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You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: Éloge du sein des femmes + Ouvrage curieux + +Author: Claude-François-Xavier Mercier de Compiègne + +Release Date: June 17, 2006 [EBook #18610] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ÉLOGE DU SEIN DES FEMMES *** + + + + +Produced by Chuck Greif, Carlo Traverso and the Online +Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This +file was produced from images generously made available +by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at +http://gallica.bnf.fr) + + + + + + + + + +ÉLOGE DU SEIN DES FEMMES + +TIRÉ A 602 EXEMPLAIRES NUMÉROTÉS, SAVOIR: + +400 exemplaires in-8° couronne, papier vergé. +150 -- -- carré, -- vélin. + 30 -- -- -- -- chine. + 30 -- -- -- -- whatman. + 2 -- -- -- -- peau vélin. + +N° 285 + +OUVRAGE CURIEUX + +DANS LEQUEL ON EXAMINE S'IL DOIT ÊTRE DÉCOUVERT S'IL EST PERMIS DE LE +TOUCHER QUELLES SONT SES VERTUS, SA FORME, SON LANGAGE, SON ÉLOQUENCE +LES PAYS OÙ IL EST LE PLUS BEAU ET LES MOYENS LES PLUS SURS DE LE +CONSERVER + +PAR + +MERCIER DE COMPIÈGNE + +QUATRIÈME ÉDITION + +REVUE, ANNOTÉE ET CONSIDÉRABLEMENT AUGMENTÉE + +[Illustration: Honni Soit Qui Mal Y Pense] + +PARIS + +A BARRAUD, EDITEUR-LIBRAIRE + +23, RUE DE SEINE + +1873 + + + + +AVANT-PROPOS. + + +Ce fut en 1720 que parut à Amsterdam un volume intitulé les _Tétons_; il +formait la troisième partie d'une série où figuraient déjà les _Yeux_ et +le _Nez_; le frontispice ajoutait qu'il y avait là des «ouvrages +curieux, galants et badins, composés pour le divertissement d'une +certaine dame de qualité, par J. P. N. du C.» Une annonce faite par un +libraire hollandais, en 1721, informe le public que l'auteur se +proposait de passer successivement en revue «toutes les parties du corps +humain;» projet scabreux qu'il n'eut pas le temps d'effectuer ou dont +les difficultés l'arrêtèrent. Diverses indications permettaient +d'ailleurs d'attribuer la rédaction de ce triple recueil à Étienne +Roger, libraire actif, établi à Amsterdam, et qui mettait volontiers la +main aux livres qu'il offrait au public. Toutefois les bibliographes les +plus accrédités mettent l'oeuvre sur le compte de Jean-Pierre-Nicolas +Ducommun, dit Véron, dont les initiales cadrent fort bien avec l'énoncé +du titre, et qui est l'auteur de diverses pièces de vers (fort +médiocres) insérées dans la troisième partie du recueil en question. + +Un quart de siècle s'écoula, et le volume mis au jour à Amsterdam +reparut avec le titre suivant: _Éloge des tétons, ouvrage curieux, +galant et badin, en vers et en prose_, publié par ***, Francfort, 1746, +in-8. En 1775, cet _Eloge_ fut derechef réimprimé sous la rubrique de +_Cologne, à l'enclume de vérité_, 1775; on y joignit diverses _pièces +amusantes et la Rinomachie ou Combat des nez_. + +Vers la fin du siècle dernier, vivait à Paris un littérateur médiocre, +mais actif, Claude-Francois-Xavier Mercier, surnommé de Compiègne, afin +de le distinguer de divers autres Mercier; il était né dans cette ville +en 1763. Se trouvant sans ressources pendant les orages de la +Révolution, il demanda à sa plume des moyens d'existence; il se fit le +vendeur de ses écrits, et il les multiplia rapidement. Il rédigeait, il +compilait, il traduisait, il composait en prose et en vers une multitude +d'in-18 qui se succédaient avec promptitude et qui portaient souvent +l'empreinte de la rapidité avec laquelle ils étaient élaborés. Mercier +d'ailleurs, il faut le reconnaître, manquait de goût, et son +instruction était fort superficielle. Il a laissé divers écrits dont il +est inutile de rappeler les titres, mais qui excitent, à bon droit, les +craintes du chaste lecteur; il aimait à traiter des sujets bizarres; il +mit en français, en y joignant des additions assez considérables, une +facétie de l'Allemand Rodolphe Goclemin, et il les publia sous le titre +d'_Eloge du pet_, dissertation historique, anatomique et philosophique +sur son origine, son antiquité, ses vertus, sa figure, les honneurs +qu'on lui a rendus chez les peuples anciens et les facéties auxquelles +il a donné lieu (1799, in-18). Longtemps oubliés, les petits volumes +sortis de l'officine de Mercier trouvent aujourd'hui des amateurs +très-disposés à les recueillir; dans le nombre figure l'_Eloge du sein +des femmes_, publié à Paris en 1800; c'est un _riffacimiento_ du volume +dont nous avons mentionné trois éditions antérieures. Mais selon son +usage, Mercier ne s'est point borné à une simple reproduction; il a +supprimé des longueurs, il a ajouté des détails nouveaux, il a inséré +des pièces de vers parmi lesquelles il en est d'assez agréables; il a +remanié la division du texte original, qui se trouve offrir trois +chapitres nouveaux; il a joint à tout ceci une gravure due à un burin +peu exercé qui a reproduit gauchement un dessin lourd et maussade. Il +eût été facile de trouver sans doute un artiste mieux inspiré. + +Le petit volume en question est devenu assez rare, surtout en bon état; +nous avons pensé que quelques amateurs feraient bon accueil à une +quatrième édition de cet _Eloge_; ils ne regretteront pas sans doute d'y +trouver une sorte d'anthologie de ce que divers poëtes ont dit à propos +du sein; nous avons dû nous borner à choisir, car si nous avions voulu +tout reproduire, nous aurions grandement dépassé les bornes que nous +avons dû nous prescrire; mais nous espérons que nos recherches, dans des +volumes assez peu connus parfois, nous auront amenés à mettre la main +sur des morceaux gracieux qu'on lira avec plaisir. + + + + +ÉPITRE DÉDICATOIRE. + + +SONNET. + + _L'auteur du traité des Tetons + Chante si haut sur la matière + Qu'il donneroit musique entière, + S'il descendoit de quelques tons._ + + _Mais comme sa muse est altière, + Il n'ira pas chez ses Martons, + Chanter leurs tourelontontons, + De là jusqu'à la jarretière._ + + _Si cependant du haut en bas, + Il alloit pousser ses ébats; + On entendroit belle harmonie!_ + + _Vénus, peinte par tous ses traits, + Feroit éclater mille attraits + Dans une telle anatomie._ + + Par C. L. d'Ar. + +_Nota._ Nous avons supprimé l'épitre dédicatoire de Ducommun, sur +l'édition d'Amsterdam, 1720, parce qu'elle n'a rien de neuf, ni de +piquant; nous la remplaçons par une petite pièce de vers assez rare et +qui vient ici fort à propos, puisqu'elle s'adresse aux dames. + +LES POMMES. + + Le ciel, pour enchanter les hommes, + Vous a fait présent de six pommes: + Sur votre visage il a mis + Deux petites pommes d'apis + D'un bel incarnat empourprées, + Et que nature a colorées: + Les soucoupes et les cristaux + Ne portent pas de fruits si beaux. + Plus bas une fraîche tablette, + En supporte deux de rainette; + Et l'on trouve encore plus bas + Deux autres qu'on ne nomme pas. + Elles sont de plus grosse espèce, + Et n'ont pas moins de gentillesse: + Ce sont deux pommes de rambour, + Qu'on cueille au jardin de l'amour. + Voilà trois paires de jumelles + Qui font tourner bien des cervelles. + Ève perdit le genre humain, + N'ayant qu'une pomme à la main; + Mais notre appétissante mère, + En laissait voir deux sur son sein. + Et l'attrait des fruits de Cythère, + Dont l'aspect le mettait en train, + Fit succomber notre bon père. + Satan, dont l'esprit est malin, + Entrait aussi dans le mystère. + Pressés, comme Adam, de manger, + Nous pétillons d'impatience + Auprès du jardin potager + Dont vous portez la ressemblance. + Vive la pomme et les pommiers! + Leur aspect seul nous ravigotte: + On doit baiser les deux premiers, + Avec les seconds on pelotte: + Triomphe! amour! aux deux derniers. + Heureux qui les met en compotte! + +[Illustration] + +ÉLOGE DU SEIN DES FEMMES. + + + + +CHAPITRE PREMIER. + +DES TÉTONS, DE LEUR POUVOIR ET DE LEURS CHARMES. + + +J'avais d'abord le dessein de faire un traité de la supériorité du teint +blanc sur le brun, et ces deux chansons de Cl. Marot m'en avaient fourni +l'idée: + + +DE LA BRUNE. + + Pourtant si je suis brunette, + Amy, n'en prenez esmoy: + Autant suis ferme et jeunette, + Qu'une plus blanche que moy + Le blanc effacer je voy. + + Couleur noire est toujours une, + J'ayme mieux donc estre brune + Avecques ma fermeté, + Que blanche comme la lune + Tenant de legereté. + + +POUR LA BLANCHE. + + Pourtant si le blanc s'efface, + Il n'est pas à despriser: + Comme luy le noir se passe, + Il a beau temporiser. + + Je ne veux point mespriser, + Ne mesdire en ma revanche: + Mais l'ayme mieux estre blanche + Vingt ou trente ans ensuivant + En beauté nayve et franche, + Que noire tout mon vivant. + +Mais à quoi bon raisonner simplement sur les couleurs, lorsqu'il y a +tant d'autres beautés plus solides chez les femmes! ce serait mal +employer son temps, et abuser de la bonté de mes lectrices. Ce n'est +donc, ni de vos pieds mignons, ni de vos belles mains potelées, ni de +vos yeux brillants, ni de votre joli petit nez, ni des autres parties de +votre charmant ensemble, que je veux vous entretenir aujourd'hui. +N'appréhendez pas que je puisse vous faire rougir. Je suis de l'avis de +Marot, lorsqu'il dit: + + Arrière! mots qui sonnent salement, + Parlons aussi des membres seulement + Que l'on peut voir, sans honte, descouverts; + Et des honteux ne souillons point nos vers. + Car, quel besoin est de mettre en lumière + Ce qu'est nature à cacher coustumière?... + +Ainsi, pour ne pas vous tenir plus longtemps dans l'incertitude, c'est +l'éloge des tétons que je vais faire. Le sujet est beau, il est grand, +il a exercé les génies les plus élevés. Le cavalier Marin appelle les +tétons des belles, deux tours vivantes d'albâtre, d'où l'amour blesse +les amants: il les compare à deux écueils, contre lesquels notre liberté +vient faire agréablement naufrage: il les appelle deux mondes de +beautés, éclairés par deux beaux soleils, c'est-à-dire les yeux. Un +poète français, qui n'est guères moins ingénieux que le cavalier Marin, +moins magnifique dans ses peintures, mais plus juste et plus gai, les +appelle dans une de ses chansons, deux pommes, et il ajoute: + + Heureux qui peut monter sans bruit + Sur l'arbre qui porte ce fruit! + +Cyrano de Bergerac trouve mauvais que les écrivains modernes, qui +veulent peindre une beauté parfaite, emploient l'or, l'ivoire, l'azur, +le corail, les roses et les lis: il n'a pas plus raison de les tourner +en ridicule, parce qu'ils clouent les étoiles dans les yeux des belles, +et qu'ils dressent des montagnes de neige à la place de leur sein: en +effet, ces expressions pompeuses sont dignes de ces grands objets, et le +sein des femmes a des charmes encore au-dessus de ceux de leurs yeux. +C'est ce que Cotin nous démontre par des vers sur une belle gorge: + + Dans l'entretien délicieux + De la charmante Iris dont je suis idolâtre, + Va, pose, Amour, sur ses beaux yeux, + Le voile qu'elle a mis sur sa gorge d'albâtre. + + Quand le printems a banni la froidure, + On ne voit point de si beaux lis + Aux jardins les plus embellis + Par les soins curieux qu'apporte la nature. + + Depuis que de mon coeur je fis l'heureuse perte, + J'ai visité bien des climats, + En dépit des chaleurs, en dépit des frimats: + Et si je n'ai point fait de telle découverte. + + Pour voir un objet sans pareil, + Il ne faut point courir sur tant de mers profondes, + Ni voir l'un et l'autre soleil, + Il faut voir ces deux petits mondes. + + Pour rendre de mon sort tout l'univers jaloux, + Il suffit qu'à mes yeux leur blancheur on étale; + L'Aurore n'offrit rien à l'amoureux Céphale, + De si charmant et de si doux. + + Ah! si, sans leur déplaire, on osait les toucher, + Et si deux belles mains n'y mettaient point d'obstacle, + Serait-ce point, par un miracle, + Amollir un coeur de rocher? + + Dans l'entretien délicieux + De la divine Iris, dont je suis idolâtre: + Amour, en ma faveur, viens mettre sur ses yeux + Le voile qu'elle a mis sur sa gorge d'albâtre. + +Une belle gorge avait tant d'empire sur le coeur de Boursault, que pour +en voir une, à travers la mousseline, il devenait amoureux jusques à la +folie. C'est ce que prouvera ce beau fragment d'une lettre qu'il +écrivait à son ami Charpentier: + +«Je vous ai fait promettre qu'après dîner nous irions ensemble chez la +belle brune, avec qui nous jouâmes hier au logis de Mme Deshoulières: je +vous dispense de me tenir parole, à moins que vous ne me donniez caution +bourgeoise pour la sûreté de ma personne. Ce n'est pas que je doive rien +appréhender pour ma liberté. Délivré de la tyrannie d'une blonde qui m'a +fait soupirer quinze ou seize mois pour rien, j'ai fait serment de ne +tomber de ma vie en de pareilles fautes; mais dans les tems de ma +première servitude, il m'est échappé tant de sermens, j'en ai tenu si +peu, que je n'ose plus me mettre au hasard de jurer de rien. Je trouvai +hier votre brune si bien faite, ses yeux me parurent si brillans, sa +bouche si petite, sa gorge, que je ne vis que par les yeux de la foi, +est, je crois, si belle, que si vous n'eussiez arraché ma vue de dessus +ses charmes, quand vous me fîtes souvenir qu'il était tems de nous en +aller, je sentais déjà ce que je sentis la première fois que je +commençai d'aimer. Mon coeur, que j'ai fait le gardien de ma franchise, +m'a joué tant de tours, que, si tantôt je vous accompagne à la visite +que vous avez dessein de rendre, je gage que j'en reviens aussi chargé +d'amour, que si on le donnait _pro Deo_.» + +Le même auteur, faisant à sa maîtresse le portrait d'une belle, marque +bien expressivement la victoire assurée que remporte une belle gorge sur +une âme masculine. + +«En vérité, Babet, dit-il, si tu ne reviens bientôt de Bagnolet, tu +cours risque de ne pas me trouver constant à ton retour. On me mena hier +au bal, où je trouvai une jeune personne qui n'a pas moins de belles +qualités que toi. Elle a les cheveux d'un blond cendré, tout-à-fait +beau, mais qui n'approche pourtant pas de la couleur des tiens. Elle a +le front grand et élevé, mais le tien l'est encore davantage. Ses +sourcils qui ne paraissent presque point, parce qu'ils sont blonds, se +montrent toutefois assez, pour faire remarquer que leur symétrie est la +plus régulière du monde. Ses yeux, qui sont aussi noirs que les tiens +sont bleus, sont si bien fendus, qu'ils ne jettent jamais un regard, +sans faire une conquête. Ils ont autant de vivacité que les tiens ont de +douceur, et ils semblent faits pour prendre de l'amour, comme les tiens +pour en donner. On voit sur ses joues une nuance de blanc et d'incarnat +si éclatante, qu'il semble qu'elle tienne des mains de l'art un présent +qui ne vient que de celles de la nature, qui a pris tant de peine après +elle, que, sans toi, qui es son chef-d'oeuvre, elle serait le plus beau +de tous ses ouvrages. Son nez, qui n'est ni trop grand ni trop petit, +est justement comme il le faut, pour avoir beaucoup de ressemblance avec +le tien: sa bouche, qui n'est pas si petite que la tienne, est plus +petite qu'aucune autre que j'aie jamais vue. Elle a les lèvres si +fraîches et si vermeilles, que, depuis ton absence, je n'ai rien +envisagé de plus charmant. Ses dents sont si blanches et si bien +rangées, que je lui faisais cent contes risibles, pour avoir le plaisir +de les voir souvent. Le trou qu'elle a au menton me fait souvenir +qu'elle en a encore aux joues, ce qui donne une merveilleuse grâce au +reste de son visage. Pour sa gorge, on peut dire: + + Que c'est là que l'Amour, pour lancer tous ses traits, + Entre deux monts d'albâtre est campé tout exprès. + +«Je te jure, Babet, que je n'ai jamais rien vu de si aimable; si mon +_galérien de coeur_, qui n'échappe jamais d'une chaîne que pour tomber +dans une autre, ne se contentait de la gloire de tes fers: + + Ma constance ébranlée allait faire naufrage.» + +N'est-ce pas la jolie gorge de Dorimène qui fait ainsi délirer +Sganarelle, lorsqu'il dit: + +«Où allez-vous, belle mignonne, chère épouse future de votre époux +futur? Eh bien! ma belle, c'est maintenant que nous allons être heureux +l'un et l'autre! vous ne serez plus en droit de me rien refuser; je +pourrai faire avec vous tout ce qui me plaira, sans que personne s'en +scandalise. Vous allez être à moi, depuis la tête jusqu'aux pieds, et je +serai le maître de tout! de vos petits yeux éveillés, de votre petit +nez fripon, de vos lèvres appétissantes, de votre petit menton, de vos +petits tétons rondelets, de votre, etc. Enfin toute votre personne sera +à ma discrétion, et je serai à même pour vous caresser comme je voudrai. +N'êtes-vous pas bien aise de ce mariage, mon aimable pouponne?» + +On croira peut-être que ce discours de Sganarelle est une gradation, et +que ce qu'il laisse en blanc, est le plus fort objet de sa passion; je +le veux bien, mais en ce cas, il a le goût un peu trop terrestre et +grossier. Tel est celui de l'auteur des vers suivants, à sa maîtresse, +sur un mal de gorge: + + Il est bien peu galant de vous prendre à la gorge, + Ce mal qui dedans vous regorge; + C'est être à vous saisir un des plus maladroits; + Si j'avois, comme lui, sur vous droit de m'étendre, + Et, comme lui, le choix de ce qu'on peut vous prendre, + Je vous saisirois bien par des meilleurs endroits. + +Que dira-t-on de la pensée d'un autre auteur qui dit: l'amour ressemble +à un jeu de paume; quand une fille se laisse baiser la main, cela vaut +quinze; si elle souffre que l'on prenne un baiser sur ses lèvres, cela +vaut trente; si elle permet que ce soit sur la gorge, cela vaut +quarante-cinq: il ne faut plus qu'un coup, et le jeu est gagné. + +Je raconterai l'histoire suivante, parce qu'elle est vraie: + +«On a souvent parlé de la force du sang, mais on n'a pas aussi souvent +parlé de la gorge; quoi-qu'avec beaucoup de raison, on appelle +aujourd'hui les tétons, le _boute-en-train_. Le fait suivant prouve +admirablement leur vertu, qu'on peut nommer de résurrection, et de +résurrection de la chair. Dans la plupart des églises papistes où la +superstition était dominante, il se faisait des cérémonies tout à fait +extravagantes. La ville de... était un des plus fameux théâtres de ces +représentations de mystères ridiculement fanatiques. C'était une coutume +établie de temps immémorial, de représenter chaque année, dans la +semaine sainte, les mystères de la passion. Pour aller au solide, sans +s'amuser à la bagatelle, on ne manquait pas, le jour du vendredi saint, +d'offrir aux dévots spectateurs une scène burlesque du crucifiement du +Sauveur du monde. On choisissait pour cela un jeune homme de la ville, +auquel on faisait porter une croix fort pesante, à laquelle on +l'attachait avec des cordes au lieu de clous, et dans une nudité presque +complète. Je dis presque, parce que l'impudeur n'était pas encore +parvenue au point de dévoiler certaines parties qui doivent être +cachées. On les voila donc chez notre jeune homme avec une ceinture de +papier. Il faut remarquer que le jouvenceau était le corps du monde le +mieux formé, le plus vigoureux en apparence, et de la plus belle carrure +d'épaules. Et que la même coutume faisait choisir entre les plus belles +filles de la ville, trois tendrons qu'on aurait pris pour des Vénus, +pour représenter les trois Maries pleurantes au pied de la croix. On +n'avait pas seulement égard aux traits réguliers du visage, ni à la +finesse de la taille, on voulait qu'elles fussent encore richement +pourvues du grand mobile de la tendresse, je veux dire fournies de +tétons à l'Anglaise, que l'on laissait en pleine liberté d'émouvoir la +copie du Christ. Or, l'année où se passa le fait que je raconte, le +choix fut si bon (les prêtres se connaissent en attraits) que l'on mit +sous la croix, dans le beau désordre de la douleur, les trois filles les +plus ravissantes. On eût pris chacune d'elle pour Vénus, ou toutes trois +pour les Grâces. Elles ne furent pas plutôt sous les yeux du crucifié, +qu'elles firent miracle, je veux dire que, malgré la situation où il +était, et la majesté de son personnage, les trois Maries produisirent +l'effet le plus étonnant que puisse peindre la chronique scandaleuse. +Notre Hercule galant, posté à l'avantage, avait en perspective une +demi-douzaine de tétons capables, par leur systole et leur diastole, de +subjuguer la vertu du plus froid anachorète, ce qui occasionna un +incident très-comique et très-profane, car le crucifié, au lieu de +prononcer du haut de sa croix des paroles dignes de celui qu'il +représentait, prononça des turpitudes dignes de l'abolition éternelle +d'une cérémonie aussi indécente, et telles en un mot qu'on peut les +deviner. Enfin, n'y pouvant plus tenir, il ne put s'empêcher de crier: +«Otez donc de devant mes yeux les trois Maries, ou le papier va +crever.» Le scandale que fit naître une telle action, et des paroles qui +compromettaient à ce point la religion, firent rentrer l'archevêque en +lui-même, et lui firent comprendre qu'elles l'exposaient à la risée +publique. Il supprima donc un usage, ou plutôt un abus qui tendait +directement au mépris du culte, de manière qu'il n'en fut plus parlé +depuis[1]. + +[Note 1: Évariste Parny, auteur, en l'an VII, du poëme de la _Guerre +des Dieux_, dans lequel on ne reconnaît plus le chantre délicatement +voluptueux d'_Éléonore_, du _Lendemain_, et de la _Journée champêtre_, a +fait usage de cette anecdote dans le deuxième chant de ce poëme, +première édition. Il l'a supprimée dans la seconde édition, et c'est +peut-être un second tort. C'est dans cet Éloge qu'il a trouvé ce mystère +qu'il fait jouer à la famille de Dieu: il n'a donc pas eu le mérite +d'une grande invention dans ce poëme. + +Pensant que le lecteur en sera satisfait, nous reproduisons ce morceau, +qui du reste tient ici naturellement sa place: + + Du Paradis la troupe infatigable, + Pour terminer, joua la Passion, + Et joua bien. Les conviés, dit-on, + Goûtèrent peu ce drame lamentable. + Mais un malheur qu'on n'avait pas prévu + Du dénouement égaya la tristesse: + Bien flagellé, le héros de la pièce + Était déjà sur la croix étendu. + On choisissait pour ce rôle pénible + Un jeune acteur intelligent, sensible, + Beau, vigoureux, et sachant bien mourir, + Il était nu des pieds jusqu'à la tête: + Un blanc papier qu'une ficelle arrête + Couvrait pourtant ce que l'on doit couvrir. + Charmante encore après sa pénitence, + La Magdelène au pied de la potence + Versait des pleurs: ses longs cheveux épars, + Son joli sein qui jamais ne repose, + Du crucifié attirait les regards. + Il voyait tout, jusqu'au bouton de rose; + Quelquefois même il voyait au-delà. + Prêt à mourir, cet aspect le troubla. + Il tenait bon; mais quelle fut sa peine, + Quand le feuillet vint à se soulever! + «Otez, dit-il, ôtez la Magdelène! + Otez-la donc, le papier va crever.» + Soudain il crève; et la Vierge elle-même + Pour ne pas rire a fait un vain effort. + «Le tour est bon, dit le Père suprême, + On le voit bien, le drôle n'est pas mort.»] + +Un peintre peut venir à bout de représenter aux yeux toutes les grâces +d'un beau visage. Il échoue ordinairement, quand il essaye de peindre +une belle gorge. La Motte en pourrait être une preuve dans le portrait +suivant: + + Toi, par qui ta toile s'anime. + Peintre savant, prends ton pinceau: + Et qu'à mes yeux ton art exprime + Tout ce qu'ils ont vu de plus beau. + + Ne m'entends-tu pas? peins Silvie: + Mais choisis l'instant fortuné + Où, pour le reste de ma vie, + Mon coeur lui fut abandonné. + + Au bal, en habit d'Espagnole, + Elle ôtoit un masque jaloux, + Plus promptement qu'un trait ne vole, + Je fus percé de mille coups. + + Peins ses yeux doux et pleins de flamme, + D'où l'Amour me lança ses traits; + D'où ce Dieu s'asservit mon âme, + En un instant et pour jamais. + + Peins son front plus blanc que l'ivoire. + Siége de l'aimable candeur; + Ce front, dont Vénus feroit gloire. + S'il y brilloit moins de pudeur. + + Poursuis, peins l'une et l'autre joue, + La honte des roses, des lis; + Et sa bouche où l'Amour se joue, + Avec un éternel souris. + + Peins sa gorge.... Mais non: arrête.... + Ici, ton art est surmonté; + Ah! quelques couleurs qu'il apprête, + Tu n'en peux rendre la beauté. + + Laisse cet inutile ouvrage; + Ah! de l'objet de mon ardeur + Il n'est qu'une fidelle image: + Que l'Amour grava dans mon coeur. + +La pièce suivante prouve que la gorge des mortelles est digne de plus +d'amour et d'admiration que celle des déesses même, et que ces dernières +en conviennent, ce qui est plus extraordinaire encore: + + Au temps de l'aimable saison, + Iris rêvant dans la prairie, + S'endormit sur un mol gazon + Tapissé d'une herbe fleurie. + Zéphire, charmé de son teint, + Qui d'un vif incarnat se peint, + Vint d'abord faire le folâtre, + Autour de sa gorge d'albâtre. + Jalouse d'un transport si doux, + Flore gronda son infidelle, + Et lui dit, pleine de courroux: + Me préférer une mortelle! + Zéphire qui se sentoit fort, + Reparti: Voyez cette belle! + Flore jeta les yeux sur elle, + Et convint qu'il n'avait pas tort. + +Il n'est donc plus étonnant qu'en traduisant l'inimitable Anacréon, un +de nos poëtes français ait dit: + + Que ne suis-je la fleur nouvelle + Qu'au matin Climène choisit, + Qui sur le sein de cette belle + Passe le seul jour qu'elle vit! + +Le _Poëte sans fard_ a trouvé fort bon ce souhait, et l'a développé de +cette manière: + + Hélas! trop cruelle Silvie, + Permettez au moins que j'envie + Le beau sort de certaines fleurs + Dont vous vous parez avec grâce, + Et dont votre beau teint efface + Toutes les plus vives couleurs. + Oui: je voudrois être la rose + Que vous placez sur votre sein. + D'une telle métamorphose + Quel est, direz-vous, le dessein? + Le voici: par vos mains cueillie, + Mon destin seroit des plus doux; + Je n'aurois qu'un seul jour de vie, + Mais je ne vivrois que pour vous. + +Un poëte anacréontique du dix-neuvième siècle, non moins grand +admirateur de cette belle portion des charmes du sexe qui fait tourner +la tête au nôtre, exprime ainsi le même souhait, d'être changé en +rose[2]: + + AIR: _Je vais quitter ce que j'adore._ + + Vive, de la métempsycose + Le système consolateur, + Par lui mon esprit se repose + Sur un avenir enchanteur. + Que mon être se décompose, + L'espoir m'offre un riant tableau: + L'Amour, sous les traits d'une rose, + Me promet un être nouveau. + + AIR: _Une fille est un oiseau._ + + Oh! comme je jouirais + De cette métamorphose! + Sur le sein d'une autre Rose + Comme je m'étalerais! + Centuplant pour plaire à Rose, + De mes doux parfums la dose, + Avec plaisir je m'expose, + A mourir sur ses attraits: + Mourir!... oui; mais je suppose + Que je puis d'une autre chose + Prendre encor la forme après. (_bis_.) + +[Note 2: Voy. _Le Bouquet de roses, ou le Chansonnier des Grâces_, +première année, Favre, Palais-Égalité.] + +Le plaisant et érotique Le Pays, dans la lettre suivante adressée à sa +Caliste, souhaite aussi de mourir sur son sein: + +«Quand je sortis hier de chez vous, j'en sortis avec une bonne +résolution de m'aller tuer, afin d'avoir l'honneur de vous plaire une +fois en ma vie, et de vous défaire pour jamais d'une personne +incommode; mais jusques ici je n'ai pas exécuté mon dessein, à cause de +l'embarras où je me suis trouvé à choisir un genre de mort. J'eus +d'abord envie d'imiter feu Céladon, d'amoureuse mémoire, et de m'aller +précipiter dans la rivière; mais j'eus peur que l'eau ne me rejetât sur +les bords, aussi bien que lui, et que je ne fusse recueilli par quelques +nymphes pitoyables qui, malgré moi, me sauvassent la vie. Il me prit +aussi fantaisie de m'aller pendre à votre porte, à l'imitation du +pendart Iphis; mais je m'imaginai que ce seroit vous déshonorer que de +faire un gibet de votre porte; outre que c'est un genre de mort pour +lequel j'ai eu de l'aversion dès le temps que j'étois petit enfant. Je +pensai aussi à m'empoisonner, mais je crus que du poison ne seroit pas +capable de m'ôter la vie, non plus qu'à Mithridate, à cause de la grande +habitude que j'en ai faite. N'étant pas mort depuis si longtemps que je +me nourris de crainte, de chagrin, d'inquiétude et de désespoir, qui +sont les poisons du monde les plus violents, apparemment je ne pourrois +pas mourir pour prendre de l'arsenic ou de l'antimoine. Je n'oubliai pas +aussi qu'un poignard mis dans le sein étoit un bon expédient pour +mourir: mais je crus que je ne devois pas choisir ce genre de mort +qu'avoit choisi une femme qui mourut de regret d'avoir fait une chose +que je meurs de regret de ne pouvoir faire. Mon désespoir est trop +différent de celui de Lucrèce, pour ne pas mourir d'une mort +différente. Enfin, Caliste, j'ai passé la nuit à chercher sans pouvoir +trouver la mort dont je devois mourir. Au reste, ne croyez pas que ce +soit la mort qui m'étonne, ce n'est que la manière de mourir qui +m'inquiète: car, pour vous dire le vrai, après avoir vécu avec tant de +chagrin, je voudrois bien mourir d'une mort qui me donnât un peu de +plaisir. Je viens de penser à une qui seroit très-bien mon affaire: ce +seroit, Caliste, de mourir entre vos bras, _pâmé sur votre sein_. Je +sens bien en mon coeur que je n'ai pas d'horreur pour cette mort comme +pour se noyer, s'empoisonner, se pendre ou se poignarder. Obligez-moi +donc en me laissant mourir de cette sorte; car, puisqu'enfin vous voulez +que je meure, que vous importe que ce soit de douleur ou de plaisir?» + +Je serais tenté de croire qu'il y a, dans le charme attaché à une belle +gorge, un talisman, de la magie et de l'enchantement; ce qui pourtant +détruit cette idée, c'est le sonnet suivant, adressé à des belles qui +demandaient un secret, un sortilége et des paroles magiques pour se +faire aimer: + + Pourquoi me demander la ruse criminelle + Par quoi l'art des démons met les coeurs dans les fers? + Vous, de qui la magie est blanche et naturelle, + Et fait qu'à vos appas tant de voeux sont offerts. + Par vos charmes vainqueurs l'esprit le plus rebelle + Rend grâces à l'amour des maux qu'il a soufferts, + La flamme de vos yeux est trop pure et trop belle + Pour unir sa puissance à celle des enfers + Ce beau sein qui fait naître et vos lis et vos roses + Forme un enchantement de tant de belles choses, + Que leur force invincible a droit de tout charmer + Mais pour vous mieux servir de leur pouvoir extrême, + Ajoutez seulement ces trois mots: _je vous aime_; + Qui pourrait s'empêcher alors de vous aimer? + + +LES DEUX SAINTS. + + AIR: _La Fête des bonnes gens._ + + Qu'en ce jour tout résonne, + Des chants dictés par nos coeurs. + Dérobons à l'automne + Ce qui lui reste de fleurs; + Pour les belles, qu'on apprête + Des bouquets et des refrains; + C'est aujourd'hui la fête, + La fête de tous les saints. + + Tous les saints, ah! Glycère, + C'est beaucoup pour un seul jour; + Toi, qui n'adore guère + Que le plaisir et l'Amour, + Deux patrons, c'est bien honnête; + Comme toi, je me restreins. + Et désormais je ne fête, + Ne fête que tes deux saints. + + Ces deux saints que je chante + N'ont que des dehors flatteurs, + Et chacun d'eux m'enchante + Par de riantes couleurs. + Leur parure se compose + Du plus brillant des satins, + Ce sont deux boutons de rose + Qui couronnent tes deux saints. + + Longtemps sans les connaître. + Je ressentis leur pouvoir; + Il t'en souvient peut-être, + C'est toi qui me les fis voir. + A ce spectacle sensible, + Vers eux j'étendis les mains + Non, non, il n'est pas possible + De voir de plus jolis saints. + + Quoiqu'ils soient, ma Glycère, + Presqu'aussi durs qu'un rocher, + Parfois à ma prière + Ils se sont laissé toucher; + Jaloux de les voir encore, + Je donnerais, je le dis, + Pour ces deux saints que j'adore, + Tous les saints du Paradis. + + FÉLIX. + +[Illustration] + +[Illustration] + + + + +CHAPITRE II. + +DES BEAUX TÉTONS. + + +Avant de déterminer la forme et les qualités qui rendent une gorge +parfaite, examinons en quoi consiste la beauté d'une femme. Il faut, +dit-on, qu'elle réunisse les trente points suivants: + + La jeunesse. + Taille ni trop grande ni trop petite. + N'être ni trop grasse ni trop maigre. + La symétrie et la proportion de toutes les parties. + De beaux cheveux longs et déliés. + La peau délicate et polie. + Blancheur vive et vermeille. + Un front uni. + Les tempes non enfoncées. + Des sourcils comme deux lignes. + L'oeil bleu, à fleur de tête; et le regard doux. + Le nez un peu long. + Des joues un peu arrondies, avec une petite fossette. + Le rire gracieux. + Deux lèvres de corail. + Une petite bouche. + Dents blanches et bien rangées. + Le menton un peu rond et charnu, avec une fossette au bout. + Les oreilles petites, vermeilles et bien jointes à la tête. + Un cou d'ivoire. + Un sein d'_albâtre_. + _Deux boules de neige._ + Une main blanche, longue et potelée. + Les doigts terminés en pyramides. + Des ongles de nacres, de perle, tournés en ovale. + L'haleine douce. + La voix agréable. + Le geste libre et sans affectation. + Le corsage délié. + La démarche modeste. + +On a dit qu'Hélène réunissait ces trente points. _Franciscus Corniger_ +les a mis en dix-huit vers latins. Vincentio Calmeta les a aussi mis en +vers italiens qui commencent par _Dolce Flaminia_. + +Voici ceux de François Corniger: + + +MULIERIS PULCHRITUDO. + + _Triginta hæc habeat, quæ vult formosa videri + Foemina: sic Helenam fama fuisse refert. + Alba tria, et totidem nigra; et tria rubra; puellæ. + Tres habeat longas res, totidemque breves. + Tres crassas, totidem graciles, tria stricta, tot ampla, + Sint itidem huic formæ, sint quoque parva tria. + Alba cutis, nivei dentes albique capilli: + Nigri oculi, cunnus, nigra supercilia._ + _Labra, genæ, atque ungues rubri. Sit corpore longo, + Et longi crines, sit quoque longa manus. + Sintque breves dentes; auris, pes. Pectora lata, + Et clunes, distent ipsa supercilia. + Cunnus et os strictam, stringunt ubi cingula stricta, + Sint coxæ et culus, vulvaque turgidula. + Subtiles digiti, crines et labra puellis. + Parvus sit nasus, parva mamilla, caput._ + +En voici la traduction, que rapporte un vieux livre français intitulé: +_De la louange et beauté des Dames_. + + Trois choses blanches: la peau, les dents et les mains. + Trois noires: les yeux, les sourcils et les paupières. + Trois rouges: les lèvres, les joues et les ongles. + Trois longues: le corps, les cheveux et les mains. + Trois courtes: les dents, les oreilles et les pieds. + Trois larges: la poitrine ou le sein, le front et l'entre-sourcil. + Trois estroites: la bouche, _l'une et l'autre_, + la ceinture ou la taille et l'entrée du pied. + Trois grosses: le bras, la cuisse et le gros de la jambe. + Trois déliées: les doigts, les cheveux et les lèvres. + Trois petites: les tétins, le nez et la teste. + +L'auteur du _Procès et amples examinations sur la vie de +Carême-Prenant_, etc., dit qu'une belle femme se compose des beautés de +divers pays. + + Qui voudra belle femme querre (chercher), + Prenne visage d'Angleterre, + Ayant le corps d'une Flamande + Et les tetins d'une Normande, + Entés sur un cul de Paris, + Il aura femme de bon prix. + + * * * * * + + Celle qui a les bras charnus, + Grosse mammelle, nez camus, + Longue raison et courtes mains, + Elle est sujette au bas des reins. + + * * * * * + + Fille qui fait tetins paroir (paraître) + Son corps par étroite vêture + On se peut bien apercevoir + Que son c.. demande pâture. + +Les trois quatrains ci-dessus sont tirés du _Momus Redivivus_, t. II, p. +30 et 31, publié par Mercier de Compiègne, qui, lui-même, les a pris +dans l'ouvrage cité plus haut. + + +BLASON DE LA BELLE FILLE. + + Une dame d'excellente beauté + En tous ses faits doit estre modérée, + Avoir le coeur rempli de loyauté, + Maintien rassis, contenance assurée; + Bouche riant, mignonne, savourée, + OEil verdelet, le front largettement, + Clere de vis[3], de couleur proprement. + Menton fourchu, la chevelure blonde. + Humble regard à lever doucement, + Parfaite en bien seroit la plus du monde. + + Ferme tetin sur l'estomac planté, + Large entre-deux, rencontre relevée + Gorge plaisante, et le col long, santé, + Le nez traitiz[4], sourcille déliée, + Mollette main, blanche, bien alliée + De doigts et bras gresle tant seulement, + Gente de corps, taillée adroitement. + Hauteur moyenne et de belle faconde, + Gorriere[5] un peu, parler courtoyement, + Parfaite en bien seroit la plus du monde. + + Parmy les rains bien fournis à planté, + Grosse cuisse et devant haut enc...ée, + Motte à plein poing, sans être trop hantée, + De doux accueil et de rebelle entrée, + Le ventre épais, barbe de frais rasée, + Tenir l'escu au besoing droitement, + Et son bourdon serrer estroitement, + Je ne m'enquiers du trop ou peu profonde, + Le compagnon porter joyeusement + Parfaite en bien seroit la plus du monde. + + [Note 3: Visage.] + + [Note 4: Bien fait, joli.] + + [Note 5: Recherchée dans sa toilette.] + + +ENVOY. + + Prince gentil, pour vostre esbatement + Si vous trouvez un tel appointement + Au petit pied, jambe grossette et ronde, + Montez dessus et picquez hardiment, + Parfaite en bien seroit le plus du monde. + + PIERRE DANCRE + + +ÉPIGRAMME PAR LE SIEUR MOTIN. + + Si les esprits sont amusez + A joüer aux Champs Elisez, + Quand ils veulent jouer aux quilles, + Les boules sont tetins de filles. + Il est bien vray qu'en cet esbat + La boule les quilles abbat, + Mais icy c'est une autre affaire, + Car aux quilles vient le contraire, + Puisqu'au lieu de les renverser + Les tetins les font redresser. + + +CHANSON. + + J'ayme une fille de village, + De qui le gros sein pommelé + Monstre qu'elle tient recelé + Sous sa cotte un gros pucelage. + + Aussi est-ce à elle qu'on baille + De son village tout l'honneur, + Capable d'allumer un coeur + D'une autre flamme que de paille. + +Le plus galant des troubadours français, le célèbre Marot, nous instruit +particulièrement de la beauté des tétons dans l'épigramme suivante: + + +SUR LE BEAU TETIN. + + Tetin refait, plus blanc qu'un oeuf, + Tetin de satin blanc tout neuf, + Tetin qui fait honte à la rose, + Tetin plus beau que nulle chose, + Tetin dur (non pas tetin, voire, + Mais petite boule d'yvoire) + Au milieu duquel est assise + Une frèze, ou une cerise, + Que nul ne void ne touche aussi; + Mais je gage qu'il est ainsi, + Tetin donc au petit bout rouge, + Tetin qui jamais ne se bouge, + Soit pour venir, soit pour aller, + Soit pour courir, soit pour baller, + Tetin gauche, tetin mignon, + Tousjours loing de son compagnon, + Tetin qui portes tesmoignage + Du demeurant du personnage. + Quand on te void il vient à maints + Une envie dedans les mains + De te taster, de te tenir: + Mais il se faut bien contenir + D'en approcher, bon gré ma vie, + Car il viendroit une autre envie. + + O tetin ne grand, ne petit, + Tetin meur, tetin d'appétit, + Tetin qui nuict et jour criez, + Mariez moy tost mariez. + Tetin qui t'enfles et repousses + Ton gorgias de deux bons pousses, + A bon droit heureux on dira + Celui qui de laict t'emplira + Faisant d'un tetin de pucelle, + Tetin de femme entière et belle. + +Nous croyons faire plaisir au lecteur en mettant à la suite de la pièce +de Marot celle de Guichard, qui lui sert de réponse. + + +LES TÉTONS.--À CLÉMENT MAROT. + + Sur les tétons, Marot, je pense comme vous: + C'est l'ornement, le trésor d'une belle. + A des tétons qui peut être rebelle? + L'oeil ne peut voir rien de plus doux. + Bienheureuse la main qui les tient à son aise! + Et plus heureuse encor la bouche qui les baise! + Hélas! pourquoi gêner leur liberté? + Nul ajustement ne les pare + Comme l'entière nudité. + Ce qu'il faut d'embonpoint, leur élasticité, + L'intervalle qui les sépare, + Ce poli du satin, cette aimable rondeur, + Du bouton incarnat de la rose naissante, + Ce bouton surpassant la forme et la couleur, + Ce transparent tissu de neige éblouissante, + Et l'azur qui dessous se divise et serpente. + Tout est vu, pressé, dévoré, + Le BEAU TETIN, par vous gentiment célébré + Valoit-il les tétons pour lesquels je soupire? + Mon cher Marot, eh quoi! ces tétons pleins d'appas + Ne vous font point revoler ici-bas! + J'en remettrois la gloire à votre lyre. + + O de tous les tétons, tétons victorieux, + Chef-d'oeuvre de l'amour, tétons.... tétons des Dieux! + Foible mortel, renonce à chanter leur empire; + Tout l'Olympe assemblé n'y pourroit pas suffire; + Et, ce qui fait leur prix, ce qui fait mon bonheur, + Auprès de ces tétons je sens.... je sens un coeur. + +Benserade a rivalisé avec Marot dans l'apothéose des beaux tétons; car +quel poëte ne les a pas chantés! et voici la belle définition qu'il en +donne dans un sonnet: + + Beau sein déjà presque rempli, + Bien qu'il ne commence qu'à poindre, + Tétons qui ne font pas un pli, + Et qui n'ont garde de se joindre. + + De jeunesse ouvrage accompli, + Que de fard il ne faut pas oindre; + Si l'un est rond, dur et poli, + L'autre l'égale et n'est pas moindre. + + Sein par qui les dieux sont tentés, + Digne échantillon de beautés, + Que le jour n'a point regardées; + + Il garantit ce qu'il promet, + Et remplit toutes les idées + Du paradis du Mahomet + +La blancheur, la rondeur et la fermeté sont donc trois qualités +essentiellement requises pour mériter aux tétons le nom de beaux. Marot, +qui était connaisseur dans cette sorte de friandise, les aimait ronds, +comme on le voit dans ces vers, qui renferment des conseils sur le choix +d'une maîtresse. + + Quand vous voudrez faire une amie, + Prenez-la de belle grandeur: + En son esprit non endormie, + Et son tetin bonne rondeur. + Douceur + En coeur, + Langage + Bien sage, + Dansant, chantant par bons accords, + Et ferme de coeur et de corps. + + Si vous la prenez trop jeunette, + Vous en aurez peu d'entretien; + Pour durer, prenez-la brunette, + En bon poinct d'asseuré maintien: + Tel bien + Vaut bien + Qu'on fasse + La chasse + Du plaisant gibier amoureux: + Qui prend telle proye est heureux. + +Marot le prouve encore par ce rondeau: + + Toutes les nuicts, je ne pense qu'en celle + Qui a le corps plus gent qu'une pucelle + De quatorze ans, sur le point d'enrager, + Et au dedans un coeur, pour abbréger, + Autant joyeux qu'eut onques demoiselle. + + Elle a beau teint, un parler de bon zèle, + Et le tetin rond comme une groiselle, + N'ay-je donq pas bien cause de songer + Toutes les nuicts? + Touchant son coeur, je l'ay dans ma cordelle, + Et son mary n'a, sinon le corps d'elle; + Mais toutefois, quand il voudra changer, + Prenne le coeur, et pour le soulager, + J'auray pour moi le gent corps de la belle + Toutes les nuicts. + +Bois-Robert, né à Caen, en 1592, a aussi chanté le sein dans les stances +suivantes: + + Beau sein, belles bouches d'yvoire, + Vivants objects de ma memoire, + Cheres delices de mes jours, + Qui dedans vos rondes espaces + Cachez la demeure des Graces + Et la retraicte des Amours. + + Gorge de lys, pommes d'albatre + De qui mon oeil est idolatre, + Source des amoureux desirs. + Parfait assemblage de charmes, + Digne sujet de tant de larmes, + De tant de vers et de soupirs: + + Objects d'eternelle allegresse, + Petits messagers de jeunesse, + Petits gemeaux ambitieux, + Qui desja pour vous trop cognestre + Ne faisant encor que de naistre, + Vous enflez d'orgueil à nos yeux. + + * * * * * + + Plus heureux qui pour vous soupire; + Le mal qu'il se plaist d'endurer: + Mais, ô merveille que j'adore, + Je tiens bien plus heureux encore + Celuy qui vous fait souspirer. + +Charles Cotin nous fait voir dans le sonnet suivant _sur les tétons_, +qu'ils doivent être fermes, ronds, et bien écartés l'un de l'autre. + + Tandis que deux voisins sans se joindre véquirent, + Tous deux également de tous furent aimez; + Tous deux enflez d'orgueil et de grace animez. + Partagèrent entr'eux l'honneur qu'ils acquirent; + + Tous deux avoient quinze ans à l'âge qu'ils naquirent; + Tous deux sur même moule ils paraissoient formez; + L'un l'autre ils se fuyoient de dépit enflammez, + L'un à l'autre enviant les conquêtes qu'ils firent. + + Bien qu'un prince passât, ils ne s'ébranloient point; + Mais enfin leur orgueil s'enfla jusqu'à ce point, + Que leur triste union commença de paroître. + + Ils se baisèrent tant, qu'ils en firent pitié; + L'amour de tous naquit de leur inimitié, + Et de leur union le mépris vint à naître. + +M. Le Pays paraît être du même goût, quand il dit à son Iris, dans le +portrait qu'il fait d'elle: + +«Votre gorge semble avoir été faite au tour; et l'on peut dire que c'est +une beauté achevée. Votre sein est digne de votre gorge; il est blanc, +gras et potelé. Les deux petits globes qui le composent ne sont éloignez +que de deux doigts, et cependant je suis assuré que de leur vie ils ne +se sont baisez, quoi qu'ils soient frères, et qu'ils deussent bien +s'aimer, si la ressemblance fait l'amitié.» + +L'auteur de la chanson picarde, qui commence par ces mots: _Ton himeur +est, Catherene_, les aimait aussi avec cette qualité; il fait dire à +l'amant: + + Pour ta bouche elle est plus rouge + Que n'est la creste d'un cocq; + Et ta gorge qui ne bouge, + Paroit plus ferme qu'un roc. + +Une belle gorge étant la meilleure recommandation que puisse avoir une +femme, elle ne saurait trop la voiler pour la garantir du hâle; car il +en est peu de privilégiées aujourd'hui à qui l'on puisse adresser ce +madrigal: + + On a beau dire, Iris, pour louer votre teint, + Que sa blancheur est sans seconde: + Pour moi qui ne dis rien de flatteur ni de feint, + Je soutiens qu'il en est une plus grande au monde. + N'en déplaise à la vanité + De votre superbe visage; + Vos tétons, belle Iris, en bonne vérité, + Voudroient-ils en blancheur lui céder l'avantage? + +_La Puce de Mme des Roches_, Paris, 1583, in-4o; 1610, in-8o. +Réimprimé, 1868, Paris, Jouaust, petit in-8o. + +On sait quelle fut l'origine de ce recueil. La haute société de Poitiers +s'honorait alors de deux dames appartenant à la race des _Précieuses_, +de Molière, c'étaient Mme des Roches et sa fille Catherine. Poëtes +elles-mêmes, mais dans une mesure très-restreinte, elles réunissaient +autour d'elles une société de beaux esprits. Les Grands-Jours, tenus à +Poitiers en 1579, amenèrent autour de ces dames tous les magistrats que +cette solennité avait appelés dans cette ville. Un jour, Étienne +Pasquier aperçut une puce qui s'était «parquée au beau milieu du sein» +de Mlle des Roches; il fit remarquer la témérité de l'animal; il +s'ensuivit quelques propos badins; l'incident provoqua d'abord l'échange +de deux pièces de vers entre Pasquier et Mlle des Roches; les savants +magistrats, prenant fait et cause, se mirent à célébrer la puce en +français, en latin, en espagnol, en grec même. Pasquier recueillit ces +divers morceaux; de là vint le volume qui devait avoir pour titre: _la +Puce de Mlle des Roches_, car ce ne fut pas madame sa mère qui fut +l'héroïne de l'aventure. L'uniformité du sujet donne à ces compositions +une teinte de monotonie, mais la forme en est toujours agréable, et on y +trouve de gracieux détails. L'éditeur de 1868 a suivi le texte de +l'édition de 1610, en notant les principales variantes (les préfaces des +deux éditions sont tout à fait différentes); il s'est borné à reproduire +les pièces françaises. + +Nous nous contenterons de citer la pièce ci-dessous, d'Étienne Pasquier. +Elle résume à elle seule tout ce que les autres poëtes en ont pu dire. + + +LA PUCE. + + Ainsi que dedans le pré, + D'un vert émail diapré, + On voit que la blonde avette + Sur les belles fleurs volette, + Pillant la manne du ciel, + Dont elle forme son miel; + Ainsi, petite pucette, + Ainsi, puce pucelette, + Tu voles à tâton + Sur l'un et l'autre téton; + Or, ayant pris ta posture, + Tu t'en viens à l'aventure. + Soudain après héberger + Au milieu d'un beau verger, + Paradis qui me réveille, + Lorsque plus elle sommeille: + Là, prenant ton bel ébat, + Tu lui livres un combat, + Combat qui aussi l'éveille, + Lorsque plus elle sommeille. + + Je ne veux ni du taureau, + Ni du cygne, blanc oiseau, + Ni d'Amphytrion la forme, + Ni qu'en pluye on me transforme. + Puisque ma dame se paist + Sans plus de ce qui te plaist, + Plust or à Dieu que je pusse + Seulement devenir puce! + Tantost je prendrois mon vol + Tout au plus haut de ton col, + Ou, d'une douce rapine, + Je sucerois ta poitrine, + Ou lentement, pas à pas, + Je me glisserois plus bas, + Et d'un muselin folastre, + Je serois puce idolastre, + Pinçottant je ne sçais quoi, + Que j'aime trop plus que moi! + + Mais las! malheureux poëte! + Qu'est-ce qu'en vain je souhaite? + Cet échange affiert à ceux + Qui font leur séjour aux cieux. + Et partant, puce pucette, + Partant, puce pucelette, + Petite puce, je veux + Adresser vers toi mes voeux. + Si tu piques les plus belles, + Si tu as aussi des aisles + Tout ainsi que Cupidon, + Je te requiers un seul don + Pour ma pauvre âme altérée, + O puce! ô ma Cythérée! + C'est que ma dame, par toi, + Se puisse éveiller pour moi! + Que pour moi elle s'éveille, + Et ait la puce en l'oreille! + + ÉTIENNE PASQUIER[6]. + + [Note 6: Étienne Pasquier, avocat, + naquit en 1529 et mourut en 1615.] + + +MADRIGAL. + + Le téton de Babet est plus blanc que l'albastre; + Pour estre ferme et rond il n'a point de pareil; + On ne peut sans amour voir son bouton vermeil, + Faut-il donc s'estonner si j'en suis idolastre! + + Quand j'y porte la main de son consentement + Rien ne peut estre égal à mon contentement, + Je suis ravy d'avoir ce charmant privilége, + Mais quand elle s'oppose à mon ardent dessein, + O Babet! ô friponne, aussitost, m'escriay-je, + Vous faites bien la fière avec votre beau sein, + Ah! vrayment vostre sein est un beau sein de neige. + + (_Nouveau mélange de pièces curieuses, tant en prose + qu'en vers_. Paris, A. de Sommaville, 1664, in-12.) + +Il existe un poëme allégorique et moral, intitulé: _Architrenius_, +publié à Paris en 1517, in-4o, et dont l'auteur, Jean d'Hanteville ou +d'Hanville, était un moine qui vivait à la fin du douzième siècle. Ce +bon religieux mettait, dans ses vers, sans y entendre malice, des traits +un peu vifs; il se plaît, par exemple, à tracer le portrait d'une jeune +beauté; un passage est relatif au sein, il tombe dans notre domaine: + + _Non implet longoeva sinum, puerilibus annis_ + _Castigata sedes, teneroque rotundula botro...._ + +Nous avons sous les yeux une traduction inédite de ce fragment: + +«Tel qu'une graine vermeille de raisin, un petit tetin, frais et poli, +s'élève mollement sur un sein arrondi, et la couleur de rose contraste +avec cette touffe de lys. Ces deux globes charmants sont grossis par +l'effet de leur jeunesse, et non par le lait qui ne les a pas encore +remplis. Un léger noeud de ruban les serre sans en comprimer la fermeté. +Elevés au milieu d'une surface plane, ces monticules font voir au milieu +d'eux comme un vallon.» + + +LES DÉLICES DE LA POÉSIE GALANTE. Paris, Ribou, 1666, in-12. + +SIXAIN. + + _En envoyant un bouquet de jassemin._ + + Allez, doux jassemin où l'amour vous appelle, + Et si vous approchez du beau sein de Philis, + Dont la blancheur ternit celle des plus beaux lis, + Avant que de mourir, dites à cette belle + Que je croirais mon sort bien doux + D'y pouvoir mourir avec vous. + + SOMAISE. + + +SUR UNE SANGSUE QUI PIQUE LE SEIN DE SYLVIE. + + Quel objet de courroux se présente à ma vue? + Un insecte cruel, une noire sangsue + Pique un sein plus blanc que les lys, + Dont tous les traits sont accomplis. + Crois-tu bien te souler du sang de ma Silvie? + Sa blancheur te devrait détourner du dessein + De lui piquer le sein. + Si tu veux contenter ta malheureuse envie, + La peine suivra ton souhait, + Car soudain tu perdras la vie + Et tu n'auras sucé que des gouttes de lait. + + +LE BUSC. + +Cette pièce étant un peu longue et assez médiocre, nous n'en +reproduirons qu'un fragment: + + Ce bois touche par privilege + Un double petit mont de neige + Qui, par un joli mouvement + Se soulève fort mollement + Et puis mollement se rabaisse, + Allant et revenant sans cesse + D'un air charmant et gracieux, + Comme s'il s'approchait des yeux + Pour ses beautés faire connoistre + Et puis mollement disparoistre. + + +L'AMOUR SUR UNE GORGE REBONDIE. + +SONNET. + + C'est ici qu'on peut voir qu'en l'un et l'autre monde + Je règne également et je donne des loix; + J'en ai deux aujourd'hui que j'habite à mon choix + Et dans chacun des deux ma gloire est sans seconde. + + Sur deux fermes tétons mon empire se fonde; + J'y soumets sans efforts les plus superbes rois; + Il n'en est point qui puisse éviter mes exploits + Et que ma politique à la fin ne confonde. + + Je ne crains pas, comme eux, les moindres changemens; + J'aime à voir remuer, et les soulèvemens + Servent à ma grandeur, s'ils font leur décadence. + + Et quoy que les prudens et les plus advisés + Imputent la faiblesse aux États divisés, + Si les miens ne l'étoient, j'aurois moins de puissance. + +Louis XV demanda un jour à Bouret, secrétaire du cabinet, comment il +trouvait la dauphine et si elle avait de la gorge. Il répondit que +Marie-Antoinette était charmante de figure et qu'elle avait de beaux +yeux. «Ce n'est pas cela dont je vous parle, répondit Sa Majesté, je +vous demande si elle a de la gorge.--Sire, je n'ai pas pris la liberté +de porter mes regards jusque-là.--Vous êtes un sot, continua le monarque +en riant, c'est la première chose qu'on regarde aux femmes.» + + +RONDEAU. + + Au doulx chant de ces alouettes + En ces moys dauril et de may + Je me mettois en grand esmoy + De dire plusieurs bergerettes + La desirois mes amourettes + A les tenir aupres de moy + Au doulx chant. + + Pour manier les mammelettes + Et leur bailler soubdain la foy + Tout ainsi que faire le doy + Dessus ces belles herbelettes + Au doulx chant. + + +MARINO. + +Les tétons des belles sont deux tours vivantes d'albâtres d'où l'Amour +blesse les amants. Ce sont deux écueils contre lesquels nos libertés +vont agréablement faire naufrage; deux mondes de beauté éclairés par +deux beaux soleils qui sont les yeux. Un auteur français les compare à +deux pommes et s'écrie: + + Heureux qui peut monter sans bruit + Sur l'arbre qui porte ce fruit. + +Au commencement du XVIIIe siècle, les dames portaient sur leur gorge +découverte des croix et des petits Saint-Esprit en diamants. Aussi, un +prédicateur s'écria-t-il un jour en chaire: «Bon Dieu! peut-on plus mal +placer la croix qui représente la mortification, et le Saint-Esprit, +auteur de toutes bonnes pensées.» + +Voici une pièce manuscrite attribuée à Voisenon; j'ignore si elle a été +imprimée, mais comme elle est peu connue, les lecteurs seront sans +doute charmés de la trouver ici. + + +LES TETONS DE MA COUSINE. + + Il te souvient de ce Pygmalion, + De la statue élégante qu'il aime, + Et que Vénus, pour sa dévotion, + Avoit changée en une autre elle-même. + + En toi le cas pareil est arrivé; + Tu fus statue; car, par expérience + J'en suis certain, et ce qu'ici j'avance + Est dans ces vers un peu plus bas prouvé. + + Étant encor bloc de marbre insensible + Tout étoit dur; tu n'avois nul ressort; + Vénus voulut t'amollir tout le corps + Pour te le rendre aux plaisirs plus flexible. + + Pour recevoir et donner un baiser + Bien tendrement à l'amant qui te presse, + Elle amollit ta bouche enchanteresse, + Elle amollit tes bras pour l'embrasser. + + Jambes d'abord et ce qui les surmonte + Gardent encor un peu de dureté, + Moins que le marbre, et si plus haut on monte, + On trouvera de l'élasticité. + + Mais ce qui peut mieux prouver mon système, + Elle oublia de changer tes tétons; + Ils sont taillés aussi juste, aussi ronds + Et blancs et durs comme le marbre même. + + +MADRIGAL. + + Tout ici baise, Jeanneton, + Ton mouchoir baise ton téton, + Tes cheveux se baisent et rebaisent, + Je vois tes lèvres se baiser; + Et si toutes choses se baisent + Voudrais-tu bien me refuser? + +Je n'ai pas envie de déterminer positivement ici de quelle taille +doivent être les tétons, ni prendre parti dans le différend qui pourrait +s'élever sur la longueur, la largeur et la distance de ces deux parties +du corps des belles; je dirai seulement que si les hommes ont raison de +donner la préférence aux plus gros, d'autres n'ont pas tort de préférer +un sein qui n'est pas fort garni. Il faut croire, sur ce point, que Le +Pays parlait sérieusement et sans flatterie à sa Caliste, lorsqu'il +s'exprimait ainsi: + +«Votre sein n'est pas des plus remplis, mais ce que vous en avez est +blanc; et, s'il m'est permis de le dire comme je le pense, le morceau, +pour être petit, ne laisse pas d'être délicat.» + +Une chose au moins que je puis avancer hardiment, c'est qu'une femme ne +saurait être belle, si elle n'a une belle gorge et un beau sein. Aussi +voyons-nous que de tous les faiseurs de portraits, aucun n'oublie les +tétons, quand il veut peindre une beauté parfaite. + +M. Victor Cousin, dans son ouvrage sur _Mme de Longueville_, parle à +diverses reprises de l'objet qui nous occupe. Décrit-il (t. Ier, p. +321) un portrait de la duchesse par Anselme van Hull, il observe que «le +sein à demi-découvert, paraît dans sa beauté modeste.» A-t-il l'occasion +de retracer les traits d'Anne d'Autriche, de la duchesse de Chevreuse, +de Mme de Montbazon, il n'oublie pas de vanter la perfection de leur +gorge. Le philosophe éclectique, le traducteur de _Platon_, l'éditeur de +l'infortuné _Abailard_, était connaisseur. + +[Illustration] + +[Illustration] + + + + +CHAPITRE III. + +S'IL EST DE LA BIENSÉANCE QUE LES DAMES LAISSENT VOIR LEURS TÉTONS, ET +S'IL EST PERMIS AUX AMANTS DE LES TOUCHER. + + +La solution de ce problème présente de grandes difficultés, et pourrait +être la matière d'une longue et savante dissertation; mais les longs +ouvrages me font peur: + + «Au lieu d'épuiser la matière, + Il n'en faut prendre que la fleur.» + +Molière fait dire au Tartuffe, qu'un sein découvert blesse l'âme, et +fait naître de coupables pensées. Le petit-père André se récriait +là-dessus avec beaucoup de zèle dans un de ses sermons: «Quand vous +voyez, disait-il, ces tétons rebondis et qui se montrent avec tant +d'impudence, bandez, messieurs, bandez-vous les yeux.» Un autre +prédicateur turlupin, si ce n'est pas le même, défendait aux filles de +découvrir leurs seins, et d'en laisser approcher la main entreprenante +des amants; «car, disait-il pour terminer une violente sortie «quand la +Hollande est prise, adieu les Pays-Bas.» Il faisait, par ce mot de +Hollande, allusion au fichu de batiste ou de toile de Hollande qui +couvrait alors le sein de nos belles, un peu plus que leur gaze +très-claire ne le fait aujourd'hui. + +On trouve dans le _Cabinet satyrique_, les vers suivants: + +SUR LES FEMMES QUI MONTRENT LEUR SEIN. + + +ÉPIGRAMME. + + Les filles qui, au temps passé, + Souloient descouvrir leur visage, + Ceste coustume ont délaissé + Pour de leur sein nous faire hommage; + S'elles en continuent l'usage, + Descouvertes jusqu'à l'arçon, + Sus, sus! enfants, prenons courage, + Nous leur verrons bientost le c.. + + +QUATRAINS SUR LE MESME SUBJECT. + + A vostre advis, si celle-là + Qui va la gorge descouverte + Ne faic pas signe par cela + Qu'elle voudroit estre couverte? + + * * * * * + + Madame, cachez vostre sein + Avec ce beau tetin de rose, + Car si quelqu'un y met la main, + Il y voudra mettre autre chose. + + * * * * * + + Les dames qui monstrent leurs seins, + Leurs tetins, leurs poictrines nuës, + Doit-on demander si tels saincts + Demandent chandelles menuës? + + +STANCES SUR LA DÉFENSE DES GORGES DESCOUVERTES DES DAMES. + + Je ne sçay par quelle malice + On dit aujourd'huy que c'est vice + De montrer son sein rondelet, + Veu qu'au temps premier d'innocence + La femme n'eut onc cognoissance + N'y de robe ny de colet. + + Elle cheminoit toute nuë + Par les prés, sur l'herbe menuë, + Parlant avec son amoureux: + Blasmerons-nous les femmes belles + Qui commencent par leurs mamelles + A ramener ce temps heureux? + + Il faut cacher la main sauvage, + Pleine de sang et de carnage, + Et couvrir la bouche qui ment, + Mais une mamelle gentille + Et le blanc tetin d'une fille + Ne se doit cacher nullement. + + Il faut enfermer sans lumière, + Au plus profond d'une tanière + Le serpent et l'ours affamé, + Mais un beau sein que l'on descouvre + N'a le venin d'une couleuvre, + Pour estre clos et renfermé. + + Fol est l'usurier qui resserre + Ses facultez dedans la terre + Et tient son or ensevely; + Mais les pucelles libérales, + Entre deux pommes bien esgales, + Montrent l'ivoire bien poly. + + Tout aussi tost que nos déesses + Voulurent monstrer les richesses + De leurs beaux tétons précieux, + Amour, aveugle de nature, + Ne vola plus à l'aventure, + Et se desbanda les deux yeux. + + Il rougit une double fraise + Dedans le feu de sa fournaise, + Deux soufflets furent les tétons, + Qui de chaudes vapeurs s'enflèrent + Et dedans nos âmes soufflèrent + Le feu d'amour que nous sentons. + + Mais que servent ces jardinages, + Tant de couleurs et de feuillages, + Si l'oeil humain en est absent? + Et voyons-nous dessus l'espine + Fleurir une rose pourprine + Pour la cacher lorsqu'elle sent? + + Quand Aquilon par l'air galope + Et qu'en janvier il envelope + La terre d'un pasle bandeau, + Tous ses plaisirs elle abandonne, + Elle gémit, elle frissonne, + Comme un prisonnier au cordeau. + + Mais quand Zéphire la courtise, + Lui despouillant sa robe grise + Pleine de cent mille glaçons, + Elle est du soleil penetrée + Et enfante d'une ventrée + Mille fleurs de mille façons. + + Vénus honteusement traictée, + Devant les dieux fut garottée + Avecques Mars, son favory; + Promptement accourut Jeunesse + Qui vint destacher sa maistresse, + En despit du cocu mary. + + Pour éternelle récompense, + La mère d'Amour à Jouvence + Despoüilla ces deux monts charnus: + De là vient que les damoiselles, + Quand on leur taste leurs mamelles, + Ont souvenance de Vénus. + +Je ne prétends pas m'ériger en casuiste pour décider si les femmes +peuvent et doivent montrer leur sein; mais quand je pourrais prouver, +d'une manière péremptoire, qu'il est plus à propos que les femmes se le +couvrent, je ne sais si j'aurais le courage de l'entreprendre. Je vois, +d'un côté, tous les amants déchaînés contre moi, si je m'oppose ainsi à +leurs plaisirs; et, d'un autre côté, toutes nos élégantes, furieuses de +me voir condamner une mode qu'elles suivent presque généralement. Je +citerai donc seulement ces vers de Mercier de Compiègne, qui me +paraissent justes. Il dit, en parlant aux auteurs, au sujet du poëme de +la _Guerre des Dieux_, dans lequel Parny s'égaye sur les tétons de la +sainte Vierge, et ne gaze pas assez ses tableaux: + + Revenez, le goût vous rappelle, + Mais gazez un peu vos tableaux; + Drapez Vénus: elle est plus belle + Quand un nuage la recèle; + Le demi-jour sied à Paphos. + +Voici les vers auxquels Mercier fait allusion: + + Junon, Vénus et d'autres immortelles + Se moquaient de la brune Marie: + Son embarras, son air de modestie, + Servaient de texte aux illustres belles. + Mais n'en déplaise à ces juges sévères, + De grands yeux noirs, doux et voluptueux, + Des yeux voilés par de longues paupières, + Quoique baissés, sont toujours de beaux yeux. + Lorsqu'elle parle, une bouche de rose + Est éloquente et même on lui suppose + Beaucoup d'esprit. De pudiques tétons, + Bien séparés, bien fermes et bien ronds, + Et couronnés par une double fraise, + Chrétiens ou juifs, pour celui qui les baise, + N'en sont pas moins de fort jolis tétons. + + PARNY.--_Guerre des Dieux_, ch. Ier. + +Le Pays est pour la mode qui trotte, quand il parle de cet air à sa +Margoton: + +«J'ai un nouvel avis à vous donner sur ce que je vis hier que vous +teniez vos petits tétons enfermez aussi exactement qu'une religieuse. +Vous avez tort, Margoton, de tenir ainsi en prison deux jeunes innocens +qui n'ont point encore commis de crime. Je vous assure qu'ils souffrent +cette clôture à contrecoeur. Malgré le linge qui les resserre, j'ai +remarqué qu'ils en soupirent de tristesse, et qu'ils en sont tout enflés +de colère. A cause que vous êtes sage de bonne heure, vous voulez +peut-être qu'ils vous imitent; mais ne savez-vous pas qu'ils sont plus +jeunes que vous: que vous avez quatorze ans, qu'ils n'ont que quatorze +mois; et qu'ainsi, quand vous seriez déjà sérieuse, il leur seroit +permis de faire encore les badins? Lorsque vous n'étiez pas plus âgée +qu'ils le sont présentement, votre nourrice n'avoit point de honte de +vous montrer toute nue; pourquoi en auriez-vous donc de nous montrer à +nud deux jeunes enfans qui ne sont jamais si beaux que quand ils sont +découverts? N'est-ce point que la tante qui vous gouverne a peur que, si +vous les laissiez sans contrainte, ils n'usassent mal de leur liberté, +et qu'ils ne l'employassent à attaquer la nôtre? Si c'est pour cette +raison qu'elle vous les fait couvrir si soigneusement, elle devroit +aussi vous obliger à cacher vos yeux et vos autres appas, puisque vous +n'en avez aucun qui ne dérobe tous les jours quelque coeur ou quelque +liberté. Mais je veux lui apprendre que vos tétons en deviendront plus +malicieux, plus ils seront enfermés. Car si, dans leur prison, ils +découvrent quelque trou par où ils puissent voir le jour, ils se +mettront là en sentinelle, pour assassiner le premier homme qui les +regardera: si bien qu'on fera mieux de leur donner liberté toute +entière; car alors on s'apprivoisera avec eux tout de bon, ils en +deviendront moins dangereux.» + +Louis XIII ne fut point de cet avis, lui qui ne pouvait souffrir la vue +d'un sein découvert, ainsi qu'on en peut juger par l'anecdote suivante: + +Chacun sait que Louis XIII était impuissant ou à peu près. Un conseil de +médecins, après l'avoir visité, déclara que jamais postérité ne +sortirait de lui. Aussi, ce fils atrabilaire d'un père si galant, +haïssait le sexe en général. Les femmes lui inspiraient un éloignement +qui tenait de l'aversion. La vue d'un sein même jeune, frais et ferme le +dégoûtait. Il ressentait le même dégoût et presque de l'effroi à la vue +d'autres charmes plus secrets. Chez lui, la nature ne se taisait pas +seulement à leur approche, elle se révoltait. De là cette réputation de +chasteté que les courtisans ont faite à ce monarque; de là l'infécondité +d'Anne d'Autriche après dix années de mariage, et le délaissement +déplorable de cette voluptueuse princesse. + +L'inclination que Louis XIII éprouva pour Mlle d'Hautefort ne dément +point cette assertion; elle l'appuie au contraire d'un sensible +témoignage. Louis s'était attaché à cette jeune personne parce qu'elle +était organisée comme lui. Elle ne laissait voir aucune des faiblesses +naturelles aux dames. Un écrivain ingénieux a dit que Louis XIII n'était +amoureux que depuis la ceinture jusqu'en haut, et que ses amours étaient +vierges. Cette pruderie était poussée si loin qu'elle donna lieu à une +impolitesse qui trouve naturellement sa place ici. Dans un voyage que +fit Louis XIII, il s'arrêta à Poitiers. Il y eut un grand couvert; on +recherchait avidement alors ces exhibitions de souverain, comparables à +celles des ménageries, sauf l'argent donné à la porte. Une jeune +spectatrice de l'appétit royal avait le sein découvert; Louis XIII, +ayant arrêté un moment sa vue sur cette indignité, enfonça son chapeau +sur ses yeux et les tint baissés pendant tout le reste du dîner. +Jusque-là ce n'était que de la chasteté, voici quelque chose de plus. La +dernière fois que le prince pudibond but, il retint une gorgée de vin +dans sa bouche, puis, visant en chasseur habile, lança cette réserve sur +les appas indiscrètement exposés. La pauvre fille, dégouttante du +liquide projectile, sortit toute confuse et s'évanouit dans la pièce +voisine. Un écrivain jésuite, le père Barri, en rapportant cette +anecdote, assure que «cette _gorge_ découverte méritait bien cette +_gorgée_.» Jeu de mots pitoyable, qui ne persuadera point qu'un +souverain, encore même que ce ne soit pas tout à fait un homme, puisse +se conduire de la sorte avec une femme. + +On trouve le quatrain suivant, dans un livre fort rare, intitulé: +_Procès et amples examinations sur la vie de Carême-Prenant_, et dans le +_Momus Redivivus_, que j'ai déjà cités: + + Fille qui fait tétin paroir, + Son corps par étroite vêture, + On se peut bien apercevoir + Que son c.. demande pature. + +Claude de Pontoux, poëte et médecin, né en 1530, à Châlons-sur-Saône, +n'a guère chanté que l'amour. Il nous a laissé une chanson que nous +rapportons ici parce qu'elle est relative au sujet que nous traitons: + + Ma petite Jeanneton + Me permet bien que je taste + Son beau col et son menton, + Et veut bien que je m'ebaste: + Mais sitôt que je me haste + De ravir le beau bouton + Qui fleurit sur son téton + Et les fraisettes jumelles, + Elle me dit en riant: + Ne touchez pas là, friand; + C'est le joyau des pucelles. + + +LA PUDEUR. + + Pourquoi, belle Aglaé, nous faire apercevoir + Ce sein éblouissant où le regard s'attache? + On aime le fichu qui le laisse entrevoir; + Mais on aime encor plus la pudeur qui le cache. + +ED. CORBIÈRE. + +Charles Cotin soutient, dans les jolis vers suivants, que c'est une +précaution inutile que de cacher les tétons. + + Vous cachez votre sein, mais vous montrez vos yeux, + Qui de tout vaincre ont le beau privilège; + N'est-ce pas me sauver du milieu de la neige, + Pour m'exposer au feu des cieux? + +Montreuil semble épouser le parti contraire, lorsqu'il fait le reproche +suivant à sa maîtresse: + + Pourquoi me montrer votre sein, + Puisqu'un fâcheux jaloux s'oppose à mon dessein? + Votre bonté me tue autant qu'elle me plaît; + Mes yeux sont trop heureux, ma bouche est malheureuse, + Et pour mon pauvre coeur, il ne sait ce qu'il est. + +Boursault trouve que les tétons des belles sont très-bien, quand ils ne +sont ni trop cachés, ni trop découverts. Il s'exprime ainsi dans une +lettre où il fait à Mlle de Beaumont le portrait de sa maîtresse, qu'il +nomme Climène: «Climène a les cheveux aussi noirs que vous les avez +blonds; et, comme vous les avez du plus beau blond qui ait jamais été, +elle les a du plus beau noir du monde. Elle a le front assez grand, +assez élevé, pour être admirablement beau; et les sourcils qui sont au +bas sont si noirs, et la symétrie en est si délicate, que pour les +arranger avec tant de justesse, il semble que la nature ait emprunté les +mains de l'art. Ses yeux ravissent la franchise, quand ils ont toute +leur vivacité, et touchent l'âme, quand ils ont toute leur langueur. Son +nez, qui passe pour un peu gros parmi ceux qui ne s'y connoissent pas, +passe pour tout à fait beau parmi ceux qui s'y connoissent. Ses joues +inspirent de l'amour, quand elles ont de la rougeur; et, quand elles +n'en ont point, elles donnent de la tendresse. C'est dommage que sa +bouche soit si petite, parce qu'il en sortiroit en foule toutes les +bonnes choses qui n'en sortent que l'une après l'autre, à cause des +limites du passage; et si j'osois me servir du mot précieux +d'ameublement de bouche, pour dire ce que je pense de ses dents, je vous +protesterois qu'il n'y en a jamais eu de plus riche que le sien. Elle a +les lèvres d'une couleur fort vive, et elle ne les mord jamais. Son +menton passeroit pour impertinent, s'il avoit l'audace d'être laid, et +de se mêler avec toutes les beautés qui sont sur un si charmant visage. +_Le point dont elle se couvre la gorge, est assez raisonnable pour en +laisser voir assez peu, pour ne point causer de desirs qui blessent le +respect que l'on doit à Climène: et toutefois il en montre assez pour +donner envie de voir le reste. Tout le défaut qu'elle a, cette gorge, +c'est qu'elle est aussi dure que son coeur._ Au reste, malgré la peine +que lui cause un amour qui la chagrine, et qui la rend plus maigre +qu'elle ne devroit l'être, elle a les mains si belles, que je ne suis +jamais si ravi que lorsqu'elle m'en donne des soufflets, etc., etc.» + +Marot, dans cette épigramme sur Barbe et sur Jacquette, prétend que le +sein, couvert ou non, fait la même impression sur les coeurs. + + Quand je voy Barbe, en habit bien duisant, + Qui l'estomac blanc et poly _descoeuvre_, + Je la compare à maint rubis luisant, + Fort bien taillé, mis de mesmes en oeuvre. + Mais quand je voy Jacquette qui se coeuvre + Le dur tetin, le corps de bonne prise, + D'un simple gris accoustrement de frise, + Adonc je dy pour la beauté d'icelle, + Ton habit gris est une cendre grise + Couvrant un feu qui tousjours estincelle. + +La meilleure raison qui puisse excuser les femmes qui découvrent leur +sein, c'est qu'il y a longtemps que cela se pratique ainsi; or, une +ancienne coutume passe pour une loi parmi les jurisconsultes. +D'ailleurs, elles tiennent pour maxime qu'il suffit à une femme d'être +chaste de la ceinture en bas. Cependant je doute fort que cette dernière +raison prévalût, quand même on n'aurait pas lu ces vers sur une femme +trop libre dans ses discours: + + Une belle et galante dame, + Écoutant volontiers les contes un peu gras, + Disoit pour s'excuser: il suffit qu'une femme + Soit chaste seulement de la ceinture en bas. + --Oh! oh! dit un railleur, la maxime est commode, + Et sur un tel avis, le sexe féminin + Pourra bien amener la mode + De la ceinture d'arlequin. + +Enfin, je suppose, et j'avoue si l'on veut, que les dames ont la liberté +de mettre leurs tétons au jour pour vous proposer un autre cas. S'il est +permis de les voir, n'aurons-nous pas aussi la permission de les +toucher? La main et la bouche ne peuvent-elles pas avoir le même +privilège que la vue? Vous m'allez répondre que non: tous les amants +sont cependant d'un autre avis, hormis Scarron et fort peu d'autres. Ce +sale et burlesque auteur, dans son épître chagrine au maréchal d'Albert, +déclare que + + Les _patineurs_ sont très-insupportables, + Même aux beautez qui sont très-_patinables_. + +Dans son _Roman comique_, il condamne encore Ragotin, d'avoir voulu un +peu patiner, et il dit que _c'est une galanterie provinciale qui tient +plus du satyre que de l'honnête homme._ J'appelle de ses décisions. +Peut-on blâmer le procédé d'un galant homme, qui, voyant un sein +charmant, deux globes d'albâtre, voudrait, par le tact, s'assurer s'ils +ont la dureté désirable, et cela uniquement pour s'instruire? J'approuve +le procédé d'un homme galant qui, après avoir patiné les tétons d'une +dame, improvisa encore cette chanson par-dessus le marché: + + Mort de ma vie! + En voyant ces tétons, + Belle Sylvie, + Si beaux, si blancs, si ronds; + Pour savoir s'ils sont durs, j'ai formé le dessein + De passer mon envie, + Et d'y porter la main, + Mort de ma vie! + +N'est-ce pas, en effet, une cruauté inouie de nous mettre devant les +yeux ces beaux meubles, et de nous défendre de les regarder et d'y +toucher? J'en prends le galant abbé Cotin à témoin; écoutez-le se +plaindre à sa maîtresse: + + Vous me défendez d'approcher + De votre bouche sans pareille: + Votre gorge est une merveille, + Qu'on n'ose ni voir, ni toucher, + Le moins coupable des humains, + Et qui souffre le plus de peine, + C'est, ô trop aimable inhumaine, + Un amant sans yeux et sans mains. + +C'est, hélas! nous faire éprouver l'affreux supplice de Tantale; c'est +nous condamner à la mort de Moyse, qui expira en voyant la terre +promise, et qui n'y put entrer. Un autre poëte qui n'avait pu commander +à ses mains, se justifia de cette distraction, avec beaucoup d'esprit, +par la pièce suivante: + + Je suis un imprudent, un sot, un téméraire, + Je n'ai point de raison, j'ai l'esprit mal tourné; + Je n'ai pour tout talent que celui de déplaire; + Indigne de vous voir, digne d'être berné. + + Voilà, Philis, les épithètes + Que je reçois de vous, en l'humeur où vous êtes; + Et de tout ce courroux vous avez pour raison, + Que ma main a voulu toucher votre téton. + + C'est trop punir, Philis, une main criminelle: + Que nous sommes, hélas! bien différens d'humeur! + Pour toucher votre sein vous me faites querelle, + Moi, je ne vous dis rien d'avoir touché mon coeur! + +Si, par hasard, la main s'égare dans le transport que fait naître une +gorge rivale de celle de Léda ou d'Hébé, après que l'on a fait le +serment d'être circonspect, croyez-vous que ce parjure soit +irrémissible? Non, sans doute; ces sermens ne lient pas; je suis +persuadé que Jupiter a absous l'amant qui va parler: + + «Je promets tous les jours de ne jamais toucher + Les neiges du beau sein dont l'amour me consume, + Mais je ne saurais m'empêcher + De suivre une si douce et si belle coutume. + Cruels devoirs! injustes ennemis! + Pensez-vous qu'Amarante ignore + Qu'amour, comme un enfant qui n'a pas l'âge encore, + Doit être dispensé de ce qu'il a promis?» + + «_Jupiter è coelo perjuria ridet amantum._» + +Je sais bon gré à Boursault d'être pour les patineurs. + +«Ah! juste Dieu, dit-il à M. Charpentier, que la maîtresse à qui je ne +suis que par votre moyen est vertueuse! Pour lui avoir aujourd'hui baisé +deux ou trois fois la main, elle m'a vigoureusement querellé; voyez ce +qui m'arriveroit, si je faisois pis. Je n'ai osé lui dire que je ne +faisois l'amour que pour _baiser_, et que j'aimerais autant être +amoureux _ad honores_, que de ne pas faire les fonctions requises à la +qualité que ses yeux m'ont contraint de prendre. Je croyois, en vérité, +qu'étant amant déclaré d'une fille, c'en étoit être plus d'à moitié le +mari, et qu'on faisoit toujours quelques pas du côté de l'amour défendu, +avant que d'en venir à l'amour permis. A vous dire le vrai, je me lasse +d'être amant, s'il n'y a que cela à faire. Il est juste, si j'ai la +discrétion de ne rien demander à la belle, qui lui coûte quelque chose, +qu'elle ait la complaisance de me laisser prendre ce qui ne lui coûte +rien. La charmante Clotilde, que vous connoissez pour avoir autant de +vertu que fille du monde, en use d'une façon bien plus galante. Quand, +lundi, je revins de la campagne, après deux baisers qu'elle reçut aussi +goulûment que je les lui donnois, son fichu qui vint à tomber, m'ayant +obligé de couvrir sa gorge de mes deux mains, de peur que d'autres ne la +vissent, elle m'en remercia le plus civilement qu'il lui fut possible, +et me demanda si je n'avois besoin que de cela. Il n'y a rien qui +satisfasse tant, ni qui revienne à si peu de frais.» + +«Si vous mettez la main au devant d'une fillette, elle la repoussera +vite, et dira: laissez cela. Quand je dis le devant, je l'entends comme +faisoit monsieur le feu premier médecin, qui ayant tâtonné l'estomac +d'une belle demoiselle couchée et un peu malade, coule sa main plus bas, +et, venant à l'intersection du corps, s'y avançoit, quand elle lui dit: +«Hé! monsieur, que pensez-vous faire?--Mademoiselle, je croyois que vous +fussiez comme les vaches de notre pays; que vous eussiez les tetins +entre les jambes.» + +_Moyen de parvenir_, ch. IX. + +De tout temps le clergé s'escrima en termes plus ou moins crus sur +l'indécence de la toilette des femmes. Vers 1700, la duchesse de +Bourgogne (Marie-Adélaïde de Savoie) devait tenir un enfant avec +_Monseigneur_; mais au moment de procéder à la cérémonie, l'officiant ne +trouva pas que la marraine, qui avait une robe de chasse, se présentât à +l'église en _habit décent_, et le baptême fut remis. Or, veut-on savoir +ce qu'on appelle à la cour l'_habit décent_? Il consiste à se montrer +avec la gorge et les épaules entièrement découvertes, la chute des reins +bien marquée, les bras nus jusqu'au coude, et un pied de rouge sur le +visage. L'habit de chasse cache toutes ces nudités, et les dames le +portent sans rouge.... Cependant le curé appelle ce costume +_indécent_.... Il n'y a que manière de s'entendre sur les mots. + +On trouve dans les _Chroniques de l'Oeil de Boeuf_, à l'année 1711, le +passage suivant: + +«La morale donna le jour de l'an des étrennes de sa façon aux dames de +Paris; c'est un ouvrage en 2 volumes in-12, intitulé: _De l'abus des +nudités de gorge_. Je n'aurais jamais cru qu'on pût en écrire si long +sur une telle matière; mais elle s'est étendue sous la main de l'auteur. +Chaque tentation que cet usage immodeste peut faire naître est traitée +dans un chapitre à part, où se déroule une longue énumération de +conséquences dont la moindre entraîne le péché mortel; on peut juger des +autres. Il faut convenir que les femmes de notre époque accusent le nu +d'une manière toute lacédémonienne; point de refuge pour les regards +dévots, vainement leur chaste prunelle semble-t-elle dire: + + «Ah! cachez-moi ce sein, que je ne saurais voir», + +on persiste à le leur montrer: ici, c'est une robe sans ceinture, telle +qu'on la met en sautant du lit; là, c'est une gorge débordant du corset +complaisant; plus loin, ce sont des bras et des épaules dont la nudité +se réunit à celle des poitrines pour assaillir les continences +ecclésiastiques. Forcé dans les derniers retranchements de sa pudeur +sacrée, le curé de Saint-Étienne-du-Mont s'écriait l'autre jour en +chaire: + +«Pourquoi, mesdames, ne pas vous couvrir en notre présence; sachez que +nous sommes de chair et d'os comme les autres hommes!» + +L'auditoire s'étant mis à rire, le prédicateur ajouta: «Quand on vous +parle à mots couverts, vous faites la sourde oreille; quand on vous +parle en termes clairs, vous riez: comment donc vous prendre? + +«Vous verrez qu'il faudra que le roi envoie ses mousquetaires par la +ville, matin et soir, afin de faire rentrer nos coquettes dans le +devoir, et les gorges dans les corsets.» + +Les robes des femmes, longues dans les premiers siècles de la monarchie, +se raccourcirent sous Philippe de Valois, et restèrent très-fermées +jusqu'à Charles VI, et serrées de manière à dessiner les formes de la +taille. Alors seulement les femmes commencèrent à se découvrir les bras, +la gorge et les épaules, et comme la pente est rapide dans le +relâchement des moeurs, elles renouvelèrent sous Charles VII l'antique +usage des bracelets et des colliers. + +La cour décente et sévère d'Anne de Bretagne arrêta un moment le torrent +de ce luxe; mais celles de Charles IX et surtout de Henri III, trop +fameux par ses goûts honteux, hâtèrent le débordement; Henri IV, +quoique très-galant, s'y opposa vainement. François 1er vint y mettre +le comble en favorisant le luxe et la galanterie, et prêchant lui-même +d'exemple. La cour de Louis XIV acheva ce que ses prédécesseurs avaient +si bien commencé; l'opulence et la volupté y régnèrent souverainement. +Nous avons dit plus haut ce qu'on entendait dans cette cour débauchée +par _habit décent_. + +Nous ne pouvons terminer ce chapitre sans parler de cette fameuse secte +qui se forma en Hollande et dont Bayle, dans son _Dictionnaire +critique_, au mot _Mammillaires_, nous instruit fort amplement. Voici, +sans y rien changer, cet article qui trouve ici naturellement sa place: + +MAMMILLAIRES, secte parmi les anabaptistes. On ne sait pas bien le temps +où ce nouveau schisme se forma; mais on donne la ville de Harlem pour le +lieu natal de cette subdivision. Elle doit son origine à la liberté +qu'un jeune homme se donna de mettre la main au sein d'une fille qu'il +aimait, et qu'il voulait épouser. Cet attouchement parvint à la +connaissance de l'Église, et là-dessus on délibéra sur les peines que le +délinquant devait souffrir; les uns soutinrent qu'il devait être +excommunié, les autres dirent que sa faute méritait grâce, et ne +voulurent jamais consentir à son excommunication. La dispute s'échauffa +de telle sorte qu'il se forma une rupture totale entre les tenans. Ceux +qui avaient témoigné de l'indulgence pour le jeune homme furent nommés +Mammillaires[7]. En un certain sens, cela fait honneur aux anabaptistes; +car c'est une preuve qu'ils portent la sévérité de la morale beaucoup +plus loin que ceux que l'on nomme rigoristes dans les Pays-Bas[8]. Je +rapporterai à ce propos un certain conte que l'on fait du sieur Labadie. + +[Note 7: Il n'est pas besoin de faire ici l'étymologiste. Tous ceux +qui entendent le François savent que le mot _mamelle_, qui n'est plus du +bel usage, signifie la même chose que _teton_.] + +[Note 8: Les Casuistes les plus relâchez, les Sanchez et les +Escobars, condamnent l'attouchement des tétons: ils conviennent que +c'est une impureté et une branche de la luxure, l'un des sept péchez +mortels. Mais si je ne me trompe, ils n'imposent pas au coupable une +pénitence fort sévère: et il y a plusieurs païs dans l'Europe où ils +sont presque contraints de traiter cela comme les petites fautes que +l'on appelle _quotidianæ incursiones_. On est si accoûtumé à cette +mauvaise pratique dans ces pays-là, et c'est un spectacle si ordinaire +jusques au milieu des rues, à l'égard surtout du commun peuple, que les +casuistes mitigés se persuadent que cette habitude efface la moitié du +crime: ils croient qu'on ne l'envisage point sous l'idée d'une liberté +fort malhonnête, et que le scandale du spectateur est très-petit. C'est +pourquoi ils passent légèrement sur cet article de la confession. Je ne +pense pas que jamais aucun rigoriste ait différé pour un tel sujet +l'absolution de son pénitent, non pas même dans les climats où cette +espèce de patinage est peu usitée, et passe pour une de ces libertés +dont les personnes de l'autre sexe sont obligées de se fâcher tout de +bon. Ainsi les anabaptistes sont les plus rigides de tous les moralistes +chrétiens, puisqu'ils condamnent à l'excommunication celui qui touche le +sein d'une maîtresse qu'il veut épouser, et qu'ils rompent la communion +ecclésiastique avec ceux qui ne veulent pas excommunier un tel galant. +(_Notes de Bayle._)] + +«Tous ceux qui ont ouï parler de ce personnage savent qu'il recommandait +à ses dévots et à ses dévotes quelques exercices spirituels, et qu'il +les dressait au recueillement intérieur et à l'oraison mentale. On dit +qu'ayant marqué à l'une de ses dévotes un point de méditation, et lui +ayant fort recommandé de s'appliquer tout entière pendant quelques +heures à ce grand objet, il s'approcha d'elle lors qu'il la crut la plus +recueillie, et lui mit la main au sein. Elle le repoussa brusquement, et +lui témoigna beaucoup de surprise de ce procédé, et se préparait à lui +faire des censures, lorsqu'il la prévint: «Je vois bien, ma fille, lui +dit-il sans être déconcerté, et avec un air dévot, que vous êtes encore +bien éloignée de la perfection: reconnoissez humblement vôtre foiblesse; +demandez pardon à Dieu d'avoir été si peu attentive aux mystères que +vous deviez méditer. Si vous y aviez apporté toute l'attention +nécessaire, vous ne vous fussiez pas aperçue de ce qu'on faisoit à votre +gorge. Mais vous étiez si peu détachée des sens, si peu concentrée avec +la Divinité, que vous n'avez pas été un moment à reconnoître que je vous +touchois. Je voulois éprouver si votre ferveur dans l'oraison vous +élevoit au-dessus de la matière, et vous unissoit au Souverain-Être, la +vive source de l'immortalité et de la spiritualité, et je vois avec +beaucoup de douleur que vos progrès sont très-petits; vous n'allez que +terre à terre. Que cela vous donne de la confusion, ma fille, et vous +porte à mieux remplir désormais les saints devoirs de la prière +mentale.» On dit que la fille, ayant autant de bon sens que de vertu, ne +fut pas moins indignée de ces paroles que de l'action de Labadie, et +qu'elle ne voulut plus ouïr parler d'un tel directeur. Je ne garantis +point la certitude de tous ces faits, je me contente d'assurer qu'il y a +beaucoup d'apparence que quelques-uns de ces dévots si spirituels, qui +font espérer qu'une forte méditation ravira l'âme et l'empêchera de +s'apercevoir des actions du corps, se proposent de patiner impunément +leurs dévotes, et de faire encore pis. C'est de quoi l'on accuse les +Molinosistes. En général, il n'y a rien de plus dangereux pour l'esprit +que les dévotions trop mystiques et trop quintessenciées, et sans doute +le corps y court quelques risques, et plusieurs y veulent bien être +trompés. + +«J'ai ouï dire que des gens d'esprit soutinrent un jour dans une +conversation qu'il n'y aura jamais de _Basiaires_, ou d'_Osculaires_, +entre les Anabaptistes. Ce seraient des gens qu'on retrancherait de sa +communion, parce qu'ils n'auroient pas voulu consentir que l'on +excommuniât ceux qui donnent des baisers à leurs maîtresses. Or voici le +fondement de ceux qui nioient qu'on puisse attendre un tel schisme. Il +n'est pas possible, disoient-ils, qu'au cas qu'il y eût des casuistes +assez sévères pour vouloir que l'excommunication fût la peine d'un +baiser, comme il s'en est trouvé d'assez rigides pour vouloir faire +subir cette pénitence à celui qui avoit touché les tétons de sa +maîtresse. Ces deux cas ne sont point pareils. Les lois de la galanterie +de certains peuples, continuoient-ils, ont établi de génération en +génération, et surtout parmi les personnes du Tiers-État, que les +baisers soient presque la première faveur, et que l'attouchement des +tétons soit presque la dernière, ou la pénultième. Quand on est élevé +sous de tels principes, on ne croit faire, on ne croit souffrir que peu +de chose par des baisers, et l'on croit faire ou souffrir beaucoup par +le maniement du sein. Ainsi, quoique les administrateurs des lois +canoniques ayent fort crié contre le jeune homme qui fut protégé par les +Mammillaires, il ne s'en suit pas qu'ils crieroient contre l'autre +espèce de galanterie. Ils deféreroient à l'usage, ils pardonneroient des +libertés qui ne passent que pour les premiers élémens ou pour l'alphabet +des civilités caressantes. Je ne rapporte ces choses que pour faire voir +qu'il n'y a point de matière sur quoi la conversation des personnes de +mérite ne descende quelquefois. Il n'est pas inutile de faire connoître +cette foiblesse des gens d'esprit. En conscience, une telle spéculation +méritoit-elle d'être examinée? Et, après tout, n'eût-il pas bien mieux +valu ne point répondre décisivement de l'avenir? _De futuro contingenti +non est quoad nos determinata veritas_, disent judicieusement les +maîtres dans les écoles de philosophie. + +«Notez en passant qu'il y a eu des pays où l'on supposoit que le premier +baiser qu'une fille recevoit de son galant était celui des fiançailles. +Voici ce qu'on lit dans l'_Histoire de Marseille_: «Le fiancé donnoit +ordinairement un anneau à la fiancée le jour des fiançailles, et lui +faisoit encore quelque présent considérable en reconnoissance du baiser +qu'il lui donnoit. En effet, Fulco, vicomte de Marseille, fit donation, +l'an 1005, à Odile, sa fiancée, pour le premier baiser, de tout le +domaine qu'il avoit aux terres de Sixfours, de Cireste, de Soliers, de +Cuge et d'Olieres. Cet usage étoit fondé à ce que j'estime sur la loi +_Si à sponso_, qui ordonnoit que lorsque le mariage n'avoit pas son +effet, la fiancée gagnoit la moitié des présens qu'elle avoit reçus du +fiancé, car les anciens croioient que la pureté d'une fille étoit +flétrie par un seul baiser, mais cette loi est présentement abrogée en +ce royaume.» + +[Illustration] + +[Illustration] + + + + +CHAPITRE IV. + +DU LANGAGE DES TÉTONS. + + +Tous les êtres créés ont un langage, depuis les roseaux du barbier de +Midas, jusqu'aux hydrophobes auteurs des plates brochures qui inondent +cette capitale. + +Le père Bougeant s'est immortalisé par son charmant ouvrage _Sur le +langage des bêtes_, qui a été traduit en italien. Les yeux ont une +rhétorique connue de tout le monde. Les mains ont leur idiome; les pieds +des amans font merveille dans leur mystérieux quatuor sous la table; les +genoux s'en mêlent aussi; les fleurs parlent en Asie; et les coeurs, les +coeurs! on sait combien ils sont éloquens, bavards et tyrans. J'en +dirais long sur ce chapitre, et l'ami Boufflers, qui a dit de si jolies +choses sur le _coeur_, embellirait bien mon texte. Doit-on être surpris, +d'après cela, que les tétons aient aussi reçu de la nature un organe +expressif, et des moyens oratoires? Non, sans doute; ils ont une langue, +et Le Pays est mon autorité, dans le récit d'un songe qu'il fit sur deux +beaux tétons. Il écrit à une dame de ses amies: + +«Je n'ai point dormi cette nuit, Madame, ou du moins, le songe que j'ai +fait occupoit si sensiblement mon esprit, que j'ai cru veiller en fort +bonne compagnie. J'ai cru avoir toujours auprès de moi les deux tétons +de Madonte, et les voir avec ce même éclat qui me surprit hier au soir +quand votre main obligeante les délivra de la prison qui les enfermoit. +Vous pouvez bien croire, Madame, que je n'ai pas gardé le silence dans +une si belle occasion de parler: mais, pourrez-vous croire que ces jolis +tétons m'ont aussi parlé, et que notre conversation a été fort agréable? +Que ceci ne vous surprenne point, les tétons ont, pour ceux qui les +entendent, leur langage, aussi bien que les yeux. Comme je les ai +trouvez en humeur de causer, j'ai eu la curiosité de leur faire cent +questions sur leurs aventures, auxquelles ils m'ont répondu le plus +galamment du monde. J'aurois bien envie de vous redire ici tout notre +entretien, mais il sera plus aisé de vous l'écrire. Voici pourtant +quelques-unes de leurs paroles que j'ai impatience de vous apprendre, +parce qu'elles m'ont semblé les plus jolies. C'est la réponse qu'ils +m'ont faite sur l'étonnement que je leur ai témoigné qu'ils fussent +ainsi séparez, et qu'ayant l'un avec l'autre tant de rapport, ils +vécussent en mauvais voisins, sans s'approcher, sans se baiser, enfin +comme des ennemis irréconciliables. Il est vrai, m'ont-ils dit, nous +sommes ennemis, et la ressemblance ne fait point chez nous ce qu'elle +fait partout ailleurs. Elle nous oblige à nous haïr; et notre réciproque +jalousie nous tiendra toujours éloignez. Quoique nous n'ayons qu'un même +coeur et qu'un même intérêt, nous n'avons aucune disposition à nous +unir. L'Amour, qui est un petit boute-feu, nourrit entre nous cette +division. Il nous promet de nous aimer tous deux pendant que nous nous +haïrons, et jure de nous quitter aussitôt que notre haine cessera. Mais, +de bonne foi, aimables tétons, ai-je répliqué, ne seriez-vous point +comme quelques-uns de vos frères, qui jamais ne se touchent le jour, et +qui se baisent pendant toute la nuit; qui ont inclination à s'approcher, +et qui ne vivent éloignez que par contrainte? Vous serez étonnée, +Madame, que j'aye osé leur parler d'une manière si désobligeante, mais +sachez que ce n'a été que par adresse. Car quoique je n'eusse point de +pareils sentimens, je voulois les obliger à m'ôter le doute que je +témoignois, en souffrant que mes doigts fussent avec mes yeux témoins de +leur division. Ma ruse a réussi comme je l'avois désiré; les deux tétons +de Madonte s'étant un peu enflez de colère et d'orgueil, à cause de mon +injuste soupçon, ont consenti que je fisse l'épreuve que je souhaitois, +et cette épreuve a d'abord fait sentir à mes mains la vérité qui avait +paru à mes yeux. + +Après cela, je ne me suis plus étonné qu'ils eussent tant de disposition +à la haine; car j'ai trouvé tant de dureté dans l'un et dans l'autre, +qu'il n'y a pas apparence que rien les puisse jamais attendrir. Au +reste, Madame, je gage que votre belle parente ne sait rien de ce qu'ont +fait chez moi ses tétons. J'ai appris d'eux-mêmes qu'ils font bien +d'autres choses, sans son congé; ils m'ont dit que lorsqu'elle y pense +le moins, ils se divertissent à prendre des coeurs, partout où ils +trouvent des yeux, et que c'est leur passe-temps le plus ordinaire. Ils +m'ont dit même que quand ils ont pris quelqu'un, et que Madonte s'en +apperçoit, elle le traite aussi cruellement que si sa prise l'avoit +offensée. Elle l'insulte, dans son esclavage, elle ne lui donne aucun +secours, et prend plaisir à le voir mourir de langueur.» + +Ce Le Pays était un très-rude patineur. Sa Caliste lui avait promis de +l'aller voir, dans le tems qu'une cruelle fièvre le travailloit et +l'avait mis dans un état pitoyable. Il lui fait premièrement le portrait +de son visage de cette sorte: + +«Pour ma mine, vous ne vîtes jamais rien de si étrange: mes yeux sont +devenus plus grands que tout le reste de mon visage, et il vous sera +facile, s'il vous en prend fantaisie, de compter mes dents au travers de +la peau de mes joues. Il ne faudra pas vous étonner, si je vous fais +froide mine; je la fais à tout le monde, et me la fais à moi-même, quand +je me regarde au miroir. Quelqu'envie que j'aye de vous plaire, je ne +pourrai point m'empêcher de vous faire laide grimace.» Il ajoute +ensuite: + +«Ce qu'il y a de bon, Caliste, c'est que mes mains, dont vous vous êtes +plainte tant de fois, ne vous donneront aucun sujet de me quereller. Je +vous jure qu'en l'humeur où je suis, les tétons de la belle Hélène, qui +assurément devoient être des plus beaux, puisqu'ils firent tant jouer +des mains les Troyens et les Grecs, ne me feroient pas présentement +tirer les miennes de dessous ma fourrure. Jugez, par là, si vous auriez +à craindre du reste, et si vous ne vous en irez pas de chez moi sans +avoir crié contre mes emportemens!» + +Marot avait le même défaut que Le Pays, et ne laissait échapper aucune +occasion de mettre ses yeux au bout de ses doigts. Il aurait bien +souhaité, un jour des Innocents, de savoir où était le lit de sa belle, +pour la faire passer par l'étamine. N'en pouvant venir à bout, il se +contenta de lui écrire ces vers: + + Très-chère soeur si je savois où couche + Vostre personne au jour des innocens, + De bon matin j'irais à vostre couche. + Voir ce gent corps que j'ayme entre cinq cens: + Adonc, ma main (veu l'ardeur que je sens), + Ne se pourrait bonnement contenter, + Sans vous toucher, tenir, tâter, tenter; + Et si quelqu'un survenoit d'adventure, + Semblant ferois de vous innocenter: + Seroit-ce pas honneste couverture? + +Après tout, si ce qu'on vient d'alléguer, n'engage point les belles à +laisser aux amans les coudées franches et les mains libres, il n'en est +pas moins vrai que toutes n'ont pas cette austérité. La Corine du tendre +Ovide ne faisait pas tant la renchérie. Elle alla un jour trouver ce +poëte dans un équipage très-galant, et dans ce désordre voluptueux qui +favorise et provoque si bien la liberté des mains: Ovide lui-même nous +l'apprend dans une de ses élégies amoureuses: + + Le chaud que le midi fait naître sur la terre, + Aux plaisirs d'exercice avoit livré la guerre: + Quand je m'allai jeter tout fatigué, tout las, + Sur un lit de repos qui ne m'en servit pas. + J'attendois la Beauté dont mon âme est charmée. + Ma fenêtre n'étoit ouverte, ni fermée, + Et ces deux changements se cédant tour-à-tour, + Laissoient voir un combat de la nuit et du jour. + L'on voit dans les forêts de ces sombres lumières, + Qui ne sont ni clartez, ni ténèbres entières, + Et tels sont du soleil les timides flambeaux, + Lorsqu'il vient sur la terre, ou qu'il va sous les eaux. + Tel est le tems obscur qu'il faut donner aux dames; + De peur que la clarté ne trahisse leurs flâmes. + L'Amour est un enfant qu'on nous a peint sans yeux, + Et ce dieu veut toujours être aveugle en ses jeux. + Après quelques momens, je vis entrer Corine; + Sous l'habit du plaisir, qu'elle avoit bonne mine! + Un voile transparent, de ses rares beautés + Dans un léger nuage étouffoit les clartés. + Il faisoit à ma vue entière violence, + Sans sauver mes desirs de leur impatience: + Et ses cheveux, poussés d'un mouvement jaloux, + Cachoient toute sa gorge à mes transports si doux. + Corine valoit bien qu'ils me fissent querelle. + Jamais Sémiramis n'avoit paru si belle; + Et ceux qui de Laïs chantèrent les attraits, + N'avoient, pour les toucher, formé tant de souhaits. + Le linge me déplut, quoiqu'assez favorable; + J'en fis avec Corine un combat agréable, + Sa main vint au secours; mais je lus dans ses yeux, + Que son coeur et sa main se trahissoient entr'eux. + Sa vertu vouloit faire une honnête retraite, + Ses efforts languissans demandoient sa défaite + Et je vis peu d'obstacles en ce plaisir égal + A vaincre un ennemi qui se défendoit mal. + Quand son voile en tombant la laissa toute nue, + Jamais rien de si beau ne s'offrit à ma vue. + La nature sans art fait honte aux ornemens, + Jamais de si beaux bras n'unirent deux amans. + Jamais de deux couleurs gorge si bien mêlée + Ne fut par les baisers doucement accablée. + Et jamais les voisins de ce qu'on ne dit pas, + N'étalèrent aux yeux de si charmans appas. + Je regardai longtems, mais en pareil mystère, + L'on ne peut pas toujours regarder sans rien faire. + Je fis donc ce qu'on fait loin des regards fâcheux, + Et lorsque des amants le veulent bien tous deux. + Quand j'eus fait mon devoir, en homme de courage, + Corine pour dormir me prêta son visage: + Je pris un doux repos sur ce lit de corail, + Mais certes le repos ne vaut pas le travail, + Grands Dieux! qui me voyez peut-être avec envie; + Laissez-moi me choisir les plaisirs de la vie. + Je renonce au sommeil, et le milieu du jour, + Comme il est le plus chaud, est plus propre à l'amour. + +O femmes auxquelles il est si difficile d'échapper aux moyens de +séductions multipliées contre vous, je pense que la mode que vous avez +établie de nous découvrir gratuitement ce que vous avez de plus beau, +est un excellent moyen de diminuer nos désirs par l'habitude de voir, et +par la satiété; mais si, dans le tête-à-tête, vous voulez conserver +toute votre raison, et ne point donner de droits sur vous, en faisant un +ingrat ou un inconstant, n'oubliez pas de défendre les jeux de mains, +dont les conséquences sont funestes à la vertu; retenez bien le sens de +ces vers, que vous vous ferez expliquer avant de rien permettre, et vous +me remercierez: + + _Post visum, risus, post risum, venit ad usum: + Post usum tactus: post tactum, venit ad actum. + Post actum, fructus: post fructum, poenitet actum._ + +Toutes les gradations de l'audace sont expliquées dans le distique +suivant, et toute la tactique de l'amour y est développée: + + _Visus et alloquium: tactus, post oscula, factum: + Ni fugias tactus, vix evitabitur actus._ + +La chair est faible, l'esprit est prompt. La pudeur a contre elle cinq +ennemis terribles, désignés ci-dessus, c'est-à-dire la vue, l'entretien, +le toucher, le baiser et le fait. Si vous n'évitez pas le toucher, vous +n'éviterez pas le fait. Un amant qui a obtenu un baiser, est un sot s'il +reste en chemin; songez-y. + + _Oscula qui sumpsit, si non et coetera sumpsit, + Hæc quoque quae data sunt, perdere dignus erit._ + +[Illustration] + + + + +CHAPITRE V. + +DES LAIDS TÉTONS. + + +Il est possible que ce chapitre ne plaise pas à toutes les femmes; mais +sera-ce leur faute? sera-ce la nôtre? N'y en aura-t-il pas beaucoup qui +voudront en appeler de notre jugement? Nous touchons la corde sensible, +et nous sommes de plus en plus effrayés des précautions à prendre pour +ménager l'amour-propre. Comment un sein doit-il être, pour être laid? +Voyons ce qu'en ont dit les différents auteurs qui ont traité cette +belle matière. C'est à présent que je sens tout ce qu'a de pénible +l'emploi d'historiographe des tétons; que ne puis-je sauter à +pied-joints sur ce maudit chapitre! Pourquoi ne marche-t-on pas toujours +sur des fleurs dans cette vie? Pourquoi? pourquoi?... Eh, mon Dieu! +tous ces pourquoi-là allongeraient mon chapitre; hâtons-nous de glisser +sur les difficultés, courons dans une mauvaise route, pour nous reposer +et nous rafraîchir, quand nous serons arrivés à son terme. + +Je compte d'abord pour laids tétons, ceux d'une taille énorme, par +exemple, ceux de Mme de Bouillon, du _Roman comique, qui en avait la +valeur de vingt livres distribuées à poids égaux sous chaque aisselle_. + +Ceux de Paquette, à qui Le Pays dit: _«Pour votre gorge et vos tétons, +ils ne sont pas blancs; mais, certes, il y a de la chair et si les +tétons s'achetoient à la livre, vous pourriez vous vanter d'être plus +riche que votre maîtresse.»_ + +Le _Poëte sans fard_ drape compétemment une femme, qui avait des tétons +aussi gros que des pis de vache. Il lui dit: + + Philis, tu demandes pourquoi + Je ne sens point d'amour pour toi? + La raison est, que tes mamelles + Te vont jusques sous les aisselles; + Que ton nez est des plus punais, + Et que ta bouche sent mauvais! + Je crois d'ailleurs, ô vieille vache! + Puisqu'enfin tu le veux savoir, + Que tout ce que l'habit me cache + Est encor plus vilain que ce qu'il laisse voir. + +Je mets encore au nombre des tétons dégoûtants, ceux qui ressemblent à +la suie, comme ceux de Tisiphone: Despréaux, dans son _Dialogue des +morts_, fait ainsi faire à Sapho, l'un des personnages du _Grand +Cyrus_[9], le portrait de cette blonde du royaume de Pluton: + +«Vous croyez que je ne connois pas Tisiphone; c'est une de mes +meilleures amies. Vous ne serez peut-être pas fâché que je vous en fasse +le portrait. L'illustre fille dont j'ai à vous parler, a quelque chose +de _si furieusement_ beau, elle est si terriblement agréable, que je +suis _épouvantablement_ empêchée, quand il vous en faut faire la +description. Elle a les yeux vifs et perçans, petits, bordés d'un +certain incarnat qui en relève _étrangement_ l'éclat. Comme elle est +naturellement propre, est-elle aussi naturellement négligée; et cette +négligence fait qu'on peut voir souvent sa gorge, qui est toute +semblable à celle d'une Amazone, à la réserve que les Amazones n'avaient +qu'une mamelle brûlée, et que l'aimable Tisiphone les a toutes deux. Ses +cheveux sont longs et annelez, et semblent autant de serpenteaux qui se +jouent autour de sa tête, et qui se viennent jouer sur son visage.» + +[Note 9: Boileau en a fait une maligne application à Mlle de Scudéri +même, l'auteur de ce roman, à laquelle tous les auteurs d'alors +donnaient le nom de Sapho. Le poëte Le Brun nous retrace les écarts de +Boileau, dans ses vers contre la citoyenne Th... P..., auteur de _Sapho_ +et de _Camille_, et autres femmes auteurs.] + +De plus, je trouve laids des tétons, quoique beaux, quand la personne +qui en est pourvue est trop coquette, ou plutôt impudique. Ce caractère +efface toutes les beautés qu'elle pourrait avoir. Telle était la +Macette, à laquelle le satyrique Regnier, plutôt par ironie que +sérieusement, donne des éloges plaisants, quand il lui dit, pour la +louer, que ses cheveux sont aussi dorés qu'une orange, plus frisés qu'un +chardon; que le soleil n'est auprès du brillant de ses yeux, qu'un +cierge de la Chandeleur, et que sa mine de poupée prend les esprits à la +pipée et les appétits à la glu. Ensuite, lui parlant de ses tétons qui +ne marquent que de la lascivité, il s'exprime ainsi: + + Les Grâces, d'amour échauffées, + Nud-pieds, sans juppes, décoiffées, + Se tiennent toutes par la main, + Et d'une façon sadinette + Se branlant à l'escarpolette, + Sur les ondes de votre sein. + +Outre cela, je déclare que des tétons me paraissent laids, quelque bien +tournés qu'ils puissent être, quand le sexe les fait servir de prétexte +pour être infidèle. Une Cloris dit à une Philis, dans Regnier que je +viens de citer: + + La foi n'est plus aux coeurs qu'une chimère vaine, + Tu dois, sans t'arrêter à la fidélité, + Te servir des amans comme des fleurs d'été, + Qui ne plaisent aux yeux qu'étant toutes nouvelles: + Nous avons de nature au sein doubles mamelles, + Deux oreilles, deux yeux et divers sentimens, + Comment ne pourrions-nous avoir divers amans? + Je connois mainte femme à qui tout est de mise, + Qui changent plus souvent d'amant que de chemise. + +Pour voir la laideur d'un téton dans toute son étendue, on n'a qu'à lire +l'épigramme que voici, faite par Marot, sur le laid tétin: + + Tetin qui n'a rien que la peau, + Tetin fine, tetin de drapeau, + Grand'tetine, longue tetasse, + Tetin, doy-je dire bezace; + Tetin au grand vilain bout noir, + Comme celui d'un entonnoir. + Tetin qui brimballe à tous coups + Sans estre esbranlé, ne secous, + Bien se peut vanter qui te taste, + D'avoir mis la main à la paste. + + Tetin grillé, tetin pendant, + Tetin flestry, tetin rendant + Vilaine bourbe en lieu de laict, + Le diable te fit bien si laid. + + Tetin pour tripe reputé, + Tetin, ce cuide-je, emprunté + Ou desrobbé en quelque sorte, + De quelque vieille chevre morte, + Tetin propre pour en enfer + Nourrir l'enfant de Lucifer. + + Tetin boyau long d'une gaule, + Tetasse à jetter sur l'espaule, + Pour faire (tout bien compassé) + Un chaperon du temps passé, + Quand on te void, il vient à maints + Une envie dedans les mains, + De te prendre avec les gants doubles, + Pour en donner cinq ou six couples + De souflets sur le nez de celle + Qui te cache sous son aisselle. + + Va, grand vilain tetin puant, + Tu fournirois bien en suant + De civettes et de parfums + Pour faire cent mille defuncts. + Tetin de laideur despiteuse, + Tetin, dont nature est honteuse, + Tetin des vilains le plus brave, + Tetin, dont le bout toujours bave, + Tetin fait de poix et de glus: + Bran, ma plume, n'en parlez plus, + Laissez-le là, ventre Saint-George, + Vous me feriez rendre ma gorge. + +Bon Dieu! le vilain objet!... hélas! le suivant, peint par Benserade, +n'est pas plus gracieux; pourquoi des poëtes se plaisent-ils ainsi à +tremper leurs plumes dans l'ordure? c'est qu'il faut des ombres aux +tableaux. + + Pendantes et longues mamelles, + Où les perles et l'oripeau, + N'imposent à pas un chapeau; + Molles et tremblantes jumelles. + Tetasses de grosses femelles, + A couvrir d'un épais drapeau, + Peau bouffie et rude, moins peau + Que cuir à faire des semelles, + De vieille vache aride pis: + Que ne puis-je dire encor pis + D'un sein qui tombe en pourriture! + Sein d'où s'exhale par les airs, + Un air qui corrompt la nature; + Sein propre à nourrir des cancers. + +Clément Marot et Benserade ne sont pas les seuls qui se soient occupés +de décrire les vilains tétons; Rabelais, dans son épître à une vieille, +Motin, Regnier, Sygognes, Maynard, se sont plu à nous détailler ces +horreurs. + +Maynard passant en revue tout le corps d'une vieille ridée, arrivé à ses +tétons, s'écrie: + + Vos tetins, dont la peau craquette + Comme laurier qu'au feu l'on jette, + A toucher ne sont point plus doux + Que le dessus d'un vieux registre, + Et comme un bissoc de belistre, + Ils vous tombent sur les genoux. + +Un peu plus loin, Sygogne, dans sa satyre contre une vieille sorcière, +dit: + + Vostre estomach faict en estrille + Pourroit encor servir de grille, + Vos flancs de herse on de rateau, + Et de vos pendantes mamelles + Un bissac ou des escarcelles + Pour mettre l'argent du bordeau. + +En voilà assez sur ce sujet peu ragoûtant; nous renvoyons les lecteurs +amoureux de ces sortes d'écrits, au _Cabinet satyrique_; ils trouveront +là-dedans de quoi se satisfaire. + +Les tétons sont la dernière beauté qui vient au sexe, et la première qui +est confisquée: il est peu de ces femmes privilégiées qui les conservent +comme Ninon et Gabrielle B.... C'est pour cela qu'elles en ont un soin +tout particulier, et qu'elles confient leurs enfants au sein mercenaire +des nourrices. + +Malgré cela, vingt ans de mariage gâtent les tétons les mieux faits. Ils +ne sont pas non plus à l'épreuve de la vieillesse. Comme elle ternit le +teint le plus vif, qu'elle éteint les yeux les plus brillants, elle +amollit les tétons les plus rebondis. C'est ce que nous apprennent ces +stances contre une dame qui avait vieilli à la cour, et qui se voulait +marier: + + Quoi! vous vous mariez! douce et tendre mignonne, + Et ne l'avez encore été! + Je ne vois rien du tout dessus votre personne, + Qui ne prêche la chasteté. + + Pour de l'âge, on sait bien que vous n'en manquez guère, + Votre visage étant garant + Que ce qu'on fait pour vous, se pouvoit fort bien faire + Du règne de Henri-le-Grand. + + Vous éloignant d'ici, les beautés de la reine + Ont purgé ce noble séjour: + De même qu'un torrent, votre sortie entraîne + Toute l'ordure de la Cour. + + Celui qui vous épouse, en témoignant sa flamme, + N'établit pas mal son renom: + Qui s'est bien pu résoudre à vous prendre pour femme, + Ira bien aux coups de canon. + + Comme vous n'êtes plus qu'une vieille relique. + Objet de la compassion. + Dès qu'on dit que sur vous un sacrement s'applique, + On pense à l'Extrême-Onction. + + Qui se lie avec vous espère un prompt veuvage, + Ou, peut-être, ce pauvre amant + Entend que le contrat de votre mariage + Passe pour votre testament. + + Vous seriez bien sa mère, et la foi conjugale + Est mal placée entre vous deux: + L'inceste est en effet une chose si sale, + Que le portrait en est hideux. + + Les plus intemperez de votre bonne grâce, + Ne donneroient pas un teston, + Et l'on doit s'avouer qu'on est à la besace, + Quand on vous touche le téton. + + Souffrez ce petit mot, sans traiter de satire, + Un stile si franc et si doux: + Vous êtes en un point où l'on ne peut médire, + Quelque mal qu'on dise de vous. + +Urbain Chevreau[10], dans ses stances _sur une vieille amoureuse_, p. +150 de ses poésies, édition de 1656, in-12, décrit ainsi sa gorge: + + Cependant, vous vous ajustez, + Et votre gorge aux libertés + Semble encor faire des menaces: + Mais chaque jour nous regrettons + Qu'il n'en reste plus que les traces: + Et que vous ayez des besaces + Où vous avez eu des tétons. + +[Note 10: Le recueil de ses poésies est rare. Il s'y trouve quelques +morceaux faibles, mais on le lit avec plaisir. Voyez ses épigrammes et +son _Remède d'amour_, dans le recueil intitulé: _le Furet littéraire_ ou +les _Fleurs du Parnasse_, 1 vol. in-12.] + +Antoine Legrand nous démontre le pouvoir des ans d'une manière +très-pathétique: + +«L'arrière-saison, dit-il, a ses plaisirs: son utilité égale bien les +incommodités qu'elle nous apporte. Elle est l'attente des laboureurs, et +la récompense des vignerons; si elle dépeuple les campagnes et leurs +collines, elle remplit leurs caves de vin, leurs greniers de grains et +leurs granges de moissons. Mais, dès qu'une femme approche de la +vieillesse, que ses cheveux prennent la couleur des cendres, que les +rides sillonnent son front, que ses yeux commencent à jetter de la cire, +que ses joues lui tombent sur le menton et que ces deux montagnes de +lait deviennent une double besace pleine de sang; elle cesse d'être le +souhait des hommes, ses amants en ont horreur: ceux qui la recherchaient +auparavant la haïssent.» + +Tout le monde connaît la réponse ingénieuse et maligne de Voltaire à une +dame qui présumait trop de sa gorge. Deguerle, auteur de l'_Eloge des +perruques_, l'a mise en vers. La voici: + + Dans certain cercle assez galant, + Certaine dame fort coquette, + Allait chantant + Papillonnant + En débitant + Mainte sornette. + L'espiègle, comme une autre, avait été jeunette + Un demi-siècle auparavant. + Vieille, laide et coquette! autant + Vaudroit, ma foi, singe en cornette. + Un gros chanoine, aux yeux dévots, + Du vénérable sein de la Vénus antique, + Lorgnoit en tapinois les vieux débris jumeaux, + Qu'agitait avec art maint soupir méthodique, + Sous la gaze trop véridique. + --Fripon, dit l'éternelle, où vont donc vos regards? + Ces petits coquins-ci feront damner votre âme + Voltaire l'entendit:--Petits coquins, madame + Dites plutôt de grands pendards. + +La voici autrement: + + +LA MÉTAMORPHOSE. + + Gertrude à vingt ans fut jolie: + Elle avoit deux petits tettons + Qu'Ariste aimoit à la folie + Et nommoit ses petits frippons. + Ariste fit un long voyage, + Et revint après vingt-cinq ans. + Je laisse à penser quel ravage + Chez Gertrude avoit fait le temps. + Sur les frippons, par habitude, + Ariste jeta ses regards: + --Ah! mes petits frippons, Gertrude, + Sont devenus de grands pendards. + +Après avoir parlé des femmes qui ont une laide gorge, il est à propos de +parler de celles qui n'en ont pas du tout. Un renard pris au piège, au +moment où il se propose de croquer une poule, un créancier qui se repaît +avec volupté de l'espérance de faire saisir les meubles d'un malheureux +débiteur et trouve la maison vide, éprouvent moins d'humeur et de +surprise qu'un galant qui, après mille efforts pour découvrir et dévorer +de son oeil furtif une belle gorge, n'en trouve que la place. + +Le citoyen Mercier de Compiègne, auteur de la traduction du +_Vendangeur_, de _Rosalie et Gerblois_, de _Gérard de Velsen_, etc., +raconte ainsi dans un volume de ses _Soirées de l'Automne_, la +vengeance d'un galant, qui avait éprouvé un pareil échec: + + +LE FICHU MENTEUR. + +CONTE. + + Près d'une ci-devant beauté, + Dorval fatiguant sa visière, + Cherchoit si le double hémisphère + Apparoîtrait à son oeil enchanté. + Vains efforts! la recherche avide + Que trompe un gros fichu menteur, + N'offre à ses regards que du vide + Dont enrage l'observateur. + Bref, il n'étoit resté le moindre atôme + A la dame de ses appas. + Pour se venger, que fait notre homme? + Où fut logé ce qu'il ne trouve pas, + Adroitement une carte est glissée; + De l'action la dame embarrassée + Lui dit: Dorval, que faites vous?... + --Ah! de grâce, point de courroux! + Il ne faut pas que ceci vous étonne, + Je voulois voir un mien ami, + Mais, hélas! n'y trouvant personne, + Ainsi que l'usage l'ordonne, + Je laisse ma carte chez lui.» + +[Illustration] + +[Illustration] + + + + +CHAPITRE VI. + +DES CONTRÉES OÙ LES FEMMES SONT LE MIEUX PARTAGÉES DE TÉTONS. + + +C'est ici qu'il nous faudrait les talents de Tavernier, de Paul Lucas, +de Levaillant, de Christophe Colomb, de Bougainville et de Pallas, il +faudrait avoir vu tous les pays du monde pour décider quels sont ceux +pour lesquels les tétons viennent le mieux, et je n'ai voyagé qu'en +Suisse et en Allemagne. J'ai vu à Neufchatel et à Berne les tétons les +plus jolis que l'on puisse voir, très-bien apprivoisés, et qui, dans le +tête-à-tête, ne se refusaient jamais à l'hommage que les mains voulaient +leur rendre. + +Le Corrége, l'Albane, le Titien, prirent le type des beautés qu'ils +peignirent, dans les Italiennes de leur temps. Rome et son territoire +en offrent encore d'éclatants exemples; et, à l'âge du retour, les +Romaines ont de superbes épaules. Mais c'est en Sicile et en Toscane, à +Florence et à Sienne, même à Venise, que naissent les plus séduisantes +beautés de l'Italie; car, dans la Lombardie et le voisinage des Alpes, +les formes plus volumineuses et plus massives, sont bien moins +enchanteresses. Les belles Françaises vivent surtout vers Avignon, +Marseille, et dans l'ancienne Provence, peuplée jadis par une colonie +grecque de Phocéens. Plus au nord, le sang des Cauchoises, des Picardes +et des Belges est plus beau, et la peau est d'une blancheur plus +éclatante, mais il y a certainement moins de finesse dans les contours +et de délicatesse dans les formes. A Paris, l'on rencontre en général +moins de beautés que de grâces dans la démarche et toutes les manières. +Les Marseillaises et la plupart des Languedociennes ont aussi moins de +gorge que les Normandes, les Belges, les Suissesses. Les plus grandes +beautés de l'Espagne sont dans l'Andalousie et à Cadix: on les dit +très-exigeantes en plus d'un genre, capricieuses, et pourtant +très-constantes dans leur attachement; elles concilient le dérèglement +des moeurs avec l'observance la plus scrupuleuse des devoirs religieux. +La ville de Guimanarez et ses environs sont peuplés des plus charmantes +Portugaises, la plupart courtes et vives, qui présentent en général +beaucoup de gorge, tandis que les Castillanes n'en ont presque pas. +Toutes ont ces beaux yeux noirs, cette taille svelte et souple, ce teint +pâle, cet air sérieux, dédaigneux même, qui peuvent enflammer les +grandes passions, et rebuter les hommages frivoles et vulgaires. + +On connaît le teint éblouissant, les traits expressifs, la physionomie +fine et touchante des Anglaises; plusieurs ont la gorge et l'élégant +corsage des Normandes; elles sont presque toutes blondes, quelquefois +même rousses. En Écosse, leur teint devient d'un blanc fade comme aux +Hollandaises: mais celles-ci montrent souvent de l'embonpoint, beaucoup +de gorge, une carnation pâle et molle. De toutes les Allemandes, les +Saxonnes emportent le prix de la beauté; on ne rencontre peut-être pas +un laid visage dans le territoire d'Hildesheim; le teint charmant de +tous les habitants fait dire en proverbe que les femmes y croissent +comme les fleurs. Quoique les Autrichiennes ne soient pas laides, les +Hongroises paraissent généralement plus belles; mais, dans toutes les +nations germaniques, elles pèchent souvent par un excès d'embonpoint. + +A Gratz, en Styrie, une infinité de femmes et de demoiselles ont des +amants et en changent publiquement sans qu'on y trouve à redire; +cependant elles sont très-dévotes. Les femmes y ont un beau teint blanc, +de gros tétons, mais un peu trop massifs. + +Plus au nord, les Polonaises méritent d'être remarquées. Elles ont la +blancheur mais aussi, dit-on, la froideur de la neige. Les femmes +russes sont, au contraire, fort amoureuses, mais l'abus des bains de +vapeur, ou plutôt l'atmosphère chaude où elles vivent, rend bientôt mous +et flasques tous leurs appas; sous leurs chaudes pelisses elles couvent +d'ardentes passions, aussi les accuse-t-on de préférer toujours en amour +le physique au moral. + +Les Albanaises sont plus agréables que les Morlaques; celles-ci portent +une peau tannée, de longues mamelles pendantes, avec un mamelon noir. + +On trouve à Dresde, à Leipsik, à Halle, de simples grisettes dont les +tétons blancs, rebondis et bien taillés, seraient capables d'orner le +sein des reines du monde; la Saxe est surtout le climat où ces +dariolettes sont de la meilleure qualité. Il paraît que le sexe de la +Souabe est aussi abondamment pourvu de ces attraits, si l'on en doit +croire l'apologie qu'a faite d'eux certain étudiant de l'université de +Tubingue, et que l'on a trouvée écrite à la tête de son _Corpus juris +civilis_: + + _Hæc Tubingiacis dos est perpulchra puellis, + Ubera magna, pudor tenuis, vulvæque patentes, + Res angusta domi, foris ampla, et splendida dixi._ + +Si nous en croyons la comtesse d'Aulnoy, les Espagnoles n'ont point de +gorge et n'en veulent point avoir; voici comme elle en parle: «C'est une +beauté pour les dames espagnoles de n'avoir point de gorge, et elles +prennent de bonne heure des précautions pour l'empêcher de venir. +Lorsque le sein commence à paraître, elles mettent dessus de petites +plaques de plomb, et se bandent comme les enfants que l'on emmaillote. +Il est vrai qu'il s'en faut peu qu'elles n'ayent la gorge aussi unie +qu'une feuille de papier, à la réserve des trous que la maigreur y +creuse, et ils sont toujours en grand nombre.» + +Plaignons l'aveuglement de ces Espagnoles qui outragent la nature, en +refusant des bienfaits dont elle est si avare; plaignons aussi ces +Françaises que la manie de revêtir les habits d'homme porte tous les +jours à détruire ce chef-d'oeuvre si gracieux et si attrayant de leur +sexe; le délire de cette espèce d'hermaphrodites me fait pitié et +m'irrite. Vite, éloignons cette idée affligeante en admirant les beaux +tétons de l'Angleterre. Tous les connaisseurs qui ont voyagé dans cette +partie de l'Europe s'accordent à dire que la Grande-Bretagne est la mère +nourrice des beaux tétons. Voilà ce que Le Pays écrivait de Londres à un +de ses amis: + +«Ce que nous avons vu de plus qu'à Paris, ç'a été un grand nombre de +fort belles femmes, qui sont toutes copieusement partagées de tétons. +Comme c'est une marchandise qui est ici à grand marché, et assez +précieuse en France, nous avions résolu d'en acheter un bon nombre, et +de vous les envoyer tous dans une barque, attachés deux à deux avec du +ruban couleur de feu, qui est ici, comme vous savez très-beau et en +très-grande abondance. Nous étions persuadés que cette marchandise vous +plairait, et que vous seriez bien aise d'en fournir à quantité de vos +amies, qui en ont bon besoin, et qui les achèteraient volontiers. Mais +comme les commis des Traites foraines ne laissent rien passer sans le +visiter, nous avons changé de dessein, sachant fort bien que c'est une +marchandise qui se gâte, pour peu qu'on la visite, et qu'ainsi elle +auroit bientôt perdu toute sa beauté et tout son éclat quand elle seroit +entre vos mains.» + +Dans une autre lettre qu'il écrit de la même ville à une dame, il lui +donne cette commission: + +«Dites à Mme de la L. G. que si elle étoit en Angleterre, elle ne seroit +pas la reine des tétons, comme elle l'est à..., puisque les dames de ce +royaume en ont qui ne cèdent point aux siens. La différence qu'il y a, +c'est qu'on patine les tétons d'Angleterre dès la première connoissance, +et sans grande cérémonie; que pour elle, elle ne laisse pas seulement +voir les siens après six mois de soins et de services.» + +Pavillon, dans un endroit de sa lettre à Mme Pelissari, sur le voyage de +sa fille en Angleterre, dit: + +«Le défunt pays de Cocagne, de très-heureuse mémoire, ne valoit guère +mieux que celui-ci. + + Le Prince[11] qu'en sa cour peu de monde environne, + Peut être aisément abordé: + Il n'est presque jamais gardé + Que par le seul respect qu'on porte à sa personne. + On le voit aussitôt qu'on vous a présenté. + Malgré l'éclat de la couronne, + Celui que sa grandeur étonne, + Est rassuré par sa bonté. + Ses sujets sont dans l'opulence. + Ses champs produisent à souhait, + Et vous ne sentez sa puissance + Que par les biens qu'elle vous fait. + La terre sans impôts et le ciel sans colère + Nous laissent en repos jouir de notre bien. + Le Roi ne lève presque rien, + Et Jupiter n'y tonne guère. + Tout votre sexe à cheveux blonds, + À teint de lys, à beau corsage, + Magnifique en habits, en train, en équipage, + Fait marcher devant son visage + Une infinité de tétons. + +[Note 11: C'est Charles II, prince aussi salace, aussi voluptueux +que nos Henri III, Charles VII, Henri IV et François Ier. Le C. Mercier, +auteur de l'An 2440, et de tant de drames, a fait sur ce prince un drame +intitulé: _Charles II dans un certain lieu_. Il n'a point avoué cette +production, mais nous assurons qu'elle est de lui. Un nommé _Brémont_ a +fait l'histoire scandaleuse des amours de ce roi avec Miladi +Castelmaine, duchesse de Keweland et la femme de Milord Canduche, dans +un petit roman allégorique intitulé _Hattigé, ou les amours du roi de +Tamaran_, Cologne 1676. 1 vol. in-16 de 120 pages. Le duc de Buckingham +joue un beau rôle dans cette chronique scandaleuse.] + +Il dit encore dans un autre endroit de la même lettre: + +«Nous mènerons au premier jour votre fille à Windsor; c'est un lieu +charmant où le bon roi Stuart tient maintenant cour plénière. Elle +prétend lui demander un don, qui est la réformation des tétons dans +toute l'étendue de son royaume, suivant le modèle qu'elle lui en +présentera elle-même. Vous saurez, madame, qu'en tous ces quartiers, la +plupart des tétons, sous prétexte qu'ils sont blancs comme neige, n'ont +point honte d'aller tout nuds dans les rues, et qui plus est, de se +baiser hardiment à la vue de tout le monde, sans crainte de Dieu et des +hommes. Les gens du pays pensent que cette réforme sera facile à +établir, parce que les tétons de ce territoire étant de leur nature fort +dociles, on peut aisément les réduire à en faire tout ce qu'on voudra.» + +Avant de finir, je dois encore dire que j'ai vu dans des couvents toutes +sortes de beaux tétons; il est vrai que ce n'est que la figure et non la +forme. J'y ai trouvé des tétons naissants et des tétons formés, où rien +ne manquait que la permission de les voir à découvert et de sentir s'ils +étaient durs. Peindrai-je ces touffes de lys et de roses mollement +comprimées par la guimpe, ces sphères de neige qui croissaient à l'ombre +des autels, et qui ne pouvaient être accessibles qu'aux doigts sacrés du +pater et du directeur, ou d'un jardinier discret et charmant? Comme je +ne produirais rien de neuf et de piquant dans ces descriptions d'objets +que j'ai toujours aimés, et que j'ai très-rarement vus, tels que ma +muse les voudrait peindre, je crois plus sage de renvoyer mon lecteur, +pour qu'il n'y perde rien, aux friandes peintures qu'en ont faites +Voltaire, dans sa _Pucelle_, Piron, Dorat, et autres poëtes érotiques +modernes, et je me borne à dire: vive un sein de couvent!... + +Ceci me remet dans l'esprit un sonnet pour une belle personne, à qui les +tétons étaient venus depuis qu'elle était religieuse. + + Ci gisent les tétons de la jeune Sylvie, + Pitoïable passant, admire et plains leur sort. + Ils n'avoient pas du ciel encor reçu la vie, + Qu'on les avoit déjà destinez à la mort. + + On ne consulta point leur naturelle envie: + Leur courroux fait bien voir qu'on leur a fait grand tort, + Puisqu'on les voit s'enfler contre la tyrannie + Qui les mit au tombeau par un barbare effort. + + Mais ce qui te fera plaindre leur aventure, + C'est qu'on les tient vivants dans cette sépulture, + Comme étant convaincus d'un horrible forfait. + + Tout leur crime pourtant n'est que d'avoir sçu plaire; + Peur moi, ne voyant pas quel mal ils avoient fait, + Je crois qu'on les punit de ceux qu'ils pouvoient faire. + +Si des Européennes nous passons aux femmes de la race, où plutôt de +l'espèce nègre, nous leur trouverons généralement une disposition +extrême à la lasciveté et même une conformation particulière dans les +organes sexuels. Comme cette espèce d'hommes est moins propre au +développement des facultés intellectuelles, elle est aussi plus disposée +aux fonctions purement animales, et la plupart des nègres sont _bene +mutonati_. Les négresses paraissent conformées dans la même proportion, +de sorte que les européens les trouvent fort larges. Toutes ont, comme +on sait, une gorge très-volumineuse, et bientôt molle et pendante, même +dans les climats où l'on ne peut pas en accuser la chaleur +atmosphérique, comme au nord des États-Unis; mais ce qui surtout les +distingue de la race blanche, c'est le prolongement naturel des nymphes, +et quelquefois du clitoris, bien moins commun chez les femmes blanches +que chez les négresses. + +Les femmes cafres, les mieux constituées de toutes les négresses, et les +plus fortes, ont un caractère plus ardent et plus viril; les négresses +joloffes et mandingues, sans être aussi bien formées, et avec un sein +plus tombant, une transpiration d'odeur porracée, paraissent cependant +encore agréables dans leur première jeunesse. Leur peau est douce et +soyeuse comme le satin. Mais elles déploient une lubricité et des +passions inouïes dans nos climats; elles semblent porter dans leur sein +enflammé tous les feux de l'Afrique. Pour exciter davantage l'ardeur de +l'homme, les Égyptiennes coptes se frottent les parties sexuelles de +parfums stimulants, comme d'ambre, de civette et de musc. Aussi, un +proverbe des Turcs dit: Prends une blanche pour les yeux; mais pour le +plaisir, prends une Égyptienne, ou une négresse. + +On convient cependant que les négresses sont excellentes mères; la +plupart ont beaucoup de lait; les mamelles des Égyptiennes étaient +renommées par leur volume extrême dès le temps de Juvénal: + + _In Meroe crasso majorem infante papillam._ + +A la Nouvelle-Hollande, la parure d'une belle Malaie consiste toute en +sa peau, étrangement bariolée de piqûres de diverses couleurs, et c'est +ce qu'on appelle _tatouage_; toutes ont soin d'assouplir leur peau par +le bain et par l'huile de coco; elles se vêtissent de tissus de +feuillage ou d'écorces légères qui ne dérobent point la vue de leurs +charmes secrets. Elles n'ont pas toujours la gorge pendante des +négresses; elle est même assez petite dans les premiers temps de la +puberté. + +Ne pensons pas que les négresses soient toujours dépourvues de beauté; +elles ont aussi leur prix. On en a vu de fort jeunes, ayant un nez droit +et presque aquilin, et avec une figure qui, si nous en exceptons la +couleur, n'aurait pas déparé une Européenne: on n'y remarquait point +cette vilaine moue des Éthiopiens; l'avancement des joues y était +presque insensible, et le sein, parfaitement placé, n'y était pas +flasque et pendant, mais d'une agréable rotondité. Considérons ces +lèvres d'un rouge éclatant de corail sur un fond d'ébène soyeux, cette +petite bouche, qui ressemble à un bouton vermeil et frais de rose, posé +sur du velours noir; contemplons cette double rangée de perles +brillantes, ces grands et beaux yeux pleins de feu; admirons la douce +aménité du visage, cette suavité des formes, cette voluptueuse +flexibilité, ce balancement, cette souplesse dégagée de tous les +mouvements, bien plus sensible dans les négresses que dans les +Européennes; et s'il m'était permis de peindre tant d'autres attraits +qui ne sont ordinairement couverts, dans ces esclaves infortunées, que +du voile de la simple innocence, à combien de femmes laides, quoique +blanches, paraîtraient-elles préférables pour des yeux non prévenus! + +[Illustration] + +[Illustration] + + + + +CHAPITRE VII. + +DE L'ÉLOQUENCE DES TÉTONS. + + +Il y a eu deux Phryné, outre celle qui est célèbre par la statue d'or +massif qu'elle donna au temple de Jupiter, avec cette inscription: _De +l'intempérance des Grecs_; et les murailles de Thèbes qu'elle avait +rebâties. Il ne faut pas confondre cette illustre courtisane grecque +avec une autre Phryné que l'on avait surnommée ainsi d'un mot grec, qui +signifie _crible_, parce qu'elle criblait et ruinait ses amants, sans en +être plus riche; comme font presque toutes celles que nous voyons +aujourd'hui briller sur les mille et un théâtres de notre luxurieuse +capitale. + +Une troisième (celle dont je veux parler), fut accusée d'impiété par les +Athéniens, et traduite devant l'aréopage, pour subir la peine capitale +que méritait ce crime. Les juges, impassibles comme la loi, admiraient +sans en être émus, les grâces les plus attrayantes, la toilette la plus +voluptueusement raffinée, des yeux qui avaient fait tomber aux pieds de +la nymphe les personnages les plus distingués, les philosophes, les +sages et les chefs de la République. L'auditoire était nombreux. La +pitié, le tendre intérêt se peignait sur tous les visages, et rien ne +pouvait soustraire la courtisane au supplice; la déposition des nombreux +témoins ne laissait plus d'espoir, le crime était avéré, les juges +allaient, en gémissant tout bas, prononcer la redoutable sentence; +l'avocat de l'accusée avait épuisé toutes les ressources de l'art +oratoire, mais toute son éloquence était perdue. Tout à coup une idée +lumineuse et hardie, produite par la tentative la plus désespérée, +exalte sa tête, et lui fournit un moyen de gagner sa cause. Il découvre +brusquement le sein de sa belle cliente, et ce spectacle inattendu a +produit dans toute l'assemblée une espèce de délire; on croit voir Vénus +elle-même, qui sous les traits d'une mortelle, a quitté Chypre et +Amathonte, pour recueillir l'hommage des Grecs, et demander la grâce de +l'accusée. La gravité des juges cède au charme vainqueur de +l'étonnement, du plaisir et de l'admiration. La bouche ne trouve pas +d'expression pour rendre le sentiment, mais le silence et l'avidité des +regards, un cri général d'intérêt et de compassion, tout complète le +triomphe de Phryné. Elle était suppliante, éplorée, courbée sous le +poids de l'improbation: un sein paraît, la chance tourne, elle commande +en souveraine, elle asservit tout ce qui porte les yeux sur elle: «Eh +bien, ajoute le défenseur, profitant du succès de son stratagème, si +elle est coupable, qui de vous, Athéniens, osera condamner à la mort ce +que la nature a formé de plus beau? Osez regarder celle dont vous voulez +verser le sang, et si vous le pouvez, oubliez que vous êtes hommes.» Il +dit, et l'Aréopage, quittant son auguste caractère, a repris unanimement +les sentiments d'humanité. Phryné est déclarée innocente, et portée chez +elle en triomphe. + +Cette manière de justifier n'est pas encore abolie, dit à ce sujet le +galant Saint-Evremont; il y a bien de belles femmes, coupables quand on +ne les voit pas, qui deviennent innocentes aussitôt, quand on les voit. +Souvent même, les juges punissent les femmes pour un certain crime +qu'ils voudraient bien avoir commis avec elles. + +Ceux de mes lecteurs qui aiment la poésie, liront avec plaisir cette +même anecdote, racontée avec plus de grâce par le citoyen Deguerle, déjà +cité. + + +PHRYNÉ DEVANT L'ARÉOPAGE. + + Phryné plaidoit devant l'Aréopage; + Si l'on en croit plus d'un docte écrivain[12]. + Grave parut le cas en arbitrage: + Il s'agissait du service divin. + «Quoi! de Vesta (criait un peuple nain) + Oser railler l'immortel pucelage! + Et des époux rire au nez de Vulcain! + Au feu, l'impie! au feu! de par Jupin.» + La gent dévote au sénat faisait rage: + La belle Grecque y perdit son latin. + + Vous connaissez ces deux formes jumelles + Qu'en demi-globe, à l'ombre de ses ailes, + L'Amour assied sur un trône pareil: + Pommes de neige où couvent étincelles: + La gaze y voit, loin de l'oeil du soleil, + Poindre à quinze ans la fraise au teint vermeil. + Froide raison, à genoux devant elles! + Que de procès, en maint sage conseil, + N'ont point gagné ces avocats femelles? + Si plaideuse onc en connut le talent, + C'était la nôtre. Or ça (dit la rusée, + Quand elle vit sa rhétorique usée): + «Mettons en jeu mon dernier argument.» + Et la voilà qui garde un long silence.... + Puis on la voit et sourire et rougir; + Couleur de rose! équivoque nuance! + Peins-tu la honte, ou peins-tu le plaisir? + Sa main distraite a dérangé la gaze + Où se cachaient les lys d'un cou charmant. + Grâce au hasard d'un second mouvement, + L'aiguille d'or a glissé de sa base: + Adieu le voile au tissu transparent, + Fardeau léger dont se charge le vent! + Que d'attraits nuds! un feu subit embrase + Et spectateurs et sénat en extase. + Que ne dit pas à l'oeil qui s'y connaît, + D'un joli sein le langage muet? + Bavards diserts, gens à brillante emphase, + Vous n'avez point le charme de sa phrase! + Pour une pomme on vit Pergame en feu; + Au Paradis, Eve pour une pomme + Sonna l'alarme entre le diable et Dieu. + Grâce à Phryné, nos Rhadamante, en somme, + Pour une seule en apercevaient deux. + Bien qu'on soit juge, on n'en est pas moins homme; + Et c'est pour voir, enfin, qu'on a des yeux. + Bref: en dépit et de Vesta la vierge, + Et du bon prêtre, et du pauvre Vulcain, + Phryné dicta le véto du scrutin. + Brûlé ne fut, pour cette fois qu'un cierge: + Cierge en l'honneur du bienheureux _trio_ + Mis hors de cour au milieu des _bravo_. + Gens timorés diront: «L'Aréopage + En ce jour-là fit nargue à l'équité.» + Mais qui de nous aurait été plus sage? + Il oublia les dieux pour leur image: + Est-on de marbre auprès de la beauté? + + Or maintenant, gentes Parisiennes, + A l'oeil coquet, au teint frais et fleuri: + Galant essaim, amour d'une autre Athènes, + Mais qui jamais de Vesta n'avez ri: + Venez à moi! venez, vierges pudiques, + Douces mamans, et vous femmes uniques, + Honneur d'un père, ou trésor d'un mari! + Je veux juger vos fredaines honnêtes.... + Quels bras mignons! Quel sein!... Pour m'émouvoir, + Chastes Vénus, restez comme vous êtes: + Pas n'est besoin de jeter le mouchoir. + +[Note 12: Quintilien, Aristote, etc.] + +La gorge de Phryné a sans donte servi de modèle au charmant poëte latin, +Jérôme Amalthée, dans les vers suivants. L'on ne peut rien ajouter à la +délicatesse de cette petite pièce: + + _Fert nitido duo poma sinu formosa Lycoris + Illa eadem nitido fert duo fraga sinu. + Sunt mammæ duo poma; duo sunt fraga papillæ: + Poma nives vincunt, fraga colore rosas. + Hæc amor exugens: valant, ait, ubera matris! + Dulcius his manat nectar ab uberibus._ + +La réponse suivante, remplie d'innocence et de naïveté, prouve que les +femmes connaissent dès leur plus bas âge, tout le pouvoir de leurs +attraits naissants, et que la nature sage et prévoyante a mis en elles +un instinct infaillible pour juger de leurs effets. Or, ces effets n'ont +lieu que quand leur gorge est à moitié ou tout à fait découverte: nous +n'apprendrons jamais aux femmes à tirer parti de leurs charmes. + + Agnès, d'un oeil content, voyait déjà paroître + Ses jeunes et tendres appas; + Quinze printemps l'avaient vu croître, + Et son coeur soupirait pour le jeune Lycas. + Un jour, à sa maman austère, + Agnès parut, le sein à demi-nu, + Pourquoi n'avoir point de fichu? + Lui dit-elle d'un ton sévère. + Agnès répond, en soupirant tout bas, + De beaux habits pour moi, vous êtes trop avare, + Et si je cache mes appas, + Avec quoi voulez-vous, maman, que je me pare? + +Anacréon dit que pour être beau, le sein ne doit pas être plus gros que +deux oeufs de tourterelle; le citoyen Mercier (de Compiègne) t. III des +_Soirées d'Automne_, p. 100, nous donne un tableau gracieux d'une gorge +de cette espèce, dans le conte suivant, intitule: _la Fraise et l'Oeuf_: + + De fraises fraîchement cueillies, + Hélène portait un panier; + La rosée y faisait briller + Mille perles des plus jolies. + Hélène, encore à ses quinze ans, + Autant que ses fruits pouvait plaire + Aux connaisseurs les plus friands; + Par-ci, par-là, notre laitière + Avait rangé de très-gros oeufs, + Frais pondus, blancs comme batiste, + Et dont l'éclat, sur le fruit amétiste, + Formait un tout harmonieux. + Pour plaire à l'engageante Hélène, + Qui les offrait d'un air si gracieux, + En la lorgnant, de sa corbeille pleine, + Au hasard je tire un d'entre eux + Que cinq doigts entouraient à peine, + Que vois-je! Effet délicieux! + Sur le gros bout une fraise écrasée, + Et là, par le hasard placée, + Sur l'aréole carminée + Forma ce bouton radieux + D'où distille l'humeur lactée, + Imprégné de l'onde sucrée. + L'ensemble enfin rendait au mieux + Un sein naissant, digne des dieux. + Je contemplais, avec avidité, + Cette image simple et fidèle + Des sources de la volupté; + Et voulant mettre en parallèle + L'image et la réalité, + Près des tétons dévoilés de la belle, + Qui se prêtait, en riant, à ce jeu, + L'oeuf fut placé; mais si la pastourelle + Y gagna, ce fut de bien peu. + + +L'ORIGINE DU PETIT BOUT DES TÉTONS. + + Au temps passé n'avoit, à ce qu'on dit, + Femme au tetin ce rouge boutonnet, + Et Priapus qui étoit en crédit, + Oreilles eut sous son petit bonnet; + Mais quelque dieu les lui coupa tout net, + Puis en forma la retonne gentille + Que fait aller mainte superbe fille, + Sentant qu'elle a du mâle la dépouille. + Et de là vient que tous les coups que fouille + Au sein de son amie un amoureux ardent, + Ce bon galant frémit incontinent + De grands plaisirs, et s'étend à merveilles, + Comme disant: je prendrai mes oreilles. + +GRÉCOURT. + +Voltaire, dans _Zadig_, nous donne un exemple charmant de l'éloquence +des tétons. + +La jeune veuve Almona, sauvée du bûcher par Zadig, lui en avait voué +beaucoup de reconnaissance. Zadig, accusé de crimes imaginaires par des +ministres jaloux de son influence, fut jugé et condamné à son tour à +être brûlé à petit feu. Almona résolut de le tirer de là. Elle roula son +dessein dans sa tête, sans en parler à personne. Zadig devait être +exécuté le lendemain; elle n'avait que la nuit pour le sauver: voici +comme elle s'y pris, en femme charitable et prudente. + +Elle se parfuma; elle releva sa beauté par l'ajustement le plus riche et +le plus galant, et alla demander une audience secrète au chef des +prêtres des étoiles. Quand elle fut devant ce vieillard vénérable, elle +lui parla en ces termes: «Fils aîné de la Grande-Ourse, frère du +Taureau, cousin du Grand-Chien (c'étaient les titres de ce pontife), je +viens vous confier mes scrupules. J'ai bien peur d'avoir commis un péché +énorme, en ne me brûlant pas dans le bûcher de mon cher mari. En effet, +qu'avais-je à conserver, une chair périssable, et qui est déjà toute +flétrie.» En disant ces paroles, elle tira de ses longues manches de +soie, ses bras nus d'une forme admirable et d'une blancheur +éblouissante. «Vous voyez, dit-elle, le peu que cela vaut.» Le pontife +trouva dans son coeur que cela valait beaucoup. Ses yeux le dirent, et +sa bouche le confirma; il jura qu'il n'avait vu de sa vie de si beaux +bras. «Hélas! lui dit la veuve, les bras peuvent être un peu moins mal +que le reste; mais vous m'avouerez que la gorge n'était pas digne de mes +attentions.» Alors elle laissa voir le sein le plus charmant que la +nature eût jamais formé. Un bouton de rose sur une pomme d'ivoire n'eût +paru auprès que de la garance sur du buis, et les agneaux sortant du +lavoir auraient semblé d'un jaune brun. Cette gorge, ces grands yeux +noirs qui languissaient en brillant doucement d'un feu tendre, ces joues +animées de la plus belle pourpre, mêlée au blanc de lait le plus pur, ce +nez, qui n'était pas comme la tour du mont Liban, ces lèvres, qui +étaient comme deux bordures de corail renfermant les plus belles perles +de la mer d'Arabie, tout cela ensemble fit croire au vieillard qu'il +avait vingt ans. Il fit, en bégayant, une déclaration tendre. Almona, le +voyant enflammé, lui demanda la grâce de Zadig. + +«Hélas! dit-il, ma belle dame, quand je vous accorderais sa grâce, mon +indulgence ne servirait de rien, il faut qu'elle soit signée de trois +autres de mes confrères.--Signez toujours, dit Almona.--Volontiers, dit +le prêtre, à condition que vos faveurs seront le prix de ma +facilité.--Vous me faites trop d'honneur, dit Almona, ayez seulement +pour agréable de venir dans ma chambre après que le soleil sera couché, +et dès que la brillante étoile _Sheat_ sera sur l'horizon; vous me +trouverez sur un sofa couleur de rose, et vous en userez comme vous +pourrez avec votre servante.» + +Elle sortit alors, emportant avec elle la signature, et laissa le +vieillard plein d'amour et de défiance de ses forces. Il employa le +reste du jour à se baigner; il but une liqueur composée, de la cannelle +de Ceylan, et des précieuses épices de Tidor et de Ternate, et attendit +avec impatience que l'étoile _Sheat_ vint à paraître. + +Cependant, la belle Almona alla trouver le second pontife. Celui-ci +l'assura que le soleil, la lune et tous les feux du firmament n'étaient +que des feux follets, en comparaison de ses charmes. Elle lui demanda la +même grâce, et on lui proposa d'en donner le prix. Elle se laissa +vaincre, et donna rendez-vous au second pontife au lever de l'étoile +_Algenib_. De là, elle passa chez le troisième et chez le quatrième +prêtre, prenant toujours une signature, et donnant un rendez-vous +d'étoile en étoile. Alors elle fit avertir les juges de venir chez elle +pour une affaire importante. Ils s'y rendirent: elle leur montra les +quatre noms, et leur dit à quel prix les prêtres avaient vendu la grâce +de Zadig. Chacun d'eux arriva à l'heure prescrite; chacun fut bien +étonné d'y trouver ses confrères, et plus encore d'y trouver les juges +devant qui leur honte fut manifestée. Zadig fut sauvé. + +Voltaire, _Zadig_. + +[Illustration] + +[Illustration] + + + + +CHAPITRE VIII. + +MOYEN DE CONSERVER LA GORGE. + + +Voici, sexe charmant, le chapitre qui doit faire auprès de toi la +fortune de cet éloge. Que nous servirait, mesdames, d'avoir chanté la +plus belle partie de vous-même, si notre art ne vous instruisait encore +à la conserver dans toute sa fraîcheur. + +Plume aimable et facile du chantre badin des _Perruques_[13], viens pour +un moment sous mes doigts; et que les grâces, en nous lisant, croyent +encore lire quelques pages du docteur Akerlio. + +[Note 13: _Éloge des Perruques_, enrichi de notes plus amples que le +texte; par le docteur Akerlio (Deguerle). Paris, an VII, 1 vol. in-12. + +Cet _Éloge_ badin a trouvé grâce auprès des savants comme auprès des +dames, malgré les traits malins qu'il s'est permis de décocher contre +les têtes à perruques de toute espèce. Loué par tous les journaux sans +en excepter la _Décade_, il n'a pu fléchir le courroux du terrible +_Victor-Campagne_, dont l'oeil perçant a vu tout seul, dans cet élégant +badinage, une horrible contre-révolution, Voy. le _Flambeau_, du 18 +floréal an VII.] + +Mais déjà mon sujet m'inspire! Or, écoutez, mesdames; j'ai toussé, je +commence. + +La parure est à la beauté ce que l'esprit est au savoir. On ne se plaît +guère sans un peu de coquetterie; pour retenir dans ses bras son céleste +époux, Junon même eut besoin un jour de la ceinture de Vénus. Que l'art +de la toilette soit donc votre première étude; mais anathème éternel à +ces corps meurtriers, où la taille la plus svelte perd dans sa prison de +baleine son élégance naturelle! Un simple corset suffit à la +conservation des formes. Qu'une bande légère, fixée vers la partie +moyenne de la poitrine, embrasse mollement la région inférieure de +chaque hémisphère, en soutienne adroitement le poids sur un support +invisible, et laisse entrevoir à l'oeil éveillé du désir, cette +mappemonde mobile, sur laquelle l'imagination la plus froide aime à +voyager quelquefois[14]. Gloire à toi, docte et galant Alphonse[15]! Le +premier, tu proclamas courageusement la liberté des gorges, leurs +amants te doivent une statue; et j'ai placé la tienne dans mon boudoir. + +[Note 14: Gentil Bernard a dit (_Art d'aimer_, ch. II): + + Qu'un sein trop humble à sa place arrêté + Offre un amour de son frère écarté.] + +[Note 15: Alphonse Leroi, médecin de la Faculté de Paris, a publié, +en 1772, de savantes _Recherches sur l'habillement des femmes et des +enfants_. L'auteur de cet ouvrage utile s'y déchaîne avec une sainte +colère contre l'usage des _corps baleinés_, dont l'usage était général à +l'époque où il écrivait, et qu'un caprice de la mode menace de +ressusciter aujourd'hui.] + +Une _douce chaleur_, en dilatant les solides, peut aider au +développement d'un sein virginal. Une belle gorge aime à braver demi-nue +l'action d'une température modérée. Mais le froid est son ennemi mortel. +Qu'elle en évite soigneusement les rigoureuses atteintes; ou bientôt, au +lieu de cette élastique fermeté qui fait le premier charme d'un sein de +lys, elle n'offrira plus au doigt délicat de l'amour, qu'une solidité +squirreuse, éternel écueil des désirs. + +Ce sein trop humble n'ose, dites-vous, se montrer au jour. Eh bien! +connaissez donc les secrets du génie. Le _fluide électrique_ commande à +la foudre même; il peut, à la voix d'un praticien habile, imprimer aux +vaisseaux sanguins, une turgescence favorable. Souffrez, mesdames, qu'on +vous _magnétise_: le docteur Mesmer n'a point d'égal dans l'art de +donner à certains charmes une expansion délicieuse. + +Le malade résiste-t-il à la _verge_ électrique, à la magie du _baquet_; +la mécanique vient pour vous au secours de la physique. Que dans sa +double cavité, une officieuse _ventouse_ embrasse, sans les blesser, vos +deux globes d'albâtre. L'air ainsi raréfié, hâtera sans douleur le +développement de la gorge rebelle.... C'est peu: un contact indiscret +vient-il à déformer par accident le bouton de vos roses jumelles? +retournez, mesdames, à l'heureuse _ventouse_: le bouton ranimé reprendra +bientôt sa forme et sa fraîcheur. + +Belles sans expérience, vous qui pleurez ingénuement à votre quinzième +année, l'absence du plus doux attrait dont se pare un buste féminin, +consolez-vous! il n'est point de mal sans remède. Plus d'une prêtresse +de Vénus tient magasin de _seins postiches_. Vous pouvez avoir à vil +prix la plus belle gorge du monde, dans une paire de _cartons bombés_. + +Et vous, honneur de votre sexe, femmes intéressantes qui voulez unir en +même temps le plaisir d'être épouses et l'orgueil d'être mères, ne +craignez rien: à l'aide d'une petite ruse, on est maintenant à la fois +et _nourrice_ et _jolie_. Déjà l'oeil marital commence-t-il à lire avec +peine les ravages de l'allaitement sur un mamelon déprimé? voyez la +_gomme élastique_ se façonner pour vous en chapeau complaisant[16]. +L'aiguille l'a criblé tout exprès de légers tuyaux capillaires, pour +fournir un libre passage au lait nourricier. Sous la _forme_ couleur de +rose dont il est hermétiquement couvert, le sein maternel cache ainsi +sans péril sa passagère laideur; et, par cette innocente imposture, il +satisfait à la fois la nature et l'amour. + +[Note 16: Ce _chapeau_ s'appelle, en termes techniques, _bout de +sein_.] + +De graves professeurs d'_hygiène_ ne voient de salut pour les belles +gorges, que dans un régime d'anachorète. A les entendre, il n'est pour +nos Vénus qu'un moyen sûr de conserver leurs charmes: c'est de n'en +faire aucun usage[17]. Le jeûne, selon eux, est encore une recette +unique: pour éterniser la beauté, vive (disent-ils) l'art de mourir de +faim. + +[Note 17: Comme si la gorge la plus _respectable_ ressemblait aux +cantiques de feu Pompignan dont Voltaire a dit quelque part: + + Sacrés ils sont, car personne n'y touche.] + +Quant à nous, indulgents casuistes, nous sentons combien la chair est +fragile. Cette _abstinence_ surnaturelle n'appartient qu'aux purs +esprits; _de tout un peu_, c'est la devise des corps. Le plus grand des +philosophes, Épicure, fut par excellence l'apôtre de la volupté, et +notre rigorisme, mesdames, ne vous défend que l'excès. + +Ainsi, bien que l'eau soit, d'après Hippocrate, la boisson conservatrice +des belles formes, nos ordonnances moins rigides vous permettent l'usage +modéré des liqueurs[18]. Nous n'aurons pas la cruauté d'interdire aux +dames le café du matin[19]; mais que le sucre et le lait adroitement +mélangés, lui servent toujours de correctif. Funeste au système nerveux, +l'abus du _café à l'eau_ a desséché plus d'un joli sein[20]. + +[Note 18: Même spiritueuses et fermentées: le _trop_ seul est de +trop.] + +[Note 19: Il y aurait presque autant d'inhumanité à défendre au beau +sexe le _thé au lait_; ainsi, nous lui en permettons l'usage, d'autant +plus que l'habitude qui, comme on sait, est une seconde nature, a mis, +grâce à la mode, presque tous nos estomacs _à l'anglaise_.] + +[Note 20: Quelle que soit notre indulgence, nous devons en +conscience inviter les poitrines délicates à substituer à l'usage du +_thé_ et du _café_, celui du _chocolat_ ou du _cacao_. Les liqueurs +proprement dites peuvent être, dans le même cas, remplacées avec succès +par le vin et la bière; mais le vin doit être _généreux_, et la bière de +bonne qualité. Parmi les aliments les plus amis de la _gorge_ sont les +végétaux, les substances _amylacées_, riz, truffes, etc. Les ragoûts +trop épicés ne sont pas sans périls; ainsi que les acides, ils minent +l'embonpoint, et produisent enfin la maigreur, hideuse ennemie de la +beauté.] + +Pourquoi faut-il que le plaisir ait aussi ses regrets? Sexe enchanteur! +quel feu n'allume pas dans nos sens le seul aspect de tes pommes de +neige. Il nous faudrait mourir, si les flammes dont tu nous consumes ne +te brûlaient toi-même! Ah! pour le bonheur de l'homme, succombe +quelquefois aux douces tentations que tu fais naître! mais, pour +l'honneur de tes charmes, résiste plus souvent encore à l'attrait du +désir! La fleur des champs que le papillon se plaît à baiser, +s'effeuille enfin sous l'aile de l'insecte brillant: ainsi la fleur d'un +beau sein finit par se faner sous les caresses d'un indiscret amour. La +rose de la volupté ressemble à Titon dans les bras de l'Aurore: chaque +baiser la vieillit d'un lustre[21], et le bouton du matin, le soir +n'est plus qu'une épine[22]. + +[Note 21: En profonds commentateurs, n'oublions pas de dire ici: «Il +y a lustre et lustre; le lustre vulgaire est de cinq années, celui de la +rose est de cinq minutes.»] + +[Note 22: C'est ce qui fait dire à je ne sais quel poëte, en parlant +de je ne sais quelle nymphe: + + Lise, à quinze ans, avait un sein superbe; + La pauvre Lise, à vingt ans, n'en a plus. + Pourquoi, dit-on?--C'est qu'aux chemins battus + On ne vit jamais croître l'herbe.] + +Vous, dont la fougue égarée poursuit la jouissance au péril de vos +charmes! ah! du moins, quand vos sens sont calmés, hâtez-vous de réparer +en secret les outrages du plaisir. Autrefois tributaires du génie +monacal, la botanique et la chimie opposaient au développement des +gorges nonnettes le froid _nénuphar_ et le mystique _agnus castus_. +Libres aujourd'hui, ces deux sciences aiment à préparer de concert +d'utiles restaurants aux seins débilités. Connaissez l'art des +_frictions_ réparatrices. Elles entretiennent dans sa fraîcheur le satin +de la peau; elles rendent aux formes affaissées leur souplesse et leur +ressort; par elles, les lys disparus sous le feu du baiser, ont retrouvé +bientôt leur première blancheur. Salut, savante Tolleret[23]! La +renommée de tes _pommades_ a volé des bords de la Seine aux rives du +Mississipi. Le sein de la belle Poppée[24] n'eut jadis pour ressource +que le _bain de lait d'ânesse_; les gorges égyptiennes ne connaissent +que _l'hermodacte_[25]. Mais ces recettes merveilleuses, les tiennes les +ont éclipsées. C'est à ta voix que, pour la sécurité d'un sein galant, +l'olive et l'amande offrent à la fois leur huile adoucissante; que la +pimprenelle et la rose prodiguent leur essence aromatique; que la +cannelle et la fleur d'orange s'unissent à la crême en pâtes odorantes, +et s'étendent en _masque_ officieux[26] sur plus d'un sein décrépit. + +[Note 23: Madame Tolleret, célèbre par ses découvertes dans l'art de +restaurer les gorges, du temps de Mercier.] + +[Note 24: Poppée, impératrice romaine, seconde femme de Néron. Sa +Majesté tigre éventra d'un coup de pied sa royale épouse, sans respect +pour sa belle gorge.] + +[Note 25: L'hermodacte est l'_iris tuberosa_ des botanistes.] + +[Note 26: Nous ne parlons point ici par métaphore. La grande +toilette exige aujourd'hui deux masques; un, comme on sait, sur le +visage, l'autre sur la poitrine.] + +Non, tu n'auras point fait d'ingrates, ô toi, dont le génie tutélaire a +bien mérité des gorges! Permets que leur chantre, en terminant leur +éloge, te proclame leur bienfaitrice. Un grain de leur encens t'est dû. +Puisse ton nom briller désormais en lettres d'or dans les fastes de la +beauté! Puisse, éternisée par la reconnaissance féminine, ta mémoire ne +périr qu'avec le dernier téton! + +[Illustration] + + + + +CHAPITRE IX. + +RECETTES VIRGINALES.--MOYENS A EMPLOYER POUR EFFACER LES RIDES ET +DIMINUER L'AMPLEUR DU VENTRE ET DE LA GORGE ET DE LA FAIRE CROÎTRE A +CELLES QUI SONT PRIVÉES DE CE BEL ORNEMENT. + + +Quelquefois, après la grossesse, la gorge et le ventre restent flétris +et plus volumineux. L'art offre ici plusieurs moyens: ils sont ou +mécaniques, ou thérapeutiques; les premiers consistent dans +l'application de bandelettes pour le sein, et de larges bandes sur le +ventre, aussitôt après les couches, avec la précaution de les resserrer +graduellement, pour laisser à l'organe de la génération les moyens de +contraction qui lui sont alors nécessaires. L'habit européen est, à cet +effet, plus favorable aux femmes que la veste asiatique qui, ne +contenant point les intestins, permet à la texture molle de leurs +enveloppes, d'acquérir des dimensions énormes. Plus soigneuses de leur +gorge et de leurs pieds, les Géorgiennes, les Otaïtiennes, les +Chinoises, les Bayadères captivent leur gorge enfantine dans un étui, +qu'elle ne peut dépasser[27], et emprisonnent, dès le berceau, dans une +_babouche_ étroite, leur pied qui ne s'accroît que très-peu. On a +ridiculisé ce goût fondé cependant sur quelque raison. En effet, une +main calleuse, un pied plat et long annoncent une basse extraction, une +vie exercée aux travaux les plus rudes, tandis qu'un pied mignon, +présage flatteur d'attraits plus cachés, semble être le résultat d'une +éducation soignée: et ne fît-on que retracer cette fameuse Rhodope, déjà +citée par nous, dont le joli soulier, emporté par un aigle et tombé à +Memphis, dans le bain du roi _Psammétique_, fit marcher son petit pied à +si grands pas vers la fortune, et valut à Rhodope les honneurs du trône; +on avouera qu'on a quelque droit à placer ce genre d'attrait parmi ceux +qui exercent sur l'homme un grand empire. + +[Note 27: Nous n'avons point en France le bois mobile et léger dont +se servent, pour cet usage, les Bayadères, mais nous pouvons le +remplacer avec avantage par la gomme élastique, qui, par sa flexibilité +et sa légèreté, ne peut froisser ni déformer les contours qu'elle serait +destinée à faire éclore. On connaît à présent le moyen de dissoudre +cette gomme ou plutôt ce _gluten_ animal.] + +On a vanté la mélisse pilée et appliquée sur la gorge, et l'arbrisseau +de Vénus, le myrte, s'honore d'offrir aussi un moyen de faire +disparaître les traces du culte qu'on rendit à la divinité auquel il est +consacré. En général, les sumacs (_rhus coriaria_), les chênes (_quercus +ilex_), les épines, les arbousiers et tous les végétaux styptiques +contiennent un _tannin_ très-propre à cet usage. + +Enfin, le médecin des dames[28] dit: + +_Si mulierum sinus pudoris sit nimium dilatatus, quod accidit tùm +propter partus, tùm propter frequentes coïtus, debent mulieres tunc uti +sequentibus remediis_[29]: + +Prenez, dit-il, noix de galle encore vertes, faites-les bouillir dans du +vin avec quelques clous de girofle, trempez-y un linge et appliquez. + +[Note 28: Le Camus, homme grave, érudit, et qui s'honora cependant +de tracer l'hygiène de la beauté sous le nom d'Abdeker.] + +[Note 29: On pourrait nous reprocher nos citations latines, celle-ci +s'excuse d'elle-même, et les mères prudentes nous en sauront gré; quant +aux autres, nous avons ménagé, aux jeunes agréables du jour, l'occasion +de se montrer, auprès des belles, érudits à peu de frais.] + +Ou bien: alun, sang-dragon, gomme arabique, suc d'acacia, feuilles de +plantain, de renouée, de tormentille, fleurs et fruits de grenadier, +capsules de glands, sorbes non mûres, roses de Provins, faites bouillir +dans du vinaigre, et appliquez au moyen de compresses. + +Ou: quatre onces d'huile d'amandes amères, une once de cire blanche; +faites fondre au bain-marie; ajoutez deux gros d'alun, une once de suie +et un gros d'orcanette, vous avez une pommade styptique[30]; ou, enfin: +alun, une once, acide vitriolique, demi-gros; faites fondre dans quatre +onces de vinaigre et quatre onces d'eau de plantain ferrée; ajoutez deux +onces d'esprit de vin et servez-vous-en, mais avec discrétion, pour +imbiber, avec une éponge, certaines parties qui laisseraient des preuves +non équivoques de fécondité, ou au moins, comme disait Fontenelle, que +l'_amour avait passé par là_. + +Un moyen plus simple et non moins efficace, c'est d'extraire le tannin, +en versant de l'eau sur du tan en poudre dans un appareil semblable à +celui des salpêtriers. Cette eau, en traversant le tan, lui enlève une +portion de son principe styptique; versée sur du nouveau, elle en +dissout une autre quantité, et ainsi de suite jusqu'à ce que le tan soit +plus disposé à lui en enlever qu'à lui en céder; alors la concentration +est parfaite, et on l'emploie comme les décoctions ci-dessus +prescrites; mais tous ces moyens ne peuvent que succéder aux +compressions graduelles des bandes à sec, et longtemps après que tous +les résultats de couche sont terminés, ou bien on courrait le risque +d'une suppression souvent mortelle et toujours douloureuse. Enfin, avec +les mêmes précautions, les bains froids et répétés offrent le plus sûr +comme le moins dangereux de tous les topiques. + +[Note 30: Cette pommade rappelle l'aventure assez plaisante du jeune +abbé de Fl..., qui, en ayant trouvé sur une toilette et ayant les lèvres +gercées, les en frotta innocemment et sans penser à mal, mais avec un +tel succès, que le matin, en s'éveillant, il ne pouvait ouvrir la +bouche. Pareille aventure arriva également à M. le comte de Rochefort. +Voici comment il la raconte dans ses _Mémoires_. Mlle de Menneville, +fille d'honneur de la reine mère, ayant demandé à ce dernier un habit +d'homme, en secret: + +«Je le lui portai dans sa chambre. Mais comme il n'y avoit personne pour +le recevoir, je le mis sous son lit où elle m'avoit dit de le mettre, et +m'en fus causer avec la bonne femme Mme du Tilleul, sous-gouvernante des +filles, qui étoit de mes bonnes amies. Comme toutes les chambres des +filles, ou, pour parler plus juste, toutes les loges étoient ouvertes, +car elles ressembloient proprement à celles des comédiens, j'aperçus, en +me promenant avec elle, sur une toilette, des peignes, une boëte à +poudre, et tous les autres ingrédiens qui servent à l'ajustement d'une +fille, et niant remarqué entr'autres choses une petite boëte de pommade, +j'en voulus prendre pour me frotter les mains que j'avois un peu rudes. +Je la trouvai toute d'une autre couleur que celle de l'ordinaire, ainsi +croiant qu'elle pouvoit servir aux lèvres, où j'avois un peu mal, j'en +mis assez imprudemment. Mais je ne fus pas longtemps à m'en repentir, au +même temps mes lèvres me firent un mal enragé, ma bouche se rétrécit, +mes gencives se ridèrent, et quand je vins à vouloir parler, je fis rire +tellement Mme du Tilleul, que je jugeai qu'il falloit que je fusse bien +ridicule. Ce qui fut le pis fut que je ne pus presque articuler aucune +parole, et, courant promptement à un miroir, je me fus regarder, et me +fis tant de honte à moi-même, que je m'enfuis pour me cacher. En m'en +allant je trouvai M. le duc de Roquelaure qui entroit pour venir faire +la cour à quelqu'une des filles, et étant tout étonné de me voir de la +sorte, il me demanda qui m'avoit mis en cet état. Je lui contai +naïvement mon infortune, à quoi il me fit réponse, en se moquant de moi, +que je n'avois que ce que je méritois, qu'à mon âge je devois savoir +qu'il y avoit de toutes sortes de pommade; que celle que j'avais prise +n'étoit ni pour les mains ni pour les cheveux, et qu'elle étoit un peu +plus rare. Il me quitta après s'être ainsi raillé de moi, et s'en allant +dans la chambre de la reine-mère, il lui fit sa cour à mes dépens. +Aussitôt tout le monde accourut pour me voir, et voiant que j'avais +aprêté manière de rire, j'en aurois ri, tout le premier, s'il m'avoit +été permis d'ouvrir la bouche. Cette aventure fut le sujet de +l'entretien de toute la cour, pendant plus de huit jours, et on le manda +même à Nantes, où le roi étoit, qui pour être si sérieux ne put +s'empêcher de rire. Pour moi, j'en avois tout autant d'envie que les +autres quand je pensois à cet accident, mais quoi que je m'étuvasse la +bouche d'eau fraîche, et tantôt de vin tiède, il n'y eut que le temps +qui m'aporta du soulagement.»] + +POMMADE VIRGINALE DITE A LA COMTESSE. + +Sulfate de zinc 40 gr. +Noix de galle ) + > 20 gr. +Noix de cyprès ) + +Écorce de grenade ) +Feuilles de myrte > 30 gr. +Sumac ) + +Mélangez ces substances pulvérisées avec quantité suffisante d'onguent +rosat. Cette pommade a la propriété de resserrer le sphyncter ou muscles +constricteurs de la vulve et du vagin trop relâchés. + + _Formulaire magistral._ + +On doit d'ailleurs scrupuleusement observer que tous ces topiques, +lotions ou pommades, ne doivent jamais s'employer pendant le tribut +lunaire, ou toute autre hémorrhagie utérine; et qu'ils ne sont suivis du +succès désiré, qu'en s'imposant la sagesse la plus austère. La femme +déjà trompée, et qui s'exposerait encore à l'être, n'est plus digne de +notre intérêt, et du motif bien pur qui nous anime à consoler son sexe +des injustices du nôtre. + +Quant au moyen de s'opposer au développement excessif de la gorge, l'art +offre des procédés certains pour réprimer ce luxe de la nature, de même +qu'il en présente pour la forcer à accorder ses dons à celles envers qui +elle s'est montrée trop avare en ce point; et nous croyons faire plaisir +à nos lectrices, en publiant, en leur faveur, le manuscrit suivant, +trouvé dans les décombres du délicieux château de _Crécy_, bâti pour la +belle _Pompadour_, qui paraît avoir profité de la recette qu'il +contient. On sait qu'elle n'obtint que fort tard, le genre d'attrait +dont il s'agit ici. On pardonnera à l'auteur ses peintures un peu vives +en faveur de son motif. + +«Vous m'ordonnez, madame, de consulter l'oracle d'Épidaure, pour ajouter +à vos attraits ce que vous seule y trouvez à désirer: que peut, en +effet, demander aux dieux, celle qui réunit à la majesté, la douceur; à +l'élégance des formes, la régularité des traits; enfin, à l'air imposant +de la reine des dieux, la fraîcheur des bergères du Mont Ida? Heureux +disciple d'Esculape, je suis appelé, par votre confiance dans mon art, à +embellir la beauté même: plus occupé de mon bonheur qu'effrayé de ma +témérité, je vais tenter d'unir à vos attraits des charmes nouveaux; et +j'ose croire au succès, puisque vos beaux yeux m'encouragent d'un +regard. + +«Dans ce siècle fortuné, où, renonçant au vain luxe des mots, les +savans s'occupent avec succès des choses, on applaudit au novateur +heureux qui soulève le voile de la nature, pourvu qu'il en obtienne une +réponse.... On veut même que les oracles qu'il surprend à l'antique +déesse soient précis, et l'on pardonne à la nudité de ses expressions, +pourvu que son but soit moral, c'est-à-dire, tende à la perfection, au +bonheur de l'humanité. J'ose donc essayer, madame, de vous apprendre +l'art d'acquérir ce nouvel attrait qui fera de vous le modèle de la +beauté, et donnera à nos jeunes Françaises la confiance de vous imiter; +cet attrait qui anime le poëte, enflamme le peintre, ravit le sculpteur, +inspire le musicien, et fait délirer depuis le simple cultivateur sous +le chaume, jusqu'au grave philosophe au sein de ses livres poudreux; cet +attrait, dont les fières amazones consentaient à sacrifier la moitié +pour gagner en adresse ce qu'elles perdaient en appas; cet attrait, dont +la pomme de Paris n'offrait qu'une imparfaite image, et qui la fit +tomber de ses mains; enfin, cet attrait qui date des premiers jours du +monde, si c'est par lui qu'il faut expliquer cette autre pomme plus +fatale, auquel le genre humain doit, dit-on, la perte du bien et la +connaissance du mal. + +«S'il est recherché par les hommes, les femmes s'honorent de l'offrir à +nos yeux, c'est l'aiguillon du plaisir, le prélude du bonheur!... C'est +le secret de ce don charmant que, sans m'arrêter à le depeindre, je +voudrais conquérir pour les femmes qui en sont privées, et quoique ce ne +soit point une fiction, c'est dans la fable que je puiserai la leçon que +je viens vous offrir. + + +LA COUPE D'HÉBÉ (ALLÉGORIE). + +«Hébé, trop jeune encore, ne comptait que quatorze printemps: le lys et +la rose se disputaient ou plutôt se partageaient l'honneur de nuancer +son teint.... de grands yeux bleus, où déjà se peignait l'amour sans +qu'elle s'en doutât, s'ouvraient lentement sous de noires et longues +paupières; un front uni, un nez droit, une bouche de la couleur et de la +forme d'un bouton de rose qui s'entrouvre, une haleine qui en avait le +parfum, des dents d'un émail opalin, de charmantes fossettes offrant des +niches à l'amour indécis[31], un col blanc et onduleux, une taille et +flexible et légère, des bras arrondis, des doigts délicats; enfin de +petits pieds effleurant à peine les parvis de l'olympe.... Hébé avait +tout en partage, et les dieux, auxquels elle versait le nectar dans la +coupe de l'immortalité, étaient plus enivrés de ses charmes que de sa +liqueur éthérée.... elle réunissait tout.... tout? non.... quelque +chose manquait à ses charmes, et ce fut l'orgueilleuse Junon qui s'en +aperçut. Hébé entrait dans cet âge où la nature indécise semble n'avoir +qu'ébauché son chef-d'oeuvre. Offrant également les attraits des deux +sexes, elle n'avait point encore reçu ce double présent qui décèle une +vierge et que caresse l'oeil furtif de l'amant timide.... Le dieu de la +foudre lui-même, souriant à la remarque de l'auguste Junon, témoigne le +désir de voir Hébé parfaite.... Il dit, et fils aussi soumis que galant +époux, Vulcain prend la coupe des mains d'Hébé; il en couvre l'un des +hémisphères du sein de Vénus, et l'arrondit sur ce modèle à la vue des +dieux frémissants d'envie et de volupté. Sous son léger marteau le métal +docile s'étend, se contourne, se creuse, et façonnée de même sur le +second hémisphère de la belle déesse, naît une seconde coupe. Le dieu de +Lemnos les place sur le sein d'Hébé qui, ainsi parée, ressemble à la +chaste Pallas; bientôt sous ces deux coupes protectrices son sein +s'élève, un double mont bondit, et sa gorge s'accroît sans dépasser ces +heureuses limites. Les dieux applaudissent.... Cette ingénieuse +invention passa jusqu'en Grèce; l'Inde s'en fit honneur, mais elle se +perdit comme tous les usages antiques et fut conservée par les seules +Bayadères.... Ces coupes amoureuses furent réservées pour les banquets +des dieux, et ce sont elles qui, remises depuis aux mains d'Hébé, +désaltèrent encore les fortunés habitants de l'Empyrée, et leur +inspirent les désirs, l'espérance et la joie en leur rappelant le moule +heureux sur lequel elles furent arrondies. + +[Note 31: Portrait exact de Mme de Pompadour. + + «Ainsi qu'Hébé la jeune Pompadour + A deux jolis trous sur la joue, + Deux trous charmans où le plaisir se joue, + Qui furent faits par la main de l'Amour.» + +_OEuv. de Bernis._] + +«C'est ce prodige de la mythologie que l'art veut reproduire pour vous, +belles, à qui il ne manque que cet attrait pour être accomplies, et vous +aussi pour qui sa possession excusera l'absence des autres. + +«En drapant légèrement les formes imparfaites de votre douce amie, +jeunes époux, imitez le disque rond de Phébé; échancrez[32] l'étoffe en +dessinant les contours absents des attraits que vous désirez; que votre +main utilement caressante et instruite à la volupté par le dieu de +Délos, sache promener des doigts mobiles sur l'aréole de ce sein non +encore développé[33]; que de fréquentes titillations fassent frémir ses +fibres; bientôt la papille se gonfle, et les esprits appelés par ces +douces frictions enflent les muscles qui, profitant d'une liberté +inconnue, se frayent une route nouvelle; une lymphe nourricière baigne +les glandes qui se dilatent; le réseau éclatant et poli qui les +renferme, participant de l'éréthisme général, s'arrondit sous les doigts +créateurs: comme la fleur, condamnée à périr sous les glaçons de +l'hiver, se développe et naît au jour, sous le verre diaphane, et sous +les douces influences d'une chaleur factice; de même les sucs élaborés +sous la main de l'époux fortuné s'accumuleront en dessinant les +voluptueux contours des beaux modèles que nous a transmis le ciseau des +Phidias et des Praxitelle. + +[Note 32: Ce vêtement couvre trop le nu, il faut l'_échancrer_ +davantage. + + _Pygmalion_, scène lyrique. J. J.] + +[Note 33: Quant aux jeunes vierges à qui la décence interdit le +secours d'une main caressante, il est un moyen qu'elles pourront +employer sous l'oeil d'une mère flattée d'ajouter à leurs perfections, +sans admettre un tiers dans leur confidence; le voici: appliquez sur la +place de la gorge un hémisphère en bois léger et creux ou en gomme +élastique et percé à son milieu, à peu près comme les ventouses de +verre, dont se servent les jeunes accouchées pour aspirer le lait; à +l'orifice s'adapterait un tube de verre ou un tuyau de gomme élastique, +au moyen duquel une succion plusieurs fois répétée, chaque jour, +finirait par développer l'attrait tant souhaité. + +_Note du manuscrit._ + +Un de nos amis qui, dans son voyage en Égypte, a su à la fois faire des +observations sur l'art de guérir et sur les moeurs, nous assure que les +femmes de ce pays se servent, avec succès, pour la même intention, de la +mie d'un pain arrondi, façonnée au contour de la forme que l'on désire, +et appliquée encore chaude sur le sein. Cette substance, dit ce savant +que réclame avec honneur la chirurgie française, porte en elle un +principe végéto-animal, qui, développé par le calorique, pénètre +rapidement le sein, excite l'érection de ses papilles nerveuses, gonfle +le système glanduleux, et y cause un ferment, un prurit voluptueux, +bientôt suivis du développement successif de l'appareil mammaire et du +tissu cellulaire qui le recouvre. C'est ce même principe vireux qui agit +si énergiquement comme dérivatif de l'humeur goutteuse aux extrémités +inférieures, en appliquant du _levain_ à la plante des pieds. On +pourrait activer ce moyen par de légères frictions d'huile très-volatile +sur le sein, et d'une lotion astringente sur les parties qui +l'environnent; au reste, le volupté fait éclore la gorge, comme le +printemps fait éclore la rose, et tous les praticiens connaissent la +correspondance de l'_utérus_ au sein.] + +«L'une des coupes fameuses dont il s'agit ici, madame, s'est perdue, ou +plutôt aimons à croire que les dieux l'ont retirée pour conserver le +type du beau, s'il se trouvait perdu sur la terre; l'autre est célèbre +par ce banquet où l'amoureuse Cléopâtre fit publiquement aux yeux +extasiés d'Antoine, non la fastueuse expérience de dissoudre une perle +dans un breuvage qui n'eût pas épargné l'organe complice de sa +forfanterie, mais celle bien plus merveilleuse de l'exacte application +de ce moule divin, sur sa gorge ravissante. Elle orne aujourd'hui un +_Musæum_ fameux en Europe, et nous pourrons la consulter pour donner à +vos formes le degré d'extension avoué par le goût, si vous accordez à +mes avis le droit de concourir à la naissance de l'attrait dont vous +désirez la possession. Je dois vous dire enfin, madame, que c'est de +l'abus des moyens que je viens de vous indiquer qu'est né un singulier +usage, chez les femmes turques, dont les époux, par je ne sais quel goût +bizarre, préfèrent une gorge volumineuse et tombante, et qui, pour se +procurer ce double _agrément_, usent avec excès des bains chauds et du +_massement_, opération inconnue en Europe. Ce n'est, certes, pas à cette +espèce de perfection que je désire vous voir atteindre, et la nature +heureusement vous a formée de manière à ne pas satisfaire les +inclinations turques; mais l'art hippocratique offre encore des +ressources aux femmes dont l'accroissement de la gorge aurait besoin +d'être prévenu, et c'est dans le même moyen qui favorise son +développement qu'elles trouveront celui de sa répression. Les belles +favorites du commandeur des croyants, les Circassiennes, les +Géorgiennes, les Mingréliennes, opposent, dès l'âge de douze ans, à leur +gorge naissante, un léger rempart de bois de santal qu'elle ne peut +franchir; et ce genre d'attrait acquiert chez elles, par la compression, +une fermeté que l'on rencontre difficilement chez les femmes des autres +peuples. + +«Pardonnez, madame, ces détails que la nature de votre demande a rendus +nécessaires, et puisse l'application de cette théorie ajouter encore, +s'il est possible, aux charmes qui ont mérité l'hommage d'un autre +Jupiter. Puissé-je alors aussi, jeune encore et médecin peu connu, +obtenir par mes soins votre entière confiance, et par le succès de mes +recettes, le triomphe d'une nouvelle Hébé; dût une moderne Junon +accabler de sa persécution[34] l'inventeur satisfait de sa réussite.» +D.M.V.S.M. + +[Note 34: La belle Pompadour suivit le conseil du jeune docteur, +elle acquit en effet l'attrait qui manquait seul à ses charmes, et +ouvrit, par reconnaissance, à son médecin une carrière qu'il parcourut +avec éclat. + +Si l'on trouve ce fragment un peu libre, accusons-en plutôt nos moeurs +que l'auteur qui vivait dans un temps où le Français se scandalisait +plus des actions que des écrits; il pense maintenant tout le contraire, +et l'on ferait aujourd'hui le procès de _Vénette_, _Tissot_ et +_Montesquieu_ s'ils publiaient l'_Onanisme_, le _Tableau de l'amour +conjugal_ et le _Temple de Gnide_; en sommes-nous plus chastes et plus +vertueux? l'interprétation que l'on donnera à cet article répondra à +cette question. Au surplus, nous protestons de la pureté de nos motifs, +et nous n'avons point écrit pour les _Tartuffes de moeurs_, mais pour +cette belle moitié du genre humain qui ne connaît de mal que celui que +les pervers lui enseignent.] + +Nous ne pouvons mieux terminer ce chapitre qu'en rapportant l'anecdote +suivante, qui en est le corollaire. + +Sous Louis XIV, le supplice de la Brinvilliers fut un exemple +insuffisant pour arrêter les empoisonnements. Une _chambre ardente_ fut +instituée pour juger de ces crimes. L'arrestation et le procès de la +Voisin firent découvrir dans les papiers de cette dernière, une foule de +lettres qui compromettaient des gens de la plus haute condition. La +Voisin était accusée d'avoir vendu des poisons, des charmes, et divers +secrets magiques pour se faire aimer. La duchesse de Foix avait été +arrêtée sur la déposition d'un simple billet d'elle trouvé chez la +Voisin, et dont le sens était plus obscur que propre à baser une +accusation. Louis XIV, ne voulant pas que sur un indice si léger une +dame de haute distinction fût emprisonnée, se réserva de l'interroger +lui-même dans ses cabinets, où elle fut conduite avec son propre +carrosse par le capitaine des gardes en quartier. + +«Reconnaissez-vous ce billet, madame la duchesse? lui dit Sa Majesté +d'un ton sévère, mais doux. + +--Sire, il est de ma main; je ne puis ni ne veux le nier. + +--A merveille! Maintenant dites-moi, je vous prie, avec la même +franchise, ce que signifient ces mots: _Plus je frotte, moins ils +poussent_. + +--Ah! sire, s'écria la duchesse en se jetant aux pieds du roi, daignez +m'épargner un tel aveu. + +--Je ne le puis, madame, songez que je vous appelle devant moi pour vous +sauver un affront public; ce motif me donne tous les droits à votre +confiance, et dans l'intérêt de votre honneur je vous ordonne de parler. + +--J'obéirai, sire! reprit en tremblant Mme de Foix, rouge jusqu'aux +yeux.... Depuis deux ou trois ans je m'aperçois que mon mari me néglige +après m'avoir souvent reproché un défaut... non, jamais je n'oserai +achever.... + +--Continuez, duchesse.... + +--Il est des charmes, reprit l'accusée, dont la nature se montre +prodigue envers des femmes, avare envers d'autres.... + +--Poursuivez, je vous prie. + +--Eh bien! sire, mon mari n'aime que les dames auxquelles la nature a +prodigué.... + +--Prodigué quoi? + +--Ce qui excède les belles proportions dans Mme de Montespan et manque à +Mme de La Vallière... comme à moi, sire.... + +--Ah! m'y voici, s'écria Louis XIV en s'excusant d'un défaut trop +prolongé de pénétration.... Et je vois, poursuivit le monarque +interrogateur, que vous aviez demandé à la Voisin.... + +--Une pommade dont elle disait des merveilles, ajouta Mme de Foix en +baissant les yeux. + +--Cependant _plus vous frottiez, moins ils poussaient_. + +--Hélas! oui. + +--C'était un malheur; mais ce n'était pas un crime, et je suis enchanté, +duchesse, de vous avoir épargné la honte d'un tel aveu devant la +_chambre ardente_. Je vous rends le malheureux billet qui vous causa +deux heures d'inquiétude; retournez tranquillement à votre hôtel. Je ne +vois de coupable ici que l'époux qui délaisse une femme aussi jolie que +vous; je veux en toucher quelques mots au duc. Il est un moyen plus +heureux que celui dont vous avez fait l'essai pour obtenir de la nature +elle-même ce que vous recherchiez par artifice; nous en causerons avec +votre mari, et j'espère qu'il l'emploiera.» + + * * * * * + +ÉTUDE PHYSIOLOGIQUE SUR LES MAMELLES OU SEINS. + +Les mamelles (_mammæ_, des Latins; _mastoï_, des Grecs; _poppa_, en +italien; _teta_, _ubre_, en espagnol) subissent les mêmes phases dans +leur développement, que les organes essentiels de la reproduction. Elles +sont peu apparentes dans le jeune âge et ne commencent à prendre le +développement qu'elles doivent acquérir que lorsque l'appareil génital +est apte à perpétuer l'espèce; et comme ce n'est que chez les individus +femelles qu'elles parviennent à leur état complet, elles ne présentent +pendant les premiers temps de la vie aucune différence chez l'un et +l'autre sexe. + +C'est donc vers l'époque où la femme devient apte aux plaisirs de la +maternité, que les seins commencent à acquérir tout le développement +dont ils sont susceptibles, ainsi que les formes gracieuses qui en font +un si brillant ornement: avant la puberté, ils n'en forment que le noyau +et se flétrissent après le temps de la faculté de reproduire. Cependant +il n'est pas sans exemple de voir des jeunes filles encore loin de cette +brillante époque, offrir des mamelles parfaitement conformées et +susceptibles de fournir du lait. Les auteurs rapportent, à cet égard, +des exemples fort curieux; mais tous tendent à prouver que ce +développement précoce fut toujours le résultat d'irritations exercées +sur le mamelon. + +Le développement des mamelles se fait ordinairement en raison de celui +des organes spéciaux de la génération, en sorte que la bonne +conformation des seins peut, en général, servir de mesure à celle de ces +derniers. Ainsi, l'homme qui recherche dans la femme, non-seulement ce +qu'elle peut offrir de gracieux, mais encore tout ce qui peut dénoter +une grande puissance génératrice et un vif sentiment de l'amour, est-il +toujours enthousiaste d'un beau sein. A peine la femme, la plus +accomplie sous tous les autres rapports, peut-elle éveiller en lui le +moindre sentiment de volupté, si elle ne se trouve pourvue de ce superbe +ornement. Cependant, on voit quelquefois des femmes dont les parties +sexuelles sont parfaitement développées et propres aux plaisirs ainsi +qu'à la propagation, quoiqu'elles n'offrent que quelques traces de ces +organes, tandis que d'autres, avec le sein le plus volumineux, ne sont +nullement accessibles aux désirs voluptueux ni aptes à la génération. + +C'est évidemment en vertu des liens de l'étroite sympathie qui unissent +les seins et les organes sexuels, que s'opère le développement +simultané. + +Les mamelles sont situées au milieu de la poitrine, l'une à droite et +l'autre à gauche, directement sur les muscles pectoraux; elles sont au +nombre de deux: il est rare de trouver des femmes qui en aient trois ou +quatre donnant toutes du lait. Cependant, les annales de la science +citent un grand nombre de femmes et même d'hommes multimammes; le plus +souvent, le nombre des mamelles est porté à trois: deux présentent la +position et le volume ordinaires, et la troisième est située sur la +ligne médiane, un peu plus bas que les deux autres, ou bien au-dessous +de l'une d'elles à droite ou à gauche. Lorsque la mamelle surnuméraire +est médiane, elle reste ordinairement peu volumineuse, même pendant +l'allaitement; les mamelles surnuméraires latérales diffèrent au +contraire fort peu des mamelles normales et peuvent, comme elles, +fournir du lait. Lorsqu'il existe quatre mamelles, elles sont +ordinairement bilatérales et placées comme les mamelles abdominales des +animaux, l'une au-dessous de l'autre; cette disposition est moins +commune que la précédente, et la présence de cinq mamelles est plus rare +encore. Percy n'en rapporte qu'un seul cas observé par M. Gorre. Ce cas +fut présenté par une femme valaque trouvée, en l'an VIII, parmi les +nombreux prisonniers faits à l'armée autrichienne et qui ne tarda pas à +périr de froid et de misère. Sur les cinq mamelles de cette femme, +quatre étaient très-saillantes, disposées sur deux rangs, gonflées et +pleines de lait; la cinquième était médiane et située à cinq pouces de +l'ombilic; elle n'était pas plus volumineuse que celle d'une fille +impubère. + +On a aussi constaté que des mamelles surnuméraires pouvaient se +présenter sur d'autres points du corps; ainsi, M. Robert a fait +connaître le fait d'une femme multimamme de ce genre, laquelle +descendait elle-même d'une mère dont les mamelles étaient plus +nombreuses que d'habitude. Mais, chez elle, la mamelle surnuméraire +était placée à la partie externe de la cuisse gauche, près de l'aîne. +Jusqu'à la première grossesse, cette mamelle fut prise pour un simple +_noevus_; mais à cette époque elle se développa et acquit le volume de +la moitié d'un citron; l'enfant tétait alternativement l'une des +mamelles pectorales et celle-ci, qu'on pourrait appeler inguinale. + +Thomas Bartholin vit une Danoise qui en offrait trois, dont deux étaient +placées dans leur situation naturelle, et l'autre à la partie inférieure +du _sternum_, en sorte qu'elles représentaient une espèce de pyramide +renversée. Tout le monde sait que la belle Anne de Boulen, épouse de +Henri VIII, roi d'Angleterre, avait, outre six doigts à chaque main, +trois mamelles à la partie antérieure de sa poitrine. Un moine de Corbie +rapporte avoir vu une paysanne qui nourrissait trois jumeaux de quatre +mamelles indistinctement, dont deux étaient situées au-devant de la +poitrine, et les deux autres au dos. + +Les mamelles bien proportionnées sont un des principaux ornements des +femmes, particulièrement lorsqu'elles sont accompagnées d'une gorge bien +taillée et recouverte d'une peau fine. Il faut aussi qu'elles soient +blanches, rondes, et médiocrement écartées l'une de l'autre; qu'elles ne +soient placées ni trop haut, ni trop proche des aisselles; et enfin +qu'elles ne soient ni trop grosses, ni pendantes: voilà les conditions +qu'elles doivent avoir pour être belles et propres à donner de l'amour; +mais ce ne sont pas les meilleures ni les plus capables de contenir le +lait. + +En nul endroit du corps, la peau n'est si fine, si délicate, si lisse, +si douce au toucher et si blanche qu'aux environs des mamelles. Là les +téguments ont acquis une telle ténuité, qu'ils sont entièrement +transparents et laissent facilement apercevoir les ramuscules veineux +qui serpentent agréablement dessous, notamment dans le voisinage de la +portion rosée, et dont la couleur bleuâtre, en formant un heureux +contraste avec la blancheur de la peau, en relève si fortement l'éclat, +et donne tant de lustre à la beauté du sein. Ces globes, au reste, +plaisent d'autant plus à la vue que cette belle portion de la peau est +plus tendue par des glandes mammaires volumineuses, et que la femme +jouit de plus d'embonpoint. Il est cependant des personnes fort maigres +naturellement dont ces glandes sont si développées que, malgré cet état, +elles offrent un sein solide, bien tendu, et de la plus grande beauté. + +C'est à la partie centrale de chaque moitié des parois thoraciques +qu'est situé le sein dans sa belle conformation. Trop dégagés en dehors +et portés sous les aisselles, ces organes laissent entre eux un grand +vide, peu agréable à la vue, et peuvent éprouver, de la part des bras +portés en bas et surtout en dedans, des pressions plus ou moins fortes +dont la fréquence nuit à leur développement, les déforme et même les +atrophie. Trop rapprochés du centre de la poitrine, ils se confondent +l'un avec l'autre, et de ce défaut de dégagement résulte l'imperfection +de ces rotondités élégantes qui concourent tant à la beauté physique du +sexe. Trop relevés vers le cou, les seins confondent leurs brillants +contours avec ceux de l'épaule, reçoivent des chocs continuels des +mouvements brusques de la clavicule, et sont sans cesse exposés à +l'influence nuisible de l'atmosphère, dont la femme ne peut se garantir +que par des vêtements grotesques et répudiés par la véritable +coquetterie. Situés trop intérieurement, ils semblent rapprocher les +femmes des animaux mammifères, et demandent à être relevés sans cesse +par des corsets, dont la pression continuelle peut porter les plus +fâcheuses atteintes à ces organes délicats. + +La figure des beaux seins est ronde, et représente un demi-globe; mais +les bons nourriciers, au contraire, sont avancés en dehors, et +ressemblent à une poire, tels sont en général ceux des Comtoises; ce qui +fait qu'ils ont de la peine à se soutenir, principalement quand ils sont +pleins de lait. + +On ne peut pas bien déterminer leur grandeur; elle varie suivant les +nations: les Indiennes et les Siamoises les ont si longs, qu'elles +peuvent les jeter par-dessus leurs épaules. Ils différent encore suivant +les individus; quelques femmes les ont naturellement petits et d'autres +gros; ces dernières sont les meilleures nourrices, pourvus qu'ils ne +soient pas trop charnus. Leur grosseur dépend aussi de l'âge; ils +commencent à pousser à 14 ans, ils ont alors la figure d'un demi-globe; +ils sont petits, mais durs et fermes; ils grossissent à mesure qu'elles +avancent en âge; ils se flétrissent aux femmes qui approchent la +cinquantaine; et plus une femme vieillit, plus elle les a mous et +flasques, n'y restant plus à la fin que des peaux. + +Le mamelon est une petite éminence qui s'élève au milieu de la mamelle; +il est d'une substance spongieuse, assez semblable à celle du gland de +la verge, c'est pourquoi il se relève, se gonfle et se roidit lorsqu'on +le suce ou bien qu'on le chatouille. Il a un rapport intime avec les +parties de la génération. Les mamelons se dressent et prennent part aux +sensations suscitées dans l'appareil génital par le coït ou autres +moyens d'excitation. Les titillations de ces boutons rosés y font naître +un sentiment de volupté qui, se communiquant en un clin-d'oeil au siége +spécial de la jouissance, embrase la femme et la sollicite puissamment à +l'acte de la reproduction. Quels sont les moyens d'une si frappante +communication entre des organes si éloignés? Quelques auteurs prétendent +que ce sentiment si vif, si agréable, a été donné à cette partie afin +que l'enfant y cause en la suçant un doux chatouillement, et que la +femme y trouvant un singulier plaisir, elle se porte plus volontiers à +donner à téter à son enfant aussi souvent qu'il en a besoin. + +Il est reconnu que la succion du lait éveille des sentiments de volupté +au bénéfice de l'appareil générateur. Cabanis disait que des nourrices +lui avaient fait l'aveu qu'elles devaient à l'enfant qu'elles +allaitaient de véritables jouissances. La solidarité des seins, +relativement à l'appareil sexuel, est un fait constant; aussi la +sécrétion du lait augmente-t-elle généralement sous l'influence de +l'excitation de l'organe générateur. C'est le cas dans lequel était +cette femme, qui voyait le lait sortir de ses seins quand son mari +accomplissait avec elle l'acte du coït. On a dit aussi que l'observation +avait utilisé cet acte physiologique, que, voyant les animaux se prêter +avec complaisance à la manoeuvre par laquelle on leur enlevait leur +lait, on avait établi, dans le but d'en augmenter la quantité, une +action directe sur l'organe générateur. Hérodote rapporte que les +Scythes introduisaient un bâton poli dans la vulve de leurs juments +quand ils leur enlevaient leur lait. Bayeu a raconté que dans les +Pyrénées les gens occupés à traire les vaches plaçaient une de leurs +mains dans la vulve; enfin, s'il faut en croire Levaillant, les +Hottentots soufflent de l'air dans les parties sexuelles des animaux +avant de les traire. + +La jeune fille devient-elle pubère, aussitôt les seins répondent à +l'appel de la matrice, et cette corrélation se reproduit à chaque nouvel +éveil de cet organe. Elle se moule en quelque façon sur les conditions +dans lesquelles il se trouve. Dans l'état ordinaire de la vie, une +action, quelle qu'elle soit, sur l'appareil générateur a toujours du +retentissement dans les seins, et réciproquement. Ainsi, une sensation +voluptueuse venant directement de l'utérus et de ses annexes est +comprise et perçue dans les organes de la lactation; de même les +sentiments lascifs peuvent trouver accès près des voies génitales en +partant des seins. C'est la raison pour laquelle Hippocrate croyait que +le lait venait de la matrice. + +N'est-ce pas à cette corrélation, à cette excitation génésique provoquée +par l'allaitement qu'il faut attribuer le fait de luxure inouï, +diabolique, que rapporte M. le docteur Andrieux? Un enfant, qu'on avait +pourvu d'une nourrice jeune et vigoureuse, dépérissait chaque jour. Les +parents affligés cherchaient en vain la cause de cet état: on finit par +la découvrir. Mais où trouver des mots pour exprimer leur surprise et +leur colère, quand ils trouvèrent cette malheureuse, exténuée, +délirante, avec son nourrisson qui cherchait encore dans une succion +affreuse, et inévitablement stérile, un aliment que les seins auraient +pu seuls donner!!! Pour parvenir facilement à son but, elle attendait +que le cri de la faim se fît entendre; l'enfant, dans cet instant, ouvre +la bouche comme pour chercher le sein, il saisit alors avidement le bout +du doigt, ou tout corps quelconque souple et arrondi qu'on place entre +ses lèvres, et exerce immédiatement sur lui des efforts répétés de +succion. + +Les exemples d'une pareille dépravation doivent heureusement être fort +rares. + +La plupart des filles élevées chez des religieuses ne peuvent, selon ces +dernières, plaire au Créateur que par des imperfections. Avoir de la +gorge, être belle, sont assurément deux sujets de réprobation; l'enfer, +ouvert à celles qui portent un sein arrondi, attend sa proie avec +impatience; c'est ainsi que s'exprime le fanatisme dans l'intérieur des +maisons d'éducation religieuse. Quelques jeunes filles, adoptant ces +idées, prennent chaque jour quelques subtances capables d'interrompre ou +d'affaiblir la nutrition: tel est, par exemple, l'usage du vinaigre bu à +jeun; en altérant les forces digestives, il arrête le cours des +sécrétions ou en diminue l'énergie, d'où le défaut d'accroissement des +seins avec l'amaigrissement général qui résulte de cette détestable +coutume. Des remèdes aussi dangereux, ou plus violents, employés dans +les mêmes vues, doivent donc être bannis sans retour, puisque ce n'est +qu'en détruisant la santé qu'ils amènent le changement d'organisation +qu'on souhaite. + +En 1829, le docteur Récamier publia un ouvrage en deux volumes, +intitulé: _Recherches sur le traitement du cancer par la compression +méthodique simple et combinée._ M. Récamier, appelé souvent dans les +couvents, s'est trouvé à portée d'y faire l'observation suivante: + +Dans les couvents, les religieuses, dans le but de réprimer +l'envahissement mondain d'une gorge trop volumineuse, compriment les +glandes mammaires avec des rondelles d'amadou. Les seins, par le fait de +la compression et de l'iode qui se trouve naturellement dans l'amadou, +s'atrophient; mais ce que les religieuses de nos jours n'ont pas prévu, +c'est que, en raison de la solidarité dont nous nous entretenons, +l'appareil reproducteur profite du retrait des glandes mammaires. Or, +comme le bassin est l'expression de l'état anatomique et physiologique +de la matrice, il en résulte que les hanches et les muscles fessiers des +femmes soumises à cette opération acquièrent un énorme développement. Il +me reste à savoir si un surcroît de nourriture et de développement de +l'appareil générateur n'est pas un obstacle de plus à la chasteté; et si +ces intéressantes recluses n'en ressentent pas plus vivement les +aiguillons de la chair, que la religion leur défend d'écouter. + +Mais il est temps de revenir à notre sujet, duquel nous nous sommes un +peu écarté. Le mamelon est rose et petit aux vierges; l'aréole qui +l'entoure est d'une teinte plus ou moins foncée, suivant les individus; +elle l'est en général davantage chez les personnes qui ont la peau +brune, les yeux et les cheveux noirs, que chez les femmes blondes, +faibles et délicates. L'étendue de ce cercle est de deux centimètres +environ; il s'élargit et prend une teinte plus foncée chez celles qui +ont fait des enfants; le mamelon devient livide et gros aux nourrices, +et il est noir et flétri chez les vieilles femmes. + + * * * * * + +Un ouvrage de ce genre ne pouvant se terminer par des matières médicales +aussi sérieuses, nous donnons une fort jolie chanson de M. Aug. Gilles, +pour le clore convenablement. + + +LES TÉTONS. + + Air: _Elle aime à rire, elle aime à boire._ + + J'ai pris pour muse une égrillarde + A qui la romance déplaît; + Chaque jour elle se complaît + A rendre ma muse gaillarde. + La gaudriole en mes cartons, + A ses yeux offre une lacune, + Elle me garderait rancune, ) + > _Bis_ + Si je ne chantais les tétons.) + + * * * * * + + Dans le sein fécond qui le porte, + L'homme fait neuf mois de séjour; + Impatient de voir le jour, + De ses pieds il frappe à la porte. + A peine est-il né qu'à tâtons + Le jeune espiègle entre en licence, + Et, sans égards pour la décence, + A sa mère il prend les tétons. + + * * * * * + + Chacun de vous a sa manie, + Amis; mais je ne doute point + Que votre penchant sur ce point, + Avec le mien ne s'harmonie. + Et je crois bien que nous goûtons + Même plaisir et même ivresse, + Quand notre main frôle et caresse + Tour-à-tour deux jolis tétons. + + * * * * * + + Il est un usage contraire + A la pudeur qui vous régit; + Votre modestie en rougit; + Mais elle ne peut s'y soustraire. + Belles, quand nous vous accostons, + De l'arc-boutant de la nature + Votre oeil furtif prend la mesure, + Le notre toise les tétons. + + * * * * * + + Dumont dit à son fils Hilaire: + --Il faut enfin te décider, + Et conduire, sans plus tarder, + Au temple d'hymen Rose ou Claire. + --Papa, mon choix est fait; partons: + De Claire la beauté me flatte, + Mais elle a la poitrine plate + Et sa soeur a de gros tétons. + + * * * * * + + Paul et Justine se conviennent. + L'amour paraît combler leurs voeux; + C'est à leurs mutuels aveux + Pourtant que l'un à l'autre ils tiennent: + Grâce à leurs marchands de cartons, + Aux amateurs ils font des niches, + L'un avec des mollets postiches + Et l'autre avec de faux tétons. + + * * * * * + + Nature dit à la fillette, + Qui les voit poindre en son corset: + Craignez que le noeud d'un lacet + N'en comprime la peau douillette; + Qu'entre leurs deux jolis boutons + Le même espace s'interpose: + Dans vingt ans où je les pose + Qu'Amour trouve encor les tétons. + + * * * * * + + A notre liberté publique + Je tiens par goût et par devoir, + Et dans aucun temps le pouvoir + Ne m'a fait changer de tactique. + Au diable les ventrus gloutons + De Villèle et de Bonaparte; + Car la liberté sans la Charte + C'est une femme sans tétons. + + AUG. GILLES. + +FIN. + + + + +TABLE DES MATIÈRES. + +Avant-propos + +Épître Dédicatoire.--Sonnet.--Les pommes + +Chap. I.--Des tétons.--De leur pouvoir et de leurs +charmes.--De la brune.--Pour la blanche.--Marot.--Marin.--Cyrano +de Bergerac.--Vers de Cotin sur une belle gorge.--Boursault.--Le +coeur volé.--Parny.--Le crucifié.--La Motte.--Le Poëte sans +fard.--Le Pays.--Les deux saints + +Chap. II.--Des beaux tétons.--La femme parfaite ou les +trente points de beauté.--_Mulieris pulchritudo._--_Le +Momus redivivus._--Blason de la belle fille.--Épigramme +par le sieur Motin.--Chanson.--Sur le beau tétin.--Les +tétons.--Benserade.--Bois-Robert.--La puce de Mme des +Roches.--Madrigal.--Les délices de la poésie galante.--Sur +une sangsue qui pique le sein de Sylvie.--Le buse.--L'amour +sur une gorge rebondie.--Louis XV et la gorge de +Marie-Antoinette.--Un amant dans le portrait de sa +belle.--Marino.--Voisenon: les tétons de ma +cousine.--Madrigal.--Victor Cousin + +Chap. III.--S'il est de la bienséance que les dames laissent +voir leurs tétons, et s'il est permis aux amante de les +toucher.--Molière.--Le petit père André.--Sur les femmes +qui montrent leur sein.--Stances sur la défense des gorges +découvertes des dames.--La vue d'un sein dégoûtait +Louis XIII.--Mlle d'Hautefort.--La gorgée de vin sur +un sein découvert.--Le père Barri.--Claude de Pontoux. +--La pudeur.--Scarron.--Moyen de parvenir.--La +duchesse de Bourgogne.--Mammillaires + +Chap. IV.--Du langage des tétons.--Le père Bougeant.--Les +Innocents.--Ovide et Corine + +Chap. V.--Des laids +tétons.--Boileau.--Le Brun.--Régnier.--Sygognes.--Maynard.--Urbain +Chevreau.--Antoine Legrand.--Voltaire.--Deguerle.--La +métamorphose.--Mercier de Compiègne.--Le fichu menteur + +Chap. VI.--Des contrées où les femmes sont le mieux partagées +de tétons.--Les tétons des Anglaises.--Les tétons +de couvents.--Les tétons africains + +Chap. VII.--De l'éloquence des tétons.--Phryné devant +l'Aréopage.--La fraise et l'oeuf.--Zadig + +Chap. VIII.--Moyens de conserver la gorge.--Les seins +postiches.--Mme Tolleret.--Poppée + +Chap. IX.--Recettes virginales.--Moyens à employer pour +effacer les rides et diminuer l'ampleur du ventre et de la +gorge; moyens pour la faire croître à celles qui sont privées +de ce bel ornement.--Mémoires de Rochefort.--Fontenelle.--Pommade +virginale dite à la comtesse.--Mme de Pompadour.--La coupe +d'Hébé.--J. J. Rousseau.--La duchesse de Foix.--Étude physiologique sur +les mamelles ou seins.--Cabanis.--L'action de donner +à téter procure de véritables jouissances à certaines femmes.--Fait +de luxure inouï d'une nourrice, rapporté par le +docteur Audrieux.--Inconvénients de comprimer la gorge +des religieuses.--Les tétons, chanson finale + +FIN DE LA TABLE. + +19193. PARIS.--TYPOGRAPHIE LAHURE rue de Fleurus, 9 + + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of Éloge du sein des femmes, by +Claude-François-Xavier Mercier de Compiègne + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ÉLOGE DU SEIN DES FEMMES *** + +***** This file should be named 18610-8.txt or 18610-8.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/1/8/6/1/18610/ + +Produced by Chuck Greif, Carlo Traverso and the Online +Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This +file was produced from images generously made available +by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at +http://gallica.bnf.fr) + + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. + + +Section 3. 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You may copy it, give it away or +re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included +with this eBook or online at www.gutenberg.org + + +Title: Éloge du sein des femmes + Ouvrage curieux + +Author: Claude-François-Xavier Mercier de Compiègne + +Release Date: June 17, 2006 [EBook #18610] + +Language: French + +Character set encoding: ISO-8859-1 + +*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ÉLOGE DU SEIN DES FEMMES *** + + + + +Produced by Chuck Greif, Carlo Traverso and the Online +Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This +file was produced from images generously made available +by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at +http://gallica.bnf.fr) + + + + + + +</pre> + + +<h1>ÉLOGE DU SEIN DES FEMMES</h1> + +<p class="center"> +<span class="smcap">Tiré A</span> 602 <span class="smcap">exemplaires numérotés, savoir</span>:</p> +<table summary="exemplaires"> +<tr> +<td align="right">400</td> +<td align="right">exemplaires</td> +<td>in-8°</td> +<td>couronne,</td> +<td>papier</td> +<td>vergé.</td> +</tr> +<tr> +<td align="right">150</td> +<td align="center">—</td> +<td align="center">—</td> +<td align="center">carré,</td> +<td align="center">—</td> +<td>vélin.</td> +</tr> +<tr> +<td align="right">30</td> +<td align="center">—</td> +<td align="center">—</td> +<td align="center">—</td> +<td align="center">—</td> +<td>chine.</td> +</tr> +<tr> +<td align="right">30</td> +<td align="center">—</td> +<td align="center">—</td> +<td align="center">—</td> +<td align="center">—</td> +<td>whatman.</td> +</tr> +<tr> +<td align="right">2</td> +<td align="center">—</td> +<td align="center">—</td> +<td align="center">—</td> +<td align="center">—</td> +<td>peau vélin.</td> +</tr> +</table> + +<h4>N° 285</h4> + +<h3>OUVRAGE CURIEUX</h3> + +<h3>DANS LEQUEL ON EXAMINE S'IL DOIT ÊTRE DÉCOUVERT S'IL EST PERMIS DE LE +TOUCHER QUELLES SONT SES VERTUS, SA FORME, SON LANGAGE, SON ÉLOQUENCE +LES PAYS OÙ IL EST LE PLUS BEAU ET LES MOYENS LES PLUS SURS DE LE +CONSERVER</h3> + +<h3>PAR</h3> + +<h1>MERCIER DE COMPIÈGNE</h1> + +<h3>QUATRIÈME ÉDITION</h3> + +<h3><span class="smcap">REVUE, ANNOTÉE ET CONSIDÉRABLEMENT AUGMENTÉE</span></h3> + +<div class="center"> + <img src="images/frontispiece.png" + alt="Honni Soit Qui Mal Y Pense" title="Honni Soit Qui Mal Y Pense" /> +</div> + +<h3>PARIS</h3> + +<h3>A BARRAUD, EDITEUR-LIBRAIRE</h3> + +<h3>23, <span class="smcap">RUE DE SEINE</span></h3> + +<h3>1873</h3> + +<hr style="width: 65%;" /> + +<p><a name="table" id="table"></a></p> +<table summary="table"> + +<tr><td> +<b>TABLE DES MATIÈRES.</b><br /><br /> +<a href="#AVANT-PROPOS"><b>AVANT-PROPOS.</b></a><br /><br /> + +<a href="#EPITRE_DEDICATOIRE"><b>ÉPITRE DÉDICATOIRE.—Sonnet.—Les pommes</b></a><br /><br /> + +<a href="#CHAPITRE_PREMIER"><b>CHAPITRE I.—Des tétons.—De leur pouvoir et de leurs charmes.—De +la brune.—Pour la blanche.—Marot.—Marin.—Cyrano +de Bergerac.—Vers de Cotin sur une belle gorge.—Boursault.—Le cœur volé.—Parny.—Le crucifié.—La +Motte.—Le Poëte sans fard.—Le Pays.—Les deux saints</b></a><br /><br /> + +<a href="#CHAPITRE_II"><b>CHAPITRE II.—Des beaux tétons.—La femme parfaite ou les +trente points de beauté.—<i>Mulieris pulchritudo.</i>—<i>Le +Momus redivivus.</i>—Blason de la belle fille.—Épigramme +par le sieur Motin.—Chanson.—Sur le beau tétin.—Les +tétons.—Benserade.—Bois-Robert.—La puce de +M<sup>me</sup> des Roches.—Madrigal.—Les délices de la poésie +galante.—Sur une sangsue qui pique le sein de Sylvie.—Le +buse.—L'amour sur une gorge rebondie.—Louis XV +et la gorge de Marie-Antoinette.—Un amant dans le portrait +de sa belle.—Marino.—Voisenon: les tétons de ma +cousine.—Madrigal.—Victor Cousin</b></a><br /><br /> + +<a href="#CHAPITRE_III"><b>CHAPITRE III.—S'il est de la bienséance que les dames laissent +voir leurs tétons, et s'il est permis aux amante de les +toucher.—Molière.—Le +petit père André.—Sur les femmes +qui montrent leur sein.—Stances sur la défense des gorges +découvertes des dames.—La vue d'un sein dégoûtait +Louis XIII.—M<sup>lle</sup> d'Hautefort.—La gorgée de vin sur +un sein découvert.—Le père Barri.—Claude de Pontoux. +—La pudeur.—Scarron.—Moyen de parvenir.—La +duchesse de Bourgogne.—Mammillaires</b></a><br /><br /> + +<a href="#CHAPITRE_IV"><b>CHAPITRE IV.—Du langage des tétons.—Le père Bougeant.—Les +Innocents.—Ovide et Corine</b></a><br /><br /> + +<a href="#CHAPITRE_V"><b>CHAPITRE V.—Des laids +tétons.—Boileau.—Le Brun.—Régnier.—Sygognes.—Maynard.—Urbain +Chevreau.—Antoine Legrand.—Voltaire.—Deguerle.—La métamorphose.—Mercier de Compiègne.—Le fichu menteur</b></a><br /><br /> + +<a href="#CHAPITRE_VI"><b>CHAPITRE VI.—Des contrées où les femmes sont le mieux partagées +de tétons.—Les tétons des Anglaises.—Les tétons +de couvents.—Les tétons africains</b></a><br /><br /> + +<a href="#CHAPITRE_VII"><b>CHAPITRE VII.—De l'éloquence des tétons.—Phryné devant +l'Aréopage.—La fraise et l'œuf.—Zadig</b></a><br /><br /> + +<a href="#CHAPITRE_VIII"><b>CHAPITRE VIII.—Moyens de conserver la gorge.—Les seins +postiches.—M<sup>me</sup> Tolleret.—Poppée</b></a><br /><br /> + +<a href="#CHAPITRE_IX"><b>CHAPITRE IX.—Recettes virginales.—Moyens à employer pour +effacer les rides et diminuer l'ampleur du ventre et de la +gorge; moyens pour la faire croître à celles qui sont privées +de ce bel ornement.—Mémoires de Rochefort.—Fontenelle.—Pommade +virginale dite à la comtesse.—M<sup>me</sup> +de Pompadour.—La coupe d'Hébé.—J. J. Rousseau.—La +duchesse de Foix.—Étude physiologique sur +les mamelles ou seins.—Cabanis.—L'action de donner +à téter procure de véritables jouissances à certaines femmes.—Fait +de luxure inouï d'une nourrice, rapporté par le +docteur Audrieux.—Inconvénients de comprimer la gorge +des religieuses.—Les tétons, chanson finale</b></a><br /><br /> +</td></tr> +</table> +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="AVANT-PROPOS" id="AVANT-PROPOS"></a><a href="#table">AVANT-PROPOS.</a></h2> + + +<p>Ce fut en 1720 que parut à Amsterdam un volume intitulé les <i>Tétons</i>; il +formait la troisième partie d'une série où figuraient déjà les <i>Yeux</i> et +le <i>Nez</i>; le frontispice ajoutait qu'il y avait là des «ouvrages +curieux, galants et badins, composés pour le divertissement d'une +certaine dame de qualité, par J. P. N. du C.» Une annonce faite par un +libraire hollandais, en 1721, informe le public que l'auteur se +proposait de passer successivement en revue «toutes les parties du corps +humain;» projet scabreux qu'il n'eut pas le temps d'effectuer ou dont +les difficultés l'arrêtèrent. Diverses indications permettaient +d'ailleurs d'attribuer la rédaction de ce triple recueil à Étienne +Roger, libraire actif, établi à Amsterdam, et qui mettait volontiers la +main aux livres qu'il offrait au public. Toutefois les bibliographes les +plus accrédités mettent l'œuvre sur le compte de Jean-Pierre-Nicolas +Ducommun, dit Véron, dont les initiales cadrent fort bien avec l'énoncé +du titre, et qui est l'auteur de diverses pièces de vers (fort +médiocres) insérées dans la troisième partie du recueil en question.</p> + +<p>Un quart de siècle s'écoula, et le volume mis au jour à Amsterdam +reparut avec le titre suivant: <i>Éloge des tétons, ouvrage curieux, +galant et badin, en vers et en prose</i>, publié par ***, Francfort, 1746, +in-8. En 1775, cet <i>Eloge</i> fut derechef réimprimé sous la rubrique de +<i>Cologne, à l'enclume de vérité</i>, 1775; on y joignit diverses <i>pièces +amusantes et la Rinomachie ou Combat des nez</i>.</p> + +<p>Vers la fin du siècle dernier, vivait à Paris un littérateur médiocre, +mais actif, Claude-Francois-Xavier Mercier, surnommé de Compiègne, afin +de le distinguer de divers autres Mercier; il était né dans cette ville +en 1763. Se trouvant sans ressources pendant les orages de la +Révolution, il demanda à sa plume des moyens d'existence; il se fit le +vendeur de ses écrits, et il les multiplia rapidement. Il rédigeait, il +compilait, il traduisait, il composait en prose et en vers une multitude +d'in-18 qui se succédaient avec promptitude et qui portaient souvent +l'empreinte de la rapidité avec laquelle ils étaient élaborés. Mercier +d'ailleurs, il faut le reconnaître, manquait de goût, et son +instruction était fort superficielle. Il a laissé divers écrits dont il +est inutile de rappeler les titres, mais qui excitent, à bon droit, les +craintes du chaste lecteur; il aimait à traiter des sujets bizarres; il +mit en français, en y joignant des additions assez considérables, une +facétie de l'Allemand Rodolphe Goclemin, et il les publia sous le titre +d'<i>Eloge du pet</i>, dissertation historique, anatomique et philosophique +sur son origine, son antiquité, ses vertus, sa figure, les honneurs +qu'on lui a rendus chez les peuples anciens et les facéties auxquelles +il a donné lieu (1799, in-18). Longtemps oubliés, les petits volumes +sortis de l'officine de Mercier trouvent aujourd'hui des amateurs +très-disposés à les recueillir; dans le nombre figure l'<i>Eloge du sein +des femmes</i>, publié à Paris en 1800; c'est un <i>riffacimiento</i> du volume +dont nous avons mentionné trois éditions antérieures. Mais selon son +usage, Mercier ne s'est point borné à une simple reproduction; il a +supprimé des longueurs, il a ajouté des détails nouveaux, il a inséré +des pièces de vers parmi lesquelles il en est d'assez agréables; il a +remanié la division du texte original, qui se trouve offrir trois +chapitres nouveaux; il a joint à tout ceci une gravure due à un burin +peu exercé qui a reproduit gauchement un dessin lourd et maussade. Il +eût été facile de trouver sans doute un artiste mieux inspiré.</p> + +<p>Le petit volume en question est devenu assez rare, surtout en bon état; +nous avons pensé que quelques amateurs feraient bon accueil à une +quatrième édition de cet <i>Eloge</i>; ils ne regretteront pas sans doute d'y +trouver une sorte d'anthologie de ce que divers poëtes ont dit à propos +du sein; nous avons dû nous borner à choisir, car si nous avions voulu +tout reproduire, nous aurions grandement dépassé les bornes que nous +avons dû nous prescrire; mais nous espérons que nos recherches, dans des +volumes assez peu connus parfois, nous auront amenés à mettre la main +sur des morceaux gracieux qu'on lira avec plaisir.</p> + + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="EPITRE_DEDICATOIRE" id="EPITRE_DEDICATOIRE"></a><a href="#table">ÉPITRE DÉDICATOIRE.</a></h2> + + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">SONNET.</span></div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0"><i>L'auteur du traité des Tetons</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Chante si haut sur la matière</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Qu'il donneroit musique entière,</i><br /></span> +<span class="i0"><i>S'il descendoit de quelques tons.</i><br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0"><i>Mais comme sa muse est altière,</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Il n'ira pas chez ses Martons,</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Chanter leurs tourelontontons,</i><br /></span> +<span class="i0"><i>De là jusqu'à la jarretière.</i><br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0"><i>Si cependant du haut en bas,</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Il alloit pousser ses ébats;</i><br /></span> +<span class="i0"><i>On entendroit belle harmonie!</i><br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0"><i>Vénus, peinte par tous ses traits,</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Feroit éclater mille attraits</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Dans une telle anatomie.</i><br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i6">Par C. L. d'Ar.<br /></span> +</div></div> + +<p><i>Nota.</i> Nous avons supprimé l'épitre dédicatoire de Ducommun, sur +l'édition d'Amsterdam, 1720, parce qu'elle n'a rien de neuf, ni de +piquant; nous la remplaçons par une petite pièce de vers assez rare et +qui vient ici fort à propos, puisqu'elle s'adresse aux dames.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">LES POMMES.</span></div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Le ciel, pour enchanter les hommes,<br /></span> +<span class="i0">Vous a fait présent de six pommes:<br /></span> +<span class="i0">Sur votre visage il a mis<br /></span> +<span class="i0">Deux petites pommes d'apis<br /></span> +<span class="i0">D'un bel incarnat empourprées,<br /></span> +<span class="i0">Et que nature a colorées:<br /></span> +<span class="i0">Les soucoupes et les cristaux<br /></span> +<span class="i0">Ne portent pas de fruits si beaux.<br /></span> +<span class="i0">Plus bas une fraîche tablette,<br /></span> +<span class="i0">En supporte deux de rainette;<br /></span> +<span class="i0">Et l'on trouve encore plus bas<br /></span> +<span class="i0">Deux autres qu'on ne nomme pas.<br /></span> +<span class="i0">Elles sont de plus grosse espèce,<br /></span> +<span class="i0">Et n'ont pas moins de gentillesse:<br /></span> +<span class="i0">Ce sont deux pommes de rambour,<br /></span> +<span class="i0">Qu'on cueille au jardin de l'amour.<br /></span> +<span class="i0">Voilà trois paires de jumelles<br /></span> +<span class="i0">Qui font tourner bien des cervelles.<br /></span> +<span class="i0">Ève perdit le genre humain,<br /></span> +<span class="i0">N'ayant qu'une pomme à la main;<br /></span> +<span class="i0">Mais notre appétissante mère,<br /></span> +<span class="i0">En laissait voir deux sur son sein.<br /></span> +<span class="i0">Et l'attrait des fruits de Cythère,<br /></span> +<span class="i0">Dont l'aspect le mettait en train,<br /></span> +<span class="i0">Fit succomber notre bon père.<br /></span> +<span class="i0">Satan, dont l'esprit est malin,<br /></span> +<span class="i0">Entrait aussi dans le mystère.<br /></span> +<span class="i0">Pressés, comme Adam, de manger,<br /></span> +<span class="i0">Nous pétillons d'impatience<br /></span> +<span class="i0">Auprès du jardin potager<br /></span> +<span class="i0">Dont vous portez la ressemblance.<br /></span> +<span class="i0">Vive la pomme et les pommiers!<br /></span> +<span class="i0">Leur aspect seul nous ravigotte:<br /></span> +<span class="i0">On doit baiser les deux premiers,<br /></span> +<span class="i0">Avec les seconds on pelotte:<br /></span> +<span class="i0">Triomphe! amour! aux deux derniers.<br /></span> +<span class="i0">Heureux qui les met en compotte!<br /></span> +</div></div> + +<div class="center"> + <img src="images/010.png" + alt="image" title="image" /> +</div> + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="CHAPITRE_PREMIER" id="CHAPITRE_PREMIER"></a><a href="#table">CHAPITRE PREMIER.</a></h2> + +<h3>DES TÉTONS, DE LEUR POUVOIR ET DE LEURS CHARMES.</h3> + + +<p>J'avais d'abord le dessein de faire un traité de la supériorité du teint +blanc sur le brun, et ces deux chansons de Cl. Marot m'en avaient fourni +l'idée:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">DE LA BRUNE.</span></div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Pourtant si je suis brunette,<br /></span> +<span class="i0">Amy, n'en prenez esmoy:<br /></span> +<span class="i0">Autant suis ferme et jeunette,<br /></span> +<span class="i0">Qu'une plus blanche que moy<br /></span> +<span class="i0">Le blanc effacer je voy.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Couleur noire est toujours une,<br /></span> +<span class="i0">J'ayme mieux donc estre brune<br /></span> +<span class="i0">Avecques ma fermeté,<br /></span> +<span class="i0">Que blanche comme la lune<br /></span> +<span class="i0">Tenant de legereté.<br /></span> +</div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">POUR LA BLANCHE.</span></div></div> +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Pourtant si le blanc s'efface,<br /></span> +<span class="i0">Il n'est pas à despriser:<br /></span> +<span class="i0">Comme luy le noir se passe,<br /></span> +<span class="i0">Il a beau temporiser.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Je ne veux point mespriser,<br /></span> +<span class="i0">Ne mesdire en ma revanche:<br /></span> +<span class="i0">Mais l'ayme mieux estre blanche<br /></span> +<span class="i0">Vingt ou trente ans ensuivant<br /></span> +<span class="i0">En beauté nayve et franche,<br /></span> +<span class="i0">Que noire tout mon vivant.<br /></span> +</div></div> + +<p>Mais à quoi bon raisonner simplement sur les couleurs, lorsqu'il y a +tant d'autres beautés plus solides chez les femmes! ce serait mal +employer son temps, et abuser de la bonté de mes lectrices. Ce n'est +donc, ni de vos pieds mignons, ni de vos belles mains potelées, ni de +vos yeux brillants, ni de votre joli petit nez, ni des autres parties de +votre charmant ensemble, que je veux vous entretenir aujourd'hui. +N'appréhendez pas que je puisse vous faire rougir. Je suis de l'avis de +Marot, lorsqu'il dit:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Arrière! mots qui sonnent salement,<br /></span> +<span class="i0">Parlons aussi des membres seulement<br /></span> +<span class="i0">Que l'on peut voir, sans honte, descouverts;<br /></span> +<span class="i0">Et des honteux ne souillons point nos vers.<br /></span> +<span class="i0">Car, quel besoin est de mettre en lumière<br /></span> +<span class="i0">Ce qu'est nature à cacher coustumière?...<br /></span> +</div></div> + +<p>Ainsi, pour ne pas vous tenir plus longtemps dans l'incertitude, c'est +l'éloge des tétons que je vais faire. Le sujet est beau, il est grand, +il a exercé les génies les plus élevés. Le cavalier Marin appelle les +tétons des belles, deux tours vivantes d'albâtre, d'où l'amour blesse +les amants: il les compare à deux écueils, contre lesquels notre liberté +vient faire agréablement naufrage: il les appelle deux mondes de +beautés, éclairés par deux beaux soleils, c'est-à-dire les yeux. Un +poète français, qui n'est guères moins ingénieux que le cavalier Marin, +moins magnifique dans ses peintures, mais plus juste et plus gai, les +appelle dans une de ses chansons, deux pommes, et il ajoute:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Heureux qui peut monter sans bruit<br /></span> +<span class="i0">Sur l'arbre qui porte ce fruit!<br /></span> +</div></div> + +<p>Cyrano de Bergerac trouve mauvais que les écrivains modernes, qui +veulent peindre une beauté parfaite, emploient l'or, l'ivoire, l'azur, +le corail, les roses et les lis: il n'a pas plus raison de les tourner +en ridicule, parce qu'ils clouent les étoiles dans les yeux des belles, +et qu'ils dressent des montagnes de neige à la place de leur sein: en +effet, ces expressions pompeuses sont dignes de ces grands objets, et le +sein des femmes a des charmes encore au-dessus de ceux de leurs yeux. +C'est ce que Cotin nous démontre par des vers sur une belle gorge:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i4">Dans l'entretien délicieux<br /></span> +<span class="i0">De la charmante Iris dont je suis idolâtre,<br /></span> +<span class="i4">Va, pose, Amour, sur ses beaux yeux,<br /></span> +<span class="i0">Le voile qu'elle a mis sur sa gorge d'albâtre.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i2">Quand le printems a banni la froidure,<br /></span> +<span class="i4">On ne voit point de si beaux lis<br /></span> +<span class="i4">Aux jardins les plus embellis<br /></span> +<span class="i0">Par les soins curieux qu'apporte la nature.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Depuis que de mon cœur je fis l'heureuse perte,<br /></span> +<span class="i4">J'ai visité bien des climats,<br /></span> +<span class="i0">En dépit des chaleurs, en dépit des frimats:<br /></span> +<span class="i0">Et si je n'ai point fait de telle découverte.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i4">Pour voir un objet sans pareil,<br /></span> +<span class="i0">Il ne faut point courir sur tant de mers profondes,<br /></span> +<span class="i4">Ni voir l'un et l'autre soleil,<br /></span> +<span class="i4">Il faut voir ces deux petits mondes.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Pour rendre de mon sort tout l'univers jaloux,<br /></span> +<span class="i0">Il suffit qu'à mes yeux leur blancheur on étale;<br /></span> +<span class="i0">L'Aurore n'offrit rien à l'amoureux Céphale,<br /></span> +<span class="i4">De si charmant et de si doux.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Ah! si, sans leur déplaire, on osait les toucher,<br /></span> +<span class="i0">Et si deux belles mains n'y mettaient point d'obstacle,<br /></span> +<span class="i4">Serait-ce point, par un miracle,<br /></span> +<span class="i4">Amollir un cœur de rocher?<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i4">Dans l'entretien délicieux<br /></span> +<span class="i0">De la divine Iris, dont je suis idolâtre:<br /></span> +<span class="i0">Amour, en ma faveur, viens mettre sur ses yeux<br /></span> +<span class="i0">Le voile qu'elle a mis sur sa gorge d'albâtre.<br /></span> +</div></div> + +<p>Une belle gorge avait tant d'empire sur le cœur de Boursault, que pour +en voir une, à travers la mousseline, il devenait amoureux jusques à la +folie. C'est ce que prouvera ce beau fragment d'une lettre qu'il +écrivait à son ami Charpentier:</p> + +<p>«Je vous ai fait promettre qu'après dîner nous irions ensemble chez la +belle brune, avec qui nous jouâmes hier au logis de M<sup>me</sup> Deshoulières: je +vous dispense de me tenir parole, à moins que vous ne me donniez caution +bourgeoise pour la sûreté de ma personne. Ce n'est pas que je doive rien +appréhender pour ma liberté. Délivré de la tyrannie d'une blonde qui m'a +fait soupirer quinze ou seize mois pour rien, j'ai fait serment de ne +tomber de ma vie en de pareilles fautes; mais dans les tems de ma +première servitude, il m'est échappé tant de sermens, j'en ai tenu si +peu, que je n'ose plus me mettre au hasard de jurer de rien. Je trouvai +hier votre brune si bien faite, ses yeux me parurent si brillans, sa +bouche si petite, sa gorge, que je ne vis que par les yeux de la foi, +est, je crois, si belle, que si vous n'eussiez arraché ma vue de dessus +ses charmes, quand vous me fîtes souvenir qu'il était tems de nous en +aller, je sentais déjà ce que je sentis la première fois que je +commençai d'aimer. Mon cœur, que j'ai fait le gardien de ma franchise, +m'a joué tant de tours, que, si tantôt je vous accompagne à la visite +que vous avez dessein de rendre, je gage que j'en reviens aussi chargé +d'amour, que si on le donnait <i>pro Deo</i>.»</p> + +<p>Le même auteur, faisant à sa maîtresse le portrait d'une belle, marque +bien expressivement la victoire assurée que remporte une belle gorge sur +une âme masculine.</p> + +<p>«En vérité, Babet, dit-il, si tu ne reviens bientôt de Bagnolet, tu +cours risque de ne pas me trouver constant à ton retour. On me mena hier +au bal, où je trouvai une jeune personne qui n'a pas moins de belles +qualités que toi. Elle a les cheveux d'un blond cendré, tout-à-fait +beau, mais qui n'approche pourtant pas de la couleur des tiens. Elle a +le front grand et élevé, mais le tien l'est encore davantage. Ses +sourcils qui ne paraissent presque point, parce qu'ils sont blonds, se +montrent toutefois assez, pour faire remarquer que leur symétrie est la +plus régulière du monde. Ses yeux, qui sont aussi noirs que les tiens +sont bleus, sont si bien fendus, qu'ils ne jettent jamais un regard, +sans faire une conquête. Ils ont autant de vivacité que les tiens ont de +douceur, et ils semblent faits pour prendre de l'amour, comme les tiens +pour en donner. On voit sur ses joues une nuance de blanc et d'incarnat +si éclatante, qu'il semble qu'elle tienne des mains de l'art un présent +qui ne vient que de celles de la nature, qui a pris tant de peine après +elle, que, sans toi, qui es son chef-d'œuvre, elle serait le plus beau +de tous ses ouvrages. Son nez, qui n'est ni trop grand ni trop petit, +est justement comme il le faut, pour avoir beaucoup de ressemblance avec +le tien: sa bouche, qui n'est pas si petite que la tienne, est plus +petite qu'aucune autre que j'aie jamais vue. Elle a les lèvres si +fraîches et si vermeilles, que, depuis ton absence, je n'ai rien +envisagé de plus charmant. Ses dents sont si blanches et si bien +rangées, que je lui faisais cent contes risibles, pour avoir le plaisir +de les voir souvent. Le trou qu'elle a au menton me fait souvenir +qu'elle en a encore aux joues, ce qui donne une merveilleuse grâce au +reste de son visage. Pour sa gorge, on peut dire:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Que c'est là que l'Amour, pour lancer tous ses traits,<br /></span> +<span class="i0">Entre deux monts d'albâtre est campé tout exprès.<br /></span> +</div></div> + +<p>«Je te jure, Babet, que je n'ai jamais rien vu de si aimable; si mon +<i>galérien de cœur</i>, qui n'échappe jamais d'une chaîne que pour tomber +dans une autre, ne se contentait de la gloire de tes fers:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Ma constance ébranlée allait faire naufrage.»<br /></span> +</div></div> + +<p>N'est-ce pas la jolie gorge de Dorimène qui fait ainsi délirer +Sganarelle, lorsqu'il dit:</p> + +<p>«Où allez-vous, belle mignonne, chère épouse future de votre époux +futur? Eh bien! ma belle, c'est maintenant que nous allons être heureux +l'un et l'autre! vous ne serez plus en droit de me rien refuser; je +pourrai faire avec vous tout ce qui me plaira, sans que personne s'en +scandalise. Vous allez être à moi, depuis la tête jusqu'aux pieds, et je +serai le maître de tout! de vos petits yeux éveillés, de votre petit +nez fripon, de vos lèvres appétissantes, de votre petit menton, de vos +petits tétons rondelets, de votre, etc. Enfin toute votre personne sera +à ma discrétion, et je serai à même pour vous caresser comme je voudrai. +N'êtes-vous pas bien aise de ce mariage, mon aimable pouponne?»</p> + +<p>On croira peut-être que ce discours de Sganarelle est une gradation, et +que ce qu'il laisse en blanc, est le plus fort objet de sa passion; je +le veux bien, mais en ce cas, il a le goût un peu trop terrestre et +grossier. Tel est celui de l'auteur des vers suivants, à sa maîtresse, +sur un mal de gorge:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Il est bien peu galant de vous prendre à la gorge,<br /></span> +<span class="i2">Ce mal qui dedans vous regorge;<br /></span> +<span class="i0">C'est être à vous saisir un des plus maladroits;<br /></span> +<span class="i0">Si j'avois, comme lui, sur vous droit de m'étendre,<br /></span> +<span class="i0">Et, comme lui, le choix de ce qu'on peut vous prendre,<br /></span> +<span class="i0">Je vous saisirois bien par des meilleurs endroits.<br /></span> +</div></div> + +<p>Que dira-t-on de la pensée d'un autre auteur qui dit: l'amour ressemble +à un jeu de paume; quand une fille se laisse baiser la main, cela vaut +quinze; si elle souffre que l'on prenne un baiser sur ses lèvres, cela +vaut trente; si elle permet que ce soit sur la gorge, cela vaut +quarante-cinq: il ne faut plus qu'un coup, et le jeu est gagné.</p> + +<p>Je raconterai l'histoire suivante, parce qu'elle est vraie:</p> + +<p>«On a souvent parlé de la force du sang, mais on n'a pas aussi souvent +parlé de la gorge; quoi-qu'avec beaucoup de raison, on appelle +aujourd'hui les tétons, le <i>boute-en-train</i>. Le fait suivant prouve +admirablement leur vertu, qu'on peut nommer de résurrection, et de +résurrection de la chair. Dans la plupart des églises papistes où la +superstition était dominante, il se faisait des cérémonies tout à fait +extravagantes. La ville de... était un des plus fameux théâtres de ces +représentations de mystères ridiculement fanatiques. C'était une coutume +établie de temps immémorial, de représenter chaque année, dans la +semaine sainte, les mystères de la passion. Pour aller au solide, sans +s'amuser à la bagatelle, on ne manquait pas, le jour du vendredi saint, +d'offrir aux dévots spectateurs une scène burlesque du crucifiement du +Sauveur du monde. On choisissait pour cela un jeune homme de la ville, +auquel on faisait porter une croix fort pesante, à laquelle on +l'attachait avec des cordes au lieu de clous, et dans une nudité presque +complète. Je dis presque, parce que l'impudeur n'était pas encore +parvenue au point de dévoiler certaines parties qui doivent être +cachées. On les voila donc chez notre jeune homme avec une ceinture de +papier. Il faut remarquer que le jouvenceau était le corps du monde le +mieux formé, le plus vigoureux en apparence, et de la plus belle carrure +d'épaules. Et que la même coutume faisait choisir entre les plus belles +filles de la ville, trois tendrons qu'on aurait pris pour des Vénus, +pour représenter les trois Maries pleurantes au pied de la croix. On +n'avait pas seulement égard aux traits réguliers du visage, ni à la +finesse de la taille, on voulait qu'elles fussent encore richement +pourvues du grand mobile de la tendresse, je veux dire fournies de +tétons à l'Anglaise, que l'on laissait en pleine liberté d'émouvoir la +copie du Christ. Or, l'année où se passa le fait que je raconte, le +choix fut si bon (les prêtres se connaissent en attraits) que l'on mit +sous la croix, dans le beau désordre de la douleur, les trois filles les +plus ravissantes. On eût pris chacune d'elle pour Vénus, ou toutes trois +pour les Grâces. Elles ne furent pas plutôt sous les yeux du crucifié, +qu'elles firent miracle, je veux dire que, malgré la situation où il +était, et la majesté de son personnage, les trois Maries produisirent +l'effet le plus étonnant que puisse peindre la chronique scandaleuse. +Notre Hercule galant, posté à l'avantage, avait en perspective une +demi-douzaine de tétons capables, par leur systole et leur diastole, de +subjuguer la vertu du plus froid anachorète, ce qui occasionna un +incident très-comique et très-profane, car le crucifié, au lieu de +prononcer du haut de sa croix des paroles dignes de celui qu'il +représentait, prononça des turpitudes dignes de l'abolition éternelle +d'une cérémonie aussi indécente, et telles en un mot qu'on peut les +deviner. Enfin, n'y pouvant plus tenir, il ne put s'empêcher de crier: +«Otez donc de devant mes yeux les trois Maries, ou le papier va +crever.» Le scandale que fit naître une telle action, et des paroles qui +compromettaient à ce point la religion, firent rentrer l'archevêque en +lui-même, et lui firent comprendre qu'elles l'exposaient à la risée +publique. Il supprima donc un usage, ou plutôt un abus qui tendait +directement au mépris du culte, de manière qu'il n'en fut plus parlé +depuis<a name="FNanchor_1_1" id="FNanchor_1_1"></a><a href="#Footnote_1_1" class="fnanchor">[1]</a>.</p> + +<p>Un peintre peut venir à bout de représenter aux yeux toutes les grâces +d'un beau visage. Il échoue ordinairement, quand il essaye de peindre +une belle gorge. La Motte en pourrait être une preuve dans le portrait +suivant:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Toi, par qui ta toile s'anime.<br /></span> +<span class="i0">Peintre savant, prends ton pinceau:<br /></span> +<span class="i0">Et qu'à mes yeux ton art exprime<br /></span> +<span class="i0">Tout ce qu'ils ont vu de plus beau.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Ne m'entends-tu pas? peins Silvie:<br /></span> +<span class="i0">Mais choisis l'instant fortuné<br /></span> +<span class="i0">Où, pour le reste de ma vie,<br /></span> +<span class="i0">Mon cœur lui fut abandonné.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Au bal, en habit d'Espagnole,<br /></span> +<span class="i0">Elle ôtoit un masque jaloux,<br /></span> +<span class="i0">Plus promptement qu'un trait ne vole,<br /></span> +<span class="i0">Je fus percé de mille coups.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Peins ses yeux doux et pleins de flamme,<br /></span> +<span class="i0">D'où l'Amour me lança ses traits;<br /></span> +<span class="i0">D'où ce Dieu s'asservit mon âme,<br /></span> +<span class="i0">En un instant et pour jamais.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Peins son front plus blanc que l'ivoire.<br /></span> +<span class="i0">Siége de l'aimable candeur;<br /></span> +<span class="i0">Ce front, dont Vénus feroit gloire.<br /></span> +<span class="i0">S'il y brilloit moins de pudeur.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Poursuis, peins l'une et l'autre joue,<br /></span> +<span class="i0">La honte des roses, des lis;<br /></span> +<span class="i0">Et sa bouche où l'Amour se joue,<br /></span> +<span class="i0">Avec un éternel souris.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Peins sa gorge.... Mais non: arrête....<br /></span> +<span class="i0">Ici, ton art est surmonté;<br /></span> +<span class="i0">Ah! quelques couleurs qu'il apprête,<br /></span> +<span class="i0">Tu n'en peux rendre la beauté.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Laisse cet inutile ouvrage;<br /></span> +<span class="i0">Ah! de l'objet de mon ardeur<br /></span> +<span class="i0">Il n'est qu'une fidelle image:<br /></span> +<span class="i0">Que l'Amour grava dans mon cœur.<br /></span> +</div></div> + +<p>La pièce suivante prouve que la gorge des mortelles est digne de plus +d'amour et d'admiration que celle des déesses même, et que ces dernières +en conviennent, ce qui est plus extraordinaire encore:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Au temps de l'aimable saison,<br /></span> +<span class="i0">Iris rêvant dans la prairie,<br /></span> +<span class="i0">S'endormit sur un mol gazon<br /></span> +<span class="i0">Tapissé d'une herbe fleurie.<br /></span> +<span class="i0">Zéphire, charmé de son teint,<br /></span> +<span class="i0">Qui d'un vif incarnat se peint,<br /></span> +<span class="i0">Vint d'abord faire le folâtre,<br /></span> +<span class="i0">Autour de sa gorge d'albâtre.<br /></span> +<span class="i0">Jalouse d'un transport si doux,<br /></span> +<span class="i0">Flore gronda son infidelle,<br /></span> +<span class="i0">Et lui dit, pleine de courroux:<br /></span> +<span class="i0">Me préférer une mortelle!<br /></span> +<span class="i0">Zéphire qui se sentoit fort,<br /></span> +<span class="i0">Reparti: Voyez cette belle!<br /></span> +<span class="i0">Flore jeta les yeux sur elle,<br /></span> +<span class="i0">Et convint qu'il n'avait pas tort.<br /></span> +</div></div> + +<p>Il n'est donc plus étonnant qu'en traduisant l'inimitable Anacréon, un +de nos poëtes français ait dit:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Que ne suis-je la fleur nouvelle<br /></span> +<span class="i0">Qu'au matin Climène choisit,<br /></span> +<span class="i0">Qui sur le sein de cette belle<br /></span> +<span class="i0">Passe le seul jour qu'elle vit!<br /></span> +</div></div> + +<p>Le <i>Poëte sans fard</i> a trouvé fort bon ce souhait, et l'a développé de +cette manière:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Hélas! trop cruelle Silvie,<br /></span> +<span class="i0">Permettez au moins que j'envie<br /></span> +<span class="i0">Le beau sort de certaines fleurs<br /></span> +<span class="i0">Dont vous vous parez avec grâce,<br /></span> +<span class="i0">Et dont votre beau teint efface<br /></span> +<span class="i0">Toutes les plus vives couleurs.<br /></span> +<span class="i0">Oui: je voudrois être la rose<br /></span> +<span class="i0">Que vous placez sur votre sein.<br /></span> +<span class="i0">D'une telle métamorphose<br /></span> +<span class="i0">Quel est, direz-vous, le dessein?<br /></span> +<span class="i0">Le voici: par vos mains cueillie,<br /></span> +<span class="i0">Mon destin seroit des plus doux;<br /></span> +<span class="i0">Je n'aurois qu'un seul jour de vie,<br /></span> +<span class="i0">Mais je ne vivrois que pour vous.<br /></span> +</div></div> + +<p>Un poëte anacréontique du dix-neuvième siècle, non moins grand +admirateur de cette belle portion des charmes du sexe qui fait tourner +la tête au nôtre, exprime ainsi le même souhait, d'être changé en +rose<a name="FNanchor_2_2" id="FNanchor_2_2"></a><a href="#Footnote_2_2" class="fnanchor">[2]</a>:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">AIR: <i>Je vais quitter ce que j'adore.</i><br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Vive, de la métempsycose<br /></span> +<span class="i0">Le système consolateur,<br /></span> +<span class="i0">Par lui mon esprit se repose<br /></span> +<span class="i0">Sur un avenir enchanteur.<br /></span> +<span class="i0">Que mon être se décompose,<br /></span> +<span class="i0">L'espoir m'offre un riant tableau:<br /></span> +<span class="i0">L'Amour, sous les traits d'une rose,<br /></span> +<span class="i0">Me promet un être nouveau.<br /></span> +</div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">AIR: <i>Une fille est un oiseau.</i><br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Oh! comme je jouirais<br /></span> +<span class="i0">De cette métamorphose!<br /></span> +<span class="i0">Sur le sein d'une autre Rose<br /></span> +<span class="i0">Comme je m'étalerais!<br /></span> +<span class="i0">Centuplant pour plaire à Rose,<br /></span> +<span class="i0">De mes doux parfums la dose,<br /></span> +<span class="i0">Avec plaisir je m'expose,<br /></span> +<span class="i0">A mourir sur ses attraits:<br /></span> +<span class="i0">Mourir!... oui; mais je suppose<br /></span> +<span class="i0">Que je puis d'une autre chose<br /></span> +<span class="i0">Prendre encor la forme après. (<i>bis</i>.)<br /></span> +</div></div> + +<p>Le plaisant et érotique Le Pays, dans la lettre suivante adressée à sa +Caliste, souhaite aussi de mourir sur son sein:</p> + +<p>«Quand je sortis hier de chez vous, j'en sortis avec une bonne +résolution de m'aller tuer, afin d'avoir l'honneur de vous plaire une +fois en ma vie, et de vous défaire pour jamais d'une personne +incommode; mais jusques ici je n'ai pas exécuté mon dessein, à cause de +l'embarras où je me suis trouvé à choisir un genre de mort. J'eus +d'abord envie d'imiter feu Céladon, d'amoureuse mémoire, et de m'aller +précipiter dans la rivière; mais j'eus peur que l'eau ne me rejetât sur +les bords, aussi bien que lui, et que je ne fusse recueilli par quelques +nymphes pitoyables qui, malgré moi, me sauvassent la vie. Il me prit +aussi fantaisie de m'aller pendre à votre porte, à l'imitation du +pendart Iphis; mais je m'imaginai que ce seroit vous déshonorer que de +faire un gibet de votre porte; outre que c'est un genre de mort pour +lequel j'ai eu de l'aversion dès le temps que j'étois petit enfant. Je +pensai aussi à m'empoisonner, mais je crus que du poison ne seroit pas +capable de m'ôter la vie, non plus qu'à Mithridate, à cause de la grande +habitude que j'en ai faite. N'étant pas mort depuis si longtemps que je +me nourris de crainte, de chagrin, d'inquiétude et de désespoir, qui +sont les poisons du monde les plus violents, apparemment je ne pourrois +pas mourir pour prendre de l'arsenic ou de l'antimoine. Je n'oubliai pas +aussi qu'un poignard mis dans le sein étoit un bon expédient pour +mourir: mais je crus que je ne devois pas choisir ce genre de mort +qu'avoit choisi une femme qui mourut de regret d'avoir fait une chose +que je meurs de regret de ne pouvoir faire. Mon désespoir est trop +différent de celui de Lucrèce, pour ne pas mourir d'une mort +différente. Enfin, Caliste, j'ai passé la nuit à chercher sans pouvoir +trouver la mort dont je devois mourir. Au reste, ne croyez pas que ce +soit la mort qui m'étonne, ce n'est que la manière de mourir qui +m'inquiète: car, pour vous dire le vrai, après avoir vécu avec tant de +chagrin, je voudrois bien mourir d'une mort qui me donnât un peu de +plaisir. Je viens de penser à une qui seroit très-bien mon affaire: ce +seroit, Caliste, de mourir entre vos bras, <i>pâmé sur votre sein</i>. Je +sens bien en mon cœur que je n'ai pas d'horreur pour cette mort comme +pour se noyer, s'empoisonner, se pendre ou se poignarder. Obligez-moi +donc en me laissant mourir de cette sorte; car, puisqu'enfin vous voulez +que je meure, que vous importe que ce soit de douleur ou de plaisir?»</p> + +<p>Je serais tenté de croire qu'il y a, dans le charme attaché à une belle +gorge, un talisman, de la magie et de l'enchantement; ce qui pourtant +détruit cette idée, c'est le sonnet suivant, adressé à des belles qui +demandaient un secret, un sortilége et des paroles magiques pour se +faire aimer:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Pourquoi me demander la ruse criminelle<br /></span> +<span class="i0">Par quoi l'art des démons met les cœurs dans les fers?<br /></span> +<span class="i0">Vous, de qui la magie est blanche et naturelle,<br /></span> +<span class="i0">Et fait qu'à vos appas tant de vœux sont offerts.<br /></span> +<span class="i0">Par vos charmes vainqueurs l'esprit le plus rebelle<br /></span> +<span class="i0">Rend grâces à l'amour des maux qu'il a soufferts,<br /></span> +<span class="i0">La flamme de vos yeux est trop pure et trop belle<br /></span> +<span class="i0">Pour unir sa puissance à celle des enfers<br /></span> +<span class="i0">Ce beau sein qui fait naître et vos lis et vos roses<br /></span> +<span class="i0">Forme un enchantement de tant de belles choses,<br /></span> +<span class="i0">Que leur force invincible a droit de tout charmer<br /></span> +<span class="i0">Mais pour vous mieux servir de leur pouvoir extrême,<br /></span> +<span class="i0">Ajoutez seulement ces trois mots: <i>je vous aime</i>;<br /></span> +<span class="i0">Qui pourrait s'empêcher alors de vous aimer?<br /></span> +</div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">LES DEUX SAINTS.</span></div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">AIR: <i>La Fête des bonnes gens.</i><br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i2">Qu'en ce jour tout résonne,<br /></span> +<span class="i0">Des chants dictés par nos cœurs.<br /></span> +<span class="i2">Dérobons à l'automne<br /></span> +<span class="i0">Ce qui lui reste de fleurs;<br /></span> +<span class="i0">Pour les belles, qu'on apprête<br /></span> +<span class="i0">Des bouquets et des refrains;<br /></span> +<span class="i2">C'est aujourd'hui la fête,<br /></span> +<span class="i0">La fête de tous les saints.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i2">Tous les saints, ah! Glycère,<br /></span> +<span class="i0">C'est beaucoup pour un seul jour;<br /></span> +<span class="i2">Toi, qui n'adore guère<br /></span> +<span class="i0">Que le plaisir et l'Amour,<br /></span> +<span class="i0">Deux patrons, c'est bien honnête;<br /></span> +<span class="i0">Comme toi, je me restreins.<br /></span> +<span class="i0">Et désormais je ne fête,<br /></span> +<span class="i0">Ne fête que tes deux saints.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i2">Ces deux saints que je chante<br /></span> +<span class="i0">N'ont que des dehors flatteurs,<br /></span> +<span class="i2">Et chacun d'eux m'enchante<br /></span> +<span class="i0">Par de riantes couleurs.<br /></span> +<span class="i0">Leur parure se compose<br /></span> +<span class="i0">Du plus brillant des satins,<br /></span> +<span class="i0">Ce sont deux boutons de rose<br /></span> +<span class="i0">Qui couronnent tes deux saints.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i2">Longtemps sans les connaître.<br /></span> +<span class="i0">Je ressentis leur pouvoir;<br /></span> +<span class="i2">Il t'en souvient peut-être,<br /></span> +<span class="i0">C'est toi qui me les fis voir.<br /></span> +<span class="i0">A ce spectacle sensible,<br /></span> +<span class="i0">Vers eux j'étendis les mains<br /></span> +<span class="i0">Non, non, il n'est pas possible<br /></span> +<span class="i0">De voir de plus jolis saints.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i2">Quoiqu'ils soient, ma Glycère,<br /></span> +<span class="i0">Presqu'aussi durs qu'un rocher,<br /></span> +<span class="i2">Parfois à ma prière<br /></span> +<span class="i0">Ils se sont laissé toucher;<br /></span> +<span class="i0">Jaloux de les voir encore,<br /></span> +<span class="i0">Je donnerais, je le dis,<br /></span> +<span class="i0">Pour ces deux saints que j'adore,<br /></span> +<span class="i0">Tous les saints du Paradis.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i6">FÉLIX.<br /></span> +</div></div> +<div class="center"> + <img src="images/028.png" + alt="image" title="image" /> +</div> + +<hr style="width: 65%;" /> +<div class="center"> + <img src="images/030.png" + alt="image" title="image" /> +</div> +<h2><a name="CHAPITRE_II" id="CHAPITRE_II"></a><a href="#table">CHAPITRE II.</a></h2> + +<h3>DES BEAUX TÉTONS.</h3> + + +<p>Avant de déterminer la forme et les qualités qui rendent une gorge +parfaite, examinons en quoi consiste la beauté d'une femme. Il faut, +dit-on, qu'elle réunisse les trente points suivants:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">La jeunesse.<br /></span> +<span class="i0">Taille ni trop grande ni trop petite.<br /></span> +<span class="i0">N'être ni trop grasse ni trop maigre.<br /></span> +<span class="i0">La symétrie et la proportion de toutes les parties.<br /></span> +<span class="i0">De beaux cheveux longs et déliés.<br /></span> +<span class="i0">La peau délicate et polie.<br /></span> +<span class="i0">Blancheur vive et vermeille.<br /></span> +<span class="i0">Un front uni.<br /></span> +<span class="i0">Les tempes non enfoncées.<br /></span> +<span class="i0">Des sourcils comme deux lignes.<br /></span> +<span class="i0">L'œil bleu, à fleur de tête; et le regard doux.<br /></span> +<span class="i0">Le nez un peu long.<br /></span> +<span class="i0">Des joues un peu arrondies, avec une petite fossette.<br /></span> +<span class="i0">Le rire gracieux.<br /></span> +<span class="i0">Deux lèvres de corail.<br /></span> +<span class="i0">Une petite bouche.<br /></span> +<span class="i0">Dents blanches et bien rangées.<br /></span> +<span class="i0">Le menton un peu rond et charnu, avec une fossette au bout.<br /></span> +<span class="i0">Les oreilles petites, vermeilles et bien jointes à la tête.<br /></span> +<span class="i0">Un cou d'ivoire.<br /></span> +<span class="i0">Un sein d'<i>albâtre</i>.<br /></span> +<span class="i0"><i>Deux boules de neige.</i><br /></span> +<span class="i0">Une main blanche, longue et potelée.<br /></span> +<span class="i0">Les doigts terminés en pyramides.<br /></span> +<span class="i0">Des ongles de nacres, de perle, tournés en ovale.<br /></span> +<span class="i0">L'haleine douce.<br /></span> +<span class="i0">La voix agréable.<br /></span> +<span class="i0">Le geste libre et sans affectation.<br /></span> +<span class="i0">Le corsage délié.<br /></span> +<span class="i0">La démarche modeste.<br /></span> +</div></div> + +<p>On a dit qu'Hélène réunissait ces trente points. <i>Franciscus Corniger</i> +les a mis en dix-huit vers latins. Vincentio Calmeta les a aussi mis en +vers italiens qui commencent par <i>Dolce Flaminia</i>.</p> + +<p>Voici ceux de François Corniger:</p> + + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">MULIERIS PULCHRITUDO.</span></div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0"><i>Triginta hæc habeat, quæ vult formosa videri</i><br /></span> +<span class="i2"><i>Foemina: sic Helenam fama fuisse refert.</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Alba tria, et totidem nigra; et tria rubra; puellæ.</i><br /></span> +<span class="i2"><i>Tres habeat longas res, totidemque breves.</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Tres crassas, totidem graciles, tria stricta, tot ampla,</i><br /></span> +<span class="i2"><i>Sint itidem huic formæ, sint quoque parva tria.</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Alba cutis, nivei dentes albique capilli:</i><br /></span> +<span class="i2"><i>Nigri oculi, cunnus, nigra supercilia.</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Labra, genæ, atque ungues rubri. Sit corpore longo,</i><br /></span> +<span class="i2"><i>Et longi crines, sit quoque longa manus.</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Sintque breves dentes; auris, pes. Pectora lata,</i><br /></span> +<span class="i2"><i>Et clunes, distent ipsa supercilia.</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Cunnus et os strictam, stringunt ubi cingula stricta,</i><br /></span> +<span class="i2"><i>Sint coxæ et culus, vulvaque turgidula.</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Subtiles digiti, crines et labra puellis.</i><br /></span> +<span class="i2"><i>Parvus sit nasus, parva mamilla, caput.</i><br /></span> +</div></div> + +<p>En voici la traduction, que rapporte un vieux livre français intitulé: +<i>De la louange et beauté des Dames</i>.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Trois choses blanches: la peau, les dents et les mains.<br /></span> +<span class="i0">Trois noires: les yeux, les sourcils et les paupières.<br /></span> +<span class="i0">Trois rouges: les lèvres, les joues et les ongles.<br /></span> +<span class="i0">Trois longues: le corps, les cheveux et les mains.<br /></span> +<span class="i0">Trois courtes: les dents, les oreilles et les pieds.<br /></span> +<span class="i0">Trois larges: la poitrine ou le sein, le front et l'entre-sourcil.<br /></span> +<span class="i0">Trois estroites: la bouche, <i>l'une et l'autre</i>, la ceinture ou la taille et l'entrée du pied.<br /></span> +<span class="i0">Trois grosses: le bras, la cuisse et le gros de la jambe.<br /></span> +<span class="i0">Trois déliées: les doigts, les cheveux et les lèvres.<br /></span> +<span class="i0">Trois petites: les tétins, le nez et la teste.<br /></span> +</div></div> + +<p>L'auteur du <i>Procès et amples examinations sur la vie de +Carême-Prenant</i>, etc., dit qu'une belle femme se compose des beautés de +divers pays.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Qui voudra belle femme querre (chercher),<br /></span> +<span class="i0">Prenne visage d'Angleterre,<br /></span> +<span class="i0">Ayant le corps d'une Flamande<br /></span> +<span class="i0">Et les tetins d'une Normande,<br /></span> +<span class="i0">Entés sur un cul de Paris,<br /></span> +<span class="i0">Il aura femme de bon prix.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0"><br /></span> +</div> +<div class="stanza"> +<span class="i0">Celle qui a les bras charnus,<br /></span> +<span class="i0">Grosse mammelle, nez camus,<br /></span> +<span class="i0">Longue raison et courtes mains,<br /></span> +<span class="i0">Elle est sujette au bas des reins.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0"><br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Fille qui fait tetins paroir (paraître)<br /></span> +<span class="i0">Son corps par étroite vêture<br /></span> +<span class="i0">On se peut bien apercevoir<br /></span> +<span class="i0">Que son c.. demande pâture.<br /></span> +</div></div> + +<p>Les trois quatrains ci-dessus sont tirés du <i>Momus Redivivus</i>, t. II, p. +30 et 31, publié par Mercier de Compiègne, qui, lui-même, les a pris +dans l'ouvrage cité plus haut.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">BLASON DE LA BELLE FILLE.</span></div></div> + + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Une dame d'excellente beauté<br /></span> +<span class="i0">En tous ses faits doit estre modérée,<br /></span> +<span class="i0">Avoir le cœur rempli de loyauté,<br /></span> +<span class="i0">Maintien rassis, contenance assurée;<br /></span> +<span class="i0">Bouche riant, mignonne, savourée,<br /></span> +<span class="i0">Œil verdelet, le front largettement,<br /></span> +<span class="i0">Clere de vis<a name="FNanchor_3_3" id="FNanchor_3_3"></a><a href="#Footnote_3_3" class="fnanchor">[3]</a>, de couleur proprement.<br /></span> +<span class="i0">Menton fourchu, la chevelure blonde.<br /></span> +<span class="i0">Humble regard à lever doucement,<br /></span> +<span class="i0">Parfaite en bien seroit la plus du monde.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Ferme tetin sur l'estomac planté,<br /></span> +<span class="i0">Large entre-deux, rencontre relevée<br /></span> +<span class="i0">Gorge plaisante, et le col long, santé,<br /></span> +<span class="i0">Le nez traitiz<a name="FNanchor_4_4" id="FNanchor_4_4"></a><a href="#Footnote_4_4" class="fnanchor">[4]</a>, sourcille déliée,<br /></span> +<span class="i0">Mollette main, blanche, bien alliée<br /></span> +<span class="i0">De doigts et bras gresle tant seulement,<br /></span> +<span class="i0">Gente de corps, taillée adroitement.<br /></span> +<span class="i0">Hauteur moyenne et de belle faconde,<br /></span> +<span class="i0">Gorriere<a name="FNanchor_5_5" id="FNanchor_5_5"></a><a href="#Footnote_5_5" class="fnanchor">[5]</a> un peu, parler courtoyement,<br /></span> +<span class="i0">Parfaite en bien seroit la plus du monde.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Parmy les rains bien fournis à planté,<br /></span> +<span class="i0">Grosse cuisse et devant haut enc...ée,<br /></span> +<span class="i0">Motte à plein poing, sans être trop hantée,<br /></span> +<span class="i0">De doux accueil et de rebelle entrée,<br /></span> +<span class="i0">Le ventre épais, barbe de frais rasée,<br /></span> +<span class="i0">Tenir l'escu au besoing droitement,<br /></span> +<span class="i0">Et son bourdon serrer estroitement,<br /></span> +<span class="i0">Je ne m'enquiers du trop ou peu profonde,<br /></span> +<span class="i0">Le compagnon porter joyeusement<br /></span> +<span class="i0">Parfaite en bien seroit la plus du monde.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0"><br /></span> +<span class="i0"><br /></span> +<span class="i0"><br /></span> +</div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">ENVOY.</span></div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Prince gentil, pour vostre esbatement<br /></span> +<span class="i0">Si vous trouvez un tel appointement<br /></span> +<span class="i0">Au petit pied, jambe grossette et ronde,<br /></span> +<span class="i0">Montez dessus et picquez hardiment,<br /></span> +<span class="i0">Parfaite en bien seroit le plus du monde.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">PIERRE DANCRE<br /></span> +</div></div> + + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">ÉPIGRAMME PAR LE SIEUR MOTIN.</span></div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Si les esprits sont amusez<br /></span> +<span class="i0">A joüer aux Champs Elisez,<br /></span> +<span class="i0">Quand ils veulent jouer aux quilles,<br /></span> +<span class="i0">Les boules sont tetins de filles.<br /></span> +<span class="i0">Il est bien vray qu'en cet esbat<br /></span> +<span class="i0">La boule les quilles abbat,<br /></span> +<span class="i0">Mais icy c'est une autre affaire,<br /></span> +<span class="i0">Car aux quilles vient le contraire,<br /></span> +<span class="i0">Puisqu'au lieu de les renverser<br /></span> +<span class="i0">Les tetins les font redresser.<br /></span> +</div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">CHANSON.</span></div></div> +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">J'ayme une fille de village,<br /></span> +<span class="i0">De qui le gros sein pommelé<br /></span> +<span class="i0">Monstre qu'elle tient recelé<br /></span> +<span class="i0">Sous sa cotte un gros pucelage.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Aussi est-ce à elle qu'on baille<br /></span> +<span class="i0">De son village tout l'honneur,<br /></span> +<span class="i0">Capable d'allumer un cœur<br /></span> +<span class="i0">D'une autre flamme que de paille.<br /></span> +</div></div> + +<p>Le plus galant des troubadours français, le célèbre Marot, nous instruit +particulièrement de la beauté des tétons dans l'épigramme suivante:</p> + + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">SUR LE BEAU TETIN.</span></div></div> +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Tetin refait, plus blanc qu'un œuf,<br /></span> +<span class="i0">Tetin de satin blanc tout neuf,<br /></span> +<span class="i0">Tetin qui fait honte à la rose,<br /></span> +<span class="i0">Tetin plus beau que nulle chose,<br /></span> +<span class="i0">Tetin dur (non pas tetin, voire,<br /></span> +<span class="i0">Mais petite boule d'yvoire)<br /></span> +<span class="i0">Au milieu duquel est assise<br /></span> +<span class="i0">Une frèze, ou une cerise,<br /></span> +<span class="i0">Que nul ne void ne touche aussi;<br /></span> +<span class="i0">Mais je gage qu'il est ainsi,<br /></span> +<span class="i0">Tetin donc au petit bout rouge,<br /></span> +<span class="i0">Tetin qui jamais ne se bouge,<br /></span> +<span class="i0">Soit pour venir, soit pour aller,<br /></span> +<span class="i0">Soit pour courir, soit pour baller,<br /></span> +<span class="i0">Tetin gauche, tetin mignon,<br /></span> +<span class="i0">Tousjours loing de son compagnon,<br /></span> +<span class="i0">Tetin qui portes tesmoignage<br /></span> +<span class="i0">Du demeurant du personnage.<br /></span> +<span class="i0">Quand on te void il vient à maints<br /></span> +<span class="i0">Une envie dedans les mains<br /></span> +<span class="i0">De te taster, de te tenir:<br /></span> +<span class="i0">Mais il se faut bien contenir<br /></span> +<span class="i0">D'en approcher, bon gré ma vie,<br /></span> +<span class="i0">Car il viendroit une autre envie.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">O tetin ne grand, ne petit,<br /></span> +<span class="i0">Tetin meur, tetin d'appétit,<br /></span> +<span class="i0">Tetin qui nuict et jour criez,<br /></span> +<span class="i0">Mariez moy tost mariez.<br /></span> +<span class="i0">Tetin qui t'enfles et repousses<br /></span> +<span class="i0">Ton gorgias de deux bons pousses,<br /></span> +<span class="i0">A bon droit heureux on dira<br /></span> +<span class="i0">Celui qui de laict t'emplira<br /></span> +<span class="i0">Faisant d'un tetin de pucelle,<br /></span> +<span class="i0">Tetin de femme entière et belle.<br /></span> +</div></div> + +<p>Nous croyons faire plaisir au lecteur en mettant à la suite de la pièce +de Marot celle de Guichard, qui lui sert de réponse.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">LES TÉTONS.—À CLÉMENT MAROT.</span></div></div> +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Sur les tétons, Marot, je pense comme vous:<br /></span> +<span class="i2">C'est l'ornement, le trésor d'une belle.<br /></span> +<span class="i2">A des tétons qui peut être rebelle?<br /></span> +<span class="i4">L'œil ne peut voir rien de plus doux.<br /></span> +<span class="i0">Bienheureuse la main qui les tient à son aise!<br /></span> +<span class="i0">Et plus heureuse encor la bouche qui les baise!<br /></span> +<span class="i2">Hélas! pourquoi gêner leur liberté?<br /></span> +<span class="i4">Nul ajustement ne les pare<br /></span> +<span class="i4">Comme l'entière nudité.<br /></span> +<span class="i0">Ce qu'il faut d'embonpoint, leur élasticité,<br /></span> +<span class="i4">L'intervalle qui les sépare,<br /></span> +<span class="i2">Ce poli du satin, cette aimable rondeur,<br /></span> +<span class="i0">Du bouton incarnat de la rose naissante,<br /></span> +<span class="i0">Ce bouton surpassant la forme et la couleur,<br /></span> +<span class="i0">Ce transparent tissu de neige éblouissante,<br /></span> +<span class="i0">Et l'azur qui dessous se divise et serpente.<br /></span> +<span class="i4">Tout est vu, pressé, dévoré,<br /></span> +<span class="i0">Le BEAU TETIN, par vous gentiment célébré<br /></span> +<span class="i0">Valoit-il les tétons pour lesquels je soupire?<br /></span> +<span class="i0">Mon cher Marot, eh quoi! ces tétons pleins d'appas<br /></span> +<span class="i2">Ne vous font point revoler ici-bas!<br /></span> +<span class="i2">J'en remettrois la gloire à votre lyre.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">O de tous les tétons, tétons victorieux,<br /></span> +<span class="i0">Chef-d'œuvre de l'amour, tétons.... tétons des Dieux!<br /></span> +<span class="i0">Foible mortel, renonce à chanter leur empire;<br /></span> +<span class="i0">Tout l'Olympe assemblé n'y pourroit pas suffire;<br /></span> +<span class="i0">Et, ce qui fait leur prix, ce qui fait mon bonheur,<br /></span> +<span class="i0">Auprès de ces tétons je sens.... je sens un cœur.<br /></span> +</div></div> + +<p>Benserade a rivalisé avec Marot dans l'apothéose des beaux tétons; car +quel poëte ne les a pas chantés! et voici la belle définition qu'il en +donne dans un sonnet:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Beau sein déjà presque rempli,<br /></span> +<span class="i0">Bien qu'il ne commence qu'à poindre,<br /></span> +<span class="i0">Tétons qui ne font pas un pli,<br /></span> +<span class="i0">Et qui n'ont garde de se joindre.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">De jeunesse ouvrage accompli,<br /></span> +<span class="i0">Que de fard il ne faut pas oindre;<br /></span> +<span class="i0">Si l'un est rond, dur et poli,<br /></span> +<span class="i0">L'autre l'égale et n'est pas moindre.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Sein par qui les dieux sont tentés,<br /></span> +<span class="i0">Digne échantillon de beautés,<br /></span> +<span class="i0">Que le jour n'a point regardées;<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Il garantit ce qu'il promet,<br /></span> +<span class="i0">Et remplit toutes les idées<br /></span> +<span class="i0">Du paradis du Mahomet<br /></span> +</div></div> + +<p>La blancheur, la rondeur et la fermeté sont donc trois qualités +essentiellement requises pour mériter aux tétons le nom de beaux. Marot, +qui était connaisseur dans cette sorte de friandise, les aimait ronds, +comme on le voit dans ces vers, qui renferment des conseils sur le choix +d'une maîtresse.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Quand vous voudrez faire une amie,<br /></span> +<span class="i0">Prenez-la de belle grandeur:<br /></span> +<span class="i0">En son esprit non endormie,<br /></span> +<span class="i0">Et son tetin bonne rondeur.<br /></span> +<span class="i4">Douceur<br /></span> +<span class="i4">En cœur,<br /></span> +<span class="i4">Langage<br /></span> +<span class="i4">Bien sage,<br /></span> +<span class="i0">Dansant, chantant par bons accords,<br /></span> +<span class="i0">Et ferme de cœur et de corps.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Si vous la prenez trop jeunette,<br /></span> +<span class="i0">Vous en aurez peu d'entretien;<br /></span> +<span class="i0">Pour durer, prenez-la brunette,<br /></span> +<span class="i0">En bon poinct d'asseuré maintien:<br /></span> +<span class="i4">Tel bien<br /></span> +<span class="i4">Vaut bien<br /></span> +<span class="i4">Qu'on fasse<br /></span> +<span class="i4">La chasse<br /></span> +<span class="i0">Du plaisant gibier amoureux:<br /></span> +<span class="i0">Qui prend telle proye est heureux.<br /></span> +</div></div> + +<p>Marot le prouve encore par ce rondeau:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Toutes les nuicts, je ne pense qu'en celle<br /></span> +<span class="i0">Qui a le corps plus gent qu'une pucelle<br /></span> +<span class="i0">De quatorze ans, sur le point d'enrager,<br /></span> +<span class="i0">Et au dedans un cœur, pour abbréger,<br /></span> +<span class="i0">Autant joyeux qu'eut onques demoiselle.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Elle a beau teint, un parler de bon zèle,<br /></span> +<span class="i0">Et le tetin rond comme une groiselle,<br /></span> +<span class="i0">N'ay-je donq pas bien cause de songer<br /></span> +<span class="i6">Toutes les nuicts?<br /></span> +<span class="i0">Touchant son cœur, je l'ay dans ma cordelle,<br /></span> +<span class="i0">Et son mary n'a, sinon le corps d'elle;<br /></span> +<span class="i0">Mais toutefois, quand il voudra changer,<br /></span> +<span class="i0">Prenne le cœur, et pour le soulager,<br /></span> +<span class="i0">J'auray pour moi le gent corps de la belle<br /></span> +<span class="i6">Toutes les nuicts.<br /></span> +</div></div> + +<p>Bois-Robert, né à Caen, en 1592, a aussi chanté le sein dans les stances +suivantes:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Beau sein, belles bouches d'yvoire,<br /></span> +<span class="i0">Vivants objects de ma memoire,<br /></span> +<span class="i0">Cheres delices de mes jours,<br /></span> +<span class="i0">Qui dedans vos rondes espaces<br /></span> +<span class="i0">Cachez la demeure des Graces<br /></span> +<span class="i0">Et la retraicte des Amours.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Gorge de lys, pommes d'albatre<br /></span> +<span class="i0">De qui mon œil est idolatre,<br /></span> +<span class="i0">Source des amoureux desirs.<br /></span> +<span class="i0">Parfait assemblage de charmes,<br /></span> +<span class="i0">Digne sujet de tant de larmes,<br /></span> +<span class="i0">De tant de vers et de soupirs:<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Objects d'eternelle allegresse,<br /></span> +<span class="i0">Petits messagers de jeunesse,<br /></span> +<span class="i0">Petits gemeaux ambitieux,<br /></span> +<span class="i0">Qui desja pour vous trop cognestre<br /></span> +<span class="i0">Ne faisant encor que de naistre,<br /></span> +<span class="i0">Vous enflez d'orgueil à nos yeux.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0"><br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Plus heureux qui pour vous soupire;<br /></span> +<span class="i0">Le mal qu'il se plaist d'endurer:<br /></span> +<span class="i0">Mais, ô merveille que j'adore,<br /></span> +<span class="i0">Je tiens bien plus heureux encore<br /></span> +<span class="i0">Celuy qui vous fait souspirer.<br /></span> +</div></div> + +<p>Charles Cotin nous fait voir dans le sonnet suivant <i>sur les tétons</i>, +qu'ils doivent être fermes, ronds, et bien écartés l'un de l'autre.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Tandis que deux voisins sans se joindre véquirent,<br /></span> +<span class="i0">Tous deux également de tous furent aimez;<br /></span> +<span class="i0">Tous deux enflez d'orgueil et de grace animez.<br /></span> +<span class="i0">Partagèrent entr'eux l'honneur qu'ils acquirent;<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Tous deux avoient quinze ans à l'âge qu'ils naquirent;<br /></span> +<span class="i0">Tous deux sur même moule ils paraissoient formez;<br /></span> +<span class="i0">L'un l'autre ils se fuyoient de dépit enflammez,<br /></span> +<span class="i0">L'un à l'autre enviant les conquêtes qu'ils firent.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Bien qu'un prince passât, ils ne s'ébranloient point;<br /></span> +<span class="i0">Mais enfin leur orgueil s'enfla jusqu'à ce point,<br /></span> +<span class="i0">Que leur triste union commença de paroître.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Ils se baisèrent tant, qu'ils en firent pitié;<br /></span> +<span class="i0">L'amour de tous naquit de leur inimitié,<br /></span> +<span class="i0">Et de leur union le mépris vint à naître.<br /></span> +</div></div> + +<p>M. Le Pays paraît être du même goût, quand il dit à son Iris, dans le +portrait qu'il fait d'elle:</p> + +<p>«Votre gorge semble avoir été faite au tour; et l'on peut dire que c'est +une beauté achevée. Votre sein est digne de votre gorge; il est blanc, +gras et potelé. Les deux petits globes qui le composent ne sont éloignez +que de deux doigts, et cependant je suis assuré que de leur vie ils ne +se sont baisez, quoi qu'ils soient frères, et qu'ils deussent bien +s'aimer, si la ressemblance fait l'amitié.»</p> + +<p>L'auteur de la chanson picarde, qui commence par ces mots: <i>Ton himeur +est, Catherene</i>, les aimait aussi avec cette qualité; il fait dire à +l'amant:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Pour ta bouche elle est plus rouge<br /></span> +<span class="i0">Que n'est la creste d'un cocq;<br /></span> +<span class="i0">Et ta gorge qui ne bouge,<br /></span> +<span class="i0">Paroit plus ferme qu'un roc.<br /></span> +</div></div> + +<p>Une belle gorge étant la meilleure recommandation que puisse avoir une +femme, elle ne saurait trop la voiler pour la garantir du hâle; car il +en est peu de privilégiées aujourd'hui à qui l'on puisse adresser ce +madrigal:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">On a beau dire, Iris, pour louer votre teint,<br /></span> +<span class="i4">Que sa blancheur est sans seconde:<br /></span> +<span class="i0">Pour moi qui ne dis rien de flatteur ni de feint,<br /></span> +<span class="i0">Je soutiens qu'il en est une plus grande au monde.<br /></span> +<span class="i4">N'en déplaise à la vanité<br /></span> +<span class="i4">De votre superbe visage;<br /></span> +<span class="i0">Vos tétons, belle Iris, en bonne vérité,<br /></span> +<span class="i0">Voudroient-ils en blancheur lui céder l'avantage?<br /></span> +</div></div> + +<p><i>La Puce de M<sup>me</sup> des Roches</i>, Paris, 1583, in-4<sup>o</sup>; 1610, in-8<sup>o</sup>. +Réimprimé, 1868, Paris, Jouaust, petit in-8<sup>o</sup>.</p> + +<p>On sait quelle fut l'origine de ce recueil. La haute société de Poitiers +s'honorait alors de deux dames appartenant à la race des <i>Précieuses</i>, +de Molière, c'étaient M<sup>me</sup> des Roches et sa fille Catherine. Poëtes +elles-mêmes, mais dans une mesure très-restreinte, elles réunissaient +autour d'elles une société de beaux esprits. Les Grands-Jours, tenus à +Poitiers en 1579, amenèrent autour de ces dames tous les magistrats que +cette solennité avait appelés dans cette ville. Un jour, Étienne +Pasquier aperçut une puce qui s'était «parquée au beau milieu du sein» +de M<sup>lle</sup> des Roches; il fit remarquer la témérité de l'animal; il +s'ensuivit quelques propos badins; l'incident provoqua d'abord l'échange +de deux pièces de vers entre Pasquier et M<sup>lle</sup> des Roches; les savants +magistrats, prenant fait et cause, se mirent à célébrer la puce en +français, en latin, en espagnol, en grec même. Pasquier recueillit ces +divers morceaux; de là vint le volume qui devait avoir pour titre: <i>la +Puce de M<sup>lle</sup> des Roches</i>, car ce ne fut pas madame sa mère qui fut +l'héroïne de l'aventure. L'uniformité du sujet donne à ces compositions +une teinte de monotonie, mais la forme en est toujours agréable, et on y +trouve de gracieux détails. L'éditeur de 1868 a suivi le texte de +l'édition de 1610, en notant les principales variantes (les préfaces des +deux éditions sont tout à fait différentes); il s'est borné à reproduire +les pièces françaises.</p> + +<p>Nous nous contenterons de citer la pièce ci-dessous, d'Étienne Pasquier. +Elle résume à elle seule tout ce que les autres poëtes en ont pu dire.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">LA PUCE.</span></div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Ainsi que dedans le pré,<br /></span> +<span class="i0">D'un vert émail diapré,<br /></span> +<span class="i0">On voit que la blonde avette<br /></span> +<span class="i0">Sur les belles fleurs volette,<br /></span> +<span class="i0">Pillant la manne du ciel,<br /></span> +<span class="i0">Dont elle forme son miel;<br /></span> +<span class="i0">Ainsi, petite pucette,<br /></span> +<span class="i0">Ainsi, puce pucelette,<br /></span> +<span class="i2">Tu voles à tâton<br /></span> +<span class="i0">Sur l'un et l'autre téton;<br /></span> +<span class="i0">Or, ayant pris ta posture,<br /></span> +<span class="i0">Tu t'en viens à l'aventure.<br /></span> +<span class="i0">Soudain après héberger<br /></span> +<span class="i0">Au milieu d'un beau verger,<br /></span> +<span class="i0">Paradis qui me réveille,<br /></span> +<span class="i0">Lorsque plus elle sommeille:<br /></span> +<span class="i0">Là, prenant ton bel ébat,<br /></span> +<span class="i0">Tu lui livres un combat,<br /></span> +<span class="i0">Combat qui aussi l'éveille,<br /></span> +<span class="i0">Lorsque plus elle sommeille.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Je ne veux ni du taureau,<br /></span> +<span class="i0">Ni du cygne, blanc oiseau,<br /></span> +<span class="i0">Ni d'Amphytrion la forme,<br /></span> +<span class="i0">Ni qu'en pluye on me transforme.<br /></span> +<span class="i0">Puisque ma dame se paist<br /></span> +<span class="i0">Sans plus de ce qui te plaist,<br /></span> +<span class="i0">Plust or à Dieu que je pusse<br /></span> +<span class="i0">Seulement devenir puce!<br /></span> +<span class="i0">Tantost je prendrois mon vol<br /></span> +<span class="i0">Tout au plus haut de ton col,<br /></span> +<span class="i0">Ou, d'une douce rapine,<br /></span> +<span class="i0">Je sucerois ta poitrine,<br /></span> +<span class="i0">Ou lentement, pas à pas,<br /></span> +<span class="i0">Je me glisserois plus bas,<br /></span> +<span class="i0">Et d'un muselin folastre,<br /></span> +<span class="i0">Je serois puce idolastre,<br /></span> +<span class="i0">Pinçottant je ne sçais quoi,<br /></span> +<span class="i0">Que j'aime trop plus que moi!<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Mais las! malheureux poëte!<br /></span> +<span class="i0">Qu'est-ce qu'en vain je souhaite?<br /></span> +<span class="i0">Cet échange affiert à ceux<br /></span> +<span class="i0">Qui font leur séjour aux cieux.<br /></span> +<span class="i0">Et partant, puce pucette,<br /></span> +<span class="i0">Partant, puce pucelette,<br /></span> +<span class="i0">Petite puce, je veux<br /></span> +<span class="i0">Adresser vers toi mes vœux.<br /></span> +<span class="i0">Si tu piques les plus belles,<br /></span> +<span class="i0">Si tu as aussi des aisles<br /></span> +<span class="i0">Tout ainsi que Cupidon,<br /></span> +<span class="i0">Je te requiers un seul don<br /></span> +<span class="i0">Pour ma pauvre âme altérée,<br /></span> +<span class="i0">O puce! ô ma Cythérée!<br /></span> +<span class="i0">C'est que ma dame, par toi,<br /></span> +<span class="i0">Se puisse éveiller pour moi!<br /></span> +<span class="i0">Que pour moi elle s'éveille,<br /></span> +<span class="i0">Et ait la puce en l'oreille!<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">ÉTIENNE PASQUIER<a name="FNanchor_6_6" id="FNanchor_6_6"></a><a href="#Footnote_6_6" class="fnanchor">[6]</a>.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0"><br /></span> +</div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">MADRIGAL.</span></div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Le téton de Babet est plus blanc que l'albastre;<br /></span> +<span class="i0">Pour estre ferme et rond il n'a point de pareil;<br /></span> +<span class="i0">On ne peut sans amour voir son bouton vermeil,<br /></span> +<span class="i0">Faut-il donc s'estonner si j'en suis idolastre!<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i2">Quand j'y porte la main de son consentement<br /></span> +<span class="i0">Rien ne peut estre égal à mon contentement,<br /></span> +<span class="i0">Je suis ravy d'avoir ce charmant privilége,<br /></span> +<span class="i0">Mais quand elle s'oppose à mon ardent dessein,<br /></span> +<span class="i0">O Babet! ô friponne, aussitost, m'escriay-je,<br /></span> +<span class="i0">Vous faites bien la fière avec votre beau sein,<br /></span> +<span class="i0">Ah! vrayment vostre sein est un beau sein de neige.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">(<i>Nouveau mélange de pièces curieuses, tant en prose</i><br /></span> +<span class="i0"><i>qu'en vers</i>. Paris, A. de Sommaville, 1664, in-12.)<br /></span> +</div></div> + +<p>Il existe un poëme allégorique et moral, intitulé: <i>Architrenius</i>, +publié à Paris en 1517, in-4<sup>o</sup>, et dont l'auteur, Jean d'Hanteville ou +d'Hanville, était un moine qui vivait à la fin du douzième siècle. Ce +bon religieux mettait, dans ses vers, sans y entendre malice, des traits +un peu vifs; il se plaît, par exemple, à tracer le portrait d'une jeune +beauté; un passage est relatif au sein, il tombe dans notre domaine:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0"><i>Non implet longoeva sinum, puerilibus annis</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Castigata sedes, teneroque rotundula botro....</i><br /></span> +</div></div> + +<p>Nous avons sous les yeux une traduction inédite de ce fragment:</p> + +<p>«Tel qu'une graine vermeille de raisin, un petit tetin, frais et poli, +s'élève mollement sur un sein arrondi, et la couleur de rose contraste +avec cette touffe de lys. Ces deux globes charmants sont grossis par +l'effet de leur jeunesse, et non par le lait qui ne les a pas encore +remplis. Un léger nœud de ruban les serre sans en comprimer la fermeté. +Elevés au milieu d'une surface plane, ces monticules font voir au milieu +d'eux comme un vallon.»</p> + + +<p>LES DÉLICES DE LA POÉSIE GALANTE. Paris, Ribou, 1666, in-12.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">SIXAIN.</span></div></div> +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0"><i>En envoyant un bouquet de jassemin.</i><br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Allez, doux jassemin où l'amour vous appelle,<br /></span> +<span class="i0">Et si vous approchez du beau sein de Philis,<br /></span> +<span class="i0">Dont la blancheur ternit celle des plus beaux lis,<br /></span> +<span class="i0">Avant que de mourir, dites à cette belle<br /></span> +<span class="i4">Que je croirais mon sort bien doux<br /></span> +<span class="i4">D'y pouvoir mourir avec vous.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">SOMAISE.<br /></span> +</div></div> + + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">SUR UNE SANGSUE QUI PIQUE LE SEIN DE SYLVIE.</span></div></div> +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Quel objet de courroux se présente à ma vue?<br /></span> +<span class="i0">Un insecte cruel, une noire sangsue<br /></span> +<span class="i4">Pique un sein plus blanc que les lys,<br /></span> +<span class="i4">Dont tous les traits sont accomplis.<br /></span> +<span class="i0">Crois-tu bien te souler du sang de ma Silvie?<br /></span> +<span class="i0">Sa blancheur te devrait détourner du dessein<br /></span> +<span class="i6">De lui piquer le sein.<br /></span> +<span class="i0">Si tu veux contenter ta malheureuse envie,<br /></span> +<span class="i4">La peine suivra ton souhait,<br /></span> +<span class="i4">Car soudain tu perdras la vie<br /></span> +<span class="i0">Et tu n'auras sucé que des gouttes de lait.<br /></span> +</div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">LE BUSC.</span></div></div> + +<p>Cette pièce étant un peu longue et assez médiocre, nous n'en +reproduirons qu'un fragment:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Ce bois touche par privilege<br /></span> +<span class="i0">Un double petit mont de neige<br /></span> +<span class="i0">Qui, par un joli mouvement<br /></span> +<span class="i0">Se soulève fort mollement<br /></span> +<span class="i0">Et puis mollement se rabaisse,<br /></span> +<span class="i0">Allant et revenant sans cesse<br /></span> +<span class="i0">D'un air charmant et gracieux,<br /></span> +<span class="i0">Comme s'il s'approchait des yeux<br /></span> +<span class="i0">Pour ses beautés faire connoistre<br /></span> +<span class="i0">Et puis mollement disparoistre.<br /></span> +</div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">L'AMOUR SUR UNE GORGE REBONDIE.</span></div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">SONNET.</span></div></div> +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">C'est ici qu'on peut voir qu'en l'un et l'autre monde<br /></span> +<span class="i0">Je règne également et je donne des loix;<br /></span> +<span class="i0">J'en ai deux aujourd'hui que j'habite à mon choix<br /></span> +<span class="i0">Et dans chacun des deux ma gloire est sans seconde.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Sur deux fermes tétons mon empire se fonde;<br /></span> +<span class="i0">J'y soumets sans efforts les plus superbes rois;<br /></span> +<span class="i0">Il n'en est point qui puisse éviter mes exploits<br /></span> +<span class="i0">Et que ma politique à la fin ne confonde.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Je ne crains pas, comme eux, les moindres changemens;<br /></span> +<span class="i0">J'aime à voir remuer, et les soulèvemens<br /></span> +<span class="i0">Servent à ma grandeur, s'ils font leur décadence.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Et quoy que les prudens et les plus advisés<br /></span> +<span class="i0">Imputent la faiblesse aux États divisés,<br /></span> +<span class="i0">Si les miens ne l'étoient, j'aurois moins de puissance.<br /></span> +</div></div> + +<p>Louis XV demanda un jour à Bouret, secrétaire du cabinet, comment il +trouvait la dauphine et si elle avait de la gorge. Il répondit que +Marie-Antoinette était charmante de figure et qu'elle avait de beaux +yeux. «Ce n'est pas cela dont je vous parle, répondit Sa Majesté, je +vous demande si elle a de la gorge.—Sire, je n'ai pas pris la liberté +de porter mes regards jusque-là.—Vous êtes un sot, continua le monarque +en riant, c'est la première chose qu'on regarde aux femmes.»</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">RONDEAU.</span></div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i2">Au doulx chant de ces alouettes<br /></span> +<span class="i0">En ces moys dauril et de may<br /></span> +<span class="i0">Je me mettois en grand esmoy<br /></span> +<span class="i0">De dire plusieurs bergerettes<br /></span> +<span class="i1">La desirois mes amourettes<br /></span> +<span class="i0">A les tenir aupres de moy<br /></span> +<span class="i5">Au doulx chant.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i1">Pour manier les mammelettes<br /></span> +<span class="i0">Et leur bailler soubdain la foy<br /></span> +<span class="i0">Tout ainsi que faire le doy<br /></span> +<span class="i0">Dessus ces belles herbelettes<br /></span> +<span class="i5">Au doulx chant.<br /></span> +</div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">MARINO.</span></div></div> +<p>Les tétons des belles sont deux tours vivantes d'albâtres d'où l'Amour +blesse les amants. Ce sont deux écueils contre lesquels nos libertés +vont agréablement faire naufrage; deux mondes de beauté éclairés par +deux beaux soleils qui sont les yeux. Un auteur français les compare à +deux pommes et s'écrie:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Heureux qui peut monter sans bruit<br /></span> +<span class="i0">Sur l'arbre qui porte ce fruit.<br /></span> +</div></div> + +<p>Au commencement du <span class="smcap">XVIII</span><sup>e</sup> siècle, les dames portaient sur leur gorge +découverte des croix et des petits Saint-Esprit en diamants. Aussi, un +prédicateur s'écria-t-il un jour en chaire: «Bon Dieu! peut-on plus mal +placer la croix qui représente la mortification, et le Saint-Esprit, +auteur de toutes bonnes pensées.»</p> + +<p>Voici une pièce manuscrite attribuée à Voisenon; j'ignore si elle a été +imprimée, mais comme elle est peu connue, les lecteurs seront sans +doute charmés de la trouver ici.</p> + + + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">LES TETONS DE MA COUSINE.</span></div></div> +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Il te souvient de ce Pygmalion,<br /></span> +<span class="i0">De la statue élégante qu'il aime,<br /></span> +<span class="i0">Et que Vénus, pour sa dévotion,<br /></span> +<span class="i0">Avoit changée en une autre elle-même.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">En toi le cas pareil est arrivé;<br /></span> +<span class="i0">Tu fus statue; car, par expérience<br /></span> +<span class="i0">J'en suis certain, et ce qu'ici j'avance<br /></span> +<span class="i0">Est dans ces vers un peu plus bas prouvé.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Étant encor bloc de marbre insensible<br /></span> +<span class="i0">Tout étoit dur; tu n'avois nul ressort;<br /></span> +<span class="i0">Vénus voulut t'amollir tout le corps<br /></span> +<span class="i0">Pour te le rendre aux plaisirs plus flexible.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Pour recevoir et donner un baiser<br /></span> +<span class="i0">Bien tendrement à l'amant qui te presse,<br /></span> +<span class="i0">Elle amollit ta bouche enchanteresse,<br /></span> +<span class="i0">Elle amollit tes bras pour l'embrasser.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Jambes d'abord et ce qui les surmonte<br /></span> +<span class="i0">Gardent encor un peu de dureté,<br /></span> +<span class="i0">Moins que le marbre, et si plus haut on monte,<br /></span> +<span class="i0">On trouvera de l'élasticité.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Mais ce qui peut mieux prouver mon système,<br /></span> +<span class="i0">Elle oublia de changer tes tétons;<br /></span> +<span class="i0">Ils sont taillés aussi juste, aussi ronds<br /></span> +<span class="i0">Et blancs et durs comme le marbre même.<br /></span> +</div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">MADRIGAL.</span></div></div> +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Tout ici baise, Jeanneton,<br /></span> +<span class="i0">Ton mouchoir baise ton téton,<br /></span> +<span class="i0">Tes cheveux se baisent et rebaisent,<br /></span> +<span class="i0">Je vois tes lèvres se baiser;<br /></span> +<span class="i0">Et si toutes choses se baisent<br /></span> +<span class="i0">Voudrais-tu bien me refuser?<br /></span> +</div></div> + +<p>Je n'ai pas envie de déterminer positivement ici de quelle taille +doivent être les tétons, ni prendre parti dans le différend qui pourrait +s'élever sur la longueur, la largeur et la distance de ces deux parties +du corps des belles; je dirai seulement que si les hommes ont raison de +donner la préférence aux plus gros, d'autres n'ont pas tort de préférer +un sein qui n'est pas fort garni. Il faut croire, sur ce point, que Le +Pays parlait sérieusement et sans flatterie à sa Caliste, lorsqu'il +s'exprimait ainsi:</p> + +<p>«Votre sein n'est pas des plus remplis, mais ce que vous en avez est +blanc; et, s'il m'est permis de le dire comme je le pense, le morceau, +pour être petit, ne laisse pas d'être délicat.»</p> + +<p>Une chose au moins que je puis avancer hardiment, c'est qu'une femme ne +saurait être belle, si elle n'a une belle gorge et un beau sein. Aussi +voyons-nous que de tous les faiseurs de portraits, aucun n'oublie les +tétons, quand il veut peindre une beauté parfaite.</p> + +<p>M. Victor Cousin, dans son ouvrage sur <i>M<sup>me</sup> de Longueville</i>, parle à +diverses reprises de l'objet qui nous occupe. Décrit-il (t. I<sup>er</sup>, p. +321) un portrait de la duchesse par Anselme van Hull, il observe que «le +sein à demi-découvert, paraît dans sa beauté modeste.» A-t-il l'occasion +de retracer les traits d'Anne d'Autriche, de la duchesse de Chevreuse, +de M<sup>me</sup> de Montbazon, il n'oublie pas de vanter la perfection de leur +gorge. Le philosophe éclectique, le traducteur de <i>Platon</i>, l'éditeur de +l'infortuné <i>Abailard</i>, était connaisseur.</p> +<div class="center"> + <img src="images/051.png" + alt="image" title="image" /> +</div> + +<hr style="width: 65%;" /> +<div class="center"> + <img src="images/052.png" + alt="image" title="image" /> +</div> +<h2><a name="CHAPITRE_III" id="CHAPITRE_III"></a><a href="#table">CHAPITRE III.</a></h2> + +<h3>S'IL EST DE LA BIENSÉANCE QUE LES DAMES LAISSENT VOIR LEURS TÉTONS, ET +S'IL EST PERMIS AUX AMANTS DE LES TOUCHER.</h3> + + +<p>La solution de ce problème présente de grandes difficultés, et pourrait +être la matière d'une longue et savante dissertation; mais les longs +ouvrages me font peur:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">«Au lieu d'épuiser la matière,<br /></span> +<span class="i0">Il n'en faut prendre que la fleur.»<br /></span> +</div></div> + +<p>Molière fait dire au Tartuffe, qu'un sein découvert blesse l'âme, et +fait naître de coupables pensées. Le petit-père André se récriait +là-dessus avec beaucoup de zèle dans un de ses sermons: «Quand vous +voyez, disait-il, ces tétons rebondis et qui se montrent avec tant +d'impudence, bandez, messieurs, bandez-vous les yeux.» Un autre +prédicateur turlupin, si ce n'est pas le même, défendait aux filles de +découvrir leurs seins, et d'en laisser approcher la main entreprenante +des amants; «car, disait-il pour terminer une violente sortie «quand la +Hollande est prise, adieu les Pays-Bas.» Il faisait, par ce mot de +Hollande, allusion au fichu de batiste ou de toile de Hollande qui +couvrait alors le sein de nos belles, un peu plus que leur gaze +très-claire ne le fait aujourd'hui.</p> + +<p>On trouve dans le <i>Cabinet satyrique</i>, les vers suivants:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">SUR LES FEMMES QUI MONTRENT LEUR SEIN.</span></div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">ÉPIGRAMME.</span></div></div> +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Les filles qui, au temps passé,<br /></span> +<span class="i0">Souloient descouvrir leur visage,<br /></span> +<span class="i0">Ceste coustume ont délaissé<br /></span> +<span class="i0">Pour de leur sein nous faire hommage;<br /></span> +<span class="i0">S'elles en continuent l'usage,<br /></span> +<span class="i0">Descouvertes jusqu'à l'arçon,<br /></span> +<span class="i0">Sus, sus! enfants, prenons courage,<br /></span> +<span class="i0">Nous leur verrons bientost le c..<br /></span> +</div></div> + + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">QUATRAINS SUR LE MESME SUBJECT.</span></div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">A vostre advis, si celle-là<br /></span> +<span class="i0">Qui va la gorge descouverte<br /></span> +<span class="i0">Ne faic pas signe par cela<br /></span> +<span class="i0">Qu'elle voudroit estre couverte?<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0"><br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Madame, cachez vostre sein<br /></span> +<span class="i0">Avec ce beau tetin de rose,<br /></span> +<span class="i0">Car si quelqu'un y met la main,<br /></span> +<span class="i0">Il y voudra mettre autre chose.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0"><br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Les dames qui monstrent leurs seins,<br /></span> +<span class="i0">Leurs tetins, leurs poictrines nuës,<br /></span> +<span class="i0">Doit-on demander si tels saincts<br /></span> +<span class="i0">Demandent chandelles menuës?<br /></span> +</div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">STANCES SUR LA DÉFENSE DES GORGES DESCOUVERTES DES DAMES.</span></div></div> +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Je ne sçay par quelle malice<br /></span> +<span class="i0">On dit aujourd'huy que c'est vice<br /></span> +<span class="i0">De montrer son sein rondelet,<br /></span> +<span class="i0">Veu qu'au temps premier d'innocence<br /></span> +<span class="i0">La femme n'eut onc cognoissance<br /></span> +<span class="i0">N'y de robe ny de colet.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Elle cheminoit toute nuë<br /></span> +<span class="i0">Par les prés, sur l'herbe menuë,<br /></span> +<span class="i0">Parlant avec son amoureux:<br /></span> +<span class="i0">Blasmerons-nous les femmes belles<br /></span> +<span class="i0">Qui commencent par leurs mamelles<br /></span> +<span class="i0">A ramener ce temps heureux?<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Il faut cacher la main sauvage,<br /></span> +<span class="i0">Pleine de sang et de carnage,<br /></span> +<span class="i0">Et couvrir la bouche qui ment,<br /></span> +<span class="i0">Mais une mamelle gentille<br /></span> +<span class="i0">Et le blanc tetin d'une fille<br /></span> +<span class="i0">Ne se doit cacher nullement.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Il faut enfermer sans lumière,<br /></span> +<span class="i0">Au plus profond d'une tanière<br /></span> +<span class="i0">Le serpent et l'ours affamé,<br /></span> +<span class="i0">Mais un beau sein que l'on descouvre<br /></span> +<span class="i0">N'a le venin d'une couleuvre,<br /></span> +<span class="i0">Pour estre clos et renfermé.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Fol est l'usurier qui resserre<br /></span> +<span class="i0">Ses facultez dedans la terre<br /></span> +<span class="i0">Et tient son or ensevely;<br /></span> +<span class="i0">Mais les pucelles libérales,<br /></span> +<span class="i0">Entre deux pommes bien esgales,<br /></span> +<span class="i0">Montrent l'ivoire bien poly.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Tout aussi tost que nos déesses<br /></span> +<span class="i0">Voulurent monstrer les richesses<br /></span> +<span class="i0">De leurs beaux tétons précieux,<br /></span> +<span class="i0">Amour, aveugle de nature,<br /></span> +<span class="i0">Ne vola plus à l'aventure,<br /></span> +<span class="i0">Et se desbanda les deux yeux.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Il rougit une double fraise<br /></span> +<span class="i0">Dedans le feu de sa fournaise,<br /></span> +<span class="i0">Deux soufflets furent les tétons,<br /></span> +<span class="i0">Qui de chaudes vapeurs s'enflèrent<br /></span> +<span class="i0">Et dedans nos âmes soufflèrent<br /></span> +<span class="i0">Le feu d'amour que nous sentons.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Mais que servent ces jardinages,<br /></span> +<span class="i0">Tant de couleurs et de feuillages,<br /></span> +<span class="i0">Si l'œil humain en est absent?<br /></span> +<span class="i0">Et voyons-nous dessus l'espine<br /></span> +<span class="i0">Fleurir une rose pourprine<br /></span> +<span class="i0">Pour la cacher lorsqu'elle sent?<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Quand Aquilon par l'air galope<br /></span> +<span class="i0">Et qu'en janvier il envelope<br /></span> +<span class="i0">La terre d'un pasle bandeau,<br /></span> +<span class="i0">Tous ses plaisirs elle abandonne,<br /></span> +<span class="i0">Elle gémit, elle frissonne,<br /></span> +<span class="i0">Comme un prisonnier au cordeau.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Mais quand Zéphire la courtise,<br /></span> +<span class="i0">Lui despouillant sa robe grise<br /></span> +<span class="i0">Pleine de cent mille glaçons,<br /></span> +<span class="i0">Elle est du soleil penetrée<br /></span> +<span class="i0">Et enfante d'une ventrée<br /></span> +<span class="i0">Mille fleurs de mille façons.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Vénus honteusement traictée,<br /></span> +<span class="i0">Devant les dieux fut garottée<br /></span> +<span class="i0">Avecques Mars, son favory;<br /></span> +<span class="i0">Promptement accourut Jeunesse<br /></span> +<span class="i0">Qui vint destacher sa maistresse,<br /></span> +<span class="i0">En despit du cocu mary.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Pour éternelle récompense,<br /></span> +<span class="i0">La mère d'Amour à Jouvence<br /></span> +<span class="i0">Despoüilla ces deux monts charnus:<br /></span> +<span class="i0">De là vient que les damoiselles,<br /></span> +<span class="i0">Quand on leur taste leurs mamelles,<br /></span> +<span class="i0">Ont souvenance de Vénus.<br /></span> +</div></div> + +<p>Je ne prétends pas m'ériger en casuiste pour décider si les femmes +peuvent et doivent montrer leur sein; mais quand je pourrais prouver, +d'une manière péremptoire, qu'il est plus à propos que les femmes se le +couvrent, je ne sais si j'aurais le courage de l'entreprendre. Je vois, +d'un côté, tous les amants déchaînés contre moi, si je m'oppose ainsi à +leurs plaisirs; et, d'un autre côté, toutes nos élégantes, furieuses de +me voir condamner une mode qu'elles suivent presque généralement. Je +citerai donc seulement ces vers de Mercier de Compiègne, qui me +paraissent justes. Il dit, en parlant aux auteurs, au sujet du poëme de +la <i>Guerre des Dieux</i>, dans lequel Parny s'égaye sur les tétons de la +sainte Vierge, et ne gaze pas assez ses tableaux:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Revenez, le goût vous rappelle,<br /></span> +<span class="i0">Mais gazez un peu vos tableaux;<br /></span> +<span class="i0">Drapez Vénus: elle est plus belle<br /></span> +<span class="i0">Quand un nuage la recèle;<br /></span> +<span class="i0">Le demi-jour sied à Paphos.<br /></span> +</div></div> + +<p>Voici les vers auxquels Mercier fait allusion:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Junon, Vénus et d'autres immortelles<br /></span> +<span class="i0">Se moquaient de la brune Marie:<br /></span> +<span class="i0">Son embarras, son air de modestie,<br /></span> +<span class="i0">Servaient de texte aux illustres belles.<br /></span> +<span class="i0">Mais n'en déplaise à ces juges sévères,<br /></span> +<span class="i0">De grands yeux noirs, doux et voluptueux,<br /></span> +<span class="i0">Des yeux voilés par de longues paupières,<br /></span> +<span class="i0">Quoique baissés, sont toujours de beaux yeux.<br /></span> +<span class="i0">Lorsqu'elle parle, une bouche de rose<br /></span> +<span class="i0">Est éloquente et même on lui suppose<br /></span> +<span class="i0">Beaucoup d'esprit. De pudiques tétons,<br /></span> +<span class="i0">Bien séparés, bien fermes et bien ronds,<br /></span> +<span class="i0">Et couronnés par une double fraise,<br /></span> +<span class="i0">Chrétiens ou juifs, pour celui qui les baise,<br /></span> +<span class="i0">N'en sont pas moins de fort jolis tétons.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">PARNY.—<i>Guerre des Dieux</i>, ch. I<sup>er</sup>.<br /></span> +</div></div> + +<p>Le Pays est pour la mode qui trotte, quand il parle de cet air à sa +Margoton:</p> + +<p>«J'ai un nouvel avis à vous donner sur ce que je vis hier que vous +teniez vos petits tétons enfermez aussi exactement qu'une religieuse. +Vous avez tort, Margoton, de tenir ainsi en prison deux jeunes innocens +qui n'ont point encore commis de crime. Je vous assure qu'ils souffrent +cette clôture à contrecœur. Malgré le linge qui les resserre, j'ai +remarqué qu'ils en soupirent de tristesse, et qu'ils en sont tout enflés +de colère. A cause que vous êtes sage de bonne heure, vous voulez +peut-être qu'ils vous imitent; mais ne savez-vous pas qu'ils sont plus +jeunes que vous: que vous avez quatorze ans, qu'ils n'ont que quatorze +mois; et qu'ainsi, quand vous seriez déjà sérieuse, il leur seroit +permis de faire encore les badins? Lorsque vous n'étiez pas plus âgée +qu'ils le sont présentement, votre nourrice n'avoit point de honte de +vous montrer toute nue; pourquoi en auriez-vous donc de nous montrer à +nud deux jeunes enfans qui ne sont jamais si beaux que quand ils sont +découverts? N'est-ce point que la tante qui vous gouverne a peur que, si +vous les laissiez sans contrainte, ils n'usassent mal de leur liberté, +et qu'ils ne l'employassent à attaquer la nôtre? Si c'est pour cette +raison qu'elle vous les fait couvrir si soigneusement, elle devroit +aussi vous obliger à cacher vos yeux et vos autres appas, puisque vous +n'en avez aucun qui ne dérobe tous les jours quelque cœur ou quelque +liberté. Mais je veux lui apprendre que vos tétons en deviendront plus +malicieux, plus ils seront enfermés. Car si, dans leur prison, ils +découvrent quelque trou par où ils puissent voir le jour, ils se +mettront là en sentinelle, pour assassiner le premier homme qui les +regardera: si bien qu'on fera mieux de leur donner liberté toute +entière; car alors on s'apprivoisera avec eux tout de bon, ils en +deviendront moins dangereux.»</p> + +<p>Louis XIII ne fut point de cet avis, lui qui ne pouvait souffrir la vue +d'un sein découvert, ainsi qu'on en peut juger par l'anecdote suivante:</p> + +<p>Chacun sait que Louis XIII était impuissant ou à peu près. Un conseil de +médecins, après l'avoir visité, déclara que jamais postérité ne +sortirait de lui. Aussi, ce fils atrabilaire d'un père si galant, +haïssait le sexe en général. Les femmes lui inspiraient un éloignement +qui tenait de l'aversion. La vue d'un sein même jeune, frais et ferme le +dégoûtait. Il ressentait le même dégoût et presque de l'effroi à la vue +d'autres charmes plus secrets. Chez lui, la nature ne se taisait pas +seulement à leur approche, elle se révoltait. De là cette réputation de +chasteté que les courtisans ont faite à ce monarque; de là l'infécondité +d'Anne d'Autriche après dix années de mariage, et le délaissement +déplorable de cette voluptueuse princesse.</p> + +<p>L'inclination que Louis XIII éprouva pour M<sup>lle</sup> d'Hautefort ne dément +point cette assertion; elle l'appuie au contraire d'un sensible +témoignage. Louis s'était attaché à cette jeune personne parce qu'elle +était organisée comme lui. Elle ne laissait voir aucune des faiblesses +naturelles aux dames. Un écrivain ingénieux a dit que Louis XIII n'était +amoureux que depuis la ceinture jusqu'en haut, et que ses amours étaient +vierges. Cette pruderie était poussée si loin qu'elle donna lieu à une +impolitesse qui trouve naturellement sa place ici. Dans un voyage que +fit Louis XIII, il s'arrêta à Poitiers. Il y eut un grand couvert; on +recherchait avidement alors ces exhibitions de souverain, comparables à +celles des ménageries, sauf l'argent donné à la porte. Une jeune +spectatrice de l'appétit royal avait le sein découvert; Louis XIII, +ayant arrêté un moment sa vue sur cette indignité, enfonça son chapeau +sur ses yeux et les tint baissés pendant tout le reste du dîner. +Jusque-là ce n'était que de la chasteté, voici quelque chose de plus. La +dernière fois que le prince pudibond but, il retint une gorgée de vin +dans sa bouche, puis, visant en chasseur habile, lança cette réserve sur +les appas indiscrètement exposés. La pauvre fille, dégouttante du +liquide projectile, sortit toute confuse et s'évanouit dans la pièce +voisine. Un écrivain jésuite, le père Barri, en rapportant cette +anecdote, assure que «cette <i>gorge</i> découverte méritait bien cette +<i>gorgée</i>.» Jeu de mots pitoyable, qui ne persuadera point qu'un +souverain, encore même que ce ne soit pas tout à fait un homme, puisse +se conduire de la sorte avec une femme.</p> + +<p>On trouve le quatrain suivant, dans un livre fort rare, intitulé: +<i>Procès et amples examinations sur la vie de Carême-Prenant</i>, et dans le +<i>Momus Redivivus</i>, que j'ai déjà cités:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Fille qui fait tétin paroir,<br /></span> +<span class="i0">Son corps par étroite vêture,<br /></span> +<span class="i0">On se peut bien apercevoir<br /></span> +<span class="i0">Que son c.. demande pature.<br /></span> +</div></div> + +<p>Claude de Pontoux, poëte et médecin, né en 1530, à Châlons-sur-Saône, +n'a guère chanté que l'amour. Il nous a laissé une chanson que nous +rapportons ici parce qu'elle est relative au sujet que nous traitons:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Ma petite Jeanneton<br /></span> +<span class="i0">Me permet bien que je taste<br /></span> +<span class="i0">Son beau col et son menton,<br /></span> +<span class="i0">Et veut bien que je m'ebaste:<br /></span> +<span class="i0">Mais sitôt que je me haste<br /></span> +<span class="i0">De ravir le beau bouton<br /></span> +<span class="i0">Qui fleurit sur son téton<br /></span> +<span class="i0">Et les fraisettes jumelles,<br /></span> +<span class="i0">Elle me dit en riant:<br /></span> +<span class="i0">Ne touchez pas là, friand;<br /></span> +<span class="i0">C'est le joyau des pucelles.<br /></span> +</div></div> + + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">LA PUDEUR.</span></div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Pourquoi, belle Aglaé, nous faire apercevoir<br /></span> +<span class="i0">Ce sein éblouissant où le regard s'attache?<br /></span> +<span class="i0">On aime le fichu qui le laisse entrevoir;<br /></span> +<span class="i0">Mais on aime encor plus la pudeur qui le cache.<br /></span> +</div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i15">Ed. Corbière.</span></div></div> + +<p>Charles Cotin soutient, dans les jolis vers suivants, que c'est une +précaution inutile que de cacher les tétons.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Vous cachez votre sein, mais vous montrez vos yeux,<br /></span> +<span class="i2">Qui de tout vaincre ont le beau privilège;<br /></span> +<span class="i0">N'est-ce pas me sauver du milieu de la neige,<br /></span> +<span class="i2">Pour m'exposer au feu des cieux?<br /></span> +</div></div> + +<p>Montreuil semble épouser le parti contraire, lorsqu'il fait le reproche +suivant à sa maîtresse:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i4">Pourquoi me montrer votre sein,<br /></span> +<span class="i0">Puisqu'un fâcheux jaloux s'oppose à mon dessein?<br /></span> +<span class="i0">Votre bonté me tue autant qu'elle me plaît;<br /></span> +<span class="i0">Mes yeux sont trop heureux, ma bouche est malheureuse,<br /></span> +<span class="i0">Et pour mon pauvre cœur, il ne sait ce qu'il est.<br /></span> +</div></div> + +<p>Boursault trouve que les tétons des belles sont très-bien, quand ils ne +sont ni trop cachés, ni trop découverts. Il s'exprime ainsi dans une +lettre où il fait à M<sup>lle</sup> de Beaumont le portrait de sa maîtresse, qu'il +nomme Climène: «Climène a les cheveux aussi noirs que vous les avez +blonds; et, comme vous les avez du plus beau blond qui ait jamais été, +elle les a du plus beau noir du monde. Elle a le front assez grand, +assez élevé, pour être admirablement beau; et les sourcils qui sont au +bas sont si noirs, et la symétrie en est si délicate, que pour les +arranger avec tant de justesse, il semble que la nature ait emprunté les +mains de l'art. Ses yeux ravissent la franchise, quand ils ont toute +leur vivacité, et touchent l'âme, quand ils ont toute leur langueur. Son +nez, qui passe pour un peu gros parmi ceux qui ne s'y connoissent pas, +passe pour tout à fait beau parmi ceux qui s'y connoissent. Ses joues +inspirent de l'amour, quand elles ont de la rougeur; et, quand elles +n'en ont point, elles donnent de la tendresse. C'est dommage que sa +bouche soit si petite, parce qu'il en sortiroit en foule toutes les +bonnes choses qui n'en sortent que l'une après l'autre, à cause des +limites du passage; et si j'osois me servir du mot précieux +d'ameublement de bouche, pour dire ce que je pense de ses dents, je vous +protesterois qu'il n'y en a jamais eu de plus riche que le sien. Elle a +les lèvres d'une couleur fort vive, et elle ne les mord jamais. Son +menton passeroit pour impertinent, s'il avoit l'audace d'être laid, et +de se mêler avec toutes les beautés qui sont sur un si charmant visage. +<i>Le point dont elle se couvre la gorge, est assez raisonnable pour en +laisser voir assez peu, pour ne point causer de desirs qui blessent le +respect que l'on doit à Climène: et toutefois il en montre assez pour +donner envie de voir le reste. Tout le défaut qu'elle a, cette gorge, +c'est qu'elle est aussi dure que son cœur.</i> Au reste, malgré la peine +que lui cause un amour qui la chagrine, et qui la rend plus maigre +qu'elle ne devroit l'être, elle a les mains si belles, que je ne suis +jamais si ravi que lorsqu'elle m'en donne des soufflets, etc., etc.»</p> + +<p>Marot, dans cette épigramme sur Barbe et sur Jacquette, prétend que le +sein, couvert ou non, fait la même impression sur les cœurs.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Quand je voy Barbe, en habit bien duisant,<br /></span> +<span class="i0">Qui l'estomac blanc et poly <i>descœuvre</i>,<br /></span> +<span class="i0">Je la compare à maint rubis luisant,<br /></span> +<span class="i0">Fort bien taillé, mis de mesmes en œuvre.<br /></span> +<span class="i0">Mais quand je voy Jacquette qui se cœuvre<br /></span> +<span class="i0">Le dur tetin, le corps de bonne prise,<br /></span> +<span class="i0">D'un simple gris accoustrement de frise,<br /></span> +<span class="i0">Adonc je dy pour la beauté d'icelle,<br /></span> +<span class="i0">Ton habit gris est une cendre grise<br /></span> +<span class="i0">Couvrant un feu qui tousjours estincelle.<br /></span> +</div></div> + +<p>La meilleure raison qui puisse excuser les femmes qui découvrent leur +sein, c'est qu'il y a longtemps que cela se pratique ainsi; or, une +ancienne coutume passe pour une loi parmi les jurisconsultes. +D'ailleurs, elles tiennent pour maxime qu'il suffit à une femme d'être +chaste de la ceinture en bas. Cependant je doute fort que cette dernière +raison prévalût, quand même on n'aurait pas lu ces vers sur une femme +trop libre dans ses discours:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i4">Une belle et galante dame,<br /></span> +<span class="i0">Écoutant volontiers les contes un peu gras,<br /></span> +<span class="i0">Disoit pour s'excuser: il suffit qu'une femme<br /></span> +<span class="i0">Soit chaste seulement de la ceinture en bas.<br /></span> +<span class="i0">—Oh! oh! dit un railleur, la maxime est commode,<br /></span> +<span class="i0">Et sur un tel avis, le sexe féminin<br /></span> +<span class="i6">Pourra bien amener la mode<br /></span> +<span class="i6">De la ceinture d'arlequin.<br /></span> +</div></div> + +<p>Enfin, je suppose, et j'avoue si l'on veut, que les dames ont la liberté +de mettre leurs tétons au jour pour vous proposer un autre cas. S'il est +permis de les voir, n'aurons-nous pas aussi la permission de les +toucher? La main et la bouche ne peuvent-elles pas avoir le même +privilège que la vue? Vous m'allez répondre que non: tous les amants +sont cependant d'un autre avis, hormis Scarron et fort peu d'autres. Ce +sale et burlesque auteur, dans son épître chagrine au maréchal d'Albert, +déclare que</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Les <i>patineurs</i> sont très-insupportables,<br /></span> +<span class="i0">Même aux beautez qui sont très-<i>patinables</i>.<br /></span> +</div></div> + +<p>Dans son <i>Roman comique</i>, il condamne encore Ragotin, d'avoir voulu un +peu patiner, et il dit que <i>c'est une galanterie provinciale qui tient +plus du satyre que de l'honnête homme.</i> J'appelle de ses décisions. +Peut-on blâmer le procédé d'un galant homme, qui, voyant un sein +charmant, deux globes d'albâtre, voudrait, par le tact, s'assurer s'ils +ont la dureté désirable, et cela uniquement pour s'instruire? J'approuve +le procédé d'un homme galant qui, après avoir patiné les tétons d'une +dame, improvisa encore cette chanson par-dessus le marché:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i6">Mort de ma vie!<br /></span> +<span class="i4">En voyant ces tétons,<br /></span> +<span class="i6">Belle Sylvie,<br /></span> +<span class="i4">Si beaux, si blancs, si ronds;<br /></span> +<span class="i0">Pour savoir s'ils sont durs, j'ai formé le dessein<br /></span> +<span class="i4">De passer mon envie,<br /></span> +<span class="i4">Et d'y porter la main,<br /></span> +<span class="i6">Mort de ma vie!<br /></span> +</div></div> + +<p>N'est-ce pas, en effet, une cruauté inouie de nous mettre devant les +yeux ces beaux meubles, et de nous défendre de les regarder et d'y +toucher? J'en prends le galant abbé Cotin à témoin; écoutez-le se +plaindre à sa maîtresse:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Vous me défendez d'approcher<br /></span> +<span class="i0">De votre bouche sans pareille:<br /></span> +<span class="i0">Votre gorge est une merveille,<br /></span> +<span class="i0">Qu'on n'ose ni voir, ni toucher,<br /></span> +<span class="i0">Le moins coupable des humains,<br /></span> +<span class="i0">Et qui souffre le plus de peine,<br /></span> +<span class="i0">C'est, ô trop aimable inhumaine,<br /></span> +<span class="i0">Un amant sans yeux et sans mains.<br /></span> +</div></div> + +<p>C'est, hélas! nous faire éprouver l'affreux supplice de Tantale; c'est +nous condamner à la mort de Moyse, qui expira en voyant la terre +promise, et qui n'y put entrer. Un autre poëte qui n'avait pu commander +à ses mains, se justifia de cette distraction, avec beaucoup d'esprit, +par la pièce suivante:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Je suis un imprudent, un sot, un téméraire,<br /></span> +<span class="i0">Je n'ai point de raison, j'ai l'esprit mal tourné;<br /></span> +<span class="i0">Je n'ai pour tout talent que celui de déplaire;<br /></span> +<span class="i0">Indigne de vous voir, digne d'être berné.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i4">Voilà, Philis, les épithètes<br /></span> +<span class="i0">Que je reçois de vous, en l'humeur où vous êtes;<br /></span> +<span class="i0">Et de tout ce courroux vous avez pour raison,<br /></span> +<span class="i0">Que ma main a voulu toucher votre téton.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">C'est trop punir, Philis, une main criminelle:<br /></span> +<span class="i0">Que nous sommes, hélas! bien différens d'humeur!<br /></span> +<span class="i0">Pour toucher votre sein vous me faites querelle,<br /></span> +<span class="i0">Moi, je ne vous dis rien d'avoir touché mon cœur!<br /></span> +</div></div> + +<p>Si, par hasard, la main s'égare dans le transport que fait naître une +gorge rivale de celle de Léda ou d'Hébé, après que l'on a fait le +serment d'être circonspect, croyez-vous que ce parjure soit +irrémissible? Non, sans doute; ces sermens ne lient pas; je suis +persuadé que Jupiter a absous l'amant qui va parler:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">«Je promets tous les jours de ne jamais toucher<br /></span> +<span class="i0">Les neiges du beau sein dont l'amour me consume,<br /></span> +<span class="i6">Mais je ne saurais m'empêcher<br /></span> +<span class="i0">De suivre une si douce et si belle coutume.<br /></span> +<span class="i4">Cruels devoirs! injustes ennemis!<br /></span> +<span class="i6">Pensez-vous qu'Amarante ignore<br /></span> +<span class="i0">Qu'amour, comme un enfant qui n'a pas l'âge encore,<br /></span> +<span class="i0">Doit être dispensé de ce qu'il a promis?»<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i2">«<i>Jupiter è coelo perjuria ridet amantum.</i>»<br /></span> +</div></div> + +<p>Je sais bon gré à Boursault d'être pour les patineurs.</p> + +<p>«Ah! juste Dieu, dit-il à M. Charpentier, que la maîtresse à qui je ne +suis que par votre moyen est vertueuse! Pour lui avoir aujourd'hui baisé +deux ou trois fois la main, elle m'a vigoureusement querellé; voyez ce +qui m'arriveroit, si je faisois pis. Je n'ai osé lui dire que je ne +faisois l'amour que pour <i>baiser</i>, et que j'aimerais autant être +amoureux <i>ad honores</i>, que de ne pas faire les fonctions requises à la +qualité que ses yeux m'ont contraint de prendre. Je croyois, en vérité, +qu'étant amant déclaré d'une fille, c'en étoit être plus d'à moitié le +mari, et qu'on faisoit toujours quelques pas du côté de l'amour défendu, +avant que d'en venir à l'amour permis. A vous dire le vrai, je me lasse +d'être amant, s'il n'y a que cela à faire. Il est juste, si j'ai la +discrétion de ne rien demander à la belle, qui lui coûte quelque chose, +qu'elle ait la complaisance de me laisser prendre ce qui ne lui coûte +rien. La charmante Clotilde, que vous connoissez pour avoir autant de +vertu que fille du monde, en use d'une façon bien plus galante. Quand, +lundi, je revins de la campagne, après deux baisers qu'elle reçut aussi +goulûment que je les lui donnois, son fichu qui vint à tomber, m'ayant +obligé de couvrir sa gorge de mes deux mains, de peur que d'autres ne la +vissent, elle m'en remercia le plus civilement qu'il lui fut possible, +et me demanda si je n'avois besoin que de cela. Il n'y a rien qui +satisfasse tant, ni qui revienne à si peu de frais.»</p> + +<p>«Si vous mettez la main au devant d'une fillette, elle la repoussera +vite, et dira: laissez cela. Quand je dis le devant, je l'entends comme +faisoit monsieur le feu premier médecin, qui ayant tâtonné l'estomac +d'une belle demoiselle couchée et un peu malade, coule sa main plus bas, +et, venant à l'intersection du corps, s'y avançoit, quand elle lui dit: +«Hé! monsieur, que pensez-vous faire?—Mademoiselle, je croyois que vous +fussiez comme les vaches de notre pays; que vous eussiez les tetins +entre les jambes.»</p> + + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i15"><i>Moyen de parvenir</i>, ch. IX.</span></div></div> + +<p>De tout temps le clergé s'escrima en termes plus ou moins crus sur +l'indécence de la toilette des femmes. Vers 1700, la duchesse de +Bourgogne (Marie-Adélaïde de Savoie) devait tenir un enfant avec +<i>Monseigneur</i>; mais au moment de procéder à la cérémonie, l'officiant ne +trouva pas que la marraine, qui avait une robe de chasse, se présentât à +l'église en <i>habit décent</i>, et le baptême fut remis. Or, veut-on savoir +ce qu'on appelle à la cour l'<i>habit décent</i>? Il consiste à se montrer +avec la gorge et les épaules entièrement découvertes, la chute des reins +bien marquée, les bras nus jusqu'au coude, et un pied de rouge sur le +visage. L'habit de chasse cache toutes ces nudités, et les dames le +portent sans rouge.... Cependant le curé appelle ce costume +<i>indécent</i>.... Il n'y a que manière de s'entendre sur les mots.</p> + +<p>On trouve dans les <i>Chroniques de l'Oeil de Bœuf</i>, à l'année 1711, le +passage suivant:</p> + +<p>«La morale donna le jour de l'an des étrennes de sa façon aux dames de +Paris; c'est un ouvrage en 2 volumes in-12, intitulé: <i>De l'abus des +nudités de gorge</i>. Je n'aurais jamais cru qu'on pût en écrire si long +sur une telle matière; mais elle s'est étendue sous la main de l'auteur. +Chaque tentation que cet usage immodeste peut faire naître est traitée +dans un chapitre à part, où se déroule une longue énumération de +conséquences dont la moindre entraîne le péché mortel; on peut juger des +autres. Il faut convenir que les femmes de notre époque accusent le nu +d'une manière toute lacédémonienne; point de refuge pour les regards +dévots, vainement leur chaste prunelle semble-t-elle dire:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">«Ah! cachez-moi ce sein, que je ne saurais voir»,<br /></span> +</div></div> + +<p>on persiste à le leur montrer: ici, c'est une robe sans ceinture, telle +qu'on la met en sautant du lit; là, c'est une gorge débordant du corset +complaisant; plus loin, ce sont des bras et des épaules dont la nudité +se réunit à celle des poitrines pour assaillir les continences +ecclésiastiques. Forcé dans les derniers retranchements de sa pudeur +sacrée, le curé de Saint-Étienne-du-Mont s'écriait l'autre jour en +chaire:</p> + +<p>«Pourquoi, mesdames, ne pas vous couvrir en notre présence; sachez que +nous sommes de chair et d'os comme les autres hommes!»</p> + +<p>L'auditoire s'étant mis à rire, le prédicateur ajouta: «Quand on vous +parle à mots couverts, vous faites la sourde oreille; quand on vous +parle en termes clairs, vous riez: comment donc vous prendre?</p> + +<p>«Vous verrez qu'il faudra que le roi envoie ses mousquetaires par la +ville, matin et soir, afin de faire rentrer nos coquettes dans le +devoir, et les gorges dans les corsets.»</p> + +<p>Les robes des femmes, longues dans les premiers siècles de la monarchie, +se raccourcirent sous Philippe de Valois, et restèrent très-fermées +jusqu'à Charles VI, et serrées de manière à dessiner les formes de la +taille. Alors seulement les femmes commencèrent à se découvrir les bras, +la gorge et les épaules, et comme la pente est rapide dans le +relâchement des mœurs, elles renouvelèrent sous Charles VII l'antique +usage des bracelets et des colliers.</p> + +<p>La cour décente et sévère d'Anne de Bretagne arrêta un moment le torrent +de ce luxe; mais celles de Charles IX et surtout de Henri III, trop +fameux par ses goûts honteux, hâtèrent le débordement; Henri IV, +quoique très-galant, s'y opposa vainement. François 1<sup>er</sup> vint y mettre +le comble en favorisant le luxe et la galanterie, et prêchant lui-même +d'exemple. La cour de Louis XIV acheva ce que ses prédécesseurs avaient +si bien commencé; l'opulence et la volupté y régnèrent souverainement. +Nous avons dit plus haut ce qu'on entendait dans cette cour débauchée +par <i>habit décent</i>.</p> + +<p>Nous ne pouvons terminer ce chapitre sans parler de cette fameuse secte +qui se forma en Hollande et dont Bayle, dans son <i>Dictionnaire +critique</i>, au mot <i>Mammillaires</i>, nous instruit fort amplement. Voici, +sans y rien changer, cet article qui trouve ici naturellement sa place:</p> + +<p>MAMMILLAIRES, secte parmi les anabaptistes. On ne sait pas bien le temps +où ce nouveau schisme se forma; mais on donne la ville de Harlem pour le +lieu natal de cette subdivision. Elle doit son origine à la liberté +qu'un jeune homme se donna de mettre la main au sein d'une fille qu'il +aimait, et qu'il voulait épouser. Cet attouchement parvint à la +connaissance de l'Église, et là-dessus on délibéra sur les peines que le +délinquant devait souffrir; les uns soutinrent qu'il devait être +excommunié, les autres dirent que sa faute méritait grâce, et ne +voulurent jamais consentir à son excommunication. La dispute s'échauffa +de telle sorte qu'il se forma une rupture totale entre les tenans. Ceux +qui avaient témoigné de l'indulgence pour le jeune homme furent nommés +Mammillaires<a name="FNanchor_7_7" id="FNanchor_7_7"></a><a href="#Footnote_7_7" class="fnanchor">[7]</a>. En un certain sens, cela fait honneur aux anabaptistes; +car c'est une preuve qu'ils portent la sévérité de la morale beaucoup +plus loin que ceux que l'on nomme rigoristes dans les Pays-Bas<a name="FNanchor_8_8" id="FNanchor_8_8"></a><a href="#Footnote_8_8" class="fnanchor">[8]</a>. Je +rapporterai à ce propos un certain conte que l'on fait du sieur Labadie.</p> + +<p>«Tous ceux qui ont ouï parler de ce personnage savent qu'il recommandait +à ses dévots et à ses dévotes quelques exercices spirituels, et qu'il +les dressait au recueillement intérieur et à l'oraison mentale. On dit +qu'ayant marqué à l'une de ses dévotes un point de méditation, et lui +ayant fort recommandé de s'appliquer tout entière pendant quelques +heures à ce grand objet, il s'approcha d'elle lors qu'il la crut la plus +recueillie, et lui mit la main au sein. Elle le repoussa brusquement, et +lui témoigna beaucoup de surprise de ce procédé, et se préparait à lui +faire des censures, lorsqu'il la prévint: «Je vois bien, ma fille, lui +dit-il sans être déconcerté, et avec un air dévot, que vous êtes encore +bien éloignée de la perfection: reconnoissez humblement vôtre foiblesse; +demandez pardon à Dieu d'avoir été si peu attentive aux mystères que +vous deviez méditer. Si vous y aviez apporté toute l'attention +nécessaire, vous ne vous fussiez pas aperçue de ce qu'on faisoit à votre +gorge. Mais vous étiez si peu détachée des sens, si peu concentrée avec +la Divinité, que vous n'avez pas été un moment à reconnoître que je vous +touchois. Je voulois éprouver si votre ferveur dans l'oraison vous +élevoit au-dessus de la matière, et vous unissoit au Souverain-Être, la +vive source de l'immortalité et de la spiritualité, et je vois avec +beaucoup de douleur que vos progrès sont très-petits; vous n'allez que +terre à terre. Que cela vous donne de la confusion, ma fille, et vous +porte à mieux remplir désormais les saints devoirs de la prière +mentale.» On dit que la fille, ayant autant de bon sens que de vertu, ne +fut pas moins indignée de ces paroles que de l'action de Labadie, et +qu'elle ne voulut plus ouïr parler d'un tel directeur. Je ne garantis +point la certitude de tous ces faits, je me contente d'assurer qu'il y a +beaucoup d'apparence que quelques-uns de ces dévots si spirituels, qui +font espérer qu'une forte méditation ravira l'âme et l'empêchera de +s'apercevoir des actions du corps, se proposent de patiner impunément +leurs dévotes, et de faire encore pis. C'est de quoi l'on accuse les +Molinosistes. En général, il n'y a rien de plus dangereux pour l'esprit +que les dévotions trop mystiques et trop quintessenciées, et sans doute +le corps y court quelques risques, et plusieurs y veulent bien être +trompés.</p> + +<p>«J'ai ouï dire que des gens d'esprit soutinrent un jour dans une +conversation qu'il n'y aura jamais de <i>Basiaires</i>, ou d'<i>Osculaires</i>, +entre les Anabaptistes. Ce seraient des gens qu'on retrancherait de sa +communion, parce qu'ils n'auroient pas voulu consentir que l'on +excommuniât ceux qui donnent des baisers à leurs maîtresses. Or voici le +fondement de ceux qui nioient qu'on puisse attendre un tel schisme. Il +n'est pas possible, disoient-ils, qu'au cas qu'il y eût des casuistes +assez sévères pour vouloir que l'excommunication fût la peine d'un +baiser, comme il s'en est trouvé d'assez rigides pour vouloir faire +subir cette pénitence à celui qui avoit touché les tétons de sa +maîtresse. Ces deux cas ne sont point pareils. Les lois de la galanterie +de certains peuples, continuoient-ils, ont établi de génération en +génération, et surtout parmi les personnes du Tiers-État, que les +baisers soient presque la première faveur, et que l'attouchement des +tétons soit presque la dernière, ou la pénultième. Quand on est élevé +sous de tels principes, on ne croit faire, on ne croit souffrir que peu +de chose par des baisers, et l'on croit faire ou souffrir beaucoup par +le maniement du sein. Ainsi, quoique les administrateurs des lois +canoniques ayent fort crié contre le jeune homme qui fut protégé par les +Mammillaires, il ne s'en suit pas qu'ils crieroient contre l'autre +espèce de galanterie. Ils deféreroient à l'usage, ils pardonneroient des +libertés qui ne passent que pour les premiers élémens ou pour l'alphabet +des civilités caressantes. Je ne rapporte ces choses que pour faire voir +qu'il n'y a point de matière sur quoi la conversation des personnes de +mérite ne descende quelquefois. Il n'est pas inutile de faire connoître +cette foiblesse des gens d'esprit. En conscience, une telle spéculation +méritoit-elle d'être examinée? Et, après tout, n'eût-il pas bien mieux +valu ne point répondre décisivement de l'avenir? <i>De futuro contingenti +non est quoad nos determinata veritas</i>, disent judicieusement les +maîtres dans les écoles de philosophie.</p> + +<p>«Notez en passant qu'il y a eu des pays où l'on supposoit que le premier +baiser qu'une fille recevoit de son galant était celui des fiançailles. +Voici ce qu'on lit dans l'<i>Histoire de Marseille</i>: «Le fiancé donnoit +ordinairement un anneau à la fiancée le jour des fiançailles, et lui +faisoit encore quelque présent considérable en reconnoissance du baiser +qu'il lui donnoit. En effet, Fulco, vicomte de Marseille, fit donation, +l'an 1005, à Odile, sa fiancée, pour le premier baiser, de tout le +domaine qu'il avoit aux terres de Sixfours, de Cireste, de Soliers, de +Cuge et d'Olieres. Cet usage étoit fondé à ce que j'estime sur la loi +<i>Si à sponso</i>, qui ordonnoit que lorsque le mariage n'avoit pas son +effet, la fiancée gagnoit la moitié des présens qu'elle avoit reçus du +fiancé, car les anciens croioient que la pureté d'une fille étoit +flétrie par un seul baiser, mais cette loi est présentement abrogée en +ce royaume.»</p> +<div class="center"> + <img src="images/076.png" + alt="image" title="image" /> +</div> +<hr style="width: 65%;" /> +<div class="center"> + <img src="images/078.png" + alt="image" title="image" /> +</div> +<h2><a name="CHAPITRE_IV" id="CHAPITRE_IV"></a><a href="#table">CHAPITRE IV.</a></h2> + +<h3>DU LANGAGE DES TÉTONS.</h3> + + +<p>Tous les êtres créés ont un langage, depuis les roseaux du barbier de +Midas, jusqu'aux hydrophobes auteurs des plates brochures qui inondent +cette capitale.</p> + +<p>Le père Bougeant s'est immortalisé par son charmant ouvrage <i>Sur le +langage des bêtes</i>, qui a été traduit en italien. Les yeux ont une +rhétorique connue de tout le monde. Les mains ont leur idiome; les pieds +des amans font merveille dans leur mystérieux quatuor sous la table; les +genoux s'en mêlent aussi; les fleurs parlent en Asie; et les cœurs, les +cœurs! on sait combien ils sont éloquens, bavards et tyrans. J'en +dirais long sur ce chapitre, et l'ami Boufflers, qui a dit de si jolies +choses sur le <i>cœur</i>, embellirait bien mon texte. Doit-on être surpris, +d'après cela, que les tétons aient aussi reçu de la nature un organe +expressif, et des moyens oratoires? Non, sans doute; ils ont une langue, +et Le Pays est mon autorité, dans le récit d'un songe qu'il fit sur deux +beaux tétons. Il écrit à une dame de ses amies:</p> + +<p>«Je n'ai point dormi cette nuit, Madame, ou du moins, le songe que j'ai +fait occupoit si sensiblement mon esprit, que j'ai cru veiller en fort +bonne compagnie. J'ai cru avoir toujours auprès de moi les deux tétons +de Madonte, et les voir avec ce même éclat qui me surprit hier au soir +quand votre main obligeante les délivra de la prison qui les enfermoit. +Vous pouvez bien croire, Madame, que je n'ai pas gardé le silence dans +une si belle occasion de parler: mais, pourrez-vous croire que ces jolis +tétons m'ont aussi parlé, et que notre conversation a été fort agréable? +Que ceci ne vous surprenne point, les tétons ont, pour ceux qui les +entendent, leur langage, aussi bien que les yeux. Comme je les ai +trouvez en humeur de causer, j'ai eu la curiosité de leur faire cent +questions sur leurs aventures, auxquelles ils m'ont répondu le plus +galamment du monde. J'aurois bien envie de vous redire ici tout notre +entretien, mais il sera plus aisé de vous l'écrire. Voici pourtant +quelques-unes de leurs paroles que j'ai impatience de vous apprendre, +parce qu'elles m'ont semblé les plus jolies. C'est la réponse qu'ils +m'ont faite sur l'étonnement que je leur ai témoigné qu'ils fussent +ainsi séparez, et qu'ayant l'un avec l'autre tant de rapport, ils +vécussent en mauvais voisins, sans s'approcher, sans se baiser, enfin +comme des ennemis irréconciliables. Il est vrai, m'ont-ils dit, nous +sommes ennemis, et la ressemblance ne fait point chez nous ce qu'elle +fait partout ailleurs. Elle nous oblige à nous haïr; et notre réciproque +jalousie nous tiendra toujours éloignez. Quoique nous n'ayons qu'un même +cœur et qu'un même intérêt, nous n'avons aucune disposition à nous +unir. L'Amour, qui est un petit boute-feu, nourrit entre nous cette +division. Il nous promet de nous aimer tous deux pendant que nous nous +haïrons, et jure de nous quitter aussitôt que notre haine cessera. Mais, +de bonne foi, aimables tétons, ai-je répliqué, ne seriez-vous point +comme quelques-uns de vos frères, qui jamais ne se touchent le jour, et +qui se baisent pendant toute la nuit; qui ont inclination à s'approcher, +et qui ne vivent éloignez que par contrainte? Vous serez étonnée, +Madame, que j'aye osé leur parler d'une manière si désobligeante, mais +sachez que ce n'a été que par adresse. Car quoique je n'eusse point de +pareils sentimens, je voulois les obliger à m'ôter le doute que je +témoignois, en souffrant que mes doigts fussent avec mes yeux témoins de +leur division. Ma ruse a réussi comme je l'avois désiré; les deux tétons +de Madonte s'étant un peu enflez de colère et d'orgueil, à cause de mon +injuste soupçon, ont consenti que je fisse l'épreuve que je souhaitois, +et cette épreuve a d'abord fait sentir à mes mains la vérité qui avait +paru à mes yeux.</p> + +<p>Après cela, je ne me suis plus étonné qu'ils eussent tant de disposition +à la haine; car j'ai trouvé tant de dureté dans l'un et dans l'autre, +qu'il n'y a pas apparence que rien les puisse jamais attendrir. Au +reste, Madame, je gage que votre belle parente ne sait rien de ce qu'ont +fait chez moi ses tétons. J'ai appris d'eux-mêmes qu'ils font bien +d'autres choses, sans son congé; ils m'ont dit que lorsqu'elle y pense +le moins, ils se divertissent à prendre des cœurs, partout où ils +trouvent des yeux, et que c'est leur passe-temps le plus ordinaire. Ils +m'ont dit même que quand ils ont pris quelqu'un, et que Madonte s'en +apperçoit, elle le traite aussi cruellement que si sa prise l'avoit +offensée. Elle l'insulte, dans son esclavage, elle ne lui donne aucun +secours, et prend plaisir à le voir mourir de langueur.»</p> + +<p>Ce Le Pays était un très-rude patineur. Sa Caliste lui avait promis de +l'aller voir, dans le tems qu'une cruelle fièvre le travailloit et +l'avait mis dans un état pitoyable. Il lui fait premièrement le portrait +de son visage de cette sorte:</p> + +<p>«Pour ma mine, vous ne vîtes jamais rien de si étrange: mes yeux sont +devenus plus grands que tout le reste de mon visage, et il vous sera +facile, s'il vous en prend fantaisie, de compter mes dents au travers de +la peau de mes joues. Il ne faudra pas vous étonner, si je vous fais +froide mine; je la fais à tout le monde, et me la fais à moi-même, quand +je me regarde au miroir. Quelqu'envie que j'aye de vous plaire, je ne +pourrai point m'empêcher de vous faire laide grimace.» Il ajoute +ensuite:</p> + +<p>«Ce qu'il y a de bon, Caliste, c'est que mes mains, dont vous vous êtes +plainte tant de fois, ne vous donneront aucun sujet de me quereller. Je +vous jure qu'en l'humeur où je suis, les tétons de la belle Hélène, qui +assurément devoient être des plus beaux, puisqu'ils firent tant jouer +des mains les Troyens et les Grecs, ne me feroient pas présentement +tirer les miennes de dessous ma fourrure. Jugez, par là, si vous auriez +à craindre du reste, et si vous ne vous en irez pas de chez moi sans +avoir crié contre mes emportemens!»</p> + +<p>Marot avait le même défaut que Le Pays, et ne laissait échapper aucune +occasion de mettre ses yeux au bout de ses doigts. Il aurait bien +souhaité, un jour des Innocents, de savoir où était le lit de sa belle, +pour la faire passer par l'étamine. N'en pouvant venir à bout, il se +contenta de lui écrire ces vers:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Très-chère sœur si je savois où couche<br /></span> +<span class="i0">Vostre personne au jour des innocens,<br /></span> +<span class="i0">De bon matin j'irais à vostre couche.<br /></span> +<span class="i0">Voir ce gent corps que j'ayme entre cinq cens:<br /></span> +<span class="i0">Adonc, ma main (veu l'ardeur que je sens),<br /></span> +<span class="i0">Ne se pourrait bonnement contenter,<br /></span> +<span class="i0">Sans vous toucher, tenir, tâter, tenter;<br /></span> +<span class="i0">Et si quelqu'un survenoit d'adventure,<br /></span> +<span class="i0">Semblant ferois de vous innocenter:<br /></span> +<span class="i0">Seroit-ce pas honneste couverture?<br /></span> +</div></div> + +<p>Après tout, si ce qu'on vient d'alléguer, n'engage point les belles à +laisser aux amans les coudées franches et les mains libres, il n'en est +pas moins vrai que toutes n'ont pas cette austérité. La Corine du tendre +Ovide ne faisait pas tant la renchérie. Elle alla un jour trouver ce +poëte dans un équipage très-galant, et dans ce désordre voluptueux qui +favorise et provoque si bien la liberté des mains: Ovide lui-même nous +l'apprend dans une de ses élégies amoureuses:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Le chaud que le midi fait naître sur la terre,<br /></span> +<span class="i0">Aux plaisirs d'exercice avoit livré la guerre:<br /></span> +<span class="i0">Quand je m'allai jeter tout fatigué, tout las,<br /></span> +<span class="i0">Sur un lit de repos qui ne m'en servit pas.<br /></span> +<span class="i0">J'attendois la Beauté dont mon âme est charmée.<br /></span> +<span class="i0">Ma fenêtre n'étoit ouverte, ni fermée,<br /></span> +<span class="i0">Et ces deux changements se cédant tour-à-tour,<br /></span> +<span class="i0">Laissoient voir un combat de la nuit et du jour.<br /></span> +<span class="i0">L'on voit dans les forêts de ces sombres lumières,<br /></span> +<span class="i0">Qui ne sont ni clartez, ni ténèbres entières,<br /></span> +<span class="i0">Et tels sont du soleil les timides flambeaux,<br /></span> +<span class="i0">Lorsqu'il vient sur la terre, ou qu'il va sous les eaux.<br /></span> +<span class="i0">Tel est le tems obscur qu'il faut donner aux dames;<br /></span> +<span class="i0">De peur que la clarté ne trahisse leurs flâmes.<br /></span> +<span class="i0">L'Amour est un enfant qu'on nous a peint sans yeux,<br /></span> +<span class="i0">Et ce dieu veut toujours être aveugle en ses jeux.<br /></span> +<span class="i0">Après quelques momens, je vis entrer Corine;<br /></span> +<span class="i0">Sous l'habit du plaisir, qu'elle avoit bonne mine!<br /></span> +<span class="i0">Un voile transparent, de ses rares beautés<br /></span> +<span class="i0">Dans un léger nuage étouffoit les clartés.<br /></span> +<span class="i0">Il faisoit à ma vue entière violence,<br /></span> +<span class="i0">Sans sauver mes desirs de leur impatience:<br /></span> +<span class="i0">Et ses cheveux, poussés d'un mouvement jaloux,<br /></span> +<span class="i0">Cachoient toute sa gorge à mes transports si doux.<br /></span> +<span class="i0">Corine valoit bien qu'ils me fissent querelle.<br /></span> +<span class="i0">Jamais Sémiramis n'avoit paru si belle;<br /></span> +<span class="i0">Et ceux qui de Laïs chantèrent les attraits,<br /></span> +<span class="i0">N'avoient, pour les toucher, formé tant de souhaits.<br /></span> +<span class="i0">Le linge me déplut, quoiqu'assez favorable;<br /></span> +<span class="i0">J'en fis avec Corine un combat agréable,<br /></span> +<span class="i0">Sa main vint au secours; mais je lus dans ses yeux,<br /></span> +<span class="i0">Que son cœur et sa main se trahissoient entr'eux.<br /></span> +<span class="i0">Sa vertu vouloit faire une honnête retraite,<br /></span> +<span class="i0">Ses efforts languissans demandoient sa défaite<br /></span> +<span class="i0">Et je vis peu d'obstacles en ce plaisir égal<br /></span> +<span class="i0">A vaincre un ennemi qui se défendoit mal.<br /></span> +<span class="i0">Quand son voile en tombant la laissa toute nue,<br /></span> +<span class="i0">Jamais rien de si beau ne s'offrit à ma vue.<br /></span> +<span class="i0">La nature sans art fait honte aux ornemens,<br /></span> +<span class="i0">Jamais de si beaux bras n'unirent deux amans.<br /></span> +<span class="i0">Jamais de deux couleurs gorge si bien mêlée<br /></span> +<span class="i0">Ne fut par les baisers doucement accablée.<br /></span> +<span class="i0">Et jamais les voisins de ce qu'on ne dit pas,<br /></span> +<span class="i0">N'étalèrent aux yeux de si charmans appas.<br /></span> +<span class="i0">Je regardai longtems, mais en pareil mystère,<br /></span> +<span class="i0">L'on ne peut pas toujours regarder sans rien faire.<br /></span> +<span class="i0">Je fis donc ce qu'on fait loin des regards fâcheux,<br /></span> +<span class="i0">Et lorsque des amants le veulent bien tous deux.<br /></span> +<span class="i0">Quand j'eus fait mon devoir, en homme de courage,<br /></span> +<span class="i0">Corine pour dormir me prêta son visage:<br /></span> +<span class="i0">Je pris un doux repos sur ce lit de corail,<br /></span> +<span class="i0">Mais certes le repos ne vaut pas le travail,<br /></span> +<span class="i0">Grands Dieux! qui me voyez peut-être avec envie;<br /></span> +<span class="i0">Laissez-moi me choisir les plaisirs de la vie.<br /></span> +<span class="i0">Je renonce au sommeil, et le milieu du jour,<br /></span> +<span class="i0">Comme il est le plus chaud, est plus propre à l'amour.<br /></span> +</div></div> + +<p>O femmes auxquelles il est si difficile d'échapper aux moyens de +séductions multipliées contre vous, je pense que la mode que vous avez +établie de nous découvrir gratuitement ce que vous avez de plus beau, +est un excellent moyen de diminuer nos désirs par l'habitude de voir, et +par la satiété; mais si, dans le tête-à-tête, vous voulez conserver +toute votre raison, et ne point donner de droits sur vous, en faisant un +ingrat ou un inconstant, n'oubliez pas de défendre les jeux de mains, +dont les conséquences sont funestes à la vertu; retenez bien le sens de +ces vers, que vous vous ferez expliquer avant de rien permettre, et vous +me remercierez:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0"><i>Post visum, risus, post risum, venit ad usum:</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Post usum tactus: post tactum, venit ad actum.</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Post actum, fructus: post fructum, poenitet actum.</i><br /></span> +</div></div> + +<p>Toutes les gradations de l'audace sont expliquées dans le distique +suivant, et toute la tactique de l'amour y est développée:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0"><i>Visus et alloquium: tactus, post oscula, factum:</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Ni fugias tactus, vix evitabitur actus.</i><br /></span> +</div></div> + +<p>La chair est faible, l'esprit est prompt. La pudeur a contre elle cinq +ennemis terribles, désignés ci-dessus, c'est-à-dire la vue, l'entretien, +le toucher, le baiser et le fait. Si vous n'évitez pas le toucher, vous +n'éviterez pas le fait. Un amant qui a obtenu un baiser, est un sot s'il +reste en chemin; songez-y.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0"><i>Oscula qui sumpsit, si non et coetera sumpsit,</i><br /></span> +<span class="i2"><i>Hæc quoque quae data sunt, perdere dignus erit.</i><br /></span> +</div></div> + +<div class="center"> + <img src="images/086.png" + alt="image" title="image" /> +</div> + + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="CHAPITRE_V" id="CHAPITRE_V"></a><a href="#table">CHAPITRE V.</a></h2> + +<h3>DES LAIDS TÉTONS.</h3> + + +<p>Il est possible que ce chapitre ne plaise pas à toutes les femmes; mais +sera-ce leur faute? sera-ce la nôtre? N'y en aura-t-il pas beaucoup qui +voudront en appeler de notre jugement? Nous touchons la corde sensible, +et nous sommes de plus en plus effrayés des précautions à prendre pour +ménager l'amour-propre. Comment un sein doit-il être, pour être laid? +Voyons ce qu'en ont dit les différents auteurs qui ont traité cette +belle matière. C'est à présent que je sens tout ce qu'a de pénible +l'emploi d'historiographe des tétons; que ne puis-je sauter à +pied-joints sur ce maudit chapitre! Pourquoi ne marche-t-on pas toujours +sur des fleurs dans cette vie? Pourquoi? pourquoi?... Eh, mon Dieu! +tous ces pourquoi-là allongeraient mon chapitre; hâtons-nous de glisser +sur les difficultés, courons dans une mauvaise route, pour nous reposer +et nous rafraîchir, quand nous serons arrivés à son terme.</p> + +<p>Je compte d'abord pour laids tétons, ceux d'une taille énorme, par +exemple, ceux de M<sup>me</sup> de Bouillon, du <i>Roman comique, qui en avait la +valeur de vingt livres distribuées à poids égaux sous chaque aisselle</i>.</p> + +<p>Ceux de Paquette, à qui Le Pays dit: <i>«Pour votre gorge et vos tétons, +ils ne sont pas blancs; mais, certes, il y a de la chair et si les +tétons s'achetoient à la livre, vous pourriez vous vanter d'être plus +riche que votre maîtresse.»</i></p> + +<p>Le <i>Poëte sans fard</i> drape compétemment une femme, qui avait des tétons +aussi gros que des pis de vache. Il lui dit:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i2">Philis, tu demandes pourquoi<br /></span> +<span class="i2">Je ne sens point d'amour pour toi?<br /></span> +<span class="i2">La raison est, que tes mamelles<br /></span> +<span class="i2">Te vont jusques sous les aisselles;<br /></span> +<span class="i2">Que ton nez est des plus punais,<br /></span> +<span class="i2">Et que ta bouche sent mauvais!<br /></span> +<span class="i2">Je crois d'ailleurs, ô vieille vache!<br /></span> +<span class="i2">Puisqu'enfin tu le veux savoir,<br /></span> +<span class="i2">Que tout ce que l'habit me cache<br /></span> +<span class="i0">Est encor plus vilain que ce qu'il laisse voir.<br /></span> +</div></div> + +<p>Je mets encore au nombre des tétons dégoûtants, ceux qui ressemblent à +la suie, comme ceux de Tisiphone: Despréaux, dans son <i>Dialogue des +morts</i>, fait ainsi faire à Sapho, l'un des personnages du <i>Grand +Cyrus</i><a name="FNanchor_9_9" id="FNanchor_9_9"></a><a href="#Footnote_9_9" class="fnanchor">[9]</a>, le portrait de cette blonde du royaume de Pluton:</p> + +<p>«Vous croyez que je ne connois pas Tisiphone; c'est une de mes +meilleures amies. Vous ne serez peut-être pas fâché que je vous en fasse +le portrait. L'illustre fille dont j'ai à vous parler, a quelque chose +de <i>si furieusement</i> beau, elle est si terriblement agréable, que je +suis <i>épouvantablement</i> empêchée, quand il vous en faut faire la +description. Elle a les yeux vifs et perçans, petits, bordés d'un +certain incarnat qui en relève <i>étrangement</i> l'éclat. Comme elle est +naturellement propre, est-elle aussi naturellement négligée; et cette +négligence fait qu'on peut voir souvent sa gorge, qui est toute +semblable à celle d'une Amazone, à la réserve que les Amazones n'avaient +qu'une mamelle brûlée, et que l'aimable Tisiphone les a toutes deux. Ses +cheveux sont longs et annelez, et semblent autant de serpenteaux qui se +jouent autour de sa tête, et qui se viennent jouer sur son visage.»</p> + +<p>De plus, je trouve laids des tétons, quoique beaux, quand la personne +qui en est pourvue est trop coquette, ou plutôt impudique. Ce caractère +efface toutes les beautés qu'elle pourrait avoir. Telle était la +Macette, à laquelle le satyrique Regnier, plutôt par ironie que +sérieusement, donne des éloges plaisants, quand il lui dit, pour la +louer, que ses cheveux sont aussi dorés qu'une orange, plus frisés qu'un +chardon; que le soleil n'est auprès du brillant de ses yeux, qu'un +cierge de la Chandeleur, et que sa mine de poupée prend les esprits à la +pipée et les appétits à la glu. Ensuite, lui parlant de ses tétons qui +ne marquent que de la lascivité, il s'exprime ainsi:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Les Grâces, d'amour échauffées,<br /></span> +<span class="i0">Nud-pieds, sans juppes, décoiffées,<br /></span> +<span class="i0">Se tiennent toutes par la main,<br /></span> +<span class="i0">Et d'une façon sadinette<br /></span> +<span class="i0">Se branlant à l'escarpolette,<br /></span> +<span class="i0">Sur les ondes de votre sein.<br /></span> +</div></div> + +<p>Outre cela, je déclare que des tétons me paraissent laids, quelque bien +tournés qu'ils puissent être, quand le sexe les fait servir de prétexte +pour être infidèle. Une Cloris dit à une Philis, dans Regnier que je +viens de citer:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">La foi n'est plus aux cœurs qu'une chimère vaine,<br /></span> +<span class="i0">Tu dois, sans t'arrêter à la fidélité,<br /></span> +<span class="i0">Te servir des amans comme des fleurs d'été,<br /></span> +<span class="i0">Qui ne plaisent aux yeux qu'étant toutes nouvelles:<br /></span> +<span class="i0">Nous avons de nature au sein doubles mamelles,<br /></span> +<span class="i0">Deux oreilles, deux yeux et divers sentimens,<br /></span> +<span class="i0">Comment ne pourrions-nous avoir divers amans?<br /></span> +<span class="i0">Je connois mainte femme à qui tout est de mise,<br /></span> +<span class="i0">Qui changent plus souvent d'amant que de chemise.<br /></span> +</div></div> + +<p>Pour voir la laideur d'un téton dans toute son étendue, on n'a qu'à lire +l'épigramme que voici, faite par Marot, sur le laid tétin:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Tetin qui n'a rien que la peau,<br /></span> +<span class="i0">Tetin fine, tetin de drapeau,<br /></span> +<span class="i0">Grand'tetine, longue tetasse,<br /></span> +<span class="i0">Tetin, doy-je dire bezace;<br /></span> +<span class="i0">Tetin au grand vilain bout noir,<br /></span> +<span class="i0">Comme celui d'un entonnoir.<br /></span> +<span class="i0">Tetin qui brimballe à tous coups<br /></span> +<span class="i0">Sans estre esbranlé, ne secous,<br /></span> +<span class="i0">Bien se peut vanter qui te taste,<br /></span> +<span class="i0">D'avoir mis la main à la paste.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Tetin grillé, tetin pendant,<br /></span> +<span class="i0">Tetin flestry, tetin rendant<br /></span> +<span class="i0">Vilaine bourbe en lieu de laict,<br /></span> +<span class="i0">Le diable te fit bien si laid.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Tetin pour tripe reputé,<br /></span> +<span class="i0">Tetin, ce cuide-je, emprunté<br /></span> +<span class="i0">Ou desrobbé en quelque sorte,<br /></span> +<span class="i0">De quelque vieille chevre morte,<br /></span> +<span class="i0">Tetin propre pour en enfer<br /></span> +<span class="i0">Nourrir l'enfant de Lucifer.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Tetin boyau long d'une gaule,<br /></span> +<span class="i0">Tetasse à jetter sur l'espaule,<br /></span> +<span class="i0">Pour faire (tout bien compassé)<br /></span> +<span class="i0">Un chaperon du temps passé,<br /></span> +<span class="i0">Quand on te void, il vient à maints<br /></span> +<span class="i0">Une envie dedans les mains,<br /></span> +<span class="i0">De te prendre avec les gants doubles,<br /></span> +<span class="i0">Pour en donner cinq ou six couples<br /></span> +<span class="i0">De souflets sur le nez de celle<br /></span> +<span class="i0">Qui te cache sous son aisselle.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Va, grand vilain tetin puant,<br /></span> +<span class="i0">Tu fournirois bien en suant<br /></span> +<span class="i0">De civettes et de parfums<br /></span> +<span class="i0">Pour faire cent mille defuncts.<br /></span> +<span class="i0">Tetin de laideur despiteuse,<br /></span> +<span class="i0">Tetin, dont nature est honteuse,<br /></span> +<span class="i0">Tetin des vilains le plus brave,<br /></span> +<span class="i0">Tetin, dont le bout toujours bave,<br /></span> +<span class="i0">Tetin fait de poix et de glus:<br /></span> +<span class="i0">Bran, ma plume, n'en parlez plus,<br /></span> +<span class="i0">Laissez-le là, ventre Saint-George,<br /></span> +<span class="i0">Vous me feriez rendre ma gorge.<br /></span> +</div></div> + +<p>Bon Dieu! le vilain objet!... hélas! le suivant, peint par Benserade, +n'est pas plus gracieux; pourquoi des poëtes se plaisent-ils ainsi à +tremper leurs plumes dans l'ordure? c'est qu'il faut des ombres aux +tableaux.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Pendantes et longues mamelles,<br /></span> +<span class="i0">Où les perles et l'oripeau,<br /></span> +<span class="i0">N'imposent à pas un chapeau;<br /></span> +<span class="i0">Molles et tremblantes jumelles.<br /></span> +<span class="i0">Tetasses de grosses femelles,<br /></span> +<span class="i0">A couvrir d'un épais drapeau,<br /></span> +<span class="i0">Peau bouffie et rude, moins peau<br /></span> +<span class="i0">Que cuir à faire des semelles,<br /></span> +<span class="i0">De vieille vache aride pis:<br /></span> +<span class="i0">Que ne puis-je dire encor pis<br /></span> +<span class="i0">D'un sein qui tombe en pourriture!<br /></span> +<span class="i0">Sein d'où s'exhale par les airs,<br /></span> +<span class="i0">Un air qui corrompt la nature;<br /></span> +<span class="i0">Sein propre à nourrir des cancers.<br /></span> +</div></div> + +<p>Clément Marot et Benserade ne sont pas les seuls qui se soient occupés +de décrire les vilains tétons; Rabelais, dans son épître à une vieille, +Motin, Regnier, Sygognes, Maynard, se sont plu à nous détailler ces +horreurs.</p> + +<p>Maynard passant en revue tout le corps d'une vieille ridée, arrivé à ses +tétons, s'écrie:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Vos tetins, dont la peau craquette<br /></span> +<span class="i0">Comme laurier qu'au feu l'on jette,<br /></span> +<span class="i0">A toucher ne sont point plus doux<br /></span> +<span class="i0">Que le dessus d'un vieux registre,<br /></span> +<span class="i0">Et comme un bissoc de belistre,<br /></span> +<span class="i0">Ils vous tombent sur les genoux.<br /></span> +</div></div> + +<p>Un peu plus loin, Sygogne, dans sa satyre contre une vieille sorcière, +dit:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Vostre estomach faict en estrille<br /></span> +<span class="i0">Pourroit encor servir de grille,<br /></span> +<span class="i0">Vos flancs de herse on de rateau,<br /></span> +<span class="i0">Et de vos pendantes mamelles<br /></span> +<span class="i0">Un bissac ou des escarcelles<br /></span> +<span class="i0">Pour mettre l'argent du bordeau.<br /></span> +</div></div> + +<p>En voilà assez sur ce sujet peu ragoûtant; nous renvoyons les lecteurs +amoureux de ces sortes d'écrits, au <i>Cabinet satyrique</i>; ils trouveront +là-dedans de quoi se satisfaire.</p> + +<p>Les tétons sont la dernière beauté qui vient au sexe, et la première qui +est confisquée: il est peu de ces femmes privilégiées qui les conservent +comme Ninon et Gabrielle B.... C'est pour cela qu'elles en ont un soin +tout particulier, et qu'elles confient leurs enfants au sein mercenaire +des nourrices.</p> + +<p>Malgré cela, vingt ans de mariage gâtent les tétons les mieux faits. Ils +ne sont pas non plus à l'épreuve de la vieillesse. Comme elle ternit le +teint le plus vif, qu'elle éteint les yeux les plus brillants, elle +amollit les tétons les plus rebondis. C'est ce que nous apprennent ces +stances contre une dame qui avait vieilli à la cour, et qui se voulait +marier:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Quoi! vous vous mariez! douce et tendre mignonne,<br /></span> +<span class="i6">Et ne l'avez encore été!<br /></span> +<span class="i0">Je ne vois rien du tout dessus votre personne,<br /></span> +<span class="i6">Qui ne prêche la chasteté.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Pour de l'âge, on sait bien que vous n'en manquez guère,<br /></span> +<span class="i6">Votre visage étant garant<br /></span> +<span class="i0">Que ce qu'on fait pour vous, se pouvoit fort bien faire<br /></span> +<span class="i6">Du règne de Henri-le-Grand.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Vous éloignant d'ici, les beautés de la reine<br /></span> +<span class="i6">Ont purgé ce noble séjour:<br /></span> +<span class="i0">De même qu'un torrent, votre sortie entraîne<br /></span> +<span class="i6">Toute l'ordure de la Cour.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Celui qui vous épouse, en témoignant sa flamme,<br /></span> +<span class="i6">N'établit pas mal son renom:<br /></span> +<span class="i0">Qui s'est bien pu résoudre à vous prendre pour femme,<br /></span> +<span class="i6">Ira bien aux coups de canon.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Comme vous n'êtes plus qu'une vieille relique.<br /></span> +<span class="i6">Objet de la compassion.<br /></span> +<span class="i0">Dès qu'on dit que sur vous un sacrement s'applique,<br /></span> +<span class="i6">On pense à l'Extrême-Onction.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Qui se lie avec vous espère un prompt veuvage,<br /></span> +<span class="i6">Ou, peut-être, ce pauvre amant<br /></span> +<span class="i0">Entend que le contrat de votre mariage<br /></span> +<span class="i6">Passe pour votre testament.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Vous seriez bien sa mère, et la foi conjugale<br /></span> +<span class="i6">Est mal placée entre vous deux:<br /></span> +<span class="i0">L'inceste est en effet une chose si sale,<br /></span> +<span class="i6">Que le portrait en est hideux.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Les plus intemperez de votre bonne grâce,<br /></span> +<span class="i6">Ne donneroient pas un teston,<br /></span> +<span class="i0">Et l'on doit s'avouer qu'on est à la besace,<br /></span> +<span class="i6">Quand on vous touche le téton.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Souffrez ce petit mot, sans traiter de satire,<br /></span> +<span class="i6">Un stile si franc et si doux:<br /></span> +<span class="i0">Vous êtes en un point où l'on ne peut médire,<br /></span> +<span class="i6">Quelque mal qu'on dise de vous.<br /></span> +</div></div> + +<p>Urbain Chevreau<a name="FNanchor_10_10" id="FNanchor_10_10"></a><a href="#Footnote_10_10" class="fnanchor">[10]</a>, dans ses stances <i>sur une vieille amoureuse</i>, p. +150 de ses poésies, édition de 1656, in-12, décrit ainsi sa gorge:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Cependant, vous vous ajustez,<br /></span> +<span class="i0">Et votre gorge aux libertés<br /></span> +<span class="i0">Semble encor faire des menaces:<br /></span> +<span class="i0">Mais chaque jour nous regrettons<br /></span> +<span class="i0">Qu'il n'en reste plus que les traces:<br /></span> +<span class="i0">Et que vous ayez des besaces<br /></span> +<span class="i0">Où vous avez eu des tétons.<br /></span> +</div></div> + +<p>Antoine Legrand nous démontre le pouvoir des ans d'une manière +très-pathétique:</p> + +<p>«L'arrière-saison, dit-il, a ses plaisirs: son utilité égale bien les +incommodités qu'elle nous apporte. Elle est l'attente des laboureurs, et +la récompense des vignerons; si elle dépeuple les campagnes et leurs +collines, elle remplit leurs caves de vin, leurs greniers de grains et +leurs granges de moissons. Mais, dès qu'une femme approche de la +vieillesse, que ses cheveux prennent la couleur des cendres, que les +rides sillonnent son front, que ses yeux commencent à jetter de la cire, +que ses joues lui tombent sur le menton et que ces deux montagnes de +lait deviennent une double besace pleine de sang; elle cesse d'être le +souhait des hommes, ses amants en ont horreur: ceux qui la recherchaient +auparavant la haïssent.»</p> + +<p>Tout le monde connaît la réponse ingénieuse et maligne de Voltaire à une +dame qui présumait trop de sa gorge. Deguerle, auteur de l'<i>Eloge des +perruques</i>, l'a mise en vers. La voici:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Dans certain cercle assez galant,<br /></span> +<span class="i0">Certaine dame fort coquette,<br /></span> +<span class="i6">Allait chantant<br /></span> +<span class="i6">Papillonnant<br /></span> +<span class="i6">En débitant<br /></span> +<span class="i6">Mainte sornette.<br /></span> +<span class="i0">L'espiègle, comme une autre, avait été jeunette<br /></span> +<span class="i6">Un demi-siècle auparavant.<br /></span> +<span class="i6">Vieille, laide et coquette! autant<br /></span> +<span class="i6">Vaudroit, ma foi, singe en cornette.<br /></span> +<span class="i6">Un gros chanoine, aux yeux dévots,<br /></span> +<span class="i0">Du vénérable sein de la Vénus antique,<br /></span> +<span class="i0">Lorgnoit en tapinois les vieux débris jumeaux,<br /></span> +<span class="i0">Qu'agitait avec art maint soupir méthodique,<br /></span> +<span class="i6">Sous la gaze trop véridique.<br /></span> +<span class="i0">—Fripon, dit l'éternelle, où vont donc vos regards?<br /></span> +<span class="i0">Ces petits coquins-ci feront damner votre âme<br /></span> +<span class="i0">Voltaire l'entendit:—Petits coquins, madame<br /></span> +<span class="i6">Dites plutôt de grands pendards.<br /></span> +</div></div> + +<p>La voici autrement:</p> + + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">LA MÉTAMORPHOSE.</span></div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Gertrude à vingt ans fut jolie:<br /></span> +<span class="i0">Elle avoit deux petits tettons<br /></span> +<span class="i0">Qu'Ariste aimoit à la folie<br /></span> +<span class="i0">Et nommoit ses petits frippons.<br /></span> +<span class="i0">Ariste fit un long voyage,<br /></span> +<span class="i0">Et revint après vingt-cinq ans.<br /></span> +<span class="i0">Je laisse à penser quel ravage<br /></span> +<span class="i0">Chez Gertrude avoit fait le temps.<br /></span> +<span class="i0">Sur les frippons, par habitude,<br /></span> +<span class="i0">Ariste jeta ses regards:<br /></span> +<span class="i0">—Ah! mes petits frippons, Gertrude,<br /></span> +<span class="i0">Sont devenus de grands pendards.<br /></span> +</div></div> + +<p>Après avoir parlé des femmes qui ont une laide gorge, il est à propos de +parler de celles qui n'en ont pas du tout. Un renard pris au piège, au +moment où il se propose de croquer une poule, un créancier qui se repaît +avec volupté de l'espérance de faire saisir les meubles d'un malheureux +débiteur et trouve la maison vide, éprouvent moins d'humeur et de +surprise qu'un galant qui, après mille efforts pour découvrir et dévorer +de son œil furtif une belle gorge, n'en trouve que la place.</p> + +<p>Le citoyen Mercier de Compiègne, auteur de la traduction du +<i>Vendangeur</i>, de <i>Rosalie et Gerblois</i>, de <i>Gérard de Velsen</i>, etc., +raconte ainsi dans un volume de ses <i>Soirées de l'Automne</i>, la +vengeance d'un galant, qui avait éprouvé un pareil échec:</p> + + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">LE FICHU MENTEUR.</span></div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">CONTE.</span></div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i2">Près d'une ci-devant beauté,<br /></span> +<span class="i2">Dorval fatiguant sa visière,<br /></span> +<span class="i2">Cherchoit si le double hémisphère<br /></span> +<span class="i0">Apparoîtrait à son œil enchanté.<br /></span> +<span class="i2">Vains efforts! la recherche avide<br /></span> +<span class="i2">Que trompe un gros fichu menteur,<br /></span> +<span class="i2">N'offre à ses regards que du vide<br /></span> +<span class="i2">Dont enrage l'observateur.<br /></span> +<span class="i0">Bref, il n'étoit resté le moindre atôme<br /></span> +<span class="i2">A la dame de ses appas.<br /></span> +<span class="i2">Pour se venger, que fait notre homme?<br /></span> +<span class="i2">Où fut logé ce qu'il ne trouve pas,<br /></span> +<span class="i2">Adroitement une carte est glissée;<br /></span> +<span class="i0">De l'action la dame embarrassée<br /></span> +<span class="i2">Lui dit: Dorval, que faites vous?...<br /></span> +<span class="i0">—Ah! de grâce, point de courroux!<br /></span> +<span class="i0">Il ne faut pas que ceci vous étonne,<br /></span> +<span class="i2">Je voulois voir un mien ami,<br /></span> +<span class="i2">Mais, hélas! n'y trouvant personne,<br /></span> +<span class="i2">Ainsi que l'usage l'ordonne,<br /></span> +<span class="i2">Je laisse ma carte chez lui.»<br /></span> +</div></div> +<div class="center"> + <img src="images/097.png" + alt="image" title="image" /> +</div> + +<hr style="width: 65%;" /> +<div class="center"> + <img src="images/098.png" + alt="image" title="image" /> +</div> +<h2><a name="CHAPITRE_VI" id="CHAPITRE_VI"></a><a href="#table">CHAPITRE VI.</a></h2> + +<h3>DES CONTRÉES OÙ LES FEMMES SONT LE MIEUX PARTAGÉES DE TÉTONS.</h3> + + +<p>C'est ici qu'il nous faudrait les talents de Tavernier, de Paul Lucas, +de Levaillant, de Christophe Colomb, de Bougainville et de Pallas, il +faudrait avoir vu tous les pays du monde pour décider quels sont ceux +pour lesquels les tétons viennent le mieux, et je n'ai voyagé qu'en +Suisse et en Allemagne. J'ai vu à Neufchatel et à Berne les tétons les +plus jolis que l'on puisse voir, très-bien apprivoisés, et qui, dans le +tête-à-tête, ne se refusaient jamais à l'hommage que les mains voulaient +leur rendre.</p> + +<p>Le Corrége, l'Albane, le Titien, prirent le type des beautés qu'ils +peignirent, dans les Italiennes de leur temps. Rome et son territoire +en offrent encore d'éclatants exemples; et, à l'âge du retour, les +Romaines ont de superbes épaules. Mais c'est en Sicile et en Toscane, à +Florence et à Sienne, même à Venise, que naissent les plus séduisantes +beautés de l'Italie; car, dans la Lombardie et le voisinage des Alpes, +les formes plus volumineuses et plus massives, sont bien moins +enchanteresses. Les belles Françaises vivent surtout vers Avignon, +Marseille, et dans l'ancienne Provence, peuplée jadis par une colonie +grecque de Phocéens. Plus au nord, le sang des Cauchoises, des Picardes +et des Belges est plus beau, et la peau est d'une blancheur plus +éclatante, mais il y a certainement moins de finesse dans les contours +et de délicatesse dans les formes. A Paris, l'on rencontre en général +moins de beautés que de grâces dans la démarche et toutes les manières. +Les Marseillaises et la plupart des Languedociennes ont aussi moins de +gorge que les Normandes, les Belges, les Suissesses. Les plus grandes +beautés de l'Espagne sont dans l'Andalousie et à Cadix: on les dit +très-exigeantes en plus d'un genre, capricieuses, et pourtant +très-constantes dans leur attachement; elles concilient le dérèglement +des mœurs avec l'observance la plus scrupuleuse des devoirs religieux. +La ville de Guimanarez et ses environs sont peuplés des plus charmantes +Portugaises, la plupart courtes et vives, qui présentent en général +beaucoup de gorge, tandis que les Castillanes n'en ont presque pas. +Toutes ont ces beaux yeux noirs, cette taille svelte et souple, ce teint +pâle, cet air sérieux, dédaigneux même, qui peuvent enflammer les +grandes passions, et rebuter les hommages frivoles et vulgaires.</p> + +<p>On connaît le teint éblouissant, les traits expressifs, la physionomie +fine et touchante des Anglaises; plusieurs ont la gorge et l'élégant +corsage des Normandes; elles sont presque toutes blondes, quelquefois +même rousses. En Écosse, leur teint devient d'un blanc fade comme aux +Hollandaises: mais celles-ci montrent souvent de l'embonpoint, beaucoup +de gorge, une carnation pâle et molle. De toutes les Allemandes, les +Saxonnes emportent le prix de la beauté; on ne rencontre peut-être pas +un laid visage dans le territoire d'Hildesheim; le teint charmant de +tous les habitants fait dire en proverbe que les femmes y croissent +comme les fleurs. Quoique les Autrichiennes ne soient pas laides, les +Hongroises paraissent généralement plus belles; mais, dans toutes les +nations germaniques, elles pèchent souvent par un excès d'embonpoint.</p> + +<p>A Gratz, en Styrie, une infinité de femmes et de demoiselles ont des +amants et en changent publiquement sans qu'on y trouve à redire; +cependant elles sont très-dévotes. Les femmes y ont un beau teint blanc, +de gros tétons, mais un peu trop massifs.</p> + +<p>Plus au nord, les Polonaises méritent d'être remarquées. Elles ont la +blancheur mais aussi, dit-on, la froideur de la neige. Les femmes +russes sont, au contraire, fort amoureuses, mais l'abus des bains de +vapeur, ou plutôt l'atmosphère chaude où elles vivent, rend bientôt mous +et flasques tous leurs appas; sous leurs chaudes pelisses elles couvent +d'ardentes passions, aussi les accuse-t-on de préférer toujours en amour +le physique au moral.</p> + +<p>Les Albanaises sont plus agréables que les Morlaques; celles-ci portent +une peau tannée, de longues mamelles pendantes, avec un mamelon noir.</p> + +<p>On trouve à Dresde, à Leipsik, à Halle, de simples grisettes dont les +tétons blancs, rebondis et bien taillés, seraient capables d'orner le +sein des reines du monde; la Saxe est surtout le climat où ces +dariolettes sont de la meilleure qualité. Il paraît que le sexe de la +Souabe est aussi abondamment pourvu de ces attraits, si l'on en doit +croire l'apologie qu'a faite d'eux certain étudiant de l'université de +Tubingue, et que l'on a trouvée écrite à la tête de son <i>Corpus juris +civilis</i>:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0"><i>Hæc Tubingiacis dos est perpulchra puellis,</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Ubera magna, pudor tenuis, vulvæque patentes,</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Res angusta domi, foris ampla, et splendida dixi.</i><br /></span> +</div></div> + +<p>Si nous en croyons la comtesse d'Aulnoy, les Espagnoles n'ont point de +gorge et n'en veulent point avoir; voici comme elle en parle: «C'est une +beauté pour les dames espagnoles de n'avoir point de gorge, et elles +prennent de bonne heure des précautions pour l'empêcher de venir. +Lorsque le sein commence à paraître, elles mettent dessus de petites +plaques de plomb, et se bandent comme les enfants que l'on emmaillote. +Il est vrai qu'il s'en faut peu qu'elles n'ayent la gorge aussi unie +qu'une feuille de papier, à la réserve des trous que la maigreur y +creuse, et ils sont toujours en grand nombre.»</p> + +<p>Plaignons l'aveuglement de ces Espagnoles qui outragent la nature, en +refusant des bienfaits dont elle est si avare; plaignons aussi ces +Françaises que la manie de revêtir les habits d'homme porte tous les +jours à détruire ce chef-d'œuvre si gracieux et si attrayant de leur +sexe; le délire de cette espèce d'hermaphrodites me fait pitié et +m'irrite. Vite, éloignons cette idée affligeante en admirant les beaux +tétons de l'Angleterre. Tous les connaisseurs qui ont voyagé dans cette +partie de l'Europe s'accordent à dire que la Grande-Bretagne est la mère +nourrice des beaux tétons. Voilà ce que Le Pays écrivait de Londres à un +de ses amis:</p> + +<p>«Ce que nous avons vu de plus qu'à Paris, ç'a été un grand nombre de +fort belles femmes, qui sont toutes copieusement partagées de tétons. +Comme c'est une marchandise qui est ici à grand marché, et assez +précieuse en France, nous avions résolu d'en acheter un bon nombre, et +de vous les envoyer tous dans une barque, attachés deux à deux avec du +ruban couleur de feu, qui est ici, comme vous savez très-beau et en +très-grande abondance. Nous étions persuadés que cette marchandise vous +plairait, et que vous seriez bien aise d'en fournir à quantité de vos +amies, qui en ont bon besoin, et qui les achèteraient volontiers. Mais +comme les commis des Traites foraines ne laissent rien passer sans le +visiter, nous avons changé de dessein, sachant fort bien que c'est une +marchandise qui se gâte, pour peu qu'on la visite, et qu'ainsi elle +auroit bientôt perdu toute sa beauté et tout son éclat quand elle seroit +entre vos mains.»</p> + +<p>Dans une autre lettre qu'il écrit de la même ville à une dame, il lui +donne cette commission:</p> + +<p>«Dites à M<sup>me</sup> de la L. G. que si elle étoit en Angleterre, elle ne seroit +pas la reine des tétons, comme elle l'est à..., puisque les dames de ce +royaume en ont qui ne cèdent point aux siens. La différence qu'il y a, +c'est qu'on patine les tétons d'Angleterre dès la première connoissance, +et sans grande cérémonie; que pour elle, elle ne laisse pas seulement +voir les siens après six mois de soins et de services.»</p> + +<p>Pavillon, dans un endroit de sa lettre à M<sup>me</sup> Pelissari, sur le voyage de +sa fille en Angleterre, dit:</p> + +<p>«Le défunt pays de Cocagne, de très-heureuse mémoire, ne valoit guère +mieux que celui-ci.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Le Prince<a name="FNanchor_11_11" id="FNanchor_11_11"></a><a href="#Footnote_11_11" class="fnanchor">[11]</a> qu'en sa cour peu de monde environne,<br /></span> +<span class="i2">Peut être aisément abordé:<br /></span> +<span class="i2">Il n'est presque jamais gardé<br /></span> +<span class="i0">Que par le seul respect qu'on porte à sa personne.<br /></span> +<span class="i0">On le voit aussitôt qu'on vous a présenté.<br /></span> +<span class="i2">Malgré l'éclat de la couronne,<br /></span> +<span class="i2">Celui que sa grandeur étonne,<br /></span> +<span class="i2">Est rassuré par sa bonté.<br /></span> +<span class="i2">Ses sujets sont dans l'opulence.<br /></span> +<span class="i2">Ses champs produisent à souhait,<br /></span> +<span class="i2">Et vous ne sentez sa puissance<br /></span> +<span class="i2">Que par les biens qu'elle vous fait.<br /></span> +<span class="i0">La terre sans impôts et le ciel sans colère<br /></span> +<span class="i0">Nous laissent en repos jouir de notre bien.<br /></span> +<span class="i2">Le Roi ne lève presque rien,<br /></span> +<span class="i2">Et Jupiter n'y tonne guère.<br /></span> +<span class="i2">Tout votre sexe à cheveux blonds,<br /></span> +<span class="i2">À teint de lys, à beau corsage,<br /></span> +<span class="i0">Magnifique en habits, en train, en équipage,<br /></span> +<span class="i2">Fait marcher devant son visage<br /></span> +<span class="i2">Une infinité de tétons.<br /></span> +</div></div> + +<p>Il dit encore dans un autre endroit de la même lettre:</p> + +<p>«Nous mènerons au premier jour votre fille à Windsor; c'est un lieu +charmant où le bon roi Stuart tient maintenant cour plénière. Elle +prétend lui demander un don, qui est la réformation des tétons dans +toute l'étendue de son royaume, suivant le modèle qu'elle lui en +présentera elle-même. Vous saurez, madame, qu'en tous ces quartiers, la +plupart des tétons, sous prétexte qu'ils sont blancs comme neige, n'ont +point honte d'aller tout nuds dans les rues, et qui plus est, de se +baiser hardiment à la vue de tout le monde, sans crainte de Dieu et des +hommes. Les gens du pays pensent que cette réforme sera facile à +établir, parce que les tétons de ce territoire étant de leur nature fort +dociles, on peut aisément les réduire à en faire tout ce qu'on voudra.»</p> + +<p>Avant de finir, je dois encore dire que j'ai vu dans des couvents toutes +sortes de beaux tétons; il est vrai que ce n'est que la figure et non la +forme. J'y ai trouvé des tétons naissants et des tétons formés, où rien +ne manquait que la permission de les voir à découvert et de sentir s'ils +étaient durs. Peindrai-je ces touffes de lys et de roses mollement +comprimées par la guimpe, ces sphères de neige qui croissaient à l'ombre +des autels, et qui ne pouvaient être accessibles qu'aux doigts sacrés du +pater et du directeur, ou d'un jardinier discret et charmant? Comme je +ne produirais rien de neuf et de piquant dans ces descriptions d'objets +que j'ai toujours aimés, et que j'ai très-rarement vus, tels que ma +muse les voudrait peindre, je crois plus sage de renvoyer mon lecteur, +pour qu'il n'y perde rien, aux friandes peintures qu'en ont faites +Voltaire, dans sa <i>Pucelle</i>, Piron, Dorat, et autres poëtes érotiques +modernes, et je me borne à dire: vive un sein de couvent!...</p> + +<p>Ceci me remet dans l'esprit un sonnet pour une belle personne, à qui les +tétons étaient venus depuis qu'elle était religieuse.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Ci gisent les tétons de la jeune Sylvie,<br /></span> +<span class="i0">Pitoïable passant, admire et plains leur sort.<br /></span> +<span class="i0">Ils n'avoient pas du ciel encor reçu la vie,<br /></span> +<span class="i0">Qu'on les avoit déjà destinez à la mort.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">On ne consulta point leur naturelle envie:<br /></span> +<span class="i0">Leur courroux fait bien voir qu'on leur a fait grand tort,<br /></span> +<span class="i0">Puisqu'on les voit s'enfler contre la tyrannie<br /></span> +<span class="i0">Qui les mit au tombeau par un barbare effort.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Mais ce qui te fera plaindre leur aventure,<br /></span> +<span class="i0">C'est qu'on les tient vivants dans cette sépulture,<br /></span> +<span class="i0">Comme étant convaincus d'un horrible forfait.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Tout leur crime pourtant n'est que d'avoir sçu plaire;<br /></span> +<span class="i0">Peur moi, ne voyant pas quel mal ils avoient fait,<br /></span> +<span class="i0">Je crois qu'on les punit de ceux qu'ils pouvoient faire.<br /></span> +</div></div> + +<p>Si des Européennes nous passons aux femmes de la race, où plutôt de +l'espèce nègre, nous leur trouverons généralement une disposition +extrême à la lasciveté et même une conformation particulière dans les +organes sexuels. Comme cette espèce d'hommes est moins propre au +développement des facultés intellectuelles, elle est aussi plus disposée +aux fonctions purement animales, et la plupart des nègres sont <i>bene +mutonati</i>. Les négresses paraissent conformées dans la même proportion, +de sorte que les européens les trouvent fort larges. Toutes ont, comme +on sait, une gorge très-volumineuse, et bientôt molle et pendante, même +dans les climats où l'on ne peut pas en accuser la chaleur +atmosphérique, comme au nord des États-Unis; mais ce qui surtout les +distingue de la race blanche, c'est le prolongement naturel des nymphes, +et quelquefois du clitoris, bien moins commun chez les femmes blanches +que chez les négresses.</p> + +<p>Les femmes cafres, les mieux constituées de toutes les négresses, et les +plus fortes, ont un caractère plus ardent et plus viril; les négresses +joloffes et mandingues, sans être aussi bien formées, et avec un sein +plus tombant, une transpiration d'odeur porracée, paraissent cependant +encore agréables dans leur première jeunesse. Leur peau est douce et +soyeuse comme le satin. Mais elles déploient une lubricité et des +passions inouïes dans nos climats; elles semblent porter dans leur sein +enflammé tous les feux de l'Afrique. Pour exciter davantage l'ardeur de +l'homme, les Égyptiennes coptes se frottent les parties sexuelles de +parfums stimulants, comme d'ambre, de civette et de musc. Aussi, un +proverbe des Turcs dit: Prends une blanche pour les yeux; mais pour le +plaisir, prends une Égyptienne, ou une négresse.</p> + +<p>On convient cependant que les négresses sont excellentes mères; la +plupart ont beaucoup de lait; les mamelles des Égyptiennes étaient +renommées par leur volume extrême dès le temps de Juvénal:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0"><i>In Meroe crasso majorem infante papillam.</i><br /></span> +</div></div> + +<p>A la Nouvelle-Hollande, la parure d'une belle Malaie consiste toute en +sa peau, étrangement bariolée de piqûres de diverses couleurs, et c'est +ce qu'on appelle <i>tatouage</i>; toutes ont soin d'assouplir leur peau par +le bain et par l'huile de coco; elles se vêtissent de tissus de +feuillage ou d'écorces légères qui ne dérobent point la vue de leurs +charmes secrets. Elles n'ont pas toujours la gorge pendante des +négresses; elle est même assez petite dans les premiers temps de la +puberté.</p> + +<p>Ne pensons pas que les négresses soient toujours dépourvues de beauté; +elles ont aussi leur prix. On en a vu de fort jeunes, ayant un nez droit +et presque aquilin, et avec une figure qui, si nous en exceptons la +couleur, n'aurait pas déparé une Européenne: on n'y remarquait point +cette vilaine moue des Éthiopiens; l'avancement des joues y était +presque insensible, et le sein, parfaitement placé, n'y était pas +flasque et pendant, mais d'une agréable rotondité. Considérons ces +lèvres d'un rouge éclatant de corail sur un fond d'ébène soyeux, cette +petite bouche, qui ressemble à un bouton vermeil et frais de rose, posé +sur du velours noir; contemplons cette double rangée de perles +brillantes, ces grands et beaux yeux pleins de feu; admirons la douce +aménité du visage, cette suavité des formes, cette voluptueuse +flexibilité, ce balancement, cette souplesse dégagée de tous les +mouvements, bien plus sensible dans les négresses que dans les +Européennes; et s'il m'était permis de peindre tant d'autres attraits +qui ne sont ordinairement couverts, dans ces esclaves infortunées, que +du voile de la simple innocence, à combien de femmes laides, quoique +blanches, paraîtraient-elles préférables pour des yeux non prévenus!</p> +<div class="center"> + <img src="images/109.png" + alt="image" title="image" /> +</div> + +<hr style="width: 65%;" /> +<div class="center"> + <img src="images/110.png" + alt="image" title="image" /> +</div> +<h2><a name="CHAPITRE_VII" id="CHAPITRE_VII"></a><a href="#table">CHAPITRE VII.</a></h2> + +<h3>DE L'ÉLOQUENCE DES TÉTONS.</h3> + + +<p>Il y a eu deux Phryné, outre celle qui est célèbre par la statue d'or +massif qu'elle donna au temple de Jupiter, avec cette inscription: <i>De +l'intempérance des Grecs</i>; et les murailles de Thèbes qu'elle avait +rebâties. Il ne faut pas confondre cette illustre courtisane grecque +avec une autre Phryné que l'on avait surnommée ainsi d'un mot grec, qui +signifie <i>crible</i>, parce qu'elle criblait et ruinait ses amants, sans en +être plus riche; comme font presque toutes celles que nous voyons +aujourd'hui briller sur les mille et un théâtres de notre luxurieuse +capitale.</p> + +<p>Une troisième (celle dont je veux parler), fut accusée d'impiété par les +Athéniens, et traduite devant l'aréopage, pour subir la peine capitale +que méritait ce crime. Les juges, impassibles comme la loi, admiraient +sans en être émus, les grâces les plus attrayantes, la toilette la plus +voluptueusement raffinée, des yeux qui avaient fait tomber aux pieds de +la nymphe les personnages les plus distingués, les philosophes, les +sages et les chefs de la République. L'auditoire était nombreux. La +pitié, le tendre intérêt se peignait sur tous les visages, et rien ne +pouvait soustraire la courtisane au supplice; la déposition des nombreux +témoins ne laissait plus d'espoir, le crime était avéré, les juges +allaient, en gémissant tout bas, prononcer la redoutable sentence; +l'avocat de l'accusée avait épuisé toutes les ressources de l'art +oratoire, mais toute son éloquence était perdue. Tout à coup une idée +lumineuse et hardie, produite par la tentative la plus désespérée, +exalte sa tête, et lui fournit un moyen de gagner sa cause. Il découvre +brusquement le sein de sa belle cliente, et ce spectacle inattendu a +produit dans toute l'assemblée une espèce de délire; on croit voir Vénus +elle-même, qui sous les traits d'une mortelle, a quitté Chypre et +Amathonte, pour recueillir l'hommage des Grecs, et demander la grâce de +l'accusée. La gravité des juges cède au charme vainqueur de +l'étonnement, du plaisir et de l'admiration. La bouche ne trouve pas +d'expression pour rendre le sentiment, mais le silence et l'avidité des +regards, un cri général d'intérêt et de compassion, tout complète le +triomphe de Phryné. Elle était suppliante, éplorée, courbée sous le +poids de l'improbation: un sein paraît, la chance tourne, elle commande +en souveraine, elle asservit tout ce qui porte les yeux sur elle: «Eh +bien, ajoute le défenseur, profitant du succès de son stratagème, si +elle est coupable, qui de vous, Athéniens, osera condamner à la mort ce +que la nature a formé de plus beau? Osez regarder celle dont vous voulez +verser le sang, et si vous le pouvez, oubliez que vous êtes hommes.» Il +dit, et l'Aréopage, quittant son auguste caractère, a repris unanimement +les sentiments d'humanité. Phryné est déclarée innocente, et portée chez +elle en triomphe.</p> + +<p>Cette manière de justifier n'est pas encore abolie, dit à ce sujet le +galant Saint-Evremont; il y a bien de belles femmes, coupables quand on +ne les voit pas, qui deviennent innocentes aussitôt, quand on les voit. +Souvent même, les juges punissent les femmes pour un certain crime +qu'ils voudraient bien avoir commis avec elles.</p> + +<p>Ceux de mes lecteurs qui aiment la poésie, liront avec plaisir cette +même anecdote, racontée avec plus de grâce par le citoyen Deguerle, déjà +cité.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">PHRYNÉ DEVANT L'ARÉOPAGE.</span></div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Phryné plaidoit devant l'Aréopage;<br /></span> +<span class="i0">Si l'on en croit plus d'un docte écrivain<a name="FNanchor_12_12" id="FNanchor_12_12"></a><a href="#Footnote_12_12" class="fnanchor">[12]</a>.<br /></span> +<span class="i0">Grave parut le cas en arbitrage:<br /></span> +<span class="i0">Il s'agissait du service divin.<br /></span> +<span class="i0">«Quoi! de Vesta (criait un peuple nain)<br /></span> +<span class="i0">Oser railler l'immortel pucelage!<br /></span> +<span class="i0">Et des époux rire au nez de Vulcain!<br /></span> +<span class="i0">Au feu, l'impie! au feu! de par Jupin.»<br /></span> +<span class="i0">La gent dévote au sénat faisait rage:<br /></span> +<span class="i0">La belle Grecque y perdit son latin.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Vous connaissez ces deux formes jumelles<br /></span> +<span class="i0">Qu'en demi-globe, à l'ombre de ses ailes,<br /></span> +<span class="i0">L'Amour assied sur un trône pareil:<br /></span> +<span class="i0">Pommes de neige où couvent étincelles:<br /></span> +<span class="i0">La gaze y voit, loin de l'œil du soleil,<br /></span> +<span class="i0">Poindre à quinze ans la fraise au teint vermeil.<br /></span> +<span class="i0">Froide raison, à genoux devant elles!<br /></span> +<span class="i0">Que de procès, en maint sage conseil,<br /></span> +<span class="i0">N'ont point gagné ces avocats femelles?<br /></span> +<span class="i0">Si plaideuse onc en connut le talent,<br /></span> +<span class="i0">C'était la nôtre. Or ça (dit la rusée,<br /></span> +<span class="i0">Quand elle vit sa rhétorique usée):<br /></span> +<span class="i0">«Mettons en jeu mon dernier argument.»<br /></span> +<span class="i0">Et la voilà qui garde un long silence....<br /></span> +<span class="i0">Puis on la voit et sourire et rougir;<br /></span> +<span class="i0">Couleur de rose! équivoque nuance!<br /></span> +<span class="i0">Peins-tu la honte, ou peins-tu le plaisir?<br /></span> +<span class="i0">Sa main distraite a dérangé la gaze<br /></span> +<span class="i0">Où se cachaient les lys d'un cou charmant.<br /></span> +<span class="i0">Grâce au hasard d'un second mouvement,<br /></span> +<span class="i0">L'aiguille d'or a glissé de sa base:<br /></span> +<span class="i0">Adieu le voile au tissu transparent,<br /></span> +<span class="i0">Fardeau léger dont se charge le vent!<br /></span> +<span class="i0">Que d'attraits nuds! un feu subit embrase<br /></span> +<span class="i0">Et spectateurs et sénat en extase.<br /></span> +<span class="i0">Que ne dit pas à l'œil qui s'y connaît,<br /></span> +<span class="i0">D'un joli sein le langage muet?<br /></span> +<span class="i0">Bavards diserts, gens à brillante emphase,<br /></span> +<span class="i0">Vous n'avez point le charme de sa phrase!<br /></span> +<span class="i0">Pour une pomme on vit Pergame en feu;<br /></span> +<span class="i0">Au Paradis, Eve pour une pomme<br /></span> +<span class="i0">Sonna l'alarme entre le diable et Dieu.<br /></span> +<span class="i0">Grâce à Phryné, nos Rhadamante, en somme,<br /></span> +<span class="i0">Pour une seule en apercevaient deux.<br /></span> +<span class="i0">Bien qu'on soit juge, on n'en est pas moins homme;<br /></span> +<span class="i0">Et c'est pour voir, enfin, qu'on a des yeux.<br /></span> +<span class="i0">Bref: en dépit et de Vesta la vierge,<br /></span> +<span class="i0">Et du bon prêtre, et du pauvre Vulcain,<br /></span> +<span class="i0">Phryné dicta le véto du scrutin.<br /></span> +<span class="i0">Brûlé ne fut, pour cette fois qu'un cierge:<br /></span> +<span class="i0">Cierge en l'honneur du bienheureux <i>trio</i><br /></span> +<span class="i0">Mis hors de cour au milieu des <i>bravo</i>.<br /></span> +<span class="i0">Gens timorés diront: «L'Aréopage<br /></span> +<span class="i0">En ce jour-là fit nargue à l'équité.»<br /></span> +<span class="i0">Mais qui de nous aurait été plus sage?<br /></span> +<span class="i0">Il oublia les dieux pour leur image:<br /></span> +<span class="i0">Est-on de marbre auprès de la beauté?<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Or maintenant, gentes Parisiennes,<br /></span> +<span class="i0">A l'œil coquet, au teint frais et fleuri:<br /></span> +<span class="i0">Galant essaim, amour d'une autre Athènes,<br /></span> +<span class="i0">Mais qui jamais de Vesta n'avez ri:<br /></span> +<span class="i0">Venez à moi! venez, vierges pudiques,<br /></span> +<span class="i0">Douces mamans, et vous femmes uniques,<br /></span> +<span class="i0">Honneur d'un père, ou trésor d'un mari!<br /></span> +<span class="i0">Je veux juger vos fredaines honnêtes....<br /></span> +<span class="i0">Quels bras mignons! Quel sein!... Pour m'émouvoir,<br /></span> +<span class="i0">Chastes Vénus, restez comme vous êtes:<br /></span> +<span class="i0">Pas n'est besoin de jeter le mouchoir.<br /></span> +</div></div> + +<p>La gorge de Phryné a sans donte servi de modèle au charmant poëte latin, +Jérôme Amalthée, dans les vers suivants. L'on ne peut rien ajouter à la +délicatesse de cette petite pièce:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0"><i>Fert nitido duo poma sinu formosa Lycoris</i><br /></span> +<span class="i2"><i>Illa eadem nitido fert duo fraga sinu.</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Sunt mammæ duo poma; duo sunt fraga papillæ:</i><br /></span> +<span class="i2"><i>Poma nives vincunt, fraga colore rosas.</i><br /></span> +<span class="i0"><i>Hæc amor exugens: valant, ait, ubera matris!</i><br /></span> +<span class="i2"><i>Dulcius his manat nectar ab uberibus.</i><br /></span> +</div></div> + +<p>La réponse suivante, remplie d'innocence et de naïveté, prouve que les +femmes connaissent dès leur plus bas âge, tout le pouvoir de leurs +attraits naissants, et que la nature sage et prévoyante a mis en elles +un instinct infaillible pour juger de leurs effets. Or, ces effets n'ont +lieu que quand leur gorge est à moitié ou tout à fait découverte: nous +n'apprendrons jamais aux femmes à tirer parti de leurs charmes.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Agnès, d'un œil content, voyait déjà paroître<br /></span> +<span class="i4">Ses jeunes et tendres appas;<br /></span> +<span class="i4">Quinze printemps l'avaient vu croître,<br /></span> +<span class="i0">Et son cœur soupirait pour le jeune Lycas.<br /></span> +<span class="i4">Un jour, à sa maman austère,<br /></span> +<span class="i2">Agnès parut, le sein à demi-nu,<br /></span> +<span class="i4">Pourquoi n'avoir point de fichu?<br /></span> +<span class="i4">Lui dit-elle d'un ton sévère.<br /></span> +<span class="i2">Agnès répond, en soupirant tout bas,<br /></span> +<span class="i0">De beaux habits pour moi, vous êtes trop avare,<br /></span> +<span class="i4">Et si je cache mes appas,<br /></span> +<span class="i0">Avec quoi voulez-vous, maman, que je me pare?<br /></span> +</div></div> + +<p>Anacréon dit que pour être beau, le sein ne doit pas être plus gros que +deux œufs de tourterelle; le citoyen Mercier (de Compiègne) t. III des +<i>Soirées d'Automne</i>, p. 100, nous donne un tableau gracieux d'une gorge +de cette espèce, dans le conte suivant, intitule: <i>la Fraise et l'Oeuf</i>:</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i2">De fraises fraîchement cueillies,<br /></span> +<span class="i2">Hélène portait un panier;<br /></span> +<span class="i2">La rosée y faisait briller<br /></span> +<span class="i2">Mille perles des plus jolies.<br /></span> +<span class="i2">Hélène, encore à ses quinze ans,<br /></span> +<span class="i2">Autant que ses fruits pouvait plaire<br /></span> +<span class="i2">Aux connaisseurs les plus friands;<br /></span> +<span class="i2">Par-ci, par-là, notre laitière<br /></span> +<span class="i2">Avait rangé de très-gros œufs,<br /></span> +<span class="i2">Frais pondus, blancs comme batiste,<br /></span> +<span class="i0">Et dont l'éclat, sur le fruit amétiste,<br /></span> +<span class="i2">Formait un tout harmonieux.<br /></span> +<span class="i2">Pour plaire à l'engageante Hélène,<br /></span> +<span class="i0">Qui les offrait d'un air si gracieux,<br /></span> +<span class="i0">En la lorgnant, de sa corbeille pleine,<br /></span> +<span class="i2">Au hasard je tire un d'entre eux<br /></span> +<span class="i2">Que cinq doigts entouraient à peine,<br /></span> +<span class="i2">Que vois-je! Effet délicieux!<br /></span> +<span class="i0">Sur le gros bout une fraise écrasée,<br /></span> +<span class="i2">Et là, par le hasard placée,<br /></span> +<span class="i2">Sur l'aréole carminée<br /></span> +<span class="i2">Forma ce bouton radieux<br /></span> +<span class="i2">D'où distille l'humeur lactée,<br /></span> +<span class="i2">Imprégné de l'onde sucrée.<br /></span> +<span class="i2">L'ensemble enfin rendait au mieux<br /></span> +<span class="i2">Un sein naissant, digne des dieux.<br /></span> +<span class="i2">Je contemplais, avec avidité,<br /></span> +<span class="i2">Cette image simple et fidèle<br /></span> +<span class="i2">Des sources de la volupté;<br /></span> +<span class="i2">Et voulant mettre en parallèle<br /></span> +<span class="i2">L'image et la réalité,<br /></span> +<span class="i0">Près des tétons dévoilés de la belle,<br /></span> +<span class="i0">Qui se prêtait, en riant, à ce jeu,<br /></span> +<span class="i0">L'œuf fut placé; mais si la pastourelle<br /></span> +<span class="i2">Y gagna, ce fut de bien peu.<br /></span> +</div></div> + + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">L'ORIGINE DU PETIT BOUT DES TÉTONS.</span></div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Au temps passé n'avoit, à ce qu'on dit,<br /></span> +<span class="i0">Femme au tetin ce rouge boutonnet,<br /></span> +<span class="i0">Et Priapus qui étoit en crédit,<br /></span> +<span class="i0">Oreilles eut sous son petit bonnet;<br /></span> +<span class="i0">Mais quelque dieu les lui coupa tout net,<br /></span> +<span class="i0">Puis en forma la retonne gentille<br /></span> +<span class="i0">Que fait aller mainte superbe fille,<br /></span> +<span class="i0">Sentant qu'elle a du mâle la dépouille.<br /></span> +<span class="i0">Et de là vient que tous les coups que fouille<br /></span> +<span class="i0">Au sein de son amie un amoureux ardent,<br /></span> +<span class="i0">Ce bon galant frémit incontinent<br /></span> +<span class="i0">De grands plaisirs, et s'étend à merveilles,<br /></span> +<span class="i0">Comme disant: je prendrai mes oreilles.<br /></span> +</div></div> + + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i15">Grécourt.</span></div></div> + +<p>Voltaire, dans <i>Zadig</i>, nous donne un exemple charmant de l'éloquence +des tétons.</p> + +<p>La jeune veuve Almona, sauvée du bûcher par Zadig, lui en avait voué +beaucoup de reconnaissance. Zadig, accusé de crimes imaginaires par des +ministres jaloux de son influence, fut jugé et condamné à son tour à +être brûlé à petit feu. Almona résolut de le tirer de là. Elle roula son +dessein dans sa tête, sans en parler à personne. Zadig devait être +exécuté le lendemain; elle n'avait que la nuit pour le sauver: voici +comme elle s'y pris, en femme charitable et prudente.</p> + +<p>Elle se parfuma; elle releva sa beauté par l'ajustement le plus riche et +le plus galant, et alla demander une audience secrète au chef des +prêtres des étoiles. Quand elle fut devant ce vieillard vénérable, elle +lui parla en ces termes: «Fils aîné de la Grande-Ourse, frère du +Taureau, cousin du Grand-Chien (c'étaient les titres de ce pontife), je +viens vous confier mes scrupules. J'ai bien peur d'avoir commis un péché +énorme, en ne me brûlant pas dans le bûcher de mon cher mari. En effet, +qu'avais-je à conserver, une chair périssable, et qui est déjà toute +flétrie.» En disant ces paroles, elle tira de ses longues manches de +soie, ses bras nus d'une forme admirable et d'une blancheur +éblouissante. «Vous voyez, dit-elle, le peu que cela vaut.» Le pontife +trouva dans son cœur que cela valait beaucoup. Ses yeux le dirent, et +sa bouche le confirma; il jura qu'il n'avait vu de sa vie de si beaux +bras. «Hélas! lui dit la veuve, les bras peuvent être un peu moins mal +que le reste; mais vous m'avouerez que la gorge n'était pas digne de mes +attentions.» Alors elle laissa voir le sein le plus charmant que la +nature eût jamais formé. Un bouton de rose sur une pomme d'ivoire n'eût +paru auprès que de la garance sur du buis, et les agneaux sortant du +lavoir auraient semblé d'un jaune brun. Cette gorge, ces grands yeux +noirs qui languissaient en brillant doucement d'un feu tendre, ces joues +animées de la plus belle pourpre, mêlée au blanc de lait le plus pur, ce +nez, qui n'était pas comme la tour du mont Liban, ces lèvres, qui +étaient comme deux bordures de corail renfermant les plus belles perles +de la mer d'Arabie, tout cela ensemble fit croire au vieillard qu'il +avait vingt ans. Il fit, en bégayant, une déclaration tendre. Almona, le +voyant enflammé, lui demanda la grâce de Zadig.</p> + +<p>«Hélas! dit-il, ma belle dame, quand je vous accorderais sa grâce, mon +indulgence ne servirait de rien, il faut qu'elle soit signée de trois +autres de mes confrères.—Signez toujours, dit Almona.—Volontiers, dit +le prêtre, à condition que vos faveurs seront le prix de ma +facilité.—Vous me faites trop d'honneur, dit Almona, ayez seulement +pour agréable de venir dans ma chambre après que le soleil sera couché, +et dès que la brillante étoile <i>Sheat</i> sera sur l'horizon; vous me +trouverez sur un sofa couleur de rose, et vous en userez comme vous +pourrez avec votre servante.»</p> + +<p>Elle sortit alors, emportant avec elle la signature, et laissa le +vieillard plein d'amour et de défiance de ses forces. Il employa le +reste du jour à se baigner; il but une liqueur composée, de la cannelle +de Ceylan, et des précieuses épices de Tidor et de Ternate, et attendit +avec impatience que l'étoile <i>Sheat</i> vint à paraître.</p> + +<p>Cependant, la belle Almona alla trouver le second pontife. Celui-ci +l'assura que le soleil, la lune et tous les feux du firmament n'étaient +que des feux follets, en comparaison de ses charmes. Elle lui demanda la +même grâce, et on lui proposa d'en donner le prix. Elle se laissa +vaincre, et donna rendez-vous au second pontife au lever de l'étoile +<i>Algenib</i>. De là, elle passa chez le troisième et chez le quatrième +prêtre, prenant toujours une signature, et donnant un rendez-vous +d'étoile en étoile. Alors elle fit avertir les juges de venir chez elle +pour une affaire importante. Ils s'y rendirent: elle leur montra les +quatre noms, et leur dit à quel prix les prêtres avaient vendu la grâce +de Zadig. Chacun d'eux arriva à l'heure prescrite; chacun fut bien +étonné d'y trouver ses confrères, et plus encore d'y trouver les juges +devant qui leur honte fut manifestée. Zadig fut sauvé.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i15">Voltaire, <i>Zadig</i>.</span></div></div> +<div class="center"> + <img src="images/120.png" + alt="image" title="image" /> +</div> +<hr style="width: 65%;" /> +<div class="center"> + <img src="images/122.png" + alt="image" title="image" /> +</div> +<h2><a name="CHAPITRE_VIII" id="CHAPITRE_VIII"></a><a href="#table">CHAPITRE VIII.</a></h2> + +<h3>MOYEN DE CONSERVER LA GORGE.</h3> + + +<p>Voici, sexe charmant, le chapitre qui doit faire auprès de toi la +fortune de cet éloge. Que nous servirait, mesdames, d'avoir chanté la +plus belle partie de vous-même, si notre art ne vous instruisait encore +à la conserver dans toute sa fraîcheur.</p> + +<p>Plume aimable et facile du chantre badin des <i>Perruques</i><a name="FNanchor_13_13" id="FNanchor_13_13"></a><a href="#Footnote_13_13" class="fnanchor">[13]</a>, viens pour +un moment sous mes doigts; et que les grâces, en nous lisant, croyent +encore lire quelques pages du docteur Akerlio.</p> + +<p>Mais déjà mon sujet m'inspire! Or, écoutez, mesdames; j'ai toussé, je +commence.</p> + +<p>La parure est à la beauté ce que l'esprit est au savoir. On ne se plaît +guère sans un peu de coquetterie; pour retenir dans ses bras son céleste +époux, Junon même eut besoin un jour de la ceinture de Vénus. Que l'art +de la toilette soit donc votre première étude; mais anathème éternel à +ces corps meurtriers, où la taille la plus svelte perd dans sa prison de +baleine son élégance naturelle! Un simple corset suffit à la +conservation des formes. Qu'une bande légère, fixée vers la partie +moyenne de la poitrine, embrasse mollement la région inférieure de +chaque hémisphère, en soutienne adroitement le poids sur un support +invisible, et laisse entrevoir à l'œil éveillé du désir, cette +mappemonde mobile, sur laquelle l'imagination la plus froide aime à +voyager quelquefois<a name="FNanchor_14_14" id="FNanchor_14_14"></a><a href="#Footnote_14_14" class="fnanchor">[14]</a>. Gloire à toi, docte et galant Alphonse<a name="FNanchor_15_15" id="FNanchor_15_15"></a><a href="#Footnote_15_15" class="fnanchor">[15]</a>! Le +premier, tu proclamas courageusement la liberté des gorges, leurs +amants te doivent une statue; et j'ai placé la tienne dans mon boudoir.</p> + +<p>Une <i>douce chaleur</i>, en dilatant les solides, peut aider au +développement d'un sein virginal. Une belle gorge aime à braver demi-nue +l'action d'une température modérée. Mais le froid est son ennemi mortel. +Qu'elle en évite soigneusement les rigoureuses atteintes; ou bientôt, au +lieu de cette élastique fermeté qui fait le premier charme d'un sein de +lys, elle n'offrira plus au doigt délicat de l'amour, qu'une solidité +squirreuse, éternel écueil des désirs.</p> + +<p>Ce sein trop humble n'ose, dites-vous, se montrer au jour. Eh bien! +connaissez donc les secrets du génie. Le <i>fluide électrique</i> commande à +la foudre même; il peut, à la voix d'un praticien habile, imprimer aux +vaisseaux sanguins, une turgescence favorable. Souffrez, mesdames, qu'on +vous <i>magnétise</i>: le docteur Mesmer n'a point d'égal dans l'art de +donner à certains charmes une expansion délicieuse.</p> + +<p>Le malade résiste-t-il à la <i>verge</i> électrique, à la magie du <i>baquet</i>; +la mécanique vient pour vous au secours de la physique. Que dans sa +double cavité, une officieuse <i>ventouse</i> embrasse, sans les blesser, vos +deux globes d'albâtre. L'air ainsi raréfié, hâtera sans douleur le +développement de la gorge rebelle.... C'est peu: un contact indiscret +vient-il à déformer par accident le bouton de vos roses jumelles? +retournez, mesdames, à l'heureuse <i>ventouse</i>: le bouton ranimé reprendra +bientôt sa forme et sa fraîcheur.</p> + +<p>Belles sans expérience, vous qui pleurez ingénuement à votre quinzième +année, l'absence du plus doux attrait dont se pare un buste féminin, +consolez-vous! il n'est point de mal sans remède. Plus d'une prêtresse +de Vénus tient magasin de <i>seins postiches</i>. Vous pouvez avoir à vil +prix la plus belle gorge du monde, dans une paire de <i>cartons bombés</i>.</p> + +<p>Et vous, honneur de votre sexe, femmes intéressantes qui voulez unir en +même temps le plaisir d'être épouses et l'orgueil d'être mères, ne +craignez rien: à l'aide d'une petite ruse, on est maintenant à la fois +et <i>nourrice</i> et <i>jolie</i>. Déjà l'œil marital commence-t-il à lire avec +peine les ravages de l'allaitement sur un mamelon déprimé? voyez la +<i>gomme élastique</i> se façonner pour vous en chapeau complaisant<a name="FNanchor_16_16" id="FNanchor_16_16"></a><a href="#Footnote_16_16" class="fnanchor">[16]</a>. +L'aiguille l'a criblé tout exprès de légers tuyaux capillaires, pour +fournir un libre passage au lait nourricier. Sous la <i>forme</i> couleur de +rose dont il est hermétiquement couvert, le sein maternel cache ainsi +sans péril sa passagère laideur; et, par cette innocente imposture, il +satisfait à la fois la nature et l'amour.</p> + +<p>De graves professeurs d'<i>hygiène</i> ne voient de salut pour les belles +gorges, que dans un régime d'anachorète. A les entendre, il n'est pour +nos Vénus qu'un moyen sûr de conserver leurs charmes: c'est de n'en +faire aucun usage<a name="FNanchor_17_17" id="FNanchor_17_17"></a><a href="#Footnote_17_17" class="fnanchor">[17]</a>. Le jeûne, selon eux, est encore une recette +unique: pour éterniser la beauté, vive (disent-ils) l'art de mourir de +faim.</p> + +<p>Quant à nous, indulgents casuistes, nous sentons combien la chair est +fragile. Cette <i>abstinence</i> surnaturelle n'appartient qu'aux purs +esprits; <i>de tout un peu</i>, c'est la devise des corps. Le plus grand des +philosophes, Épicure, fut par excellence l'apôtre de la volupté, et +notre rigorisme, mesdames, ne vous défend que l'excès.</p> + +<p>Ainsi, bien que l'eau soit, d'après Hippocrate, la boisson conservatrice +des belles formes, nos ordonnances moins rigides vous permettent l'usage +modéré des liqueurs<a name="FNanchor_18_18" id="FNanchor_18_18"></a><a href="#Footnote_18_18" class="fnanchor">[18]</a>. Nous n'aurons pas la cruauté d'interdire aux +dames le café du matin<a name="FNanchor_19_19" id="FNanchor_19_19"></a><a href="#Footnote_19_19" class="fnanchor">[19]</a>; mais que le sucre et le lait adroitement +mélangés, lui servent toujours de correctif. Funeste au système nerveux, +l'abus du <i>café à l'eau</i> a desséché plus d'un joli sein<a name="FNanchor_20_20" id="FNanchor_20_20"></a><a href="#Footnote_20_20" class="fnanchor">[20]</a>.</p> + +<p>Pourquoi faut-il que le plaisir ait aussi ses regrets? Sexe enchanteur! +quel feu n'allume pas dans nos sens le seul aspect de tes pommes de +neige. Il nous faudrait mourir, si les flammes dont tu nous consumes ne +te brûlaient toi-même! Ah! pour le bonheur de l'homme, succombe +quelquefois aux douces tentations que tu fais naître! mais, pour +l'honneur de tes charmes, résiste plus souvent encore à l'attrait du +désir! La fleur des champs que le papillon se plaît à baiser, +s'effeuille enfin sous l'aile de l'insecte brillant: ainsi la fleur d'un +beau sein finit par se faner sous les caresses d'un indiscret amour. La +rose de la volupté ressemble à Titon dans les bras de l'Aurore: chaque +baiser la vieillit d'un lustre<a name="FNanchor_21_21" id="FNanchor_21_21"></a><a href="#Footnote_21_21" class="fnanchor">[21]</a>, et le bouton du matin, le soir +n'est plus qu'une épine<a name="FNanchor_22_22" id="FNanchor_22_22"></a><a href="#Footnote_22_22" class="fnanchor">[22]</a>.</p> + +<p>Vous, dont la fougue égarée poursuit la jouissance au péril de vos +charmes! ah! du moins, quand vos sens sont calmés, hâtez-vous de réparer +en secret les outrages du plaisir. Autrefois tributaires du génie +monacal, la botanique et la chimie opposaient au développement des +gorges nonnettes le froid <i>nénuphar</i> et le mystique <i>agnus castus</i>. +Libres aujourd'hui, ces deux sciences aiment à préparer de concert +d'utiles restaurants aux seins débilités. Connaissez l'art des +<i>frictions</i> réparatrices. Elles entretiennent dans sa fraîcheur le satin +de la peau; elles rendent aux formes affaissées leur souplesse et leur +ressort; par elles, les lys disparus sous le feu du baiser, ont retrouvé +bientôt leur première blancheur. Salut, savante Tolleret<a name="FNanchor_23_23" id="FNanchor_23_23"></a><a href="#Footnote_23_23" class="fnanchor">[23]</a>! La +renommée de tes <i>pommades</i> a volé des bords de la Seine aux rives du +Mississipi. Le sein de la belle Poppée<a name="FNanchor_24_24" id="FNanchor_24_24"></a><a href="#Footnote_24_24" class="fnanchor">[24]</a> n'eut jadis pour ressource +que le <i>bain de lait d'ânesse</i>; les gorges égyptiennes ne connaissent +que <i>l'hermodacte</i><a name="FNanchor_25_25" id="FNanchor_25_25"></a><a href="#Footnote_25_25" class="fnanchor">[25]</a>. Mais ces recettes merveilleuses, les tiennes les +ont éclipsées. C'est à ta voix que, pour la sécurité d'un sein galant, +l'olive et l'amande offrent à la fois leur huile adoucissante; que la +pimprenelle et la rose prodiguent leur essence aromatique; que la +cannelle et la fleur d'orange s'unissent à la crême en pâtes odorantes, +et s'étendent en <i>masque</i> officieux<a name="FNanchor_26_26" id="FNanchor_26_26"></a><a href="#Footnote_26_26" class="fnanchor">[26]</a> sur plus d'un sein décrépit.</p> + +<p>Non, tu n'auras point fait d'ingrates, ô toi, dont le génie tutélaire a +bien mérité des gorges! Permets que leur chantre, en terminant leur +éloge, te proclame leur bienfaitrice. Un grain de leur encens t'est dû. +Puisse ton nom briller désormais en lettres d'or dans les fastes de la +beauté! Puisse, éternisée par la reconnaissance féminine, ta mémoire ne +périr qu'avec le dernier téton!</p> + +<div class="center"> + <img src="images/130.png" + alt="image" title="image" /> +</div> + +<hr style="width: 65%;" /> +<h2><a name="CHAPITRE_IX" id="CHAPITRE_IX"></a><a href="#table">CHAPITRE IX.</a></h2> + +<h3>RECETTES VIRGINALES.—MOYENS A EMPLOYER POUR EFFACER LES RIDES ET +DIMINUER L'AMPLEUR DU VENTRE ET DE LA GORGE ET DE LA FAIRE CROÎTRE A +CELLES QUI SONT PRIVÉES DE CE BEL ORNEMENT.</h3> + + +<p>Quelquefois, après la grossesse, la gorge et le ventre restent flétris +et plus volumineux. L'art offre ici plusieurs moyens: ils sont ou +mécaniques, ou thérapeutiques; les premiers consistent dans +l'application de bandelettes pour le sein, et de larges bandes sur le +ventre, aussitôt après les couches, avec la précaution de les resserrer +graduellement, pour laisser à l'organe de la génération les moyens de +contraction qui lui sont alors nécessaires. L'habit européen est, à cet +effet, plus favorable aux femmes que la veste asiatique qui, ne +contenant point les intestins, permet à la texture molle de leurs +enveloppes, d'acquérir des dimensions énormes. Plus soigneuses de leur +gorge et de leurs pieds, les Géorgiennes, les Otaïtiennes, les +Chinoises, les Bayadères captivent leur gorge enfantine dans un étui, +qu'elle ne peut dépasser<a name="FNanchor_27_27" id="FNanchor_27_27"></a><a href="#Footnote_27_27" class="fnanchor">[27]</a>, et emprisonnent, dès le berceau, dans une +<i>babouche</i> étroite, leur pied qui ne s'accroît que très-peu. On a +ridiculisé ce goût fondé cependant sur quelque raison. En effet, une +main calleuse, un pied plat et long annoncent une basse extraction, une +vie exercée aux travaux les plus rudes, tandis qu'un pied mignon, +présage flatteur d'attraits plus cachés, semble être le résultat d'une +éducation soignée: et ne fît-on que retracer cette fameuse Rhodope, déjà +citée par nous, dont le joli soulier, emporté par un aigle et tombé à +Memphis, dans le bain du roi <i>Psammétique</i>, fit marcher son petit pied à +si grands pas vers la fortune, et valut à Rhodope les honneurs du trône; +on avouera qu'on a quelque droit à placer ce genre d'attrait parmi ceux +qui exercent sur l'homme un grand empire.</p> + +<p>On a vanté la mélisse pilée et appliquée sur la gorge, et l'arbrisseau +de Vénus, le myrte, s'honore d'offrir aussi un moyen de faire +disparaître les traces du culte qu'on rendit à la divinité auquel il est +consacré. En général, les sumacs (<i>rhus coriaria</i>), les chênes (<i>quercus +ilex</i>), les épines, les arbousiers et tous les végétaux styptiques +contiennent un <i>tannin</i> très-propre à cet usage.</p> + +<p>Enfin, le médecin des dames<a name="FNanchor_28_28" id="FNanchor_28_28"></a><a href="#Footnote_28_28" class="fnanchor">[28]</a> dit:</p> + +<p><i>Si mulierum sinus pudoris sit nimium dilatatus, quod accidit tùm +propter partus, tùm propter frequentes coïtus, debent mulieres tunc uti +sequentibus remediis</i><a name="FNanchor_29_29" id="FNanchor_29_29"></a><a href="#Footnote_29_29" class="fnanchor">[29]</a>:</p> + +<p>Prenez, dit-il, noix de galle encore vertes, faites-les bouillir dans du +vin avec quelques clous de girofle, trempez-y un linge et appliquez.</p> + +<p>Ou bien: alun, sang-dragon, gomme arabique, suc d'acacia, feuilles de +plantain, de renouée, de tormentille, fleurs et fruits de grenadier, +capsules de glands, sorbes non mûres, roses de Provins, faites bouillir +dans du vinaigre, et appliquez au moyen de compresses.</p> + +<p>Ou: quatre onces d'huile d'amandes amères, une once de cire blanche; +faites fondre au bain-marie; ajoutez deux gros d'alun, une once de suie +et un gros d'orcanette, vous avez une pommade styptique<a name="FNanchor_30_30" id="FNanchor_30_30"></a><a href="#Footnote_30_30" class="fnanchor">[30]</a>; ou, enfin: +alun, une once, acide vitriolique, demi-gros; faites fondre dans quatre +onces de vinaigre et quatre onces d'eau de plantain ferrée; ajoutez deux +onces d'esprit de vin et servez-vous-en, mais avec discrétion, pour +imbiber, avec une éponge, certaines parties qui laisseraient des preuves +non équivoques de fécondité, ou au moins, comme disait Fontenelle, que +l'<i>amour avait passé par là</i>.</p> + +<p>Un moyen plus simple et non moins efficace, c'est d'extraire le tannin, +en versant de l'eau sur du tan en poudre dans un appareil semblable à +celui des salpêtriers. Cette eau, en traversant le tan, lui enlève une +portion de son principe styptique; versée sur du nouveau, elle en +dissout une autre quantité, et ainsi de suite jusqu'à ce que le tan soit +plus disposé à lui en enlever qu'à lui en céder; alors la concentration +est parfaite, et on l'emploie comme les décoctions ci-dessus +prescrites; mais tous ces moyens ne peuvent que succéder aux +compressions graduelles des bandes à sec, et longtemps après que tous +les résultats de couche sont terminés, ou bien on courrait le risque +d'une suppression souvent mortelle et toujours douloureuse. Enfin, avec +les mêmes précautions, les bains froids et répétés offrent le plus sûr +comme le moins dangereux de tous les topiques.</p> + +<h4>POMMADE VIRGINALE DITE A LA COMTESSE.</h4> +<table summary="pommade"> +<tr> +<td>Sulfate de zinc</td> +<td>40 gr.</td> +</tr> +<tr> +<td>Noix de galle</td> +<td>20 gr.</td> +</tr> +<tr> +<td>Noix de cyprès</td> +<td>20gr.</td> +</tr> +<tr> +<td>Écorce de grenade</td> +<td>30 gr.</td> +</tr> +<tr> +<td>Feuilles de myrte</td> +<td>30 gr.</td> +</tr> +<tr> +<td>Sumac</td> +<td>30 gr.</td> +</tr> +</table> + +<p>Mélangez ces substances pulvérisées avec quantité suffisante d'onguent +rosat. Cette pommade a la propriété de resserrer le sphyncter ou muscles +constricteurs de la vulve et du vagin trop relâchés.</p> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i6"><i>Formulaire magistral.</i></span></div></div> +<p> </p> + +<p>On doit d'ailleurs scrupuleusement observer que tous ces topiques, +lotions ou pommades, ne doivent jamais s'employer pendant le tribut +lunaire, ou toute autre hémorrhagie utérine; et qu'ils ne sont suivis du +succès désiré, qu'en s'imposant la sagesse la plus austère. La femme +déjà trompée, et qui s'exposerait encore à l'être, n'est plus digne de +notre intérêt, et du motif bien pur qui nous anime à consoler son sexe +des injustices du nôtre.</p> + +<p>Quant au moyen de s'opposer au développement excessif de la gorge, l'art +offre des procédés certains pour réprimer ce luxe de la nature, de même +qu'il en présente pour la forcer à accorder ses dons à celles envers qui +elle s'est montrée trop avare en ce point; et nous croyons faire plaisir +à nos lectrices, en publiant, en leur faveur, le manuscrit suivant, +trouvé dans les décombres du délicieux château de <i>Crécy</i>, bâti pour la +belle <i>Pompadour</i>, qui paraît avoir profité de la recette qu'il +contient. On sait qu'elle n'obtint que fort tard, le genre d'attrait +dont il s'agit ici. On pardonnera à l'auteur ses peintures un peu vives +en faveur de son motif.</p> + +<p>«Vous m'ordonnez, madame, de consulter l'oracle d'Épidaure, pour ajouter +à vos attraits ce que vous seule y trouvez à désirer: que peut, en +effet, demander aux dieux, celle qui réunit à la majesté, la douceur; à +l'élégance des formes, la régularité des traits; enfin, à l'air imposant +de la reine des dieux, la fraîcheur des bergères du Mont Ida? Heureux +disciple d'Esculape, je suis appelé, par votre confiance dans mon art, à +embellir la beauté même: plus occupé de mon bonheur qu'effrayé de ma +témérité, je vais tenter d'unir à vos attraits des charmes nouveaux; et +j'ose croire au succès, puisque vos beaux yeux m'encouragent d'un +regard.</p> + +<p>«Dans ce siècle fortuné, où, renonçant au vain luxe des mots, les +savans s'occupent avec succès des choses, on applaudit au novateur +heureux qui soulève le voile de la nature, pourvu qu'il en obtienne une +réponse.... On veut même que les oracles qu'il surprend à l'antique +déesse soient précis, et l'on pardonne à la nudité de ses expressions, +pourvu que son but soit moral, c'est-à-dire, tende à la perfection, au +bonheur de l'humanité. J'ose donc essayer, madame, de vous apprendre +l'art d'acquérir ce nouvel attrait qui fera de vous le modèle de la +beauté, et donnera à nos jeunes Françaises la confiance de vous imiter; +cet attrait qui anime le poëte, enflamme le peintre, ravit le sculpteur, +inspire le musicien, et fait délirer depuis le simple cultivateur sous +le chaume, jusqu'au grave philosophe au sein de ses livres poudreux; cet +attrait, dont les fières amazones consentaient à sacrifier la moitié +pour gagner en adresse ce qu'elles perdaient en appas; cet attrait, dont +la pomme de Paris n'offrait qu'une imparfaite image, et qui la fit +tomber de ses mains; enfin, cet attrait qui date des premiers jours du +monde, si c'est par lui qu'il faut expliquer cette autre pomme plus +fatale, auquel le genre humain doit, dit-on, la perte du bien et la +connaissance du mal.</p> + +<p>«S'il est recherché par les hommes, les femmes s'honorent de l'offrir à +nos yeux, c'est l'aiguillon du plaisir, le prélude du bonheur!... C'est +le secret de ce don charmant que, sans m'arrêter à le depeindre, je +voudrais conquérir pour les femmes qui en sont privées, et quoique ce ne +soit point une fiction, c'est dans la fable que je puiserai la leçon que +je viens vous offrir.</p> + + +<h3>LA COUPE D'HÉBÉ (ALLÉGORIE).</h3> + +<p>«Hébé, trop jeune encore, ne comptait que quatorze printemps: le lys et +la rose se disputaient ou plutôt se partageaient l'honneur de nuancer +son teint.... de grands yeux bleus, où déjà se peignait l'amour sans +qu'elle s'en doutât, s'ouvraient lentement sous de noires et longues +paupières; un front uni, un nez droit, une bouche de la couleur et de la +forme d'un bouton de rose qui s'entrouvre, une haleine qui en avait le +parfum, des dents d'un émail opalin, de charmantes fossettes offrant des +niches à l'amour indécis<a name="FNanchor_31_31" id="FNanchor_31_31"></a><a href="#Footnote_31_31" class="fnanchor">[31]</a>, un col blanc et onduleux, une taille et +flexible et légère, des bras arrondis, des doigts délicats; enfin de +petits pieds effleurant à peine les parvis de l'olympe.... Hébé avait +tout en partage, et les dieux, auxquels elle versait le nectar dans la +coupe de l'immortalité, étaient plus enivrés de ses charmes que de sa +liqueur éthérée.... elle réunissait tout.... tout? non.... quelque +chose manquait à ses charmes, et ce fut l'orgueilleuse Junon qui s'en +aperçut. Hébé entrait dans cet âge où la nature indécise semble n'avoir +qu'ébauché son chef-d'œuvre. Offrant également les attraits des deux +sexes, elle n'avait point encore reçu ce double présent qui décèle une +vierge et que caresse l'œil furtif de l'amant timide.... Le dieu de la +foudre lui-même, souriant à la remarque de l'auguste Junon, témoigne le +désir de voir Hébé parfaite.... Il dit, et fils aussi soumis que galant +époux, Vulcain prend la coupe des mains d'Hébé; il en couvre l'un des +hémisphères du sein de Vénus, et l'arrondit sur ce modèle à la vue des +dieux frémissants d'envie et de volupté. Sous son léger marteau le métal +docile s'étend, se contourne, se creuse, et façonnée de même sur le +second hémisphère de la belle déesse, naît une seconde coupe. Le dieu de +Lemnos les place sur le sein d'Hébé qui, ainsi parée, ressemble à la +chaste Pallas; bientôt sous ces deux coupes protectrices son sein +s'élève, un double mont bondit, et sa gorge s'accroît sans dépasser ces +heureuses limites. Les dieux applaudissent.... Cette ingénieuse +invention passa jusqu'en Grèce; l'Inde s'en fit honneur, mais elle se +perdit comme tous les usages antiques et fut conservée par les seules +Bayadères.... Ces coupes amoureuses furent réservées pour les banquets +des dieux, et ce sont elles qui, remises depuis aux mains d'Hébé, +désaltèrent encore les fortunés habitants de l'Empyrée, et leur +inspirent les désirs, l'espérance et la joie en leur rappelant le moule +heureux sur lequel elles furent arrondies.</p> + +<p>«C'est ce prodige de la mythologie que l'art veut reproduire pour vous, +belles, à qui il ne manque que cet attrait pour être accomplies, et vous +aussi pour qui sa possession excusera l'absence des autres.</p> + +<p>«En drapant légèrement les formes imparfaites de votre douce amie, +jeunes époux, imitez le disque rond de Phébé; échancrez<a name="FNanchor_32_32" id="FNanchor_32_32"></a><a href="#Footnote_32_32" class="fnanchor">[32]</a> l'étoffe en +dessinant les contours absents des attraits que vous désirez; que votre +main utilement caressante et instruite à la volupté par le dieu de +Délos, sache promener des doigts mobiles sur l'aréole de ce sein non +encore développé<a name="FNanchor_33_33" id="FNanchor_33_33"></a><a href="#Footnote_33_33" class="fnanchor">[33]</a>; que de fréquentes titillations fassent frémir ses +fibres; bientôt la papille se gonfle, et les esprits appelés par ces +douces frictions enflent les muscles qui, profitant d'une liberté +inconnue, se frayent une route nouvelle; une lymphe nourricière baigne +les glandes qui se dilatent; le réseau éclatant et poli qui les +renferme, participant de l'éréthisme général, s'arrondit sous les doigts +créateurs: comme la fleur, condamnée à périr sous les glaçons de +l'hiver, se développe et naît au jour, sous le verre diaphane, et sous +les douces influences d'une chaleur factice; de même les sucs élaborés +sous la main de l'époux fortuné s'accumuleront en dessinant les +voluptueux contours des beaux modèles que nous a transmis le ciseau des +Phidias et des Praxitelle.</p> + +<p>«L'une des coupes fameuses dont il s'agit ici, madame, s'est perdue, ou +plutôt aimons à croire que les dieux l'ont retirée pour conserver le +type du beau, s'il se trouvait perdu sur la terre; l'autre est célèbre +par ce banquet où l'amoureuse Cléopâtre fit publiquement aux yeux +extasiés d'Antoine, non la fastueuse expérience de dissoudre une perle +dans un breuvage qui n'eût pas épargné l'organe complice de sa +forfanterie, mais celle bien plus merveilleuse de l'exacte application +de ce moule divin, sur sa gorge ravissante. Elle orne aujourd'hui un +<i>Musæum</i> fameux en Europe, et nous pourrons la consulter pour donner à +vos formes le degré d'extension avoué par le goût, si vous accordez à +mes avis le droit de concourir à la naissance de l'attrait dont vous +désirez la possession. Je dois vous dire enfin, madame, que c'est de +l'abus des moyens que je viens de vous indiquer qu'est né un singulier +usage, chez les femmes turques, dont les époux, par je ne sais quel goût +bizarre, préfèrent une gorge volumineuse et tombante, et qui, pour se +procurer ce double <i>agrément</i>, usent avec excès des bains chauds et du +<i>massement</i>, opération inconnue en Europe. Ce n'est, certes, pas à cette +espèce de perfection que je désire vous voir atteindre, et la nature +heureusement vous a formée de manière à ne pas satisfaire les +inclinations turques; mais l'art hippocratique offre encore des +ressources aux femmes dont l'accroissement de la gorge aurait besoin +d'être prévenu, et c'est dans le même moyen qui favorise son +développement qu'elles trouveront celui de sa répression. Les belles +favorites du commandeur des croyants, les Circassiennes, les +Géorgiennes, les Mingréliennes, opposent, dès l'âge de douze ans, à leur +gorge naissante, un léger rempart de bois de santal qu'elle ne peut +franchir; et ce genre d'attrait acquiert chez elles, par la compression, +une fermeté que l'on rencontre difficilement chez les femmes des autres +peuples.</p> + +<p>«Pardonnez, madame, ces détails que la nature de votre demande a rendus +nécessaires, et puisse l'application de cette théorie ajouter encore, +s'il est possible, aux charmes qui ont mérité l'hommage d'un autre +Jupiter. Puissé-je alors aussi, jeune encore et médecin peu connu, +obtenir par mes soins votre entière confiance, et par le succès de mes +recettes, le triomphe d'une nouvelle Hébé; dût une moderne Junon +accabler de sa persécution<a name="FNanchor_34_34" id="FNanchor_34_34"></a><a href="#Footnote_34_34" class="fnanchor">[34]</a> l'inventeur satisfait de sa réussite.» +D.M.V.S.M.</p> + +<p>Nous ne pouvons mieux terminer ce chapitre qu'en rapportant l'anecdote +suivante, qui en est le corollaire.</p> + +<p>Sous Louis XIV, le supplice de la Brinvilliers fut un exemple +insuffisant pour arrêter les empoisonnements. Une <i>chambre ardente</i> fut +instituée pour juger de ces crimes. L'arrestation et le procès de la +Voisin firent découvrir dans les papiers de cette dernière, une foule de +lettres qui compromettaient des gens de la plus haute condition. La +Voisin était accusée d'avoir vendu des poisons, des charmes, et divers +secrets magiques pour se faire aimer. La duchesse de Foix avait été +arrêtée sur la déposition d'un simple billet d'elle trouvé chez la +Voisin, et dont le sens était plus obscur que propre à baser une +accusation. Louis XIV, ne voulant pas que sur un indice si léger une +dame de haute distinction fût emprisonnée, se réserva de l'interroger +lui-même dans ses cabinets, où elle fut conduite avec son propre +carrosse par le capitaine des gardes en quartier.</p> + +<p>«Reconnaissez-vous ce billet, madame la duchesse? lui dit Sa Majesté +d'un ton sévère, mais doux.</p> + +<p>—Sire, il est de ma main; je ne puis ni ne veux le nier.</p> + +<p>—A merveille! Maintenant dites-moi, je vous prie, avec la même +franchise, ce que signifient ces mots: <i>Plus je frotte, moins ils +poussent</i>.</p> + +<p>—Ah! sire, s'écria la duchesse en se jetant aux pieds du roi, daignez +m'épargner un tel aveu.</p> + +<p>—Je ne le puis, madame, songez que je vous appelle devant moi pour vous +sauver un affront public; ce motif me donne tous les droits à votre +confiance, et dans l'intérêt de votre honneur je vous ordonne de parler.</p> + +<p>—J'obéirai, sire! reprit en tremblant M<sup>me</sup> de Foix, rouge jusqu'aux +yeux.... Depuis deux ou trois ans je m'aperçois que mon mari me néglige +après m'avoir souvent reproché un défaut... non, jamais je n'oserai +achever....</p> + +<p>—Continuez, duchesse....</p> + +<p>—Il est des charmes, reprit l'accusée, dont la nature se montre +prodigue envers des femmes, avare envers d'autres....</p> + +<p>—Poursuivez, je vous prie.</p> + +<p>—Eh bien! sire, mon mari n'aime que les dames auxquelles la nature a +prodigué....</p> + +<p>—Prodigué quoi?</p> + +<p>—Ce qui excède les belles proportions dans M<sup>me</sup> de Montespan et manque à +M<sup>me</sup> de La Vallière... comme à moi, sire....</p> + +<p>—Ah! m'y voici, s'écria Louis XIV en s'excusant d'un défaut trop +prolongé de pénétration.... Et je vois, poursuivit le monarque +interrogateur, que vous aviez demandé à la Voisin....</p> + +<p>—Une pommade dont elle disait des merveilles, ajouta M<sup>me</sup> de Foix en +baissant les yeux.</p> + +<p>—Cependant <i>plus vous frottiez, moins ils poussaient</i>.</p> + +<p>—Hélas! oui.</p> + +<p>—C'était un malheur; mais ce n'était pas un crime, et je suis enchanté, +duchesse, de vous avoir épargné la honte d'un tel aveu devant la +<i>chambre ardente</i>. Je vous rends le malheureux billet qui vous causa +deux heures d'inquiétude; retournez tranquillement à votre hôtel. Je ne +vois de coupable ici que l'époux qui délaisse une femme aussi jolie que +vous; je veux en toucher quelques mots au duc. Il est un moyen plus +heureux que celui dont vous avez fait l'essai pour obtenir de la nature +elle-même ce que vous recherchiez par artifice; nous en causerons avec +votre mari, et j'espère qu'il l'emploiera.»</p> + +<hr style='width: 45%;' /> + +<h3>ÉTUDE PHYSIOLOGIQUE SUR LES MAMELLES OU SEINS.</h3> + +<p>Les mamelles (<i>mammæ</i>, des Latins; <i>mastoï</i>, des Grecs; <i>poppa</i>, en +italien; <i>teta</i>, <i>ubre</i>, en espagnol) subissent les mêmes phases dans +leur développement, que les organes essentiels de la reproduction. Elles +sont peu apparentes dans le jeune âge et ne commencent à prendre le +développement qu'elles doivent acquérir que lorsque l'appareil génital +est apte à perpétuer l'espèce; et comme ce n'est que chez les individus +femelles qu'elles parviennent à leur état complet, elles ne présentent +pendant les premiers temps de la vie aucune différence chez l'un et +l'autre sexe.</p> + +<p>C'est donc vers l'époque où la femme devient apte aux plaisirs de la +maternité, que les seins commencent à acquérir tout le développement +dont ils sont susceptibles, ainsi que les formes gracieuses qui en font +un si brillant ornement: avant la puberté, ils n'en forment que le noyau +et se flétrissent après le temps de la faculté de reproduire. Cependant +il n'est pas sans exemple de voir des jeunes filles encore loin de cette +brillante époque, offrir des mamelles parfaitement conformées et +susceptibles de fournir du lait. Les auteurs rapportent, à cet égard, +des exemples fort curieux; mais tous tendent à prouver que ce +développement précoce fut toujours le résultat d'irritations exercées +sur le mamelon.</p> + +<p>Le développement des mamelles se fait ordinairement en raison de celui +des organes spéciaux de la génération, en sorte que la bonne +conformation des seins peut, en général, servir de mesure à celle de ces +derniers. Ainsi, l'homme qui recherche dans la femme, non-seulement ce +qu'elle peut offrir de gracieux, mais encore tout ce qui peut dénoter +une grande puissance génératrice et un vif sentiment de l'amour, est-il +toujours enthousiaste d'un beau sein. A peine la femme, la plus +accomplie sous tous les autres rapports, peut-elle éveiller en lui le +moindre sentiment de volupté, si elle ne se trouve pourvue de ce superbe +ornement. Cependant, on voit quelquefois des femmes dont les parties +sexuelles sont parfaitement développées et propres aux plaisirs ainsi +qu'à la propagation, quoiqu'elles n'offrent que quelques traces de ces +organes, tandis que d'autres, avec le sein le plus volumineux, ne sont +nullement accessibles aux désirs voluptueux ni aptes à la génération.</p> + +<p>C'est évidemment en vertu des liens de l'étroite sympathie qui unissent +les seins et les organes sexuels, que s'opère le développement +simultané.</p> + +<p>Les mamelles sont situées au milieu de la poitrine, l'une à droite et +l'autre à gauche, directement sur les muscles pectoraux; elles sont au +nombre de deux: il est rare de trouver des femmes qui en aient trois ou +quatre donnant toutes du lait. Cependant, les annales de la science +citent un grand nombre de femmes et même d'hommes multimammes; le plus +souvent, le nombre des mamelles est porté à trois: deux présentent la +position et le volume ordinaires, et la troisième est située sur la +ligne médiane, un peu plus bas que les deux autres, ou bien au-dessous +de l'une d'elles à droite ou à gauche. Lorsque la mamelle surnuméraire +est médiane, elle reste ordinairement peu volumineuse, même pendant +l'allaitement; les mamelles surnuméraires latérales diffèrent au +contraire fort peu des mamelles normales et peuvent, comme elles, +fournir du lait. Lorsqu'il existe quatre mamelles, elles sont +ordinairement bilatérales et placées comme les mamelles abdominales des +animaux, l'une au-dessous de l'autre; cette disposition est moins +commune que la précédente, et la présence de cinq mamelles est plus rare +encore. Percy n'en rapporte qu'un seul cas observé par M. Gorre. Ce cas +fut présenté par une femme valaque trouvée, en l'an VIII, parmi les +nombreux prisonniers faits à l'armée autrichienne et qui ne tarda pas à +périr de froid et de misère. Sur les cinq mamelles de cette femme, +quatre étaient très-saillantes, disposées sur deux rangs, gonflées et +pleines de lait; la cinquième était médiane et située à cinq pouces de +l'ombilic; elle n'était pas plus volumineuse que celle d'une fille +impubère.</p> + +<p>On a aussi constaté que des mamelles surnuméraires pouvaient se +présenter sur d'autres points du corps; ainsi, M. Robert a fait +connaître le fait d'une femme multimamme de ce genre, laquelle +descendait elle-même d'une mère dont les mamelles étaient plus +nombreuses que d'habitude. Mais, chez elle, la mamelle surnuméraire +était placée à la partie externe de la cuisse gauche, près de l'aîne. +Jusqu'à la première grossesse, cette mamelle fut prise pour un simple +<i>noevus</i>; mais à cette époque elle se développa et acquit le volume de +la moitié d'un citron; l'enfant tétait alternativement l'une des +mamelles pectorales et celle-ci, qu'on pourrait appeler inguinale.</p> + +<p>Thomas Bartholin vit une Danoise qui en offrait trois, dont deux étaient +placées dans leur situation naturelle, et l'autre à la partie inférieure +du <i>sternum</i>, en sorte qu'elles représentaient une espèce de pyramide +renversée. Tout le monde sait que la belle Anne de Boulen, épouse de +Henri VIII, roi d'Angleterre, avait, outre six doigts à chaque main, +trois mamelles à la partie antérieure de sa poitrine. Un moine de Corbie +rapporte avoir vu une paysanne qui nourrissait trois jumeaux de quatre +mamelles indistinctement, dont deux étaient situées au-devant de la +poitrine, et les deux autres au dos.</p> + +<p>Les mamelles bien proportionnées sont un des principaux ornements des +femmes, particulièrement lorsqu'elles sont accompagnées d'une gorge bien +taillée et recouverte d'une peau fine. Il faut aussi qu'elles soient +blanches, rondes, et médiocrement écartées l'une de l'autre; qu'elles ne +soient placées ni trop haut, ni trop proche des aisselles; et enfin +qu'elles ne soient ni trop grosses, ni pendantes: voilà les conditions +qu'elles doivent avoir pour être belles et propres à donner de l'amour; +mais ce ne sont pas les meilleures ni les plus capables de contenir le +lait.</p> + +<p>En nul endroit du corps, la peau n'est si fine, si délicate, si lisse, +si douce au toucher et si blanche qu'aux environs des mamelles. Là les +téguments ont acquis une telle ténuité, qu'ils sont entièrement +transparents et laissent facilement apercevoir les ramuscules veineux +qui serpentent agréablement dessous, notamment dans le voisinage de la +portion rosée, et dont la couleur bleuâtre, en formant un heureux +contraste avec la blancheur de la peau, en relève si fortement l'éclat, +et donne tant de lustre à la beauté du sein. Ces globes, au reste, +plaisent d'autant plus à la vue que cette belle portion de la peau est +plus tendue par des glandes mammaires volumineuses, et que la femme +jouit de plus d'embonpoint. Il est cependant des personnes fort maigres +naturellement dont ces glandes sont si développées que, malgré cet état, +elles offrent un sein solide, bien tendu, et de la plus grande beauté.</p> + +<p>C'est à la partie centrale de chaque moitié des parois thoraciques +qu'est situé le sein dans sa belle conformation. Trop dégagés en dehors +et portés sous les aisselles, ces organes laissent entre eux un grand +vide, peu agréable à la vue, et peuvent éprouver, de la part des bras +portés en bas et surtout en dedans, des pressions plus ou moins fortes +dont la fréquence nuit à leur développement, les déforme et même les +atrophie. Trop rapprochés du centre de la poitrine, ils se confondent +l'un avec l'autre, et de ce défaut de dégagement résulte l'imperfection +de ces rotondités élégantes qui concourent tant à la beauté physique du +sexe. Trop relevés vers le cou, les seins confondent leurs brillants +contours avec ceux de l'épaule, reçoivent des chocs continuels des +mouvements brusques de la clavicule, et sont sans cesse exposés à +l'influence nuisible de l'atmosphère, dont la femme ne peut se garantir +que par des vêtements grotesques et répudiés par la véritable +coquetterie. Situés trop intérieurement, ils semblent rapprocher les +femmes des animaux mammifères, et demandent à être relevés sans cesse +par des corsets, dont la pression continuelle peut porter les plus +fâcheuses atteintes à ces organes délicats.</p> + +<p>La figure des beaux seins est ronde, et représente un demi-globe; mais +les bons nourriciers, au contraire, sont avancés en dehors, et +ressemblent à une poire, tels sont en général ceux des Comtoises; ce qui +fait qu'ils ont de la peine à se soutenir, principalement quand ils sont +pleins de lait.</p> + +<p>On ne peut pas bien déterminer leur grandeur; elle varie suivant les +nations: les Indiennes et les Siamoises les ont si longs, qu'elles +peuvent les jeter par-dessus leurs épaules. Ils différent encore suivant +les individus; quelques femmes les ont naturellement petits et d'autres +gros; ces dernières sont les meilleures nourrices, pourvus qu'ils ne +soient pas trop charnus. Leur grosseur dépend aussi de l'âge; ils +commencent à pousser à 14 ans, ils ont alors la figure d'un demi-globe; +ils sont petits, mais durs et fermes; ils grossissent à mesure qu'elles +avancent en âge; ils se flétrissent aux femmes qui approchent la +cinquantaine; et plus une femme vieillit, plus elle les a mous et +flasques, n'y restant plus à la fin que des peaux.</p> + +<p>Le mamelon est une petite éminence qui s'élève au milieu de la mamelle; +il est d'une substance spongieuse, assez semblable à celle du gland de +la verge, c'est pourquoi il se relève, se gonfle et se roidit lorsqu'on +le suce ou bien qu'on le chatouille. Il a un rapport intime avec les +parties de la génération. Les mamelons se dressent et prennent part aux +sensations suscitées dans l'appareil génital par le coït ou autres +moyens d'excitation. Les titillations de ces boutons rosés y font naître +un sentiment de volupté qui, se communiquant en un clin-d'œil au siége +spécial de la jouissance, embrase la femme et la sollicite puissamment à +l'acte de la reproduction. Quels sont les moyens d'une si frappante +communication entre des organes si éloignés? Quelques auteurs prétendent +que ce sentiment si vif, si agréable, a été donné à cette partie afin +que l'enfant y cause en la suçant un doux chatouillement, et que la +femme y trouvant un singulier plaisir, elle se porte plus volontiers à +donner à téter à son enfant aussi souvent qu'il en a besoin.</p> + +<p>Il est reconnu que la succion du lait éveille des sentiments de volupté +au bénéfice de l'appareil générateur. Cabanis disait que des nourrices +lui avaient fait l'aveu qu'elles devaient à l'enfant qu'elles +allaitaient de véritables jouissances. La solidarité des seins, +relativement à l'appareil sexuel, est un fait constant; aussi la +sécrétion du lait augmente-t-elle généralement sous l'influence de +l'excitation de l'organe générateur. C'est le cas dans lequel était +cette femme, qui voyait le lait sortir de ses seins quand son mari +accomplissait avec elle l'acte du coït. On a dit aussi que l'observation +avait utilisé cet acte physiologique, que, voyant les animaux se prêter +avec complaisance à la manœuvre par laquelle on leur enlevait leur +lait, on avait établi, dans le but d'en augmenter la quantité, une +action directe sur l'organe générateur. Hérodote rapporte que les +Scythes introduisaient un bâton poli dans la vulve de leurs juments +quand ils leur enlevaient leur lait. Bayeu a raconté que dans les +Pyrénées les gens occupés à traire les vaches plaçaient une de leurs +mains dans la vulve; enfin, s'il faut en croire Levaillant, les +Hottentots soufflent de l'air dans les parties sexuelles des animaux +avant de les traire.</p> + +<p>La jeune fille devient-elle pubère, aussitôt les seins répondent à +l'appel de la matrice, et cette corrélation se reproduit à chaque nouvel +éveil de cet organe. Elle se moule en quelque façon sur les conditions +dans lesquelles il se trouve. Dans l'état ordinaire de la vie, une +action, quelle qu'elle soit, sur l'appareil générateur a toujours du +retentissement dans les seins, et réciproquement. Ainsi, une sensation +voluptueuse venant directement de l'utérus et de ses annexes est +comprise et perçue dans les organes de la lactation; de même les +sentiments lascifs peuvent trouver accès près des voies génitales en +partant des seins. C'est la raison pour laquelle Hippocrate croyait que +le lait venait de la matrice.</p> + +<p>N'est-ce pas à cette corrélation, à cette excitation génésique provoquée +par l'allaitement qu'il faut attribuer le fait de luxure inouï, +diabolique, que rapporte M. le docteur Andrieux? Un enfant, qu'on avait +pourvu d'une nourrice jeune et vigoureuse, dépérissait chaque jour. Les +parents affligés cherchaient en vain la cause de cet état: on finit par +la découvrir. Mais où trouver des mots pour exprimer leur surprise et +leur colère, quand ils trouvèrent cette malheureuse, exténuée, +délirante, avec son nourrisson qui cherchait encore dans une succion +affreuse, et inévitablement stérile, un aliment que les seins auraient +pu seuls donner!!! Pour parvenir facilement à son but, elle attendait +que le cri de la faim se fît entendre; l'enfant, dans cet instant, ouvre +la bouche comme pour chercher le sein, il saisit alors avidement le bout +du doigt, ou tout corps quelconque souple et arrondi qu'on place entre +ses lèvres, et exerce immédiatement sur lui des efforts répétés de +succion.</p> + +<p>Les exemples d'une pareille dépravation doivent heureusement être fort +rares.</p> + +<p>La plupart des filles élevées chez des religieuses ne peuvent, selon ces +dernières, plaire au Créateur que par des imperfections. Avoir de la +gorge, être belle, sont assurément deux sujets de réprobation; l'enfer, +ouvert à celles qui portent un sein arrondi, attend sa proie avec +impatience; c'est ainsi que s'exprime le fanatisme dans l'intérieur des +maisons d'éducation religieuse. Quelques jeunes filles, adoptant ces +idées, prennent chaque jour quelques subtances capables d'interrompre ou +d'affaiblir la nutrition: tel est, par exemple, l'usage du vinaigre bu à +jeun; en altérant les forces digestives, il arrête le cours des +sécrétions ou en diminue l'énergie, d'où le défaut d'accroissement des +seins avec l'amaigrissement général qui résulte de cette détestable +coutume. Des remèdes aussi dangereux, ou plus violents, employés dans +les mêmes vues, doivent donc être bannis sans retour, puisque ce n'est +qu'en détruisant la santé qu'ils amènent le changement d'organisation +qu'on souhaite.</p> + +<p>En 1829, le docteur Récamier publia un ouvrage en deux volumes, +intitulé: <i>Recherches sur le traitement du cancer par la compression +méthodique simple et combinée.</i> M. Récamier, appelé souvent dans les +couvents, s'est trouvé à portée d'y faire l'observation suivante:</p> + +<p>Dans les couvents, les religieuses, dans le but de réprimer +l'envahissement mondain d'une gorge trop volumineuse, compriment les +glandes mammaires avec des rondelles d'amadou. Les seins, par le fait de +la compression et de l'iode qui se trouve naturellement dans l'amadou, +s'atrophient; mais ce que les religieuses de nos jours n'ont pas prévu, +c'est que, en raison de la solidarité dont nous nous entretenons, +l'appareil reproducteur profite du retrait des glandes mammaires. Or, +comme le bassin est l'expression de l'état anatomique et physiologique +de la matrice, il en résulte que les hanches et les muscles fessiers des +femmes soumises à cette opération acquièrent un énorme développement. Il +me reste à savoir si un surcroît de nourriture et de développement de +l'appareil générateur n'est pas un obstacle de plus à la chasteté; et si +ces intéressantes recluses n'en ressentent pas plus vivement les +aiguillons de la chair, que la religion leur défend d'écouter.</p> + +<p>Mais il est temps de revenir à notre sujet, duquel nous nous sommes un +peu écarté. Le mamelon est rose et petit aux vierges; l'aréole qui +l'entoure est d'une teinte plus ou moins foncée, suivant les individus; +elle l'est en général davantage chez les personnes qui ont la peau +brune, les yeux et les cheveux noirs, que chez les femmes blondes, +faibles et délicates. L'étendue de ce cercle est de deux centimètres +environ; il s'élargit et prend une teinte plus foncée chez celles qui +ont fait des enfants; le mamelon devient livide et gros aux nourrices, +et il est noir et flétri chez les vieilles femmes.</p> + +<hr style='width: 45%;' /> + +<p>Un ouvrage de ce genre ne pouvant se terminer par des matières médicales +aussi sérieuses, nous donnons une fort jolie chanson de M. Aug. Gilles, +pour le clore convenablement.</p> + + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">LES TÉTONS.</span></div></div> + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Air: <i>Elle aime à rire, elle aime à boire.</i><br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">J'ai pris pour muse une égrillarde<br /></span> +<span class="i0">A qui la romance déplaît;<br /></span> +<span class="i0">Chaque jour elle se complaît<br /></span> +<span class="i0">A rendre ma muse gaillarde.<br /></span> +<span class="i0">La gaudriole en mes cartons,<br /></span> +<span class="i0">A ses yeux offre une lacune,<br /></span> +<span class="i0">Elle me garderait rancune,<br /></span> +<span class="i0">Si je ne chantais les tétons.<br /></span> +</div> +<div class="stanza"> +<span class="i0"><br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Dans le sein fécond qui le porte,<br /></span> +<span class="i0">L'homme fait neuf mois de séjour;<br /></span> +<span class="i0">Impatient de voir le jour,<br /></span> +<span class="i0">De ses pieds il frappe à la porte.<br /></span> +<span class="i0">A peine est-il né qu'à tâtons<br /></span> +<span class="i0">Le jeune espiègle entre en licence,<br /></span> +<span class="i0">Et, sans égards pour la décence,<br /></span> +<span class="i0">A sa mère il prend les tétons.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0"><br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Chacun de vous a sa manie,<br /></span> +<span class="i0">Amis; mais je ne doute point<br /></span> +<span class="i0">Que votre penchant sur ce point,<br /></span> +<span class="i0">Avec le mien ne s'harmonie.<br /></span> +<span class="i0">Et je crois bien que nous goûtons<br /></span> +<span class="i0">Même plaisir et même ivresse,<br /></span> +<span class="i0">Quand notre main frôle et caresse<br /></span> +<span class="i0">Tour-à-tour deux jolis tétons.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0"><br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Il est un usage contraire<br /></span> +<span class="i0">A la pudeur qui vous régit;<br /></span> +<span class="i0">Votre modestie en rougit;<br /></span> +<span class="i0">Mais elle ne peut s'y soustraire.<br /></span> +<span class="i0">Belles, quand nous vous accostons,<br /></span> +<span class="i0">De l'arc-boutant de la nature<br /></span> +<span class="i0">Votre œil furtif prend la mesure,<br /></span> +<span class="i0">Le notre toise les tétons.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0"><br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Dumont dit à son fils Hilaire:<br /></span> +<span class="i0">—Il faut enfin te décider,<br /></span> +<span class="i0">Et conduire, sans plus tarder,<br /></span> +<span class="i0">Au temple d'hymen Rose ou Claire.<br /></span> +<span class="i0">—Papa, mon choix est fait; partons:<br /></span> +<span class="i0">De Claire la beauté me flatte,<br /></span> +<span class="i0">Mais elle a la poitrine plate<br /></span> +<span class="i0">Et sa sœur a de gros tétons.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0"><br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Paul et Justine se conviennent.<br /></span> +<span class="i0">L'amour paraît combler leurs vœux;<br /></span> +<span class="i0">C'est à leurs mutuels aveux<br /></span> +<span class="i0">Pourtant que l'un à l'autre ils tiennent:<br /></span> +<span class="i0">Grâce à leurs marchands de cartons,<br /></span> +<span class="i0">Aux amateurs ils font des niches,<br /></span> +<span class="i0">L'un avec des mollets postiches<br /></span> +<span class="i0">Et l'autre avec de faux tétons.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0"><br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">Nature dit à la fillette,<br /></span> +<span class="i0">Qui les voit poindre en son corset:<br /></span> +<span class="i0">Craignez que le nœud d'un lacet<br /></span> +<span class="i0">N'en comprime la peau douillette;<br /></span> +<span class="i0">Qu'entre leurs deux jolis boutons<br /></span> +<span class="i0">Le même espace s'interpose:<br /></span> +<span class="i0">Dans vingt ans où je les pose<br /></span> +<span class="i0">Qu'Amour trouve encor les tétons.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0"><br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i0">A notre liberté publique<br /></span> +<span class="i0">Je tiens par goût et par devoir,<br /></span> +<span class="i0">Et dans aucun temps le pouvoir<br /></span> +<span class="i0">Ne m'a fait changer de tactique.<br /></span> +<span class="i0">Au diable les ventrus gloutons<br /></span> +<span class="i0">De Villèle et de Bonaparte;<br /></span> +<span class="i0">Car la liberté sans la Charte<br /></span> +<span class="i0">C'est une femme sans tétons.<br /></span> +</div><div class="stanza"> +<span class="i6">AUG. GILLES.<br /></span> +</div></div> + +<h3>FIN.</h3> + + +<h3>19193. PARIS.—TYPOGRAPHIE LAHURE rue de Fleurus, 9</h3> + +<div class="footnotes"><h3>NOTES:</h3> + +<div class="footnote"><a name="Footnote_1_1" id="Footnote_1_1"></a><a href="#FNanchor_1_1"><span class="label">[1]</span></a> Évariste Parny, auteur, en l'an VII, du poëme de la <i>Guerre +des Dieux</i>, dans lequel on ne reconnaît plus le chantre délicatement +voluptueux d'<i>Éléonore</i>, du <i>Lendemain</i>, et de la <i>Journée champêtre</i>, a +fait usage de cette anecdote dans le deuxième chant de ce poëme, +première édition. Il l'a supprimée dans la seconde édition, et c'est +peut-être un second tort. C'est dans cet Éloge qu'il a trouvé ce mystère +qu'il fait jouer à la famille de Dieu: il n'a donc pas eu le mérite +d'une grande invention dans ce poëme. +<br /><br /> +Pensant que le lecteur en sera satisfait, nous reproduisons ce morceau, +qui du reste tient ici naturellement sa place: + +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Du Paradis la troupe infatigable,<br /></span> +<span class="i0">Pour terminer, joua la Passion,<br /></span> +<span class="i0">Et joua bien. Les conviés, dit-on,<br /></span> +<span class="i0">Goûtèrent peu ce drame lamentable.<br /></span> +<span class="i0">Mais un malheur qu'on n'avait pas prévu<br /></span> +<span class="i0">Du dénouement égaya la tristesse:<br /></span> +<span class="i0">Bien flagellé, le héros de la pièce<br /></span> +<span class="i0">Était déjà sur la croix étendu.<br /></span> +<span class="i0">On choisissait pour ce rôle pénible<br /></span> +<span class="i0">Un jeune acteur intelligent, sensible,<br /></span> +<span class="i0">Beau, vigoureux, et sachant bien mourir,<br /></span> +<span class="i0">Il était nu des pieds jusqu'à la tête:<br /></span> +<span class="i0">Un blanc papier qu'une ficelle arrête<br /></span> +<span class="i0">Couvrait pourtant ce que l'on doit couvrir.<br /></span> +<span class="i0">Charmante encore après sa pénitence,<br /></span> +<span class="i0">La Magdelène au pied de la potence<br /></span> +<span class="i0">Versait des pleurs: ses longs cheveux épars,<br /></span> +<span class="i0">Son joli sein qui jamais ne repose,<br /></span> +<span class="i0">Du crucifié attirait les regards.<br /></span> +<span class="i0">Il voyait tout, jusqu'au bouton de rose;<br /></span> +<span class="i0">Quelquefois même il voyait au-delà.<br /></span> +<span class="i0">Prêt à mourir, cet aspect le troubla.<br /></span> +<span class="i0">Il tenait bon; mais quelle fut sa peine,<br /></span> +<span class="i0">Quand le feuillet vint à se soulever!<br /></span> +<span class="i0">«Otez, dit-il, ôtez la Magdelène!<br /></span> +<span class="i0">Otez-la donc, le papier va crever.»<br /></span> +<span class="i0">Soudain il crève; et la Vierge elle-même<br /></span> +<span class="i0">Pour ne pas rire a fait un vain effort.<br /></span> +<span class="i0">«Le tour est bon, dit le Père suprême,<br /></span> +<span class="i0">On le voit bien, le drôle n'est pas mort.»<br /></span> +</div></div> +</div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_2_2" id="Footnote_2_2"></a><a href="#FNanchor_2_2"><span class="label">[2]</span></a> Voy. <i>Le Bouquet de roses, ou le Chansonnier des Grâces</i>, +première année, Favre, Palais-Égalité.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_3_3" id="Footnote_3_3"></a><a href="#FNanchor_3_3"><span class="label">[3]</span></a> Visage.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_4_4" id="Footnote_4_4"></a><a href="#FNanchor_4_4"><span class="label">[4]</span></a> Bien fait, joli.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_5_5" id="Footnote_5_5"></a><a href="#FNanchor_5_5"><span class="label">[5]</span></a> Recherchée dans sa toilette.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_6_6" id="Footnote_6_6"></a><a href="#FNanchor_6_6"><span class="label">[6]</span></a> Étienne Pasquier, avocat,<br /> +<span style="margin-left: 2.5em;">naquit en 1529 et mourut en 1615.</span></p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_7_7" id="Footnote_7_7"></a><a href="#FNanchor_7_7"><span class="label">[7]</span></a> Il n'est pas besoin de faire ici l'étymologiste. Tous ceux +qui entendent le François savent que le mot <i>mamelle</i>, qui n'est plus du +bel usage, signifie la même chose que <i>teton</i>.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_8_8" id="Footnote_8_8"></a><a href="#FNanchor_8_8"><span class="label">[8]</span></a> Les Casuistes les plus relâchez, les Sanchez et les +Escobars, condamnent l'attouchement des tétons: ils conviennent que +c'est une impureté et une branche de la luxure, l'un des sept péchez +mortels. Mais si je ne me trompe, ils n'imposent pas au coupable une +pénitence fort sévère: et il y a plusieurs païs dans l'Europe où ils +sont presque contraints de traiter cela comme les petites fautes que +l'on appelle <i>quotidianæ incursiones</i>. On est si accoûtumé à cette +mauvaise pratique dans ces pays-là, et c'est un spectacle si ordinaire +jusques au milieu des rues, à l'égard surtout du commun peuple, que les +casuistes mitigés se persuadent que cette habitude efface la moitié du +crime: ils croient qu'on ne l'envisage point sous l'idée d'une liberté +fort malhonnête, et que le scandale du spectateur est très-petit. C'est +pourquoi ils passent légèrement sur cet article de la confession. Je ne +pense pas que jamais aucun rigoriste ait différé pour un tel sujet +l'absolution de son pénitent, non pas même dans les climats où cette +espèce de patinage est peu usitée, et passe pour une de ces libertés +dont les personnes de l'autre sexe sont obligées de se fâcher tout de +bon. Ainsi les anabaptistes sont les plus rigides de tous les moralistes +chrétiens, puisqu'ils condamnent à l'excommunication celui qui touche le +sein d'une maîtresse qu'il veut épouser, et qu'ils rompent la communion +ecclésiastique avec ceux qui ne veulent pas excommunier un tel galant. +(<i>Notes de Bayle.</i>)</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_9_9" id="Footnote_9_9"></a><a href="#FNanchor_9_9"><span class="label">[9]</span></a> Boileau en a fait une maligne application à M<sup>lle</sup> de Scudéri +même, l'auteur de ce roman, à laquelle tous les auteurs d'alors +donnaient le nom de Sapho. Le poëte Le Brun nous retrace les écarts de +Boileau, dans ses vers contre la citoyenne Th... P..., auteur de <i>Sapho</i> +et de <i>Camille</i>, et autres femmes auteurs.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_10_10" id="Footnote_10_10"></a><a href="#FNanchor_10_10"><span class="label">[10]</span></a> Le recueil de ses poésies est rare. Il s'y trouve quelques +morceaux faibles, mais on le lit avec plaisir. Voyez ses épigrammes et +son <i>Remède d'amour</i>, dans le recueil intitulé: <i>le Furet littéraire</i> ou +les <i>Fleurs du Parnasse</i>, 1 vol. in-12.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_11_11" id="Footnote_11_11"></a><a href="#FNanchor_11_11"><span class="label">[11]</span></a> C'est Charles II, prince aussi salace, aussi voluptueux +que nos Henri III, Charles VII, Henri IV et François I<sup>er</sup>. Le C. Mercier, +auteur de l'An 2440, et de tant de drames, a fait sur ce prince un drame +intitulé: <i>Charles II dans un certain lieu</i>. Il n'a point avoué cette +production, mais nous assurons qu'elle est de lui. Un nommé <i>Brémont</i> a +fait l'histoire scandaleuse des amours de ce roi avec Miladi +Castelmaine, duchesse de Keweland et la femme de Milord Canduche, dans +un petit roman allégorique intitulé <i>Hattigé, ou les amours du roi de +Tamaran</i>, Cologne 1676. 1 vol. in-16 de 120 pages. Le duc de Buckingham +joue un beau rôle dans cette chronique scandaleuse.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_12_12" id="Footnote_12_12"></a><a href="#FNanchor_12_12"><span class="label">[12]</span></a> Quintilien, Aristote, etc.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_13_13" id="Footnote_13_13"></a><a href="#FNanchor_13_13"><span class="label">[13]</span></a> <i>Éloge des Perruques</i>, enrichi de notes plus amples que le +texte; par le docteur Akerlio (Deguerle). Paris, an VII, 1 vol. in-12. +</p><p> +Cet <i>Éloge</i> badin a trouvé grâce auprès des savants comme auprès des +dames, malgré les traits malins qu'il s'est permis de décocher contre +les têtes à perruques de toute espèce. Loué par tous les journaux sans +en excepter la <i>Décade</i>, il n'a pu fléchir le courroux du terrible +<i>Victor-Campagne</i>, dont l'œil perçant a vu tout seul, dans cet élégant +badinage, une horrible contre-révolution, Voy. le <i>Flambeau</i>, du 18 +floréal an VII.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_14_14" id="Footnote_14_14"></a><a href="#FNanchor_14_14"><span class="label">[14]</span></a> Gentil Bernard a dit (<i>Art d'aimer</i>, ch. II):</p> +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Qu'un sein trop humble à sa place arrêté<br /></span> +<span class="i0">Offre un amour de son frère écarté.<br /></span> +</div></div> +</div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_15_15" id="Footnote_15_15"></a><a href="#FNanchor_15_15"><span class="label">[15]</span></a> Alphonse Leroi, médecin de la Faculté de Paris, a publié, +en 1772, de savantes <i>Recherches sur l'habillement des femmes et des +enfants</i>. L'auteur de cet ouvrage utile s'y déchaîne avec une sainte +colère contre l'usage des <i>corps baleinés</i>, dont l'usage était général à +l'époque où il écrivait, et qu'un caprice de la mode menace de +ressusciter aujourd'hui.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_16_16" id="Footnote_16_16"></a><a href="#FNanchor_16_16"><span class="label">[16]</span></a> Ce <i>chapeau</i> s'appelle, en termes techniques, <i>bout de +sein</i>.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_17_17" id="Footnote_17_17"></a><a href="#FNanchor_17_17"><span class="label">[17]</span></a> Comme si la gorge la plus <i>respectable</i> ressemblait aux +cantiques de feu Pompignan dont Voltaire a dit quelque part:</p> +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Sacrés ils sont, car personne n'y touche.<br /></span> +</div></div> +</div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_18_18" id="Footnote_18_18"></a><a href="#FNanchor_18_18"><span class="label">[18]</span></a> Même spiritueuses et fermentées: le <i>trop</i> seul est de +trop.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_19_19" id="Footnote_19_19"></a><a href="#FNanchor_19_19"><span class="label">[19]</span></a> Il y aurait presque autant d'inhumanité à défendre au beau +sexe le <i>thé au lait</i>; ainsi, nous lui en permettons l'usage, d'autant +plus que l'habitude qui, comme on sait, est une seconde nature, a mis, +grâce à la mode, presque tous nos estomacs <i>à l'anglaise</i>.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_20_20" id="Footnote_20_20"></a><a href="#FNanchor_20_20"><span class="label">[20]</span></a> Quelle que soit notre indulgence, nous devons en +conscience inviter les poitrines délicates à substituer à l'usage du +<i>thé</i> et du <i>café</i>, celui du <i>chocolat</i> ou du <i>cacao</i>. Les liqueurs +proprement dites peuvent être, dans le même cas, remplacées avec succès +par le vin et la bière; mais le vin doit être <i>généreux</i>, et la bière de +bonne qualité. Parmi les aliments les plus amis de la <i>gorge</i> sont les +végétaux, les substances <i>amylacées</i>, riz, truffes, etc. Les ragoûts +trop épicés ne sont pas sans périls; ainsi que les acides, ils minent +l'embonpoint, et produisent enfin la maigreur, hideuse ennemie de la +beauté.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_21_21" id="Footnote_21_21"></a><a href="#FNanchor_21_21"><span class="label">[21]</span></a> En profonds commentateurs, n'oublions pas de dire ici: «Il +y a lustre et lustre; le lustre vulgaire est de cinq années, celui de la +rose est de cinq minutes.»</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_22_22" id="Footnote_22_22"></a><a href="#FNanchor_22_22"><span class="label">[22]</span></a> C'est ce qui fait dire à je ne sais quel poëte, en parlant +de je ne sais quelle nymphe:</p> +<div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i0">Lise, à quinze ans, avait un sein superbe;<br /></span> +<span class="i0">La pauvre Lise, à vingt ans, n'en a plus.<br /></span> +<span class="i0">Pourquoi, dit-on?—C'est qu'aux chemins battus<br /></span> +<span class="i0">On ne vit jamais croître l'herbe.<br /></span> +</div></div> +</div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_23_23" id="Footnote_23_23"></a><a href="#FNanchor_23_23"><span class="label">[23]</span></a> Madame Tolleret, célèbre par ses découvertes dans l'art de +restaurer les gorges, du temps de Mercier.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_24_24" id="Footnote_24_24"></a><a href="#FNanchor_24_24"><span class="label">[24]</span></a> Poppée, impératrice romaine, seconde femme de Néron. Sa +Majesté tigre éventra d'un coup de pied sa royale épouse, sans respect +pour sa belle gorge.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_25_25" id="Footnote_25_25"></a><a href="#FNanchor_25_25"><span class="label">[25]</span></a> L'hermodacte est l'<i>iris tuberosa</i> des botanistes.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_26_26" id="Footnote_26_26"></a><a href="#FNanchor_26_26"><span class="label">[26]</span></a> Nous ne parlons point ici par métaphore. La grande +toilette exige aujourd'hui deux masques; un, comme on sait, sur le +visage, l'autre sur la poitrine.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_27_27" id="Footnote_27_27"></a><a href="#FNanchor_27_27"><span class="label">[27]</span></a> Nous n'avons point en France le bois mobile et léger dont +se servent, pour cet usage, les Bayadères, mais nous pouvons le +remplacer avec avantage par la gomme élastique, qui, par sa flexibilité +et sa légèreté, ne peut froisser ni déformer les contours qu'elle serait +destinée à faire éclore. On connaît à présent le moyen de dissoudre +cette gomme ou plutôt ce <i>gluten</i> animal.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_28_28" id="Footnote_28_28"></a><a href="#FNanchor_28_28"><span class="label">[28]</span></a> Le Camus, homme grave, érudit, et qui s'honora cependant +de tracer l'hygiène de la beauté sous le nom d'Abdeker.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_29_29" id="Footnote_29_29"></a><a href="#FNanchor_29_29"><span class="label">[29]</span></a> On pourrait nous reprocher nos citations latines, celle-ci +s'excuse d'elle-même, et les mères prudentes nous en sauront gré; quant +aux autres, nous avons ménagé, aux jeunes agréables du jour, l'occasion +de se montrer, auprès des belles, érudits à peu de frais.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_30_30" id="Footnote_30_30"></a><a href="#FNanchor_30_30"><span class="label">[30]</span></a> Cette pommade rappelle l'aventure assez plaisante du jeune +abbé de Fl..., qui, en ayant trouvé sur une toilette et ayant les lèvres +gercées, les en frotta innocemment et sans penser à mal, mais avec un +tel succès, que le matin, en s'éveillant, il ne pouvait ouvrir la +bouche. Pareille aventure arriva également à M. le comte de Rochefort. +Voici comment il la raconte dans ses <i>Mémoires</i>. M<sup>lle</sup> de Menneville, +fille d'honneur de la reine mère, ayant demandé à ce dernier un habit +d'homme, en secret: +</p><p> +«Je le lui portai dans sa chambre. Mais comme il n'y avoit personne pour +le recevoir, je le mis sous son lit où elle m'avoit dit de le mettre, et +m'en fus causer avec la bonne femme M<sup>me</sup> du Tilleul, sous-gouvernante des +filles, qui étoit de mes bonnes amies. Comme toutes les chambres des +filles, ou, pour parler plus juste, toutes les loges étoient ouvertes, +car elles ressembloient proprement à celles des comédiens, j'aperçus, en +me promenant avec elle, sur une toilette, des peignes, une boëte à +poudre, et tous les autres ingrédiens qui servent à l'ajustement d'une +fille, et niant remarqué entr'autres choses une petite boëte de pommade, +j'en voulus prendre pour me frotter les mains que j'avois un peu rudes. +Je la trouvai toute d'une autre couleur que celle de l'ordinaire, ainsi +croiant qu'elle pouvoit servir aux lèvres, où j'avois un peu mal, j'en +mis assez imprudemment. Mais je ne fus pas longtemps à m'en repentir, au +même temps mes lèvres me firent un mal enragé, ma bouche se rétrécit, +mes gencives se ridèrent, et quand je vins à vouloir parler, je fis rire +tellement M<sup>me</sup> du Tilleul, que je jugeai qu'il falloit que je fusse bien +ridicule. Ce qui fut le pis fut que je ne pus presque articuler aucune +parole, et, courant promptement à un miroir, je me fus regarder, et me +fis tant de honte à moi-même, que je m'enfuis pour me cacher. En m'en +allant je trouvai M. le duc de Roquelaure qui entroit pour venir faire +la cour à quelqu'une des filles, et étant tout étonné de me voir de la +sorte, il me demanda qui m'avoit mis en cet état. Je lui contai +naïvement mon infortune, à quoi il me fit réponse, en se moquant de moi, +que je n'avois que ce que je méritois, qu'à mon âge je devois savoir +qu'il y avoit de toutes sortes de pommade; que celle que j'avais prise +n'étoit ni pour les mains ni pour les cheveux, et qu'elle étoit un peu +plus rare. Il me quitta après s'être ainsi raillé de moi, et s'en allant +dans la chambre de la reine-mère, il lui fit sa cour à mes dépens. +Aussitôt tout le monde accourut pour me voir, et voiant que j'avais +aprêté manière de rire, j'en aurois ri, tout le premier, s'il m'avoit +été permis d'ouvrir la bouche. Cette aventure fut le sujet de +l'entretien de toute la cour, pendant plus de huit jours, et on le manda +même à Nantes, où le roi étoit, qui pour être si sérieux ne put +s'empêcher de rire. Pour moi, j'en avois tout autant d'envie que les +autres quand je pensois à cet accident, mais quoi que je m'étuvasse la +bouche d'eau fraîche, et tantôt de vin tiède, il n'y eut que le temps +qui m'aporta du soulagement.»</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_31_31" id="Footnote_31_31"></a><a href="#FNanchor_31_31"><span class="label">[31]</span></a> Portrait exact de M<sup>me</sup> de Pompadour. +</p><div class="poem"><div class="stanza"> +<span class="i2">«Ainsi qu'Hébé la jeune Pompadour<br /></span> +<span class="i4">A deux jolis trous sur la joue,<br /></span> +<span class="i0">Deux trous charmans où le plaisir se joue,<br /></span> +<span class="i0">Qui furent faits par la main de l'Amour.»<br /></span> +</div></div> +<span style="margin-left: 14.5em;"><i>Œuv. de Bernis.</i></span><br /></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_32_32" id="Footnote_32_32"></a><a href="#FNanchor_32_32"><span class="label">[32]</span></a> Ce vêtement couvre trop le nu, il faut l'<i>échancrer</i> +davantage. +</p><p><br /> +<span style="margin-left: 14.5em;"><i>Pygmalion</i>, scène lyrique. J. J.</span><br /> +</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_33_33" id="Footnote_33_33"></a><a href="#FNanchor_33_33"><span class="label">[33]</span></a> Quant aux jeunes vierges à qui la décence interdit le +secours d'une main caressante, il est un moyen qu'elles pourront +employer sous l'œil d'une mère flattée d'ajouter à leurs perfections, +sans admettre un tiers dans leur confidence; le voici: appliquez sur la +place de la gorge un hémisphère en bois léger et creux ou en gomme +élastique et percé à son milieu, à peu près comme les ventouses de +verre, dont se servent les jeunes accouchées pour aspirer le lait; à +l'orifice s'adapterait un tube de verre ou un tuyau de gomme élastique, +au moyen duquel une succion plusieurs fois répétée, chaque jour, +finirait par développer l'attrait tant souhaité. +</p><p> +<i>Note du manuscrit.</i> +</p><p> +Un de nos amis qui, dans son voyage en Égypte, a su à la fois faire des +observations sur l'art de guérir et sur les mœurs, nous assure que les +femmes de ce pays se servent, avec succès, pour la même intention, de la +mie d'un pain arrondi, façonnée au contour de la forme que l'on désire, +et appliquée encore chaude sur le sein. Cette substance, dit ce savant +que réclame avec honneur la chirurgie française, porte en elle un +principe végéto-animal, qui, développé par le calorique, pénètre +rapidement le sein, excite l'érection de ses papilles nerveuses, gonfle +le système glanduleux, et y cause un ferment, un prurit voluptueux, +bientôt suivis du développement successif de l'appareil mammaire et du +tissu cellulaire qui le recouvre. C'est ce même principe vireux qui agit +si énergiquement comme dérivatif de l'humeur goutteuse aux extrémités +inférieures, en appliquant du <i>levain</i> à la plante des pieds. On +pourrait activer ce moyen par de légères frictions d'huile très-volatile +sur le sein, et d'une lotion astringente sur les parties qui +l'environnent; au reste, le volupté fait éclore la gorge, comme le +printemps fait éclore la rose, et tous les praticiens connaissent la +correspondance de l'<i>utérus</i> au sein.</p></div> + +<div class="footnote"><p><a name="Footnote_34_34" id="Footnote_34_34"></a><a href="#FNanchor_34_34"><span class="label">[34]</span></a> La belle Pompadour suivit le conseil du jeune docteur, +elle acquit en effet l'attrait qui manquait seul à ses charmes, et +ouvrit, par reconnaissance, à son médecin une carrière qu'il parcourut +avec éclat. +<br /> +Si l'on trouve ce fragment un peu libre, accusons-en plutôt nos mœurs +que l'auteur qui vivait dans un temps où le Français se scandalisait +plus des actions que des écrits; il pense maintenant tout le contraire, +et l'on ferait aujourd'hui le procès de <i>Vénette</i>, <i>Tissot</i> et +<i>Montesquieu</i> s'ils publiaient l'<i>Onanisme</i>, le <i>Tableau de l'amour +conjugal</i> et le <i>Temple de Gnide</i>; en sommes-nous plus chastes et plus +vertueux? l'interprétation que l'on donnera à cet article répondra à +cette question. Au surplus, nous protestons de la pureté de nos motifs, +et nous n'avons point écrit pour les <i>Tartuffes de mœurs</i>, mais pour +cette belle moitié du genre humain qui ne connaît de mal que celui que +les pervers lui enseignent.</p></div> + +</div> + + + + + + + +<pre> + + + + + +End of the Project Gutenberg EBook of Éloge du sein des femmes, by +Claude-François-Xavier Mercier de Compiègne + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ÉLOGE DU SEIN DES FEMMES *** + +***** This file should be named 18610-h.htm or 18610-h.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/1/8/6/1/18610/ + +Produced by Chuck Greif, Carlo Traverso and the Online +Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This +file was produced from images generously made available +by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica) at +http://gallica.bnf.fr) + + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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It exists +because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from +people in all walks of life. + +Volunteers and financial support to provide volunteers with the +assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's +goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will +remain freely available for generations to come. In 2001, the Project +Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure +and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations. +To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation +and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4 +and the Foundation web page at http://www.pglaf.org. + + +Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive +Foundation + +The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit +501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the +state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal +Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification +number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at +http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent +permitted by U.S. federal laws and your state's laws. + +The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S. +Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered +throughout numerous locations. Its business office is located at +809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email +business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact +information can be found at the Foundation's web site and official +page at http://pglaf.org + +For additional contact information: + Dr. Gregory B. Newby + Chief Executive and Director + gbnewby@pglaf.org + +Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg +Literary Archive Foundation + +Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide +spread public support and donations to carry out its mission of +increasing the number of public domain and licensed works that can be +freely distributed in machine readable form accessible by the widest +array of equipment including outdated equipment. Many small donations +($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt +status with the IRS. + +The Foundation is committed to complying with the laws regulating +charities and charitable donations in all 50 states of the United +States. 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Thus, we do not necessarily +keep eBooks in compliance with any particular paper edition. + +Most people start at our Web site which has the main PG search facility: + + http://www.gutenberg.org + +This Web site includes information about Project Gutenberg-tm, +including how to make donations to the Project Gutenberg Literary +Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to +subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks. + +*** END: FULL LICENSE *** + + + +</pre> + +</body> +</html> + diff --git a/18610-h/images/010.png b/18610-h/images/010.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..0448267 --- /dev/null +++ b/18610-h/images/010.png diff --git a/18610-h/images/028.png b/18610-h/images/028.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..1b2d81e --- /dev/null +++ b/18610-h/images/028.png diff --git a/18610-h/images/030.png b/18610-h/images/030.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..b56df46 --- /dev/null +++ b/18610-h/images/030.png diff --git a/18610-h/images/051.png b/18610-h/images/051.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..cfb0051 --- /dev/null +++ b/18610-h/images/051.png diff --git a/18610-h/images/052.png b/18610-h/images/052.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..8b624d2 --- /dev/null +++ b/18610-h/images/052.png diff --git a/18610-h/images/076.png b/18610-h/images/076.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..cbb1778 --- /dev/null +++ b/18610-h/images/076.png diff --git a/18610-h/images/078.png b/18610-h/images/078.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..70d9d3f --- /dev/null +++ b/18610-h/images/078.png diff --git a/18610-h/images/086.png b/18610-h/images/086.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..b04d8e5 --- /dev/null +++ b/18610-h/images/086.png diff --git a/18610-h/images/097.png b/18610-h/images/097.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..a34e185 --- /dev/null +++ b/18610-h/images/097.png diff --git a/18610-h/images/098.png b/18610-h/images/098.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..f12ac3b --- /dev/null +++ b/18610-h/images/098.png diff --git a/18610-h/images/109.png b/18610-h/images/109.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..15e87a0 --- /dev/null +++ b/18610-h/images/109.png diff --git a/18610-h/images/110.png b/18610-h/images/110.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..5d9bc1f --- /dev/null +++ b/18610-h/images/110.png diff --git a/18610-h/images/120.png b/18610-h/images/120.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..996f796 --- /dev/null +++ b/18610-h/images/120.png diff --git a/18610-h/images/122.png b/18610-h/images/122.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..f6a0caf --- /dev/null +++ b/18610-h/images/122.png diff --git a/18610-h/images/130.png b/18610-h/images/130.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..a67289c --- /dev/null +++ b/18610-h/images/130.png diff --git a/18610-h/images/frontispiece.png b/18610-h/images/frontispiece.png Binary files differnew file mode 100644 index 0000000..8638c9f --- /dev/null +++ b/18610-h/images/frontispiece.png diff --git a/LICENSE.txt b/LICENSE.txt new file mode 100644 index 0000000..6312041 --- /dev/null +++ b/LICENSE.txt @@ -0,0 +1,11 @@ +This eBook, including all associated images, markup, improvements, +metadata, and any other content or labor, has been confirmed to be +in the PUBLIC DOMAIN IN THE UNITED STATES. + +Procedures for determining public domain status are described in +the "Copyright How-To" at https://www.gutenberg.org. + +No investigation has been made concerning possible copyrights in +jurisdictions other than the United States. 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