le huitième jour après Corpus-Christi, je vais à Malines avec ma
-famille pour voir M<sup>me</sup> Marguerite; je descends à l'auberge de la Tête-d'Or,
-chez maître Henri<a id="FNanchor_120" href="#Footnote_120" class="fnanchor">&nbsp;[120]</a>, le peintre. Les peintres et les statuaires
-m'invitent à dîner dans mon propre logement, et me rendent beaucoup
-d'honneurs.</p>
-
-<p>Je visite la maison de Popenruter, le fondeur d'artillerie, et j'y
-trouve des choses vraiment dignes d'admiration. Je vais rendre visite à
-M<sup>me</sup> Marguerite, qui refuse d'accepter le portrait de l'empereur que je
-lui offre.</p>
-
-<p>Le vendredi, elle me montre ses superbes collections; j'admire principalement
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXL"> CXL</a></span>
-quarante miniatures à l'huile, les plus belles qui soient.
-Je vois aussi de beaux tableaux de Jean<a id="FNanchor_121" href="#Footnote_121" class="fnanchor">&nbsp;[121]</a> et de Jacob Walch<a id="FNanchor_122" href="#Footnote_122" class="fnanchor">&nbsp;[122]</a>. Je prie
-M<sup>me</sup> Marguerite de me donner le livre de dessins de maître Jacob; mais
-elle me répond qu'elle l'a promis à son peintre<a id="FNanchor_123" href="#Footnote_123" class="fnanchor">&nbsp;[123]</a>. Je remarque une belle
-bibliothèque.</p>
-
-<p>Maître Hans Popenruter m'invite à dîner, j'accepte; et, de mon côté,
-j'invite deux fois maître Conrad et une fois sa femme. Je dépense pour
-cela vingt-neuf sous.</p>
-
-<p>Je fais le portrait d'Étienne Kimmerling et celui de maître Conrad le
-sculpteur.</p>
-
-<p>Le samedi, je quitte Malines pour retourner à Anvers.</p>
-
-<p>Je dessine au charbon le portrait de maître Jacob. Je fais faire un cadre
-qui me coûte six sous, et je lui offre le tout sans lui rien faire payer.</p>
-
-<p>Je dîne deux fois chez les Augustins<a id="FNanchor_124" href="#Footnote_124" class="fnanchor">&nbsp;[124]</a>. Je redessine une fois le portrait
-de Bernard Stecher, et deux fois celui de sa femme; je lui donne
-tout mon &oelig;uvre gravé, il me le paye dix florins.</p>
-
-<p>J'ai été invité par maître Lucas<a id="FNanchor_125" href="#Footnote_125" class="fnanchor">&nbsp;[125]</a> qui grave sur cuivre. C'est un petit
-homme de Leyde, en Hollande, qui est venu voir Anvers.</p>
-
-<p>Je dîne chez maître Bernard Stecher, et donne à son domestique un
-demi-sou. Je vends pour quatre florins et un liard de gravures.</p>
-
-<p>J'ai fait le portrait de maître Lucas de Leyde au poinçon, et perdu un
-florin au jeu. J'ai donné de nouveau douze sous au médecin.</p>
-
-<p>L'abbé du cloître des Augustins d'Anvers veut bien accepter une Vie
-de la Vierge que je lui offre. Je donne deux philippes pour quatorze
-peaux de poissons. J'ai dessiné le portrait du grand Antoine Haunolt et
-celui de maître Aest Braun<a id="FNanchor_126" href="#Footnote_126" class="fnanchor">&nbsp;[126]</a> avec sa femme sur deux feuilles royales. Je
-l'ai fait autrefois au poinçon. J'ai reçu un angelot pour ces différents travaux.
-J'ai donné à l'orfévre qui a estimé mes bagues des gravures pour la
-valeur d'un florin. Ces trois bagues, que j'ai échangées contre des gravures,
-sont évaluées ainsi qu'il suit:</p>
-
-<p>Les deux moins belles quinze couronnes, et le saphir vingt-cinq couronnes;
-total cinquante-quatre florins huit sous, et parmi les choses
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXLI"> CXLI</a></span>
-échangées, le Français a reçu trente-six grands livres à neuf florins.
-L'homme aux trois bagues m'a payé trop peu de moitié.</p>
-
-<p>Décidément, je n'ai pas d'esprit.</p>
-
-<p>J'achète un couteau pour deux sous, et je donne dix-huit sous à mon
-filleul pour un bonnet rouge. Je perds douze sous au jeu, et je dépense
-deux sous à boire. J'achète trois jolis rubis pour onze florins d'or et douze
-sous.</p>
-
-<p>Je dîne une fois chez les Augustins et deux fois chez Tommaso.</p>
-
-<p>Je donne six sous pour des brosses de soies de sanglier, trois sous
-pour six autres brosses, un florin pour une paire de burins, six sous pour
-un encrier, vingt et un sous pour une douzaine de gants de femmes et
-six sous pour un sac.</p>
-
-<p>Antoine Haunolt me donne trois philippes pour son portrait, et Bernard
-Stecher un petit livre en écaille de tortue. Je fais le portrait de la
-fille de sa belle-s&oelig;ur et je dîne une fois avec son mari. Il me paye deux
-philippes, et je donne un sou de pourboire à son valet. Antoine Haunolt
-accepte deux livres que je lui offre.</p>
-
-<p>J'ai donné quelque chose de maître Grun Hansen<a id="FNanchor_127" href="#Footnote_127" class="fnanchor">&nbsp;[127]</a> à maître Joachim.
-Je donne à la femme de Joost quatre gravures sur bois et deux livres des
-plus grands à son domestique Frédéric, deux aussi au fils d'Honing, le
-peintre sur verre. Je dîne deux fois chez Bernard et deux fois chez
-M<sup>me</sup> Tommaso.</p>
-
-<p>Rodrigues me fait cadeau d'un perroquet venu de Malaga. Je donne
-cinq sous à son domestique; pour trois sous, j'achète une paire de souliers
-et des bas.</p>
-
-<p>Je donne à Pierre deux grandes feuilles de gravures sur cuivre et
-beaucoup de gravures sur bois. Je dîne deux fois chez M<sup>me</sup> Tommaso.</p>
-
-<p>J'offre à maître Aert, le peintre sur verre, une Vie de la Vierge et
-tout mon &oelig;uvre gravé à maître Jean, le sculpteur français; ce dernier
-avait donné à ma femme six fioles précieusement travaillées remplies
-d'eau de rose.</p>
-
-<p>Cornelis, le secrétaire, me fait présent de la Captivité de Babylone
-par Luther; je lui envoie en revanche mes trois grands livres. Je donne
-à Honing le peintre sur verre deux grands livres, et au moine Pierre Puz
-des gravures pour la valeur d'un florin environ.</p>
-
-<p>Lucas de Leyde me fait cadeau de son &oelig;uvre entier; il reçoit en
-échange une collection de mes gravures que j'évalue à huit florins.
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXLII"> CXLII</a></span>
-J'achète un sac pour neuf sous, je paye sept sous pour une demi-douzaine
-de cartes des Pays-Bas, trois sous pour un petit cornet de poste jaune,
-vingt-quatre sous pour de la viande, et dix-sept sous pour du gros drap.</p>
-
-<p>Rodrigues m'envoie six aunes de drap noir pour me faire un manteau;
-l'aune vaut une couronne; je donne deux sous au domestique du
-tailleur.</p>
-
-<p>Le jour de saint Pierre et Paul, j'ai fait mon compte avec Joost. Je lui
-devais trente et un florins que je lui ai payés. Déduction faite des deux
-peintures à l'huile, il m'a donné en supplément cinq livres de borax,
-poids des Pays-Bas.</p>
-
-<p>En Flandre, dans toutes mes transactions, dans toutes mes ventes et
-autres affaires, dans tous mes rapports avec les personnes de haute ou de
-basse condition, j'ai été lésé, spécialement par M<sup>me</sup> Marguerite, qui ne
-m'a rien donné pour les présents que je lui ai faits et pour les travaux
-que j'ai exécutés pour elle.</p>
-
-<p>Je donne sept sous de pourboire au domestique de Rodrigues; à
-maître Henri, qui m'a envoyé de savoureuses cerises, ma Passion sur
-cuivre; et au tailleur, pour la confection de mon manteau, quarante-cinq
-sous.</p>
-
-<p>Je fais accord avec un voiturier qui s'engage à me transporter d'Anvers
-à Cologne pour treize mauvais florins, dont un vaut vingt-quatre
-mauvais sous.</p>
-
-<p>Jacob Relinger me paye son portrait au charbon un ducat, et maître
-Gerhard me fait présent de deux tonneaux de câpres et d'olives; je donne
-quatre sous de pourboire à son domestique et un sou à celui de Rodrigues.
-Je fais un échange avec le beau-fils de Jacob Tomasso; il m'envoie une
-pièce d'étoffe blanche pour mon portrait de l'empereur.</p>
-
-<p>Alexandre Imhoff me prête cent florins d'or la veille de la fête de la
-Vierge. Je lui donne mon sceau et ma signature avec promesse de les
-lui rendre lorsqu'il me présentera cette pièce à Nuremberg. J'achète une
-paire de souliers pour six sous, je paye onze sous au pharmacien et trois
-sous pour des cordes. Je fais cadeau au cuisinier de Tomasso d'un philippe;
-à la jeune demoiselle, sa fille, d'un florin d'or. Je donne à la
-femme de Joost un florin, un florin à ses cuisiniers, et, en dernier lieu,
-encore deux sous.</p>
-
-<p>Tomasso m'offre une boîte du <i>meilleur thériaque</i>. Je donne dix sous à
-son valet de chambre, un sou à Pierre, trois sous au domestique de
-maître Jacob, et trois sous au messager.</p>
-
-<p>Le jour de la Visitation, comme je suis sur le point de quitter Anvers,
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXLIII"> CXLIII</a></span>
-le roi de Danemark<a id="FNanchor_128" href="#Footnote_128" class="fnanchor">&nbsp;[128]</a> m'envoie chercher en toute hâte. Je fais son portrait
-au charbon, ainsi qu'il le désirait, et aussi celui de son chambellan
-Antoni. Le roi me retient à dîner. Il se montre fort affable.</p>
-
-<p>Je recommande mon bagage à Léonard Sucher, et lui donne ma pièce
-d'étoffe blanche. Ce n'est pas ce voiturier qui m'a transporté; au moment
-du départ, je suis tombé en désaccord avec lui.</p>
-
-<p>Gerhard me donne des objets d'art italiens très-remarquables. J'ai
-chargé le <i>Vicarius</i> du transport de mes curiosités.</p>
-
-<p>Le lendemain de la Visitation, je pars pour Bruxelles par la même voie
-que le roi de Danemark, à qui j'offre les meilleures pièces de mon &oelig;uvre
-gravé. Je me suis amusé de la mine étonnée des Anversois devant la mâle
-beauté du roi de Danemark qui ne craint pas de traverser le pays de
-ses ennemis. J'ai vu l'empereur de Bruxelles venir à sa rencontre et le
-recevoir cordialement et en grande pompe. J'ai vu aussi le splendide
-banquet que l'empereur et M<sup>me</sup> Marguerite lui ont offert le lendemain.</p>
-
-<p>Je paye deux sous pour une paire de gants.</p>
-
-<p>Monsieur Antoni me donne douze florins de Horn. J'en remets deux
-au peintre qui a acheté le panneau pour le portrait et qui a fait broyer
-mes couleurs. Je prends les huit autres florins pour ma dépense.</p>
-
-<p>Le dimanche qui précède la Sainte-Marguerite, le roi de Danemark
-offre un grand banquet à l'empereur, à dame Marguerite et à la reine
-d'Espagne. Il m'invite, je dîne au palais et je donne douze sous au cuisinier
-du roi.</p>
-
-<p>Je fais le portrait du roi à l'huile, il me le paye trente florins. Je donne
-deux sous au jeune Bartholomé qui a broyé mes couleurs, quatre demi-feuilles
-au domestique de maître Jean, et une Apocalypse à son rapin.</p>
-
-<p>Polonius me fait cadeau d'une belle &oelig;uvre d'art italienne.</p>
-
-<p>Le tailleur de maître Joost m'ayant invité, je mange avec lui le soir.</p>
-
-<p>Je passe huit jours à Bruxelles et je dépense vingt-deux sous pour
-mon logement. Je donne une Passion à la femme de l'orfévre Jean. J'avais
-dîné trois fois chez lui. Je fais cadeau à Bartholomé, le domestique du
-peintre, d'une Vie de la Vierge.</p>
-
-<p>Je dîne avec Nicolas Zigler et je donne quinze sous à Jean le domestique.</p>
-
-<p>Je me suis retenu deux jours à Bruxelles par la faute de ma voiture.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_CXLIV"> CXLIV</a></span>
-Enfin, le vendredi matin, je quitte Bruxelles, je dois donner dix florins
-au voiturier. Je paye à mon hôtesse, pour cette seule nuit, cinq sous.</p>
-
-<p>Nous traversons deux villages et arrivons à Louvain, où nous dépensons
-treize sous pour notre repas. De là nous allons à Tirlemont, petite
-ville où nous passons la nuit; ma dépense s'élève à huit sous.</p>
-
-<p>Le jour de sainte Marguerite, de bon matin, nous partons et après
-avoir traversé deux villages nous nous arrêtons dans la ville de Saint-Trond,
-où l'on bâtit une très-belle tour; nous traversons ensuite des
-endroits assez misérables et nous nous trouvons à Tongres, où nous
-déjeunons pour six sous. De là, en passant par des villages plus pauvres
-encore, nous arrivons à Maëstricht, où nous couchons. Nous dépensons
-douze sous et deux blancs pour droits de garde.</p>
-
-<p>Le dimanche matin, nous nous rendons à Aix, où nous mangeons assez
-bien pour quatorze sous. De là nous mettons six heures pour arriver à
-Altenburg, où nous sommes obligés de passer la nuit, car le voiturier
-s'est perdu plusieurs fois.</p>
-
-<p>Le lundi, nous traversons Juliers, nous dînons à Berchem pour trois
-sous, et nous partons pour Cologne.</p>
-
-<p class="space">Ici s'arrête le journal d'Albert Dürer. Il n'a pas pris de notes en
-route depuis Cologne, peut-être parce qu'il a précipité son retour, peut-être
-aussi parce que son voyage n'a été marqué par aucun incident digne
-d'être raconté.</p>
-
-<div class="topspace figcenter">
-<img src="images/illus_150.jpg" width="175" height="172" alt="" title="" />
-</div>
-
-<p><span class="pagenum"><a id="Page_CXLV"> CXLV</a></span></p>
-
-<h2 class="normal">TABLE.</h2>
-<table id="ToC" summary="contents">
-<tr>
-<td>&nbsp;</td>
-<td class="tdr">Pages.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl"><span class="cap">I</span><span class="smallc">NTRODUCTION</span></td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_IX">IX</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Lettres d'Albert Dürer à Bilibald Pirkeimer</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_LI">LI</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Journal du voyage d'Albert Dürer dans les Pays-Bas</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_LXXXI">LXXXI</a></td>
-</tr>
-</table>
-
-<p><span class="pagenumh"><a id="Page_CXLVI"> CXLVI</a></span>
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXLVII"> CXLVII</a></span></p>
-
-<h2 class="normal">GRAVURES.</h2>
-<table id="gravures" summary="contents">
-<tr>
-<td>&nbsp;</td>
-<td class="tdr">Pages.</td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Portrait d'Albert Dürer</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_I">I</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Fac-simile d'une médaille attribuée à Albert Dürer, de la collection de M. Niel</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_IX">IX</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Le grand Cheval</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_XV">XV</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Pfenning gravé par Albert Dürer pour Martin Luther</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_XXVI">XXVI</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Les Armoiries de la tête de mort</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_XXXII">XXXII</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">La Sainte Trinité, dessin d'Albert Dürer, collection de M. Reiset. (Gravure
-hors texte.)</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_XXXIX">XXXIX</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Les Cavaliers hongrois,</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_XLI">XLI</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Tombeau d'Albert Dürer à Nuremberg</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_XLV">XLV</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Les trois Génies</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_XLVIII">XLVIII</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Portrait de Bilibald Pirkeimer. (Gravure hors texte.)</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_LI">LI</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Le petit Crucifix</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_LI">LI</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Rébus</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_LV">LV</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Fac-simile d'un dessin d'ornement par Albert Dürer, de la collection de
-M. Gatteaux</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_LVI">LVI</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">La Vierge au singe</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_LXIV">LXIV</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Caricature par Albert Dürer</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_LXX">LXX</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">La Dame à cheval</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_LXXII">LXXII</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Cachet, principaux monogrammes, écriture et signature d'Albert Dürer</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_LXXVII">LXXVII</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Lettre. A</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_LXXXI">LXXXI</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Système pour pourtraire trouvé par Albert Dürer</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_LXXXVIII">LXXXVIII</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">La Sépulture</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_LXXXIII">LXXXIII</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">La Mélancolie</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_XCIII">XCIII</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Sainte Véronique</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_XCVII">XCVII</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">La Nativité</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_CI">CI</a>
-<span class="pagenum"><a id="Page_CXLVIII"> CXLVIII</a></span></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Le Christ faisant ses adieux à sa Mère</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_CVII">CVII</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Samson tuant le lion</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_CIX">CIX</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Portrait de Gaspard Sturm; dessin de la collection de M. F. Reiset</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_CXIII">CXIII</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Un Bourgeois d'Anvers, collection de M. Ambroise-Firmin Didot. (Gravure
-hors texte)</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_CXIX">CXIX</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Le Mariage de la Vierge</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_CXXI">CXXI</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Décollation de saint Jean-Baptiste</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_CXXIX">CXXIX</a></td>
-</tr>
-<tr>
-<td class="tdl">Le Seigneur et la Dame</td>
-<td class="tdr"><a href="#Page_CXXXVI">CXXXVI</a></td>
-</tr>
-</table>
-
-<div class="chapter">
-<div class="footnotes">
-<h2 class="normal">NOTES:</h2>
-<div class="footnote">
-
-<p><a id="Footnote_1" href="#FNanchor_1" class="label">[1]</a> Albert Dürer fit une grande quantité de dessins fort remarquables, mais
-ses tableaux se comptent, on sait où les rencontrer tous; ils sont dans les
-musées publics ou chez des particuliers qui se font une fête de les montrer
-aux étrangers.</p>
-
-<p>Voici un petit catalogue rédigé, par ordre chronologique, d'après nos
-notes de voyage; il n'a pas d'autre prétention que d'être d'une scrupuleuse
-exactitude et de donner au lecteur le moyen de trouver, sans les chercher,
-les chefs-d'&oelig;uvre du maître.</p>
-
-<p>Nous ne parlerons ici que pour mémoire du portrait d'Albert Dürer qui
-est conservé précieusement à Vienne dans la collection Albertine;&mdash;ce portrait,
-d'une grâce et d'une naïveté délicieuses, est exécuté à la pointe d'argent
-sur papier teinté.&mdash;Il porte cette inscription, écrite par l'artiste lui-même:
-«J'ai dessiné ceci d'après moi, dans un miroir, en 1484, quand j'étais encore
-enfant.</p>
-
-<p class="signature">«<span class="smallc">Albert Durer.</span>»</p>
-
-<p>Il avait donc 13 ans à peine, et il était encore apprenti orfévre; c'est en
-1486 seulement qu'il fit son entrée dans l'atelier de maître Wohlgemuth.</p>
-
-<p>La première peinture d'Albert Dürer qui soit parvenue jusqu'à nous, est le
-portrait de son père. On la voit dans la pinacothèque de Munich, cabinet VII,
-sous le numéro 128, avec cette légende: «J'ai peint ce tableau d'après la
-personne de mon père, lorsqu'il avait 70 ans. Albert <span class="smallc">Durer</span> l'aîné.»</p>
-
-<p>Puis viennent le célèbre monogramme et la date 1497.</p>
-
-<p>Il fit deux fois son propre portrait en 1498: l'un est à Florence, il a été
-gravé par Hollar et par Édelinck; l'autre est à Madrid, au <i>museo del Rey</i>. Dans
-ce dernier portrait, son visage est un peu maigre et un peu long, mais fort
-beau et fort distingué. Ses grands yeux bleus, sa barbe naissante, ses cheveux
-blonds qui s'échappent en grosses boucles d'un bonnet pointu, son costume
-blanc et noir théâtralement drapé lui donnent un aspect à la fois étrange et
-charmant. (Voir à la 1<sup>re</sup> page de ce livre.)</p>
-
-<p>En 1499, il a peint le portrait d'Oswald Krel, qui est à Munich, cabinet VII,
-sous le numéro 120.</p>
-
-<p>En 1500, il a fait le portrait d'un jeune homme, peut-être Joannes Dürer,
-son frère (Munich, cabinet VII, n<sup>o</sup> 147), et aussi son propre portrait. Ce n'est
-plus le même homme que l'on a vu à Madrid; sa barbe est plus touffue,
-son visage est plus mâle, son front est déjà un peu soucieux, son costume
-surtout est changé de fond en comble; le bariolage blanc et noir est remplacé
-par une fourrure de prix. On reconnaît en lui le chef d'une illustre école de
-peinture, et on voit jusqu'à quel point Camerarius a raison lorsqu'il dit:
-«Non-seulement Albert Dürer était beau, mais il était très-fier de sa beauté, et
-il ne négligeait rien pour la faire ressortir.» Ce portrait est fort remarquable,
-il ne peut être comparé qu'à celui qu'il a fait plus tard de son vénérable
-maître Wohlgemuth, et qui est dans le même musée.</p>
-
-<p>Nous trouvons dans la galerie du Belvédère, à Vienne, avec la date de 1503,
-une <i>Sainte Vierge et l'Enfant Jésus</i>, deux têtes, deux chefs-d'&oelig;uvre.</p>
-
-<p>En 1504, Albert Dürer grava sans doute plus qu'il ne peignit, car nous ne
-connaissons qu'un seul tableau qui porte cette date, c'est un <i>Marius sur les
-ruines de Carthage</i>. Le grand homme est assis près d'une colonne brisée; il
-jette un long regard triste sur cette ville autrefois si superbe, et il se dit sans
-doute que les destinées des hommes et des empires sont souvent les mêmes:
-plus ils sont puissants, plus leur chute est imminente. Ce tableau est surtout
-remarquable par la couleur.</p>
-
-<p>C'est en 1506 qu'il fit son voyage à Venise, où il peignit, outre le <i>Saint Bartholomé</i>,
-dont il parle dans sa première lettre à Pirkeimer, un <i>Christ avec les
-Pharisiens</i>, qu'il termina en cinq jours, et une <i>Sainte Vierge couronnée par les
-anges</i>. Albert Dürer ébauchait ce dernier tableau, lorsque Giovanni Bellini vint
-le voir dans son atelier: «Mon cher Albert, lui dit-il, voudriez-vous me
-rendre un grand service?&mdash;Certainement, dit le peintre nurembergeois, si ce
-que vous me demandez est en mon pouvoir.&mdash;Parfaitement, répondit Bellini,
-faites-moi présent d'un de vos pinceaux, de celui qui vous sert à peindre les
-cheveux de vos personnages.» Dürer prit une poignée de pinceaux absolument
-semblables à ceux dont se servait Bellini, et les lui offrant: «Choisissez,
-dit-il, celui qui vous plaît, ou les prenez tous.» Le peintre italien,
-croyant à une méprise, insista pour avoir un des pinceaux avec lesquels il
-exécutait les cheveux. Pour toute réponse, Albert Dürer s'assit et peignit
-avec l'un d'eux, le premier qui lui tomba sous la main, la chevelure longue et
-bouclée de la <i>Vierge aux anges</i> avec une telle sûreté de main, que son ami
-resta stupéfait de sa facilité.</p>
-
-<p>Nous trouvons dans la galerie du Belvédère, à Vienne, une toile datée de
-1507. C'est le portrait d'un jeune homme inconnu, dont les traits sont d'une
-très-grande beauté.</p>
-
-<p>1508 nous donne un des tableaux les plus célèbres du maître, la <i>Légende
-des dix mille saints martyrisés sous le roi de Perse Sapor II</i>. Malgré la multiplicité
-des personnages et le beau fini des détails, Albert Dürer le peignit en
-un an pour le duc Frédéric de Saxe; plus tard il devint la propriété du prince
-Albert, qui l'offrit au cardinal de Granvelle. Je n'ai trouvé nulle part comment
-il devint la propriété de l'empereur d'Autriche. Tout ce que je puis dire, c'est
-qu'il est depuis longtemps déjà à Vienne, au Belvédère (salle 1<sup>re</sup>, n<sup>o</sup> 18), où il
-excite une juste admiration.&mdash;Au milieu de la toile, on aperçoit Albert Dürer
-et son Pylade Bilibald Pirkeimer; tous deux sont vêtus d'habits noirs et suivent
-avec intérêt les péripéties du drame terrible qui se déroule devant eux: leur
-attitude est calme et digne; l'artiste tient à la main un petit drapeau sur lequel
-on lit l'inscription suivante: <i>Ista faciebat anno Domini, 1508, Albertus Dürer
-Alemanus</i>.</p>
-
-<p>Il y a, dans la galerie de Schleissheim, une répétition de cette toile.
-Un an avant d'exécuter la <i>Légende des dix mille martyrs</i>, l'artiste en avait fait
-un croquis à la plume. C'est le prince royal de Suède qui est l'heureux possesseur
-de ce petit chef-d'&oelig;uvre.</p>
-
-<p>Albert Dürer peignit l'<i>Ascension de la Vierge</i> pour Jacques Heller, de Francfort;
-il se représenta au second plan, appuyé sur une table qui portait son
-nom et la date 1509. Je dis qui portait, car cette belle toile a été détruite
-dans le terrible incendie du château de Munich. Le fameux tableau l'<i>Adoration
-des rois mages</i>, que l'on voit à Florence, porte aussi la date de 1509. C'est une
-&oelig;uvre du plus haut style, malgré son aspect un peu étrange. En effet, on a
-peine à garder son sérieux devant ses rois d'Orient, vêtus comme des gentilshommes
-allemands du commencement du <span class="smallc">XVI</span><sup>e</sup> siècle.</p>
-
-<p>Suivant les errements de tous les peintres, ses prédécesseurs, Albert Dürer
-ne se souciait pas du costume, il habillait ses personnages à la mode de son
-époque et de son pays.</p>
-
-<p>Revenons au Belvédère, nous ne perdrons pas nos pas, car nous nous trouverons
-en face d'une des plus belles pages du maître, <i>la Trinité</i>. Il fit ce chef-d'&oelig;uvre
-pour une église de Nuremberg, d'où on la porta à Prague; ensuite elle
-passa à Vienne, où on la voit encore. En haut, au milieu de la toile, Dieu le père
-presse entre ses bras le Christ attaché à la croix; le Saint-Esprit plane sur sa tête;
-deux séraphins tiennent le manteau de Jéhovah, tandis que plusieurs anges
-voltigent autour d'eux, portant les instruments de la Passion. A gauche, on
-aperçoit des saintes conduites par la Vierge; à droite, des saints conduits
-par saint Jean-Baptiste; au-dessous, une troupe d'élus de tous les états et de
-toutes les races se tiennent debout sur des nuages et rendent des actions de
-grâces au Créateur. A la droite du spectateur, on aperçoit Albert Dürer lui-même,
-vêtu d'un riche manteau fourré; il tient dans la main gauche un écusson
-sur lequel on lit: <i>Albertus Durer Noricus faciebat anno Virginis partu 1511</i>.</p>
-
-<p>Un beau paysage, baigné par un lac transparent, occupe le bas de la toile.</p>
-
-<p>1511 nous donne un autre tableau qui ne vaut pas le précédent, il s'en faut;
-c'est une <i>Vierge allaitant l'enfant Jésus</i>, que l'on trouve au musée royal de
-Madrid. On peut reprocher à la mère du Sauveur de n'être qu'une bonne bourgeoise
-de Nuremberg, mais on doit reconnaître que la toile est d'un bel effet
-et d'un bon coloris.</p>
-
-<p>1512 ne nous apporte qu'un tableau que l'on voit à Vienne, au Belvédère,
-c'est une <i>Madone</i> qui se ressent du séjour du maître en Italie. La robe bleue
-de la Vierge est d'une couleur très-intense, trop intense peut-être; elle écrase
-un peu les chairs qui sont un peu pâles; l'enfant nu que la Madone tient sur
-ses genoux est remarquablement beau.</p>
-
-<p>Le musée du roi, à Madrid, renferme un <i>Calvaire</i> daté de 1513, qui peut
-rivaliser avec les meilleurs morceaux d'Albert Dürer. Ce n'est guère qu'un
-tableau de chevalet. Mais les &oelig;uvres de génie ne se mesurent pas au mètre.</p>
-
-<p>En 1515, il fit à la plume les dessins du célèbre livre de prières destiné à
-l'empereur Maximilien. Aucun de ces nombreux petits chefs-d'&oelig;uvre ne ressemble
-à son voisin: les uns sont sérieux, les autres spirituels, tous sont admirables,
-et c'est toujours celui que l'on a sous les yeux qui paraît le meilleur.
-Ce livre unique est à Munich, dans la bibliothèque de la Cour.</p>
-
-<p>De tous les portraits d'Albert Dürer, le plus beau sans contredit est celui
-qu'il a fait en 1516, d'après la <i>ressemblance</i> de son vieux maître, Michel Wohlgemuth.
-Cette &oelig;uvre pieuse est conservée à la pinacothèque de Munich,
-cabinet VII, sous le numéro 139; elle est peinte sur un fond vert uni et porte
-cette singulière légende: «Albert Dürer a fait ce portrait en 1516, d'après la
-ressemblance de son maître, Michel Wohlgemuth, qui était âgé de 82 ans et
-qui a vécu jusqu'en 1519. Il est mort le jour de la Saint-André, avant le
-lever du soleil.»</p>
-
-<p>A l'âge de quatre-vingt-deux ans maître Wohlgemuth avait encore l'air intelligent,
-mais il ressemblait plutôt à un moine qu'à un grand artiste.</p>
-
-<p>La <i>Lucrèce</i> que nous trouvons à la pinacothèque de Munich, dans la
-deuxième salle, sous le numéro 93, passe pour être le portrait de sa femme.
-On se trompe évidemment; Agnès Frey était belle et distinguée, et cette
-Lucrèce est laide et sans distinction. La même année, Albert Dürer a peint une
-<i>Vierge tenant son fils sur ses genoux</i>. L'Enfant divin porte au cou un collier
-d'ambre jaune, et sur une table verte on aperçoit un citron coupé qui fait
-pâmer d'aise tous les réalistes. La Mère du Sauveur est aussi belle que les
-plus belles Vierges de Raphaël.&mdash;Ce tableau est à Vienne, au Belvédère à
-côté d'un superbe portrait de l'empereur Maximilien I<sup>er</sup>, daté de 1519.</p>
-
-<p>En 1520, Albert Dürer entreprend son voyage dans les Pays-Bas. Chemin
-faisant, il dessine sur un album qu'il emporte toujours avec lui les personnages
-et les objets qui lui semblent intéressants. Ce précieux album a été vendu en
-détail; nous en avons vu quelques feuillets qui appartiennent à un amateur
-distingué, M. Ambroise-Firmin Didot. Ils nous ont laissé le regret de ne pas
-connaître les autres.</p>
-
-<p>Dans la pinacothèque de Munich, cabinet VII, numéro 127, nous trouvons
-<i>Siméon et l'évêque Lazare</i>, un petit tableau charmant qui porte la date de 1523,
-et qui cependant est peint sur un fond d'or, dans le style de l'école de Cologne.
-A la même date, nous avons non-seulement un magnifique portrait
-d'homme peint à la détrempe sur toile, que l'on suppose être Jacques Frugger,
-mais encore trois des meilleurs tableaux du maître: 1<sup>o</sup> une <i>Descente de croix</i>,
-fort bien composée et d'une vérité qui vous fait froid au c&oelig;ur; 2<sup>o</sup> une <i>Nativité
-dans la crèche</i>, où l'on voit sainte Marie et saint Joseph adorer l'enfant Jésus
-entouré d'un groupe de chérubins, tandis que d'autres anges vont annoncer
-la bonne nouvelle aux bergers. Cette <i>Nativité</i> formait le centre d'un triptyque
-dont on a détaché les volets qui contenaient les portraits en pied des frères
-Baumgartner, dont Albert Dürer parle souvent dans ses lettres à Pirkeimer;
-3<sup>o</sup> la <i>Sainte Trinité</i>, qui appartient à un habitant d'Augsbourg. C'est un beau
-tableau largement peint et fort bien conçu.</p>
-
-<p>Le musée Van Ertborn, d'Anvers, possède une magnifique grisaille; c'est le
-portrait de l'électeur Frédéric III, de Saxe, conforme à la gravure qu'Albert
-Dürer en a faite en 1524 et qui porte son monogramme si connu.</p>
-
-<p>1526 nous apporte trois pages superbes. On voit la première à Aix-la-Chapelle;
-c'est un Christ qui fait ses adieux à sa Mère.</p>
-
-<p>On voit la seconde à Vienne, dans la galerie du Belvédère; c'est le portrait
-d'un certain Johann Kleeberger, dont les grands yeux noirs et le teint mat sont
-très-poétiques. Il serait très-beau s'il avait un nez, mais ce détail lui manque
-presque absolument. Ce Kleeberger épousa Felicitas Pirkeimer, la fille de l'ami
-de Dürer. En 1532, deux ans après la mort de sa femme, il s'établit à Lyon
-où on ne l'appela bientôt que <i>le bon Allemand</i>, à cause du bien qu'il faisait
-aux pauvres. Lorsqu'il mourut, en 1546, ses compatriotes d'adoption lui élevèrent,
-sur le roc de Bourgneuf, une statue en bois, qui fut remplacée en 1849
-par une statue en pierre, due au ciseau de M. Bonnaire.</p>
-
-<p>La troisième est le portrait d'un des ancêtres de M. le conseiller et docteur
-Rodolphe Holzschuler, chef d'une illustre famille de Nuremberg, qui le montre
-aux étrangers avec une grâce parfaite. Son aïeul a cinquante-sept ans environ;
-mais malgré ses cheveux blancs, il a l'air fort jeune. Ce portrait est un chef-d'&oelig;uvre.</p>
-
-<p>Il ne nous reste plus qu'à parler des tableaux qui n'ont pas de date certaine.
-Parmi ceux-là nous trouvons, à Venise, le célèbre <i>Ecce Homo</i> qui doit
-avoir été peint en 1505 ou en 1506.&mdash;A Vienne, dans la galerie de Fries, la
-<i>Mort de la Vierge</i>. La tête de la mère du Christ est le portrait fidèle de Marie de
-Bourgogne, première femme de Maximilien. Au second plan, on reconnaît
-l'empereur, son fils et un grand nombre de contemporains célèbres. La beauté
-de la couleur, le fini des détails et la ressemblance des personnages historiques
-donnent un grand attrait à cette admirable peinture.&mdash;A Florence, dans la galerie
-des Offices, la <i>Madone avec l'Enfant</i>. Ce tableau est mal placé; cependant
-on remarque la grâce et la beauté de la Vierge: on jurerait une de ces belles
-toiles de Jules Romain ou de son illustre maître. A Schleissheim, <i>la Vierge,
-sainte Anne et l'Enfant Jésus endormi</i>, tableau d'une exécution irréprochable,
-et une <i>Mater dolorosa</i> debout, les mains jointes.&mdash;Citons encore un <i>Ecce Homo</i>
-qui, pour ne pas valoir celui de Venise, n'est pas moins une fort belle chose
-dont la chapelle de Moritz, de Nuremberg, peut tirer grande vanité.&mdash;<i>Hercule
-tuant les Harpies</i> est un tableau peint à la détrempe; il en reste juste assez
-pour faire voir qu'il a été superbe et combien on doit le regretter.&mdash;Les <i>Bustes
-des empereurs Charles et Sigismond</i>, du château de Nuremberg, belles figures
-puissantes et majestueuses, peintes avec une grande sûreté de main.&mdash;Dans
-la galerie de Schleissheim, le <i>Portrait d'un jeune savant</i>, bon ouvrage exécuté à
-la détrempe, infiniment mieux conservé que l'<i>Hercule</i> dont nous avons déploré
-la fin prématurée.&mdash;A Anvers, au musée Van Ertborn, une <i>Mater dolorosa</i>.
-La Vierge, vêtue d'un manteau vert, est assise les mains jointes. Ce tableau
-est très-beau, très-fini, d'une couleur très-intense et d'une conservation parfaite;
-Otto Mündler l'attribue à Altdorfer. Il est peut-être d'Albert Dürer; les
-hommes distingués qui ont rédigé le livret du musée d'Anvers se contentent
-de dire qu'il appartient à l'école allemande. En Espagne ou en Italie on le
-donnerait sans hésiter à Albert Dürer. En Belgique, dans le doute, on s'abstient
-toujours, ce qui est à la fois plus honnête et plus habile.</p>
-
-<p>Faut-il parler ici des peintures dont le musée de Saint-Pétersbourg gratifie
-trop généreusement Albert Dürer? Comme elles n'ont pas sur elles leur extrait
-de naissance ou leur passe-port, ce qui n'est pas toujours la même chose, nous
-aimons mieux les oublier pour n'avoir pas à les débaptiser.</p>
-
-<p>La bibliothèque Ambroisienne de Milan possède la <i>Conversion de saint
-Eustache</i>, dont Albert Dürer a fait une de ses plus belles gravures.</p>
-
-<p>A Rome, il y a un tableau de Dürer, où il nous montre des <i>Avares</i> repoussants,
-à force d'être vrais, et une copie de l'<i>Adoration des rois</i>, que l'on
-voit à Florence. Tout le monde croit qu'elle est faite par un des bons élèves de
-Dürer. Le directeur du musée seul déclare avec assurance que c'est un original.
-Dans trois ans, si Dieu prête vie à ce galant homme, ce que je désire de tout
-mon c&oelig;ur, il assurera avec le même aplomb que le tableau de Florence est
-une simple contrefaçon;&mdash;trois ans plus tard, il nommera l'élève de Dürer
-qui l'a fait d'après celui de Rome; il dira, si on l'exige, combien de temps
-il a employé à ce travail, où il était logé, ce qu'il mangeait à ses repas, et il
-ne croira pas mentir. Rien ne peut être comparé à l'imagination d'un propriétaire
-de tableaux. Et un directeur de musée n'est-il pas propriétaire de
-tous les tableaux qu'il a sous sa garde?</p>
-
-<p>Nous trouvons, à Turin, une <i>Déposition de croix</i> d'une belle couleur, et un</p>
-<i>Ermite en prière</i>, qui pourrait bien être de Heinrich Aldegr&oelig;ver.
-
-<p>Dans la galerie du prince de Liechtenstein, à Vienne, il y a deux volets de
-triptyque dont le panneau central est absent: ce sont deux portraits en pied
-qui ne manquent pas de majesté et une petite esquisse à peine ébauchée,
-vrai chef-d'&oelig;uvre de naïveté.</p>
-
-<p>A Dresde, on montre un portrait que l'on assure être celui de Lucas de Leyde,
-qu'Albert Dürer a fait à Anvers, en 1520, et dont il parle dans ses notes de
-voyage.&mdash;Un <i>Portement de croix</i> en figurines et en grisailles, et un <i>Lapin</i> à la
-gouache sur parchemin, d'une vérité parfaite;&mdash;il amuse beaucoup les enfants,
-les grandes personnes se contentent de l'admirer.</p>
-
-<p>Nous trouvons dans le musée de Madrid deux <i>allégories</i> philosophiques et
-chrétiennes peintes sur des panneaux longs et étroits. Comme dans l'un et
-dans l'autre la mort joue le rôle principal, on prétend qu'ils ont été commandés
-par un seigneur du temps qui avait le spleen.</p>
-
-<p>Et enfin les apôtres Pierre et Jean, Paul et Marc, que l'on admire à Munich,
-salle première, sous les numéros 71 et 76. Ils ne portent aucune date, mais le
-livret de la pinacothèque nous apprend qu'ils ont été faits en 1527, c'est-à-dire
-un an avant la mort d'Albert Dürer. Ces quatre apôtres pourraient être signés:
-Raphaël ou Fra Bartholomeo. Quelle élévation de style, quelle grandeur imposante
-et quelle noblesse! On les reconnaît, ce sont bien eux qui ont porté
-la parole du Christ par la terre entière. En peignant l'apôtre saint Jean, Albert
-Dürer lui a donné la belle et sympathique figure de Schiller. On dirait que le
-grand peintre a pressenti la venue du grand poëte et qu'il a voulu d'avance
-faire son portrait.</p>
-
-<p>On remarquera sans doute que nous n'avons pas cité une seule fois
-Paris dans ce rapide travail; c'est qu'en effet notre musée impérial, qui contient
-quelques beaux dessins du Raphaël de l'Allemagne, n'a pas une seule de ses
-admirables peintures. Je n'accuse personne, je sais combien notre surintendant
-est artiste; je sais aussi, sans qu'il me l'ait dit, avec quelle joie il payerait, non
-pas au poids de l'or, ce serait trop bon marché, au poids du rubis, un tableau
-qui porterait la signature d'Albert Dürer ou son célèbre monogramme. Mais
-ceux qui ont le bonheur de posséder ces inimitables chefs-d'&oelig;uvre les gardent.
-Il lui serait facile de se procurer quelques-unes des innombrables contrefaçons
-que l'on fabrique par un procédé qui est d'une déplorable simplicité;
-le voici: on colle sur une plaque de cuivre une gravure du maître, on la met
-en couleur; on a soin de respecter le monogramme; on la vernit, on l'envoie
-en Hollande, d'où elle revient sans toucher terre; on la conduit à l'hôtel Drouot,
-où on la sert aux banquiers enrichis en un jour qui se font une galerie en une
-heure.</p>
-
-<p>Si notre surintendant n'était pas lui-même un artiste distingué, il se laisserait
-prendre à ce piége, car il est quelquefois assez vraisemblablement ourdi, et
-nous aurions, comme quelques musées étrangers, une demi-douzaine d'Albert
-Dürer. Mais combien nous préférons l'absence du chef de l'école nurembergeoise
-à ces toiles douteuses qui font hausser les épaules aux vrais connaisseurs!
-Il y a encore assez de tableaux authentiques d'Albert Dürer dans les
-mains des particuliers, pour qu'un bon vent nous en amène un; s'il faut le
-payer cher, on le payera cher!</p>
-
-<p>Les musées de province ne sont guère plus riches que celui de Paris. Cependant
-Lyon a un <i>ex-voto</i> de l'empereur Maximilien signé du portrait de
-Dürer lui-même, et Limoges un magnifique tableau peint sur fond d'or.</p>
-
-<p>Dans la relation de son voyage en Flandre, Albert Dürer passe en revue
-la plus grande partie de ses gravures. Nous compléterons, chemin faisant, les
-renseignements qu'il donne lui-même, et nous prierons le lecteur qui voudra
-de plus amples détails de consulter l'<i>Abecedario de Mariette</i>, publié et annoté
-par MM. de Chenevières et de Montaiglon, M. Charles Blanc, qui parle longuement
-et savamment de l'&oelig;uvre gravé d'Albert Dürer dans son admirable
-<i>Histoire des peintres</i>, Heller, qui a corrigé Bartsch, M. Passavant, qui a corrigé
-Heller, et M. Émile Galichon qui, lui, n'a voulu corriger personne, et a pourtant
-écrit un fort bon ouvrage sur les gravures d'Albert Dürer.</p>
-
-<p>Nous l'avons dit, Albert Dürer ne fut pas seulement peintre et graveur, il
-embrassa tous les arts et excella dans tous. Il fut orfévre, mais aucun de ses
-travaux n'est resté. Sandrart nous apprend qu'il a ciselé sept sujets de la Passion,
-mais il ne les a pas vus.</p>
-
-<p>On lira dans le <i>Voyage en Flandre</i> qu'il fit beaucoup de dessins pour les
-orfévres. On verra, dans la même relation, qu'il s'occupa aussi d'architecture;
-entre autres travaux, il dessina au lavis le plan d'une maison pour le médecin
-de dame Marguerite, et le British Museum possède le plan d'une fort belle fontaine
-qu'il a dessiné à la plume; malheureusement, cette fontaine est restée
-à l'état de projet.</p>
-
-<p>Il fut aussi ingénieur comme Léonard de Vinci et Michel-Ange. C'est lui qui
-dirigea les travaux de fortifications de la ville de Nuremberg.</p>
-
-<p>Comme sculpteur, on lui donne: 1<sup>o</sup> un petit bas-relief en pierre, représentant
-la naissance de saint Jean-Baptiste (il est conservé au British Museum);
-2<sup>o</sup> deux statuettes, Adam et Ève (au musée de Gotha); 3<sup>o</sup> deux madones, bas-reliefs
-sculptés en bois; deux femmes nues, vues l'une de face, l'autre de
-dos, bas-reliefs en marbre (à Munich); 4<sup>o</sup> un saint Jean prêchant dans le
-désert, bas-relief (à Brunswick); 5<sup>o</sup> divers ouvrages exécutés en ivoire et en
-bois (à Dresde, dans la collection des Grünes Gewölbe); 6<sup>o</sup> une arquebuse
-(à Vienne); 7<sup>o</sup> plusieurs bas-reliefs en bois et en pierre lithographique, avec
-le monogramme d'Albert Dürer (à Paris, au Louvre, et à Bruges, au séminaire).
-Mais nous n'acceptons la plus grande partie de ces ouvrages que sous
-bénéfice d'inventaire. Les numismates lui attribuent aussi plusieurs médailles.</p>
-
-<p>Voici un pfenning qu'il grava pour Martin Luther:</p>
-
-<p>Le premier livre d'Albert Dürer est intitulé: <i>Traité de géométrie, ou Méthode
-pour apprendre à mesurer avec la règle et le compas</i>. Cet ouvrage est mûrement
-pensé et écrit clairement. On voit que l'auteur est convaincu de ce qu'il
-avance, à savoir «que la géométrie est le vrai fondement de toute peinture,
-et que, sans posséder à fond cette science, personne ne peut devenir un bon
-peintre.»</p>
-
-<p>Ce traité était fort estimé au <span class="smallc">XVI</span><sup>e</sup> siècle.&mdash;A la demande d'Agnès Frey,
-Joachim Camerarius en fit une traduction qui fut publiée à Paris, <i>ex officina
-Christiani Welcheli</i>.</p>
-
-<p><i>Sub scuto Basilensi</i> <span class="smallc">M. D. XXXV</span>.</p>
-
-<p>A la même époque, le même éditeur mit en vente une traduction latine du
-<i>Traité sur les fortifications des villes, châteaux et bourgs</i>, qu'Albert Dürer avait
-publié en 1527, et qu'il avait dédié au roi de Hongrie, Ferdinand, frère de
-Charles-Quint.</p>
-
-<p>L'ouvrage intitulé: <i>Les quatre livres des proportions humaines</i>, qui a été
-écrit en 1523, n'a été publié qu'après la mort d'Albert Dürer, par les soins de
-sa femme, qui n'a rien négligé pour en retirer un bon prix; il a aussi été traduit
-en latin par Camerarius, et en français par Loys Meygret, de Lyon. Nous
-ne dirons rien de cet ouvrage, puisqu'on peut le lire en français; il y en a un
-exemplaire à la Bibliothèque impériale. Outre les trois traités dont nous venons
-de parler, on conserve à la Bibliothèque de la Madeleine, à Breslau, un livre sur
-l'escrime qui doit être authentique. On sait combien Albert Dürer aimait
-tous les exercices du corps.</p>
-
-<p>Un ouvrage sur les proportions du cheval, qu'on lui attribue, n'est pas de
-lui, si l'on en croit Camerarius, qui est digne de foi.</p>
-
-<p><a id="Footnote_2" href="#FNanchor_2" class="label">[2]</a> &OElig;uvres de Bernard Palissy, page 10 (<i>édition Ruault</i>,&mdash;1777); dans une
-note, on lit ceci: «En 1777, les pièces capitales se vendent jusqu'à 15 et 16
-livres.» Que dirait donc l'auteur de la note, s'il savait que j'en ai vu vendre
-une, dernièrement, 1,200 francs?</p>
-
-<p><a id="Footnote_3" href="#FNanchor_3" class="label">[3]</a> Jean.</p>
-
-<p><a id="Footnote_4" href="#FNanchor_4" class="label">[4]</a> Célèbre imprimeur de Nuremberg.</p>
-
-<p><a id="Footnote_5" href="#FNanchor_5" class="label">[5]</a> Celui-ci a survécu à Albert, et fut son héritier.</p>
-
-<p><a id="Footnote_6" href="#FNanchor_6" class="label">[6]</a> Jean fut peintre du roi de Pologne.</p>
-
-<p><a id="Footnote_7" href="#FNanchor_7" class="label">[7]</a> Né à Nuremberg en 1434, mort en 1519 dans sa ville natale. On l'appelle
-généralement le Pérugin du Raphaël de l'Allemagne. Lorsque Albert Dürer entra
-chez Michel Wohlgemuth, ce peintre illustrait la <i>Chronique de Nuremberg</i>,
-livre célèbre, qui fut imprimé, pour la première fois, en 1493, par le parrain
-d'Albert, Antoine Koberger.</p>
-
-<p><a id="Footnote_8" href="#FNanchor_8" class="label">[8]</a> Cette maison ou plutôt cette cage n'est intéressante que parce qu'elle a
-été habitée par le célèbre artiste pendant la plus grande partie de sa vie, et
-qu'il y a composé presque tous ses chefs-d'&oelig;uvre.&mdash;Elle est située à l'extrémité
-de la rue Albert Dürer et porte le numéro 376. Les murs sont construits
-avec des soliveaux entre-croisés, dont les intervalles sont remplis par la maçonnerie;
-les fenêtres sont nombreuses et larges; elle est coiffée d'un énorme
-toit rouge percé d'une grande quantité de lucarnes longues et basses comme
-ses voisines, dont elle n'a pas l'air de chercher à se distinguer.</p>
-
-<p>La tradition rapporte que, sur le pignon, à la hauteur du premier étage,
-s'avançait autrefois en saillie une loge vitrée qui servait d'atelier au maître;
-elle a été démolie, parce qu'elle menaçait ruine, et on a eu le tort de ne pas la
-reconstruire.</p>
-
-<p>La ville de Nuremberg a acquis cette maison et lui a donné une noble destination
-en la réservant aux assemblées de la <i>Société Albert Dürer</i> et aux expositions
-permanentes d'objets d'art.&mdash;Les étrangers qui désirent visiter ce pieux
-souvenir historique sont fort bien accueillis par un artiste délégué, qui leur
-montre avec une grâce parfaite le rez-de-chaussée où Dürer faisait poser ses
-modèles; la grande salle du premier étage où le maître recevait ses élèves et
-ses amis, après ses longues journées de labeur, lorsque la belle Agnès l'autorisait
-à ne pas travailler le soir, ce qui était fort rare; et enfin le second étage
-où on voit la chambre à coucher d'Albert Dürer. C'est un réduit situé sur la
-cour, où le soleil n'a jamais daigné venir le saluer, et où un homme de
-moyenne taille peut à peine se tenir debout. Si j'offrais à mon domestique
-quelque chose de pareil, il m'aurait bientôt donné mon compte.</p>
-
-<p><a id="Footnote_9" href="#FNanchor_9" class="label">[9]</a> Un jour, l'empereur Maximilien fit pour Albert Dürer ce que Charles-Quint
-fit plus tard pour le Titien, et François I<sup>er</sup> pour Benvenuto Cellini, il
-maintint en équilibre l'échelle sur laquelle le peintre était monté, et dit aux
-gentilshommes de sa suite: «Vous le voyez, messieurs, le génie d'Albert
-Dürer le place même au-dessus de l'empereur.»</p>
-
-<p>Un autre jour, Albert Dürer, dessinant sur une muraille, allait devoir interrompre
-son travail, parce qu'il ne se trouvait plus assez élevé, lorsque l'empereur
-Maximilien, qui était présent, ordonna à un de ses gentilshommes de
-se poser de façon que l'artiste pût se servir de lui pour s'exhausser. Le gentilhomme
-représenta humblement qu'il était prêt à obéir, bien qu'il trouvât cette
-posture fort humiliante; il ajouta qu'on ne pouvait guère plus avilir la noblesse,
-qu'en la faisant servir de marchepied à un peintre.</p>
-
-<p>«Ce peintre, reprit l'empereur, est plus que noble par ses talents; je peux
-d'un paysan faire un noble, mais d'un noble je ne ferais jamais un artiste
-comme Albert Dürer.» Le soir même, Albert Dürer fut anobli par l'empereur,
-qui lui donna pour armes trois écussons d'argent, deux en chef et un en pointe
-sur champ d'azur.</p>
-
-<p>Nous laissons la responsabilité de ces anecdotes à Karle de Mander, qui a
-fait des comédies charmantes et des fables fort spirituelles, dont il s'est un peu
-trop souvent souvenu quand il a écrit son histoire des peintres.</p>
-
-<p><a id="Footnote_10" href="#FNanchor_10" class="label">[10]</a> Memini virum excellentem ingenio et virtute Albertum Durerum pictorem
-dicere, se juvenem floridas et maxime varias picturas amasse, seque admiratorem
-suorum operum valde lætatum esse, contemplando hanc varietatem
-in sua aliqua pictura.</p>
-
-<p>Postea se senem c&oelig;pisse intueri naturam, et illius nativam faciem intueri
-conatum esse.</p>
-
-<p>Quam cum non prorsus adsequi posset, dicebat se jam non esse admiratorem
-operum suorum ut olim, sed sæpe gemere intuentem suas tabulas et cogitare
-de infirmitate sua, etc., etc.</p>
-
-<p class="i9">(<i>Epistolæ Ph. Melancthonis.</i>, Ep. <span class="smallc">XLVII</span>, page 42.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_11" href="#FNanchor_11" class="label">[11]</a> En 1477, un patricien de Nuremberg, nommé Martin K&oelig;tzel, fit un voyage
-en Palestine. Pendant son séjour en Terre Sainte, il compta le nombre de pas
-qui séparent la maison de Pilate du Golgotha. Son dessein était de mesurer
-une distance égale, à partir de sa maison de Nuremberg jusqu'au cimetière
-Saint-Jean, et de faire sculpter, par l'illustre statuaire Kraft, sept stations dans
-l'intervalle et un calvaire avec le Christ, et les deux larrons à l'extrémité.&mdash;Qu'arriva-t-il?&mdash;Le
-patricien perdit-il la mémoire ou ses notes? On l'ignore.
-Ce que l'on sait, c'est que, revenu chez lui, il n'avait plus ses mesures. Onze
-ans après, en 1488, il entreprit un nouveau pèlerinage pour pouvoir faire de
-nouveau son calcul sur place, et au retour il fut assez heureux pour trouver
-Adam Kraft plein de vie et dans toute la force de son talent. Cette fois, il ne
-perdit pas une seconde, son &oelig;uvre pie fut exécutée et fort bien, si l'on en juge
-par les morceaux que le temps n'a pas dévorés.</p>
-
-<p><a id="Footnote_12" href="#FNanchor_12" class="label">[12]</a> Willibald ou Bilibald Pirkeimer, sénateur de Nuremberg, homme de lettres
-distingué et l'un des amis intimes d'Albert Dürer.&mdash;Il a fait son portrait sur cuivre
-en buste vu de trois quarts avec cette épigraphe: <i>Bilibaldi Pirkeymheri. effigies.
-&oelig;tatis. suæ, anno</i> L. III. <i>Vivitur. ingenio cætera. mortis erunt</i> M. D. XX. IV. Ce
-portrait admirable est celui dont nous donnons, dans ce livre, une copie exécutée
-par M. Durand, d'après une épreuve de la collection de M. Ambroise-Firmin Didot.
-Dürer a aussi peint les armoiries de Pirkeimer, deux écus soutenus par deux génies
-ailés au-dessus desquels on lit: <i>Sibi et amicis</i> P., et dans la marge du bas: Liber
-<i>Bilibaldi Pirkeimer</i>: dans celle du haut est une inscription en hébreu, une seconde
-en langue grecque et la suivante en latin: <i>Initium sapientiæ timor Domini</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_13" href="#FNanchor_13" class="label">[13]</a> Il parle certainement des Allemands qui habitent la <i>Giudecca</i> ou <i>Zuecca</i>
-(quartier des Juifs), dans l'île de <i>Spinalonga</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_14" href="#FNanchor_14" class="label">[14]</a> Il veut parler sans doute d'une communauté allemande qui existait alors à
-Venise.</p>
-
-<p><a id="Footnote_15" href="#FNanchor_15" class="label">[15]</a> C'était le <i>Martyre de saint Bartholomé</i>. Ce tableau fut acheté plus tard par le
-roi de Bohême Rodolphe II, qui le plaça dans la galerie de Prague.</p>
-
-<p><a id="Footnote_16" href="#FNanchor_16" class="label">[16]</a> Le plus jeune et le plus illustre des deux frères Bellini, le maître de Giorgion et
-du Titien.</p>
-
-<p>Il est né à Venise en 1426, il y est mort en 1516 et il y est enterré à côté de son
-frère Gentile, dans l'église des apôtres saint Jean et saint Paul.</p>
-
-<p><a id="Footnote_17" href="#FNanchor_17" class="label">[17]</a> Albert Dürer parle-t-il de Jacob Walch ou de Jacob Elsner, l'artiste universel
-dont Neudörffer dit: «Ce Jacob Elsner était un homme d'un commerce agréable que
-les patriciens recherchaient fort. Il jouait admirablement du luth et vivait dans l'intimité
-des habiles organistes Sébastien Imhoff, Guillaume Haller et Laurent Stauber. Il
-peignit leurs portraits, illumina leurs beaux livres, dessina les blasons que l'empereur
-et les rois leur avaient donnés et fit nombre d'autres petits travaux pour eux. Personne
-de son temps ne savait peindre l'or comme lui.» Le docteur Frédéric Campe croit
-qu'il est question d'Elsner. «Albert Dürer, dit-il, parlerait avec plus de respect de son
-honorable prédécesseur Jacob Walch ou le Walche.» Le respect n'a rien à faire ici.
-Albert Dürer donne son opinion sur les peintres italiens, et s'il attaque quelqu'un, c'est
-Antoine Kolb, dont le zèle amical est en effet un peu bien exagéré.</p>
-
-<p>M. Passavant déclare nettement qu'il s'agit ici d'un tableau de Jacob Walch
-qui venait, grâce à Kolb, d'obtenir une situation auprès de Philippe de Bourgogne. Il
-ajoute qu'Albert Dürer avait peut-être sollicité cette situation. Pourquoi cette supposition
-toute gratuite? L'appréciation d'Albert Dürer n'était que juste. «Jacob Walch, dit
-Jacob de Barbarj, dit le Maître au caducée, avait du talent, mais il était loin d'égaler les
-maîtres italiens.» (Voir le travail de M. Émile Galichon sur ce peintre. <i>Gazette des
-Beaux-Arts</i>, t. XI, p. 314, n<sup>o</sup> 456.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_18" href="#FNanchor_18" class="label">[18]</a> Minuit et demi de notre temps.</p>
-
-<p><a id="Footnote_19" href="#FNanchor_19" class="label">[19]</a> La mère de Dürer faisait cuire des &oelig;ufs et Hans les peignait. Cette coutume
-existe encore aujourd'hui à Nuremberg et à Prague. Ces &oelig;ufs, qui sont artistement
-peints, amusent toujours les petits enfants et même les grandes personnes.</p>
-
-<p><a id="Footnote_20" href="#FNanchor_20" class="label">[20]</a> Le premier dimanche après Pâques.</p>
-
-<p><a id="Footnote_21" href="#FNanchor_21" class="label">[21]</a> La première partie de cette lettre est écrite un peu en italien de cuisine, un
-peu en espagnol, un peu en portugais et beaucoup en patois indéchiffrable.&mdash;Pirkeimer,
-qui était un homme fort instruit, a dû rire beaucoup en la recevant.&mdash;Voici le
-texte original, original est le mot.</p>
-
-<p>«Grandissimo primo homo de mondo, woster servitor ell schiavo Alberto Dürer disi
-salus suo magnifico miser Willibaldo Pircamer my fede el aldy Wolentiri cum grando
-pisir woster sanita et grando honor el my maraweio como ell possibile star uno homo
-cosi wu contra thanto sapientissimo Tirasibuly milites non altro modo nysy una gracia
-de dio quando my leser woster littera de questi strania fysa de catza my habe thanto
-pawra et para my uno grando kosa.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_22" href="#FNanchor_22" class="label">[22]</a> Pirkeimer avait envoyé à son ami un dessin un peu intime, en effet.</p>
-
-<p><a id="Footnote_23" href="#FNanchor_23" class="label">[23]</a> Il parle de sa femme.</p>
-
-<p><a id="Footnote_24" href="#FNanchor_24" class="label">[24]</a> Eucharis Karll, prieur des Augustins.</p>
-
-<p><a id="Footnote_25" href="#FNanchor_25" class="label">[25]</a> Les quelques premiers mots de cette phrase sont écrits en italien, un peu moins
-indéchiffrable que celui que l'on trouve au commencement de la lettre précédente.</p>
-
-<p><a id="Footnote_26" href="#FNanchor_26" class="label">[26]</a> A l'époque dont parle Albert Dürer, Pirkeimer fit partie de l'ambassade qui
-fut envoyée au conseil de la Confédération souabe par la ville de Nuremberg. L'histoire
-de cette négociation est conservée dans les archives de Nuremberg sous ce titre:
-Conventions conclues entre le margrave Frédéric de Brandenbourg et l'ambassade de
-Nuremberg, etc., 1506, in-folio.</p>
-
-<p><a id="Footnote_27" href="#FNanchor_27" class="label">[27]</a> Leonardo Loredano, doge de Venise de 1500 à 1521.</p>
-
-<p><a id="Footnote_28" href="#FNanchor_28" class="label">[28]</a> Antonio Suriano.</p>
-
-<p><a id="Footnote_29" href="#FNanchor_29" class="label">[29]</a> Agnès Frey, fille d'Hans Frey de Nuremberg, épousa Albert Dürer en 1494.
-Le journal de Dürer prouve qu'il n'avait pas laissé à Nuremberg son avare et querelleuse
-femme, comme l'ont prétendu jusqu'ici ses biographes, entre autres J. Sandrart, qui l'écrit
-en toutes lettres dans le deuxième volume de l'<i>Académie allemande</i>, page 225 (<i>imprimé
-à Nuremberg en 1675</i>). Du reste, Albert Dürer, dans son journal, ne dit pas
-un mot du caractère de sa femme. Il résulte aussi de ce document qu'en 1520 il se
-rendit pour la première fois dans les Pays-Bas. Il n'avait donc pas visité précédemment
-ce pays avec l'empereur Maximilien I, comme Quadens le prétend à tort dans
-les <i>Fastes de la nation allemande</i>, page 428. S'il est vrai qu'Albert Dürer alla dans
-les Pays-Bas pour fuir des chagrins domestiques, malheureusement trop réels, il faut
-que ce voyage nouveau ait eu lieu en 1523 ou en 1524 seulement.</p>
-
-<p><a id="Footnote_30" href="#FNanchor_30" class="label">[30]</a> Georges III, sacré en 1505, mort en 1522, protecteur des arts. Albert Dürer a fait
-son portrait.</p>
-
-<p><a id="Footnote_31" href="#FNanchor_31" class="label">[31]</a> Suite de 20 estampes. Hauteur, 11 pouces; largeur, 7 pouces 9 lignes. Voir
-Bartsch, <i>le Peintre-Graveur</i>, D. VII, n<sup>o</sup> 76-95.</p>
-
-<p><a id="Footnote_32" href="#FNanchor_32" class="label">[32]</a> L'Apocalypse de saint Jean, 15 estampes. Hauteur, 14 pouces 6 lignes; largeur,
-10 pouces 3 à 6 lignes. Voir Bartsch, <i>le Peintre-Graveur</i>, 60-75.
-
-Cette &oelig;uvre gigantesque est digne de l'homme de génie qui l'a exécutée, et digne
-du livre étrange qui l'a inspirée.</p>
-
-<p><a id="Footnote_33" href="#FNanchor_33" class="label">[33]</a> Le florin d'or valait 8 fr. 60 de notre monnaie d'aujourd'hui.</p>
-
-<p><a id="Footnote_34" href="#FNanchor_34" class="label">[34]</a> Hans Wolfgang Ratzheimer vivait à Bamberg, de 1492 à 1527.</p>
-
-<p><a id="Footnote_35" href="#FNanchor_35" class="label">[35]</a> Albus, ou pfennig blanc, monnaie d'argent mise en circulation vers 1360. Sous
-l'empereur Charles IV, elle avait surtout cours dans l'électorat de Cologne et dans la
-Hesse-Cassel; elle valait 9 pfennigs. On n'en trouve plus que dans les cabinets des
-numismates.</p>
-
-<p><a id="Footnote_36" href="#FNanchor_36" class="label">[36]</a> Le fils du sellier, l'élève du père d'Albert Dürer.</p>
-
-<p><a id="Footnote_37" href="#FNanchor_37" class="label">[37]</a> On sait que du temps d'Albert Dürer, cette ville était appelée Antorff par les
-Allemands.</p>
-
-<p><a id="Footnote_38" href="#FNanchor_38" class="label">[38]</a> Le chevalier Arnold de Liere, qui fut successivement bourgmestre de l'extérieur
-et de l'intérieur, de 1506 à 1529, date de sa mort.</p>
-
-<p><a id="Footnote_39" href="#FNanchor_39" class="label">[39]</a> Cette maison, située rue des Princes, devant la cour de Liere, est aussi appelée
-la Maison Anglaise. Aujourd'hui, c'est un hôpital militaire. L. Guicciardyn dit, dans
-sa <i>Description des Pays-Bas</i>, Amsterdam 1612, page 69, qu'elle fut bâtie par le seigneur
-Aert, né de la branche noble de Liere, pour servir de résidence à Charles V.</p>
-
-<p><a id="Footnote_40" href="#FNanchor_40" class="label">[40]</a> Maître Pierre, charpentier de la ville.</p>
-
-<p><a id="Footnote_41" href="#FNanchor_41" class="label">[41]</a> Quentin Metsys, peintre fameux, né à Louvain vers 1466, mort à Anvers en 1530.</p>
-
-<p>Nous disons en 1530. En effet, il résulte d'une communication faite à M. Pierre Génard
-par le chevalier Léon de Burbure, et insérée à la page 196 de la <i>Vlamsche School</i>,
-volume de 1857, que maître Quentin Metsys est décédé entre le jour de la Noël 1529 et
-la veille de cette fête 1530. C'est en cette dernière année qu'il est mort, puisqu'il avait
-assisté encore, le 8 juillet 1530, à la passation d'un acte.... (<i>Livret du musée d'Anvers</i>).</p>
-
-<p>Le célèbre ferronnier-peintre avait donc seulement 64 ans et non 84 comme on le
-croyait avant la découverte de son acte de naissance faite récemment par M. Edward
-Van Even, l'infatigable archiviste de la ville de Louvain. M. Paul Mantz, qui est à l'affût
-de tout ce qui peut donner un attrait nouveau à son <i>Histoire des peintres flamands</i>,
-publiera, j'en suis sûr, ce précieux document dans la prochaine édition de son excellent
-livre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_42" href="#FNanchor_42" class="label">[42]</a> Quentin Metsys habitait alors une maison appelée le Singe (de Simme), dans la
-rue des Tanneurs (Huidevetters-Straet, section 3, n<sup>o</sup> 1037).</p>
-
-<p>Plus tard il alla habiter la rue du Jardin dans les Arbaletriers (Schutters-hof-Straet).
-C'est cette deuxième demeure qui avait encore, en 1658, pour enseigne, un
-saint Quentin forgé en fer par maître Quentin Metsys lui-même, si l'on en croit Van
-Fornenberg.</p>
-
-<p><a id="Footnote_43" href="#FNanchor_43" class="label">[43]</a> Les places de tir étaient alors situées, les deux premières, où sont aujourd'hui
-le marché au blé et le nouveau théâtre; la troisième, près des rues des Tapissiers et du
-Jardin-du-Tir. Elles furent toutes les trois rebâties en partie par Gillibert van Schoonbeke,
-en 1552.</p>
-
-<p><a id="Footnote_44" href="#FNanchor_44" class="label">[44]</a> Le 23 décembre 1520, Charles V fit son entrée triomphale à Anvers, où se tenait
-alors le conseil de toutes les provinces, pour offrir à Sa Majesté deux cent mille couronnes
-(<i>Chronique anversoise</i>, page 14).</p>
-
-<p><a id="Footnote_45" href="#FNanchor_45" class="label">[45]</a> Orfévre et amateur de Nuremberg, né en 1504, mort en 1546, reçu de la gilde
-de Saint-Luc en 1546.</p>
-
-<p><a id="Footnote_46" href="#FNanchor_46" class="label">[46]</a> 37 estampes. Hauteur, 4 pouces 8 à 10 lignes; largeur, 3 pouces 7 lignes. Voir
-Bartsch, <i>le Peintre-Graveur</i>, 16-52.</p>
-
-<p><a id="Footnote_47" href="#FNanchor_47" class="label">[47]</a> Suite de 16 pièces gravées sur bois. Hauteur, 4 pouces 4 lignes; largeur,
-2 pouces 9 lignes. Voir Bartsch, <i>le Peintre-Graveur</i>, 3-18. Vasari dit qu'Albert Dürer
-a été à Venise pour porter plainte contre Marc-Antoine, qui avait fait et vendu des
-copies de la grande et petite Passion de Jésus-Christ. Cette assertion est fausse. Ce qui
-le prouve mieux que tous les raisonnements, c'est que les cinquante-trois pièces
-qui composent les deux séries de la Passion ont été commencées en 1507 et terminées
-en 1513, lorsque Albert était revenu depuis longtemps de Venise. S'il y a été une autre
-fois, c'est avant 1506 et non après.</p>
-
-<p><a id="Footnote_48" href="#FNanchor_48" class="label">[48]</a> Félix Hungersberg, musicien célèbre et capitaine de l'empire.</p>
-
-<p><a id="Footnote_49" href="#FNanchor_49" class="label">[49]</a> Joachim Patenier ou de Patenir, né à Dinant, vers la fin du <span class="smallc">XV</span><sup>e</sup> siècle, célèbre
-comme peintre et comme ivrogne. Il a fait quelques batailles; mais c'est comme paysagiste
-qu'il s'est illustré. Il mettait dans un coin de tous ses tableaux un petit bonhomme
-accroupi et ...... C'était le coin du maître. Albert Dürer estimait beaucoup
-sa peinture; mais il voyait avec chagrin un homme de son mérite <i>vivre misérablement
-dans la crapule</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_50" href="#FNanchor_50" class="label">[50]</a> Desiderius Erasme, né à Rotterdam le 28 octobre 1467, mort le 11 juillet 1536
-à Basel.</p>
-
-<p><a id="Footnote_51" href="#FNanchor_51" class="label">[51]</a> Peut-être le frère de Lumbardus, le peintre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_52" href="#FNanchor_52" class="label">[52]</a> <i>Imagines c&oelig;li septentrionalis.</i> Hauteur et largeur, 15 pouces 10 lignes.
-<i>Imagines c&oelig;li meridionalis.</i> Hauteur et largeur, 15 pouces 8 lignes. Voir Bartsch,
-<i>le Peintre-Graveur</i>, n<sup>o</sup> 151-152.</p>
-
-<p><a id="Footnote_53" href="#FNanchor_53" class="label">[53]</a> Nicolas Kratzer, chimiste et astronome fameux, florissait à Oxford en 1517.
-Holbein fit aussi son portrait en 1528.</p>
-
-<p><a id="Footnote_54" href="#FNanchor_54" class="label">[54]</a> Ces quelques lignes ont inspiré au grand peintre belge, Henri Leys, un tableau
-qui est un chef-d'&oelig;uvre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_55" href="#FNanchor_55" class="label">[55]</a> Cette maison existe encore aujourd'hui; elle est située, rempart des tailleurs
-de pierre, W. 4, n<sup>o</sup> 794; mais elle est entièrement défigurée. Les Focker ou Fugger
-étaient, en ce temps-là, les plus riches marchands de l'Europe. Ils étaient originaires
-d'Augsbourg et s'étaient fixés à Anvers en 1505.</p>
-
-<p><a id="Footnote_56" href="#FNanchor_56" class="label">[56]</a> L'hôtel de Portugal, situé au <i>Kipdorp</i>, W. 2, n<sup>o</sup> 1668, acheté par la ville à
-M. Gilles de Schermere, le 20 novembre 1511, et donné au facteur et consuls ordinaires
-du Portugal, «et ce tant et durant que les dicts facteur ou consuls se tiendront
-en ceste ditte ville, et que le facteur tiendra sa demeure en la ditte maison.» En
-1817, on en fit la caserne des pompiers.</p>
-
-<p><a id="Footnote_57" href="#FNanchor_57" class="label">[57]</a> Rodrigo Fernandès, très-gros commerçant, facteur de Portugal en 1528. Cette
-année, il acheta le splendide hôtel d'Immerseele, appelé plus tard le Vetkot, situé rue
-Longue-Neuve W. 2, n<sup>o</sup> 1468. Il l'acheta au seigneur Jan d'Immerseele, bailli d'Anvers
-et marquis du pays de Ryen, et à demoiselle Marie De Lannoy, sa femme. La rue
-du Marquisat qui est près de là en a pris son nom. La jolie chapelle qui existe encore
-fut bâtie par le marquis en 1496.</p>
-
-<p><a id="Footnote_58" href="#FNanchor_58" class="label">[58]</a> Conrad Meyt, né à Malines, reçu à la gilde de Saint-Luc, en 1536.</p>
-
-<p><a id="Footnote_59" href="#FNanchor_59" class="label">[59]</a> Cette estampe est gravée à l'eau-forte sur fer. Hauteur, 7 pouces 9 lignes; largeur,
-6 pouces 10 lignes. Voir Bartsch, <i>le Peintre-Graveur</i>, n<sup>o</sup> 59.</p>
-
-<p><a id="Footnote_60" href="#FNanchor_60" class="label">[60]</a> Il y a tout un poëme dans cette figure, qui revient sans cesse, et peut-être
-malgré lui, dans l'&oelig;uvre du maître. Ce sont les traits de <i>la jalousie</i> d'une grande
-quantité de ses vierges terrestres, et sans doute de ce monstre charmant, Agnès Frey,
-qu'il déteste et qu'il adore. Voir page <span class="smallc">XIV</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_61" href="#FNanchor_61" class="label">[61]</a> Gravure que l'on trouve assez facilement belle. Hauteur, 3 pouces 7 lignes;
-largeur, 5 pouces 3 lignes. Voir Bartsch, <i>le Peintre-Graveur</i>, n<sup>o</sup> 58.</p>
-
-<p><a id="Footnote_62" href="#FNanchor_62" class="label">[62]</a> Cette petite merveille que nous donnons ici est gravée au burin sec. Albert Dürer
-en avait fait tirer très-peu d'exemplaires. Aussi était-elle déjà rare de son vivant, et ne
-l'offrait-il qu'aux personnes dont il faisait grand cas.</p>
-
-<p><a id="Footnote_63" href="#FNanchor_63" class="label">[63]</a> Cette gravure, dont l'empereur Rodolphe II a fait dorer la planche, est une des
-plus fines et des plus remarquables du maître. On la nomme aussi <i>saint Hubert</i>,
-parce que l'on y voit dans une forêt un chasseur à genoux devant un cerf qui porte
-une croix lumineuse au-dessus de la tête. On croit, généralement que l'artiste a fait le
-portrait de Maximilien I<sup>er</sup>. Peut-être est-ce celui de son ami Reiter, qui ressemblait
-à l'empereur. Hauteur mesurée du côté gauche, 13 pouces 3 lignes; du côté droit,
-13 pouces seulement; largeur, 9 pouces 7 lignes. Voir Bartsch, <i>le Peintre-Graveur</i>, n<sup>o</sup> 57.</p>
-
-<p><a id="Footnote_64" href="#FNanchor_64" class="label">[64]</a> On ne trouve plus ce titre dans les catalogues de l'&oelig;uvre d'Albert Dürer; il
-s'agit ici de la <i>justice</i> ou de la <i>grande fortune</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_65" href="#FNanchor_65" class="label">[65]</a> Cette gravure, très-belle et très-rare, porte cette inscription: Albertus Dürer
-Noricus faciebat 1504. C'est la première fois que le maître signe en toutes lettres. Il a
-compris sans doute que l'&oelig;uvre est digne du grand nom qu'il se fera. Dès ce moment,
-en effet, son dessin et son exécution technique sont irréprochables. Il n'a plus ni
-dureté, ni sécheresse, il n'est plus l'élève d'aucun maître. Il est lui! Hauteur, 9 pouces
-2 lignes; largeur, 7 pouces 1 ligne. Voir Bartsch, <i>le Peintre-Graveur</i>, n<sup>o</sup> 1.</p>
-
-<p><a id="Footnote_66" href="#FNanchor_66" class="label">[66]</a> Voir page <span class="smallc">CL</span>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_67" href="#FNanchor_67" class="label">[67]</a> Le Christ expirant sur la croix. On dit que cette estampe a été gravée sur le
-pommeau de l'épée de l'empereur Maximilien. C'est un petit chef-d'&oelig;uvre extrêmement
-rare.</p>
-
-<p><a id="Footnote_68" href="#FNanchor_68" class="label">[68]</a> Agent d'une maison de commerce du royaume à Bruxelles.</p>
-
-<p><a id="Footnote_69" href="#FNanchor_69" class="label">[69]</a> Rogier de Bruges, ou plutôt Rogier van der Weyden, peintre, né à Bruxelles,
-suivant les uns, à Tournay, suivant les autres, vers 1400, et mort à Bruxelles le 16 juin
-1464, d'une maladie épidémique appelée le <i>mal anglais</i>, qui ravageait alors le pays.</p>
-
-<p>Trois des tableaux dont parle Albert Dürer sont d'une grande naïveté, mais le
-quatrième est d'un effet très-saisissant: c'est Herkenbaldt, mourant dans son lit, qui
-embrasse son neveu, convaincu d'un viol, et qui en même temps l'égorge pour le
-soustraire à l'ignominie du supplice.&mdash;La tête du vieillard est du plus haut style.
-M. Alphonse Wauters croit que ces tableaux ont été détruits dans le bombardement
-de Bruxelles, en 1695. Quatre magnifiques tapisseries de 26 pieds de longueur sur
-13 pieds 6 pouces de hauteur, conservées précisément dans la sacristie de l'église de
-Berne, les reproduisent de la manière la plus complète, et nous font voir combien
-Lampsonius avait raison quand il s'écriait avec admiration: «O maître Rogier, quel
-homme vous étiez!</p>
-
-<p><a id="Footnote_70" href="#FNanchor_70" class="label">[70]</a> Le Mexique.</p>
-
-<p><a id="Footnote_71" href="#FNanchor_71" class="label">[71]</a> Hugues Vandergoes, peintre distingué, que Vasari nomme Hugo d'Anversa.
-Pourquoi? Ce n'est sans doute pas parce qu'il est né à Gand vers 1430.&mdash;En 1476
-il se fit ordonner prêtre, devint chanoine régulier au monastère de la Croix-Rouge,
-dans la forêt de Soignes, aux portes de Bruxelles, et mourut en 1482.</p>
-
-<p>Ses compagnons de retraite gravèrent cette inscription sur sa tombe:</p>
-
-<p class="quote">Pictor Hugo van der Goes humatus hic quiescit.<br />
-<span class="i1">Dolet ars, cum similem sibi modo nescit.</span></p>
-
-<p><a id="Footnote_72" href="#FNanchor_72" class="label">[72]</a> Bernard van Orley, ou Barend van Brussel, né à Bruxelles en 1471, mort dans sa
-ville natale en 1541, peintre de Marguerite d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas. Il
-eut la gloire d'être un des rares peintres flamands qui accueillirent Albert Dürer sans
-jalousie.</p>
-
-<p><a id="Footnote_73" href="#FNanchor_73" class="label">[73]</a> Receveur du Brabant pour le quartier de la ville d'Anvers.</p>
-
-<p><a id="Footnote_74" href="#FNanchor_74" class="label">[74]</a> Il est représenté à mi-corps dans son cabinet. Il écrit. Érasme ne fut pas
-content de ce portrait comme il l'avait été de celui fait par Holbein, qu'il avait gardé
-dix jours chez lui avant de le rendre, pour qu'il pût paraître dans la célèbre édition
-de l'<i>Éloge de la folie</i>, dite édition d'Holbein, parce que ce grand peintre l'avait illustrée
-de quatre-vingt-trois dessins, gravés sur cuivre, sans compter son portrait, celui
-de Morus et celui d'Érasme sur une seule planche. Oh! oh! s'était écrié le philosophe
-de Rotterdam en voyant ce portrait, si je ressemblais encore à cet Érasme-là, en vérité,
-je voudrais me marier. Albert Dürer a gravé ce portrait sur cuivre, avec cette inscription:
-«Imago Erasmi Roterodami ab Alberto Durero ad vivam effigiem delineata,
-MDXXVI.» Hauteur, 9 pouces 3 lignes; largeur, 7 pouces 2 lignes.</p>
-
-<p><a id="Footnote_75" href="#FNanchor_75" class="label">[75]</a> Albert Dürer parle-t-il de l'estampe de Lucas de Leyde, ou du petit livre populaire
-intitulé <i>Aventures de Thyl Uylenspiegel</i>, qui fut traduit en 1483 du néerlandais
-en allemand, selon les Flamands, ou de l'allemand en néerlandais, selon les Allemands?
-En 1613, Van der Hoeven, de Rotterdam, fit une nouvelle édition de cette bonne bouffonnerie
-avec ce titre: «Histoire de Thyl Uylenspiegel, relation des farces ingénieuses
-qu'il a faites; très-amusante à lire, avec de belles gravures.» Depuis on en a publié
-bon nombre corrigées et considérablement augmentées. Pour ma part j'en connais bien
-dix, en comptant celle qui est spirituellement illustrée par Paul Lauters. Je crois
-qu'Albert Dürer parle du livre, car de son temps la gravure devait déjà être très-rare.
-A peine gravée, la planche avait été perdue; peut-être Lucas l'avait-il détruite lui-même,
-car cette estampe n'était pas à la hauteur de ses autres ouvrages.</p>
-
-<p>Le graveur Henri Hondius en a fait une copie en 1644, avec cette inscription:</p>
-
-<p class="quote">Dees eerste vorm is wech, men vinter geen voor ons,<br />
-Want een papiere Druck gelt vyftich Ducatons.</p>
-
-<p>«Cette forme première est perdue, on ne peut la retrouver; et un exemplaire sur
-papier se paye cinquante ducatons.»</p>
-
-<p><a id="Footnote_76" href="#FNanchor_76" class="label">[76]</a> Ambassadeur nurembergeois; fut conseiller et bourgmestre de sa ville, et mourut
-en 1553.</p>
-
-<p><a id="Footnote_77" href="#FNanchor_77" class="label">[77]</a> Tasses de Majolica. Poterie italienne.</p>
-
-<p><a id="Footnote_78" href="#FNanchor_78" class="label">[78]</a> L'écusson de cette famille fut peint par Dürer, et peut-être même gravé sur
-bois.</p>
-
-<p><a id="Footnote_79" href="#FNanchor_79" class="label">[79]</a> Jacques Cornelisz, né au village de Oostzanen, et maître de Jean Schorel. En
-1512, il jouissait déjà d'une grande réputation. Charles van Mandre a vu à Harlem,
-chez Corneille Suyver, une Circoncision peinte par lui en 1517, dont il dit le plus
-grand bien. Ce peintre avait un frère, nommé Buys, et un fils nommé Dirck Jacob;
-l'un a fait de beaux paysages, l'autre de beaux portraits. Jacques Cornelisz est mort à
-Amsterdam dans un âge avancé. Dürer l'appelle Jacques de Lubeck, parce qu'il avait
-été pensionné par les magistrats de cette ville.</p>
-
-<p><a id="Footnote_80" href="#FNanchor_80" class="label">[80]</a> Ce sont ces quelques mots qui ont fait dire qu'Albert Dürer ne grava pas sur bois.
-Comment supposer cependant qu'étant en apprentissage chez Wolhgemuth, au moment
-où ce peintre était déjà occupé des dessins de <i>la Chronique de Nuremberg</i>, il n'ait
-pas appris toutes les pratiques de l'atelier de son maître, et qu'il n'ait pas plus tard
-mis la main à quelques-uns des bois à sa marque. On convient généralement que les
-dessins de Dürer sont mieux gravés que ceux des autres artistes de son temps. N'en
-pourrait-on pas conclure qu'il donnait le dernier coup de ciseau, ou qu'il dirigeait le
-travail comme un homme qui sait le métier et qui ne grave pas habituellement, parce
-qu'il n'a pas le loisir de s'occuper de cet ouvrage long et minutieux?</p>
-
-<p><a id="Footnote_81" href="#FNanchor_81" class="label">[81]</a> Jean Swart ou Jean Lenoir, originaire de Groningue, fit des tableaux d'histoire
-et des paysages avec un égal succès. Ses toiles sont fort rares; mais j'ai vu beaucoup
-de charmantes gravures sur bois, gravées par lui ou d'après ses dessins. Il avait
-une grande prédilection pour les cavaliers turcs, armés de flèches et de carquois, car
-il en a mis partout. Il courut beaucoup le monde et finit par se fixer à Gouda en 1522.</p>
-
-<p><a id="Footnote_82" href="#FNanchor_82" class="label">[82]</a> Cornelii Graphæi gratulatio Caroli V imperatoris, 1520. Antverpiæ, apud Joan.
-Croccium. 8<sup>o</sup>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_83" href="#FNanchor_83" class="label">[83]</a> Dürer s'exprima plus longuement à ce sujet en causant avec Melanchthon qui,
-lors de son séjour à Nuremberg, vint souvent visiter le peintre. Il lui disait entre
-autres choses: «J'ai regardé ces jeunes filles fort attentivement et même brutalement
-(puisque je suis peintre).» Manlii Collectanea Locor. communium, page 345. Ces
-jeunes vierges étaient les plus belles personnes d'Anvers; elles étaient presque nues et
-habillées seulement d'une gaze légère. Lorsque Charles V fit son entrée triomphale, il
-ne se montra pas aussi admirateur que Dürer de leur beauté; car en passant devant
-elles il baissa les yeux, ce qui les indisposa fort contre lui.</p>
-
-<p>A cette époque, on voyait des vierges à peu près nues dans toutes les solennités de
-ce genre. Les jeunes filles se disputaient l'honneur d'être désignées par les juges institués
-<i>ad hoc</i>, car la mission de ces nouveaux Pâris était de choisir les plus belles et
-les mieux faites. Elles recevaient donc un diplôme de beauté, et plus tard leur mari
-pouvait dire avec un noble orgueil: Ma femme figurait à l'entrée de tel ou tel souverain.</p>
-
-<p><a id="Footnote_84" href="#FNanchor_84" class="label">[84]</a> Brabon.</p>
-
-<p><a id="Footnote_85" href="#FNanchor_85" class="label">[85]</a> Ce livre est un manuscrit du <span class="smallc">XV</span><sup>e</sup> siècle, que l'on trouve encore aujourd'hui
-dans les archives d'Anvers. C'est un in-folio, relié en corne blanche. Il porte ce titre:
-«Le vieux registre de divers mandements». Page 33, on lit l'histoire fabuleuse du
-géant Brabon et autres de son espèce.</p>
-
-<p><a id="Footnote_86" href="#FNanchor_86" class="label">[86]</a> Cet élève de Raphaël se nommait Thomaso Vincidore, de Bologne; il paraît avoir
-été envoyé en Flandre pour surveiller l'exécution de certaines tapisseries, faites
-d'après des dessins de Raphaël.</p>
-
-<p><a id="Footnote_87" href="#FNanchor_87" class="label">[87]</a> Ce portrait fut gravé au burin par André Stock. On lit cette inscription au bas
-de la planche: Effigies Alberti Dureri Norici, pictoris et sculptoris hactenus excellentissimi
-delineata ad imaginem ejus quam Thomas Vincidor de Bolognia ad vivum
-depinxit Antuerpiæ 1520. And. Stock, sculp. H. Hondius excudit 1639.</p>
-
-<p><a id="Footnote_88" href="#FNanchor_88" class="label">[88]</a> C'est à la famille d'Ebner que nous devons le journal d'Albert Dürer. M. C. G. de
-Murr, qui a publié le texte allemand, dit qu'il l'a tiré <i>ex bibliotheca Ebneriana</i>.
-M. Frédéric Verachter, le savant archiviste de la ville d'Anvers, a traduit en flamand
-ce document précieux. Je me suis beaucoup aidé de son travail qui est fait avec une
-grande intelligence; pour être tout à fait juste, je dois dire que sans lui je ne serais
-jamais parvenu à rendre clairs une certaine quantité de passages qui étaient restés
-inexpliqués jusqu'à ce jour.</p>
-
-<p><a id="Footnote_89" href="#FNanchor_89" class="label">[89]</a> Gaspard Sturm, dit Teutschland (Allemagne), le héraut d'armes qui assista à la
-prise du château de Sickingen, et qui fut chargé de conduire Luther à la diète de
-Worms. (Voir la <i>Vie de Luther</i>, par Audin, t. VI, p. 207.)</p>
-
-<p><a id="Footnote_90" href="#FNanchor_90" class="label">[90]</a> Stephen Lochner (de Constance), et non Lothner comme on l'a cru longtemps,
-né....? mort en 1451. Le tableau en question est un triptyque dont le panneau central
-représente l'Adoration des Mages. Les volets sont peints des deux côtés, celui de droite
-nous montre sainte Ursule et ses compagnes à l'intérieur, et à l'extérieur l'Annonciation;
-sur celui de gauche, on voit à l'intérieur saint Géréon, le glorieux patron de la
-ville de Cologne, et un ange à genoux à l'extérieur. Avant la visite d'Albert Dürer il
-était attribué tantôt à Philippe Kaff, tantôt à Willem; depuis, il n'y a plus eu d'incertitude.
-Ce chef-d'&oelig;uvre est aujourd'hui dans la cathédrale de Cologne (chapelle Sainte-Agnès),
-où on l'admirerait sans restriction s'il n'avait pas subi quelques regrettables
-retouches. Une inscription que l'on peut lire sous le tableau dit qu'il a été peint à
-l'huile en 1410.</p>
-
-<p><a id="Footnote_91" href="#FNanchor_91" class="label">[91]</a> Il en fit un dessin gravé sur bois. Voir Bartsch, <i>le Peintre-Graveur</i>, 38.</p>
-
-<p><a id="Footnote_92" href="#FNanchor_92" class="label">[92]</a> Cet acte de Charles V est du 4 novembre 1520, daté de Cologne. Par cet acte,
-les magistrats furent chargés de payer à Dürer la pension viagère de cent florins, qui
-lui avait été accordée par l'empereur Maximilien. La pièce originale de cet acte est
-encore aux archives de Nuremberg.</p>
-
-<p><a id="Footnote_93" href="#FNanchor_93" class="label">[93]</a> Arnold de Beer, élève de Lambert Suterman, peintre d'Anvers. Il s'est fait une
-réputation comme dessinateur plutôt que comme coloriste.</p>
-
-<p><a id="Footnote_94" href="#FNanchor_94" class="label">[94]</a> C'est à Berg-op-Zoom que Dürer veut dire.</p>
-
-<p><a id="Footnote_95" href="#FNanchor_95" class="label">[95]</a> Sculpteur, né à Metz.</p>
-
-<p><a id="Footnote_96" href="#FNanchor_96" class="label">[96]</a> L'abbaye de l'ordre de Prémontré, dédiée N.-D. et à saint Nicolas.</p>
-
-<p><a id="Footnote_97" href="#FNanchor_97" class="label">[97]</a> Jean Gossaert, dit <i>Jean de Maubeuge,</i> né à Maubeuge vers 1470, mort le 1<sup>er</sup> octobre
-1532, mort à Anvers, où il fut enterré à Notre-Dame.</p>
-
-<p><a id="Footnote_98" href="#FNanchor_98" class="label">[98]</a> Une Descente de Croix qui avait été commandée par l'abbé Maximilien de Bourgogne.
-Ce tableau, un des meilleurs du maître, fut détruit par la foudre le 24 janvier
-1568.</p>
-
-<p><a id="Footnote_99" href="#FNanchor_99" class="label">[99]</a> L'angelot valait deux florins et deux sous. L'archange Michel y était figuré,
-tenant de la main droite une épée, et de la gauche un écu chargé de trois fleurs de
-lis. Sous ses pieds, il avait un serpent.</p>
-
-<p><a id="Footnote_100" href="#FNanchor_100" class="label">[100]</a> Le chevalier Gérard van de Werve.</p>
-
-<p><a id="Footnote_101" href="#FNanchor_101" class="label">[101]</a> Thomas Lopez (le chevalier), ambassadeur du roi de Portugal.</p>
-
-<p><a id="Footnote_102" href="#FNanchor_102" class="label">[102]</a> De Haes.</p>
-
-<p><a id="Footnote_103" href="#FNanchor_103" class="label">[103]</a> Hans Schaufelein, un des bons élèves d'Albert Dürer.</p>
-
-<p><a id="Footnote_104" href="#FNanchor_104" class="label">[104]</a> Pierre Ægidius, plus tard greffier de la ville d'Anvers. C'était un ami intime
-d'Érasme et du chancelier Thomas Morus. Ægidius se trouvant un jour avec Érasme
-chez Quentin Metsys, ce peintre fit leur portrait sur deux panneaux ovales, attachés
-l'un à l'autre avec cette inscription latine:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p>Quanti olim fuerant Pollux et Castor amici,</p>
-<p class="i1"> Erasmus tantos Ægidiumque fere.</p>
-<p>Morus ab is dolet esse loco, conjunctus amore,</p>
-<p class="i1"> Tam prope quam quisquam vix queat esse sibi.</p>
-<p>Sic desiderio est consultum absentis ut horum</p>
-<p class="i1"> Reddat amans animum littera, corpus ego.</p>
-</div></div>
-
-<p>Pierre Ægidius, autrement dit Gillis, naquit à Anvers en 1486, et laissa plusieurs
-écrits remarquables. Il mourut dans sa ville natale en juin 1533. Son père, Nicolas
-Ægidius, avait été bailli d'Anvers.</p>
-
-<p><a id="Footnote_105" href="#FNanchor_105" class="label">[105]</a> Cette tour fut commencée en 1422, par un architecte nommé Jean Amelius de
-Bologne, selon les uns; selon les autres, par Pierre Smit, dit Appelmans, qui bâtit
-l'église de Saint-Georges et beaucoup de maisons des environs. Quoi qu'il en soit, il
-paraît, d'après le témoignage de Dürer, qu'en 1520 cette tour n'était pas encore
-achevée. Elle a cent vingt-deux mètres neuf cent vingt-cinq millimètres de haut.
-Albert Dürer n'est donc pas de beaucoup au-dessous de la vérité, puisque la flèche de
-Strasbourg n'en a que cent quarante-deux.</p>
-
-<p><a id="Footnote_106" href="#FNanchor_106" class="label">[106]</a> Adrien Herbouts, né et mort à Anvers, devint pensionnaire de cette ville
-en 1506. On voyait autrefois son épitaphe dans l'église des Pauvres-Claires:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i4"> D. O. M.</p>
-<p class="i1"> D. Adriano Herbouts,</p>
-<p>Præclaræ hujus urbis per <span class="smallc">XLI</span> ann.</p>
-<p class="i3"> Pensionario</p>
-<p class="i2"> Utriusque juris doctori</p>
-<p class="i1"> Decessit <span class="smallc">X</span> Januarii <span class="smallc">CI[C]</span>. I[C]. XLVI</p>
-<p class="i2"> Elisabethæ nilis illius conjugi</p>
-<p>Obiit <span class="smallc">IX</span> Augusti, anno <span class="smallc">CI[C]</span>. I[C]. XXXIII.</p>
-<p>Levinæ legitimæ utriusque illorum F.</p>
-<p class="i1"> Nicolai van der Heyden uxori;</p>
-<p class="i2"> Periit dolore partus,</p>
-<p class="i1"> <span class="smallc">XXIV</span> Martii <span class="smallc">A. CI[C]</span>. I[C]. XXVII.</p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_107" href="#FNanchor_107" class="label">[107]</a> Graphæus ou Schryver, ou encore Scribonius, né à Alost en 1482. Savant très-versé
-dans les langues étrangères. Il mourut à Anvers le 19 décembre 1558 et fut
-enterré dans l'église Notre-Dame. Son tombeau, élevé par son fils Alexandre, porte
-l'inscription suivante:</p>
-
-<div class="poetry"><div class="stanza">
-<p class="i3"> Cornelius Scribonius</p>
-<p class="i1"> Præclaræ hujus urbis a secretis,</p>
-<p class="i4"> Sibi suisque</p>
-<p class="i3"> Et Adrianæ Philippæ</p>
-<p class="i2"> Dulciss. uxori vivens pos.</p>
-<p class="i1"> Ipsa quidem vixit ann. <span class="smallc">LXXI</span>.</p>
-<p class="i3"> Uno et <span class="smallc">XL</span>. ann. marita:</p>
-<p class="i3"> Matrona et prudentiss.</p>
-<p class="i2"> Et pietatis cultrix eximia.</p>
-<p>Ille vero caram secutus conjugem,</p>
-<p>Migravit <span class="smallc">XIX</span> Decembris <span class="smallc">M. D. LVIII</span></p>
-<p class="i2">Cum vixisset annos <span class="smallc">LXXVI</span></p>
-</div></div>
-
-<p><a id="Footnote_108" href="#FNanchor_108" class="label">[108]</a> Ambroise et Jean, deux frères, riches marchands, originaires d'Augsbourg,
-arrivés à Anvers vers 1485.</p>
-
-<p><a id="Footnote_109" href="#FNanchor_109" class="label">[109]</a> Rogier van der Weyden.</p>
-
-<p><a id="Footnote_110" href="#FNanchor_110" class="label">[110]</a> Hugo van der Goes. Le tableau dont il est question ici est une sainte Vierge
-avec l'enfant Jésus.</p>
-
-<p><a id="Footnote_111" href="#FNanchor_111" class="label">[111]</a> Cette admirable statue est encore aujourd'hui dans la même église.</p>
-
-<p><a id="Footnote_112" href="#FNanchor_112" class="label">[112]</a> Albert Dürer parle-t-il de Jean van Eyck? C'est probable. Cependant il pourrait
-être question de <i>Jean Hemmlinck</i> ou de <i>Jean Spital</i>.</p>
-
-<p><a id="Footnote_113" href="#FNanchor_113" class="label">[113]</a> Il est question ici de l'<i>Adoration de l'Agneau</i>, que les frères Jean et Hubert
-van Eyck peignirent pour Philippe le Bon, duc de Bourgogne, comte de Flandre.
-Après avoir admiré le génie des artistes, on admire leur patience. Rien, en effet, ne
-peut être comparé au fini précieux de ce tableau. On y compte trois cent trente
-têtes, sans en retrouver deux qui se ressemblent. De ce poëme, qui était composé de
-douze panneaux, il ne reste plus, dans la onzième chapelle de la cathédrale de Saint-Bavon
-à Gand, que quatre compartiments; mais si on en croit les chroniques, ce sont
-les plus beaux, et leur conservation est parfaite. Les couleurs principales, le rouge, le
-bleu et le pourpre, n'ont rien perdu de leur fraîcheur et de leur éclat; on croirait que
-cette belle &oelig;uvre, qui a aujourd'hui quatre cent trente-deux ans, sort de l'atelier des
-peintres. Il est vrai que les Gantois en ont un soin tout particulier; elle ne voit la
-lumière que rarement, à certains grands jours de fête, et à la demande des gens considérables.
-On m'a assuré à Gand que l'homme préposé à sa garde se livre à une
-petite supercherie, que nous sommes assez tentés de lui pardonner, puisqu'elle contribue
-à prolonger l'existence de ce chef-d'&oelig;uvre inimitable. Il a un flair excellent
-parmi les touristes dont il reçoit la visite, il distingue du premier coup d'&oelig;il ceux
-qui sont dignes d'adorer l'<i>Agneau</i>; s'il a affaire à des connaisseurs, il montre le vrai
-tableau; s'il a affaire à des profanes, il exhibe une toile au hasard; ce qui n'empêche
-pas ces braves gens de trouver la réputation du tableau surfaite. <i>Se non è vero è ben
-trovato.</i> Le roi d'Espagne, Philippe II, ne pouvait se lasser d'admirer cette peinture,
-il en offrit à plusieurs reprises des sommes considérables, mais vainement; enfin, il se
-décida à la faire copier par Michel Coxie, qui employa à ce travail pour trente-deux
-ducats de bleu, que le Titien lui avait envoyé d'Italie. Cette copie est fort belle; on lui
-reproche seulement de n'être pas la reproduction tout à fait exacte du modèle. On se
-demande, par exemple, pourquoi la sainte Cécile regarde derrière elle; si c'est, comme
-on le suppose, un caprice royal, nous excusons Coxie. Philippe II payait assez cher
-(quatre mille florins) pour avoir le droit de donner des ordres, même mauvais. Après
-bien des pérégrinations en Espagne, en Angleterre et en Hollande, elle est aujourd'hui
-dans la même chapelle que son admirable modèle; voici par quel concours de circonstances:
-le gouvernement belge l'avant achetée (1800 francs) à la vente du roi
-Guillaume II, proposa à l'évêque de Gand, Monseigneur Delebecque, et au chapitre de
-Saint-Bavon de l'échanger contre deux tableaux d'Hubert van Eyck, représentant Adam
-et Ève de grandeur naturelle, qui étaient relegués dans les combles de l'église à cause
-de la légèreté de leur costume. Le marché fut accepté moyennant un appoint de 12,000 fr.
-que le gouvernement belge paya; cet argent servit à faire exécuter les vitraux que l'on
-voit derrière le maître-autel. Des douze panneaux de la composition originale, six appartiennent
-au roi de Prusse, qui les a achetés à un Anglais, M. Solly, avec quelques
-toiles d'un ordre inférieur, pour la somme de 410,900 fr. Cet Anglais les avait payés
-100,000 fr. à M. Nieuwenhuys de Bruxelles, à qui ils avaient coûté 6,000 francs.</p>
-
-<p><a id="Footnote_114" href="#FNanchor_114" class="label">[114]</a> Wenceslas Hollar l'a gravé sur cuivre, d'après le dessin de Dürer, qui est dans
-le cabinet du comte Arundel. L'empereur Charles V, étant à Tunis, envoya un lion et
-quatre lionnes à un certain Dominique van Houcke, dit Van Vaernewyck, de Gand.
-<i>Histoire de Belgique</i>, page 119, Gand 1574.</p>
-
-<p><a id="Footnote_115" href="#FNanchor_115" class="label">[115]</a> On voyait autrefois ces statues sur un des ponts jetés sur la Lys, appelé le
-pont de la décapitation, avec cette inscription:</p>
-
-<p class="quote">Ae Gandt le en fant Fraepe sae père Tacte desuu<br />
-<span class="i2">Maies se Heppe rompe, si Grâce de Dieu.</span><br />
-<span class="i9">MCCCLXXI.</span></p>
-
-<p>Voici la légende: Deux hommes, le père et le fils, étaient condamnés à mort. Le
-roi avait fait grâce de la vie à celui des deux qui consentirait à décapiter l'autre. Le
-père refusa énergiquement, le fils eut la lâcheté d'accepter. Il brandit sa hache, mais
-elle se brisa et vint lui trancher la tête, au lieu de trancher celle de son père.</p>
-
-<p>Ces deux statues n'ont disparu que vers 1793.</p>
-
-<p><a id="Footnote_116" href="#FNanchor_116" class="label">[116]</a> Joachim Patenier. Le peintre de Dinant paraît avoir quarante-cinq ans environ.
-Il est en buste, vu de trois quarts, et coiffé d'un bonnet bizarre à deux étages,
-dont le premier est en fourrure. Les épaules sont couvertes d'un manteau bien drapé,
-qui laisse entrevoir un vêtement de chambre, d'une forme excentrique. Son cou est
-nu. Au haut de la planche à gauche, l'année 1521 et le chiffre d'Albert Dürer sont
-gravés sur un fond gris. Hauteur, 7 pouces 8 lignes, en comptant la petite marge du
-bas qui a 4 lignes.</p>
-
-<p>Il est prouvé aujourd'hui que ce portrait a été dessiné par Albert Dürer et gravé
-par Cornelius Cort.</p>
-
-<p><a id="Footnote_117" href="#FNanchor_117" class="label">[117]</a> Albert Dürer ajouta facilement foi à cette fausse nouvelle de l'emprisonnement
-et de la mort de Martin Luther, et il en fut fort attristé. Cet enlèvement n'avait pourtant
-pas été fait par ses ennemis, mais par ses amis. Lorsque Luther fut mis au ban
-de l'empire par Charles V, l'électeur, Frédéric III de Saxe, craignit qu'il ne lui
-arrivât malheur. Il résolut donc de le mettre en lieu sûr, et donna l'ordre à quelques
-hommes de confiance de l'enlever. Cet ordre fut exécuté par Jean de Berlepsch et
-Burkard de Kund, accompagnés de trois valets, le 4 mai 1521, pendant que Luther
-traversait la forêt de Thuringe, entre le château d'Altenstein et la petite ville de
-Walterhausen; on l'emmena sous un déguisement au château de Wartburg, près
-d'Eisenach. Là, il écrivit plusieurs ouvrages et y resta jusqu'au 1<sup>er</sup> mars de l'année
-suivante, époque à laquelle il retourna à Wittenberg.</p>
-
-<p><a id="Footnote_118" href="#FNanchor_118" class="label">[118]</a> Maître Gérard Horebout ou Hurembout, né à Gand, peintre d'Henri VIII, roi
-d'Angleterre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_119" href="#FNanchor_119" class="label">[119]</a> Cette Suzanne devint une grande et belle personne, fort recherchée à la
-cour du roi Henri VIII. Elle fit un art de l'enluminure et mourut en Angleterre, considérablement
-riche et comblée d'honneurs. Son frère, Lucas Hurembout, alléché par
-les succès de sa s&oelig;ur, quitta la peinture pour se faire enlumineur, mais il ne réussit
-pas comme elle.</p>
-
-<p><a id="Footnote_120" href="#FNanchor_120" class="label">[120]</a> Sans doute Henri de Bles ou Met de Bles, Henri à la Houppe, né à Bovines,
-près de Dinant. Les Italiens l'appelaient le Maître au hibou ou <i>Civetta</i>, parce qu'il avait
-la manie de peindre un hibou dans le feuillage de ses arbres; il l'y cachait si bien que
-souvent on avait beaucoup de mal à le trouver.</p>
-
-<p><a id="Footnote_121" href="#FNanchor_121" class="label">[121]</a> Van Eyck.</p>
-
-<p><a id="Footnote_122" href="#FNanchor_122" class="label">[122]</a> Jacopo de Barbary, dit le maître au caducée.</p>
-
-<p><a id="Footnote_123" href="#FNanchor_123" class="label">[123]</a> Bernard van Orley.</p>
-
-<p><a id="Footnote_124" href="#FNanchor_124" class="label">[124]</a> C'étaient les Augustins de Saxe, arrivés à Anvers en 1513 et chassés en 1523.
-Ils habitaient le quartier Saint-André, où il y a encore la rue des Augustins.</p>
-
-<p><a id="Footnote_125" href="#FNanchor_125" class="label">[125]</a> Lucas de Leyde, le célèbre graveur.</p>
-
-<p><a id="Footnote_126" href="#FNanchor_126" class="label">[126]</a> Peintre sur verre.</p>
-
-<p><a id="Footnote_127" href="#FNanchor_127" class="label">[127]</a> Hans Baldung Grun, célèbre peintre et graveur de médailles.</p>
-
-<p><a id="Footnote_128" href="#FNanchor_128" class="label">[128]</a> Christian II, roi des royaumes unis de Danemark, de Suède et de Norvége,
-surnommé le Néron du Nord.</p>
-
- </div>
- </div>
-</div>
-
-<p class="end">PARIS.&mdash;J. CLAYE, IMPRIMEUR, RUE SAINT-BENOIT, 7.</p>
-
-
-
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-
-
-
-
-<pre>
-
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-
-
-End of the Project Gutenberg EBook of Albert Durer a Venise et dans les
-Pays-Bas, by Albert Durer
-
-*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ALBERT DURER A VENISE ET ***
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