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If you are not located in the United States, you -will have to check the laws of the country where you are located before -using this eBook. - -Title: La Poupée - -Author: Léo Larguier - -Illustrator: Chas Laborde - -Release Date: February 23, 2021 [eBook #64614] - -Language: French - -Character set encoding: UTF-8 - -Produced by: Laurent Vogel, Chuck Greif and the Online Distributed - Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was - produced from images generously made available by the - Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at - http://gallica.bnf.fr) - -*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LA POUPÉE *** - - - - - LÉO LARGUIER - - LA POUPÉE - _DESSINS DE CHAS LABORDE_ - - [Illustration] - - COLLECTION - “LA ROSE ET LE LAURIER” - _G. BRIFFAUT, Éditeur_ - 4, RUE DE FURSTENBERG, PARIS - - - - - LA POUPÉE - - IL A ÉTÉ TIRÉ DE CE VOLUME: - - - 10 exemplaires sur japon impérial contenant un dessin original de - l’artiste et une suite en noir, numérotés de 1 à 10. - - 10 exemplaires sur japon impérial contenant un dessin original de - l’artiste, numérotés de 11 à 20. - - 750 exemplaires sur vélin, numérotés de 21 à 770. - - - EXEMPLAIRE Nº 133 - - - - - LÉO LARGUIER - - LA POUPÉE - - DESSINS DE - CHAS LABORDE - - [Illustration] - - _COLLECTION DE - “LA ROSE ET LE LAURIER”_ - G. BRIFFAUT, ÉDITEUR - 4, RUE DE FURSTENBERG, PARIS (VIᵉ) - - M CM XXV - - «..._Tu n’as jamais été dans tes jours les plus rares - Qu’un instrument banal sous mon archet vainqueur, - Et comme un air qui sonne au bois creux des guitares, - J’ai fait chanter mon rêve au vide de ton cœur._..» - - LOUIS BOUILHET - (_A une Femme._) - - -Puisque vous aimez les antiquaires, me dit mon ami Ange Laurentier, chez -qui je passais cette semaine d’extrême automne, allez donc jusqu’à la -Tremblée; on m’a affirmé que le fou qui habitait, ou plus exactement, -qui se cachait dans ce pavillon délabré, était mort et qu’il laissait -tout son bien à un valet de chambre. - -Je crois que cet héritier doit vouloir vendre ce bric-à-brac; et vous y -ferez peut-être des découvertes intéressantes. - -On aperçoit de la route la maison et les grands arbres qui l’abritent. -Vous ne pouvez pas vous tromper. Vous sonnerez à une petite porte -peinte en vert. - -La Tremblée, où vivait, si l’on peut dire, M. Olivier Camors, est à -trois kilomètres d’ici, et ce sera l’occasion d’une promenade -charmante... - -Je partis, lorsque nous eûmes déjeuné, persuadé que ce vieux serviteur -ne me laisserait point pénétrer dans le domaine abandonné, et je ne me -hâtais pas, goûtant l’après-midi d’automne comme une immense symphonie -en or majeur. - -De la route que je suivais, bordée de peupliers sensibles, presque -dépouillés, aux coteaux qui fermaient l’horizon, je pouvais admirer les -jaunes légers, les ocres, les rouges sanguins, les fauves dorures et les -pourpres, toutes les nuances et toutes les teintes de la saison. - -Mon ami n’avait pu me donner aucun renseignement précis touchant cet -Olivier Camors qui, après une vie passablement remplie, était venu -s’enterrer à la Tremblée. Il ne savait que ce qui circulait dans le -pays: de vagues racontars, inexacts sans doute, puisque nul n’avait -franchi les murs de cette propriété ruinée et que le valet de chambre, -aussi mystérieux que son maître, ne parlait à personne et ne sortait -guère que pour faire quelques provisions au chef-lieu. - -On savait à peu près son âge. Il avait été capitaine et blessé, en 1915, -aux attaques de Champagne. - -Ange Laurentier, qui l’avait entrevu à la gare, avait gardé le souvenir -d’un homme svelte et d’une beauté remarquable, mais très fatigué. Le -pavillon était inhabité depuis des années lorsqu’il était arrivé, et il -avait fallu que son domestique escaladât le mur pour arracher les -ronces et la vigne vierge qui, ayant poussé derrière la porte, -l’empêchaient de s’ouvrir. - -[Illustration] - -Un ouvrier, qu’on avait appelé pour réparer les gouttières et poser des -tuiles au toit, n’avait vu que le vieux serviteur et il n’était pas -entré dans la maison. C’est tout ce que j’avais pu apprendre, et -personne ne savait autre chose. Il n’y avait aucune sonnette à la petite -porte verte que cachaient presque jusqu’à la serrure des retombées de -glycines et les branches qui couronnaient le mur. - -On eût pu croire qu’une dame en crinoline venait de la refermer derrière -elle. - -Je frappai fortement du bout de mon bâton... - -Contre toute attente, une clé grinça presque immédiatement dans le pêne, -et un vieil homme au visage glabre et fripé, en tricot de laine, avec -une calotte étoffée de Scapin, apparut dans l’entre-bâillement. - -Je n’avais préparé aucune phrase astucieuse et je fus obligé de dire -franchement que je savais que la maison contenait de vieux meubles et -des toiles anciennes et que rien au monde ne m’intéressait plus que -cela. - -Le valet de chambre me regarda de son œil froid, tout embrumé et couleur -d’étain. - ---Antiquaire, dit-il, ou artiste? - -Je sentais que, selon ma réponse, la porte verte allait se refermer pour -toujours. - ---Artiste, répondis-je assez décontenancé. - -Il souleva son bonnet et s’effaça pour me laisser entrer. - ---Veuillez me suivre, fit-il, je n’ai pas l’intention d’habiter plus -longtemps cette maison et je ne suis pas fâché de la montrer à un -connaisseur, avant mon départ. - -Il referma soigneusement la porte derrière lui. - -Le parc sauvage où je pénétrai était retourné à la nature, et, à travers -ce prodigieux fouillis végétal, le vieillard se dirigea vers des herbes -foulées, indiquant sans doute le chemin qui devait conduire à la maison. -Elle apparut à un tournant comme enchâssée dans les arbres gaufrés d’or -par l’automne. - -Les marches du perron étaient disjointes et l’herbe poussait drue dans -leurs fentes. - -Tous les volets étaient clos. - -On songeait à ces vieilles demeures où moururent d’une maladie de -langueur, parce que leur fiancé avait été tué dans un duel, de -touchantes et poétiques jeunes filles appelées Adélazie ou Aloïda, qui -portaient des mitaines et des repentirs, et qui lisaient au crépuscule -un livre de M. de Lamennais, s’interrompant pour faire le signe de la -croix, quand l’angélus venant d’une lointaine chapelle passait, ainsi -qu’un ange, sur les murailles couvertes de lierre et de pariétaires. - -Le vieux serviteur qui me précédait poussa un battant du portail massif -et me fit entrer dans le corridor obscur qui avait une odeur de cave, de -fruits, de murs humides et d’ombre. - -Je pénétrai derrière lui dans la bibliothèque. - -[Illustration] - -Une branche qui avait brisé les vitres empêchait la fenêtre de se fermer -complètement, et j’aperçus dans le jardin dévasté un arbuste coiffé d’un -chapeau de jardinier, au cœur d’une minuscule corbeille. - ---Cette pièce a beaucoup souffert, me dit mon guide. Elle était depuis -longtemps dans cet état quand nous sommes arrivés à la Tremblée. Voyez, -il n’y a plus rien, l’humidité et les bêtes ont tout mangé. - -Il atteignit un livre sur un rayon. - -Le cuir glacé d’or éteint semblait à peu près intact, mais quand je -l’eus ouvert, je m’aperçus qu’il était creux comme ces fruits dont les -insectes ont rongé la pulpe sous la peau desséchée. - -Il n’y avait plus, contre le dos de la reliure, qu’une poignée de bourre -blanchâtre, pareille à du coton taché de rouille. - -C’était une très belle édition des œuvres de Léonard et je découvris un -bout de feuillet sur lequel je pus encore lire ces vers qui devaient -faire partie de quelque _Temple de Gnide_: - - «... _Des remparts de Corinthe il vint trente beautés_ - _Dont les cheveux croulaient en boucles ondoyantes;_ - _Dix autres qui n’avaient que des grâces naissantes,_ - _Venaient de Salamine et comptaient treize étés_...» - -J’en examinai quelques autres. - -Tous paraissaient souffrir des plus affligeantes maladies de peau. - -Voltaire avait un eczéma, Diderot des moisissures bleuâtres, J.-J. -Rousseau des dartres farineuses. - -Les livres aux couvertures claires étaient vert-de-grisés comme des -cuivres, les vélins ivoirins et roides étaient cariés comme des dents, -les petits poètes du XVIIIᵉ siècle avaient des reliures éraflées et -griffées ainsi que des souliers légers égratignés par les ronces. - -[Illustration] - -Je remis moi-même le livre creux à sa place, sur la planchette -vermoulue, et je feuilletai un album plein de pensées, de mauvais vers -et de fleurs sèches qui avait dû appartenir à quelque ancienne jeune -fille. - ---On a tout laissé périr, monsieur, reprit mon guide. Je dois vous dire -cependant que ce n’est pas mon maître qui est responsable; il a trouvé -presque toute la maison dans cet état. Il y en avait sans doute pour -beaucoup d’argent. Je lui ai entendu conter qu’un de ses parents, M. -d’Herbaupair, avait eu la manie des collections, mais vous allez voir ce -que sont devenus ces trésors. - -Les tableaux étaient dans un cabinet où il a plu pendant trente ans, et -ils sont pareils aux livres... Si vous désirez les voir?... - -Je le suivis dans une autre salle. - -Il ouvrit les volets avec quelque difficulté. - -Des cadres, dont la dorure était devenue noire, ne montraient que des -peintures effacées. - -Les vagues choses qui restaient encore étaient bien faites pour donner -des regrets éternels à un homme épris de tableaux anciens. - -Ce pan de ciel bleu-vert, au coin d’une baguette, ne pouvait avoir été -peint que par Guardi, au-dessus des vieux palais qu’il aimait et que -doublait l’eau d’un canal italien. Je vis le pied d’un verre dont le -cristal n’avait pu être poli que par Chardin; et il y avait eu là des -toiles inconnues de Watteau, de Fragonard, de Largillière, de Boilly, de -David, des pastels de La Tour, des sanguines et des dessins de Claude -Lorrain et de Poussin. - ---A combien, monsieur, estimez-vous ce que contenaient ces cadres -inutiles? me demanda le serviteur. - -Effaré, je haussai les épaules. - ---Je ne sais pas exactement, balbutiai-je, à plus d’un million, -certainement. - -Du bout de ses doigts maigres, il se gratta la tête sous le bonnet de -Scapin, et ses lèvres sèches esquissèrent une grimace. - ---Vous savez sans doute, reprit-il, que M. Olivier Camors m’a donné tout -ce qu’il possédait. L’argent?... mon Dieu, il n’était plus très riche... -peut-être trois mille francs de rente, ce qui, par les temps que nous -traversons... mais il y a une seule pièce intacte dans cette maison qui -tombe en ruine, et je veux avoir votre avis, parce que je crois que ce -qu’elle renferme vaut plus que tout le reste. Voulez-vous -m’accompagner?... - -Je n’avais jamais vu de plus beaux meubles du XVIIIᵉ siècle que ceux qui -ornaient la chambre où il me fit entrer. - -Des tapisseries, dont les rouges étaient devenus groseille clair, -s’encadraient dans des panneaux de bois liserés de vert tendre, et sur -la cheminée de marbre, une pendule d’écaille et deux flambeaux d’argent -se reflétaient dans l’eau morte d’une glace, dont le trumeau était -assurément de Boucher. - -Le lit, les fauteuils et les chaises à médaillons, les pâtes tendres -qu’on avait peut-être fabriquées pour la reine, les soies et les étoffes -merveilleuses, tout formait un ensemble sans une seule tache, d’une -harmonie et d’une pureté uniques. - ---Vous êtes riche avec ceci, dis-je au vieillard qui me regardait avec -inquiétude. - ---Oui, c’est ce que j’ai entendu dire par mon maître, mais je ne savais -pas très bien... Pourriez-vous m’aider, me donner l’adresse d’un -antiquaire sérieux et me dire à peu près ce que vaut tout cela? - -Je fis de mon mieux et à ma connaissance, et je compris que je lui -rendais service. - -Il me désigna un fauteuil. - ---Voulez-vous m’attendre un moment, fit-il, je voudrais vous offrir un -verre de vin. Je crois que vous n’en aurez jamais goûté de plus vieux. - -[Illustration] - -Il revint au bout de quelques minutes, portant sur un plateau deux -coupes de cristal épais et une bouteille. La poussière et les toiles -d’araignées ne cachaient pas complètement un liquide d’un blond lumineux -et chaud. - -Il en émietta le cachet de cire, avec précaution. - ---On n’est jamais sûr, murmura-t-il... j’espère que celui-ci sera bon -malgré son âge, qui doit approcher du mien... Vous permettez, monsieur, -que je me serve d’abord pour m’assurer?... - -Il se versa un doigt d’élixir doré et, la tête renversée, il le huma -longuement et le porta à ses lèvres. - ---Je pense qu’il ne vous déplaira pas, dit-il en souriant, et il emplit -ma coupe jusqu’au bord. - -Il fallait une grande complaisance pour comprendre la saveur fanée de ce -vin clair et dépouillé, mais je crois que, de ma vie, je n’avais bu -pareille liqueur. J’en fis compliment au vieillard. - ---Mon maître, me répondit-il, n’en buvait presque jamais. Le matin du -jour où il mourut, cependant, il me pria de lui en apporter un flacon. -Il était assis, là, où vous êtes, et... - -Il se tut pendant quelques secondes. - ---Le drôle d’homme! soupira-t-il. - -Je sentis que je n’allais par tarder à recevoir ses confidences et à -connaître un peu le mystérieux défunt. - ---Tenez, monsieur, reprit-il, je veux vous montrer encore quelque chose. -Ce ne sont que des papiers, mais je suis sûr qu’ils vous intéresseront. -J’ai un petit ouvrage à terminer et ces pages inachevées vous -renseigneront mieux que je ne le ferais moi-même. - -Il tira un cahier d’une commode sûrement signée Riesener, et il le posa -sur le plateau d’une table qui n’était qu’un éblouissant semis de -marqueterie. Il approcha ma coupe et la bouteille pleine encore aux -trois quarts, et il m’offrit un cigare hollandais qui se serait effrité -si je l’avais serré entre mes doigts, tant il était sec de vieillesse. - ---Je vous laisse, me dit-il en refermant la porte. Vous en avez pour un -moment, mais avec ce manuscrit, cette bouteille et ce cigare, vous ne -vous ennuierez peut-être pas complètement. - -Autrefois, de belles chambrières offraient ici des boissons froides. Il -y en avait une surtout... - -[Illustration] - -Une petite flamme dansa, me sembla-t-il, dans son œil d’étain. Je me -versai un autre verre de vin, j’allumai le cigare et je me mis à dévorer -les pages qu’on va lire. Je leur donne un titre qu’elles n’avaient pas -dans le cahier, et je n’ajoute à ces curieux fragments que cette ligne -de mon encre... - - - - -II - -LE JOURNAL D’OLIVIER CAMORS - - - _Avril 1920._ - -Me voici pour toujours à la Tremblée. J’en ai passé, hier, la petite -porte verte, sans un regret, sans tourner la tête, comme ces fugitifs -qui franchissent la clôture d’une trappe. - -J’admire les écrivains qui vomissent leur époque, selon l’expression de -l’un d’entre eux, mais qui ne manquent pas un apéritif, dans les cafés -où ils ont coutume d’aller, pas un dîner, pas une répétition générale. -Je connais le romantisme de ces farceurs. Moi, j’ai eu le courage de -fuir. - -Que ferais-je d’ailleurs à Paris? Il ne me reste que quelques milliers -de francs de rente. - -Ce n’est pas cela pourtant qui m’a décidé... Fini... Je ne veux voir -personne... J’ai fait la guerre. J’ai jeté dans un tiroir les croix et -les médailles qu’on m’y donna. J’ai vendu mes livres. Tout cela était -inutile dans ma retraite. Les rubans et la littérature, les ragots de -MM. de Goncourt, la roublardise facile de M. Jules Lemaître, le Parnasse -et les histoires de la plaine Monceau, les calembredaines, les talents -moyens, les génies assommants et les idées générales n’ont pas cours -dans le domaine où je suis venu. Je vais refaire le monde autour de moi. -Je vais faire la paix pour moi seul, sans traités solennels, et je me -moque des Bulgares, ces coupeurs de nez, d’oreilles et de lèvres, et des -Turcs et des Allemands, ces gros blonds qui sont tous membres d’une -société de tir ou de gymnastique, et je me moque aussi de cent mille -choses que prennent au sérieux mes contemporains. - -Il n’y aura plus rien dans mes jours. - -Jusqu’à hier, je les ai remplis avec ce qu’ils appellent la vie. Ils -étaient partagés en petites tranches étiquetées dont je respectais, -comme tout le monde, le numérotage. - -J’y jetais des journaux et des lettres insignifiantes, des besognes que -je croyais très importantes, des plaisirs et des obligations ridicules. -Je prenais à peine le temps de déjeuner parce que j’attendais à quatre -heures Thérèse ou Simone, qui ne venaient pas, et qui m’envoyaient un -télégramme bourré des mêmes mensonges. - -Il n’y aura plus rien dans mes jours. Je suis désormais en paix... - - * * * * * - -Je ne daterai plus ces lignes que j’écris au hasard. A quoi bon? Je dors -mal. La solitude ne m’a pas versé encore sa divine tisane de pavots et, -pendant toute cette nuit, j’ai encore songé à la guerre. J’ai refait les -étapes du calvaire champenois... Nous avancions dans une ombre de -guet-apens et notre colonne était tâtée, si je peux dire, effleurée -maladroitement par la gerbe d’un projecteur ennemi. Nous allions -au-dessous de cette queue de comète sinistre, faite d’une buée fauve, -d’un poudroiement cruel, et je bronchais à chaque pas contre les troncs -des pins coupés au ras du sol. - -Puis ce fut l’heure H qui sonna, l’instant vertigineux du bond hors des -parallèles de départ, et la soif terrible, et une odeur de place -tumultueuse, une nuit de quatorze juillet, quand, les feux d’artifice -tirés, il reste dans la chaleur orageuse une persistante odeur de -poudre. - -J’ai senti de nouveau ce sournois parfum de bonbon anglais qu’exhalent -les gaz lacrymogènes et je me suis débattu dans les ouates jaunes des -autres gaz empoisonnés, de ceux que le docteur Faust fabriquait dans son -laboratoire et qui ont fait de moi, à quarante ans, un vieillard -toussotant qui n’a peut-être plus longtemps à souffrir. - - * * * * * - -J’ai trouvé un vieil atlas de géographie qui portait sur sa couverture -fanée ce nom: Palmyre d’Herbaupair. - -C’était la sœur de ma mère, et elle mourut à la Tremblée; elle se tua au -fond du parc, un soir qu’elle avait grimpé sur la plus haute branche -d’un pin, rompue sous son poids. - -Je me souviens... - -Ma tante Palmyre était une colossale demoiselle d’une trentaine -d’années. Sa stature avait effrayé tous les épouseurs. Aucun homme n’eût -pu offrir son bras à cette géante, qui semblait faite pour les amours -d’un dieu ou d’un taureau mythologique. - -Immense et enfantine, elle ne s’occupait jamais à des travaux féminins, -mais elle dévastait le parc, dénichait les corbeaux et jouait avec une -meute de grands chiens qui l’adoraient. - -Il n’y avait pas de domestiques mâles à la Tremblée, Jean vivait à Paris -avec mon père, et, en été, elle allait se baigner dans le bassin. Je -sais que je la vis un jour, à - -[Illustration] - -midi, alors qu’elle en sortait, ruisselante et criblée de soleil, -presque surnaturelle dans sa formidable nudité, avec ses grands cheveux -roux mouillés et retombant en mèches massives sur ses épaules de marbre. - -[Illustration] - -Elle me prit entre ses larges bras et m’emporta en courant, le visage -serré contre sa poitrine de déesse ou de phénomène de foire. - -Etrange famille qui va finir avec moi! - -Ma mère était une mince et délicate jeune femme, toujours malade, et mon -grand-père d’Herbaupair était un petit homme falot et chétif, qui -n’avait eu dans sa vie qu’une passion: celle des antiquités. - -C’est lui qui rassembla tout ce que la pluie, l’humidité et plus de -trente ans d’abandon détruisirent à la Tremblée. - -Je l’aperçus une seule fois et il ne prit point garde à moi. Il ne -s’intéressait qu’aux enfants peints par Boilly. - -Il portait un costume assez bizarre et il jouait perpétuellement avec -une grosse loupe dont j’avais bien envie... - - * * * * * - -J’ai déniché derrière une porte une peinture qui représente une vue -ocreuse de Rome. - -Devant cette vision noble et glorieuse, cette terre fauve que ne -déshonorent aucun pâturage, aucun bétail à l’engrais, devant les arcs -ruinés et les aqueducs écroulés, je songe à l’épouvantable ennui que -m’infligeait tout ce qui touchait à Rome, au temps où j’achevais mes -classes, au collège. - -Les vertus civiques et militaires de ses grands hommes, leurs mots -historiques, leurs pompeuses attitudes me glaçaient. Je tenais les -Romains pour un peuple de bavards, de faiseurs de routes et de lois, et -Auguste me semblait le personnage le plus ridicule et le plus pompier de -l’Histoire. Combien me plaisait davantage ce que j’appelais l’opposition -orientale à la République et à l’Empire! - -J’aimais les princes efféminés qu’allait vaincre facilement quelque -militaire de carrière, aux joues et aux lèvres bleuies par le rasoir; -les princesses étranges qui regrettaient Ecbatane ou Césarée, la -Bactriane et la Cappadoce, dans la ville capitale; ces belles barbares -qui troublaient les césars et les proconsuls avec leur teint de -fellahines et leurs parfums inconnus. Mais j’étais naturellement un -mauvais élève, puisque je n’admirais pas ces juges de paix, ces agents -voyers et ces briscards coloniaux... - - * * * * * - -Je voudrais connaître mes nouveaux compagnons, les arbres qui -m’entourent, et je ne sais le nom d’aucun. - -D’ailleurs, ils ont poussé si drus, si mêlés les uns aux autres qu’ils -ne forment plus qu’une foule végétale. - -Je veux tout de même me familiariser avec eux... - - * * * * * - -Ce matin, bien avant l’aube, j’ai dû fuir le lit où je n’avais pas dormi -et aller dans le parc. - -Je suis de plus en plus sollicité par le côté mystérieux et obscur du -monde. - -La terre avait le réveil pénible des hommes qui remontent lentement des -gouffres du sommeil et du songe, des abîmes de la nuit. - -Elle avait l’air d’hésiter, il me semblait qu’elle allait lâcher un -secret. L’aile fermée que chacun porte en soi allait-elle se déployer en -moi? - -[Illustration] - -Mais non, chaque chose a repris sa place, le soleil s’est levé, et cette -inquiétude infinie n’était que dans mon cœur... - - * * * * * - -Un grand oiseau de mer, venant on ne sait d’où, a traversé ce soir, vers -cinq heures, le ciel d’été, orange et mauve. - -Il allait, le cou tendu, sans un frémissement de plumes dans l’azur -tiède, comme une grande chose soyeuse et bien lancée. - -J’ai entendu le bruit d’un coup de fusil. - -Tout le monde doit en parler au village, comme si l’homme qui saigne les -porcs, le tailleur bossu, l’épicière, l’aubergiste, les vieux qui -tettent des pipes vides et les vieilles qui se chauffent au soleil -avaient vu le ciel se creuser et aperçu, dans une échappée vermeille, le -passage d’un être surnaturel... - - * * * * * - -J’ai retrouvé des vers que j’écrivis en Champagne, pendant la guerre, un -soir inhumain que je songeais au tableau de Bœcklin: _L’Ile des Morts_. - -La contrée la plus tragique et la plus désolée du monde était en avant -de Somme-Suippe; c’était un aride paysage calcaire et minéral. Tout y -était pâle de la pâleur mortuaire des craies. - -C’est seulement au versant des astres éteints et des globes morts qu’on -eût pu trouver ces lividités de sel et de plâtre. - -Ce coin du front était nettoyé comme un os, ce secteur blanc, -squelettique et spectral avait l’air d’être sous un suaire. Je -m’aperçois que ce poème maladroit est tout en rimes féminines. Cela ne -me déplaît pas. Les rimes sourdes confèrent aux strophes une pesanteur -étrange, mais voici cette poésie à laquelle j’ai donné le nom du -tableau: - - -L’ILE DES MORTS - - Des cyprès, des rocs blancs hors du monde... C’est l’Ile - Où vivent les grands morts quand ils quittent la terre; - Un crépuscule doux, vaporeux et tranquille - Y répand ses clartés de perle et son mystère. - - Son bois sacré de pins, de lauriers métalliques - Semble attendre toujours de pures chasseresses, - Et dans le bleu divin des soirs mélancoliques - On dirait que, toujours, vont passer des druidesses. - - Victor Hugo, vêtu de la cape marine - Qu’il portait à Jersey, poursuit un vaste rêve... - Lorsque sort Beethoven, Musset et Lamartine - Saluent, et le martyr de la musique lève - - Son énorme chapeau trop enfoncé... Banville - Au jardin de Ronsard cueille des roses blanches - Et des œillets qu’il veut offrir au bon Virgile. - Lord Byron à Chénier dit des vers sous les branches... - - Hésiode et Gautier ont des barbes pareilles; - Shakspeare et Rabelais dans l’herbe rient ensemble; - Dante, toujours coiffé de capuces vermeilles, - Sur le bras de Balzac pose sa main qui tremble. - - Ils sont là tous, dans l’île aux lumières sereines. - Aucun souffle n’émeut les arbres du rivage, - Les heures ne fuient pas et sont élyséennes. - Rarement une barque aborde sur la plage. - - C’est l’asile où tout n’est que paix harmonieuse, - Où la table toujours est mise sous les roses - Des rosiers aussi hauts que le pin et l’yeuse; - C’est l’Ile du silence et des apothéoses. - - Mais quand passent, venant d’une affreuse bataille, - Dans un lourd battement d’aile vierge et meurtrie - Des âmes de soldats, courbant leur grande taille, - Gœthe et Schiller, pensifs, maudissent leur patrie... - - * * * * * - -Je passe aujourd’hui l’après-midi allongé sur mon lit, à regarder le -ciel au-dessus des arbres. - -Au plus profond, au plus intime de moi, dans ces régions intérieures où -ne peut vivre aucun mensonge, il n’y a peut-être que le désir d’en avoir -fini vite avec les misères que je traîne, et je me sens soulevé par -l’espoir des grandes migrations inconnues. - -Tout arrivera sans doute comme je l’imagine. - -Un matin ou un soir, lorsque Jean entrera, il me trouvera à cette place, -immobile et couché, tel que je le suis maintenant. - -Il constatera que je suis mort. - -Mort!... savent-ils ce qu’ils disent, ceux qui prononcent ce mot? - -Invisible, mon âme flottera au-dessus de tout ce qu’elle aura laissé et, -après quelques formalités qui ne me regarderont plus, quand on aura fait -disparaître ce... Comment dire?... Cet amas de phosphate et de matières -ammoniacales, elle prendra son vol vers les blancs et bleus paysages -fugitifs et changeants, que je contemple de ma croisée. - -Immense ivresse des affranchissements! - -Je parcourrai le ciel, je m’engagerai dans ces ravins d’ombre effilochée -au penchant des collines neigeuses que composent les nuages; -j’escaladerai des pics et des falaises d’écume, des glaciers brumeux; je -traverserai de vaporeux défilés pour gagner des champs de neige tiède, -des moissons floconneuses. Je serai submergé par des marées, -j’assisterai à des débâcles de nuées que je verrai fondre comme des -blocs polaires, et je partirai vers les régions supérieures où -n’atteignent pas les oiseaux,... puis... puis... je ne sais plus ce qui -arrivera... Mais je passe cet après-midi dans les nuages, l’esprit -presque délivré... - - * * * * * - -Je ne suis tout de même pas assez loin du village. - -Il me semble, quand je veille, que je l’entends dormir. Une étoile se -noie dans l’abreuvoir et la lune est derrière le clocher trapu et sans -idéalisme de sa petite église romane. - -Je l’imagine cette nuit et l’humble bourgade abrite toutes les -situations éternisées par l’art des écrivains. - -Sous un ciel nocturne, dont la pureté religieuse fait songer à un grand -vers bleu sombre de Virgile, autour de cette place provinciale pareille -à celles où Coppée fit rêver de poétiques receveurs de l’enregistrement, -un héros ou une héroïne littéraires habitent dans chaque maison. - -Ici, vit le _Père Goriot_, de Balzac; là, _Eugénie Grandet_ range le -linge qu’elle a elle-même lavé, tandis que l’avare _Grandet_ recompte -ses billets. Derrière le géranium de telle croisée, relisant une lettre -de _Vincent_, il y a _Mireille_, blanche de la blancheur ardente des -camélias. _Léon_, le clerc de notaire qui passe dans le roman de -Flaubert, songe à Paris, aux actrices, aux salons, en parcourant des -échos mondains dans un journal. _Emma Bovary_ tourne le dos à son mari -qui semble tirer, en dormant, sur le tuyau d’une invisible pipe car il -dort, avec cette croupe chaude à portée de sa main... Dans des chambres -obscures ronflent les paysans de Zola. Un vieux, dont on convoite -l’héritage, est secoué par une crise d’asthme pendant que son fils, qui -préférerait dormir, est obligé de besogner sa grosse femme qui fait -craquer le lit, sans se soucier de son beau-père ni de son dernier né -qui braille, travaillé par la dentition ou la colique. Et les cochons -grognent dans les étables, et les rats volent du lard dans les buffets. -Quelle farce obscure et monotone emportée autour du soleil à une vitesse -de quatre cent douze lieues par minute!... - -[Illustration] - - * * * * * - -Le vent a emporté un journal dans le parc. - -Sa première page était étalée bien à plat, sur l’herbe. Je n’avais qu’à -me pencher pour lire et je ne l’ai pas fait. - -Que m’aurait-il appris? - -Je sais ce qu’il contenait sans l’avoir regardé: on doit toujours se -battre en Orient, et la famine et le choléra occupent sérieusement les -armées rouges. Des garçons sans scrupules ont volé, dans un rapide, les -bijoux des grosses dames qui vont si souvent aux cabinets. On a entôlé -un rentier qui avait eu la faiblesse de suivre dans un garni deux -filles, dont les mollets polissons n’étaient pas à comparer à ceux de sa -digne épouse, et cela ainsi jusqu’aux rébus de la quatrième page -proposés à des œdipes qui gagnent un stylographe ou une fiole de parfum -chimique. - -[Illustration] - -J’en ai fait une boule que j’ai lancée par-dessus le mur... Un train -sifflait au loin... - - * * * * * - -Il y a plus d’un mois que je n’avais ouvert ce carnet. Les gaz que le -docteur Faust fabriquait chez Mᵐᵉ Bertha Krupp agissent de mieux en -mieux. Chose curieuse, à mesure que mes forces déclinent et que le mal -me gagne, je suis de plus en plus poursuivi par des images de femmes. - -Je ne peux pourtant pas sortir, dans l’état où je suis, et séduire -quelque fille du village. La plus minable me rirait au nez. - - * * * * * - -_Gustave. Poste restante. B. 21. Hôtel de Ville. Envoi discret de -catalogues..._ J’ai lu cette adresse, au hasard, avant de quitter Paris, -et je ne sais pourquoi elle me hante à la façon d’un leit-motiv. - -Je viens d’écrire à ce commerçant discret. Il expédie des paquets de -tissus caoutchoutés qui deviennent, quand on les gonfle, de véritables -femmes. Ce sont les seules qui puissent me convenir. On m’a affirmé que -des explorateurs et certains solitaires n’en souhaitent pas d’autres. - -J’ai coupé toutes les ficelles qui me rattachaient au monde; si -quelqu’un parlait de moi aux gens du village, on lui dirait que je suis -fou. C’est peut-être vrai. Pourquoi n’aimerais-je pas une grande -poupée?... Hé... pas si grande... j’ai donné les mesures. Je suis de -l’avis de Michelet. Il faut que sa tête arrive à la hauteur de mon -cœur... - - * * * * * - -Lorsqu’on frappera à la porte verte, ce sera Elle! - -[Illustration] - -Je ne pense plus qu’à son arrivée. J’ai commandé un petit trousseau: des -bas de soie, une chemise, un peignoir, un bonnet de dentelles, un flacon -d’essence de rose, un autre de musc; mais j’ignore tout de cette -inconnue, et comment l’appellerai-je? Je vais songer à un nom. - - * * * * * - -Je ne crois pas trouver. - -On peut étiqueter, une fois pour toutes, les choses immobiles. Elles ne -changent jamais. Le nom qu’on leur donne les désigne toujours. Mais les -femmes!... - -J’en ai connu une qui s’appelait Marie. Cela lui allait parfaitement -jusqu’à midi. Ses cheveux châtains, mouillés et lissés au sortir du -bain, en faisaient une grasse et bourgeoise madone. Elle avait des -réveils enfantins et sa toilette était pudique et secrète. - -Le déjeuner troublait légèrement toutes ces candeurs. - -Après un verre de vieux bordeaux et un doigt de chartreuse, elle -s’appelait Sapho, Lucrèce, Mercédès ou Rosa. - -Le prénom d’une femme, qui prend son café au lait ou qui brode en -compagnie de sa mère, ne lui convient plus le soir, quand elle est nue. - -Elle s’appelle Marthe, Thérèse ou Monique, et cela est très bien ainsi. -Elle coud, elle suce le bout de son doigt où une piqûre d’aiguille a -fait brusquement éclore une petite coccinelle de corail sombre; elle -confectionne une tarte devant le fourneau, elle lit un roman honnête, et -elle peut porter le nom qu’elle a reçu. - -Si elle met sur ses cheveux un grand chapeau de soleil et qu’elle aille -dans le jardin, elle s’évade déjà. Elle doit s’appeler Charlotte, -Isabelle, ou Rosine. Charlotte, c’est comme un abricot plein de taches -de rousseur, et si Rosine est un prénom enveloppé dans une large feuille -de rose rose, Isabelle a le blanc crème des gloires de Dijon. - -La nuit est venue. Elle est seule avec son mari et elle pousse le verrou -de la porte, toute pareille à ces amantes potelées et vermeilles qui -font le même geste dans les estampes galantes du XVIIIᵉ siècle. Un sein -gonflé s’échappe hors de son corsage, un de ses bas tombe sur sa jambe -ronde. Elle est alors Rosette ou Fanchon... - -Le voici en chemise, avec ses mules de satin bleu, les bras arrondis, -les mains à son chignon qu’elle tord. Elle est devenue la gaillarde -bourgeoise des contes italiens qui va prendre son plaisir avec un beau -capitaine ou un jeune capucin paillard qu’elle a gavé d’oie rôtie et de -vin vieux... - -Elle jette ses pantoufles minuscules et ses derniers voiles, et, sans un -peigne, sans une bague, elle est une femme des premiers âges du monde, -elle est Laïs ou Phryné, Atalante, Chloé, Amaryllis... mais aucun de ces -noms ne lui convient longtemps et, quand elle s’endort sur le bras qui -l’a étreinte, elle redevient presque la petite fille alourdie de sommeil -qu’on appelait Moune, Ninette ou Lili... - - * * * * * - -Au fond, il n’y a rien de très cocasse dans le désir que j’ai de cette -poupée. - -Mon grand’père d’Herbaupair, après avoir fait deux enfants à sa femme, -l’abandonna à la Tremblée et n’aima plus que les visages et les corps -peints sur des toiles. Je l’imagine dans une rue de Paris, vers 1860. Il -était absolument normal. - -Devant ou derrière lui, sur le trottoir mouillé de pluie, un homme de -son âge suivait une lorette ou une modiste qui jouait de la croupe et -soulevait sa jupe sur de gros jarrets qui tendaient ses bas blancs. - -Il obtenait un rendez-vous pour le soir, se ruinait en vespetro et en -marasquin pour régaler la belle qui finissait par se laisser conduire à -l’hôtel. Les draps y étaient douteux et humides; il gelait dans la -chambre - -[Illustration] - -inhospitalière; la fille, qui montrait soudain une rapacité sordide de -commerçante, tarifait ses charmes douteux et ses caresses, et le -galantin dégrisé ne songeait qu’à fuir, et il faisait le simulacre de -l’amour, honteux comme tous les simulacres, en écoutant les - -[Illustration] - -vidangeurs, seuls maîtres de la rue à cette heure déserte et noire. Mon -grand-père, lui, se rendait tranquillement à de mystérieux rendez-vous -chez les brocanteurs auvergnats, cherchant les seules femmes qu’il -aimât: les nymphes de Fragonard, les laitières de Greuze et les belles -dames poudrées des anciens pastels... Ses amours étaient les plus -belles... Il se ruina presque cependant pour une fille rencontrée à la -terrasse de Tortoni... - - * * * * * - -Elle devrait être ici. - -Je suis de plus en plus nerveux, depuis que je l’attends. La moindre -chose m’irrite, et j’ai failli avoir une épouvantable crise pour avoir -vu un crapaud. Sa hideur, ses pustules ne m’ont pas trop répugné, c’est -son attitude qui m’a rendu furieux. - -Ce crapaud, que mon domestique protège, est une sorte de divinité -bouddhique, ventrue, molle et grenue; il allait lent, solennel, -important, ridicule, et je comprenais qu’il se savait sacré. Il avait la -majesté pompeuse et bête des dieux auxquels il est interdit de toucher; -la suffisance des gens en place; l’orgueil tranquille et béat de ceux -qui se croient indispensables, quelque chose de prudhommesque et de -despotique, et, alors, j’ai eu brusquement envie de lui prouver à coups -de trique, à coups de pierre, que tout ce dont il était si fier ne -tenait pas debout, que ses occupations d’aide jardinier et de garde -champêtre n’étaient pas plus sérieuses que celles des araignées, des -limaces et des rats, et qu’il n’avait pas le droit d’avoir une attitude -aussi grotesque, et qu’il n’était qu’un crapaud, un sale crapaud dans le -parc d’un homme en train de mourir. - -J’en ai été secoué toute la journée... - - * * * * * - -J’ai prié mon domestique de différer aujourd’hui son voyage à la ville -où il va faire des achats. - -[Illustration] - -Je crois qu’elle ne tardera pas à arriver et je ne veux pas être obligé, -moi-même, d’ouvrir la porte et de voir le facteur. - -Il ira un autre jour, quoique ces voyages,--je le devine,--l’enchantent. - -Je la connais, cette sous-préfecture! Des courtiers en vins boivent de -la bière à la terrasse du café d’Orient; les jeunes filles d’un -pensionnat sortent pour la promenade; une jeune femme, chaussée de blanc -et coiffée d’une charlotte de mousseline, descend la grand’rue. Elle -s’arrête chez le pâtissier en renom. - -Sous une gaze jaune, qui les défend contre les mouches, des babas ivres -de rhum sucré défaillent dans des assiettes à filets dorés... La jeune -femme sort, saluée par un vieux roquentin vêtu de flanelle bleue à -rayures, un avocat dont les aventures et l’éloquence sont célèbres -jusqu’au chef-lieu. - -C’est dans cette rue déserte où j’ai passé, il y a plus de vingt ans, -que Jean fait ses emplettes, puis il boit un bock ou un apéritif près de -la gare, seul comme un vieux comique lugubre de l’Eden-Café, qui est le -concert le plus couru de l’endroit. - -L’Eden-Café! J’y ai connu l’amour pour la première fois! - -C’est la maison mère d’une sorte de prostitution artistique. C’est de là -que, tous les samedis, on expédie aux bourgs environnants deux ou trois -chanteuses et un pianiste, qui est en même temps un diseur de monologues -idiots. Ils arrivent, le soir, au café chantant où ils sont engagés. Les -vieilles, qui mangent leur soupe devant la porte, les méprisent; les -ménagères et les jeunes filles admirent l’élégance tapageuse de ces -femmes; quant aux hommes, même pour les plus rustiques, elles -représentent vaguement tout ce qu’ils imaginaient de la haute noce et -du théâtre. - -[Illustration] - -Elles laissent dans la petite gare un sillage de parfums grossiers, et -plus d’un adolescent mange distraitement sa salade, sans écouter le père -qui parle de la foire prochaine ou des vignes qui ont soif. - -Elles sont aux filles du village ce qu’est une bouteille de champagne -fabriquée avec des acides au petit vin naturel du pays; elles sont le -mal, l’inconnu, l’attrait dangereux et charmant, l’extrême civilisation. -Elles sont surtout de pauvres êtres, d’humbles servantes et comme les -bonnes à tout faire de la chanson stupide et de la muse polissonne; et -les bellâtres du canton qui s’offrent la gommeuse ou la grande bringue -navrée qui roucoule des bêtises sentimentales, s’imaginent qu’ils ont -aimé des divas illustres et des étoiles de théâtre!... - - * * * * * - -On a frappé ce matin à la porte du parc, et j’ai brusquement retrouvé la -première émotion du premier rendez-vous... Elle?... - -C’était un mendiant que Jean a chassé. - -Ma gorge s’est desserrée, la petite aiguille qui s’affolait à la pointe -de mon cœur s’est immobilisée. J’ai été tout pareil à ces jeunes gens -qui attendent leur maîtresse, vers quatre heures, à Paris. Ils ont -épousseté eux-mêmes et rangé leur appartement derrière leur femme de -ménage. Ils ont mis des fleurs dans les vases, vaporisé dans la chambre -quelque parfum, préparé deux heures à l’avance l’assiette de gâteaux, -les tasses à thé et la bouteille de porto. Ils ont surtout regardé la -pendule. Le livre qu’ils essayaient de lire, pour tuer le temps, ne les -intéressait pas. Ils ont frotté un à un les flacons de la toilette, -compté les anneaux des rideaux sur leur tringle de cuivre, en disant: -elle viendra... oui... non... oui... non... oui... non... heureux si le -dernier anneau tombait sur oui. - -A quatre heures, on sonne! Éperdus, ils vont ouvrir, et se trouvent nez -à nez avec une vieille dame asthmatique et poussive, qui s’excuse à -peine et qui s’est trompée d’étage. - -J’ai été tout pareil à ces amants inquiets... - - * * * * * - -Un quart d’heure après le départ de ce mendiant on a de nouveau frappé à -la porte, trois coups impérieux, durs, comme de quelqu’un qui -s’impatienterait en trouvant le vantail verrouillé, quand il veut entrer -chez lui et que les serviteurs tardent à ouvrir. - -[Illustration] - -C’était Elle!...» - - * * * * * - -Le vieux domestique survint à ce moment dans la chambre où je lisais. - ---Eh bien, monsieur, dit-il en essayant de sourire, croyez-vous que feu -mon maître était un drôle d’homme? - -Il se pencha vers la table: - ---Ah! vous en êtes à son arrivée à la Tremblée. Vous n’en avez plus pour -longtemps. Ce que je ne digère point, par exemple, c’est qu’il m’a -traité de vieux comique lugubre. Je suis scrupuleux et susceptible. Oh! -je ne me plains pas, quoique, vous savez, les trois mille francs de -rente dont j’hérite, je ne les ai pas volés. Ni son père, ni lui ne -m’ont jamais payé mes gages, et je suis à leur service depuis plus de -quarante ans... Enfin, il n’aurait pas dû dire cela de moi... Achevez -donc cette bouteille... - -Il remplit ma coupe de vieux vin doré! - ---Je vous laisse, fit-il, vous allez en avoir fini avec ce cahier. Je -vous ferai ensuite une surprise. Je vous montrerai la demoiselle; elle -est encore ici, et elle est vierge et veuve, monsieur, car mon maître -est mort le jour où il l’a reçue. Le temps se gâte, je crois qu’il va -faire un gros orage... - -Je repris tout de suite ma lecture: - - * * * * * - -«Elle est enfin ici! - -Je n’ai pas encore coupé les ficelles qui entourent sa boîte. Elle est -comme une voyageuse un peu lasse qui se reposerait et ne voudrait pas se -montrer trop vite à ses hôtes. - -J’ai fait moi-même une toilette plus soignée. Je me négligeais depuis -quelque temps. - -J’ai coupé ma barbe et ma moustache, j’ai mis un costume de flanelle -blanche et j’ai l’air d’un monsieur très fatigué dans un parc de ville -d’eaux. - -Quand je passe devant les volets de la chambre, instinctivement je -marche sur la pointe des pieds. - - * * * * * - -Je crois que je prendrai mes repas devant elle. Autrefois, j’aimais -beaucoup manger en compagnie des femmes. - -Un dîner d’hommes fait toujours penser à ces banquets où d’anciens -militaires du même régiment, d’authentiques badernes sorties de la même -école, la même année, se régalent à prix fixe, coude à coude et vêtus -d’habits funèbres, à l’immense table d’un salon de société que ne décore -aucune fleur. - -Les hommes seuls manquent généralement de tenue, et il ne faut pas -croire qu’on a meilleur appétit et qu’on est plus à l’aise en manches de -chemise et en pantoufles. - -C’est comme si l’on affirmait que le café bu dans une épaisse tasse de -faïence est plus savoureux que dans la fine et immatérielle coquille -d’œuf d’une porcelaine chinoise. - -Un vrai repas, bien ordonné, est la plus aimable des choses. C’est un -luxe de civilisés qu’il faut entourer de toutes les délicatesses. - -On ne mange pas du foie gras truffé, ni un sorbet à la framboise, en -sabots et en tricot de laine, sur un coin de table de cuisine, devant -une chandelle qui fume, mais en habit, avec du linge fin, sur une nappe -fleurie et à la faveur de bougies voilées d’abat-jour qui tamisent une -lumière égale. - -Rien alors n’est plus charmant à regarder que les jeunes femmes qui sont -la guirlande et la parure de la table. - -La soie ou le velours des robes décolletées ont l’odeur des ombrelles -crépitantes chauffées au grand soleil de juillet. Des parfums naturels -et des effluves d’essences rares s’y ajoutent. Les petits carrés de -truffes ou les crevettes qui garnissent un filet de sole ont un goût -unique, si une belle brune montre, en levant le bras pour enfoncer un -œillet dans son chignon, le creux touffu de son aisselle, si, au moment -où vous avalez une cuillerée de fraises des bois assaisonnées au -champagne, une blonde grasse montre ses épaules de neige et découvre -vaguement un sein dont la pointe doit être pareille, sous les dentelles -de son corsage, au fruit qui parfume votre palais. - -Les gens qui prétendent que les vrais gourmands doivent s’enfermer -seuls, pour savourer des plats choisis, sont de timides maladroits. - -Il faut se défier d’eux et les plaindre. - -Ils passent assurément d’épouvantables nuits, car l’amour doit venir -naturellement après le dessert, comme les pêches et les muscats viennent -après les glaces et la frangipane. - -La gastronomie n’est pas un art à l’usage des ermites. Lorsqu’on couche -seul, il est plus raisonnable de prendre, le soir, un bouillon léger, la -moindre des choses, un peu de confiture et une tasse de tilleul. - -Les femmes, quoi qu’on dise, savent apprécier un bon repas. Cela se voit -à la façon dont elles mangent. Elles ne remplissent jamais leur assiette -et ne s’empiffrent pas de grosses viandes. Elles savent ce qu’un os de -côtelette ou de poulet peut garder de chair savoureuse et de peau -rissolée. - -Que d’épais bâfreurs rient de leur préférence pour les carcasses et les -croupions. C’est le reproche que pourrait faire un âne qui tond un pré -au lapin de garenne qui choisit les herbes parfumées, serpolets, thyms -et menthes sauvages... Mais à quoi vais-je penser, moi qui ne prends -plus que quelques fruits et des biscuits trempés dans un doigt de vieux -vin?... - - * * * * * - -Elle ne mangera pas. J’ai souffert quand j’étais jeune du peu de goût -dont mes amies de passage faisaient preuve, au restaurant. Je me -souviens à peine de leurs visages, mais ils reviennent parfois à la -seule vue ou à l’évocation du plat qu’elles préféraient. - -Ne déjeunant et ne dînant jamais chez moi, j’ai beaucoup regardé les -femmes qui m’entouraient. Je songe à une fille avec qui je dînais assez -souvent. - -Sa mère était concierge dans une maison ouvrière, du côté de Montmartre -et son père rentrait saoul à peu près chaque soir, quand elle était -enfant. - -La loge sans air et sans lumière sentait le débarras et le compartiment -de troisième classe où ont dormi dix voyageurs. Elle faisait les courses -pendant que sa mère balayait l’escalier, et elle rapportait quelques -sous de pain chaud, de la charcuterie et de l’eau-de-vie. Elle s’était -régalée de veau piqué, de mirotons et de salades. - -Par quel miracle était-elle devenue la splendide créature que j’admirais -pendant ces repas? - -Son teint était d’une neige fouettée de roses, ses dents étaient des -perles humides, naturellement claires. Elle avait une taille de -duchesse, des bras de Vénus, de longues jambes rondes et fines, une -toison énorme dont la nuance allait du maïs mûr au cognac brûlé, et on -eût juré que, née d’un mylord spleenétique et d’une blanche lady, dans -un château au bord d’un lac, elle n’avait été nourrie que de beurrées, -de crême fraîche, de gâteaux et de puissants rosbifs anglais... - - * * * * * - -Épouser une femme qui s’intéresse à la cuisine est une garantie de -bonheur conjugal. Même si elle n’est pas des plus jolies, la santé et la -bonne humeur qui sont les conséquences de la bonne chère, la -transfigureront, et elle sera une compagne infiniment plus agréable -qu’une fille belle, froide, et rassasiée dès le potage. - -Si le mari qui rentre chez lui, las de sa journée, trouve un repas -négligé, un de ces dîners dont s’est occupée toute seule une servante, -il est perdu. - -La vie ne lui réservera que déboires. Après un bouillon rapidement -bâclé, trop chaud ou trop froid, plein de grumeaux et sentant le -graillon, l’affaire qui le tourmente n’aura aucune chance d’aboutir -selon ses désirs. - -S’il a l’impression de manger le poisson sur un évier, et le rôti sec et -la salade assaisonnée avec trop de sel et trop de vinaigre, il ne peut -réussir ce qu’il entreprendra le lendemain, et la nuit qui suit un dîner -sans harmonie ne peut pas être heureuse. - -Mais aucun des soucis que nous traînons avec nous ne résistera à -l’onction d’un bon potage, au morceau de bœuf dont le sang gicle sous le -couteau, au velours d’une crême simple et parfaite. - -Ce n’est pas moi qui blâmerai le - -[Illustration] - -célibataire qui épouse sa cuisinière. De tous les mariages de raison, -celui-là est peut-être le plus raisonnable. - -De la table au lit il n’y a qu’un pas et on le franchit sans effort. - -Il est à remarquer que les premiers désirs des jeunes hommes vont aux -cuisinières bien en chair. - -L’amour des maigreurs distinguées ne vient que plus tard, mais la -première impression est toujours la meilleure et la plus vraie. - -Quel est l’adolescent qui n’a pas imaginé le paradis comme une cuisine -voluptueuse aux buffets pleins de volailles à la gelée, et dont les culs -de casseroles, polis et clairs ainsi que des miroirs, reflétaient une -accorte fille à la croupe dodue, aux mollets rebondis, aux bras chauds -et aux seins ronds, en train d’ôter une chemise rustique? - - * * * * * - -Si les fiancés pouvaient observer leurs futures à l’heure des repas, -cela éviterait bien des malentendus et des divorces. - -En tout cas, si j’avais quelques conseils à donner aux jeunes hommes, je -leur dirais: - ---Ne demeurez pas là, extasiés comme des benêts, à regarder ses dents -quand elle boit et à vous demander par quel miracle le pain qu’elle -avale, le gigot froid, les pommes de terre, la salade, la confiture et -les gâteaux secs vont se changer en roses et en lys sur ce visage que -vous convoitez. - -Examinez-la calmement. - ---Elle a bon appétit, mais ne se hâte point. Elle prend son temps et -elle mange posément, accueillant également tous les plats sans y revenir -jamais?... - -Elle est sérieuse, patiente et dévouée. Epousez-la. C’est la compagne -des bons et des mauvais jours, celle qui ne choisira pas ailleurs et qui -ne désirera jamais que ce qu’elle possède. - ---Elle a un gros appétit, et elle se hâte comme si elle était pressée -par l’heure d’un train, dans un buffet de gare. Elle est joyeuse -cependant et de bonne humeur. Elle sourit franchement entre deux -bouchées?... - -Si vous êtes sûr de vous, vous aurez là une femme excellente, un peu -ronde et brusque; son amour sera peut-être légèrement tyrannique, mais -il sera, aussi, robuste et solide. - -Souvenez-vous, par exemple, qu’elle reprend toujours d’un plat qui lui a -plu... - ---Elle déchiquette sa côtelette comme un poisson pour n’en sucer que -l’os; elle cherche, de la pointe de son couteau, une boulette de -moelle? - -Méfiez-vous. Elle est chicanière et soupçonneuse, jalouse aussi. Elle -fouillera dans vos poches quand vous changerez de veston... - ---Elle met de chaque côté de son assiette, soigneusement, à gauche la -mie de pain, à droite la croûte? - -Vous ne la connaîtrez jamais complètement. Elle est ambiguë, méthodique, -froide et secrète. Le mariage, pour elle, comporte trois cérémonies: à -la mairie, à l’église et au tribunal où se prononce le divorce. - ---Si elle prend la cuisse d’un poulet rôti, épousez-la. - -Elle n’est pas très délicate, mais elle est simple, bien portante et -sans détours. Elle marchera toujours sur la bonne route... - -Si j’avais fait métier d’écrire, j’aurais sûrement composé un curieux -ouvrage sur la cuisine... - - * * * * * - -Demain, elle existera!... - -C’est dans ce pays que j’ai vu, pour la première fois, une femme nue. Je -crois que peu d’adolescents ont été aussi favorisés que moi et c’est le -souvenir le plus prodigieux de ma quinzième année. - -J’étais un enfant studieux, sage et maladif, et, pendant les vacances, -mes seules distractions étaient la pêche et la lecture des poètes -romantiques. - -Un après-midi que je lisais les _Orientales_, sous un arbre, une petite -charrette anglaise passa sur la route et un jeune homme vêtu de blanc me -fit un salut amical. - -J’allai à lui, à travers le parc. - -C’était mon ami de classe Alexandre Boreuil, le fils d’un antiquaire de -la place du Forum que l’on disait fort riche. - -Je lui offris de se rafraîchir, mais il refusa, craignant d’être en -retard. Il avait une course à faire à quelques kilomètres, et il me -désigna une place à côté de lui, sous le tendelet de toile écrue qui -faisait une ombre claire à sa voiture. - -Il allait, me confiait-il, porter un antique objet d’art au propriétaire -d’un château des environs dont j’avais vaguement entendu parler. - -Je savais que ce voisin, fort bizarre et solitaire, vivait au milieu -d’admirables collections, et j’acceptai la place que m’offrait -Alexandre. - ---Vous devez vous ennuyer? commença-t-il. - ---Mais non, répondis-je, et je tirai les _Orientales_ de ma poche. - -Il ouvrit le bouquin, déclama une strophe, éclata de rire, et il écrasa, -en refermant le volume, une abeille qui semblait butiner les vers. - -Il arrêta son cheval devant une petite porte en bois épais, toute -cloutée de bronze. - -Le bouton de la sonnerie disparaissait sous le feuillage, et il nous -fallut le chercher entre les luisantes feuilles bleues d’un feston de -lierre. - -La porte s’ouvrit et Alexandre, ayant attaché son cheval et entravé les -roues, prit, en portant le précieux objet dans une boîte, un sentier -plein de mousse, sous des arbres de Judée. - -Je le suivais, et nous aperçûmes brusquement le château. - -Une vieille servante guida mon ami,--car je demeurai sur la terrasse,--à -travers un immense vestibule, vers un salon que j’apercevais devant moi -et qui devait servir de bibliothèque. - -Quatre portes-fenêtres étaient ouvertes sur le jardin, et les vieux -arbres et les stores de toile jaune tamisaient à souhait l’ardente -lumière. - -Un homme était assis au milieu de la vaste pièce. Il paraissait -quarante-cinq ans. Une crinière grise et drue, rejetée en arrière; une -barbe épaisse, aux boucles distinctes comme celles des bronzes antiques, -en faisait un être d’un grand caractère. - -On imaginait au fond du parc une victoria vernie, avec un cocher -solennel. - -[Illustration] - -Je vis entrer Alexandre. Il tendait sa boîte à l’homme qui coupa les -ficelles et tira, du coton qui l’enveloppait, un petit Bacchus -d’ivoire. Du plat de sa main velue, il caressait la statuette, comme un -voluptueux caresse l’épaule bien potelée d’une maîtresse. - -Lorsqu’il se leva, Alexandre prit congé, mais il s’égara sans doute dans -les couloirs, car il fut un assez long moment sans paraître. - -C’est alors que j’eus la révélation de la femme. - -Une grande fille entra, blonde, élancée, robuste et nue. Elle n’avait -aux pieds que des sandales retenues aux chevilles par des bandelettes -dorées, et un peigne d’écaille à son chignon. - -Dans les clartés adoucies et tranquilles de l’immense salon plein de -livres, de marbres et de miroirs, elle allait sans gêne, habituée -certainement à vivre ainsi. Elle s’assit, croisa ses longues jambes -blanches et prit le petit Bacchus pour l’examiner. Puis, elle arrangea -sa coiffure dans une glace et, me tournant le dos, quitta le salon, les -bras arrondis sur sa tête et pareille à une grande amphore d’albâtre. Je -ne racontai pas cela à mon ami, et j’appris ensuite que cet homme était -un singulier original, vivant seul avec cette femme nue, dans ce château -où personne ne venait jamais. - - * * * * * - -Elle existe!... Ah! la chose n’a pas été commode... J’ai ouvert la boîte -dans l’ombre, j’ai développé la toile sur mon lit, mais avant de lui -donner la vie avec ce qui me reste de souffle, je l’ai habillée d’un -peignoir de soie chinoise, j’ai mis des bas à ses jambes plates et je -l’ai chaussée, comme j’ai pu, de mules blanches... Je l’ai vue naître - -[Illustration] - -par degrés... L’étoffe s’est soulevée lentement, un pied s’est -brusquement étiré, et son visage clair s’est tourné vers moi avec ses -yeux immobiles, étonnés et extasiés. Je l’ai coiffée d’un bonnet de -dentelles et je suis resté près d’elle, en lui tenant la main, et je lui -ai dit: - -«--Tu n’es rien sans doute qu’une illusion, mais que sont les plus -grandes amours? - -[Illustration] - -«Telle femme pour qui un amant désespéré s’est tué n’aurait pas obtenu -un seul baiser d’un autre homme. L’amour est en nous, il n’est pas -nécessaire que celle qui en est l’objet le partage. Le vieux Shakespeare -a dit que l’amour et la beauté étaient dans l’œil du contemplateur et -qu’ils naissent du regard qui sait transfigurer la matière. - -«Tu n’es qu’une énorme bulle que j’ai soufflée, mais il en est de même -de tout ce que nous imaginons. - -«Ecoute, je n’ai pas de secrets pour toi. J’ai été pris, il y a quelques -années, par une fille rencontrée dans un café. A présent qu’il n’y a -plus autour de son image l’atmosphère que je créais, je puis affirmer -qu’elle était ignoble. - -«Ses cheveux teints étaient une filasse décolorée, sa gorge était -dévastée, et je mourrais de honte si je devais m’attabler encore avec -elle dans les restaurants où elle m’entraînait et où elle mangeait comme -un maçon, en persécutant de ses œillades les hommes qui dînaient seuls. - -«Eh bien, je la transfigurais. Je faisais de sa fausse chevelure une -toison de courtisane médicéenne et de dogaresse, et la poitrine de -marbre des Vénus me semblait fade à côté des deux gourdes molles que -j’embrassais, pendant qu’elle gloussait comme une poissarde chatouillée. - -«Les grandes héroïnes n’ont sans doute existé que dans le cœur éperdu de -ceux qui les aimèrent. La divine, la pure Laure que chanta Pétrarque -était une jeune femme qui couchait toutes les nuits avec son mari, le -sieur de Sade, un rude gentilhomme peu lavé qui devait ronfler après -avoir fait l’amour comme un soudard. - -«Laure accomplissait peut-être sans joie ces devoirs conjugaux, et je -crois volontiers qu’elle avait plus de noblesse et d’allure que Tata--ma -maîtresse était connue sous ce nom imbécile--mais je crois aussi que, -pendant quelques mois, je fus un plus grand poète que l’altissime -sonnetiste qui célébra la dame de Vaucluse, parce que transfigurer ce -chameau demandait beaucoup plus de dons poétiques et d’idéalisme. - -«Certains soirs, le foulard ou le velours de sa jupe qui avait balayé -toutes les banquettes du café me semblaient tissés d’une surnaturelle -soie, et je sentais mille cœurs battre dans ma poitrine quand elle -m’enlaçait négligemment de ses bras qui avaient traîné partout. - -«Tu es aussi réelle a présent que toutes les femmes que j’ai possédées -et qui ne m’aimaient pas, celles dont l’amant qui n’arrive pas à les -émouvoir est - - «_comme un musicien_ - «_Tourmentant le clavier d’un clavecin sans cordes_...» - -«Je ne peux te donner un nom. A mon gré, lourde et parfumée de musc, tu -seras - -[Illustration] - -la fille du Sud qu’on trouve près du vieux port et qui vous entraîne -dans une maison obscure et moisie. Elle sent les coquillages, le soleil -et l’eau croupie où meurent les poissons. Une chandelle éclaire sa -mansarde chaude dont la croisée donne sur un bassin plein de navires. Le -matelot à peu près ivre qu’elle a ramené ne saurait y reconnaître le -sien. Il est allongé sur le grabat et il regarde cette femme qu’il ne -connaît pas. Elle a dans son chignon massif un œillet qu’a flétri le -parfum trop fort de ses cheveux gras. Elle marche vers la couche, nue, -robuste, et son corps splendide et dur qu’a glacé la sueur montre, dans -l’ombre où clignote la bougie, des seins flétris, et son amour ressemble -à une brutale rixe... - -«Tu seras, si je le désire, une jeune femme du Nord, blonde, docile et -molle. Pendant le silence cruel d’une nuit de gel sur la mer ou -brillent des îlots de glace, ton corps chaud frissonnera à peine quand -je l’étreindrai sous les couvertures... Tu deviendras tour à tour la -belle poitrinaire qui consume d’amour ses derniers jours, sous les -eucalyptus de la villa; la jeune fille du château qui a donné -rendez-vous au fils du jardinier; la petite bourgeoise qui trompe le -notaire avec le soldat qu’elle loge; la pierreuse qui vous pousse, une -nuit de pluie, vers son hôtel, à travers une rue dont le trottoir luit -comme de l’ébène mouillé... Tu seras toutes les femmes: la chaste -pupille aux tresses blondes de l’anabaptiste et la cadette déjà grasse -et ambrée du rabbin; la jeune duchesse svelte, pâle et mélancolique; la -brute foraine aux poignets garrottés de cuir, aux jarrets épais qui -lutte avec des hercules efflanqués; la Hollandaise aux bras de lait et -de roses; la Chinoise - -[Illustration] - -qu’éclaire une ronde lanterne de papier; la créole qui fume un cigare -parmi les cannes à sucre; l’alerte modiste qu’on a connue avenue de -l’Opéra; la bergère en sabots dont le baiser a l’odeur fraîche d’une -pomme sous une averse de septembre; la blanche et froide lady qui porte -à son col de cygne des perles de vice-reine; la nouvelle épousée -défaillante et timide, et la veuve de trente ans qui croyait se consoler -en allant au mois de Marie... - -«A ce soir... J’allumerai les flambeaux d’argent dans cette belle -chambre qui est désormais la tienne, au milieu du parc sauvage où nous -serons seuls comme au cœur vierge d’un éden...» - - * * * * * - -Je posai mon cigare éteint dans le plateau et j’achevais la bouteille -que M. Olivier Camors aurait peut-être entamée, lorsque le valet de -chambre entra. - ---Eh bien, monsieur, vous avez terminé votre lecture... qu’en -dites-vous? C’est fort curieux, n’est-ce pas? Le journal de mon défunt -maître s’arrête là; il n’a pas soupé avec la demoiselle en baudruche, -puisqu’il est mort au cours de l’après-midi, vers quatre heures, et -brusquement. - -Quand je dis brusquement, je me trompe; il agonisait depuis son arrivée -à la Tremblée. Enfin, quoi qu’il en soit, il est mort l’après-midi du -jour où il écrivit ces dernières lignes et il ne put exécuter aucun de -ses projets galants. Triste! J’ai connu quelques histoires semblables -d’hommes qui attendirent une femme aimée pendant longtemps et qui -disparurent avant d’avoir pu savoir le goût de sa peau. - -S’il y avait eu quelque chose entre eux, je ne l’aurais pas gardée, vous -pouvez me croire. Ah! non, par exemple, je ne l’aurais pas gardée! Je -suis vieux, il y a longtemps que j’ai renoncé à toutes les -plaisanteries, mais celle-là... non celle-là est trop forte... Venez, -monsieur, je l’ai descendue du grenier, elle est dans le corridor et en -plein courant d’air; si quelque fenêtre s’ouvrait... Avec ce temps c’est -dangereux parce que... - -Il n’acheva pas sa phrase. - -Un formidable coup de vent inclina les branches des arbres qui -balayèrent la façade et nous entendîmes un bruit de vitres brisées et de -croisée qui se referme trop fort. - -Je courus derrière le vieillard qui se hâtait, et nous arrivâmes sur le -perron juste à temps pour voir s’envoler, comme un ballon d’enfant, la -maîtresse de feu M. Olivier Camors. - -Elle était nue, avec des bas blancs et des pantoufles, car le vent de -l’orage qui éclatait avait dû arracher son peignoir. - -A la hauteur du toit, elle bascula et fit un plongeon. J’aperçus sa tête -souriante aux yeux immobiles et extasiés. Elle avait perdu son bonnet et -elle ressemblait à une de ces jeannettes de carton colorié sur -lesquelles les anciennes modistes essayaient leurs coiffes. Elle -dansait, se redressait, tanguait, les seins gonflés et son corps était -d’un blanc de plâtre légèrement teinté de rose. - ---Est-elle godiche? dit le domestique effaré. - -Elle dépassa la cime rebroussée et furieuse d’un vieux marronnier, et -les remous et les courants aériens, qui devaient être plus violents et -plus rapides, l’enlevèrent, lui firent faire deux ou trois bonds si -prodigieux qu’elle ne fut bientôt plus à mes yeux qu’une poupée de -petite fille dans un ciel tumultueux parsemé de feuilles mortes. - ---Elle est capable d’aller relancer mon ancien maître jusqu’au paradis, -murmura le vieux serviteur goguenard, sans la quitter des yeux... - -Plus haut que les plus lointaines hirondelles, elle ne fut bientôt qu’un -point tremblant, une bulle affolée et, s’il est vrai que les âmes -mettent un temps assez long avant de quitter les lieux où elles furent -affranchies, celle de l’étrange mort dut voir passer la femme qu’il -avait animée de son dernier souffle et qui s’en allait charmante, -puérile, maladroite et ridicule, dans l’infini... - -[Illustration] - - - - -[Illustration] - - - - -OUVRAGES - -DU MÊME AUTEUR - - -LA MAISON DU POÈTE Poésies -LES ISOLEMENTS -- -JACQUES Roman en vers -ORCHESTRES Poésies -LES HEURES DÉCHIRÉES Notes -FRANÇOIS PAIN, GENDARME -- -L’ABDICATION DE RIS-ORANGIS Roman -L’HEURE DES TZIGANES Théâtre -LES BONAPARTE -- -LES CHARMETTES -- -LA LUMIÈRE DU SOIR -- -THÉOPHILE GAUTIER Étude -L’APRÈS-MIDI CHEZ L’ANTIQUAIRE (_L’Édition_). - - -_A paraître_: - -LE DIMANCHE AVEC PAUL CÉZANNE (_L’Édition_). -PARIS MORT ET VIF... -LA JOURNÉE DU CÉLIBATAIRE (_L’Édition_). -LA TRAHISON D’EURYDICE Roman -MONSIEUR LE CURÉ -- -ART POÉTIQUE Poésies -LE DIMANCHE DE L’AMATEUR. - -[Illustration] - - -ACHEVÉ D’IMPRIMER LE VINGT-CINQ AVRIL MIL NEUF CENT VINGT-CINQ, SUR LES -PRESSES DE COULOUMA, MAITRE IMPRIMEUR A ARGENTEUIL, H. BARTHÉLEMY ÉTANT - DIRECTEUR, POUR LE COMPTE DE G. BRIFFAUT, ÉDITEUR A PARIS. - -*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LA POUPÉE *** - -Updated editions will replace the previous one--the old editions will -be renamed. - -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the -United States without permission and without paying copyright -royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part -of this license, apply to copying and distributing Project -Gutenberg-tm electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG-tm -concept and trademark. Project Gutenberg is a registered trademark, -and may not be used if you charge for an eBook, except by following -the terms of the trademark license, including paying royalties for use -of the Project Gutenberg trademark. 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Hart was the originator of the Project -Gutenberg-tm concept of a library of electronic works that could be -freely shared with anyone. For forty years, he produced and -distributed Project Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of -volunteer support. - -Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed -editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in -the U.S. unless a copyright notice is included. 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You may copy it, give it away or re-use it under the terms -of the Project Gutenberg License included with this eBook or online -at <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. 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BRIFFAUT, Éditeur</i><br /> -4, RUE DE FURSTENBERG, PARIS</p> - -<p class="c">LA POUPÉE<br /><br /><br /> -<small>IL A ÉTÉ TIRÉ DE CE VOLUME:</small></p> - -<p class="hang">10 exemplaires sur japon impérial contenant un dessin original de -l’artiste et une suite en noir, numérotés de 1 à 10.</p> - -<p class="hang">10 exemplaires sur japon impérial contenant un dessin original de -l’artiste, numérotés de 11 à 20.</p> - -<p class="hang">750 exemplaires sur vélin, numérotés de 21 à 770.</p> - -<p class="c"><span class="smcap">Exemplaire Nº 133</span></p> - -<hr /> - -<p class="c">LÉO LARGUIER</p> - -<h1>LA POUPÉE</h1> - -<p class="c">DESSINS DE<br /> -CHAS LABORDE<br /> -<br /> -<img src="images/colophon1.jpg" -width="400" -alt="" -/> -<br /> -<br /> -<i>COLLECTION DE<br /> -“LA ROSE ET LE LAURIER”</i><br /> -G. BRIFFAUT, <span class="smcap">Éditeur</span><br /> -4, RUE DE FURSTENBERG, PARIS (VIᵉ)<br /> -——<br /> -M CM XXV<br /> -</p> - -<div class="poetry"> -<div class="poem"><div class="stanza"> -<span class="i0">«...<i>Tu n’as jamais été dans tes jours les plus rares</i><br /></span> -<span class="i0"><i>Qu’un instrument banal sous mon archet vainqueur,</i><br /></span> -<span class="i0"><i>Et comme un air qui sonne au bois creux des guitares,</i><br /></span> -<span class="i0"><i>J’ai fait chanter mon rêve au vide de ton cœur.</i>..»<br /></span> -</div><div class="stanza"> -<span class="i11"> <span class="smcap">Louis</span> BOUILHET<br /></span> -<span class="i12">(<i>A une Femme.</i>)<br /></span> -<span class="pagenum"><a name="page_1" id="page_1">{1}</a></span></div></div> -</div> - -<p class="nind"><span class="letra">P</span><span class="smcap">uisque</span> vous aimez les antiquaires, me dit mon ami Ange Laurentier, chez -qui je passais cette semaine d’extrême automne, allez donc jusqu’à la -Tremblée; on m’a affirmé que le fou qui habitait, ou plus exactement, -qui se cachait dans ce pavillon délabré, était mort et qu’il laissait -tout son bien à un valet de chambre.</p> - -<p>Je crois que cet héritier doit vouloir vendre ce bric-à-brac; et vous y -ferez peut-être des découvertes intéressantes.</p> - -<p>On aperçoit de la route la maison et les grands arbres qui l’abritent. -<span class="pagenum"><a name="page_2" id="page_2">{2}</a></span>Vous ne pouvez pas vous tromper. Vous sonnerez à une petite porte -peinte en vert.</p> - -<p>La Tremblée, où vivait, si l’on peut dire, M. Olivier Camors, est à -trois kilomètres d’ici, et ce sera l’occasion d’une promenade -charmante...</p> - -<p>Je partis, lorsque nous eûmes déjeuné, persuadé que ce vieux serviteur -ne me laisserait point pénétrer dans le domaine abandonné, et je ne me -hâtais pas, goûtant l’après-midi d’automne comme une immense symphonie -en or majeur.</p> - -<p>De la route que je suivais, bordée de peupliers sensibles, presque -dépouillés, aux coteaux qui fermaient l’horizon, je pouvais admirer les -jaunes légers, les ocres, les rouges sanguins, les fauves dorures et les -pourpres, toutes les nuances et toutes les teintes de la saison.</p> - -<p><span class="pagenum"><a name="page_3" id="page_3">{3}</a></span></p><p>Mon ami n’avait pu me donner aucun renseignement précis touchant cet -Olivier Camors qui, après une vie passablement remplie, était venu -s’enterrer à la Tremblée. Il ne savait que ce qui circulait dans le -pays: de vagues racontars, inexacts sans doute, puisque nul n’avait -franchi les murs de cette propriété ruinée et que le valet de chambre, -aussi mystérieux que son maître, ne parlait à personne et ne sortait -guère que pour faire quelques provisions au chef-lieu.</p> - -<p>On savait à peu près son âge. Il avait été capitaine et blessé, en 1915, -aux attaques de Champagne.</p> - -<p>Ange Laurentier, qui l’avait entrevu à la gare, avait gardé le souvenir -d’un homme svelte et d’une beauté remarquable, mais très fatigué. Le -pavillon était inhabité depuis des années lorsqu’il était arrivé, et il -avait fallu que son domestique escaladât<span class="pagenum"><a name="page_4" id="page_4">{4}</a></span> le mur pour arracher les -ronces et la vigne vierge qui, ayant poussé derrière la porte, -l’empêchaient de s’ouvrir.</p> - - -<div class="figcenter" style="width: 480px;"> -<a href="images/illu-012.jpg"> -<img src="images/illu-012.jpg" width="480" height="324" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p>Un ouvrier, qu’on avait appelé pour réparer les gouttières et poser des -tuiles au toit, n’avait vu que le vieux serviteur et il n’était pas -entré dans la maison. C’est tout ce que j’avais pu apprendre, et -personne ne savait autre chose. Il n’y avait aucune sonnette à la petite -porte verte que cachaient presque jusqu’à la serrure des retombées<span class="pagenum"><a name="page_5" id="page_5">{5}</a></span> de -glycines et les branches qui couronnaient le mur.</p> - -<p>On eût pu croire qu’une dame en crinoline venait de la refermer derrière -elle.</p> - -<p>Je frappai fortement du bout de mon bâton...</p> - -<p>Contre toute attente, une clé grinça presque immédiatement dans le pêne, -et un vieil homme au visage glabre et fripé, en tricot de laine, avec -une calotte étoffée de Scapin, apparut dans l’entre-bâillement.</p> - -<p>Je n’avais préparé aucune phrase astucieuse et je fus obligé de dire -franchement que je savais que la maison contenait de vieux meubles et -des toiles anciennes et que rien au monde ne m’intéressait plus que -cela.</p> - -<p>Le valet de chambre me regarda de son œil froid, tout embrumé et couleur -d’étain.</p> - -<p>—Antiquaire, dit-il, ou artiste?<span class="pagenum"><a name="page_6" id="page_6">{6}</a></span></p> - -<p>Je sentais que, selon ma réponse, la porte verte allait se refermer pour -toujours.</p> - -<p>—Artiste, répondis-je assez décontenancé.</p> - -<p>Il souleva son bonnet et s’effaça pour me laisser entrer.</p> - -<p>—Veuillez me suivre, fit-il, je n’ai pas l’intention d’habiter plus -longtemps cette maison et je ne suis pas fâché de la montrer à un -connaisseur, avant mon départ.</p> - -<p>Il referma soigneusement la porte derrière lui.</p> - -<p>Le parc sauvage où je pénétrai était retourné à la nature, et, à travers -ce prodigieux fouillis végétal, le vieillard se dirigea vers des herbes -foulées, indiquant sans doute le chemin qui devait conduire à la maison. -Elle apparut à un tournant comme enchâssée dans les arbres gaufrés d’or -par l’automne.<span class="pagenum"><a name="page_7" id="page_7">{7}</a></span></p> - -<p>Les marches du perron étaient disjointes et l’herbe poussait drue dans -leurs fentes.</p> - -<p>Tous les volets étaient clos.</p> - -<p>On songeait à ces vieilles demeures où moururent d’une maladie de -langueur, parce que leur fiancé avait été tué dans un duel, de -touchantes et poétiques jeunes filles appelées Adélazie ou Aloïda, qui -portaient des mitaines et des repentirs, et qui lisaient au crépuscule -un livre de M. de Lamennais, s’interrompant pour faire le signe de la -croix, quand l’angélus venant d’une lointaine chapelle passait, ainsi -qu’un ange, sur les murailles couvertes de lierre et de pariétaires.</p> - -<p>Le vieux serviteur qui me précédait poussa un battant du portail massif -et me fit entrer dans le corridor obscur qui avait une odeur de cave, de -fruits, de murs humides et d’ombre.<span class="pagenum"><a name="page_8" id="page_8">{8}</a></span></p> - -<p>Je pénétrai derrière lui dans la bibliothèque.</p> - -<div class="figleft" style="width: 155px;"> -<a href="images/illu-016.jpg"> -<img src="images/illu-016.jpg" width="155" height="332" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p>Une branche qui avait brisé les vitres empêchait la fenêtre de se fermer -complètement, et j’aperçus dans le jardin dévasté un arbuste coiffé d’un -chapeau de jardinier, au cœur d’une minuscule corbeille.</p> - -<p>—Cette pièce a beaucoup souffert, me dit mon guide. Elle était depuis -longtemps dans cet état quand nous sommes arrivés à la Tremblée. Voyez, -il n’y a plus rien, l’humidité et les bêtes ont tout mangé.</p> - -<p>Il atteignit un livre sur un rayon.</p> - -<p>Le cuir glacé d’or éteint semblait à peu près intact, mais quand je -l’eus ouvert, je m’aperçus qu’il était creux comme ces fruits<span class="pagenum"><a name="page_9" id="page_9">{9}</a></span> dont les -insectes ont rongé la pulpe sous la peau desséchée.</p> - -<p>Il n’y avait plus, contre le dos de la reliure, qu’une poignée de bourre -blanchâtre, pareille à du coton taché de rouille.</p> - -<p>C’était une très belle édition des œuvres de Léonard et je découvris un -bout de feuillet sur lequel je pus encore lire ces vers qui devaient -faire partie de quelque <i>Temple de Gnide</i>:</p> - -<div class="poetry"> -<div class="poem"><div class="stanza"> -<span class="i0">«... <i>Des remparts de Corinthe il vint trente beautés</i><br /></span> -<span class="i0"><i>Dont les cheveux croulaient en boucles ondoyantes;</i><br /></span> -<span class="i0"><i>Dix autres qui n’avaient que des grâces naissantes,</i><br /></span> -<span class="i0"><i>Venaient de Salamine et comptaient treize étés</i>...»<br /></span> -</div></div> -</div> - -<p>J’en examinai quelques autres.</p> - -<p>Tous paraissaient souffrir des plus affligeantes maladies de peau.</p> - -<p>Voltaire avait un eczéma, Diderot des moisissures bleuâtres, J.-J. -Rousseau des dartres farineuses.<span class="pagenum"><a name="page_10" id="page_10">{10}</a></span></p> - -<p>Les livres aux couvertures claires étaient vert-de-grisés comme des -cuivres, les vélins ivoirins et roides étaient cariés comme des dents, -les petits poètes du <small>XVIII</small>ᵉ siècle avaient des reliures éraflées et -griffées ainsi que des souliers légers égratignés par les ronces.</p> - -<div class="figcenter" style="width: 488px;"> -<a href="images/illu-018.jpg"> -<img src="images/illu-018.jpg" width="488" height="326" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p>Je remis moi-même le livre creux à sa place, sur la planchette -vermoulue, et je feuilletai un album plein de pensées, de mauvais vers -et de fleurs sèches qui avait dû<span class="pagenum"><a name="page_11" id="page_11">{11}</a></span> appartenir à quelque ancienne jeune -fille.</p> - -<p>—On a tout laissé périr, monsieur, reprit mon guide. Je dois vous dire -cependant que ce n’est pas mon maître qui est responsable; il a trouvé -presque toute la maison dans cet état. Il y en avait sans doute pour -beaucoup d’argent. Je lui ai entendu conter qu’un de ses parents, M. -d’Herbaupair, avait eu la manie des collections, mais vous allez voir ce -que sont devenus ces trésors.</p> - -<p>Les tableaux étaient dans un cabinet où il a plu pendant trente ans, et -ils sont pareils aux livres... Si vous désirez les voir?...</p> - -<p>Je le suivis dans une autre salle.</p> - -<p>Il ouvrit les volets avec quelque difficulté.</p> - -<p>Des cadres, dont la dorure était devenue noire, ne montraient que des -peintures effacées.</p> - -<p>Les vagues choses qui restaient encore<span class="pagenum"><a name="page_12" id="page_12">{12}</a></span> étaient bien faites pour donner -des regrets éternels à un homme épris de tableaux anciens.</p> - -<p>Ce pan de ciel bleu-vert, au coin d’une baguette, ne pouvait avoir été -peint que par Guardi, au-dessus des vieux palais qu’il aimait et que -doublait l’eau d’un canal italien. Je vis le pied d’un verre dont le -cristal n’avait pu être poli que par Chardin; et il y avait eu là des -toiles inconnues de Watteau, de Fragonard, de Largillière, de Boilly, de -David, des pastels de La Tour, des sanguines et des dessins de Claude -Lorrain et de Poussin.</p> - -<p>—A combien, monsieur, estimez-vous ce que contenaient ces cadres -inutiles? me demanda le serviteur.</p> - -<p>Effaré, je haussai les épaules.</p> - -<p>—Je ne sais pas exactement, balbutiai-je, à plus d’un million, -certainement.<span class="pagenum"><a name="page_13" id="page_13">{13}</a></span></p> - -<p>Du bout de ses doigts maigres, il se gratta la tête sous le bonnet de -Scapin, et ses lèvres sèches esquissèrent une grimace.</p> - -<p>—Vous savez sans doute, reprit-il, que M. Olivier Camors m’a donné tout -ce qu’il possédait. L’argent?... mon Dieu, il n’était plus très riche... -peut-être trois mille francs de rente, ce qui, par les temps que nous -traversons... mais il y a une seule pièce intacte dans cette maison qui -tombe en ruine, et je veux avoir votre avis, parce que je crois que ce -qu’elle renferme vaut plus que tout le reste. Voulez-vous -m’accompagner?...</p> - -<p>Je n’avais jamais vu de plus beaux meubles du <small>XVIII</small>ᵉ siècle que ceux qui -ornaient la chambre où il me fit entrer.</p> - -<p>Des tapisseries, dont les rouges étaient devenus groseille clair, -s’encadraient dans des panneaux de bois liserés de vert tendre, et sur -la cheminée de marbre, une pendule<span class="pagenum"><a name="page_14" id="page_14">{14}</a></span> d’écaille et deux flambeaux d’argent -se reflétaient dans l’eau morte d’une glace, dont le trumeau était -assurément de Boucher.</p> - -<p>Le lit, les fauteuils et les chaises à médaillons, les pâtes tendres -qu’on avait peut-être fabriquées pour la reine, les soies et les étoffes -merveilleuses, tout formait un ensemble sans une seule tache, d’une -harmonie et d’une pureté uniques.</p> - -<p>—Vous êtes riche avec ceci, dis-je au vieillard qui me regardait avec -inquiétude.</p> - -<p>—Oui, c’est ce que j’ai entendu dire par mon maître, mais je ne savais -pas très bien... Pourriez-vous m’aider, me donner l’adresse d’un -antiquaire sérieux et me dire à peu près ce que vaut tout cela?</p> - -<p>Je fis de mon mieux et à ma connaissance, et je compris que je lui -rendais service.</p> - -<p>Il me désigna un fauteuil.</p> - -<p>—Voulez-vous m’attendre un moment,<span class="pagenum"><a name="page_15" id="page_15">{15}</a></span> fit-il, je voudrais vous offrir un -verre de vin. Je crois que vous n’en aurez jamais goûté de plus vieux.</p> - -<div class="figright" style="width: 293px;"> -<a href="images/illu-023.jpg"> -<img src="images/illu-023.jpg" width="293" height="260" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p>Il revint au bout de quelques minutes, portant sur un plateau deux -coupes de cristal épais et une bouteille. La poussière et les toiles -d’araignées ne cachaient pas complètement un liquide d’un blond lumineux -et chaud.</p> - -<p>Il en émietta le cachet de cire, avec précaution.</p> - -<p>—On n’est jamais sûr, murmura-t-il... j’espère que celui-ci sera bon -malgré son âge, qui doit approcher du mien... Vous permettez, monsieur, -que je me serve d’abord pour m’assurer?...</p> - -<p>Il se versa un doigt d’élixir doré et,<span class="pagenum"><a name="page_16" id="page_16">{16}</a></span> la tête renversée, il le huma -longuement et le porta à ses lèvres.</p> - -<p>—Je pense qu’il ne vous déplaira pas, dit-il en souriant, et il emplit -ma coupe jusqu’au bord.</p> - -<p>Il fallait une grande complaisance pour comprendre la saveur fanée de ce -vin clair et dépouillé, mais je crois que, de ma vie, je n’avais bu -pareille liqueur. J’en fis compliment au vieillard.</p> - -<p>—Mon maître, me répondit-il, n’en buvait presque jamais. Le matin du -jour où il mourut, cependant, il me pria de lui en apporter un flacon. -Il était assis, là, où vous êtes, et...</p> - -<p>Il se tut pendant quelques secondes.</p> - -<p>—Le drôle d’homme! soupira-t-il.</p> - -<p>Je sentis que je n’allais par tarder à recevoir ses confidences et à -connaître un peu le mystérieux défunt.<span class="pagenum"><a name="page_17" id="page_17">{17}</a></span></p> - -<p>—Tenez, monsieur, reprit-il, je veux vous montrer encore quelque chose. -Ce ne sont que des papiers, mais je suis sûr qu’ils vous intéresseront. -J’ai un petit ouvrage à terminer et ces pages inachevées vous -renseigneront mieux que je ne le ferais moi-même.</p> - -<p>Il tira un cahier d’une commode sûrement signée Riesener, et il le posa -sur le plateau d’une table qui n’était qu’un éblouissant semis de -marqueterie. Il approcha ma coupe et la bouteille pleine encore aux -trois quarts, et il m’offrit un cigare hollandais qui se serait effrité -si je l’avais serré entre mes doigts, tant il était sec de vieillesse.</p> - -<p>—Je vous laisse, me dit-il en refermant la porte. Vous en avez pour un -moment, mais avec ce manuscrit, cette bouteille et ce cigare, vous ne -vous ennuierez peut-être pas complètement.</p> - -<p>Autrefois, de belles chambrières offraient<span class="pagenum"><a name="page_18" id="page_18">{18}</a></span> ici des boissons froides. Il -y en avait une surtout...</p> - -<div class="figcenter"> -<a href="images/illu-026.jpg"> -<img src="images/illu-026.jpg" height="550" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p>Une petite flamme dansa, me sembla-t-il, dans son œil d’étain. Je me -versai un autre verre de vin, j’allumai le cigare et je me mis à dévorer -les pages qu’on va lire. Je leur donne un titre qu’elles n’avaient pas -dans le cahier, et je n’ajoute à ces curieux fragments que cette ligne -de mon encre...<span class="pagenum"><a name="page_19" id="page_19">{19}</a></span></p> - -<h2><a name="II" id="II"></a>II<br /><br /> -<small>LE JOURNAL D’OLIVIER CAMORS</small></h2> - -<p class="r"> -<i>Avril 1920.</i><br /> -</p> - -<p class="nind"><span class="letra">M</span><span class="smcap">e</span> voici pour toujours à la Tremblée. J’en ai passé, hier, la petite -porte verte, sans un regret, sans tourner la tête, comme ces fugitifs -qui franchissent la clôture d’une trappe.</p> - -<p>J’admire les écrivains qui vomissent leur époque, selon l’expression de -l’un d’entre eux, mais qui ne manquent pas un apéritif, dans les cafés -où ils ont coutume d’aller, pas un dîner, pas une répétition générale. -Je connais le romantisme de ces farceurs. Moi, j’ai eu le courage de -fuir.</p> - -<p>Que ferais-je d’ailleurs à Paris? Il ne<span class="pagenum"><a name="page_20" id="page_20">{20}</a></span> me reste que quelques milliers -de francs de rente.</p> - -<p>Ce n’est pas cela pourtant qui m’a décidé... Fini... Je ne veux voir -personne... J’ai fait la guerre. J’ai jeté dans un tiroir les croix et -les médailles qu’on m’y donna. J’ai vendu mes livres. Tout cela était -inutile dans ma retraite. Les rubans et la littérature, les ragots de -MM. de Goncourt, la roublardise facile de M. Jules Lemaître, le Parnasse -et les histoires de la plaine Monceau, les calembredaines, les talents -moyens, les génies assommants et les idées générales n’ont pas cours -dans le domaine où je suis venu. Je vais refaire le monde autour de moi. -Je vais faire la paix pour moi seul, sans traités solennels, et je me -moque des Bulgares, ces coupeurs de nez, d’oreilles et de lèvres, et des -Turcs et des Allemands, ces gros blonds qui sont tous<span class="pagenum"><a name="page_21" id="page_21">{21}</a></span> membres d’une -société de tir ou de gymnastique, et je me moque aussi de cent mille -choses que prennent au sérieux mes contemporains.</p> - -<p>Il n’y aura plus rien dans mes jours.</p> - -<p>Jusqu’à hier, je les ai remplis avec ce qu’ils appellent la vie. Ils -étaient partagés en petites tranches étiquetées dont je respectais, -comme tout le monde, le numérotage.</p> - -<p>J’y jetais des journaux et des lettres insignifiantes, des besognes que -je croyais très importantes, des plaisirs et des obligations ridicules. -Je prenais à peine le temps de déjeuner parce que j’attendais à quatre -heures Thérèse ou Simone, qui ne venaient pas, et qui m’envoyaient un -télégramme bourré des mêmes mensonges.</p> - -<p>Il n’y aura plus rien dans mes jours. Je suis désormais en paix...<span class="pagenum"><a name="page_22" id="page_22">{22}</a></span></p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>Je ne daterai plus ces lignes que j’écris au hasard. A quoi bon? Je dors -mal. La solitude ne m’a pas versé encore sa divine tisane de pavots et, -pendant toute cette nuit, j’ai encore songé à la guerre. J’ai refait les -étapes du calvaire champenois... Nous avancions dans une ombre de -guet-apens et notre colonne était tâtée, si je peux dire, effleurée -maladroitement par la gerbe d’un projecteur ennemi. Nous allions -au-dessous de cette queue de comète sinistre, faite d’une buée fauve, -d’un poudroiement cruel, et je bronchais à chaque pas contre les troncs -des pins coupés au ras du sol.</p> - -<p>Puis ce fut l’heure H qui sonna, l’instant vertigineux du bond hors des -parallèles de départ, et la soif terrible, et une<span class="pagenum"><a name="page_23" id="page_23">{23}</a></span> odeur de place -tumultueuse, une nuit de quatorze juillet, quand, les feux d’artifice -tirés, il reste dans la chaleur orageuse une persistante odeur de -poudre.</p> - -<p>J’ai senti de nouveau ce sournois parfum de bonbon anglais qu’exhalent -les gaz lacrymogènes et je me suis débattu dans les ouates jaunes des -autres gaz empoisonnés, de ceux que le docteur Faust fabriquait dans son -laboratoire et qui ont fait de moi, à quarante ans, un vieillard -toussotant qui n’a peut-être plus longtemps à souffrir.</p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>J’ai trouvé un vieil atlas de géographie qui portait sur sa couverture -fanée ce nom: Palmyre d’Herbaupair.</p> - -<p>C’était la sœur de ma mère, et elle mourut à la Tremblée; elle se tua au -fond du<span class="pagenum"><a name="page_24" id="page_24">{24}</a></span> parc, un soir qu’elle avait grimpé sur la plus haute branche -d’un pin, rompue sous son poids.</p> - -<p>Je me souviens...</p> - -<p>Ma tante Palmyre était une colossale demoiselle d’une trentaine -d’années. Sa stature avait effrayé tous les épouseurs. Aucun homme n’eût -pu offrir son bras à cette géante, qui semblait faite pour les amours -d’un dieu ou d’un taureau mythologique.</p> - -<p>Immense et enfantine, elle ne s’occupait jamais à des travaux féminins, -mais elle dévastait le parc, dénichait les corbeaux et jouait avec une -meute de grands chiens qui l’adoraient.</p> - -<p>Il n’y avait pas de domestiques mâles à la Tremblée, Jean vivait à Paris -avec mon père, et, en été, elle allait se baigner dans le bassin. Je -sais que je la vis un jour, à<span class="pagenum"><a name="page_25" id="page_25">{25}</a></span></p> - -<div class="figcenter" > -<a href="images/illu-033.jpg"> -<img src="images/illu-033.jpg" height="550" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p><span class="pagenum"><a name="page_27" id="page_27">{27}</a></span><span class="pagenum"><a name="page_26" id="page_26">{26}</a></span></p> - -<p class="nind">midi, alors qu’elle en sortait, ruisselante et criblée de soleil, -presque surnaturelle dans sa formidable nudité, avec ses grands cheveux -roux mouillés et retombant en mèches massives sur ses épaules de marbre.</p> - -<div class="figright" style="width: 296px;"> -<a href="images/illu-035.jpg"> -<img src="images/illu-035.jpg" width="296" height="218" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p>Elle me prit entre ses larges bras et m’emporta en courant, le visage -serré contre sa poitrine de déesse ou de phénomène de foire.</p> - -<p>Etrange famille qui va finir avec moi!</p> - -<p>Ma mère était une mince et délicate jeune femme, toujours malade, et mon -grand-père d’Herbaupair était un petit homme falot et chétif, qui -n’avait eu dans sa vie qu’une passion: celle des antiquités.</p> - -<p>C’est lui qui rassembla tout ce que la pluie, l’humidité et plus de -trente<span class="pagenum"><a name="page_28" id="page_28">{28}</a></span> ans d’abandon détruisirent à la Tremblée.</p> - -<p>Je l’aperçus une seule fois et il ne prit point garde à moi. Il ne -s’intéressait qu’aux enfants peints par Boilly.</p> - -<p>Il portait un costume assez bizarre et il jouait perpétuellement avec -une grosse loupe dont j’avais bien envie...</p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>J’ai déniché derrière une porte une peinture qui représente une vue -ocreuse de Rome.</p> - -<p>Devant cette vision noble et glorieuse, cette terre fauve que ne -déshonorent aucun pâturage, aucun bétail à l’engrais, devant les arcs -ruinés et les aqueducs écroulés, je songe à l’épouvantable ennui que -m’infligeait tout ce qui touchait à Rome, au temps où j’achevais mes -classes, au collège.</p> - -<p>Les vertus civiques et militaires de ses<span class="pagenum"><a name="page_29" id="page_29">{29}</a></span> grands hommes, leurs mots -historiques, leurs pompeuses attitudes me glaçaient. Je tenais les -Romains pour un peuple de bavards, de faiseurs de routes et de lois, et -Auguste me semblait le personnage le plus ridicule et le plus pompier de -l’Histoire. Combien me plaisait davantage ce que j’appelais l’opposition -orientale à la République et à l’Empire!</p> - -<p>J’aimais les princes efféminés qu’allait vaincre facilement quelque -militaire de carrière, aux joues et aux lèvres bleuies par le rasoir; -les princesses étranges qui regrettaient Ecbatane ou Césarée, la -Bactriane et la Cappadoce, dans la ville capitale; ces belles barbares -qui troublaient les césars et les proconsuls avec leur teint de -fellahines et leurs parfums inconnus. Mais j’étais naturellement un -mauvais élève, puisque je n’admirais pas ces juges de paix, ces agents -voyers et ces briscards coloniaux...<span class="pagenum"><a name="page_30" id="page_30">{30}</a></span></p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>Je voudrais connaître mes nouveaux compagnons, les arbres qui -m’entourent, et je ne sais le nom d’aucun.</p> - -<p>D’ailleurs, ils ont poussé si drus, si mêlés les uns aux autres qu’ils -ne forment plus qu’une foule végétale.</p> - -<p>Je veux tout de même me familiariser avec eux...</p> - -<p> </p> - -<p>Ce matin, bien avant l’aube, j’ai dû fuir le lit où je n’avais pas dormi -et aller dans le parc.</p> - -<p>Je suis de plus en plus sollicité par le côté mystérieux et obscur du -monde.</p> - -<p>La terre avait le réveil pénible des hommes qui remontent lentement des -gouffres du sommeil et du songe, des abîmes de la nuit.<span class="pagenum"><a name="page_31" id="page_31">{31}</a></span></p> - -<p>Elle avait l’air d’hésiter, il me semblait qu’elle allait lâcher un -secret. L’aile fermée que chacun porte en soi allait-elle se déployer en -moi?</p> - -<div class="figcenter" style="width: 489px;"> -<a href="images/illu-039.jpg"> -<img src="images/illu-039.jpg" width="489" height="219" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p>Mais non, chaque chose a repris sa place, le soleil s’est levé, et cette -inquiétude infinie n’était que dans mon cœur...</p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>Un grand oiseau de mer, venant on ne sait d’où, a traversé ce soir, vers -cinq heures, le ciel d’été, orange et mauve.</p> - -<p>Il allait, le cou tendu, sans un<span class="pagenum"><a name="page_32" id="page_32">{32}</a></span> frémissement de plumes dans l’azur -tiède, comme une grande chose soyeuse et bien lancée.</p> - -<p>J’ai entendu le bruit d’un coup de fusil.</p> - -<p>Tout le monde doit en parler au village, comme si l’homme qui saigne les -porcs, le tailleur bossu, l’épicière, l’aubergiste, les vieux qui -tettent des pipes vides et les vieilles qui se chauffent au soleil -avaient vu le ciel se creuser et aperçu, dans une échappée vermeille, le -passage d’un être surnaturel...</p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>J’ai retrouvé des vers que j’écrivis en Champagne, pendant la guerre, un -soir inhumain que je songeais au tableau de Bœcklin: <i>L’Ile des Morts</i>.</p> - -<p>La contrée la plus tragique et la plus désolée du monde était en avant -de<span class="pagenum"><a name="page_33" id="page_33">{33}</a></span> Somme-Suippe; c’était un aride paysage calcaire et minéral. Tout y -était pâle de la pâleur mortuaire des craies.</p> - -<p>C’est seulement au versant des astres éteints et des globes morts qu’on -eût pu trouver ces lividités de sel et de plâtre.</p> - -<p>Ce coin du front était nettoyé comme un os, ce secteur blanc, -squelettique et spectral avait l’air d’être sous un suaire. Je -m’aperçois que ce poème maladroit est tout en rimes féminines. Cela ne -me déplaît pas. Les rimes sourdes confèrent aux strophes une pesanteur -étrange, mais voici cette poésie à laquelle j’ai donné le nom du -tableau:</p> - -<p class="c">L’ILE DES MORTS</p> - -<div class="poetry"> -<div class="poem"><div class="stanza"> -<span class="i0">Des cyprès, des rocs blancs hors du monde... C’est l’Ile<br /></span> -<span class="i0">Où vivent les grands morts quand ils quittent la terre;<br /></span> -<span class="i0">Un crépuscule doux, vaporeux et tranquille<br /></span> -<span class="i0">Y répand ses clartés de perle et son mystère.<span class="pagenum"><a name="page_34" id="page_34">{34}</a></span><br /></span> -</div><div class="stanza"> -<span class="i0">Son bois sacré de pins, de lauriers métalliques<br /></span> -<span class="i0">Semble attendre toujours de pures chasseresses,<br /></span> -<span class="i0">Et dans le bleu divin des soirs mélancoliques<br /></span> -<span class="i0">On dirait que, toujours, vont passer des druidesses.<br /></span> -</div><div class="stanza"> -<span class="i0">Victor Hugo, vêtu de la cape marine<br /></span> -<span class="i0">Qu’il portait à Jersey, poursuit un vaste rêve...<br /></span> -<span class="i0">Lorsque sort Beethoven, Musset et Lamartine<br /></span> -<span class="i0">Saluent, et le martyr de la musique lève<br /></span> -</div><div class="stanza"> -<span class="i0">Son énorme chapeau trop enfoncé... Banville<br /></span> -<span class="i0">Au jardin de Ronsard cueille des roses blanches<br /></span> -<span class="i0">Et des œillets qu’il veut offrir au bon Virgile.<br /></span> -<span class="i0">Lord Byron à Chénier dit des vers sous les branches...<br /></span> -</div><div class="stanza"> -<span class="i0">Hésiode et Gautier ont des barbes pareilles;<br /></span> -<span class="i0">Shakspeare et Rabelais dans l’herbe rient ensemble;<br /></span> -<span class="i0">Dante, toujours coiffé de capuces vermeilles,<br /></span> -<span class="i0">Sur le bras de Balzac pose sa main qui tremble.<br /></span> -</div><div class="stanza"> -<span class="i0">Ils sont là tous, dans l’île aux lumières sereines.<br /></span> -<span class="i0">Aucun souffle n’émeut les arbres du rivage,<br /></span> -<span class="i0">Les heures ne fuient pas et sont élyséennes.<br /></span> -<span class="i0">Rarement une barque aborde sur la plage.<br /></span> -</div><div class="stanza"> -<span class="i0">C’est l’asile où tout n’est que paix harmonieuse,<br /></span> -<span class="i0">Où la table toujours est mise sous les roses<br /></span> -<span class="i0">Des rosiers aussi hauts que le pin et l’yeuse;<br /></span> -<span class="i0">C’est l’Ile du silence et des apothéoses.<span class="pagenum"><a name="page_35" id="page_35">{35}</a></span><br /></span> -</div><div class="stanza"> -<span class="i0">Mais quand passent, venant d’une affreuse bataille,<br /></span> -<span class="i0">Dans un lourd battement d’aile vierge et meurtrie<br /></span> -<span class="i0">Des âmes de soldats, courbant leur grande taille,<br /></span> -<span class="i0">Gœthe et Schiller, pensifs, maudissent leur patrie...<br /></span> -</div></div> -</div> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>Je passe aujourd’hui l’après-midi allongé sur mon lit, à regarder le -ciel au-dessus des arbres.</p> - -<p>Au plus profond, au plus intime de moi, dans ces régions intérieures où -ne peut vivre aucun mensonge, il n’y a peut-être que le désir d’en avoir -fini vite avec les misères que je traîne, et je me sens soulevé par -l’espoir des grandes migrations inconnues.</p> - -<p>Tout arrivera sans doute comme je l’imagine.</p> - -<p>Un matin ou un soir, lorsque Jean entrera, il me trouvera à cette place, -immobile et couché, tel que je le suis maintenant.<span class="pagenum"><a name="page_36" id="page_36">{36}</a></span></p> - -<p>Il constatera que je suis mort.</p> - -<p>Mort!... savent-ils ce qu’ils disent, ceux qui prononcent ce mot?</p> - -<p>Invisible, mon âme flottera au-dessus de tout ce qu’elle aura laissé et, -après quelques formalités qui ne me regarderont plus, quand on aura fait -disparaître ce... Comment dire?... Cet amas de phosphate et de matières -ammoniacales, elle prendra son vol vers les blancs et bleus paysages -fugitifs et changeants, que je contemple de ma croisée.</p> - -<p>Immense ivresse des affranchissements!</p> - -<p>Je parcourrai le ciel, je m’engagerai dans ces ravins d’ombre effilochée -au penchant des collines neigeuses que composent les nuages; -j’escaladerai des pics et des falaises d’écume, des glaciers brumeux; je -traverserai de vaporeux défilés pour gagner des champs de neige tiède, -des moissons<span class="pagenum"><a name="page_37" id="page_37">{37}</a></span> floconneuses. Je serai submergé par des marées, -j’assisterai à des débâcles de nuées que je verrai fondre comme des -blocs polaires, et je partirai vers les régions supérieures où -n’atteignent pas les oiseaux,... puis... puis... je ne sais plus ce qui -arrivera... Mais je passe cet après-midi dans les nuages, l’esprit -presque délivré...</p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>Je ne suis tout de même pas assez loin du village.</p> - -<p>Il me semble, quand je veille, que je l’entends dormir. Une étoile se -noie dans l’abreuvoir et la lune est derrière le clocher trapu et sans -idéalisme de sa petite église romane.</p> - -<p>Je l’imagine cette nuit et l’humble<span class="pagenum"><a name="page_38" id="page_38">{38}</a></span> bourgade abrite toutes les -situations éternisées par l’art des écrivains.</p> - -<p>Sous un ciel nocturne, dont la pureté religieuse fait songer à un grand -vers bleu sombre de Virgile, autour de cette place provinciale pareille -à celles où Coppée fit rêver de poétiques receveurs de l’enregistrement, -un héros ou une héroïne littéraires habitent dans chaque maison.</p> - -<p>Ici, vit le <i>Père Goriot</i>, de Balzac; là, <i>Eugénie Grandet</i> range le -linge qu’elle a elle-même lavé, tandis que l’avare <i>Grandet</i> recompte -ses billets. Derrière le géranium de telle croisée, relisant une lettre -de <i>Vincent</i>, il y a <i>Mireille</i>, blanche de la blancheur ardente des -camélias. <i>Léon</i>, le clerc de notaire qui passe dans le roman de -Flaubert, songe à Paris, aux actrices, aux salons, en parcourant des -échos mondains dans un journal. <i>Emma Bovary</i> tourne le dos à son<span class="pagenum"><a name="page_39" id="page_39">{39}</a></span> mari -qui semble tirer, en dormant, sur le tuyau d’une invisible pipe car il -dort, avec cette croupe chaude à portée de sa main... Dans des chambres -obscures ronflent les paysans de Zola. Un vieux, dont on convoite -l’héritage, est secoué par une crise d’asthme pendant que son fils, qui -préférerait dormir, est obligé de besogner sa grosse femme qui fait -craquer le lit, sans se soucier de son beau-père ni de son dernier né -qui braille, travaillé par la dentition ou la colique. Et les cochons -grognent dans les étables, et les rats volent du lard dans les buffets. -Quelle farce obscure et monotone emportée autour du soleil à une vitesse -de quatre cent douze lieues par minute!...</p> - -<div class="figright" style="width: 239px;"> -<a href="images/illu-047.jpg"> -<img src="images/illu-047.jpg" width="239" height="290" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p><span class="pagenum"><a name="page_40" id="page_40">{40}</a></span></p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>Le vent a emporté un journal dans le parc.</p> - -<p>Sa première page était étalée bien à plat, sur l’herbe. Je n’avais qu’à -me pencher pour lire et je ne l’ai pas fait.</p> - -<p>Que m’aurait-il appris?</p> - -<p>Je sais ce qu’il contenait sans l’avoir regardé: on doit toujours se -battre en Orient, et la famine et le choléra occupent sérieusement les -armées rouges. Des garçons sans scrupules ont volé, dans un rapide, les -bijoux des grosses dames qui vont si souvent aux cabinets. On a entôlé -un rentier qui avait eu la faiblesse de suivre dans un garni deux -filles, dont les mollets polissons n’étaient pas à comparer à ceux de sa -digne épouse, et cela ainsi jusqu’aux rébus de la quatrième page -proposés à des œdipes<span class="pagenum"><a name="page_41" id="page_41">{41}</a></span> qui gagnent un stylographe ou une fiole de parfum -chimique.</p> - -<div class="figcenter"> -<a href="images/illu-049.jpg"> -<img src="images/illu-049.jpg" height="550" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p>J’en ai fait une boule que j’ai lancée par-dessus le mur... Un train -sifflait au loin...<span class="pagenum"><a name="page_42" id="page_42">{42}</a></span></p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>Il y a plus d’un mois que je n’avais ouvert ce carnet. Les gaz que le -docteur Faust fabriquait chez Mᵐᵉ Bertha Krupp agissent de mieux en -mieux. Chose curieuse, à mesure que mes forces déclinent et que le mal -me gagne, je suis de plus en plus poursuivi par des images de femmes.</p> - -<p>Je ne peux pourtant pas sortir, dans l’état où je suis, et séduire -quelque fille du village. La plus minable me rirait au nez.</p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p><i>Gustave. Poste restante. B. 21. Hôtel de Ville. Envoi discret de -catalogues...</i> J’ai lu cette adresse, au hasard, avant de quitter Paris, -et je ne sais pourquoi elle me hante à la façon d’un leit-motiv.<span class="pagenum"><a name="page_43" id="page_43">{43}</a></span></p> - -<p>Je viens d’écrire à ce commerçant discret. Il expédie des paquets de -tissus caoutchoutés qui deviennent, quand on les gonfle, de véritables -femmes. Ce sont les seules qui puissent me convenir. On m’a affirmé que -des explorateurs et certains solitaires n’en souhaitent pas d’autres.</p> - -<p>J’ai coupé toutes les ficelles qui me rattachaient au monde; si -quelqu’un parlait de moi aux gens du village, on lui dirait que je suis -fou. C’est peut-être vrai. Pourquoi n’aimerais-je pas une grande -poupée?... Hé... pas si grande... j’ai donné les mesures. Je suis de -l’avis de Michelet. Il faut que sa tête arrive à la hauteur de mon -cœur...</p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>Lorsqu’on frappera à la porte verte, ce sera Elle!<span class="pagenum"><a name="page_44" id="page_44">{44}</a></span></p> - -<div class="figcenter" style="width: 522px;"> -<a href="images/illu-052.jpg"> -<img src="images/illu-052.jpg" width="522" height="377" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p>Je ne pense plus qu’à son arrivée. J’ai commandé un petit trousseau: des -bas de soie, une chemise, un peignoir, un bonnet de dentelles, un flacon -d’essence de rose, un autre de musc; mais j’ignore tout de cette -inconnue, et comment l’appellerai-je? Je vais songer à un nom.</p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>Je ne crois pas trouver.</p> - -<p>On peut étiqueter, une fois pour toutes,<span class="pagenum"><a name="page_45" id="page_45">{45}</a></span> les choses immobiles. Elles ne -changent jamais. Le nom qu’on leur donne les désigne toujours. Mais les -femmes!...</p> - -<p>J’en ai connu une qui s’appelait Marie. Cela lui allait parfaitement -jusqu’à midi. Ses cheveux châtains, mouillés et lissés au sortir du -bain, en faisaient une grasse et bourgeoise madone. Elle avait des -réveils enfantins et sa toilette était pudique et secrète.</p> - -<p>Le déjeuner troublait légèrement toutes ces candeurs.</p> - -<p>Après un verre de vieux bordeaux et un doigt de chartreuse, elle -s’appelait Sapho, Lucrèce, Mercédès ou Rosa.</p> - -<p>Le prénom d’une femme, qui prend son café au lait ou qui brode en -compagnie de sa mère, ne lui convient plus le soir, quand elle est nue.</p> - -<p>Elle s’appelle Marthe, Thérèse ou<span class="pagenum"><a name="page_46" id="page_46">{46}</a></span> Monique, et cela est très bien ainsi. -Elle coud, elle suce le bout de son doigt où une piqûre d’aiguille a -fait brusquement éclore une petite coccinelle de corail sombre; elle -confectionne une tarte devant le fourneau, elle lit un roman honnête, et -elle peut porter le nom qu’elle a reçu.</p> - -<p>Si elle met sur ses cheveux un grand chapeau de soleil et qu’elle aille -dans le jardin, elle s’évade déjà. Elle doit s’appeler Charlotte, -Isabelle, ou Rosine. Charlotte, c’est comme un abricot plein de taches -de rousseur, et si Rosine est un prénom enveloppé dans une large feuille -de rose rose, Isabelle a le blanc crème des gloires de Dijon.</p> - -<p>La nuit est venue. Elle est seule avec son mari et elle pousse le verrou -de la porte, toute pareille à ces amantes potelées et vermeilles qui -font le même geste dans les estampes galantes du <small>XVIII</small>ᵉ siècle. Un sein<span class="pagenum"><a name="page_47" id="page_47">{47}</a></span> -gonflé s’échappe hors de son corsage, un de ses bas tombe sur sa jambe -ronde. Elle est alors Rosette ou Fanchon...</p> - -<p>Le voici en chemise, avec ses mules de satin bleu, les bras arrondis, -les mains à son chignon qu’elle tord. Elle est devenue la gaillarde -bourgeoise des contes italiens qui va prendre son plaisir avec un beau -capitaine ou un jeune capucin paillard qu’elle a gavé d’oie rôtie et de -vin vieux...</p> - -<p>Elle jette ses pantoufles minuscules et ses derniers voiles, et, sans un -peigne, sans une bague, elle est une femme des premiers âges du monde, -elle est Laïs ou Phryné, Atalante, Chloé, Amaryllis... mais aucun de ces -noms ne lui convient longtemps et, quand elle s’endort sur le bras qui -l’a étreinte, elle redevient presque la petite fille alourdie de sommeil -qu’on appelait Moune, Ninette ou Lili...<span class="pagenum"><a name="page_48" id="page_48">{48}</a></span></p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>Au fond, il n’y a rien de très cocasse dans le désir que j’ai de cette -poupée.</p> - -<p>Mon grand’père d’Herbaupair, après avoir fait deux enfants à sa femme, -l’abandonna à la Tremblée et n’aima plus que les visages et les corps -peints sur des toiles. Je l’imagine dans une rue de Paris, vers 1860. Il -était absolument normal.</p> - -<p>Devant ou derrière lui, sur le trottoir mouillé de pluie, un homme de -son âge suivait une lorette ou une modiste qui jouait de la croupe et -soulevait sa jupe sur de gros jarrets qui tendaient ses bas blancs.</p> - -<p>Il obtenait un rendez-vous pour le soir, se ruinait en vespetro et en -marasquin pour régaler la belle qui finissait par se laisser conduire à -l’hôtel. Les draps y étaient douteux et humides; il gelait dans la -chambre<span class="pagenum"><a name="page_49" id="page_49">{49}</a></span></p> - -<div class="figcenter" style="width: 509px;"> -<a href="images/illu-057.jpg"> -<img src="images/illu-057.jpg" width="509" height="533" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p class="nind">inhospitalière; la fille, qui montrait soudain une rapacité sordide de -commerçante, tarifait ses charmes douteux et ses caresses, et le -galantin dégrisé ne songeait qu’à fuir, et il faisait le simulacre de -l’amour, honteux comme tous les simulacres, en écoutant les<span class="pagenum"><a name="page_50" id="page_50">{50}</a></span></p> - -<div class="figcenter" style="width: 522px;"> -<a href="images/illu-058.jpg"> -<img src="images/illu-058.jpg" width="522" height="375" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p class="nind">vidangeurs, seuls maîtres de la rue à cette heure déserte et noire. Mon -grand-père, lui, se rendait tranquillement à de mystérieux rendez-vous -chez les brocanteurs auvergnats, cherchant les seules femmes qu’il -aimât: les nymphes de Fragonard, les laitières de Greuze et les belles -dames poudrées des anciens pastels... Ses amours étaient les plus -belles... Il se ruina presque<span class="pagenum"><a name="page_51" id="page_51">{51}</a></span> cependant pour une fille rencontrée à la -terrasse de Tortoni...</p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>Elle devrait être ici.</p> - -<p>Je suis de plus en plus nerveux, depuis que je l’attends. La moindre -chose m’irrite, et j’ai failli avoir une épouvantable crise pour avoir -vu un crapaud. Sa hideur, ses pustules ne m’ont pas trop répugné, c’est -son attitude qui m’a rendu furieux.</p> - -<p>Ce crapaud, que mon domestique protège, est une sorte de divinité -bouddhique, ventrue, molle et grenue; il allait lent, solennel, -important, ridicule, et je comprenais qu’il se savait sacré. Il avait la -majesté pompeuse et bête des dieux auxquels il est interdit de toucher; -la suffisance des gens en place; l’orgueil tranquille et béat de<span class="pagenum"><a name="page_52" id="page_52">{52}</a></span> ceux -qui se croient indispensables, quelque chose de prudhommesque et de -despotique, et, alors, j’ai eu brusquement envie de lui prouver à coups -de trique, à coups de pierre, que tout ce dont il était si fier ne -tenait pas debout, que ses occupations d’aide jardinier et de garde -champêtre n’étaient pas plus sérieuses que celles des araignées, des -limaces et des rats, et qu’il n’avait pas le droit d’avoir une attitude -aussi grotesque, et qu’il n’était qu’un crapaud, un sale crapaud dans le -parc d’un homme en train de mourir.</p> - -<p>J’en ai été secoué toute la journée...</p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>J’ai prié mon domestique de différer aujourd’hui son voyage à la ville -où il va faire des achats.<span class="pagenum"><a name="page_53" id="page_53">{53}</a></span></p> - -<div class="figcenter"> -<a href="images/illu-061.jpg"> -<img src="images/illu-061.jpg" height="550" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p><span class="pagenum"><a name="page_55" id="page_55">{55}</a></span><span class="pagenum"><a name="page_54" id="page_54">{54}</a></span></p> - -<p>Je crois qu’elle ne tardera pas à arriver et je ne veux pas être obligé, -moi-même, d’ouvrir la porte et de voir le facteur.</p> - -<p>Il ira un autre jour, quoique ces voyages,—je le devine,—l’enchantent.</p> - -<p>Je la connais, cette sous-préfecture! Des courtiers en vins boivent de -la bière à la terrasse du café d’Orient; les jeunes filles d’un -pensionnat sortent pour la promenade; une jeune femme, chaussée de blanc -et coiffée d’une charlotte de mousseline, descend la grand’rue. Elle -s’arrête chez le pâtissier en renom.</p> - -<p>Sous une gaze jaune, qui les défend contre les mouches, des babas ivres -de rhum sucré défaillent dans des assiettes à filets dorés... La jeune -femme sort, saluée par un vieux roquentin vêtu de flanelle bleue à -rayures, un avocat dont les aventures et l’éloquence sont célèbres -jusqu’au chef-lieu.<span class="pagenum"><a name="page_56" id="page_56">{56}</a></span></p> - -<p>C’est dans cette rue déserte où j’ai passé, il y a plus de vingt ans, -que Jean fait ses emplettes, puis il boit un bock ou un apéritif près de -la gare, seul comme un vieux comique lugubre de l’Eden-Café, qui est le -concert le plus couru de l’endroit.</p> - -<p>L’Eden-Café! J’y ai connu l’amour pour la première fois!</p> - -<p>C’est la maison mère d’une sorte de prostitution artistique. C’est de là -que, tous les samedis, on expédie aux bourgs environnants deux ou trois -chanteuses et un pianiste, qui est en même temps un diseur de monologues -idiots. Ils arrivent, le soir, au café chantant où ils sont engagés. Les -vieilles, qui mangent leur soupe devant la porte, les méprisent; les -ménagères et les jeunes filles admirent l’élégance tapageuse de ces -femmes; quant aux hommes, même pour les plus rustiques, elles -représentent<span class="pagenum"><a name="page_57" id="page_57">{57}</a></span> vaguement tout ce qu’ils imaginaient de la haute noce et -du théâtre.</p> - -<div class="figright" style="width: 297px;"> -<a href="images/illu-065.jpg"> -<img src="images/illu-065.jpg" width="297" height="459" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p>Elles laissent dans la petite gare un sillage de parfums grossiers, et -plus d’un adolescent mange distraitement sa salade, sans écouter le père -qui parle de la foire prochaine ou des vignes qui ont soif.</p> - -<p>Elles sont aux filles du village ce qu’est une bouteille de champagne -fabriquée avec des acides au petit vin naturel du pays; elles sont le -mal, l’inconnu, l’attrait dangereux et charmant, l’extrême civilisation. -Elles sont surtout de pauvres êtres, d’humbles<span class="pagenum"><a name="page_58" id="page_58">{58}</a></span> servantes et comme les -bonnes à tout faire de la chanson stupide et de la muse polissonne; et -les bellâtres du canton qui s’offrent la gommeuse ou la grande bringue -navrée qui roucoule des bêtises sentimentales, s’imaginent qu’ils ont -aimé des divas illustres et des étoiles de théâtre!...</p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>On a frappé ce matin à la porte du parc, et j’ai brusquement retrouvé la -première émotion du premier rendez-vous... Elle?...</p> - -<p>C’était un mendiant que Jean a chassé.</p> - -<p>Ma gorge s’est desserrée, la petite aiguille qui s’affolait à la pointe -de mon cœur s’est immobilisée. J’ai été tout pareil à ces jeunes gens -qui attendent leur maîtresse, vers quatre heures, à Paris. Ils ont -épousseté eux-<span class="pagenum"><a name="page_59" id="page_59">{59}</a></span>mêmes et rangé leur appartement derrière leur femme de -ménage. Ils ont mis des fleurs dans les vases, vaporisé dans la chambre -quelque parfum, préparé deux heures à l’avance l’assiette de gâteaux, -les tasses à thé et la bouteille de porto. Ils ont surtout regardé la -pendule. Le livre qu’ils essayaient de lire, pour tuer le temps, ne les -intéressait pas. Ils ont frotté un à un les flacons de la toilette, -compté les anneaux des rideaux sur leur tringle de cuivre, en disant: -elle viendra... oui... non... oui... non... oui... non... heureux si le -dernier anneau tombait sur oui.</p> - -<p>A quatre heures, on sonne! Éperdus, ils vont ouvrir, et se trouvent nez -à nez avec une vieille dame asthmatique et poussive, qui s’excuse à -peine et qui s’est trompée d’étage.</p> - -<p>J’ai été tout pareil à ces amants inquiets...<span class="pagenum"><a name="page_60" id="page_60">{60}</a></span></p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>Un quart d’heure après le départ de ce mendiant on a de nouveau frappé à -la porte, trois coups impérieux, durs, comme de quelqu’un qui -s’impatienterait en trouvant le vantail verrouillé, quand il veut entrer -chez lui et que les serviteurs tardent à ouvrir.</p> - -<div class="figcenter" style="width: 503px;"> -<a href="images/illu-068.jpg"> -<img src="images/illu-068.jpg" width="503" height="260" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p>C’était Elle!...»</p> - -<p class="ast">. . . . . . . . . . . .</p> - -<p>Le vieux domestique survint à ce moment dans la chambre où je lisais.<span class="pagenum"><a name="page_61" id="page_61">{61}</a></span></p> - -<p>—Eh bien, monsieur, dit-il en essayant de sourire, croyez-vous que feu -mon maître était un drôle d’homme?</p> - -<p>Il se pencha vers la table:</p> - -<p>—Ah! vous en êtes à son arrivée à la Tremblée. Vous n’en avez plus pour -longtemps. Ce que je ne digère point, par exemple, c’est qu’il m’a -traité de vieux comique lugubre. Je suis scrupuleux et susceptible. Oh! -je ne me plains pas, quoique, vous savez, les trois mille francs de -rente dont j’hérite, je ne les ai pas volés. Ni son père, ni lui ne -m’ont jamais payé mes gages, et je suis à leur service depuis plus de -quarante ans... Enfin, il n’aurait pas dû dire cela de moi... Achevez -donc cette bouteille...</p> - -<p>Il remplit ma coupe de vieux vin doré!</p> - -<p>—Je vous laisse, fit-il, vous allez en avoir fini avec ce cahier. Je -vous ferai<span class="pagenum"><a name="page_62" id="page_62">{62}</a></span> ensuite une surprise. Je vous montrerai la demoiselle; elle -est encore ici, et elle est vierge et veuve, monsieur, car mon maître -est mort le jour où il l’a reçue. Le temps se gâte, je crois qu’il va -faire un gros orage...</p> - -<p>Je repris tout de suite ma lecture:</p> - -<p class="ast">. . . . . . . . . . . .</p> - -<p>«Elle est enfin ici!</p> - -<p>Je n’ai pas encore coupé les ficelles qui entourent sa boîte. Elle est -comme une voyageuse un peu lasse qui se reposerait et ne voudrait pas se -montrer trop vite à ses hôtes.</p> - -<p>J’ai fait moi-même une toilette plus soignée. Je me négligeais depuis -quelque temps.</p> - -<p>J’ai coupé ma barbe et ma moustache, j’ai mis un costume de flanelle -blanche et j’ai l’air d’un monsieur très fatigué dans un parc de ville -d’eaux.<span class="pagenum"><a name="page_63" id="page_63">{63}</a></span></p> - -<p>Quand je passe devant les volets de la chambre, instinctivement je -marche sur la pointe des pieds.</p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>Je crois que je prendrai mes repas devant elle. Autrefois, j’aimais -beaucoup manger en compagnie des femmes.</p> - -<p>Un dîner d’hommes fait toujours penser à ces banquets où d’anciens -militaires du même régiment, d’authentiques badernes sorties de la même -école, la même année, se régalent à prix fixe, coude à coude et vêtus -d’habits funèbres, à l’immense table d’un salon de société que ne décore -aucune fleur.</p> - -<p>Les hommes seuls manquent généralement de tenue, et il ne faut pas -croire qu’on a meilleur appétit et qu’on est plus à l’aise en manches de -chemise et en pantoufles.<span class="pagenum"><a name="page_64" id="page_64">{64}</a></span></p> - -<p>C’est comme si l’on affirmait que le café bu dans une épaisse tasse de -faïence est plus savoureux que dans la fine et immatérielle coquille -d’œuf d’une porcelaine chinoise.</p> - -<p>Un vrai repas, bien ordonné, est la plus aimable des choses. C’est un -luxe de civilisés qu’il faut entourer de toutes les délicatesses.</p> - -<p>On ne mange pas du foie gras truffé, ni un sorbet à la framboise, en -sabots et en tricot de laine, sur un coin de table de cuisine, devant -une chandelle qui fume, mais en habit, avec du linge fin, sur une nappe -fleurie et à la faveur de bougies voilées d’abat-jour qui tamisent une -lumière égale.</p> - -<p>Rien alors n’est plus charmant à regarder que les jeunes femmes qui sont -la guirlande et la parure de la table.</p> - -<p>La soie ou le velours des robes décolletées ont l’odeur des ombrelles -crépitantes<span class="pagenum"><a name="page_65" id="page_65">{65}</a></span> chauffées au grand soleil de juillet. Des parfums naturels -et des effluves d’essences rares s’y ajoutent. Les petits carrés de -truffes ou les crevettes qui garnissent un filet de sole ont un goût -unique, si une belle brune montre, en levant le bras pour enfoncer un -œillet dans son chignon, le creux touffu de son aisselle, si, au moment -où vous avalez une cuillerée de fraises des bois assaisonnées au -champagne, une blonde grasse montre ses épaules de neige et découvre -vaguement un sein dont la pointe doit être pareille, sous les dentelles -de son corsage, au fruit qui parfume votre palais.</p> - -<p>Les gens qui prétendent que les vrais gourmands doivent s’enfermer -seuls, pour savourer des plats choisis, sont de timides maladroits.</p> - -<p>Il faut se défier d’eux et les plaindre.</p> - -<p>Ils passent assurément d’épouvantables<span class="pagenum"><a name="page_66" id="page_66">{66}</a></span> nuits, car l’amour doit venir -naturellement après le dessert, comme les pêches et les muscats viennent -après les glaces et la frangipane.</p> - -<p>La gastronomie n’est pas un art à l’usage des ermites. Lorsqu’on couche -seul, il est plus raisonnable de prendre, le soir, un bouillon léger, la -moindre des choses, un peu de confiture et une tasse de tilleul.</p> - -<p>Les femmes, quoi qu’on dise, savent apprécier un bon repas. Cela se voit -à la façon dont elles mangent. Elles ne remplissent jamais leur assiette -et ne s’empiffrent pas de grosses viandes. Elles savent ce qu’un os de -côtelette ou de poulet peut garder de chair savoureuse et de peau -rissolée.</p> - -<p>Que d’épais bâfreurs rient de leur préférence pour les carcasses et les -croupions. C’est le reproche que pourrait faire un âne<span class="pagenum"><a name="page_67" id="page_67">{67}</a></span> qui tond un pré -au lapin de garenne qui choisit les herbes parfumées, serpolets, thyms -et menthes sauvages... Mais à quoi vais-je penser, moi qui ne prends -plus que quelques fruits et des biscuits trempés dans un doigt de vieux -vin?...</p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>Elle ne mangera pas. J’ai souffert quand j’étais jeune du peu de goût -dont mes amies de passage faisaient preuve, au restaurant. Je me -souviens à peine de leurs visages, mais ils reviennent parfois à la -seule vue ou à l’évocation du plat qu’elles préféraient.</p> - -<p>Ne déjeunant et ne dînant jamais chez moi, j’ai beaucoup regardé les -femmes qui m’entouraient. Je songe à une fille avec qui je dînais assez -souvent.<span class="pagenum"><a name="page_68" id="page_68">{68}</a></span></p> - -<p>Sa mère était concierge dans une maison ouvrière, du côté de Montmartre -et son père rentrait saoul à peu près chaque soir, quand elle était -enfant.</p> - -<p>La loge sans air et sans lumière sentait le débarras et le compartiment -de troisième classe où ont dormi dix voyageurs. Elle faisait les courses -pendant que sa mère balayait l’escalier, et elle rapportait quelques -sous de pain chaud, de la charcuterie et de l’eau-de-vie. Elle s’était -régalée de veau piqué, de mirotons et de salades.</p> - -<p>Par quel miracle était-elle devenue la splendide créature que j’admirais -pendant ces repas?</p> - -<p>Son teint était d’une neige fouettée de roses, ses dents étaient des -perles humides, naturellement claires. Elle avait une taille de -duchesse, des bras de Vénus, de longues jambes rondes et fines, une -toison énorme<span class="pagenum"><a name="page_69" id="page_69">{69}</a></span> dont la nuance allait du maïs mûr au cognac brûlé, et on -eût juré que, née d’un mylord spleenétique et d’une blanche lady, dans -un château au bord d’un lac, elle n’avait été nourrie que de beurrées, -de crême fraîche, de gâteaux et de puissants rosbifs anglais...</p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>Épouser une femme qui s’intéresse à la cuisine est une garantie de -bonheur conjugal. Même si elle n’est pas des plus jolies, la santé et la -bonne humeur qui sont les conséquences de la bonne chère, la -transfigureront, et elle sera une compagne infiniment plus agréable -qu’une fille belle, froide, et rassasiée dès le potage.</p> - -<p>Si le mari qui rentre chez lui, las de sa journée, trouve un repas -négligé, un de ces<span class="pagenum"><a name="page_70" id="page_70">{70}</a></span> dîners dont s’est occupée toute seule une servante, -il est perdu.</p> - -<p>La vie ne lui réservera que déboires. Après un bouillon rapidement -bâclé, trop chaud ou trop froid, plein de grumeaux et sentant le -graillon, l’affaire qui le tourmente n’aura aucune chance d’aboutir -selon ses désirs.</p> - -<p>S’il a l’impression de manger le poisson sur un évier, et le rôti sec et -la salade assaisonnée avec trop de sel et trop de vinaigre, il ne peut -réussir ce qu’il entreprendra le lendemain, et la nuit qui suit un dîner -sans harmonie ne peut pas être heureuse.</p> - -<p>Mais aucun des soucis que nous traînons avec nous ne résistera à -l’onction d’un bon potage, au morceau de bœuf dont le sang gicle sous le -couteau, au velours d’une crême simple et parfaite.</p> - -<p>Ce n’est pas moi qui blâmerai le<span class="pagenum"><a name="page_71" id="page_71">{71}</a></span></p> - -<div class="figcenter"> -<a href="images/illu-079.jpg"> -<img src="images/illu-079.jpg" height="550" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p><span class="pagenum"><a name="page_73" id="page_73">{73}</a></span><span class="pagenum"><a name="page_72" id="page_72">{72}</a></span></p> - -<p class="nind">célibataire qui épouse sa cuisinière. De tous les mariages de raison, -celui-là est peut-être le plus raisonnable.</p> - -<p>De la table au lit il n’y a qu’un pas et on le franchit sans effort.</p> - -<p>Il est à remarquer que les premiers désirs des jeunes hommes vont aux -cuisinières bien en chair.</p> - -<p>L’amour des maigreurs distinguées ne vient que plus tard, mais la -première impression est toujours la meilleure et la plus vraie.</p> - -<p>Quel est l’adolescent qui n’a pas imaginé le paradis comme une cuisine -voluptueuse aux buffets pleins de volailles à la gelée, et dont les culs -de casseroles, polis et clairs ainsi que des miroirs, reflétaient une -accorte fille à la croupe dodue, aux mollets rebondis, aux bras chauds -et aux seins ronds, en train d’ôter une chemise rustique?<span class="pagenum"><a name="page_74" id="page_74">{74}</a></span></p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>Si les fiancés pouvaient observer leurs futures à l’heure des repas, -cela éviterait bien des malentendus et des divorces.</p> - -<p>En tout cas, si j’avais quelques conseils à donner aux jeunes hommes, je -leur dirais:</p> - -<p>—Ne demeurez pas là, extasiés comme des benêts, à regarder ses dents -quand elle boit et à vous demander par quel miracle le pain qu’elle -avale, le gigot froid, les pommes de terre, la salade, la confiture et -les gâteaux secs vont se changer en roses et en lys sur ce visage que -vous convoitez.</p> - -<p>Examinez-la calmement.</p> - -<p>—Elle a bon appétit, mais ne se hâte point. Elle prend son temps et -elle mange posément, accueillant également tous les plats sans y revenir -jamais?...</p> - -<p>Elle est sérieuse, patiente et dévouée.<span class="pagenum"><a name="page_75" id="page_75">{75}</a></span> Epousez-la. C’est la compagne -des bons et des mauvais jours, celle qui ne choisira pas ailleurs et qui -ne désirera jamais que ce qu’elle possède.</p> - -<p>—Elle a un gros appétit, et elle se hâte comme si elle était pressée -par l’heure d’un train, dans un buffet de gare. Elle est joyeuse -cependant et de bonne humeur. Elle sourit franchement entre deux -bouchées?...</p> - -<p>Si vous êtes sûr de vous, vous aurez là une femme excellente, un peu -ronde et brusque; son amour sera peut-être légèrement tyrannique, mais -il sera, aussi, robuste et solide.</p> - -<p>Souvenez-vous, par exemple, qu’elle reprend toujours d’un plat qui lui a -plu...</p> - -<p>—Elle déchiquette sa côtelette comme un poisson pour n’en sucer que -l’os; elle cherche, de la pointe de son couteau, une boulette de -moelle?<span class="pagenum"><a name="page_76" id="page_76">{76}</a></span></p> - -<p>Méfiez-vous. Elle est chicanière et soupçonneuse, jalouse aussi. Elle -fouillera dans vos poches quand vous changerez de veston...</p> - -<p>—Elle met de chaque côté de son assiette, soigneusement, à gauche la -mie de pain, à droite la croûte?</p> - -<p>Vous ne la connaîtrez jamais complètement. Elle est ambiguë, méthodique, -froide et secrète. Le mariage, pour elle, comporte trois cérémonies: à -la mairie, à l’église et au tribunal où se prononce le divorce.</p> - -<p>—Si elle prend la cuisse d’un poulet rôti, épousez-la.</p> - -<p>Elle n’est pas très délicate, mais elle est simple, bien portante et -sans détours. Elle marchera toujours sur la bonne route...</p> - -<p>Si j’avais fait métier d’écrire, j’aurais sûrement composé un curieux -ouvrage sur la cuisine...<span class="pagenum"><a name="page_77" id="page_77">{77}</a></span></p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>Demain, elle existera!...</p> - -<p>C’est dans ce pays que j’ai vu, pour la première fois, une femme nue. Je -crois que peu d’adolescents ont été aussi favorisés que moi et c’est le -souvenir le plus prodigieux de ma quinzième année.</p> - -<p>J’étais un enfant studieux, sage et maladif, et, pendant les vacances, -mes seules distractions étaient la pêche et la lecture des poètes -romantiques.</p> - -<p>Un après-midi que je lisais les <i>Orientales</i>, sous un arbre, une petite -charrette anglaise passa sur la route et un jeune homme vêtu de blanc me -fit un salut amical.</p> - -<p>J’allai à lui, à travers le parc.</p> - -<p>C’était mon ami de classe Alexandre Boreuil, le fils d’un antiquaire de -la place du Forum que l’on disait fort riche.<span class="pagenum"><a name="page_78" id="page_78">{78}</a></span></p> - -<p>Je lui offris de se rafraîchir, mais il refusa, craignant d’être en -retard. Il avait une course à faire à quelques kilomètres, et il me -désigna une place à côté de lui, sous le tendelet de toile écrue qui -faisait une ombre claire à sa voiture.</p> - -<p>Il allait, me confiait-il, porter un antique objet d’art au propriétaire -d’un château des environs dont j’avais vaguement entendu parler.</p> - -<p>Je savais que ce voisin, fort bizarre et solitaire, vivait au milieu -d’admirables collections, et j’acceptai la place que m’offrait -Alexandre.</p> - -<p>—Vous devez vous ennuyer? commença-t-il.</p> - -<p>—Mais non, répondis-je, et je tirai les <i>Orientales</i> de ma poche.</p> - -<p>Il ouvrit le bouquin, déclama une strophe, éclata de rire, et il écrasa, -en refermant<span class="pagenum"><a name="page_79" id="page_79">{79}</a></span> le volume, une abeille qui semblait butiner les vers.</p> - -<p>Il arrêta son cheval devant une petite porte en bois épais, toute -cloutée de bronze.</p> - -<p>Le bouton de la sonnerie disparaissait sous le feuillage, et il nous -fallut le chercher entre les luisantes feuilles bleues d’un feston de -lierre.</p> - -<p>La porte s’ouvrit et Alexandre, ayant attaché son cheval et entravé les -roues, prit, en portant le précieux objet dans une boîte, un sentier -plein de mousse, sous des arbres de Judée.</p> - -<p>Je le suivais, et nous aperçûmes brusquement le château.</p> - -<p>Une vieille servante guida mon ami,—car je demeurai sur la terrasse,—à -travers un immense vestibule, vers un salon que j’apercevais devant moi -et qui devait servir de bibliothèque.<span class="pagenum"><a name="page_80" id="page_80">{80}</a></span></p> - -<p>Quatre portes-fenêtres étaient ouvertes sur le jardin, et les vieux -arbres et les stores de toile jaune tamisaient à souhait l’ardente -lumière.</p> - -<p>Un homme était assis au milieu de la vaste pièce. Il paraissait -quarante-cinq ans. Une crinière grise et drue, rejetée en arrière; une -barbe épaisse, aux boucles distinctes comme celles des bronzes antiques, -en faisait un être d’un grand caractère.</p> - -<p>On imaginait au fond du parc une victoria vernie, avec un cocher -solennel.</p> - -<div class="figcenter" style="width: 521px;"> -<a href="images/illu-088.jpg"> -<img src="images/illu-088.jpg" width="521" height="215" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p>Je vis entrer Alexandre. Il tendait sa boîte à l’homme qui coupa les -ficelles et tira, du<span class="pagenum"><a name="page_81" id="page_81">{81}</a></span> coton qui l’enveloppait, un petit Bacchus -d’ivoire. Du plat de sa main velue, il caressait la statuette, comme un -voluptueux caresse l’épaule bien potelée d’une maîtresse.</p> - -<p>Lorsqu’il se leva, Alexandre prit congé, mais il s’égara sans doute dans -les couloirs, car il fut un assez long moment sans paraître.</p> - -<p>C’est alors que j’eus la révélation de la femme.</p> - -<p>Une grande fille entra, blonde, élancée, robuste et nue. Elle n’avait -aux pieds que des sandales retenues aux chevilles par des bandelettes -dorées, et un peigne d’écaille à son chignon.</p> - -<p>Dans les clartés adoucies et tranquilles de l’immense salon plein de -livres, de marbres et de miroirs, elle allait sans gêne, habituée -certainement à vivre ainsi. Elle s’assit, croisa ses longues jambes -blanches<span class="pagenum"><a name="page_82" id="page_82">{82}</a></span> et prit le petit Bacchus pour l’examiner. Puis, elle arrangea -sa coiffure dans une glace et, me tournant le dos, quitta le salon, les -bras arrondis sur sa tête et pareille à une grande amphore d’albâtre. Je -ne racontai pas cela à mon ami, et j’appris ensuite que cet homme était -un singulier original, vivant seul avec cette femme nue, dans ce château -où personne ne venait jamais.</p> - -<p class="ast">*<br />* *</p> - -<p>Elle existe!... Ah! la chose n’a pas été commode... J’ai ouvert la boîte -dans l’ombre, j’ai développé la toile sur mon lit, mais avant de lui -donner la vie avec ce qui me reste de souffle, je l’ai habillée d’un -peignoir de soie chinoise, j’ai mis des bas à ses jambes plates et je -l’ai chaussée, comme j’ai pu, de mules blanches... Je l’ai vue naître<span class="pagenum"><a name="page_83" id="page_83">{83}</a></span></p> - -<div class="figcenter"> -<a href="images/illu-091.jpg"> -<img src="images/illu-091.jpg" height="550" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p><span class="pagenum"><a name="page_85" id="page_85">{85}</a></span><span class="pagenum"><a name="page_84" id="page_84">{84}</a></span></p> - -<p class="nind">par degrés... L’étoffe s’est soulevée lentement, un pied s’est -brusquement étiré, et son visage clair s’est tourné vers moi avec ses -yeux immobiles, étonnés et extasiés. Je l’ai coiffée d’un bonnet de -dentelles et je suis resté près d’elle, en lui tenant la main, et je lui -ai dit:</p> - -<p>«—Tu n’es rien sans doute qu’une illusion, mais que sont les plus -grandes amours?</p> - -<div class="figcenter" style="width: 495px;"> -<a href="images/illu-093.jpg"> -<img src="images/illu-093.jpg" width="495" height="186" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p>«Telle femme pour qui un amant désespéré s’est tué n’aurait pas obtenu -un seul baiser d’un autre homme. L’amour est en nous, il n’est pas -nécessaire que celle qui en est l’objet le partage. Le vieux Shakespeare -a dit que l’amour et la beauté étaient<span class="pagenum"><a name="page_86" id="page_86">{86}</a></span> dans l’œil du contemplateur et -qu’ils naissent du regard qui sait transfigurer la matière.</p> - -<p>«Tu n’es qu’une énorme bulle que j’ai soufflée, mais il en est de même -de tout ce que nous imaginons.</p> - -<p>«Ecoute, je n’ai pas de secrets pour toi. J’ai été pris, il y a quelques -années, par une fille rencontrée dans un café. A présent qu’il n’y a -plus autour de son image l’atmosphère que je créais, je puis affirmer -qu’elle était ignoble.</p> - -<p>«Ses cheveux teints étaient une filasse décolorée, sa gorge était -dévastée, et je mourrais de honte si je devais m’attabler encore avec -elle dans les restaurants où elle m’entraînait et où elle mangeait comme -un maçon, en persécutant de ses œillades les hommes qui dînaient seuls.</p> - -<p>«Eh bien, je la transfigurais. Je faisais de<span class="pagenum"><a name="page_87" id="page_87">{87}</a></span> sa fausse chevelure une -toison de courtisane médicéenne et de dogaresse, et la poitrine de -marbre des Vénus me semblait fade à côté des deux gourdes molles que -j’embrassais, pendant qu’elle gloussait comme une poissarde chatouillée.</p> - -<p>«Les grandes héroïnes n’ont sans doute existé que dans le cœur éperdu de -ceux qui les aimèrent. La divine, la pure Laure que chanta Pétrarque -était une jeune femme qui couchait toutes les nuits avec son mari, le -sieur de Sade, un rude gentilhomme peu lavé qui devait ronfler après -avoir fait l’amour comme un soudard.</p> - -<p>«Laure accomplissait peut-être sans joie ces devoirs conjugaux, et je -crois volontiers qu’elle avait plus de noblesse et d’allure que Tata—ma -maîtresse était connue sous ce nom imbécile—mais je crois aussi que, -pendant quelques mois, je fus un plus grand<span class="pagenum"><a name="page_88" id="page_88">{88}</a></span> poète que l’altissime -sonnetiste qui célébra la dame de Vaucluse, parce que transfigurer ce -chameau demandait beaucoup plus de dons poétiques et d’idéalisme.</p> - -<p>«Certains soirs, le foulard ou le velours de sa jupe qui avait balayé -toutes les banquettes du café me semblaient tissés d’une surnaturelle -soie, et je sentais mille cœurs battre dans ma poitrine quand elle -m’enlaçait négligemment de ses bras qui avaient traîné partout.</p> - -<p>«Tu es aussi réelle a présent que toutes les femmes que j’ai possédées -et qui ne m’aimaient pas, celles dont l’amant qui n’arrive pas à les -émouvoir est</p> - -<div class="poetry"> -<div class="poem"><div class="stanza"> -<span class="i12">«<i>comme un musicien</i><br /></span> -<span class="i0">«<i>Tourmentant le clavier d’un clavecin sans cordes</i>...»<br /></span> -</div></div> -</div> - -<p>«Je ne peux te donner un nom. A mon gré, lourde et parfumée de musc, tu -seras<span class="pagenum"><a name="page_89" id="page_89">{89}</a></span></p> - -<div class="figcenter"> -<a href="images/illu-097.jpg"> -<img src="images/illu-097.jpg" height="550" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p><span class="pagenum"><a name="page_91" id="page_91">{91}</a></span><span class="pagenum"><a name="page_90" id="page_90">{90}</a></span></p> - -<p class="nind">la fille du Sud qu’on trouve près du vieux port et qui vous entraîne -dans une maison obscure et moisie. Elle sent les coquillages, le soleil -et l’eau croupie où meurent les poissons. Une chandelle éclaire sa -mansarde chaude dont la croisée donne sur un bassin plein de navires. Le -matelot à peu près ivre qu’elle a ramené ne saurait y reconnaître le -sien. Il est allongé sur le grabat et il regarde cette femme qu’il ne -connaît pas. Elle a dans son chignon massif un œillet qu’a flétri le -parfum trop fort de ses cheveux gras. Elle marche vers la couche, nue, -robuste, et son corps splendide et dur qu’a glacé la sueur montre, dans -l’ombre où clignote la bougie, des seins flétris, et son amour ressemble -à une brutale rixe...</p> - -<p>«Tu seras, si je le désire, une jeune femme du Nord, blonde, docile et -molle. Pendant le silence cruel d’une nuit de gel<span class="pagenum"><a name="page_92" id="page_92">{92}</a></span> sur la mer ou -brillent des îlots de glace, ton corps chaud frissonnera à peine quand -je l’étreindrai sous les couvertures... Tu deviendras tour à tour la -belle poitrinaire qui consume d’amour ses derniers jours, sous les -eucalyptus de la villa; la jeune fille du château qui a donné -rendez-vous au fils du jardinier; la petite bourgeoise qui trompe le -notaire avec le soldat qu’elle loge; la pierreuse qui vous pousse, une -nuit de pluie, vers son hôtel, à travers une rue dont le trottoir luit -comme de l’ébène mouillé... Tu seras toutes les femmes: la chaste -pupille aux tresses blondes de l’anabaptiste et la cadette déjà grasse -et ambrée du rabbin; la jeune duchesse svelte, pâle et mélancolique; la -brute foraine aux poignets garrottés de cuir, aux jarrets épais qui -lutte avec des hercules efflanqués; la Hollandaise aux bras de lait et -de roses; la Chinoise<span class="pagenum"><a name="page_93" id="page_93">{93}</a></span></p> - -<div class="figcenter" style="width: 494px;"> -<a href="images/illu-101.jpg"> -<img src="images/illu-101.jpg" width="494" height="506" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p class="nind">qu’éclaire une ronde lanterne de papier; la créole qui fume un cigare -parmi les cannes à sucre; l’alerte modiste qu’on a connue avenue de -l’Opéra; la bergère en sabots dont le baiser a l’odeur fraîche d’une -pomme sous une averse de septembre; la blanche et froide lady qui porte -à son col de cygne des perles de vice-reine; la<span class="pagenum"><a name="page_94" id="page_94">{94}</a></span> nouvelle épousée -défaillante et timide, et la veuve de trente ans qui croyait se consoler -en allant au mois de Marie...</p> - -<p>«A ce soir... J’allumerai les flambeaux d’argent dans cette belle -chambre qui est désormais la tienne, au milieu du parc sauvage où nous -serons seuls comme au cœur vierge d’un éden...»</p> - -<p class="ast">. . . . . . . . . . . .</p> - -<p>Je posai mon cigare éteint dans le plateau et j’achevais la bouteille -que M. Olivier Camors aurait peut-être entamée, lorsque le valet de -chambre entra.</p> - -<p>—Eh bien, monsieur, vous avez terminé votre lecture... qu’en -dites-vous? C’est fort curieux, n’est-ce pas? Le journal de mon défunt -maître s’arrête là; il n’a pas soupé avec la demoiselle en baudruche, -puisqu’il est mort au cours de l’après-midi, vers quatre heures, et -brusquement.<span class="pagenum"><a name="page_95" id="page_95">{95}</a></span></p> - -<p>Quand je dis brusquement, je me trompe; il agonisait depuis son arrivée -à la Tremblée. Enfin, quoi qu’il en soit, il est mort l’après-midi du -jour où il écrivit ces dernières lignes et il ne put exécuter aucun de -ses projets galants. Triste! J’ai connu quelques histoires semblables -d’hommes qui attendirent une femme aimée pendant longtemps et qui -disparurent avant d’avoir pu savoir le goût de sa peau.</p> - -<p>S’il y avait eu quelque chose entre eux, je ne l’aurais pas gardée, vous -pouvez me croire. Ah! non, par exemple, je ne l’aurais pas gardée! Je -suis vieux, il y a longtemps que j’ai renoncé à toutes les -plaisanteries, mais celle-là... non celle-là est trop forte... Venez, -monsieur, je l’ai descendue du grenier, elle est dans le corridor et en -plein courant d’air; si quelque fenêtre s’ouvrait... Avec ce temps c’est -dangereux parce que...<span class="pagenum"><a name="page_96" id="page_96">{96}</a></span></p> - -<p>Il n’acheva pas sa phrase.</p> - -<p>Un formidable coup de vent inclina les branches des arbres qui -balayèrent la façade et nous entendîmes un bruit de vitres brisées et de -croisée qui se referme trop fort.</p> - -<p>Je courus derrière le vieillard qui se hâtait, et nous arrivâmes sur le -perron juste à temps pour voir s’envoler, comme un ballon d’enfant, la -maîtresse de feu M. Olivier Camors.</p> - -<p>Elle était nue, avec des bas blancs et des pantoufles, car le vent de -l’orage qui éclatait avait dû arracher son peignoir.</p> - -<p>A la hauteur du toit, elle bascula et fit un plongeon. J’aperçus sa tête -souriante aux yeux immobiles et extasiés. Elle avait perdu son bonnet et -elle ressemblait à une de ces jeannettes de carton colorié sur -lesquelles les anciennes modistes essayaient leurs coiffes. Elle -dansait, se redressait,<span class="pagenum"><a name="page_97" id="page_97">{97}</a></span> tanguait, les seins gonflés et son corps était -d’un blanc de plâtre légèrement teinté de rose.</p> - -<p>—Est-elle godiche? dit le domestique effaré.</p> - -<p>Elle dépassa la cime rebroussée et furieuse d’un vieux marronnier, et -les remous et les courants aériens, qui devaient être plus violents et -plus rapides, l’enlevèrent, lui firent faire deux ou trois bonds si -prodigieux qu’elle ne fut bientôt plus à mes yeux qu’une poupée de -petite fille dans un ciel tumultueux parsemé de feuilles mortes.</p> - -<p>—Elle est capable d’aller relancer mon ancien maître jusqu’au paradis, -murmura le vieux serviteur goguenard, sans la quitter des yeux...</p> - -<p>Plus haut que les plus lointaines hirondelles, elle ne fut bientôt qu’un -point tremblant, une bulle affolée et, s’il est vrai que<span class="pagenum"><a name="page_98" id="page_98">{98}</a></span> les âmes -mettent un temps assez long avant de quitter les lieux où elles furent -affranchies, celle de l’étrange mort dut voir passer la femme qu’il -avait animée de son dernier souffle et qui s’en allait charmante, -puérile, maladroite et ridicule, dans l’infini...</p> - -<div class="figcenter" style="width: 344px;"> -<a href="images/illu-106.jpg"> -<img src="images/illu-106.jpg" width="344" height="221" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p><span class="pagenum"><a name="page_99" id="page_99">{99}</a></span></p> - -<div class="figcenter" style="width: 513px;"> -<a href="images/illu-107.jpg"> -<img src="images/illu-107.jpg" width="513" height="449" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<h2>OUVRAGES<br /> -DU MÊME AUTEUR</h2> - -<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary=""> -<tr><td><span class="smcap">La Maison du Poète</span></td><td class="rt">Poésies</td></tr> -<tr><td><span class="smcap">Les Isolements</span></td><td class="rt">—</td></tr> -<tr><td><span class="smcap">Jacques</span></td><td class="rt">Roman en vers</td></tr> -<tr><td><span class="smcap">Orchestres</span></td><td class="rt">Poésies</td></tr> -<tr><td><span class="smcap">Les Heures déchirées</span></td><td class="rt">Notes</td></tr> -<tr><td><span class="smcap">François Pain, Gendarme</span></td><td class="rt">—</td></tr> -<tr><td><span class="smcap">L’Abdication de Ris-Orangis</span></td><td class="rt">Roman</td></tr> -<tr><td><span class="smcap">L’Heure des Tziganes</span></td><td class="rt">Théâtre</td></tr> -<tr><td><span class="smcap">Les Bonaparte</span></td><td class="rt">—</td></tr> -<tr><td><span class="smcap">Les Charmettes</span></td><td class="rt">—</td></tr> -<tr><td><span class="smcap">La Lumière du Soir</span></td><td class="rt">—</td></tr> -<tr><td><span class="smcap">Théophile Gautier</span></td><td class="rt">Étude</td></tr> -<tr><td><span class="smcap">L’Après-Midi chez l’Antiquaire</span> (<i>L’Édition</i>).</td></tr> - -<tr><td> </td></tr> -<tr><td><span class="pagenum"><a name="page_100" id="page_100">{100}</a></span></td></tr> - -<tr><td class="c"><i>A paraître</i>:</td></tr> -<tr><td> </td></tr> -<tr><td><span class="smcap">Le Dimanche avec Paul Cézanne</span> (<i>L’Édition</i>).</td></tr> -<tr><td><span class="smcap">Paris mort et vif...</span></td></tr> -<tr><td><span class="smcap">La Journée du Célibataire</span> (<i>L’Édition</i>).</td></tr> -<tr><td><span class="smcap">La Trahison d’Eurydice</span></td><td class="rt">Roman</td></tr> -<tr><td><span class="smcap">Monsieur le Curé</span></td><td class="rt">—</td></tr> -<tr><td><span class="smcap">Art Poétique</span></td><td class="rt">Poésies</td></tr> -<tr><td><span class="smcap">Le Dimanche de l’Amateur.</span></td></tr> -</table> - -<div class="figcenter" style="width: 291px;"> -<a href="images/illu-108.jpg"> -<img src="images/illu-108.jpg" width="291" height="203" alt="[pas d'image disponible.]" /></a> -</div> - -<p><span class="pagenum"><a name="page_101" id="page_101">{101}</a></span></p> - -<div class="poetry"><div class="poem"><small> -ACHEVÉ D’IMPRIMER LE VINGT-CINQ AVRIL<br /> -MIL NEUF CENT VINGT-CINQ, SUR LES<br /> -PRESSES DE COULOUMA, MAITRE IMPRI<br /> -MEUR -A ARGENTEUIL, H. BARTHÉLEMY<br /> ÉTANT -DIRECTEUR, POUR LE COMPTE<br /> -DE G. BRIFFAUT, ÉDITEUR A PARIS.</small></div></div> - -<hr class="full" /> -<div style='display:block; margin-top:4em'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LA POUPÉE ***</div> -<div style='text-align:left'> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Updated editions will replace the previous one—the old editions will -be renamed. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Creating the works from print editions not protected by U.S. copyright -law means that no one owns a United States copyright in these works, -so the Foundation (and you!) can copy and distribute it in the United -States without permission and without paying copyright -royalties. Special rules, set forth in the General Terms of Use part -of this license, apply to copying and distributing Project -Gutenberg™ electronic works to protect the PROJECT GUTENBERG™ -concept and trademark. 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Redistribution is subject to the trademark -license, especially commercial redistribution. -</div> - -<div style='margin:0.83em 0; font-size:1.1em; text-align:center'>START: FULL LICENSE<br /> -<span style='font-size:smaller'>THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE<br /> -PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK</span> -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -To protect the Project Gutenberg™ mission of promoting the free -distribution of electronic works, by using or distributing this work -(or any other work associated in any way with the phrase “Project -Gutenberg”), you agree to comply with all the terms of the Full -Project Gutenberg™ License available with this file or online at -www.gutenberg.org/license. -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg™ electronic works -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -1.A. 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If any disclaimer or limitation set forth in this agreement -violates the law of the state applicable to this agreement, the -agreement shall be interpreted to make the maximum disclaimer or -limitation permitted by the applicable state law. The invalidity or -unenforceability of any provision of this agreement shall not void the -remaining provisions. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -1.F.6. 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Information about the Mission of Project Gutenberg™ -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Project Gutenberg™ is synonymous with the free distribution of -electronic works in formats readable by the widest variety of -computers including obsolete, old, middle-aged and new computers. It -exists because of the efforts of hundreds of volunteers and donations -from people in all walks of life. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Volunteers and financial support to provide volunteers with the -assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg™’s -goals and ensuring that the Project Gutenberg™ collection will -remain freely available for generations to come. In 2001, the Project -Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure -and permanent future for Project Gutenberg™ and future -generations. To learn more about the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation and how your efforts and donations can help, see -Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org. -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non-profit -501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the -state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal -Revenue Service. The Foundation’s EIN or federal tax identification -number is 64-6221541. Contributions to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation are tax deductible to the full extent permitted by -U.S. federal laws and your state’s laws. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -The Foundation’s business office is located at 809 North 1500 West, -Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887. Email contact links and up -to date contact information can be found at the Foundation’s website -and official page at www.gutenberg.org/contact -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Project Gutenberg™ depends upon and cannot survive without widespread -public support and donations to carry out its mission of -increasing the number of public domain and licensed works that can be -freely distributed in machine-readable form accessible by the widest -array of equipment including outdated equipment. Many small donations -($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt -status with the IRS. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -The Foundation is committed to complying with the laws regulating -charities and charitable donations in all 50 states of the United -States. Compliance requirements are not uniform and it takes a -considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up -with these requirements. We do not solicit donations in locations -where we have not received written confirmation of compliance. To SEND -DONATIONS or determine the status of compliance for any particular state -visit <a href="https://www.gutenberg.org/donate/">www.gutenberg.org/donate</a>. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -While we cannot and do not solicit contributions from states where we -have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition -against accepting unsolicited donations from donors in such states who -approach us with offers to donate. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -International donations are gratefully accepted, but we cannot make -any statements concerning tax treatment of donations received from -outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Please check the Project Gutenberg web pages for current donation -methods and addresses. Donations are accepted in a number of other -ways including checks, online payments and credit card donations. To -donate, please visit: www.gutenberg.org/donate -</div> - -<div style='display:block; font-size:1.1em; margin:1em 0; font-weight:bold'> -Section 5. General Information About Project Gutenberg™ electronic works -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Professor Michael S. Hart was the originator of the Project -Gutenberg™ concept of a library of electronic works that could be -freely shared with anyone. For forty years, he produced and -distributed Project Gutenberg™ eBooks with only a loose network of -volunteer support. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Project Gutenberg™ eBooks are often created from several printed -editions, all of which are confirmed as not protected by copyright in -the U.S. unless a copyright notice is included. Thus, we do not -necessarily keep eBooks in compliance with any particular paper -edition. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -Most people start at our website which has the main PG search -facility: <a href="https://www.gutenberg.org">www.gutenberg.org</a>. -</div> - -<div style='display:block; margin:1em 0'> -This website includes information about Project Gutenberg™, -including how to make donations to the Project Gutenberg Literary -Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to -subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. -</div> - -</div> - -</body> -</html> diff --git a/old/64614-h/images/colophon.jpg b/old/64614-h/images/colophon.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 216eedc..0000000 --- a/old/64614-h/images/colophon.jpg +++ /dev/null diff --git a/old/64614-h/images/colophon1.jpg b/old/64614-h/images/colophon1.jpg Binary files differdeleted file mode 100644 index 64d3ac5..0000000 --- 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