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If you are not located in the United States, you'll have -to check the laws of the country where you are located before using this ebook. - - - -Title: Albert Durer a Venise et dans les Pays-Bas - autobiographie, lettres, journal de voyages, papiers divers - -Author: Albert Durer - -Translator: Charles Narrey - -Release Date: September 26, 2016 [EBook #53147] - -Language: French - -Character set encoding: UTF-8 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ALBERT DURER A VENISE ET *** - - - - -Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online -Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by The Internet Archive/American Libraries.) - - - - - - - -Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le -typographe ont été corrigées. L'orthographe d'origine a été conservée et -n'a pas été harmonisée. - - - - -ALBERT DURER - - - - -[Illustration: IMPRIMERIE J. CLAYE RUE SAINT BENOIT 7 PARIS] - - -[Illustration: Montigneul SC AH-CABASSON D] - - - - - ALBERT DURER - - A VENISE - - ET - - DANS LES PAYS-BAS - - AUTOBIOGRAPHIE - - LETTRES, JOURNAL DE VOYAGES - - PAPIERS DIVERS - - TRADUITS DE L'ALLEMAND - - AVEC DES NOTES ET UNE INTRODUCTION - - PAR - - CHARLES NARREY - - Ouvrage orné de 27 gravures sur papier de Chine - - [Illustration: Logo] - - PARIS - - LIBRAIRIE Ve JULES RENOUARD, ÉDITEUR - - G. ÉTHIOU-PÉROU, DIRECTEUR-GÉRANT - - 6, RUE DE TOURNON, 6 - - MDCCCLXVI - - - - - A - - MONSIEUR LE BARON BEYENS - - Ministre de Belgique en France - - Hommage affectueux, - - CHARLES NARREY. - - - - -INTRODUCTION. - - -[Illustration] - -La vie des grands hommes est le flambeau qui éclaire leur Å“uvre. - -Les souffrances et les faiblesses, les luttes et les triomphes de ces -génies prédestinés expliquent et commentent leurs ouvrages, et chaque -étape de leur existence correspond à une évolution de leur talent. Leur -biographie est donc en quelque sorte le lien logique de leurs ouvrages; -elle donne la clef de la succession de leurs pensées et démontre comment -elles s'enchaînent. - -Écrire l'histoire d'un grand artiste, si l'on se place à ce point de vue -élevé, c'est faire en même temps l'histoire de ses idées, c'est pénétrer -avec lui dans les mystères de son inspiration. - -Prenez l'homme le plus profondément original, et le plus rebelle aux -influences extérieures; ses relations avec ses contemporains, son -commerce avec d'autres artistes, grands comme lui, mais comprenant leur -art de façons différentes, ne pourront manquer d'imprimer une -modification, si minime qu'elle soit, à ses propres idées. - -S'il y a entre les hommes ainsi rassemblés par le caprice du hasard ou -par une loi mystérieuse de la création de larges points de contact et des -horizons communs, cette influence deviendra décisive et modifiera parfois -d'une manière profonde le _faire_ de l'artiste qui la subit. Y a-t-il au -contraire une opposition fondamentale entre leur esprit, leur principe -réciproque s'accentuera avec plus de vigueur, et leur contact servira à -caractériser davantage leur tendance primitive. Grande ou petite, -profonde ou superficielle, cette influence doit subsister, et la saisir -jusque dans ses manifestations les moins apparentes est l'objet de la -critique. - -Or, c'est l'histoire de l'artiste, et son histoire de chaque jour, qui -peut en fournir les éléments d'appréciation. - -Quoi d'étonnant alors que les moindres particularités de la vie privée -d'un grand homme acquièrent la plus haute valeur aux yeux de la -postérité? - -Aussi, dans ces derniers temps, ce genre d'études historiques a-t-il fait -l'objet de nombreux et de consciencieux travaux. On a cherché à y -introduire la précision et la sévérité de la critique moderne, et l'on a -bravement fermé la porte à toutes les fables et à toutes les anecdotes de -contrebande, pour y substituer définitivement la vérité dans sa froide et -chaste nudité. Mais on ne croit guère que de pareils travaux présentent -énormément de difficultés, et beaucoup plus même que ceux qui concernent -la grande histoire. - -Les faits que recherche le biographe sont presque toujours d'une -apparente insignifiance, et par cela même les contemporains des grands -hommes, sans prévoir la valeur que ces détails pourront acquérir un jour, -ont négligé de les consigner. Aussi quelle bonne fortune extraordinaire, -lorsque l'artiste lui-même, soit par une sage prévision, soit dans un -but désintéressé, a pris soin de rassembler minutieusement tous les -matériaux d'une autobiographie. - -C'est précisément ce qui nous arrive pour l'illustre père de l'école -allemande. - -Albert Dürer a laissé sur sa vie privée un grand nombre de notes et de -correspondances qui éclairent d'un jour nouveau sa vie et ses Å“uvres, et -mettent hors de discussion un grand nombre de points qui, pour des -artistes beaucoup plus récents même, ne sont ordinairement qu'un stérile -sujet de querelles entre les historiens. - -Mais avant de donner la parole au maître lui-même et de laisser découler -de ses écrits les commentaires qui en dérivent, on nous permettra d'en -tirer quelques conclusions générales et quelques conclusions -personnelles. - -Ce qui résulte d'abord de la vie de cet éminent artiste, telle qu'il l'a -simplement racontée lui-même, ce qui ressort de la lecture de sa -correspondance intime avec son ami Bilibald Pirkeimer, c'est une profonde -estime pour le caractère de l'homme, comme une grande admiration pour -l'artiste ressort de la contemplation de ses Å“uvres. - -Albert Dürer est un aussi grand et noble caractère qu'il est un génie -original et transcendant. Cette double perfection est une chose trop rare -dans le cercle des grands esprits pour ne pas y insister. - -On dirait, en vérité, que l'intelligence ne peut se développer qu'au -détriment du caractère, et trop souvent l'épanouissement de la pensée a -pour corollaire fatal l'atrophie morale du cÅ“ur. Si quelque chose, par -exemple, pouvait amoindrir notre admiration pour le panthéiste GÅ“the, ne -serait-ce pas la sécheresse de son âme et l'égoïsme de son caractère. -L'esprit humain, qui tend sans cesse à l'idéal et qui prodigue d'instinct -aux élus de l'intelligence tous les dons et toutes les qualités, est -péniblement déçu en voyant tant de grandeur intellectuelle à côté de tant -de petitesse de sentiment. Nous n'aimons pas à apprendre que Virgile -était le flatteur d'Auguste et que Horace eut peur à la bataille -d'Actium. - -Je ne connais que bien peu de génies qui aient été en même temps des -héros du cÅ“ur. Michel Cervantes dans les lettres et Michel-Ange dans les -arts sont pour moi les types de cette double grandeur; notre Albert Dürer -peut aussi revendiquer ces deux auréoles. Sa vie a été une lutte -continuelle, soyons plus vrai,--un long martyre causé par celle qui -aurait dû précisément arracher les ronces et les épines de sa route. - -Marié de bonne heure, sans qu'on eût consulté son inclination, à une -femme froide et avare, il n'a pas eu la consolation de se reposer dans la -douce vie du foyer des tracasseries envieuses auxquelles un homme de sa -valeur devait nécessairement se trouver exposé. - -Dès l'âge de 23 ans il devenait le seul soutien de sa famille. «Deux ans -après la mort de mon père, je pris aussi ma mère avec moi (il s'était -déjà chargé de son frère Hans), car elle n'avait plus rien. En 1513 elle -tomba subitement malade. Ses souffrances durèrent une année entière, et -elle fut mourante du premier au dernier jour.» - -Dans ces conditions il fut obligé de se livrer à un travail assidu et -pénible; en outre sa femme l'excitait sans cesse au labeur et le -stimulait avec ses avaricieuses exigences. Et pourtant c'est à peine si, -dans ses écrits, on entend l'écho d'une plainte contre celle qui le -faisait tant souffrir; tout au plus dans sa correspondance avec Bilibald -Pirkeimer, correspondance si franche et si naïve, hasarde-t-il de temps -en temps quelque allusion prudente à ses affaires de ménage. Encore en -parle-t-il avec tant de mansuétude et de bonne humeur, qu'on ne -soupçonnerait pas la profondeur de sa blessure si ses amis n'avaient pas -pris la peine de la sonder. - -«Il était fort contre l'adversité, dit Schrober, mais il est vrai qu'il -n'avait que trop le moyen de s'exercer à la patience, sa femme se -chargeait tous les jours de lui en fournir l'occasion.» - -C'est assez clair, et cependant les lettres de G. Hartmann et de -Pirkeimer sont encore plus explicites. - -En voici des extraits: - - -G. HARTMANN A M. BUCHLER. - -«. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . -. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . «Elle était d'une -piété et d'une honnêteté si intolérantes, qu'il aurait mieux valu pour -Albert Dürer être le mari d'une coquine avec un caractère aimable, que -d'avoir à ses trousses une de ces dévotes qui sont d'une humeur si -féroce, qu'elles vous laissent à peine des moments suffisants pour -respirer. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .» - - -AUTRE LETTRE DE GEORGES HARTMANN. - -«Il ne faut imputer le décès de Dürer à personne qu'à sa femme. Elle lui -avait si bien rongé le cÅ“ur, elle lui avait fait endurer de telles -souffrances, qu'il semblait en avoir perdu la raison. Elle ne lui -permettait jamais d'interrompre son travail, l'éloignait de toutes les -sociétés, et par des plaintes continuelles, répétées le jour et la nuit, -le tenait rigoureusement enchaîné à l'Å“uvre, afin qu'il amassât de -l'argent pour le lui laisser après sa mort. Elle avait sans cesse la -crainte de périr dans la misère, et cette crainte la torture encore -maintenant, quoique Dürer lui ait légué près de 6,000 florins. Elle est -insatiable: elle a donc été vraiment la cause de sa mort, etc.» - - -LETTRE DE PIRKEIMER A TZERTE, - -_Architecte de l'Empereur, à Vienne_. - -«J'ai positivement perdu, dans la personne d'Albert Dürer, un des -meilleurs amis que j'aie eus de ma vie. Sa mort m'a fait d'autant plus de -peine qu'elle s'est produite sous l'influence de causes bien pénibles. En -effet, je ne puis l'attribuer, après Dieu, qu'à sa femme qui lui a causé -de si vifs chagrins et l'a tourmenté d'une façon si cruelle, qu'elle l'a -poussé vers la tombe, et l'a rendu sec _comme de la paille_. Le pauvre -homme n'avait plus de courage et ne recherchait plus aucune société. -Cette mégère prenait soin de ses intérêts, et poussait son mari au -travail nuit et jour afin qu'il lui laissât le plus d'écus possible. . . -. . . . . . . . Je lui ai souvent reproché ses procédés, et je lui ai -même prédit ce qui est arrivé; mais cela ne m'a valu que de -l'ingratitude. Du reste, tous ceux qui aimaient le pauvre Albert -détestent sa femme, qui le leur rend bien. En somme, c'est elle qui a mis -le cher homme en terre.» - -Dans les premiers temps de son mariage, Albert Dürer avait fait des -efforts héroïques pour se soustraire à la domination de sa femme, mais la -lutte ne convenait pas à son caractère; peu à peu il avait fini par -courber le front, et, aux derniers jours de sa vie, il obéissait comme un -enfant à cette nouvelle Xantippe. - -Poussait-il la douceur jusqu'à la pusillanimité?--Nous ne le croyons -pas,--car plusieurs fois, pendant sa trop courte existence, il a prouvé -qu'avec les hommes il savait parler en homme.--Ou puisait-il cette -patience angélique dans la religion? En voyant le portrait d'Agnès Frey -qu'il a dessiné lui-même, et que l'on trouve encore aujourd'hui à Vienne, -nous croyons plutôt qu'il fut toujours amoureux de sa femme,--car elle -était fort belle.--Son front était froid, mais l'intelligence s'y jouait -comme un rayon de soleil sur une plaque d'acier poli; ses yeux étaient -durs, mais grands, veloutés et noirs; sa bouche était hautaine, mais -correcte; ses traits étaient sévères, mais remarquablement beaux; ils ne -commandaient pas la sympathie cependant: on sentait que celui qui avait -aimé cette femme l'aimerait toute sa vie, dût-il mourir de son amour. - -Quelle personnalité attachante que celle d'Albert Dürer! - -[Illustration: - ALBERT-DÜRER P. - AH.-CABASSON D. - TAMISIER. Sc. 1850.] - -Il était beau, et la noblesse de ses traits reflétait la pureté de son -âme et la lumière de son intelligence. - -Qui a vu une fois un de ses portraits ne peut plus l'oublier. De beaux -cheveux blonds cendrés qui flottent sur ses épaules, un front élevé et -pur où le génie a imprimé sa sévère majesté, de grands yeux bleus, -bien enchâssés dans leur arcade et ombragés de longs cils plus foncés que -ses cheveux, une bouche rêveuse, un cou flexible qui porte une tête digne -du ciseau de Phidias, comme la tige du lis porte la fleur des rois, tels -sont les traits principaux de cette figure ravissante. - -Toute sa personne était sympathique et séduisante. - -«Il avait de la noblesse et de l'aisance dans les mouvements, et sa haute -raison et son rare bon sens perçaient naturellement dans ses discours.» -«_Sermonis tanta in eo suavitas et lepor erat_, dit Joachim Camerarius, -_ut nihil esset audientibus magis contrarium quam finis_.» - -Et Schrober dit aussi: - -«Il y avait quelque chose de si doux et de si harmonieux dans sa manière -de parler, qu'on l'écoutait avec ravissement.» Du reste son instruction -était fort étendue. - -Peintre, dessinateur, graveur, orfévre, architecte, statuaire, ingénieur -et _géométrien_, comme l'écrit Loys Meygret, le traducteur de son livre -_des Proportions humaines_, il fut tout ce qu'il voulut être[1]. - - [1] Albert Dürer fit une grande quantité de dessins fort - remarquables, mais ses tableaux se comptent, on sait où les - rencontrer tous; ils sont dans les musées publics ou chez des - particuliers qui se font une fête de les montrer aux étrangers. - - Voici un petit catalogue rédigé, par ordre chronologique, d'après - nos notes de voyage; il n'a pas d'autre prétention que d'être - d'une scrupuleuse exactitude et de donner au lecteur le moyen de - trouver, sans les chercher, les chefs-d'Å“uvre du maître. - - Nous ne parlerons ici que pour mémoire du portrait d'Albert Dürer - qui est conservé précieusement à Vienne dans la collection - Albertine;--ce portrait, d'une grâce et d'une naïveté délicieuses, - est exécuté à la pointe d'argent sur papier teinté.--Il porte - cette inscription, écrite par l'artiste lui-même: «J'ai dessiné - ceci d'après moi, dans un miroir, en 1484, quand j'étais encore - enfant. - - «ALBERT DURER.» - - Il avait donc 13 ans à peine, et il était encore apprenti orfévre; - c'est en 1486 seulement qu'il fit son entrée dans l'atelier de - maître Wohlgemuth. - - La première peinture d'Albert Dürer qui soit parvenue jusqu'à - nous, est le portrait de son père. On la voit dans la pinacothèque - de Munich, cabinet VII, sous le numéro 128, avec cette légende: - «J'ai peint ce tableau d'après la personne de mon père, lorsqu'il - avait 70 ans. Albert DURER l'aîné.» - - Puis viennent le célèbre monogramme et la date 1497. - - Il fit deux fois son propre portrait en 1498: l'un est à Florence, - il a été gravé par Hollar et par Édelinck; l'autre est à Madrid, - au _museo del Rey_. Dans ce dernier portrait, son visage est un - peu maigre et un peu long, mais fort beau et fort distingué. Ses - grands yeux bleus, sa barbe naissante, ses cheveux blonds qui - s'échappent en grosses boucles d'un bonnet pointu, son costume - blanc et noir théâtralement drapé lui donnent un aspect à la fois - étrange et charmant. (Voir à la 1re page de ce livre.) - - En 1499, il a peint le portrait d'Oswald Krel, qui est à Munich, - cabinet VII, sous le numéro 120. - - En 1500, il a fait le portrait d'un jeune homme, peut-être Joannes - Dürer, son frère (Munich, cabinet VII, no 147), et aussi son - propre portrait. Ce n'est plus le même homme que l'on a vu à - Madrid; sa barbe est plus touffue, son visage est plus mâle, son - front est déjà un peu soucieux, son costume surtout est changé de - fond en comble; le bariolage blanc et noir est remplacé par une - fourrure de prix. On reconnaît en lui le chef d'une illustre école - de peinture, et on voit jusqu'à quel point Camerarius a raison - lorsqu'il dit: «Non-seulement Albert Dürer était beau, mais il - était très-fier de sa beauté, et il ne négligeait rien pour la - faire ressortir.» Ce portrait est fort remarquable, il ne peut - être comparé qu'à celui qu'il a fait plus tard de son vénérable - maître Wohlgemuth, et qui est dans le même musée. - - Nous trouvons dans la galerie du Belvédère, à Vienne, avec la date - de 1503, une _Sainte Vierge et l'Enfant Jésus_, deux têtes, deux - chefs-d'Å“uvre. - - En 1504, Albert Dürer grava sans doute plus qu'il ne peignit, car - nous ne connaissons qu'un seul tableau qui porte cette date, c'est - un _Marius sur les ruines de Carthage_. Le grand homme est assis - près d'une colonne brisée; il jette un long regard triste sur - cette ville autrefois si superbe, et il se dit sans doute que les - destinées des hommes et des empires sont souvent les mêmes: plus - ils sont puissants, plus leur chute est imminente. Ce tableau est - surtout remarquable par la couleur. - - C'est en 1506 qu'il fit son voyage à Venise, où il peignit, outre - le _Saint Bartholomé_, dont il parle dans sa première lettre à - Pirkeimer, un _Christ avec les Pharisiens_, qu'il termina en cinq - jours, et une _Sainte Vierge couronnée par les anges_. Albert - Dürer ébauchait ce dernier tableau, lorsque Giovanni Bellini vint - le voir dans son atelier: «Mon cher Albert, lui dit-il, - voudriez-vous me rendre un grand service?--Certainement, dit le - peintre nurembergeois, si ce que vous me demandez est en mon - pouvoir.--Parfaitement, répondit Bellini, faites-moi présent d'un - de vos pinceaux, de celui qui vous sert à peindre les cheveux de - vos personnages.» Dürer prit une poignée de pinceaux absolument - semblables à ceux dont se servait Bellini, et les lui offrant: - «Choisissez, dit-il, celui qui vous plaît, ou les prenez tous.» Le - peintre italien, croyant à une méprise, insista pour avoir un des - pinceaux avec lesquels il exécutait les cheveux. Pour toute - réponse, Albert Dürer s'assit et peignit avec l'un d'eux, le - premier qui lui tomba sous la main, la chevelure longue et bouclée - de la _Vierge aux anges_ avec une telle sûreté de main, que son - ami resta stupéfait de sa facilité. - - Nous trouvons dans la galerie du Belvédère, à Vienne, une toile - datée de 1507. C'est le portrait d'un jeune homme inconnu, dont - les traits sont d'une très-grande beauté. - - 1508 nous donne un des tableaux les plus célèbres du maître, la - _Légende des dix mille saints martyrisés sous le roi de Perse - Sapor II_. Malgré la multiplicité des personnages et le beau fini - des détails, Albert Dürer le peignit en un an pour le duc Frédéric - de Saxe; plus tard il devint la propriété du prince Albert, qui - l'offrit au cardinal de Granvelle. Je n'ai trouvé nulle part - comment il devint la propriété de l'empereur d'Autriche. Tout ce - que je puis dire, c'est qu'il est depuis longtemps déjà à Vienne, - au Belvédère (salle 1re, no 18), où il excite une juste - admiration.--Au milieu de la toile, on aperçoit Albert Dürer et - son Pylade Bilibald Pirkeimer; tous deux sont vêtus d'habits noirs - et suivent avec intérêt les péripéties du drame terrible qui se - déroule devant eux: leur attitude est calme et digne; l'artiste - tient à la main un petit drapeau sur lequel on lit l'inscription - suivante: _Ista faciebat anno Domini, 1508, Albertus Dürer - Alemanus_. - - Il y a, dans la galerie de Schleissheim, une répétition de cette - toile. Un an avant d'exécuter la _Légende des dix mille martyrs_, - l'artiste en avait fait un croquis à la plume. C'est le prince - royal de Suède qui est l'heureux possesseur de ce petit - chef-d'Å“uvre. - - Albert Dürer peignit l'_Ascension de la Vierge_ pour Jacques - Heller, de Francfort; il se représenta au second plan, appuyé sur - une table qui portait son nom et la date 1509. Je dis qui portait, - car cette belle toile a été détruite dans le terrible incendie du - château de Munich. Le fameux tableau l'_Adoration des rois mages_, - que l'on voit à Florence, porte aussi la date de 1509. C'est une - Å“uvre du plus haut style, malgré son aspect un peu étrange. En - effet, on a peine à garder son sérieux devant ses rois d'Orient, - vêtus comme des gentilshommes allemands du commencement du XVIe - siècle. - - Suivant les errements de tous les peintres, ses prédécesseurs, - Albert Dürer ne se souciait pas du costume, il habillait ses - personnages à la mode de son époque et de son pays. - - Revenons au Belvédère, nous ne perdrons pas nos pas, car nous nous - trouverons en face d'une des plus belles pages du maître, _la - Trinité_. Il fit ce chef-d'Å“uvre pour une église de Nuremberg, - d'où on la porta à Prague; ensuite elle passa à Vienne, où on la - voit encore. En haut, au milieu de la toile, Dieu le père presse - entre ses bras le Christ attaché à la croix; le Saint-Esprit plane - sur sa tête; deux séraphins tiennent le manteau de Jéhovah, tandis - que plusieurs anges voltigent autour d'eux, portant les - instruments de la Passion. A gauche, on aperçoit des saintes - conduites par la Vierge; à droite, des saints conduits par saint - Jean-Baptiste; au-dessous, une troupe d'élus de tous les états et - de toutes les races se tiennent debout sur des nuages et rendent - des actions de grâces au Créateur. A la droite du spectateur, on - aperçoit Albert Dürer lui-même, vêtu d'un riche manteau fourré; il - tient dans la main gauche un écusson sur lequel on lit: _Albertus - Durer Noricus faciebat anno Virginis partu 1511_. - - Un beau paysage, baigné par un lac transparent, occupe le bas de - la toile. - - 1511 nous donne un autre tableau qui ne vaut pas le précédent, il - s'en faut; c'est une _Vierge allaitant l'enfant Jésus_, que l'on - trouve au musée royal de Madrid. On peut reprocher à la mère du - Sauveur de n'être qu'une bonne bourgeoise de Nuremberg, mais on - doit reconnaître que la toile est d'un bel effet et d'un bon - coloris. - - 1512 ne nous apporte qu'un tableau que l'on voit à Vienne, au - Belvédère, c'est une _Madone_ qui se ressent du séjour du maître - en Italie. La robe bleue de la Vierge est d'une couleur - très-intense, trop intense peut-être; elle écrase un peu les - chairs qui sont un peu pâles; l'enfant nu que la Madone tient sur - ses genoux est remarquablement beau. - - Le musée du roi, à Madrid, renferme un _Calvaire_ daté de 1513, - qui peut rivaliser avec les meilleurs morceaux d'Albert Dürer. Ce - n'est guère qu'un tableau de chevalet. Mais les Å“uvres de génie - ne se mesurent pas au mètre. - - En 1515, il fit à la plume les dessins du célèbre livre de prières - destiné à l'empereur Maximilien. Aucun de ces nombreux petits - chefs-d'Å“uvre ne ressemble à son voisin: les uns sont sérieux, - les autres spirituels, tous sont admirables, et c'est toujours - celui que l'on a sous les yeux qui paraît le meilleur. Ce livre - unique est à Munich, dans la bibliothèque de la Cour. - - De tous les portraits d'Albert Dürer, le plus beau sans contredit - est celui qu'il a fait en 1516, d'après la _ressemblance_ de son - vieux maître, Michel Wohlgemuth. Cette Å“uvre pieuse est conservée - à la pinacothèque de Munich, cabinet VII, sous le numéro 139; elle - est peinte sur un fond vert uni et porte cette singulière légende: - «Albert Dürer a fait ce portrait en 1516, d'après la ressemblance - de son maître, Michel Wohlgemuth, qui était âgé de 82 ans et qui a - vécu jusqu'en 1519. Il est mort le jour de la Saint-André, avant - le lever du soleil.» - - A l'âge de quatre-vingt-deux ans maître Wohlgemuth avait encore - l'air intelligent, mais il ressemblait plutôt à un moine qu'à un - grand artiste. - - La _Lucrèce_ que nous trouvons à la pinacothèque de Munich, dans - la deuxième salle, sous le numéro 93, passe pour être le portrait - de sa femme. On se trompe évidemment; Agnès Frey était belle et - distinguée, et cette Lucrèce est laide et sans distinction. La - même année, Albert Dürer a peint une _Vierge tenant son fils sur - ses genoux_. L'Enfant divin porte au cou un collier d'ambre jaune, - et sur une table verte on aperçoit un citron coupé qui fait pâmer - d'aise tous les réalistes. La Mère du Sauveur est aussi belle que - les plus belles Vierges de Raphaël.--Ce tableau est à Vienne, au - Belvédère à côté d'un superbe portrait de l'empereur Maximilien - Ier, daté de 1519. - - En 1520, Albert Dürer entreprend son voyage dans les Pays-Bas. - Chemin faisant, il dessine sur un album qu'il emporte toujours - avec lui les personnages et les objets qui lui semblent - intéressants. Ce précieux album a été vendu en détail; nous en - avons vu quelques feuillets qui appartiennent à un amateur - distingué, M. Ambroise-Firmin Didot. Ils nous ont laissé le regret - de ne pas connaître les autres. - - Dans la pinacothèque de Munich, cabinet VII, numéro 127, nous - trouvons _Siméon et l'évêque Lazare_, un petit tableau charmant - qui porte la date de 1523, et qui cependant est peint sur un fond - d'or, dans le style de l'école de Cologne. A la même date, nous - avons non-seulement un magnifique portrait d'homme peint à la - détrempe sur toile, que l'on suppose être Jacques Frugger, mais - encore trois des meilleurs tableaux du maître: 1º une _Descente de - croix_, fort bien composée et d'une vérité qui vous fait froid au - cÅ“ur; 2º une _Nativité dans la crèche_, où l'on voit sainte Marie - et saint Joseph adorer l'enfant Jésus entouré d'un groupe de - chérubins, tandis que d'autres anges vont annoncer la bonne - nouvelle aux bergers. Cette _Nativité_ formait le centre d'un - triptyque dont on a détaché les volets qui contenaient les - portraits en pied des frères Baumgartner, dont Albert Dürer parle - souvent dans ses lettres à Pirkeimer; 3º la _Sainte Trinité_, qui - appartient à un habitant d'Augsbourg. C'est un beau tableau - largement peint et fort bien conçu. - - Le musée Van Ertborn, d'Anvers, possède une magnifique grisaille; - c'est le portrait de l'électeur Frédéric III, de Saxe, conforme à - la gravure qu'Albert Dürer en a faite en 1524 et qui porte son - monogramme si connu. - - 1526 nous apporte trois pages superbes. On voit la première à - Aix-la-Chapelle; c'est un Christ qui fait ses adieux à sa Mère. - - On voit la seconde à Vienne, dans la galerie du Belvédère; c'est - le portrait d'un certain Johann Kleeberger, dont les grands yeux - noirs et le teint mat sont très-poétiques. Il serait très-beau - s'il avait un nez, mais ce détail lui manque presque absolument. - Ce Kleeberger épousa Felicitas Pirkeimer, la fille de l'ami de - Dürer. En 1532, deux ans après la mort de sa femme, il s'établit à - Lyon où on ne l'appela bientôt que _le bon Allemand_, à cause du - bien qu'il faisait aux pauvres. Lorsqu'il mourut, en 1546, ses - compatriotes d'adoption lui élevèrent, sur le roc de Bourgneuf, - une statue en bois, qui fut remplacée en 1849 par une statue en - pierre, due au ciseau de M. Bonnaire. - - La troisième est le portrait d'un des ancêtres de M. le conseiller - et docteur Rodolphe Holzschuler, chef d'une illustre famille de - Nuremberg, qui le montre aux étrangers avec une grâce parfaite. - Son aïeul a cinquante-sept ans environ; mais malgré ses cheveux - blancs, il a l'air fort jeune. Ce portrait est un chef-d'Å“uvre. - - Il ne nous reste plus qu'à parler des tableaux qui n'ont pas de - date certaine. Parmi ceux-là nous trouvons, à Venise, le célèbre - _Ecce Homo_ qui doit avoir été peint en 1505 ou en 1506.--A - Vienne, dans la galerie de Fries, la _Mort de la Vierge_. La tête - de la mère du Christ est le portrait fidèle de Marie de Bourgogne, - première femme de Maximilien. Au second plan, on reconnaît - l'empereur, son fils et un grand nombre de contemporains célèbres. - La beauté de la couleur, le fini des détails et la ressemblance - des personnages historiques donnent un grand attrait à cette - admirable peinture.--A Florence, dans la galerie des Offices, la - _Madone avec l'Enfant_. Ce tableau est mal placé; cependant on - remarque la grâce et la beauté de la Vierge: on jurerait une de - ces belles toiles de Jules Romain ou de son illustre maître. A - Schleissheim, _la Vierge, sainte Anne et l'Enfant Jésus endormi_, - tableau d'une exécution irréprochable, et une _Mater dolorosa_ - debout, les mains jointes.--Citons encore un _Ecce Homo_ qui, pour - ne pas valoir celui de Venise, n'est pas moins une fort belle - chose dont la chapelle de Moritz, de Nuremberg, peut tirer grande - vanité.--_Hercule tuant les Harpies_ est un tableau peint à la - détrempe; il en reste juste assez pour faire voir qu'il a été - superbe et combien on doit le regretter.--Les _Bustes des - empereurs Charles et Sigismond_, du château de Nuremberg, belles - figures puissantes et majestueuses, peintes avec une grande sûreté - de main.--Dans la galerie de Schleissheim, le _Portrait d'un jeune - savant_, bon ouvrage exécuté à la détrempe, infiniment mieux - conservé que l'_Hercule_ dont nous avons déploré la fin - prématurée.--A Anvers, au musée Van Ertborn, une _Mater dolorosa_. - La Vierge, vêtue d'un manteau vert, est assise les mains jointes. - Ce tableau est très-beau, très-fini, d'une couleur très-intense et - d'une conservation parfaite; Otto Mündler l'attribue à Altdorfer. - Il est peut-être d'Albert Dürer; les hommes distingués qui ont - rédigé le livret du musée d'Anvers se contentent de dire qu'il - appartient à l'école allemande. En Espagne ou en Italie on le - donnerait sans hésiter à Albert Dürer. En Belgique, dans le doute, - on s'abstient toujours, ce qui est à la fois plus honnête et plus - habile. - - Faut-il parler ici des peintures dont le musée de - Saint-Pétersbourg gratifie trop généreusement Albert Dürer? Comme - elles n'ont pas sur elles leur extrait de naissance ou leur - passe-port, ce qui n'est pas toujours la même chose, nous aimons - mieux les oublier pour n'avoir pas à les débaptiser. - - La bibliothèque Ambroisienne de Milan possède la _Conversion de - saint Eustache_, dont Albert Dürer a fait une de ses plus belles - gravures. - - A Rome, il y a un tableau de Dürer, où il nous montre des _Avares_ - repoussants, à force d'être vrais, et une copie de l'_Adoration - des rois_, que l'on voit à Florence. Tout le monde croit qu'elle - est faite par un des bons élèves de Dürer. Le directeur du musée - seul déclare avec assurance que c'est un original. Dans trois ans, - si Dieu prête vie à ce galant homme, ce que je désire de tout mon - cÅ“ur, il assurera avec le même aplomb que le tableau de Florence - est une simple contrefaçon;--trois ans plus tard, il nommera - l'élève de Dürer qui l'a fait d'après celui de Rome; il dira, si - on l'exige, combien de temps il a employé à ce travail, où il - était logé, ce qu'il mangeait à ses repas, et il ne croira pas - mentir. Rien ne peut être comparé à l'imagination d'un - propriétaire de tableaux. Et un directeur de musée n'est-il pas - propriétaire de tous les tableaux qu'il a sous sa garde? - - Nous trouvons, à Turin, une _Déposition de croix_ d'une belle - couleur, et un _Ermite en prière_, qui pourrait bien être de - Heinrich AldegrÅ“ver. - - Dans la galerie du prince de Liechtenstein, à Vienne, il y a deux - volets de triptyque dont le panneau central est absent: ce sont - deux portraits en pied qui ne manquent pas de majesté et une - petite esquisse à peine ébauchée, vrai chef-d'Å“uvre de naïveté. - - A Dresde, on montre un portrait que l'on assure être celui de - Lucas de Leyde, qu'Albert Dürer a fait à Anvers, en 1520, et dont - il parle dans ses notes de voyage.--Un _Portement de croix_ en - figurines et en grisailles, et un _Lapin_ à la gouache sur - parchemin, d'une vérité parfaite;--il amuse beaucoup les enfants, - les grandes personnes se contentent de l'admirer. - - Nous trouvons dans le musée de Madrid deux _allégories_ - philosophiques et chrétiennes peintes sur des panneaux longs et - étroits. Comme dans l'un et dans l'autre la mort joue le rôle - principal, on prétend qu'ils ont été commandés par un seigneur du - temps qui avait le spleen. - - Et enfin les apôtres Pierre et Jean, Paul et Marc, que l'on admire - à Munich, salle première, sous les numéros 71 et 76. Ils ne - portent aucune date, mais le livret de la pinacothèque nous - apprend qu'ils ont été faits en 1527, c'est-à -dire un an avant la - mort d'Albert Dürer. Ces quatre apôtres pourraient être signés: - Raphaël ou Fra Bartholomeo. Quelle élévation de style, quelle - grandeur imposante et quelle noblesse! On les reconnaît, ce sont - bien eux qui ont porté la parole du Christ par la terre entière. - En peignant l'apôtre saint Jean, Albert Dürer lui a donné la belle - et sympathique figure de Schiller. On dirait que le grand peintre - a pressenti la venue du grand poëte et qu'il a voulu d'avance - faire son portrait. - - On remarquera sans doute que nous n'avons pas cité une seule fois - Paris dans ce rapide travail; c'est qu'en effet notre musée - impérial, qui contient quelques beaux dessins du Raphaël de - l'Allemagne, n'a pas une seule de ses admirables peintures. Je - n'accuse personne, je sais combien notre surintendant est artiste; - je sais aussi, sans qu'il me l'ait dit, avec quelle joie il - payerait, non pas au poids de l'or, ce serait trop bon marché, au - poids du rubis, un tableau qui porterait la signature d'Albert - Dürer ou son célèbre monogramme. Mais ceux qui ont le bonheur de - posséder ces inimitables chefs-d'Å“uvre les gardent. Il lui serait - facile de se procurer quelques-unes des innombrables contrefaçons - que l'on fabrique par un procédé qui est d'une déplorable - simplicité; le voici: on colle sur une plaque de cuivre une - gravure du maître, on la met en couleur; on a soin de respecter le - monogramme; on la vernit, on l'envoie en Hollande, d'où elle - revient sans toucher terre; on la conduit à l'hôtel Drouot, où on - la sert aux banquiers enrichis en un jour qui se font une galerie - en une heure. - - Si notre surintendant n'était pas lui-même un artiste distingué, - il se laisserait prendre à ce piége, car il est quelquefois assez - vraisemblablement ourdi, et nous aurions, comme quelques musées - étrangers, une demi-douzaine d'Albert Dürer. Mais combien nous - préférons l'absence du chef de l'école nurembergeoise à ces toiles - douteuses qui font hausser les épaules aux vrais connaisseurs! Il - y a encore assez de tableaux authentiques d'Albert Dürer dans les - mains des particuliers, pour qu'un bon vent nous en amène un; s'il - faut le payer cher, on le payera cher! - - Les musées de province ne sont guère plus riches que celui de - Paris. Cependant Lyon a un _ex-voto_ de l'empereur Maximilien - signé du portrait de Dürer lui-même, et Limoges un magnifique - tableau peint sur fond d'or. - - Dans la relation de son voyage en Flandre, Albert Dürer passe en - revue la plus grande partie de ses gravures. Nous compléterons, - chemin faisant, les renseignements qu'il donne lui-même, et nous - prierons le lecteur qui voudra de plus amples détails de consulter - l'_Abecedario de Mariette_, publié et annoté par MM. de - Chenevières et de Montaiglon, M. Charles Blanc, qui parle - longuement et savamment de l'Å“uvre gravé d'Albert Dürer dans son - admirable _Histoire des peintres_, Heller, qui a corrigé Bartsch, - M. Passavant, qui a corrigé Heller, et M. Émile Galichon qui, lui, - n'a voulu corriger personne, et a pourtant écrit un fort bon - ouvrage sur les gravures d'Albert Dürer. - - Nous l'avons dit, Albert Dürer ne fut pas seulement peintre et - graveur, il embrassa tous les arts et excella dans tous. Il fut - orfévre, mais aucun de ses travaux n'est resté. Sandrart nous - apprend qu'il a ciselé sept sujets de la Passion, mais il ne les a - pas vus. - - On lira dans le _Voyage en Flandre_ qu'il fit beaucoup de dessins - pour les orfévres. On verra, dans la même relation, qu'il s'occupa - aussi d'architecture; entre autres travaux, il dessina au lavis le - plan d'une maison pour le médecin de dame Marguerite, et le - British Museum possède le plan d'une fort belle fontaine qu'il a - dessiné à la plume; malheureusement, cette fontaine est restée à - l'état de projet. - - Il fut aussi ingénieur comme Léonard de Vinci et Michel-Ange. - C'est lui qui dirigea les travaux de fortifications de la ville de - Nuremberg. - - Comme sculpteur, on lui donne: 1º un petit bas-relief en pierre, - représentant la naissance de saint Jean-Baptiste (il est conservé - au British Museum); 2º deux statuettes, Adam et Ève (au musée de - Gotha); 3º deux madones, bas-reliefs sculptés en bois; deux femmes - nues, vues l'une de face, l'autre de dos, bas-reliefs en marbre (à - Munich); 4º un saint Jean prêchant dans le désert, bas-relief (à - Brunswick); 5º divers ouvrages exécutés en ivoire et en bois (à - Dresde, dans la collection des Grünes Gewölbe); 6º une arquebuse - (à Vienne); 7º plusieurs bas-reliefs en bois et en pierre - lithographique, avec le monogramme d'Albert Dürer (à Paris, au - Louvre, et à Bruges, au séminaire). Mais nous n'acceptons la plus - grande partie de ces ouvrages que sous bénéfice d'inventaire. Les - numismates lui attribuent aussi plusieurs médailles. - - Voici un pfenning qu'il grava pour Martin Luther: - - [Illustration] - - Le premier livre d'Albert Dürer est intitulé: _Traité de - géométrie, ou Méthode pour apprendre à mesurer avec la règle et le - compas_. Cet ouvrage est mûrement pensé et écrit clairement. On - voit que l'auteur est convaincu de ce qu'il avance, à savoir «que - la géométrie est le vrai fondement de toute peinture, et que, sans - posséder à fond cette science, personne ne peut devenir un bon - peintre.» - - Ce traité était fort estimé au XVIe siècle.--A la demande d'Agnès - Frey, Joachim Camerarius en fit une traduction qui fut publiée à - Paris, _ex officina Christiani Welcheli_. - - _Sub scuto Basilensi_ M. D. XXXV. - - A la même époque, le même éditeur mit en vente une traduction - latine du _Traité sur les fortifications des villes, châteaux et - bourgs_, qu'Albert Dürer avait publié en 1527, et qu'il avait - dédié au roi de Hongrie, Ferdinand, frère de Charles-Quint. - - L'ouvrage intitulé: _Les quatre livres des proportions humaines_, - qui a été écrit en 1523, n'a été publié qu'après la mort d'Albert - Dürer, par les soins de sa femme, qui n'a rien négligé pour en - retirer un bon prix; il a aussi été traduit en latin par - Camerarius, et en français par Loys Meygret, de Lyon. Nous ne - dirons rien de cet ouvrage, puisqu'on peut le lire en français; il - y en a un exemplaire à la Bibliothèque impériale. Outre les trois - traités dont nous venons de parler, on conserve à la Bibliothèque - de la Madeleine, à Breslau, un livre sur l'escrime qui doit être - authentique. On sait combien Albert Dürer aimait tous les - exercices du corps. - - Un ouvrage sur les proportions du cheval, qu'on lui attribue, - n'est pas de lui, si l'on en croit Camerarius, qui est digne de - foi. - - -On l'a souvent comparé à Raphaël, mais du côté de l'universalité des -connaissances, il a bien plus de points de contact avec Michel-Ange. - -J'ai vu quelque part qu'on lui reconnaît aussi le talent de l'écrivain. -On prétend même qu'il a contribué à fixer la langue allemande,--mais -c'est là une assertion que je ne peux admettre. Pour ses traités -didactiques, il est certain que Pirkeimer y mettait la main, car ils -diffèrent notablement, comme style et comme orthographe, de sa -correspondance intime. Dans ses lettres à Pirkeimer, le même mot est -écrit parfois de quatre ou cinq façons différentes, et l'on ne peut -s'empêcher de rire à la vue de ses essais de versification. - -Comme artiste, Albert Dürer est un des esprits les plus originaux que je -connaisse. C'est un peintre qui est avant tout de son pays et de son -époque, grande qualité, si l'on y réfléchit, et à ce titre il mérite -pleinement la qualification de père de l'école allemande. - -Vasari, Lambert-Lombart, Mariette, et quelques autres auteurs anciens et -modernes ont regretté qu'Albert Dürer ne fût pas né en Italie, et ils lui -ont reproché sérieusement de n'avoir pas été à Rome étudier l'antique. Ce -sont là des idées étroites et puériles que l'on est étonné de trouver -chez des écrivains d'une valeur réelle. S'il fallait en croire certains -critiques trop exclusifs, l'art ne serait bientôt plus qu'une formule, -car pour eux le beau n'a qu'un type unique en qui réside une perfection -absolue. Ce serait un moule où les esprits les plus divers viendraient -prendre une empreinte fastidieusement uniforme. C'est une folie que ce -nouveau lit de Procruste, car le beau est dans tout, dans l'harmonie des -proportions, comme dans la profondeur du sentiment, dans l'éclat de la -couleur, comme dans la correction du dessin. - -Ces dernières idées étaient aussi celles d'Albert Dürer. - -«L'homme qui cherche le beau, dit-il, rencontre le multiple et le -divers, et il y a plusieurs voies pour atteindre à la beauté.» - -Il a entrevu l'accord et l'agrément de la nature, jusque dans ses -difformités, et il a deviné la beauté des diverses races. «Il y a des -corps d'Éthiopiens, ajoute-t-il, où la nature a mis une telle convenance -et une telle harmonie, qu'on ne peut rien concevoir de plus parfait.» On -le voit, il n'a pas inventé, comme on l'a prétendu, la fameuse phrase: Le -beau, c'est le laid. Quand son modèle est beau, il le fait beau, témoin -le _Jeune homme_ de la galerie de Vienne, témoin le _Saint Jean_, de -Munich. - -Du reste, mille circonstances viendraient empêcher cette fusion, si -quelqu'un était assez fou pour la tenter, et pour n'en citer qu'une -seule, la variété des climats maintiendra toujours une différence -fondamentale entre le peintre allemand et le peintre italien. Du temps de -Dürer, une autre cause encore venait accentuer cette différence entre les -deux écoles. Les anciens peintres allemands procédaient des Byzantins -comme les Italiens; cependant, le développement de l'art se faisait de -part et d'autre dans des conditions toutes différentes. - -Les Italiens, ayant sous les yeux les trésors de la statuaire antique, -ont pu acquérir rapidement la pureté et la correction du dessin. Ils ont -appris à donner à leurs figures cette souplesse et cette élégance de -pose, et à les revêtir de draperies artistement disposées. Les Allemands, -au contraire, n'avaient qu'un modèle: la nature. Aussi, si leurs poses -ont quelque roideur, si leurs têtes sont presque toutes des portraits, -ils ont un grand charme et une délicieuse naïveté dans l'expression. Ils -sont, en quelque sorte, restés plus près de la vérité. - -Albert Dürer a conservé quelques-uns des défauts de ses prédécesseurs, -mais il a recueilli le riche héritage de leurs qualités; c'est non pas un -réaliste, dans le sens moderne du mot, mais un _naturaliste_. - -Du reste, en laissant de côté ces préoccupations d'école, Albert Dürer -est encore un génie de premier ordre. Ce qui le prouve, c'est que les -plus grands peintres, Andrea del Sarto, le Pontorme, le Guide, n'ont pas -dédaigné de lui faire de larges emprunts.--Le Guide a copié plusieurs -figures du char de Maximilien dans la fresque de l'_Aurore_ qu'il a faite -au palais Rospigliosi. - -Raphaël l'estimait fort, il lui envoya son portrait et quelques dessins -précieux; il disait aussi avec franchise et naïveté: - -«En voilà un qui nous dépasserait tous, s'il avait pu contempler, comme -nous, les chefs-d'Å“uvre de l'art.» - -Et pour que cet éloge parût plus sincère, tout partisan qu'il était de -l'antique, il exposa plusieurs estampes du graveur allemand dans son -atelier. - -Bernard Palissy connaissait et estimait les gravures d'Albert Dürer; -voici ce qu'il en dit dans son livre intitulé: _de l'Art de terre_. - -«As-tu pas veu aussi combien les imprimeurs ont endommagé les peintres -pourtrayeurs sçavans? J'ay souvenance d'avoir veu les histoires de -Notre-Dame imprimées de gros traits, après l'invention d'un Alemand nommé -Albert, lesquelles histoires vindrent une fois à tel mepris, à cause de -l'abondance qui en fut faite, qu'on donnait pour deux liards chascune -desdites histoires, combien que la pourtraiture fust d'une belle -invention[2].» - - [2] OEuvres de Bernard Palissy, page 10 (_édition - Ruault_,--1777); dans une note, on lit ceci: «En 1777, les pièces - capitales se vendent jusqu'à 15 et 16 livres.» Que dirait donc - l'auteur de la note, s'il savait que j'en ai vu vendre une, - dernièrement, 1,200 francs? - -Albert Dürer est né à Nuremberg, le 20 mai 1471, au moment où cette ville -était dans toute sa splendeur; mais cédons la parole au chef de l'école -allemande et laissons-le se présenter lui-même tenant toute sa famille -par la main. - -Nous traduisons mot à mot les notes de famille, recueillies par Albert -Dürer et laissées dans ses papiers. Elles diront mieux qu'on ne l'a fait -jusqu'à ce jour l'origine et les commencements du célèbre artiste. - -Nous sommes tellement sûrs que rien de ce qui a été écrit par un homme -comme Albert Dürer ne peut être indifférent au public, que nous donnons -ces notes sans en élaguer les passages qui pourraient peut-être paraître -un peu longs, s'ils venaient d'un personnage moins sympathique. - - -NOTES DE FAMILLE - -RECUEILLIES PAR ALBERT DURER. - - -Moi, Albert Durer le jeune, j'ai appris par les papiers que j'ai trouvés -chez mon père, où il est né, comment il est venu à Nuremberg et comment -il est mort saintement. - -Que Dieu lui soit miséricordieux! _Amen!_ - - -ANNÉE 1524. - -Albert Dürer le vieux est né dans le royaume de Hongrie, près de Jula, à -8 milles au-dessous de Wardein, dans un petit village appelé Eytas, où sa -famille élevait des bÅ“ufs et des chevaux. - -Mon grand-père se nommait Antony Durer; jeune encore, il vint habiter -Jula et se mit en apprentissage chez un orfévre. Il épousa une jeune -personne appelée Élisabeth dont il eut une fille, Catharina, et trois -garçons. L'aîné, mon père, est aussi devenu un très-honnête et -très-habile orfévre. Ladislas, le second, se fit sellier; il est le père -de mon cousin Nicolas Durer qui demeure à Cologne et qu'on appelle -Nicolas le Hongrois; il a appris le métier d'orfévre à Nuremberg chez mon -père. Le troisième fils, Jean, eut la permission d'étudier; il fut -ordonné prêtre et desservit pendant plus de trente ans la cure de -Wardein. - -Mon père, Albert Durer, est d'abord venu en Allemagne, puis il a séjourné -assez longtemps dans les Pays-Bas, où il a vécu dans l'intimité des -grands artistes, et définitivement il s'est fixé à Nuremberg, l'an 1454, -à la Saint-Louis, le jour même que Philippe Pirkeimer avait choisi pour -faire ses noces sur les remparts; on dansa longuement et allégrement sous -les grands tilleuls. - -Mon cher père entra chez Jérôme Haller qui est devenu depuis mon -grand-père; il est resté à son service jusqu'en 1467. Alors il lui -demanda la main de sa fille Barbara, une jeune personne jolie et -éveillée, à peine âgée de quinze ans. Haller la lui accorda et les noces -furent faites huit jours avant _viti_. - -Il est bon de savoir que ma grand'mère maternelle était fille d'Oellinger -de Weissenburg, et qu'elle s'appelait Cunégonde. - -Du mariage de mon cher père et de ma chère mère sont nés les enfants dont -les noms suivent: - -_Tout ce qu'on va lire maintenant, je l'ai copié mot à mot dans le livre -de mon père._ - -I.--L'année 1468 après la naissance de Jésus-Christ, le jour de -Sainte-Marguerite, ma femme Barbara accoucha de ma fille aînée. La -vieille Marguerite de Weissenburg fut sa marraine; elle donna à l'enfant -le nom de sa mère. - -II.--_Item._ En 1470, à la Sainte-Marie du carême, vers deux heures du -matin, ma femme accoucha d'un fils. Il fut tenu sur les fonts par -Frédéric Roth de Bayreuth, qui l'appela Hans[3]. - - [3] Jean. - -III.--_Item._ L'année 1471, à six heures du soir, un vendredi de la croix -(la semaine avant la Pentecôte), le jour de Sainte-Prudence, un autre -fils nous arriva. Son parrain Antoine Koberger[4] le nomma Albert, pour -m'être agréable. - - [4] Célèbre imprimeur de Nuremberg. - -IV.--_Item._ En 1472, vers trois heures du matin, à la Saint-Félix, ma -femme me donna un quatrième enfant. Il se nomma Sebald, comme son -parrain, Sebald Hotzle. - -V.--_Item._ En 1473, le jour de Saint-Ruppert, à six heures, Barbara -accoucha d'un cinquième enfant que son parrain, Hans Schreiner de Laufer -Thor, appela Jérôme, comme mon beau-père. - -VI.--_Item._ L'année 1474, à la Saint-Domitien, vers sept heures, ma -femme me donna mon sixième enfant. Son parrain Ulric Mank, l'orfévre, le -nomma Antoine. - -VII.--_Item._ En 1476, à la Saint-Sébastien, vers une heure, Barbara me -fit cadeau d'une fille. Sa marraine, demoiselle Agnès Bayrin, lui donna -son nom. - -VIII.--_Item._ A une heure de là ma femme accoucha, au milieu de douleurs -intolérables, d'une seconde fille que l'on crut devoir baptiser -immédiatement. On lui donna le nom de Marguerite. - -IX.--_Item._ En 1477, le premier mercredi après la Saint-Louis, ma -ménagère me donna encore une fille, qui s'appela Ursule comme sa -marraine. - -X.--_Item._ L'année 1478, à trois heures de la nuit, le lendemain de -Saint-Pierre et Saint-Paul, Barbara accoucha d'un fils que son parrain, -Hans Sterger, un ami de Sohmbachs, nomma Hans. - -XI.--_Item._ En 1479, à trois heures du matin, à la Saint-Arnold, un -dimanche, ma femme me fit présent d'une fille à qui Agnès Fritz-Fischer, -sa marraine, donna son nom. - -XII.--_Item._ L'année 1481, à une heure, le jour de Saint-Pierre, Barbara -mit au monde notre douzième enfant,--un garçon.--Nicolas, le commis de -Josse Haller, fut son parrain et l'appela Pierre. - -XIII.--_Item._ En 1482, à quatre heures du matin, le mardi avant la -Saint-Bartholomé, ma femme accoucha d'un enfant du sexe féminin.--Sa -marraine, Catherine, la fille de Brintwar, lui donna son nom. - -XIV.--_Item._ En 1484, le jour de la Saint-Marc, à une heure après -minuit, Barbara me donna mon quatorzième enfant; il s'appelle André, -parce que son parrain André Stromayer a voulu lui donner son nom. - -XV.--_Item._ L'année 1486, la veille de la Saint-Georges, à midi, ma -femme accoucha d'un fils; Sebald de Lochheim fut son parrain et l'appela -Sebald. - -C'est le second de mes enfants qui porte ce nom. - -XVI.--_Item._ En 1488, le vendredi avant l'Ascension, à midi, Barbara mit -au monde une fille, à qui sa marraine, la femme de Bernard Walter, donna -le nom de Christine, qu'elle portait elle-même. - -XVII.--_Item._ L'année 1490, le dimanche du Carnaval, à deux heures après -minuit, ma femme donna le jour à un enfant du sexe masculin; M. George, -le digne vicaire de Saint-Sebald, fut son parrain et l'appela Hans. - -C'est le troisième de mes enfants qui porte ce nom. - -XVIII.--_Item._ En 1492, le jour de la Saint-Cyriac, à deux heures avant -le soir, Barbara me donna mon dix-huitième et dernier enfant. M. Charles -d'Oehsenfurt, son parrain, l'appela Charles. - -A l'heure qu'il est, presque tous ces frères et sÅ“urs, enfants de mon -cher père, sont morts, les uns tout jeunes, les autres un peu plus tard. -Trois d'entre nous ont survécu et vivront tant qu'il plaira à -Dieu.--C'est mon frère André[5], mon frère Jean[6], et moi, Albert. - - [5] Celui-ci a survécu à Albert, et fut son héritier. - - [6] Jean fut peintre du roi de Pologne. - -Albert Durer le vieux a passé sa vie au milieu des plus grandes -privations et des plus rudes labeurs. Pour nourrir sa femme et élever ses -enfants, il n'avait pas d'autres ressources que le travail de ses mains. -Aussi n'a-t-il jamais été bien riche.--Mais comme il eut le courage de -supporter honorablement et chrétiennement l'adversité, il fut loué et -estimé de tous ceux qui l'ont connu. Il fut un homme patient, pieux et -doux; plein de bienveillance pour tout le monde et très-reconnaissant -envers Dieu, malgré sa misère. Il fuyait les plaisirs, n'aimait pas la -société et parlait fort peu. - -Mon cher père avait grand soin de ses enfants, qu'il élevait d'une façon -très-convenable, afin qu'ils fussent agréables à Dieu et aux hommes; il -nous recommandait sans cesse d'honorer le souverain créateur de toutes -choses et de vivre honnêtement avec notre prochain. - -Il nous aimait tous, mais il avait principalement de l'affection pour -moi. Voyant que j'étais studieux, il me laissa aller à l'école; quand je -sus lire et écrire, il me fit rester à la maison et m'apprit l'état -d'orfévre. Je travaillai bientôt très-convenablement. Cependant, mon -inclination me portait vers la peinture; je m'en expliquai avec mon père, -qui me reçut d'abord fort mal; il regrettait le temps que j'avais perdu à -apprendre l'état d'orfévre; il céda néanmoins à mes instances, et l'année -1486, le jour de la Saint-André, il me plaça pour trois ans comme -apprenti chez un grand peintre, nommé Michel Wohlgemuth[7]. - - [7] Né à Nuremberg en 1434, mort en 1519 dans sa ville natale. On - l'appelle généralement le Pérugin du Raphaël de l'Allemagne. - Lorsque Albert Dürer entra chez Michel Wohlgemuth, ce peintre - illustrait la _Chronique de Nuremberg_, livre célèbre, qui fut - imprimé, pour la première fois, en 1493, par le parrain d'Albert, - Antoine Koberger. - -[Illustration: ALBERT-DURER, P. AH. CABASSON, D. TAMISIER. Sc.] - -Pendant ces trois ans, Dieu me donna un grand courage; aussi mes progrès -furent rapides,--mais j'eus beaucoup à souffrir de mes condisciples, qui -auraient voulu en savoir plus que moi en travaillant moins. - -Quand mon apprentissage fut terminé, mon père me fit voyager; je restai -absent jusqu'au jour où il lui plut de me rappeler. En 1490, après -Pâques, je partis de nouveau, et je revins en 1494. Quand je fus à la -maison depuis quelques jours, Hans Frey proposa à mon père de me -donner sa fille Agnès, avec une dot de 200 florins;--il accepta, et les -noces furent faites le lundi avant la Sainte Marguerite de la même année. - -Peu de temps après mon mariage, mon père tomba malade d'une dyssenterie, -contre laquelle personne ne put rien.--Voyant approcher son heure -dernière, il se résigna, me recommanda ma mère, et nous supplia de -continuer à vivre en honnêtes gens; il reçut les saints sacrements et -mourut en vrai chrétien, en 1502, la veille de la Saint-Matthieu, vers -minuit, comme je l'ai déjà écrit longuement dans un autre livre. Dieu -veuille avoir son âme! Je pris mon frère Hans chez moi, et nous mîmes -André en pension. - -Deux ans après la mort de mon père, je pris aussi ma mère avec moi, car -elle n'avait plus rien. En 1513, elle tomba subitement malade. - -Sa maladie dura une année entière, et elle fut mourante du premier au -dernier jour, le 17 mai 1514, deux heures avant la nuit; après avoir été -administrée, elle succomba. - -J'ai prié Dieu de l'avoir en sa sainte garde. - -En 1521, le dimanche avant la Saint-Barthélemy, dix-huitième jour du mois -d'août, ma chère belle-mère se mit au lit, et le 29 septembre, à neuf -heures de la nuit, elle mourut pieusement. - -En 1523, à la fête de la Présentation, de grand matin, est mort, après -avoir reçu les saints sacrements, mon honoré beau-père Hans Frey, qui a -été malade près de six longues années, et qui a aussi eu à essuyer de -grandes adversités dans cette vie. - -Dieu tout-puissant, sois-lui miséricordieux! - - -Rien dans les papiers de Dürer ne dit positivement où il a voyagé de 1490 -à 1494; mais Roth (J.-F.), diacre de l'église Saint-Jacques à Nuremberg, -dans un livre intitulé _Leben Albrecht Dürer_, publié en 1791, nous dit: -«En 1490, Albert Dürer voyagea à travers l'Allemagne, les Pays-Bas et -poussa jusque dans la Vénétie.» - -Une phrase de la deuxième lettre à Pirkeimer nous fait penser que Roth a -raison; du reste un voyage de Nuremberg à Venise était chose très-peu -extraordinaire à la fin du XVe siècle. Les relations des deux villes -étaient très-suivies; une grande quantité de marchands de Nuremberg -avaient une succursale de leur maison à Venise, et un messager partait -chaque semaine de Nuremberg et un autre de Venise. - -Beaucoup de jeunes gens visitaient l'Italie pour compléter leurs études; -ajoutons que l'on voit dans une des gravures du maître, faite avant 1506, -une gondole comme celles que l'on ne rencontre que sur l'Adriatique, et -le marinier la conduit trop bien à la façon des Vénitiens, pour n'avoir -pas été dessiné d'après nature. - -Sandrart assure qu'il séjourna dans les Pays-Bas; mais dans ses notes de -voyage, Albert Dürer ne fait pas une seule fois allusion à une visite -antérieure. - -En 1492, il traversa Colmar, nous dit Scheurl, qui prétend le tenir -d'Albert Dürer lui-même; il fut fort bien reçu par les trois frères de -Martin Schongauer (Martin le Beau), mais il eut le regret de ne pas voir -le célèbre artiste qui, le premier, osa s'affranchir de l'imitation des -peintres hollandais et remplacer la roideur et la sécheresse par la -distinction et la grâce. Il était mort depuis quatre ans. - -De 1494 à 1505, Albert Dürer ne quitta pas Nuremberg, sa ville natale; il -y vécut à l'ombre, dans l'étude, sans autre distractions que ses longs -entretiens avec son ami Pirkeimer, qu'il appelait son second père et qui -était un peu son professeur, à leur insu à tous les deux. - -J'ai visité sa triste maison[8]; j'y ai rencontré à chaque pas l'ombre -exécrée de sa femme, cette abominable Agnès Frey, si belle, si honnête, -si pieuse, si acariâtre, si intolérante et si avare. J'avais le cÅ“ur -gros en pensant à ce qu'avait dû souffrir ce pauvre homme de génie -pendant les longues années qu'il a passées avec ce monstre charmant qui -le tuait à petit feu. - - [8] Cette maison ou plutôt cette cage n'est intéressante que - parce qu'elle a été habitée par le célèbre artiste pendant la - plus grande partie de sa vie, et qu'il y a composé presque tous - ses chefs-d'Å“uvre.--Elle est située à l'extrémité de la rue - Albert Dürer et porte le numéro 376. Les murs sont construits - avec des soliveaux entre-croisés, dont les intervalles sont - remplis par la maçonnerie; les fenêtres sont nombreuses et - larges; elle est coiffée d'un énorme toit rouge percé d'une - grande quantité de lucarnes longues et basses comme ses voisines, - dont elle n'a pas l'air de chercher à se distinguer. - - La tradition rapporte que, sur le pignon, à la hauteur du premier - étage, s'avançait autrefois en saillie une loge vitrée qui servait - d'atelier au maître; elle a été démolie, parce qu'elle menaçait - ruine, et on a eu le tort de ne pas la reconstruire. - - La ville de Nuremberg a acquis cette maison et lui a donné une - noble destination en la réservant aux assemblées de la _Société - Albert Dürer_ et aux expositions permanentes d'objets d'art.--Les - étrangers qui désirent visiter ce pieux souvenir historique sont - fort bien accueillis par un artiste délégué, qui leur montre avec - une grâce parfaite le rez-de-chaussée où Dürer faisait poser ses - modèles; la grande salle du premier étage où le maître recevait - ses élèves et ses amis, après ses longues journées de labeur, - lorsque la belle Agnès l'autorisait à ne pas travailler le soir, - ce qui était fort rare; et enfin le second étage où on voit la - chambre à coucher d'Albert Dürer. C'est un réduit situé sur la - cour, où le soleil n'a jamais daigné venir le saluer, et où un - homme de moyenne taille peut à peine se tenir debout. Si j'offrais - à mon domestique quelque chose de pareil, il m'aurait bientôt - donné mon compte. - -Vers la fin de 1505, il partit pour Venise où il séjourna un an environ; -c'est de là qu'il adressa à Bilibald Pirkeimer les huit lettres intimes -que l'on trouvera plus loin. - -De 1506 à 1520, il ne sortit guère de son atelier. - -En 1520, il fit dans les Pays-Bas le célèbre voyage dont nous publions -ici _in extenso_ la relation. - -A son retour en Allemagne, Albert Dürer reprit sa vie de travail presque -en tête-à -tête avec son acariâtre épouse, car la mégère avait réussi à -faire le vide autour de lui; mais une telle existence ne pouvait être -longue. Le 6 avril 1528, le pauvre grand homme mourut d'épuisement et de -chagrin, dans toute la force de son talent, à l'âge de 57 ans, sans -enfants, laissant ses objets d'art à son frère André et sa fortune à sa -femme, que ses compatriotes auraient tant voulu voir déshériter. - -La mort d'Albert Dürer affligea sérieusement ses nombreux amis. - -Nous avons cité des fragments de lettres, citons aussi quelques mots -d'Érasme, qui était lié avec lui, mais qui était avant tout philosophe: - -_Quid attinet Dureri mortem deplorare, quum simus mortales omnes? -Epitaphium illi paratum est in libello meo._ - -Traduction: - -A quoi bon pleurer la mort d'Albert Dürer, puisque nous sommes tous -mortels? Je lui ai fait une épitaphe dans mon petit livre. - -Avons-nous besoin de dire à ceux qui connaissent le cÅ“ur humain -qu'Albert Dürer était admiré plus par les princes[9] que par ses -égaux,--par les étrangers que par ses compatriotes, prouvant ainsi une -fois encore l'éternelle vérité du proverbe: _Nul n'est prophète en son -pays._ - - [9] Un jour, l'empereur Maximilien fit pour Albert Dürer ce que - Charles-Quint fit plus tard pour le Titien, et François Ier pour - Benvenuto Cellini, il maintint en équilibre l'échelle sur - laquelle le peintre était monté, et dit aux gentilshommes de sa - suite: «Vous le voyez, messieurs, le génie d'Albert Dürer le - place même au-dessus de l'empereur.» - - Un autre jour, Albert Dürer, dessinant sur une muraille, allait - devoir interrompre son travail, parce qu'il ne se trouvait plus - assez élevé, lorsque l'empereur Maximilien, qui était présent, - ordonna à un de ses gentilshommes de se poser de façon que - l'artiste pût se servir de lui pour s'exhausser. Le gentilhomme - représenta humblement qu'il était prêt à obéir, bien qu'il trouvât - cette posture fort humiliante; il ajouta qu'on ne pouvait guère - plus avilir la noblesse, qu'en la faisant servir de marchepied à - un peintre. - - «Ce peintre, reprit l'empereur, est plus que noble par ses - talents; je peux d'un paysan faire un noble, mais d'un noble je ne - ferais jamais un artiste comme Albert Dürer.» Le soir même, Albert - Dürer fut anobli par l'empereur, qui lui donna pour armes trois - écussons d'argent, deux en chef et un en pointe sur champ d'azur. - - Nous laissons la responsabilité de ces anecdotes à Karle de - Mander, qui a fait des comédies charmantes et des fables fort - spirituelles, dont il s'est un peu trop souvent souvenu quand il a - écrit son histoire des peintres. - -[Illustration: Leon Gauchenel Sct. - LA SAINTE TRINITE - Dessin d'ALBERT DURER - Collection de M. F. Reiset Imp. A. Salmon - Gazette des Beau-Arts] - -Voici deux lettres qui attestent suffisamment ce que j'avance: - - -LETTRE DE L'EMPEREUR MAXIMILIEN - -AUX MAGISTRATS DE LA VILLE DE NUREMRERG. - -«Honorables et chers fidèles, - -«Le soin qu'a toujours montré notre fidèle Albert Dürer dans l'exécution -des dessins et des gravures que nous lui avons demandés; l'offre qu'il a -faite de continuer de nous servir avec le même zèle, et dont nous -avons ressenti un plaisir tout particulier; sa célébrité bien connue -entre tous les peintres, nous ont fait résoudre de lui venir en aide et -de le récompenser par une faveur toute spéciale. - -»Nous vous demandons donc avec instances sérieuses de vouloir bien -l'exempter de tout impôt communal de ville et de toute autre -contribution, en témoignage de notre amitié pour lui et en faveur de son -art merveilleux auquel il est juste qu'il puisse s'adonner librement. - -«Nous espérons que dans aucun cas vous ne refuserez la demande que nous -vous adressons, comme du reste il est convenable que vous le fassiez, -tant pour nous être agréables, qu'en considération de l'art dont il -importe de favoriser le développement parmi vous. - -«Vous reconnaîtrez ainsi la bienveillance particulière que nous vous -avons toujours témoignée à vous et à votre ville. - -«Donné dans notre ville impériale de Landau, le douzième du mois de -décembre 1512, de notre règne le vingt-septième.» - -_Ad mandatum Dmi imperatoris Mppria._ - - -LETTRE D'ALBERT DURER - -AUX MAGISTRATS DE LA VILLE DE NUREMBERG. - -«Honorables, sages et gracieux seigneurs, - -«Par mes travaux et avec l'aide de Dieu, pendant une longue suite -d'années, j'ai acquis la somme de mille florins du Rhin, que je voudrais -placer pour mon entretien. - -«Comme je sais que vous n'avez pas l'habitude de donner un intérêt -très-élevé, et que vous avez souvent refusé un florin sur vingt, j'ai -hésité longtemps à vous demander ce service; je m'y suis cependant -résolu, par besoin d'abord, et aussi en songeant à la faveur toute -particulière avec laquelle vos seigneuries m'ont traité en toute -circonstance. - -«Vos seigneuries savent combien j'ai été dévoué et prêt à rendre service -au conseil, dans les affaires publiques et particulières, partout où il a -eu besoin de moi. - -«Dans notre ville, pour ce qui est de mon art, j'ai travaillé plus -souvent gratis que pour de l'argent, et, depuis trente ans que j'habite -ce pays, je puis le dire avec vérité, les travaux dont j'ai été chargé ne -se sont pas élevés à 500 écus; somme peu considérable et sur laquelle je -n'ai pas eu un cinquième de bénéfice. - -«J'ai gagné ma fortune, je veux dire ma pauvreté, qui, Dieu le sait, m'a -été amère et m'a coûté bien des labeurs, avec les princes, les seigneurs, -et d'autres personnes du dehors. Je suis le seul de cette ville qui vive -de l'étranger. - -«Vos seigneuries n'ont pas oublié que feu l'empereur Maximilien, de -glorieuse mémoire, m'avait exempté des charges de cette ville,--de son -propre mouvement, et pour reconnaître les loyaux services que je lui -avais rendus; depuis, j'ai renoncé à ce privilége, suivant les avis de -quelques-uns des membres les plus anciens du conseil; je l'ai fait en -l'honneur de mes maîtres et pour me conserver leurs bonnes grâces. - -«Il y a dix-neuf ans, le doge de Venise m'écrivit de venir demeurer dans -cette ville, en m'offrant 200 ducats par an de provision. - -«Plus tard, la commune d'Anvers, pendant le peu de temps que je suis -resté dans les Pays-Bas, m'a aussi offert 300 florins de Philippe par an, -et elle y ajoutait le don d'une belle maison. - -«Dans l'une comme dans l'autre ville, tous mes travaux m'eussent été -payés à part. - -«J'ai refusé tout cela par l'inclination et l'amour particulier que -j'ai pour vos seigneuries, pour notre ville et pour ma patrie. J'ai -préféré vivre simplement ici, que d'être riche et puissant ailleurs. - -[Illustration] - -«Je vous prie donc respectueusement de prendre en considération toutes -ces choses, d'accepter les mille florins, que j'aime mieux savoir entre -vos mains que partout ailleurs, et de m'en donner, comme une grâce -particulière, cinquante florins d'intérêt par an, pour moi et ma femme -qui, tous deux, devenons de jour en jour vieux, faibles et infirmes. - -«Je reconnaîtrai en cela l'intérêt que votre sagesse m'a témoigné jusqu'à -ce jour et que je m'efforcerai sans cesse de mériter. - -«De vos seigneuries, le très-dévoué concitoyen, - - «ALBERT DURER.» - -Nous l'avons dit, nous le répétons, lorsqu'en 1528 la mort vint frapper -Albert Dürer, il était arrivé à l'apogée de son génie.--Sa manière -s'éloignait de plus en plus des peintures flamandes et allemandes, pour -se rapprocher de celles des grands maîtres de l'Italie, qu'il allait -peut-être égaler bientôt. Les lettres de Mélanchthon nous apprennent -qu'Albert Dürer disait lui-même n'avoir connu la vraie beauté de la -nature que fort tard; il comprit alors que la simplicité est le plus bel -ornement de l'art. Il soupira en songeant à ses premières Å“uvres si -compliquées, et il se plaignit de ne pouvoir plus atteindre son admirable -modèle[10]. - - [10] Memini virum excellentem ingenio et virtute Albertum Durerum - pictorem dicere, se juvenem floridas et maxime varias picturas - amasse, seque admiratorem suorum operum valde lætatum esse, - contemplando hanc varietatem in sua aliqua pictura. - - Postea se senem cÅ“pisse intueri naturam, et illius nativam faciem - intueri conatum esse. - - Quam cum non prorsus adsequi posset, dicebat se jam non esse - admiratorem operum suorum ut olim, sed sæpe gemere intuentem suas - tabulas et cogitare de infirmitate sua, etc., etc. - - (_Epistolæ Ph. Melancthonis._, Ep. XLVII, page 42.) -Albert Dürer est un grand peintre, mais c'est surtout à son Å“uvre -gravé qu'il doit le premier rang qu'il occupe dans l'art. - -Comme graveur, personne ne peut lui être comparé, ni Marc-Antoine, ni -Lucas de Leyde, ni Martin Schongauer, qui a été son premier maître, en -dépit de l'éloignement, en dépit de la mort même qui l'enlevait le jour -où Dürer père se décidait à envoyer son fils à Colmar pour suivre ses -leçons.--C'est donc à la fin prématurée de cet homme, justement célèbre, -que Wolhgemuth doit l'honneur d'avoir conservé un élève qui l'a fait -connaître plus que ses ouvrages. - -Comme Martin Schongauer, le maître de Colmar, Albert Dürer réunit autour -de lui de nombreux élèves: Hans Springinklie et Hans Schauflein, qui ont -fourni d'admirables dessins aux graveurs sur bois; Barthélemy Beham, son -cousin, Hans-Sebald Beham, Georges Penz, Henri Aldegraever, Jacob Binck, -Albert Altdorfer, Hans Wagner de Kulmback, Mathias Gruenewald et Melchior -Feselen, qui se servirent avec un égal talent du burin et du pinceau. -Mais à la mort du maître, tous, excepté Henri Aldegraever, abandonnèrent -la manière purement allemande; trois d'entre eux se firent même admettre -dans l'atelier de Marc-Antoine et contribuèrent, après leur retour en -Allemagne, à y répandre le style italien. - -Albert Dürer fut enterré à Nuremberg, dans le cimetière Saint-Jean, à -quelques pas du Calvaire sculpté par Adam Kraft pour le compte du -praticien Martin KÅ“tzel[11]. - - [11] En 1477, un patricien de Nuremberg, nommé Martin KÅ“tzel, - fit un voyage en Palestine. Pendant son séjour en Terre Sainte, - il compta le nombre de pas qui séparent la maison de Pilate du - Golgotha. Son dessein était de mesurer une distance égale, à - partir de sa maison de Nuremberg jusqu'au cimetière Saint-Jean, - et de faire sculpter, par l'illustre statuaire Kraft, sept - stations dans l'intervalle et un calvaire avec le Christ, et les - deux larrons à l'extrémité.--Qu'arriva-t-il?--Le patricien - perdit-il la mémoire ou ses notes? On l'ignore. Ce que l'on sait, - c'est que, revenu chez lui, il n'avait plus ses mesures. Onze ans - après, en 1488, il entreprit un nouveau pèlerinage pour pouvoir - faire de nouveau son calcul sur place, et au retour il fut assez - heureux pour trouver Adam Kraft plein de vie et dans toute la - force de son talent. Cette fois, il ne perdit pas une seconde, - son Å“uvre pie fut exécutée et fort bien, si l'on en juge par les - morceaux que le temps n'a pas dévorés. - -Pirkeimer fit inscrire ces mots sur la tombe de son ami: - - _Me. al. du. - Quidquid Alberti Dureri mortale - fuit, sub hoc conditur tumulo. - Emigravit VIII. idus aprilis. - M. D. XXVIII._ - -[Illustration] - -Lorsque Sandrart visita le cimetière Saint-Jean à Nuremberg, il fut fort -ému en trouvant la tombe d'Albert Dürer délaissée et dans un état complet -de délabrement. Il s'en plaignit avec amertume, et ne s'en tint pas aux -plaintes comme cela arrive trop souvent; il eut la pieuse pensée de faire -réparer les dégâts et de graver sur une plaque de bronze cet éloge que -l'on peut lire encore aujourd'hui sur la pierre, qui n'a pas été changée -depuis 1681: - - _Vixit Germaniæ suæ decus - Albertus Durerus, - Artium lumen, sol artificum, - Urbis patriæ nor. Ornamentum, - Pictor, chalcographus, sculptor - Sine exemplo, qui omniscius - Dignus inventus exteris, - Quem imitandum censerent,_ - _Magnes magnatum, eos ingeniorum - Post sesquiseculi requiem, - Quia parem non habuit, - Solus hic cubare jubetur, - Tu flores sparge viator. - A. R. S. MDCLXXXI. - Opt. mer. F. cur. - J. DE. S._ - -A côté de cette légende latine s'en trouve une seconde en vers allemands: - - _Die ruhe Künsler Fürst du mehr als grosser Mann - In Vielkunst hat es dir noch keiner gleich gethan - Die Erd ward ausgemalt der Himmel dich jetzt hat -Du maltest (malest) Heilig pum dort an der Gottes stadt - Die Bau-Bild-Malerkunst die neppen Dich Patron - Und setzen dir nun auf im Tod die Lorbeerkron_ - -Traduction: - - Repose ici, prince des artistes, toi qui fus le plus grand des hommes. - Dans plus d'un art, personne ne t'a encore égalé; - Tu as peint la terre, et maintenant le ciel te possède; - Devenu saint, tu peins là -haut dans la cité de Dieu. -Les maîtres de l'architecture, de la sculpture et de la peinture te - nomment leur maître - Et maintenant, dans la mort, te couronnent de lauriers. - -En 1840, la Bavière reconnaissante a élevé un monument à la mémoire -d'Albert Dürer, dont le génie multiple fut l'étincelle qui illumina -l'Allemagne entière et la fit, à la fin du XVe siècle, la rivale sérieuse -de l'Italie. - -Au bas de la rue de la Montagne (Berg-Strasse), entre la maison de Pilate -et la maison d'Albert Dürer, on voit une statue de onze pieds de haut, -modelée, à Berlin, par Rauch, et fondue, en 1839, à Nuremberg. - -Albert Dürer est vêtu d'une longue robe fourrée de belles pelleteries; il -porte les cheveux pendants sur ses épaules, en boucles soyeuses. Quant au -caractère de la figure, le sculpteur s'est inspiré des nombreux portraits -peints par le maître lui-même. - -Les personnes qui ne connaîtraient que le portrait de face, que l'on voit -aujourd'hui à la pinacothèque de Munich, admettraient peut-être -difficilement d'abord les profils de la statue de Rauch.--On en pourrait -dire autant de celles qui n'auraient vu que celui du musée de Lyon, où -Albert Dürer s'est peint de trois quarts.--Dans l'un, le premier, il a -vingt-cinq ans à peine; il est pourtant déjà rêveur; sur son visage -amaigri et mystique, on n'aperçoit aucune saillie qui annonce la force; -tout est douceur et mélancolie. On le prendrait volontiers pour un des -disciples de Jésus-Christ, ou pour Jésus-Christ lui-même. - -Dans l'autre, au contraire, on trouve une figure mâle, à laquelle les -arêtes vives du nez et les lignes nettes des lèvres et du front donnent -une incontestable expression de vigueur. - -Rauch a pris un moyen terme entre ces deux types si dissemblables. Sa -statue est plus idéalisée que la peinture réaliste de Lyon, et moins -extatique que celle de Munich; c'est un chef-d'Å“uvre parmi les -chefs-d'Å“uvre du maître prussien. - -Un mot encore avant de terminer cette étude, qui est déjà un peu bien -longue. - -La gloire d'Albert Dürer est un tout éblouissant, mais dont les rayons -sont distincts: son imagination est inépuisable, sa naïveté est pleine de -grâce, sa touche est savante, son dessin est humain et vigoureux. Son -exécution est large et puissante; sous sa couleur délicate et vive on -discerne la science anatomique aussi facilement qu'on distingue la couche -calcaire d'un coquillage sous la nacre irisée qui la recouvre. Son -bonheur est extrême dans le choix de ses sujets; il y groupe savamment -les personnages; mieux que personne de son temps et du nôtre, il sait -allier dans les plis de ses draperies l'élégance et le goût à je ne sais -quelle grandeur sauvage; ses ciels sont lumineux comme son génie. Ses -paysages sont pittoresques et accidentés; on comprend, en les regardant, -que l'artiste est allé au delà de la réalité chercher, grâce à son -imagination, le doux rêve qu'il ne trouve pas sous son toit. - -Les critiques n'ont pas manqué à sa gloire; on lui a reproché ses femmes -nues, qui sont plutôt une tristesse qu'une défaillance. Puis, comme si -l'honnête homme ne devait pas avoir souci d'achever son Å“uvre, on lui a -reproché encore le fini précieux de ses peintures: à notre époque, on lui -reprocherait d'être grand. - -Ses portraits respirent la vie: nouveau Pygmalion, il les anime de par sa -volonté. La volonté d'un grand artiste n'est-elle pas une étincelle du -feu divin? Hélas! aussi puissant qu'il soit, ce souffle de Dieu -s'amoindrit et se dissipe en arrivant vers la terre; heureux les élus qui -savent, comme Albert Dürer, en garder les reflets pour étonner le monde -et faire rêver l'humanité! - - CHARLES NARREY. - -[Illustration: AH-CABASSON, D. CH-JARDIN SC.] - -[Illustration: BILIBALDI PIRKEYMHERI EFFIGIES AETATIS SVAE ANNO L III -VIVITVR INGENIO CAETERA MORTIS ERVNT M D XX IV ALBERT DURER SCULP. FAC -SIMILE DE A. DURAND. BILIBALD PIRKEYMHER. Gazette des Beaux Arts Imp A. -Salmon, Paris] - - - - - LETTRES CONFIDENTIELLES - D'ALBERT DÜRER - A BILIBALD PIRKEIMER - - - LETTRES CONFIDENTIELLES - D'ALBERT DÜRER - A BILIBALD PIRKEIMER[12] - - -LETTRE I. - - -[Illustration] - -Mon cher monsieur Pirkeimer, je vous offre mes services et j'espère que -votre santé est meilleure que la mienne.--Je vous souhaite une bonne et -heureuse année à vous et aux vôtres. Pour ce qui est des perles et des -pierreries que vous m'avez chargé d'acheter, je vous annonce que je n'ai -rien pu trouver, même pour bon argent. Les Allemands ont tout accaparé, -et pour leur en racheter il faudrait les payer plus qu'elles ne valent, -car ils sont très-peu accommodants. Ce sont du reste les plus vilaines -gens que la terre ait portés[13]. Il ne faut pas compter sur eux pour le -moindre service, et des amis sérieux m'ont assuré qu'il est prudent de se -garer d'eux,--ils se moquent de tout, attendu qu'ils sont maîtres de la -place.--Tout le monde est d'accord pour déclarer que l'on trouve à -Francfort de plus beaux objets à meilleur prix qu'à Venise. - - [12] Willibald ou Bilibald Pirkeimer, sénateur de Nuremberg, - homme de lettres distingué et l'un des amis intimes d'Albert - Dürer.--Il a fait son portrait sur cuivre en buste vu de trois - quarts avec cette épigraphe: _Bilibaldi Pirkeymheri. effigies. - Å“tatis. suæ, anno_ L. III. _Vivitur. ingenio cætera. mortis - erunt_ M. D. XX. IV. Ce portrait admirable est celui dont nous - donnons, dans ce livre, une copie exécutée par M. Durand, d'après - une épreuve de la collection de M. Ambroise-Firmin Didot. Dürer a - aussi peint les armoiries de Pirkeimer, deux écus soutenus par - deux génies ailés au-dessus desquels on lit: _Sibi et amicis_ P., - et dans la marge du bas: Liber _Bilibaldi Pirkeimer_: dans celle - du haut est une inscription en hébreu, une seconde en langue - grecque et la suivante en latin: _Initium sapientiæ timor - Domini_. - - [13] Il parle certainement des Allemands qui habitent la - _Giudecca_ ou _Zuecca_ (quartier des Juifs), dans l'île de - _Spinalonga_. - -Les livres que vous m'avez demandés sont expédiés, vous les recevrez -bientôt, et si vous avez besoin d'autres choses, faites-le moi savoir, je -me ferai un plaisir de vous les envoyer. Fasse le ciel que je puisse vous -rendre un jour un vrai service, car je reconnais que je vous dois -beaucoup. Je vous en prie, ne vous impatientez pas trop, cette dette me -préoccupe plus que vous, j'en suis certain. Si Dieu me vient en aide, je -vous payerai prochainement en vous conservant une éternelle -reconnaissance. Car les Allemands[14] m'ont commandé un tableau[15] -qu'ils me payeront cent dix florins rhénans, et je n'aurai que cinq -florins de frais. - - [14] Il veut parler sans doute d'une communauté allemande qui - existait alors à Venise. - - [15] C'était le _Martyre de saint Bartholomé_. Ce tableau fut - acheté plus tard par le roi de Bohême Rodolphe II, qui le plaça - dans la galerie de Prague. - -Je me mettrai à l'ouvrage tout de suite, j'esquisserai mon tableau en -huit jours, et dans un mois il pourra figurer sur l'autel. En épargnant -tout cet argent, je serai en mesure de vous payer, car je ne crois pas -qu'il soit nécessaire d'envoyer rien en ce moment à ma mère et à ma -femme. J'ai laissé à ma mère dix florins, elle en a reçu neuf ou dix pour -des objets d'art, le marchand de fil d'archal lui en a payé douze. Je lui -en ai encore envoyé neuf par l'entremise de Bastien Imhoff, et elle n'a -dû payer que sept florins à Gartner pour ses gages. Quant à ma femme, je -lui ai donné douze florins, elle en a reçu treize autres, ce qui fait -vingt-cinq. Je pense donc également qu'elle n'a besoin de rien; et s'il -lui manque quelque chose, le beau-frère n'a qu'à l'aider jusqu'à mon -retour; alors je le rembourserais intégralement. - -Sur ce, je me recommande instamment à votre bon souvenir. - -Datée de Venise, le saint jour des Rois 1506. - -Saluez de ma part Étienne Baumgartner et les autres personnes qui -s'informeront de moi. - - ALBERT DURER. - - - - -LETTRE II. - - -Je vous présente mes respects, mon cher monsieur Pirkeimer, j'espère que -vous jouissez d'une bonne santé, et je le souhaite aussi sincèrement que -s'il s'agissait de la mienne propre. - -Je vous ai écrit dernièrement, faites-moi savoir si ma lettre vous est -parvenue. Ma mère m'a grondé parce que je ne vous envoyais pas de mes -nouvelles, et elle m'a donné à entendre que vous étiez furieux contre -moi. - -Voici mon excuse: je suis paresseux quand il s'agit d'écrire, je croyais -que ma lettre ne vous trouverait pas chez vous, et enfin j'avais -recommandé à _Castel_, le messager, de vous présenter particulièrement -mes hommages. Je vous prie donc humblement de me pardonner, car je n'ai -pas d'autre ami que vous en ce monde. - -Je ne crois pourtant pas que vous soyez sérieusement irrité contre moi, -car je vous considère comme un second père. - -Je voudrais que vous fussiez à Venise auprès de moi, vous trouveriez une -quantité de joyeux compagnons parmi les Italiens qui s'attachent de plus -en plus à moi. Ce sont des gens de cÅ“ur, d'un commerce agréable, -instruits, honorables, et bons musiciens. Ils m'ont en grande estime et -me témoignent beaucoup d'amitié. Par contre, il y en a parmi eux qui sont -les plus fieffés coquins du monde, mais des coquins bien séduisants, et -celui qui ne verrait que superficiellement les choses serait tenté -d'avoir d'eux la meilleure opinion. Je ris souvent dans ma barbe quand -ils me parlent; ils n'ignorent pas qu'on sait de belles méchancetés -d'eux, mais ils s'en moquent. - -J'ai beaucoup d'excellents amis parmi les Italiens, qui m'engagent à ne -pas vivre trop familièrement avec leurs peintres.--Il est vrai que j'ai -aussi beaucoup d'ennemis qui critiquent mes ouvrages dans les églises et -partout où ils les trouvent. Ils disent qu'ils ne valent rien parce que -je ne peins pas à la manière antique, ce qui ne les empêche pas de les -copier. Giovani Bellini[16] a fait les plus grands éloges de mon talent -devant beaucoup de gentilshommes; il désire avoir une de mes Å“uvres, il -est venu me voir et il a insisté pour que je lui fisse une composition, -promettant de la bien payer. Plusieurs personnes considérables m'ont -assuré que c'est un homme excellent, et qu'il m'est très-favorable. Il -est vieux, excessivement vieux même; cependant aucun des peintres de -Venise ne peut se vanter d'être aussi vert que lui. Ce qui me plaisait il -y a onze ans ne me plaît plus aujourd'hui, je l'avoue franchement, bien -que cela paraisse extraordinaire. - - [16] Le plus jeune et le plus illustre des deux frères Bellini, - le maître de Giorgion et du Titien. - - Il est né à Venise en 1426, il y est mort en 1516 et il y est - enterré à côté de son frère Gentile, dans l'église des apôtres - saint Jean et saint Paul. - -Il y a ici des artistes qui ont beaucoup plus de talent que maître -Jacob[17]; Antoine Kolb seul jure ses grands dieux qu'il n'y a pas de -meilleur peintre au monde que Jacob. Ici on se moque de lui, et cependant -il reste de son opinion. - - [17] Albert Dürer parle-t-il de Jacob Walch ou de Jacob Elsner, - l'artiste universel dont Neudörffer dit: «Ce Jacob Elsner était - un homme d'un commerce agréable que les patriciens recherchaient - fort. Il jouait admirablement du luth et vivait dans l'intimité - des habiles organistes Sébastien Imhoff, Guillaume Haller et - Laurent Stauber. Il peignit leurs portraits, illumina leurs beaux - livres, dessina les blasons que l'empereur et les rois leur - avaient donnés et fit nombre d'autres petits travaux pour eux. - Personne de son temps ne savait peindre l'or comme lui.» Le - docteur Frédéric Campe croit qu'il est question d'Elsner. «Albert - Dürer, dit-il, parlerait avec plus de respect de son honorable - prédécesseur Jacob Walch ou le Walche.» Le respect n'a rien à - faire ici. Albert Dürer donne son opinion sur les peintres - italiens, et s'il attaque quelqu'un, c'est Antoine Kolb, dont le - zèle amical est en effet un peu bien exagéré. - - M. Passavant déclare nettement qu'il s'agit ici d'un tableau de - Jacob Walch qui venait, grâce à Kolb, d'obtenir une situation - auprès de Philippe de Bourgogne. Il ajoute qu'Albert Dürer avait - peut-être sollicité cette situation. Pourquoi cette supposition - toute gratuite? L'appréciation d'Albert Dürer n'était que juste. - «Jacob Walch, dit Jacob de Barbarj, dit le Maître au caducée, - avait du talent, mais il était loin d'égaler les maîtres - italiens.» (Voir le travail de M. Émile Galichon sur ce peintre. - _Gazette des Beaux-Arts_, t. XI, p. 314, no 456.) - -J'ai commencé à travailler à mon tableau, c'est-à -dire que je l'ai -esquissé, mais mes mains ont été si malades qu'il m'a été impossible de -travailler sérieusement. J'ai laissé passer cette mauvaise disposition; -ne m'en veuillez pas et devenez rangé comme moi, mais vous ne voulez -jamais suivre mes conseils. - -Mon cher, il me serait agréable de savoir si aucune des personnes que -vous aimez n'est morte, celle qui habite près de l'eau, ou celle qui -ressemble à ceci [Illustration] ou celle qui ressemble à cela -[Illustration] ou la fille de [Illustration]. - -Écrite à Venise, à 9 heures[18] du soir, le samedi après la Chandeleur, -1506. - -Présentez mes services à Étienne Baumgartner, à Harstorfer et à Falkamer. - - ALBERT DURER. - - [18] Minuit et demi de notre temps. - - - - -LETTRE III. - - -Mes salutations empressées à mon cher monsieur Pirkeimer. - -Je vous expédie en même temps que cette lettre la bague ornée d'un saphir -que vous m'avez demandée; il m'a été impossible de vous l'envoyer plus -tôt. Pendant deux jours j'ai couru chez tous les orfévres allemands et -italiens de Venise dans la compagnie d'un habile homme que j'ai défrayé; -nous avons longtemps cherché avant de trouver ce qu'il nous fallait, et à -la fin, en marchandant beaucoup, j'en ai acheté une pour dix-huit ducats -et quatre martzels à un particulier qui ne fait pas le commerce de bijoux -et qui la portait lui-même; il me l'a vendue pour me rendre service. Je -lui ai dit que c'était une acquisition que je faisais pour mon usage. Je -l'avais à peine payée qu'un orfévre allemand m'en a offert trois ducats -de bénéfice; j'espère donc que vous la trouverez à votre gré, car tous -ceux à qui je la montre prétendent que c'est une _pierre trouvée_, et -qu'en Allemagne on la payerait cinquante florins. Mais vous verrez bien -s'ils disent vrai ou s'ils mentent; quant à moi, je n'y connais rien. - -J'ai acheté une améthyste à un ami intime pour douze ducats; il m'a volé -comme dans un bois, car elle n'en vaut pas sept. Mes camarades et moi -nous avons tant fait qu'il a consenti à rompre le marché, et je lui ai -payé un dîner au poisson. J'ai repris mon argent et je suis fort -satisfait de cet arrangement. De bons amis ont estimé la bague, et s'ils -ne se sont pas trompés, la pierre ne revient pas à plus de dix-neuf -florins rhénans, car elle pèse environ cinq florins d'or. Je n'ai donc -pas dépassé vos ordres, puisque vous m'avez écrit de ne pas dépenser plus -de quinze ou vingt florins. - -Quant à l'autre pierre que vous m'avez demandée, je n'ai pas encore pu me -la procurer, mais je déploierai tout mon zèle à ce travail. - -On me dit qu'en Allemagne on ne pourrait pas avoir ces pierres, même à la -foire de Francfort, car les Italiens les accaparent toutes aussitôt qu'il -y en a quelque part. Les marchands se sont moqués de moi lorsque je -leur ai offert deux ducats pour des jacinthes; écrivez-moi donc le -plus tôt possible, et dites-moi ce que j'ai à faire. J'ai vu un beau -diamant, je ne sais pas encore ce que l'on en demande; je vous -l'achèterai, si votre lettre m'en donne l'ordre. - -Les émeraudes sont excessivement chères, mais on peut avoir une améthyste -de moyenne grandeur pour vingt ou vingt-cinq ducats. - -D'après toutes les commissions que vous m'avez données, je présume que -vous avez pris une maîtresse. Prenez garde que ce ne soit un maître! Du -reste vous êtes assez grand et assez sage pour vous conduire. - -Endres Künhoffer vous présente ses respects; il vous écrira sous peu de -jours; en attendant, il vous prie de l'excuser auprès de son maître s'il -ne reste pas à Padoue; il n'y a rien à apprendre là pour lui. Ne m'en -veuillez pas, je vous en prie, si je ne vous expédie pas toutes vos -commandes à la fois; malgré mon zèle il m'a été impossible de les -rassembler pour le départ du messager. - -Mes amis vous conseillent de faire remonter la pierre: ils prétendent -qu'elle est belle et que la bague est vieille et démodée. Je vous prie -d'engager ma mère à m'écrire et à continuer ses bons rapports avec vous. -Sur ce, je me recommande à votre bonne amitié. - -Venise, le deuxième dimanche du Carême 1506. - -Rappelez-moi au souvenir de votre servante. - - -[Illustration] - - - - -LETTRE IV. - - -Avant tout j'offre mes services à mon cher ami Pirkeimer. J'ai reçu le -jeudi avant la semaine des Rameaux une lettre de vous, et la bague avec -l'émeraude. Je me suis rendu à l'instant chez l'homme de qui je la -tenais: il consent à me rendre mon argent, bien qu'il ne le fasse pas -volontiers; il prétend qu'il a été trompé lui-même par le bijoutier. - -Mes amis m'ont assuré qu'une des deux autres bagues vaut bien six ducats -et qu'elles sont bien conditionnées et d'un or pur; ils ajoutent que vous -ne vous repentirez pas de l'affaire. Je ne me suis donc trompé que de -deux ducats sur les trois bagues. Du reste Bernard Holdtzbock voulait me -les prendre pour le prix d'achat. - -Depuis je vous ai envoyé un saphir par Hans Imhoff. J'espère que vous -l'avez reçu. Je crois que j'ai fait une bonne affaire. On m'a offert un -bénéfice; c'est bien un hasard, car vous savez que personnellement je ne -connais pas la valeur de ces objets et que je suis obligé de me fier à -ceux qui me conseillent. - -Décidément les peintres ne me veulent pas de bien; ils m'ont déjà fait -venir trois fois devant le magistrat, et cependant j'ai donné trois beaux -florins pour leur caisse. - -J'aurais pu gagner beaucoup d'argent, si je n'avais pas entrepris le -tableau pour les Allemands. Cet ouvrage demande beaucoup de soin, et je -ne pourrai pas l'achever avant la Pentecôte; on ne m'en donnera pourtant -pas plus de quatre-vingt-cinq ducats, et cela se dépense vite. - -J'ai acheté une foule d'objets et j'ai envoyé beaucoup d'argent chez moi, -de sorte qu'il ne m'en reste guère. Je vois bien que je ne pourrai pas -encore m'acquitter envers vous. Sans cette commande, j'aurais pu -facilement gagner cent florins, car, excepté les peintres, tout le monde -ici est excellent pour moi. - -Quant à ce qui concerne mon frère, dites à ma mère qu'elle parle à mon -vieux maître Wohlgemuth; s'il a besoin de lui, qu'il soit assez bon pour -lui donner de l'ouvrage jusqu'à mon retour, ou qu'il aille en chercher -chez les autres. J'aurais bien voulu le prendre avec moi à Venise; -voyager lui aurait été très-utile, il aurait pu y apprendre la langue du -pays. Mais ma mère eût craint que le ciel ne tombât sur nous deux. Je -vous en prie, veillez à ce qu'il ne se perde pas avec les femmes. Causez -avec le gaillard et tâchez qu'il reste sage et raisonnable au moins -jusqu'à ma rentrée. Qu'il ne tombe pas à la charge de ma mère. Je ne peux -pas tout faire pour les miens, mais je suis prêt à faire ce qui dépend de -moi. - -Pour ce qui est de moi personnellement, je ne suis pas inquiet; cependant -il n'est pas absolument facile de gagner sa vie ici, car personne n'aime -à jeter son argent par les fenêtres. - -Dites, je vous prie, à ma mère, qu'elle veille à la vente des Å“ufs de -Pâques[19]. Je pense du reste que ma femme aura eu soin de lui -transmettre toutes mes instructions, car je lui ai écrit à ce sujet. - - [19] La mère de Dürer faisait cuire des Å“ufs et Hans les - peignait. Cette coutume existe encore aujourd'hui à Nuremberg et - à Prague. Ces Å“ufs, qui sont artistement peints, amusent - toujours les petits enfants et même les grandes personnes. - -Je n'achèterai pas le diamant avant que vous ne m'ayez répondu à son -sujet. Je ne compte pas retourner à Nuremberg avant l'automne, même si -mon tableau était fini à la Pentecôte. - -J'espère conserver une grande partie de ce que je gagnerai. - -Comme je suis indécis sur le jour de mon départ, n'en dites rien à ma -femme, je lui écrirai de temps en temps: je reviens... - -Ayez la bonté de répondre quelques mots à cette lettre. - -Venise, le jeudi avant la semaine des Rameaux 1506. - - - - -LETTRE V. - - -Mes services à mon cher ami Pirkeimer. - -Si votre santé est bonne, j'en suis fort aise; moi je me porte bien -aussi, et je travaille ferme; cependant je n'espère pas être prêt avant -la Pentecôte. - -J'ai vendu toutes mes esquisses, sauf une seule. J'en ai donné deux pour -vingt-quatre ducats, et les trois autres pour trois bagues qui ont été -évaluées à vingt-quatre ducats, mais je les ai fait voir à mes amis qui -disent qu'elles n'en valent que vingt-deux. Comme vous m'avez écrit de -vous acheter des pierreries, j'ai cru vous être agréable en vous les -expédiant par Frantz. Faites-les estimer chez vous par des gens qui s'y -entendent, et conservez-les pour leur prix d'estimation. Si cependant -elles ne vous conviennent pas, retournez-les-moi par le prochain -messager. Car à Venise on m'offre douze ducats pour l'émeraude et dix -pour le diamant. Seulement, comme je ne désire pas perdre deux ducats, je -ne veux pas les donner. Je voudrais bien que vous pussiez venir en -Italie, mais je sais tout le prix de vos instants. - -Le temps s'envole rapidement ici; il y a beaucoup de gens fort aimables -qui viennent me distraire dans mon atelier. Je puis consacrer si peu -d'heures à la peinture, que je suis parfois obligé de me cacher. Les -gentilshommes me veulent tous du bien; je n'en dirai pas autant des -peintres depuis qu'ils savent que je sais peindre. - -Endres Künhoffer vous présente ses civilités; il vous écrira par le -prochain courrier. - -Je me recommande à votre bon souvenir et je vous prie de dire à ma mère -que je suis très-étonné de rester si longtemps sans recevoir de ses -nouvelles; ma femme non plus ne m'écrit pas, je crois l'avoir perdue.... -Je suis aussi très-chagrin de ne pas recevoir de lettres de vous, cher -monsieur. J'ai lu le billet que vous avez écrit à Bastien Imhoff, où vous -lui parlez de moi. - -Soyez assez bon pour donner les deux lettres ci-incluses à ma mère. -Oubliez un peu ma dette, et soyez sûr que j'y penserai, moi, pour vous -payer honorablement. - -Saluez de ma part Étienne Baumgartner et d'autres bons amis. Faites-moi -savoir si vos amours sont toujours de ce monde, et tâchez de pouvoir lire -mon écriture, car j'ai affreusement griffonné. - -Faite à Venise le samedi avant le dimanche blanc[20]. Demain il est bon -de se confesser. - - [20] Le premier dimanche après Pâques. - - - - -LETTRE VI. - - -Magnifique seigneur Pirkeimer, très-grand et premier homme du monde, -votre serviteur et esclave Albert Dürer vous donne le salut[21]. Il est -enchanté et honoré d'apprendre que votre santé est excellente, mais il -s'étonne qu'un homme de votre sorte ne trouve que la grâce de Dieu pour -combattre le savant _Trasibul_[22] d'après ce que me dit votre lettre de -ce _monstre étrange_. J'ai eu peur, car cela me paraît en effet une -grande affaire. - - [21] La première partie de cette lettre est écrite un peu en - italien de cuisine, un peu en espagnol, un peu en portugais et - beaucoup en patois indéchiffrable.--Pirkeimer, qui était un homme - fort instruit, a dû rire beaucoup en la recevant.--Voici le texte - original, original est le mot. - - «Grandissimo primo homo de mondo, woster servitor ell schiavo - Alberto Dürer disi salus suo magnifico miser Willibaldo Pircamer - my fede el aldy Wolentiri cum grando pisir woster sanita et grando - honor el my maraweio como ell possibile star uno homo cosi wu - contra thanto sapientissimo Tirasibuly milites non altro modo nysy - una gracia de dio quando my leser woster littera de questi strania - fysa de catza my habe thanto pawra et para my uno grando kosa.» - - [22] Pirkeimer avait envoyé à son ami un dessin un peu intime, en - effet. - -Vous n'êtes donc pas devenu plus raisonnable. Vous faites toujours -l'aimable, mais y songez-vous donc, mon cher, l'amabilité vous sied comme -la civette aux lansquenets. Vous vous habillez de satin et vous vous -pavoisez de rubans pour courir les ruelles comme un étourdi; décidément -vous voulez devenir irrésistible, et vous croyez que tout est dit lorsque -vous êtes parvenu à plaire à quelques femmes de mÅ“urs faciles. Si encore -vous étiez un homme comme moi, mais vous avez beaucoup de maîtresses, et -lorsque vous leur avez embrassé le bout des doigts, vous êtes sur les -dents pour un mois et plus. C'est vraiment bien la peine d'en changer si -souvent. - -[Illustration: ALBERT DURER. AH CABASSON DEL. L. DUJARDIN SC.] - -Je vous remercie de la façon dont vous avez traité mes affaires avec ma -femme, et j'avoue que vous êtes plein de sagesse. Si seulement vous -étiez aussi calme que moi, vous auriez toutes les vertus. Vous méritez -aussi des remercîments pour la loyauté que vous avez montrée à propos des -bagues. Après tout, si elles ne vous conviennent pas, cassez-leur la tête -et les jetez sur le fumier, comme dit Peter Weisbeker. - -Petit à petit je deviens un véritable gentilhomme de Venise, et j'ai -appris avec plaisir que vous composez de beaux vers. Vous seriez bien -ici, avec nos violons qui jouent si tendrement qu'ils en pleurent -eux-mêmes. Plût à Dieu que notre maîtresse de calcul[23] pût les -entendre, elle s'attendrirait peut-être un peu. - - [23] Il parle de sa femme. - -Du reste je suivrai votre conseil, j'apaiserai ma colère et resterai -indifférent aux ennuis qu'elle me cause, comme je l'ai toujours fait -jusqu'à présent. - -Comme je ne pourrai pas songer au retour avant deux mois, car rien n'est -encore prêt, je vous prie de prêter à ma mère une dizaine de florins, -jusqu'au moment où Dieu me tirera de la gêne. Je vous payerai honnêtement -le tout ensemble. Je vous envoie la glace de Venise par le courrier. -Quant aux deux tapis, Antony Kolb me prêtera son expérience pour les -acheter, et aussitôt que je les aurai je les remettrai au commis du -messager qui vous les fera parvenir. Je n'ai pas encore pu trouver les -plumes de grue que vous m'avez demandées; mais il y a ici beaucoup de -plumes de cygne avec lesquelles on écrit et que vous pouvez mettre à -votre chapeau en attendant. J'ai causé avec un imprimeur qui m'a assuré -qu'aucun nouvel ouvrage grec n'avait paru récemment; si par hasard on -édite quelque chose d'intéressant dans ce genre, il me le dira, et je -vous le ferai savoir. - -Dites-moi combien de papier vous voulez. Vous avez bien fait de me donner -cette commission, car jamais je n'en ai vu de plus beau que celui que -l'on vend ici. - -Pour ce qui est des travaux historiques, les Italiens n'ont rien fait de -bien remarquable et qui soit digne d'être lu par un homme comme vous. Il -y a toujours quelque chose à critiquer dans leurs ouvrages sur -l'histoire, vous le savez vous-même mieux que moi. - -Je vous ai écrit brièvement par le messager Kantengysserle. Je voudrais -savoir si vous êtes toujours d'accord avec le messager Kuntz. - -Je me recommande à votre bon souvenir; présentez aussi mes amitiés à -notre bon prieur[24], et dites-lui de m'accorder quelques prières; qu'il -fasse que le bon Dieu me préserve de toute maladie et surtout du mal -français; il n'y a rien sur la terre que je craigne davantage, presque -tout le monde ici en est infecté et beaucoup de gens en meurent. - - [24] Eucharis Karll, prieur des Augustins. - -Saluez aussi de ma part Étienne Baumgartner, Lorentz et tous ceux qui -demandent amicalement de mes nouvelles. - -Écrit à Venise 1506, le 18 août. - - ALBERTUS DURER. - Noricorius Sivus (textuel). - -_Post-scriptum._--Andreas est ici et il me prie de vous offrir ses -amitiés, il n'est pas encore bien fort; il a eu et il a des embarras -d'argent à cause de la longue maladie qu'il a faite. Je vous dirai même, -entre nous, que je lui ai prêté huit ducats; mais n'en parlez à personne, -il pourrait croire que je n'ai pas confiance en lui; du reste, il saura -se procurer de quoi me rembourser, car il se conduit très-honorablement, -et tout le monde lui veut du bien. - -Si le roi vient en Italie, j'ai le projet d'aller avec lui à Rome. - - - - -LETTRE VII. - - -Savant, sage, instruit en beaucoup de langues, homme habile à discerner -la vérité du mensonge, honorable et honoré Bilibald Pirkeimer, votre -humble serviteur Albert Dürer vous souhaite toutes sortes de prospérités. -Cependant, avec cette belle diable de chance qui le tient, il semble -qu'il veuille renoncer à votre cÅ“ur[25], vous allez croire que lui aussi -est un orateur à cent finesses comme vous. La chambre qu'il habite -devrait avoir plus de quatre coins où il pourrait placer les dieux de la -mémoire....; mais je ne veux pas me casser la tête à m'excuser plus -longtemps, je me contenterai de me recommander à votre indulgence. Pour -me souvenir de toutes vos commandes, il faudrait que mon cerveau eût -autant de cases différentes que vous avez de pois chiches dans votre -jardin; mais en voilà assez sur ce sujet. Le margrave[26] lui-même ne -donnerait pas une si longue audience. J'ai calculé que cent articles, en -ne mettant que cent mots par article, demandent un travail de neuf jours, -sept heures, cinquante-deux minutes, et notez que je n'ai pas encore -compté les soupirs. Voilà pourquoi on ne s'improvise pas orateur, comme -dit Tettels. - - [25] Les quelques premiers mots de cette phrase sont écrits en - italien, un peu moins indéchiffrable que celui que l'on trouve au - commencement de la lettre précédente. - - [26] A l'époque dont parle Albert Dürer, Pirkeimer fit partie de - l'ambassade qui fut envoyée au conseil de la Confédération souabe - par la ville de Nuremberg. L'histoire de cette négociation est - conservée dans les archives de Nuremberg sous ce titre: - Conventions conclues entre le margrave Frédéric de Brandenbourg - et l'ambassade de Nuremberg, etc., 1506, in-folio. - -Je déploie tout mon zèle, et cependant je ne peux pas mettre la main sur -des tapis larges; ils sont tous étroits et longs. Je continue mes -explorations avec l'aide d'Antony Kolb. Bernard Hirsffogel vous salue et -vous offre de nouveau ses services; il est très-triste, car il a perdu -son fils, l'enfant le plus amusant que j'aie vu de la vie. Je ne peux pas -trouver les plumes de fou que vous demandez. Oh! si vous étiez ici, vous -verriez de crânes lansquenets italiens. Je pense souvent à vous et à -l'intérêt que vous prendriez à examiner leurs armes. Ils ont des -_roncani_ avec deux cent dix-huit pointes; lorsqu'ils touchent un homme -avec cette arme, il est mort, car toutes les pointes sont empoisonnées. -Les Vénitiens mettent beaucoup de soldats sous les armes, le pape et le -roi de France aussi; je ne sais pas ce qui en résultera. - -On se moque beaucoup ici de notre roi. - -Bonne chance à Étienne Baumgartner (je ne suis pas étonné qu'il ait pris -femme). Rappelez-moi au souvenir de Borcht, de M. Lorentz, et même de -notre maîtresse de comptes. Remerciez votre fille de chambre de m'avoir -souhaité le bonjour, mais dites-lui qu'elle est un monstre. - -[Illustration] - -J'ai expédié du bois de palmier de Venise à Augsbourg, où je le laisse en -dépôt; il pèse dix quintaux. - -Mon tableau est enfin terminé; je gage un ducat que si vous le voyiez -vous le trouveriez bien composé et d'un bon coloris. Cet ouvrage m'a valu -beaucoup d'honneur, mais peu de profit. Pendant le temps que j'ai mis à -le peindre j'aurais bien pu gagner deux cents ducats, car j'ai refusé -beaucoup de commandes pour pouvoir m'en occuper exclusivement. Ma seule -consolation est d'avoir fermé la bouche aux peintres qui disaient: C'est -un habile graveur, mais il n'entend rien au maniement des couleurs. -Maintenant tout le monde s'accorde à dire que l'on n'a jamais vu plus -beau coloris. - -Mon manteau français vous présente ses respects, et mon habit italien -vous tire sa révérence. - -Vous passez toujours votre vie chez les femmes légères. Vous êtes en si -mauvaise odeur à Nuremberg, que je vous sens d'ici. On me dit que lorsque -vous courez à vos amours, on ne vous donnerait pas plus de vingt-cinq -ans. Oui-da! multipliez-les par un chiffre quelconque, et alors je vous -croirai. Il y a ici beaucoup d'italiens qui vous ressemblent sous ce -rapport; je ne sais pas comment cela se fait. - -Le doge[27] et le patriarche de Venise[28] sont venus voir mon tableau. - - [27] Leonardo Loredano, doge de Venise de 1500 à 1521. - - [28] Antonio Suriano. - -Maintenant je suis votre serviteur, il faut que j'aille me coucher, il -sonne sept heures de la nuit. Je vous ai écrit, j'ai écrit au prieur des -Augustins, à ma belle-sÅ“ur la marchande de couleur et à ma femme; donc -j'ai déjà barbouillé une belle quantité de papier, et je pense qu'il est -plus amusant pour vous de causer avec des princes qu'avec moi. - -Venise, le jour de la sainte Vierge en septembre. - -A propos, ne prêtez pas un sou à ma mère et à ma femme; elles ont assez -d'argent. - - ALBERT DURER. - - - - -LETTRE VIII. - - -Comme je sais que vous êtes convaincu de mon attachement pour vous, je me -dispense de vous en parler. Cependant je ne puis vous dissimuler combien -je suis heureux de la grande réputation dont vous jouissez et que vous -avez su acquérir par votre sagesse et votre instruction. C'est chose -vraiment surprenante et rare de voir tant d'esprit dans un corps si -chétif. C'est une grâce particulière que Dieu vous a faite comme à moi. - -Nous sommes donc deux personnages remarquables, vous par votre esprit et -moi par mon talent. Combien de fois ne nous est-il pas arrivé pourtant, -lorsque nous y réfléchissons bien, de nous être retournés et d'avoir vu -des gens qui se moquaient de nous pendant que d'autres nous comblaient -d'éloges! Ne croyez donc pas aveuglément tous ceux qui vous -complimentent; mais peut-être êtes-vous trop peu modeste pour ne pas les -croire. Il me semble que je vous vois en présence du margrave, et que -vous mettez autant d'élégance dans vos discours que dans votre manière de -toucher vos thalers. - -J'ai bien vu dans votre neuvième lettre que vous êtes encore une fois -très-occupé de femmes; vous devriez avoir honte de n'être pas plus -raisonnable à votre âge. Sachez que vous avez autant de grâce à faire -toutes ces fredaines qu'un gros bouledogue à jouer avec un petit chat. Je -voudrais apprendre que vous êtes devenu aussi rangé que moi. Si j'étais -bourgmestre, je vous ferais mettre en prison et j'enfermerais avec vous -la Rech..., la Ros..., la Gart..., la Ech..., et d'autres encore que je -ne veux pas nommer: elles sauraient bien vous mettre à la raison. Vous me -dites finement que beaucoup de femmes honnêtes ou légères demandent de -mes nouvelles: cet intérêt ne prouve rien contre ma vertu. - -Si Dieu me ramène à Nuremberg, je ne sais vraiment pas comment je ferai -pour vivre avec vous qui êtes illustre maintenant. Je me réjouis -cependant de votre gloire et de votre nouvelle dignité. Vous ne battrez -plus vos chiens jusqu'à ce qu'ils en soient perclus; mais peut-être ne -voudrez-vous plus vous montrer dans les rues avec un pauvre barbouilleur -comme Albert Dürer; vous trouverez peut-être que c'est une honte pour un -seigneur de votre importance. - -[Illustration] - -Notre cher ami Baumgartner est aussi enchanté que moi de votre bonne -réputation. - -Pendant que je suis en train de vous écrire allégrement, un incendie -dévore six maisons chez Petre Pender; j'y perds une pièce de laine que -j'avais achetée hier pour huit ducats: de cette façon j'éprouve du -dommage par suite de ce désastre. - -Il est beaucoup question d'incendies ici. J'attends que vous m'écriviez -pour rentrer à Nuremberg; je partirai le plus tôt possible, car je -dépense beaucoup d'argent pour ma nourriture. J'ai donné environ cent -ducats pour des couleurs et d'autres objets. J'ai commandé pour vous deux -tapis que je payerai demain, mais je n'ai pas pu les avoir à bon marché. -Je les emballerai avec mes hardes, et aussitôt que vous m'écrirez je -reviendrai. - -Vous tourmentez vraiment trop ma femme. Je vous fais savoir aussi que je -m'étais mis dans la tête d'apprendre à danser; j'ai été deux fois à -l'école, et il m'a fallu payer un ducat au maître; après cela vous me -connaissez assez pour savoir qu'il n'y a de force humaine qui pourrait -m'y faire retourner. Je dépenserais lestement tout l'argent que j'ai -gagné et je ne saurais rien par-dessus le marché. - -Le messager Ferbre vous apportera la glace de Venise. Je n'ai pu -découvrir aucun ouvrage grec nouvellement paru, mais je vous rapporterai -une rame de votre papier; pour les plumes, je n'ai pas pu me procurer -celles que vous m'avez demandées, j'en ai acheté de blanches, et si j'en -trouve de vertes je les rapporterai également. Étienne Baumgartner m'a -écrit de lui envoyer cinquante grains de cornaline pour un rosaire; je -les ai achetés, mais cher, et je n'ai pas pu les avoir gros: je les lui -expédierai par le plus prochain messager. - -Je vous ferai savoir au juste, d'après votre désir, le jour de mon -départ, pour que _mes maîtres_ puissent prendre des dispositions en -conséquence. - -J'irai avant à Bologne pour une raison d'art: quelqu'un m'a promis de -m'apprendre le secret d'une perspective; je resterai huit ou dix jours -dans cette ville, je retournerai à Venise et je reviendrai à Nuremberg -par le prochain messager. - -Hélas! j'ai mangé mon pain blanc avant mon pain noir. Que je regretterai -le soleil de Venise! Ici je suis un grand seigneur, chez moi je ne serais -plus qu'un pauvre diable! - -J'aurais encore beaucoup de choses à vous écrire, mais je vous verrai -prochainement. - -Écrite à Venise, je ne sais pas la date du mois, mais environ quinze -jours après la Saint-Michel, 1506. - - ALBERT DURER. - -_Post-scriptum._--Faites-moi savoir si aucun de vos enfants n'est mort. -Vous m'avez écrit une fois que Joseph Rumell a épousé votre fille, et -vous ne dites rien de plus; comment voulez-vous que je sache à laquelle -vous faites allusion. - -Ah! si j'avais seulement ma pièce de laine! Mais je crains maintenant que -mon manteau ne soit aussi brûlé; si cela est, j'en deviendrai fou. J'ai -vraiment du malheur, car il y a trois semaines un de mes débiteurs s'est -sauvé emportant huit ducats qu'il me devait. - - -Ces lettres portent l'empreinte du cachet d'Albert Dürer et la -suscription suivante: - -A l'honorable et savant Bilibald Pirkeimer, bourgeois de Nuremberg, mon -gracieux seigneur. - -Voici le cachet d'Albert Dürer: - -[Illustration] - -Ses principaux monogrammes, - -[Illustrations] - -Son écriture et sa signature, - -[Illustration] - -Traduction: - -Écrite à Venise, à 9 heures du soir, le samedi après la Chandeleur. - - ALBERT DURER. - -C'est la fin de la deuxième lettre à Pirkeimer. - - - JOURNAL DU VOYAGE - D'ALBERT DÜRER - DANS LES PAYS-BAS - ÉCRIT PAR LUI-MÊME PENDANT LES ANNÉES 1520 ET 1521. - - - - -JOURNAL DU VOYAGE - -DANS LES PAYS-BAS - -ÉCRIT PAR LUI-MÊME PENDANT LES ANNÉES 1520 ET 1521. - - - Nuremberg, 1520. - -[Illustration] - -A mes frais et dépens, le jeudi après la Saint-Kilian, moi, Albert Dürer, -je quitte Nuremberg avec ma femme[29] pour me rendre dans les Pays-Bas. -Après avoir passé le même jour par Erlangen, nous logeons à Baiersdorf, -et j'y dépense trois sous moins six deniers. De là , nous partons par la -route la plus courte pour Forchheim, où nous arrivons le vendredi; là , -pour un sauf-conduit, je paye vingt-deux deniers. Je pars pour Bamberg où -j'offre à l'évêque[30] une peinture de la Vierge, la Vie de -Notre-Dame[31], une Apocalypse[32] et des gravures pour la valeur d'un -florin. - - [29] Agnès Frey, fille d'Hans Frey de Nuremberg, épousa Albert - Dürer en 1494. Le journal de Dürer prouve qu'il n'avait pas - laissé à Nuremberg son avare et querelleuse femme, comme l'ont - prétendu jusqu'ici ses biographes, entre autres J. Sandrart, qui - l'écrit en toutes lettres dans le deuxième volume de l'_Académie - allemande_, page 225 (_imprimé à Nuremberg en 1675_). Du reste, - Albert Dürer, dans son journal, ne dit pas un mot du caractère de - sa femme. Il résulte aussi de ce document qu'en 1520 il se rendit - pour la première fois dans les Pays-Bas. Il n'avait donc pas - visité précédemment ce pays avec l'empereur Maximilien I, comme - Quadens le prétend à tort dans les _Fastes de la nation - allemande_, page 428. S'il est vrai qu'Albert Dürer alla dans les - Pays-Bas pour fuir des chagrins domestiques, malheureusement trop - réels, il faut que ce voyage nouveau ait eu lieu en 1523 ou en - 1524 seulement. - - [30] Georges III, sacré en 1505, mort en 1522, protecteur des - arts. Albert Dürer a fait son portrait. - - [31] Suite de 20 estampes. Hauteur, 11 pouces; largeur, 7 pouces - 9 lignes. Voir Bartsch, _le Peintre-Graveur_, D. VII, no 76-95. - - [32] L'Apocalypse de saint Jean, 15 estampes. Hauteur, 14 pouces - 6 lignes; largeur, 10 pouces 3 à 6 lignes. Voir Bartsch, _le - Peintre-Graveur_, 60-75. - - Cette Å“uvre gigantesque est digne de l'homme de génie qui l'a - exécutée, et digne du livre étrange qui l'a inspirée. - -Il me fait quitter mon auberge où j'avais dépensé environ un florin, -m'invite à venir chez lui, et me donne un laisser passer pour la douane -et trois lettres de recommandation. Je paye six florins d'or[33] au -voiturier qui va me mener de Bamberg à Francfort. - - [33] Le florin d'or valait 8 fr. 60 de notre monnaie d'aujourd'hui. - -Maître Nicolas Laux, Benedict et Hans le peintre[34] me versent le coup -de l'étrier; je bois et je pars. - - [34] Hans Wolfgang Ratzheimer vivait à Bamberg, de 1492 à 1527. - -Je donne quatre sous pour du pain et treize sous pour des pourboires. Je -vais rapidement de Bamberg à Eltman; de là , je me rends à Zeil, je -dépense vingt et un sous, et j'arrive à Hasfurth où je montre ma lettre -de douane, après quoi on me laisse partir. - -Je dépense un florin dans la chancellerie de l'évêque de Bamberg. A -Theres, au couvent, j'exhibe mes papiers et continue ma route. - -Nous arrivons au bord du Rhin, où nous passons la nuit pour un denier; de -là , nous allons à Maynberg. A Schweinfurth, je suis invité par le docteur -Georges Rebart qui me donne du vin que nous mettons dans notre bateau. On -m'exempte des droits de douane. - -J'avais dépensé dix deniers pour un poulet rôti et dix-huit deniers pour -le cuisinier et son fils. De là , nous nous rendons à Volkach, et ensuite -à Zwartzach où nous passons la nuit et dépensons vingt-deux deniers. - -Le lundi, nous nous levons de grand matin pour nous rendre à Fettelbach. -A Ritzing, nous dépensons trente-sept deniers. - -Par Seilzfeldt, nous arrivons à Markbreit, d'où on me laisse partir après -avoir vu mes papiers. - -En passant par Frickenhaussen et Ochsenfurth nous gagnons Eivelstadt, -puis Murzburg. De là , nous arrivons à _Erla-Brunn_ où on nous donne un -lit pour vingt-deux deniers. - -En passant par Relzbach et Zelling nous gagnons Karlstadt et puis Gemûnd; -nous y dînons assez bien pour vingt-deux deniers. - -Nous voyons successivement Hofstetten, Lohr et Nevenstadt où j'ai dû -montrer ma lettre de transit; je dépense dix deniers pour du vin et des -écrevisses. Le mercredi matin, après avoir laissé derrière nous -Rotenfels, nous arrivons à Saint-Écarig, d'où nous nous rendons à -Heudenfeldt, Triffelstein, Homburg, Wertheim, et puis à Brodselten, -Freudenberg, Miltenberg, Klingenberg, Worth, Obernburg, Asschaffenburg, -Selgenstadt et Steinheim, où je montre mes papiers. - -Nous passons la nuit près de Johansen. Le matin, on nous ouvre les portes -de la ville et l'on nous fait beaucoup d'amitiés; j'y dépense six -weispfenning. - -Le vendredi, nous nous rendons à Kesselstadt pour gagner Francfort où je -montre ma lettre de douane. Je dépense six sous pour un lit, et je donne -deux sous au garçon. Jacob Heller me régale de vin à l'auberge, et je -fais accord avec un homme qui consent à me conduire de Francfort à -Mayence pour un florin, deux sous. La nuit, nous dépensons huit sous. - -Le dimanche, je prends le bateau du matin qui va de Francfort à Mayence. -Arrivé à mi-chemin, c'est-à -dire à Hochst, je montre ma lettre de transit -et on me laisse passer. Je dépense huit deniers francfortois. De là , nous -allons à Mayence; je dépense un albus[35] pour faire décharger mes -effets, plus dix-huit deniers pour les courroies. - - [35] Albus, ou pfennig blanc, monnaie d'argent mise en circulation - vers 1360. Sous l'empereur Charles IV, elle avait surtout cours - dans l'électorat de Cologne et dans la Hesse-Cassel; elle valait - 9 pfennigs. On n'en trouve plus que dans les cabinets des numismates. - -Je fais accord avec le capitaine du bateau de Cologne qui s'engage à me -transporter, avec mon bagage, pour trois florins. J'avais dépensé -dix-sept albus à Mayence. - -Peeter, l'essayeur de la corporation des orfévres, me fait cadeau de deux -bouteilles de vin. Veith Farnpuhler m'invite, mais l'aubergiste refuse de -recevoir son argent et veut lui-même être mon hôte. On me rend beaucoup -d'honneurs. Je pars de Mayence, où le Mein se jette dans le Rhin, le jour -de sainte Marguerite, et je dépense dix-neuf hellers pour de la viande, -du pain et des Å“ufs que je prends avec moi sur le bateau. Léonhard, -l'orfévre, me fait présent de vin et de gibier; il me donne aussi du -charbon, qui me servira à faire la cuisine sur le bateau. Le frère de -Joostes m'offre une bouteille de vin, et la corporation des peintres -deux. Après avoir passé devant Erfeld et Rudisheim, nous arrivons à -Erenfels. Là je montre mon passavant, mais on exige deux florins d'or -qu'on promet de me rendre si dans les deux mois je rapporte une lettre -d'exemption. Nous arrivons à Bacharach où je dois également m'engager à -acquitter les droits dans les deux mois ou à présenter une exemption. - -A Caub, on ne me laisse passer que sous les mêmes conditions. - -A Saint-Goar, le percepteur me demande où j'ai acquitté les droits; je me -contente de lui répondre que je n'ai pas d'argent à lui donner. - -A Bopart, la douane de Trèves ne me laisse passer sur la vue de ma lettre -de transit que lorsque j'ai déclaré, écrit et signé que je n'ai avec moi -aucune espèce de marchandise. De là , nous nous rendons à Lahnstein où je -montre mon passavant; non-seulement le percepteur me laisse passer, mais -il me prie de le recommander au seigneur de Mayence et il me fait cadeau -d'une bouteille de vin; il connaît beaucoup ma femme, et il désirait me -voir depuis longtemps. - -A Engers, ma lettre de transit suffit pour me donner passage. Cette place -appartient au duché de Trèves. - -A Andernach, je dépense onze hellers, et je quitte cette ville le jour de -la Saint-Jacques pour me rendre à Bonn. De là , je vais à Cologne; nous -avons dépensé neuf sous dans le bateau, un sou quatre deniers pour des -fruits et du charbon, sept sous pour le déchargement, et quatorze hellers -pour les domestiques des bateliers. Je fais cadeau à mon cousin -Nicolas[36] de ma redingote doublée et bordée de velours; je donne un -florin à sa femme. Jérôme Fugger, Jean Ghrosserpeck et mon cousin me -régalent de vin. Je dîne au couvent des Chartreux, où un frère m'offre un -coupon de drap. M. Jean Ghrosserpeck me fait cadeau de douze mesures de -vin fin. Je dépense cependant à Cologne deux florins quatorze sous, plus -trois sous pour des fruits, un sou de pourboire, et un sou pour le -messager. - - [36] Le fils du sellier, l'élève du père d'Albert Dürer. - -[Illustration] - -Le jour de la Saint-Pantaléon, nous partons pour Postorff où nous passons -la nuit pour trois sous. Le dimanche, nous dînons à Rodingen. Le -lendemain, de bonne heure, nous quittons Freendorf pour nous rendre à la -petite ville de Sangelt, nous dînons dans un village nommé Systerkylen -pour deux sous et deux hellers. Nous passons par Sittard, jolie petite -ville, pour nous rendre à Starkem, un endroit charmant où nous descendons -dans une excellente auberge. Nous mangeons fort bien, nous nous -couchons dans un bon lit, et la dépense ne s'élève pas à plus de quatre -sous. - -Le vendredi matin, nous passons la Meuse et faisons notre entrée à Marten -Lewbehrn; je donne un sou pour un jeune poulet. De là , nous partons pour -Stoffer, et, le mercredi, nous sommes à Merpeck où, pour trois sous, -j'achète du pain et du vin. En passant par Brantenmuhl et Culenberg, nous -arrivons le mardi matin à La Croix où, pour trois sous deux deniers, on -nous sert un assez bon repas. - -Nous prenons le chemin d'Anvers[37]. Aussitôt arrivé, je me rends à -l'auberge de Joost Plankfeld. Le même soir, le factor Bernard Stecher me -donne un souper splendide; ma femme reste à l'auberge, et je donne trois -florins au voiturier. - - [37] On sait que du temps d'Albert Dürer, cette ville était - appelée Antorff par les Allemands. - -Le samedi après la Saint-Pierre-aux-Liens, mon hôte me mène chez le -bourgmestre d'Anvers[38]; sa maison[39] est grande et bien distribuée, -avec des chambres très-vastes et très-belles. Elle est flanquée d'une -tour précieusement travaillée et entourée d'immenses jardins; en somme, -c'est une demeure princière. Je n'ai pas vu sa pareille dans toute -l'Allemagne. Une grande rue toute neuve donne accès de deux côtés à cette -maison, qu'il a fait bâtir ainsi à sa fantaisie. - - [38] Le chevalier Arnold de Liere, qui fut successivement - bourgmestre de l'extérieur et de l'intérieur, de 1506 à 1529, - date de sa mort. - - [39] Cette maison, située rue des Princes, devant la cour de - Liere, est aussi appelée la Maison Anglaise. Aujourd'hui, c'est - un hôpital militaire. L. Guicciardyn dit, dans sa _Description - des Pays-Bas_, Amsterdam 1612, page 69, qu'elle fut bâtie par le - seigneur Aert, né de la branche noble de Liere, pour servir de - résidence à Charles V. - -Le dimanche, jour de la Saint-Oswald, les peintres m'invitent dans leur -cercle avec ma femme et ma servante. Nous mangeons un excellent dîner, -dans un service complet d'argent. Toutes les femmes des peintres sont là ; -et, lorsque l'on me mène à ma place, l'assemblée entière, debout, fait la -haie comme si j'étais un grand seigneur. Il y a à ce banquet des -personnages très-considérables qui se courbent devant moi et me font -mille politesses, me disant qu'ils veulent tout faire pour m'être -agréable. Lorsque je suis assis, le pensionnaire du Conseil d'Anvers -vient à moi avec deux valets et me fait présent, de la part de ces -messieurs de la ville, de quatre pots de vin, en me disant qu'ils veulent -m'honorer par là et me témoigner leur estime. Je le prie de leur -transmettre mes remercîments, et lui offre mes très-humbles services. - -Après lui vient maître Pierre[40], qui me présente, avec ses hommages, -deux autres pots de vin. Après avoir passé gaiement à table une grande -partie de la nuit, on me reconduit aux flambeaux, en me faisant mille et -mille démonstrations amicales. Je remercie chaudement, et vais me mettre -au lit. - - [40] Maître Pierre, charpentier de la ville. - -Je suis allé voir Quentin Metsys[41] dans sa maison[42]. - - [41] Quentin Metsys, peintre fameux, né à Louvain vers 1466, mort - à Anvers en 1530. - - Nous disons en 1530. En effet, il résulte d'une communication - faite à M. Pierre Génard par le chevalier Léon de Burbure, et - insérée à la page 196 de la _Vlamsche School_, volume de 1857, que - maître Quentin Metsys est décédé entre le jour de la Noël 1529 et - la veille de cette fête 1530. C'est en cette dernière année qu'il - est mort, puisqu'il avait assisté encore, le 8 juillet 1530, à la - passation d'un acte.... (_Livret du musée d'Anvers_). - - Le célèbre ferronnier-peintre avait donc seulement 64 ans et non - 84 comme on le croyait avant la découverte de son acte de - naissance faite récemment par M. Edward Van Even, l'infatigable - archiviste de la ville de Louvain. M. Paul Mantz, qui est à - l'affût de tout ce qui peut donner un attrait nouveau à son - _Histoire des peintres flamands_, publiera, j'en suis sûr, ce - précieux document dans la prochaine édition de son excellent - livre. - - [42] Quentin Metsys habitait alors une maison appelée le Singe - (de Simme), dans la rue des Tanneurs (Huidevetters-Straet, - section 3, no 1037). - - Plus tard il alla habiter la rue du Jardin dans les Arbaletriers - (Schutters-hof-Straet). C'est cette deuxième demeure qui avait - encore, en 1658, pour enseigne, un saint Quentin forgé en fer par - maître Quentin Metsys lui-même, si l'on en croit Van Fornenberg. - -J'ai aussi visité les trois grandes places de tir[43]. Je fais un -excellent dîner chez Haber et un autre chez le consul de Portugal, dont -je dessine le portrait. Je fais aussi le portrait de mon hôte Joost -Planckfeld, qui m'offre une branche de corail. Je donne deux sous pour du -beurre, et la même somme aux charpentiers des peintres. Mon hôte me mène -dans l'atelier où les peintres pensionnés par la ville d'Anvers -travaillent aux arcs de triomphe qui seront élevés sur le passage du roi -Charles V[44]. Il n'y en aura pas moins de quatre cents, de quarante -pieds de long chacun; ils régneront des deux côtés des rues, seront bien -peints et auront deux étages, sur lesquels on donnera des -représentations allégoriques. La menuiserie et la peinture coûteront -ensemble quatre cents florins. Cette décoration sera d'un bel effet. - -[Illustration: C. BOGDURT. D. ALBERT-DURER. E. SOTAIN. JC] - - [43] Les places de tir étaient alors situées, les deux premières, - où sont aujourd'hui le marché au blé et le nouveau théâtre; la - troisième, près des rues des Tapissiers et du Jardin-du-Tir. - Elles furent toutes les trois rebâties en partie par Gillibert - van Schoonbeke, en 1552. - - [44] Le 23 décembre 1520, Charles V fit son entrée triomphale à - Anvers, où se tenait alors le conseil de toutes les provinces, - pour offrir à Sa Majesté deux cent mille couronnes (_Chronique - anversoise_, page 14). - -Je dîne de nouveau chez le consul de Portugal et chez Alexandre[45]. - - [45] Orfévre et amateur de Nuremberg, né en 1504, mort en 1546, - reçu de la gilde de Saint-Luc en 1546. - -Sebald Fischer m'achète seize petits dessins de la Passion[46] pour -quatre florins; trente-deux grands livres pour huit florins; six gravures -de la Passion[47] pour trois florins; vingt demi-feuilles, différents -sujets, l'un parmi l'autre, un florin; il m'en prend pour trois florins. -Je vends aussi des quarts de feuille pour cinq florins et demi, plus huit -grandes feuilles pour un florin. - - [46] 37 estampes. Hauteur, 4 pouces 8 à 10 lignes; largeur, 3 - pouces 7 lignes. Voir Bartsch, _le Peintre-Graveur_, 16-52. - - [47] Suite de 16 pièces gravées sur bois. Hauteur, 4 pouces 4 - lignes; largeur, 2 pouces 9 lignes. Voir Bartsch, _le - Peintre-Graveur_, 3-18. Vasari dit qu'Albert Dürer a été à Venise - pour porter plainte contre Marc-Antoine, qui avait fait et vendu - des copies de la grande et petite Passion de Jésus-Christ. Cette - assertion est fausse. Ce qui le prouve mieux que tous les - raisonnements, c'est que les cinquante-trois pièces qui composent - les deux séries de la Passion ont été commencées en 1507 et - terminées en 1513, lorsque Albert était revenu depuis longtemps - de Venise. S'il y a été une autre fois, c'est avant 1506 et non - après. - -J'avais remis à mon hôte une figure de la Vierge peinte sur toile; il l'a -vendue pour mon compte deux florins du Rhin. - -Je fais le portrait de Félix, le joueur de luth[48]. Je dépense deux sous -pour de la bière et du pain, deux sous pour un bain, et quatorze sous -pour trois petits panneaux. - - [48] Félix Hungersberg, musicien célèbre et capitaine de - l'empire. - -Je dîne chez l'orfévre Alexandre, et aussi chez Félix. - -Maître Joachim[49] a dîné chez moi hier, ainsi que son élève. Pour les -peintres, je fais en demi-teinte un écusson; j'accepte un florin pour les -débours. Je donne mes quatre nouvelles pièces à Pierre Wolfgang, et à -Joachim des dessins pour la valeur d'un florin, parce qu'il m'a prêté son -domestique et ses couleurs; du reste, j'avais retenu son domestique à -dîner, et je lui avais donné pour trois sous de dessins. J'envoie à -l'orfévre Alexandre quatre nouvelles pièces. Je fais au fusain les -portraits du Génois Tommaso Florianus, de Romanus, qui est de Lucques, et -des deux frères de Tommaso, Vincent et Gérard, tous trois de la famille -des Pombelli. Je dîne douze fois chez Tommaso. - - [49] Joachim Patenier ou de Patenir, né à Dinant, vers la fin du - XVe siècle, célèbre comme peintre et comme ivrogne. Il a fait - quelques batailles; mais c'est comme paysagiste qu'il s'est - illustré. Il mettait dans un coin de tous ses tableaux un petit - bonhomme accroupi et ...... C'était le coin du maître. Albert - Dürer estimait beaucoup sa peinture; mais il voyait avec chagrin - un homme de son mérite _vivre misérablement dans la crapule_. - -Le trésorier me donne une tête d'enfant peinte sur toile, et une arme en -bois de Calcutta. Tommaso me fait cadeau d'un chapeau de paille. Je dîne -chez le consul de Portugal, et l'un des frères de Tommaso me fait -accepter des gravures pour la valeur de trois florins. - -Érasme[50] m'offre un manteau espagnol, et trois dessins représentant des -portraits d'hommes. Je reçois du frère de Tommaso une paire de gants, et -je fais un deuxième portrait de Vincent. Je donne à maître Augustin -Lumbarth[51] les deux parties des _imagines cÅ“li_[52]. Je dessine le -portrait d'Opiius au nez tordu. Ma femme et ma servante Susanne ont dîné -chez Tommaso. - - [50] Desiderius Erasme, né à Rotterdam le 28 octobre 1467, mort - le 11 juillet 1536 à Basel. - - [51] Peut-être le frère de Lumbardus, le peintre. - - [52] _Imagines cÅ“li septentrionalis._ Hauteur et largeur, 15 - pouces 10 lignes. _Imagines cÅ“li meridionalis._ Hauteur et - largeur, 15 pouces 8 lignes. Voir Bartsch, _le Peintre-Graveur_, - no 151-152. - -Notre-Dame d'Anvers est très-grande. On y dit plusieurs messes à la fois -sans produire de confusion; ses autels ont de riches fondations. Les -meilleurs musiciens y sont attachés; l'église possède plusieurs ornements -et sculptures remarquables, ainsi qu'une jolie tour. - -J'ai visité la riche abbaye de Saint-Michel, dont le chÅ“ur est garni de -beaux fauteuils taillés dans la pierre. - -A Anvers, quand il s'agit d'art, on ne se laisse pas arrêter par les -frais, car l'argent n'y est pas rare. - -Je fais le portrait de Nicolas[53], astronome du roi d'Angleterre; c'est -un Allemand né à Munich, qui m'a été fort utile dans diverses -circonstances. - - [53] Nicolas Kratzer, chimiste et astronome fameux, florissait à - Oxford en 1517. Holbein fit aussi son portrait en 1528. - -Hans Pfaffroth me donne un florin de Philippe pour son portrait que j'ai -dessiné. Je dîne de nouveau chez Tommaso; le beau-frère de mon hôte m'a -invité avec ma femme. Je change deux mauvais florins contre vingt-quatre -sous. Je donne un sou à quelqu'un qui me montre un tableau. Le dimanche -après l'Assomption, j'ai vu la grande procession de Notre-Dame d'Anvers; -c'est un spectacle féerique; toutes les corporations et tous les -métiers habillés somptueusement étaient présents. Chaque profession et -chaque gilde avaient ses attributs particuliers, quelques personnes -portaient d'énormes cierges et de longues trompettes antiques en argent -massif. Il y avait un grand nombre de joueurs de flûte et de tambour -vêtus à l'allemande qui, avec leurs instruments, faisaient un terrible -vacarme, je les ai aperçus qui circulaient dans les rues par bandes -séparées. Voici dans quel ordre on marchait: les orfévres, les peintres, -les sculpteurs, les brodeurs sur soie, les statuaires, les menuisiers, -les charpentiers, les bateliers, les pêcheurs, les maçons, les tanneurs, -les teinturiers, les boulangers, les tailleurs, les cordonniers et divers -autres métiers. Il y avait aussi un grand nombre d'hommes de peine et de -négociants, des boutiquiers et des marchands de toute espèce avec leurs -commis. Après ceux-là venaient les tireurs avec leur carabine, leur arc -ou leur arbalète, des cavaliers et des fantassins, la garde des -fonctionnaires, et enfin une troupe très-belle qui était précédée de tous -les ordres représentés par des gens costumés d'une façon spéciale. J'ai -remarqué aussi dans cette procession une troupe de veuves qui vivent de -leur travail et suivent une règle claustrale; elles sont couvertes des -pieds à la tête de longs vêtements de toile blanche, c'est très-curieux à -voir;--parmi ces femmes il y a des personnes fort distinguées. On y -remarquait aussi le chapitre de Notre-Dame, une masse de prêtres, -d'écoliers et de boursiers qui fermaient la marche. Vingt personnes -portaient les images de la Vierge et de l'enfant Jésus splendidement -ornées. Pour cette procession on avait construit à grands frais des -objets très-remarquables, c'est-à -dire un grand nombre de chars et -quantité de bateaux mobiles sur lesquels on représente des scènes de tout -genre. J'ai remarqué les allégories suivantes: l'ordre des Prophètes, le -Nouveau Testament, la salutation de l'Ange, les trois rois Mages sur des -chameaux et d'autres animaux rares fort curieusement costumés, la fuite -en Égypte et beaucoup d'autres choses que je passe pour abréger. Enfin -venait un grand dragon conduit en laisse par sainte Marguerite et ses -vierges qui étaient extrêmement jolies, puis saint Georges, un fort beau -garçon et ses pages; un grand nombre de jeunes gens et de jeunes filles -costumés de différentes façons représentaient des saints et des saintes. - -Cette procession mit deux heures pour défiler devant notre maison, et -elle présentait trop de particularités pour pouvoir être relatées toutes -ici[54]. - - [54] Ces quelques lignes ont inspiré au grand peintre belge, - Henri Leys, un tableau qui est un chef-d'Å“uvre. - -J'ai été dans la maison que Focker s'est fait construire[55] récemment, -elle est fort belle, flanquée d'une jolie tour et entourée de jardins -immenses. J'ai surtout admiré ses magnifiques écuries. - - [55] Cette maison existe encore aujourd'hui; elle est située, - rempart des tailleurs de pierre, W. 4, no 794; mais elle est - entièrement défigurée. Les Focker ou Fugger étaient, en ce - temps-là , les plus riches marchands de l'Europe. Ils étaient - originaires d'Augsbourg et s'étaient fixés à Anvers en 1505. - -Tommaso a donné à ma femme quatorze aunes de gros damas d'Arras pour s'en -faire une robe, et de plus, deux aunes et demie de demi-satin pour la -doublure. J'ai fait, à la demande des orfévres, une esquisse d'une -couronne pour la tête de Notre-Dame. Le consul de Portugal m'a offert -dans son hôtel[56] des vins de France et de Portugal. Roderigo[57] m'a -donné un petit tonneau de sucreries de toute sorte, où se trouvent une -boîte de sucre candi, deux plats de sucrerie fine, des massepains et même -quelques cannes à sucre, telles qu'elles croissent naturellement. J'ai -gratifié son domestique d'un florin et changé un mauvais florin contre -douze sous. - - [56] L'hôtel de Portugal, situé au _Kipdorp_, W. 2, no 1668, - acheté par la ville à M. Gilles de Schermere, le 20 novembre - 1511, et donné au facteur et consuls ordinaires du Portugal, «et - ce tant et durant que les dicts facteur ou consuls se tiendront - en ceste ditte ville, et que le facteur tiendra sa demeure en la - ditte maison.» En 1817, on en fit la caserne des pompiers. - - [57] Rodrigo Fernandès, très-gros commerçant, facteur de Portugal - en 1528. Cette année, il acheta le splendide hôtel d'Immerseele, - appelé plus tard le Vetkot, situé rue Longue-Neuve W. 2, no 1468. - Il l'acheta au seigneur Jan d'Immerseele, bailli d'Anvers et - marquis du pays de Ryen, et à demoiselle Marie De Lannoy, sa - femme. La rue du Marquisat qui est près de là en a pris son nom. - La jolie chapelle qui existe encore fut bâtie par le marquis en - 1496. - -Les colonnes de l'église paroissiale du couvent de Saint-Michel sont -toutes faites d'un seul morceau de belle pierre noire. - -Je donne à M. Gilgen, chambellan du roi Charles, et à maître Conrad[58], -excellent sculpteur qui est au service de Mme Marguerite, fille de -l'empereur Maximilien, les objets suivants: - -Saint Jérôme en prière[59], la Mélancolie[60], trois nouvelles Marie, -saint Antoine[61] et sainte Véronique[62]; de plus, à maître Gilgen un -saint Eustache[63] et une Némésis[64]. - -[Illustration: ALBERT-DURER P. AH CABASSON D. CH-JARDIN SC.] - -[Illustration] - - [58] Conrad Meyt, né à Malines, reçu à la gilde de Saint-Luc, en - 1536. - - [59] Cette estampe est gravée à l'eau-forte sur fer. Hauteur, 7 - pouces 9 lignes; largeur, 6 pouces 10 lignes. Voir Bartsch, _le - Peintre-Graveur_, no 59. - - [60] Il y a tout un poëme dans cette figure, qui revient sans - cesse, et peut-être malgré lui, dans l'Å“uvre du maître. Ce sont - les traits de _la jalousie_ d'une grande quantité de ses vierges - terrestres, et sans doute de ce monstre charmant, Agnès Frey, - qu'il déteste et qu'il adore. Voir page XIV. - - [61] Gravure que l'on trouve assez facilement belle. Hauteur, 3 - pouces 7 lignes; largeur, 5 pouces 3 lignes. Voir Bartsch, _le - Peintre-Graveur_, no 58. - - [62] Cette petite merveille que nous donnons ici est gravée au - burin sec. Albert Dürer en avait fait tirer très-peu - d'exemplaires. Aussi était-elle déjà rare de son vivant, et ne - l'offrait-il qu'aux personnes dont il faisait grand cas. - - [63] Cette gravure, dont l'empereur Rodolphe II a fait dorer la - planche, est une des plus fines et des plus remarquables du - maître. On la nomme aussi _saint Hubert_, parce que l'on y voit - dans une forêt un chasseur à genoux devant un cerf qui porte une - croix lumineuse au-dessus de la tête. On croit, généralement que - l'artiste a fait le portrait de Maximilien Ier. Peut-être est-ce - celui de son ami Reiter, qui ressemblait à l'empereur. Hauteur - mesurée du côté gauche, 13 pouces 3 lignes; du côté droit, 13 - pouces seulement; largeur, 9 pouces 7 lignes. Voir Bartsch, _le - Peintre-Graveur_, no 57. - - [64] On ne trouve plus ce titre dans les catalogues de l'Å“uvre - d'Albert Dürer; il s'agit ici de la _justice_ ou de la _grande - fortune_. - -Le dimanche qui précède la Saint-Barthélemy je devais déjà à mon hôte -sept florins vingt sous et un heller. - -Mon salon, ma chambre à coucher et la literie me reviennent à onze -florins par mois. - -Le 27 du mois d'août, qui est le lundi qui suit la Saint-Barthélemy, je -fais un nouveau contrat par lequel je dois payer deux sous par repas, y -compris la boisson; ma femme et ma servante feront la cuisine et -mangeront dans leur chambre. J'offre au facteur de Portugal un petit bois -représentant un enfant, Adam et Ève[65], saint Jérôme en prière, Hercule, -saint Eustache, la Mélancolie et une Némésis, puis sur demi-feuilles -trois nouvelles figures de la Vierge, Véronique, saint Antoine, la -Nativité[66] et le Crucifix[67]; mes meilleurs dessins sur quart de -feuilles (huit pièces), les trois livres de la vie de Notre-Dame, -l'Apocalypse, la grande Passion, la petite Passion et la Passion sur -cuivre. - - [65] Cette gravure, très-belle et très-rare, porte cette - inscription: Albertus Dürer Noricus faciebat 1504. C'est la - première fois que le maître signe en toutes lettres. Il a compris - sans doute que l'Å“uvre est digne du grand nom qu'il se fera. Dès - ce moment, en effet, son dessin et son exécution technique sont - irréprochables. Il n'a plus ni dureté, ni sécheresse, il n'est - plus l'élève d'aucun maître. Il est lui! Hauteur, 9 pouces 2 - lignes; largeur, 7 pouces 1 ligne. Voir Bartsch, _le - Peintre-Graveur_, no 1. - - [66] Voir page CL. - - [67] Le Christ expirant sur la croix. On dit que cette estampe a - été gravée sur le pommeau de l'épée de l'empereur Maximilien. - C'est un petit chef-d'Å“uvre extrêmement rare. - -Tout cela vaut bien cinq florins. - -Je fais le même cadeau au Portugais Rodrigo qui a donné à ma femme un -petit perroquet vert. Le dimanche après la Saint-Barthélemy je pars -d'Anvers avec M. Tommassin pour aller à Malines, où nous passons la nuit. - -J'invite à dîner un peintre et maître Conrad, l'excellent sculpteur de -Mme Marguerite. De Malines, en passant par Vilvorde, nous nous rendons à -Bruxelles où nous arrivons le lundi 3 septembre. Je donne trois sous au -messager. Je dîne avec ces messieurs de Bruxelles, et une autre fois avec -M. Bonisius[68], à qui j'offre une Passion en cuivre. Je remets au -margrave Hans la lettre de recommandation de l'évêque de Bamberg, plus -une Passion en cuivre. Je dîne une seule fois avec ces messieurs de -Nuremberg. - - [68] Agent d'une maison de commerce du royaume à Bruxelles. - -Dans la chambre d'or du conseil de Bruxelles j'ai pu admirer quatre -tableaux du grand peintre Rudier[69]. Derrière le palais du roi, j'ai vu -les fontaines, le labyrinthe et le jardin zoologique, toutes choses si -belles que je n'en avais jamais contemplé de pareilles; je me croyais en -paradis. - - [69] Rogier de Bruges, ou plutôt Rogier van der Weyden, peintre, - né à Bruxelles, suivant les uns, à Tournay, suivant les autres, - vers 1400, et mort à Bruxelles le 16 juin 1464, d'une maladie - épidémique appelée le _mal anglais_, qui ravageait alors le pays. - - Trois des tableaux dont parle Albert Dürer sont d'une grande - naïveté, mais le quatrième est d'un effet très-saisissant: c'est - Herkenbaldt, mourant dans son lit, qui embrasse son neveu, - convaincu d'un viol, et qui en même temps l'égorge pour le - soustraire à l'ignominie du supplice.--La tête du vieillard est du - plus haut style. M. Alphonse Wauters croit que ces tableaux ont - été détruits dans le bombardement de Bruxelles, en 1695. Quatre - magnifiques tapisseries de 26 pieds de longueur sur 13 pieds 6 - pouces de hauteur, conservées précisément dans la sacristie de - l'église de Berne, les reproduisent de la manière la plus - complète, et nous font voir combien Lampsonius avait raison quand - il s'écriait avec admiration: «O maître Rogier, quel homme vous - étiez! - -La maison du conseil à Bruxelles est magnifique et fort grande, bâtie en -belles pierres, avec une superbe tour découpée à jour. A Bruxelles, j'ai -fait à la lueur de la chandelle trois portraits, celui de maître Conrad -qui était mon hôte, celui du fils du docteur Lampaters et celui de mon -hôtesse. - -J'ai vu parmi les curiosités qu'on a apportées au roi du nouveau pays de -l'or[70], un soleil d'or de la grandeur d'une brasse et une lune d'argent -de la même dimension. J'ai admiré deux chambres pleines de toutes espèces -de curiosités venant du même endroit, des armes, des harnais, des engins -de guerre, des habillements fort bizarres, des literies et bien d'autres -choses encore à l'usage des gens de ce pays-là . Il est à remarquer que -tous ces objets sont infiniment plus beaux et plus riches que ce que nous -trouvons chez nous. Ils sont tellement précieux qu'on les évalue à cent -mille florins. J'avoue que jamais rien n'a excité autant ma curiosité que -ces produits extraordinaires qui prouvent combien les habitants de ces -contrées lointaines ont l'esprit ingénieux et inventif. - - [70] Le Mexique. - -A Bruxelles, j'ai vu bien d'autres belles choses, et spécialement une -gigantesque arête de poisson, qui paraît construite en pierres de taille. -Cette arête a une brasse de largeur et pèse environ quinze quintaux. Sa -forme est à peu près celle-ci: - -(Le dessin n'est pas dans le manuscrit.) - -Cette arête se trouve derrière la tête du poisson. - -J'ai visité l'hôtel de Nassau; c'est un splendide bâtiment, luxueusement -décoré. - -J'ai dîné encore deux fois avec ces messieurs de Bruxelles. Mme -Marguerite de Flandre m'a envoyé chercher et m'a promis de me recommander -au roi Charles. Elle a été avec moi d'une grâce charmante. Je lui ai -offert ma Passion sur cuivre. J'ai fait le même cadeau à son trésorier -Jean Marini, et, de plus, j'ai dessiné son portrait. J'ai donné deux sous -pour un anneau de buffle, et deux sous pour faire ouvrir le tableau de -l'autel de Saint-Luc. - -Lors de ma visite à l'hôtel de Nassau, j'ai vu dans la chapelle la belle -peinture de maître Hugo[71]. J'ai remarqué aussi deux belles salles et -tous les objets précieux qui sont dispersés dans l'hôtel; enfin l'immense -lit qui peut contenir cinquante personnes. J'ai examiné avec attention le -quartier de roc que l'orage a jeté aux pieds du seigneur de Nassau. Cet -hôtel est situé sur une hauteur et jouit d'une vue admirable qui, je -crois, n'a pas sa pareille dans l'Allemagne entière. Maître Bernard[72], -le peintre, m'a invité à sa table et m'a fait servir un dîner si -recherché, qu'à mon avis il ne doit pas en avoir été quitte pour dix -florins. Pour me tenir compagnie, le trésorier de dame Marguerite, -l'intendant de la cour Meteni, et le trésorier de la ville Pufladis, -s'étaient fait inviter à ce dîner. J'ai donné à Pufladis une Passion sur -cuivre, et il m'a remis en échange une bourse espagnole noire de la -valeur de trois florins. J'ai envoyé une Passion sur cuivre à Érasme de -Rotterdam. J'ai fait le même cadeau à Érasme, le secrétaire de Bonisius. -L'Anversois qui m'a donné une tête d'enfant s'appelle Laurent Sterk[73]. -J'ai dessiné le portrait de maître Bernard, le peintre de dame -Marguerite, et j'ai recommencé celui d'Érasme de Rotterdam[74]. J'ai -offert à Laurent Sterk un saint Jérôme assis et la Mélancolie. - - [71] Hugues Vandergoes, peintre distingué, que Vasari nomme Hugo - d'Anversa. Pourquoi? Ce n'est sans doute pas parce qu'il est né à - Gand vers 1430.--En 1476 il se fit ordonner prêtre, devint - chanoine régulier au monastère de la Croix-Rouge, dans la forêt - de Soignes, aux portes de Bruxelles, et mourut en 1482. - - Ses compagnons de retraite gravèrent cette inscription sur sa - tombe: - - Pictor Hugo van der Goes humatus hic quiescit. - Dolet ars, cum similem sibi modo nescit. - - [72] Bernard van Orley, ou Barend van Brussel, né à Bruxelles en - 1471, mort dans sa ville natale en 1541, peintre de Marguerite - d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas. Il eut la gloire d'être un - des rares peintres flamands qui accueillirent Albert Dürer sans - jalousie. - - [73] Receveur du Brabant pour le quartier de la ville d'Anvers. - - [74] Il est représenté à mi-corps dans son cabinet. Il écrit. - Érasme ne fut pas content de ce portrait comme il l'avait été de - celui fait par Holbein, qu'il avait gardé dix jours chez lui - avant de le rendre, pour qu'il pût paraître dans la célèbre - édition de l'_Éloge de la folie_, dite édition d'Holbein, parce - que ce grand peintre l'avait illustrée de quatre-vingt-trois - dessins, gravés sur cuivre, sans compter son portrait, celui de - Morus et celui d'Érasme sur une seule planche. Oh! oh! s'était - écrié le philosophe de Rotterdam en voyant ce portrait, si je - ressemblais encore à cet Érasme-là , en vérité, je voudrais me - marier. Albert Dürer a gravé ce portrait sur cuivre, avec cette - inscription: «Imago Erasmi Roterodami ab Alberto Durero ad vivam - effigiem delineata, MDXXVI.» Hauteur, 9 pouces 3 lignes; largeur, - 7 pouces 2 lignes. - -[Illustration] - -Six personnes de Bruxelles, dont j'ai fait le portrait, ne m'ont rien -donné. - -J'ai acheté deux cornes de bÅ“uf pour trois sous, et deux -uilenspiegels[75] pour un sou. - - [75] Albert Dürer parle-t-il de l'estampe de Lucas de Leyde, ou - du petit livre populaire intitulé _Aventures de Thyl - Uylenspiegel_, qui fut traduit en 1483 du néerlandais en - allemand, selon les Flamands, ou de l'allemand en néerlandais, - selon les Allemands? En 1613, Van der Hoeven, de Rotterdam, fit - une nouvelle édition de cette bonne bouffonnerie avec ce titre: - «Histoire de Thyl Uylenspiegel, relation des farces ingénieuses - qu'il a faites; très-amusante à lire, avec de belles gravures.» - Depuis on en a publié bon nombre corrigées et considérablement - augmentées. Pour ma part j'en connais bien dix, en comptant celle - qui est spirituellement illustrée par Paul Lauters. Je crois - qu'Albert Dürer parle du livre, car de son temps la gravure - devait déjà être très-rare. A peine gravée, la planche avait été - perdue; peut-être Lucas l'avait-il détruite lui-même, car cette - estampe n'était pas à la hauteur de ses autres ouvrages. - - Le graveur Henri Hondius en a fait une copie en 1644, avec cette - inscription: - - Dees eerste vorm is wech, men vinter geen voor ons, - Want een papiere Druck gelt vyftich Ducatons. - «Cette forme première est perdue, on ne peut la retrouver; et un - exemplaire sur papier se paye cinquante ducatons.» - -Le dimanche après la Saint-Gilgen, je prends congé de Hans Ebner[76]. Il -ne veut rien recevoir de Hans Gender pour les sept jours que j'ai passés -chez lui. Je donne un sou à son domestique, et nous partons, M. Tommaso -et moi, pour Malines. Le soir, je dîne avec Mme de Nieuwkerk, et le lundi -de bonne heure je retourne à Anvers. - - [76] Ambassadeur nurembergeois; fut conseiller et bourgmestre de - sa ville, et mourut en 1553. - -Je déjeune le matin avec le facteur de Portugal, qui me donne trois -Porzolana[77], et Roderigo me prie d'accepter quelques objets en plumes -venant de Calcutta. J'achète pour Susanne une cape de deux florins dix -sous. Pendant mon absence, ma femme a dépensé quatre florins rhénans pour -un lessivage, un soufflet, une terrine, des pantoufles, du bois, des bas, -une cage de perroquet, deux gobelets et des pourboires; ses repas, sa -boisson, et d'autres choses de première nécessité, ont en outre coûté -vingt et un sous. - - [77] Tasses de Majolica. Poterie italienne. - -Le lundi après la Saint-Égide, je rentre chez mon hôte Joost Plankfeld et -j'y dîne seize fois. Je donne au domestique de Nicolas Tommaso un sou -pour lui et six sous pour un cadre. Mon hôte me fait cadeau d'une poule -indienne et d'un fouet turc. Je dîne treize fois chez Tommaso. Les -seigneurs de Rogendorf m'invitent à dîner. J'accepte leur invitation et -je peins en grand leur écusson sur bois, pour qu'on pût le graver. Je -dépense un sou, et ma femme change un florin contre vingt-quatre sous. Je -dîne un jour avec Jacob Rechlinger dans la maison de Ficker, et, une -autre fois, avec toute la famille. - -Je donne à Guillaume Havenhüth, le valet de pied du duc comte palatin -Frédéric, un saint Jérôme sur cuivre et les deux demi-feuilles -représentant Marie et saint Antoine; à Jacques Bonisius, une bonne figure -de sainte Véronique, un saint Eustache, la Mélancolie, saint Jérôme -assis, saint Antoine, les deux nouvelles Vierges et le Nouveau paysan; à -son secrétaire Érasme, qui a remis ma pétition, un saint Jérôme assis, la -Mélancolie, saint Antoine et les deux nouvelles Vierges, le tout d'une -valeur de sept florins. J'offre à l'orfévre Merx une Passion sur cuivre, -et je lui vends des gravures pour trois florins; je vends, d'un autre -côté, pour trois florins vingt sous d'objets d'art. Je donne au peintre -sur verre Honig quatre petites pièces sur cuivre. Je dîne trois fois chez -Bonisius. J'achète du fusain et du crayon noir pour quatre sous, du bois -pour un florin huit sous, et trois sous disparaissent sans que je puisse -dire où ils sont passés. Je dîne dix fois chez ces messieurs de -Nuremberg. - -Maître Diderik, peintre sur verre, m'envoie de la couleur rouge que l'on -trouve à Anvers dans les briques nouvellement cuites. Je dessine le -portrait de maître Jacques de Lubeck. Il donne un florin de Philippe à ma -femme. Je le change pour avoir de la monnaie. J'offre à dame Marguerite -un saint Jérôme assis sur cuivre, je vends une Passion sur bois pour -douze sous, et un Adam et Ève pour quatre sous. Félix, le joueur de luth, -achète tout mon Å“uvre sur cuivre, ma Passion sur bois, ma Passion sur -cuivre, deux demi-feuilles, deux quarts de feuilles, pour huit florins -d'or. Je fais le portrait de Bonisius. Rodrigo m'envoie de nouveau un -perroquet; je donne deux sous de pourboire à son domestique. Je fais -présent au joueur de trompette Jean Van den Winkel d'une petite Passion -sur bois, d'un saint Jérôme en prière et d'une Mélancolie. - -[Illustration: - ALBERT DURER. P. - PERUGINI. D. - TAMISIER. SC.] - -J'achète une paire de souliers pour six sous et une verge de mer pour -cinq sous; Georges Schlautersbach m'en avait donné une qui valait six -sous. Je dîne une fois avec l'agent des Focker, Wolf-Haller[78], à -l'occasion d'une invitation qu'il avait faite à messeigneurs de -Nuremberg. Je dîne avec ma femme, et je donne un sou au garçon de Hans -Deners. Je vends pour cent sous d'objets d'art. Je fais le portrait de -maître Jacques[79], le peintre des Van Rogendorf. Comme j'ai dessiné sur -bois l'écusson des Van Rogendorf[80], on me donne pour ma peine sept -aunes de velours. Je dessine au fusain le portrait de Jararott Pruk pour -un florin. Je dîne chez le facteur de Portugal. A Hans Schwarz[81], je -paye deux florins d'or pour mon portrait; je les lui envoie à Augsbourg -par l'entremise des Focker dans une lettre. J'achète une chemise de laine -rouge pour trente et un sous, de la couleur rouge que l'on trouve dans -les briques nouvellement cuites pour deux sous, et une corne de bÅ“uf -pour neuf sous. Je dessine le portrait d'un Espagnol; je dîne avec ma -femme; je donne deux sous pour mille pierres à feu, et trois sous pour -deux tasses pareilles à celles que Félix et maître Jacques de Lubeck ont -données à ma femme. Je dîne chez Rogendorf et donne un sou pour une -brochure relatant l'entrée triomphale du roi à Anvers[82]. - - [78] L'écusson de cette famille fut peint par Dürer, et peut-être - même gravé sur bois. - - [79] Jacques Cornelisz, né au village de Oostzanen, et maître de - Jean Schorel. En 1512, il jouissait déjà d'une grande réputation. - Charles van Mandre a vu à Harlem, chez Corneille Suyver, une - Circoncision peinte par lui en 1517, dont il dit le plus grand - bien. Ce peintre avait un frère, nommé Buys, et un fils nommé - Dirck Jacob; l'un a fait de beaux paysages, l'autre de beaux - portraits. Jacques Cornelisz est mort à Amsterdam dans un âge - avancé. Dürer l'appelle Jacques de Lubeck, parce qu'il avait été - pensionné par les magistrats de cette ville. - - [80] Ce sont ces quelques mots qui ont fait dire qu'Albert Dürer - ne grava pas sur bois. Comment supposer cependant qu'étant en - apprentissage chez Wolhgemuth, au moment où ce peintre était déjà - occupé des dessins de _la Chronique de Nuremberg_, il n'ait pas - appris toutes les pratiques de l'atelier de son maître, et qu'il - n'ait pas plus tard mis la main à quelques-uns des bois à sa - marque. On convient généralement que les dessins de Dürer sont - mieux gravés que ceux des autres artistes de son temps. N'en - pourrait-on pas conclure qu'il donnait le dernier coup de ciseau, - ou qu'il dirigeait le travail comme un homme qui sait le métier - et qui ne grave pas habituellement, parce qu'il n'a pas le loisir - de s'occuper de cet ouvrage long et minutieux? - - [81] Jean Swart ou Jean Lenoir, originaire de Groningue, fit des - tableaux d'histoire et des paysages avec un égal succès. Ses - toiles sont fort rares; mais j'ai vu beaucoup de charmantes - gravures sur bois, gravées par lui ou d'après ses dessins. Il - avait une grande prédilection pour les cavaliers turcs, armés de - flèches et de carquois, car il en a mis partout. Il courut - beaucoup le monde et finit par se fixer à Gouda en 1522. - - [82] Cornelii Graphæi gratulatio Caroli V imperatoris, 1520. - Antverpiæ, apud Joan. Croccium. 8º. - -Les portes étaient garnies de représentations allégoriques et de jeunes -filles presque nues; j'en ai vu rarement d'aussi belles[83]. J'ai changé -un florin pour avoir de la monnaie. A Anvers, on m'a montré plusieurs -ossements du géant[84]. L'os de la cuisse a quatre pieds et demi de long, -et est extrêmement lourd. Son omoplate est plus grande que le dos entier -d'une grande personne. Ce géant a eu dix-huit pieds de hauteur; il a -gouverné Anvers, et y a fait plusieurs choses surprenantes. Ces messieurs -de la ville ont beaucoup écrit sur lui dans un gros livre[85]. - - [83] Dürer s'exprima plus longuement à ce sujet en causant avec - Melanchthon qui, lors de son séjour à Nuremberg, vint souvent - visiter le peintre. Il lui disait entre autres choses: «J'ai - regardé ces jeunes filles fort attentivement et même brutalement - (puisque je suis peintre).» Manlii Collectanea Locor. communium, - page 345. Ces jeunes vierges étaient les plus belles personnes - d'Anvers; elles étaient presque nues et habillées seulement d'une - gaze légère. Lorsque Charles V fit son entrée triomphale, il ne - se montra pas aussi admirateur que Dürer de leur beauté; car en - passant devant elles il baissa les yeux, ce qui les indisposa - fort contre lui. - - A cette époque, on voyait des vierges à peu près nues dans toutes - les solennités de ce genre. Les jeunes filles se disputaient - l'honneur d'être désignées par les juges institués _ad hoc_, car - la mission de ces nouveaux Pâris était de choisir les plus belles - et les mieux faites. Elles recevaient donc un diplôme de beauté, - et plus tard leur mari pouvait dire avec un noble orgueil: Ma - femme figurait à l'entrée de tel ou tel souverain. - - [84] Brabon. - - [85] Ce livre est un manuscrit du XVe siècle, que l'on trouve - encore aujourd'hui dans les archives d'Anvers. C'est un in-folio, - relié en corne blanche. Il porte ce titre: «Le vieux registre de - divers mandements». Page 33, on lit l'histoire fabuleuse du géant - Brabon et autres de son espèce. - -L'école de Raphaël d'Urbin s'est considérablement amoindrie après la mort -de ce grand homme. Un de ses élèves, Thomas Polonius[86], bon peintre, a -désiré me voir; il est venu chez moi et m'a fait cadeau d'une bague en or -antique, ornée d'un beau camée d'une valeur de cinq florins, et dont on -m'a déjà offert le double. En retour, je lui ai donné pour six florins de -mes meilleures gravures. Je dépense trois sous pour un _calacut_, un sou -pour un messager, et trois sous avec des camarades. - - [86] Cet élève de Raphaël se nommait Thomaso Vincidore, de - Bologne; il paraît avoir été envoyé en Flandre pour surveiller - l'exécution de certaines tapisseries, faites d'après des dessins - de Raphaël. - -[Illustration: - MARTIN. D. - SOTAIMS] - -J'ai offert à dame Marguerite, sÅ“ur du roi Charles, un exemplaire de mon -Å“uvre gravé; j'ai fait aussi pour elle, avec un grand soin, deux dessins -sur parchemin, que j'évalue à trente florins; et, pour son médecin, le -plan d'une maison qu'il veut bâtir. Je ne voudrais pas refaire ce -dessin à moins de dix florins. Je donne à Nicolas Ziegler un Christ mort -qui vaut trois florins, et au facteur de Portugal une tête d'enfant -peinte, que je vendrais bien un florin. - -J'achète une corne de buffle pour dix sous, une patte d'élan pour un -florin d'or. - -J'ai fait le portrait de maître Adrien au crayon, et celui de Wolf -Rogendorf au poinçon. J'ai dépensé deux sous pour des condamnations et -des dialogues, et j'ai donné à maître Adrien des Å“uvres d'art pour une -valeur de deux florins. On m'a vendu un seul crayon rouge un sou. J'ai -peint le portrait d'une dame noble dans la maison de Tommaso. J'ai offert -à Nicolas un saint Jérôme en prière et les deux nouvelles Vierges. - -Le lundi après la Saint-Michel, je donne à Thomas Polonius tout mon -Å“uvre gravé. Par l'entremise d'un peintre, il doit être envoyé à Rome, -et l'on me promet en échange des dessins de Raphaël. - -Je dîne avec ma femme, et je dépense trois sous pour la régaler. - -Polonius a fait mon portrait[87] pour l'emporter à Rome. Je change une -couronne et garde onze florins pour mes besoins. Je donne neuf sous pour -du bois, et vingt sous pour porter ma malle à la barque de Bruges. - - [87] Ce portrait fut gravé au burin par André Stock. On lit cette - inscription au bas de la planche: Effigies Alberti Dureri Norici, - pictoris et sculptoris hactenus excellentissimi delineata ad - imaginem ejus quam Thomas Vincidor de Bolognia ad vivum depinxit - Antuerpiæ 1520. And. Stock, sculp. H. Hondius excudit 1639. - -A Bruges, je dessine le portrait d'une femme qui me le paye un florin. Je -fais de grandes dépenses: un sou pour du vernis, un sou pour de la -couleur, treize sous pour des fourrures, un sou pour du cuir, et deux -sous pour deux écailles de moule. Dans la maison de Jean Gabriel, je -peins le portrait d'un Italien pour deux florins d'or. J'achète un sac de -voyage deux florins et quatre sous. - -Le jeudi après la Saint-Michel, je pars pour Aix-la-Chapelle. Je prends -avec moi un florin et un noble, et j'arrive le dimanche à Aix-la-Chapelle -après avoir passé par Maëstricht et par Gulpen. Jusqu'à présent mon -voyage, tout compris, m'a coûté trois florins. - -A Aix-la-Chapelle, je vois les colonnes que Charles a fait venir de Rome, -et qui sont ornées de chapiteaux de porphyre rouge et vert. Elles sont -faites très-artistement d'après Vitruve. Je peins deux fois le portrait -de Hans Ebner[88], et je dessine au fusain ceux de Georges -Schlaudersbach, du jeune Christophe Groland et de mon hôte Pierre Van -Enden. Je donne deux sous pour une pierre à aiguiser, cinq sous pour un -bain et deux deniers au domestique de la ville qui m'a conduit à la salle -du Conseil; je paye pour cinq deniers de boisson à des camarades, et je -perds sept sous au jeu avec Hans Ebner. Je dessine dans mon album les -portraits de Paulus Topler et de Martin Pfinzing. - - [88] C'est à la famille d'Ebner que nous devons le journal - d'Albert Dürer. M. C. G. de Murr, qui a publié le texte allemand, - dit qu'il l'a tiré _ex bibliotheca Ebneriana_. M. Frédéric - Verachter, le savant archiviste de la ville d'Anvers, a traduit - en flamand ce document précieux. Je me suis beaucoup aidé de son - travail qui est fait avec une grande intelligence; pour être tout - à fait juste, je dois dire que sans lui je ne serais jamais - parvenu à rendre clairs une certaine quantité de passages qui - étaient restés inexpliqués jusqu'à ce jour. - -Je vois à Aix-la-Chapelle le bras de l'empereur Henri, la chemise de la -vierge Marie et d'autres reliques. Je dessine l'église de Notre-Dame, et -je fais le portrait de Sturm[89]. Je dessine le portrait des sÅ“urs de -Kopffinger, une fois au charbon et une fois au crayon noir. Je donne dix -sous pour une grande corne de bÅ“uf, et je perds trois sous au jeu. -J'offre à la fille de Tomasius une peinture de la Trinité d'une valeur de -quatre florins, et je dépense un sou pour du cirage, trois sous pour un -bain, huit sous pour une corne de buffle, et deux sous pour une ceinture. - - [89] Gaspard Sturm, dit Teutschland (Allemagne), le héraut - d'armes qui assista à la prise du château de Sickingen, et qui - fut chargé de conduire Luther à la diète de Worms. (Voir la _Vie - de Luther_, par Audin, t. VI, p. 207.) - -[Illustration] - -Le 23 octobre, j'assiste au couronnement du roi Charles à -Aix-la-Chapelle; c'est si beau et si riche, que de la vie je n'ai vu -pareil spectacle, et que je renonce à le décrire. Je donne à Mathias pour -onze florins de mes gravures et trois pièces à Stéphan, chambellan de -dame Marguerite. J'achète un chapelet de bois de cèdre pour dix sous, et -je perds trois demi-sous au jeu. Je donne deux sous au barbier et quatre -sous pour deux verres de lunettes; je perds encore une pièce blanche au -jeu. - -Le vendredi qui précède la fête de Simon et Judas, je me rends à Louvain, -laissant sept sous de pourboire dans la maison de mon hôte; je visite -l'église où est la tête de sainte Anne. - -Le dimanche, nous arrivons à Cologne. - -A Bruxelles, j'ai été hébergé complétement par ces messieurs de -Nuremberg, qui n'ont rien voulu accepter. A Aix-la-Chapelle, ils -m'avaient déjà rendu le même service pendant trois semaines; ils me -conduisent à Cologne, où ils me renouvellent le refus d'accepter la plus -légère rétribution. - -Je dépense cinq sous pour un traité de Luther, un sou pour la -condamnation de cet homme courageux, un sou pour un chapelet et deux -sous pour une ceinture. J'offre à Léonard Groland ma grande corne de -bÅ“uf, et mon chapelet en bois de cèdre à Hans Ebner. J'achète une paire -de souliers pour six sous et une petite tête de mort pour deux sous. Je -donne un sou pour de la bière et du pain, deux sous au barbier, à Ziegler -Linhart des gravures pour deux florins, et deux sous à celui qui m'a -laissé voir le tableau de maître Stephanus[90]. Je dépense deux sous avec -des camarades et un sou pour un petit traité. Je fais le portrait de la -sÅ“ur de Gott-Schalken. Le dimanche soir après la Toussaint, je suis -encore à Cologne et j'assiste au bal[91] et au festin donnés par -l'empereur Charles; c'est fort beau. Je dessine l'écusson de Staber, et -j'offre à un jeune comte de Cologne une Mélancolie et au duc Frédéric ma -nouvelle Vierge. Je fais au charbon le portrait de Nicolas Haller et je -donne deux sous au portier, trois sous pour deux petits traités et dix -sous pour une corne de vache. - - [90] Stephen Lochner (de Constance), et non Lothner comme on l'a - cru longtemps, né....? mort en 1451. Le tableau en question est - un triptyque dont le panneau central représente l'Adoration des - Mages. Les volets sont peints des deux côtés, celui de droite - nous montre sainte Ursule et ses compagnes à l'intérieur, et à - l'extérieur l'Annonciation; sur celui de gauche, on voit à - l'intérieur saint Géréon, le glorieux patron de la ville de - Cologne, et un ange à genoux à l'extérieur. Avant la visite - d'Albert Dürer il était attribué tantôt à Philippe Kaff, tantôt à - Willem; depuis, il n'y a plus eu d'incertitude. Ce chef-d'Å“uvre - est aujourd'hui dans la cathédrale de Cologne (chapelle - Sainte-Agnès), où on l'admirerait sans restriction s'il n'avait - pas subi quelques regrettables retouches. Une inscription que - l'on peut lire sous le tableau dit qu'il a été peint à l'huile en - 1410. - - [91] Il en fit un dessin gravé sur bois. Voir Bartsch, _le - Peintre-Graveur_, 38. - -A Cologne, je visite l'église de Sainte-Ursule ainsi que son tombeau; je -vois les statues des vierges et aussi celles des saints. Je dessine au -fusain le portrait de Forherwerger, et je donne à la femme de Nicolas -huit sous parce qu'elle m'a offert l'hospitalité. - -J'ai séjourné huit jours à Bruxelles, trois semaines à Aix, quatorze -jours à Cologne, et ces trois messieurs de l'ambassade de Nuremberg, -Léonard Groland, Hans Ebner et Nicolas Haller, m'ont constamment hébergé. -J'ai fait des portraits chez les nonnes pour sept sous et leur ai offert -trois demi-feuilles de gravures sur cuivre. - -Le lundi après la Saint-Martin, ces messieurs de l'ambassade de Nuremberg -m'apprennent qu'ils viennent d'obtenir pour moi le titre de peintre de la -cour de l'empereur Charles[92]. - - [92] Cet acte de Charles V est du 4 novembre 1520, daté de - Cologne. Par cet acte, les magistrats furent chargés de payer à - Dürer la pension viagère de cent florins, qui lui avait été - accordée par l'empereur Maximilien. La pièce originale de cet - acte est encore aux archives de Nuremberg. - -Dorfer m'invite une fois chez Staber et une autre fois chez le vieux -Wolfgang. Je dîne aussi chez mon cousin Nicolas; j'offre un florin à sa -femme, deux liards à sa petite fille, sept sous à la servante et un saint -Eustache à son domestique, car je leur ai donné beaucoup de mal à tous. - -Le mercredi de la Saint-Martin, après avoir acheté une petite tête de -mort en ivoire pour un florin, et une paire de souliers pour sept sous, -je remonte de bonne heure le Rhin avec le bateau de Cologne; nous -arrivons à Zons, de là à Neus et puis à Stain, où nous passons la nuit -pour deux sous. Le lendemain, nous voyons Keizerswerth, Duisburg, Orson -et nous couchons à Rheinberg pour six sous. De là nous allons à Wezel, à -Rees, à Entmerich, à Thomas et enfin à Nimègue, où on nous donne un -mauvais lit pour quatre sous. Le lendemain, nous partons pour Thiel, Pust -et Entmerich, où je m'arrête un moment. J'y fais un bon dîner pour trois -sous. Je profite d'un grand coup de vent qui nous empêche de continuer -notre route pour dessiner le portrait d'un compagnon orfévre d'Anvers, -nommé Pierre Federmacher, une tête de femme et un croquis d'après -l'aubergiste. - -C'est seulement le dimanche que nous arrivons à Nimègue. Je donne vingt -sous au batelier. - -Nimègue est une jolie ville qui possède une belle église et un château -fort bien situé. - -A Thiel, sur le Waal, nous quittons le Rhin pour remonter la Meuse; nous -arrivons à Terveer, où il y a deux tours, nous y passons la nuit et je -dépense sept sous. - -Le vendredi matin, nous partons pour Bommel; là survient une furieuse -tempête qui nous oblige à louer pour un florin des chevaux de paysan qui -nous portent tant bien que mal à Bois-le-Duc. Bois-le-Duc est une jolie -ville qui renferme de belles et riches églises et qui est solidement -fortifiée. J'y dépense dix sous que maître Arnold[93] veut absolument -payer. Les orfévres de l'endroit viennent me voir et me font beaucoup de -politesses. - - [93] Arnold de Beer, élève de Lambert Suterman, peintre d'Anvers. - Il s'est fait une réputation comme dessinateur plutôt que comme - coloriste. - -Le jour de Notre-Dame, nous arrivons de bonne heure au magnifique village -d'Osterwyck, de là à Tilborg, où nous faisons un repas assez convenable, -et nous restons coucher à Baerle; mais comme mes compagnons tombent en -désaccord avec l'aubergiste, nous partons pour Hoogstraeten après deux -heures de repos. Arrivés à Harfth, nous déjeunons en face de l'église -Saint-Léonard pour quatre sous. - -Le jeudi après l'Assomption, je revois Anvers; je donne quinze sous au -voiturier et je vais me loger de nouveau chez Joost Planckfeld. Je dîne -trois fois avec lui et deux fois avec ma femme. Le premier portrait que -je fais est celui de Nicolas Sombalis. - -Pendant sept semaines qu'a duré mon voyage, ma femme et ma servante ont -dépensé sept couronnes pour le ménage et quatre florins pour les menus -objets. Je dépense quatre sous avec des camarades. Je dîne six fois chez -Tommaso. - -Le jour de la Saint-Martin, dans l'église de Notre-Dame, on coupe la -bourse de ma femme; elle valait un florin et contenait deux florins et -quelques clefs. - -Le soir de la Sainte-Catherine, je paye à Joost Planckfeld dix couronnes -d'or en à -compte de ce que je lui dois. - -Je dîne deux fois chez les Portugais. Rodrigue me fait cadeau de six noix -indiennes; je donne deux sous à son domestique, et dix-neuf sous pour du -parchemin. Je prends la monnaie de deux couronnes. - -Je vends les gravures suivantes: deux Adam et Ève, très-belles épreuves, -un saint Jérôme, un cavalier, une Némésis, un saint Eustache, dix-sept -pièces gravées à l'eau-forte, huit quarts de feuilles, dix-neuf pièces -sur bois, sept mauvaises gravures sur bois et dix livres de la petite -Passion, le tout pour huit florins; pour une once de couleur de plomb je -donne trois gros livres. Je prends la monnaie d'un florin de Philippe et -ma femme celle d'un florin simple. - -A Ziericzée (en Zélande), une forte marée chassée par l'ouragan fait -échouer une baleine; elle a plus de cent toises de long et personne ne se -souvient d'en avoir vu une pareille en Zélande. - -Ce poisson ne peut être mis à flot; les habitants voudraient s'en -débarrasser parce qu'il infecte la contrée. Il est si monstrueux qu'ils -n'espèrent pas avant six mois d'ici pouvoir le mettre en pièces et le -réduire en huile. - -Stéphan Capello me donne un chapelet en cèdre, à condition que je ferai -son portrait. J'achète pour quatre sous de tripoli et du papier pour -trois sous. - -Je fais le portrait de Félix à genoux, à la plume, dans son album; il me -donne cent huîtres. Je fais présent au seigneur Lazare, surnommé le -Grand Homme, d'un saint Jérôme sur cuivre et de trois grands livres. -Rodrigue m'envoie du vin fort et des huîtres. J'invite à dîner Tomasin -Gerhard, sa fille et son mari, Honing, le peintre sur verre, Félix, Joost -et sa femme; cela me coûte deux florins. Thomassin me fait cadeau de -trois aunes de gros damas. - -Le soir de la Sainte-Barbe, je me rends à Bergen[94], je dépense un -florin six sous et douze sous pour le cheval. J'achète dans cette ville -une faille pour ma femme; je la paye un florin sept sous; je donne six -sous pour trois paires de souliers, un sou pour un microscope et six sous -pour une pomme d'ivoire. - - [94] C'est à Berg-op-Zoom que Dürer veut dire. - -Je dessine les portraits de Jean de Haes[95], de sa femme et de ses deux -filles au charbon noir, et je fais des croquis de sa servante et d'une -vieille femme au poinçon sur son album. Je visite la maison de ville de -Bergen, elle est très-belle. Bergen est une ville fort agréable en été: -elle a deux foires considérables par an. - - [95] Sculpteur, né à Metz. - -La veille de la fête de la Vierge, je pars avec mes compagnons pour la -Zélande. Sébastien Imhoff me prête cinq florins.--Nous passons la -première nuit sur le navire à l'ancre; il fait très-froid et nous n'avons -rien à boire ni à manger. Le samedi, nous arrivons à Ter-Goes, où je -dessine une jeune fille avec son costume national. Nous partons pour Erma -et arrivons devant l'île de Walcheren; nous passons la nuit à Ernig; de -là nous allons à Middelbourg. Dans l'église de l'abbaye[96], je remarque -le grand tableau de Jean de Mabuse[97], qui est mieux peint que -dessiné[98]. De là je pars pour la jolie ville de Terveer, où relâchent -des vaisseaux de tous les pays. - - [96] L'abbaye de l'ordre de Prémontré, dédiée N.-D. et à saint - Nicolas. - - [97] Jean Gossaert, dit _Jean de Maubeuge,_ né à Maubeuge vers - 1470, mort le 1er octobre 1532, mort à Anvers, où il fut enterré - à Notre-Dame. - - [98] Une Descente de Croix qui avait été commandée par l'abbé - Maximilien de Bourgogne. Ce tableau, un des meilleurs du maître, - fut détruit par la foudre le 24 janvier 1568. - -A Aremuidem, il nous arrive un grand malheur. Au moment où nous voulons -prendre terre, après avoir lancé notre câble sur le rivage et qu'une -grande partie de l'équipage est déjà descendue, un vaisseau vient se -heurter avec force contre le nôtre. Comme à cause de la presse j'avais -laissé passer devant moi la foule, j'étais encore dans le navire avec -Georges Kotzler, deux vieilles femmes, le capitaine du navire et un -mousse. Le vaisseau qui nous avait abordés nous entraîne, et malgré nos -efforts nous ne parvenons pas à nous dégager. Alors le câble se rompt et -un violent coup de vent nous rejette en pleine mer.--C'est en vain que -nous crions au secours, personne n'ose se hasarder, le capitaine se -lamente parce que ses matelots sont descendus et que son navire n'est -plus assez chargé. La position est désespérée, le vent souffle avec -violence et nous ne sommes pas plus de six personnes à bord. Je dis au -capitaine de prendre courage et de mettre son espoir en Dieu. - ---Et après? me répondit-il. - ---Et après, lui dis-je, carguez la petite voile. - -Nous exécutons tant bien que mal cette manÅ“uvre en réunissant tous nos -efforts. - -Ceux qui sont sur la côte, nous voyant lutter énergiquement contre la -mort, se décident à venir à notre aide et nous réussissons à reprendre -terre. - -Middelbourg est une bonne cité qui a une jolie maison de ville et une -superbe tour; tout cela est fait avec art. Dans l'abbaye, il y a un jubé -remarquable et un imposant portique en pierre. L'église paroissiale est -très-belle; si j'y retourne jamais, je prendrai un croquis de cette -charmante ville. - -La Zélande est du reste un pays bien curieux, le niveau de la mer y -dépasse la plaine. - -A Ernig, je fais le portrait d'un aubergiste. - -Maître Hugo, Alexandre Imhoff et Frédéric, le serviteur des Hierchvogel, -me donnent chacune une poule indienne qu'ils ont gagnée au jeu, et -l'aubergiste me fait cadeau d'un bel oignon. - -Le matin, nous repartons avec le bateau, nous arrivons bientôt à Terveer -et ensuite à Ziericzée, où j'aurais voulu admirer la baleine, mais la -marée l'avait emportée. Je donne deux florins pour des plumes, deux -florins pour un manteau, quatre sous pour une cage et trois sous à celui -qui me l'a apportée; je perds six sous au jeu et je repars pour Bergen. -Je peins l'aubergiste Arden et Schnabhann. Je donne dix sous pour un -peigne en ivoire, deux florins moins cinq sous pour une plaque d'étain -ordinaire. Je fais les portraits du jeune Bernhard de Bresles, de Georges -Kotzler et de François de Cambrai. Chacun me paye un florin. J'oubliais -Jean de Has-Eiden, à qui je rends le même service et qui me donne aussi -un florin. J'achète encore deux plaques d'étain pour quatre florins moins -dix sous et peins Nicolas Soilir. - -Voilà neuf fois depuis mon départ de Zélande que je dîne à Bergen, -chaque fois à raison de quatre sous. Je donne trois sous au voiturier, -et le vendredi après la Sainte-Lucie j'arrive à Anvers, chez Joost -Planckfeld. Je dîne avec ma femme chez mon hôte et je paye la dépense. - -[Illustration: - FAC-SIMILE D'APRÈS ALBERT DURER. BAUDRAN SCULP. - BOURGEOIS D'ANVERS. (Cabinet de M. Didot.) - Gazette des Beaux Arts. Imprimerie A. Salmon] - -Le seigneur Lazare de Ravensberg me donne en retour des trois livres dont -je lui ai fait présent autrefois quelques curiosités d'histoire -naturelle. Je change une couronne. Le facteur de Portugal m'envoie un sac -de velours brun et une boîte treillagée. - -J'achète plusieurs petites guenons (Mehrkätzlein) pour quatre florins -d'or, cinq poissons pour quatorze sous et un petit traité de deux sous. -Je donne à Lazare de Ravensberg un portrait peint sur panneau qui m'a -coûté six sous, huit pièces de grandes gravures sur cuivre et une Passion -sur bois, le tout valant plus de quatre florins. Je fais changer un -florin de Philippe; j'achète pour six sous un panneau, j'esquisse le -portrait du domestique de l'agent de Portugal et je le lui donne comme -cadeau de nouvel an avec deux sous de pourboire. J'offre à Bernard -Stecher tout mon Å“uvre gravé sur cuivre. J'achète pour trente et un sous -de bois. Je fais le portrait de Gerhard Pombelli et celui de la fille du -procureur Sébastien. Je donne à Wolff de Rogendorff une Passion sur -cuivre et une autre sur bois. Gerhard Pombelli m'envoie un mouchoir turc -à dessins, et Wolff de Rogendorff, sept aunes brabançonnes de velours. Je -donne un florin de Philippe à son domestique. Je dîne huit fois chez les -Portugais, une fois chez le Trésorier, dix fois chez Tommaso, une fois -chez Lazare de Ravensberg, une fois chez Wolff de Rogendorff, une fois -chez Bernard Stecher, une fois chez Arnold Meyting, une fois chez Gaspard -Lewenter, et chaque dîner me coûte un pourboire de quatre sous. - -Je donne trois sous à un homme d'après qui j'ai fait une étude et deux -sous à son domestique. J'achète pour quatre sous de lin et je vends pour -quatre florins de mes gravures. Je change une couronne et je donne six -sous au pelletier. Je perds six sous au jeu et je dépense six sous. Je -change un noble à la rose; pour dix-huit sous j'achète des raisins et -trois paires de couteaux. En divers payements, je donne deux florins à -Joost; j'offre à maître Jacques deux saint Jérôme sur cuivre, et à -chacune des trois filles de Tommaso une paire de couteaux de cinq sous. -J'ai joué plusieurs fois et fini par perdre sept sous. Rodrigues me fait -présent d'une pomme de senteur que l'on cueille sur l'arbre du musc, de -quelques autres raretés encore et d'une boîte de sucre. Je donne cinq -sous à son domestique. Je dessine au charbon le portrait de la femme de -Joost. J'achète trois coupons de drap pour quatre florins cinq sous. Ma -femme a été marraine d'un enfant, et ce plaisir lui a coûté un florin, -sans compter quatre sous pour la garde. Je change une couronne, je -perds deux sous au jeu et je dépense deux sous. - -[Illustration: - ALBERT-DURER. P. - AH CABASSON.D. - E. SOTAIN. S] - -Je donne à maître Thiéry, peintre sur verre, une Apocalypse, au jeune -facteur de Portugal, le seigneur Francisco, ma pièce avec le petit enfant -qui vaut lix florins, et au docteur Loffen, d'Anvers, les quatre livres -et un saint Jérôme sur cuivre. J'exécute pour Joost Planckfeld l'écusson -de Staber et un autre encore. Je fais les portraits du fils et de la -fille de Tommaso au poinçon et une figure d'archiduc à l'huile sur -panneau. - -Rodrigues Scrivan, de Portugal, me fait présent de deux filets de -Calcutta en soie, d'un bonnet rempli d'ornements, d'un petit vase avec du -_mirabolon_ et d'une branche de cèdre. Tout cela vaut au moins dix -florins. Je donne cinq sous à son domestique. J'achète un pinceau pour -deux sous. J'ai fait sur la commande de Focker un dessin pour masque; je -reçois pour ce travail un angelot[99]. Je change un florin et donne huit -sous pour deux petites cornes à herbes. Je perds trois sous au jeu et -change mon angelot. Pour Tommaso, j'exécute deux feuilles de jolis -masques. - - [99] L'angelot valait deux florins et deux sous. L'archange - Michel y était figuré, tenant de la main droite une épée, et de - la gauche un écu chargé de trois fleurs de lis. Sous ses pieds, - il avait un serpent. - -J'ai peint à l'huile une bonne figure de Véronique, ce tableau vaut douze -florins. Je l'ai donné à Francisco, facteur de Portugal. J'ai fait de sa -femme un portrait à l'huile qui vaut mieux que le précédent, et je l'ai -donné au facteur Brandon, de Portugal. Pour le premier objet, ma servante -a reçu en pourboire un florin de Philippe, un florin pour la Véronique et -un florin de Brandon. - -La veille du carême, les orfévres m'invitent à dîner avec ma femme. Je -vois là beaucoup de gens distingués. Le banquet est superbe et l'on me -rend beaucoup d'honneurs. Vers le soir, le vieux fonctionnaire de la -ville[100] m'invite et me reçoit très-bien, je vois chez lui de -très-drôles de masques. Je fais le portrait de Florez, organiste de dame -Marguerite. Le lundi soir, j'ai été invité à un grand dîner chez H. -Lupez[101]. La fête a été fort belle et a duré jusqu'à deux heures; -Laurent Stark m'a donné une pelisse espagnole; à ce festin, il y avait -des masques très-richement mis, on remarquait surtout Tomasso et -Branbell. J'ai gagné deux florins au jeu et donné quatorze sous pour un -petit panier de raisins. J'ai fait au crayon noir le portrait de Bernard -de Castell que j'avais battu au jeu. - - [100] Le chevalier Gérard van de Werve. - - [101] Thomas Lopez (le chevalier), ambassadeur du roi de - Portugal. - -Le frère de Gérard Tommaso m'envoie quatre aunes brabançonnes du meilleur -satin et trois grandes boîtes incrustées, je donne trois sous à sa -servante. J'achète pour treize sous de bois et pour deux sous de vernis. -J'ai fait au poinçon un joli portrait de la fille du procureur. Je change -un angelot. Maître Jean[102], bon statuaire, né à Metz, qui a étudié en -Italie et ressemble beaucoup à Christophe Holer, m'a prié de dessiner son -portrait au crayon. Je l'ai fait avec plaisir. Je donne à Jean Turcken -trois florins pour des objets d'art italien et pour une once de bon -outremer. - - [102] De Haes. - -Pour la petite Passion en bois, je reçois trois florins; et, pour quatre -livres de gravures de Schaufelein[103], aussi trois florins. J'achète -deux salières en ivoire de Calcutta, je les paye deux florins. Rudinger -de Gelern me donne une petite corne pleine de monnaie d'or et d'argent, -un quart de florin environ, pour trois grands livres, et un cavalier sur -cuivre. Je dépense onze sous pour des objets d'art, deux florins de -Philippe pour un saint Pierre et saint Paul, que je veux donner à Mme -Koler, et six sous pour du bois. Je dîne chez le Français, deux fois chez -Hirschvogel, et une fois chez maître Pierre[104] l'écrivain, avec Érasme, -de Rotterdam. Je donne un sou à l'homme qui me montre la tour d'Anvers; -cette tour[105] sera plus haute que celle de Strasbourg. De là , je vois -la ville dans tous les sens; cette vue est très-belle. Je change un -angelot. Le facteur Brandon me fait cadeau de deux grandes cannes à sucre -blanc, d'un bol, de deux pots verts remplis de sucreries, et de quatre -aunes de fort satin. Je donne dix sous à son domestique. Je fais au -poinçon le portrait de la jolie fille de Gerhard. Je change un angelot. -J'ai dîné chez le receveur Laurent Serk, qui m'a donné une petite flûte -en ivoire et de la jolie porcelaine; je lui ai remis, en échange de sa -politesse, un exemplaire de mon Å“uvre, ainsi qu'à Adrien[106], l'orateur -de la ville d'Anvers. J'ai offert à la chambre des riches commerçants -d'Anvers (les merciers) un saint Nicolas assis; on m'a prié d'accepter -trois florins de Philippe de gratification. J'ai donné à Pierre (le -menuisier de la ville) les vieux cadres de saint Jérôme, et quatre -florins pour le cadre du portrait du receveur. J'ai acheté pour onze sous -de bois, et payé quatre sous à un paysan. - - [103] Hans Schaufelein, un des bons élèves d'Albert Dürer. - - [104] Pierre Ægidius, plus tard greffier de la ville d'Anvers. - C'était un ami intime d'Érasme et du chancelier Thomas Morus. - Ægidius se trouvant un jour avec Érasme chez Quentin Metsys, ce - peintre fit leur portrait sur deux panneaux ovales, attachés l'un - à l'autre avec cette inscription latine: - - Quanti olim fuerant Pollux et Castor amici, - Erasmus tantos Ægidiumque fere. - Morus ab is dolet esse loco, conjunctus amore, - Tam prope quam quisquam vix queat esse sibi. - Sic desiderio est consultum absentis ut horum - Reddat amans animum littera, corpus ego. - - Pierre Ægidius, autrement dit Gillis, naquit à Anvers en 1486, et - laissa plusieurs écrits remarquables. Il mourut dans sa ville - natale en juin 1533. Son père, Nicolas Ægidius, avait été bailli - d'Anvers. - - [105] Cette tour fut commencée en 1422, par un architecte nommé - Jean Amelius de Bologne, selon les uns; selon les autres, par - Pierre Smit, dit Appelmans, qui bâtit l'église de Saint-Georges - et beaucoup de maisons des environs. Quoi qu'il en soit, il - paraît, d'après le témoignage de Dürer, qu'en 1520 cette tour - n'était pas encore achevée. Elle a cent vingt-deux mètres neuf - cent vingt-cinq millimètres de haut. Albert Dürer n'est donc pas - de beaucoup au-dessous de la vérité, puisque la flèche de - Strasbourg n'en a que cent quarante-deux. - - [106] Adrien Herbouts, né et mort à Anvers, devint pensionnaire - de cette ville en 1506. On voyait autrefois son épitaphe dans - l'église des Pauvres-Claires: - - D. O. M. - D. Adriano Herbouts, - Præclaræ hujus urbis per XLI ann. - Pensionario - Utriusque juris doctori - Decessit X Januarii CI[C]. I[C]. XLVI - Elisabethæ nilis illius conjugi - Obiit IX Augusti, anno CI[C]. I[C]. XXXIII. - Levinæ legitimæ utriusque illorum F. - Nicolai van der Heyden uxori; - Periit dolore partus, - XXIV Martii A. CI[C]. I[C]. XXVII. - -J'ai confié ma malle à Jacques et André Heszler, qui doivent la -transporter à Nuremberg pour deux florins par quintal; ils la remettront -au vieil Hans Imhoff. Je leur ai déjà donné deux florins. - -Le dimanche _Judica_, 1521, Rodrigues m'envoie six noix de coco, une -jolie branche de corail, et deux florins d'or de Portugal pesant chacun -onze ducats. Je donne quinze sous à son domestique. - -Je paye six sous pour un aimant. J'envoie à maître Hugo, à Bruxelles, un -petit morceau de porphyre, une Passion sur cuivre, et quelques autres -pièces. Je fais pour Tomasso un dessin d'après lequel on va peindre sa -maison. J'ai fait avec empressement un saint Jérôme à l'huile pour -Rodrigues, qui a donné à ma servante Suzanne un ducat de pourboire. J'ai -donné dix sous à mon confesseur, et quatre sous pour une petite tortue. - -J'ai dîné chez Gilbert, qui m'a offert un petit bouclier de Calcutta, -fait avec une écaille de poisson, et de petits gantelets. J'ai fait au -crayon rouge le portrait de Cornelis[107], secrétaire de la ville -d'Anvers; il est parfaitement réussi. J'ai acheté six brosses pour vingt -sous, et six ceintures de soie pour trois florins seize sous. Je les ai -offertes aux femmes de Gaspard Nutzel, Hans Imhoff, Spingler et -Loffelhotz, et je leur ai donné par-dessus le marché une bonne paire de -gants. Gaspar Nutzel, Hans Imhoff, Spengler et Jérôme Holzschuher ont -reçu de moi de très-jolies choses. J'ai fait cadeau à Pirkeimer d'un beau -bonnet et d'un riche encrier. - - [107] Graphæus ou Schryver, ou encore Scribonius, né à Alost en - 1482. Savant très-versé dans les langues étrangères. Il mourut à - Anvers le 19 décembre 1558 et fut enterré dans l'église - Notre-Dame. Son tombeau, élevé par son fils Alexandre, porte - l'inscription suivante: - - Cornelius Scribonius - Præclaræ hujus urbis a secretis, - Sibi suisque - Et Adrianæ Philippæ - Dulciss. uxori vivens pos. - Ipsa quidem vixit ann. LXXI. - Uno et XL. ann. marita: - Matrona et prudentiss. - Et pietatis cultrix eximia. - Ille vero caram secutus conjugem, - Migravit XIX Decembris M. D. LVIII - Cum vixisset annos LXXVI - -Je dîne chez maître Adrien, qui me fait présent d'un petit tableau -représentant Loth et ses deux filles, peint par Joachim Patenier. Je -vends à Hans Grun pour un florin d'objets d'art. Rudiger de Gelern -m'envoie un morceau de bois de santal. Je donne un sou à son domestique. -Je fais le portrait à l'huile de Bernard de Reszen; il me le paye huit -florins, et donne de plus une couronne à ma femme et un florin de -vingt-quatre sous à Suzanne, ma servante. - -Je donne quatre sous à mon confesseur. Je vends pour quatre florins dix -sous de gravures; j'achète du baume pour cinq sous, du bois pour douze -demi-sous, et quatorze pièces de bois français pour un florin. Je donne à -Ambroise Hochstetter[108] une Vie de la Vierge, en échange de quoi je -reçois un dessin de son navire. Rodrigues offre une petite bague, qui -vaut plus de cinq florins, à ma femme. - - [108] Ambroise et Jean, deux frères, riches marchands, - originaires d'Augsbourg, arrivés à Anvers vers 1485. - -J'ai fait au fusain le portrait du secrétaire du facteur Brandon, et -celui de sa négresse au poinçon. J'ai peint le portrait de Rodrigues sur -une grande feuille de papier, avec de la couleur noire et blanche. - -J'ai acheté une pièce de camelot de vingt-quatre aunes qui me coûte seize -florins et un sou pour l'emporter avec moi; j'ai aussi acheté des gants -pour deux sous. Lucas de Dantzig, dont j'ai dessiné le portrait au -charbon, m'a donné un florin et un morceau de bois de santal. - -Le samedi après Pâques, je pars d'Anvers pour Bruges avec Hans Luber et -maître Jean Plos, bon peintre, né à Bruges. Nous passons par Beveren, un -gros village; de là , nous allons à Vracène, un autre gros village. De -bourg en bourg, de village en village, nous arrivons enfin à Saint-Paul, -qui est célèbre par la richesse de ses habitants et de son abbaye. Après -avoir passé par Kalve, nous allons loger à Erdvelde. - -Le dimanche matin, nous nous rendons à Eecloo, très-gros bourg qui a une -chaussée et un marché. Nous y déjeunons; nous traversons Maldeghem et -quelques autres villages d'un fort joli aspect, et nous arrivons à -Bruges, qui est une belle ville. - -Jusqu'ici mon voyage me coûte vingt et un sous. - -Arrivé à Bruges, Jean Plos me donne l'hospitalité chez lui et fait -préparer le soir même un banquet; il invite beaucoup de monde. Le -lendemain, l'orfévre Marx en fait autant. - -On me mène au palais de l'empereur, riche et beau bâtiment. - -Dans la chapelle de ce palais, il m'est permis d'admirer le tableau de -Rudiger[109] et d'autres productions remarquables d'un ancien grand -maître. Je donne un sou à l'homme qui me les fait voir. J'achète trois -peignes d'ivoire peur trente sous. On me conduit ensuite à Saint-Jacques -devant les belles peintures de Rudiger et d'Hugo[110], deux grands -artistes. Je vois aussi la statue de la Vierge en albâtre faite par -Michel-Ange[111] de Rome; elle est dans l'église Notre-Dame. Je visite -successivement plusieurs églises où se trouvent tous les tableaux de -Jean[112] et d'autres artistes remarquables. - - [109] Rogier van der Weyden. - - [110] Hugo van der Goes. Le tableau dont il est question ici est - une sainte Vierge avec l'enfant Jésus. - - [111] Cette admirable statue est encore aujourd'hui dans la même - église. - - [112] Albert Dürer parle-t-il de Jean van Eyck? C'est probable. - Cependant il pourrait être question de _Jean Hemmlinck_ ou de - _Jean Spital_. - -La chapelle des peintres renferme aussi des choses très-curieuses. - -Après m'avoir offert un riche banquet, les peintres me mènent à leur -chambre de gilde, où se trouvent plusieurs personnes distinguées telles -qu'orfévres, peintres et marchands. Ils me forcent courtoisement à souper -avec eux; on me régale, on me choie, bref, on me fait beaucoup -d'honneurs. Les conseillers Jacques et Pierre Mostaert m'offrent douze -mesures de vin, après quoi toute la société, composée de soixante -personnes, me ramène chez moi avec des lanternes. - -J'ai également visité la société du tir. J'y ai admiré le grand plat à -poisson qu'on sert sur la table des tireurs et qui a dix-neuf pieds de -long, sept de haut et trois de large. - -Avant mon départ, je fais au poinçon les portraits de Jean Plos et de sa -femme, et je donne dix sous à ses gens pour mes adieux. - -Nous partons pour Orchhel où nous faisons un repas. Après avoir passé par -six villages, nous arrivons à Gand. J'avais dépensé en tout quatre sous -pour mon transport, et quatre sous pour des objets divers. - -A mon débarquement à Gand, je suis reçu par le doyen des peintres et les -autres dignitaires; ils me rendent de grands honneurs en m'offrant leurs -services. - -Le soir, nous dînons ensemble. - -Le mercredi matin, on me fait monter à la haute tour de Saint-Jean; de -là , j'admire cette grande ville qui, elle aussi, m'appelle grand. - -Je vois le tableau de Jean[113]; il est superbe et admirablement conçu. - -J'admire surtout les figures d'Ève, de Marie et de Dieu le père. - - [113] Il est question ici de l'_Adoration de l'Agneau_, que les - frères Jean et Hubert van Eyck peignirent pour Philippe le Bon, - duc de Bourgogne, comte de Flandre. Après avoir admiré le génie - des artistes, on admire leur patience. Rien, en effet, ne peut - être comparé au fini précieux de ce tableau. On y compte trois - cent trente têtes, sans en retrouver deux qui se ressemblent. De - ce poëme, qui était composé de douze panneaux, il ne reste plus, - dans la onzième chapelle de la cathédrale de Saint-Bavon à Gand, - que quatre compartiments; mais si on en croit les chroniques, ce - sont les plus beaux, et leur conservation est parfaite. Les - couleurs principales, le rouge, le bleu et le pourpre, n'ont rien - perdu de leur fraîcheur et de leur éclat; on croirait que cette - belle Å“uvre, qui a aujourd'hui quatre cent trente-deux ans, sort - de l'atelier des peintres. Il est vrai que les Gantois en ont un - soin tout particulier; elle ne voit la lumière que rarement, à - certains grands jours de fête, et à la demande des gens - considérables. On m'a assuré à Gand que l'homme préposé à sa - garde se livre à une petite supercherie, que nous sommes assez - tentés de lui pardonner, puisqu'elle contribue à prolonger - l'existence de ce chef-d'Å“uvre inimitable. Il a un flair - excellent parmi les touristes dont il reçoit la visite, il - distingue du premier coup d'Å“il ceux qui sont dignes d'adorer - l'_Agneau_; s'il a affaire à des connaisseurs, il montre le vrai - tableau; s'il a affaire à des profanes, il exhibe une toile au - hasard; ce qui n'empêche pas ces braves gens de trouver la - réputation du tableau surfaite. _Se non è vero è ben trovato._ Le - roi d'Espagne, Philippe II, ne pouvait se lasser d'admirer cette - peinture, il en offrit à plusieurs reprises des sommes - considérables, mais vainement; enfin, il se décida à la faire - copier par Michel Coxie, qui employa à ce travail pour - trente-deux ducats de bleu, que le Titien lui avait envoyé - d'Italie. Cette copie est fort belle; on lui reproche seulement - de n'être pas la reproduction tout à fait exacte du modèle. On se - demande, par exemple, pourquoi la sainte Cécile regarde derrière - elle; si c'est, comme on le suppose, un caprice royal, nous - excusons Coxie. Philippe II payait assez cher (quatre mille - florins) pour avoir le droit de donner des ordres, même mauvais. - Après bien des pérégrinations en Espagne, en Angleterre et en - Hollande, elle est aujourd'hui dans la même chapelle que son - admirable modèle; voici par quel concours de circonstances: le - gouvernement belge l'avant achetée (1800 francs) à la vente du - roi Guillaume II, proposa à l'évêque de Gand, Monseigneur - Delebecque, et au chapitre de Saint-Bavon de l'échanger contre - deux tableaux d'Hubert van Eyck, représentant Adam et Ève de - grandeur naturelle, qui étaient relegués dans les combles de - l'église à cause de la légèreté de leur costume. Le marché fut - accepté moyennant un appoint de 12,000 fr. que le gouvernement - belge paya; cet argent servit à faire exécuter les vitraux que - l'on voit derrière le maître-autel. Des douze panneaux de la - composition originale, six appartiennent au roi de Prusse, qui - les a achetés à un Anglais, M. Solly, avec quelques toiles d'un - ordre inférieur, pour la somme de 410,900 fr. Cet Anglais les - avait payés 100,000 fr. à M. Nieuwenhuys de Bruxelles, à qui ils - avaient coûté 6,000 francs. - -[Illustration] - -Je vais visiter les lions vivants, et je dessinerai l'un d'eux au -poinçon[114]. Sur le pont où se font les exécutions, je vois deux statues -qui rappellent l'histoire d'un fils qui décapita son père[115]. - - [114] Wenceslas Hollar l'a gravé sur cuivre, d'après le dessin de - Dürer, qui est dans le cabinet du comte Arundel. L'empereur - Charles V, étant à Tunis, envoya un lion et quatre lionnes à un - certain Dominique van Houcke, dit Van Vaernewyck, de Gand. - _Histoire de Belgique_, page 119, Gand 1574. - - [115] On voyait autrefois ces statues sur un des ponts jetés sur - la Lys, appelé le pont de la décapitation, avec cette - inscription: - - Ae Gandt le en fant Fraepe sae père Tacte desuu - Maies se Heppe rompe, si Grâce de Dieu. - - MCCCLXXI. - - Voici la légende: Deux hommes, le père et le fils, étaient - condamnés à mort. Le roi avait fait grâce de la vie à celui des - deux qui consentirait à décapiter l'autre. Le père refusa - énergiquement, le fils eut la lâcheté d'accepter. Il brandit sa - hache, mais elle se brisa et vint lui trancher la tête, au lieu de - trancher celle de son père. - - Ces deux statues n'ont disparu que vers 1793. - -Gand est une ville très-remarquable, qui a quatre grands cours d'eau, et -qui renferme en outre beaucoup de choses curieuses; les peintres et leur -doyen ne me quittent pas, ils dînent avec moi, soupent avec moi, et -veulent absolument tout payer. Ils me témoignent beaucoup d'amitié; je -donne trois sous au sacristain et au gardien des lions, et cinq sous pour -mes adieux dans la maison de l'épicier. - -Le mardi matin, après avoir déjeuné à l'auberge du Cygne, nous partons -pour Anvers. Je paye huit sous pour le transport. Je fais au charbon le -portrait d'Hans Luber, d'Ulm; il veut me le payer un florin, mais je -refuse toute récompense. - -La troisième semaine après Pâques, je suis pris d'une fièvre froide qui -m'affaiblit et me tourmente beaucoup. J'ai de violents maux de tête. -Déjà , lors de mon séjour en Zélande, j'avais gagné une infirmité telle -que personne n'en a jamais vu, et je l'ai toujours. - -Je paye en plusieurs fois au médecin trois florins et vingt sous à -l'apothicaire. Pendant ma maladie, Rodrigues m'envoie beaucoup de -sucreries. Je donne quatre sous à son domestique. Je fais le portrait de -maître Joachim[116] au poinçon et une autre figure. J'envoie à Nuremberg -un sac rempli d'effets à l'adresse de Hans Imhoff. Je paye treize sous -pour l'emballage à Hans Rabner, et un florin au voiturier. Je fais accord -pour le transport d'Anvers à Nuremberg de ce paquet qui pesait un -quintal, à raison d'un florin et un liard. Je donne quatorze sous au -docteur, à l'apothicaire et au barbier; de plus, à maître Jacques le -médecin, quatre florins de gravure. Je dessine au fusain le portrait de -Thomas Polonius de Rome. - - [116] Joachim Patenier. Le peintre de Dinant paraît avoir - quarante-cinq ans environ. Il est en buste, vu de trois quarts, - et coiffé d'un bonnet bizarre à deux étages, dont le premier est - en fourrure. Les épaules sont couvertes d'un manteau bien drapé, - qui laisse entrevoir un vêtement de chambre, d'une forme - excentrique. Son cou est nu. Au haut de la planche à gauche, - l'année 1521 et le chiffre d'Albert Dürer sont gravés sur un fond - gris. Hauteur, 7 pouces 8 lignes, en comptant la petite marge du - bas qui a 4 lignes. - - Il est prouvé aujourd'hui que ce portrait a été dessiné par Albert - Dürer et gravé par Cornelius Cort. - -Mon tabart de camelot a absorbé vingt et une aunes brabançonnes: ces -aunes ont trois grands doigts de plus que celles de Nuremberg. J'ai -acheté à cet effet trente-quatre aunes d'étoffe espagnole noire pour -faille à trois sous. Total dix florins deux sous. - -Je paye un florin au pelletier pour la confection. - -Pour deux aunes de garniture de velours, je donne cinq florins; pour de -la soie, du cordonnet et du fil trente-quatre sous, pour le coupeur -trente sous, pour le camelot quatorze florins un sou, et cinq sous au -domestique. - -Je vends des gravures pour cinquante-trois sous, que je prends sur moi -pour mes dépenses. - -Le dimanche qui précède les Rogations, maître Joachim Patenier, bon -paysagiste, m'invite à son mariage. J'y vois deux pièces de théâtre, -dont la première surtout est fort drôle. Je donne six sous au docteur. - -Le dimanche après l'Ascension, le peintre sur verre Thiéry (d'Anvers) -m'invite fort amicalement à dîner avec plusieurs autres personnes parmi -lesquelles se trouve Alexandre, un orfévre très-riche. - -Le dîner est fort bon, et l'on me fait de grands honneurs. Je dessine -deux portraits au charbon, celui de maître Marx, orfévre à Bruges, et -d'Ambroise Hochstetter, chez qui j'ai dîné. Je prends six repas chez Mme -Tommaso. Je donne au médecin étranger une Vie de la Vierge, une autre au -valet de chambre de Marx, huit sous au docteur, et quatre sous à celui -qui m'a lavé à neuf un vieux bonnet. Je perds quatre sous au jeu. - -J'achète un nouveau bonnet de deux florins, et je change mon vieux bonnet -qui est en étoffe trop grossière. Je remets six sous pour cet échange. - -Je fais à l'huile le portrait d'un duc, celui de Joost mon hôte, et celui -du receveur Sterk, très-bien soigné et d'une valeur de vingt-cinq -florins. Il me donne vingt florins et un florin à Suzanne. - -Je dessine de nouveau le portrait de la femme de Joost. - -Le vendredi avant la Pentecôte de l'année 1521, le bruit court à Anvers -que Martin Luther[117] a été fait traîtreusement prisonnier. - - [117] Albert Dürer ajouta facilement foi à cette fausse nouvelle - de l'emprisonnement et de la mort de Martin Luther, et il en fut - fort attristé. Cet enlèvement n'avait pourtant pas été fait par - ses ennemis, mais par ses amis. Lorsque Luther fut mis au ban de - l'empire par Charles V, l'électeur, Frédéric III de Saxe, - craignit qu'il ne lui arrivât malheur. Il résolut donc de le - mettre en lieu sûr, et donna l'ordre à quelques hommes de - confiance de l'enlever. Cet ordre fut exécuté par Jean de - Berlepsch et Burkard de Kund, accompagnés de trois valets, le 4 - mai 1521, pendant que Luther traversait la forêt de Thuringe, - entre le château d'Altenstein et la petite ville de Walterhausen; - on l'emmena sous un déguisement au château de Wartburg, près - d'Eisenach. Là , il écrivit plusieurs ouvrages et y resta jusqu'au - 1er mars de l'année suivante, époque à laquelle il retourna à - Wittenberg. - -On lui avait donné un sauf-conduit, et il était accompagné d'un héraut -d'armes de l'empereur Charles, qui devait le protéger; mais lorsqu'ils -furent arrivés près d'Eisenach, dans un endroit isolé, le héraut lui -déclara qu'il cessait d'être son guide et le quitta. Alors survinrent dix -cavaliers qui emmenèrent, trahi et vendu, l'homme pieux, éclairé par le -Saint-Esprit, qui était parmi nous le représentant de la véritable foi -chrétienne. Vit-il encore, ou l'ont-ils assassiné? Je ne le sais pas. - -Mais ce que je sais, c'est qu'il aura souffert pour la vérité, parce -qu'il a essayé de punir le papisme autrichien qui conspire de tout son -pouvoir contre l'affranchissement promis par le Christ, nous ravit notre -sueur et notre sang, dont il se nourrit honteusement, peuple fainéant et -infâme qu'il est, tandis que les hommes malades et altérés meurent de -faim. Mais ce qui m'attriste surtout, c'est de voir que notre Dieu veut -peut-être nous laisser longtemps encore dans cette doctrine fausse et -aveugle inventée par des hommes qu'ils appellent _les pères_, qui sont -cause que la parole divine nous a été faussement interprétée en beaucoup -d'endroits, ou qu'on n'en a pas tenu compte. O Dieu, qui es dans le ciel, -prends-nous en pitié! O Seigneur Jésus, X P E, prie pour ton peuple, -délivre-nous au temps prédit, conserve en nous la véritable foi -chrétienne; rassemble par ta parole, appelée dans la Bible la parole de -Dieu, tes troupeaux dispersés! Aide-nous à reconnaître la vraie voie, -afin que nous ne suivions pas les erreurs nées du délire des hommes, et -que nous ne te quittions pas, Seigneur Jésus, X P E! - -Appelle, réunis dans tes pâturages tes brebis dispersées, dont une partie -se trouve encore égarée dans l'Église romaine, et l'autre parmi les -Indiens, les Moscovites et les Grecs, qui ont été séparés de nous par -l'avarice des papes et leur faux semblant de sainteté. O Dieu, délivre -ton peuple infortuné, qui est contraint, sous des peines rigoureuses, -d'observer des commandements qui répugnent à sa nature et l'obligent à -pécher sans cesse contre sa conscience! O Dieu, jamais hommes n'ont été -aussi cruellement opprimés sous des lois humaines que nous sous le siége -de Rome, nous qui, chaque jour, sommes rachetés par le sacrifice de ton -précieux sang, et qui devons vivre chrétiens et libres! O père suprême et -céleste, que ton fils verse dans nos cÅ“urs une lumière telle que nous -puissions reconnaître quel est ton envoyé véritable; qu'il nous soit -permis de nous dégager en pleine sûreté de conscience des entraves -étrangères, et de te servir dans toute la joie de notre cÅ“ur! - -Puisque nous avons perdu cet homme à qui tu avais donné un esprit si -évangélique, et dont la parole était plus claire que celle de tout autre -qu'on ait entendue depuis 140 ans, nous te prions, ô père céleste, de -donner de nouveau ton Saint-Esprit à un apôtre qui rassemble encore une -fois ton Église! - -Fais que nous puissions vivre unis et chrétiens, et que, grâce à nos -salutaires efforts, tous les infidèles, tels que les Turcs, les païens et -les Calcuttes, viennent d'eux-mêmes à nous pour embrasser la vraie foi! - -Mais, Seigneur, toi dont le fils I H C X P E a été mis à mort par les -prêtres, puisque tu as voulu qu'avant le jugement il en arrivât autant à -son successeur Martin Luther, que le pape a fait tuer traîtreusement et -par des meurtriers à gages; de même que tes décrets avaient ordonné la -ruine de Jérusalem, détruis également cette puissance usurpée du siége -romain. O Seigneur, donne-nous alors la Jérusalem nouvellement parée, qui -doit descendre du ciel, ainsi qu'il est écrit dans l'Apocalypse! -Donne-nous l'Évangile saint et clair qui n'ait pas été altéré par les -fausses doctrines! Quiconque lira les livres de Martin Luther verra -combien sa doctrine est claire et transparente, et combien elle est -conforme au saint Évangile. Il faut donc les conserver en grand honneur -et non les brûler, à moins qu'on ne jette au feu tout le parti qui lui -est opposé, avec ses contrevérités et ses prétentions de changer des -hommes en dieux. O Seigneur, si Luther est mort, qui nous expliquera le -saint Évangile avec la même clarté? O Dieu, que de choses il aurait pu -écrire encore dans l'espace de dix ou vingt années! O vous tous, -chrétiens pieux, déplorez avec moi la perte de cet homme doué de l'esprit -divin, et priez le Seigneur qu'il nous envoie un autre guide aussi -éclairé! O Érasme de Rotterdam, où veux tu aller?--Vois ce que fait -l'injuste et aveugle tyrannie des puissants du monde! Écoute, chevalier -du Christ, montre-toi à cheval à côté du Seigneur X P E; malgré ta -vieillesse et la faiblesse de ton corps, va conquérir la couronne du -martyre. Je t'ai entendu dire que tu t'étais donné encore deux ans pour -faire quelque chose. Emploie-les bien pour l'amour de l'Évangile et de la -véritable foi chrétienne. Fais entendre ta voix: le siége romain, les -portes de l'enfer, comme l'a dit Jésus, ne prévaudront pas contre toi: et -s'il arrivait que ton sort fût le même que celui de ton maître le Christ, -que les menteurs t'accablassent, comme lui, d'ignominies, et que tu -mourusses un peu avant le temps, tu ressusciterais et tu serais glorifié -en Jésus-Christ; car en buvant dans la coupe où il a trempé ses lèvres, -tu régnerais avec lui et tu jugerais ceux dont les actions n'ont pas été -justes.--O Érasme, fais que Dieu, ton juge, se glorifie en toi! Comme il -est écrit dans David, tu peux, comme lui, abattre Goliath, car le -Seigneur est debout près de la sainte Église. Que sa volonté divine nous -conduise à la béatitude éternelle. Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, un -Dieu éternel. Amen. - -O vous, chrétiens, priez Dieu et demandez-lui grâce, car son jugement -approche et sa justice va se manifester! C'est alors que le pape, les -prêtres, les moines, et tous ceux qui ont versé le sang innocent, seront -jugés et condamnés. Voilà les victimes innocentes abattues sous l'autel -de Dieu, et qui crient vengeance. A quoi la voix céleste répond: -Travaillez jusqu'à ce que le nombre des martyrs soit complet; alors je -jugerai! - -Je change un florin, et donne encore huit sous au docteur. - -Je dîne deux fois chez Rodrigues, et une fois chez le riche chanoine. - -Pendant les fêtes de la Pentecôte, je reçois à ma table maître Conrad, -statuaire de Malines. Je fais pour maître Joachim, sur papier gris, -quatre Christophe. - -Je donne dix-huit sous pour des objets d'art italien, et six sous au -docteur. - -Le dernier jour de la Pentecôte vient la grande foire aux chevaux -d'Anvers. J'y vais essayer plusieurs beaux étalons; on en achète deux -devant moi pour sept cents florins. - -Je vends pour un florin trois liards de gravures, et je mets cet argent -dans ma poche pour mes dépenses; je donne encore quatre sous au docteur. - -Je dîne trois fois chez Tommaso. Comme je lui ai dessiné trois fourreaux -d'épée, il me donne un petit vase en albâtre. - -Je fais au charbon le portrait d'un lord anglais; je reçois un florin, -que je prends sur moi pour mes menus plaisirs. - -Maître Gerhard[118] l'enlumineur a une petite fille de huit ans qui se -nomme Suzanne[119]; elle a enluminé un Sauveur que j'ai payé un florin. -Il est vraiment remarquable qu'une enfant de cet âge puisse faire -pareille chose. Je perds six sous au jeu. - - [118] Maître Gérard Horebout ou Hurembout, né à Gand, peintre - d'Henri VIII, roi d'Angleterre. - - [119] Cette Suzanne devint une grande et belle personne, fort - recherchée à la cour du roi Henri VIII. Elle fit un art de - l'enluminure et mourut en Angleterre, considérablement riche et - comblée d'honneurs. Son frère, Lucas Hurembout, alléché par les - succès de sa sÅ“ur, quitta la peinture pour se faire enlumineur, - mais il ne réussit pas comme elle. - -Le jour de la Sainte-Trinité, il y a à Anvers une grande et belle -procession. - -Maître Conrad m'envoie de jolis rasoirs; je donne à son vieux serviteur -une Vie de Notre-Dame. - -Je fais au charbon le portrait de Jean l'orfévre, de Bruxelles, et celui -de sa femme. Je reçois pour ces deux portraits, et pour le dessin de son -sceau, trois philippes. - -[Illustration] - -Je lui fais présent de la Véronique que j'ai peinte à l'huile, et d'un -Adam et Ève fait par Frans; il me donne à son tour une hyacinthe et une -agate, sur laquelle est gravée une Lucrèce, que tout le monde évaluera à -quatorze florins. - -Pour une bague et six petites pierres, je lui donne tout mon Å“uvre sur -cuivre, qui vaut sept florins. - -J'achète deux paires de souliers pour quatorze sous, et deux petites -boîtes à un sou pièce. Je donne sur du papier gris, avec du blanc et du -noir, trois figures et deux costumes flamands, et je mets en couleur pour -un florin l'écusson d'un Anglais. - -Je fais çà et là beaucoup de dessins, et d'autres choses à la convenance -des personnes que je vois, mais la plupart du temps mon travail ne m'est -pas payé. - -Entrès (de Curaçao) me donne un philippe pour un écusson et une tête -d'enfant. - -Je paye deux sous pour des brosses. Je dîne cinq fois chez Tommaso, et -donne six sous au docteur. Ma femme tombe malade. Le médecin reçoit -dix-huit sous en divers payements. Je paye deux florins onze sous pour -recettes et médecines à l'apothicaire, et huit sous au moine qui est venu -voir ma femme, de nouveau vingt-quatre sous à l'apothicaire pour un -clystère. J'achète toute une pièce de satin pour huit florins, et je -donne encore autant pour quatorze aunes de satin fin. Je paye quatre sous -au tailleur et dix sous pour des bandes. - -En 1521, le mercredi après la fête Corpus-Christi, je fais transporter -d'Anvers à Nuremberg, par le voiturier Antoine Mez de Schlaudendorff, mes -grands ballots. Je le paye un peu moins d'un demi-florin par quintal, -c'est-à -dire en tout un florin. - -Je dessine au fusain le portrait du jeune Rehlinger d'Anvers. - -Le huitième jour après Corpus-Christi, je vais à Malines avec ma famille -pour voir Mme Marguerite; je descends à l'auberge de la Tête-d'Or, chez -maître Henri[120], le peintre. Les peintres et les statuaires m'invitent -à dîner dans mon propre logement, et me rendent beaucoup d'honneurs. - - [120] Sans doute Henri de Bles ou Met de Bles, Henri à la Houppe, - né à Bovines, près de Dinant. Les Italiens l'appelaient le Maître - au hibou ou _Civetta_, parce qu'il avait la manie de peindre un - hibou dans le feuillage de ses arbres; il l'y cachait si bien que - souvent on avait beaucoup de mal à le trouver. - -Je visite la maison de Popenruter, le fondeur d'artillerie, et j'y trouve -des choses vraiment dignes d'admiration. Je vais rendre visite à Mme -Marguerite, qui refuse d'accepter le portrait de l'empereur que je lui -offre. - -Le vendredi, elle me montre ses superbes collections; j'admire -principalement quarante miniatures à l'huile, les plus belles qui -soient. Je vois aussi de beaux tableaux de Jean[121] et de Jacob -Walch[122]. Je prie Mme Marguerite de me donner le livre de dessins de -maître Jacob; mais elle me répond qu'elle l'a promis à son peintre[123]. -Je remarque une belle bibliothèque. - - [121] Van Eyck. - - [122] Jacopo de Barbary, dit le maître au caducée. - - [123] Bernard van Orley. - -Maître Hans Popenruter m'invite à dîner, j'accepte; et, de mon côté, -j'invite deux fois maître Conrad et une fois sa femme. Je dépense pour -cela vingt-neuf sous. - -Je fais le portrait d'Étienne Kimmerling et celui de maître Conrad le -sculpteur. - -Le samedi, je quitte Malines pour retourner à Anvers. - -Je dessine au charbon le portrait de maître Jacob. Je fais faire un cadre -qui me coûte six sous, et je lui offre le tout sans lui rien faire payer. - -Je dîne deux fois chez les Augustins[124]. Je redessine une fois le -portrait de Bernard Stecher, et deux fois celui de sa femme; je lui donne -tout mon Å“uvre gravé, il me le paye dix florins. - - [124] C'étaient les Augustins de Saxe, arrivés à Anvers en 1513 - et chassés en 1523. Ils habitaient le quartier Saint-André, où il - y a encore la rue des Augustins. - -J'ai été invité par maître Lucas[125] qui grave sur cuivre. C'est un -petit homme de Leyde, en Hollande, qui est venu voir Anvers. - - [125] Lucas de Leyde, le célèbre graveur. - -Je dîne chez maître Bernard Stecher, et donne à son domestique un -demi-sou. Je vends pour quatre florins et un liard de gravures. - -J'ai fait le portrait de maître Lucas de Leyde au poinçon, et perdu un -florin au jeu. J'ai donné de nouveau douze sous au médecin. - -L'abbé du cloître des Augustins d'Anvers veut bien accepter une Vie de la -Vierge que je lui offre. Je donne deux philippes pour quatorze peaux de -poissons. J'ai dessiné le portrait du grand Antoine Haunolt et celui de -maître Aest Braun[126] avec sa femme sur deux feuilles royales. Je l'ai -fait autrefois au poinçon. J'ai reçu un angelot pour ces différents -travaux. J'ai donné à l'orfévre qui a estimé mes bagues des gravures pour -la valeur d'un florin. Ces trois bagues, que j'ai échangées contre des -gravures, sont évaluées ainsi qu'il suit: - -Les deux moins belles quinze couronnes, et le saphir vingt-cinq -couronnes; total cinquante-quatre florins huit sous, et parmi les choses -échangées, le Français a reçu trente-six grands livres à neuf florins. -L'homme aux trois bagues m'a payé trop peu de moitié. - - [126] Peintre sur verre. - -Décidément, je n'ai pas d'esprit. - -J'achète un couteau pour deux sous, et je donne dix-huit sous à mon -filleul pour un bonnet rouge. Je perds douze sous au jeu, et je dépense -deux sous à boire. J'achète trois jolis rubis pour onze florins d'or et -douze sous. - -Je dîne une fois chez les Augustins et deux fois chez Tommaso. - -Je donne six sous pour des brosses de soies de sanglier, trois sous pour -six autres brosses, un florin pour une paire de burins, six sous pour un -encrier, vingt et un sous pour une douzaine de gants de femmes et six -sous pour un sac. - -Antoine Haunolt me donne trois philippes pour son portrait, et Bernard -Stecher un petit livre en écaille de tortue. Je fais le portrait de la -fille de sa belle-sÅ“ur et je dîne une fois avec son mari. Il me paye -deux philippes, et je donne un sou de pourboire à son valet. Antoine -Haunolt accepte deux livres que je lui offre. - -J'ai donné quelque chose de maître Grun Hansen[127] à maître Joachim. Je -donne à la femme de Joost quatre gravures sur bois et deux livres des -plus grands à son domestique Frédéric, deux aussi au fils d'Honing, le -peintre sur verre. Je dîne deux fois chez Bernard et deux fois chez Mme -Tommaso. - - [127] Hans Baldung Grun, célèbre peintre et graveur de médailles. - -Rodrigues me fait cadeau d'un perroquet venu de Malaga. Je donne cinq -sous à son domestique; pour trois sous, j'achète une paire de souliers et -des bas. - -Je donne à Pierre deux grandes feuilles de gravures sur cuivre et -beaucoup de gravures sur bois. Je dîne deux fois chez Mme Tommaso. - -J'offre à maître Aert, le peintre sur verre, une Vie de la Vierge et tout -mon Å“uvre gravé à maître Jean, le sculpteur français; ce dernier avait -donné à ma femme six fioles précieusement travaillées remplies d'eau de -rose. - -Cornelis, le secrétaire, me fait présent de la Captivité de Babylone par -Luther; je lui envoie en revanche mes trois grands livres. Je donne à -Honing le peintre sur verre deux grands livres, et au moine Pierre Puz -des gravures pour la valeur d'un florin environ. - -Lucas de Leyde me fait cadeau de son Å“uvre entier; il reçoit en échange -une collection de mes gravures que j'évalue à huit florins. J'achète un -sac pour neuf sous, je paye sept sous pour une demi-douzaine de cartes -des Pays-Bas, trois sous pour un petit cornet de poste jaune, -vingt-quatre sous pour de la viande, et dix-sept sous pour du gros drap. - -Rodrigues m'envoie six aunes de drap noir pour me faire un manteau; -l'aune vaut une couronne; je donne deux sous au domestique du tailleur. - -Le jour de saint Pierre et Paul, j'ai fait mon compte avec Joost. Je lui -devais trente et un florins que je lui ai payés. Déduction faite des deux -peintures à l'huile, il m'a donné en supplément cinq livres de borax, -poids des Pays-Bas. - -En Flandre, dans toutes mes transactions, dans toutes mes ventes et -autres affaires, dans tous mes rapports avec les personnes de haute ou de -basse condition, j'ai été lésé, spécialement par Mme Marguerite, qui ne -m'a rien donné pour les présents que je lui ai faits et pour les travaux -que j'ai exécutés pour elle. - -Je donne sept sous de pourboire au domestique de Rodrigues; à maître -Henri, qui m'a envoyé de savoureuses cerises, ma Passion sur cuivre; et -au tailleur, pour la confection de mon manteau, quarante-cinq sous. - -Je fais accord avec un voiturier qui s'engage à me transporter d'Anvers à -Cologne pour treize mauvais florins, dont un vaut vingt-quatre mauvais -sous. - -Jacob Relinger me paye son portrait au charbon un ducat, et maître -Gerhard me fait présent de deux tonneaux de câpres et d'olives; je donne -quatre sous de pourboire à son domestique et un sou à celui de Rodrigues. -Je fais un échange avec le beau-fils de Jacob Tomasso; il m'envoie une -pièce d'étoffe blanche pour mon portrait de l'empereur. - -Alexandre Imhoff me prête cent florins d'or la veille de la fête de la -Vierge. Je lui donne mon sceau et ma signature avec promesse de les lui -rendre lorsqu'il me présentera cette pièce à Nuremberg. J'achète une -paire de souliers pour six sous, je paye onze sous au pharmacien et trois -sous pour des cordes. Je fais cadeau au cuisinier de Tomasso d'un -philippe; à la jeune demoiselle, sa fille, d'un florin d'or. Je donne à -la femme de Joost un florin, un florin à ses cuisiniers, et, en dernier -lieu, encore deux sous. - -Tomasso m'offre une boîte du _meilleur thériaque_. Je donne dix sous à -son valet de chambre, un sou à Pierre, trois sous au domestique de maître -Jacob, et trois sous au messager. - -Le jour de la Visitation, comme je suis sur le point de quitter Anvers, -le roi de Danemark[128] m'envoie chercher en toute hâte. Je fais son -portrait au charbon, ainsi qu'il le désirait, et aussi celui de son -chambellan Antoni. Le roi me retient à dîner. Il se montre fort affable. - - [128] Christian II, roi des royaumes unis de Danemark, de Suède - et de Norvége, surnommé le Néron du Nord. - -Je recommande mon bagage à Léonard Sucher, et lui donne ma pièce d'étoffe -blanche. Ce n'est pas ce voiturier qui m'a transporté; au moment du -départ, je suis tombé en désaccord avec lui. - -Gerhard me donne des objets d'art italiens très-remarquables. J'ai chargé -le _Vicarius_ du transport de mes curiosités. - -Le lendemain de la Visitation, je pars pour Bruxelles par la même voie -que le roi de Danemark, à qui j'offre les meilleures pièces de mon Å“uvre -gravé. Je me suis amusé de la mine étonnée des Anversois devant la mâle -beauté du roi de Danemark qui ne craint pas de traverser le pays de ses -ennemis. J'ai vu l'empereur de Bruxelles venir à sa rencontre et le -recevoir cordialement et en grande pompe. J'ai vu aussi le splendide -banquet que l'empereur et Mme Marguerite lui ont offert le lendemain. - -Je paye deux sous pour une paire de gants. - -Monsieur Antoni me donne douze florins de Horn. J'en remets deux au -peintre qui a acheté le panneau pour le portrait et qui a fait broyer mes -couleurs. Je prends les huit autres florins pour ma dépense. - -Le dimanche qui précède la Sainte-Marguerite, le roi de Danemark offre un -grand banquet à l'empereur, à dame Marguerite et à la reine d'Espagne. Il -m'invite, je dîne au palais et je donne douze sous au cuisinier du roi. - -Je fais le portrait du roi à l'huile, il me le paye trente florins. Je -donne deux sous au jeune Bartholomé qui a broyé mes couleurs, quatre -demi-feuilles au domestique de maître Jean, et une Apocalypse à son -rapin. - -Polonius me fait cadeau d'une belle Å“uvre d'art italienne. - -Le tailleur de maître Joost m'ayant invité, je mange avec lui le soir. - -Je passe huit jours à Bruxelles et je dépense vingt-deux sous pour mon -logement. Je donne une Passion à la femme de l'orfévre Jean. J'avais dîné -trois fois chez lui. Je fais cadeau à Bartholomé, le domestique du -peintre, d'une Vie de la Vierge. - -Je dîne avec Nicolas Zigler et je donne quinze sous à Jean le domestique. - -Je me suis retenu deux jours à Bruxelles par la faute de ma voiture. - -Enfin, le vendredi matin, je quitte Bruxelles, je dois donner dix florins -au voiturier. Je paye à mon hôtesse, pour cette seule nuit, cinq sous. - -Nous traversons deux villages et arrivons à Louvain, où nous dépensons -treize sous pour notre repas. De là nous allons à Tirlemont, petite ville -où nous passons la nuit; ma dépense s'élève à huit sous. - -Le jour de sainte Marguerite, de bon matin, nous partons et après avoir -traversé deux villages nous nous arrêtons dans la ville de Saint-Trond, -où l'on bâtit une très-belle tour; nous traversons ensuite des endroits -assez misérables et nous nous trouvons à Tongres, où nous déjeunons pour -six sous. De là , en passant par des villages plus pauvres encore, nous -arrivons à Maëstricht, où nous couchons. Nous dépensons douze sous et -deux blancs pour droits de garde. - -Le dimanche matin, nous nous rendons à Aix, où nous mangeons assez bien -pour quatorze sous. De là nous mettons six heures pour arriver à -Altenburg, où nous sommes obligés de passer la nuit, car le voiturier -s'est perdu plusieurs fois. - -Le lundi, nous traversons Juliers, nous dînons à Berchem pour trois sous, -et nous partons pour Cologne. - - -Ici s'arrête le journal d'Albert Dürer. Il n'a pas pris de notes en route -depuis Cologne, peut-être parce qu'il a précipité son retour, peut-être -aussi parce que son voyage n'a été marqué par aucun incident digne d'être -raconté. - -[Illustration: deco] - - - - -TABLE. - Pages - - INTRODUCTION IX - Lettres d'Albert Dürer à Bilibald Pirkeimer IL - Journal du voyage d'Albert Dürer dans les Pays-Bas LXXXI - - - - -GRAVURES. Pages - - - Portrait d'Albert Dürer I - Fac-simile d'une médaille attribuée à Albert Dürer, de la - collection de M. Niel IX - Le grand Cheval XV - Pfenning gravé par Albert Dürer pour Martin Luther XXVI - Les Armoiries de la tête de mort XXXII - La Sainte Trinité, dessin d'Albert Dürer, collection de - M. Reiset. (Gravure hors texte.) XXXIX - Les Cavaliers hongrois, XLI - Tombeau d'Albert Dürer à Nuremberg XLV - Les trois Génies XLVIII - Portrait de Bilibald Pirkeimer. (Gravure hors texte.) LI - Le petit Crucifix LI - Rébus LV - Fac-simile d'un dessin d'ornement par Albert Dürer, de la - collection de M. Gatteaux LVII - La Vierge au singe LXIV - Caricature par Albert Dürer LXX - La Dame à cheval LXXII - Cachet, principaux monogrammes, écriture et signature - d'Albert Dürer LXXVII - Lettre. A LXXXI - Système pour pourtraire trouvé par Albert Dürer LXXXV - La Sépulture LXXXIII - La Mélancolie XCIII - Sainte Véronique XCVII - La Nativité CI - Le Christ faisant ses adieux à sa Mère CVII - Samson tuant le lion CIX - Portrait de Gaspard Sturm; dessin de la collection de - M. F. Reiset CXIII - Un Bourgeois d'Anvers, collection de M. Ambroise-Firmin - Didot. (Gravure hors texte) CXIX - Le Mariage de la Vierge CXXI - Décollation de saint Jean-Baptiste CXXIX - Le Seigneur et la Dame CXXXVII - - -PARIS.--J. CLAYE, IMPRIMEUR, RUE SAINT-BENOIT, 7. - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Albert Durer a Venise et dans les -Pays-Bas, by Albert Durer - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ALBERT DURER A VENISE ET *** - -***** This file should be named 53147-0.txt or 53147-0.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/5/3/1/4/53147/ - -Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online -Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by The Internet Archive/American Libraries.) - - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. 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Email contact links and up to -date contact information can be found at the Foundation's web site and -official page at www.gutenberg.org/contact - -For additional contact information: - - Dr. Gregory B. Newby - Chief Executive and Director - gbnewby@pglaf.org - -Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg -Literary Archive Foundation - -Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide -spread public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. - -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. 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You may copy it, give it away or re-use it under the terms of -the Project Gutenberg License included with this eBook or online at -www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you'll have -to check the laws of the country where you are located before using this ebook. - - - -Title: Albert Durer a Venise et dans les Pays-Bas - autobiographie, lettres, journal de voyages, papiers divers - -Author: Albert Durer - -Translator: Charles Narrey - -Release Date: September 26, 2016 [EBook #53147] - -Language: French - -Character set encoding: ISO-8859-1 - -*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ALBERT DURER A VENISE ET *** - - - - -Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online -Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by The Internet Archive/American Libraries.) - - - - - - -</pre> - - -<div class="tnote"> -<p>Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont été corrigées. -L'orthographe d'origine a été conservée et n'a pas été harmonisée. -Les numéros des pages blanches n'ont pas été repris.</p> -</div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_I"> I</a></span></p> -<h1 class="topspace">ALBERT DURER</h1> -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_II"> II</a></span></p> -<div class="figcenter"> -<img src="images/illus_002.jpg" width="300" height="307" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="i6 small">IMPRIMERIE J. CLAYE<br /> -<span class="small">RUE SAINT BENOIT 7</span><br /> -<span class="i3 small">PARIS</span></p> -</div></div> -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_III"> III</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_IV"> IV</a></span></p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_004.jpg" width="300" height="332" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="i4"><span class="small">Montigneul SC AH-CABASSON D</span></p> -</div></div> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_V"> V</a></span></p> - -<div class="topspace titlepage"> -<p><span class="xxlarge">ALBERT DURER</span><br /> -<span class="large">A VENISE</span><br /> -<span class="xs">ET</span><br /> -<span class="xlarge">DANS LES PAYS-BAS</span></p> - -<p><span class="xs">AUTOBIOGRAPHIE</span><br /> -<span class="xs">LETTRES, JOURNAL DE VOYAGES</span><br /> -<span class="xs">PAPIERS DIVERS</span><br /> -<span class="xxs">TRADUITS DE L'ALLEMAND</span><br /> -<span class="sper xs">AVEC DES NOTES ET UNE INTRODUCTION</span><br /> -<span class="xxs">PAR</span><br /> -<span class="medium">CHARLES NARREY</span><br /> -<span class="xs">Ouvrage orné de 27 gravures sur papier de Chine</span></p> -<div class="figcenter"> -<img src="images/illus_005.jpg" width="75" height="101" alt="" /> -<div class="caption"> -<p>Logo</p> -</div></div> - -<p><span class="large">PARIS</span><br /> -<span class="medium">LIBRAIRIE V<sup>e</sup> JULES RENOUARD, ÉDITEUR</span><br /> -<span class="xs">G. ÉTHIOU-PÉROU, DIRECTEUR-GÉRANT</span><br /> -<span class="small">6, RUE DE TOURNON, 6</span></p> -<hr class="deco" /> -<p class="small">MDCCCLXVI</p> -</div> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_VI"> VI</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_VII"> VII</a></span></p> - -<div class="chapter"> -<h2 class="normal"><span class="medium">A</span><br /> -<span class="large">MONSIEUR LE BARON BEYENS</span><br /> -<span class="small">Ministre de Belgique en France</span><br /> -<span class="small">Hommage affectueux,</span><br /> -<span class="small i9">CHARLES NARREY.</span></h2> -</div> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_VIII"> VIII</a></span></p> - -<p class="subh"><b><span class="large">INTRODUCTION</span>.</b></p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_IX"> IX</a></span></p> -<div class="figleft"> -<img src="images/illus_009.jpg" width="150" height="150" alt="" /> -</div> - -<p>La vie des grands -hommes est le flambeau -qui éclaire leur -œuvre.</p> - -<p>Les souffrances et -les faiblesses, les -luttes et les triomphes -de ces génies -prédestinés expliquent -et commentent -leurs ouvrages, -et chaque étape de -leur existence correspond -à une évolution -de leur talent. -Leur biographie est donc en quelque sorte le lien logique de -leurs ouvrages; elle donne la clef de la succession de leurs -pensées et démontre comment elles s'enchaînent.</p> - -<p>Écrire l'histoire d'un grand artiste, si l'on se place à ce -point de vue élevé, c'est faire en même temps l'histoire de ses -idées, c'est pénétrer avec lui dans les mystères de son inspiration.</p> - -<p>Prenez l'homme le plus profondément original, et le plus -<span class="pagenum"><a id="Page_X"> X</a></span> -rebelle aux influences extérieures; ses relations avec ses contemporains, -son commerce avec d'autres artistes, grands -comme lui, mais comprenant leur art de façons différentes, -ne pourront manquer d'imprimer une modification, si minime -qu'elle soit, à ses propres idées.</p> - -<p>S'il y a entre les hommes ainsi rassemblés par le caprice -du hasard ou par une loi mystérieuse de la création de larges -points de contact et des horizons communs, cette influence -deviendra décisive et modifiera parfois d'une manière profonde -le <i>faire</i> de l'artiste qui la subit. Y a-t-il au contraire -une opposition fondamentale entre leur esprit, leur principe -réciproque s'accentuera avec plus de vigueur, et leur contact -servira à caractériser davantage leur tendance primitive. -Grande ou petite, profonde ou superficielle, cette influence -doit subsister, et la saisir jusque dans ses manifestations les -moins apparentes est l'objet de la critique.</p> - -<p>Or, c'est l'histoire de l'artiste, et son histoire de chaque -jour, qui peut en fournir les éléments d'appréciation.</p> - -<p>Quoi d'étonnant alors que les moindres particularités de la -vie privée d'un grand homme acquièrent la plus haute valeur -aux yeux de la postérité?</p> - -<p>Aussi, dans ces derniers temps, ce genre d'études historiques -a-t-il fait l'objet de nombreux et de consciencieux travaux. -On a cherché à y introduire la précision et la sévérité de -la critique moderne, et l'on a bravement fermé la porte à toutes -les fables et à toutes les anecdotes de contrebande, pour y -substituer définitivement la vérité dans sa froide et chaste -nudité. Mais on ne croit guère que de pareils travaux présentent -énormément de difficultés, et beaucoup plus même -que ceux qui concernent la grande histoire.</p> - -<p>Les faits que recherche le biographe sont presque toujours -d'une apparente insignifiance, et par cela même les contemporains -des grands hommes, sans prévoir la valeur que -ces détails pourront acquérir un jour, ont négligé de les consigner. -Aussi quelle bonne fortune extraordinaire, lorsque -l'artiste lui-même, soit par une sage prévision, soit dans un -<span class="pagenum"><a id="Page_XI"> XI</a></span> -but désintéressé, a pris soin de rassembler minutieusement -tous les matériaux d'une autobiographie.</p> - -<p>C'est précisément ce qui nous arrive pour l'illustre père de -l'école allemande.</p> - -<p>Albert Dürer a laissé sur sa vie privée un grand nombre de -notes et de correspondances qui éclairent d'un jour nouveau -sa vie et ses œuvres, et mettent hors de discussion un grand -nombre de points qui, pour des artistes beaucoup plus récents -même, ne sont ordinairement qu'un stérile sujet de querelles -entre les historiens.</p> - -<p>Mais avant de donner la parole au maître lui-même et de -laisser découler de ses écrits les commentaires qui en dérivent, -on nous permettra d'en tirer quelques conclusions -générales et quelques conclusions personnelles.</p> - -<p>Ce qui résulte d'abord de la vie de cet éminent artiste, -telle qu'il l'a simplement racontée lui-même, ce qui ressort -de la lecture de sa correspondance intime avec son ami Bilibald -Pirkeimer, c'est une profonde estime pour le caractère de -l'homme, comme une grande admiration pour l'artiste ressort -de la contemplation de ses œuvres.</p> - -<p>Albert Dürer est un aussi grand et noble caractère qu'il est -un génie original et transcendant. Cette double perfection est -une chose trop rare dans le cercle des grands esprits pour ne -pas y insister.</p> - -<p>On dirait, en vérité, que l'intelligence ne peut se développer -qu'au détriment du caractère, et trop souvent l'épanouissement -de la pensée a pour corollaire fatal l'atrophie -morale du cœur. Si quelque chose, par exemple, pouvait -amoindrir notre admiration pour le panthéiste Gœthe, ne serait-ce -pas la sécheresse de son âme et l'égoïsme de son caractère. -L'esprit humain, qui tend sans cesse à l'idéal et qui prodigue -d'instinct aux élus de l'intelligence tous les dons et toutes les -qualités, est péniblement déçu en voyant tant de grandeur intellectuelle -à côté de tant de petitesse de sentiment. Nous n'aimons -pas à apprendre que Virgile était le flatteur d'Auguste -et que Horace eut peur à la bataille d'Actium.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_XII"> XII</a></span> -Je ne connais que bien peu de génies qui aient été en même -temps des héros du cœur. Michel Cervantes dans les lettres -et Michel-Ange dans les arts sont pour moi les types de cette -double grandeur; notre Albert Dürer peut aussi revendiquer -ces deux auréoles. Sa vie a été une lutte continuelle, soyons -plus vrai,—un long martyre causé par celle qui aurait dû -précisément arracher les ronces et les épines de sa route.</p> - -<p>Marié de bonne heure, sans qu'on eût consulté son inclination, -à une femme froide et avare, il n'a pas eu la consolation -de se reposer dans la douce vie du foyer des tracasseries -envieuses auxquelles un homme de sa valeur devait nécessairement -se trouver exposé.</p> - -<p>Dès l'âge de 23 ans il devenait le seul soutien de sa famille. -«Deux ans après la mort de mon père, je pris aussi ma mère -avec moi (il s'était déjà chargé de son frère Hans), car elle -n'avait plus rien. En 1513 elle tomba subitement malade. Ses -souffrances durèrent une année entière, et elle fut mourante -du premier au dernier jour.»</p> - -<p>Dans ces conditions il fut obligé de se livrer à un travail -assidu et pénible; en outre sa femme l'excitait sans cesse au -labeur et le stimulait avec ses avaricieuses exigences. Et pourtant -c'est à peine si, dans ses écrits, on entend l'écho d'une -plainte contre celle qui le faisait tant souffrir; tout au plus -dans sa correspondance avec Bilibald Pirkeimer, correspondance -si franche et si naïve, hasarde-t-il de temps en temps -quelque allusion prudente à ses affaires de ménage. Encore en -parle-t-il avec tant de mansuétude et de bonne humeur, qu'on -ne soupçonnerait pas la profondeur de sa blessure si ses amis -n'avaient pas pris la peine de la sonder.</p> - -<p>«Il était fort contre l'adversité, dit Schrober, mais il est -vrai qu'il n'avait que trop le moyen de s'exercer à la patience, -sa femme se chargeait tous les jours de lui en fournir -l'occasion.»</p> - -<p>C'est assez clair, et cependant les lettres de G. Hartmann et -de Pirkeimer sont encore plus explicites.</p> - -<p>En voici des extraits:</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_XIII"> XIII</a></span></p> -<p class="subh">G. HARTMANN A M. BUCHLER.</p> - -<p>«<b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> -<p><b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b></p> - -<p>«Elle était d'une piété et d'une honnêteté si intolérantes, -qu'il aurait mieux valu pour Albert Dürer être le mari d'une -coquine avec un caractère aimable, que d'avoir à ses trousses -une de ces dévotes qui sont d'une humeur si féroce, qu'elles -vous laissent à peine des moments suffisants pour respirer. -<b>. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .</b>»</p> - -<p class="subh">AUTRE LETTRE DE GEORGES HARTMANN.</p> - -<p>«Il ne faut imputer le décès de Dürer à personne qu'à sa -femme. Elle lui avait si bien rongé le cœur, elle lui avait -fait endurer de telles souffrances, qu'il semblait en avoir -perdu la raison. Elle ne lui permettait jamais d'interrompre -son travail, l'éloignait de toutes les sociétés, et par des -plaintes continuelles, répétées le jour et la nuit, le tenait -rigoureusement enchaîné à l'œuvre, afin qu'il amassât de -l'argent pour le lui laisser après sa mort. Elle avait sans -cesse la crainte de périr dans la misère, et cette crainte la -torture encore maintenant, quoique Dürer lui ait légué près -de 6,000 florins. Elle est insatiable: elle a donc été vraiment -la cause de sa mort, etc.»</p> - -<p class="subh">LETTRE DE PIRKEIMER A TZERTE,<br /> -<span class="medium"><i>Architecte de l'Empereur, à Vienne</i>.</span></p> - -<p>«J'ai positivement perdu, dans la personne d'Albert Dürer, -un des meilleurs amis que j'aie eus de ma vie. Sa mort m'a -fait d'autant plus de peine qu'elle s'est produite sous l'influence -de causes bien pénibles. En effet, je ne puis l'attribuer, -après Dieu, qu'à sa femme qui lui a causé de si vifs -chagrins et l'a tourmenté d'une façon si cruelle, qu'elle l'a -poussé vers la tombe, et l'a rendu sec <i>comme de la paille</i>. Le -<span class="pagenum"><a id="Page_XIV"> XIV</a></span> -pauvre homme n'avait plus de courage et ne recherchait -plus aucune société. Cette mégère prenait soin de ses intérêts, -et poussait son mari au travail nuit et jour afin qu'il lui -laissât le plus d'écus possible<b>. . . . . . . . . . .</b> -Je lui ai souvent reproché ses procédés, et je lui ai même -prédit ce qui est arrivé; mais cela ne m'a valu que de l'ingratitude. -Du reste, tous ceux qui aimaient le pauvre Albert -détestent sa femme, qui le leur rend bien. En somme, c'est -elle qui a mis le cher homme en terre.»</p> - -<p class="space">Dans les premiers temps de son mariage, Albert Dürer -avait fait des efforts héroïques pour se soustraire à la domination -de sa femme, mais la lutte ne convenait pas à son caractère; -peu à peu il avait fini par courber le front, et, aux derniers -jours de sa vie, il obéissait comme un enfant à cette -nouvelle Xantippe.</p> - -<p>Poussait-il la douceur jusqu'à la pusillanimité?—Nous ne -le croyons pas,—car plusieurs fois, pendant sa trop courte -existence, il a prouvé qu'avec les hommes il savait parler en -homme.—Ou puisait-il cette patience angélique dans la religion? -En voyant le portrait d'Agnès Frey qu'il a dessiné lui-même, -et que l'on trouve encore aujourd'hui à Vienne, nous -croyons plutôt qu'il fut toujours amoureux de sa femme,—car -elle était fort belle.—Son front était froid, mais l'intelligence -s'y jouait comme un rayon de soleil sur une plaque d'acier -poli; ses yeux étaient durs, mais grands, veloutés et noirs; sa -bouche était hautaine, mais correcte; ses traits étaient sévères, -mais remarquablement beaux; ils ne commandaient pas la -sympathie cependant: on sentait que celui qui avait aimé cette -femme l'aimerait toute sa vie, dût-il mourir de son amour.</p> - -<p>Quelle personnalité attachante que celle d'Albert Dürer!</p> - -<p>Il était beau, et la noblesse de ses traits reflétait la pureté -de son âme et la lumière de son intelligence.</p> - -<p>Qui a vu une fois un de ses portraits ne peut plus l'oublier. -De beaux cheveux blonds cendrés qui flottent sur ses épaules, -un front élevé et pur où le génie a imprimé sa sévère majesté, -<span class="pagenum"><a id="Page_XV"> XV</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_XVI"> XVI</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_XVII"> XVII</a></span> -de grands yeux bleus, bien enchâssés dans leur arcade et ombragés -de longs cils plus foncés que ses cheveux, une bouche -rêveuse, un cou flexible qui porte une tête digne du ciseau de -Phidias, comme la tige du lis porte la fleur des rois, tels sont -les traits principaux de cette figure ravissante.</p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_015.jpg" width="300" height="407" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="i6"><span class="small">ALBERT-DÜRER P.</span><br /> -<span class="small">AH.-CABASSON D.</span><br /> -<span class="small">TAMISIER. SC. 1850.</span></p> -</div></div> - -<p>Toute sa personne était sympathique et séduisante.</p> - -<p>«Il avait de la noblesse et de l'aisance dans les mouvements, -et sa haute raison et son rare bon sens perçaient naturellement -dans ses discours.» «<i>Sermonis tanta in eo suavitas et lepor -erat</i>, dit Joachim Camerarius, <i>ut nihil esset audientibus magis -contrarium quam finis</i>.»</p> - -<p>Et Schrober dit aussi:</p> - -<p>«Il y avait quelque chose de si doux et de si harmonieux -dans sa manière de parler, qu'on l'écoutait avec ravissement.» -Du reste son instruction était fort étendue.</p> - -<p>Peintre, dessinateur, graveur, orfévre, architecte, statuaire, -ingénieur et <i>géométrien</i>, comme l'écrit Loys Meygret, le traducteur -de son livre <i>des Proportions humaines</i>, il fut tout ce qu'il -voulut être<a id="FNanchor_1" href="#Footnote_1" class="fnanchor"> [1]</a>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_XVIII"> XVIII</a></span> -On l'a souvent comparé à Raphaël, mais du côté de l'universalité -des connaissances, il a bien plus de points de contact -avec Michel-Ange.</p> - -<p>J'ai vu quelque part qu'on lui reconnaît aussi le talent de -l'écrivain. On prétend même qu'il a contribué à fixer la langue -allemande,—mais c'est là une assertion que je ne peux admettre. -Pour ses traités didactiques, il est certain que Pirkeimer -<span class="pagenum"><a id="Page_XIX"> XIX</a></span> -y mettait la main, car ils diffèrent notablement, comme -style et comme orthographe, de sa correspondance intime. -Dans ses lettres à Pirkeimer, le même mot est écrit parfois de -quatre ou cinq façons différentes, et l'on ne peut s'empêcher -de rire à la vue de ses essais de versification.</p> - -<p>Comme artiste, Albert Dürer est un des esprits les plus -<span class="pagenum"><a id="Page_XX"> XX</a></span> -originaux que je connaisse. C'est un peintre qui est avant tout -de son pays et de son époque, grande qualité, si l'on y réfléchit, -et à ce titre il mérite pleinement la qualification de -père de l'école allemande.</p> - -<p>Vasari, Lambert-Lombart, Mariette, et quelques autres auteurs -<span class="pagenum"><a id="Page_XXI"> XXI</a></span> -anciens et modernes ont regretté qu'Albert Dürer ne fût pas -né en Italie, et ils lui ont reproché sérieusement de n'avoir pas -été à Rome étudier l'antique. Ce sont là des idées étroites et -puériles que l'on est étonné de trouver chez des écrivains d'une -valeur réelle. S'il fallait en croire certains critiques trop exclusifs, -<span class="pagenum"><a id="Page_XXII"> XXII</a></span> -l'art ne serait bientôt plus qu'une formule, car pour -eux le beau n'a qu'un type unique en qui réside une perfection -absolue. Ce serait un moule où les esprits les plus divers -viendraient prendre une empreinte fastidieusement uniforme. -C'est une folie que ce nouveau lit de Procruste, car le beau est -<span class="pagenum"><a id="Page_XXIII"> XXIII</a></span> -dans tout, dans l'harmonie des proportions, comme dans la -profondeur du sentiment, dans l'éclat de la couleur, comme -dans la correction du dessin.</p> - -<p>Ces dernières idées étaient aussi celles d'Albert Dürer.</p> - -<p>«L'homme qui cherche le beau, dit-il, rencontre le multiple -<span class="pagenum"><a id="Page_XXIV"> XXIV</a></span> -et le divers, et il y a plusieurs voies pour atteindre à la -beauté.»</p> - -<p>Il a entrevu l'accord et l'agrément de la nature, jusque -dans ses difformités, et il a deviné la beauté des diverses races. -«Il y a des corps d'Éthiopiens, ajoute-t-il, où la nature a mis -<span class="pagenum"><a id="Page_XXV"> XXV</a></span> -une telle convenance et une telle harmonie, qu'on ne peut -rien concevoir de plus parfait.» On le voit, il n'a pas inventé, -comme on l'a prétendu, la fameuse phrase: Le beau, c'est le -laid. Quand son modèle est beau, il le fait beau, témoin le <i>Jeune -homme</i> de la galerie de Vienne, témoin le <i>Saint Jean</i>, de Munich.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_XXVI"> XXVI</a></span> -Du reste, mille circonstances viendraient empêcher cette -fusion, si quelqu'un était assez fou pour la tenter, et pour n'en -citer qu'une seule, la variété des climats maintiendra toujours -une différence fondamentale entre le peintre allemand et le -peintre italien. Du temps de Dürer, une autre cause encore -venait accentuer cette différence entre les deux écoles. Les -anciens peintres allemands procédaient des Byzantins comme -les Italiens; cependant, le développement de l'art se faisait -de part et d'autre dans des conditions toutes différentes.</p> - -<p>Les Italiens, ayant sous les yeux les trésors de la statuaire -antique, ont pu acquérir rapidement la pureté et la correction -du dessin. Ils ont appris à donner à leurs figures cette souplesse -et cette élégance de pose, et à les revêtir de draperies -artistement disposées. Les Allemands, au contraire, n'avaient -qu'un modèle: la nature. Aussi, si leurs poses ont quelque -roideur, si leurs têtes sont presque toutes des portraits, ils ont -<span class="pagenum"><a id="Page_XXVII"> XXVII</a></span> -un grand charme et une délicieuse naïveté dans l'expression. -Ils sont, en quelque sorte, restés plus près de la vérité.</p> - -<p>Albert Dürer a conservé quelques-uns des défauts de ses -prédécesseurs, mais il a recueilli le riche héritage de leurs -qualités; c'est non pas un réaliste, dans le sens moderne du -mot, mais un <i>naturaliste</i>.</p> - -<p>Du reste, en laissant de côté ces préoccupations d'école, -Albert Dürer est encore un génie de premier ordre. Ce qui le -prouve, c'est que les plus grands peintres, Andrea del Sarto, -le Pontorme, le Guide, n'ont pas dédaigné de lui faire de larges -emprunts.—Le Guide a copié plusieurs figures du char de -Maximilien dans la fresque de l'<i>Aurore</i> qu'il a faite au palais -Rospigliosi.</p> - -<p>Raphaël l'estimait fort, il lui envoya son portrait et quelques -dessins précieux; il disait aussi avec franchise et naïveté:</p> - -<p>«En voilà un qui nous dépasserait tous, s'il avait pu contempler, -comme nous, les chefs-d'œuvre de l'art.»</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_XXVIII"> XXVIII</a></span> -Et pour que cet éloge parût plus sincère, tout partisan -qu'il était de l'antique, il exposa plusieurs estampes du graveur -allemand dans son atelier.</p> - -<p>Bernard Palissy connaissait et estimait les gravures d'Albert -Dürer; voici ce qu'il en dit dans son livre intitulé: <i>de l'Art de terre</i>.</p> - -<p>«As-tu pas veu aussi combien les imprimeurs ont endommagé -les peintres pourtrayeurs sçavans? J'ay souvenance -d'avoir veu les histoires de Notre-Dame imprimées de gros -traits, après l'invention d'un Alemand nommé Albert, lesquelles -histoires vindrent une fois à tel mepris, à cause de -l'abondance qui en fut faite, qu'on donnait pour deux liards -chascune desdites histoires, combien que la pourtraiture fust -d'une belle invention<a id="FNanchor_2" href="#Footnote_2" class="fnanchor"> [2]</a>.»</p> - -<p>Albert Dürer est né à Nuremberg, le 20 mai 1471, au moment -où cette ville était dans toute sa splendeur; mais cédons -la parole au chef de l'école allemande et laissons-le se présenter -lui-même tenant toute sa famille par la main.</p> - -<p>Nous traduisons mot à mot les notes de famille, recueillies -par Albert Dürer et laissées dans ses papiers. Elles diront mieux -qu'on ne l'a fait jusqu'à ce jour l'origine et les commencements -du célèbre artiste.</p> - -<p>Nous sommes tellement sûrs que rien de ce qui a été écrit -par un homme comme Albert Dürer ne peut être indifférent au -public, que nous donnons ces notes sans en élaguer les passages -qui pourraient peut-être paraître un peu longs, s'ils -venaient d'un personnage moins sympathique.</p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_XXIX"> XXIX</a></span></p> -<h2 class="normal">NOTES DE FAMILLE<br /> -<span class="medium">RECUEILLIES PAR ALBERT DURER.</span></h2> -</div> - -<div class="blockquote"> -<p>Moi, Albert Durer le jeune, j'ai appris par les papiers que j'ai -trouvés chez mon père, où il est né, comment il est venu à Nuremberg -et comment il est mort saintement.</p> - -<p>Que Dieu lui soit miséricordieux! <i>Amen!</i></p> - -<p class="subh">ANNÉE 1524.</p> - -<p>Albert Dürer le vieux est né dans le royaume de Hongrie, près de -Jula, à 8 milles au-dessous de Wardein, dans un petit village appelé -Eytas, où sa famille élevait des bœufs et des chevaux.</p> - -<p>Mon grand-père se nommait Antony Durer; jeune encore, il vint habiter -Jula et se mit en apprentissage chez un orfévre. Il épousa une jeune -personne appelée Élisabeth dont il eut une fille, Catharina, et trois garçons. -L'aîné, mon père, est aussi devenu un très-honnête et très-habile -orfévre. Ladislas, le second, se fit sellier; il est le père de mon cousin -Nicolas Durer qui demeure à Cologne et qu'on appelle Nicolas le Hongrois; -il a appris le métier d'orfévre à Nuremberg chez mon père. Le -troisième fils, Jean, eut la permission d'étudier; il fut ordonné prêtre et -desservit pendant plus de trente ans la cure de Wardein.</p> - -<p>Mon père, Albert Durer, est d'abord venu en Allemagne, puis il a -séjourné assez longtemps dans les Pays-Bas, où il a vécu dans l'intimité -des grands artistes, et définitivement il s'est fixé à Nuremberg, l'an 1454, -à la Saint-Louis, le jour même que Philippe Pirkeimer avait choisi pour -faire ses noces sur les remparts; on dansa longuement et allégrement -sous les grands tilleuls.</p> - -<p>Mon cher père entra chez Jérôme Haller qui est devenu depuis mon -grand-père; il est resté à son service jusqu'en 1467. Alors il lui demanda -la main de sa fille Barbara, une jeune personne jolie et éveillée, à peine -âgée de quinze ans. Haller la lui accorda et les noces furent faites huit -jours avant <i>viti</i>.</p> - -<p>Il est bon de savoir que ma grand'mère maternelle était fille d'Oellinger -de Weissenburg, et qu'elle s'appelait Cunégonde.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_XXX"> XXX</a></span> -Du mariage de mon cher père et de ma chère mère sont nés les -enfants dont les noms suivent:</p> - -<p><i>Tout ce qu'on va lire maintenant, je l'ai copié mot à mot dans le -livre de mon père.</i></p> - -<p>I.—L'année 1468 après la naissance de Jésus-Christ, le jour de -Sainte-Marguerite, ma femme Barbara accoucha de ma fille aînée. La -vieille Marguerite de Weissenburg fut sa marraine; elle donna à l'enfant -le nom de sa mère.</p> - -<p>II.—<i>Item.</i> En 1470, à la Sainte-Marie du carême, vers deux -heures du matin, ma femme accoucha d'un fils. Il fut tenu sur les fonts -par Frédéric Roth de Bayreuth, qui l'appela Hans<a id="FNanchor_3" href="#Footnote_3" class="fnanchor"> [3]</a>.</p> - -<p>III.—<i>Item.</i> L'année 1471, à six heures du soir, un vendredi de la -croix (la semaine avant la Pentecôte), le jour de Sainte-Prudence, un -autre fils nous arriva. Son parrain Antoine Koberger<a id="FNanchor_4" href="#Footnote_4" class="fnanchor"> [4]</a> le nomma Albert, -pour m'être agréable.</p> - -<p>IV.—<i>Item.</i> En 1472, vers trois heures du matin, à la Saint-Félix, -ma femme me donna un quatrième enfant. Il se nomma Sebald, comme -son parrain, Sebald Hotzle.</p> - -<p>V.—<i>Item.</i> En 1473, le jour de Saint-Ruppert, à six heures, Barbara -accoucha d'un cinquième enfant que son parrain, Hans Schreiner de -Laufer Thor, appela Jérôme, comme mon beau-père.</p> - -<p>VI.—<i>Item.</i> L'année 1474, à la Saint-Domitien, vers sept heures, -ma femme me donna mon sixième enfant. Son parrain Ulric Mank, l'orfévre, -le nomma Antoine.</p> - -<p>VII.—<i>Item.</i> En 1476, à la Saint-Sébastien, vers une heure, Barbara -me fit cadeau d'une fille. Sa marraine, demoiselle Agnès Bayrin, lui donna -son nom.</p> - -<p>VIII.—<i>Item.</i> A une heure de là ma femme accoucha, au milieu de -douleurs intolérables, d'une seconde fille que l'on crut devoir baptiser -immédiatement. On lui donna le nom de Marguerite.</p> - -<p>IX.—<i>Item.</i> En 1477, le premier mercredi après la Saint-Louis, ma -<span class="pagenum"><a id="Page_XXXI"> XXXI</a></span> -ménagère me donna encore une fille, qui s'appela Ursule comme sa -marraine.</p> - -<p>X.—<i>Item.</i> L'année 1478, à trois heures de la nuit, le lendemain de -Saint-Pierre et Saint-Paul, Barbara accoucha d'un fils que son parrain, -Hans Sterger, un ami de Sohmbachs, nomma Hans.</p> - -<p>XI.—<i>Item.</i> En 1479, à trois heures du matin, à la Saint-Arnold, un -dimanche, ma femme me fit présent d'une fille à qui Agnès Fritz-Fischer, -sa marraine, donna son nom.</p> - -<p>XII.—<i>Item.</i> L'année 1481, à une heure, le jour de Saint-Pierre, -Barbara mit au monde notre douzième enfant,—un garçon.—Nicolas, -le commis de Josse Haller, fut son parrain et l'appela Pierre.</p> - -<p>XIII.—<i>Item.</i> En 1482, à quatre heures du matin, le mardi avant -la Saint-Bartholomé, ma femme accoucha d'un enfant du sexe féminin.—Sa -marraine, Catherine, la fille de Brintwar, lui donna son nom.</p> - -<p>XIV.—<i>Item.</i> En 1484, le jour de la Saint-Marc, à une heure après -minuit, Barbara me donna mon quatorzième enfant; il s'appelle André, -parce que son parrain André Stromayer a voulu lui donner son nom.</p> - -<p>XV.—<i>Item.</i> L'année 1486, la veille de la Saint-Georges, à midi, ma -femme accoucha d'un fils; Sebald de Lochheim fut son parrain et l'appela -Sebald.</p> - -<p>C'est le second de mes enfants qui porte ce nom.</p> - -<p>XVI.—<i>Item.</i> En 1488, le vendredi avant l'Ascension, à midi, Barbara -mit au monde une fille, à qui sa marraine, la femme de Bernard Walter, -donna le nom de Christine, qu'elle portait elle-même.</p> - -<p>XVII.—<i>Item.</i> L'année 1490, le dimanche du Carnaval, à deux heures -après minuit, ma femme donna le jour à un enfant du sexe masculin; -M. George, le digne vicaire de Saint-Sebald, fut son parrain et l'appela -Hans.</p> - -<p>C'est le troisième de mes enfants qui porte ce nom.</p> - -<p>XVIII.—<i>Item.</i> En 1492, le jour de la Saint-Cyriac, à deux heures -avant le soir, Barbara me donna mon dix-huitième et dernier enfant. -M. Charles d'Oehsenfurt, son parrain, l'appela Charles.</p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_033.jpg" width="300" height="413" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="i6 small">ALBERT-DURER, P.<br /> -AH. CABASSON, D. <br /> -TAMISIER. SC.</p> -</div></div> - -<p>A l'heure qu'il est, presque tous ces frères et sœurs, enfants de mon -<span class="pagenum"><a id="Page_XXXII"> XXXII</a></span> -cher père, sont morts, les uns tout jeunes, les autres un peu plus tard. -Trois d'entre nous ont survécu et vivront tant qu'il plaira à Dieu.—C'est -mon frère André<a id="FNanchor_5" href="#Footnote_5" class="fnanchor"> [5]</a>, mon frère Jean<a id="FNanchor_6" href="#Footnote_6" class="fnanchor"> [6]</a>, et moi, Albert.</p> - -<p>Albert Durer le vieux a passé sa vie au milieu des plus grandes privations -et des plus rudes labeurs. Pour nourrir sa femme et élever ses -enfants, il n'avait pas d'autres ressources que le travail de ses mains. -Aussi n'a-t-il jamais été bien riche.—Mais comme il eut le courage de -supporter honorablement et chrétiennement l'adversité, il fut loué et -estimé de tous ceux qui l'ont connu. Il fut un homme patient, pieux et -doux; plein de bienveillance pour tout le monde et très-reconnaissant -envers Dieu, malgré sa misère. Il fuyait les plaisirs, n'aimait pas la -société et parlait fort peu.</p> - -<p>Mon cher père avait grand soin de ses enfants, qu'il élevait d'une façon -très-convenable, afin qu'ils fussent agréables à Dieu et aux hommes; -il nous recommandait sans cesse d'honorer le souverain créateur de -toutes choses et de vivre honnêtement avec notre prochain.</p> - -<p>Il nous aimait tous, mais il avait principalement de l'affection pour -moi. Voyant que j'étais studieux, il me laissa aller à l'école; quand je -sus lire et écrire, il me fit rester à la maison et m'apprit l'état d'orfévre. -Je travaillai bientôt très-convenablement. Cependant, mon inclination me -portait vers la peinture; je m'en expliquai avec mon père, qui me reçut -d'abord fort mal; il regrettait le temps que j'avais perdu à apprendre -l'état d'orfévre; il céda néanmoins à mes instances, et l'année 1486, le -jour de la Saint-André, il me plaça pour trois ans comme apprenti chez -un grand peintre, nommé Michel Wohlgemuth<a id="FNanchor_7" href="#Footnote_7" class="fnanchor"> [7]</a>.</p> - -<p>Pendant ces trois ans, Dieu me donna un grand courage; aussi mes -progrès furent rapides,—mais j'eus beaucoup à souffrir de mes condisciples, -qui auraient voulu en savoir plus que moi en travaillant moins.</p> - -<p>Quand mon apprentissage fut terminé, mon père me fit voyager; je -restai absent jusqu'au jour où il lui plut de me rappeler. En 1490, après -Pâques, je partis de nouveau, et je revins en 1494. Quand je fus à la -maison depuis quelques jours, Hans Frey proposa à mon père de me -<span class="pagenum"><a id="Page_XXXIII"> XXXIII</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_XXXIV"> XXXIV</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_XXXV"> XXXV</a></span> -donner sa fille Agnès, avec une dot de 200 florins;—il accepta, et -les noces furent faites le lundi avant la Sainte Marguerite de la même -année.</p> - -<p>Peu de temps après mon mariage, mon père tomba malade d'une -dyssenterie, contre laquelle personne ne put rien.—Voyant approcher -son heure dernière, il se résigna, me recommanda ma mère, et nous -supplia de continuer à vivre en honnêtes gens; il reçut les saints sacrements -et mourut en vrai chrétien, en 1502, la veille de la Saint-Matthieu, -vers minuit, comme je l'ai déjà écrit longuement dans un autre livre. -Dieu veuille avoir son âme! Je pris mon frère Hans chez moi, et nous -mîmes André en pension.</p> - -<p>Deux ans après la mort de mon père, je pris aussi ma mère avec moi, -car elle n'avait plus rien. En 1513, elle tomba subitement malade.</p> - -<p>Sa maladie dura une année entière, et elle fut mourante du premier -au dernier jour, le 17 mai 1514, deux heures avant la nuit; après avoir -été administrée, elle succomba.</p> - -<p>J'ai prié Dieu de l'avoir en sa sainte garde.</p> - -<p>En 1521, le dimanche avant la Saint-Barthélemy, dix-huitième jour -du mois d'août, ma chère belle-mère se mit au lit, et le 29 septembre, -à neuf heures de la nuit, elle mourut pieusement.</p> - -<p>En 1523, à la fête de la Présentation, de grand matin, est mort, -après avoir reçu les saints sacrements, mon honoré beau-père Hans Frey, -qui a été malade près de six longues années, et qui a aussi eu à essuyer -de grandes adversités dans cette vie.</p> - -<p>Dieu tout-puissant, sois-lui miséricordieux!</p> -</div> - -<p class="space">Rien dans les papiers de Dürer ne dit positivement où il a -voyagé de 1490 à 1494; mais Roth (J.-F.), diacre de l'église -Saint-Jacques à Nuremberg, dans un livre intitulé <i>Leben -Albrecht Dürer</i>, publié en 1791, nous dit: «En 1490, Albert -Dürer voyagea à travers l'Allemagne, les Pays-Bas et poussa -jusque dans la Vénétie.»</p> - -<p>Une phrase de la deuxième lettre à Pirkeimer nous fait -penser que Roth a raison; du reste un voyage de Nuremberg -à Venise était chose très-peu extraordinaire à la fin du -XV<sup>e</sup> siècle. Les relations des deux villes étaient très-suivies; -une grande quantité de marchands de Nuremberg avaient une -<span class="pagenum"><a id="Page_XXXVI"> XXXVI</a></span> -succursale de leur maison à Venise, et un messager partait -chaque semaine de Nuremberg et un autre de Venise.</p> - -<p>Beaucoup de jeunes gens visitaient l'Italie pour compléter -leurs études; ajoutons que l'on voit dans une des gravures du -maître, faite avant 1506, une gondole comme celles que l'on -ne rencontre que sur l'Adriatique, et le marinier la conduit -trop bien à la façon des Vénitiens, pour n'avoir pas été dessiné -d'après nature.</p> - -<p>Sandrart assure qu'il séjourna dans les Pays-Bas; mais dans -ses notes de voyage, Albert Dürer ne fait pas une seule fois -allusion à une visite antérieure.</p> - -<p>En 1492, il traversa Colmar, nous dit Scheurl, qui prétend -le tenir d'Albert Dürer lui-même; il fut fort bien reçu par les -trois frères de Martin Schongauer (Martin le Beau), mais il -eut le regret de ne pas voir le célèbre artiste qui, le premier, -osa s'affranchir de l'imitation des peintres hollandais et remplacer -la roideur et la sécheresse par la distinction et la grâce. -Il était mort depuis quatre ans.</p> - -<p>De 1494 à 1505, Albert Dürer ne quitta pas Nuremberg, sa -ville natale; il y vécut à l'ombre, dans l'étude, sans autre distractions -que ses longs entretiens avec son ami Pirkeimer, -qu'il appelait son second père et qui était un peu son professeur, -à leur insu à tous les deux.</p> - -<p>J'ai visité sa triste maison<a id="FNanchor_8" href="#Footnote_8" class="fnanchor"> [8]</a>; j'y ai rencontré à chaque pas -l'ombre exécrée de sa femme, cette abominable Agnès Frey, si -belle, si honnête, si pieuse, si acariâtre, si intolérante et si -<span class="pagenum"><a id="Page_XXXVII"> XXXVII</a></span> -avare. J'avais le cœur gros en pensant à ce qu'avait dû souffrir -ce pauvre homme de génie pendant les longues années qu'il a -passées avec ce monstre charmant qui le tuait à petit feu.</p> - -<p>Vers la fin de 1505, il partit pour Venise où il séjourna un -an environ; c'est de là qu'il adressa à Bilibald Pirkeimer les -huit lettres intimes que l'on trouvera plus loin.</p> - -<p>De 1506 à 1520, il ne sortit guère de son atelier.</p> - -<p>En 1520, il fit dans les Pays-Bas le célèbre voyage dont -nous publions ici <i>in extenso</i> la relation.</p> - -<p>A son retour en Allemagne, Albert Dürer reprit sa vie de -travail presque en tête-à-tête avec son acariâtre épouse, car la -mégère avait réussi à faire le vide autour de lui; mais une -telle existence ne pouvait être longue. Le 6 avril 1528, le -pauvre grand homme mourut d'épuisement et de chagrin, -dans toute la force de son talent, à l'âge de 57 ans, sans enfants, -laissant ses objets d'art à son frère André et sa fortune à sa -femme, que ses compatriotes auraient tant voulu voir déshériter.</p> - -<p>La mort d'Albert Dürer affligea sérieusement ses nombreux -amis.</p> - -<p>Nous avons cité des fragments de lettres, citons aussi quelques -mots d'Érasme, qui était lié avec lui, mais qui était avant -tout philosophe:</p> - -<p><i>Quid attinet Dureri mortem deplorare, quum simus mortales omnes? -Epitaphium illi paratum est in libello meo.</i></p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_XXXVIII"> XXXVIII</a></span> -Traduction:</p> - -<p>A quoi bon pleurer la mort d'Albert Dürer, puisque nous -sommes tous mortels? Je lui ai fait une épitaphe dans mon -petit livre.</p> - -<p>Avons-nous besoin de dire à ceux qui connaissent le cœur -humain qu'Albert Dürer était admiré plus par les princes<a id="FNanchor_9" href="#Footnote_9" class="fnanchor"> [9]</a> -que par ses égaux,—par les étrangers que par ses compatriotes, -prouvant ainsi une fois encore l'éternelle vérité du -proverbe: <i>Nul n'est prophète en son pays.</i></p> - -<p>Voici deux lettres qui attestent suffisamment ce que j'avance:</p> - -<p class="subh">LETTRE DE L'EMPEREUR MAXIMILIEN<br /> -<span class="medium">AUX MAGISTRATS DE LA VILLE DE NUREMRERG.</span></p> - -<p class="titel">«Honorables et chers fidèles,</p> - -<p>«Le soin qu'a toujours montré notre fidèle Albert Dürer -dans l'exécution des dessins et des gravures que nous lui -avons demandés; l'offre qu'il a faite de continuer de nous -<span class="pagenum"><a id="Page_XXXIX"> XXXIX</a></span> -servir avec le même zèle, et dont nous avons ressenti un plaisir -tout particulier; sa célébrité bien connue entre tous les peintres, -nous ont fait résoudre de lui venir en aide et de le -récompenser par une faveur toute spéciale.</p> - -<p>»Nous vous demandons donc avec instances sérieuses de -vouloir bien l'exempter de tout impôt communal de ville et de -toute autre contribution, en témoignage de notre amitié pour -lui et en faveur de son art merveilleux auquel il est juste qu'il -puisse s'adonner librement.</p> - -<p>«Nous espérons que dans aucun cas vous ne refuserez la -demande que nous vous adressons, comme du reste il est convenable -que vous le fassiez, tant pour nous être agréables, -qu'en considération de l'art dont il importe de favoriser le développement -parmi vous.</p> - -<p>«Vous reconnaîtrez ainsi la bienveillance particulière que -nous vous avons toujours témoignée à vous et à votre ville.</p> - -<p>«Donné dans notre ville impériale de Landau, le douzième -du mois de décembre 1512, de notre règne le vingt-septième.»</p> - -<p><i>Ad mandatum Dmi imperatoris Mppria.</i></p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_040.jpg" width="274" height="378" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="small"><span class="i6">Leon Gauchenel Sct.</span><br /> -<span class="i6">LA SAINTE TRINITE</span><br /> -<span class="i6">Dessin d'Albert Durer</span><br /> -<span class="i2">Collection de M. F. Reiset Imp. A. Salmon</span><br /> -<span class="i6">Gazette des Beau-Arts</span></p> -</div></div> - -<p class="subh">LETTRE D'ALBERT DURER<br /> -<span class="medium">AUX MAGISTRATS DE LA VILLE DE NUREMBERG.</span></p> - -<p class="titel">«Honorables, sages et gracieux seigneurs,</p> - -<p>«Par mes travaux et avec l'aide de Dieu, pendant une -longue suite d'années, j'ai acquis la somme de mille florins du -Rhin, que je voudrais placer pour mon entretien.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_XL"> XL</a></span> -«Comme je sais que vous n'avez pas l'habitude de donner -un intérêt très-élevé, et que vous avez souvent refusé un florin -sur vingt, j'ai hésité longtemps à vous demander ce service; -je m'y suis cependant résolu, par besoin d'abord, et aussi en -songeant à la faveur toute particulière avec laquelle vos seigneuries -m'ont traité en toute circonstance.</p> - -<p>«Vos seigneuries savent combien j'ai été dévoué et prêt à -rendre service au conseil, dans les affaires publiques et particulières, -partout où il a eu besoin de moi.</p> - -<p>«Dans notre ville, pour ce qui est de mon art, j'ai travaillé -plus souvent gratis que pour de l'argent, et, depuis trente ans -que j'habite ce pays, je puis le dire avec vérité, les travaux -dont j'ai été chargé ne se sont pas élevés à 500 écus; somme -peu considérable et sur laquelle je n'ai pas eu un cinquième -de bénéfice.</p> - -<p>«J'ai gagné ma fortune, je veux dire ma pauvreté, qui, -Dieu le sait, m'a été amère et m'a coûté bien des labeurs, avec -les princes, les seigneurs, et d'autres personnes du dehors. Je -suis le seul de cette ville qui vive de l'étranger.</p> - -<p>«Vos seigneuries n'ont pas oublié que feu l'empereur -Maximilien, de glorieuse mémoire, m'avait exempté des charges -de cette ville,—de son propre mouvement, et pour reconnaître -les loyaux services que je lui avais rendus; depuis, -j'ai renoncé à ce privilége, suivant les avis de quelques-uns -des membres les plus anciens du conseil; je l'ai fait en l'honneur -de mes maîtres et pour me conserver leurs bonnes -grâces.</p> - -<p>«Il y a dix-neuf ans, le doge de Venise m'écrivit de venir -demeurer dans cette ville, en m'offrant 200 ducats par an de -provision.</p> - -<p>«Plus tard, la commune d'Anvers, pendant le peu de temps -que je suis resté dans les Pays-Bas, m'a aussi offert 300 florins -de Philippe par an, et elle y ajoutait le don d'une belle maison.</p> - -<p>«Dans l'une comme dans l'autre ville, tous mes travaux -m'eussent été payés à part.</p> - -<p>«J'ai refusé tout cela par l'inclination et l'amour particulier -<span class="pagenum"><a id="Page_XLI"> XLI</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_XLII"> XLII</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_XLIII"> XLIII</a></span> -que j'ai pour vos seigneuries, pour notre ville et pour ma -patrie. J'ai préféré vivre simplement ici, que d'être riche et -puissant ailleurs.</p> - -<p>«Je vous prie donc respectueusement de prendre en considération -toutes ces choses, d'accepter les mille florins, que -j'aime mieux savoir entre vos mains que partout ailleurs, et -de m'en donner, comme une grâce particulière, cinquante florins -d'intérêt par an, pour moi et ma femme qui, tous deux, -devenons de jour en jour vieux, faibles et infirmes.</p> - -<p>«Je reconnaîtrai en cela l'intérêt que votre sagesse m'a témoigné -jusqu'à ce jour et que je m'efforcerai sans cesse de -mériter.</p> - -<p>«De vos seigneuries, le très-dévoué concitoyen,</p> - -<p class="signature"><span class="cap">«A</span><span class="smallc">LBERT</span> <span class="cap">D</span><span class="smallc">URER.»</span></p> - -<div class="figcenter"> -<img src="images/illus_042.jpg" width="297" height="279" alt="" /> -</div> - -<p>Nous l'avons dit, nous le répétons, lorsqu'en 1528 la mort -vint frapper Albert Dürer, il était arrivé à l'apogée de son -génie.—Sa manière s'éloignait de plus en plus des peintures -flamandes et allemandes, pour se rapprocher de celles des -grands maîtres de l'Italie, qu'il allait peut-être égaler bientôt. -Les lettres de Mélanchthon nous apprennent qu'Albert Dürer -disait lui-même n'avoir connu la vraie beauté de la nature que -fort tard; il comprit alors que la simplicité est le plus bel ornement -de l'art. Il soupira en songeant à ses premières œuvres -si compliquées, et il se plaignit de ne pouvoir plus atteindre -son admirable modèle<a id="FNanchor_10" href="#Footnote_10" class="fnanchor"> [10]</a>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_XLIV"> XLIV</a></span> -Albert Dürer est un grand peintre, mais c'est surtout à son -œuvre gravé qu'il doit le premier rang qu'il occupe dans l'art.</p> - -<p>Comme graveur, personne ne peut lui être comparé, ni -Marc-Antoine, ni Lucas de Leyde, ni Martin Schongauer, qui -a été son premier maître, en dépit de l'éloignement, en dépit -de la mort même qui l'enlevait le jour où Dürer père se décidait -à envoyer son fils à Colmar pour suivre ses leçons.—C'est -donc à la fin prématurée de cet homme, justement célèbre, -que Wolhgemuth doit l'honneur d'avoir conservé un élève qui -l'a fait connaître plus que ses ouvrages.</p> - -<p>Comme Martin Schongauer, le maître de Colmar, Albert -Dürer réunit autour de lui de nombreux élèves: Hans Springinklie -et Hans Schauflein, qui ont fourni d'admirables dessins -aux graveurs sur bois; Barthélemy Beham, son cousin, Hans-Sebald -Beham, Georges Penz, Henri Aldegraever, Jacob Binck, -Albert Altdorfer, Hans Wagner de Kulmback, Mathias Gruenewald -et Melchior Feselen, qui se servirent avec un égal talent -du burin et du pinceau. Mais à la mort du maître, tous, excepté -Henri Aldegraever, abandonnèrent la manière purement allemande; -trois d'entre eux se firent même admettre dans l'atelier -de Marc-Antoine et contribuèrent, après leur retour en -Allemagne, à y répandre le style italien.</p> - -<p>Albert Dürer fut enterré à Nuremberg, dans le cimetière -Saint-Jean, à quelques pas du Calvaire sculpté par Adam Kraft -pour le compte du praticien Martin Kœtzel<a id="FNanchor_11" href="#Footnote_11" class="fnanchor"> [11]</a>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_XLV"> XLV</a></span> -Pirkeimer fit inscrire ces mots sur la tombe de son ami:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i3"> <i>Me. al. du.</i></p> -<p><i>Quidquid Alberti Dureri mortale</i></p> -<p><i>fuit, sub hoc conditur tumulo.</i></p> -<p><i>Emigravit VIII. idus aprilis.</i></p> -<p class="i3"> <i>M. D. XXVIII.</i></p> -</div></div> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_047.jpg" width="400" height="208" alt="" title="" /> -</div> - -<p>Lorsque Sandrart visita le cimetière Saint-Jean à Nuremberg, -il fut fort ému en trouvant la tombe d'Albert Dürer délaissée -et dans un état complet de délabrement. Il s'en plaignit avec -amertume, et ne s'en tint pas aux plaintes comme cela arrive -trop souvent; il eut la pieuse pensée de faire réparer les dégâts -et de graver sur une plaque de bronze cet éloge que l'on peut -lire encore aujourd'hui sur la pierre, qui n'a pas été changée -depuis 1681:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i1"> <i>Vixit Germaniæ suæ decus</i></p> -<p class="i3"> <i>Albertus Durerus,</i></p> -<p class="i1"> <i>Artium lumen, sol artificum,</i></p> -<p><i>Urbis patriæ nor. Ornamentum,</i></p> -<p class="i1"> <i>Pictor, chalcographus, sculptor</i></p> -<p class="i2"> <i>Sine exemplo, qui omniscius</i></p> -<p class="i3"> <i>Dignus inventus exteris,</i></p> -<p class="i2"> <i>Quem imitandum censerent,</i></p> -<div><span class="pagenum"><a id="Page_XLVI"> XLVI</a></span></div> -<p><i>Magnes magnatum, eos ingeniorum</i></p> -<p class="i2"> <i>Post sesquiseculi requiem,</i></p> -<p class="i2"> <i>Quia parem non habuit,</i></p> -<p class="i2"> <i>Solus hic cubare jubetur,</i></p> -<p class="i2"> <i>Tu flores sparge viator.</i></p> -<p class="i2"> <i>A. R. S. MDCLXXXI.</i></p> -<p class="i3"> <i>Opt. mer. F. cur.</i></p> -<p class="i4"> <i>J. DE. S.</i></p> -</div></div> - -<p>A côté de cette légende latine s'en trouve une seconde en -vers allemands:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i1"> <i>Die ruhe Künsler Fürst du mehr als grosser Mann</i></p> -<p class="i1"> <i>In Vielkunst hat es dir noch keiner gleich gethan</i></p> -<p class="i1"> <i>Die Erd ward ausgemalt der Himmel dich jetzt hat</i></p> -<p><i>Du maltest (malest) Heilig pum dort an der Gottes stadt</i></p> -<p class="i1"> <i>Die Bau-Bild-Malerkunst die neppen Dich Patron</i></p> -<p class="i2"> <i>Und setzen dir nun auf im Tod die Lorbeerkron</i></p> -</div></div> - -<p>Traduction:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i1"> Repose ici, prince des artistes, toi qui fus le plus grand des hommes.</p> -<p class="i3"> Dans plus d'un art, personne ne t'a encore égalé;</p> -<p class="i2"> Tu as peint la terre, et maintenant le ciel te possède;</p> -<p class="i3"> Devenu saint, tu peins là-haut dans la cité de Dieu.</p> -<p>Les maîtres de l'architecture, de la sculpture et de la peinture te<br /> -nomment leur maître</p> -<p class="i2"> Et maintenant, dans la mort, te couronnent de lauriers.</p> -</div></div> - -<p>En 1840, la Bavière reconnaissante a élevé un monument à -la mémoire d'Albert Dürer, dont le génie multiple fut l'étincelle -qui illumina l'Allemagne entière et la fit, à la fin du -<span class="smallc">XV</span><sup>e</sup> siècle, la rivale sérieuse de l'Italie.</p> - -<p>Au bas de la rue de la Montagne (Berg-Strasse), entre la -maison de Pilate et la maison d'Albert Dürer, on voit une statue -de onze pieds de haut, modelée, à Berlin, par Rauch, et -fondue, en 1839, à Nuremberg.</p> - -<p>Albert Dürer est vêtu d'une longue robe fourrée de belles -pelleteries; il porte les cheveux pendants sur ses épaules, en -boucles soyeuses. Quant au caractère de la figure, le sculpteur -s'est inspiré des nombreux portraits peints par le maître lui-même.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_XLVII"> XLVII</a></span> -Les personnes qui ne connaîtraient que le portrait de face, -que l'on voit aujourd'hui à la pinacothèque de Munich, admettraient -peut-être difficilement d'abord les profils de la statue -de Rauch.—On en pourrait dire autant de celles qui n'auraient -vu que celui du musée de Lyon, où Albert Dürer s'est -peint de trois quarts.—Dans l'un, le premier, il a vingt-cinq -ans à peine; il est pourtant déjà rêveur; sur son visage -amaigri et mystique, on n'aperçoit aucune saillie qui annonce -la force; tout est douceur et mélancolie. On le prendrait volontiers -pour un des disciples de Jésus-Christ, ou pour Jésus-Christ -lui-même.</p> - -<p>Dans l'autre, au contraire, on trouve une figure mâle, à laquelle -les arêtes vives du nez et les lignes nettes des lèvres et -du front donnent une incontestable expression de vigueur.</p> - -<p>Rauch a pris un moyen terme entre ces deux types si -dissemblables. Sa statue est plus idéalisée que la peinture réaliste -de Lyon, et moins extatique que celle de Munich; c'est un -chef-d'œuvre parmi les chefs-d'œuvre du maître prussien.</p> - -<p>Un mot encore avant de terminer cette étude, qui est déjà -un peu bien longue.</p> - -<p>La gloire d'Albert Dürer est un tout éblouissant, mais dont -les rayons sont distincts: son imagination est inépuisable, sa -naïveté est pleine de grâce, sa touche est savante, son dessin -est humain et vigoureux. Son exécution est large et puissante; -sous sa couleur délicate et vive on discerne la science -anatomique aussi facilement qu'on distingue la couche calcaire -d'un coquillage sous la nacre irisée qui la recouvre. Son bonheur -est extrême dans le choix de ses sujets; il y groupe savamment -les personnages; mieux que personne de son temps -et du nôtre, il sait allier dans les plis de ses draperies l'élégance -et le goût à je ne sais quelle grandeur sauvage; ses ciels -sont lumineux comme son génie. Ses paysages sont pittoresques -et accidentés; on comprend, en les regardant, que l'artiste est -allé au delà de la réalité chercher, grâce à son imagination, le -doux rêve qu'il ne trouve pas sous son toit.</p> - -<p>Les critiques n'ont pas manqué à sa gloire; on lui a reproché -<span class="pagenum"><a id="Page_XLVIII"> XLVIII</a></span> -ses femmes nues, qui sont plutôt une tristesse qu'une défaillance. -Puis, comme si l'honnête homme ne devait pas avoir -souci d'achever son œuvre, on lui a reproché encore le fini -précieux de ses peintures: à notre époque, on lui reprocherait -d'être grand.</p> - -<p>Ses portraits respirent la vie: nouveau Pygmalion, il les -anime de par sa volonté. La volonté d'un grand artiste n'est-elle -pas une étincelle du feu divin? Hélas! aussi puissant qu'il soit, -ce souffle de Dieu s'amoindrit et se dissipe en arrivant vers la -terre; heureux les élus qui savent, comme Albert Dürer, en -garder les reflets pour étonner le monde et faire rêver l'humanité!</p> - -<p class="signature">CHARLES NARREY.</p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_050.jpg" width="250" height="392" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="small"><span class="i6">AH-CABASSON,</span><br /> -<span class="i6">D. CH-JARDIN SC.</span></p> -</div></div> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_052.jpg" width="250" height="387" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="small"><span class="i6">ALBERT DURER SCULP.</span><br /> -<span class="i6">FAC SIMILE DE A. DURAND.</span><br /> -<span class="i6">BILIBALD PIRKEYMHER.</span><br /> -<span class="i2">Gazette des Beaux Arts Imp A. Salmon, Paris</span></p> -</div></div> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_XLIX"> XLIX</a></span></p> - -<p class="extra"><span class="small">LETTRES CONFIDENTIELLES</span><br /> -<span class="xlarge">D'ALBERT DÜRER</span><br /> -<span class="medium">A BILIBALD PIRKEIMER</span></p> -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_L"> L</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_LI"> LI</a></span></p> - -<h2 class="normal"><span class="medium">LETTRES CONFIDENTIELLES</span><br /> -<span class="xxlarge">D'ALBERT DÜRER</span><br /> -<span class="large">A BILIBALD PIRKEIMER</span><a id="FNanchor_12" href="#Footnote_12" class="fnanchor"> [12]</a></h2> - -<hr class="deco" /> -<p class="subh">LETTRE I.</p> - -<div class="figleft"> -<img src="images/illus_055.jpg" width="125" height="121" alt="" /> -</div> - -<p>Mon cher monsieur Pirkeimer, je vous offre -mes services et j'espère que votre santé est -meilleure que la mienne.—Je vous souhaite -une bonne et heureuse année à vous et aux -vôtres. Pour ce qui est des perles et des pierreries -que vous m'avez chargé d'acheter, je -vous annonce que je n'ai rien pu trouver, -même pour bon argent. Les Allemands ont tout -accaparé, et pour leur en racheter il faudrait -les payer plus qu'elles ne valent, car ils sont très-peu accommodants. -Ce sont du reste les plus vilaines gens que la terre ait portés<a id="FNanchor_13" href="#Footnote_13" class="fnanchor"> [13]</a>. Il ne -<span class="pagenum"><a id="Page_LII"> LII</a></span> -faut pas compter sur eux pour le moindre service, et des amis sérieux -m'ont assuré qu'il est prudent de se garer d'eux,—ils se moquent -de tout, attendu qu'ils sont maîtres de la place.—Tout le monde est -d'accord pour déclarer que l'on trouve à Francfort de plus beaux objets -à meilleur prix qu'à Venise.</p> - -<p>Les livres que vous m'avez demandés sont expédiés, vous les recevrez -bientôt, et si vous avez besoin d'autres choses, faites-le moi savoir, je -me ferai un plaisir de vous les envoyer. Fasse le ciel que je puisse vous -rendre un jour un vrai service, car je reconnais que je vous dois beaucoup. -Je vous en prie, ne vous impatientez pas trop, cette dette me -préoccupe plus que vous, j'en suis certain. Si Dieu me vient en aide, je -vous payerai prochainement en vous conservant une éternelle reconnaissance. -Car les Allemands<a id="FNanchor_14" href="#Footnote_14" class="fnanchor"> [14]</a> m'ont commandé un tableau<a id="FNanchor_15" href="#Footnote_15" class="fnanchor"> [15]</a> qu'ils me payeront -cent dix florins rhénans, et je n'aurai que cinq florins de frais.</p> - -<p>Je me mettrai à l'ouvrage tout de suite, j'esquisserai mon tableau en -huit jours, et dans un mois il pourra figurer sur l'autel. En épargnant -tout cet argent, je serai en mesure de vous payer, car je ne crois pas qu'il -soit nécessaire d'envoyer rien en ce moment à ma mère et à ma femme. -J'ai laissé à ma mère dix florins, elle en a reçu neuf ou dix pour des -objets d'art, le marchand de fil d'archal lui en a payé douze. Je lui en ai -encore envoyé neuf par l'entremise de Bastien Imhoff, et elle n'a dû -payer que sept florins à Gartner pour ses gages. Quant à ma femme, je -lui ai donné douze florins, elle en a reçu treize autres, ce qui fait -vingt-cinq. Je pense donc également qu'elle n'a besoin de rien; et s'il -lui manque quelque chose, le beau-frère n'a qu'à l'aider jusqu'à mon -retour; alors je le rembourserais intégralement.</p> - -<p>Sur ce, je me recommande instamment à votre bon souvenir.</p> - -<p>Datée de Venise, le saint jour des Rois 1506.</p> - -<p>Saluez de ma part Étienne Baumgartner et les autres personnes qui -s'informeront de moi.</p> - -<p class="signature"><span class="smallc">ALBERT DURER</span></p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_LIII"> LIII</a></span></p> - -<p class="space subh">LETTRE II.</p> - -<p>Je vous présente mes respects, mon cher monsieur Pirkeimer, j'espère -que vous jouissez d'une bonne santé, et je le souhaite aussi sincèrement -que s'il s'agissait de la mienne propre.</p> - -<p>Je vous ai écrit dernièrement, faites-moi savoir si ma lettre vous est -parvenue. Ma mère m'a grondé parce que je ne vous envoyais pas de -mes nouvelles, et elle m'a donné à entendre que vous étiez furieux contre -moi.</p> - -<p>Voici mon excuse: je suis paresseux quand il s'agit d'écrire, je -croyais que ma lettre ne vous trouverait pas chez vous, et enfin j'avais -recommandé à <i>Castel</i>, le messager, de vous présenter particulièrement -mes hommages. Je vous prie donc humblement de me pardonner, car je -n'ai pas d'autre ami que vous en ce monde.</p> - -<p>Je ne crois pourtant pas que vous soyez sérieusement irrité contre -moi, car je vous considère comme un second père.</p> - -<p>Je voudrais que vous fussiez à Venise auprès de moi, vous trouveriez -une quantité de joyeux compagnons parmi les Italiens qui s'attachent de -plus en plus à moi. Ce sont des gens de cœur, d'un commerce agréable, -instruits, honorables, et bons musiciens. Ils m'ont en grande estime et me -témoignent beaucoup d'amitié. Par contre, il y en a parmi eux qui sont -les plus fieffés coquins du monde, mais des coquins bien séduisants, et -celui qui ne verrait que superficiellement les choses serait tenté d'avoir -d'eux la meilleure opinion. Je ris souvent dans ma barbe quand ils me -parlent; ils n'ignorent pas qu'on sait de belles méchancetés d'eux, mais -ils s'en moquent.</p> - -<p>J'ai beaucoup d'excellents amis parmi les Italiens, qui m'engagent à -ne pas vivre trop familièrement avec leurs peintres.—Il est vrai que -j'ai aussi beaucoup d'ennemis qui critiquent mes ouvrages dans les -églises et partout où ils les trouvent. Ils disent qu'ils ne valent rien parce -que je ne peins pas à la manière antique, ce qui ne les empêche pas de -<span class="pagenum"><a id="Page_LIV"> LIV</a></span> -les copier. Giovani Bellini<a id="FNanchor_16" href="#Footnote_16" class="fnanchor"> [16]</a> a fait les plus grands éloges de mon talent -devant beaucoup de gentilshommes; il désire avoir une de mes œuvres, -il est venu me voir et il a insisté pour que je lui fisse une composition, -promettant de la bien payer. Plusieurs personnes considérables m'ont -assuré que c'est un homme excellent, et qu'il m'est très-favorable. Il est -vieux, excessivement vieux même; cependant aucun des peintres de -Venise ne peut se vanter d'être aussi vert que lui. Ce qui me plaisait il y -a onze ans ne me plaît plus aujourd'hui, je l'avoue franchement, bien que -cela paraisse extraordinaire.</p> - -<p>Il y a ici des artistes qui ont beaucoup plus de talent que maître -Jacob<a id="FNanchor_17" href="#Footnote_17" class="fnanchor"> [17]</a>; Antoine Kolb seul jure ses grands dieux qu'il n'y a pas de meilleur -peintre au monde que Jacob. Ici on se moque de lui, et cependant il -reste de son opinion.</p> - -<p>J'ai commencé à travailler à mon tableau, c'est-à-dire que je l'ai -esquissé, mais mes mains ont été si malades qu'il m'a été impossible de -travailler sérieusement. J'ai laissé passer cette mauvaise disposition; ne -m'en veuillez pas et devenez rangé comme moi, mais vous ne voulez -jamais suivre mes conseils.</p> - -<p>Mon cher, il me serait agréable de savoir si aucune des personnes -<span class="pagenum"><a id="Page_LV"> LV</a></span> -que vous aimez n'est morte, celle qui habite près de l'eau, ou celle qui -ressemble à ceci -<img src="images/illus_059a.jpg" width="30" height="28" alt="" /> -ou celle qui ressemble à cela -<img src="images/illus_059b.jpg" width="30" height="32" alt="" /> -ou -la fille -<img src="images/illus_059c.jpg" width="50" height="24" alt="" />.</p> - -<p>Écrite à Venise, à 9 heures<a id="FNanchor_18" href="#Footnote_18" class="fnanchor"> [18]</a> du soir, le samedi après la Chandeleur, -1506.</p> - -<p>Présentez mes services à Étienne Baumgartner, à Harstorfer et à Falkamer.</p> - -<p class="signature">ALBERT DURER.</p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_061.jpg" width="275" height="344" alt="" /> -</div> - -<p class="space subh"><span class="pagenum"><a id="Page_LVI"> LVI</a></span></p> -<p class="subh">LETTRE III.</p> - -<p>Mes salutations empressées à mon cher monsieur Pirkeimer.</p> - -<p>Je vous expédie en même temps que cette lettre la bague ornée d'un -saphir que vous m'avez demandée; il m'a été impossible de vous l'envoyer -plus tôt. Pendant deux jours j'ai couru chez tous les orfévres allemands -et italiens de Venise dans la compagnie d'un habile homme que j'ai -défrayé; nous avons longtemps cherché avant de trouver ce qu'il nous -fallait, et à la fin, en marchandant beaucoup, j'en ai acheté une pour dix-huit -ducats et quatre martzels à un particulier qui ne fait pas le commerce -de bijoux et qui la portait lui-même; il me l'a vendue pour me -rendre service. Je lui ai dit que c'était une acquisition que je faisais pour -mon usage. Je l'avais à peine payée qu'un orfévre allemand m'en a offert -trois ducats de bénéfice; j'espère donc que vous la trouverez à votre gré, -car tous ceux à qui je la montre prétendent que c'est une <i>pierre trouvée</i>, -et qu'en Allemagne on la payerait cinquante florins. Mais vous verrez bien -s'ils disent vrai ou s'ils mentent; quant à moi, je n'y connais rien.</p> - -<p>J'ai acheté une améthyste à un ami intime pour douze ducats; il m'a -volé comme dans un bois, car elle n'en vaut pas sept. Mes camarades et -moi nous avons tant fait qu'il a consenti à rompre le marché, et je lui ai -payé un dîner au poisson. J'ai repris mon argent et je suis fort satisfait -de cet arrangement. De bons amis ont estimé la bague, et s'ils ne se sont -pas trompés, la pierre ne revient pas à plus de dix-neuf florins rhénans, -car elle pèse environ cinq florins d'or. Je n'ai donc pas dépassé vos -ordres, puisque vous m'avez écrit de ne pas dépenser plus de quinze -ou vingt florins.</p> - -<p>Quant à l'autre pierre que vous m'avez demandée, je n'ai pas encore -pu me la procurer, mais je déploierai tout mon zèle à ce travail.</p> - -<p>On me dit qu'en Allemagne on ne pourrait pas avoir ces pierres, même -à la foire de Francfort, car les Italiens les accaparent toutes aussitôt qu'il -y en a quelque part. Les marchands se sont moqués de moi lorsque je -<span class="pagenumh"><a id="Page_LVII"> LVII</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_LVIII"> LVIII</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_LIX"> LIX</a></span> -leur ai offert deux ducats pour des jacinthes; écrivez-moi donc le plus tôt -possible, et dites-moi ce que j'ai à faire. J'ai vu un beau diamant, je ne -sais pas encore ce que l'on en demande; je vous l'achèterai, si votre lettre -m'en donne l'ordre.</p> - -<p>Les émeraudes sont excessivement chères, mais on peut avoir une -améthyste de moyenne grandeur pour vingt ou vingt-cinq ducats.</p> - -<p>D'après toutes les commissions que vous m'avez données, je présume -que vous avez pris une maîtresse. Prenez garde que ce ne soit un maître! -Du reste vous êtes assez grand et assez sage pour vous conduire.</p> - -<p>Endres Künhoffer vous présente ses respects; il vous écrira sous peu -de jours; en attendant, il vous prie de l'excuser auprès de son maître s'il -ne reste pas à Padoue; il n'y a rien à apprendre là pour lui. Ne m'en -veuillez pas, je vous en prie, si je ne vous expédie pas toutes vos commandes -à la fois; malgré mon zèle il m'a été impossible de les rassembler -pour le départ du messager.</p> - -<p>Mes amis vous conseillent de faire remonter la pierre: ils prétendent -qu'elle est belle et que la bague est vieille et démodée. Je vous prie d'engager -ma mère à m'écrire et à continuer ses bons rapports avec vous. -Sur ce, je me recommande à votre bonne amitié.</p> - -<p>Venise, le deuxième dimanche du Carême 1506.</p> - -<p>Rappelez-moi au souvenir de votre servante.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_LX"> LX</a></span></p> -<p class="subh">LETTRE IV.</p> - -<p>Avant tout j'offre mes services à mon cher ami Pirkeimer. J'ai reçu -le jeudi avant la semaine des Rameaux une lettre de vous, et la bague -avec l'émeraude. Je me suis rendu à l'instant chez l'homme de qui je la -tenais: il consent à me rendre mon argent, bien qu'il ne le fasse pas -volontiers; il prétend qu'il a été trompé lui-même par le bijoutier.</p> - -<p>Mes amis m'ont assuré qu'une des deux autres bagues vaut bien six -ducats et qu'elles sont bien conditionnées et d'un or pur; ils ajoutent -que vous ne vous repentirez pas de l'affaire. Je ne me suis donc trompé -que de deux ducats sur les trois bagues. Du reste Bernard Holdtzbock -voulait me les prendre pour le prix d'achat.</p> - -<p>Depuis je vous ai envoyé un saphir par Hans Imhoff. J'espère que -vous l'avez reçu. Je crois que j'ai fait une bonne affaire. On m'a offert -un bénéfice; c'est bien un hasard, car vous savez que personnellement je -ne connais pas la valeur de ces objets et que je suis obligé de me fier à -ceux qui me conseillent.</p> - -<p>Décidément les peintres ne me veulent pas de bien; ils m'ont déjà fait -venir trois fois devant le magistrat, et cependant j'ai donné trois beaux -florins pour leur caisse.</p> - -<p>J'aurais pu gagner beaucoup d'argent, si je n'avais pas entrepris le -tableau pour les Allemands. Cet ouvrage demande beaucoup de soin, et -je ne pourrai pas l'achever avant la Pentecôte; on ne m'en donnera -pourtant pas plus de quatre-vingt-cinq ducats, et cela se dépense vite.</p> - -<p>J'ai acheté une foule d'objets et j'ai envoyé beaucoup d'argent chez -moi, de sorte qu'il ne m'en reste guère. Je vois bien que je ne pourrai -pas encore m'acquitter envers vous. Sans cette commande, j'aurais pu -facilement gagner cent florins, car, excepté les peintres, tout le monde -ici est excellent pour moi.</p> - -<p>Quant à ce qui concerne mon frère, dites à ma mère qu'elle parle à -mon vieux maître Wohlgemuth; s'il a besoin de lui, qu'il soit assez bon -<span class="pagenum"><a id="Page_LXI"> LXI</a></span> -pour lui donner de l'ouvrage jusqu'à mon retour, ou qu'il aille en chercher -chez les autres. J'aurais bien voulu le prendre avec moi à Venise; -voyager lui aurait été très-utile, il aurait pu y apprendre la langue du -pays. Mais ma mère eût craint que le ciel ne tombât sur nous deux. Je -vous en prie, veillez à ce qu'il ne se perde pas avec les femmes. Causez -avec le gaillard et tâchez qu'il reste sage et raisonnable au moins jusqu'à -ma rentrée. Qu'il ne tombe pas à la charge de ma mère. Je ne -peux pas tout faire pour les miens, mais je suis prêt à faire ce qui dépend -de moi.</p> - -<p>Pour ce qui est de moi personnellement, je ne suis pas inquiet; cependant -il n'est pas absolument facile de gagner sa vie ici, car personne -n'aime à jeter son argent par les fenêtres.</p> - -<p>Dites, je vous prie, à ma mère, qu'elle veille à la vente des œufs de -Pâques<a id="FNanchor_19" href="#Footnote_19" class="fnanchor"> [19]</a>. Je pense du reste que ma femme aura eu soin de lui transmettre -toutes mes instructions, car je lui ai écrit à ce sujet.</p> - -<p>Je n'achèterai pas le diamant avant que vous ne m'ayez répondu à -son sujet. Je ne compte pas retourner à Nuremberg avant l'automne, -même si mon tableau était fini à la Pentecôte.</p> - -<p>J'espère conserver une grande partie de ce que je gagnerai.</p> - -<p>Comme je suis indécis sur le jour de mon départ, n'en dites rien à ma -femme, je lui écrirai de temps en temps: je reviens...</p> - -<p>Ayez la bonté de répondre quelques mots à cette lettre.</p> - -<p>Venise, le jeudi avant la semaine des Rameaux 1506.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXII"> LXII</a></span></p> -<p class="subh">LETTRE V.</p> - -<p>Mes services à mon cher ami Pirkeimer.</p> - -<p>Si votre santé est bonne, j'en suis fort aise; moi je me porte bien -aussi, et je travaille ferme; cependant je n'espère pas être prêt avant la -Pentecôte.</p> - -<p>J'ai vendu toutes mes esquisses, sauf une seule. J'en ai donné deux -pour vingt-quatre ducats, et les trois autres pour trois bagues qui ont été -évaluées à vingt-quatre ducats, mais je les ai fait voir à mes amis qui -disent qu'elles n'en valent que vingt-deux. Comme vous m'avez écrit de -vous acheter des pierreries, j'ai cru vous être agréable en vous les expédiant -par Frantz. Faites-les estimer chez vous par des gens qui s'y entendent, -et conservez-les pour leur prix d'estimation. Si cependant elles -ne vous conviennent pas, retournez-les-moi par le prochain messager. -Car à Venise on m'offre douze ducats pour l'émeraude et dix pour le -diamant. Seulement, comme je ne désire pas perdre deux ducats, je ne -veux pas les donner. Je voudrais bien que vous pussiez venir en Italie, -mais je sais tout le prix de vos instants.</p> - -<p>Le temps s'envole rapidement ici; il y a beaucoup de gens fort aimables -qui viennent me distraire dans mon atelier. Je puis consacrer si peu -d'heures à la peinture, que je suis parfois obligé de me cacher. Les gentilshommes -me veulent tous du bien; je n'en dirai pas autant des peintres -depuis qu'ils savent que je sais peindre.</p> - -<p>Endres Künhoffer vous présente ses civilités; il vous écrira par le -prochain courrier.</p> - -<p>Je me recommande à votre bon souvenir et je vous prie de dire à ma -mère que je suis très-étonné de rester si longtemps sans recevoir de ses -nouvelles; ma femme non plus ne m'écrit pas, je crois l'avoir perdue.... -Je suis aussi très-chagrin de ne pas recevoir de lettres de vous, cher -monsieur. J'ai lu le billet que vous avez écrit à Bastien Imhoff, où vous -lui parlez de moi.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXIII"> LXIII</a></span> -Soyez assez bon pour donner les deux lettres ci-incluses à ma mère. -Oubliez un peu ma dette, et soyez sûr que j'y penserai, moi, pour vous -payer honorablement.</p> - -<p>Saluez de ma part Étienne Baumgartner et d'autres bons amis. Faites-moi -savoir si vos amours sont toujours de ce monde, et tâchez de pouvoir -lire mon écriture, car j'ai affreusement griffonné.</p> - -<p>Faite à Venise le samedi avant le dimanche blanc<a id="FNanchor_20" href="#Footnote_20" class="fnanchor"> [20]</a>. Demain il est bon -de se confesser.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXIV"> LXIV</a></span></p> - -<p class="subh">LETTRE VI.</p> - -<p>Magnifique seigneur Pirkeimer, très-grand et premier homme du -monde, votre serviteur et esclave Albert Dürer vous donne le salut<a id="FNanchor_21" href="#Footnote_21" class="fnanchor"> [21]</a>. Il -est enchanté et honoré d'apprendre que votre santé est excellente, mais -il s'étonne qu'un homme de votre sorte ne trouve que la grâce de Dieu -pour combattre le savant <i>Trasibul</i><a id="FNanchor_22" href="#Footnote_22" class="fnanchor"> [22]</a> d'après ce que me dit votre lettre -de ce <i>monstre étrange</i>. J'ai eu peur, car cela me paraît en effet une -grande affaire.</p> - -<p>Vous n'êtes donc pas devenu plus raisonnable. Vous faites toujours l'aimable, -mais y songez-vous donc, mon cher, l'amabilité vous sied comme la -civette aux lansquenets. Vous vous habillez de satin et vous vous pavoisez -de rubans pour courir les ruelles comme un étourdi; décidément vous -voulez devenir irrésistible, et vous croyez que tout est dit lorsque vous -êtes parvenu à plaire à quelques femmes de mœurs faciles. Si encore -vous étiez un homme comme moi, mais vous avez beaucoup de maîtresses, -et lorsque vous leur avez embrassé le bout des doigts, vous êtes sur les -dents pour un mois et plus. C'est vraiment bien la peine d'en changer si -souvent.</p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_069.jpg" width="250" height="386" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="small"><span class="i6">ALBERT DURER.</span><br /> -<span class="i5">AH CABASSON DEL.</span><br /> -<span class="i6">L. DUJARDIN SC.</span></p> -</div></div> - -<p>Je vous remercie de la façon dont vous avez traité mes affaires avec -ma femme, et j'avoue que vous êtes plein de sagesse. Si seulement vous -<span class="pagenumh"><a id="Page_LXV"> LXV</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_LXVI"> LXVI</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_LXVII"> LXVII</a></span> -étiez aussi calme que moi, vous auriez toutes les vertus. Vous méritez -aussi des remercîments pour la loyauté que vous avez montrée à propos -des bagues. Après tout, si elles ne vous conviennent pas, cassez-leur la -tête et les jetez sur le fumier, comme dit Peter Weisbeker.</p> - -<p>Petit à petit je deviens un véritable gentilhomme de Venise, et j'ai -appris avec plaisir que vous composez de beaux vers. Vous seriez bien -ici, avec nos violons qui jouent si tendrement qu'ils en pleurent eux-mêmes. -Plût à Dieu que notre maîtresse de calcul<a id="FNanchor_23" href="#Footnote_23" class="fnanchor"> [23]</a> pût les entendre, elle -s'attendrirait peut-être un peu.</p> - -<p>Du reste je suivrai votre conseil, j'apaiserai ma colère et resterai -indifférent aux ennuis qu'elle me cause, comme je l'ai toujours fait jusqu'à -présent.</p> - -<p>Comme je ne pourrai pas songer au retour avant deux mois, car rien -n'est encore prêt, je vous prie de prêter à ma mère une dizaine de florins, -jusqu'au moment où Dieu me tirera de la gêne. Je vous payerai honnêtement -le tout ensemble. Je vous envoie la glace de Venise par le courrier. -Quant aux deux tapis, Antony Kolb me prêtera son expérience pour les -acheter, et aussitôt que je les aurai je les remettrai au commis du messager -qui vous les fera parvenir. Je n'ai pas encore pu trouver les plumes -de grue que vous m'avez demandées; mais il y a ici beaucoup de -plumes de cygne avec lesquelles on écrit et que vous pouvez mettre à -votre chapeau en attendant. J'ai causé avec un imprimeur qui m'a -assuré qu'aucun nouvel ouvrage grec n'avait paru récemment; si par -hasard on édite quelque chose d'intéressant dans ce genre, il me le dira, -et je vous le ferai savoir.</p> - -<p>Dites-moi combien de papier vous voulez. Vous avez bien fait de me -donner cette commission, car jamais je n'en ai vu de plus beau que celui -que l'on vend ici.</p> - -<p>Pour ce qui est des travaux historiques, les Italiens n'ont rien fait de -bien remarquable et qui soit digne d'être lu par un homme comme vous. -Il y a toujours quelque chose à critiquer dans leurs ouvrages sur l'histoire, -vous le savez vous-même mieux que moi.</p> - -<p>Je vous ai écrit brièvement par le messager Kantengysserle. Je voudrais -savoir si vous êtes toujours d'accord avec le messager Kuntz.</p> - -<p>Je me recommande à votre bon souvenir; présentez aussi mes amitiés -à notre bon prieur<a id="FNanchor_24" href="#Footnote_24" class="fnanchor"> [24]</a>, et dites-lui de m'accorder quelques prières; -<span class="pagenum"><a id="Page_LXVIII"> LXVIII</a></span> -qu'il fasse que le bon Dieu me préserve de toute maladie et surtout du -mal français; il n'y a rien sur la terre que je craigne davantage, presque -tout le monde ici en est infecté et beaucoup de gens en meurent.</p> - -<p>Saluez aussi de ma part Étienne Baumgartner, Lorentz et tous ceux -qui demandent amicalement de mes nouvelles.</p> - -<p>Écrit à Venise 1506, le 18 août.</p> - -<p class="signature">ALBERTUS DURER.<br /> -Noricorius Sivus (textuel).</p> - -<p><i>Post-scriptum.</i>—Andreas est ici et il me prie de vous offrir ses -amitiés, il n'est pas encore bien fort; il a eu et il a des embarras d'argent -à cause de la longue maladie qu'il a faite. Je vous dirai même, entre -nous, que je lui ai prêté huit ducats; mais n'en parlez à personne, il -pourrait croire que je n'ai pas confiance en lui; du reste, il saura se procurer -de quoi me rembourser, car il se conduit très-honorablement, et -tout le monde lui veut du bien.</p> - -<p>Si le roi vient en Italie, j'ai le projet d'aller avec lui à Rome.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXIX"> LXIX</a></span></p> -<p class="subh">LETTRE VII.</p> - -<p>Savant, sage, instruit en beaucoup de langues, homme habile à discerner -la vérité du mensonge, honorable et honoré Bilibald Pirkeimer, -votre humble serviteur Albert Dürer vous souhaite toutes sortes de prospérités. -Cependant, avec cette belle diable de chance qui le tient, il -semble qu'il veuille renoncer à votre cœur<a id="FNanchor_25" href="#Footnote_25" class="fnanchor"> [25]</a>, vous allez croire que lui -aussi est un orateur à cent finesses comme vous. La chambre qu'il habite -devrait avoir plus de quatre coins où il pourrait placer les dieux de la -mémoire....; mais je ne veux pas me casser la tête à m'excuser plus -longtemps, je me contenterai de me recommander à votre indulgence. -Pour me souvenir de toutes vos commandes, il faudrait que mon cerveau -eût autant de cases différentes que vous avez de pois chiches dans votre -jardin; mais en voilà assez sur ce sujet. Le margrave<a id="FNanchor_26" href="#Footnote_26" class="fnanchor"> [26]</a> lui-même ne donnerait -pas une si longue audience. J'ai calculé que cent articles, en ne -mettant que cent mots par article, demandent un travail de neuf jours, -sept heures, cinquante-deux minutes, et notez que je n'ai pas encore -compté les soupirs. Voilà pourquoi on ne s'improvise pas orateur, comme -dit Tettels.</p> - -<p>Je déploie tout mon zèle, et cependant je ne peux pas mettre la main -sur des tapis larges; ils sont tous étroits et longs. Je continue mes explorations -avec l'aide d'Antony Kolb. Bernard Hirsffogel vous salue et vous -offre de nouveau ses services; il est très-triste, car il a perdu son fils, -l'enfant le plus amusant que j'aie vu de la vie. Je ne peux pas trouver les -<span class="pagenum"><a id="Page_LXX"> LXX</a></span> -plumes de fou que vous demandez. Oh! si vous étiez ici, vous verriez de -crânes lansquenets italiens. Je pense souvent à vous et à l'intérêt que -vous prendriez à examiner leurs armes. Ils ont des <i>roncani</i> avec deux -cent dix-huit pointes; lorsqu'ils touchent un homme avec cette arme, il -est mort, car toutes les pointes sont empoisonnées. Les Vénitiens mettent -beaucoup de soldats sous les armes, le pape et le roi de France -aussi; je ne sais pas ce qui en résultera.</p> - -<p>On se moque beaucoup ici de notre roi.</p> - -<p>Bonne chance à Étienne Baumgartner (je ne suis pas étonné qu'il -ait pris femme). Rappelez-moi au souvenir de Borcht, de M. Lorentz, et -même de notre maîtresse de comptes. Remerciez votre fille de chambre -de m'avoir souhaité le bonjour, mais dites-lui qu'elle est un monstre.</p> - -<div class="figcenter"> -<img src="images/illus_074.jpg" width="150" height="143" alt="" /> -</div> - -<p>J'ai expédié du bois de palmier de Venise à Augsbourg, où je le laisse -en dépôt; il pèse dix quintaux.</p> - -<p>Mon tableau est enfin terminé; je gage un ducat que si vous le voyiez -vous le trouveriez bien composé et d'un bon coloris. Cet ouvrage m'a -valu beaucoup d'honneur, mais peu de profit. Pendant le temps que j'ai -mis à le peindre j'aurais bien pu gagner deux cents ducats, car j'ai refusé -beaucoup de commandes pour pouvoir m'en occuper exclusivement. Ma -seule consolation est d'avoir fermé la bouche aux peintres qui disaient: -C'est un habile graveur, mais il n'entend rien au maniement des couleurs. -Maintenant tout le monde s'accorde à dire que l'on n'a jamais vu plus -beau coloris.</p> - -<p>Mon manteau français vous présente ses respects, et mon habit italien -vous tire sa révérence.</p> - -<p>Vous passez toujours votre vie chez les femmes légères. Vous êtes -en si mauvaise odeur à Nuremberg, que je vous sens d'ici. On me dit que -lorsque vous courez à vos amours, on ne vous donnerait pas plus de -<span class="pagenum"><a id="Page_LXXI"> LXXI</a></span> -vingt-cinq ans. Oui-da! multipliez-les par un chiffre quelconque, et -alors je vous croirai. Il y a ici beaucoup d'italiens qui vous ressemblent -sous ce rapport; je ne sais pas comment cela se fait.</p> - -<p>Le doge<a id="FNanchor_27" href="#Footnote_27" class="fnanchor"> [27]</a> et le patriarche de Venise<a id="FNanchor_28" href="#Footnote_28" class="fnanchor"> [28]</a> sont venus voir mon tableau.</p> - -<p>Maintenant je suis votre serviteur, il faut que j'aille me coucher, il -sonne sept heures de la nuit. Je vous ai écrit, j'ai écrit au prieur des Augustins, -à ma belle-sœur la marchande de couleur et à ma femme; donc -j'ai déjà barbouillé une belle quantité de papier, et je pense qu'il est -plus amusant pour vous de causer avec des princes qu'avec moi.</p> - -<p>Venise, le jour de la sainte Vierge en septembre.</p> - -<p>A propos, ne prêtez pas un sou à ma mère et à ma femme; elles ont -assez d'argent.</p> - -<p class="signature">ALBERT DURER.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXXII"> LXXII</a></span></p> -<p class="subh">LETTRE VIII.</p> - -<p>Comme je sais que vous êtes convaincu de mon attachement pour -vous, je me dispense de vous en parler. Cependant je ne puis vous dissimuler -combien je suis heureux de la grande réputation dont vous -jouissez et que vous avez su acquérir par votre sagesse et votre instruction. -C'est chose vraiment surprenante et rare de voir tant d'esprit dans -un corps si chétif. C'est une grâce particulière que Dieu vous a faite -comme à moi.</p> - -<p>Nous sommes donc deux personnages remarquables, vous par votre -esprit et moi par mon talent. Combien de fois ne nous est-il pas arrivé -pourtant, lorsque nous y réfléchissons bien, de nous être retournés et -d'avoir vu des gens qui se moquaient de nous pendant que d'autres nous -comblaient d'éloges! Ne croyez donc pas aveuglément tous ceux qui vous -complimentent; mais peut-être êtes-vous trop peu modeste pour ne pas -les croire. Il me semble que je vous vois en présence du margrave, et que -vous mettez autant d'élégance dans vos discours que dans votre manière -de toucher vos thalers.</p> - -<p>J'ai bien vu dans votre neuvième lettre que vous êtes encore une fois -très-occupé de femmes; vous devriez avoir honte de n'être pas plus raisonnable -à votre âge. Sachez que vous avez autant de grâce à faire -toutes ces fredaines qu'un gros bouledogue à jouer avec un petit chat. -Je voudrais apprendre que vous êtes devenu aussi rangé que moi. Si -j'étais bourgmestre, je vous ferais mettre en prison et j'enfermerais avec -vous la Rech..., la Ros..., la Gart..., la Ech..., et d'autres encore que je -ne veux pas nommer: elles sauraient bien vous mettre à la raison. Vous -me dites finement que beaucoup de femmes honnêtes ou légères demandent -de mes nouvelles: cet intérêt ne prouve rien contre ma vertu.</p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_077.jpg" width="250" height="349" alt="" /> -</div> - -<p class="space">Si Dieu me ramène à Nuremberg, je ne sais vraiment pas comment -je ferai pour vivre avec vous qui êtes illustre maintenant. Je me réjouis -cependant de votre gloire et de votre nouvelle dignité. Vous ne battrez -<span class="pagenumh"><a id="Page_LXXIII"> LXXIII</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_LXXIV"> LXXIV</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_LXXV"> LXXV</a></span> -plus vos chiens jusqu'à ce qu'ils en soient perclus; mais peut-être ne -voudrez-vous plus vous montrer dans les rues avec un pauvre barbouilleur -comme Albert Dürer; vous trouverez peut-être que c'est une honte -pour un seigneur de votre importance.</p> - -<p>Notre cher ami Baumgartner est aussi enchanté que moi de votre -bonne réputation.</p> - -<p>Pendant que je suis en train de vous écrire allégrement, un incendie -dévore six maisons chez Petre Pender; j'y perds une pièce de laine que -j'avais achetée hier pour huit ducats: de cette façon j'éprouve du dommage -par suite de ce désastre.</p> - -<p>Il est beaucoup question d'incendies ici. J'attends que vous m'écriviez -pour rentrer à Nuremberg; je partirai le plus tôt possible, car je -dépense beaucoup d'argent pour ma nourriture. J'ai donné environ cent -ducats pour des couleurs et d'autres objets. J'ai commandé pour vous -deux tapis que je payerai demain, mais je n'ai pas pu les avoir à bon -marché. Je les emballerai avec mes hardes, et aussitôt que vous m'écrirez -je reviendrai.</p> - -<p>Vous tourmentez vraiment trop ma femme. Je vous fais savoir aussi -que je m'étais mis dans la tête d'apprendre à danser; j'ai été deux fois -à l'école, et il m'a fallu payer un ducat au maître; après cela vous me -connaissez assez pour savoir qu'il n'y a de force humaine qui pourrait -m'y faire retourner. Je dépenserais lestement tout l'argent que j'ai gagné -et je ne saurais rien par-dessus le marché.</p> - -<p>Le messager Ferbre vous apportera la glace de Venise. Je n'ai pu -découvrir aucun ouvrage grec nouvellement paru, mais je vous rapporterai -une rame de votre papier; pour les plumes, je n'ai pas pu me procurer -celles que vous m'avez demandées, j'en ai acheté de blanches, et -si j'en trouve de vertes je les rapporterai également. Étienne Baumgartner -m'a écrit de lui envoyer cinquante grains de cornaline pour un -rosaire; je les ai achetés, mais cher, et je n'ai pas pu les avoir gros: je -les lui expédierai par le plus prochain messager.</p> - -<p>Je vous ferai savoir au juste, d'après votre désir, le jour de mon -départ, pour que <i>mes maîtres</i> puissent prendre des dispositions en conséquence.</p> - -<p>J'irai avant à Bologne pour une raison d'art: quelqu'un m'a promis -de m'apprendre le secret d'une perspective; je resterai huit ou dix jours -dans cette ville, je retournerai à Venise et je reviendrai à Nuremberg par -le prochain messager.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXXVI"> LXXVI</a></span> -Hélas! j'ai mangé mon pain blanc avant mon pain noir. Que je regretterai -le soleil de Venise! Ici je suis un grand seigneur, chez moi je ne -serais plus qu'un pauvre diable!</p> - -<p>J'aurais encore beaucoup de choses à vous écrire, mais je vous verrai -prochainement.</p> - -<p>Écrite à Venise, je ne sais pas la date du mois, mais environ quinze -jours après la Saint-Michel, 1506.</p> - -<p class="signature">ALBERT DURER.</p> - -<p><i>Post-scriptum.</i>—Faites-moi savoir si aucun de vos enfants n'est -mort. Vous m'avez écrit une fois que Joseph Rumell a épousé votre fille, -et vous ne dites rien de plus; comment voulez-vous que je sache à laquelle -vous faites allusion.</p> - -<p>Ah! si j'avais seulement ma pièce de laine! Mais je crains maintenant -que mon manteau ne soit aussi brûlé; si cela est, j'en deviendrai fou. J'ai -vraiment du malheur, car il y a trois semaines un de mes débiteurs s'est -sauvé emportant huit ducats qu'il me devait.</p> - -<p>Ces lettres portent l'empreinte du cachet d'Albert Dürer et la suscription -suivante:</p> - -<p>A l'honorable et savant Bilibald Pirkeimer, bourgeois de Nuremberg, -mon gracieux seigneur.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXXVII"> LXXVII</a></span></p> - -<p>Voici le cachet d'Albert Dürer:</p> - -<div class="figcenter"> -<img src="images/illus_081a.jpg" width="75" height="77" alt="" /> -</div> - -<p>Ses principaux monogrammes,</p> - -<div class="figcenter"> -<img src="images/illus_081b.jpg" width="75" height="64" alt="" /> -</div> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_081c.jpg" width="75" height="75" alt="" /> -</div> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_081d.jpg" width="75" height="46" alt="" /> -</div> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_081e.jpg" width="75" height="47" alt="" /> -</div> - -<p>Son écriture</p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_081f.jpg" width="80" height="80" alt="" /> -</div> - -<p>et sa signature,</p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_081g.jpg" width="425" height="86" alt="" /> -</div> - -<p>Traduction:</p> - -<p>Écrite à Venise, à 9 heures du soir, le samedi après la Chandeleur.</p> - -<p class="signature">ALBERT DURER.</p> - -<p>C'est la fin de la deuxième lettre à Pirkeimer. -<span class="pagenumh"><a id="Page_LXXVIII"> LXXVIII</a></span></p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXXIX"> LXXIX</a></span></p> -<p class="space extra"><span class="large">JOURNAL DU VOYAGE</span><br /> -<span class="xxlarge">D'ALBERT DÜRER</span><br /> -<span class="medium">DANS LES PAYS-BAS</span><br /> -<span class="small">ÉCRIT PAR LUI-MÊME PENDANT LES ANNÉES 1520 ET 1521.</span></p> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_LXXX"> LXXX</a></span></p> - -<div class="chapter"> -<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXXXI"> LXXXI</a></span></p> -<h2 class="normal"><span class="large">JOURNAL DU VOYAGE</span><br /> -<span class="xlarge">D'ALBERT DÜRER</span><br /> -<span class="small">DANS LES PAYS-BAS</span><br /> -<span class="xs">ÉCRIT PAR LUI-MÊME PENDANT LES ANNÉES 1520 ET 1521.</span></h2> -</div> - -<p class="dater">Nuremberg, 1520.</p> - -<div class="figleft"> -<img src="images/illus_085.jpg" width="150" height="153" alt="" /> -</div> - -<p class="drop-cap">A mes frais et dépens, le jeudi après -la Saint-Kilian, moi, Albert Dürer, -je quitte Nuremberg avec ma -femme<a id="FNanchor_29" href="#Footnote_29" class="fnanchor"> [29]</a> pour me rendre dans les -Pays-Bas. Après avoir passé le -même jour par Erlangen, nous -logeons à Baiersdorf, et j'y dépense -trois sous moins six deniers. -De là, nous partons par la -route la plus courte pour Forchheim, -où nous arrivons le vendredi; -là, pour un sauf-conduit, -je paye vingt-deux deniers. Je pars pour Bamberg où j'offre à l'évêque<a id="FNanchor_30" href="#Footnote_30" class="fnanchor"> [30]</a> -<span class="pagenum"><a id="Page_LXXXII"> LXXXII</a></span> -une peinture de la Vierge, la Vie de Notre-Dame<a id="FNanchor_31" href="#Footnote_31" class="fnanchor"> [31]</a>, une Apocalypse<a id="FNanchor_32" href="#Footnote_32" class="fnanchor"> [32]</a> -et des gravures pour la valeur d'un florin.</p> - -<p>Il me fait quitter mon auberge où j'avais dépensé environ un florin, -m'invite à venir chez lui, et me donne un laisser passer pour la douane -et trois lettres de recommandation. Je paye six florins d'or<a id="FNanchor_33" href="#Footnote_33" class="fnanchor"> [33]</a> au voiturier -qui va me mener de Bamberg à Francfort.</p> - -<p>Maître Nicolas Laux, Benedict et Hans le peintre<a id="FNanchor_34" href="#Footnote_34" class="fnanchor"> [34]</a> me versent le coup -de l'étrier; je bois et je pars.</p> - -<p>Je donne quatre sous pour du pain et treize sous pour des pourboires. -Je vais rapidement de Bamberg à Eltman; de là, je me rends à -Zeil, je dépense vingt et un sous, et j'arrive à Hasfurth où je montre ma -lettre de douane, après quoi on me laisse partir.</p> - -<p>Je dépense un florin dans la chancellerie de l'évêque de Bamberg. A -Theres, au couvent, j'exhibe mes papiers et continue ma route.</p> - -<p>Nous arrivons au bord du Rhin, où nous passons la nuit pour un -denier; de là, nous allons à Maynberg. A Schweinfurth, je suis invité -par le docteur Georges Rebart qui me donne du vin que nous mettons -dans notre bateau. On m'exempte des droits de douane.</p> - -<p>J'avais dépensé dix deniers pour un poulet rôti et dix-huit deniers -pour le cuisinier et son fils. De là, nous nous rendons à Volkach, et -ensuite à Zwartzach où nous passons la nuit et dépensons vingt-deux -deniers.</p> - -<p>Le lundi, nous nous levons de grand matin pour nous rendre à Fettelbach. -A Ritzing, nous dépensons trente-sept deniers.</p> - -<p>Par Seilzfeldt, nous arrivons à Markbreit, d'où on me laisse partir -après avoir vu mes papiers.</p> - -<p>En passant par Frickenhaussen et Ochsenfurth nous gagnons Eivelstadt, -puis Murzburg. De là, nous arrivons à <i>Erla-Brunn</i> où on nous -donne un lit pour vingt-deux deniers.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXXXIII"> LXXXIII</a></span> -En passant par Relzbach et Zelling nous gagnons Karlstadt et puis -Gemûnd; nous y dînons assez bien pour vingt-deux deniers.</p> - -<div class="figcenter"> -<img src="images/illus_093.jpg" width="300" height="397" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="small"><span class="i6">C. BOGDURT.</span><br /> -<span class="i5">D. ALBERT-DURER.</span><br /> -<span class="i6">E. SOTAIN. SC</span></p> -</div></div> - -<p>Nous voyons successivement Hofstetten, Lohr et Nevenstadt où j'ai dû -montrer ma lettre de transit; je dépense dix deniers pour du vin et des -écrevisses. Le mercredi matin, après avoir laissé derrière nous Rotenfels, -nous arrivons à Saint-Écarig, d'où nous nous rendons à Heudenfeldt, -Triffelstein, Homburg, Wertheim, et puis à Brodselten, Freudenberg, -Miltenberg, Klingenberg, Worth, Obernburg, Asschaffenburg, Selgenstadt -et Steinheim, où je montre mes papiers.</p> - -<p>Nous passons la nuit près de Johansen. Le matin, on nous ouvre les -portes de la ville et l'on nous fait beaucoup d'amitiés; j'y dépense six -weispfenning.</p> - -<p>Le vendredi, nous nous rendons à Kesselstadt pour gagner Francfort -où je montre ma lettre de douane. Je dépense six sous pour un lit, et je -donne deux sous au garçon. Jacob Heller me régale de vin à l'auberge, -et je fais accord avec un homme qui consent à me conduire de Francfort -à Mayence pour un florin, deux sous. La nuit, nous dépensons huit -sous.</p> - -<p>Le dimanche, je prends le bateau du matin qui va de Francfort à -Mayence. Arrivé à mi-chemin, c'est-à-dire à Hochst, je montre ma lettre -de transit et on me laisse passer. Je dépense huit deniers francfortois. De -là, nous allons à Mayence; je dépense un albus<a id="FNanchor_35" href="#Footnote_35" class="fnanchor"> [35]</a> pour faire décharger -mes effets, plus dix-huit deniers pour les courroies.</p> - -<p>Je fais accord avec le capitaine du bateau de Cologne qui s'engage -à me transporter, avec mon bagage, pour trois florins. J'avais dépensé -dix-sept albus à Mayence.</p> - -<p>Peeter, l'essayeur de la corporation des orfévres, me fait cadeau de -deux bouteilles de vin. Veith Farnpuhler m'invite, mais l'aubergiste refuse -de recevoir son argent et veut lui-même être mon hôte. On me rend beaucoup -d'honneurs. Je pars de Mayence, où le Mein se jette dans le Rhin, -le jour de sainte Marguerite, et je dépense dix-neuf hellers pour de la -viande, du pain et des œufs que je prends avec moi sur le bateau. -Léonhard, l'orfévre, me fait présent de vin et de gibier; il me donne aussi -du charbon, qui me servira à faire la cuisine sur le bateau. Le frère de -<span class="pagenum"><a id="Page_LXXXIV"> LXXXIV</a></span> -Joostes m'offre une bouteille de vin, et la corporation des peintres deux. -Après avoir passé devant Erfeld et Rudisheim, nous arrivons à Erenfels. -Là je montre mon passavant, mais on exige deux florins d'or qu'on -promet de me rendre si dans les deux mois je rapporte une lettre -d'exemption. Nous arrivons à Bacharach où je dois également m'engager -à acquitter les droits dans les deux mois ou à présenter une exemption.</p> - -<p>A Caub, on ne me laisse passer que sous les mêmes conditions.</p> - -<p>A Saint-Goar, le percepteur me demande où j'ai acquitté les droits; -je me contente de lui répondre que je n'ai pas d'argent à lui donner.</p> - -<p>A Bopart, la douane de Trèves ne me laisse passer sur la vue de ma -lettre de transit que lorsque j'ai déclaré, écrit et signé que je n'ai avec -moi aucune espèce de marchandise. De là, nous nous rendons à -Lahnstein où je montre mon passavant; non-seulement le percepteur me -laisse passer, mais il me prie de le recommander au seigneur de Mayence -et il me fait cadeau d'une bouteille de vin; il connaît beaucoup ma -femme, et il désirait me voir depuis longtemps.</p> - -<p>A Engers, ma lettre de transit suffit pour me donner passage. Cette -place appartient au duché de Trèves.</p> - -<p>A Andernach, je dépense onze hellers, et je quitte cette ville le jour -de la Saint-Jacques pour me rendre à Bonn. De là, je vais à Cologne; -nous avons dépensé neuf sous dans le bateau, un sou quatre deniers -pour des fruits et du charbon, sept sous pour le déchargement, et quatorze -hellers pour les domestiques des bateliers. Je fais cadeau à mon -cousin Nicolas<a id="FNanchor_36" href="#Footnote_36" class="fnanchor"> [36]</a> de ma redingote doublée et bordée de velours; je donne -un florin à sa femme. Jérôme Fugger, Jean Ghrosserpeck et mon cousin -me régalent de vin. Je dîne au couvent des Chartreux, où un frère -m'offre un coupon de drap. M. Jean Ghrosserpeck me fait cadeau de -douze mesures de vin fin. Je dépense cependant à Cologne deux florins -quatorze sous, plus trois sous pour des fruits, un sou de pourboire, et un -sou pour le messager.</p> - -<p>Le jour de la Saint-Pantaléon, nous partons pour Postorff où nous -passons la nuit pour trois sous. Le dimanche, nous dînons à Rodingen. -Le lendemain, de bonne heure, nous quittons Freendorf pour nous rendre -à la petite ville de Sangelt, nous dînons dans un village nommé Systerkylen -pour deux sous et deux hellers. Nous passons par Sittard, jolie -petite ville, pour nous rendre à Starkem, un endroit charmant où nous -descendons dans une excellente auberge. Nous mangeons fort bien, nous -<span class="pagenumh"><a id="Page_LXXXV"> LXXXV</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_LXXXVI"> LXXXVI</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_LXXXVII"> LXXXVII</a></span> -nous couchons dans un bon lit, et la dépense ne s'élève pas à plus de -quatre sous.</p> - -<p>Le vendredi matin, nous passons la Meuse et faisons notre entrée à -Marten Lewbehrn; je donne un sou pour un jeune poulet. De là, nous -partons pour Stoffer, et, le mercredi, nous sommes à Merpeck où, pour -trois sous, j'achète du pain et du vin. En passant par Brantenmuhl et -Culenberg, nous arrivons le mardi matin à La Croix où, pour trois sous -deux deniers, on nous sert un assez bon repas.</p> - -<p>Nous prenons le chemin d'Anvers<a id="FNanchor_37" href="#Footnote_37" class="fnanchor"> [37]</a>. Aussitôt arrivé, je me rends à -l'auberge de Joost Plankfeld. Le même soir, le factor Bernard Stecher me -donne un souper splendide; ma femme reste à l'auberge, et je donne -trois florins au voiturier.</p> - -<p>Le samedi après la Saint-Pierre-aux-Liens, mon hôte me mène chez -le bourgmestre d'Anvers<a id="FNanchor_38" href="#Footnote_38" class="fnanchor"> [38]</a>; sa maison<a id="FNanchor_39" href="#Footnote_39" class="fnanchor"> [39]</a> est grande et bien distribuée, avec -des chambres très-vastes et très-belles. Elle est flanquée d'une tour précieusement -travaillée et entourée d'immenses jardins; en somme, c'est -une demeure princière. Je n'ai pas vu sa pareille dans toute l'Allemagne. -Une grande rue toute neuve donne accès de deux côtés à cette -maison, qu'il a fait bâtir ainsi à sa fantaisie.</p> - -<p>Le dimanche, jour de la Saint-Oswald, les peintres m'invitent dans -leur cercle avec ma femme et ma servante. Nous mangeons un excellent -dîner, dans un service complet d'argent. Toutes les femmes des peintres -sont là; et, lorsque l'on me mène à ma place, l'assemblée entière, -debout, fait la haie comme si j'étais un grand seigneur. Il y a à ce banquet -des personnages très-considérables qui se courbent devant moi et me -font mille politesses, me disant qu'ils veulent tout faire pour m'être -agréable. Lorsque je suis assis, le pensionnaire du Conseil d'Anvers -vient à moi avec deux valets et me fait présent, de la part de ces messieurs -de la ville, de quatre pots de vin, en me disant qu'ils veulent -m'honorer par là et me témoigner leur estime. Je le prie de leur transmettre -mes remercîments, et lui offre mes très-humbles services.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_LXXXVIII"> LXXXVIII</a></span> -Après lui vient maître Pierre<a id="FNanchor_40" href="#Footnote_40" class="fnanchor"> [40]</a>, qui me présente, avec ses hommages, -deux autres pots de vin. Après avoir passé gaiement à table une grande -partie de la nuit, on me reconduit aux flambeaux, en me faisant mille -et mille démonstrations amicales. Je remercie chaudement, et vais me -mettre au lit.</p> - -<p>Je suis allé voir Quentin Metsys<a id="FNanchor_41" href="#Footnote_41" class="fnanchor"> [41]</a> dans sa maison<a id="FNanchor_42" href="#Footnote_42" class="fnanchor"> [42]</a>.</p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_089.jpg" width="350" height="278" alt="" /> -</div> - -<p>J'ai aussi visité les trois grandes places de tir<a id="FNanchor_43" href="#Footnote_43" class="fnanchor"> [43]</a>. Je fais un excellent -dîner chez Haber et un autre chez le consul de Portugal, dont je dessine -le portrait. Je fais aussi le portrait de mon hôte Joost Planckfeld, qui -m'offre une branche de corail. Je donne deux sous pour du beurre, et -la même somme aux charpentiers des peintres. Mon hôte me mène -dans l'atelier où les peintres pensionnés par la ville d'Anvers travaillent -aux arcs de triomphe qui seront élevés sur le passage du roi Charles V<a id="FNanchor_44" href="#Footnote_44" class="fnanchor"> [44]</a>. -Il n'y en aura pas moins de quatre cents, de quarante pieds de long -chacun; ils régneront des deux côtés des rues, seront bien peints et -<span class="pagenumh"><a id="Page_LXXXIX"> LXXXIX</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_XC"> XC</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_XCI"> XCI</a></span> -auront deux étages, sur lesquels on donnera des représentations allégoriques. -La menuiserie et la peinture coûteront ensemble quatre cents -florins. Cette décoration sera d'un bel effet.</p> - -<p>Je dîne de nouveau chez le consul de Portugal et chez Alexandre<a id="FNanchor_45" href="#Footnote_45" class="fnanchor"> [45]</a>.</p> - -<p>Sebald Fischer m'achète seize petits dessins de la Passion<a id="FNanchor_46" href="#Footnote_46" class="fnanchor"> [46]</a> pour -quatre florins; trente-deux grands livres pour huit florins; six gravures -de la Passion<a id="FNanchor_47" href="#Footnote_47" class="fnanchor"> [47]</a> pour trois florins; vingt demi-feuilles, différents sujets, -l'un parmi l'autre, un florin; il m'en prend pour trois florins. Je vends -aussi des quarts de feuille pour cinq florins et demi, plus huit grandes -feuilles pour un florin.</p> - -<p>J'avais remis à mon hôte une figure de la Vierge peinte sur toile; il -l'a vendue pour mon compte deux florins du Rhin.</p> - -<p>Je fais le portrait de Félix, le joueur de luth<a id="FNanchor_48" href="#Footnote_48" class="fnanchor"> [48]</a>. Je dépense deux sous -pour de la bière et du pain, deux sous pour un bain, et quatorze sous -pour trois petits panneaux.</p> - -<p>Je dîne chez l'orfévre Alexandre, et aussi chez Félix.</p> - -<p>Maître Joachim<a id="FNanchor_49" href="#Footnote_49" class="fnanchor"> [49]</a> a dîné chez moi hier, ainsi que son élève. Pour -les peintres, je fais en demi-teinte un écusson; j'accepte un florin -pour les débours. Je donne mes quatre nouvelles pièces à Pierre Wolfgang, -et à Joachim des dessins pour la valeur d'un florin, parce qu'il m'a -prêté son domestique et ses couleurs; du reste, j'avais retenu son -domestique à dîner, et je lui avais donné pour trois sous de dessins. -<span class="pagenum"><a id="Page_XCII"> XCII</a></span> -J'envoie à l'orfévre Alexandre quatre nouvelles pièces. Je fais au fusain -les portraits du Génois Tommaso Florianus, de Romanus, qui est de Lucques, -et des deux frères de Tommaso, Vincent et Gérard, tous trois de la -famille des Pombelli. Je dîne douze fois chez Tommaso.</p> - -<p>Le trésorier me donne une tête d'enfant peinte sur toile, et une arme -en bois de Calcutta. Tommaso me fait cadeau d'un chapeau de paille. Je -dîne chez le consul de Portugal, et l'un des frères de Tommaso me fait -accepter des gravures pour la valeur de trois florins.</p> - -<p>Érasme<a id="FNanchor_50" href="#Footnote_50" class="fnanchor"> [50]</a> m'offre un manteau espagnol, et trois dessins représentant -des portraits d'hommes. Je reçois du frère de Tommaso une paire de -gants, et je fais un deuxième portrait de Vincent. Je donne à maître -Augustin Lumbarth<a id="FNanchor_51" href="#Footnote_51" class="fnanchor"> [51]</a> les deux parties des <i>imagines cœli</i><a id="FNanchor_52" href="#Footnote_52" class="fnanchor"> [52]</a>. Je dessine le -portrait d'Opiius au nez tordu. Ma femme et ma servante Susanne ont -dîné chez Tommaso.</p> - -<p>Notre-Dame d'Anvers est très-grande. On y dit plusieurs messes à la -fois sans produire de confusion; ses autels ont de riches fondations. -Les meilleurs musiciens y sont attachés; l'église possède plusieurs ornements -et sculptures remarquables, ainsi qu'une jolie tour.</p> - -<p>J'ai visité la riche abbaye de Saint-Michel, dont le chœur est garni de -beaux fauteuils taillés dans la pierre.</p> - -<p>A Anvers, quand il s'agit d'art, on ne se laisse pas arrêter par les -frais, car l'argent n'y est pas rare.</p> - -<p>Je fais le portrait de Nicolas<a id="FNanchor_53" href="#Footnote_53" class="fnanchor"> [53]</a>, astronome du roi d'Angleterre; c'est -un Allemand né à Munich, qui m'a été fort utile dans diverses circonstances.</p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_097.jpg" width="300" height="381" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="small"><span class="i6">ALBERT-DURER P.</span><br /> -<span class="i6">AH CABASSON D.</span><br /> -<span class="i6">CH-JARDIN SC.</span></p> -</div></div> - -<p>Hans Pfaffroth me donne un florin de Philippe pour son portrait que -j'ai dessiné. Je dîne de nouveau chez Tommaso; le beau-frère de mon -hôte m'a invité avec ma femme. Je change deux mauvais florins contre -vingt-quatre sous. Je donne un sou à quelqu'un qui me montre un -tableau. Le dimanche après l'Assomption, j'ai vu la grande procession -de Notre-Dame d'Anvers; c'est un spectacle féerique; toutes les corporations -<span class="pagenum"><a id="Page_XCIII"> XCIII</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_XCIV"> XCIV</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_XCV"> XCV</a></span> -et tous les métiers habillés somptueusement étaient présents. -Chaque profession et chaque gilde avaient ses attributs particuliers, -quelques personnes portaient d'énormes cierges et de longues trompettes -antiques en argent massif. Il y avait un grand nombre de joueurs de flûte -et de tambour vêtus à l'allemande qui, avec leurs instruments, faisaient -un terrible vacarme, je les ai aperçus qui circulaient dans les rues par -bandes séparées. Voici dans quel ordre on marchait: les orfévres, les -peintres, les sculpteurs, les brodeurs sur soie, les statuaires, les menuisiers, -les charpentiers, les bateliers, les pêcheurs, les maçons, les tanneurs, -les teinturiers, les boulangers, les tailleurs, les cordonniers et -divers autres métiers. Il y avait aussi un grand nombre d'hommes de -peine et de négociants, des boutiquiers et des marchands de toute espèce -avec leurs commis. Après ceux-là venaient les tireurs avec leur carabine, -leur arc ou leur arbalète, des cavaliers et des fantassins, la garde des -fonctionnaires, et enfin une troupe très-belle qui était précédée de tous -les ordres représentés par des gens costumés d'une façon spéciale. J'ai -remarqué aussi dans cette procession une troupe de veuves qui vivent de -leur travail et suivent une règle claustrale; elles sont couvertes des pieds -à la tête de longs vêtements de toile blanche, c'est très-curieux à voir;—parmi -ces femmes il y a des personnes fort distinguées. On y remarquait -aussi le chapitre de Notre-Dame, une masse de prêtres, d'écoliers -et de boursiers qui fermaient la marche. Vingt personnes portaient -les images de la Vierge et de l'enfant Jésus splendidement ornées. Pour -cette procession on avait construit à grands frais des objets très-remarquables, -c'est-à-dire un grand nombre de chars et quantité de bateaux -mobiles sur lesquels on représente des scènes de tout genre. J'ai remarqué -les allégories suivantes: l'ordre des Prophètes, le Nouveau Testament, -la salutation de l'Ange, les trois rois Mages sur des chameaux et -d'autres animaux rares fort curieusement costumés, la fuite en Égypte -et beaucoup d'autres choses que je passe pour abréger. Enfin venait un -grand dragon conduit en laisse par sainte Marguerite et ses vierges qui -étaient extrêmement jolies, puis saint Georges, un fort beau garçon et -ses pages; un grand nombre de jeunes gens et de jeunes filles costumés -de différentes façons représentaient des saints et des saintes.</p> - -<p>Cette procession mit deux heures pour défiler devant notre maison, et -elle présentait trop de particularités pour pouvoir être relatées toutes ici<a id="FNanchor_54" href="#Footnote_54" class="fnanchor"> [54]</a>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_XCVI"> XCVI</a></span> -J'ai été dans la maison que Focker s'est fait construire<a id="FNanchor_55" href="#Footnote_55" class="fnanchor"> [55]</a> récemment, -elle est fort belle, flanquée d'une jolie tour et entourée de jardins immenses. -J'ai surtout admiré ses magnifiques écuries.</p> - -<p>Tommaso a donné à ma femme quatorze aunes de gros damas d'Arras -pour s'en faire une robe, et de plus, deux aunes et demie de demi-satin -pour la doublure. J'ai fait, à la demande des orfévres, une esquisse d'une -couronne pour la tête de Notre-Dame. Le consul de Portugal m'a offert -dans son hôtel<a id="FNanchor_56" href="#Footnote_56" class="fnanchor"> [56]</a> des vins de France et de Portugal. Roderigo<a id="FNanchor_57" href="#Footnote_57" class="fnanchor"> [57]</a> m'a -donné un petit tonneau de sucreries de toute sorte, où se trouvent une -boîte de sucre candi, deux plats de sucrerie fine, des massepains et même -quelques cannes à sucre, telles qu'elles croissent naturellement. J'ai gratifié -son domestique d'un florin et changé un mauvais florin contre douze -sous.</p> - -<p>Les colonnes de l'église paroissiale du couvent de Saint-Michel sont -toutes faites d'un seul morceau de belle pierre noire.</p> - -<p>Je donne à M. Gilgen, chambellan du roi Charles, et à maître Conrad<a id="FNanchor_58" href="#Footnote_58" class="fnanchor"> [58]</a>, -excellent sculpteur qui est au service de M<sup>me</sup> Marguerite, fille de -l'empereur Maximilien, les objets suivants:</p> - -<p>Saint Jérôme en prière<a id="FNanchor_59" href="#Footnote_59" class="fnanchor"> [59]</a>, la Mélancolie<a id="FNanchor_60" href="#Footnote_60" class="fnanchor"> [60]</a>, trois nouvelles Marie, saint -<span class="pagenum"><a id="Page_XCVII"> XCVII</a></span> -Antoine<a id="FNanchor_61" href="#Footnote_61" class="fnanchor"> [61]</a> et sainte Véronique<a id="FNanchor_62" href="#Footnote_62" class="fnanchor"> [62]</a>; de plus, à maître Gilgen un saint Eustache<a id="FNanchor_63" href="#Footnote_63" class="fnanchor"> [63]</a> -et une Némésis<a id="FNanchor_64" href="#Footnote_64" class="fnanchor"> [64]</a>.</p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_101.jpg" width="250" height="385" alt="" /> -</div> - -<p>Le dimanche qui précède la Saint-Barthélemy je devais déjà à mon -hôte sept florins vingt sous et un heller.</p> - -<p>Mon salon, ma chambre à coucher et la literie me reviennent à onze -florins par mois.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_XCVIII"> XCVIII</a></span> -Le 27 du mois d'août, qui est le lundi qui suit la Saint-Barthélemy, -je fais un nouveau contrat par lequel je dois payer deux sous par repas, -y compris la boisson; ma femme et ma servante feront la cuisine et mangeront -dans leur chambre. J'offre au facteur de Portugal un petit bois -représentant un enfant, Adam et Ève<a id="FNanchor_65" href="#Footnote_65" class="fnanchor"> [65]</a>, saint Jérôme en prière, Hercule, -saint Eustache, la Mélancolie et une Némésis, puis sur demi-feuilles trois -nouvelles figures de la Vierge, Véronique, saint Antoine, la Nativité<a id="FNanchor_66" href="#Footnote_66" class="fnanchor"> [66]</a> et -le Crucifix<a id="FNanchor_67" href="#Footnote_67" class="fnanchor"> [67]</a>; mes meilleurs dessins sur quart de feuilles (huit pièces), les -trois livres de la vie de Notre-Dame, l'Apocalypse, la grande Passion, la -petite Passion et la Passion sur cuivre.</p> - -<p>Tout cela vaut bien cinq florins.</p> - -<p>Je fais le même cadeau au Portugais Rodrigo qui a donné à ma femme -un petit perroquet vert. Le dimanche après la Saint-Barthélemy je pars -d'Anvers avec M. Tommassin pour aller à Malines, où nous passons la -nuit.</p> - -<p>J'invite à dîner un peintre et maître Conrad, l'excellent sculpteur de -M<sup>me</sup> Marguerite. De Malines, en passant par Vilvorde, nous nous rendons -à Bruxelles où nous arrivons le lundi 3 septembre. Je donne trois sous -au messager. Je dîne avec ces messieurs de Bruxelles, et une autre fois -avec M. Bonisius<a id="FNanchor_68" href="#Footnote_68" class="fnanchor"> [68]</a>, à qui j'offre une Passion en cuivre. Je remets au -margrave Hans la lettre de recommandation de l'évêque de Bamberg, -plus une Passion en cuivre. Je dîne une seule fois avec ces messieurs de -Nuremberg.</p> - -<p>Dans la chambre d'or du conseil de Bruxelles j'ai pu admirer quatre -tableaux du grand peintre Rudier<a id="FNanchor_69" href="#Footnote_69" class="fnanchor"> [69]</a>. Derrière le palais du roi, j'ai vu les -<span class="pagenum"><a id="Page_XCIX"> XCIX</a></span> -fontaines, le labyrinthe et le jardin zoologique, toutes choses si belles -que je n'en avais jamais contemplé de pareilles; je me croyais en paradis.</p> - -<p>La maison du conseil à Bruxelles est magnifique et fort grande, bâtie -en belles pierres, avec une superbe tour découpée à jour. A Bruxelles, -j'ai fait à la lueur de la chandelle trois portraits, celui de maître Conrad -qui était mon hôte, celui du fils du docteur Lampaters et celui de mon -hôtesse.</p> - -<p>J'ai vu parmi les curiosités qu'on a apportées au roi du nouveau pays -de l'or<a id="FNanchor_70" href="#Footnote_70" class="fnanchor"> [70]</a>, un soleil d'or de la grandeur d'une brasse et une lune d'argent -de la même dimension. J'ai admiré deux chambres pleines de toutes -espèces de curiosités venant du même endroit, des armes, des harnais, -des engins de guerre, des habillements fort bizarres, des literies et bien -d'autres choses encore à l'usage des gens de ce pays-là. Il est à remarquer -que tous ces objets sont infiniment plus beaux et plus riches que ce -que nous trouvons chez nous. Ils sont tellement précieux qu'on les -évalue à cent mille florins. J'avoue que jamais rien n'a excité autant ma -curiosité que ces produits extraordinaires qui prouvent combien les habitants -de ces contrées lointaines ont l'esprit ingénieux et inventif.</p> - -<p>A Bruxelles, j'ai vu bien d'autres belles choses, et spécialement une -gigantesque arête de poisson, qui paraît construite en pierres de taille. -Cette arête a une brasse de largeur et pèse environ quinze quintaux. Sa -forme est à peu près celle-ci:</p> - -<p>(Le dessin n'est pas dans le manuscrit.)</p> - -<p>Cette arête se trouve derrière la tête du poisson.</p> - -<p>J'ai visité l'hôtel de Nassau; c'est un splendide bâtiment, luxueusement -décoré.</p> - -<p>J'ai dîné encore deux fois avec ces messieurs de Bruxelles. M<sup>me</sup> Marguerite -de Flandre m'a envoyé chercher et m'a promis de me recommander -<span class="pagenum"><a id="Page_C"> C</a></span> -au roi Charles. Elle a été avec moi d'une grâce charmante. Je lui -ai offert ma Passion sur cuivre. J'ai fait le même cadeau à son trésorier -Jean Marini, et, de plus, j'ai dessiné son portrait. J'ai donné deux sous -pour un anneau de buffle, et deux sous pour faire ouvrir le tableau de -l'autel de Saint-Luc.</p> - -<p>Lors de ma visite à l'hôtel de Nassau, j'ai vu dans la chapelle la belle -peinture de maître Hugo<a id="FNanchor_71" href="#Footnote_71" class="fnanchor"> [71]</a>. J'ai remarqué aussi deux belles salles et tous -les objets précieux qui sont dispersés dans l'hôtel; enfin l'immense lit -qui peut contenir cinquante personnes. J'ai examiné avec attention le -quartier de roc que l'orage a jeté aux pieds du seigneur de Nassau. Cet -hôtel est situé sur une hauteur et jouit d'une vue admirable qui, je crois, -n'a pas sa pareille dans l'Allemagne entière. Maître Bernard<a id="FNanchor_72" href="#Footnote_72" class="fnanchor"> [72]</a>, le peintre, -m'a invité à sa table et m'a fait servir un dîner si recherché, qu'à mon -avis il ne doit pas en avoir été quitte pour dix florins. Pour me tenir -compagnie, le trésorier de dame Marguerite, l'intendant de la cour -Meteni, et le trésorier de la ville Pufladis, s'étaient fait inviter à ce dîner. -J'ai donné à Pufladis une Passion sur cuivre, et il m'a remis en échange -une bourse espagnole noire de la valeur de trois florins. J'ai envoyé une -Passion sur cuivre à Érasme de Rotterdam. J'ai fait le même cadeau à -Érasme, le secrétaire de Bonisius. L'Anversois qui m'a donné une tête -d'enfant s'appelle Laurent Sterk<a id="FNanchor_73" href="#Footnote_73" class="fnanchor"> [73]</a>. J'ai dessiné le portrait de maître Bernard, -le peintre de dame Marguerite, et j'ai recommencé celui d'Érasme -de Rotterdam<a id="FNanchor_74" href="#Footnote_74" class="fnanchor"> [74]</a>. J'ai offert à Laurent Sterk un saint Jérôme assis et la -Mélancolie.</p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_105.jpg" width="250" height="408" alt="" /> -</div> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_CI"> CI</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_CII"> CII</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_CIII"> CIII</a></span> -Six personnes de Bruxelles, dont j'ai fait le portrait, ne m'ont rien -donné.</p> - -<p>J'ai acheté deux cornes de bœuf pour trois sous, et deux uilenspiegels<a id="FNanchor_75" href="#Footnote_75" class="fnanchor"> [75]</a> -pour un sou.</p> - -<p>Le dimanche après la Saint-Gilgen, je prends congé de Hans Ebner<a id="FNanchor_76" href="#Footnote_76" class="fnanchor"> [76]</a>. -Il ne veut rien recevoir de Hans Gender pour les sept jours que j'ai passés -chez lui. Je donne un sou à son domestique, et nous partons, M. Tommaso -et moi, pour Malines. Le soir, je dîne avec M<sup>me</sup> de Nieuwkerk, et le lundi -de bonne heure je retourne à Anvers.</p> - -<p>Je déjeune le matin avec le facteur de Portugal, qui me donne trois -Porzolana<a id="FNanchor_77" href="#Footnote_77" class="fnanchor"> [77]</a>, et Roderigo me prie d'accepter quelques objets en plumes -venant de Calcutta. J'achète pour Susanne une cape de deux florins dix -sous. Pendant mon absence, ma femme a dépensé quatre florins rhénans -pour un lessivage, un soufflet, une terrine, des pantoufles, du bois, -des bas, une cage de perroquet, deux gobelets et des pourboires; ses -repas, sa boisson, et d'autres choses de première nécessité, ont en outre -coûté vingt et un sous.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_CIV"> CIV</a></span> -Le lundi après la Saint-Égide, je rentre chez mon hôte Joost Plankfeld -et j'y dîne seize fois. Je donne au domestique de Nicolas Tommaso un -sou pour lui et six sous pour un cadre. Mon hôte me fait cadeau d'une -poule indienne et d'un fouet turc. Je dîne treize fois chez Tommaso. Les -seigneurs de Rogendorf m'invitent à dîner. J'accepte leur invitation et je -peins en grand leur écusson sur bois, pour qu'on pût le graver. Je -dépense un sou, et ma femme change un florin contre vingt-quatre sous. -Je dîne un jour avec Jacob Rechlinger dans la maison de Ficker, et, une -autre fois, avec toute la famille.</p> - -<p>Je donne à Guillaume Havenhüth, le valet de pied du duc comte -palatin Frédéric, un saint Jérôme sur cuivre et les deux demi-feuilles -représentant Marie et saint Antoine; à Jacques Bonisius, une bonne -figure de sainte Véronique, un saint Eustache, la Mélancolie, saint Jérôme -assis, saint Antoine, les deux nouvelles Vierges et le Nouveau paysan; à -son secrétaire Érasme, qui a remis ma pétition, un saint Jérôme assis, la -Mélancolie, saint Antoine et les deux nouvelles Vierges, le tout d'une -valeur de sept florins. J'offre à l'orfévre Merx une Passion sur cuivre, -et je lui vends des gravures pour trois florins; je vends, d'un autre -côté, pour trois florins vingt sous d'objets d'art. Je donne au peintre -sur verre Honig quatre petites pièces sur cuivre. Je dîne trois fois chez -Bonisius. J'achète du fusain et du crayon noir pour quatre sous, du bois -pour un florin huit sous, et trois sous disparaissent sans que je puisse -dire où ils sont passés. Je dîne dix fois chez ces messieurs de Nuremberg.</p> - -<p>Maître Diderik, peintre sur verre, m'envoie de la couleur rouge que -l'on trouve à Anvers dans les briques nouvellement cuites. Je dessine le -portrait de maître Jacques de Lubeck. Il donne un florin de Philippe à -ma femme. Je le change pour avoir de la monnaie. J'offre à dame Marguerite -un saint Jérôme assis sur cuivre, je vends une Passion sur bois -pour douze sous, et un Adam et Ève pour quatre sous. Félix, le joueur -de luth, achète tout mon œuvre sur cuivre, ma Passion sur bois, ma -Passion sur cuivre, deux demi-feuilles, deux quarts de feuilles, pour huit -florins d'or. Je fais le portrait de Bonisius. Rodrigo m'envoie de nouveau -un perroquet; je donne deux sous de pourboire à son domestique. -Je fais présent au joueur de trompette Jean Van den Winkel d'une -petite Passion sur bois, d'un saint Jérôme en prière et d'une Mélancolie.</p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_109.jpg" width="250" height="359" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="small"><span class="i6">ALBERT DURER. P.</span><br /> -<span class="i6">PERUGINI. D.</span><br /> -<span class="i6">TAMISIER. SC.</span></p> -</div></div> - -<p>J'achète une paire de souliers pour six sous et une verge de mer -pour cinq sous; Georges Schlautersbach m'en avait donné une qui valait -<span class="pagenum"><a id="Page_CV"> CV</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_CVI"> CVI</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_CVII"> CVII</a></span> -six sous. Je dîne une fois avec l'agent des Focker, Wolf-Haller<a id="FNanchor_78" href="#Footnote_78" class="fnanchor"> [78]</a>, à l'occasion -d'une invitation qu'il avait faite à messeigneurs de Nuremberg. Je -dîne avec ma femme, et je donne un sou au garçon de Hans Deners. Je -vends pour cent sous d'objets d'art. Je fais le portrait de maître -Jacques<a id="FNanchor_79" href="#Footnote_79" class="fnanchor"> [79]</a>, le peintre des Van Rogendorf. Comme j'ai dessiné sur bois -l'écusson des Van Rogendorf<a id="FNanchor_80" href="#Footnote_80" class="fnanchor"> [80]</a>, on me donne pour ma peine sept aunes -de velours. Je dessine au fusain le portrait de Jararott Pruk pour un -florin. Je dîne chez le facteur de Portugal. A Hans Schwarz<a id="FNanchor_81" href="#Footnote_81" class="fnanchor"> [81]</a>, je paye -deux florins d'or pour mon portrait; je les lui envoie à Augsbourg par l'entremise -des Focker dans une lettre. J'achète une chemise de laine rouge -pour trente et un sous, de la couleur rouge que l'on trouve dans les briques -nouvellement cuites pour deux sous, et une corne de bœuf pour neuf sous. -Je dessine le portrait d'un Espagnol; je dîne avec ma femme; je donne -deux sous pour mille pierres à feu, et trois sous pour deux tasses pareilles -à celles que Félix et maître Jacques de Lubeck ont données à ma femme. -Je dîne chez Rogendorf et donne un sou pour une brochure relatant -l'entrée triomphale du roi à Anvers<a id="FNanchor_82" href="#Footnote_82" class="fnanchor"> [82]</a>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_CVIII"> CVIII</a></span> -Les portes étaient garnies de représentations allégoriques et de jeunes -filles presque nues; j'en ai vu rarement d'aussi belles<a id="FNanchor_83" href="#Footnote_83" class="fnanchor"> [83]</a>. J'ai changé un -florin pour avoir de la monnaie. A Anvers, on m'a montré plusieurs ossements -du géant<a id="FNanchor_84" href="#Footnote_84" class="fnanchor"> [84]</a>. L'os de la cuisse a quatre pieds et demi de long, et est -extrêmement lourd. Son omoplate est plus grande que le dos entier -d'une grande personne. Ce géant a eu dix-huit pieds de hauteur; il a -gouverné Anvers, et y a fait plusieurs choses surprenantes. Ces messieurs -de la ville ont beaucoup écrit sur lui dans un gros livre<a id="FNanchor_85" href="#Footnote_85" class="fnanchor"> [85]</a>.</p> - -<p>L'école de Raphaël d'Urbin s'est considérablement amoindrie après -la mort de ce grand homme. Un de ses élèves, Thomas Polonius<a id="FNanchor_86" href="#Footnote_86" class="fnanchor"> [86]</a>, bon -peintre, a désiré me voir; il est venu chez moi et m'a fait cadeau d'une -bague en or antique, ornée d'un beau camée d'une valeur de cinq florins, -et dont on m'a déjà offert le double. En retour, je lui ai donné pour six -florins de mes meilleures gravures. Je dépense trois sous pour un -<i>calacut</i>, un sou pour un messager, et trois sous avec des camarades.</p> - -<p>J'ai offert à dame Marguerite, sœur du roi Charles, un exemplaire de -mon œuvre gravé; j'ai fait aussi pour elle, avec un grand soin, deux -dessins sur parchemin, que j'évalue à trente florins; et, pour son -médecin, le plan d'une maison qu'il veut bâtir. Je ne voudrais pas -<span class="pagenum"><a id="Page_CIX"> CIX</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_CX"> CX</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_CXI"> CXI</a></span> -refaire ce dessin à moins de dix florins. Je donne à Nicolas Ziegler un -Christ mort qui vaut trois florins, et au facteur de Portugal une tête -d'enfant peinte, que je vendrais bien un florin.</p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_113.jpg" width="275" height="385" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="small"><span class="i6">MARTIN. D.</span><br /> -<span class="i6">SOTAIMS</span></p> -</div></div> - -<p>J'achète une corne de buffle pour dix sous, une patte d'élan pour un -florin d'or.</p> - -<p>J'ai fait le portrait de maître Adrien au crayon, et celui de Wolf -Rogendorf au poinçon. J'ai dépensé deux sous pour des condamnations -et des dialogues, et j'ai donné à maître Adrien des œuvres d'art pour une -valeur de deux florins. On m'a vendu un seul crayon rouge un sou. J'ai -peint le portrait d'une dame noble dans la maison de Tommaso. J'ai -offert à Nicolas un saint Jérôme en prière et les deux nouvelles Vierges.</p> - -<p>Le lundi après la Saint-Michel, je donne à Thomas Polonius tout -mon œuvre gravé. Par l'entremise d'un peintre, il doit être envoyé à -Rome, et l'on me promet en échange des dessins de Raphaël.</p> - -<p>Je dîne avec ma femme, et je dépense trois sous pour la régaler.</p> - -<p>Polonius a fait mon portrait<a id="FNanchor_87" href="#Footnote_87" class="fnanchor"> [87]</a> pour l'emporter à Rome. Je change -une couronne et garde onze florins pour mes besoins. Je donne neuf sous -pour du bois, et vingt sous pour porter ma malle à la barque de Bruges.</p> - -<p>A Bruges, je dessine le portrait d'une femme qui me le paye un florin. -Je fais de grandes dépenses: un sou pour du vernis, un sou pour de la -couleur, treize sous pour des fourrures, un sou pour du cuir, et deux -sous pour deux écailles de moule. Dans la maison de Jean Gabriel, je -peins le portrait d'un Italien pour deux florins d'or. J'achète un sac de -voyage deux florins et quatre sous.</p> - -<p>Le jeudi après la Saint-Michel, je pars pour Aix-la-Chapelle. Je -prends avec moi un florin et un noble, et j'arrive le dimanche à Aix-la-Chapelle -après avoir passé par Maëstricht et par Gulpen. Jusqu'à présent -mon voyage, tout compris, m'a coûté trois florins.</p> - -<p>A Aix-la-Chapelle, je vois les colonnes que Charles a fait venir de -Rome, et qui sont ornées de chapiteaux de porphyre rouge et vert. Elles -sont faites très-artistement d'après Vitruve. Je peins deux fois le portrait -de Hans Ebner<a id="FNanchor_88" href="#Footnote_88" class="fnanchor"> [88]</a>, et je dessine au fusain ceux de Georges Schlaudersbach, -<span class="pagenum"><a id="Page_CXII"> CXII</a></span> -du jeune Christophe Groland et de mon hôte Pierre Van Enden. Je donne -deux sous pour une pierre à aiguiser, cinq sous pour un bain et deux -deniers au domestique de la ville qui m'a conduit à la salle du Conseil; -je paye pour cinq deniers de boisson à des camarades, et je perds sept -sous au jeu avec Hans Ebner. Je dessine dans mon album les portraits de -Paulus Topler et de Martin Pfinzing.</p> - -<p>Je vois à Aix-la-Chapelle le bras de l'empereur Henri, la chemise de la -vierge Marie et d'autres reliques. Je dessine l'église de Notre-Dame, et je -fais le portrait de Sturm<a id="FNanchor_89" href="#Footnote_89" class="fnanchor"> [89]</a>. Je dessine le portrait des sœurs de Kopffinger, -une fois au charbon et une fois au crayon noir. Je donne dix sous -pour une grande corne de bœuf, et je perds trois sous au jeu. J'offre à la -fille de Tomasius une peinture de la Trinité d'une valeur de quatre florins, -et je dépense un sou pour du cirage, trois sous pour un bain, huit -sous pour une corne de buffle, et deux sous pour une ceinture.</p> - -<p>Le 23 octobre, j'assiste au couronnement du roi Charles à Aix-la-Chapelle; -c'est si beau et si riche, que de la vie je n'ai vu pareil spectacle, -et que je renonce à le décrire. Je donne à Mathias pour onze florins -de mes gravures et trois pièces à Stéphan, chambellan de dame Marguerite. -J'achète un chapelet de bois de cèdre pour dix sous, et je perds trois -demi-sous au jeu. Je donne deux sous au barbier et quatre sous pour -deux verres de lunettes; je perds encore une pièce blanche au jeu.</p> - -<p>Le vendredi qui précède la fête de Simon et Judas, je me rends -à Louvain, laissant sept sous de pourboire dans la maison de mon hôte; -je visite l'église où est la tête de sainte Anne.</p> - -<p>Le dimanche, nous arrivons à Cologne.</p> - -<p>A Bruxelles, j'ai été hébergé complétement par ces messieurs de -Nuremberg, qui n'ont rien voulu accepter. A Aix-la-Chapelle, ils m'avaient -déjà rendu le même service pendant trois semaines; ils me conduisent -à Cologne, où ils me renouvellent le refus d'accepter la plus légère rétribution.</p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_117.jpg" width="400" height="253" alt="" /> -</div> - -<p>Je dépense cinq sous pour un traité de Luther, un sou pour la condamnation -de cet homme courageux, un sou pour un chapelet et deux -<span class="pagenum"><a id="Page_CXIII"> CXIII</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_CXIV"> CXIV</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_CXV"> CXV</a></span> -sous pour une ceinture. J'offre à Léonard Groland ma grande corne de -bœuf, et mon chapelet en bois de cèdre à Hans Ebner. J'achète une paire -de souliers pour six sous et une petite tête de mort pour deux sous. Je -donne un sou pour de la bière et du pain, deux sous au barbier, à Ziegler -Linhart des gravures pour deux florins, et deux sous à celui qui m'a -laissé voir le tableau de maître Stephanus<a id="FNanchor_90" href="#Footnote_90" class="fnanchor"> [90]</a>. Je dépense deux sous avec -des camarades et un sou pour un petit traité. Je fais le portrait de la -sœur de Gott-Schalken. Le dimanche soir après la Toussaint, je suis -encore à Cologne et j'assiste au bal<a id="FNanchor_91" href="#Footnote_91" class="fnanchor"> [91]</a> et au festin donnés par l'empereur -Charles; c'est fort beau. Je dessine l'écusson de Staber, et j'offre à un -jeune comte de Cologne une Mélancolie et au duc Frédéric ma nouvelle -Vierge. Je fais au charbon le portrait de Nicolas Haller et je donne deux -sous au portier, trois sous pour deux petits traités et dix sous pour une -corne de vache.</p> - -<p>A Cologne, je visite l'église de Sainte-Ursule ainsi que son tombeau; -je vois les statues des vierges et aussi celles des saints. Je dessine au -fusain le portrait de Forherwerger, et je donne à la femme de Nicolas -huit sous parce qu'elle m'a offert l'hospitalité.</p> - -<p>J'ai séjourné huit jours à Bruxelles, trois semaines à Aix, quatorze -jours à Cologne, et ces trois messieurs de l'ambassade de Nuremberg, -Léonard Groland, Hans Ebner et Nicolas Haller, m'ont constamment -hébergé. J'ai fait des portraits chez les nonnes pour sept sous et leur ai -offert trois demi-feuilles de gravures sur cuivre.</p> - -<p>Le lundi après la Saint-Martin, ces messieurs de l'ambassade de Nuremberg -m'apprennent qu'ils viennent d'obtenir pour moi le titre de -peintre de la cour de l'empereur Charles<a id="FNanchor_92" href="#Footnote_92" class="fnanchor"> [92]</a>.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_CXVI"> CXVI</a></span> -Dorfer m'invite une fois chez Staber et une autre fois chez le vieux -Wolfgang. Je dîne aussi chez mon cousin Nicolas; j'offre un florin à sa -femme, deux liards à sa petite fille, sept sous à la servante et un saint -Eustache à son domestique, car je leur ai donné beaucoup de mal à -tous.</p> - -<p>Le mercredi de la Saint-Martin, après avoir acheté une petite tête -de mort en ivoire pour un florin, et une paire de souliers pour sept -sous, je remonte de bonne heure le Rhin avec le bateau de Cologne; -nous arrivons à Zons, de là à Neus et puis à Stain, où nous passons la -nuit pour deux sous. Le lendemain, nous voyons Keizerswerth, Duisburg, -Orson et nous couchons à Rheinberg pour six sous. De là nous allons -à Wezel, à Rees, à Entmerich, à Thomas et enfin à Nimègue, où on nous -donne un mauvais lit pour quatre sous. Le lendemain, nous partons pour -Thiel, Pust et Entmerich, où je m'arrête un moment. J'y fais un bon dîner -pour trois sous. Je profite d'un grand coup de vent qui nous empêche de -continuer notre route pour dessiner le portrait d'un compagnon orfévre -d'Anvers, nommé Pierre Federmacher, une tête de femme et un croquis -d'après l'aubergiste.</p> - -<p>C'est seulement le dimanche que nous arrivons à Nimègue. Je donne -vingt sous au batelier.</p> - -<p>Nimègue est une jolie ville qui possède une belle église et un château -fort bien situé.</p> - -<p>A Thiel, sur le Waal, nous quittons le Rhin pour remonter la Meuse; -nous arrivons à Terveer, où il y a deux tours, nous y passons la nuit et je -dépense sept sous.</p> - -<p>Le vendredi matin, nous partons pour Bommel; là survient une furieuse -tempête qui nous oblige à louer pour un florin des chevaux de -paysan qui nous portent tant bien que mal à Bois-le-Duc. Bois-le-Duc -est une jolie ville qui renferme de belles et riches églises et qui est solidement -fortifiée. J'y dépense dix sous que maître Arnold<a id="FNanchor_93" href="#Footnote_93" class="fnanchor"> [93]</a> veut absolument -payer. Les orfévres de l'endroit viennent me voir et me font beaucoup de -politesses.</p> - -<p>Le jour de Notre-Dame, nous arrivons de bonne heure au magnifique -village d'Osterwyck, de là à Tilborg, où nous faisons un repas assez convenable, -<span class="pagenum"><a id="Page_CXVII"> CXVII</a></span> -et nous restons coucher à Baerle; mais comme mes compagnons -tombent en désaccord avec l'aubergiste, nous partons pour Hoogstraeten -après deux heures de repos. Arrivés à Harfth, nous déjeunons en face -de l'église Saint-Léonard pour quatre sous.</p> - -<p>Le jeudi après l'Assomption, je revois Anvers; je donne quinze sous -au voiturier et je vais me loger de nouveau chez Joost Planckfeld. Je dîne -trois fois avec lui et deux fois avec ma femme. Le premier portrait que -je fais est celui de Nicolas Sombalis.</p> - -<p>Pendant sept semaines qu'a duré mon voyage, ma femme et ma servante -ont dépensé sept couronnes pour le ménage et quatre florins pour -les menus objets. Je dépense quatre sous avec des camarades. Je dîne six -fois chez Tommaso.</p> - -<p>Le jour de la Saint-Martin, dans l'église de Notre-Dame, on coupe la -bourse de ma femme; elle valait un florin et contenait deux florins et -quelques clefs.</p> - -<p>Le soir de la Sainte-Catherine, je paye à Joost Planckfeld dix couronnes -d'or en à-compte de ce que je lui dois.</p> - -<p>Je dîne deux fois chez les Portugais. Rodrigue me fait cadeau de six -noix indiennes; je donne deux sous à son domestique, et dix-neuf sous -pour du parchemin. Je prends la monnaie de deux couronnes.</p> - -<p>Je vends les gravures suivantes: deux Adam et Ève, très-belles épreuves, -un saint Jérôme, un cavalier, une Némésis, un saint Eustache, dix-sept -pièces gravées à l'eau-forte, huit quarts de feuilles, dix-neuf pièces -sur bois, sept mauvaises gravures sur bois et dix livres de la petite Passion, -le tout pour huit florins; pour une once de couleur de plomb je -donne trois gros livres. Je prends la monnaie d'un florin de Philippe et -ma femme celle d'un florin simple.</p> - -<p>A Ziericzée (en Zélande), une forte marée chassée par l'ouragan fait -échouer une baleine; elle a plus de cent toises de long et personne ne se -souvient d'en avoir vu une pareille en Zélande.</p> - -<p>Ce poisson ne peut être mis à flot; les habitants voudraient s'en -débarrasser parce qu'il infecte la contrée. Il est si monstrueux qu'ils n'espèrent -pas avant six mois d'ici pouvoir le mettre en pièces et le réduire -en huile.</p> - -<p>Stéphan Capello me donne un chapelet en cèdre, à condition que je -ferai son portrait. J'achète pour quatre sous de tripoli et du papier pour -trois sous.</p> - -<p>Je fais le portrait de Félix à genoux, à la plume, dans son album; -il me donne cent huîtres. Je fais présent au seigneur Lazare, surnommé -<span class="pagenum"><a id="Page_CXVIII"> CXVIII</a></span> -le Grand Homme, d'un saint Jérôme sur cuivre et de trois grands livres. -Rodrigue m'envoie du vin fort et des huîtres. J'invite à dîner Tomasin -Gerhard, sa fille et son mari, Honing, le peintre sur verre, Félix, Joost et -sa femme; cela me coûte deux florins. Thomassin me fait cadeau de trois -aunes de gros damas.</p> - -<p>Le soir de la Sainte-Barbe, je me rends à Bergen<a id="FNanchor_94" href="#Footnote_94" class="fnanchor"> [94]</a>, je dépense un -florin six sous et douze sous pour le cheval. J'achète dans cette ville une -faille pour ma femme; je la paye un florin sept sous; je donne six sous -pour trois paires de souliers, un sou pour un microscope et six sous pour -une pomme d'ivoire.</p> - -<p>Je dessine les portraits de Jean de Haes<a id="FNanchor_95" href="#Footnote_95" class="fnanchor"> [95]</a>, de sa femme et de ses -deux filles au charbon noir, et je fais des croquis de sa servante et d'une -vieille femme au poinçon sur son album. Je visite la maison de ville de -Bergen, elle est très-belle. Bergen est une ville fort agréable en été: -elle a deux foires considérables par an.</p> - -<p>La veille de la fête de la Vierge, je pars avec mes compagnons pour -la Zélande. Sébastien Imhoff me prête cinq florins.—Nous passons la -première nuit sur le navire à l'ancre; il fait très-froid et nous n'avons -rien à boire ni à manger. Le samedi, nous arrivons à Ter-Goes, où je -dessine une jeune fille avec son costume national. Nous partons pour -Erma et arrivons devant l'île de Walcheren; nous passons la nuit à -Ernig; de là nous allons à Middelbourg. Dans l'église de l'abbaye<a id="FNanchor_96" href="#Footnote_96" class="fnanchor"> [96]</a>, je -remarque le grand tableau de Jean de Mabuse<a id="FNanchor_97" href="#Footnote_97" class="fnanchor"> [97]</a>, qui est mieux peint que -dessiné<a id="FNanchor_98" href="#Footnote_98" class="fnanchor"> [98]</a>. De là je pars pour la jolie ville de Terveer, où relâchent des -vaisseaux de tous les pays.</p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_124.jpg" width="400" height="325" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="small"><span class="i2">FAC-SIMILE D'APRÈS ALBERT DURER.</span><br /> -<span class="i6">BAUDRAN SCULP.</span><br /> -<span class="i5">BOURGEOIS D'ANVERS.</span><br /> -<span class="i6">(Cabinet de M. Didot.)</span><br /> -Gazette des Beaux Arts. Imprimerie A. Salmon</p> -</div></div> - -<p>A Aremuidem, il nous arrive un grand malheur. Au moment où -nous voulons prendre terre, après avoir lancé notre câble sur le rivage -et qu'une grande partie de l'équipage est déjà descendue, un vaisseau -vient se heurter avec force contre le nôtre. Comme à cause de la presse -j'avais laissé passer devant moi la foule, j'étais encore dans le navire avec -Georges Kotzler, deux vieilles femmes, le capitaine du navire et un -<span class="pagenum"><a id="Page_CXIX"> CXIX</a></span> -mousse. Le vaisseau qui nous avait abordés nous entraîne, et malgré -nos efforts nous ne parvenons pas à nous dégager. Alors le câble se -rompt et un violent coup de vent nous rejette en pleine mer.—C'est -en vain que nous crions au secours, personne n'ose se hasarder, le capitaine -se lamente parce que ses matelots sont descendus et que son navire -n'est plus assez chargé. La position est désespérée, le vent souffle avec -violence et nous ne sommes pas plus de six personnes à bord. Je dis au -capitaine de prendre courage et de mettre son espoir en Dieu.</p> - -<p>—Et après? me répondit-il.</p> - -<p>—Et après, lui dis-je, carguez la petite voile.</p> - -<p>Nous exécutons tant bien que mal cette manœuvre en réunissant tous -nos efforts.</p> - -<p>Ceux qui sont sur la côte, nous voyant lutter énergiquement contre la -mort, se décident à venir à notre aide et nous réussissons à reprendre -terre.</p> - -<p>Middelbourg est une bonne cité qui a une jolie maison de ville et une -superbe tour; tout cela est fait avec art. Dans l'abbaye, il y a un jubé -remarquable et un imposant portique en pierre. L'église paroissiale est -très-belle; si j'y retourne jamais, je prendrai un croquis de cette charmante -ville.</p> - -<p>La Zélande est du reste un pays bien curieux, le niveau de la mer y -dépasse la plaine.</p> - -<p>A Ernig, je fais le portrait d'un aubergiste.</p> - -<p>Maître Hugo, Alexandre Imhoff et Frédéric, le serviteur des Hierchvogel, -me donnent chacune une poule indienne qu'ils ont gagnée au jeu, -et l'aubergiste me fait cadeau d'un bel oignon.</p> - -<p>Le matin, nous repartons avec le bateau, nous arrivons bientôt à -Terveer et ensuite à Ziericzée, où j'aurais voulu admirer la baleine, mais -la marée l'avait emportée. Je donne deux florins pour des plumes, deux -florins pour un manteau, quatre sous pour une cage et trois sous à -celui qui me l'a apportée; je perds six sous au jeu et je repars pour -Bergen. Je peins l'aubergiste Arden et Schnabhann. Je donne dix sous -pour un peigne en ivoire, deux florins moins cinq sous pour une plaque -d'étain ordinaire. Je fais les portraits du jeune Bernhard de Bresles, de -Georges Kotzler et de François de Cambrai. Chacun me paye un florin. -J'oubliais Jean de Has-Eiden, à qui je rends le même service et qui me -donne aussi un florin. J'achète encore deux plaques d'étain pour quatre -florins moins dix sous et peins Nicolas Soilir.</p> - -<p>Voilà neuf fois depuis mon départ de Zélande que je dîne à Bergen, -<span class="pagenum"><a id="Page_CXX"> CXX</a></span> -chaque fois à raison de quatre sous. Je donne trois sous au voiturier, et -le vendredi après la Sainte-Lucie j'arrive à Anvers, chez Joost Planckfeld. -Je dîne avec ma femme chez mon hôte et je paye la dépense.</p> - -<p>Le seigneur Lazare de Ravensberg me donne en retour des trois livres -dont je lui ai fait présent autrefois quelques curiosités d'histoire naturelle. -Je change une couronne. Le facteur de Portugal m'envoie un sac -de velours brun et une boîte treillagée.</p> - -<p>J'achète plusieurs petites guenons (Mehrkätzlein) pour quatre florins -d'or, cinq poissons pour quatorze sous et un petit traité de deux sous. -Je donne à Lazare de Ravensberg un portrait peint sur panneau qui m'a -coûté six sous, huit pièces de grandes gravures sur cuivre et une Passion -sur bois, le tout valant plus de quatre florins. Je fais changer un florin -de Philippe; j'achète pour six sous un panneau, j'esquisse le portrait du -domestique de l'agent de Portugal et je le lui donne comme cadeau de nouvel -an avec deux sous de pourboire. J'offre à Bernard Stecher tout mon -œuvre gravé sur cuivre. J'achète pour trente et un sous de bois. Je fais -le portrait de Gerhard Pombelli et celui de la fille du procureur Sébastien. -Je donne à Wolff de Rogendorff une Passion sur cuivre et une autre sur -bois. Gerhard Pombelli m'envoie un mouchoir turc à dessins, et Wolff de -Rogendorff, sept aunes brabançonnes de velours. Je donne un florin de -Philippe à son domestique. Je dîne huit fois chez les Portugais, une fois -chez le Trésorier, dix fois chez Tommaso, une fois chez Lazare de Ravensberg, -une fois chez Wolff de Rogendorff, une fois chez Bernard Stecher, -une fois chez Arnold Meyting, une fois chez Gaspard Lewenter, et chaque -dîner me coûte un pourboire de quatre sous.</p> - -<p>Je donne trois sous à un homme d'après qui j'ai fait une étude et deux -sous à son domestique. J'achète pour quatre sous de lin et je vends pour -quatre florins de mes gravures. Je change une couronne et je donne six -sous au pelletier. Je perds six sous au jeu et je dépense six sous. Je -change un noble à la rose; pour dix-huit sous j'achète des raisins et -trois paires de couteaux. En divers payements, je donne deux florins à -Joost; j'offre à maître Jacques deux saint Jérôme sur cuivre, et à chacune -des trois filles de Tommaso une paire de couteaux de cinq sous. J'ai -joué plusieurs fois et fini par perdre sept sous. Rodrigues me fait présent -d'une pomme de senteur que l'on cueille sur l'arbre du musc, de quelques -autres raretés encore et d'une boîte de sucre. Je donne cinq sous -à son domestique. Je dessine au charbon le portrait de la femme de Joost. -J'achète trois coupons de drap pour quatre florins cinq sous. Ma femme -a été marraine d'un enfant, et ce plaisir lui a coûté un florin, sans -<span class="pagenum"><a id="Page_CXXI"> CXXI</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_CXXII"> CXXII</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_CXXIII"> CXXIII</a></span> -compter quatre sous pour la garde. Je change une couronne, je perds -deux sous au jeu et je dépense deux sous.</p> - - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_127.jpg" width="300" height="412" alt="" /> -<div class="caption"> -<p class="small"><span class="i6">ALBERT-DURER. P.</span><br /> -<span class="i6">AH CABASSON.D.</span><br /> -<span class="i7">E. SOTAIN. S</span></p> -</div></div> - -<p>Je donne à maître Thiéry, peintre sur verre, une Apocalypse, au jeune -facteur de Portugal, le seigneur Francisco, ma pièce avec le petit enfant -qui vaut lix florins, et au docteur Loffen, d'Anvers, les quatre livres et -un saint Jérôme sur cuivre. J'exécute pour Joost Planckfeld l'écusson de -Staber et un autre encore. Je fais les portraits du fils et de la fille de -Tommaso au poinçon et une figure d'archiduc à l'huile sur panneau.</p> - -<p>Rodrigues Scrivan, de Portugal, me fait présent de deux filets de -Calcutta en soie, d'un bonnet rempli d'ornements, d'un petit vase avec du -<i>mirabolon</i> et d'une branche de cèdre. Tout cela vaut au moins dix florins. -Je donne cinq sous à son domestique. J'achète un pinceau pour deux -sous. J'ai fait sur la commande de Focker un dessin pour masque; je -reçois pour ce travail un angelot<a id="FNanchor_99" href="#Footnote_99" class="fnanchor"> [99]</a>. Je change un florin et donne huit -sous pour deux petites cornes à herbes. Je perds trois sous au jeu et -change mon angelot. Pour Tommaso, j'exécute deux feuilles de jolis -masques.</p> - -<p>J'ai peint à l'huile une bonne figure de Véronique, ce tableau vaut -douze florins. Je l'ai donné à Francisco, facteur de Portugal. J'ai fait de -sa femme un portrait à l'huile qui vaut mieux que le précédent, et je -l'ai donné au facteur Brandon, de Portugal. Pour le premier objet, ma -servante a reçu en pourboire un florin de Philippe, un florin pour la -Véronique et un florin de Brandon.</p> - -<p>La veille du carême, les orfévres m'invitent à dîner avec ma femme. -Je vois là beaucoup de gens distingués. Le banquet est superbe et l'on -me rend beaucoup d'honneurs. Vers le soir, le vieux fonctionnaire de la -ville<a id="FNanchor_100" href="#Footnote_100" class="fnanchor"> [100]</a> m'invite et me reçoit très-bien, je vois chez lui de très-drôles de -masques. Je fais le portrait de Florez, organiste de dame Marguerite. Le -lundi soir, j'ai été invité à un grand dîner chez H. Lupez<a id="FNanchor_101" href="#Footnote_101" class="fnanchor"> [101]</a>. La fête a été -fort belle et a duré jusqu'à deux heures; Laurent Stark m'a donné une -pelisse espagnole; à ce festin, il y avait des masques très-richement mis, -on remarquait surtout Tomasso et Branbell. J'ai gagné deux florins au -jeu et donné quatorze sous pour un petit panier de raisins. J'ai fait au -<span class="pagenum"><a id="Page_CXXIV"> CXXIV</a></span> -crayon noir le portrait de Bernard de Castell que j'avais battu au jeu.</p> - -<p>Le frère de Gérard Tommaso m'envoie quatre aunes brabançonnes du -meilleur satin et trois grandes boîtes incrustées, je donne trois sous à sa -servante. J'achète pour treize sous de bois et pour deux sous de vernis. -J'ai fait au poinçon un joli portrait de la fille du procureur. Je change -un angelot. Maître Jean<a id="FNanchor_102" href="#Footnote_102" class="fnanchor"> [102]</a>, bon statuaire, né à Metz, qui a étudié en -Italie et ressemble beaucoup à Christophe Holer, m'a prié de dessiner son -portrait au crayon. Je l'ai fait avec plaisir. Je donne à Jean Turcken trois -florins pour des objets d'art italien et pour une once de bon outremer.</p> - -<p>Pour la petite Passion en bois, je reçois trois florins; et, pour quatre -livres de gravures de Schaufelein<a id="FNanchor_103" href="#Footnote_103" class="fnanchor"> [103]</a>, aussi trois florins. J'achète deux -salières en ivoire de Calcutta, je les paye deux florins. Rudinger de -Gelern me donne une petite corne pleine de monnaie d'or et d'argent, -un quart de florin environ, pour trois grands livres, et un cavalier sur -cuivre. Je dépense onze sous pour des objets d'art, deux florins de Philippe -pour un saint Pierre et saint Paul, que je veux donner à M<sup>me</sup> Koler, -et six sous pour du bois. Je dîne chez le Français, deux fois chez Hirschvogel, -et une fois chez maître Pierre<a id="FNanchor_104" href="#Footnote_104" class="fnanchor"> [104]</a> l'écrivain, avec Érasme, de Rotterdam. -Je donne un sou à l'homme qui me montre la tour d'Anvers; -cette tour<a id="FNanchor_105" href="#Footnote_105" class="fnanchor"> [105]</a> sera plus haute que celle de Strasbourg. De là, je vois la -<span class="pagenum"><a id="Page_CXXV"> CXXV</a></span> -ville dans tous les sens; cette vue est très-belle. Je change un angelot. -Le facteur Brandon me fait cadeau de deux grandes cannes à sucre blanc, -d'un bol, de deux pots verts remplis de sucreries, et de quatre aunes de -fort satin. Je donne dix sous à son domestique. Je fais au poinçon le -portrait de la jolie fille de Gerhard. Je change un angelot. J'ai dîné chez -le receveur Laurent Serk, qui m'a donné une petite flûte en ivoire et de -la jolie porcelaine; je lui ai remis, en échange de sa politesse, un exemplaire -de mon œuvre, ainsi qu'à Adrien<a id="FNanchor_106" href="#Footnote_106" class="fnanchor"> [106]</a>, l'orateur de la ville d'Anvers. -J'ai offert à la chambre des riches commerçants d'Anvers (les merciers) -un saint Nicolas assis; on m'a prié d'accepter trois florins de Philippe de -gratification. J'ai donné à Pierre (le menuisier de la ville) les vieux -cadres de saint Jérôme, et quatre florins pour le cadre du portrait du -receveur. J'ai acheté pour onze sous de bois, et payé quatre sous à un -paysan.</p> - -<p>J'ai confié ma malle à Jacques et André Heszler, qui doivent la transporter -à Nuremberg pour deux florins par quintal; ils la remettront au -vieil Hans Imhoff. Je leur ai déjà donné deux florins.</p> - -<p>Le dimanche <i>Judica</i>, 1521, Rodrigues m'envoie six noix de coco, une -jolie branche de corail, et deux florins d'or de Portugal pesant chacun -onze ducats. Je donne quinze sous à son domestique.</p> - -<p>Je paye six sous pour un aimant. J'envoie à maître Hugo, à Bruxelles, -un petit morceau de porphyre, une Passion sur cuivre, et quelques -autres pièces. Je fais pour Tomasso un dessin d'après lequel on va -peindre sa maison. J'ai fait avec empressement un saint Jérôme à l'huile -pour Rodrigues, qui a donné à ma servante Suzanne un ducat de pourboire. -J'ai donné dix sous à mon confesseur, et quatre sous pour une -petite tortue.</p> - -<p>J'ai dîné chez Gilbert, qui m'a offert un petit bouclier de Calcutta, -fait avec une écaille de poisson, et de petits gantelets. J'ai fait au crayon -<span class="pagenum"><a id="Page_CXXVI"> CXXVI</a></span> -rouge le portrait de Cornelis<a id="FNanchor_107" href="#Footnote_107" class="fnanchor"> [107]</a>, secrétaire de la ville d'Anvers; il est parfaitement -réussi. J'ai acheté six brosses pour vingt sous, et six ceintures -de soie pour trois florins seize sous. Je les ai offertes aux femmes de Gaspard -Nutzel, Hans Imhoff, Spingler et Loffelhotz, et je leur ai donné par-dessus -le marché une bonne paire de gants. Gaspar Nutzel, Hans Imhoff, -Spengler et Jérôme Holzschuher ont reçu de moi de très-jolies choses. -J'ai fait cadeau à Pirkeimer d'un beau bonnet et d'un riche encrier.</p> - -<p>Je dîne chez maître Adrien, qui me fait présent d'un petit tableau -représentant Loth et ses deux filles, peint par Joachim Patenier. Je vends -à Hans Grun pour un florin d'objets d'art. Rudiger de Gelern m'envoie un -morceau de bois de santal. Je donne un sou à son domestique. Je fais le -portrait à l'huile de Bernard de Reszen; il me le paye huit florins, et -donne de plus une couronne à ma femme et un florin de vingt-quatre -sous à Suzanne, ma servante.</p> - -<p>Je donne quatre sous à mon confesseur. Je vends pour quatre florins -dix sous de gravures; j'achète du baume pour cinq sous, du bois pour -douze demi-sous, et quatorze pièces de bois français pour un florin. Je -donne à Ambroise Hochstetter<a id="FNanchor_108" href="#Footnote_108" class="fnanchor"> [108]</a> une Vie de la Vierge, en échange de -quoi je reçois un dessin de son navire. Rodrigues offre une petite bague, -qui vaut plus de cinq florins, à ma femme.</p> - -<p>J'ai fait au fusain le portrait du secrétaire du facteur Brandon, et -celui de sa négresse au poinçon. J'ai peint le portrait de Rodrigues sur -une grande feuille de papier, avec de la couleur noire et blanche.</p> - -<p>J'ai acheté une pièce de camelot de vingt-quatre aunes qui me coûte -seize florins et un sou pour l'emporter avec moi; j'ai aussi acheté -<span class="pagenum"><a id="Page_CXXVII"> CXXVII</a></span> -des gants pour deux sous. Lucas de Dantzig, dont j'ai dessiné le portrait -au charbon, m'a donné un florin et un morceau de bois de santal.</p> - -<p>Le samedi après Pâques, je pars d'Anvers pour Bruges avec Hans -Luber et maître Jean Plos, bon peintre, né à Bruges. Nous passons par -Beveren, un gros village; de là, nous allons à Vracène, un autre gros -village. De bourg en bourg, de village en village, nous arrivons enfin à -Saint-Paul, qui est célèbre par la richesse de ses habitants et de son -abbaye. Après avoir passé par Kalve, nous allons loger à Erdvelde.</p> - -<p>Le dimanche matin, nous nous rendons à Eecloo, très-gros bourg qui -a une chaussée et un marché. Nous y déjeunons; nous traversons Maldeghem -et quelques autres villages d'un fort joli aspect, et nous arrivons à -Bruges, qui est une belle ville.</p> - -<p>Jusqu'ici mon voyage me coûte vingt et un sous.</p> - -<p>Arrivé à Bruges, Jean Plos me donne l'hospitalité chez lui et fait préparer -le soir même un banquet; il invite beaucoup de monde. Le lendemain, -l'orfévre Marx en fait autant.</p> - -<p>On me mène au palais de l'empereur, riche et beau bâtiment.</p> - -<p>Dans la chapelle de ce palais, il m'est permis d'admirer le tableau de -Rudiger<a id="FNanchor_109" href="#Footnote_109" class="fnanchor"> [109]</a> et d'autres productions remarquables d'un ancien grand -maître. Je donne un sou à l'homme qui me les fait voir. J'achète trois -peignes d'ivoire peur trente sous. On me conduit ensuite à Saint-Jacques -devant les belles peintures de Rudiger et d'Hugo<a id="FNanchor_110" href="#Footnote_110" class="fnanchor"> [110]</a>, deux grands artistes. -Je vois aussi la statue de la Vierge en albâtre faite par Michel-Ange<a id="FNanchor_111" href="#Footnote_111" class="fnanchor"> [111]</a> -de Rome; elle est dans l'église Notre-Dame. Je visite successivement -plusieurs églises où se trouvent tous les tableaux de Jean<a id="FNanchor_112" href="#Footnote_112" class="fnanchor"> [112]</a> et d'autres -artistes remarquables.</p> - -<p>La chapelle des peintres renferme aussi des choses très-curieuses.</p> - -<p>Après m'avoir offert un riche banquet, les peintres me mènent à leur -chambre de gilde, où se trouvent plusieurs personnes distinguées telles -qu'orfévres, peintres et marchands. Ils me forcent courtoisement à -souper avec eux; on me régale, on me choie, bref, on me fait beaucoup -d'honneurs. Les conseillers Jacques et Pierre Mostaert m'offrent douze -<span class="pagenum"><a id="Page_CXXVIII"> CXXVIII</a></span> -mesures de vin, après quoi toute la société, composée de soixante personnes, -me ramène chez moi avec des lanternes.</p> - -<p>J'ai également visité la société du tir. J'y ai admiré le grand plat à -poisson qu'on sert sur la table des tireurs et qui a dix-neuf pieds de long, -sept de haut et trois de large.</p> - -<p>Avant mon départ, je fais au poinçon les portraits de Jean Plos et de -sa femme, et je donne dix sous à ses gens pour mes adieux.</p> - -<p>Nous partons pour Orchhel où nous faisons un repas. Après avoir passé -par six villages, nous arrivons à Gand. J'avais dépensé en tout quatre -sous pour mon transport, et quatre sous pour des objets divers.</p> - -<p>A mon débarquement à Gand, je suis reçu par le doyen des peintres -et les autres dignitaires; ils me rendent de grands honneurs en m'offrant -leurs services.</p> - -<p>Le soir, nous dînons ensemble.</p> - -<p>Le mercredi matin, on me fait monter à la haute tour de Saint-Jean; -de là, j'admire cette grande ville qui, elle aussi, m'appelle grand.</p> - -<p>Je vois le tableau de Jean<a id="FNanchor_113" href="#Footnote_113" class="fnanchor"> [113]</a>; il est superbe et admirablement conçu. -<span class="pagenum"><a id="Page_CXXIX"> CXXIX</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_CXXX"> CXXX</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_CXXXI"> CXXXI</a></span> -J'admire surtout les figures d'Ève, de Marie et de Dieu le père.</p> - -<p>Je vais visiter les lions vivants, et je dessinerai l'un d'eux au poinçon<a id="FNanchor_114" href="#Footnote_114" class="fnanchor"> [114]</a>. -Sur le pont où se font les exécutions, je vois deux statues qui -rappellent l'histoire d'un fils qui décapita son père<a id="FNanchor_115" href="#Footnote_115" class="fnanchor"> [115]</a>.</p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_135.jpg" width="250" height="372" alt="" /> -</div> - -<p>Gand est une ville très-remarquable, qui a quatre grands cours d'eau, -et qui renferme en outre beaucoup de choses curieuses; les peintres et -leur doyen ne me quittent pas, ils dînent avec moi, soupent avec moi, et -veulent absolument tout payer. Ils me témoignent beaucoup d'amitié; -je donne trois sous au sacristain et au gardien des lions, et cinq sous -pour mes adieux dans la maison de l'épicier.</p> - -<p>Le mardi matin, après avoir déjeuné à l'auberge du Cygne, nous partons -pour Anvers. Je paye huit sous pour le transport. Je fais au charbon -<span class="pagenum"><a id="Page_CXXXII"> CXXXII</a></span> -le portrait d'Hans Luber, d'Ulm; il veut me le payer un florin, mais je -refuse toute récompense.</p> - -<p>La troisième semaine après Pâques, je suis pris d'une fièvre froide -qui m'affaiblit et me tourmente beaucoup. J'ai de violents maux de tête. -Déjà, lors de mon séjour en Zélande, j'avais gagné une infirmité telle -que personne n'en a jamais vu, et je l'ai toujours.</p> - -<p>Je paye en plusieurs fois au médecin trois florins et vingt sous à -l'apothicaire. Pendant ma maladie, Rodrigues m'envoie beaucoup de -sucreries. Je donne quatre sous à son domestique. Je fais le portrait de -maître Joachim<a id="FNanchor_116" href="#Footnote_116" class="fnanchor"> [116]</a> au poinçon et une autre figure. J'envoie à Nuremberg -un sac rempli d'effets à l'adresse de Hans Imhoff. Je paye treize sous -pour l'emballage à Hans Rabner, et un florin au voiturier. Je fais accord -pour le transport d'Anvers à Nuremberg de ce paquet qui pesait un -quintal, à raison d'un florin et un liard. Je donne quatorze sous au docteur, -à l'apothicaire et au barbier; de plus, à maître Jacques le médecin, -quatre florins de gravure. Je dessine au fusain le portrait de Thomas -Polonius de Rome.</p> - -<p>Mon tabart de camelot a absorbé vingt et une aunes brabançonnes: -ces aunes ont trois grands doigts de plus que celles de Nuremberg. J'ai -acheté à cet effet trente-quatre aunes d'étoffe espagnole noire pour faille -à trois sous. Total dix florins deux sous.</p> - -<p>Je paye un florin au pelletier pour la confection.</p> - -<p>Pour deux aunes de garniture de velours, je donne cinq florins; pour -de la soie, du cordonnet et du fil trente-quatre sous, pour le coupeur -trente sous, pour le camelot quatorze florins un sou, et cinq sous au -domestique.</p> - -<p>Je vends des gravures pour cinquante-trois sous, que je prends sur -moi pour mes dépenses.</p> - -<p>Le dimanche qui précède les Rogations, maître Joachim Patenier, -bon paysagiste, m'invite à son mariage. J'y vois deux pièces de théâtre, -<span class="pagenum"><a id="Page_CXXXIII"> CXXXIII</a></span> -dont la première surtout est fort drôle. Je donne six sous au docteur.</p> - -<p>Le dimanche après l'Ascension, le peintre sur verre Thiéry (d'Anvers) -m'invite fort amicalement à dîner avec plusieurs autres personnes parmi -lesquelles se trouve Alexandre, un orfévre très-riche.</p> - -<p>Le dîner est fort bon, et l'on me fait de grands honneurs. Je dessine -deux portraits au charbon, celui de maître Marx, orfévre à Bruges, et -d'Ambroise Hochstetter, chez qui j'ai dîné. Je prends six repas chez -M<sup>me</sup> Tommaso. Je donne au médecin étranger une Vie de la Vierge, une -autre au valet de chambre de Marx, huit sous au docteur, et quatre sous -à celui qui m'a lavé à neuf un vieux bonnet. Je perds quatre sous -au jeu.</p> - -<p>J'achète un nouveau bonnet de deux florins, et je change mon vieux -bonnet qui est en étoffe trop grossière. Je remets six sous pour cet -échange.</p> - -<p>Je fais à l'huile le portrait d'un duc, celui de Joost mon hôte, et celui -du receveur Sterk, très-bien soigné et d'une valeur de vingt-cinq florins. -Il me donne vingt florins et un florin à Suzanne.</p> - -<p>Je dessine de nouveau le portrait de la femme de Joost.</p> - -<p>Le vendredi avant la Pentecôte de l'année 1521, le bruit court à -Anvers que Martin Luther<a id="FNanchor_117" href="#Footnote_117" class="fnanchor"> [117]</a> a été fait traîtreusement prisonnier.</p> - -<p>On lui avait donné un sauf-conduit, et il était accompagné d'un -héraut d'armes de l'empereur Charles, qui devait le protéger; mais -lorsqu'ils furent arrivés près d'Eisenach, dans un endroit isolé, le héraut -lui déclara qu'il cessait d'être son guide et le quitta. Alors survinrent -dix cavaliers qui emmenèrent, trahi et vendu, l'homme pieux, éclairé par -le Saint-Esprit, qui était parmi nous le représentant de la véritable foi -chrétienne. Vit-il encore, ou l'ont-ils assassiné? Je ne le sais pas.</p> - -<p>Mais ce que je sais, c'est qu'il aura souffert pour la vérité, parce -<span class="pagenum"><a id="Page_CXXXIV"> CXXXIV</a></span> -qu'il a essayé de punir le papisme autrichien qui conspire de tout son -pouvoir contre l'affranchissement promis par le Christ, nous ravit notre -sueur et notre sang, dont il se nourrit honteusement, peuple fainéant et -infâme qu'il est, tandis que les hommes malades et altérés meurent de -faim. Mais ce qui m'attriste surtout, c'est de voir que notre Dieu veut -peut-être nous laisser longtemps encore dans cette doctrine fausse et -aveugle inventée par des hommes qu'ils appellent <i>les pères</i>, qui sont -cause que la parole divine nous a été faussement interprétée en beaucoup -d'endroits, ou qu'on n'en a pas tenu compte. O Dieu, qui es dans -le ciel, prends-nous en pitié! O Seigneur Jésus, X P E, prie pour ton -peuple, délivre-nous au temps prédit, conserve en nous la véritable foi -chrétienne; rassemble par ta parole, appelée dans la Bible la parole de -Dieu, tes troupeaux dispersés! Aide-nous à reconnaître la vraie voie, -afin que nous ne suivions pas les erreurs nées du délire des hommes, et -que nous ne te quittions pas, Seigneur Jésus, X P E!</p> - -<p>Appelle, réunis dans tes pâturages tes brebis dispersées, dont une -partie se trouve encore égarée dans l'Église romaine, et l'autre parmi les -Indiens, les Moscovites et les Grecs, qui ont été séparés de nous par -l'avarice des papes et leur faux semblant de sainteté. O Dieu, délivre -ton peuple infortuné, qui est contraint, sous des peines rigoureuses, -d'observer des commandements qui répugnent à sa nature et l'obligent -à pécher sans cesse contre sa conscience! O Dieu, jamais hommes -n'ont été aussi cruellement opprimés sous des lois humaines que nous -sous le siége de Rome, nous qui, chaque jour, sommes rachetés par le -sacrifice de ton précieux sang, et qui devons vivre chrétiens et libres! O -père suprême et céleste, que ton fils verse dans nos cœurs une lumière -telle que nous puissions reconnaître quel est ton envoyé véritable; qu'il -nous soit permis de nous dégager en pleine sûreté de conscience des -entraves étrangères, et de te servir dans toute la joie de notre cœur!</p> - -<p>Puisque nous avons perdu cet homme à qui tu avais donné un esprit -si évangélique, et dont la parole était plus claire que celle de tout autre -qu'on ait entendue depuis 140 ans, nous te prions, ô père céleste, de donner -de nouveau ton Saint-Esprit à un apôtre qui rassemble encore une -fois ton Église!</p> - -<p>Fais que nous puissions vivre unis et chrétiens, et que, grâce à nos -salutaires efforts, tous les infidèles, tels que les Turcs, les païens et les -Calcuttes, viennent d'eux-mêmes à nous pour embrasser la vraie foi!</p> - -<p>Mais, Seigneur, toi dont le fils I H C X P E a été mis à mort par les prêtres, -puisque tu as voulu qu'avant le jugement il en arrivât autant à son -<span class="pagenum"><a id="Page_CXXXV"> CXXXV</a></span> -successeur Martin Luther, que le pape a fait tuer traîtreusement et par -des meurtriers à gages; de même que tes décrets avaient ordonné la ruine -de Jérusalem, détruis également cette puissance usurpée du siége romain. -O Seigneur, donne-nous alors la Jérusalem nouvellement parée, qui doit -descendre du ciel, ainsi qu'il est écrit dans l'Apocalypse! Donne-nous -l'Évangile saint et clair qui n'ait pas été altéré par les fausses doctrines! -Quiconque lira les livres de Martin Luther verra combien sa doctrine -est claire et transparente, et combien elle est conforme au saint Évangile. -Il faut donc les conserver en grand honneur et non les brûler, à moins -qu'on ne jette au feu tout le parti qui lui est opposé, avec ses contrevérités -et ses prétentions de changer des hommes en dieux. O Seigneur, -si Luther est mort, qui nous expliquera le saint Évangile avec la même -clarté? O Dieu, que de choses il aurait pu écrire encore dans l'espace -de dix ou vingt années! O vous tous, chrétiens pieux, déplorez avec moi -la perte de cet homme doué de l'esprit divin, et priez le Seigneur qu'il -nous envoie un autre guide aussi éclairé! O Érasme de Rotterdam, où -veux tu aller?—Vois ce que fait l'injuste et aveugle tyrannie des puissants -du monde! Écoute, chevalier du Christ, montre-toi à cheval à côté du -Seigneur X P E; malgré ta vieillesse et la faiblesse de ton corps, va conquérir -la couronne du martyre. Je t'ai entendu dire que tu t'étais donné -encore deux ans pour faire quelque chose. Emploie-les bien pour l'amour -de l'Évangile et de la véritable foi chrétienne. Fais entendre ta voix: le -siége romain, les portes de l'enfer, comme l'a dit Jésus, ne prévaudront -pas contre toi: et s'il arrivait que ton sort fût le même que celui de ton -maître le Christ, que les menteurs t'accablassent, comme lui, d'ignominies, -et que tu mourusses un peu avant le temps, tu ressusciterais et tu serais -glorifié en Jésus-Christ; car en buvant dans la coupe où il a trempé ses -lèvres, tu régnerais avec lui et tu jugerais ceux dont les actions n'ont pas -été justes.—O Érasme, fais que Dieu, ton juge, se glorifie en toi! -Comme il est écrit dans David, tu peux, comme lui, abattre Goliath, car -le Seigneur est debout près de la sainte Église. Que sa volonté divine -nous conduise à la béatitude éternelle. Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, -un Dieu éternel. Amen.</p> - -<p>O vous, chrétiens, priez Dieu et demandez-lui grâce, car son jugement -approche et sa justice va se manifester! C'est alors que le pape, les prêtres, -les moines, et tous ceux qui ont versé le sang innocent, seront jugés et -condamnés. Voilà les victimes innocentes abattues sous l'autel de Dieu, -et qui crient vengeance. A quoi la voix céleste répond: Travaillez jusqu'à -ce que le nombre des martyrs soit complet; alors je jugerai!</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_CXXXVI"> CXXXVI</a></span> -Je change un florin, et donne encore huit sous au docteur.</p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_143.jpg" width="250" height="396" alt="" /> -</div> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_CXXXVII"> CXXXVII</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_CXXXVIII"> CXXXVIII</a></span> -<span class="pagenumh"><a id="Page_CXXXIX"> CXXXIX</a></span> -Pour une bague et six petites pierres, je lui donne tout mon œuvre -sur cuivre, qui vaut sept florins.</p> - -<p>Je dîne deux fois chez Rodrigues, et une fois chez le riche chanoine.</p> - -<p>Pendant les fêtes de la Pentecôte, je reçois à ma table maître Conrad, -statuaire de Malines. Je fais pour maître Joachim, sur papier gris, quatre -Christophe.</p> - -<p>Je donne dix-huit sous pour des objets d'art italien, et six sous au -docteur.</p> - -<p>Le dernier jour de la Pentecôte vient la grande foire aux chevaux -d'Anvers. J'y vais essayer plusieurs beaux étalons; on en achète deux -devant moi pour sept cents florins.</p> - -<p>Je vends pour un florin trois liards de gravures, et je mets cet argent -dans ma poche pour mes dépenses; je donne encore quatre sous au -docteur.</p> - -<p>Je dîne trois fois chez Tommaso. Comme je lui ai dessiné trois -fourreaux d'épée, il me donne un petit vase en albâtre.</p> - -<p>Je fais au charbon le portrait d'un lord anglais; je reçois un florin, -que je prends sur moi pour mes menus plaisirs.</p> - -<p>Maître Gerhard<a id="FNanchor_118" href="#Footnote_118" class="fnanchor"> [118]</a> l'enlumineur a une petite fille de huit ans qui se -nomme Suzanne<a id="FNanchor_119" href="#Footnote_119" class="fnanchor"> [119]</a>; elle a enluminé un Sauveur que j'ai payé un florin. -Il est vraiment remarquable qu'une enfant de cet âge puisse faire pareille -chose. Je perds six sous au jeu.</p> - -<p>Le jour de la Sainte-Trinité, il y a à Anvers une grande et belle -procession.</p> - -<p>Maître Conrad m'envoie de jolis rasoirs; je donne à son vieux serviteur -une Vie de Notre-Dame.</p> - -<p>Je fais au charbon le portrait de Jean l'orfévre, de Bruxelles, et celui -de sa femme. Je reçois pour ces deux portraits, et pour le dessin de son -sceau, trois philippes.</p> - -<p>Je lui fais présent de la Véronique que j'ai peinte à l'huile, et d'un -Adam et Ève fait par Frans; il me donne à son tour une hyacinthe et une -agate, sur laquelle est gravée une Lucrèce, que tout le monde évaluera -à quatorze florins.</p> - -<p>J'achète deux paires de souliers pour quatorze sous, et deux petites -boîtes à un sou pièce. Je donne sur du papier gris, avec du blanc et du -noir, trois figures et deux costumes flamands, et je mets en couleur -pour un florin l'écusson d'un Anglais.</p> - -<p>Je fais çà et là beaucoup de dessins, et d'autres choses à la convenance -des personnes que je vois, mais la plupart du temps mon travail -ne m'est pas payé.</p> - -<p>Entrès (de Curaçao) me donne un philippe pour un écusson et une -tête d'enfant.</p> - -<p>Je paye deux sous pour des brosses. Je dîne cinq fois chez Tommaso, -et donne six sous au docteur. Ma femme tombe malade. Le médecin -reçoit dix-huit sous en divers payements. Je paye deux florins onze sous -pour recettes et médecines à l'apothicaire, et huit sous au moine qui est -venu voir ma femme, de nouveau vingt-quatre sous à l'apothicaire -pour un clystère. J'achète toute une pièce de satin pour huit florins, et -je donne encore autant pour quatorze aunes de satin fin. Je paye quatre -sous au tailleur et dix sous pour des bandes.</p> - -<p>En 1521, le mercredi après la fête Corpus-Christi, je fais transporter -d'Anvers à Nuremberg, par le voiturier Antoine Mez de Schlaudendorff, -mes grands ballots. Je le paye un peu moins d'un demi-florin par -quintal, c'est-à-dire en tout un florin.</p> - -<p>Je dessine au fusain le portrait du jeune Rehlinger d'Anvers.</p> - -<p>Le huitième jour après Corpus-Christi, je vais à Malines avec ma -famille pour voir M<sup>me</sup> Marguerite; je descends à l'auberge de la Tête-d'Or, -chez maître Henri<a id="FNanchor_120" href="#Footnote_120" class="fnanchor"> [120]</a>, le peintre. Les peintres et les statuaires -m'invitent à dîner dans mon propre logement, et me rendent beaucoup -d'honneurs.</p> - -<p>Je visite la maison de Popenruter, le fondeur d'artillerie, et j'y -trouve des choses vraiment dignes d'admiration. Je vais rendre visite à -M<sup>me</sup> Marguerite, qui refuse d'accepter le portrait de l'empereur que je -lui offre.</p> - -<p>Le vendredi, elle me montre ses superbes collections; j'admire principalement -<span class="pagenum"><a id="Page_CXL"> CXL</a></span> -quarante miniatures à l'huile, les plus belles qui soient. -Je vois aussi de beaux tableaux de Jean<a id="FNanchor_121" href="#Footnote_121" class="fnanchor"> [121]</a> et de Jacob Walch<a id="FNanchor_122" href="#Footnote_122" class="fnanchor"> [122]</a>. Je prie -M<sup>me</sup> Marguerite de me donner le livre de dessins de maître Jacob; mais -elle me répond qu'elle l'a promis à son peintre<a id="FNanchor_123" href="#Footnote_123" class="fnanchor"> [123]</a>. Je remarque une belle -bibliothèque.</p> - -<p>Maître Hans Popenruter m'invite à dîner, j'accepte; et, de mon côté, -j'invite deux fois maître Conrad et une fois sa femme. Je dépense pour -cela vingt-neuf sous.</p> - -<p>Je fais le portrait d'Étienne Kimmerling et celui de maître Conrad le -sculpteur.</p> - -<p>Le samedi, je quitte Malines pour retourner à Anvers.</p> - -<p>Je dessine au charbon le portrait de maître Jacob. Je fais faire un cadre -qui me coûte six sous, et je lui offre le tout sans lui rien faire payer.</p> - -<p>Je dîne deux fois chez les Augustins<a id="FNanchor_124" href="#Footnote_124" class="fnanchor"> [124]</a>. Je redessine une fois le portrait -de Bernard Stecher, et deux fois celui de sa femme; je lui donne -tout mon œuvre gravé, il me le paye dix florins.</p> - -<p>J'ai été invité par maître Lucas<a id="FNanchor_125" href="#Footnote_125" class="fnanchor"> [125]</a> qui grave sur cuivre. C'est un petit -homme de Leyde, en Hollande, qui est venu voir Anvers.</p> - -<p>Je dîne chez maître Bernard Stecher, et donne à son domestique un -demi-sou. Je vends pour quatre florins et un liard de gravures.</p> - -<p>J'ai fait le portrait de maître Lucas de Leyde au poinçon, et perdu un -florin au jeu. J'ai donné de nouveau douze sous au médecin.</p> - -<p>L'abbé du cloître des Augustins d'Anvers veut bien accepter une Vie -de la Vierge que je lui offre. Je donne deux philippes pour quatorze -peaux de poissons. J'ai dessiné le portrait du grand Antoine Haunolt et -celui de maître Aest Braun<a id="FNanchor_126" href="#Footnote_126" class="fnanchor"> [126]</a> avec sa femme sur deux feuilles royales. Je -l'ai fait autrefois au poinçon. J'ai reçu un angelot pour ces différents travaux. -J'ai donné à l'orfévre qui a estimé mes bagues des gravures pour la -valeur d'un florin. Ces trois bagues, que j'ai échangées contre des gravures, -sont évaluées ainsi qu'il suit:</p> - -<p>Les deux moins belles quinze couronnes, et le saphir vingt-cinq couronnes; -total cinquante-quatre florins huit sous, et parmi les choses -<span class="pagenum"><a id="Page_CXLI"> CXLI</a></span> -échangées, le Français a reçu trente-six grands livres à neuf florins. -L'homme aux trois bagues m'a payé trop peu de moitié.</p> - -<p>Décidément, je n'ai pas d'esprit.</p> - -<p>J'achète un couteau pour deux sous, et je donne dix-huit sous à mon -filleul pour un bonnet rouge. Je perds douze sous au jeu, et je dépense -deux sous à boire. J'achète trois jolis rubis pour onze florins d'or et douze -sous.</p> - -<p>Je dîne une fois chez les Augustins et deux fois chez Tommaso.</p> - -<p>Je donne six sous pour des brosses de soies de sanglier, trois sous -pour six autres brosses, un florin pour une paire de burins, six sous pour -un encrier, vingt et un sous pour une douzaine de gants de femmes et -six sous pour un sac.</p> - -<p>Antoine Haunolt me donne trois philippes pour son portrait, et Bernard -Stecher un petit livre en écaille de tortue. Je fais le portrait de la -fille de sa belle-sœur et je dîne une fois avec son mari. Il me paye deux -philippes, et je donne un sou de pourboire à son valet. Antoine Haunolt -accepte deux livres que je lui offre.</p> - -<p>J'ai donné quelque chose de maître Grun Hansen<a id="FNanchor_127" href="#Footnote_127" class="fnanchor"> [127]</a> à maître Joachim. -Je donne à la femme de Joost quatre gravures sur bois et deux livres des -plus grands à son domestique Frédéric, deux aussi au fils d'Honing, le -peintre sur verre. Je dîne deux fois chez Bernard et deux fois chez -M<sup>me</sup> Tommaso.</p> - -<p>Rodrigues me fait cadeau d'un perroquet venu de Malaga. Je donne -cinq sous à son domestique; pour trois sous, j'achète une paire de souliers -et des bas.</p> - -<p>Je donne à Pierre deux grandes feuilles de gravures sur cuivre et -beaucoup de gravures sur bois. Je dîne deux fois chez M<sup>me</sup> Tommaso.</p> - -<p>J'offre à maître Aert, le peintre sur verre, une Vie de la Vierge et -tout mon œuvre gravé à maître Jean, le sculpteur français; ce dernier -avait donné à ma femme six fioles précieusement travaillées remplies -d'eau de rose.</p> - -<p>Cornelis, le secrétaire, me fait présent de la Captivité de Babylone -par Luther; je lui envoie en revanche mes trois grands livres. Je donne -à Honing le peintre sur verre deux grands livres, et au moine Pierre Puz -des gravures pour la valeur d'un florin environ.</p> - -<p>Lucas de Leyde me fait cadeau de son œuvre entier; il reçoit en -échange une collection de mes gravures que j'évalue à huit florins. -<span class="pagenum"><a id="Page_CXLII"> CXLII</a></span> -J'achète un sac pour neuf sous, je paye sept sous pour une demi-douzaine -de cartes des Pays-Bas, trois sous pour un petit cornet de poste jaune, -vingt-quatre sous pour de la viande, et dix-sept sous pour du gros drap.</p> - -<p>Rodrigues m'envoie six aunes de drap noir pour me faire un manteau; -l'aune vaut une couronne; je donne deux sous au domestique du -tailleur.</p> - -<p>Le jour de saint Pierre et Paul, j'ai fait mon compte avec Joost. Je lui -devais trente et un florins que je lui ai payés. Déduction faite des deux -peintures à l'huile, il m'a donné en supplément cinq livres de borax, -poids des Pays-Bas.</p> - -<p>En Flandre, dans toutes mes transactions, dans toutes mes ventes et -autres affaires, dans tous mes rapports avec les personnes de haute ou de -basse condition, j'ai été lésé, spécialement par M<sup>me</sup> Marguerite, qui ne -m'a rien donné pour les présents que je lui ai faits et pour les travaux -que j'ai exécutés pour elle.</p> - -<p>Je donne sept sous de pourboire au domestique de Rodrigues; à -maître Henri, qui m'a envoyé de savoureuses cerises, ma Passion sur -cuivre; et au tailleur, pour la confection de mon manteau, quarante-cinq -sous.</p> - -<p>Je fais accord avec un voiturier qui s'engage à me transporter d'Anvers -à Cologne pour treize mauvais florins, dont un vaut vingt-quatre -mauvais sous.</p> - -<p>Jacob Relinger me paye son portrait au charbon un ducat, et maître -Gerhard me fait présent de deux tonneaux de câpres et d'olives; je donne -quatre sous de pourboire à son domestique et un sou à celui de Rodrigues. -Je fais un échange avec le beau-fils de Jacob Tomasso; il m'envoie une -pièce d'étoffe blanche pour mon portrait de l'empereur.</p> - -<p>Alexandre Imhoff me prête cent florins d'or la veille de la fête de la -Vierge. Je lui donne mon sceau et ma signature avec promesse de les -lui rendre lorsqu'il me présentera cette pièce à Nuremberg. J'achète une -paire de souliers pour six sous, je paye onze sous au pharmacien et trois -sous pour des cordes. Je fais cadeau au cuisinier de Tomasso d'un philippe; -à la jeune demoiselle, sa fille, d'un florin d'or. Je donne à la -femme de Joost un florin, un florin à ses cuisiniers, et, en dernier lieu, -encore deux sous.</p> - -<p>Tomasso m'offre une boîte du <i>meilleur thériaque</i>. Je donne dix sous à -son valet de chambre, un sou à Pierre, trois sous au domestique de -maître Jacob, et trois sous au messager.</p> - -<p>Le jour de la Visitation, comme je suis sur le point de quitter Anvers, -<span class="pagenum"><a id="Page_CXLIII"> CXLIII</a></span> -le roi de Danemark<a id="FNanchor_128" href="#Footnote_128" class="fnanchor"> [128]</a> m'envoie chercher en toute hâte. Je fais son portrait -au charbon, ainsi qu'il le désirait, et aussi celui de son chambellan -Antoni. Le roi me retient à dîner. Il se montre fort affable.</p> - -<p>Je recommande mon bagage à Léonard Sucher, et lui donne ma pièce -d'étoffe blanche. Ce n'est pas ce voiturier qui m'a transporté; au moment -du départ, je suis tombé en désaccord avec lui.</p> - -<p>Gerhard me donne des objets d'art italiens très-remarquables. J'ai -chargé le <i>Vicarius</i> du transport de mes curiosités.</p> - -<p>Le lendemain de la Visitation, je pars pour Bruxelles par la même voie -que le roi de Danemark, à qui j'offre les meilleures pièces de mon œuvre -gravé. Je me suis amusé de la mine étonnée des Anversois devant la mâle -beauté du roi de Danemark qui ne craint pas de traverser le pays de -ses ennemis. J'ai vu l'empereur de Bruxelles venir à sa rencontre et le -recevoir cordialement et en grande pompe. J'ai vu aussi le splendide -banquet que l'empereur et M<sup>me</sup> Marguerite lui ont offert le lendemain.</p> - -<p>Je paye deux sous pour une paire de gants.</p> - -<p>Monsieur Antoni me donne douze florins de Horn. J'en remets deux -au peintre qui a acheté le panneau pour le portrait et qui a fait broyer -mes couleurs. Je prends les huit autres florins pour ma dépense.</p> - -<p>Le dimanche qui précède la Sainte-Marguerite, le roi de Danemark -offre un grand banquet à l'empereur, à dame Marguerite et à la reine -d'Espagne. Il m'invite, je dîne au palais et je donne douze sous au cuisinier -du roi.</p> - -<p>Je fais le portrait du roi à l'huile, il me le paye trente florins. Je donne -deux sous au jeune Bartholomé qui a broyé mes couleurs, quatre demi-feuilles -au domestique de maître Jean, et une Apocalypse à son rapin.</p> - -<p>Polonius me fait cadeau d'une belle œuvre d'art italienne.</p> - -<p>Le tailleur de maître Joost m'ayant invité, je mange avec lui le soir.</p> - -<p>Je passe huit jours à Bruxelles et je dépense vingt-deux sous pour -mon logement. Je donne une Passion à la femme de l'orfévre Jean. J'avais -dîné trois fois chez lui. Je fais cadeau à Bartholomé, le domestique du -peintre, d'une Vie de la Vierge.</p> - -<p>Je dîne avec Nicolas Zigler et je donne quinze sous à Jean le domestique.</p> - -<p>Je me suis retenu deux jours à Bruxelles par la faute de ma voiture.</p> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_CXLIV"> CXLIV</a></span> -Enfin, le vendredi matin, je quitte Bruxelles, je dois donner dix florins -au voiturier. Je paye à mon hôtesse, pour cette seule nuit, cinq sous.</p> - -<p>Nous traversons deux villages et arrivons à Louvain, où nous dépensons -treize sous pour notre repas. De là nous allons à Tirlemont, petite -ville où nous passons la nuit; ma dépense s'élève à huit sous.</p> - -<p>Le jour de sainte Marguerite, de bon matin, nous partons et après -avoir traversé deux villages nous nous arrêtons dans la ville de Saint-Trond, -où l'on bâtit une très-belle tour; nous traversons ensuite des -endroits assez misérables et nous nous trouvons à Tongres, où nous -déjeunons pour six sous. De là, en passant par des villages plus pauvres -encore, nous arrivons à Maëstricht, où nous couchons. Nous dépensons -douze sous et deux blancs pour droits de garde.</p> - -<p>Le dimanche matin, nous nous rendons à Aix, où nous mangeons assez -bien pour quatorze sous. De là nous mettons six heures pour arriver à -Altenburg, où nous sommes obligés de passer la nuit, car le voiturier -s'est perdu plusieurs fois.</p> - -<p>Le lundi, nous traversons Juliers, nous dînons à Berchem pour trois -sous, et nous partons pour Cologne.</p> - -<p class="space">Ici s'arrête le journal d'Albert Dürer. Il n'a pas pris de notes en -route depuis Cologne, peut-être parce qu'il a précipité son retour, peut-être -aussi parce que son voyage n'a été marqué par aucun incident digne -d'être raconté.</p> - -<div class="topspace figcenter"> -<img src="images/illus_150.jpg" width="175" height="172" alt="" title="" /> -</div> - -<p><span class="pagenum"><a id="Page_CXLV"> CXLV</a></span></p> - -<h2 class="normal">TABLE.</h2> -<table id="ToC" summary="contents"> -<tr> -<td> </td> -<td class="tdr">Pages.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl"><span class="cap">I</span><span class="smallc">NTRODUCTION</span></td> -<td class="tdr"><a href="#Page_IX">IX</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Lettres d'Albert Dürer à Bilibald Pirkeimer</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_LI">LI</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Journal du voyage d'Albert Dürer dans les Pays-Bas</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_LXXXI">LXXXI</a></td> -</tr> -</table> - -<p><span class="pagenumh"><a id="Page_CXLVI"> CXLVI</a></span> -<span class="pagenum"><a id="Page_CXLVII"> CXLVII</a></span></p> - -<h2 class="normal">GRAVURES.</h2> -<table id="gravures" summary="contents"> -<tr> -<td> </td> -<td class="tdr">Pages.</td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Portrait d'Albert Dürer</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_I">I</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Fac-simile d'une médaille attribuée à Albert Dürer, de la collection de M. Niel</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_IX">IX</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Le grand Cheval</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_XV">XV</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Pfenning gravé par Albert Dürer pour Martin Luther</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_XXVI">XXVI</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Les Armoiries de la tête de mort</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_XXXII">XXXII</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">La Sainte Trinité, dessin d'Albert Dürer, collection de M. Reiset. (Gravure -hors texte.)</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_XXXIX">XXXIX</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Les Cavaliers hongrois,</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_XLI">XLI</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Tombeau d'Albert Dürer à Nuremberg</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_XLV">XLV</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Les trois Génies</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_XLVIII">XLVIII</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Portrait de Bilibald Pirkeimer. (Gravure hors texte.)</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_LI">LI</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Le petit Crucifix</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_LI">LI</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Rébus</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_LV">LV</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Fac-simile d'un dessin d'ornement par Albert Dürer, de la collection de -M. Gatteaux</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_LVI">LVI</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">La Vierge au singe</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_LXIV">LXIV</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Caricature par Albert Dürer</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_LXX">LXX</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">La Dame à cheval</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_LXXII">LXXII</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Cachet, principaux monogrammes, écriture et signature d'Albert Dürer</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_LXXVII">LXXVII</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Lettre. A</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_LXXXI">LXXXI</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Système pour pourtraire trouvé par Albert Dürer</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_LXXXVIII">LXXXVIII</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">La Sépulture</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_LXXXIII">LXXXIII</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">La Mélancolie</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_XCIII">XCIII</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Sainte Véronique</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_XCVII">XCVII</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">La Nativité</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_CI">CI</a> -<span class="pagenum"><a id="Page_CXLVIII"> CXLVIII</a></span></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Le Christ faisant ses adieux à sa Mère</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_CVII">CVII</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Samson tuant le lion</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_CIX">CIX</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Portrait de Gaspard Sturm; dessin de la collection de M. F. Reiset</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_CXIII">CXIII</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Un Bourgeois d'Anvers, collection de M. Ambroise-Firmin Didot. (Gravure -hors texte)</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_CXIX">CXIX</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Le Mariage de la Vierge</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_CXXI">CXXI</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Décollation de saint Jean-Baptiste</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_CXXIX">CXXIX</a></td> -</tr> -<tr> -<td class="tdl">Le Seigneur et la Dame</td> -<td class="tdr"><a href="#Page_CXXXVI">CXXXVI</a></td> -</tr> -</table> - -<div class="chapter"> -<div class="footnotes"> -<h2 class="normal">NOTES:</h2> -<div class="footnote"> - -<p><a id="Footnote_1" href="#FNanchor_1" class="label">[1]</a> Albert Dürer fit une grande quantité de dessins fort remarquables, mais -ses tableaux se comptent, on sait où les rencontrer tous; ils sont dans les -musées publics ou chez des particuliers qui se font une fête de les montrer -aux étrangers.</p> - -<p>Voici un petit catalogue rédigé, par ordre chronologique, d'après nos -notes de voyage; il n'a pas d'autre prétention que d'être d'une scrupuleuse -exactitude et de donner au lecteur le moyen de trouver, sans les chercher, -les chefs-d'œuvre du maître.</p> - -<p>Nous ne parlerons ici que pour mémoire du portrait d'Albert Dürer qui -est conservé précieusement à Vienne dans la collection Albertine;—ce portrait, -d'une grâce et d'une naïveté délicieuses, est exécuté à la pointe d'argent -sur papier teinté.—Il porte cette inscription, écrite par l'artiste lui-même: -«J'ai dessiné ceci d'après moi, dans un miroir, en 1484, quand j'étais encore -enfant.</p> - -<p class="signature">«<span class="smallc">Albert Durer.</span>»</p> - -<p>Il avait donc 13 ans à peine, et il était encore apprenti orfévre; c'est en -1486 seulement qu'il fit son entrée dans l'atelier de maître Wohlgemuth.</p> - -<p>La première peinture d'Albert Dürer qui soit parvenue jusqu'à nous, est le -portrait de son père. On la voit dans la pinacothèque de Munich, cabinet VII, -sous le numéro 128, avec cette légende: «J'ai peint ce tableau d'après la -personne de mon père, lorsqu'il avait 70 ans. Albert <span class="smallc">Durer</span> l'aîné.»</p> - -<p>Puis viennent le célèbre monogramme et la date 1497.</p> - -<p>Il fit deux fois son propre portrait en 1498: l'un est à Florence, il a été -gravé par Hollar et par Édelinck; l'autre est à Madrid, au <i>museo del Rey</i>. Dans -ce dernier portrait, son visage est un peu maigre et un peu long, mais fort -beau et fort distingué. Ses grands yeux bleus, sa barbe naissante, ses cheveux -blonds qui s'échappent en grosses boucles d'un bonnet pointu, son costume -blanc et noir théâtralement drapé lui donnent un aspect à la fois étrange et -charmant. (Voir à la 1<sup>re</sup> page de ce livre.)</p> - -<p>En 1499, il a peint le portrait d'Oswald Krel, qui est à Munich, cabinet VII, -sous le numéro 120.</p> - -<p>En 1500, il a fait le portrait d'un jeune homme, peut-être Joannes Dürer, -son frère (Munich, cabinet VII, n<sup>o</sup> 147), et aussi son propre portrait. Ce n'est -plus le même homme que l'on a vu à Madrid; sa barbe est plus touffue, -son visage est plus mâle, son front est déjà un peu soucieux, son costume -surtout est changé de fond en comble; le bariolage blanc et noir est remplacé -par une fourrure de prix. On reconnaît en lui le chef d'une illustre école de -peinture, et on voit jusqu'à quel point Camerarius a raison lorsqu'il dit: -«Non-seulement Albert Dürer était beau, mais il était très-fier de sa beauté, et -il ne négligeait rien pour la faire ressortir.» Ce portrait est fort remarquable, -il ne peut être comparé qu'à celui qu'il a fait plus tard de son vénérable -maître Wohlgemuth, et qui est dans le même musée.</p> - -<p>Nous trouvons dans la galerie du Belvédère, à Vienne, avec la date de 1503, -une <i>Sainte Vierge et l'Enfant Jésus</i>, deux têtes, deux chefs-d'œuvre.</p> - -<p>En 1504, Albert Dürer grava sans doute plus qu'il ne peignit, car nous ne -connaissons qu'un seul tableau qui porte cette date, c'est un <i>Marius sur les -ruines de Carthage</i>. Le grand homme est assis près d'une colonne brisée; il -jette un long regard triste sur cette ville autrefois si superbe, et il se dit sans -doute que les destinées des hommes et des empires sont souvent les mêmes: -plus ils sont puissants, plus leur chute est imminente. Ce tableau est surtout -remarquable par la couleur.</p> - -<p>C'est en 1506 qu'il fit son voyage à Venise, où il peignit, outre le <i>Saint Bartholomé</i>, -dont il parle dans sa première lettre à Pirkeimer, un <i>Christ avec les -Pharisiens</i>, qu'il termina en cinq jours, et une <i>Sainte Vierge couronnée par les -anges</i>. Albert Dürer ébauchait ce dernier tableau, lorsque Giovanni Bellini vint -le voir dans son atelier: «Mon cher Albert, lui dit-il, voudriez-vous me -rendre un grand service?—Certainement, dit le peintre nurembergeois, si ce -que vous me demandez est en mon pouvoir.—Parfaitement, répondit Bellini, -faites-moi présent d'un de vos pinceaux, de celui qui vous sert à peindre les -cheveux de vos personnages.» Dürer prit une poignée de pinceaux absolument -semblables à ceux dont se servait Bellini, et les lui offrant: «Choisissez, -dit-il, celui qui vous plaît, ou les prenez tous.» Le peintre italien, -croyant à une méprise, insista pour avoir un des pinceaux avec lesquels il -exécutait les cheveux. Pour toute réponse, Albert Dürer s'assit et peignit -avec l'un d'eux, le premier qui lui tomba sous la main, la chevelure longue et -bouclée de la <i>Vierge aux anges</i> avec une telle sûreté de main, que son ami -resta stupéfait de sa facilité.</p> - -<p>Nous trouvons dans la galerie du Belvédère, à Vienne, une toile datée de -1507. C'est le portrait d'un jeune homme inconnu, dont les traits sont d'une -très-grande beauté.</p> - -<p>1508 nous donne un des tableaux les plus célèbres du maître, la <i>Légende -des dix mille saints martyrisés sous le roi de Perse Sapor II</i>. Malgré la multiplicité -des personnages et le beau fini des détails, Albert Dürer le peignit en -un an pour le duc Frédéric de Saxe; plus tard il devint la propriété du prince -Albert, qui l'offrit au cardinal de Granvelle. Je n'ai trouvé nulle part comment -il devint la propriété de l'empereur d'Autriche. Tout ce que je puis dire, c'est -qu'il est depuis longtemps déjà à Vienne, au Belvédère (salle 1<sup>re</sup>, n<sup>o</sup> 18), où il -excite une juste admiration.—Au milieu de la toile, on aperçoit Albert Dürer -et son Pylade Bilibald Pirkeimer; tous deux sont vêtus d'habits noirs et suivent -avec intérêt les péripéties du drame terrible qui se déroule devant eux: leur -attitude est calme et digne; l'artiste tient à la main un petit drapeau sur lequel -on lit l'inscription suivante: <i>Ista faciebat anno Domini, 1508, Albertus Dürer -Alemanus</i>.</p> - -<p>Il y a, dans la galerie de Schleissheim, une répétition de cette toile. -Un an avant d'exécuter la <i>Légende des dix mille martyrs</i>, l'artiste en avait fait -un croquis à la plume. C'est le prince royal de Suède qui est l'heureux possesseur -de ce petit chef-d'œuvre.</p> - -<p>Albert Dürer peignit l'<i>Ascension de la Vierge</i> pour Jacques Heller, de Francfort; -il se représenta au second plan, appuyé sur une table qui portait son -nom et la date 1509. Je dis qui portait, car cette belle toile a été détruite -dans le terrible incendie du château de Munich. Le fameux tableau l'<i>Adoration -des rois mages</i>, que l'on voit à Florence, porte aussi la date de 1509. C'est une -œuvre du plus haut style, malgré son aspect un peu étrange. En effet, on a -peine à garder son sérieux devant ses rois d'Orient, vêtus comme des gentilshommes -allemands du commencement du <span class="smallc">XVI</span><sup>e</sup> siècle.</p> - -<p>Suivant les errements de tous les peintres, ses prédécesseurs, Albert Dürer -ne se souciait pas du costume, il habillait ses personnages à la mode de son -époque et de son pays.</p> - -<p>Revenons au Belvédère, nous ne perdrons pas nos pas, car nous nous trouverons -en face d'une des plus belles pages du maître, <i>la Trinité</i>. Il fit ce chef-d'œuvre -pour une église de Nuremberg, d'où on la porta à Prague; ensuite elle -passa à Vienne, où on la voit encore. En haut, au milieu de la toile, Dieu le père -presse entre ses bras le Christ attaché à la croix; le Saint-Esprit plane sur sa tête; -deux séraphins tiennent le manteau de Jéhovah, tandis que plusieurs anges -voltigent autour d'eux, portant les instruments de la Passion. A gauche, on -aperçoit des saintes conduites par la Vierge; à droite, des saints conduits -par saint Jean-Baptiste; au-dessous, une troupe d'élus de tous les états et de -toutes les races se tiennent debout sur des nuages et rendent des actions de -grâces au Créateur. A la droite du spectateur, on aperçoit Albert Dürer lui-même, -vêtu d'un riche manteau fourré; il tient dans la main gauche un écusson -sur lequel on lit: <i>Albertus Durer Noricus faciebat anno Virginis partu 1511</i>.</p> - -<p>Un beau paysage, baigné par un lac transparent, occupe le bas de la toile.</p> - -<p>1511 nous donne un autre tableau qui ne vaut pas le précédent, il s'en faut; -c'est une <i>Vierge allaitant l'enfant Jésus</i>, que l'on trouve au musée royal de -Madrid. On peut reprocher à la mère du Sauveur de n'être qu'une bonne bourgeoise -de Nuremberg, mais on doit reconnaître que la toile est d'un bel effet -et d'un bon coloris.</p> - -<p>1512 ne nous apporte qu'un tableau que l'on voit à Vienne, au Belvédère, -c'est une <i>Madone</i> qui se ressent du séjour du maître en Italie. La robe bleue -de la Vierge est d'une couleur très-intense, trop intense peut-être; elle écrase -un peu les chairs qui sont un peu pâles; l'enfant nu que la Madone tient sur -ses genoux est remarquablement beau.</p> - -<p>Le musée du roi, à Madrid, renferme un <i>Calvaire</i> daté de 1513, qui peut -rivaliser avec les meilleurs morceaux d'Albert Dürer. Ce n'est guère qu'un -tableau de chevalet. Mais les œuvres de génie ne se mesurent pas au mètre.</p> - -<p>En 1515, il fit à la plume les dessins du célèbre livre de prières destiné à -l'empereur Maximilien. Aucun de ces nombreux petits chefs-d'œuvre ne ressemble -à son voisin: les uns sont sérieux, les autres spirituels, tous sont admirables, -et c'est toujours celui que l'on a sous les yeux qui paraît le meilleur. -Ce livre unique est à Munich, dans la bibliothèque de la Cour.</p> - -<p>De tous les portraits d'Albert Dürer, le plus beau sans contredit est celui -qu'il a fait en 1516, d'après la <i>ressemblance</i> de son vieux maître, Michel Wohlgemuth. -Cette œuvre pieuse est conservée à la pinacothèque de Munich, -cabinet VII, sous le numéro 139; elle est peinte sur un fond vert uni et porte -cette singulière légende: «Albert Dürer a fait ce portrait en 1516, d'après la -ressemblance de son maître, Michel Wohlgemuth, qui était âgé de 82 ans et -qui a vécu jusqu'en 1519. Il est mort le jour de la Saint-André, avant le -lever du soleil.»</p> - -<p>A l'âge de quatre-vingt-deux ans maître Wohlgemuth avait encore l'air intelligent, -mais il ressemblait plutôt à un moine qu'à un grand artiste.</p> - -<p>La <i>Lucrèce</i> que nous trouvons à la pinacothèque de Munich, dans la -deuxième salle, sous le numéro 93, passe pour être le portrait de sa femme. -On se trompe évidemment; Agnès Frey était belle et distinguée, et cette -Lucrèce est laide et sans distinction. La même année, Albert Dürer a peint une -<i>Vierge tenant son fils sur ses genoux</i>. L'Enfant divin porte au cou un collier -d'ambre jaune, et sur une table verte on aperçoit un citron coupé qui fait -pâmer d'aise tous les réalistes. La Mère du Sauveur est aussi belle que les -plus belles Vierges de Raphaël.—Ce tableau est à Vienne, au Belvédère à -côté d'un superbe portrait de l'empereur Maximilien I<sup>er</sup>, daté de 1519.</p> - -<p>En 1520, Albert Dürer entreprend son voyage dans les Pays-Bas. Chemin -faisant, il dessine sur un album qu'il emporte toujours avec lui les personnages -et les objets qui lui semblent intéressants. Ce précieux album a été vendu en -détail; nous en avons vu quelques feuillets qui appartiennent à un amateur -distingué, M. Ambroise-Firmin Didot. Ils nous ont laissé le regret de ne pas -connaître les autres.</p> - -<p>Dans la pinacothèque de Munich, cabinet VII, numéro 127, nous trouvons -<i>Siméon et l'évêque Lazare</i>, un petit tableau charmant qui porte la date de 1523, -et qui cependant est peint sur un fond d'or, dans le style de l'école de Cologne. -A la même date, nous avons non-seulement un magnifique portrait -d'homme peint à la détrempe sur toile, que l'on suppose être Jacques Frugger, -mais encore trois des meilleurs tableaux du maître: 1<sup>o</sup> une <i>Descente de croix</i>, -fort bien composée et d'une vérité qui vous fait froid au cœur; 2<sup>o</sup> une <i>Nativité -dans la crèche</i>, où l'on voit sainte Marie et saint Joseph adorer l'enfant Jésus -entouré d'un groupe de chérubins, tandis que d'autres anges vont annoncer -la bonne nouvelle aux bergers. Cette <i>Nativité</i> formait le centre d'un triptyque -dont on a détaché les volets qui contenaient les portraits en pied des frères -Baumgartner, dont Albert Dürer parle souvent dans ses lettres à Pirkeimer; -3<sup>o</sup> la <i>Sainte Trinité</i>, qui appartient à un habitant d'Augsbourg. C'est un beau -tableau largement peint et fort bien conçu.</p> - -<p>Le musée Van Ertborn, d'Anvers, possède une magnifique grisaille; c'est le -portrait de l'électeur Frédéric III, de Saxe, conforme à la gravure qu'Albert -Dürer en a faite en 1524 et qui porte son monogramme si connu.</p> - -<p>1526 nous apporte trois pages superbes. On voit la première à Aix-la-Chapelle; -c'est un Christ qui fait ses adieux à sa Mère.</p> - -<p>On voit la seconde à Vienne, dans la galerie du Belvédère; c'est le portrait -d'un certain Johann Kleeberger, dont les grands yeux noirs et le teint mat sont -très-poétiques. Il serait très-beau s'il avait un nez, mais ce détail lui manque -presque absolument. Ce Kleeberger épousa Felicitas Pirkeimer, la fille de l'ami -de Dürer. En 1532, deux ans après la mort de sa femme, il s'établit à Lyon -où on ne l'appela bientôt que <i>le bon Allemand</i>, à cause du bien qu'il faisait -aux pauvres. Lorsqu'il mourut, en 1546, ses compatriotes d'adoption lui élevèrent, -sur le roc de Bourgneuf, une statue en bois, qui fut remplacée en 1849 -par une statue en pierre, due au ciseau de M. Bonnaire.</p> - -<p>La troisième est le portrait d'un des ancêtres de M. le conseiller et docteur -Rodolphe Holzschuler, chef d'une illustre famille de Nuremberg, qui le montre -aux étrangers avec une grâce parfaite. Son aïeul a cinquante-sept ans environ; -mais malgré ses cheveux blancs, il a l'air fort jeune. Ce portrait est un chef-d'œuvre.</p> - -<p>Il ne nous reste plus qu'à parler des tableaux qui n'ont pas de date certaine. -Parmi ceux-là nous trouvons, à Venise, le célèbre <i>Ecce Homo</i> qui doit -avoir été peint en 1505 ou en 1506.—A Vienne, dans la galerie de Fries, la -<i>Mort de la Vierge</i>. La tête de la mère du Christ est le portrait fidèle de Marie de -Bourgogne, première femme de Maximilien. Au second plan, on reconnaît -l'empereur, son fils et un grand nombre de contemporains célèbres. La beauté -de la couleur, le fini des détails et la ressemblance des personnages historiques -donnent un grand attrait à cette admirable peinture.—A Florence, dans la galerie -des Offices, la <i>Madone avec l'Enfant</i>. Ce tableau est mal placé; cependant -on remarque la grâce et la beauté de la Vierge: on jurerait une de ces belles -toiles de Jules Romain ou de son illustre maître. A Schleissheim, <i>la Vierge, -sainte Anne et l'Enfant Jésus endormi</i>, tableau d'une exécution irréprochable, -et une <i>Mater dolorosa</i> debout, les mains jointes.—Citons encore un <i>Ecce Homo</i> -qui, pour ne pas valoir celui de Venise, n'est pas moins une fort belle chose -dont la chapelle de Moritz, de Nuremberg, peut tirer grande vanité.—<i>Hercule -tuant les Harpies</i> est un tableau peint à la détrempe; il en reste juste assez -pour faire voir qu'il a été superbe et combien on doit le regretter.—Les <i>Bustes -des empereurs Charles et Sigismond</i>, du château de Nuremberg, belles figures -puissantes et majestueuses, peintes avec une grande sûreté de main.—Dans -la galerie de Schleissheim, le <i>Portrait d'un jeune savant</i>, bon ouvrage exécuté à -la détrempe, infiniment mieux conservé que l'<i>Hercule</i> dont nous avons déploré -la fin prématurée.—A Anvers, au musée Van Ertborn, une <i>Mater dolorosa</i>. -La Vierge, vêtue d'un manteau vert, est assise les mains jointes. Ce tableau -est très-beau, très-fini, d'une couleur très-intense et d'une conservation parfaite; -Otto Mündler l'attribue à Altdorfer. Il est peut-être d'Albert Dürer; les -hommes distingués qui ont rédigé le livret du musée d'Anvers se contentent -de dire qu'il appartient à l'école allemande. En Espagne ou en Italie on le -donnerait sans hésiter à Albert Dürer. En Belgique, dans le doute, on s'abstient -toujours, ce qui est à la fois plus honnête et plus habile.</p> - -<p>Faut-il parler ici des peintures dont le musée de Saint-Pétersbourg gratifie -trop généreusement Albert Dürer? Comme elles n'ont pas sur elles leur extrait -de naissance ou leur passe-port, ce qui n'est pas toujours la même chose, nous -aimons mieux les oublier pour n'avoir pas à les débaptiser.</p> - -<p>La bibliothèque Ambroisienne de Milan possède la <i>Conversion de saint -Eustache</i>, dont Albert Dürer a fait une de ses plus belles gravures.</p> - -<p>A Rome, il y a un tableau de Dürer, où il nous montre des <i>Avares</i> repoussants, -à force d'être vrais, et une copie de l'<i>Adoration des rois</i>, que l'on -voit à Florence. Tout le monde croit qu'elle est faite par un des bons élèves de -Dürer. Le directeur du musée seul déclare avec assurance que c'est un original. -Dans trois ans, si Dieu prête vie à ce galant homme, ce que je désire de tout -mon cœur, il assurera avec le même aplomb que le tableau de Florence est -une simple contrefaçon;—trois ans plus tard, il nommera l'élève de Dürer -qui l'a fait d'après celui de Rome; il dira, si on l'exige, combien de temps -il a employé à ce travail, où il était logé, ce qu'il mangeait à ses repas, et il -ne croira pas mentir. Rien ne peut être comparé à l'imagination d'un propriétaire -de tableaux. Et un directeur de musée n'est-il pas propriétaire de -tous les tableaux qu'il a sous sa garde?</p> - -<p>Nous trouvons, à Turin, une <i>Déposition de croix</i> d'une belle couleur, et un</p> -<i>Ermite en prière</i>, qui pourrait bien être de Heinrich Aldegrœver. - -<p>Dans la galerie du prince de Liechtenstein, à Vienne, il y a deux volets de -triptyque dont le panneau central est absent: ce sont deux portraits en pied -qui ne manquent pas de majesté et une petite esquisse à peine ébauchée, -vrai chef-d'œuvre de naïveté.</p> - -<p>A Dresde, on montre un portrait que l'on assure être celui de Lucas de Leyde, -qu'Albert Dürer a fait à Anvers, en 1520, et dont il parle dans ses notes de -voyage.—Un <i>Portement de croix</i> en figurines et en grisailles, et un <i>Lapin</i> à la -gouache sur parchemin, d'une vérité parfaite;—il amuse beaucoup les enfants, -les grandes personnes se contentent de l'admirer.</p> - -<p>Nous trouvons dans le musée de Madrid deux <i>allégories</i> philosophiques et -chrétiennes peintes sur des panneaux longs et étroits. Comme dans l'un et -dans l'autre la mort joue le rôle principal, on prétend qu'ils ont été commandés -par un seigneur du temps qui avait le spleen.</p> - -<p>Et enfin les apôtres Pierre et Jean, Paul et Marc, que l'on admire à Munich, -salle première, sous les numéros 71 et 76. Ils ne portent aucune date, mais le -livret de la pinacothèque nous apprend qu'ils ont été faits en 1527, c'est-à-dire -un an avant la mort d'Albert Dürer. Ces quatre apôtres pourraient être signés: -Raphaël ou Fra Bartholomeo. Quelle élévation de style, quelle grandeur imposante -et quelle noblesse! On les reconnaît, ce sont bien eux qui ont porté -la parole du Christ par la terre entière. En peignant l'apôtre saint Jean, Albert -Dürer lui a donné la belle et sympathique figure de Schiller. On dirait que le -grand peintre a pressenti la venue du grand poëte et qu'il a voulu d'avance -faire son portrait.</p> - -<p>On remarquera sans doute que nous n'avons pas cité une seule fois -Paris dans ce rapide travail; c'est qu'en effet notre musée impérial, qui contient -quelques beaux dessins du Raphaël de l'Allemagne, n'a pas une seule de ses -admirables peintures. Je n'accuse personne, je sais combien notre surintendant -est artiste; je sais aussi, sans qu'il me l'ait dit, avec quelle joie il payerait, non -pas au poids de l'or, ce serait trop bon marché, au poids du rubis, un tableau -qui porterait la signature d'Albert Dürer ou son célèbre monogramme. Mais -ceux qui ont le bonheur de posséder ces inimitables chefs-d'œuvre les gardent. -Il lui serait facile de se procurer quelques-unes des innombrables contrefaçons -que l'on fabrique par un procédé qui est d'une déplorable simplicité; -le voici: on colle sur une plaque de cuivre une gravure du maître, on la met -en couleur; on a soin de respecter le monogramme; on la vernit, on l'envoie -en Hollande, d'où elle revient sans toucher terre; on la conduit à l'hôtel Drouot, -où on la sert aux banquiers enrichis en un jour qui se font une galerie en une -heure.</p> - -<p>Si notre surintendant n'était pas lui-même un artiste distingué, il se laisserait -prendre à ce piége, car il est quelquefois assez vraisemblablement ourdi, et -nous aurions, comme quelques musées étrangers, une demi-douzaine d'Albert -Dürer. Mais combien nous préférons l'absence du chef de l'école nurembergeoise -à ces toiles douteuses qui font hausser les épaules aux vrais connaisseurs! -Il y a encore assez de tableaux authentiques d'Albert Dürer dans les -mains des particuliers, pour qu'un bon vent nous en amène un; s'il faut le -payer cher, on le payera cher!</p> - -<p>Les musées de province ne sont guère plus riches que celui de Paris. Cependant -Lyon a un <i>ex-voto</i> de l'empereur Maximilien signé du portrait de -Dürer lui-même, et Limoges un magnifique tableau peint sur fond d'or.</p> - -<p>Dans la relation de son voyage en Flandre, Albert Dürer passe en revue -la plus grande partie de ses gravures. Nous compléterons, chemin faisant, les -renseignements qu'il donne lui-même, et nous prierons le lecteur qui voudra -de plus amples détails de consulter l'<i>Abecedario de Mariette</i>, publié et annoté -par MM. de Chenevières et de Montaiglon, M. Charles Blanc, qui parle longuement -et savamment de l'œuvre gravé d'Albert Dürer dans son admirable -<i>Histoire des peintres</i>, Heller, qui a corrigé Bartsch, M. Passavant, qui a corrigé -Heller, et M. Émile Galichon qui, lui, n'a voulu corriger personne, et a pourtant -écrit un fort bon ouvrage sur les gravures d'Albert Dürer.</p> - -<p>Nous l'avons dit, Albert Dürer ne fut pas seulement peintre et graveur, il -embrassa tous les arts et excella dans tous. Il fut orfévre, mais aucun de ses -travaux n'est resté. Sandrart nous apprend qu'il a ciselé sept sujets de la Passion, -mais il ne les a pas vus.</p> - -<p>On lira dans le <i>Voyage en Flandre</i> qu'il fit beaucoup de dessins pour les -orfévres. On verra, dans la même relation, qu'il s'occupa aussi d'architecture; -entre autres travaux, il dessina au lavis le plan d'une maison pour le médecin -de dame Marguerite, et le British Museum possède le plan d'une fort belle fontaine -qu'il a dessiné à la plume; malheureusement, cette fontaine est restée -à l'état de projet.</p> - -<p>Il fut aussi ingénieur comme Léonard de Vinci et Michel-Ange. C'est lui qui -dirigea les travaux de fortifications de la ville de Nuremberg.</p> - -<p>Comme sculpteur, on lui donne: 1<sup>o</sup> un petit bas-relief en pierre, représentant -la naissance de saint Jean-Baptiste (il est conservé au British Museum); -2<sup>o</sup> deux statuettes, Adam et Ève (au musée de Gotha); 3<sup>o</sup> deux madones, bas-reliefs -sculptés en bois; deux femmes nues, vues l'une de face, l'autre de -dos, bas-reliefs en marbre (à Munich); 4<sup>o</sup> un saint Jean prêchant dans le -désert, bas-relief (à Brunswick); 5<sup>o</sup> divers ouvrages exécutés en ivoire et en -bois (à Dresde, dans la collection des Grünes Gewölbe); 6<sup>o</sup> une arquebuse -(à Vienne); 7<sup>o</sup> plusieurs bas-reliefs en bois et en pierre lithographique, avec -le monogramme d'Albert Dürer (à Paris, au Louvre, et à Bruges, au séminaire). -Mais nous n'acceptons la plus grande partie de ces ouvrages que sous -bénéfice d'inventaire. Les numismates lui attribuent aussi plusieurs médailles.</p> - -<p>Voici un pfenning qu'il grava pour Martin Luther:</p> - -<p>Le premier livre d'Albert Dürer est intitulé: <i>Traité de géométrie, ou Méthode -pour apprendre à mesurer avec la règle et le compas</i>. Cet ouvrage est mûrement -pensé et écrit clairement. On voit que l'auteur est convaincu de ce qu'il -avance, à savoir «que la géométrie est le vrai fondement de toute peinture, -et que, sans posséder à fond cette science, personne ne peut devenir un bon -peintre.»</p> - -<p>Ce traité était fort estimé au <span class="smallc">XVI</span><sup>e</sup> siècle.—A la demande d'Agnès Frey, -Joachim Camerarius en fit une traduction qui fut publiée à Paris, <i>ex officina -Christiani Welcheli</i>.</p> - -<p><i>Sub scuto Basilensi</i> <span class="smallc">M. D. XXXV</span>.</p> - -<p>A la même époque, le même éditeur mit en vente une traduction latine du -<i>Traité sur les fortifications des villes, châteaux et bourgs</i>, qu'Albert Dürer avait -publié en 1527, et qu'il avait dédié au roi de Hongrie, Ferdinand, frère de -Charles-Quint.</p> - -<p>L'ouvrage intitulé: <i>Les quatre livres des proportions humaines</i>, qui a été -écrit en 1523, n'a été publié qu'après la mort d'Albert Dürer, par les soins de -sa femme, qui n'a rien négligé pour en retirer un bon prix; il a aussi été traduit -en latin par Camerarius, et en français par Loys Meygret, de Lyon. Nous -ne dirons rien de cet ouvrage, puisqu'on peut le lire en français; il y en a un -exemplaire à la Bibliothèque impériale. Outre les trois traités dont nous venons -de parler, on conserve à la Bibliothèque de la Madeleine, à Breslau, un livre sur -l'escrime qui doit être authentique. On sait combien Albert Dürer aimait -tous les exercices du corps.</p> - -<p>Un ouvrage sur les proportions du cheval, qu'on lui attribue, n'est pas de -lui, si l'on en croit Camerarius, qui est digne de foi.</p> - -<p><a id="Footnote_2" href="#FNanchor_2" class="label">[2]</a> Œuvres de Bernard Palissy, page 10 (<i>édition Ruault</i>,—1777); dans une -note, on lit ceci: «En 1777, les pièces capitales se vendent jusqu'à 15 et 16 -livres.» Que dirait donc l'auteur de la note, s'il savait que j'en ai vu vendre -une, dernièrement, 1,200 francs?</p> - -<p><a id="Footnote_3" href="#FNanchor_3" class="label">[3]</a> Jean.</p> - -<p><a id="Footnote_4" href="#FNanchor_4" class="label">[4]</a> Célèbre imprimeur de Nuremberg.</p> - -<p><a id="Footnote_5" href="#FNanchor_5" class="label">[5]</a> Celui-ci a survécu à Albert, et fut son héritier.</p> - -<p><a id="Footnote_6" href="#FNanchor_6" class="label">[6]</a> Jean fut peintre du roi de Pologne.</p> - -<p><a id="Footnote_7" href="#FNanchor_7" class="label">[7]</a> Né à Nuremberg en 1434, mort en 1519 dans sa ville natale. On l'appelle -généralement le Pérugin du Raphaël de l'Allemagne. Lorsque Albert Dürer entra -chez Michel Wohlgemuth, ce peintre illustrait la <i>Chronique de Nuremberg</i>, -livre célèbre, qui fut imprimé, pour la première fois, en 1493, par le parrain -d'Albert, Antoine Koberger.</p> - -<p><a id="Footnote_8" href="#FNanchor_8" class="label">[8]</a> Cette maison ou plutôt cette cage n'est intéressante que parce qu'elle a -été habitée par le célèbre artiste pendant la plus grande partie de sa vie, et -qu'il y a composé presque tous ses chefs-d'œuvre.—Elle est située à l'extrémité -de la rue Albert Dürer et porte le numéro 376. Les murs sont construits -avec des soliveaux entre-croisés, dont les intervalles sont remplis par la maçonnerie; -les fenêtres sont nombreuses et larges; elle est coiffée d'un énorme -toit rouge percé d'une grande quantité de lucarnes longues et basses comme -ses voisines, dont elle n'a pas l'air de chercher à se distinguer.</p> - -<p>La tradition rapporte que, sur le pignon, à la hauteur du premier étage, -s'avançait autrefois en saillie une loge vitrée qui servait d'atelier au maître; -elle a été démolie, parce qu'elle menaçait ruine, et on a eu le tort de ne pas la -reconstruire.</p> - -<p>La ville de Nuremberg a acquis cette maison et lui a donné une noble destination -en la réservant aux assemblées de la <i>Société Albert Dürer</i> et aux expositions -permanentes d'objets d'art.—Les étrangers qui désirent visiter ce pieux -souvenir historique sont fort bien accueillis par un artiste délégué, qui leur -montre avec une grâce parfaite le rez-de-chaussée où Dürer faisait poser ses -modèles; la grande salle du premier étage où le maître recevait ses élèves et -ses amis, après ses longues journées de labeur, lorsque la belle Agnès l'autorisait -à ne pas travailler le soir, ce qui était fort rare; et enfin le second étage -où on voit la chambre à coucher d'Albert Dürer. C'est un réduit situé sur la -cour, où le soleil n'a jamais daigné venir le saluer, et où un homme de -moyenne taille peut à peine se tenir debout. Si j'offrais à mon domestique -quelque chose de pareil, il m'aurait bientôt donné mon compte.</p> - -<p><a id="Footnote_9" href="#FNanchor_9" class="label">[9]</a> Un jour, l'empereur Maximilien fit pour Albert Dürer ce que Charles-Quint -fit plus tard pour le Titien, et François I<sup>er</sup> pour Benvenuto Cellini, il -maintint en équilibre l'échelle sur laquelle le peintre était monté, et dit aux -gentilshommes de sa suite: «Vous le voyez, messieurs, le génie d'Albert -Dürer le place même au-dessus de l'empereur.»</p> - -<p>Un autre jour, Albert Dürer, dessinant sur une muraille, allait devoir interrompre -son travail, parce qu'il ne se trouvait plus assez élevé, lorsque l'empereur -Maximilien, qui était présent, ordonna à un de ses gentilshommes de -se poser de façon que l'artiste pût se servir de lui pour s'exhausser. Le gentilhomme -représenta humblement qu'il était prêt à obéir, bien qu'il trouvât cette -posture fort humiliante; il ajouta qu'on ne pouvait guère plus avilir la noblesse, -qu'en la faisant servir de marchepied à un peintre.</p> - -<p>«Ce peintre, reprit l'empereur, est plus que noble par ses talents; je peux -d'un paysan faire un noble, mais d'un noble je ne ferais jamais un artiste -comme Albert Dürer.» Le soir même, Albert Dürer fut anobli par l'empereur, -qui lui donna pour armes trois écussons d'argent, deux en chef et un en pointe -sur champ d'azur.</p> - -<p>Nous laissons la responsabilité de ces anecdotes à Karle de Mander, qui a -fait des comédies charmantes et des fables fort spirituelles, dont il s'est un peu -trop souvent souvenu quand il a écrit son histoire des peintres.</p> - -<p><a id="Footnote_10" href="#FNanchor_10" class="label">[10]</a> Memini virum excellentem ingenio et virtute Albertum Durerum pictorem -dicere, se juvenem floridas et maxime varias picturas amasse, seque admiratorem -suorum operum valde lætatum esse, contemplando hanc varietatem -in sua aliqua pictura.</p> - -<p>Postea se senem cœpisse intueri naturam, et illius nativam faciem intueri -conatum esse.</p> - -<p>Quam cum non prorsus adsequi posset, dicebat se jam non esse admiratorem -operum suorum ut olim, sed sæpe gemere intuentem suas tabulas et cogitare -de infirmitate sua, etc., etc.</p> - -<p class="i9">(<i>Epistolæ Ph. Melancthonis.</i>, Ep. <span class="smallc">XLVII</span>, page 42.)</p> - -<p><a id="Footnote_11" href="#FNanchor_11" class="label">[11]</a> En 1477, un patricien de Nuremberg, nommé Martin Kœtzel, fit un voyage -en Palestine. Pendant son séjour en Terre Sainte, il compta le nombre de pas -qui séparent la maison de Pilate du Golgotha. Son dessein était de mesurer -une distance égale, à partir de sa maison de Nuremberg jusqu'au cimetière -Saint-Jean, et de faire sculpter, par l'illustre statuaire Kraft, sept stations dans -l'intervalle et un calvaire avec le Christ, et les deux larrons à l'extrémité.—Qu'arriva-t-il?—Le -patricien perdit-il la mémoire ou ses notes? On l'ignore. -Ce que l'on sait, c'est que, revenu chez lui, il n'avait plus ses mesures. Onze -ans après, en 1488, il entreprit un nouveau pèlerinage pour pouvoir faire de -nouveau son calcul sur place, et au retour il fut assez heureux pour trouver -Adam Kraft plein de vie et dans toute la force de son talent. Cette fois, il ne -perdit pas une seconde, son œuvre pie fut exécutée et fort bien, si l'on en juge -par les morceaux que le temps n'a pas dévorés.</p> - -<p><a id="Footnote_12" href="#FNanchor_12" class="label">[12]</a> Willibald ou Bilibald Pirkeimer, sénateur de Nuremberg, homme de lettres -distingué et l'un des amis intimes d'Albert Dürer.—Il a fait son portrait sur cuivre -en buste vu de trois quarts avec cette épigraphe: <i>Bilibaldi Pirkeymheri. effigies. -œtatis. suæ, anno</i> L. III. <i>Vivitur. ingenio cætera. mortis erunt</i> M. D. XX. IV. Ce -portrait admirable est celui dont nous donnons, dans ce livre, une copie exécutée -par M. Durand, d'après une épreuve de la collection de M. Ambroise-Firmin Didot. -Dürer a aussi peint les armoiries de Pirkeimer, deux écus soutenus par deux génies -ailés au-dessus desquels on lit: <i>Sibi et amicis</i> P., et dans la marge du bas: Liber -<i>Bilibaldi Pirkeimer</i>: dans celle du haut est une inscription en hébreu, une seconde -en langue grecque et la suivante en latin: <i>Initium sapientiæ timor Domini</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_13" href="#FNanchor_13" class="label">[13]</a> Il parle certainement des Allemands qui habitent la <i>Giudecca</i> ou <i>Zuecca</i> -(quartier des Juifs), dans l'île de <i>Spinalonga</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_14" href="#FNanchor_14" class="label">[14]</a> Il veut parler sans doute d'une communauté allemande qui existait alors à -Venise.</p> - -<p><a id="Footnote_15" href="#FNanchor_15" class="label">[15]</a> C'était le <i>Martyre de saint Bartholomé</i>. Ce tableau fut acheté plus tard par le -roi de Bohême Rodolphe II, qui le plaça dans la galerie de Prague.</p> - -<p><a id="Footnote_16" href="#FNanchor_16" class="label">[16]</a> Le plus jeune et le plus illustre des deux frères Bellini, le maître de Giorgion et -du Titien.</p> - -<p>Il est né à Venise en 1426, il y est mort en 1516 et il y est enterré à côté de son -frère Gentile, dans l'église des apôtres saint Jean et saint Paul.</p> - -<p><a id="Footnote_17" href="#FNanchor_17" class="label">[17]</a> Albert Dürer parle-t-il de Jacob Walch ou de Jacob Elsner, l'artiste universel -dont Neudörffer dit: «Ce Jacob Elsner était un homme d'un commerce agréable que -les patriciens recherchaient fort. Il jouait admirablement du luth et vivait dans l'intimité -des habiles organistes Sébastien Imhoff, Guillaume Haller et Laurent Stauber. Il -peignit leurs portraits, illumina leurs beaux livres, dessina les blasons que l'empereur -et les rois leur avaient donnés et fit nombre d'autres petits travaux pour eux. Personne -de son temps ne savait peindre l'or comme lui.» Le docteur Frédéric Campe croit -qu'il est question d'Elsner. «Albert Dürer, dit-il, parlerait avec plus de respect de son -honorable prédécesseur Jacob Walch ou le Walche.» Le respect n'a rien à faire ici. -Albert Dürer donne son opinion sur les peintres italiens, et s'il attaque quelqu'un, c'est -Antoine Kolb, dont le zèle amical est en effet un peu bien exagéré.</p> - -<p>M. Passavant déclare nettement qu'il s'agit ici d'un tableau de Jacob Walch -qui venait, grâce à Kolb, d'obtenir une situation auprès de Philippe de Bourgogne. Il -ajoute qu'Albert Dürer avait peut-être sollicité cette situation. Pourquoi cette supposition -toute gratuite? L'appréciation d'Albert Dürer n'était que juste. «Jacob Walch, dit -Jacob de Barbarj, dit le Maître au caducée, avait du talent, mais il était loin d'égaler les -maîtres italiens.» (Voir le travail de M. Émile Galichon sur ce peintre. <i>Gazette des -Beaux-Arts</i>, t. XI, p. 314, n<sup>o</sup> 456.)</p> - -<p><a id="Footnote_18" href="#FNanchor_18" class="label">[18]</a> Minuit et demi de notre temps.</p> - -<p><a id="Footnote_19" href="#FNanchor_19" class="label">[19]</a> La mère de Dürer faisait cuire des œufs et Hans les peignait. Cette coutume -existe encore aujourd'hui à Nuremberg et à Prague. Ces œufs, qui sont artistement -peints, amusent toujours les petits enfants et même les grandes personnes.</p> - -<p><a id="Footnote_20" href="#FNanchor_20" class="label">[20]</a> Le premier dimanche après Pâques.</p> - -<p><a id="Footnote_21" href="#FNanchor_21" class="label">[21]</a> La première partie de cette lettre est écrite un peu en italien de cuisine, un -peu en espagnol, un peu en portugais et beaucoup en patois indéchiffrable.—Pirkeimer, -qui était un homme fort instruit, a dû rire beaucoup en la recevant.—Voici le -texte original, original est le mot.</p> - -<p>«Grandissimo primo homo de mondo, woster servitor ell schiavo Alberto Dürer disi -salus suo magnifico miser Willibaldo Pircamer my fede el aldy Wolentiri cum grando -pisir woster sanita et grando honor el my maraweio como ell possibile star uno homo -cosi wu contra thanto sapientissimo Tirasibuly milites non altro modo nysy una gracia -de dio quando my leser woster littera de questi strania fysa de catza my habe thanto -pawra et para my uno grando kosa.»</p> - -<p><a id="Footnote_22" href="#FNanchor_22" class="label">[22]</a> Pirkeimer avait envoyé à son ami un dessin un peu intime, en effet.</p> - -<p><a id="Footnote_23" href="#FNanchor_23" class="label">[23]</a> Il parle de sa femme.</p> - -<p><a id="Footnote_24" href="#FNanchor_24" class="label">[24]</a> Eucharis Karll, prieur des Augustins.</p> - -<p><a id="Footnote_25" href="#FNanchor_25" class="label">[25]</a> Les quelques premiers mots de cette phrase sont écrits en italien, un peu moins -indéchiffrable que celui que l'on trouve au commencement de la lettre précédente.</p> - -<p><a id="Footnote_26" href="#FNanchor_26" class="label">[26]</a> A l'époque dont parle Albert Dürer, Pirkeimer fit partie de l'ambassade qui -fut envoyée au conseil de la Confédération souabe par la ville de Nuremberg. L'histoire -de cette négociation est conservée dans les archives de Nuremberg sous ce titre: -Conventions conclues entre le margrave Frédéric de Brandenbourg et l'ambassade de -Nuremberg, etc., 1506, in-folio.</p> - -<p><a id="Footnote_27" href="#FNanchor_27" class="label">[27]</a> Leonardo Loredano, doge de Venise de 1500 à 1521.</p> - -<p><a id="Footnote_28" href="#FNanchor_28" class="label">[28]</a> Antonio Suriano.</p> - -<p><a id="Footnote_29" href="#FNanchor_29" class="label">[29]</a> Agnès Frey, fille d'Hans Frey de Nuremberg, épousa Albert Dürer en 1494. -Le journal de Dürer prouve qu'il n'avait pas laissé à Nuremberg son avare et querelleuse -femme, comme l'ont prétendu jusqu'ici ses biographes, entre autres J. Sandrart, qui l'écrit -en toutes lettres dans le deuxième volume de l'<i>Académie allemande</i>, page 225 (<i>imprimé -à Nuremberg en 1675</i>). Du reste, Albert Dürer, dans son journal, ne dit pas -un mot du caractère de sa femme. Il résulte aussi de ce document qu'en 1520 il se -rendit pour la première fois dans les Pays-Bas. Il n'avait donc pas visité précédemment -ce pays avec l'empereur Maximilien I, comme Quadens le prétend à tort dans -les <i>Fastes de la nation allemande</i>, page 428. S'il est vrai qu'Albert Dürer alla dans -les Pays-Bas pour fuir des chagrins domestiques, malheureusement trop réels, il faut -que ce voyage nouveau ait eu lieu en 1523 ou en 1524 seulement.</p> - -<p><a id="Footnote_30" href="#FNanchor_30" class="label">[30]</a> Georges III, sacré en 1505, mort en 1522, protecteur des arts. Albert Dürer a fait -son portrait.</p> - -<p><a id="Footnote_31" href="#FNanchor_31" class="label">[31]</a> Suite de 20 estampes. Hauteur, 11 pouces; largeur, 7 pouces 9 lignes. Voir -Bartsch, <i>le Peintre-Graveur</i>, D. VII, n<sup>o</sup> 76-95.</p> - -<p><a id="Footnote_32" href="#FNanchor_32" class="label">[32]</a> L'Apocalypse de saint Jean, 15 estampes. Hauteur, 14 pouces 6 lignes; largeur, -10 pouces 3 à 6 lignes. Voir Bartsch, <i>le Peintre-Graveur</i>, 60-75. - -Cette œuvre gigantesque est digne de l'homme de génie qui l'a exécutée, et digne -du livre étrange qui l'a inspirée.</p> - -<p><a id="Footnote_33" href="#FNanchor_33" class="label">[33]</a> Le florin d'or valait 8 fr. 60 de notre monnaie d'aujourd'hui.</p> - -<p><a id="Footnote_34" href="#FNanchor_34" class="label">[34]</a> Hans Wolfgang Ratzheimer vivait à Bamberg, de 1492 à 1527.</p> - -<p><a id="Footnote_35" href="#FNanchor_35" class="label">[35]</a> Albus, ou pfennig blanc, monnaie d'argent mise en circulation vers 1360. Sous -l'empereur Charles IV, elle avait surtout cours dans l'électorat de Cologne et dans la -Hesse-Cassel; elle valait 9 pfennigs. On n'en trouve plus que dans les cabinets des -numismates.</p> - -<p><a id="Footnote_36" href="#FNanchor_36" class="label">[36]</a> Le fils du sellier, l'élève du père d'Albert Dürer.</p> - -<p><a id="Footnote_37" href="#FNanchor_37" class="label">[37]</a> On sait que du temps d'Albert Dürer, cette ville était appelée Antorff par les -Allemands.</p> - -<p><a id="Footnote_38" href="#FNanchor_38" class="label">[38]</a> Le chevalier Arnold de Liere, qui fut successivement bourgmestre de l'extérieur -et de l'intérieur, de 1506 à 1529, date de sa mort.</p> - -<p><a id="Footnote_39" href="#FNanchor_39" class="label">[39]</a> Cette maison, située rue des Princes, devant la cour de Liere, est aussi appelée -la Maison Anglaise. Aujourd'hui, c'est un hôpital militaire. L. Guicciardyn dit, dans -sa <i>Description des Pays-Bas</i>, Amsterdam 1612, page 69, qu'elle fut bâtie par le seigneur -Aert, né de la branche noble de Liere, pour servir de résidence à Charles V.</p> - -<p><a id="Footnote_40" href="#FNanchor_40" class="label">[40]</a> Maître Pierre, charpentier de la ville.</p> - -<p><a id="Footnote_41" href="#FNanchor_41" class="label">[41]</a> Quentin Metsys, peintre fameux, né à Louvain vers 1466, mort à Anvers en 1530.</p> - -<p>Nous disons en 1530. En effet, il résulte d'une communication faite à M. Pierre Génard -par le chevalier Léon de Burbure, et insérée à la page 196 de la <i>Vlamsche School</i>, -volume de 1857, que maître Quentin Metsys est décédé entre le jour de la Noël 1529 et -la veille de cette fête 1530. C'est en cette dernière année qu'il est mort, puisqu'il avait -assisté encore, le 8 juillet 1530, à la passation d'un acte.... (<i>Livret du musée d'Anvers</i>).</p> - -<p>Le célèbre ferronnier-peintre avait donc seulement 64 ans et non 84 comme on le -croyait avant la découverte de son acte de naissance faite récemment par M. Edward -Van Even, l'infatigable archiviste de la ville de Louvain. M. Paul Mantz, qui est à l'affût -de tout ce qui peut donner un attrait nouveau à son <i>Histoire des peintres flamands</i>, -publiera, j'en suis sûr, ce précieux document dans la prochaine édition de son excellent -livre.</p> - -<p><a id="Footnote_42" href="#FNanchor_42" class="label">[42]</a> Quentin Metsys habitait alors une maison appelée le Singe (de Simme), dans la -rue des Tanneurs (Huidevetters-Straet, section 3, n<sup>o</sup> 1037).</p> - -<p>Plus tard il alla habiter la rue du Jardin dans les Arbaletriers (Schutters-hof-Straet). -C'est cette deuxième demeure qui avait encore, en 1658, pour enseigne, un -saint Quentin forgé en fer par maître Quentin Metsys lui-même, si l'on en croit Van -Fornenberg.</p> - -<p><a id="Footnote_43" href="#FNanchor_43" class="label">[43]</a> Les places de tir étaient alors situées, les deux premières, où sont aujourd'hui -le marché au blé et le nouveau théâtre; la troisième, près des rues des Tapissiers et du -Jardin-du-Tir. Elles furent toutes les trois rebâties en partie par Gillibert van Schoonbeke, -en 1552.</p> - -<p><a id="Footnote_44" href="#FNanchor_44" class="label">[44]</a> Le 23 décembre 1520, Charles V fit son entrée triomphale à Anvers, où se tenait -alors le conseil de toutes les provinces, pour offrir à Sa Majesté deux cent mille couronnes -(<i>Chronique anversoise</i>, page 14).</p> - -<p><a id="Footnote_45" href="#FNanchor_45" class="label">[45]</a> Orfévre et amateur de Nuremberg, né en 1504, mort en 1546, reçu de la gilde -de Saint-Luc en 1546.</p> - -<p><a id="Footnote_46" href="#FNanchor_46" class="label">[46]</a> 37 estampes. Hauteur, 4 pouces 8 à 10 lignes; largeur, 3 pouces 7 lignes. Voir -Bartsch, <i>le Peintre-Graveur</i>, 16-52.</p> - -<p><a id="Footnote_47" href="#FNanchor_47" class="label">[47]</a> Suite de 16 pièces gravées sur bois. Hauteur, 4 pouces 4 lignes; largeur, -2 pouces 9 lignes. Voir Bartsch, <i>le Peintre-Graveur</i>, 3-18. Vasari dit qu'Albert Dürer -a été à Venise pour porter plainte contre Marc-Antoine, qui avait fait et vendu des -copies de la grande et petite Passion de Jésus-Christ. Cette assertion est fausse. Ce qui -le prouve mieux que tous les raisonnements, c'est que les cinquante-trois pièces -qui composent les deux séries de la Passion ont été commencées en 1507 et terminées -en 1513, lorsque Albert était revenu depuis longtemps de Venise. S'il y a été une autre -fois, c'est avant 1506 et non après.</p> - -<p><a id="Footnote_48" href="#FNanchor_48" class="label">[48]</a> Félix Hungersberg, musicien célèbre et capitaine de l'empire.</p> - -<p><a id="Footnote_49" href="#FNanchor_49" class="label">[49]</a> Joachim Patenier ou de Patenir, né à Dinant, vers la fin du <span class="smallc">XV</span><sup>e</sup> siècle, célèbre -comme peintre et comme ivrogne. Il a fait quelques batailles; mais c'est comme paysagiste -qu'il s'est illustré. Il mettait dans un coin de tous ses tableaux un petit bonhomme -accroupi et ...... C'était le coin du maître. Albert Dürer estimait beaucoup -sa peinture; mais il voyait avec chagrin un homme de son mérite <i>vivre misérablement -dans la crapule</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_50" href="#FNanchor_50" class="label">[50]</a> Desiderius Erasme, né à Rotterdam le 28 octobre 1467, mort le 11 juillet 1536 -à Basel.</p> - -<p><a id="Footnote_51" href="#FNanchor_51" class="label">[51]</a> Peut-être le frère de Lumbardus, le peintre.</p> - -<p><a id="Footnote_52" href="#FNanchor_52" class="label">[52]</a> <i>Imagines cœli septentrionalis.</i> Hauteur et largeur, 15 pouces 10 lignes. -<i>Imagines cœli meridionalis.</i> Hauteur et largeur, 15 pouces 8 lignes. Voir Bartsch, -<i>le Peintre-Graveur</i>, n<sup>o</sup> 151-152.</p> - -<p><a id="Footnote_53" href="#FNanchor_53" class="label">[53]</a> Nicolas Kratzer, chimiste et astronome fameux, florissait à Oxford en 1517. -Holbein fit aussi son portrait en 1528.</p> - -<p><a id="Footnote_54" href="#FNanchor_54" class="label">[54]</a> Ces quelques lignes ont inspiré au grand peintre belge, Henri Leys, un tableau -qui est un chef-d'œuvre.</p> - -<p><a id="Footnote_55" href="#FNanchor_55" class="label">[55]</a> Cette maison existe encore aujourd'hui; elle est située, rempart des tailleurs -de pierre, W. 4, n<sup>o</sup> 794; mais elle est entièrement défigurée. Les Focker ou Fugger -étaient, en ce temps-là, les plus riches marchands de l'Europe. Ils étaient originaires -d'Augsbourg et s'étaient fixés à Anvers en 1505.</p> - -<p><a id="Footnote_56" href="#FNanchor_56" class="label">[56]</a> L'hôtel de Portugal, situé au <i>Kipdorp</i>, W. 2, n<sup>o</sup> 1668, acheté par la ville à -M. Gilles de Schermere, le 20 novembre 1511, et donné au facteur et consuls ordinaires -du Portugal, «et ce tant et durant que les dicts facteur ou consuls se tiendront -en ceste ditte ville, et que le facteur tiendra sa demeure en la ditte maison.» En -1817, on en fit la caserne des pompiers.</p> - -<p><a id="Footnote_57" href="#FNanchor_57" class="label">[57]</a> Rodrigo Fernandès, très-gros commerçant, facteur de Portugal en 1528. Cette -année, il acheta le splendide hôtel d'Immerseele, appelé plus tard le Vetkot, situé rue -Longue-Neuve W. 2, n<sup>o</sup> 1468. Il l'acheta au seigneur Jan d'Immerseele, bailli d'Anvers -et marquis du pays de Ryen, et à demoiselle Marie De Lannoy, sa femme. La rue -du Marquisat qui est près de là en a pris son nom. La jolie chapelle qui existe encore -fut bâtie par le marquis en 1496.</p> - -<p><a id="Footnote_58" href="#FNanchor_58" class="label">[58]</a> Conrad Meyt, né à Malines, reçu à la gilde de Saint-Luc, en 1536.</p> - -<p><a id="Footnote_59" href="#FNanchor_59" class="label">[59]</a> Cette estampe est gravée à l'eau-forte sur fer. Hauteur, 7 pouces 9 lignes; largeur, -6 pouces 10 lignes. Voir Bartsch, <i>le Peintre-Graveur</i>, n<sup>o</sup> 59.</p> - -<p><a id="Footnote_60" href="#FNanchor_60" class="label">[60]</a> Il y a tout un poëme dans cette figure, qui revient sans cesse, et peut-être -malgré lui, dans l'œuvre du maître. Ce sont les traits de <i>la jalousie</i> d'une grande -quantité de ses vierges terrestres, et sans doute de ce monstre charmant, Agnès Frey, -qu'il déteste et qu'il adore. Voir page <span class="smallc">XIV</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_61" href="#FNanchor_61" class="label">[61]</a> Gravure que l'on trouve assez facilement belle. Hauteur, 3 pouces 7 lignes; -largeur, 5 pouces 3 lignes. Voir Bartsch, <i>le Peintre-Graveur</i>, n<sup>o</sup> 58.</p> - -<p><a id="Footnote_62" href="#FNanchor_62" class="label">[62]</a> Cette petite merveille que nous donnons ici est gravée au burin sec. Albert Dürer -en avait fait tirer très-peu d'exemplaires. Aussi était-elle déjà rare de son vivant, et ne -l'offrait-il qu'aux personnes dont il faisait grand cas.</p> - -<p><a id="Footnote_63" href="#FNanchor_63" class="label">[63]</a> Cette gravure, dont l'empereur Rodolphe II a fait dorer la planche, est une des -plus fines et des plus remarquables du maître. On la nomme aussi <i>saint Hubert</i>, -parce que l'on y voit dans une forêt un chasseur à genoux devant un cerf qui porte -une croix lumineuse au-dessus de la tête. On croit, généralement que l'artiste a fait le -portrait de Maximilien I<sup>er</sup>. Peut-être est-ce celui de son ami Reiter, qui ressemblait -à l'empereur. Hauteur mesurée du côté gauche, 13 pouces 3 lignes; du côté droit, -13 pouces seulement; largeur, 9 pouces 7 lignes. Voir Bartsch, <i>le Peintre-Graveur</i>, n<sup>o</sup> 57.</p> - -<p><a id="Footnote_64" href="#FNanchor_64" class="label">[64]</a> On ne trouve plus ce titre dans les catalogues de l'œuvre d'Albert Dürer; il -s'agit ici de la <i>justice</i> ou de la <i>grande fortune</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_65" href="#FNanchor_65" class="label">[65]</a> Cette gravure, très-belle et très-rare, porte cette inscription: Albertus Dürer -Noricus faciebat 1504. C'est la première fois que le maître signe en toutes lettres. Il a -compris sans doute que l'œuvre est digne du grand nom qu'il se fera. Dès ce moment, -en effet, son dessin et son exécution technique sont irréprochables. Il n'a plus ni -dureté, ni sécheresse, il n'est plus l'élève d'aucun maître. Il est lui! Hauteur, 9 pouces -2 lignes; largeur, 7 pouces 1 ligne. Voir Bartsch, <i>le Peintre-Graveur</i>, n<sup>o</sup> 1.</p> - -<p><a id="Footnote_66" href="#FNanchor_66" class="label">[66]</a> Voir page <span class="smallc">CL</span>.</p> - -<p><a id="Footnote_67" href="#FNanchor_67" class="label">[67]</a> Le Christ expirant sur la croix. On dit que cette estampe a été gravée sur le -pommeau de l'épée de l'empereur Maximilien. C'est un petit chef-d'œuvre extrêmement -rare.</p> - -<p><a id="Footnote_68" href="#FNanchor_68" class="label">[68]</a> Agent d'une maison de commerce du royaume à Bruxelles.</p> - -<p><a id="Footnote_69" href="#FNanchor_69" class="label">[69]</a> Rogier de Bruges, ou plutôt Rogier van der Weyden, peintre, né à Bruxelles, -suivant les uns, à Tournay, suivant les autres, vers 1400, et mort à Bruxelles le 16 juin -1464, d'une maladie épidémique appelée le <i>mal anglais</i>, qui ravageait alors le pays.</p> - -<p>Trois des tableaux dont parle Albert Dürer sont d'une grande naïveté, mais le -quatrième est d'un effet très-saisissant: c'est Herkenbaldt, mourant dans son lit, qui -embrasse son neveu, convaincu d'un viol, et qui en même temps l'égorge pour le -soustraire à l'ignominie du supplice.—La tête du vieillard est du plus haut style. -M. Alphonse Wauters croit que ces tableaux ont été détruits dans le bombardement -de Bruxelles, en 1695. Quatre magnifiques tapisseries de 26 pieds de longueur sur -13 pieds 6 pouces de hauteur, conservées précisément dans la sacristie de l'église de -Berne, les reproduisent de la manière la plus complète, et nous font voir combien -Lampsonius avait raison quand il s'écriait avec admiration: «O maître Rogier, quel -homme vous étiez!</p> - -<p><a id="Footnote_70" href="#FNanchor_70" class="label">[70]</a> Le Mexique.</p> - -<p><a id="Footnote_71" href="#FNanchor_71" class="label">[71]</a> Hugues Vandergoes, peintre distingué, que Vasari nomme Hugo d'Anversa. -Pourquoi? Ce n'est sans doute pas parce qu'il est né à Gand vers 1430.—En 1476 -il se fit ordonner prêtre, devint chanoine régulier au monastère de la Croix-Rouge, -dans la forêt de Soignes, aux portes de Bruxelles, et mourut en 1482.</p> - -<p>Ses compagnons de retraite gravèrent cette inscription sur sa tombe:</p> - -<p class="quote">Pictor Hugo van der Goes humatus hic quiescit.<br /> -<span class="i1">Dolet ars, cum similem sibi modo nescit.</span></p> - -<p><a id="Footnote_72" href="#FNanchor_72" class="label">[72]</a> Bernard van Orley, ou Barend van Brussel, né à Bruxelles en 1471, mort dans sa -ville natale en 1541, peintre de Marguerite d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas. Il -eut la gloire d'être un des rares peintres flamands qui accueillirent Albert Dürer sans -jalousie.</p> - -<p><a id="Footnote_73" href="#FNanchor_73" class="label">[73]</a> Receveur du Brabant pour le quartier de la ville d'Anvers.</p> - -<p><a id="Footnote_74" href="#FNanchor_74" class="label">[74]</a> Il est représenté à mi-corps dans son cabinet. Il écrit. Érasme ne fut pas -content de ce portrait comme il l'avait été de celui fait par Holbein, qu'il avait gardé -dix jours chez lui avant de le rendre, pour qu'il pût paraître dans la célèbre édition -de l'<i>Éloge de la folie</i>, dite édition d'Holbein, parce que ce grand peintre l'avait illustrée -de quatre-vingt-trois dessins, gravés sur cuivre, sans compter son portrait, celui -de Morus et celui d'Érasme sur une seule planche. Oh! oh! s'était écrié le philosophe -de Rotterdam en voyant ce portrait, si je ressemblais encore à cet Érasme-là, en vérité, -je voudrais me marier. Albert Dürer a gravé ce portrait sur cuivre, avec cette inscription: -«Imago Erasmi Roterodami ab Alberto Durero ad vivam effigiem delineata, -MDXXVI.» Hauteur, 9 pouces 3 lignes; largeur, 7 pouces 2 lignes.</p> - -<p><a id="Footnote_75" href="#FNanchor_75" class="label">[75]</a> Albert Dürer parle-t-il de l'estampe de Lucas de Leyde, ou du petit livre populaire -intitulé <i>Aventures de Thyl Uylenspiegel</i>, qui fut traduit en 1483 du néerlandais -en allemand, selon les Flamands, ou de l'allemand en néerlandais, selon les Allemands? -En 1613, Van der Hoeven, de Rotterdam, fit une nouvelle édition de cette bonne bouffonnerie -avec ce titre: «Histoire de Thyl Uylenspiegel, relation des farces ingénieuses -qu'il a faites; très-amusante à lire, avec de belles gravures.» Depuis on en a publié -bon nombre corrigées et considérablement augmentées. Pour ma part j'en connais bien -dix, en comptant celle qui est spirituellement illustrée par Paul Lauters. Je crois -qu'Albert Dürer parle du livre, car de son temps la gravure devait déjà être très-rare. -A peine gravée, la planche avait été perdue; peut-être Lucas l'avait-il détruite lui-même, -car cette estampe n'était pas à la hauteur de ses autres ouvrages.</p> - -<p>Le graveur Henri Hondius en a fait une copie en 1644, avec cette inscription:</p> - -<p class="quote">Dees eerste vorm is wech, men vinter geen voor ons,<br /> -Want een papiere Druck gelt vyftich Ducatons.</p> - -<p>«Cette forme première est perdue, on ne peut la retrouver; et un exemplaire sur -papier se paye cinquante ducatons.»</p> - -<p><a id="Footnote_76" href="#FNanchor_76" class="label">[76]</a> Ambassadeur nurembergeois; fut conseiller et bourgmestre de sa ville, et mourut -en 1553.</p> - -<p><a id="Footnote_77" href="#FNanchor_77" class="label">[77]</a> Tasses de Majolica. Poterie italienne.</p> - -<p><a id="Footnote_78" href="#FNanchor_78" class="label">[78]</a> L'écusson de cette famille fut peint par Dürer, et peut-être même gravé sur -bois.</p> - -<p><a id="Footnote_79" href="#FNanchor_79" class="label">[79]</a> Jacques Cornelisz, né au village de Oostzanen, et maître de Jean Schorel. En -1512, il jouissait déjà d'une grande réputation. Charles van Mandre a vu à Harlem, -chez Corneille Suyver, une Circoncision peinte par lui en 1517, dont il dit le plus -grand bien. Ce peintre avait un frère, nommé Buys, et un fils nommé Dirck Jacob; -l'un a fait de beaux paysages, l'autre de beaux portraits. Jacques Cornelisz est mort à -Amsterdam dans un âge avancé. Dürer l'appelle Jacques de Lubeck, parce qu'il avait -été pensionné par les magistrats de cette ville.</p> - -<p><a id="Footnote_80" href="#FNanchor_80" class="label">[80]</a> Ce sont ces quelques mots qui ont fait dire qu'Albert Dürer ne grava pas sur bois. -Comment supposer cependant qu'étant en apprentissage chez Wolhgemuth, au moment -où ce peintre était déjà occupé des dessins de <i>la Chronique de Nuremberg</i>, il n'ait -pas appris toutes les pratiques de l'atelier de son maître, et qu'il n'ait pas plus tard -mis la main à quelques-uns des bois à sa marque. On convient généralement que les -dessins de Dürer sont mieux gravés que ceux des autres artistes de son temps. N'en -pourrait-on pas conclure qu'il donnait le dernier coup de ciseau, ou qu'il dirigeait le -travail comme un homme qui sait le métier et qui ne grave pas habituellement, parce -qu'il n'a pas le loisir de s'occuper de cet ouvrage long et minutieux?</p> - -<p><a id="Footnote_81" href="#FNanchor_81" class="label">[81]</a> Jean Swart ou Jean Lenoir, originaire de Groningue, fit des tableaux d'histoire -et des paysages avec un égal succès. Ses toiles sont fort rares; mais j'ai vu beaucoup -de charmantes gravures sur bois, gravées par lui ou d'après ses dessins. Il avait -une grande prédilection pour les cavaliers turcs, armés de flèches et de carquois, car -il en a mis partout. Il courut beaucoup le monde et finit par se fixer à Gouda en 1522.</p> - -<p><a id="Footnote_82" href="#FNanchor_82" class="label">[82]</a> Cornelii Graphæi gratulatio Caroli V imperatoris, 1520. Antverpiæ, apud Joan. -Croccium. 8<sup>o</sup>.</p> - -<p><a id="Footnote_83" href="#FNanchor_83" class="label">[83]</a> Dürer s'exprima plus longuement à ce sujet en causant avec Melanchthon qui, -lors de son séjour à Nuremberg, vint souvent visiter le peintre. Il lui disait entre -autres choses: «J'ai regardé ces jeunes filles fort attentivement et même brutalement -(puisque je suis peintre).» Manlii Collectanea Locor. communium, page 345. Ces -jeunes vierges étaient les plus belles personnes d'Anvers; elles étaient presque nues et -habillées seulement d'une gaze légère. Lorsque Charles V fit son entrée triomphale, il -ne se montra pas aussi admirateur que Dürer de leur beauté; car en passant devant -elles il baissa les yeux, ce qui les indisposa fort contre lui.</p> - -<p>A cette époque, on voyait des vierges à peu près nues dans toutes les solennités de -ce genre. Les jeunes filles se disputaient l'honneur d'être désignées par les juges institués -<i>ad hoc</i>, car la mission de ces nouveaux Pâris était de choisir les plus belles et -les mieux faites. Elles recevaient donc un diplôme de beauté, et plus tard leur mari -pouvait dire avec un noble orgueil: Ma femme figurait à l'entrée de tel ou tel souverain.</p> - -<p><a id="Footnote_84" href="#FNanchor_84" class="label">[84]</a> Brabon.</p> - -<p><a id="Footnote_85" href="#FNanchor_85" class="label">[85]</a> Ce livre est un manuscrit du <span class="smallc">XV</span><sup>e</sup> siècle, que l'on trouve encore aujourd'hui -dans les archives d'Anvers. C'est un in-folio, relié en corne blanche. Il porte ce titre: -«Le vieux registre de divers mandements». Page 33, on lit l'histoire fabuleuse du -géant Brabon et autres de son espèce.</p> - -<p><a id="Footnote_86" href="#FNanchor_86" class="label">[86]</a> Cet élève de Raphaël se nommait Thomaso Vincidore, de Bologne; il paraît avoir -été envoyé en Flandre pour surveiller l'exécution de certaines tapisseries, faites -d'après des dessins de Raphaël.</p> - -<p><a id="Footnote_87" href="#FNanchor_87" class="label">[87]</a> Ce portrait fut gravé au burin par André Stock. On lit cette inscription au bas -de la planche: Effigies Alberti Dureri Norici, pictoris et sculptoris hactenus excellentissimi -delineata ad imaginem ejus quam Thomas Vincidor de Bolognia ad vivum -depinxit Antuerpiæ 1520. And. Stock, sculp. H. Hondius excudit 1639.</p> - -<p><a id="Footnote_88" href="#FNanchor_88" class="label">[88]</a> C'est à la famille d'Ebner que nous devons le journal d'Albert Dürer. M. C. G. de -Murr, qui a publié le texte allemand, dit qu'il l'a tiré <i>ex bibliotheca Ebneriana</i>. -M. Frédéric Verachter, le savant archiviste de la ville d'Anvers, a traduit en flamand -ce document précieux. Je me suis beaucoup aidé de son travail qui est fait avec une -grande intelligence; pour être tout à fait juste, je dois dire que sans lui je ne serais -jamais parvenu à rendre clairs une certaine quantité de passages qui étaient restés -inexpliqués jusqu'à ce jour.</p> - -<p><a id="Footnote_89" href="#FNanchor_89" class="label">[89]</a> Gaspard Sturm, dit Teutschland (Allemagne), le héraut d'armes qui assista à la -prise du château de Sickingen, et qui fut chargé de conduire Luther à la diète de -Worms. (Voir la <i>Vie de Luther</i>, par Audin, t. VI, p. 207.)</p> - -<p><a id="Footnote_90" href="#FNanchor_90" class="label">[90]</a> Stephen Lochner (de Constance), et non Lothner comme on l'a cru longtemps, -né....? mort en 1451. Le tableau en question est un triptyque dont le panneau central -représente l'Adoration des Mages. Les volets sont peints des deux côtés, celui de droite -nous montre sainte Ursule et ses compagnes à l'intérieur, et à l'extérieur l'Annonciation; -sur celui de gauche, on voit à l'intérieur saint Géréon, le glorieux patron de la -ville de Cologne, et un ange à genoux à l'extérieur. Avant la visite d'Albert Dürer il -était attribué tantôt à Philippe Kaff, tantôt à Willem; depuis, il n'y a plus eu d'incertitude. -Ce chef-d'œuvre est aujourd'hui dans la cathédrale de Cologne (chapelle Sainte-Agnès), -où on l'admirerait sans restriction s'il n'avait pas subi quelques regrettables -retouches. Une inscription que l'on peut lire sous le tableau dit qu'il a été peint à -l'huile en 1410.</p> - -<p><a id="Footnote_91" href="#FNanchor_91" class="label">[91]</a> Il en fit un dessin gravé sur bois. Voir Bartsch, <i>le Peintre-Graveur</i>, 38.</p> - -<p><a id="Footnote_92" href="#FNanchor_92" class="label">[92]</a> Cet acte de Charles V est du 4 novembre 1520, daté de Cologne. Par cet acte, -les magistrats furent chargés de payer à Dürer la pension viagère de cent florins, qui -lui avait été accordée par l'empereur Maximilien. La pièce originale de cet acte est -encore aux archives de Nuremberg.</p> - -<p><a id="Footnote_93" href="#FNanchor_93" class="label">[93]</a> Arnold de Beer, élève de Lambert Suterman, peintre d'Anvers. Il s'est fait une -réputation comme dessinateur plutôt que comme coloriste.</p> - -<p><a id="Footnote_94" href="#FNanchor_94" class="label">[94]</a> C'est à Berg-op-Zoom que Dürer veut dire.</p> - -<p><a id="Footnote_95" href="#FNanchor_95" class="label">[95]</a> Sculpteur, né à Metz.</p> - -<p><a id="Footnote_96" href="#FNanchor_96" class="label">[96]</a> L'abbaye de l'ordre de Prémontré, dédiée N.-D. et à saint Nicolas.</p> - -<p><a id="Footnote_97" href="#FNanchor_97" class="label">[97]</a> Jean Gossaert, dit <i>Jean de Maubeuge,</i> né à Maubeuge vers 1470, mort le 1<sup>er</sup> octobre -1532, mort à Anvers, où il fut enterré à Notre-Dame.</p> - -<p><a id="Footnote_98" href="#FNanchor_98" class="label">[98]</a> Une Descente de Croix qui avait été commandée par l'abbé Maximilien de Bourgogne. -Ce tableau, un des meilleurs du maître, fut détruit par la foudre le 24 janvier -1568.</p> - -<p><a id="Footnote_99" href="#FNanchor_99" class="label">[99]</a> L'angelot valait deux florins et deux sous. L'archange Michel y était figuré, -tenant de la main droite une épée, et de la gauche un écu chargé de trois fleurs de -lis. Sous ses pieds, il avait un serpent.</p> - -<p><a id="Footnote_100" href="#FNanchor_100" class="label">[100]</a> Le chevalier Gérard van de Werve.</p> - -<p><a id="Footnote_101" href="#FNanchor_101" class="label">[101]</a> Thomas Lopez (le chevalier), ambassadeur du roi de Portugal.</p> - -<p><a id="Footnote_102" href="#FNanchor_102" class="label">[102]</a> De Haes.</p> - -<p><a id="Footnote_103" href="#FNanchor_103" class="label">[103]</a> Hans Schaufelein, un des bons élèves d'Albert Dürer.</p> - -<p><a id="Footnote_104" href="#FNanchor_104" class="label">[104]</a> Pierre Ægidius, plus tard greffier de la ville d'Anvers. C'était un ami intime -d'Érasme et du chancelier Thomas Morus. Ægidius se trouvant un jour avec Érasme -chez Quentin Metsys, ce peintre fit leur portrait sur deux panneaux ovales, attachés -l'un à l'autre avec cette inscription latine:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p>Quanti olim fuerant Pollux et Castor amici,</p> -<p class="i1"> Erasmus tantos Ægidiumque fere.</p> -<p>Morus ab is dolet esse loco, conjunctus amore,</p> -<p class="i1"> Tam prope quam quisquam vix queat esse sibi.</p> -<p>Sic desiderio est consultum absentis ut horum</p> -<p class="i1"> Reddat amans animum littera, corpus ego.</p> -</div></div> - -<p>Pierre Ægidius, autrement dit Gillis, naquit à Anvers en 1486, et laissa plusieurs -écrits remarquables. Il mourut dans sa ville natale en juin 1533. Son père, Nicolas -Ægidius, avait été bailli d'Anvers.</p> - -<p><a id="Footnote_105" href="#FNanchor_105" class="label">[105]</a> Cette tour fut commencée en 1422, par un architecte nommé Jean Amelius de -Bologne, selon les uns; selon les autres, par Pierre Smit, dit Appelmans, qui bâtit -l'église de Saint-Georges et beaucoup de maisons des environs. Quoi qu'il en soit, il -paraît, d'après le témoignage de Dürer, qu'en 1520 cette tour n'était pas encore -achevée. Elle a cent vingt-deux mètres neuf cent vingt-cinq millimètres de haut. -Albert Dürer n'est donc pas de beaucoup au-dessous de la vérité, puisque la flèche de -Strasbourg n'en a que cent quarante-deux.</p> - -<p><a id="Footnote_106" href="#FNanchor_106" class="label">[106]</a> Adrien Herbouts, né et mort à Anvers, devint pensionnaire de cette ville -en 1506. On voyait autrefois son épitaphe dans l'église des Pauvres-Claires:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i4"> D. O. M.</p> -<p class="i1"> D. Adriano Herbouts,</p> -<p>Præclaræ hujus urbis per <span class="smallc">XLI</span> ann.</p> -<p class="i3"> Pensionario</p> -<p class="i2"> Utriusque juris doctori</p> -<p class="i1"> Decessit <span class="smallc">X</span> Januarii <span class="smallc">CI[C]</span>. I[C]. XLVI</p> -<p class="i2"> Elisabethæ nilis illius conjugi</p> -<p>Obiit <span class="smallc">IX</span> Augusti, anno <span class="smallc">CI[C]</span>. I[C]. XXXIII.</p> -<p>Levinæ legitimæ utriusque illorum F.</p> -<p class="i1"> Nicolai van der Heyden uxori;</p> -<p class="i2"> Periit dolore partus,</p> -<p class="i1"> <span class="smallc">XXIV</span> Martii <span class="smallc">A. CI[C]</span>. I[C]. XXVII.</p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_107" href="#FNanchor_107" class="label">[107]</a> Graphæus ou Schryver, ou encore Scribonius, né à Alost en 1482. Savant très-versé -dans les langues étrangères. Il mourut à Anvers le 19 décembre 1558 et fut -enterré dans l'église Notre-Dame. Son tombeau, élevé par son fils Alexandre, porte -l'inscription suivante:</p> - -<div class="poetry"><div class="stanza"> -<p class="i3"> Cornelius Scribonius</p> -<p class="i1"> Præclaræ hujus urbis a secretis,</p> -<p class="i4"> Sibi suisque</p> -<p class="i3"> Et Adrianæ Philippæ</p> -<p class="i2"> Dulciss. uxori vivens pos.</p> -<p class="i1"> Ipsa quidem vixit ann. <span class="smallc">LXXI</span>.</p> -<p class="i3"> Uno et <span class="smallc">XL</span>. ann. marita:</p> -<p class="i3"> Matrona et prudentiss.</p> -<p class="i2"> Et pietatis cultrix eximia.</p> -<p>Ille vero caram secutus conjugem,</p> -<p>Migravit <span class="smallc">XIX</span> Decembris <span class="smallc">M. D. LVIII</span></p> -<p class="i2">Cum vixisset annos <span class="smallc">LXXVI</span></p> -</div></div> - -<p><a id="Footnote_108" href="#FNanchor_108" class="label">[108]</a> Ambroise et Jean, deux frères, riches marchands, originaires d'Augsbourg, -arrivés à Anvers vers 1485.</p> - -<p><a id="Footnote_109" href="#FNanchor_109" class="label">[109]</a> Rogier van der Weyden.</p> - -<p><a id="Footnote_110" href="#FNanchor_110" class="label">[110]</a> Hugo van der Goes. Le tableau dont il est question ici est une sainte Vierge -avec l'enfant Jésus.</p> - -<p><a id="Footnote_111" href="#FNanchor_111" class="label">[111]</a> Cette admirable statue est encore aujourd'hui dans la même église.</p> - -<p><a id="Footnote_112" href="#FNanchor_112" class="label">[112]</a> Albert Dürer parle-t-il de Jean van Eyck? C'est probable. Cependant il pourrait -être question de <i>Jean Hemmlinck</i> ou de <i>Jean Spital</i>.</p> - -<p><a id="Footnote_113" href="#FNanchor_113" class="label">[113]</a> Il est question ici de l'<i>Adoration de l'Agneau</i>, que les frères Jean et Hubert -van Eyck peignirent pour Philippe le Bon, duc de Bourgogne, comte de Flandre. -Après avoir admiré le génie des artistes, on admire leur patience. Rien, en effet, ne -peut être comparé au fini précieux de ce tableau. On y compte trois cent trente -têtes, sans en retrouver deux qui se ressemblent. De ce poëme, qui était composé de -douze panneaux, il ne reste plus, dans la onzième chapelle de la cathédrale de Saint-Bavon -à Gand, que quatre compartiments; mais si on en croit les chroniques, ce sont -les plus beaux, et leur conservation est parfaite. Les couleurs principales, le rouge, le -bleu et le pourpre, n'ont rien perdu de leur fraîcheur et de leur éclat; on croirait que -cette belle œuvre, qui a aujourd'hui quatre cent trente-deux ans, sort de l'atelier des -peintres. Il est vrai que les Gantois en ont un soin tout particulier; elle ne voit la -lumière que rarement, à certains grands jours de fête, et à la demande des gens considérables. -On m'a assuré à Gand que l'homme préposé à sa garde se livre à une -petite supercherie, que nous sommes assez tentés de lui pardonner, puisqu'elle contribue -à prolonger l'existence de ce chef-d'œuvre inimitable. Il a un flair excellent -parmi les touristes dont il reçoit la visite, il distingue du premier coup d'œil ceux -qui sont dignes d'adorer l'<i>Agneau</i>; s'il a affaire à des connaisseurs, il montre le vrai -tableau; s'il a affaire à des profanes, il exhibe une toile au hasard; ce qui n'empêche -pas ces braves gens de trouver la réputation du tableau surfaite. <i>Se non è vero è ben -trovato.</i> Le roi d'Espagne, Philippe II, ne pouvait se lasser d'admirer cette peinture, -il en offrit à plusieurs reprises des sommes considérables, mais vainement; enfin, il se -décida à la faire copier par Michel Coxie, qui employa à ce travail pour trente-deux -ducats de bleu, que le Titien lui avait envoyé d'Italie. Cette copie est fort belle; on lui -reproche seulement de n'être pas la reproduction tout à fait exacte du modèle. On se -demande, par exemple, pourquoi la sainte Cécile regarde derrière elle; si c'est, comme -on le suppose, un caprice royal, nous excusons Coxie. Philippe II payait assez cher -(quatre mille florins) pour avoir le droit de donner des ordres, même mauvais. Après -bien des pérégrinations en Espagne, en Angleterre et en Hollande, elle est aujourd'hui -dans la même chapelle que son admirable modèle; voici par quel concours de circonstances: -le gouvernement belge l'avant achetée (1800 francs) à la vente du roi -Guillaume II, proposa à l'évêque de Gand, Monseigneur Delebecque, et au chapitre de -Saint-Bavon de l'échanger contre deux tableaux d'Hubert van Eyck, représentant Adam -et Ève de grandeur naturelle, qui étaient relegués dans les combles de l'église à cause -de la légèreté de leur costume. Le marché fut accepté moyennant un appoint de 12,000 fr. -que le gouvernement belge paya; cet argent servit à faire exécuter les vitraux que l'on -voit derrière le maître-autel. Des douze panneaux de la composition originale, six appartiennent -au roi de Prusse, qui les a achetés à un Anglais, M. Solly, avec quelques -toiles d'un ordre inférieur, pour la somme de 410,900 fr. Cet Anglais les avait payés -100,000 fr. à M. Nieuwenhuys de Bruxelles, à qui ils avaient coûté 6,000 francs.</p> - -<p><a id="Footnote_114" href="#FNanchor_114" class="label">[114]</a> Wenceslas Hollar l'a gravé sur cuivre, d'après le dessin de Dürer, qui est dans -le cabinet du comte Arundel. L'empereur Charles V, étant à Tunis, envoya un lion et -quatre lionnes à un certain Dominique van Houcke, dit Van Vaernewyck, de Gand. -<i>Histoire de Belgique</i>, page 119, Gand 1574.</p> - -<p><a id="Footnote_115" href="#FNanchor_115" class="label">[115]</a> On voyait autrefois ces statues sur un des ponts jetés sur la Lys, appelé le -pont de la décapitation, avec cette inscription:</p> - -<p class="quote">Ae Gandt le en fant Fraepe sae père Tacte desuu<br /> -<span class="i2">Maies se Heppe rompe, si Grâce de Dieu.</span><br /> -<span class="i9">MCCCLXXI.</span></p> - -<p>Voici la légende: Deux hommes, le père et le fils, étaient condamnés à mort. Le -roi avait fait grâce de la vie à celui des deux qui consentirait à décapiter l'autre. Le -père refusa énergiquement, le fils eut la lâcheté d'accepter. Il brandit sa hache, mais -elle se brisa et vint lui trancher la tête, au lieu de trancher celle de son père.</p> - -<p>Ces deux statues n'ont disparu que vers 1793.</p> - -<p><a id="Footnote_116" href="#FNanchor_116" class="label">[116]</a> Joachim Patenier. Le peintre de Dinant paraît avoir quarante-cinq ans environ. -Il est en buste, vu de trois quarts, et coiffé d'un bonnet bizarre à deux étages, -dont le premier est en fourrure. Les épaules sont couvertes d'un manteau bien drapé, -qui laisse entrevoir un vêtement de chambre, d'une forme excentrique. Son cou est -nu. Au haut de la planche à gauche, l'année 1521 et le chiffre d'Albert Dürer sont -gravés sur un fond gris. Hauteur, 7 pouces 8 lignes, en comptant la petite marge du -bas qui a 4 lignes.</p> - -<p>Il est prouvé aujourd'hui que ce portrait a été dessiné par Albert Dürer et gravé -par Cornelius Cort.</p> - -<p><a id="Footnote_117" href="#FNanchor_117" class="label">[117]</a> Albert Dürer ajouta facilement foi à cette fausse nouvelle de l'emprisonnement -et de la mort de Martin Luther, et il en fut fort attristé. Cet enlèvement n'avait pourtant -pas été fait par ses ennemis, mais par ses amis. Lorsque Luther fut mis au ban -de l'empire par Charles V, l'électeur, Frédéric III de Saxe, craignit qu'il ne lui -arrivât malheur. Il résolut donc de le mettre en lieu sûr, et donna l'ordre à quelques -hommes de confiance de l'enlever. Cet ordre fut exécuté par Jean de Berlepsch et -Burkard de Kund, accompagnés de trois valets, le 4 mai 1521, pendant que Luther -traversait la forêt de Thuringe, entre le château d'Altenstein et la petite ville de -Walterhausen; on l'emmena sous un déguisement au château de Wartburg, près -d'Eisenach. Là, il écrivit plusieurs ouvrages et y resta jusqu'au 1<sup>er</sup> mars de l'année -suivante, époque à laquelle il retourna à Wittenberg.</p> - -<p><a id="Footnote_118" href="#FNanchor_118" class="label">[118]</a> Maître Gérard Horebout ou Hurembout, né à Gand, peintre d'Henri VIII, roi -d'Angleterre.</p> - -<p><a id="Footnote_119" href="#FNanchor_119" class="label">[119]</a> Cette Suzanne devint une grande et belle personne, fort recherchée à la -cour du roi Henri VIII. Elle fit un art de l'enluminure et mourut en Angleterre, considérablement -riche et comblée d'honneurs. Son frère, Lucas Hurembout, alléché par -les succès de sa sœur, quitta la peinture pour se faire enlumineur, mais il ne réussit -pas comme elle.</p> - -<p><a id="Footnote_120" href="#FNanchor_120" class="label">[120]</a> Sans doute Henri de Bles ou Met de Bles, Henri à la Houppe, né à Bovines, -près de Dinant. Les Italiens l'appelaient le Maître au hibou ou <i>Civetta</i>, parce qu'il avait -la manie de peindre un hibou dans le feuillage de ses arbres; il l'y cachait si bien que -souvent on avait beaucoup de mal à le trouver.</p> - -<p><a id="Footnote_121" href="#FNanchor_121" class="label">[121]</a> Van Eyck.</p> - -<p><a id="Footnote_122" href="#FNanchor_122" class="label">[122]</a> Jacopo de Barbary, dit le maître au caducée.</p> - -<p><a id="Footnote_123" href="#FNanchor_123" class="label">[123]</a> Bernard van Orley.</p> - -<p><a id="Footnote_124" href="#FNanchor_124" class="label">[124]</a> C'étaient les Augustins de Saxe, arrivés à Anvers en 1513 et chassés en 1523. -Ils habitaient le quartier Saint-André, où il y a encore la rue des Augustins.</p> - -<p><a id="Footnote_125" href="#FNanchor_125" class="label">[125]</a> Lucas de Leyde, le célèbre graveur.</p> - -<p><a id="Footnote_126" href="#FNanchor_126" class="label">[126]</a> Peintre sur verre.</p> - -<p><a id="Footnote_127" href="#FNanchor_127" class="label">[127]</a> Hans Baldung Grun, célèbre peintre et graveur de médailles.</p> - -<p><a id="Footnote_128" href="#FNanchor_128" class="label">[128]</a> Christian II, roi des royaumes unis de Danemark, de Suède et de Norvége, -surnommé le Néron du Nord.</p> - - </div> - </div> -</div> - -<p class="end">PARIS.—J. CLAYE, IMPRIMEUR, RUE SAINT-BENOIT, 7.</p> - - - - - - - - -<pre> - - - - - -End of the Project Gutenberg EBook of Albert Durer a Venise et dans les -Pays-Bas, by Albert Durer - -*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ALBERT DURER A VENISE ET *** - -***** This file should be named 53147-h.htm or 53147-h.zip ***** -This and all associated files of various formats will be found in: - http://www.gutenberg.org/5/3/1/4/53147/ - -Produced by Clarity, Hélène de Mink, and the Online -Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This -file was produced from images generously made available -by The Internet Archive/American Libraries.) - - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. 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