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-The Project Gutenberg eBook of La Poupée, by Léo Larguier
-
-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and
-most other parts of the world at no cost and with almost no restrictions
-whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms
-of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at
-www.gutenberg.org. If you are not located in the United States, you
-will have to check the laws of the country where you are located before
-using this eBook.
-
-Title: La Poupée
-
-Author: Léo Larguier
-
-Illustrator: Chas Laborde
-
-Release Date: February 23, 2021 [eBook #64614]
-
-Language: French
-
-Character set encoding: UTF-8
-
-Produced by: Laurent Vogel, Chuck Greif and the Online Distributed
- Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was
- produced from images generously made available by the
- Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at
- http://gallica.bnf.fr)
-
-*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LA POUPÉE ***
-
-
-
-
- LÉO LARGUIER
-
- LA POUPÉE
- _DESSINS DE CHAS LABORDE_
-
- [Illustration]
-
- COLLECTION
- “LA ROSE ET LE LAURIER”
- _G. BRIFFAUT, Éditeur_
- 4, RUE DE FURSTENBERG, PARIS
-
-
-
-
- LA POUPÉE
-
- IL A ÉTÉ TIRÉ DE CE VOLUME:
-
-
- 10 exemplaires sur japon impérial contenant un dessin original de
- l’artiste et une suite en noir, numérotés de 1 à 10.
-
- 10 exemplaires sur japon impérial contenant un dessin original de
- l’artiste, numérotés de 11 à 20.
-
- 750 exemplaires sur vélin, numérotés de 21 à 770.
-
-
- EXEMPLAIRE Nº 133
-
-
-
-
- LÉO LARGUIER
-
- LA POUPÉE
-
- DESSINS DE
- CHAS LABORDE
-
- [Illustration]
-
- _COLLECTION DE
- “LA ROSE ET LE LAURIER”_
- G. BRIFFAUT, ÉDITEUR
- 4, RUE DE FURSTENBERG, PARIS (VIᵉ)
-
- M CM XXV
-
- «..._Tu n’as jamais été dans tes jours les plus rares
- Qu’un instrument banal sous mon archet vainqueur,
- Et comme un air qui sonne au bois creux des guitares,
- J’ai fait chanter mon rêve au vide de ton cœur._..»
-
- LOUIS BOUILHET
- (_A une Femme._)
-
-
-Puisque vous aimez les antiquaires, me dit mon ami Ange Laurentier, chez
-qui je passais cette semaine d’extrême automne, allez donc jusqu’à la
-Tremblée; on m’a affirmé que le fou qui habitait, ou plus exactement,
-qui se cachait dans ce pavillon délabré, était mort et qu’il laissait
-tout son bien à un valet de chambre.
-
-Je crois que cet héritier doit vouloir vendre ce bric-à-brac; et vous y
-ferez peut-être des découvertes intéressantes.
-
-On aperçoit de la route la maison et les grands arbres qui l’abritent.
-Vous ne pouvez pas vous tromper. Vous sonnerez à une petite porte
-peinte en vert.
-
-La Tremblée, où vivait, si l’on peut dire, M. Olivier Camors, est à
-trois kilomètres d’ici, et ce sera l’occasion d’une promenade
-charmante...
-
-Je partis, lorsque nous eûmes déjeuné, persuadé que ce vieux serviteur
-ne me laisserait point pénétrer dans le domaine abandonné, et je ne me
-hâtais pas, goûtant l’après-midi d’automne comme une immense symphonie
-en or majeur.
-
-De la route que je suivais, bordée de peupliers sensibles, presque
-dépouillés, aux coteaux qui fermaient l’horizon, je pouvais admirer les
-jaunes légers, les ocres, les rouges sanguins, les fauves dorures et les
-pourpres, toutes les nuances et toutes les teintes de la saison.
-
-Mon ami n’avait pu me donner aucun renseignement précis touchant cet
-Olivier Camors qui, après une vie passablement remplie, était venu
-s’enterrer à la Tremblée. Il ne savait que ce qui circulait dans le
-pays: de vagues racontars, inexacts sans doute, puisque nul n’avait
-franchi les murs de cette propriété ruinée et que le valet de chambre,
-aussi mystérieux que son maître, ne parlait à personne et ne sortait
-guère que pour faire quelques provisions au chef-lieu.
-
-On savait à peu près son âge. Il avait été capitaine et blessé, en 1915,
-aux attaques de Champagne.
-
-Ange Laurentier, qui l’avait entrevu à la gare, avait gardé le souvenir
-d’un homme svelte et d’une beauté remarquable, mais très fatigué. Le
-pavillon était inhabité depuis des années lorsqu’il était arrivé, et il
-avait fallu que son domestique escaladât le mur pour arracher les
-ronces et la vigne vierge qui, ayant poussé derrière la porte,
-l’empêchaient de s’ouvrir.
-
-[Illustration]
-
-Un ouvrier, qu’on avait appelé pour réparer les gouttières et poser des
-tuiles au toit, n’avait vu que le vieux serviteur et il n’était pas
-entré dans la maison. C’est tout ce que j’avais pu apprendre, et
-personne ne savait autre chose. Il n’y avait aucune sonnette à la petite
-porte verte que cachaient presque jusqu’à la serrure des retombées de
-glycines et les branches qui couronnaient le mur.
-
-On eût pu croire qu’une dame en crinoline venait de la refermer derrière
-elle.
-
-Je frappai fortement du bout de mon bâton...
-
-Contre toute attente, une clé grinça presque immédiatement dans le pêne,
-et un vieil homme au visage glabre et fripé, en tricot de laine, avec
-une calotte étoffée de Scapin, apparut dans l’entre-bâillement.
-
-Je n’avais préparé aucune phrase astucieuse et je fus obligé de dire
-franchement que je savais que la maison contenait de vieux meubles et
-des toiles anciennes et que rien au monde ne m’intéressait plus que
-cela.
-
-Le valet de chambre me regarda de son œil froid, tout embrumé et couleur
-d’étain.
-
---Antiquaire, dit-il, ou artiste?
-
-Je sentais que, selon ma réponse, la porte verte allait se refermer pour
-toujours.
-
---Artiste, répondis-je assez décontenancé.
-
-Il souleva son bonnet et s’effaça pour me laisser entrer.
-
---Veuillez me suivre, fit-il, je n’ai pas l’intention d’habiter plus
-longtemps cette maison et je ne suis pas fâché de la montrer à un
-connaisseur, avant mon départ.
-
-Il referma soigneusement la porte derrière lui.
-
-Le parc sauvage où je pénétrai était retourné à la nature, et, à travers
-ce prodigieux fouillis végétal, le vieillard se dirigea vers des herbes
-foulées, indiquant sans doute le chemin qui devait conduire à la maison.
-Elle apparut à un tournant comme enchâssée dans les arbres gaufrés d’or
-par l’automne.
-
-Les marches du perron étaient disjointes et l’herbe poussait drue dans
-leurs fentes.
-
-Tous les volets étaient clos.
-
-On songeait à ces vieilles demeures où moururent d’une maladie de
-langueur, parce que leur fiancé avait été tué dans un duel, de
-touchantes et poétiques jeunes filles appelées Adélazie ou Aloïda, qui
-portaient des mitaines et des repentirs, et qui lisaient au crépuscule
-un livre de M. de Lamennais, s’interrompant pour faire le signe de la
-croix, quand l’angélus venant d’une lointaine chapelle passait, ainsi
-qu’un ange, sur les murailles couvertes de lierre et de pariétaires.
-
-Le vieux serviteur qui me précédait poussa un battant du portail massif
-et me fit entrer dans le corridor obscur qui avait une odeur de cave, de
-fruits, de murs humides et d’ombre.
-
-Je pénétrai derrière lui dans la bibliothèque.
-
-[Illustration]
-
-Une branche qui avait brisé les vitres empêchait la fenêtre de se fermer
-complètement, et j’aperçus dans le jardin dévasté un arbuste coiffé d’un
-chapeau de jardinier, au cœur d’une minuscule corbeille.
-
---Cette pièce a beaucoup souffert, me dit mon guide. Elle était depuis
-longtemps dans cet état quand nous sommes arrivés à la Tremblée. Voyez,
-il n’y a plus rien, l’humidité et les bêtes ont tout mangé.
-
-Il atteignit un livre sur un rayon.
-
-Le cuir glacé d’or éteint semblait à peu près intact, mais quand je
-l’eus ouvert, je m’aperçus qu’il était creux comme ces fruits dont les
-insectes ont rongé la pulpe sous la peau desséchée.
-
-Il n’y avait plus, contre le dos de la reliure, qu’une poignée de bourre
-blanchâtre, pareille à du coton taché de rouille.
-
-C’était une très belle édition des œuvres de Léonard et je découvris un
-bout de feuillet sur lequel je pus encore lire ces vers qui devaient
-faire partie de quelque _Temple de Gnide_:
-
- «... _Des remparts de Corinthe il vint trente beautés_
- _Dont les cheveux croulaient en boucles ondoyantes;_
- _Dix autres qui n’avaient que des grâces naissantes,_
- _Venaient de Salamine et comptaient treize étés_...»
-
-J’en examinai quelques autres.
-
-Tous paraissaient souffrir des plus affligeantes maladies de peau.
-
-Voltaire avait un eczéma, Diderot des moisissures bleuâtres, J.-J.
-Rousseau des dartres farineuses.
-
-Les livres aux couvertures claires étaient vert-de-grisés comme des
-cuivres, les vélins ivoirins et roides étaient cariés comme des dents,
-les petits poètes du XVIIIᵉ siècle avaient des reliures éraflées et
-griffées ainsi que des souliers légers égratignés par les ronces.
-
-[Illustration]
-
-Je remis moi-même le livre creux à sa place, sur la planchette
-vermoulue, et je feuilletai un album plein de pensées, de mauvais vers
-et de fleurs sèches qui avait dû appartenir à quelque ancienne jeune
-fille.
-
---On a tout laissé périr, monsieur, reprit mon guide. Je dois vous dire
-cependant que ce n’est pas mon maître qui est responsable; il a trouvé
-presque toute la maison dans cet état. Il y en avait sans doute pour
-beaucoup d’argent. Je lui ai entendu conter qu’un de ses parents, M.
-d’Herbaupair, avait eu la manie des collections, mais vous allez voir ce
-que sont devenus ces trésors.
-
-Les tableaux étaient dans un cabinet où il a plu pendant trente ans, et
-ils sont pareils aux livres... Si vous désirez les voir?...
-
-Je le suivis dans une autre salle.
-
-Il ouvrit les volets avec quelque difficulté.
-
-Des cadres, dont la dorure était devenue noire, ne montraient que des
-peintures effacées.
-
-Les vagues choses qui restaient encore étaient bien faites pour donner
-des regrets éternels à un homme épris de tableaux anciens.
-
-Ce pan de ciel bleu-vert, au coin d’une baguette, ne pouvait avoir été
-peint que par Guardi, au-dessus des vieux palais qu’il aimait et que
-doublait l’eau d’un canal italien. Je vis le pied d’un verre dont le
-cristal n’avait pu être poli que par Chardin; et il y avait eu là des
-toiles inconnues de Watteau, de Fragonard, de Largillière, de Boilly, de
-David, des pastels de La Tour, des sanguines et des dessins de Claude
-Lorrain et de Poussin.
-
---A combien, monsieur, estimez-vous ce que contenaient ces cadres
-inutiles? me demanda le serviteur.
-
-Effaré, je haussai les épaules.
-
---Je ne sais pas exactement, balbutiai-je, à plus d’un million,
-certainement.
-
-Du bout de ses doigts maigres, il se gratta la tête sous le bonnet de
-Scapin, et ses lèvres sèches esquissèrent une grimace.
-
---Vous savez sans doute, reprit-il, que M. Olivier Camors m’a donné tout
-ce qu’il possédait. L’argent?... mon Dieu, il n’était plus très riche...
-peut-être trois mille francs de rente, ce qui, par les temps que nous
-traversons... mais il y a une seule pièce intacte dans cette maison qui
-tombe en ruine, et je veux avoir votre avis, parce que je crois que ce
-qu’elle renferme vaut plus que tout le reste. Voulez-vous
-m’accompagner?...
-
-Je n’avais jamais vu de plus beaux meubles du XVIIIᵉ siècle que ceux qui
-ornaient la chambre où il me fit entrer.
-
-Des tapisseries, dont les rouges étaient devenus groseille clair,
-s’encadraient dans des panneaux de bois liserés de vert tendre, et sur
-la cheminée de marbre, une pendule d’écaille et deux flambeaux d’argent
-se reflétaient dans l’eau morte d’une glace, dont le trumeau était
-assurément de Boucher.
-
-Le lit, les fauteuils et les chaises à médaillons, les pâtes tendres
-qu’on avait peut-être fabriquées pour la reine, les soies et les étoffes
-merveilleuses, tout formait un ensemble sans une seule tache, d’une
-harmonie et d’une pureté uniques.
-
---Vous êtes riche avec ceci, dis-je au vieillard qui me regardait avec
-inquiétude.
-
---Oui, c’est ce que j’ai entendu dire par mon maître, mais je ne savais
-pas très bien... Pourriez-vous m’aider, me donner l’adresse d’un
-antiquaire sérieux et me dire à peu près ce que vaut tout cela?
-
-Je fis de mon mieux et à ma connaissance, et je compris que je lui
-rendais service.
-
-Il me désigna un fauteuil.
-
---Voulez-vous m’attendre un moment, fit-il, je voudrais vous offrir un
-verre de vin. Je crois que vous n’en aurez jamais goûté de plus vieux.
-
-[Illustration]
-
-Il revint au bout de quelques minutes, portant sur un plateau deux
-coupes de cristal épais et une bouteille. La poussière et les toiles
-d’araignées ne cachaient pas complètement un liquide d’un blond lumineux
-et chaud.
-
-Il en émietta le cachet de cire, avec précaution.
-
---On n’est jamais sûr, murmura-t-il... j’espère que celui-ci sera bon
-malgré son âge, qui doit approcher du mien... Vous permettez, monsieur,
-que je me serve d’abord pour m’assurer?...
-
-Il se versa un doigt d’élixir doré et, la tête renversée, il le huma
-longuement et le porta à ses lèvres.
-
---Je pense qu’il ne vous déplaira pas, dit-il en souriant, et il emplit
-ma coupe jusqu’au bord.
-
-Il fallait une grande complaisance pour comprendre la saveur fanée de ce
-vin clair et dépouillé, mais je crois que, de ma vie, je n’avais bu
-pareille liqueur. J’en fis compliment au vieillard.
-
---Mon maître, me répondit-il, n’en buvait presque jamais. Le matin du
-jour où il mourut, cependant, il me pria de lui en apporter un flacon.
-Il était assis, là, où vous êtes, et...
-
-Il se tut pendant quelques secondes.
-
---Le drôle d’homme! soupira-t-il.
-
-Je sentis que je n’allais par tarder à recevoir ses confidences et à
-connaître un peu le mystérieux défunt.
-
---Tenez, monsieur, reprit-il, je veux vous montrer encore quelque chose.
-Ce ne sont que des papiers, mais je suis sûr qu’ils vous intéresseront.
-J’ai un petit ouvrage à terminer et ces pages inachevées vous
-renseigneront mieux que je ne le ferais moi-même.
-
-Il tira un cahier d’une commode sûrement signée Riesener, et il le posa
-sur le plateau d’une table qui n’était qu’un éblouissant semis de
-marqueterie. Il approcha ma coupe et la bouteille pleine encore aux
-trois quarts, et il m’offrit un cigare hollandais qui se serait effrité
-si je l’avais serré entre mes doigts, tant il était sec de vieillesse.
-
---Je vous laisse, me dit-il en refermant la porte. Vous en avez pour un
-moment, mais avec ce manuscrit, cette bouteille et ce cigare, vous ne
-vous ennuierez peut-être pas complètement.
-
-Autrefois, de belles chambrières offraient ici des boissons froides. Il
-y en avait une surtout...
-
-[Illustration]
-
-Une petite flamme dansa, me sembla-t-il, dans son œil d’étain. Je me
-versai un autre verre de vin, j’allumai le cigare et je me mis à dévorer
-les pages qu’on va lire. Je leur donne un titre qu’elles n’avaient pas
-dans le cahier, et je n’ajoute à ces curieux fragments que cette ligne
-de mon encre...
-
-
-
-
-II
-
-LE JOURNAL D’OLIVIER CAMORS
-
-
- _Avril 1920._
-
-Me voici pour toujours à la Tremblée. J’en ai passé, hier, la petite
-porte verte, sans un regret, sans tourner la tête, comme ces fugitifs
-qui franchissent la clôture d’une trappe.
-
-J’admire les écrivains qui vomissent leur époque, selon l’expression de
-l’un d’entre eux, mais qui ne manquent pas un apéritif, dans les cafés
-où ils ont coutume d’aller, pas un dîner, pas une répétition générale.
-Je connais le romantisme de ces farceurs. Moi, j’ai eu le courage de
-fuir.
-
-Que ferais-je d’ailleurs à Paris? Il ne me reste que quelques milliers
-de francs de rente.
-
-Ce n’est pas cela pourtant qui m’a décidé... Fini... Je ne veux voir
-personne... J’ai fait la guerre. J’ai jeté dans un tiroir les croix et
-les médailles qu’on m’y donna. J’ai vendu mes livres. Tout cela était
-inutile dans ma retraite. Les rubans et la littérature, les ragots de
-MM. de Goncourt, la roublardise facile de M. Jules Lemaître, le Parnasse
-et les histoires de la plaine Monceau, les calembredaines, les talents
-moyens, les génies assommants et les idées générales n’ont pas cours
-dans le domaine où je suis venu. Je vais refaire le monde autour de moi.
-Je vais faire la paix pour moi seul, sans traités solennels, et je me
-moque des Bulgares, ces coupeurs de nez, d’oreilles et de lèvres, et des
-Turcs et des Allemands, ces gros blonds qui sont tous membres d’une
-société de tir ou de gymnastique, et je me moque aussi de cent mille
-choses que prennent au sérieux mes contemporains.
-
-Il n’y aura plus rien dans mes jours.
-
-Jusqu’à hier, je les ai remplis avec ce qu’ils appellent la vie. Ils
-étaient partagés en petites tranches étiquetées dont je respectais,
-comme tout le monde, le numérotage.
-
-J’y jetais des journaux et des lettres insignifiantes, des besognes que
-je croyais très importantes, des plaisirs et des obligations ridicules.
-Je prenais à peine le temps de déjeuner parce que j’attendais à quatre
-heures Thérèse ou Simone, qui ne venaient pas, et qui m’envoyaient un
-télégramme bourré des mêmes mensonges.
-
-Il n’y aura plus rien dans mes jours. Je suis désormais en paix...
-
- * * * * *
-
-Je ne daterai plus ces lignes que j’écris au hasard. A quoi bon? Je dors
-mal. La solitude ne m’a pas versé encore sa divine tisane de pavots et,
-pendant toute cette nuit, j’ai encore songé à la guerre. J’ai refait les
-étapes du calvaire champenois... Nous avancions dans une ombre de
-guet-apens et notre colonne était tâtée, si je peux dire, effleurée
-maladroitement par la gerbe d’un projecteur ennemi. Nous allions
-au-dessous de cette queue de comète sinistre, faite d’une buée fauve,
-d’un poudroiement cruel, et je bronchais à chaque pas contre les troncs
-des pins coupés au ras du sol.
-
-Puis ce fut l’heure H qui sonna, l’instant vertigineux du bond hors des
-parallèles de départ, et la soif terrible, et une odeur de place
-tumultueuse, une nuit de quatorze juillet, quand, les feux d’artifice
-tirés, il reste dans la chaleur orageuse une persistante odeur de
-poudre.
-
-J’ai senti de nouveau ce sournois parfum de bonbon anglais qu’exhalent
-les gaz lacrymogènes et je me suis débattu dans les ouates jaunes des
-autres gaz empoisonnés, de ceux que le docteur Faust fabriquait dans son
-laboratoire et qui ont fait de moi, à quarante ans, un vieillard
-toussotant qui n’a peut-être plus longtemps à souffrir.
-
- * * * * *
-
-J’ai trouvé un vieil atlas de géographie qui portait sur sa couverture
-fanée ce nom: Palmyre d’Herbaupair.
-
-C’était la sœur de ma mère, et elle mourut à la Tremblée; elle se tua au
-fond du parc, un soir qu’elle avait grimpé sur la plus haute branche
-d’un pin, rompue sous son poids.
-
-Je me souviens...
-
-Ma tante Palmyre était une colossale demoiselle d’une trentaine
-d’années. Sa stature avait effrayé tous les épouseurs. Aucun homme n’eût
-pu offrir son bras à cette géante, qui semblait faite pour les amours
-d’un dieu ou d’un taureau mythologique.
-
-Immense et enfantine, elle ne s’occupait jamais à des travaux féminins,
-mais elle dévastait le parc, dénichait les corbeaux et jouait avec une
-meute de grands chiens qui l’adoraient.
-
-Il n’y avait pas de domestiques mâles à la Tremblée, Jean vivait à Paris
-avec mon père, et, en été, elle allait se baigner dans le bassin. Je
-sais que je la vis un jour, à
-
-[Illustration]
-
-midi, alors qu’elle en sortait, ruisselante et criblée de soleil,
-presque surnaturelle dans sa formidable nudité, avec ses grands cheveux
-roux mouillés et retombant en mèches massives sur ses épaules de marbre.
-
-[Illustration]
-
-Elle me prit entre ses larges bras et m’emporta en courant, le visage
-serré contre sa poitrine de déesse ou de phénomène de foire.
-
-Etrange famille qui va finir avec moi!
-
-Ma mère était une mince et délicate jeune femme, toujours malade, et mon
-grand-père d’Herbaupair était un petit homme falot et chétif, qui
-n’avait eu dans sa vie qu’une passion: celle des antiquités.
-
-C’est lui qui rassembla tout ce que la pluie, l’humidité et plus de
-trente ans d’abandon détruisirent à la Tremblée.
-
-Je l’aperçus une seule fois et il ne prit point garde à moi. Il ne
-s’intéressait qu’aux enfants peints par Boilly.
-
-Il portait un costume assez bizarre et il jouait perpétuellement avec
-une grosse loupe dont j’avais bien envie...
-
- * * * * *
-
-J’ai déniché derrière une porte une peinture qui représente une vue
-ocreuse de Rome.
-
-Devant cette vision noble et glorieuse, cette terre fauve que ne
-déshonorent aucun pâturage, aucun bétail à l’engrais, devant les arcs
-ruinés et les aqueducs écroulés, je songe à l’épouvantable ennui que
-m’infligeait tout ce qui touchait à Rome, au temps où j’achevais mes
-classes, au collège.
-
-Les vertus civiques et militaires de ses grands hommes, leurs mots
-historiques, leurs pompeuses attitudes me glaçaient. Je tenais les
-Romains pour un peuple de bavards, de faiseurs de routes et de lois, et
-Auguste me semblait le personnage le plus ridicule et le plus pompier de
-l’Histoire. Combien me plaisait davantage ce que j’appelais l’opposition
-orientale à la République et à l’Empire!
-
-J’aimais les princes efféminés qu’allait vaincre facilement quelque
-militaire de carrière, aux joues et aux lèvres bleuies par le rasoir;
-les princesses étranges qui regrettaient Ecbatane ou Césarée, la
-Bactriane et la Cappadoce, dans la ville capitale; ces belles barbares
-qui troublaient les césars et les proconsuls avec leur teint de
-fellahines et leurs parfums inconnus. Mais j’étais naturellement un
-mauvais élève, puisque je n’admirais pas ces juges de paix, ces agents
-voyers et ces briscards coloniaux...
-
- * * * * *
-
-Je voudrais connaître mes nouveaux compagnons, les arbres qui
-m’entourent, et je ne sais le nom d’aucun.
-
-D’ailleurs, ils ont poussé si drus, si mêlés les uns aux autres qu’ils
-ne forment plus qu’une foule végétale.
-
-Je veux tout de même me familiariser avec eux...
-
- * * * * *
-
-Ce matin, bien avant l’aube, j’ai dû fuir le lit où je n’avais pas dormi
-et aller dans le parc.
-
-Je suis de plus en plus sollicité par le côté mystérieux et obscur du
-monde.
-
-La terre avait le réveil pénible des hommes qui remontent lentement des
-gouffres du sommeil et du songe, des abîmes de la nuit.
-
-Elle avait l’air d’hésiter, il me semblait qu’elle allait lâcher un
-secret. L’aile fermée que chacun porte en soi allait-elle se déployer en
-moi?
-
-[Illustration]
-
-Mais non, chaque chose a repris sa place, le soleil s’est levé, et cette
-inquiétude infinie n’était que dans mon cœur...
-
- * * * * *
-
-Un grand oiseau de mer, venant on ne sait d’où, a traversé ce soir, vers
-cinq heures, le ciel d’été, orange et mauve.
-
-Il allait, le cou tendu, sans un frémissement de plumes dans l’azur
-tiède, comme une grande chose soyeuse et bien lancée.
-
-J’ai entendu le bruit d’un coup de fusil.
-
-Tout le monde doit en parler au village, comme si l’homme qui saigne les
-porcs, le tailleur bossu, l’épicière, l’aubergiste, les vieux qui
-tettent des pipes vides et les vieilles qui se chauffent au soleil
-avaient vu le ciel se creuser et aperçu, dans une échappée vermeille, le
-passage d’un être surnaturel...
-
- * * * * *
-
-J’ai retrouvé des vers que j’écrivis en Champagne, pendant la guerre, un
-soir inhumain que je songeais au tableau de Bœcklin: _L’Ile des Morts_.
-
-La contrée la plus tragique et la plus désolée du monde était en avant
-de Somme-Suippe; c’était un aride paysage calcaire et minéral. Tout y
-était pâle de la pâleur mortuaire des craies.
-
-C’est seulement au versant des astres éteints et des globes morts qu’on
-eût pu trouver ces lividités de sel et de plâtre.
-
-Ce coin du front était nettoyé comme un os, ce secteur blanc,
-squelettique et spectral avait l’air d’être sous un suaire. Je
-m’aperçois que ce poème maladroit est tout en rimes féminines. Cela ne
-me déplaît pas. Les rimes sourdes confèrent aux strophes une pesanteur
-étrange, mais voici cette poésie à laquelle j’ai donné le nom du
-tableau:
-
-
-L’ILE DES MORTS
-
- Des cyprès, des rocs blancs hors du monde... C’est l’Ile
- Où vivent les grands morts quand ils quittent la terre;
- Un crépuscule doux, vaporeux et tranquille
- Y répand ses clartés de perle et son mystère.
-
- Son bois sacré de pins, de lauriers métalliques
- Semble attendre toujours de pures chasseresses,
- Et dans le bleu divin des soirs mélancoliques
- On dirait que, toujours, vont passer des druidesses.
-
- Victor Hugo, vêtu de la cape marine
- Qu’il portait à Jersey, poursuit un vaste rêve...
- Lorsque sort Beethoven, Musset et Lamartine
- Saluent, et le martyr de la musique lève
-
- Son énorme chapeau trop enfoncé... Banville
- Au jardin de Ronsard cueille des roses blanches
- Et des œillets qu’il veut offrir au bon Virgile.
- Lord Byron à Chénier dit des vers sous les branches...
-
- Hésiode et Gautier ont des barbes pareilles;
- Shakspeare et Rabelais dans l’herbe rient ensemble;
- Dante, toujours coiffé de capuces vermeilles,
- Sur le bras de Balzac pose sa main qui tremble.
-
- Ils sont là tous, dans l’île aux lumières sereines.
- Aucun souffle n’émeut les arbres du rivage,
- Les heures ne fuient pas et sont élyséennes.
- Rarement une barque aborde sur la plage.
-
- C’est l’asile où tout n’est que paix harmonieuse,
- Où la table toujours est mise sous les roses
- Des rosiers aussi hauts que le pin et l’yeuse;
- C’est l’Ile du silence et des apothéoses.
-
- Mais quand passent, venant d’une affreuse bataille,
- Dans un lourd battement d’aile vierge et meurtrie
- Des âmes de soldats, courbant leur grande taille,
- Gœthe et Schiller, pensifs, maudissent leur patrie...
-
- * * * * *
-
-Je passe aujourd’hui l’après-midi allongé sur mon lit, à regarder le
-ciel au-dessus des arbres.
-
-Au plus profond, au plus intime de moi, dans ces régions intérieures où
-ne peut vivre aucun mensonge, il n’y a peut-être que le désir d’en avoir
-fini vite avec les misères que je traîne, et je me sens soulevé par
-l’espoir des grandes migrations inconnues.
-
-Tout arrivera sans doute comme je l’imagine.
-
-Un matin ou un soir, lorsque Jean entrera, il me trouvera à cette place,
-immobile et couché, tel que je le suis maintenant.
-
-Il constatera que je suis mort.
-
-Mort!... savent-ils ce qu’ils disent, ceux qui prononcent ce mot?
-
-Invisible, mon âme flottera au-dessus de tout ce qu’elle aura laissé et,
-après quelques formalités qui ne me regarderont plus, quand on aura fait
-disparaître ce... Comment dire?... Cet amas de phosphate et de matières
-ammoniacales, elle prendra son vol vers les blancs et bleus paysages
-fugitifs et changeants, que je contemple de ma croisée.
-
-Immense ivresse des affranchissements!
-
-Je parcourrai le ciel, je m’engagerai dans ces ravins d’ombre effilochée
-au penchant des collines neigeuses que composent les nuages;
-j’escaladerai des pics et des falaises d’écume, des glaciers brumeux; je
-traverserai de vaporeux défilés pour gagner des champs de neige tiède,
-des moissons floconneuses. Je serai submergé par des marées,
-j’assisterai à des débâcles de nuées que je verrai fondre comme des
-blocs polaires, et je partirai vers les régions supérieures où
-n’atteignent pas les oiseaux,... puis... puis... je ne sais plus ce qui
-arrivera... Mais je passe cet après-midi dans les nuages, l’esprit
-presque délivré...
-
- * * * * *
-
-Je ne suis tout de même pas assez loin du village.
-
-Il me semble, quand je veille, que je l’entends dormir. Une étoile se
-noie dans l’abreuvoir et la lune est derrière le clocher trapu et sans
-idéalisme de sa petite église romane.
-
-Je l’imagine cette nuit et l’humble bourgade abrite toutes les
-situations éternisées par l’art des écrivains.
-
-Sous un ciel nocturne, dont la pureté religieuse fait songer à un grand
-vers bleu sombre de Virgile, autour de cette place provinciale pareille
-à celles où Coppée fit rêver de poétiques receveurs de l’enregistrement,
-un héros ou une héroïne littéraires habitent dans chaque maison.
-
-Ici, vit le _Père Goriot_, de Balzac; là, _Eugénie Grandet_ range le
-linge qu’elle a elle-même lavé, tandis que l’avare _Grandet_ recompte
-ses billets. Derrière le géranium de telle croisée, relisant une lettre
-de _Vincent_, il y a _Mireille_, blanche de la blancheur ardente des
-camélias. _Léon_, le clerc de notaire qui passe dans le roman de
-Flaubert, songe à Paris, aux actrices, aux salons, en parcourant des
-échos mondains dans un journal. _Emma Bovary_ tourne le dos à son mari
-qui semble tirer, en dormant, sur le tuyau d’une invisible pipe car il
-dort, avec cette croupe chaude à portée de sa main... Dans des chambres
-obscures ronflent les paysans de Zola. Un vieux, dont on convoite
-l’héritage, est secoué par une crise d’asthme pendant que son fils, qui
-préférerait dormir, est obligé de besogner sa grosse femme qui fait
-craquer le lit, sans se soucier de son beau-père ni de son dernier né
-qui braille, travaillé par la dentition ou la colique. Et les cochons
-grognent dans les étables, et les rats volent du lard dans les buffets.
-Quelle farce obscure et monotone emportée autour du soleil à une vitesse
-de quatre cent douze lieues par minute!...
-
-[Illustration]
-
- * * * * *
-
-Le vent a emporté un journal dans le parc.
-
-Sa première page était étalée bien à plat, sur l’herbe. Je n’avais qu’à
-me pencher pour lire et je ne l’ai pas fait.
-
-Que m’aurait-il appris?
-
-Je sais ce qu’il contenait sans l’avoir regardé: on doit toujours se
-battre en Orient, et la famine et le choléra occupent sérieusement les
-armées rouges. Des garçons sans scrupules ont volé, dans un rapide, les
-bijoux des grosses dames qui vont si souvent aux cabinets. On a entôlé
-un rentier qui avait eu la faiblesse de suivre dans un garni deux
-filles, dont les mollets polissons n’étaient pas à comparer à ceux de sa
-digne épouse, et cela ainsi jusqu’aux rébus de la quatrième page
-proposés à des œdipes qui gagnent un stylographe ou une fiole de parfum
-chimique.
-
-[Illustration]
-
-J’en ai fait une boule que j’ai lancée par-dessus le mur... Un train
-sifflait au loin...
-
- * * * * *
-
-Il y a plus d’un mois que je n’avais ouvert ce carnet. Les gaz que le
-docteur Faust fabriquait chez Mᵐᵉ Bertha Krupp agissent de mieux en
-mieux. Chose curieuse, à mesure que mes forces déclinent et que le mal
-me gagne, je suis de plus en plus poursuivi par des images de femmes.
-
-Je ne peux pourtant pas sortir, dans l’état où je suis, et séduire
-quelque fille du village. La plus minable me rirait au nez.
-
- * * * * *
-
-_Gustave. Poste restante. B. 21. Hôtel de Ville. Envoi discret de
-catalogues..._ J’ai lu cette adresse, au hasard, avant de quitter Paris,
-et je ne sais pourquoi elle me hante à la façon d’un leit-motiv.
-
-Je viens d’écrire à ce commerçant discret. Il expédie des paquets de
-tissus caoutchoutés qui deviennent, quand on les gonfle, de véritables
-femmes. Ce sont les seules qui puissent me convenir. On m’a affirmé que
-des explorateurs et certains solitaires n’en souhaitent pas d’autres.
-
-J’ai coupé toutes les ficelles qui me rattachaient au monde; si
-quelqu’un parlait de moi aux gens du village, on lui dirait que je suis
-fou. C’est peut-être vrai. Pourquoi n’aimerais-je pas une grande
-poupée?... Hé... pas si grande... j’ai donné les mesures. Je suis de
-l’avis de Michelet. Il faut que sa tête arrive à la hauteur de mon
-cœur...
-
- * * * * *
-
-Lorsqu’on frappera à la porte verte, ce sera Elle!
-
-[Illustration]
-
-Je ne pense plus qu’à son arrivée. J’ai commandé un petit trousseau: des
-bas de soie, une chemise, un peignoir, un bonnet de dentelles, un flacon
-d’essence de rose, un autre de musc; mais j’ignore tout de cette
-inconnue, et comment l’appellerai-je? Je vais songer à un nom.
-
- * * * * *
-
-Je ne crois pas trouver.
-
-On peut étiqueter, une fois pour toutes, les choses immobiles. Elles ne
-changent jamais. Le nom qu’on leur donne les désigne toujours. Mais les
-femmes!...
-
-J’en ai connu une qui s’appelait Marie. Cela lui allait parfaitement
-jusqu’à midi. Ses cheveux châtains, mouillés et lissés au sortir du
-bain, en faisaient une grasse et bourgeoise madone. Elle avait des
-réveils enfantins et sa toilette était pudique et secrète.
-
-Le déjeuner troublait légèrement toutes ces candeurs.
-
-Après un verre de vieux bordeaux et un doigt de chartreuse, elle
-s’appelait Sapho, Lucrèce, Mercédès ou Rosa.
-
-Le prénom d’une femme, qui prend son café au lait ou qui brode en
-compagnie de sa mère, ne lui convient plus le soir, quand elle est nue.
-
-Elle s’appelle Marthe, Thérèse ou Monique, et cela est très bien ainsi.
-Elle coud, elle suce le bout de son doigt où une piqûre d’aiguille a
-fait brusquement éclore une petite coccinelle de corail sombre; elle
-confectionne une tarte devant le fourneau, elle lit un roman honnête, et
-elle peut porter le nom qu’elle a reçu.
-
-Si elle met sur ses cheveux un grand chapeau de soleil et qu’elle aille
-dans le jardin, elle s’évade déjà. Elle doit s’appeler Charlotte,
-Isabelle, ou Rosine. Charlotte, c’est comme un abricot plein de taches
-de rousseur, et si Rosine est un prénom enveloppé dans une large feuille
-de rose rose, Isabelle a le blanc crème des gloires de Dijon.
-
-La nuit est venue. Elle est seule avec son mari et elle pousse le verrou
-de la porte, toute pareille à ces amantes potelées et vermeilles qui
-font le même geste dans les estampes galantes du XVIIIᵉ siècle. Un sein
-gonflé s’échappe hors de son corsage, un de ses bas tombe sur sa jambe
-ronde. Elle est alors Rosette ou Fanchon...
-
-Le voici en chemise, avec ses mules de satin bleu, les bras arrondis,
-les mains à son chignon qu’elle tord. Elle est devenue la gaillarde
-bourgeoise des contes italiens qui va prendre son plaisir avec un beau
-capitaine ou un jeune capucin paillard qu’elle a gavé d’oie rôtie et de
-vin vieux...
-
-Elle jette ses pantoufles minuscules et ses derniers voiles, et, sans un
-peigne, sans une bague, elle est une femme des premiers âges du monde,
-elle est Laïs ou Phryné, Atalante, Chloé, Amaryllis... mais aucun de ces
-noms ne lui convient longtemps et, quand elle s’endort sur le bras qui
-l’a étreinte, elle redevient presque la petite fille alourdie de sommeil
-qu’on appelait Moune, Ninette ou Lili...
-
- * * * * *
-
-Au fond, il n’y a rien de très cocasse dans le désir que j’ai de cette
-poupée.
-
-Mon grand’père d’Herbaupair, après avoir fait deux enfants à sa femme,
-l’abandonna à la Tremblée et n’aima plus que les visages et les corps
-peints sur des toiles. Je l’imagine dans une rue de Paris, vers 1860. Il
-était absolument normal.
-
-Devant ou derrière lui, sur le trottoir mouillé de pluie, un homme de
-son âge suivait une lorette ou une modiste qui jouait de la croupe et
-soulevait sa jupe sur de gros jarrets qui tendaient ses bas blancs.
-
-Il obtenait un rendez-vous pour le soir, se ruinait en vespetro et en
-marasquin pour régaler la belle qui finissait par se laisser conduire à
-l’hôtel. Les draps y étaient douteux et humides; il gelait dans la
-chambre
-
-[Illustration]
-
-inhospitalière; la fille, qui montrait soudain une rapacité sordide de
-commerçante, tarifait ses charmes douteux et ses caresses, et le
-galantin dégrisé ne songeait qu’à fuir, et il faisait le simulacre de
-l’amour, honteux comme tous les simulacres, en écoutant les
-
-[Illustration]
-
-vidangeurs, seuls maîtres de la rue à cette heure déserte et noire. Mon
-grand-père, lui, se rendait tranquillement à de mystérieux rendez-vous
-chez les brocanteurs auvergnats, cherchant les seules femmes qu’il
-aimât: les nymphes de Fragonard, les laitières de Greuze et les belles
-dames poudrées des anciens pastels... Ses amours étaient les plus
-belles... Il se ruina presque cependant pour une fille rencontrée à la
-terrasse de Tortoni...
-
- * * * * *
-
-Elle devrait être ici.
-
-Je suis de plus en plus nerveux, depuis que je l’attends. La moindre
-chose m’irrite, et j’ai failli avoir une épouvantable crise pour avoir
-vu un crapaud. Sa hideur, ses pustules ne m’ont pas trop répugné, c’est
-son attitude qui m’a rendu furieux.
-
-Ce crapaud, que mon domestique protège, est une sorte de divinité
-bouddhique, ventrue, molle et grenue; il allait lent, solennel,
-important, ridicule, et je comprenais qu’il se savait sacré. Il avait la
-majesté pompeuse et bête des dieux auxquels il est interdit de toucher;
-la suffisance des gens en place; l’orgueil tranquille et béat de ceux
-qui se croient indispensables, quelque chose de prudhommesque et de
-despotique, et, alors, j’ai eu brusquement envie de lui prouver à coups
-de trique, à coups de pierre, que tout ce dont il était si fier ne
-tenait pas debout, que ses occupations d’aide jardinier et de garde
-champêtre n’étaient pas plus sérieuses que celles des araignées, des
-limaces et des rats, et qu’il n’avait pas le droit d’avoir une attitude
-aussi grotesque, et qu’il n’était qu’un crapaud, un sale crapaud dans le
-parc d’un homme en train de mourir.
-
-J’en ai été secoué toute la journée...
-
- * * * * *
-
-J’ai prié mon domestique de différer aujourd’hui son voyage à la ville
-où il va faire des achats.
-
-[Illustration]
-
-Je crois qu’elle ne tardera pas à arriver et je ne veux pas être obligé,
-moi-même, d’ouvrir la porte et de voir le facteur.
-
-Il ira un autre jour, quoique ces voyages,--je le devine,--l’enchantent.
-
-Je la connais, cette sous-préfecture! Des courtiers en vins boivent de
-la bière à la terrasse du café d’Orient; les jeunes filles d’un
-pensionnat sortent pour la promenade; une jeune femme, chaussée de blanc
-et coiffée d’une charlotte de mousseline, descend la grand’rue. Elle
-s’arrête chez le pâtissier en renom.
-
-Sous une gaze jaune, qui les défend contre les mouches, des babas ivres
-de rhum sucré défaillent dans des assiettes à filets dorés... La jeune
-femme sort, saluée par un vieux roquentin vêtu de flanelle bleue à
-rayures, un avocat dont les aventures et l’éloquence sont célèbres
-jusqu’au chef-lieu.
-
-C’est dans cette rue déserte où j’ai passé, il y a plus de vingt ans,
-que Jean fait ses emplettes, puis il boit un bock ou un apéritif près de
-la gare, seul comme un vieux comique lugubre de l’Eden-Café, qui est le
-concert le plus couru de l’endroit.
-
-L’Eden-Café! J’y ai connu l’amour pour la première fois!
-
-C’est la maison mère d’une sorte de prostitution artistique. C’est de là
-que, tous les samedis, on expédie aux bourgs environnants deux ou trois
-chanteuses et un pianiste, qui est en même temps un diseur de monologues
-idiots. Ils arrivent, le soir, au café chantant où ils sont engagés. Les
-vieilles, qui mangent leur soupe devant la porte, les méprisent; les
-ménagères et les jeunes filles admirent l’élégance tapageuse de ces
-femmes; quant aux hommes, même pour les plus rustiques, elles
-représentent vaguement tout ce qu’ils imaginaient de la haute noce et
-du théâtre.
-
-[Illustration]
-
-Elles laissent dans la petite gare un sillage de parfums grossiers, et
-plus d’un adolescent mange distraitement sa salade, sans écouter le père
-qui parle de la foire prochaine ou des vignes qui ont soif.
-
-Elles sont aux filles du village ce qu’est une bouteille de champagne
-fabriquée avec des acides au petit vin naturel du pays; elles sont le
-mal, l’inconnu, l’attrait dangereux et charmant, l’extrême civilisation.
-Elles sont surtout de pauvres êtres, d’humbles servantes et comme les
-bonnes à tout faire de la chanson stupide et de la muse polissonne; et
-les bellâtres du canton qui s’offrent la gommeuse ou la grande bringue
-navrée qui roucoule des bêtises sentimentales, s’imaginent qu’ils ont
-aimé des divas illustres et des étoiles de théâtre!...
-
- * * * * *
-
-On a frappé ce matin à la porte du parc, et j’ai brusquement retrouvé la
-première émotion du premier rendez-vous... Elle?...
-
-C’était un mendiant que Jean a chassé.
-
-Ma gorge s’est desserrée, la petite aiguille qui s’affolait à la pointe
-de mon cœur s’est immobilisée. J’ai été tout pareil à ces jeunes gens
-qui attendent leur maîtresse, vers quatre heures, à Paris. Ils ont
-épousseté eux-mêmes et rangé leur appartement derrière leur femme de
-ménage. Ils ont mis des fleurs dans les vases, vaporisé dans la chambre
-quelque parfum, préparé deux heures à l’avance l’assiette de gâteaux,
-les tasses à thé et la bouteille de porto. Ils ont surtout regardé la
-pendule. Le livre qu’ils essayaient de lire, pour tuer le temps, ne les
-intéressait pas. Ils ont frotté un à un les flacons de la toilette,
-compté les anneaux des rideaux sur leur tringle de cuivre, en disant:
-elle viendra... oui... non... oui... non... oui... non... heureux si le
-dernier anneau tombait sur oui.
-
-A quatre heures, on sonne! Éperdus, ils vont ouvrir, et se trouvent nez
-à nez avec une vieille dame asthmatique et poussive, qui s’excuse à
-peine et qui s’est trompée d’étage.
-
-J’ai été tout pareil à ces amants inquiets...
-
- * * * * *
-
-Un quart d’heure après le départ de ce mendiant on a de nouveau frappé à
-la porte, trois coups impérieux, durs, comme de quelqu’un qui
-s’impatienterait en trouvant le vantail verrouillé, quand il veut entrer
-chez lui et que les serviteurs tardent à ouvrir.
-
-[Illustration]
-
-C’était Elle!...»
-
- * * * * *
-
-Le vieux domestique survint à ce moment dans la chambre où je lisais.
-
---Eh bien, monsieur, dit-il en essayant de sourire, croyez-vous que feu
-mon maître était un drôle d’homme?
-
-Il se pencha vers la table:
-
---Ah! vous en êtes à son arrivée à la Tremblée. Vous n’en avez plus pour
-longtemps. Ce que je ne digère point, par exemple, c’est qu’il m’a
-traité de vieux comique lugubre. Je suis scrupuleux et susceptible. Oh!
-je ne me plains pas, quoique, vous savez, les trois mille francs de
-rente dont j’hérite, je ne les ai pas volés. Ni son père, ni lui ne
-m’ont jamais payé mes gages, et je suis à leur service depuis plus de
-quarante ans... Enfin, il n’aurait pas dû dire cela de moi... Achevez
-donc cette bouteille...
-
-Il remplit ma coupe de vieux vin doré!
-
---Je vous laisse, fit-il, vous allez en avoir fini avec ce cahier. Je
-vous ferai ensuite une surprise. Je vous montrerai la demoiselle; elle
-est encore ici, et elle est vierge et veuve, monsieur, car mon maître
-est mort le jour où il l’a reçue. Le temps se gâte, je crois qu’il va
-faire un gros orage...
-
-Je repris tout de suite ma lecture:
-
- * * * * *
-
-«Elle est enfin ici!
-
-Je n’ai pas encore coupé les ficelles qui entourent sa boîte. Elle est
-comme une voyageuse un peu lasse qui se reposerait et ne voudrait pas se
-montrer trop vite à ses hôtes.
-
-J’ai fait moi-même une toilette plus soignée. Je me négligeais depuis
-quelque temps.
-
-J’ai coupé ma barbe et ma moustache, j’ai mis un costume de flanelle
-blanche et j’ai l’air d’un monsieur très fatigué dans un parc de ville
-d’eaux.
-
-Quand je passe devant les volets de la chambre, instinctivement je
-marche sur la pointe des pieds.
-
- * * * * *
-
-Je crois que je prendrai mes repas devant elle. Autrefois, j’aimais
-beaucoup manger en compagnie des femmes.
-
-Un dîner d’hommes fait toujours penser à ces banquets où d’anciens
-militaires du même régiment, d’authentiques badernes sorties de la même
-école, la même année, se régalent à prix fixe, coude à coude et vêtus
-d’habits funèbres, à l’immense table d’un salon de société que ne décore
-aucune fleur.
-
-Les hommes seuls manquent généralement de tenue, et il ne faut pas
-croire qu’on a meilleur appétit et qu’on est plus à l’aise en manches de
-chemise et en pantoufles.
-
-C’est comme si l’on affirmait que le café bu dans une épaisse tasse de
-faïence est plus savoureux que dans la fine et immatérielle coquille
-d’œuf d’une porcelaine chinoise.
-
-Un vrai repas, bien ordonné, est la plus aimable des choses. C’est un
-luxe de civilisés qu’il faut entourer de toutes les délicatesses.
-
-On ne mange pas du foie gras truffé, ni un sorbet à la framboise, en
-sabots et en tricot de laine, sur un coin de table de cuisine, devant
-une chandelle qui fume, mais en habit, avec du linge fin, sur une nappe
-fleurie et à la faveur de bougies voilées d’abat-jour qui tamisent une
-lumière égale.
-
-Rien alors n’est plus charmant à regarder que les jeunes femmes qui sont
-la guirlande et la parure de la table.
-
-La soie ou le velours des robes décolletées ont l’odeur des ombrelles
-crépitantes chauffées au grand soleil de juillet. Des parfums naturels
-et des effluves d’essences rares s’y ajoutent. Les petits carrés de
-truffes ou les crevettes qui garnissent un filet de sole ont un goût
-unique, si une belle brune montre, en levant le bras pour enfoncer un
-œillet dans son chignon, le creux touffu de son aisselle, si, au moment
-où vous avalez une cuillerée de fraises des bois assaisonnées au
-champagne, une blonde grasse montre ses épaules de neige et découvre
-vaguement un sein dont la pointe doit être pareille, sous les dentelles
-de son corsage, au fruit qui parfume votre palais.
-
-Les gens qui prétendent que les vrais gourmands doivent s’enfermer
-seuls, pour savourer des plats choisis, sont de timides maladroits.
-
-Il faut se défier d’eux et les plaindre.
-
-Ils passent assurément d’épouvantables nuits, car l’amour doit venir
-naturellement après le dessert, comme les pêches et les muscats viennent
-après les glaces et la frangipane.
-
-La gastronomie n’est pas un art à l’usage des ermites. Lorsqu’on couche
-seul, il est plus raisonnable de prendre, le soir, un bouillon léger, la
-moindre des choses, un peu de confiture et une tasse de tilleul.
-
-Les femmes, quoi qu’on dise, savent apprécier un bon repas. Cela se voit
-à la façon dont elles mangent. Elles ne remplissent jamais leur assiette
-et ne s’empiffrent pas de grosses viandes. Elles savent ce qu’un os de
-côtelette ou de poulet peut garder de chair savoureuse et de peau
-rissolée.
-
-Que d’épais bâfreurs rient de leur préférence pour les carcasses et les
-croupions. C’est le reproche que pourrait faire un âne qui tond un pré
-au lapin de garenne qui choisit les herbes parfumées, serpolets, thyms
-et menthes sauvages... Mais à quoi vais-je penser, moi qui ne prends
-plus que quelques fruits et des biscuits trempés dans un doigt de vieux
-vin?...
-
- * * * * *
-
-Elle ne mangera pas. J’ai souffert quand j’étais jeune du peu de goût
-dont mes amies de passage faisaient preuve, au restaurant. Je me
-souviens à peine de leurs visages, mais ils reviennent parfois à la
-seule vue ou à l’évocation du plat qu’elles préféraient.
-
-Ne déjeunant et ne dînant jamais chez moi, j’ai beaucoup regardé les
-femmes qui m’entouraient. Je songe à une fille avec qui je dînais assez
-souvent.
-
-Sa mère était concierge dans une maison ouvrière, du côté de Montmartre
-et son père rentrait saoul à peu près chaque soir, quand elle était
-enfant.
-
-La loge sans air et sans lumière sentait le débarras et le compartiment
-de troisième classe où ont dormi dix voyageurs. Elle faisait les courses
-pendant que sa mère balayait l’escalier, et elle rapportait quelques
-sous de pain chaud, de la charcuterie et de l’eau-de-vie. Elle s’était
-régalée de veau piqué, de mirotons et de salades.
-
-Par quel miracle était-elle devenue la splendide créature que j’admirais
-pendant ces repas?
-
-Son teint était d’une neige fouettée de roses, ses dents étaient des
-perles humides, naturellement claires. Elle avait une taille de
-duchesse, des bras de Vénus, de longues jambes rondes et fines, une
-toison énorme dont la nuance allait du maïs mûr au cognac brûlé, et on
-eût juré que, née d’un mylord spleenétique et d’une blanche lady, dans
-un château au bord d’un lac, elle n’avait été nourrie que de beurrées,
-de crême fraîche, de gâteaux et de puissants rosbifs anglais...
-
- * * * * *
-
-Épouser une femme qui s’intéresse à la cuisine est une garantie de
-bonheur conjugal. Même si elle n’est pas des plus jolies, la santé et la
-bonne humeur qui sont les conséquences de la bonne chère, la
-transfigureront, et elle sera une compagne infiniment plus agréable
-qu’une fille belle, froide, et rassasiée dès le potage.
-
-Si le mari qui rentre chez lui, las de sa journée, trouve un repas
-négligé, un de ces dîners dont s’est occupée toute seule une servante,
-il est perdu.
-
-La vie ne lui réservera que déboires. Après un bouillon rapidement
-bâclé, trop chaud ou trop froid, plein de grumeaux et sentant le
-graillon, l’affaire qui le tourmente n’aura aucune chance d’aboutir
-selon ses désirs.
-
-S’il a l’impression de manger le poisson sur un évier, et le rôti sec et
-la salade assaisonnée avec trop de sel et trop de vinaigre, il ne peut
-réussir ce qu’il entreprendra le lendemain, et la nuit qui suit un dîner
-sans harmonie ne peut pas être heureuse.
-
-Mais aucun des soucis que nous traînons avec nous ne résistera à
-l’onction d’un bon potage, au morceau de bœuf dont le sang gicle sous le
-couteau, au velours d’une crême simple et parfaite.
-
-Ce n’est pas moi qui blâmerai le
-
-[Illustration]
-
-célibataire qui épouse sa cuisinière. De tous les mariages de raison,
-celui-là est peut-être le plus raisonnable.
-
-De la table au lit il n’y a qu’un pas et on le franchit sans effort.
-
-Il est à remarquer que les premiers désirs des jeunes hommes vont aux
-cuisinières bien en chair.
-
-L’amour des maigreurs distinguées ne vient que plus tard, mais la
-première impression est toujours la meilleure et la plus vraie.
-
-Quel est l’adolescent qui n’a pas imaginé le paradis comme une cuisine
-voluptueuse aux buffets pleins de volailles à la gelée, et dont les culs
-de casseroles, polis et clairs ainsi que des miroirs, reflétaient une
-accorte fille à la croupe dodue, aux mollets rebondis, aux bras chauds
-et aux seins ronds, en train d’ôter une chemise rustique?
-
- * * * * *
-
-Si les fiancés pouvaient observer leurs futures à l’heure des repas,
-cela éviterait bien des malentendus et des divorces.
-
-En tout cas, si j’avais quelques conseils à donner aux jeunes hommes, je
-leur dirais:
-
---Ne demeurez pas là, extasiés comme des benêts, à regarder ses dents
-quand elle boit et à vous demander par quel miracle le pain qu’elle
-avale, le gigot froid, les pommes de terre, la salade, la confiture et
-les gâteaux secs vont se changer en roses et en lys sur ce visage que
-vous convoitez.
-
-Examinez-la calmement.
-
---Elle a bon appétit, mais ne se hâte point. Elle prend son temps et
-elle mange posément, accueillant également tous les plats sans y revenir
-jamais?...
-
-Elle est sérieuse, patiente et dévouée. Epousez-la. C’est la compagne
-des bons et des mauvais jours, celle qui ne choisira pas ailleurs et qui
-ne désirera jamais que ce qu’elle possède.
-
---Elle a un gros appétit, et elle se hâte comme si elle était pressée
-par l’heure d’un train, dans un buffet de gare. Elle est joyeuse
-cependant et de bonne humeur. Elle sourit franchement entre deux
-bouchées?...
-
-Si vous êtes sûr de vous, vous aurez là une femme excellente, un peu
-ronde et brusque; son amour sera peut-être légèrement tyrannique, mais
-il sera, aussi, robuste et solide.
-
-Souvenez-vous, par exemple, qu’elle reprend toujours d’un plat qui lui a
-plu...
-
---Elle déchiquette sa côtelette comme un poisson pour n’en sucer que
-l’os; elle cherche, de la pointe de son couteau, une boulette de
-moelle?
-
-Méfiez-vous. Elle est chicanière et soupçonneuse, jalouse aussi. Elle
-fouillera dans vos poches quand vous changerez de veston...
-
---Elle met de chaque côté de son assiette, soigneusement, à gauche la
-mie de pain, à droite la croûte?
-
-Vous ne la connaîtrez jamais complètement. Elle est ambiguë, méthodique,
-froide et secrète. Le mariage, pour elle, comporte trois cérémonies: à
-la mairie, à l’église et au tribunal où se prononce le divorce.
-
---Si elle prend la cuisse d’un poulet rôti, épousez-la.
-
-Elle n’est pas très délicate, mais elle est simple, bien portante et
-sans détours. Elle marchera toujours sur la bonne route...
-
-Si j’avais fait métier d’écrire, j’aurais sûrement composé un curieux
-ouvrage sur la cuisine...
-
- * * * * *
-
-Demain, elle existera!...
-
-C’est dans ce pays que j’ai vu, pour la première fois, une femme nue. Je
-crois que peu d’adolescents ont été aussi favorisés que moi et c’est le
-souvenir le plus prodigieux de ma quinzième année.
-
-J’étais un enfant studieux, sage et maladif, et, pendant les vacances,
-mes seules distractions étaient la pêche et la lecture des poètes
-romantiques.
-
-Un après-midi que je lisais les _Orientales_, sous un arbre, une petite
-charrette anglaise passa sur la route et un jeune homme vêtu de blanc me
-fit un salut amical.
-
-J’allai à lui, à travers le parc.
-
-C’était mon ami de classe Alexandre Boreuil, le fils d’un antiquaire de
-la place du Forum que l’on disait fort riche.
-
-Je lui offris de se rafraîchir, mais il refusa, craignant d’être en
-retard. Il avait une course à faire à quelques kilomètres, et il me
-désigna une place à côté de lui, sous le tendelet de toile écrue qui
-faisait une ombre claire à sa voiture.
-
-Il allait, me confiait-il, porter un antique objet d’art au propriétaire
-d’un château des environs dont j’avais vaguement entendu parler.
-
-Je savais que ce voisin, fort bizarre et solitaire, vivait au milieu
-d’admirables collections, et j’acceptai la place que m’offrait
-Alexandre.
-
---Vous devez vous ennuyer? commença-t-il.
-
---Mais non, répondis-je, et je tirai les _Orientales_ de ma poche.
-
-Il ouvrit le bouquin, déclama une strophe, éclata de rire, et il écrasa,
-en refermant le volume, une abeille qui semblait butiner les vers.
-
-Il arrêta son cheval devant une petite porte en bois épais, toute
-cloutée de bronze.
-
-Le bouton de la sonnerie disparaissait sous le feuillage, et il nous
-fallut le chercher entre les luisantes feuilles bleues d’un feston de
-lierre.
-
-La porte s’ouvrit et Alexandre, ayant attaché son cheval et entravé les
-roues, prit, en portant le précieux objet dans une boîte, un sentier
-plein de mousse, sous des arbres de Judée.
-
-Je le suivais, et nous aperçûmes brusquement le château.
-
-Une vieille servante guida mon ami,--car je demeurai sur la terrasse,--à
-travers un immense vestibule, vers un salon que j’apercevais devant moi
-et qui devait servir de bibliothèque.
-
-Quatre portes-fenêtres étaient ouvertes sur le jardin, et les vieux
-arbres et les stores de toile jaune tamisaient à souhait l’ardente
-lumière.
-
-Un homme était assis au milieu de la vaste pièce. Il paraissait
-quarante-cinq ans. Une crinière grise et drue, rejetée en arrière; une
-barbe épaisse, aux boucles distinctes comme celles des bronzes antiques,
-en faisait un être d’un grand caractère.
-
-On imaginait au fond du parc une victoria vernie, avec un cocher
-solennel.
-
-[Illustration]
-
-Je vis entrer Alexandre. Il tendait sa boîte à l’homme qui coupa les
-ficelles et tira, du coton qui l’enveloppait, un petit Bacchus
-d’ivoire. Du plat de sa main velue, il caressait la statuette, comme un
-voluptueux caresse l’épaule bien potelée d’une maîtresse.
-
-Lorsqu’il se leva, Alexandre prit congé, mais il s’égara sans doute dans
-les couloirs, car il fut un assez long moment sans paraître.
-
-C’est alors que j’eus la révélation de la femme.
-
-Une grande fille entra, blonde, élancée, robuste et nue. Elle n’avait
-aux pieds que des sandales retenues aux chevilles par des bandelettes
-dorées, et un peigne d’écaille à son chignon.
-
-Dans les clartés adoucies et tranquilles de l’immense salon plein de
-livres, de marbres et de miroirs, elle allait sans gêne, habituée
-certainement à vivre ainsi. Elle s’assit, croisa ses longues jambes
-blanches et prit le petit Bacchus pour l’examiner. Puis, elle arrangea
-sa coiffure dans une glace et, me tournant le dos, quitta le salon, les
-bras arrondis sur sa tête et pareille à une grande amphore d’albâtre. Je
-ne racontai pas cela à mon ami, et j’appris ensuite que cet homme était
-un singulier original, vivant seul avec cette femme nue, dans ce château
-où personne ne venait jamais.
-
- * * * * *
-
-Elle existe!... Ah! la chose n’a pas été commode... J’ai ouvert la boîte
-dans l’ombre, j’ai développé la toile sur mon lit, mais avant de lui
-donner la vie avec ce qui me reste de souffle, je l’ai habillée d’un
-peignoir de soie chinoise, j’ai mis des bas à ses jambes plates et je
-l’ai chaussée, comme j’ai pu, de mules blanches... Je l’ai vue naître
-
-[Illustration]
-
-par degrés... L’étoffe s’est soulevée lentement, un pied s’est
-brusquement étiré, et son visage clair s’est tourné vers moi avec ses
-yeux immobiles, étonnés et extasiés. Je l’ai coiffée d’un bonnet de
-dentelles et je suis resté près d’elle, en lui tenant la main, et je lui
-ai dit:
-
-«--Tu n’es rien sans doute qu’une illusion, mais que sont les plus
-grandes amours?
-
-[Illustration]
-
-«Telle femme pour qui un amant désespéré s’est tué n’aurait pas obtenu
-un seul baiser d’un autre homme. L’amour est en nous, il n’est pas
-nécessaire que celle qui en est l’objet le partage. Le vieux Shakespeare
-a dit que l’amour et la beauté étaient dans l’œil du contemplateur et
-qu’ils naissent du regard qui sait transfigurer la matière.
-
-«Tu n’es qu’une énorme bulle que j’ai soufflée, mais il en est de même
-de tout ce que nous imaginons.
-
-«Ecoute, je n’ai pas de secrets pour toi. J’ai été pris, il y a quelques
-années, par une fille rencontrée dans un café. A présent qu’il n’y a
-plus autour de son image l’atmosphère que je créais, je puis affirmer
-qu’elle était ignoble.
-
-«Ses cheveux teints étaient une filasse décolorée, sa gorge était
-dévastée, et je mourrais de honte si je devais m’attabler encore avec
-elle dans les restaurants où elle m’entraînait et où elle mangeait comme
-un maçon, en persécutant de ses œillades les hommes qui dînaient seuls.
-
-«Eh bien, je la transfigurais. Je faisais de sa fausse chevelure une
-toison de courtisane médicéenne et de dogaresse, et la poitrine de
-marbre des Vénus me semblait fade à côté des deux gourdes molles que
-j’embrassais, pendant qu’elle gloussait comme une poissarde chatouillée.
-
-«Les grandes héroïnes n’ont sans doute existé que dans le cœur éperdu de
-ceux qui les aimèrent. La divine, la pure Laure que chanta Pétrarque
-était une jeune femme qui couchait toutes les nuits avec son mari, le
-sieur de Sade, un rude gentilhomme peu lavé qui devait ronfler après
-avoir fait l’amour comme un soudard.
-
-«Laure accomplissait peut-être sans joie ces devoirs conjugaux, et je
-crois volontiers qu’elle avait plus de noblesse et d’allure que Tata--ma
-maîtresse était connue sous ce nom imbécile--mais je crois aussi que,
-pendant quelques mois, je fus un plus grand poète que l’altissime
-sonnetiste qui célébra la dame de Vaucluse, parce que transfigurer ce
-chameau demandait beaucoup plus de dons poétiques et d’idéalisme.
-
-«Certains soirs, le foulard ou le velours de sa jupe qui avait balayé
-toutes les banquettes du café me semblaient tissés d’une surnaturelle
-soie, et je sentais mille cœurs battre dans ma poitrine quand elle
-m’enlaçait négligemment de ses bras qui avaient traîné partout.
-
-«Tu es aussi réelle a présent que toutes les femmes que j’ai possédées
-et qui ne m’aimaient pas, celles dont l’amant qui n’arrive pas à les
-émouvoir est
-
- «_comme un musicien_
- «_Tourmentant le clavier d’un clavecin sans cordes_...»
-
-«Je ne peux te donner un nom. A mon gré, lourde et parfumée de musc, tu
-seras
-
-[Illustration]
-
-la fille du Sud qu’on trouve près du vieux port et qui vous entraîne
-dans une maison obscure et moisie. Elle sent les coquillages, le soleil
-et l’eau croupie où meurent les poissons. Une chandelle éclaire sa
-mansarde chaude dont la croisée donne sur un bassin plein de navires. Le
-matelot à peu près ivre qu’elle a ramené ne saurait y reconnaître le
-sien. Il est allongé sur le grabat et il regarde cette femme qu’il ne
-connaît pas. Elle a dans son chignon massif un œillet qu’a flétri le
-parfum trop fort de ses cheveux gras. Elle marche vers la couche, nue,
-robuste, et son corps splendide et dur qu’a glacé la sueur montre, dans
-l’ombre où clignote la bougie, des seins flétris, et son amour ressemble
-à une brutale rixe...
-
-«Tu seras, si je le désire, une jeune femme du Nord, blonde, docile et
-molle. Pendant le silence cruel d’une nuit de gel sur la mer ou
-brillent des îlots de glace, ton corps chaud frissonnera à peine quand
-je l’étreindrai sous les couvertures... Tu deviendras tour à tour la
-belle poitrinaire qui consume d’amour ses derniers jours, sous les
-eucalyptus de la villa; la jeune fille du château qui a donné
-rendez-vous au fils du jardinier; la petite bourgeoise qui trompe le
-notaire avec le soldat qu’elle loge; la pierreuse qui vous pousse, une
-nuit de pluie, vers son hôtel, à travers une rue dont le trottoir luit
-comme de l’ébène mouillé... Tu seras toutes les femmes: la chaste
-pupille aux tresses blondes de l’anabaptiste et la cadette déjà grasse
-et ambrée du rabbin; la jeune duchesse svelte, pâle et mélancolique; la
-brute foraine aux poignets garrottés de cuir, aux jarrets épais qui
-lutte avec des hercules efflanqués; la Hollandaise aux bras de lait et
-de roses; la Chinoise
-
-[Illustration]
-
-qu’éclaire une ronde lanterne de papier; la créole qui fume un cigare
-parmi les cannes à sucre; l’alerte modiste qu’on a connue avenue de
-l’Opéra; la bergère en sabots dont le baiser a l’odeur fraîche d’une
-pomme sous une averse de septembre; la blanche et froide lady qui porte
-à son col de cygne des perles de vice-reine; la nouvelle épousée
-défaillante et timide, et la veuve de trente ans qui croyait se consoler
-en allant au mois de Marie...
-
-«A ce soir... J’allumerai les flambeaux d’argent dans cette belle
-chambre qui est désormais la tienne, au milieu du parc sauvage où nous
-serons seuls comme au cœur vierge d’un éden...»
-
- * * * * *
-
-Je posai mon cigare éteint dans le plateau et j’achevais la bouteille
-que M. Olivier Camors aurait peut-être entamée, lorsque le valet de
-chambre entra.
-
---Eh bien, monsieur, vous avez terminé votre lecture... qu’en
-dites-vous? C’est fort curieux, n’est-ce pas? Le journal de mon défunt
-maître s’arrête là; il n’a pas soupé avec la demoiselle en baudruche,
-puisqu’il est mort au cours de l’après-midi, vers quatre heures, et
-brusquement.
-
-Quand je dis brusquement, je me trompe; il agonisait depuis son arrivée
-à la Tremblée. Enfin, quoi qu’il en soit, il est mort l’après-midi du
-jour où il écrivit ces dernières lignes et il ne put exécuter aucun de
-ses projets galants. Triste! J’ai connu quelques histoires semblables
-d’hommes qui attendirent une femme aimée pendant longtemps et qui
-disparurent avant d’avoir pu savoir le goût de sa peau.
-
-S’il y avait eu quelque chose entre eux, je ne l’aurais pas gardée, vous
-pouvez me croire. Ah! non, par exemple, je ne l’aurais pas gardée! Je
-suis vieux, il y a longtemps que j’ai renoncé à toutes les
-plaisanteries, mais celle-là... non celle-là est trop forte... Venez,
-monsieur, je l’ai descendue du grenier, elle est dans le corridor et en
-plein courant d’air; si quelque fenêtre s’ouvrait... Avec ce temps c’est
-dangereux parce que...
-
-Il n’acheva pas sa phrase.
-
-Un formidable coup de vent inclina les branches des arbres qui
-balayèrent la façade et nous entendîmes un bruit de vitres brisées et de
-croisée qui se referme trop fort.
-
-Je courus derrière le vieillard qui se hâtait, et nous arrivâmes sur le
-perron juste à temps pour voir s’envoler, comme un ballon d’enfant, la
-maîtresse de feu M. Olivier Camors.
-
-Elle était nue, avec des bas blancs et des pantoufles, car le vent de
-l’orage qui éclatait avait dû arracher son peignoir.
-
-A la hauteur du toit, elle bascula et fit un plongeon. J’aperçus sa tête
-souriante aux yeux immobiles et extasiés. Elle avait perdu son bonnet et
-elle ressemblait à une de ces jeannettes de carton colorié sur
-lesquelles les anciennes modistes essayaient leurs coiffes. Elle
-dansait, se redressait, tanguait, les seins gonflés et son corps était
-d’un blanc de plâtre légèrement teinté de rose.
-
---Est-elle godiche? dit le domestique effaré.
-
-Elle dépassa la cime rebroussée et furieuse d’un vieux marronnier, et
-les remous et les courants aériens, qui devaient être plus violents et
-plus rapides, l’enlevèrent, lui firent faire deux ou trois bonds si
-prodigieux qu’elle ne fut bientôt plus à mes yeux qu’une poupée de
-petite fille dans un ciel tumultueux parsemé de feuilles mortes.
-
---Elle est capable d’aller relancer mon ancien maître jusqu’au paradis,
-murmura le vieux serviteur goguenard, sans la quitter des yeux...
-
-Plus haut que les plus lointaines hirondelles, elle ne fut bientôt qu’un
-point tremblant, une bulle affolée et, s’il est vrai que les âmes
-mettent un temps assez long avant de quitter les lieux où elles furent
-affranchies, celle de l’étrange mort dut voir passer la femme qu’il
-avait animée de son dernier souffle et qui s’en allait charmante,
-puérile, maladroite et ridicule, dans l’infini...
-
-[Illustration]
-
-
-
-
-[Illustration]
-
-
-
-
-OUVRAGES
-
-DU MÊME AUTEUR
-
-
-LA MAISON DU POÈTE Poésies
-LES ISOLEMENTS --
-JACQUES Roman en vers
-ORCHESTRES Poésies
-LES HEURES DÉCHIRÉES Notes
-FRANÇOIS PAIN, GENDARME --
-L’ABDICATION DE RIS-ORANGIS Roman
-L’HEURE DES TZIGANES Théâtre
-LES BONAPARTE --
-LES CHARMETTES --
-LA LUMIÈRE DU SOIR --
-THÉOPHILE GAUTIER Étude
-L’APRÈS-MIDI CHEZ L’ANTIQUAIRE (_L’Édition_).
-
-
-_A paraître_:
-
-LE DIMANCHE AVEC PAUL CÉZANNE (_L’Édition_).
-PARIS MORT ET VIF...
-LA JOURNÉE DU CÉLIBATAIRE (_L’Édition_).
-LA TRAHISON D’EURYDICE Roman
-MONSIEUR LE CURÉ --
-ART POÉTIQUE Poésies
-LE DIMANCHE DE L’AMATEUR.
-
-[Illustration]
-
-
-ACHEVÉ D’IMPRIMER LE VINGT-CINQ AVRIL MIL NEUF CENT VINGT-CINQ, SUR LES
-PRESSES DE COULOUMA, MAITRE IMPRIMEUR A ARGENTEUIL, H. BARTHÉLEMY ÉTANT
- DIRECTEUR, POUR LE COMPTE DE G. BRIFFAUT, ÉDITEUR A PARIS.
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-This eBook is for the use of anyone anywhere in the United States and
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-
-<div style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:1em; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Title: La Poupée</div>
-
-<div style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:1em; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Author: Léo Larguier</div>
-
-<div style='display:block; margin-top:1em; margin-bottom:1em; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Illustrator: Chas Laborde</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>Release Date: February 23, 2021 [eBook #64614]</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>Language: French</div>
-
-<div style='display:block; margin:1em 0'>Character set encoding: UTF-8</div>
-
-<div style='display:block; margin-left:2em; text-indent:-2em'>Produced by: Laurent Vogel, Chuck Greif and the Online Distributed Proofreading Team at https://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at http://gallica.bnf.fr)</div>
-
-<div style='margin-top:2em; margin-bottom:4em'>*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LA POUPÉE ***</div>
-<hr class="full" />
-
-<div class="figcenter">
-<a href="images/cover.jpg">
-<img src="images/cover.jpg" height="550" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p class="c">LÉO LARGUIER</p>
-
-<h1><span class="redd">LA POUPÉE</span></h1>
-
-<p class="c"><i>DESSINS DE CHAS LABORDE</i><br /><br /><br />
-<img src="images/colophon.jpg"
-width="150"
-alt=""
-/>
-<br /><br /><br />
-
-COLLECTION<br />
-<span class="redd">“LA ROSE ET LE LAURIER”</span><br />
-<i>G. BRIFFAUT, Éditeur</i><br />
-4, RUE DE FURSTENBERG, PARIS</p>
-
-<p class="c">LA POUPÉE<br /><br /><br />
-<small>IL A ÉTÉ TIRÉ DE CE VOLUME:</small></p>
-
-<p class="hang">10 exemplaires sur japon impérial contenant un dessin original de
-l’artiste et une suite en noir, numérotés de 1 à 10.</p>
-
-<p class="hang">10 exemplaires sur japon impérial contenant un dessin original de
-l’artiste, numérotés de 11 à 20.</p>
-
-<p class="hang">750 exemplaires sur vélin, numérotés de 21 à 770.</p>
-
-<p class="c"><span class="smcap">Exemplaire Nº 133</span></p>
-
-<hr />
-
-<p class="c">LÉO LARGUIER</p>
-
-<h1>LA POUPÉE</h1>
-
-<p class="c">DESSINS DE<br />
-CHAS LABORDE<br />
-<br />
-<img src="images/colophon1.jpg"
-width="400"
-alt=""
-/>
-<br />
-<br />
-<i>COLLECTION DE<br />
-“LA ROSE ET LE LAURIER”</i><br />
-G. BRIFFAUT, <span class="smcap">Éditeur</span><br />
-4, RUE DE FURSTENBERG, PARIS (VIᵉ)<br />
-&mdash;&mdash;<br />
-M CM XXV<br />
-</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="poem"><div class="stanza">
-<span class="i0">«...<i>Tu n’as jamais été dans tes jours les plus rares</i><br /></span>
-<span class="i0"><i>Qu’un instrument banal sous mon archet vainqueur,</i><br /></span>
-<span class="i0"><i>Et comme un air qui sonne au bois creux des guitares,</i><br /></span>
-<span class="i0"><i>J’ai fait chanter mon rêve au vide de ton cœur.</i>..»<br /></span>
-</div><div class="stanza">
-<span class="i11">&nbsp; &nbsp; <span class="smcap">Louis</span> BOUILHET<br /></span>
-<span class="i12">(<i>A une Femme.</i>)<br /></span>
-<span class="pagenum"><a name="page_1" id="page_1">{1}</a></span></div></div>
-</div>
-
-<p class="nind"><span class="letra">P</span><span class="smcap">uisque</span> vous aimez les antiquaires, me dit mon ami Ange Laurentier, chez
-qui je passais cette semaine d’extrême automne, allez donc jusqu’à la
-Tremblée; on m’a affirmé que le fou qui habitait, ou plus exactement,
-qui se cachait dans ce pavillon délabré, était mort et qu’il laissait
-tout son bien à un valet de chambre.</p>
-
-<p>Je crois que cet héritier doit vouloir vendre ce bric-à-brac; et vous y
-ferez peut-être des découvertes intéressantes.</p>
-
-<p>On aperçoit de la route la maison et les grands arbres qui l’abritent.
-<span class="pagenum"><a name="page_2" id="page_2">{2}</a></span>Vous ne pouvez pas vous tromper. Vous sonnerez à une petite porte
-peinte en vert.</p>
-
-<p>La Tremblée, où vivait, si l’on peut dire, M. Olivier Camors, est à
-trois kilomètres d’ici, et ce sera l’occasion d’une promenade
-charmante...</p>
-
-<p>Je partis, lorsque nous eûmes déjeuné, persuadé que ce vieux serviteur
-ne me laisserait point pénétrer dans le domaine abandonné, et je ne me
-hâtais pas, goûtant l’après-midi d’automne comme une immense symphonie
-en or majeur.</p>
-
-<p>De la route que je suivais, bordée de peupliers sensibles, presque
-dépouillés, aux coteaux qui fermaient l’horizon, je pouvais admirer les
-jaunes légers, les ocres, les rouges sanguins, les fauves dorures et les
-pourpres, toutes les nuances et toutes les teintes de la saison.</p>
-
-<p><span class="pagenum"><a name="page_3" id="page_3">{3}</a></span></p><p>Mon ami n’avait pu me donner aucun renseignement précis touchant cet
-Olivier Camors qui, après une vie passablement remplie, était venu
-s’enterrer à la Tremblée. Il ne savait que ce qui circulait dans le
-pays: de vagues racontars, inexacts sans doute, puisque nul n’avait
-franchi les murs de cette propriété ruinée et que le valet de chambre,
-aussi mystérieux que son maître, ne parlait à personne et ne sortait
-guère que pour faire quelques provisions au chef-lieu.</p>
-
-<p>On savait à peu près son âge. Il avait été capitaine et blessé, en 1915,
-aux attaques de Champagne.</p>
-
-<p>Ange Laurentier, qui l’avait entrevu à la gare, avait gardé le souvenir
-d’un homme svelte et d’une beauté remarquable, mais très fatigué. Le
-pavillon était inhabité depuis des années lorsqu’il était arrivé, et il
-avait fallu que son domestique escaladât<span class="pagenum"><a name="page_4" id="page_4">{4}</a></span> le mur pour arracher les
-ronces et la vigne vierge qui, ayant poussé derrière la porte,
-l’empêchaient de s’ouvrir.</p>
-
-
-<div class="figcenter" style="width: 480px;">
-<a href="images/illu-012.jpg">
-<img src="images/illu-012.jpg" width="480" height="324" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p>Un ouvrier, qu’on avait appelé pour réparer les gouttières et poser des
-tuiles au toit, n’avait vu que le vieux serviteur et il n’était pas
-entré dans la maison. C’est tout ce que j’avais pu apprendre, et
-personne ne savait autre chose. Il n’y avait aucune sonnette à la petite
-porte verte que cachaient presque jusqu’à la serrure des retombées<span class="pagenum"><a name="page_5" id="page_5">{5}</a></span> de
-glycines et les branches qui couronnaient le mur.</p>
-
-<p>On eût pu croire qu’une dame en crinoline venait de la refermer derrière
-elle.</p>
-
-<p>Je frappai fortement du bout de mon bâton...</p>
-
-<p>Contre toute attente, une clé grinça presque immédiatement dans le pêne,
-et un vieil homme au visage glabre et fripé, en tricot de laine, avec
-une calotte étoffée de Scapin, apparut dans l’entre-bâillement.</p>
-
-<p>Je n’avais préparé aucune phrase astucieuse et je fus obligé de dire
-franchement que je savais que la maison contenait de vieux meubles et
-des toiles anciennes et que rien au monde ne m’intéressait plus que
-cela.</p>
-
-<p>Le valet de chambre me regarda de son œil froid, tout embrumé et couleur
-d’étain.</p>
-
-<p>&mdash;Antiquaire, dit-il, ou artiste?<span class="pagenum"><a name="page_6" id="page_6">{6}</a></span></p>
-
-<p>Je sentais que, selon ma réponse, la porte verte allait se refermer pour
-toujours.</p>
-
-<p>&mdash;Artiste, répondis-je assez décontenancé.</p>
-
-<p>Il souleva son bonnet et s’effaça pour me laisser entrer.</p>
-
-<p>&mdash;Veuillez me suivre, fit-il, je n’ai pas l’intention d’habiter plus
-longtemps cette maison et je ne suis pas fâché de la montrer à un
-connaisseur, avant mon départ.</p>
-
-<p>Il referma soigneusement la porte derrière lui.</p>
-
-<p>Le parc sauvage où je pénétrai était retourné à la nature, et, à travers
-ce prodigieux fouillis végétal, le vieillard se dirigea vers des herbes
-foulées, indiquant sans doute le chemin qui devait conduire à la maison.
-Elle apparut à un tournant comme enchâssée dans les arbres gaufrés d’or
-par l’automne.<span class="pagenum"><a name="page_7" id="page_7">{7}</a></span></p>
-
-<p>Les marches du perron étaient disjointes et l’herbe poussait drue dans
-leurs fentes.</p>
-
-<p>Tous les volets étaient clos.</p>
-
-<p>On songeait à ces vieilles demeures où moururent d’une maladie de
-langueur, parce que leur fiancé avait été tué dans un duel, de
-touchantes et poétiques jeunes filles appelées Adélazie ou Aloïda, qui
-portaient des mitaines et des repentirs, et qui lisaient au crépuscule
-un livre de M. de Lamennais, s’interrompant pour faire le signe de la
-croix, quand l’angélus venant d’une lointaine chapelle passait, ainsi
-qu’un ange, sur les murailles couvertes de lierre et de pariétaires.</p>
-
-<p>Le vieux serviteur qui me précédait poussa un battant du portail massif
-et me fit entrer dans le corridor obscur qui avait une odeur de cave, de
-fruits, de murs humides et d’ombre.<span class="pagenum"><a name="page_8" id="page_8">{8}</a></span></p>
-
-<p>Je pénétrai derrière lui dans la bibliothèque.</p>
-
-<div class="figleft" style="width: 155px;">
-<a href="images/illu-016.jpg">
-<img src="images/illu-016.jpg" width="155" height="332" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p>Une branche qui avait brisé les vitres empêchait la fenêtre de se fermer
-complètement, et j’aperçus dans le jardin dévasté un arbuste coiffé d’un
-chapeau de jardinier, au cœur d’une minuscule corbeille.</p>
-
-<p>&mdash;Cette pièce a beaucoup souffert, me dit mon guide. Elle était depuis
-longtemps dans cet état quand nous sommes arrivés à la Tremblée. Voyez,
-il n’y a plus rien, l’humidité et les bêtes ont tout mangé.</p>
-
-<p>Il atteignit un livre sur un rayon.</p>
-
-<p>Le cuir glacé d’or éteint semblait à peu près intact, mais quand je
-l’eus ouvert, je m’aperçus qu’il était creux comme ces fruits<span class="pagenum"><a name="page_9" id="page_9">{9}</a></span> dont les
-insectes ont rongé la pulpe sous la peau desséchée.</p>
-
-<p>Il n’y avait plus, contre le dos de la reliure, qu’une poignée de bourre
-blanchâtre, pareille à du coton taché de rouille.</p>
-
-<p>C’était une très belle édition des œuvres de Léonard et je découvris un
-bout de feuillet sur lequel je pus encore lire ces vers qui devaient
-faire partie de quelque <i>Temple de Gnide</i>:</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="poem"><div class="stanza">
-<span class="i0">«... <i>Des remparts de Corinthe il vint trente beautés</i><br /></span>
-<span class="i0"><i>Dont les cheveux croulaient en boucles ondoyantes;</i><br /></span>
-<span class="i0"><i>Dix autres qui n’avaient que des grâces naissantes,</i><br /></span>
-<span class="i0"><i>Venaient de Salamine et comptaient treize étés</i>...»<br /></span>
-</div></div>
-</div>
-
-<p>J’en examinai quelques autres.</p>
-
-<p>Tous paraissaient souffrir des plus affligeantes maladies de peau.</p>
-
-<p>Voltaire avait un eczéma, Diderot des moisissures bleuâtres, J.-J.
-Rousseau des dartres farineuses.<span class="pagenum"><a name="page_10" id="page_10">{10}</a></span></p>
-
-<p>Les livres aux couvertures claires étaient vert-de-grisés comme des
-cuivres, les vélins ivoirins et roides étaient cariés comme des dents,
-les petits poètes du <small>XVIII</small>ᵉ siècle avaient des reliures éraflées et
-griffées ainsi que des souliers légers égratignés par les ronces.</p>
-
-<div class="figcenter" style="width: 488px;">
-<a href="images/illu-018.jpg">
-<img src="images/illu-018.jpg" width="488" height="326" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p>Je remis moi-même le livre creux à sa place, sur la planchette
-vermoulue, et je feuilletai un album plein de pensées, de mauvais vers
-et de fleurs sèches qui avait dû<span class="pagenum"><a name="page_11" id="page_11">{11}</a></span> appartenir à quelque ancienne jeune
-fille.</p>
-
-<p>&mdash;On a tout laissé périr, monsieur, reprit mon guide. Je dois vous dire
-cependant que ce n’est pas mon maître qui est responsable; il a trouvé
-presque toute la maison dans cet état. Il y en avait sans doute pour
-beaucoup d’argent. Je lui ai entendu conter qu’un de ses parents, M.
-d’Herbaupair, avait eu la manie des collections, mais vous allez voir ce
-que sont devenus ces trésors.</p>
-
-<p>Les tableaux étaient dans un cabinet où il a plu pendant trente ans, et
-ils sont pareils aux livres... Si vous désirez les voir?...</p>
-
-<p>Je le suivis dans une autre salle.</p>
-
-<p>Il ouvrit les volets avec quelque difficulté.</p>
-
-<p>Des cadres, dont la dorure était devenue noire, ne montraient que des
-peintures effacées.</p>
-
-<p>Les vagues choses qui restaient encore<span class="pagenum"><a name="page_12" id="page_12">{12}</a></span> étaient bien faites pour donner
-des regrets éternels à un homme épris de tableaux anciens.</p>
-
-<p>Ce pan de ciel bleu-vert, au coin d’une baguette, ne pouvait avoir été
-peint que par Guardi, au-dessus des vieux palais qu’il aimait et que
-doublait l’eau d’un canal italien. Je vis le pied d’un verre dont le
-cristal n’avait pu être poli que par Chardin; et il y avait eu là des
-toiles inconnues de Watteau, de Fragonard, de Largillière, de Boilly, de
-David, des pastels de La Tour, des sanguines et des dessins de Claude
-Lorrain et de Poussin.</p>
-
-<p>&mdash;A combien, monsieur, estimez-vous ce que contenaient ces cadres
-inutiles? me demanda le serviteur.</p>
-
-<p>Effaré, je haussai les épaules.</p>
-
-<p>&mdash;Je ne sais pas exactement, balbutiai-je, à plus d’un million,
-certainement.<span class="pagenum"><a name="page_13" id="page_13">{13}</a></span></p>
-
-<p>Du bout de ses doigts maigres, il se gratta la tête sous le bonnet de
-Scapin, et ses lèvres sèches esquissèrent une grimace.</p>
-
-<p>&mdash;Vous savez sans doute, reprit-il, que M. Olivier Camors m’a donné tout
-ce qu’il possédait. L’argent?... mon Dieu, il n’était plus très riche...
-peut-être trois mille francs de rente, ce qui, par les temps que nous
-traversons... mais il y a une seule pièce intacte dans cette maison qui
-tombe en ruine, et je veux avoir votre avis, parce que je crois que ce
-qu’elle renferme vaut plus que tout le reste. Voulez-vous
-m’accompagner?...</p>
-
-<p>Je n’avais jamais vu de plus beaux meubles du <small>XVIII</small>ᵉ siècle que ceux qui
-ornaient la chambre où il me fit entrer.</p>
-
-<p>Des tapisseries, dont les rouges étaient devenus groseille clair,
-s’encadraient dans des panneaux de bois liserés de vert tendre, et sur
-la cheminée de marbre, une pendule<span class="pagenum"><a name="page_14" id="page_14">{14}</a></span> d’écaille et deux flambeaux d’argent
-se reflétaient dans l’eau morte d’une glace, dont le trumeau était
-assurément de Boucher.</p>
-
-<p>Le lit, les fauteuils et les chaises à médaillons, les pâtes tendres
-qu’on avait peut-être fabriquées pour la reine, les soies et les étoffes
-merveilleuses, tout formait un ensemble sans une seule tache, d’une
-harmonie et d’une pureté uniques.</p>
-
-<p>&mdash;Vous êtes riche avec ceci, dis-je au vieillard qui me regardait avec
-inquiétude.</p>
-
-<p>&mdash;Oui, c’est ce que j’ai entendu dire par mon maître, mais je ne savais
-pas très bien... Pourriez-vous m’aider, me donner l’adresse d’un
-antiquaire sérieux et me dire à peu près ce que vaut tout cela?</p>
-
-<p>Je fis de mon mieux et à ma connaissance, et je compris que je lui
-rendais service.</p>
-
-<p>Il me désigna un fauteuil.</p>
-
-<p>&mdash;Voulez-vous m’attendre un moment,<span class="pagenum"><a name="page_15" id="page_15">{15}</a></span> fit-il, je voudrais vous offrir un
-verre de vin. Je crois que vous n’en aurez jamais goûté de plus vieux.</p>
-
-<div class="figright" style="width: 293px;">
-<a href="images/illu-023.jpg">
-<img src="images/illu-023.jpg" width="293" height="260" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p>Il revint au bout de quelques minutes, portant sur un plateau deux
-coupes de cristal épais et une bouteille. La poussière et les toiles
-d’araignées ne cachaient pas complètement un liquide d’un blond lumineux
-et chaud.</p>
-
-<p>Il en émietta le cachet de cire, avec précaution.</p>
-
-<p>&mdash;On n’est jamais sûr, murmura-t-il... j’espère que celui-ci sera bon
-malgré son âge, qui doit approcher du mien... Vous permettez, monsieur,
-que je me serve d’abord pour m’assurer?...</p>
-
-<p>Il se versa un doigt d’élixir doré et,<span class="pagenum"><a name="page_16" id="page_16">{16}</a></span> la tête renversée, il le huma
-longuement et le porta à ses lèvres.</p>
-
-<p>&mdash;Je pense qu’il ne vous déplaira pas, dit-il en souriant, et il emplit
-ma coupe jusqu’au bord.</p>
-
-<p>Il fallait une grande complaisance pour comprendre la saveur fanée de ce
-vin clair et dépouillé, mais je crois que, de ma vie, je n’avais bu
-pareille liqueur. J’en fis compliment au vieillard.</p>
-
-<p>&mdash;Mon maître, me répondit-il, n’en buvait presque jamais. Le matin du
-jour où il mourut, cependant, il me pria de lui en apporter un flacon.
-Il était assis, là, où vous êtes, et...</p>
-
-<p>Il se tut pendant quelques secondes.</p>
-
-<p>&mdash;Le drôle d’homme! soupira-t-il.</p>
-
-<p>Je sentis que je n’allais par tarder à recevoir ses confidences et à
-connaître un peu le mystérieux défunt.<span class="pagenum"><a name="page_17" id="page_17">{17}</a></span></p>
-
-<p>&mdash;Tenez, monsieur, reprit-il, je veux vous montrer encore quelque chose.
-Ce ne sont que des papiers, mais je suis sûr qu’ils vous intéresseront.
-J’ai un petit ouvrage à terminer et ces pages inachevées vous
-renseigneront mieux que je ne le ferais moi-même.</p>
-
-<p>Il tira un cahier d’une commode sûrement signée Riesener, et il le posa
-sur le plateau d’une table qui n’était qu’un éblouissant semis de
-marqueterie. Il approcha ma coupe et la bouteille pleine encore aux
-trois quarts, et il m’offrit un cigare hollandais qui se serait effrité
-si je l’avais serré entre mes doigts, tant il était sec de vieillesse.</p>
-
-<p>&mdash;Je vous laisse, me dit-il en refermant la porte. Vous en avez pour un
-moment, mais avec ce manuscrit, cette bouteille et ce cigare, vous ne
-vous ennuierez peut-être pas complètement.</p>
-
-<p>Autrefois, de belles chambrières offraient<span class="pagenum"><a name="page_18" id="page_18">{18}</a></span> ici des boissons froides. Il
-y en avait une surtout...</p>
-
-<div class="figcenter">
-<a href="images/illu-026.jpg">
-<img src="images/illu-026.jpg" height="550" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p>Une petite flamme dansa, me sembla-t-il, dans son œil d’étain. Je me
-versai un autre verre de vin, j’allumai le cigare et je me mis à dévorer
-les pages qu’on va lire. Je leur donne un titre qu’elles n’avaient pas
-dans le cahier, et je n’ajoute à ces curieux fragments que cette ligne
-de mon encre...<span class="pagenum"><a name="page_19" id="page_19">{19}</a></span></p>
-
-<h2><a name="II" id="II"></a>II<br /><br />
-<small>LE JOURNAL D’OLIVIER CAMORS</small></h2>
-
-<p class="r">
-<i>Avril 1920.</i><br />
-</p>
-
-<p class="nind"><span class="letra">M</span><span class="smcap">e</span> voici pour toujours à la Tremblée. J’en ai passé, hier, la petite
-porte verte, sans un regret, sans tourner la tête, comme ces fugitifs
-qui franchissent la clôture d’une trappe.</p>
-
-<p>J’admire les écrivains qui vomissent leur époque, selon l’expression de
-l’un d’entre eux, mais qui ne manquent pas un apéritif, dans les cafés
-où ils ont coutume d’aller, pas un dîner, pas une répétition générale.
-Je connais le romantisme de ces farceurs. Moi, j’ai eu le courage de
-fuir.</p>
-
-<p>Que ferais-je d’ailleurs à Paris? Il ne<span class="pagenum"><a name="page_20" id="page_20">{20}</a></span> me reste que quelques milliers
-de francs de rente.</p>
-
-<p>Ce n’est pas cela pourtant qui m’a décidé... Fini... Je ne veux voir
-personne... J’ai fait la guerre. J’ai jeté dans un tiroir les croix et
-les médailles qu’on m’y donna. J’ai vendu mes livres. Tout cela était
-inutile dans ma retraite. Les rubans et la littérature, les ragots de
-MM. de Goncourt, la roublardise facile de M. Jules Lemaître, le Parnasse
-et les histoires de la plaine Monceau, les calembredaines, les talents
-moyens, les génies assommants et les idées générales n’ont pas cours
-dans le domaine où je suis venu. Je vais refaire le monde autour de moi.
-Je vais faire la paix pour moi seul, sans traités solennels, et je me
-moque des Bulgares, ces coupeurs de nez, d’oreilles et de lèvres, et des
-Turcs et des Allemands, ces gros blonds qui sont tous<span class="pagenum"><a name="page_21" id="page_21">{21}</a></span> membres d’une
-société de tir ou de gymnastique, et je me moque aussi de cent mille
-choses que prennent au sérieux mes contemporains.</p>
-
-<p>Il n’y aura plus rien dans mes jours.</p>
-
-<p>Jusqu’à hier, je les ai remplis avec ce qu’ils appellent la vie. Ils
-étaient partagés en petites tranches étiquetées dont je respectais,
-comme tout le monde, le numérotage.</p>
-
-<p>J’y jetais des journaux et des lettres insignifiantes, des besognes que
-je croyais très importantes, des plaisirs et des obligations ridicules.
-Je prenais à peine le temps de déjeuner parce que j’attendais à quatre
-heures Thérèse ou Simone, qui ne venaient pas, et qui m’envoyaient un
-télégramme bourré des mêmes mensonges.</p>
-
-<p>Il n’y aura plus rien dans mes jours. Je suis désormais en paix...<span class="pagenum"><a name="page_22" id="page_22">{22}</a></span></p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>Je ne daterai plus ces lignes que j’écris au hasard. A quoi bon? Je dors
-mal. La solitude ne m’a pas versé encore sa divine tisane de pavots et,
-pendant toute cette nuit, j’ai encore songé à la guerre. J’ai refait les
-étapes du calvaire champenois... Nous avancions dans une ombre de
-guet-apens et notre colonne était tâtée, si je peux dire, effleurée
-maladroitement par la gerbe d’un projecteur ennemi. Nous allions
-au-dessous de cette queue de comète sinistre, faite d’une buée fauve,
-d’un poudroiement cruel, et je bronchais à chaque pas contre les troncs
-des pins coupés au ras du sol.</p>
-
-<p>Puis ce fut l’heure H qui sonna, l’instant vertigineux du bond hors des
-parallèles de départ, et la soif terrible, et une<span class="pagenum"><a name="page_23" id="page_23">{23}</a></span> odeur de place
-tumultueuse, une nuit de quatorze juillet, quand, les feux d’artifice
-tirés, il reste dans la chaleur orageuse une persistante odeur de
-poudre.</p>
-
-<p>J’ai senti de nouveau ce sournois parfum de bonbon anglais qu’exhalent
-les gaz lacrymogènes et je me suis débattu dans les ouates jaunes des
-autres gaz empoisonnés, de ceux que le docteur Faust fabriquait dans son
-laboratoire et qui ont fait de moi, à quarante ans, un vieillard
-toussotant qui n’a peut-être plus longtemps à souffrir.</p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>J’ai trouvé un vieil atlas de géographie qui portait sur sa couverture
-fanée ce nom: Palmyre d’Herbaupair.</p>
-
-<p>C’était la sœur de ma mère, et elle mourut à la Tremblée; elle se tua au
-fond du<span class="pagenum"><a name="page_24" id="page_24">{24}</a></span> parc, un soir qu’elle avait grimpé sur la plus haute branche
-d’un pin, rompue sous son poids.</p>
-
-<p>Je me souviens...</p>
-
-<p>Ma tante Palmyre était une colossale demoiselle d’une trentaine
-d’années. Sa stature avait effrayé tous les épouseurs. Aucun homme n’eût
-pu offrir son bras à cette géante, qui semblait faite pour les amours
-d’un dieu ou d’un taureau mythologique.</p>
-
-<p>Immense et enfantine, elle ne s’occupait jamais à des travaux féminins,
-mais elle dévastait le parc, dénichait les corbeaux et jouait avec une
-meute de grands chiens qui l’adoraient.</p>
-
-<p>Il n’y avait pas de domestiques mâles à la Tremblée, Jean vivait à Paris
-avec mon père, et, en été, elle allait se baigner dans le bassin. Je
-sais que je la vis un jour, à<span class="pagenum"><a name="page_25" id="page_25">{25}</a></span></p>
-
-<div class="figcenter" >
-<a href="images/illu-033.jpg">
-<img src="images/illu-033.jpg" height="550" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum"><a name="page_27" id="page_27">{27}</a></span><span class="pagenum"><a name="page_26" id="page_26">{26}</a></span></p>
-
-<p class="nind">midi, alors qu’elle en sortait, ruisselante et criblée de soleil,
-presque surnaturelle dans sa formidable nudité, avec ses grands cheveux
-roux mouillés et retombant en mèches massives sur ses épaules de marbre.</p>
-
-<div class="figright" style="width: 296px;">
-<a href="images/illu-035.jpg">
-<img src="images/illu-035.jpg" width="296" height="218" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p>Elle me prit entre ses larges bras et m’emporta en courant, le visage
-serré contre sa poitrine de déesse ou de phénomène de foire.</p>
-
-<p>Etrange famille qui va finir avec moi!</p>
-
-<p>Ma mère était une mince et délicate jeune femme, toujours malade, et mon
-grand-père d’Herbaupair était un petit homme falot et chétif, qui
-n’avait eu dans sa vie qu’une passion: celle des antiquités.</p>
-
-<p>C’est lui qui rassembla tout ce que la pluie, l’humidité et plus de
-trente<span class="pagenum"><a name="page_28" id="page_28">{28}</a></span> ans d’abandon détruisirent à la Tremblée.</p>
-
-<p>Je l’aperçus une seule fois et il ne prit point garde à moi. Il ne
-s’intéressait qu’aux enfants peints par Boilly.</p>
-
-<p>Il portait un costume assez bizarre et il jouait perpétuellement avec
-une grosse loupe dont j’avais bien envie...</p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>J’ai déniché derrière une porte une peinture qui représente une vue
-ocreuse de Rome.</p>
-
-<p>Devant cette vision noble et glorieuse, cette terre fauve que ne
-déshonorent aucun pâturage, aucun bétail à l’engrais, devant les arcs
-ruinés et les aqueducs écroulés, je songe à l’épouvantable ennui que
-m’infligeait tout ce qui touchait à Rome, au temps où j’achevais mes
-classes, au collège.</p>
-
-<p>Les vertus civiques et militaires de ses<span class="pagenum"><a name="page_29" id="page_29">{29}</a></span> grands hommes, leurs mots
-historiques, leurs pompeuses attitudes me glaçaient. Je tenais les
-Romains pour un peuple de bavards, de faiseurs de routes et de lois, et
-Auguste me semblait le personnage le plus ridicule et le plus pompier de
-l’Histoire. Combien me plaisait davantage ce que j’appelais l’opposition
-orientale à la République et à l’Empire!</p>
-
-<p>J’aimais les princes efféminés qu’allait vaincre facilement quelque
-militaire de carrière, aux joues et aux lèvres bleuies par le rasoir;
-les princesses étranges qui regrettaient Ecbatane ou Césarée, la
-Bactriane et la Cappadoce, dans la ville capitale; ces belles barbares
-qui troublaient les césars et les proconsuls avec leur teint de
-fellahines et leurs parfums inconnus. Mais j’étais naturellement un
-mauvais élève, puisque je n’admirais pas ces juges de paix, ces agents
-voyers et ces briscards coloniaux...<span class="pagenum"><a name="page_30" id="page_30">{30}</a></span></p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>Je voudrais connaître mes nouveaux compagnons, les arbres qui
-m’entourent, et je ne sais le nom d’aucun.</p>
-
-<p>D’ailleurs, ils ont poussé si drus, si mêlés les uns aux autres qu’ils
-ne forment plus qu’une foule végétale.</p>
-
-<p>Je veux tout de même me familiariser avec eux...</p>
-
-<p>&nbsp;</p>
-
-<p>Ce matin, bien avant l’aube, j’ai dû fuir le lit où je n’avais pas dormi
-et aller dans le parc.</p>
-
-<p>Je suis de plus en plus sollicité par le côté mystérieux et obscur du
-monde.</p>
-
-<p>La terre avait le réveil pénible des hommes qui remontent lentement des
-gouffres du sommeil et du songe, des abîmes de la nuit.<span class="pagenum"><a name="page_31" id="page_31">{31}</a></span></p>
-
-<p>Elle avait l’air d’hésiter, il me semblait qu’elle allait lâcher un
-secret. L’aile fermée que chacun porte en soi allait-elle se déployer en
-moi?</p>
-
-<div class="figcenter" style="width: 489px;">
-<a href="images/illu-039.jpg">
-<img src="images/illu-039.jpg" width="489" height="219" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p>Mais non, chaque chose a repris sa place, le soleil s’est levé, et cette
-inquiétude infinie n’était que dans mon cœur...</p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>Un grand oiseau de mer, venant on ne sait d’où, a traversé ce soir, vers
-cinq heures, le ciel d’été, orange et mauve.</p>
-
-<p>Il allait, le cou tendu, sans un<span class="pagenum"><a name="page_32" id="page_32">{32}</a></span> frémissement de plumes dans l’azur
-tiède, comme une grande chose soyeuse et bien lancée.</p>
-
-<p>J’ai entendu le bruit d’un coup de fusil.</p>
-
-<p>Tout le monde doit en parler au village, comme si l’homme qui saigne les
-porcs, le tailleur bossu, l’épicière, l’aubergiste, les vieux qui
-tettent des pipes vides et les vieilles qui se chauffent au soleil
-avaient vu le ciel se creuser et aperçu, dans une échappée vermeille, le
-passage d’un être surnaturel...</p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>J’ai retrouvé des vers que j’écrivis en Champagne, pendant la guerre, un
-soir inhumain que je songeais au tableau de Bœcklin: <i>L’Ile des Morts</i>.</p>
-
-<p>La contrée la plus tragique et la plus désolée du monde était en avant
-de<span class="pagenum"><a name="page_33" id="page_33">{33}</a></span> Somme-Suippe; c’était un aride paysage calcaire et minéral. Tout y
-était pâle de la pâleur mortuaire des craies.</p>
-
-<p>C’est seulement au versant des astres éteints et des globes morts qu’on
-eût pu trouver ces lividités de sel et de plâtre.</p>
-
-<p>Ce coin du front était nettoyé comme un os, ce secteur blanc,
-squelettique et spectral avait l’air d’être sous un suaire. Je
-m’aperçois que ce poème maladroit est tout en rimes féminines. Cela ne
-me déplaît pas. Les rimes sourdes confèrent aux strophes une pesanteur
-étrange, mais voici cette poésie à laquelle j’ai donné le nom du
-tableau:</p>
-
-<p class="c">L’ILE DES MORTS</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="poem"><div class="stanza">
-<span class="i0">Des cyprès, des rocs blancs hors du monde... C’est l’Ile<br /></span>
-<span class="i0">Où vivent les grands morts quand ils quittent la terre;<br /></span>
-<span class="i0">Un crépuscule doux, vaporeux et tranquille<br /></span>
-<span class="i0">Y répand ses clartés de perle et son mystère.<span class="pagenum"><a name="page_34" id="page_34">{34}</a></span><br /></span>
-</div><div class="stanza">
-<span class="i0">Son bois sacré de pins, de lauriers métalliques<br /></span>
-<span class="i0">Semble attendre toujours de pures chasseresses,<br /></span>
-<span class="i0">Et dans le bleu divin des soirs mélancoliques<br /></span>
-<span class="i0">On dirait que, toujours, vont passer des druidesses.<br /></span>
-</div><div class="stanza">
-<span class="i0">Victor Hugo, vêtu de la cape marine<br /></span>
-<span class="i0">Qu’il portait à Jersey, poursuit un vaste rêve...<br /></span>
-<span class="i0">Lorsque sort Beethoven, Musset et Lamartine<br /></span>
-<span class="i0">Saluent, et le martyr de la musique lève<br /></span>
-</div><div class="stanza">
-<span class="i0">Son énorme chapeau trop enfoncé... Banville<br /></span>
-<span class="i0">Au jardin de Ronsard cueille des roses blanches<br /></span>
-<span class="i0">Et des œillets qu’il veut offrir au bon Virgile.<br /></span>
-<span class="i0">Lord Byron à Chénier dit des vers sous les branches...<br /></span>
-</div><div class="stanza">
-<span class="i0">Hésiode et Gautier ont des barbes pareilles;<br /></span>
-<span class="i0">Shakspeare et Rabelais dans l’herbe rient ensemble;<br /></span>
-<span class="i0">Dante, toujours coiffé de capuces vermeilles,<br /></span>
-<span class="i0">Sur le bras de Balzac pose sa main qui tremble.<br /></span>
-</div><div class="stanza">
-<span class="i0">Ils sont là tous, dans l’île aux lumières sereines.<br /></span>
-<span class="i0">Aucun souffle n’émeut les arbres du rivage,<br /></span>
-<span class="i0">Les heures ne fuient pas et sont élyséennes.<br /></span>
-<span class="i0">Rarement une barque aborde sur la plage.<br /></span>
-</div><div class="stanza">
-<span class="i0">C’est l’asile où tout n’est que paix harmonieuse,<br /></span>
-<span class="i0">Où la table toujours est mise sous les roses<br /></span>
-<span class="i0">Des rosiers aussi hauts que le pin et l’yeuse;<br /></span>
-<span class="i0">C’est l’Ile du silence et des apothéoses.<span class="pagenum"><a name="page_35" id="page_35">{35}</a></span><br /></span>
-</div><div class="stanza">
-<span class="i0">Mais quand passent, venant d’une affreuse bataille,<br /></span>
-<span class="i0">Dans un lourd battement d’aile vierge et meurtrie<br /></span>
-<span class="i0">Des âmes de soldats, courbant leur grande taille,<br /></span>
-<span class="i0">Gœthe et Schiller, pensifs, maudissent leur patrie...<br /></span>
-</div></div>
-</div>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>Je passe aujourd’hui l’après-midi allongé sur mon lit, à regarder le
-ciel au-dessus des arbres.</p>
-
-<p>Au plus profond, au plus intime de moi, dans ces régions intérieures où
-ne peut vivre aucun mensonge, il n’y a peut-être que le désir d’en avoir
-fini vite avec les misères que je traîne, et je me sens soulevé par
-l’espoir des grandes migrations inconnues.</p>
-
-<p>Tout arrivera sans doute comme je l’imagine.</p>
-
-<p>Un matin ou un soir, lorsque Jean entrera, il me trouvera à cette place,
-immobile et couché, tel que je le suis maintenant.<span class="pagenum"><a name="page_36" id="page_36">{36}</a></span></p>
-
-<p>Il constatera que je suis mort.</p>
-
-<p>Mort!... savent-ils ce qu’ils disent, ceux qui prononcent ce mot?</p>
-
-<p>Invisible, mon âme flottera au-dessus de tout ce qu’elle aura laissé et,
-après quelques formalités qui ne me regarderont plus, quand on aura fait
-disparaître ce... Comment dire?... Cet amas de phosphate et de matières
-ammoniacales, elle prendra son vol vers les blancs et bleus paysages
-fugitifs et changeants, que je contemple de ma croisée.</p>
-
-<p>Immense ivresse des affranchissements!</p>
-
-<p>Je parcourrai le ciel, je m’engagerai dans ces ravins d’ombre effilochée
-au penchant des collines neigeuses que composent les nuages;
-j’escaladerai des pics et des falaises d’écume, des glaciers brumeux; je
-traverserai de vaporeux défilés pour gagner des champs de neige tiède,
-des moissons<span class="pagenum"><a name="page_37" id="page_37">{37}</a></span> floconneuses. Je serai submergé par des marées,
-j’assisterai à des débâcles de nuées que je verrai fondre comme des
-blocs polaires, et je partirai vers les régions supérieures où
-n’atteignent pas les oiseaux,... puis... puis... je ne sais plus ce qui
-arrivera... Mais je passe cet après-midi dans les nuages, l’esprit
-presque délivré...</p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>Je ne suis tout de même pas assez loin du village.</p>
-
-<p>Il me semble, quand je veille, que je l’entends dormir. Une étoile se
-noie dans l’abreuvoir et la lune est derrière le clocher trapu et sans
-idéalisme de sa petite église romane.</p>
-
-<p>Je l’imagine cette nuit et l’humble<span class="pagenum"><a name="page_38" id="page_38">{38}</a></span> bourgade abrite toutes les
-situations éternisées par l’art des écrivains.</p>
-
-<p>Sous un ciel nocturne, dont la pureté religieuse fait songer à un grand
-vers bleu sombre de Virgile, autour de cette place provinciale pareille
-à celles où Coppée fit rêver de poétiques receveurs de l’enregistrement,
-un héros ou une héroïne littéraires habitent dans chaque maison.</p>
-
-<p>Ici, vit le <i>Père Goriot</i>, de Balzac; là, <i>Eugénie Grandet</i> range le
-linge qu’elle a elle-même lavé, tandis que l’avare <i>Grandet</i> recompte
-ses billets. Derrière le géranium de telle croisée, relisant une lettre
-de <i>Vincent</i>, il y a <i>Mireille</i>, blanche de la blancheur ardente des
-camélias. <i>Léon</i>, le clerc de notaire qui passe dans le roman de
-Flaubert, songe à Paris, aux actrices, aux salons, en parcourant des
-échos mondains dans un journal. <i>Emma Bovary</i> tourne le dos à son<span class="pagenum"><a name="page_39" id="page_39">{39}</a></span> mari
-qui semble tirer, en dormant, sur le tuyau d’une invisible pipe car il
-dort, avec cette croupe chaude à portée de sa main... Dans des chambres
-obscures ronflent les paysans de Zola. Un vieux, dont on convoite
-l’héritage, est secoué par une crise d’asthme pendant que son fils, qui
-préférerait dormir, est obligé de besogner sa grosse femme qui fait
-craquer le lit, sans se soucier de son beau-père ni de son dernier né
-qui braille, travaillé par la dentition ou la colique. Et les cochons
-grognent dans les étables, et les rats volent du lard dans les buffets.
-Quelle farce obscure et monotone emportée autour du soleil à une vitesse
-de quatre cent douze lieues par minute!...</p>
-
-<div class="figright" style="width: 239px;">
-<a href="images/illu-047.jpg">
-<img src="images/illu-047.jpg" width="239" height="290" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum"><a name="page_40" id="page_40">{40}</a></span></p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>Le vent a emporté un journal dans le parc.</p>
-
-<p>Sa première page était étalée bien à plat, sur l’herbe. Je n’avais qu’à
-me pencher pour lire et je ne l’ai pas fait.</p>
-
-<p>Que m’aurait-il appris?</p>
-
-<p>Je sais ce qu’il contenait sans l’avoir regardé: on doit toujours se
-battre en Orient, et la famine et le choléra occupent sérieusement les
-armées rouges. Des garçons sans scrupules ont volé, dans un rapide, les
-bijoux des grosses dames qui vont si souvent aux cabinets. On a entôlé
-un rentier qui avait eu la faiblesse de suivre dans un garni deux
-filles, dont les mollets polissons n’étaient pas à comparer à ceux de sa
-digne épouse, et cela ainsi jusqu’aux rébus de la quatrième page
-proposés à des œdipes<span class="pagenum"><a name="page_41" id="page_41">{41}</a></span> qui gagnent un stylographe ou une fiole de parfum
-chimique.</p>
-
-<div class="figcenter">
-<a href="images/illu-049.jpg">
-<img src="images/illu-049.jpg" height="550" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p>J’en ai fait une boule que j’ai lancée par-dessus le mur... Un train
-sifflait au loin...<span class="pagenum"><a name="page_42" id="page_42">{42}</a></span></p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>Il y a plus d’un mois que je n’avais ouvert ce carnet. Les gaz que le
-docteur Faust fabriquait chez Mᵐᵉ Bertha Krupp agissent de mieux en
-mieux. Chose curieuse, à mesure que mes forces déclinent et que le mal
-me gagne, je suis de plus en plus poursuivi par des images de femmes.</p>
-
-<p>Je ne peux pourtant pas sortir, dans l’état où je suis, et séduire
-quelque fille du village. La plus minable me rirait au nez.</p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p><i>Gustave. Poste restante. B. 21. Hôtel de Ville. Envoi discret de
-catalogues...</i> J’ai lu cette adresse, au hasard, avant de quitter Paris,
-et je ne sais pourquoi elle me hante à la façon d’un leit-motiv.<span class="pagenum"><a name="page_43" id="page_43">{43}</a></span></p>
-
-<p>Je viens d’écrire à ce commerçant discret. Il expédie des paquets de
-tissus caoutchoutés qui deviennent, quand on les gonfle, de véritables
-femmes. Ce sont les seules qui puissent me convenir. On m’a affirmé que
-des explorateurs et certains solitaires n’en souhaitent pas d’autres.</p>
-
-<p>J’ai coupé toutes les ficelles qui me rattachaient au monde; si
-quelqu’un parlait de moi aux gens du village, on lui dirait que je suis
-fou. C’est peut-être vrai. Pourquoi n’aimerais-je pas une grande
-poupée?... Hé... pas si grande... j’ai donné les mesures. Je suis de
-l’avis de Michelet. Il faut que sa tête arrive à la hauteur de mon
-cœur...</p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>Lorsqu’on frappera à la porte verte, ce sera Elle!<span class="pagenum"><a name="page_44" id="page_44">{44}</a></span></p>
-
-<div class="figcenter" style="width: 522px;">
-<a href="images/illu-052.jpg">
-<img src="images/illu-052.jpg" width="522" height="377" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p>Je ne pense plus qu’à son arrivée. J’ai commandé un petit trousseau: des
-bas de soie, une chemise, un peignoir, un bonnet de dentelles, un flacon
-d’essence de rose, un autre de musc; mais j’ignore tout de cette
-inconnue, et comment l’appellerai-je? Je vais songer à un nom.</p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>Je ne crois pas trouver.</p>
-
-<p>On peut étiqueter, une fois pour toutes,<span class="pagenum"><a name="page_45" id="page_45">{45}</a></span> les choses immobiles. Elles ne
-changent jamais. Le nom qu’on leur donne les désigne toujours. Mais les
-femmes!...</p>
-
-<p>J’en ai connu une qui s’appelait Marie. Cela lui allait parfaitement
-jusqu’à midi. Ses cheveux châtains, mouillés et lissés au sortir du
-bain, en faisaient une grasse et bourgeoise madone. Elle avait des
-réveils enfantins et sa toilette était pudique et secrète.</p>
-
-<p>Le déjeuner troublait légèrement toutes ces candeurs.</p>
-
-<p>Après un verre de vieux bordeaux et un doigt de chartreuse, elle
-s’appelait Sapho, Lucrèce, Mercédès ou Rosa.</p>
-
-<p>Le prénom d’une femme, qui prend son café au lait ou qui brode en
-compagnie de sa mère, ne lui convient plus le soir, quand elle est nue.</p>
-
-<p>Elle s’appelle Marthe, Thérèse ou<span class="pagenum"><a name="page_46" id="page_46">{46}</a></span> Monique, et cela est très bien ainsi.
-Elle coud, elle suce le bout de son doigt où une piqûre d’aiguille a
-fait brusquement éclore une petite coccinelle de corail sombre; elle
-confectionne une tarte devant le fourneau, elle lit un roman honnête, et
-elle peut porter le nom qu’elle a reçu.</p>
-
-<p>Si elle met sur ses cheveux un grand chapeau de soleil et qu’elle aille
-dans le jardin, elle s’évade déjà. Elle doit s’appeler Charlotte,
-Isabelle, ou Rosine. Charlotte, c’est comme un abricot plein de taches
-de rousseur, et si Rosine est un prénom enveloppé dans une large feuille
-de rose rose, Isabelle a le blanc crème des gloires de Dijon.</p>
-
-<p>La nuit est venue. Elle est seule avec son mari et elle pousse le verrou
-de la porte, toute pareille à ces amantes potelées et vermeilles qui
-font le même geste dans les estampes galantes du <small>XVIII</small>ᵉ siècle. Un sein<span class="pagenum"><a name="page_47" id="page_47">{47}</a></span>
-gonflé s’échappe hors de son corsage, un de ses bas tombe sur sa jambe
-ronde. Elle est alors Rosette ou Fanchon...</p>
-
-<p>Le voici en chemise, avec ses mules de satin bleu, les bras arrondis,
-les mains à son chignon qu’elle tord. Elle est devenue la gaillarde
-bourgeoise des contes italiens qui va prendre son plaisir avec un beau
-capitaine ou un jeune capucin paillard qu’elle a gavé d’oie rôtie et de
-vin vieux...</p>
-
-<p>Elle jette ses pantoufles minuscules et ses derniers voiles, et, sans un
-peigne, sans une bague, elle est une femme des premiers âges du monde,
-elle est Laïs ou Phryné, Atalante, Chloé, Amaryllis... mais aucun de ces
-noms ne lui convient longtemps et, quand elle s’endort sur le bras qui
-l’a étreinte, elle redevient presque la petite fille alourdie de sommeil
-qu’on appelait Moune, Ninette ou Lili...<span class="pagenum"><a name="page_48" id="page_48">{48}</a></span></p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>Au fond, il n’y a rien de très cocasse dans le désir que j’ai de cette
-poupée.</p>
-
-<p>Mon grand’père d’Herbaupair, après avoir fait deux enfants à sa femme,
-l’abandonna à la Tremblée et n’aima plus que les visages et les corps
-peints sur des toiles. Je l’imagine dans une rue de Paris, vers 1860. Il
-était absolument normal.</p>
-
-<p>Devant ou derrière lui, sur le trottoir mouillé de pluie, un homme de
-son âge suivait une lorette ou une modiste qui jouait de la croupe et
-soulevait sa jupe sur de gros jarrets qui tendaient ses bas blancs.</p>
-
-<p>Il obtenait un rendez-vous pour le soir, se ruinait en vespetro et en
-marasquin pour régaler la belle qui finissait par se laisser conduire à
-l’hôtel. Les draps y étaient douteux et humides; il gelait dans la
-chambre<span class="pagenum"><a name="page_49" id="page_49">{49}</a></span></p>
-
-<div class="figcenter" style="width: 509px;">
-<a href="images/illu-057.jpg">
-<img src="images/illu-057.jpg" width="509" height="533" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p class="nind">inhospitalière; la fille, qui montrait soudain une rapacité sordide de
-commerçante, tarifait ses charmes douteux et ses caresses, et le
-galantin dégrisé ne songeait qu’à fuir, et il faisait le simulacre de
-l’amour, honteux comme tous les simulacres, en écoutant les<span class="pagenum"><a name="page_50" id="page_50">{50}</a></span></p>
-
-<div class="figcenter" style="width: 522px;">
-<a href="images/illu-058.jpg">
-<img src="images/illu-058.jpg" width="522" height="375" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p class="nind">vidangeurs, seuls maîtres de la rue à cette heure déserte et noire. Mon
-grand-père, lui, se rendait tranquillement à de mystérieux rendez-vous
-chez les brocanteurs auvergnats, cherchant les seules femmes qu’il
-aimât: les nymphes de Fragonard, les laitières de Greuze et les belles
-dames poudrées des anciens pastels... Ses amours étaient les plus
-belles... Il se ruina presque<span class="pagenum"><a name="page_51" id="page_51">{51}</a></span> cependant pour une fille rencontrée à la
-terrasse de Tortoni...</p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>Elle devrait être ici.</p>
-
-<p>Je suis de plus en plus nerveux, depuis que je l’attends. La moindre
-chose m’irrite, et j’ai failli avoir une épouvantable crise pour avoir
-vu un crapaud. Sa hideur, ses pustules ne m’ont pas trop répugné, c’est
-son attitude qui m’a rendu furieux.</p>
-
-<p>Ce crapaud, que mon domestique protège, est une sorte de divinité
-bouddhique, ventrue, molle et grenue; il allait lent, solennel,
-important, ridicule, et je comprenais qu’il se savait sacré. Il avait la
-majesté pompeuse et bête des dieux auxquels il est interdit de toucher;
-la suffisance des gens en place; l’orgueil tranquille et béat de<span class="pagenum"><a name="page_52" id="page_52">{52}</a></span> ceux
-qui se croient indispensables, quelque chose de prudhommesque et de
-despotique, et, alors, j’ai eu brusquement envie de lui prouver à coups
-de trique, à coups de pierre, que tout ce dont il était si fier ne
-tenait pas debout, que ses occupations d’aide jardinier et de garde
-champêtre n’étaient pas plus sérieuses que celles des araignées, des
-limaces et des rats, et qu’il n’avait pas le droit d’avoir une attitude
-aussi grotesque, et qu’il n’était qu’un crapaud, un sale crapaud dans le
-parc d’un homme en train de mourir.</p>
-
-<p>J’en ai été secoué toute la journée...</p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>J’ai prié mon domestique de différer aujourd’hui son voyage à la ville
-où il va faire des achats.<span class="pagenum"><a name="page_53" id="page_53">{53}</a></span></p>
-
-<div class="figcenter">
-<a href="images/illu-061.jpg">
-<img src="images/illu-061.jpg" height="550" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum"><a name="page_55" id="page_55">{55}</a></span><span class="pagenum"><a name="page_54" id="page_54">{54}</a></span></p>
-
-<p>Je crois qu’elle ne tardera pas à arriver et je ne veux pas être obligé,
-moi-même, d’ouvrir la porte et de voir le facteur.</p>
-
-<p>Il ira un autre jour, quoique ces voyages,&mdash;je le devine,&mdash;l’enchantent.</p>
-
-<p>Je la connais, cette sous-préfecture! Des courtiers en vins boivent de
-la bière à la terrasse du café d’Orient; les jeunes filles d’un
-pensionnat sortent pour la promenade; une jeune femme, chaussée de blanc
-et coiffée d’une charlotte de mousseline, descend la grand’rue. Elle
-s’arrête chez le pâtissier en renom.</p>
-
-<p>Sous une gaze jaune, qui les défend contre les mouches, des babas ivres
-de rhum sucré défaillent dans des assiettes à filets dorés... La jeune
-femme sort, saluée par un vieux roquentin vêtu de flanelle bleue à
-rayures, un avocat dont les aventures et l’éloquence sont célèbres
-jusqu’au chef-lieu.<span class="pagenum"><a name="page_56" id="page_56">{56}</a></span></p>
-
-<p>C’est dans cette rue déserte où j’ai passé, il y a plus de vingt ans,
-que Jean fait ses emplettes, puis il boit un bock ou un apéritif près de
-la gare, seul comme un vieux comique lugubre de l’Eden-Café, qui est le
-concert le plus couru de l’endroit.</p>
-
-<p>L’Eden-Café! J’y ai connu l’amour pour la première fois!</p>
-
-<p>C’est la maison mère d’une sorte de prostitution artistique. C’est de là
-que, tous les samedis, on expédie aux bourgs environnants deux ou trois
-chanteuses et un pianiste, qui est en même temps un diseur de monologues
-idiots. Ils arrivent, le soir, au café chantant où ils sont engagés. Les
-vieilles, qui mangent leur soupe devant la porte, les méprisent; les
-ménagères et les jeunes filles admirent l’élégance tapageuse de ces
-femmes; quant aux hommes, même pour les plus rustiques, elles
-représentent<span class="pagenum"><a name="page_57" id="page_57">{57}</a></span> vaguement tout ce qu’ils imaginaient de la haute noce et
-du théâtre.</p>
-
-<div class="figright" style="width: 297px;">
-<a href="images/illu-065.jpg">
-<img src="images/illu-065.jpg" width="297" height="459" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p>Elles laissent dans la petite gare un sillage de parfums grossiers, et
-plus d’un adolescent mange distraitement sa salade, sans écouter le père
-qui parle de la foire prochaine ou des vignes qui ont soif.</p>
-
-<p>Elles sont aux filles du village ce qu’est une bouteille de champagne
-fabriquée avec des acides au petit vin naturel du pays; elles sont le
-mal, l’inconnu, l’attrait dangereux et charmant, l’extrême civilisation.
-Elles sont surtout de pauvres êtres, d’humbles<span class="pagenum"><a name="page_58" id="page_58">{58}</a></span> servantes et comme les
-bonnes à tout faire de la chanson stupide et de la muse polissonne; et
-les bellâtres du canton qui s’offrent la gommeuse ou la grande bringue
-navrée qui roucoule des bêtises sentimentales, s’imaginent qu’ils ont
-aimé des divas illustres et des étoiles de théâtre!...</p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>On a frappé ce matin à la porte du parc, et j’ai brusquement retrouvé la
-première émotion du premier rendez-vous... Elle?...</p>
-
-<p>C’était un mendiant que Jean a chassé.</p>
-
-<p>Ma gorge s’est desserrée, la petite aiguille qui s’affolait à la pointe
-de mon cœur s’est immobilisée. J’ai été tout pareil à ces jeunes gens
-qui attendent leur maîtresse, vers quatre heures, à Paris. Ils ont
-épousseté eux-<span class="pagenum"><a name="page_59" id="page_59">{59}</a></span>mêmes et rangé leur appartement derrière leur femme de
-ménage. Ils ont mis des fleurs dans les vases, vaporisé dans la chambre
-quelque parfum, préparé deux heures à l’avance l’assiette de gâteaux,
-les tasses à thé et la bouteille de porto. Ils ont surtout regardé la
-pendule. Le livre qu’ils essayaient de lire, pour tuer le temps, ne les
-intéressait pas. Ils ont frotté un à un les flacons de la toilette,
-compté les anneaux des rideaux sur leur tringle de cuivre, en disant:
-elle viendra... oui... non... oui... non... oui... non... heureux si le
-dernier anneau tombait sur oui.</p>
-
-<p>A quatre heures, on sonne! Éperdus, ils vont ouvrir, et se trouvent nez
-à nez avec une vieille dame asthmatique et poussive, qui s’excuse à
-peine et qui s’est trompée d’étage.</p>
-
-<p>J’ai été tout pareil à ces amants inquiets...<span class="pagenum"><a name="page_60" id="page_60">{60}</a></span></p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>Un quart d’heure après le départ de ce mendiant on a de nouveau frappé à
-la porte, trois coups impérieux, durs, comme de quelqu’un qui
-s’impatienterait en trouvant le vantail verrouillé, quand il veut entrer
-chez lui et que les serviteurs tardent à ouvrir.</p>
-
-<div class="figcenter" style="width: 503px;">
-<a href="images/illu-068.jpg">
-<img src="images/illu-068.jpg" width="503" height="260" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p>C’était Elle!...»</p>
-
-<p class="ast">. . . . . . . . . . . .</p>
-
-<p>Le vieux domestique survint à ce moment dans la chambre où je lisais.<span class="pagenum"><a name="page_61" id="page_61">{61}</a></span></p>
-
-<p>&mdash;Eh bien, monsieur, dit-il en essayant de sourire, croyez-vous que feu
-mon maître était un drôle d’homme?</p>
-
-<p>Il se pencha vers la table:</p>
-
-<p>&mdash;Ah! vous en êtes à son arrivée à la Tremblée. Vous n’en avez plus pour
-longtemps. Ce que je ne digère point, par exemple, c’est qu’il m’a
-traité de vieux comique lugubre. Je suis scrupuleux et susceptible. Oh!
-je ne me plains pas, quoique, vous savez, les trois mille francs de
-rente dont j’hérite, je ne les ai pas volés. Ni son père, ni lui ne
-m’ont jamais payé mes gages, et je suis à leur service depuis plus de
-quarante ans... Enfin, il n’aurait pas dû dire cela de moi... Achevez
-donc cette bouteille...</p>
-
-<p>Il remplit ma coupe de vieux vin doré!</p>
-
-<p>&mdash;Je vous laisse, fit-il, vous allez en avoir fini avec ce cahier. Je
-vous ferai<span class="pagenum"><a name="page_62" id="page_62">{62}</a></span> ensuite une surprise. Je vous montrerai la demoiselle; elle
-est encore ici, et elle est vierge et veuve, monsieur, car mon maître
-est mort le jour où il l’a reçue. Le temps se gâte, je crois qu’il va
-faire un gros orage...</p>
-
-<p>Je repris tout de suite ma lecture:</p>
-
-<p class="ast">. . . . . . . . . . . .</p>
-
-<p>«Elle est enfin ici!</p>
-
-<p>Je n’ai pas encore coupé les ficelles qui entourent sa boîte. Elle est
-comme une voyageuse un peu lasse qui se reposerait et ne voudrait pas se
-montrer trop vite à ses hôtes.</p>
-
-<p>J’ai fait moi-même une toilette plus soignée. Je me négligeais depuis
-quelque temps.</p>
-
-<p>J’ai coupé ma barbe et ma moustache, j’ai mis un costume de flanelle
-blanche et j’ai l’air d’un monsieur très fatigué dans un parc de ville
-d’eaux.<span class="pagenum"><a name="page_63" id="page_63">{63}</a></span></p>
-
-<p>Quand je passe devant les volets de la chambre, instinctivement je
-marche sur la pointe des pieds.</p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>Je crois que je prendrai mes repas devant elle. Autrefois, j’aimais
-beaucoup manger en compagnie des femmes.</p>
-
-<p>Un dîner d’hommes fait toujours penser à ces banquets où d’anciens
-militaires du même régiment, d’authentiques badernes sorties de la même
-école, la même année, se régalent à prix fixe, coude à coude et vêtus
-d’habits funèbres, à l’immense table d’un salon de société que ne décore
-aucune fleur.</p>
-
-<p>Les hommes seuls manquent généralement de tenue, et il ne faut pas
-croire qu’on a meilleur appétit et qu’on est plus à l’aise en manches de
-chemise et en pantoufles.<span class="pagenum"><a name="page_64" id="page_64">{64}</a></span></p>
-
-<p>C’est comme si l’on affirmait que le café bu dans une épaisse tasse de
-faïence est plus savoureux que dans la fine et immatérielle coquille
-d’œuf d’une porcelaine chinoise.</p>
-
-<p>Un vrai repas, bien ordonné, est la plus aimable des choses. C’est un
-luxe de civilisés qu’il faut entourer de toutes les délicatesses.</p>
-
-<p>On ne mange pas du foie gras truffé, ni un sorbet à la framboise, en
-sabots et en tricot de laine, sur un coin de table de cuisine, devant
-une chandelle qui fume, mais en habit, avec du linge fin, sur une nappe
-fleurie et à la faveur de bougies voilées d’abat-jour qui tamisent une
-lumière égale.</p>
-
-<p>Rien alors n’est plus charmant à regarder que les jeunes femmes qui sont
-la guirlande et la parure de la table.</p>
-
-<p>La soie ou le velours des robes décolletées ont l’odeur des ombrelles
-crépitantes<span class="pagenum"><a name="page_65" id="page_65">{65}</a></span> chauffées au grand soleil de juillet. Des parfums naturels
-et des effluves d’essences rares s’y ajoutent. Les petits carrés de
-truffes ou les crevettes qui garnissent un filet de sole ont un goût
-unique, si une belle brune montre, en levant le bras pour enfoncer un
-œillet dans son chignon, le creux touffu de son aisselle, si, au moment
-où vous avalez une cuillerée de fraises des bois assaisonnées au
-champagne, une blonde grasse montre ses épaules de neige et découvre
-vaguement un sein dont la pointe doit être pareille, sous les dentelles
-de son corsage, au fruit qui parfume votre palais.</p>
-
-<p>Les gens qui prétendent que les vrais gourmands doivent s’enfermer
-seuls, pour savourer des plats choisis, sont de timides maladroits.</p>
-
-<p>Il faut se défier d’eux et les plaindre.</p>
-
-<p>Ils passent assurément d’épouvantables<span class="pagenum"><a name="page_66" id="page_66">{66}</a></span> nuits, car l’amour doit venir
-naturellement après le dessert, comme les pêches et les muscats viennent
-après les glaces et la frangipane.</p>
-
-<p>La gastronomie n’est pas un art à l’usage des ermites. Lorsqu’on couche
-seul, il est plus raisonnable de prendre, le soir, un bouillon léger, la
-moindre des choses, un peu de confiture et une tasse de tilleul.</p>
-
-<p>Les femmes, quoi qu’on dise, savent apprécier un bon repas. Cela se voit
-à la façon dont elles mangent. Elles ne remplissent jamais leur assiette
-et ne s’empiffrent pas de grosses viandes. Elles savent ce qu’un os de
-côtelette ou de poulet peut garder de chair savoureuse et de peau
-rissolée.</p>
-
-<p>Que d’épais bâfreurs rient de leur préférence pour les carcasses et les
-croupions. C’est le reproche que pourrait faire un âne<span class="pagenum"><a name="page_67" id="page_67">{67}</a></span> qui tond un pré
-au lapin de garenne qui choisit les herbes parfumées, serpolets, thyms
-et menthes sauvages... Mais à quoi vais-je penser, moi qui ne prends
-plus que quelques fruits et des biscuits trempés dans un doigt de vieux
-vin?...</p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>Elle ne mangera pas. J’ai souffert quand j’étais jeune du peu de goût
-dont mes amies de passage faisaient preuve, au restaurant. Je me
-souviens à peine de leurs visages, mais ils reviennent parfois à la
-seule vue ou à l’évocation du plat qu’elles préféraient.</p>
-
-<p>Ne déjeunant et ne dînant jamais chez moi, j’ai beaucoup regardé les
-femmes qui m’entouraient. Je songe à une fille avec qui je dînais assez
-souvent.<span class="pagenum"><a name="page_68" id="page_68">{68}</a></span></p>
-
-<p>Sa mère était concierge dans une maison ouvrière, du côté de Montmartre
-et son père rentrait saoul à peu près chaque soir, quand elle était
-enfant.</p>
-
-<p>La loge sans air et sans lumière sentait le débarras et le compartiment
-de troisième classe où ont dormi dix voyageurs. Elle faisait les courses
-pendant que sa mère balayait l’escalier, et elle rapportait quelques
-sous de pain chaud, de la charcuterie et de l’eau-de-vie. Elle s’était
-régalée de veau piqué, de mirotons et de salades.</p>
-
-<p>Par quel miracle était-elle devenue la splendide créature que j’admirais
-pendant ces repas?</p>
-
-<p>Son teint était d’une neige fouettée de roses, ses dents étaient des
-perles humides, naturellement claires. Elle avait une taille de
-duchesse, des bras de Vénus, de longues jambes rondes et fines, une
-toison énorme<span class="pagenum"><a name="page_69" id="page_69">{69}</a></span> dont la nuance allait du maïs mûr au cognac brûlé, et on
-eût juré que, née d’un mylord spleenétique et d’une blanche lady, dans
-un château au bord d’un lac, elle n’avait été nourrie que de beurrées,
-de crême fraîche, de gâteaux et de puissants rosbifs anglais...</p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>Épouser une femme qui s’intéresse à la cuisine est une garantie de
-bonheur conjugal. Même si elle n’est pas des plus jolies, la santé et la
-bonne humeur qui sont les conséquences de la bonne chère, la
-transfigureront, et elle sera une compagne infiniment plus agréable
-qu’une fille belle, froide, et rassasiée dès le potage.</p>
-
-<p>Si le mari qui rentre chez lui, las de sa journée, trouve un repas
-négligé, un de ces<span class="pagenum"><a name="page_70" id="page_70">{70}</a></span> dîners dont s’est occupée toute seule une servante,
-il est perdu.</p>
-
-<p>La vie ne lui réservera que déboires. Après un bouillon rapidement
-bâclé, trop chaud ou trop froid, plein de grumeaux et sentant le
-graillon, l’affaire qui le tourmente n’aura aucune chance d’aboutir
-selon ses désirs.</p>
-
-<p>S’il a l’impression de manger le poisson sur un évier, et le rôti sec et
-la salade assaisonnée avec trop de sel et trop de vinaigre, il ne peut
-réussir ce qu’il entreprendra le lendemain, et la nuit qui suit un dîner
-sans harmonie ne peut pas être heureuse.</p>
-
-<p>Mais aucun des soucis que nous traînons avec nous ne résistera à
-l’onction d’un bon potage, au morceau de bœuf dont le sang gicle sous le
-couteau, au velours d’une crême simple et parfaite.</p>
-
-<p>Ce n’est pas moi qui blâmerai le<span class="pagenum"><a name="page_71" id="page_71">{71}</a></span></p>
-
-<div class="figcenter">
-<a href="images/illu-079.jpg">
-<img src="images/illu-079.jpg" height="550" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum"><a name="page_73" id="page_73">{73}</a></span><span class="pagenum"><a name="page_72" id="page_72">{72}</a></span></p>
-
-<p class="nind">célibataire qui épouse sa cuisinière. De tous les mariages de raison,
-celui-là est peut-être le plus raisonnable.</p>
-
-<p>De la table au lit il n’y a qu’un pas et on le franchit sans effort.</p>
-
-<p>Il est à remarquer que les premiers désirs des jeunes hommes vont aux
-cuisinières bien en chair.</p>
-
-<p>L’amour des maigreurs distinguées ne vient que plus tard, mais la
-première impression est toujours la meilleure et la plus vraie.</p>
-
-<p>Quel est l’adolescent qui n’a pas imaginé le paradis comme une cuisine
-voluptueuse aux buffets pleins de volailles à la gelée, et dont les culs
-de casseroles, polis et clairs ainsi que des miroirs, reflétaient une
-accorte fille à la croupe dodue, aux mollets rebondis, aux bras chauds
-et aux seins ronds, en train d’ôter une chemise rustique?<span class="pagenum"><a name="page_74" id="page_74">{74}</a></span></p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>Si les fiancés pouvaient observer leurs futures à l’heure des repas,
-cela éviterait bien des malentendus et des divorces.</p>
-
-<p>En tout cas, si j’avais quelques conseils à donner aux jeunes hommes, je
-leur dirais:</p>
-
-<p>&mdash;Ne demeurez pas là, extasiés comme des benêts, à regarder ses dents
-quand elle boit et à vous demander par quel miracle le pain qu’elle
-avale, le gigot froid, les pommes de terre, la salade, la confiture et
-les gâteaux secs vont se changer en roses et en lys sur ce visage que
-vous convoitez.</p>
-
-<p>Examinez-la calmement.</p>
-
-<p>&mdash;Elle a bon appétit, mais ne se hâte point. Elle prend son temps et
-elle mange posément, accueillant également tous les plats sans y revenir
-jamais?...</p>
-
-<p>Elle est sérieuse, patiente et dévouée.<span class="pagenum"><a name="page_75" id="page_75">{75}</a></span> Epousez-la. C’est la compagne
-des bons et des mauvais jours, celle qui ne choisira pas ailleurs et qui
-ne désirera jamais que ce qu’elle possède.</p>
-
-<p>&mdash;Elle a un gros appétit, et elle se hâte comme si elle était pressée
-par l’heure d’un train, dans un buffet de gare. Elle est joyeuse
-cependant et de bonne humeur. Elle sourit franchement entre deux
-bouchées?...</p>
-
-<p>Si vous êtes sûr de vous, vous aurez là une femme excellente, un peu
-ronde et brusque; son amour sera peut-être légèrement tyrannique, mais
-il sera, aussi, robuste et solide.</p>
-
-<p>Souvenez-vous, par exemple, qu’elle reprend toujours d’un plat qui lui a
-plu...</p>
-
-<p>&mdash;Elle déchiquette sa côtelette comme un poisson pour n’en sucer que
-l’os; elle cherche, de la pointe de son couteau, une boulette de
-moelle?<span class="pagenum"><a name="page_76" id="page_76">{76}</a></span></p>
-
-<p>Méfiez-vous. Elle est chicanière et soupçonneuse, jalouse aussi. Elle
-fouillera dans vos poches quand vous changerez de veston...</p>
-
-<p>&mdash;Elle met de chaque côté de son assiette, soigneusement, à gauche la
-mie de pain, à droite la croûte?</p>
-
-<p>Vous ne la connaîtrez jamais complètement. Elle est ambiguë, méthodique,
-froide et secrète. Le mariage, pour elle, comporte trois cérémonies: à
-la mairie, à l’église et au tribunal où se prononce le divorce.</p>
-
-<p>&mdash;Si elle prend la cuisse d’un poulet rôti, épousez-la.</p>
-
-<p>Elle n’est pas très délicate, mais elle est simple, bien portante et
-sans détours. Elle marchera toujours sur la bonne route...</p>
-
-<p>Si j’avais fait métier d’écrire, j’aurais sûrement composé un curieux
-ouvrage sur la cuisine...<span class="pagenum"><a name="page_77" id="page_77">{77}</a></span></p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>Demain, elle existera!...</p>
-
-<p>C’est dans ce pays que j’ai vu, pour la première fois, une femme nue. Je
-crois que peu d’adolescents ont été aussi favorisés que moi et c’est le
-souvenir le plus prodigieux de ma quinzième année.</p>
-
-<p>J’étais un enfant studieux, sage et maladif, et, pendant les vacances,
-mes seules distractions étaient la pêche et la lecture des poètes
-romantiques.</p>
-
-<p>Un après-midi que je lisais les <i>Orientales</i>, sous un arbre, une petite
-charrette anglaise passa sur la route et un jeune homme vêtu de blanc me
-fit un salut amical.</p>
-
-<p>J’allai à lui, à travers le parc.</p>
-
-<p>C’était mon ami de classe Alexandre Boreuil, le fils d’un antiquaire de
-la place du Forum que l’on disait fort riche.<span class="pagenum"><a name="page_78" id="page_78">{78}</a></span></p>
-
-<p>Je lui offris de se rafraîchir, mais il refusa, craignant d’être en
-retard. Il avait une course à faire à quelques kilomètres, et il me
-désigna une place à côté de lui, sous le tendelet de toile écrue qui
-faisait une ombre claire à sa voiture.</p>
-
-<p>Il allait, me confiait-il, porter un antique objet d’art au propriétaire
-d’un château des environs dont j’avais vaguement entendu parler.</p>
-
-<p>Je savais que ce voisin, fort bizarre et solitaire, vivait au milieu
-d’admirables collections, et j’acceptai la place que m’offrait
-Alexandre.</p>
-
-<p>&mdash;Vous devez vous ennuyer? commença-t-il.</p>
-
-<p>&mdash;Mais non, répondis-je, et je tirai les <i>Orientales</i> de ma poche.</p>
-
-<p>Il ouvrit le bouquin, déclama une strophe, éclata de rire, et il écrasa,
-en refermant<span class="pagenum"><a name="page_79" id="page_79">{79}</a></span> le volume, une abeille qui semblait butiner les vers.</p>
-
-<p>Il arrêta son cheval devant une petite porte en bois épais, toute
-cloutée de bronze.</p>
-
-<p>Le bouton de la sonnerie disparaissait sous le feuillage, et il nous
-fallut le chercher entre les luisantes feuilles bleues d’un feston de
-lierre.</p>
-
-<p>La porte s’ouvrit et Alexandre, ayant attaché son cheval et entravé les
-roues, prit, en portant le précieux objet dans une boîte, un sentier
-plein de mousse, sous des arbres de Judée.</p>
-
-<p>Je le suivais, et nous aperçûmes brusquement le château.</p>
-
-<p>Une vieille servante guida mon ami,&mdash;car je demeurai sur la terrasse,&mdash;à
-travers un immense vestibule, vers un salon que j’apercevais devant moi
-et qui devait servir de bibliothèque.<span class="pagenum"><a name="page_80" id="page_80">{80}</a></span></p>
-
-<p>Quatre portes-fenêtres étaient ouvertes sur le jardin, et les vieux
-arbres et les stores de toile jaune tamisaient à souhait l’ardente
-lumière.</p>
-
-<p>Un homme était assis au milieu de la vaste pièce. Il paraissait
-quarante-cinq ans. Une crinière grise et drue, rejetée en arrière; une
-barbe épaisse, aux boucles distinctes comme celles des bronzes antiques,
-en faisait un être d’un grand caractère.</p>
-
-<p>On imaginait au fond du parc une victoria vernie, avec un cocher
-solennel.</p>
-
-<div class="figcenter" style="width: 521px;">
-<a href="images/illu-088.jpg">
-<img src="images/illu-088.jpg" width="521" height="215" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p>Je vis entrer Alexandre. Il tendait sa boîte à l’homme qui coupa les
-ficelles et tira, du<span class="pagenum"><a name="page_81" id="page_81">{81}</a></span> coton qui l’enveloppait, un petit Bacchus
-d’ivoire. Du plat de sa main velue, il caressait la statuette, comme un
-voluptueux caresse l’épaule bien potelée d’une maîtresse.</p>
-
-<p>Lorsqu’il se leva, Alexandre prit congé, mais il s’égara sans doute dans
-les couloirs, car il fut un assez long moment sans paraître.</p>
-
-<p>C’est alors que j’eus la révélation de la femme.</p>
-
-<p>Une grande fille entra, blonde, élancée, robuste et nue. Elle n’avait
-aux pieds que des sandales retenues aux chevilles par des bandelettes
-dorées, et un peigne d’écaille à son chignon.</p>
-
-<p>Dans les clartés adoucies et tranquilles de l’immense salon plein de
-livres, de marbres et de miroirs, elle allait sans gêne, habituée
-certainement à vivre ainsi. Elle s’assit, croisa ses longues jambes
-blanches<span class="pagenum"><a name="page_82" id="page_82">{82}</a></span> et prit le petit Bacchus pour l’examiner. Puis, elle arrangea
-sa coiffure dans une glace et, me tournant le dos, quitta le salon, les
-bras arrondis sur sa tête et pareille à une grande amphore d’albâtre. Je
-ne racontai pas cela à mon ami, et j’appris ensuite que cet homme était
-un singulier original, vivant seul avec cette femme nue, dans ce château
-où personne ne venait jamais.</p>
-
-<p class="ast">*<br />* *</p>
-
-<p>Elle existe!... Ah! la chose n’a pas été commode... J’ai ouvert la boîte
-dans l’ombre, j’ai développé la toile sur mon lit, mais avant de lui
-donner la vie avec ce qui me reste de souffle, je l’ai habillée d’un
-peignoir de soie chinoise, j’ai mis des bas à ses jambes plates et je
-l’ai chaussée, comme j’ai pu, de mules blanches... Je l’ai vue naître<span class="pagenum"><a name="page_83" id="page_83">{83}</a></span></p>
-
-<div class="figcenter">
-<a href="images/illu-091.jpg">
-<img src="images/illu-091.jpg" height="550" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum"><a name="page_85" id="page_85">{85}</a></span><span class="pagenum"><a name="page_84" id="page_84">{84}</a></span></p>
-
-<p class="nind">par degrés... L’étoffe s’est soulevée lentement, un pied s’est
-brusquement étiré, et son visage clair s’est tourné vers moi avec ses
-yeux immobiles, étonnés et extasiés. Je l’ai coiffée d’un bonnet de
-dentelles et je suis resté près d’elle, en lui tenant la main, et je lui
-ai dit:</p>
-
-<p>«&mdash;Tu n’es rien sans doute qu’une illusion, mais que sont les plus
-grandes amours?</p>
-
-<div class="figcenter" style="width: 495px;">
-<a href="images/illu-093.jpg">
-<img src="images/illu-093.jpg" width="495" height="186" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p>«Telle femme pour qui un amant désespéré s’est tué n’aurait pas obtenu
-un seul baiser d’un autre homme. L’amour est en nous, il n’est pas
-nécessaire que celle qui en est l’objet le partage. Le vieux Shakespeare
-a dit que l’amour et la beauté étaient<span class="pagenum"><a name="page_86" id="page_86">{86}</a></span> dans l’œil du contemplateur et
-qu’ils naissent du regard qui sait transfigurer la matière.</p>
-
-<p>«Tu n’es qu’une énorme bulle que j’ai soufflée, mais il en est de même
-de tout ce que nous imaginons.</p>
-
-<p>«Ecoute, je n’ai pas de secrets pour toi. J’ai été pris, il y a quelques
-années, par une fille rencontrée dans un café. A présent qu’il n’y a
-plus autour de son image l’atmosphère que je créais, je puis affirmer
-qu’elle était ignoble.</p>
-
-<p>«Ses cheveux teints étaient une filasse décolorée, sa gorge était
-dévastée, et je mourrais de honte si je devais m’attabler encore avec
-elle dans les restaurants où elle m’entraînait et où elle mangeait comme
-un maçon, en persécutant de ses œillades les hommes qui dînaient seuls.</p>
-
-<p>«Eh bien, je la transfigurais. Je faisais de<span class="pagenum"><a name="page_87" id="page_87">{87}</a></span> sa fausse chevelure une
-toison de courtisane médicéenne et de dogaresse, et la poitrine de
-marbre des Vénus me semblait fade à côté des deux gourdes molles que
-j’embrassais, pendant qu’elle gloussait comme une poissarde chatouillée.</p>
-
-<p>«Les grandes héroïnes n’ont sans doute existé que dans le cœur éperdu de
-ceux qui les aimèrent. La divine, la pure Laure que chanta Pétrarque
-était une jeune femme qui couchait toutes les nuits avec son mari, le
-sieur de Sade, un rude gentilhomme peu lavé qui devait ronfler après
-avoir fait l’amour comme un soudard.</p>
-
-<p>«Laure accomplissait peut-être sans joie ces devoirs conjugaux, et je
-crois volontiers qu’elle avait plus de noblesse et d’allure que Tata&mdash;ma
-maîtresse était connue sous ce nom imbécile&mdash;mais je crois aussi que,
-pendant quelques mois, je fus un plus grand<span class="pagenum"><a name="page_88" id="page_88">{88}</a></span> poète que l’altissime
-sonnetiste qui célébra la dame de Vaucluse, parce que transfigurer ce
-chameau demandait beaucoup plus de dons poétiques et d’idéalisme.</p>
-
-<p>«Certains soirs, le foulard ou le velours de sa jupe qui avait balayé
-toutes les banquettes du café me semblaient tissés d’une surnaturelle
-soie, et je sentais mille cœurs battre dans ma poitrine quand elle
-m’enlaçait négligemment de ses bras qui avaient traîné partout.</p>
-
-<p>«Tu es aussi réelle a présent que toutes les femmes que j’ai possédées
-et qui ne m’aimaient pas, celles dont l’amant qui n’arrive pas à les
-émouvoir est</p>
-
-<div class="poetry">
-<div class="poem"><div class="stanza">
-<span class="i12">«<i>comme un musicien</i><br /></span>
-<span class="i0">«<i>Tourmentant le clavier d’un clavecin sans cordes</i>...»<br /></span>
-</div></div>
-</div>
-
-<p>«Je ne peux te donner un nom. A mon gré, lourde et parfumée de musc, tu
-seras<span class="pagenum"><a name="page_89" id="page_89">{89}</a></span></p>
-
-<div class="figcenter">
-<a href="images/illu-097.jpg">
-<img src="images/illu-097.jpg" height="550" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum"><a name="page_91" id="page_91">{91}</a></span><span class="pagenum"><a name="page_90" id="page_90">{90}</a></span></p>
-
-<p class="nind">la fille du Sud qu’on trouve près du vieux port et qui vous entraîne
-dans une maison obscure et moisie. Elle sent les coquillages, le soleil
-et l’eau croupie où meurent les poissons. Une chandelle éclaire sa
-mansarde chaude dont la croisée donne sur un bassin plein de navires. Le
-matelot à peu près ivre qu’elle a ramené ne saurait y reconnaître le
-sien. Il est allongé sur le grabat et il regarde cette femme qu’il ne
-connaît pas. Elle a dans son chignon massif un œillet qu’a flétri le
-parfum trop fort de ses cheveux gras. Elle marche vers la couche, nue,
-robuste, et son corps splendide et dur qu’a glacé la sueur montre, dans
-l’ombre où clignote la bougie, des seins flétris, et son amour ressemble
-à une brutale rixe...</p>
-
-<p>«Tu seras, si je le désire, une jeune femme du Nord, blonde, docile et
-molle. Pendant le silence cruel d’une nuit de gel<span class="pagenum"><a name="page_92" id="page_92">{92}</a></span> sur la mer ou
-brillent des îlots de glace, ton corps chaud frissonnera à peine quand
-je l’étreindrai sous les couvertures... Tu deviendras tour à tour la
-belle poitrinaire qui consume d’amour ses derniers jours, sous les
-eucalyptus de la villa; la jeune fille du château qui a donné
-rendez-vous au fils du jardinier; la petite bourgeoise qui trompe le
-notaire avec le soldat qu’elle loge; la pierreuse qui vous pousse, une
-nuit de pluie, vers son hôtel, à travers une rue dont le trottoir luit
-comme de l’ébène mouillé... Tu seras toutes les femmes: la chaste
-pupille aux tresses blondes de l’anabaptiste et la cadette déjà grasse
-et ambrée du rabbin; la jeune duchesse svelte, pâle et mélancolique; la
-brute foraine aux poignets garrottés de cuir, aux jarrets épais qui
-lutte avec des hercules efflanqués; la Hollandaise aux bras de lait et
-de roses; la Chinoise<span class="pagenum"><a name="page_93" id="page_93">{93}</a></span></p>
-
-<div class="figcenter" style="width: 494px;">
-<a href="images/illu-101.jpg">
-<img src="images/illu-101.jpg" width="494" height="506" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p class="nind">qu’éclaire une ronde lanterne de papier; la créole qui fume un cigare
-parmi les cannes à sucre; l’alerte modiste qu’on a connue avenue de
-l’Opéra; la bergère en sabots dont le baiser a l’odeur fraîche d’une
-pomme sous une averse de septembre; la blanche et froide lady qui porte
-à son col de cygne des perles de vice-reine; la<span class="pagenum"><a name="page_94" id="page_94">{94}</a></span> nouvelle épousée
-défaillante et timide, et la veuve de trente ans qui croyait se consoler
-en allant au mois de Marie...</p>
-
-<p>«A ce soir... J’allumerai les flambeaux d’argent dans cette belle
-chambre qui est désormais la tienne, au milieu du parc sauvage où nous
-serons seuls comme au cœur vierge d’un éden...»</p>
-
-<p class="ast">. . . . . . . . . . . .</p>
-
-<p>Je posai mon cigare éteint dans le plateau et j’achevais la bouteille
-que M. Olivier Camors aurait peut-être entamée, lorsque le valet de
-chambre entra.</p>
-
-<p>&mdash;Eh bien, monsieur, vous avez terminé votre lecture... qu’en
-dites-vous? C’est fort curieux, n’est-ce pas? Le journal de mon défunt
-maître s’arrête là; il n’a pas soupé avec la demoiselle en baudruche,
-puisqu’il est mort au cours de l’après-midi, vers quatre heures, et
-brusquement.<span class="pagenum"><a name="page_95" id="page_95">{95}</a></span></p>
-
-<p>Quand je dis brusquement, je me trompe; il agonisait depuis son arrivée
-à la Tremblée. Enfin, quoi qu’il en soit, il est mort l’après-midi du
-jour où il écrivit ces dernières lignes et il ne put exécuter aucun de
-ses projets galants. Triste! J’ai connu quelques histoires semblables
-d’hommes qui attendirent une femme aimée pendant longtemps et qui
-disparurent avant d’avoir pu savoir le goût de sa peau.</p>
-
-<p>S’il y avait eu quelque chose entre eux, je ne l’aurais pas gardée, vous
-pouvez me croire. Ah! non, par exemple, je ne l’aurais pas gardée! Je
-suis vieux, il y a longtemps que j’ai renoncé à toutes les
-plaisanteries, mais celle-là... non celle-là est trop forte... Venez,
-monsieur, je l’ai descendue du grenier, elle est dans le corridor et en
-plein courant d’air; si quelque fenêtre s’ouvrait... Avec ce temps c’est
-dangereux parce que...<span class="pagenum"><a name="page_96" id="page_96">{96}</a></span></p>
-
-<p>Il n’acheva pas sa phrase.</p>
-
-<p>Un formidable coup de vent inclina les branches des arbres qui
-balayèrent la façade et nous entendîmes un bruit de vitres brisées et de
-croisée qui se referme trop fort.</p>
-
-<p>Je courus derrière le vieillard qui se hâtait, et nous arrivâmes sur le
-perron juste à temps pour voir s’envoler, comme un ballon d’enfant, la
-maîtresse de feu M. Olivier Camors.</p>
-
-<p>Elle était nue, avec des bas blancs et des pantoufles, car le vent de
-l’orage qui éclatait avait dû arracher son peignoir.</p>
-
-<p>A la hauteur du toit, elle bascula et fit un plongeon. J’aperçus sa tête
-souriante aux yeux immobiles et extasiés. Elle avait perdu son bonnet et
-elle ressemblait à une de ces jeannettes de carton colorié sur
-lesquelles les anciennes modistes essayaient leurs coiffes. Elle
-dansait, se redressait,<span class="pagenum"><a name="page_97" id="page_97">{97}</a></span> tanguait, les seins gonflés et son corps était
-d’un blanc de plâtre légèrement teinté de rose.</p>
-
-<p>&mdash;Est-elle godiche? dit le domestique effaré.</p>
-
-<p>Elle dépassa la cime rebroussée et furieuse d’un vieux marronnier, et
-les remous et les courants aériens, qui devaient être plus violents et
-plus rapides, l’enlevèrent, lui firent faire deux ou trois bonds si
-prodigieux qu’elle ne fut bientôt plus à mes yeux qu’une poupée de
-petite fille dans un ciel tumultueux parsemé de feuilles mortes.</p>
-
-<p>&mdash;Elle est capable d’aller relancer mon ancien maître jusqu’au paradis,
-murmura le vieux serviteur goguenard, sans la quitter des yeux...</p>
-
-<p>Plus haut que les plus lointaines hirondelles, elle ne fut bientôt qu’un
-point tremblant, une bulle affolée et, s’il est vrai que<span class="pagenum"><a name="page_98" id="page_98">{98}</a></span> les âmes
-mettent un temps assez long avant de quitter les lieux où elles furent
-affranchies, celle de l’étrange mort dut voir passer la femme qu’il
-avait animée de son dernier souffle et qui s’en allait charmante,
-puérile, maladroite et ridicule, dans l’infini...</p>
-
-<div class="figcenter" style="width: 344px;">
-<a href="images/illu-106.jpg">
-<img src="images/illu-106.jpg" width="344" height="221" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum"><a name="page_99" id="page_99">{99}</a></span></p>
-
-<div class="figcenter" style="width: 513px;">
-<a href="images/illu-107.jpg">
-<img src="images/illu-107.jpg" width="513" height="449" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<h2>OUVRAGES<br />
-DU MÊME AUTEUR</h2>
-
-<table border="0" cellpadding="0" cellspacing="0" summary="">
-<tr><td><span class="smcap">La Maison du Poète</span></td><td class="rt">Poésies</td></tr>
-<tr><td><span class="smcap">Les Isolements</span></td><td class="rt">&mdash;</td></tr>
-<tr><td><span class="smcap">Jacques</span></td><td class="rt">Roman en vers</td></tr>
-<tr><td><span class="smcap">Orchestres</span></td><td class="rt">Poésies</td></tr>
-<tr><td><span class="smcap">Les Heures déchirées</span></td><td class="rt">Notes</td></tr>
-<tr><td><span class="smcap">François Pain, Gendarme</span></td><td class="rt">&mdash;</td></tr>
-<tr><td><span class="smcap">L’Abdication de Ris-Orangis</span></td><td class="rt">Roman</td></tr>
-<tr><td><span class="smcap">L’Heure des Tziganes</span></td><td class="rt">Théâtre</td></tr>
-<tr><td><span class="smcap">Les Bonaparte</span></td><td class="rt">&mdash;</td></tr>
-<tr><td><span class="smcap">Les Charmettes</span></td><td class="rt">&mdash;</td></tr>
-<tr><td><span class="smcap">La Lumière du Soir</span></td><td class="rt">&mdash;</td></tr>
-<tr><td><span class="smcap">Théophile Gautier</span></td><td class="rt">Étude</td></tr>
-<tr><td><span class="smcap">L’Après-Midi chez l’Antiquaire</span> (<i>L’Édition</i>).</td></tr>
-
-<tr><td>&nbsp;</td></tr>
-<tr><td><span class="pagenum"><a name="page_100" id="page_100">{100}</a></span></td></tr>
-
-<tr><td class="c"><i>A paraître</i>:</td></tr>
-<tr><td>&nbsp;</td></tr>
-<tr><td><span class="smcap">Le Dimanche avec Paul Cézanne</span> (<i>L’Édition</i>).</td></tr>
-<tr><td><span class="smcap">Paris mort et vif...</span></td></tr>
-<tr><td><span class="smcap">La Journée du Célibataire</span> (<i>L’Édition</i>).</td></tr>
-<tr><td><span class="smcap">La Trahison d’Eurydice</span></td><td class="rt">Roman</td></tr>
-<tr><td><span class="smcap">Monsieur le Curé</span></td><td class="rt">&mdash;</td></tr>
-<tr><td><span class="smcap">Art Poétique</span></td><td class="rt">Poésies</td></tr>
-<tr><td><span class="smcap">Le Dimanche de l’Amateur.</span></td></tr>
-</table>
-
-<div class="figcenter" style="width: 291px;">
-<a href="images/illu-108.jpg">
-<img src="images/illu-108.jpg" width="291" height="203" alt="[pas d'image disponible.]" /></a>
-</div>
-
-<p><span class="pagenum"><a name="page_101" id="page_101">{101}</a></span></p>
-
-<div class="poetry"><div class="poem"><small>
-ACHEVÉ D’IMPRIMER LE VINGT-CINQ AVRIL<br />
-MIL NEUF CENT VINGT-CINQ, SUR LES<br />
-PRESSES DE COULOUMA, MAITRE IMPRI<br />
-MEUR
-A ARGENTEUIL, H. BARTHÉLEMY<br /> ÉTANT
-DIRECTEUR, POUR LE COMPTE<br />
-DE G. BRIFFAUT, ÉDITEUR A PARIS.</small></div></div>
-
-<hr class="full" />
-<div style='display:block; margin-top:4em'>*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK LA POUPÉE ***</div>
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-Sections 3 and 4 and the Foundation information page at www.gutenberg.org.
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-Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
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-Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
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-Section 5. General Information About Project Gutenberg&#8482; electronic works
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