summaryrefslogtreecommitdiff
path: root/old
diff options
context:
space:
mode:
authorRoger Frank <rfrank@pglaf.org>2025-10-15 01:38:06 -0700
committerRoger Frank <rfrank@pglaf.org>2025-10-15 01:38:06 -0700
commitb276055bdc166e6916a850dce0051588e249e8fb (patch)
tree468b9e21f832cca1434d40f5eee8c40e94cbfcff /old
initial commit of ebook 21257HEADmain
Diffstat (limited to 'old')
-rw-r--r--old/21257-8.txt2893
-rw-r--r--old/21257-8.zipbin0 -> 42642 bytes
2 files changed, 2893 insertions, 0 deletions
diff --git a/old/21257-8.txt b/old/21257-8.txt
new file mode 100644
index 0000000..827e650
--- /dev/null
+++ b/old/21257-8.txt
@@ -0,0 +1,2893 @@
+Project Gutenberg's Les Muses de la Nouvelle France, by Marc L'escarbot
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: Les Muses de la Nouvelle France
+
+Author: Marc L'escarbot
+
+Release Date: April 30, 2007 [EBook #21257]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES MUSES DE LA NOUVELLE FRANCE ***
+
+
+
+
+Produced by Rénald Lévesque
+
+
+
+
+
+
+ LES MUSES
+ DE LA NOUVELLE
+ FRANCE.
+
+ A MONSEIGNEUR
+ LE CHANCELIER
+
+
+
+_Avia Pieridum peregro loca nullius antè
+Trita solo_ ______________
+
+[Illustration]
+
+ A PARIS
+
+ Chez JEAN MILLOT, devant S. Barthelemy,
+ aux trois Coronnes: Et en sa boutique
+ sur les degrez de la grand'salle du Palais.
+
+ __________________________________________
+
+ M. DC. XII.
+
+ _Avec Privilege du Roy._
+
+ [Illustration]
+
+
+
+ A
+ MONSEIGNEUR
+ MESSIRE NICOLAS
+ BRULART SEIGNEUR
+ de Sillery, Chancelier de
+ France & de Navarre.
+
+MONSEIGNEUR
+
+Les Muses de la NOUVELLE-FRANCE ayans passé d'un autre monde à cetui-ci,
+aujourd'hui se presentent à voz piés en esperance de recevoir quelque
+mon accueil de vous, qui estant le Pere de celles qui resident sur le
+Parnassse de nôtre France Gaulloise & Orientale, desirent aussi que de
+cette méme affection une flamme forte, qui les environne & reçoive en sa
+tutele. Que si elles sont mal peignées, & rustiquement vetuës;
+considerez, Monseigneur, le païs d'où elles viennent, incult, herissé de
+foréts, & habité de peuples vagabons, vivans de chasse, aymans la
+guerre, méprisans les delicatesse, non civilisés, & en un mot qu'on
+appelle Sauvages: & attribués à la communication qu'elles ont euë avec
+eux, & aux flots de la mer, leur defaut: je veux dire si elles ne sont
+en si bonne conche & en bon point comme celles qui ont accoutumé de se
+presenter à vous. Elles sont encore pour le present semblables à ces
+poissons qui sont appelés Abramides en la Pécherie d'Oppian, lesquels
+sans demeure certaine changent perpetuellement de place, se trouvans
+bien en toute sorte de terre, au contraire de plusieurs qui ne peuvent
+vivre qu'en un lieu. Poissons vrayment figure du peuple Hebrieu, & de la
+vie de ce monde, soit qu'on les prenne par leur nom, soit que l'on
+considere leur façon de vivre, toujours étrangers, conduits par la
+providence de celui qui les a creés, ainsi que le grand Abraham pere des
+croyans, duquel non sans cause ilz portent le nom. Mais s'il arrive,
+Monseigneur, que par vôtre faveur, assistance, & support, elles soient
+un jour arretées és montagnes du Port Royal & ruisseaux qui en
+decoulent, & ayent le moyen de se rendre plus civiles, & mieux venantes
+à la cadence des fredons d'Apollon: ainsi qu'aux premiers temps és
+solennitez publiques & sainctes on dansoit & chantoit des hymnes &
+cantiques, tant de vive voix, que sur tous instrumens de Musique à
+l'honneur du vray Dieu: De mémes elles feront souz vos auspices maintes
+fétes solennelles, ou vôtre nom sera exalté, & en leurs chansons
+rememorez les bien-faits de celui, qui apres avoir bien merité de son
+Roy, de sa patrie, & de toute la Chrétienté, aura encore pris un soin
+non indigne d'un Chancelier de France, qui sera d'aider à
+l'etablissement des Muses en la France Nouvelle, trans-marine, &
+Occidentale, pour la conversion des peuples infideles.
+
+ Vôtre tres-humble &
+ tres-obeissant serviteur
+
+ MARC LESCARBOT
+ _Vervinois_
+
+[Illustration]
+
+
+
+
+ LES MUSES DE LA
+ NOUVELLE-FRANCE
+
+
+ AU ROY
+
+
+ ODE PINDARIQUE
+ presentée à sa Majesté en
+ Novembre mil six cens sept.
+
+
+STROPH. 1.
+
+NEPTUNE, donne moy des vers
+Propres à resonner la gloire
+Du plus grand Roy que l'Univers
+Ait produit de longue memoire.
+Et puis que sur tes moites eaux
+Tendent leurs ailes noz vaisseaux,
+Fay qu'avec eux ore je vole
+Cornant son renom jusqu'au pole,
+Et que porté d'un trait leger
+Sur l'aile de ta large échine,
+Je l'annonce au peuple étranger
+Qui demeure au fond de la Chine.
+
+ANTISTROPH.
+
+Muses pourtant pardonnez moy
+Si pour cette heure je m'addresse
+Ailleurs qu'à vous; & si la loy
+De vous invoquer je transgresse.
+Je ne boy ici d'Helicon
+Les douces eaux, ni ma chanson
+Ne ressent les fleurs qu'on amasse
+Au sommet du double Parnasse.
+Neptune commande en ce lieu,
+C'est à lui qu'il faut que je rende
+Ores mes voeux, & qu'à ce Dieu
+De mon chant le ton je demande.
+
+EPOD.
+
+Car quoy qu'il soit quelquefois
+Forcené d'ire & de rage,
+Il ayme bien toute fois
+Des chansons le doux ramage.
+Et de cela soucieux
+A ses Syrenes il donne
+Mainte chanson qui resonne
+D'un chant fort harmonieux,
+Qui par ses douces merveilles
+Les peu rusez Nautonniers
+Attire par les oreilles,
+et les fait ses prisonniers.
+
+STROPH. 2.
+
+Vive donc mon Prince & mon Roy
+Par qui respire nôtre France
+Sentant souz le joug de sa loy
+Les doux effects de sa clemence.
+Lui qui parmi tant de hazars
+Qui l'ont suivi de toutes parts
+A vaincu l'effort de la Fortune,
+Laquelle en lui n'a part aucune.
+Car sa vertu tant seulement
+Du haut des cieux favorisée
+A jusques dans le Firmament
+Sa Majesté authorisée.
+
+ANTISTROPH.
+
+Le jour qu'en France commença
+A luire sa belle lumiere
+Le conseil des Dieux s'amassa
+Pour sçavoir de quelle maniere
+Ilz pourroient honorer celui
+Qui devoit estre un jour l'appui
+De mainte gent abandonnée
+A que du ciel n'est point donnée
+La conoissance de son bien
+Et de maint peuple & mainte ville
+Policée souz le lien
+De la societé civile.
+
+EPOD.
+
+Mars lui donna sa valeur,
+Hercule donna sa force,
+Et Jupiter sa terreur,
+Qui la force méme force.
+Mais Vulcan lui façonna
+De fin acier bien trempée
+Une foudroyante epée
+Qu'en present il lui donna
+Pour en frapper les rebelles,
+Et la rogue nation
+Qui nous a fait des quereles
+Souz feinte religion.
+
+STROPH. 3.
+
+Il n'estoit pas hors le berceau,
+Il n'avoit quitté son enfance,
+Que son âge plus tendre & beau
+S'endurcissoit à la souffrance
+Des âpres & dures rigueurs
+Des froidures & des chaleurs,
+Afin qu'un jour il peust à l'aise
+Supporter de Mars le mesaise,
+Puis que son destin estoit tel,
+Que parmi les chaudes alarmes
+Il devoit se rendre immortel,
+Par l'effort de ses fieres armes.
+
+ANTISTROPH.
+
+Qui l'a jamais veu sommeiller,
+Ou les mains avoir endormies,
+Quand il a fallu chamailler
+Dessus les troupes ennemies?
+Témoins en sont tant de combats
+Où il a cent fois du trépas
+Loin repoussé la violence,
+De sorte que méme la France,
+France nourrice des guerriers
+Par ses longs travaux fatiguée
+Est le sujet de ses lauriers
+Pour s'estre contre lui liguée.
+
+EPOD.
+
+Et apres s'estre soumis
+La populace mutine,
+Il a fait qu'ores Themis
+Seurement par tout chemin
+Afin qu'une ferme paix
+Au moyen de la Justice
+En sa maison s'établisse
+Qui soit durable à jamais,
+Et que toujours souz son aile
+Fleurisse la pieté,
+Sans qu'oncques elle chancelle
+Ni d'un ni d'autre côté.
+
+STROPH. 4.
+
+Grand Roy nous te devons ceci,
+Vire mille fois davantage.
+Mais il reste encore un souci
+Digne de ton vieillissant âge,
+Afin que la posterité
+Entende que ta pieté
+N'estoit dedans ta France enclose.
+Il faut, grand Roy, faire une chose,
+Il faut ores du Tout-puissant
+Porter le nom souz ta banniere
+Où son Soleil resplendissant
+Chacun jour finit sa carriere.
+
+ANTISTROPH.
+
+Aye doncques compassion
+De tant de peuples qui perissent
+Sans loix & sans Religion
+Et de leur misere gemissent.
+Si tu veux, grand Roy, tu les peux
+Joindre avec nous en méme voeux,
+Et faire de tous une Eglise,
+Si ta bonté les favorise.
+Mais si ton pouvoir souverain
+Ne soutient un si grand affaire,
+Mais si tu retires ta main,
+Que est-ce qui le pourra faire?
+
+EPOD.
+
+C'est, mon Prince, c'est de toy
+Qu'une antique destinée
+A prononcé qu'un grand Roy
+Seroit apres mainte année
+Du vieil tige des François,
+Que regiroit en justice
+Par une saincte police
+Conjointe aux divines loix
+Les nations infideles
+Qui sont encore en maints lieux,
+Et par force les rebelles
+Conduiroit dedans les cieux.
+
+ LESCARBOT
+
+ ____________________________________________
+
+APRES que nous fumes arrivés au Port Royal en la
+Nouvelle-France le sieur du Pont de Honfleur, qui estoit parti dés le
+sezième de Juillet, desesperant qu'aucun navire deut arriver de France,
+pour ce que la saison desja se passoit, ayant rencontré par un grand
+heur quelques uns de nos gens (qui à la veuë de la terre du port de
+Campseau s'estoient mis dans une chalouppe, & venoient jusques audit
+Port Royal suivans la côte) parmi des iles, il tourna le cap à rebours,
+& nous vint trouver avec beaucoup de rejouïssance d'une part & d'autre.
+En fin au bout de trois semaines il nous laissa sa barque & une patache,
+& se mit avec quelques cinquante homme qu'il avoit, dans nôtre navire
+qui retournoit en France. Or avant son depart, pour lui dire Adieu je
+lui fis ces vers ici parmi le tintamarre d'un peuple contus qui
+marteloit de toutes parts pour faire ses logemens, lesquels vers furent
+depuis imprimez à la Rochelle.
+
+ __________________________________________________
+
+
+
+
+ ADIEU AUX FRANÇOIS
+ retournans de la Nouvelle-France
+ en la France Gaulloise.
+
+ Du 25 d'Aoust 1606.
+
+ALLEZ donques, vogués, ô troupe genereuse
+Qui avez surmonté d'une ame courageuse
+Et des vents & des flots les horribles fureurs
+Et de maintes saisons les cruelles rigueurs,
+Pour conserver ici de la Françoise gloire
+Parmi tant de hazars l'honorable memoire.
+Allez doncques, vogués, puissiez vous outre mer
+Un chacun bien-tot voir son Ithaque fumer:
+Et puissions nous encore au retour de l'année
+La méme troupe voir par deça retournée.
+
+Fatiguez de travaux vous nous laissés ici
+Ayans également l'un de l'autre souci,
+Vous, que nous ne soyons saisis de maladies
+Qui facent à Pluton offrandes de noz vies:
+Nous, qu'un contraire flot, ou un secret rocher
+Ne vienne vôtre nef à l'impourveu toucher.
+Mais un point entre nous met de la difference,
+C'est que vous allez voir les beautez de la France,
+Un royaume enrichi depuis les siecles vieux
+De tout ce que le monde a de plus precieux:
+Et nous comme perdus parmi la gent Sauvage
+Demeurons étonnez sur ce marin rivage,
+Privez du doux plaisir & du contentement
+Que là vous recevrez dés votre avenement.
+
+Que di-je, je me trompe, en ce lieu solitaire,
+L'homme juste a dequoy à soy-méme complaire,
+Et admirer de Dieu la haute Majesté,
+S'il en veut contempler l'agreable beauté
+Car qu'on aille rodant toute la terre ronde,
+Et qu'on furette tous les cachotz du monde,
+On ne trouvera rien si beau, ne si parfait
+Que l'aspect de ce lieu ne passe d'un long trait.
+Y desirez-vous voir une large campagne?
+La mer de toutes parts ses moites rives baigne.
+Y desirez-vous voir des coteaux alentour?
+C'est ce qui de ce lieu rent plus beau le sejour.
+Y voulez-vous avoir le plaisir de la chasse?
+Un monde de forêts de toutes parts l'embrasse.
+Voulez-vous des oiseaux avoir la venaison?
+Par bendes ils y sont chacun en sa saison.
+Cherchez-vous changement en votre nourriture?
+La mer abondamment vous fournit de pâture.
+Aymez-vous des ruisseaux le doux gazouillement
+Les côtaux enlassés en versent largement.
+Cherchez-vous le plaisir des verdoyantes iles?
+Ce Port en contient deux capables de deux villes.
+Aymez-vous d'un Echo la babillarde voix?
+Ici peut un Echo répondre trente-fois.
+Car lors que du Canon le tonnerre y bourdonne
+Trente-fois alentour le méme coup resonne,
+Et semble au tremblement que Megere à l'envers
+Soit préte d'écrouler tout ce grand Univers.
+Aymez-vous voir le cours des rivieres profondes?
+Trois rendent à ce lieu le tribut de leurs ondes,
+Dont l'Equille ayant eu plus de terre en son lot,
+Elle se porte aussi d'un orgueilleux flot,
+Et préques assourdit de son bruiant orage
+Non le Stadisien, mais ce peuple Sauvage.
+Bref, contre l'ennemi voulez-vous estre fort?
+Ce lieu rien que du Ciel ne redoute l'effort.
+Car de deux boulevers Nature a son entrée
+Si dextrement muni, que toute la contrée
+Peut à l'abri d'iceux reposer seurement,
+Et en toute saison vivre joyeusement.
+
+Le blé te manque encore, & le fruit de la vigne
+Pour faire son renom par l'univers insigne.
+Mais si le Tout-poussant benit nôtre labeur
+En bref tu sentiras la celeste faveur
+En ton sein decouler ainsi qu'une rousée
+Qui tombe doucement sur la terre embrasée
+Au milieu de l'eté. Que si on n'a encore
+De tes veines tiré la riche mine d'or,
+L'argent, l'airain, le fer que tes forêts épesses
+Gardent comme en depos sont de belles richesses
+Pour le commencement, & peut estre qu'un jour
+Sera la mine d'or découverte à son tour.
+Mais c'est ores assez que tu nous puisse rendre
+Et du blé & du vin, pour apres entreprendre
+Un vol plus elevé (car le bord de tes eaux
+Peut fournir de pature à mille grans troupeaux)
+Et de villes batir, des maisons, & bourgades,
+Qui servent de retraite aux Françoises peuplades,
+Et pour changer les moeurs de cette nation
+Qui vit sans Dieu, sans loy, & sans religion.
+
+O trois-fois Tout-puissant, ô grand Dieu que j'adore
+Ores que ton Soleil envoye son Aurore
+Sur cette terre ici, ne vueille plus tarder,
+Vueilles d'un oeil piteux ce peuple regarder,
+Qui languit attendant ta parfaite lumiere
+Trop prolongeant, helas! sa divine carriere.
+
+DU PONT dont la vertu vole jusques aux cieux
+Pour avoir sceu domter d'un coeur audacieux
+En ces difficultés mille maux, mille peines,
+Qui pouvoient souz le faix accraventer tes veines,
+Ayant esté ici laissé pour conducteur
+A ceux-là qui poussez d'une pareille ardeur
+Ont aussi soutenu en la Nouvelle-France
+De leur propre maison la dure & longue absence;
+Si-tot que tu verras la face de ton Roy
+Di lui que ses ayeuls pour la Chrétienne loy
+Ont jadis triomphé dedans la Palestine,
+Et courageusement de la gent Sarazine
+Repoussé la fureur és Memphitiques bors,
+Et pour la méme cause ont exposé leurs corps
+Au gré des vents, des flots, d'une maratre terre,
+Et au guerrier hazard du sanglant cimeterre:
+Qu'ici à peu de frais, sans qu'un robuste bras
+Rougisse au sang humain le meurtrier coutelas,
+Il se peut acquerir une gloire semblable.
+Laquelle à sa grandeur sera plus proufitable.
+
+Allez doncques, vogués, ô genereux François,
+Cependant que plus loin vers les Armouchiquois
+Les voiles nes tendons, pour outre Mallebarre
+Rechercher quelque Port qui nous serve de barre
+Soit pour nous opposer à un fort ennemi,
+Ou pour y recevoir seurement nôtre ami,
+Et la méme éprouver si la Nouvelle-France
+A noz travaux rendra selon notre esperance.
+
+Neptune, si jamais tu as favorisé
+Ceux qui dessus tes eaux leurs vies ont usé;
+Vray Neptune, fay nous chacun où il desire
+A bon port arriver, afin que ton Empire
+Soit par-deça connu en maintes regions,
+Et bien-tot frequenté de toutes nations.
+
+[Illustration]
+
+
+
+
+ LE THEATRE
+ DE NEPTUNE EN LA
+ NOUVELLE-FRANCE
+
+_Representé sur les flots du Port Royal le quatorzieme de Novembre mille
+six cens six, au retour du Sieur de Poutrincourt du païs des
+Armouchiquois._
+
+Neptune commence revetu d'un voile de couleur bleuë, & de brodequins,
+ayant la chevelure & la barbe longues & chenuës, tenant son Trident en
+main, assis sur son chariot paré de ses couleurs: ledit chariot trainé
+sur les ondes par six Tritons jusques à l'abord de la chaloupe où
+s'estoit mis ledit Sieur de Poutrincourt & ses gens sortant de la barque
+pour venir à terre. Lors la dite chaloupe accrochée, Neptune commence
+ainsi.
+
+NEPTUNE.
+
+ARRETE, Sagamos, arrete toy ici,
+Et regardes un Dieu qui a de toy souci.
+Si tu ne me connois, Saturne fut mon pere
+Je suis de Jupiter & de Pluton le frere
+Entre nous trois jadis fut parti l'univers,
+Jupiter eut le ciel, Pluton eut les Enfers,
+Et moy plus hazardeux eu la mer en partage,
+Et le gouvernement de ce moite heritage.
+NEPTUNE c'est mon nom, Neptune l'un des Dieux
+Qui a plus de pouvoir souz la voute des cieux.
+
+Si l'homme veut avoir une heureuse fortune
+Il lui faut implorer le secours de Neptune
+Car celui qui chez soy demeure cazanier
+Merite seulement le nom de cuisinier.
+
+Je fay que le Flameng en peu de temps chemine
+Aussi-tot que le vent jusque dedans la Chine.
+Je say que l'homme peut, porté dessus mes eaux,
+D'un autre pole voir les inconnuz flambeaux,
+Et les bornes franchir de la Zone torride,
+Où bouillonnent les flots de l'element liquide.
+Sans moy le Roy François d'un superbe elephant
+N'eust du Persan receu le present triumphant:
+Et encores sans moy onc les François gendarmes
+Es terres du Levant n'eussent planté leurs armes.
+Sans moy le Portugais hazardeux sur mes flots
+Sans renom croupiroit dans ses rives enclos,
+Et n'auroit enlevé les beautez de l'Aurore
+Que le monde insensé folatrement adore.
+Bref sans moly le marchant, pilote, marinier
+Seroit en sa maison comme dans un panier
+Sans à-peine pouvoir sortir de sa province.
+Un Prince ne pourroit secourir l'autre Prince
+Que j'auroy separé de mes profondes eaux.
+Et toy même sans moy apres tant d'actes beaux
+Que tu as exploités en la Françoise guerre,
+N'eusses eu le plaisir d'aborder cette terre.
+C'est moy qui sur mon dos ay tes vaisseaux porté
+Quand de me visiter tu as eu volonté
+Et nagueres encor c'est moy que de la Parque
+Ay cent fois garenti toy, les tiens& ta barque.
+Ainsi je veux toujours seconder tes desseins,
+Ainsi je ne veux point que tes effortz soient vains,
+Puis que si constamment tu as eu le courage,
+De venir si loin rechercher ce rivage,
+Pour établir ici un Royaume François,
+Et y faire garder mes statuts & mes loix.
+
+Par mon sacré Trident, par mon sceptre je jure
+Que de favoriser ton projet j'auray cure,
+Et oncques je n'auray en moy-méme repos
+Qu'en tout cet environ je ne voye mes flots
+Ahanner souz le faix de dix milles navires.
+Que facent d'un clin d'oeil tout ce que tu desires.
+
+Va donc heureusement, & poursui ton chemin
+Où le sort te conduit: car je voy le destin
+Preparer à la France un florissant Empire
+En ce monde nouveau, qui bien loin fera bruire
+Le renom immortel de De Monts & de toy
+Souz le regne puissant de HENRY vôtre Roy.
+________________________________________________
+
+Neptune ayant achevé, une trompete commence à éclater hautement &
+encourager les Tritons à faire de méme. Ce pendant le sieur de
+Poutrincourt tenoit son epée en main, laquelle il ne remit point au
+fourreau jusques à ce que les Tritons eurent prononcé comme s'ensuit.
+
+PREMIER TRITON.
+
+Tu peux (grand Sagamos) tu peux te dire heureux
+Puis qu'un Dieu te promet favorable assistance
+En l'affaire important que d'un coeur vigoureux
+Hardi tu entreprens, forçant la violence
+D'Æole, qui toujours inconstant & leger,
+Tantot adesquidés (ami), tantot poussé d'envie,
+Veut te precipiter, & les tiens au danger.
+
+Neptune est un grand Dieu, qui cette jalousie
+Fera comme fumee en l'air évanouïr:
+Et nous ses postillons, malgré l'effort d'Æole,
+Ferons toutes parts de ton courage ouïr
+Le renom, qui des-ja en toutes terres vole.
+
+DEUXIEME TRITON.
+
+Si Jupiter est Roy és cieux
+Pour gouverner ça bas les hommes,
+Neptune aussi l'est en ces lieux
+Pour méme effect; & nous qui sommes,
+Ses suppos, avons grand desir
+De voir le temps & la journée
+Qu'ayes de tes travaux plaisir
+Apres ta course terminée,
+Afin qu'en ces côtes ici
+Bien-tot retentisse la gloire
+Du puissant Neptune: & qu'ainsi
+Tu eternises ta memoire.
+
+TROISIEME TRITON.
+
+France, tu as occasion
+De louer la devotion
+De tes enfans dont le courage
+Se montre plus grand en cet age
+Qu'il ne fit onc és siecles vieux,
+Estans ardemment curieux
+De faire éclater tes louanges
+Jusques aux peuples plus étranges,
+Et graver ton los immortel
+Méme souz ce monde mortel.
+
+Ayde doncques & favorise
+Une si louable entreprise,
+Neptune s'offre à ton secours
+Qui les tiens maintiendra toujours
+Contre toute l'humaine force,
+Si quelqu'un contre toy s'efforce.
+Il ne faut jamais rejetter
+Le bien qu'un Dieu nous veut preter.
+
+QUATRIEME TRITON.
+
+Celui qui point ne se hazarde
+Montre qu'il a l'ame coüarde
+Mais celui qui d'un brave coeur
+Meprise des flots la fureur
+Pour un sujet rempli de gloire
+Fait à chacun aisément croire
+Que de courage & de vertu,
+Il est tout ceint & revetu,
+Et qu'il ne veut que le silence
+Tienne son nom en oubliance.
+
+Ainsi ton nom (grand Sagamos)
+Retentira dessus les flots
+D'or-en-vant, quand dessus l'onde
+Tu decouvres ce nouveau monde,
+Et y plantes le nom François,
+Et la Majesté de tes Rois.
+
+CINQUIEME TRITON.
+
+Un Gascon prononça ces vers à peu prés en sa langue.
+
+Sabets aquo que volio diro,
+Aqueste Neptune bieillart
+L'autre jou faisio des bragart,
+Et comme un bergalant se miro.
+
+N'agaires que faisio l'amou,
+Et baisavo une jeune hillo
+Qu'ero plan polide & gentillo,
+Et la cerquavo quadejou.
+
+Bezets, ne vous fizets pas trop
+En aquels gens de barbos grisos,
+Car en aqueles entreprisos
+Els ban lou trot & lou galop.
+
+SIXIEME TRITON.
+
+Vive HENRY le grand Roy des François
+Qui maintenant fait vivre souz ses loix
+Les nations de sa Nouvelle-France,
+Et souz lequel nous avons esperance
+De voir bien-tot Neptune reveré
+Autant ici qu'onq' il fut honoré
+Par ses sujets sur le Gaullois rivage,
+Et en tus lieux où le brave courage
+De leur ayeuls jadis les a porté.
+Neptune aussi fera de son côté
+Que leurs neveux s'employans sans feintise
+A l'ornement de leur belle entreprise
+Tous leurs desseins il favorisera,
+Et prosperer sur ses eaux il fera.
+
+______________________________________
+
+Cela fait, Neptune s'équarte un petit pour faire place à un canot, dans
+lequel estoient quatre Sauvages, qui s'approcherent apportans chacun un
+present audit sieur de Poutrincourt.
+
+PREMIER SAUVAGE.
+
+Le premier Sauvage offre un quartier d'Ellan ou Orignac, disant ainsi:
+
+De la part des peuples sauvages
+Qui environnent ces païs
+Nous venons rendre les homages
+Duez aux sacrées Fleur-de-lis
+Es mains de toy, qui de ton Prince
+Representes la Majesté,
+Attendans que cette province
+Faces florir en pieté,
+En moeurs civils, & toute chose
+Qui sert à l'établissement
+De ce qui est beau, & repose
+En un Royal gouvernement,
+Sagamos, si en nos services
+Tu as quelque devotion,
+A toy en faisons sacrifices
+Et à ta generation.
+
+Noz moyens sont un peu de chasse
+Que d'un coeur entier nous t'offrons,
+Et vivre toujours en ta grace
+C'est tout ce que nous desirons.
+
+DEUXIEME SAUVAGE.
+
+Le deuxiesme Sauvage tenant son arc & sa fleche en main, donne pour son
+present des peaux de Castors, disant:
+
+Voici la main, l'arc, & la fleche
+Qui ont fait la mortele breche
+En l'animal de qui la peau
+Pourra servir d'un bon manteau
+(Grand Sagamos) à ta hautesse.
+
+Reçoy donc de ma petitesse
+Cette offrande qu'à ta grandeur
+J'offre du meilleur de mon coeur.
+
+TROISIEME SAUVAGE.
+
+Le troisieme Sauvage offre des _Matachiaz_, c'est à dire, echarpes, &
+brasselets faits de la main de sa maitresse, disant:
+
+Ce n'est seulement en France
+Que commande Cupidon
+Mais en la Nouvelle-France,
+Comme entre vous, son brandon
+S'allume; & de ses flammes
+Il rotit noz pauvres ames,
+Et fait planter le bourdon.
+
+Ma maitresse ayant nouvelle
+Que tu devois arriver,
+M'a dit que pour l'amour d'elle
+J'eusse à te venir trouver,
+Et qu'offrande je te fisse
+De ce petit exercice
+Que sa main à sceu ouvrer.
+
+Reçoy doncques d'allegresse
+Ce present que je t'adresse
+Tout rempli de gentillesse
+Pour l'amour de ma maitresse
+Qui est ores en detresse
+Et n'aura point de liesse
+Si d'une prompte vitesse
+Je ne lui di la caresse
+Que m'aura fait ta hautesse.
+
+QUATRIEME SAUVAGE
+
+Le quatrième Sauvage n'ayant heureusement chassé par les bois, se
+presente avec un harpon en main, & apres ses excuses faites, dit qui
+s'en va à la pèche.
+
+SAGAMOS, pardonne moy
+Si je viens en telle sorte,
+Si me presentant à toy
+Quelque present je n'apporte.
+Fortune n'est pas toujours
+Aux bons chasseurs favorables,
+C'est pourquoy ayant recours
+A un maitre plus traitable,
+Apres avoir maintefois
+Invoqué cette Fortune
+Brossant par l'epée des bois,
+Je m'en vay suivre Neptune,
+
+Que Diane en ses foréts
+Ceux qu'elle voudra caresse,
+Je n'ay que trop de regrets
+D'avoir perdu ma jeunesse
+A la suivre par les vaux,
+Avecque mille travaux,
+Souz des esperances vaines.
+
+Maintenant je m'en vay voir
+Par cette côte marine
+Si je pourray point avoir
+Dequoy fournir ta cuisine:
+Et cependant si tu as
+Quelque part en ta chaloupe
+Un peu de caradonas, (pain)
+Fournis-en moy & ma troupe.
+________________________________________
+
+Apres que Neptune eut esté remercié par le sieur de Poutrincourt de ses
+offres au bien de la France, les Sauvages le furent semblablement de
+leur bonne volonté & devotion, & invitez de venir au fort Royal prendre
+du _caracona_. A l'instant la troupe de Neptune chante en Musique à
+quatre parties ce qui s'ensuit.
+
+Vray Neptune donne nous
+Contre tes flots asseurance,
+Et fay que nous puissions tous
+Un jour nous revoir en France.
+
+La musique achevée, la trompete sonne derechef, & chacun prent sa route
+diversement: les Canons bourdonnent de toutes parts, & semble à ce
+tonnerre que Proserpine soit en travail d'enfant: ceci causé par la
+multiplicité des Echoz que les côtaux s'envoient les uns aux autres,
+lesquels durent plus d'un quart d'heure.
+
+Le sieur de Poutrincourt arrivé prés du Fort Royal, un compagnon de
+gaillarde humeur qui l'attendoit de pié ferme, dit ce qui s'ensuit:
+
+Apres avoir long temps (Sagamos) desiré
+Ton retour en ce lieu, en fin le ciel iré
+A eu pitié de nous, & nous montrant ta face,
+Il nous a fait paroitre une incroyable grace.
+
+Sus doncques, rotisseurs, depensiers, cuisiniers,
+Marmitons, patissiers, fricasseurs, taverniers,
+Mettez dessus dessouz pots & plats & cuisine,
+Qu'on baille à ces gens ci chacun sa quarte pleine,
+Je les voy alterez sicut terra sine aqua.
+Garson depeche toy, baille à chacun son K.
+Cuisiniers, ces canars sont ils point à la broche?
+Qu'on tuë ces poulets, que cette oye on embroche,
+Voici venir à nous force bons compagnons
+Autant deliberez des dents que des roignons.
+Entrez dedans Messieurs, pour votre bien-venuë,
+Qu'avant boire chacun hautement éternuë,
+A fin de decharger toutes froides humeurs
+Et remplir voz cerveaux de plus douces vapeurs.
+
+Je prie le Lecteur excuser si ces rhimes ne sont si bien limées que les
+homme delicats pourroient desirer. Elles ont esté faites à la hate. Mais
+neantmoins je les ay voulu inserer ici, tant pour ce que'elles servent à
+nôtre Histoire, que pour montrer que nous vivions joyeusement. Le
+surplus de cette action se peut voir à la fin du chap. 16, liv. 4 de mon
+Histoire de la Nouvelle France.
+
+ __________________________________________________________
+
+
+
+
+ A-DIEU
+ A LA NOUVELLE-FRANCE
+ Du 30 Juillet 1607.
+
+FAUT-il abandonner les beautez de ce lieu,
+Et dire au Port Royal un eternel Adieu?
+Serons-nous donc toujours accusez d'inconstance
+En l'établissement d'une Nouvelle-France?
+Que nous sert-il d'avoir porté tant de travaux,
+Et des flots irritez combattu les assaux,
+Si notre espoir est vain, & si cette province
+Ne flechit souz les loix de HENRY notre Prince?
+Que vous servit-il d'avoir jusques ici
+Fait des frais inutils, si vous n'avez souci
+de recuillir le fruit d'une longue depense,
+Et l'honneur immortel de votre patience?
+Ha que j'ay de regrets que ne sçavez pas
+De cette terre ici les attrayans appas.
+Et bien que le Flamen vous ait fait une injure,
+L'injure bien souvent se rend avec usure.
+Il faut doncques partir, il faut appareiller,
+Et au port Sainct-Malo aller l'ancre mouiller.
+
+PERE DE L'UNIVERS, qui commandes aux ondes,
+Et qui peux assecher les mers les plus profondes,
+Donne nous de franchir les abymes des eaux
+Dont tu as separé tous ces peuples nouveaux
+Des peuples baptizés, & sans aucun naufrage
+Du royaume François voir bien-tot le rivage.
+
+Adieu donc beaux coteaux & montagnes aussi,
+Qui d'un double rempar ceignez ce Port ici.
+Adieu vallons herbus que le flot de Neptune
+Va baignant largement deux fois à chaque lune,
+Et au gibier aussi, qui pour trouver pâture
+Y vient de tous cotez tant qu'il y a verdure.
+Adieu mon doux plaisir fonteines & ruisseaux,
+Qui les vaux & les monts arrousez de vos eaux.
+Pourray-je t'oublier belle ile forètiere
+Riche honneur de ce lieu & de cette riviere?
+Je prise de ta soeur les aimables beautés,
+Mais je prise encor plus tes singularités.
+Car comme il est séant que celui qui commande
+Porte une Majesté plus auguste & plus grande
+Que son inferieur; ainsi pour commander
+Tu as le front haussé qui te fait regarder.
+A l'environ de toy une ondoyante plaine,
+Et la terre alentour sujette à ton domaine
+Tes rives sont des rocs, soit pour tes batimens,
+Soit pour d'une cité jetter les fondemens.
+Ce sont en autres parts une menuë arene,
+Où mille fois le jour mon esprit se pourmene.
+Mais parmi tes beautés j'admire un ruisselet
+Qui foule doucement l'herbage nouvelet
+D'un vallon que se baisse au creux de ta poitrine,
+Precipitant son cours dedans l'onde marine.
+Ruisselet qui cent fois de ses eaux m'a tenté,
+Sa grace me forçant lui prèter le côté.
+Ayant dont tout cela, Ile haute & profonde,
+Ile digne sejour du plus grand Roy du monde,
+Ayant di-je, cela, qu'est-ce que te defaut.
+A former pardeça la cité qu'il nous faut,
+Sinon d'avoir prés soy un chacun sa mignone
+En la sorte que Dieu & l'Eglise l'ordonne?
+Car ton terroir est bon & fertile & plaisant,
+Et oncques son culteur n'en sera deplaisant.
+Nous en pouvons parler, qui de mainte semence
+Y jettée, en avons certaine experience.
+Que puis-je dire encor digne de ton beau los?
+Qu'adjouteray-je ici que dedans ton enclos
+Se trouvent largement produits par la Nature
+Framboises, fraises, pois, sans aucune culture?
+Ou bien diray-je encor tes verdoyans lauriers,
+Tes Simples inconus, tes rouges grozeliers?
+Non, mais tant seulement sans sortir tes limites,
+Ici je toucheray les nombreux exercices
+Des peuples écaillez qui viennent chaque jour,
+Suivans le train du flot te donner le bon-jour.
+
+Si-tot que du Printemps la saison renouvelle
+L'Eplan vient à foison, qui t'apporte nouvelle
+Que Phoebus elevé dessus ton horizon
+A chassé loin de toy l'hivernale saison.
+Le Haren vient apres avecque telle presse
+Que seul il peut remplir un peuple de richesse.
+Mes yeux en sont témoins, & les vostres aussi
+Qui de nôtre pature avés eu le souci,
+Quand, ailleurs occupez, vôtre main diligente
+Ne pouvoit satisfaire à la chasse plaisante
+Qu'envoyoit en voz rets l'ecluse d'un moulin.
+Le Bar suit par-apres du Haren le chemin.
+Et en un méme temps la petite Sardine,
+La Crappe, & le Houmar, suit la côte marine
+Pour un semblable effect; le Dauphin, l'Eturgeon
+Y vient parmi la foule avecque le Saumon,
+Comme font le Turbot, le Pounamou, l'Anguille,
+L'Alose, le Fletan, & la Loche, & l'Equille:
+Equille qui, petite, as imposé le nom
+A ce fleuve de qui je chante le renom.
+Mais ce n'est ici tout, car tu as davantage
+De peuples qui te font par chacun jour homage,
+Le Colin, le Joubar, l'Encornet, le Crapau,
+Le Marsoin, le Souffleur, l'Oursin le Macreau,
+Tu as le Loup-marin, qui en troupe nombreuse
+Se vautre au clair du jour sur ta vase bourbeuse,
+Tu as le Chien, la Plie, & mille autres poissons
+Que je ne conoy point, de tes eaux nourrisons.
+Tairay-je la Moruë heureusement feconde,
+Qui par tout cette mer en toutes parts abonde?
+Moruë si tu n'es de ces mets delicats
+Dont les hommes frians assaisonnent leurs plats,
+Je diray toutefois que de toy se sustente
+Prèque tout l'Univers. O que sera contente
+Celle personne un jour, qui à sa porte aura
+Ce qu'un monde eloigné d'elle recherchera!
+Belle ile tu as donc à foison cette manne,
+Laquelle j'ayme mieux que de la Taprobane
+Les beautez que lon feint dignes des bien-heureux
+Qui vont buvans des Dieux le Nectar savoureux.
+Et pour montrer encor ta puissance supreme,
+La Baleine t'honore & te vient elle-méme
+Saluer chacun jour, puis l'ebe la conduit
+Dans le vague Ocean où elle a son deduit.
+De ceci je rendray fidele temoignage,
+L'ayant veu mainte fois voisiner ce rivage,
+Et à l'aise nouer parmi ce port ici.
+
+Mais tous ces animaux, mais tous ces peuples ci
+S'écartent quand Phoebus veut approcher la borne
+Du celeste manoir, où git le Capricorne,
+Et vont chercher l'abri du profond de Thetys,
+Ou d'un terroir plus doux vont souvans le pâtis.
+Seulement pres de toy en cette saison dure
+La Palourde, la Coque, & la Moule demeure
+Pour sustenter celui qui n'aura de saison
+(Ou pauvre, ou paresseux) fait aucune moisson,
+Tel que ce peuple ici qui n'a cure de chasse
+Jusqu'à ce que la faim le contraigne& pourchasse,
+Et le temps n'est toujours favorable au chasseur.
+Qui ne souhaite point d'un beau temps la douceur,
+Mais une forte glace, ou des neges profondes,
+Quand le Sauvage veut tirer du fond des ondes
+L'industrieux Castor (qui sa maison batit
+Sur la rive d'un lac, où il dresse son lict
+Vouté d'une façon aux hommes incroyable,
+Et plus que noz palais mille fois admirable,
+Y laissant vers le lac un conduit seulement
+Pour s'aller égayer souz l'humide element)
+Ou quand il veut quéter parmi les bois le gite
+Soit du Royal Ellan, soit du Cerf au pié vite,
+Du Lapin, du Renart, du Caribou, de l'Ours,
+De l'Ecureu, du loutre à peau-de-velours
+Du Porc-epic du Chat qu'on appelle sauvage,
+(Mais qui du Leopart ha plustot le corpsage)
+De la Martre au doux poil dont se vétent les Rois,
+Ou du Rat porte-muse, tous hôtes de ces bois,
+Ou de cet animal qui tout chargé de graisse
+De hautement grimper ha la subtile addresse,
+Sur un arbre elevé sa loge batissant
+Pour decevoir celui qui le va pourchassant,
+Et vit par cette ruse en meilleure asseurance
+Ne craignant (ce lui semble) aucune violence,
+Nibachés est son nom. Non que sur le printemps
+Il n'ait à cette chasse aussi son passe-temps.
+Mais alors du poisson la peche est plus certaine.
+
+Adieu donc je te dis, ile de beauté pleine,
+Et vous oiseaux aussi des eaux & des forêts
+Qui serez les témoins de mes tristes regrets.
+Car c'est à grand regret, & je ne le puis taire,
+Que je quitte ce lieu, quoy qu'assez solitaire.
+Car c'est à grand regret qu'ores ici je voy
+Ebranlé le sujet d'y entrer nôtre Foy,
+Et du grand Dieu le nom caché souz le silence,
+Qui à ce peuple avoit touché la conscience.
+
+Aigles qui des hauts pins habitez les sommets,
+Puis qu'à vous Jupiter a commis ses secrets,
+Allez dedans les cieux annoncer cette chose,
+Et combien de douleur j'en ay en l'ame enclose,
+Puis revenez soudain au Monarque François
+Lui dire le decret du puissant Roy des Roys.
+Car à lui est du ciel donné cet heritage,
+Afin que souz son nom ci-aprés en tout âge
+L'Eternel soit ici sainctement adoré,
+Et de cent nations son grand nom reveré:
+Et pour mieux l'emouvoir à cette chose faire,
+Par cent sortes de biens il l'a voulu attraire,
+Ayant à noz labeurs fait selon noz désirs,
+Et iceux terminé de dix mille plaisirs.
+Car la terre ici n'est telle qu'un fol l'estime,
+Elle y est plantureuse à cil qui sçait l'escrime
+Du plaisant jardinage & du labeur des champs.
+
+Et si tu veux encor des oiseaux les doux chants,
+Elle a le Rossignol, le Merle, la Linote,
+Et maint autre inconu, qui plaisamment gringote
+En la jeune saison. Si tu veux des oiseaux
+Qui se vont repaissans sur les rives des eaux,
+Elle a le Cormorant, la Mauve, Ma Mouette,
+L'Outarde, le Heron, la Gruë, l'Alouette,
+Et l'Oye, et le Canart. Canart de six façons,
+Dont autant de couleurs sont autant d'hameçons
+Qui ravissent mes yeux. Desires-tu encore
+De ces oiseaux chasseurs dont le Noble s'honore?
+Elle a l'Aigle, le Duc, le Faucon, le Vautour,
+Le Sacre, l'Epervier, l'Emerillon, l'Autour,
+Et bref tous les oiseaux de haute volerie
+Et outre iceux encore une bende infinie
+Qui ne nous sont communs. Mais elle a le Courlis
+L'Aigrette, le Coucou, la Becasse & Mauvis,
+La Palombe, le Geay, le Hibou, l'Hirondelle,
+Le Ramier, la Verdier, avec la Tourterelle,
+Le Beche-bois huppé, le lascif Passereau,
+La perdris bigarrée, & aussi le Corbeau.
+
+Que diray-je plus? Quelqu'un pourra-il croire
+Que Dieu méme ait voulu manifester sa gloire
+Creant un oiselet semblable au papillon
+(Du moins n'excede point la grosseur d'un grillon)
+Portant dessus son dos un vert-doré plumage,
+Et un teint rouge-blanc au surplus du corps-sage?
+Admirable oiselet, pourquoy donc, envieux,
+T'es-tu cent fois rendu invisible à mes ieux,
+Lors que legerement me passant à l'aureille
+Tu laissois seulement d'un doux bruit la merveille?
+Je n'eusse esté cruel à ta rare beauté,
+Comme d'autres qui t'ont mortellement traité,
+Si tu eusses à moy daigné te venir rendre.
+Mais quoy tu n'as voulu à mon desir entendre.
+Je ne lairray pourtant de celebrer ton nom,
+Et faire qu'entre nous tu sois de grand renom.
+Car je t'admire autant en cette petitesse
+Que je fay l'Elephant en sa vaste hautesse.
+Niridau c'est ton nom que je ne veux changer
+Pour t'en imposer un qui seroit étranger.
+Niridau oiselet delicat de nature,
+Qui de l'abeille prent la tendre nourriture
+Pillant de noz jardins les odorantes fleurs,
+Et des rives des bois les plus rares douceurs,
+
+A ces hotes de l'air pourray-je sans offense
+D'un petit peuple ailé adjouter l'excellence?
+Ce sont mouches, de qui sur le point de la nuit
+La brillante clarté parmi les bois reluit
+Voletans ça & là d'une presse si grande,
+Que du ciel etoilé la lumineuse bende
+Semble n'avoir en soy plus d'admiration.
+Faisant doncques ici commemoration
+Des beautez de ce lieu, il est bien raisonnable
+Que vous y teniez rang & place convenable.
+
+Mais puis que ja desja noz voiles sont tendus,
+Et allons revoir ceux qui nous cuident perdus,
+Je dis encore Adieu à vous beaux jardinages,
+Qui nous avez cet an repeu de vos herbages,
+Voire aussi soulagé nôtre necessité
+Plus que l'art de Pæon n'a fait nôtre santé.
+Vous nous avez rendu certes en abondance
+Le fruit de noz labeurs selon notre semence.
+Hé que sera-ce donc s'il arrive jamais
+(Ce qu'il est de besoin qu'on face desormais)
+Que la terre ici soit un petit mignardée,
+Et par humain travail quelquefois amendée?
+Qui croira que le segle,& la chanve, & le pois,
+Le chef d'un jeune gars ait surpassé deux fois?
+Qui croira que le blé que l'on appelle d'Inde
+En cette saison-ci si hautement se guinde
+Qu'il semble estre porté d'insupportable orgueil
+Pour se rendre, hautain, aux arbrisseaux pareil?
+Ha que ce m'est grand deuil de ne pouvoir attendre
+Le fruit qu'en peu de temps vous promettiez nous rendre!
+Que ce m'est grand émoy de ne voir la saison
+Quand ici meuriront la Courge, le Melon,
+Et le Cocombre aussi: & suis en méme peine
+De ne voir point meuri mon Froment, mon Aveine
+Et mon Orge & mon Mil, pois que le Souverain
+En ce petit travail m'a beni de sa main.
+Et toutefois voici de ce mois le trentieme,
+Mois qui jadis estoit en ordre le cinquième
+
+Peuples de toutes parts qui estes loin d'ici
+Ne vous emerveillez de cette chose ci,
+Et ne nous tenez point comme en region froide,
+Ce n'est point ici Flandre, Ecosse, ni Suede,
+La mer ici ne gele, & les froides saisons
+Ne m'ont oncques forcé d'y garder les tisons.
+Et si chez vous l'eté plustot qu'ici commence,
+Plustot vous ressentez de l'hiver l'inclemence.
+Mais tu restes encor, Poutrincourt attendant
+Que ta moisson soit préte: & nous nous cependant
+Faisons voile à Campseau où t'attent le navire
+Que de là doit tous en la France conduire.
+Cependant beaux epics meurissez vitement,
+Dieu le Dieu tout-puissant vous doint accroissement,
+Afin qu'un jour ici retentisse sa gloire
+Lors que de ses bien-faits nous ferons la memoire.
+Entre lesquelz bien-faits nous conterons aussi
+Le soin qu'il aura eu de prendre à sa merci
+Ces peuples vagabons qu'on appelle Sauvages
+Hotes de ces forèts & des marins rivages,
+Et cent peuples encor qui sont de tous côtez
+Au Su, à l'Oest au Nort de pié-ferme arretez
+Qui aiment le travail, qui la terre cultivent,
+Et libres, de ses fruits plus contens que nous vivent,
+Mais en ce deplorable est leur condition,
+Que du siecle futur ilz n'ont l'instruction.
+
+Pourquoy, ô Tout-puissant, pourquoy donc cette race
+As-tu jusques ici rejetté de ta face,
+Et pourquoy laisses tu devorer à l'enfer,
+Tant d'humains qui devroient dessus lui triompher
+Veu qu'ilz sont comme nous ton oeuvre & ta facture,
+Et ont de toy receu nôtre fraile nature?
+Ouvre donc les thresors de tes compassions,
+Et verse dessus eux tes benedictions,
+Afin qu'ilz soient bien-tot ton sacré heritage,
+Et chantent hautement tes bontés en tout âge.
+Si-tot que ton Soleil sur eux éclairera,
+Aussi-tot cet gent d'adorer on verra.
+Temoins soient de ceci les propos veritables
+Que Poutrincourt tenoit avec ces miserables
+Quand il leur enseignoit notre Religion,
+Et souvent leur montroit l'ardente affection
+Qu'il avoit de les voir dedans la bergerie
+Que Christ a racheté par le pris de sa vie.
+Eux d'autre part emeus clairement temoignoient
+Et de bouche & de coeur le desir qu'ilz avoient
+D'estre plus amplement instruits en la doctrine
+En laquelle il convient qu'un fidele chemine.
+
+Où estes vous Prelats, que vous n'avez pitié
+De ce peuple qui fait du monde la moitié?
+Du moins que n'aidez-vous à ceux de qui le zele
+Les transporte si loin comme dessus son aile
+Pour établir ici de Dieu la saincte loy
+Avecque tant de peine, & de soin & d'émoy
+Ce peuple n'est brutal, barbare ni sauvage,
+Si vous n'appellez tels les hommes du vieil âge,
+Il est subtile, habile, & plein de jugement,
+Et n'en ay conu un manquer d'entendement,
+Seulement il demande un pere qui l'enseigne
+A cultiver la terre, à façonner la vigne,
+A vivre par police, à estre menager,
+Et souz des fermes toicts ci-apres heberger.
+Au reste à nôtre égare il est plein d'innocence
+Si de son createur il avoit la science.
+Que s'il ne le conoit, sa bouche ni son coeur
+Ne ravit point à Dieu par blaspheme l'honneur.
+Il ne sçait le metier de l'amoureux bruvage,
+De l'aconite aussi il ne sçait point l'usage,
+Sa bouche ne vomit nos imprecations,
+Son esprit ne s'adonne à nos inventions
+Pour opprimer autrui, l'avarice cruelle
+D'un souci devorant son ame ne bourrelle
+Mais il a du Gaullois cette hospitalité
+Qui tant l'a fait priser en son antiquité.
+Son vice le plus grand est qu'il aime vengeance
+Lors que son ennemi lui a fait quelque offense.
+
+Je vous di donc Adieu, pauvre peuple, & ne puis
+Exprimer la douleur en laquelle je suis
+De vous laisser ainsi sans voir qu'on ait encore
+Fait que quelqu'un de vous son Dieu vrayment adore
+
+Sortons donc de ce Port à la faveur de l'Est,
+Car en ces côtes ci est ordinaire l'Ouest,
+Puis, souvent cette mer est de brumes couverte
+Qui des hommes peu cauts cause l'extreme perte.
+
+Adieu pour un dernier Rochers haut elevés,
+Qui orgueilleusement voz grottes soulevés,
+D'où distillent sans fin des pluies abondantes
+Que leur versent les eaux des montagnes coulantes.
+Adieu doncques aussi Grottes qui m'avez pleu
+Quand souz votre lambris au clair du jour j'ay veu
+Figurées d'Iris les couleurs agreables.
+
+Ores que nous voyons les flots épouvantables
+Du profond Ocean, pourray-je bien passer
+Sans saluer de loin, ou quelque Adieu laisser
+A la terre que a receuë notre France
+Quand elle vint ici faire sa demeurance?
+Ile, je te saluë, ile de Saincte Croix,
+Ile premier sejour de noz pauvres François,
+Qui souffrirent chez toy des choses vrayment dures,
+Mais noz vices souvent nous causent ces injures.
+Je revere pourtant ta freche antiquité
+Les Cedres odorans qui sont à ton côté,
+Tes Loges, tes Maisons, ton Magazin superbe,
+Tes jardins étouffez parmi la nouvelle herbe:
+Mais j'honore sur tout à-cause de noz morts
+Le lieu qui sainctement tient en depost leurs corps,
+Lequel je n'ay pu voir sans un effort de larmes,
+Tant mon navré le coeur ces violentes armes.
+Soyez doncques en paix, & puissiez vous un jour,
+Vous trouver glorieux au celeste sejour.
+Mais cependant, DE MONTS, tu emportes la gloire
+D'avoir sur mille morts obtenu la victoire,
+Témoignage certain de ta grande vertu,
+Soit quand tu as des flots la fureur combattu
+En venant visiter cette étrange province
+Pour suivre le vouloir de HENRY nôtre Prince
+Soit lors que tu voiois mourir devant tes yeux
+Ceux-là qui t'ont suivi en ces funestes lieux.
+
+Je vous laisse bien loin, pepinieres de Mines
+Que les rochers massifs logent dedans leurs veines,
+Mines d'airain, de fer, & d'acier, & d'argent,
+Et de charbon pierreux, pour saluer la gent
+Qui cultive à la main la terre Armouchiquoise.
+Je te saluë donc nation porte-noise
+(Car tu as envers nous forfait par trahison)
+Pour te dire qu'un jour nous aurons la raison
+Avecque plus d'effect de ton outrecuidance,
+Si qu'entre nous sera maudite ta semence.
+Mais ta terre je veux saluer en tout bien,
+Car un ample rapport elle nous fera bien
+Quand elle sentira du François la culture.
+Car en elle desja la provide Nature
+A le raisin semé si plantureusement,
+Et en telle beauté, que Bacchus mémement
+Ne sçauroit invoqué lui faire davantage.
+Mais son peuple ignorant ne sçait du fruit l'usage.
+Terre, tu as encor de féves & de blés
+Tes greniers souz-terrains en la moisson comblés.
+Mais quoy que tes biens tu donnes abondance
+Produisant d'autres fruits sans l'humaine assistance
+Tes qu'avons veu la Chanve & la Courge & la Noix,
+Tes féves tu ne veux ni tes blez toutefois
+Produire sans travail, mais ta grand' populace
+D'un bois coupant ta brise, & en mottes t'amasse
+Pour (sur le renouveau) sa semence y planter,
+
+Mais une chose encor il me faut reciter
+Qui pour sa rareté à l'écrire m'oblige,
+C'est le fruit que produit la Chanve la tige,
+Fruit digne que les Rois le tiennent precieux
+Pour le repos du corps le plus delicieux:
+C'est une soye blanche & menuë & subtile
+Que la Nature pousse au creux d'une coquille,
+Soye qu'en maint usage employer on pourra,
+Et laquelle en cotton l'ouvrier façonnera,
+Quand de bons artisans tu seras habitée
+Par une volonté de pié-ferme arretée.
+
+Puisse-je voir bien-tot cette chose arriver,
+Et le François soigneux à tes champs cultiver,
+Arriere des soucis d'une peineuse vie,
+Loin des bruits du commun, & de la piperie.
+
+
+Cherchant dessus Neptune un repos sans repos
+J'ay façonné ces vers au branle de ses flots.
+
+ M. LESCARBOT.
+
+[Illustration]
+
+ ______________________________________________________
+
+
+
+
+ A MONSIEUR DE MONTS
+ Lieutenant general pour le Roy en la
+ Nouvelle-France.
+
+ ODE.
+
+TOUT ce que l'homme possede,
+Ce qu'il a de riche & beau
+Ne trouve point de remede
+Pour eviter le tombeau.
+
+La vertu seule immortelle
+Constante & ferme en tout temps
+Resiste à la mort cruelle
+Et à la lime des ans.
+
+Tant de Rois & tant de Princes,
+Des Heros & des Cesars
+Qui ont acquis des provinces
+Et thresors en maintes parts
+
+En fin sont proye à la terre,
+Et la Vertu seulement
+Fait leur nom voler grand erre
+Par-dessus le Firmament.
+
+DU MONTS tu sçais que la vie
+Nous est donnée des cieux
+Non pour estre ensevelie
+En un corps peu soucieux,
+
+Mais pour estre secourable
+A celui qui a besoin
+Que quelque Dieu favorable
+De son mal-heur prenne soin.
+
+Et chercher la vraye gloire
+Par un chemin non tenté,
+Faisant que nôtre memoire
+Vive à l'immortalité.
+
+C'est le desir qui t'enflamme,
+Et qui possede ton coeur,
+Quand pour eviter le blame
+Qui suit l'homme sans honneur,
+
+Tu entreprens un ouvrage
+Tout auguste & glorieux
+Si qu'à jamais chacun âge
+Aura ton nom precieux,
+
+Car si-tot que de ton Prince
+As eu le commandement
+Pour conoitre la province
+Mise ne ton gouvernement,
+
+Ainsi qu'un Aigle qui vole
+D'un trait leger, tout soudain
+Prompt à suivre sa parole
+Tu as pris un vol hautain.
+
+Et du tempêteux Nerée
+Meprisant tous les efforts,
+De ta terre desirée
+Tu as en fin veu les ports.
+
+Les nations qui n'ont oncques
+Admis la sujetion
+A tes mandemens adoncques
+Ont fait leur submission.
+
+Sage, tu leur a fait voir
+Les beautez de la justice,
+Et ton redouté pouvoir,
+Et les biens de la police.
+
+Mémes tu as fait encore,
+Que maint barbare en ces lieux
+En son ame Christ adore,
+De son salut soucieux.
+
+Arriere d'ici, arriere
+Timides & cazaniers,
+Que dedans vôtre barriere
+Toujours estes prisonniers.
+
+Vous qui n'avez soin, ni cure
+De faire que vôtre nom,
+Contre la mort méme dure
+En perdurable renom.
+
+DU MONTS, tu n'es pas de mémes,
+Car lors qu'en France de Mars
+Ont cessé les stratagemes,
+Recherchant d'autres hazars,
+
+Tu as consacré ta vie
+A l'Eternel pour sa loy
+Rendre en ces terres suivie
+Souz le vouloir de ton Roy.
+
+Mais ce n'est fait qui commence,
+Il faut chanter desormais
+De Dieu la magnificence
+D'un ton plus haut que jamais.
+
+Neptune te favorise
+Et Ceres pareillement,
+Afin que ton entreprise
+Ait un meilleur fondement.
+
+Diray-je que sans culture
+Le Pere de Liberté
+Laisse produire à Nature
+La vigne qu'il a planté?
+
+Non ici, je le confesse,
+Mais en lieu d'un autre espoir,
+Où l'homme à la longue tresse
+Ha son sablonneux terroir.
+
+C'est la terre Armouchiquoise,
+Qui son gros blé te produit;
+Et encore l'Iroquoise,
+Qui donne maint autre fruit.
+
+Nôtre France fromenteuse
+N'a ses vignes de tout temps,
+La peine laborieuse
+L'a fait telle avec les ans.
+
+Courage, doncques, courage,
+Continue ton dessein,
+Ayant ce bel avantage,
+Qui de bon espoir est plein.
+
+Le Tout-puissant méme change
+Ici les froides saisons,
+Et à cette terre étrange
+Promet des riches moissons.
+
+ __________________________________________________________
+
+
+
+
+ A MONSIEUR DE
+ POUTRINCOURT GRAND
+ Sagamos de la Nouvelle-France
+
+ ODE.
+
+QUOY que tu n'ailles cherchant
+(POUTRINCOURT) cette louange
+Qui va méme allechant
+Ceux qui gisent en la fange;
+
+Ton merite toutefois,
+Ta pieté, ton courage,
+Forcent ma lyre & ma voix
+A les chanter sur l'herbage
+
+Que l'Equille de ses eaux
+Ou plustot Neptune arrose,
+Tandis qu'au bruit des ruisseaux,
+A l'écart je me repose.
+
+Apres avoir longuement
+Comme un athlete Gregeois
+Lutté courageusement
+Parmi les champs des François,
+
+Saoul d'alarmes & combats,
+Et des assaux de Bellone,
+Ores tu prens tes ébats
+Avec Cerés et Pomone.
+
+Et deça delà portés,
+Suivans Neptune à la danse,
+Tu nous fais voir les beautés
+De cette Nouvelle-France.
+
+Qui est celui qui ta veu
+Oncques saisi de paresse?
+Qui est cil qui t'a conu
+Semblable à cette Noblesse,
+
+Qui met le point de l'honneur
+A commander sans prudence,
+Et n'avoir par son labeur
+D'aucun art l'experience?
+
+Mais l'un & l'autre tu sçais,
+Et ta main infatigable
+Fait tous les jours des essais
+De chose à nous incroyable.
+
+Car de tout art manuel
+T'est conuë la pratique,
+Et se plait ton naturel
+Es ars de Mathematique.
+
+Mémes encore ce Dieu
+Qui fredonnant sur sa lyre
+Tient des Muses le milieu,
+Par toy bien souvent respire.
+
+Les secrets de son sçavoir,
+Si que tout compris ensemble,
+Au monde on ne sçauroit voir
+Rien que toy qui te ressemble.
+
+C'est toy qu'il falloit ici
+Afin de bine reconoitre
+Ce que cette terre ici
+Rendroit un jour à son maitre.
+
+Tu l'as experimenté
+Tant que ton ame est contente,
+Et de sa fidelité
+Tu as une riche attente.
+
+ __________________________________________________________
+
+
+
+
+ A MESSIEURS DE MONTS
+ ET SES LIEUTENANT
+ & Associez.
+
+ SONNET
+
+SI les siecles premiers ont celebré la gloire
+De celuy qui conquit la Colchide toison:
+Si maintenant encor du brave fils d'Æson
+Pour peu de chose vit en honneur la memoire:
+
+Nous devons beaucoup mieux celebrer en l'histoire
+La generosité non du fils de Jason,
+Mais de vous, ô François, qui en cette saison
+D'un plus digne sujet recherchez la victoire.
+
+Le Grec acquit ça bas un terrestre thresor,
+Il avoit des moyens, & des hommes encor,
+Tels que les peut avoir entre nous un grand Prince.
+
+Mais vous à vos dépens, sans recevoir support
+Que de l'avoeu du Roy, par un nouvel effort
+Ravissez courageux, la celeste province.
+ ________________________________________________________
+
+
+
+
+ AU SIEUR DE CHAMPLEIN
+ Géographe du Roy.
+
+ SONNET.
+
+UN Roy Numidien poussé d'un beau desir
+Fit jadis rechercher la source de ce fleuve
+Qui le peuple d'Egypte & de Libye abreuve,
+Prenant en son pourtrait son unique plaisir
+
+CHAMPLEIN, ja dés long temps je voy que ton loisir
+S'employe obstinément & sans aucune treuve
+A rechercher les flots, que de la Terre-neuve
+Viennent, apres maints sauts, les rivages saisir.
+
+Que si tu viens à chef de ta belle entreprise,
+On ne peut estimer combien de gloire un jour
+Acquerras à ton nom que desja chacun prise.
+
+Car d'un fleuve infini tu cherches l'origine.
+Afin qu'à l'avenir y faisant ton sejour
+Tu nous faces par là parvenir à la chine.
+
+____________________________________________________________
+
+
+
+
+ ODE EN LA MEMOIRE
+ du Capitaine Gourgues Bourdelois.
+
+Voy l'Histoire de la Nouvelle-France Liv. 1, ch. XIX & XX.
+
+
+GOURGUES, l'honneur Bourdelois,
+Je veux reveiller ta gloire,
+Et faire eclater ma voix
+Dans le temple de Memoire,
+
+En racontant ta valeur
+Ta conduite & ta prouësse,
+Quand, d'un invincible coeur,
+Tu mis la main vengeresse
+
+Sur le soldat bazané
+Du sang des François avide,
+Qui nous avoit butiné
+Les beautez de la Floride.
+
+Si-tot que de noz François
+Tu entendis la ruine,
+Et que le peuple Iberois
+Occupoit la Caroline,
+
+Tu prins resolution
+De venger le grand outrage
+Fait à nôtre nation
+Par une Hespagnole rage.
+
+A tes despens tu mis sis
+De bons hommes une bende
+Au combat bien resolus,
+Puis que c'est toy qui commande.
+
+Tu ne leur dis à l'abord
+Le secret de ton affaire,
+Come Capitaine accort,
+Qui sçais bien ce qu'il faut taire.
+
+Mais quant tu te vis porté
+Dessus la terre nouvelle,
+Tu leur dis ta volonté
+De venger une querelle,
+
+Querelle qui les François
+Et grans & petits regarde,
+Et partant qu'à cette fois
+Ne faut, d'une ame coüarde
+
+Reculer quand la saison
+De bien faire se presente,
+Afin d'avoir la raison
+De l'injure violente
+
+Faite aux premiers conquesteurs
+D'une terre si lointaine
+Par des assassinateurs
+De race Mahumetaine.
+
+A ces mots encouragés
+Ils se mettent en bataille,
+Et vont en ordre rangés
+Droit contre cette canaille.
+
+L'un & l'autre petit Fort
+Ils attaquent de courage,
+Et par un puissant effort
+Ilz les mettent au pillage.
+
+Mais il n'estoit pas aisé
+D'attaquer la Caroline,
+Si GOURGUES n'eust avisé
+Prudemment à sa ruine.
+
+Car l'adversaire estoit fort
+D'hommes, d'armes & de place,
+Mais nonobstant prés du Fort
+En fin sa troupe s'amasse.
+
+L'Hespagnol estant sorti
+Pour lui faire une saillie
+Rencontre un mauvais parti
+Qui a sa gent acuillie,
+
+CAZENOVE donne à des
+GOURGUES les rencontre en face,
+Qui les font (en peu de mots)
+Tous demeurer sur la place.
+
+Le reste tout étonné
+La Forteresse abandonne,
+Mais las! il est mal mené
+N'ayant secours de personne.
+
+Car le Sauvage irrité
+Ne lui fait misericorde,
+Lequel de sa cruauté
+Trop frechement se recorde.
+
+Mais ceux qui tombent és mains
+Des François, on les attelle
+Aux arbres les plus hautains
+Pour y faire sentinelle.
+
+[Illustration]
+
+ ________________________________________________________
+
+
+
+
+ A LA MEMOIRE D'UN
+ Sauvage Floridien que se proposoit
+ mourir pour les François.
+
+Voy l'Histoire de la Nouvelle France liv. 1. chap. 20.
+
+OU trouverons-nous un courage
+Semblable à cil de ce Sauvage,
+Qui pour ses amis secourir
+Vient lui-méme sa vie offrir,
+Laquelle il croit devoir épandre
+Pour nôtre querele defendre?
+Certainement un homme tel
+Doit parmi nous estre immortel.
+Et devons louer tout de méme
+Le souci qu'il a de sa femme
+Requerant qu'on lui face don
+Apres son trépas du guerdon
+Que meriteroit sa vaillance
+Mourant pour l'honneur de la France.
+
+[Illustration.]
+
+ ________________________________________________
+
+
+
+
+ A PIERRE ANGIBAUT
+ dit CHAMP-DORÉ Capitaine de
+ Marine en la Nouvelle-France.
+
+ SONNET.
+
+SI des pilotes vieux le renom dure encore
+Pour avoir sceu voguer sur une étroite mer,
+Si le monde à present daigne encore estimer
+Ariomene, avec Palinure & Pelore;
+
+C'est raison (CHAMP-DORÉ) que nôtre âge t'honore,
+Qui sçais par ta vertu te faire renommer,
+Quand ta dexterité empeche d'abimer
+La nef qui va souz toy du Ponant à l'Aurore.
+
+Ceux-là du grand Neptune oncques la majesté
+Ne vivent, ni le fond de son puissant Empire:
+Mais dessus l'Ocean journellement porté
+
+Tu fais voir aux François des païs tout nouveaux,
+Afin que là un jour maint peuple se retire
+Faisant les flots gemir souz les ailez vaisseaux.
+
+Fait au Port Royal en la Nouvelle-France.
+
+[Illustration]
+
+ ______________________________________________________________
+
+
+
+
+ LA DEFFAITE DES
+ SAUVAGES ARMOUCHIQUOIS
+ PAR LE SAGAMOS MEMBERTOU
+ & ses alliez Sauvages, en la
+ Nouvelle-France, au mois de Juillet
+ 1607.
+
+Où peuvent reconoitre les ruses de guerre desdits Sauvages, leurs actes
+funebres, les noms de plusieurs d'entre-eux & la maniere de guerir les
+blessez.
+
+JE ne chante l'orgueil du beant Briarée,
+Ni du fier Rodomont la fureur enivrée
+Du sang dont il a teint préque tout l'Univers
+Ni comme il a forcé les pivots des enfers.
+Je chante Membertou, & l'heureuse victoire
+Qui lui acquit naguere une immortelle gloire
+Quand il joncha de morts les champs Armouchiquois
+Pour la cause venger du peuple Souriquois.
+
+Entre ces peuples-ci une antique discorde
+Fait que bien rarement l'un à l'autre s'accorde,
+Et si par fois enter eux se traite quelque paix,
+Cette pais se peut dire un attrappe-niais.
+
+Car oncques le Renard ne changea sa nature
+Et de garder la foy l'homme double n'eut cure,
+Ceci n'a pas long temps se conut par effect
+Aux depens de celui qui me donne sujet
+De dire qui a meu Membertou & sa suite
+De faire pour sa mort si sanglante poursuite.
+Ce fut Panoniac (car tel estoit son nom)
+Sauvage entre les siens jadis de grand renom.
+Cetui cuidant avoir faite bonne alliance
+Avecques ces mechans, alloit sans deffiance
+Parmi eux conversant: mémes il les aidoit
+Bien souvent du plus beau des biens qu'il possedoit.
+Mais pour cela la gent à mal faire addonée,
+Sa mauvaise façon n'a point abandonnée.
+Car ce Panoniac il n'y a pas dix mois
+Les estant allé voir (pour la derniere fois)
+Portant en ses vaisseaux marchandises diverses
+Pour en accommoder ces nations perverses,
+Eux qui sont de tout temps avides de butin,
+Sans aucune merci assomment leur voisin,
+Pillent ce qu'il avoit & en font le partage.
+Les compagnons du mort se sauvans à la nage
+Se cachent pour un temps à l'ombre d'un rocher,
+N'osans de ces matins à la chaude approcher.
+Ça pour dire vray, la meurtriere cohorte
+Estoit contre ceux-ci & trop grande & trop forte.
+Mais comme de Phoebus les chevaus harassez
+Se furent retirez souz les eaux tout lassez
+Ces enragés en fin abandonnant la place
+Laisserent là le corps tué à coups de masse,
+Lequel à la faveur de la sombreuse nuit
+Soudain par ses amis fut enlevé sans bruit,
+Et mis, non, comme nous, en depost à la terre,
+N'en un coffre de bois, ni au creux d'une pierre,
+Ains il fut embaumé à la forme des Rois
+que l'Ægypte pieuse embaumoit autrefois.
+
+Le peuple Etechemin de cette mort cruelle,
+Receut tout le premier la mauvaise nouvelle,
+D'où s'ensuivit un dueil si rempli de douleurs
+Que le haut Firmament en ouït les clameurs
+(Car lors que cette gent la mort des siens lamente
+Le voisinage ensemble à grans cris se tourmente)
+Mais ce ne fut ici le brayment principal,
+Car quand ce pauvre corps fut dans le Port Royal
+Aux siens representé, Dieu sçait combien de plaintes,
+De cris, de hurlemens, de funebres complaintes.
+Le ciel en gemissoit, & les prochains côtaux
+Sembloient par leurs echoz endurer tous ces maux:
+Les épesses foréts, & la riviere méme
+Tèmoignoient en avoir une douleur extreme.
+Huit jours tant seulement se passerent ainsi
+Pour respect du François qui se rit de ceci.
+
+Les services rendus à l'ombre vagabonde
+(Qui du lac Stygieux a desja passé l'onde)
+Et au corps là present, le Prince Souriquois
+Commence à s'écrier d'une effroyable voix:
+Quoy doncques, Membertou (dit-il en son langage)
+Lairra-il impuni un si vilain outrage?
+De l'excés fait aux siens & méme à sa maison?
+Verray-je point jamais éteinte cette race
+Qui des miens & de moy la ruine pourchasse?
+Non, non, il ne faut point cette injure souffrir.
+Enfans, c'est à ce coup qu'il nous convient mourir,
+Ou bien par nôtre bras envoyer dix mille ames
+De cette gent maudite aux eternelles flammes.
+Nous avons prés de nous des François le support
+A qui ces chiens ici ont fait un méme tort.
+Cela est resolu, il que la campagne
+Au sang de ces meurtriers dans peu de temps se baigne.
+Auctaudin mon cher fils, & ton frere puisné
+Qui n'avez vôtre pere oncques abandonné,
+Il faut ores s'armer de force & de courage,
+Sus, allez vitement l'un suivant le rivage,
+D'ici au Cap-Breton, l'autre à travers les bois
+Vers les Canadiens, & les Gaspeïquois,
+Et les Etechemins annoncer cette injure,
+Et dire à nos amis que tous je les conjure
+D'en porter dedans l'ame un vif ressentiment,
+Et pour l'effect de ce qu'ilz s'arment promptement
+Et me viennent trouver prés de cette riviere,
+Où ilz sçavent que j'ay plantée ma banniere.
+
+Membertou n'eut plustot à ses gens commandé,
+Que chacun prent sa route où il estoit mandé,
+Et fit en peu de temps si bonne diligence,
+Qu'il sembla devancer un postillon de France,
+Si bien qu'au renouveau voici de toutes parts
+Venir à Membertou jeunes & vieux soudars
+Tous à ceci poussez d'esperances non vaines
+Souz l'asseuré guidon des braves Capitaines
+Chkoudun, & Oagimont, Memembouré, Kichkou,
+Messamoet, Ouzabat, & Anadabijou,
+Medagoet, Oagimech, & avec eux encore
+Celui qui plus que tous l'Armouchiquois abhorre,
+C'est Panoniagués, qui a occasion
+De procurer mal-heur à cette nation
+Pour le dur souvenir de la mort de son frere.
+Quand tout fur arrivé, de cette mort amere
+Il fallut de nouveau recommencer le dueil,
+Et le corps decedé mettre dans le cercueil.
+Le barbu Membertou lors prenant la parole:
+Vous sçavez, ce dit-il, ô peuple benevole,
+Le motif qui vous a conduit jusques ici,
+C'est ce corps que voyés massacré sans merci,
+De qui le sang versé vous demande vengeance.
+Sans que par long discours je vous en face instance.
+Et comme és siecles vieux quant au peuple Romain
+Fut montré de Cæsar le massacre inhumain,
+Tout à l'instant émeu d'une ardente colere
+Il voulut reparer ce cruel vitupere
+Contre les assassins (ainsi que j'ai appris
+Qu'il est mentionné és anciens écrits)
+Ainsi vous devez tous à ce spectacle étrange
+Estre émeus du desir de garder la loüange.
+Que nos antecesseurs nous ont mis en depos,
+Et par laquelle ilz sont maintenant en repos,
+N'ayans point estimé estre dignes de vivre.
+Sans de leurs ennemis les injures poursuivre.
+
+A ces mots un chacun au combat animé
+Sent un feu de vengeance en son coeur allumé,
+Et eussent volontiers contre cette canaille,
+(S'il y est eu moyen) lors donné la bataille,
+Mais il falloit premier le corps ensevelir,
+Et du dernier devoir les oeuvres accomplir.
+Cette grand' troupe donc de douleur affollés
+A conduit le corps mort dedans son Mausolée,
+En faisant sacrifice à Vulcan de ses biens
+Masse, arcs, fleches, carquois, petun, couteaux & chiens,
+Matachiaz aussi, & la pelleterie
+Que d'epargne il avoit quant il perdit la vie.
+Mais quant aux assistans, chacun à son pouvoir
+Lui fit, devotieux l'accoutumé devoir.
+Qui donne des castors, qui des couteaux, des roses,
+Armes, Matachiaz, & maintes autres choses.
+Puis ferment le sepulchre, & laissent reposer
+Celui duquel ilz vont la querelle épouser.
+Le ciel qui bien-souvent les mal-heurs nous presage,
+Avoit auparavant par un triste presage
+Témoigné les effects de cette guerre ici,
+Car ayant un long temps refrongné son sourci,
+Il fit voir maintefois des torches allumées,
+Des lances, des dragons, des flambantes armées.
+
+Ainsi s'en va la flotte avec intention
+De veincre, ou de mourir à cette occasion,
+Laissans de leurs enfans & femmes la tutele
+A nous, qui en avons rendu conte fidele.
+Quand des Armouchiquois les rives ils ont veu
+Ce peuple deffiant les a tot reconu.
+Soudain les messagers volent par la campagne,
+Et sonnent du cornet sur chacune montagne
+Pour le monde avertir d'estre au guet, & veiller
+Avant que l'ennemi les vienne reveiller.
+Peuples de tous côtez à grand' troupes s'amassent
+Tant qu'en nombre les flots de la mer ilz surpassent.
+Mais pourtant Membertou ne s'epouvante point
+Car il sçait le moyen de prendre bien à point
+L'ennemi, qui tout fier, voyant son petit nombre,
+Se promet l'enlever si-tot que la nuit sombre
+Aura dessus la terre étendu son rideau.
+
+Membertou cependant approche son vaisseau
+Du port de Cahoücoet, où la troupe adversaire
+Vers eux le conduisoit: mais il avoit laissé
+Ses gens derriere un roc, & s'estoit avancé,
+Afin de reconoitre & le port & la terre
+Qu'il vouloit ruiner par le'effort de la guerre.
+He, He, ce fut le cri duquel il appella
+Tout ce peuple attentif que ferme attendoit là
+Yo, yo, fut répondu. Puis apres il demande
+S'il pourroit seurement & sa petite bende
+Traiter avecques eux, & amiablement
+Vuider le different qui a si longuement
+L'un et l'autre troublé & reduit en ruine
+Tandis que l'appetit de vengeance les mine
+Et leur mange le coeur. Eux cuidans attrapper
+Celui qui plus fin qu'eux les venoit entrapper,
+Disent que librement de la rive il s'approche,
+Et ses gens qu'il avoit laissé devers la roche,
+Qu'ilz n'ont plus grand desir que de voir une paix
+Solidement entre eux établie à jamais,
+Afin qu'eux qui des Francs ont bonne conoissante
+Leur facent part des biens dont ils ont abondance,
+Et se puissent ainsi l'un l'autre secourir
+Sans plus d'orenavant l'un sur l'autre courir
+Membertou reçoit l'offre, & quant & quant otage,
+Envoyant un des siens par échange au rivage,
+Puis recule en arriere, & vas ses gens revoir,
+Qu'il trouve grandement desireux de sçavoir
+En quelle volonté ces peuples ci estoient,
+Et si à quelque paix encliner ilz sembloient.
+Le Prince Souriquois ses suppots abordant
+D'un visage joyeux il les va regardant,
+Disant, Ilz sont à nous: la farce s'en va faite,
+C'est demain qu'il faut voir cette troupe defaite:
+Et leur conte amplement ce qui s'estoit passé,
+Et comment ilz s'estoient l'un l'autre caressé.
+Au surplus (ce dit-il) pensons de les surprendre,
+Et en ce fait ici gardons de nous meprendre.
+Quand nous sommes partis le conseil a esté
+De leur faire present des biens qu'avons porté,
+Et avec eux troquer de notre marchandise
+A fin que l'homme feint soit prise en sa feintise.
+Nous irons donc par mer la moitié seulement:
+Le surplus en deux parts ira secretement
+Rengeant le long du bois en bonne sentinelle
+Tant que, le temps venu, ma trompe les appelle:
+Lors ils viendront charger, & nous seconderont,
+Et tant que durera le jour ilz frapperont,
+Sans merci, sans faveur, & sans misericorde,
+Afin qu'ici de nous long temps on se recorde.
+Outre nôtre querele il y a du butin,
+Ils ont du blé, des noix, de la vigne & du lin,
+Toux ces biens sont à nous si nous avions courage,
+Et si voulons avoir leurs femmes au pillage
+Nous les aurons aussi. Il estoit nuit encor
+Et le clair ciel estoit tout brillant de clous d'or,
+Quand Membertou (de qui l'esprit point ne repose)
+A prendre son quartier tout son peuple dispose,
+Et ceux-là qu'il conoit à la course legers
+Il les fait essayer les terrestre dangers.
+Ainsi Memembouré dispos à la poursuite
+Est fait le general d'une troupe d'elite,
+Medagoet d'autre part hardi aux grans exploits
+Choisit de tout le camp les plus forts & adroits.
+Mais le grand Sagamos pour tendre sa banniere
+Attendit que l'Aurore eust épars sa lumiere
+En tout son horizon: & lors que le Soleil
+Eut esté reconduit au lieu de son reveil
+Il met la voile au vent, tirant droit à la place
+Où desja l'attendoit cette grand' populace,
+Où estant arrivé, partie de ses gens
+A descendre apres lui se monstrent diligens.
+Il saluë les chefs de cette compagnie,
+Entre autres Olmechin, Marchin, & leur mesgnie.
+Puis offre les presens dont j'ay fait mention,
+C'estoient robbes, chappeaux, & chausses, & chemises.
+Mais quand il fallut voir les autres marchandises,
+Parmi les fers pointus, poignars, & coutelas,
+Des trompes y avoit, dont on ne sçavoit pas
+L'usage, ni la fin du mal qu'elles couvoient.
+Les autres cependant dans le bois attendoient
+Soigneusement l'appel qui avoit esté dit,
+Quand Membertou voulant etaller son credit,
+Il convoque ce peuple embouchant une trompe,
+Et trompant, les trompeurs trompeusement il trompe.
+Car tout en un instant lui qui n'avoit point d'armes
+Oyant les siens venir feignit estre aux alarmes,
+Et se trouvant garni de masses, & poignars,
+D'arcs, fleches, coutelas, de picques & de dars,
+Il en saisit ses gens, & chacun d'eux commence
+Sur l'heure à chamailler sans grande resistence.
+Ils en font grand massacre, & cependant du bois
+Arrive le surplus criant à haute voix,
+He, He, oukchegouïa, & parmi la melée
+Se voit incontinent cette troupe melée.
+L'Armouchiquois voyant que de lui c'estoit fait
+S'il ne remedioit promptement à son fait,
+A ce dernier besoin pense de se defendre
+Plustot qu'à la merci de ceux icy se rendre.
+Ils estoient la pluspart je de couteaux armez
+Que de porter au col ilz sont accoutumez,
+Mais ces armes bien peu lur servirent à l'heure.
+Car Membertou muni d'une armure plus seure,
+D'un bouclier de bois dur, & d'un bon coutelas,
+Ains que le trenchant d'une faux met à bas
+L'honneur des beaux épics: son epée de méme
+Moissonoit l'ennemi d'une rigueur extreme.
+Suivans le train du chef, ne manquent point de coeur,
+Mais rendans des grans cris & voix épouvantables,
+Tuent comme fourmis ces pauvres miserables,
+Desquels lors c'estoit fait s'ilz n'eussent eu recours
+Au bien qui vient parfois de tourner à rebours.
+Ce peuple de tout temps amateur de pillage
+Cuidoit sur Membertou avoir tel avantage,
+Que d'armes pour cette heure il ne leur fut besoin,
+Neantmoins en tous cas ilz avoient eu le soin
+D'en faire un magazin au fond d'une vallée,
+Où la troupe fuiarde en fin s'en est allée.
+Là chacun se fournit d'arcs, fleches, & carquois,
+De picques, de boucliers, & de masses de bois.
+Là de tourner visage, & d'une face irée
+Charger sur Membertou & sa gente enivrée
+Su sang Armouchiquois. A ce nouvel effort
+Fut Panoniagués au danger de la mort
+Blessé d'un javelot environ la poitrine.
+Chkoudun le courageux, y receut sur l'echine
+Un coup qui l'atterra, & se vit en danger
+(L'ennemi gaignant pié) de jamais n'en bouger.
+Mais le fort Chkoudumech' son frere, de sa masse
+Fendant la presse, fit bien-tot se faire place
+Pour le tirer de là: mais il y fut feru
+D'un coup que lui chargea de toute sa vertu
+Le cruel Olmechin. Mnefinou (dont la gloire
+Par toute cette cotte est en tous lieux notoire)
+Comme le plus hardi, s'efforce de son dard
+Transpercer Membertou de l'une à l'autre part:
+Mais le coup gauchissant par la subtile addresse,
+Du Prince Souriquois, à son fils il s'addresse,
+Son fils Actaudinech', lequel il aime mieux
+Que toutes les beautez de la terre & des cieux
+Ce coup donques perçant le détroit de sa manche
+Vite comme un éclair luy porta dans la hanche:
+Dequoy effrayé le Prince Membertou,
+Il se remet aux ieux du monstrueux Gougou
+Le duel ancien qu'en sa jeunesse tendre
+Jadis son pere osa hazardeux entreprendre,
+Et redoublant sa force il étendit son bras,
+Et le fendit en deux de son fier coutelas.
+Et comme un chene haut abbatu par l'orage
+Traine en bas quant & soy son plus beau voisinage,
+Ainsi Mnefinou mort, maint des siens alentour
+Alla voir de Pluton le tenebreux sejour.
+L'Armouchiquois pourtant ne laisse de poursuivre,
+Aimant mieux là mourir que honteusement vivre
+S'il arrivait jamais que Membertou veinqueur
+Leur laissat du combat l'eternel des-honneur.
+Ainsi se r'assemblans font des stares diverses
+Et à leur ennemi donnent maintes traverses.
+Car jusques là n'avoient encor esté rangés,
+Occasion que mal ilz s'estoient revengés.
+Bessabés & Marchin ont les pointes premieres,
+Que venans attaquer avec leurs bendes fieres
+Le chef des Souriquois, une grele de dars
+En l'un & en l'autre ôt tombe de toutes parts.
+La clarté du soleil en demeure obscurcie,
+Et le nombre des traits toujours se multiplie.
+A cette charge ici quelques uns sont blessés
+Parmi les Souriquois: mais plus de terrassés
+Sont de l'autre côté: car de ceux-ci les fleches
+A pointe d'os, ne font de si mortelles breches
+Comme de ceux qui sont plus voisins des François
+Qui des pointes d'acier ont au bout de leurs bois,
+Toutefois de nouveau voici nouvelle force
+Qui des Membertouquois les bras, non les coeurs, force.
+Go, go, go, c'est leur cri, Abejou, Olmechin,
+Le fort Argostembroet, & le fier Bertachin
+En sont les conducteurs, qui de premiere entrée
+Du vaillant Messamoet la troupe ont rencontrée,
+Messamoet (qui jadis humant l'air de la France
+Avoit de guerroyer reconu la science
+Parmi les domestics du Seigneur de Grand-mont)
+Apres mainte bricole avoit gaigné le mont
+D'où il pensoit avoir un facile avantage
+Pour mettre sans danger l'adversaire en dommage.
+Mais cetui-ci rusé loin de là declina,
+Et le gros escadron des Souriquois mena
+Poursuivant vivement jusques dessus l'orée
+Où deux fois chaque jour se hausse la marée,
+Là Neguioadetch' mere du decedé
+Apres avoir long temps le combat regardé,
+Voyant en desarroy de Membertou la troupe
+Elle se met à terre, & sort de sa chaloupe,
+Afin de donner coeur aux soldats étonnés
+Qui leur premiere assiette avoient abandonnés.
+Et comme des Persans les meres & les femmes
+Jadis voyans leurs fils & leurs maris infames
+S'enfuir du Medois qui les alloit suivant,
+Courageuses soudain allerent au-devant,
+Sans honte leur montrer de leur corps la partie
+Par où l'homme reçoit l'entrée de la vie,
+Les unes s'écrians: Quoy doncques voulez vous
+Vous sauver ci-dedans pour eviter les coups
+Ce cil qui vous poursuit? Les autres d'autre sorte
+Crians à leurs enfans: R'entrez dedans la porte
+Du logis dans lequel vous avés esté nés,
+Ou contre l'ennemi promptement retournés.
+Eux d'un spectacle tel se trouvans pleins de honte,
+Un sang tout vergongneux à l'heure au front leur monte.
+Si bien que retournans leurs faces en arriere
+A l'Empire Medois mirent la fin derniere.
+Ainsi fit cette mere en voyant le danger
+Ou alloit Membertou & les siens se plonger.
+Neguiroët son mari ores paralytique,
+Mais qui de bien combattre entendoit la pratique,
+S'y estoit fait porter: & bien reconoissant
+Le desastre prochain qui les alloit pressant
+S'il ne leur arrivoit quelque nouvelle force,
+Se fait descendre à terre, & lui-méme s'efforce
+De marcher au combat, afin de là mourir
+S'il ne pouvoit au mons ses amis secourir.
+Estant au milieu d'eux il leur donne courage
+Et les conjures tous de venger son outrage.
+Mes amis (ce dit-il) vous ne combattez point
+Pour le fait seulement, helas! qui trop me point.
+Il y va de l'honneur, il y va de la vie:
+Ces deux ici perdus, la perte en est suivie
+Des soupirs & regrets des femmes & enfans
+De qui nos ennemis s'en iront triomphans
+Tout ainsi que de nous. Ayez doncques courage,
+Je les voy ja branler: c'est ici bon presage.
+A ces mots Membertou fait tirer les Mousquets
+Qu'au partir les François lui avoient tenus prets.
+Chkoudun en fait autant (car il a eu de méme
+Deux Mousquets pour autant que les François il aime)
+Lesquels estoient parez pour la necessité
+Comme un dernier remede au corps debilité.
+Aux coups de ces batons en voila dix par terre.
+Et le reste effrayé au bruit de ce tonnerre.
+Abejou, Chitagat, Olmechin, et Marchin
+Quatre des plus mauvais de ce peuple mutin
+A ce choc sont tombés. Chkoudun qui a memoire
+Du coup qu'il a receu ne point que la gloire
+En demeure au donneur, mais d'un trait donne-mort
+Valeureux il attaque Argostembroet le fort,
+Et presse le surplus d'une roideur si grande,
+Qu'au seul bruit de son nom l'ennemi se debende.
+Membertouchis aussi l'ainé de Membertou
+A l'aile de son pere assisté de Kichkou,
+Se faisant faire jour d'un coup trois en renverse,
+Et ja deça, delà, tout est à la renverse.
+A cinq cens pas plus loin se trouvans Ouzagat,
+Et Anadabijou empechés au combat,
+Ilz furent secourus par la troupe hardie
+De Panoniagués, qui bien-tot fut suivie
+D'Ougimech' & les siens: si bien qu'en peu de temps
+L'ennemi fut fauché comme l'herbe des champs:
+Car tout ce que restoit, quoy que puissant en nombre,
+Ne porta gueres loin le malheureux encombre
+Qui l'alloit tallonnant: d'autant que Oagimont
+Avec Memembouré estant au pied du mont
+Que nagueres j'ay dit, les fuyars attendirent,
+Et valeureusement poursuivans les battirent.
+Mais Oagimont s'estant eloigné de son parc,
+Trop prompt, y fut blessé grievement d'un trait d'arc.
+Memembouré (trop chaut) préque en la méme sorte
+L'ennemi poursuivant y eut la jambe torte,
+Ce qui plusieurs en fit de leur mains échapper,
+Mais ne peurent pourtant leur ennemi tromper.
+Car Etmeminaoet l'homme qui de six femme
+Peut, galant appaiser les amoureuses flammes,
+Et Metembrolebit, Medagoet, Chahocobech'
+Bituani, Penin, Actembroé, Semcoudech',
+Tous vaillans champions, soldats & Capitaines
+Acheverent du tout ces races inhumaines.
+Mais ce qui est ici digne d'étonnement,
+C'est que des Souriquois n'est mort un seulement.
+
+L'Armouchiquois éteint, cette armée defaite,
+Membertou glorieux fait sonner la retraite,
+On trouve de blessés encores Pechkmet,
+Oupakour, Ababich', Pigagan, Chichkmeg,
+Umanuet, & Kobech', dont les playes on pense,
+Tandis que du butin d'autre côté l'on pense.
+La cure en est sommaire. Entre eux est un devin
+(Ignorant toutefois) qu'on appelle Aoutmoin.
+Cetui prognostique de l'état du malade
+Feint vers quelque demon pour lui faire ambassade,
+Et selon sa reponse, en ceci comme en tout,
+Il juge s'il sera bien-tot mort ou debout.
+Avec ce de la playe il va sucçant le sang,
+Il la souffle, & soufflant il s'émeut tout le flanc:
+Ceci fait, il applique au dessus de la playe
+Du roignon de Castor: & par ainsi essaye
+(Le bendage parfait) son malade guerir.
+
+Le butin recuilli, avant que de partir
+Des chefs Armouchiquois ils enlevent les tétes
+Pour en faire au retour maintes joyeuses fétes.
+Ja ilz sont à la voile, & approchent du port
+Où ilz doivent donner à leurs femmes confort,
+Lesquelles aussi tot que de leur arrivée
+Elle ont eu nouvelle, aussi-tot la huée
+Elles ont fait de loin, desireuses sçavoir
+Quel avoit esté là de chacun le devoir.
+Et en ordre marchans, qui en main une masse,
+Qui un couteau trenchant (ayans toutes la face
+De couleurs bigarée) elles s'attendoient bien
+Toutes sur l'heure avoir un Armouchiquois sien,
+Afin d'en faire tot cruelle boucherie,
+Mais sans cela convint faire leur tabagie.
+Et pares le repas la danse s'ensuivit,
+Qui dura tout le jour, & qui dura la nuit,
+Et toujours durera en s'écrians sans cesse,
+Chantans de Membertou la valeur & proüesse
+Tant que leur estomach la voix leur fournira,
+Ou que quelque mal-heur reposer les fera.
+
+ ____________________________________________
+
+ LA TABAGIE MARINE
+
+COMPAGNONS, où est le temps
+Qu'avions nôtre passe-temps
+A descendre au plus habile
+Sur le pié ferme d'une ile,
+Fourrageans de toutes pars
+Deça & delà épars
+Parmi l'epés des feuillages
+Et des orgueilleux herbages
+L'honneur des jeunes oiseaux
+Qu'enlevions, à grans troupeaux,
+Le gros Tangueu, la Marmette,
+Et la Mauve & la Roquette,
+Ou l'Oye, ou le Cormorant,
+Ou l'outarde au corps plus grand.
+Ça (ce disoi-je à la troupe)
+Emplissons nôtre chaloupe
+De ces oiseaux tendrelets,
+Ilz valent bien des poulets.
+Dieu! quelle plaisante chasse.
+Amasse, garson, amasse,
+Portes-en chargé ton dos,
+Tu es alaigre & dispos,
+Et reviens tout à cette heure
+Prendre pareille mesure,
+Ne cessant jusques à ce
+Que nous en ayons assé:
+Car nous pourrions de cette ile
+Fournir une bonne ville.
+
+Je voudroy m'avoir couté
+Un Karolus bien conté
+Et estre en cet equipage
+Acecque tout ce pillage
+Au beau milieu de Paris
+O que j'y auroy d'amis,
+Qui pour avoir pance grasse
+Me suivroient de place en place.
+
+Qu'on ne parle maintenant
+Que des iles du Ponant.
+Car les iles Fortunées
+Sont certes infortunées
+Au pris de celles ici,
+Qui nous fournissent ainsi
+Pour neant ce que l'on achete
+Au quartier de la Huchette,
+Ou ailleurs bien cherement.
+Je ne sçay certainement
+Comme le monde est si béte
+Que païs il rejette,
+Veu la grand' felicité
+Qui s'y voit de tout côté,
+Soit qu'on suive cette chasse,
+Soit que l'Ellan on pourchasse,
+Ou qu'on vueille de poisson
+Faire en eté la moisson.
+Car quant est des paturages
+Il n'y manque pont d'herbages
+Pour nourrir vaches & veaux,
+Ce ne sont rien que ruisseaux,
+Lacs, fonteines, & rivieres
+(De tous biens les pepinieres)
+En ce païs forétier.
+Il y a mines d'acier,
+De fer, d'argent, & de cuivre,
+Asseurez moyens de vivre,
+Quand en train elles seront,
+Et par le monde courront.
+
+La terre y est plantureuse
+Pour rendre la gent heureuse
+Qui la voudra cultiver.
+Il ne reste que trouver
+Bon nombre de jeunes filles
+A porter enfans habiles
+Pour bien-tot nous rendre forts
+En ces mers, rives, & ports,
+Et passer melancholie
+Chacun avecque s'amie
+Pres les murmurantes eaux,
+Qui gazouïllent par les vaux,
+Ou à l'ombre des fueillages
+Des endormans verd-bocages.
+
+Par mon ame je voudroy
+Que dés ore il pleût au Roy
+Me bailler des bonnes rentes
+En ma bourse bien venantes
+Tous les ans dix mille escus,
+Voire trente mille, & plus,
+Pour employer à l'usage
+D'un honéte mariage,
+A la charge de venir
+En ce païs me tenir,
+Et y planter une race,
+Digne de sa bonne grace,
+Qui service luy feroit
+Tant qu'au monde elle seroit,
+Quittant du barreau la lice,
+Et du monde la malice,
+Et les injustes faveurs
+Des hommes de qui le coeurs
+S'enclinent à l'apparence
+Pour opprimer l'innocence
+
+De tels & autres propos
+J'entretenoy mes dispos
+Tandis que chacun sa proye
+Diligent à bort envoye.
+Devinez si au repas
+Grand' chere ne faisions pas.
+Car avec cette viande
+D'elle-méme assez friande
+Nous avions abondamment
+De poisson pris frechement.
+
+Quand ores en ma memoire
+Se ramentoit cette histoire,
+Je regrette ce temps là
+Qui nous fournissoit cela.
+Car dés long temps la pature
+de salé nous est si dure,
+Que nos estomachz forcés
+En demeurent offensés.
+
+Pourtant je ne veux pa dire
+Que les maitres du navire
+Messieurs les associés
+Ne se soient point souciés
+D'envoyer honétement
+Nôtre rafraichissement.
+Mais certaines gourmandailles
+Ont mangé noz victuailles,
+Noz poules & nos moutons,
+Et grapillez nos citrons,
+Nôtre sucre, noz grenades,
+Nos epices & muscades,
+Ris, & raisins & pruneaux,
+Et autres fruits bons & beaux
+Utiles en la marine
+Pour conforter la poitrine.
+
+Vous sçavés si je di vray,
+Capitaine Papegay.
+Si jamais je suis grand Prince
+En cette tout autre province
+Onqu' enfant ne regira
+Ce que ma nef portera.
+Main ne laissons je vous prie
+de mener joyeuse vie,
+Ça, garson, de ce bon vin
+Du cru de Monsieur Macquin,
+Et buvons à pleine gorge
+Tant à luy qu'à Monsieur George.
+Ce sont des hommes d'honneur
+Et d'une agreable humeur,
+Car ilz nous ont l'autre année
+Fourni de bonne vinée,
+Dont le parfum nompareil
+A garenti du cercueil
+Plusieurs qui fussent grand' erre
+Allé dormir souz la terre.
+Et ne trouve quant à moy
+Drogue de meilleur aloy
+En nôtre France-Nouvelle
+Pour braver la mort cruelle,
+Que vivre joyeusement
+Avec le fruit du sarment.
+
+Est-ce pas donc bon ménage
+D'avoir un si bon bruvage
+Jusques ores conservé?
+Car ici n'avons trouvé
+Que bien petite vendange,
+Ce qui nous est bien étrange.
+Car le cidre Maloin
+Ne vaut pas du petit vin.
+Mais ayons la patience
+Que soyons rendus en France.
+Approche de moy, garson,
+Et m'apporte ce jambon,
+Que j'en prenne une aiguillette,
+Car ce lard point ne me haite.
+J'aimeroy mieux voir noz plats
+Garnis de bons cervelats,
+De patés & de saucisses
+Confits en bonnes epices,
+Que cette venaison
+Dont je n'ay nulle achoison,
+Non plus que de ces moruës
+Qui sont toutes vermoluës
+Certes le maitre valet
+Meriteroit un soufflet
+De nous bailler tout du pire
+Qui soit dedans ce navire.
+Car nous devrions par honneur
+En tout avoir du meilleur.
+Otez nous tant de viandes,
+Et apportez des amandes,
+Pruneaux, figues & raisins,
+Et buvons à nos voisins.
+
+C'a toute la pleine tasse,
+C'est à vôtre bonne grace,
+Capitaine Chevalier.
+Si dedans vôtre cellier
+Avez quelque friandise,
+Faites que de vous l'on dise
+Que vous estes liberal,
+Honéte, & d'un coeur Royal.
+
+Maitre tenez vous en garde,
+C'est à vous que je regarde
+Ayant les armes en main.
+Plegez moy le verre plein.
+Cette derniere nuitée
+Vous a un peu mal traitée.
+Il y vint un coup de mer
+Qui pensa nous abymer.
+Mais vous fites diligence
+De parer à la defense.
+
+Dieu garde le bon JONAS
+De tout violent trépas,
+Car s'il tomboit en naufrage
+Nous y aurions du dommage,
+Et m'étonne infiniment
+Que cet humide element
+De ses eaux ne nous accable,
+Veu que le nom venerable
+De Dieu y est blasphemé
+D'un langage accoutumé,
+Sans crainte de ses menaces.
+
+Neantmoins rendons lui graces,
+Et avec contrition
+Demandons remission
+De noz fautes: & sans cesse
+Soit loüée sa hautesse. Amen.
+
+Cherchant dessus Neptune un repos sans repos
+J'ay façonné ces vers au branle de ses flots.
+
+ M. LESCARBOT.
+
+[Illustration]
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+End of Project Gutenberg's Les Muses de la Nouvelle France, by Marc L'escarbot
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES MUSES DE LA NOUVELLE FRANCE ***
+
+***** This file should be named 21257-8.txt or 21257-8.zip *****
+This and all associated files of various formats will be found in:
+ http://www.gutenberg.org/2/1/2/5/21257/
+
+Produced by Rénald Lévesque
+
+Updated editions will replace the previous one--the old editions
+will be renamed.
+
+Creating the works from public domain print editions means that no
+one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
+(and you!) can copy and distribute it in the United States without
+permission and without paying copyright royalties. Special rules,
+set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
+copying and distributing Project Gutenberg-tm electronic works to
+protect the PROJECT GUTENBERG-tm concept and trademark. Project
+Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
+charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you
+do not charge anything for copies of this eBook, complying with the
+rules is very easy. You may use this eBook for nearly any purpose
+such as creation of derivative works, reports, performances and
+research. They may be modified and printed and given away--you may do
+practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is
+subject to the trademark license, especially commercial
+redistribution.
+
+
+
+*** START: FULL LICENSE ***
+
+THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
+PLEASE READ THIS BEFORE YOU DISTRIBUTE OR USE THIS WORK
+
+To protect the Project Gutenberg-tm mission of promoting the free
+distribution of electronic works, by using or distributing this work
+(or any other work associated in any way with the phrase "Project
+Gutenberg"), you agree to comply with all the terms of the Full Project
+Gutenberg-tm License (available with this file or online at
+http://gutenberg.org/license).
+
+
+Section 1. General Terms of Use and Redistributing Project Gutenberg-tm
+electronic works
+
+1.A. By reading or using any part of this Project Gutenberg-tm
+electronic work, you indicate that you have read, understand, agree to
+and accept all the terms of this license and intellectual property
+(trademark/copyright) agreement. If you do not agree to abide by all
+the terms of this agreement, you must cease using and return or destroy
+all copies of Project Gutenberg-tm electronic works in your possession.
+If you paid a fee for obtaining a copy of or access to a Project
+Gutenberg-tm electronic work and you do not agree to be bound by the
+terms of this agreement, you may obtain a refund from the person or
+entity to whom you paid the fee as set forth in paragraph 1.E.8.
+
+1.B. "Project Gutenberg" is a registered trademark. It may only be
+used on or associated in any way with an electronic work by people who
+agree to be bound by the terms of this agreement. There are a few
+things that you can do with most Project Gutenberg-tm electronic works
+even without complying with the full terms of this agreement. See
+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
+and help preserve free future access to Project Gutenberg-tm electronic
+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
+individual work is in the public domain in the United States and you are
+located in the United States, we do not claim a right to prevent you from
+copying, distributing, performing, displaying or creating derivative
+works based on the work as long as all references to Project Gutenberg
+are removed. Of course, we hope that you will support the Project
+Gutenberg-tm mission of promoting free access to electronic works by
+freely sharing Project Gutenberg-tm works in compliance with the terms of
+this agreement for keeping the Project Gutenberg-tm name associated with
+the work. You can easily comply with the terms of this agreement by
+keeping this work in the same format with its attached full Project
+Gutenberg-tm License when you share it without charge with others.
+
+1.D. The copyright laws of the place where you are located also govern
+what you can do with this work. Copyright laws in most countries are in
+a constant state of change. If you are outside the United States, check
+the laws of your country in addition to the terms of this agreement
+before downloading, copying, displaying, performing, distributing or
+creating derivative works based on this work or any other Project
+Gutenberg-tm work. The Foundation makes no representations concerning
+the copyright status of any work in any country outside the United
+States.
+
+1.E. Unless you have removed all references to Project Gutenberg:
+
+1.E.1. The following sentence, with active links to, or other immediate
+access to, the full Project Gutenberg-tm License must appear prominently
+whenever any copy of a Project Gutenberg-tm work (any work on which the
+phrase "Project Gutenberg" appears, or with which the phrase "Project
+Gutenberg" is associated) is accessed, displayed, performed, viewed,
+copied or distributed:
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+1.E.2. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is derived
+from the public domain (does not contain a notice indicating that it is
+posted with permission of the copyright holder), the work can be copied
+and distributed to anyone in the United States without paying any fees
+or charges. If you are redistributing or providing access to a work
+with the phrase "Project Gutenberg" associated with or appearing on the
+work, you must comply either with the requirements of paragraphs 1.E.1
+through 1.E.7 or obtain permission for the use of the work and the
+Project Gutenberg-tm trademark as set forth in paragraphs 1.E.8 or
+1.E.9.
+
+1.E.3. If an individual Project Gutenberg-tm electronic work is posted
+with the permission of the copyright holder, your use and distribution
+must comply with both paragraphs 1.E.1 through 1.E.7 and any additional
+terms imposed by the copyright holder. Additional terms will be linked
+to the Project Gutenberg-tm License for all works posted with the
+permission of the copyright holder found at the beginning of this work.
+
+1.E.4. Do not unlink or detach or remove the full Project Gutenberg-tm
+License terms from this work, or any files containing a part of this
+work or any other work associated with Project Gutenberg-tm.
+
+1.E.5. Do not copy, display, perform, distribute or redistribute this
+electronic work, or any part of this electronic work, without
+prominently displaying the sentence set forth in paragraph 1.E.1 with
+active links or immediate access to the full terms of the Project
+Gutenberg-tm License.
+
+1.E.6. You may convert to and distribute this work in any binary,
+compressed, marked up, nonproprietary or proprietary form, including any
+word processing or hypertext form. However, if you provide access to or
+distribute copies of a Project Gutenberg-tm work in a format other than
+"Plain Vanilla ASCII" or other format used in the official version
+posted on the official Project Gutenberg-tm web site (www.gutenberg.org),
+you must, at no additional cost, fee or expense to the user, provide a
+copy, a means of exporting a copy, or a means of obtaining a copy upon
+request, of the work in its original "Plain Vanilla ASCII" or other
+form. Any alternate format must include the full Project Gutenberg-tm
+License as specified in paragraph 1.E.1.
+
+1.E.7. Do not charge a fee for access to, viewing, displaying,
+performing, copying or distributing any Project Gutenberg-tm works
+unless you comply with paragraph 1.E.8 or 1.E.9.
+
+1.E.8. You may charge a reasonable fee for copies of or providing
+access to or distributing Project Gutenberg-tm electronic works provided
+that
+
+- You pay a royalty fee of 20% of the gross profits you derive from
+ the use of Project Gutenberg-tm works calculated using the method
+ you already use to calculate your applicable taxes. The fee is
+ owed to the owner of the Project Gutenberg-tm trademark, but he
+ has agreed to donate royalties under this paragraph to the
+ Project Gutenberg Literary Archive Foundation. Royalty payments
+ must be paid within 60 days following each date on which you
+ prepare (or are legally required to prepare) your periodic tax
+ returns. Royalty payments should be clearly marked as such and
+ sent to the Project Gutenberg Literary Archive Foundation at the
+ address specified in Section 4, "Information about donations to
+ the Project Gutenberg Literary Archive Foundation."
+
+- You provide a full refund of any money paid by a user who notifies
+ you in writing (or by e-mail) within 30 days of receipt that s/he
+ does not agree to the terms of the full Project Gutenberg-tm
+ License. You must require such a user to return or
+ destroy all copies of the works possessed in a physical medium
+ and discontinue all use of and all access to other copies of
+ Project Gutenberg-tm works.
+
+- You provide, in accordance with paragraph 1.F.3, a full refund of any
+ money paid for a work or a replacement copy, if a defect in the
+ electronic work is discovered and reported to you within 90 days
+ of receipt of the work.
+
+- You comply with all other terms of this agreement for free
+ distribution of Project Gutenberg-tm works.
+
+1.E.9. If you wish to charge a fee or distribute a Project Gutenberg-tm
+electronic work or group of works on different terms than are set
+forth in this agreement, you must obtain permission in writing from
+both the Project Gutenberg Literary Archive Foundation and Michael
+Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the
+Foundation as set forth in Section 3 below.
+
+1.F.
+
+1.F.1. Project Gutenberg volunteers and employees expend considerable
+effort to identify, do copyright research on, transcribe and proofread
+public domain works in creating the Project Gutenberg-tm
+collection. Despite these efforts, Project Gutenberg-tm electronic
+works, and the medium on which they may be stored, may contain
+"Defects," such as, but not limited to, incomplete, inaccurate or
+corrupt data, transcription errors, a copyright or other intellectual
+property infringement, a defective or damaged disk or other medium, a
+computer virus, or computer codes that damage or cannot be read by
+your equipment.
+
+1.F.2. LIMITED WARRANTY, DISCLAIMER OF DAMAGES - Except for the "Right
+of Replacement or Refund" described in paragraph 1.F.3, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation, the owner of the Project
+Gutenberg-tm trademark, and any other party distributing a Project
+Gutenberg-tm electronic work under this agreement, disclaim all
+liability to you for damages, costs and expenses, including legal
+fees. YOU AGREE THAT YOU HAVE NO REMEDIES FOR NEGLIGENCE, STRICT
+LIABILITY, BREACH OF WARRANTY OR BREACH OF CONTRACT EXCEPT THOSE
+PROVIDED IN PARAGRAPH F3. YOU AGREE THAT THE FOUNDATION, THE
+TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
+LIABLE TO YOU FOR ACTUAL, DIRECT, INDIRECT, CONSEQUENTIAL, PUNITIVE OR
+INCIDENTAL DAMAGES EVEN IF YOU GIVE NOTICE OF THE POSSIBILITY OF SUCH
+DAMAGE.
+
+1.F.3. LIMITED RIGHT OF REPLACEMENT OR REFUND - If you discover a
+defect in this electronic work within 90 days of receiving it, you can
+receive a refund of the money (if any) you paid for it by sending a
+written explanation to the person you received the work from. If you
+received the work on a physical medium, you must return the medium with
+your written explanation. The person or entity that provided you with
+the defective work may elect to provide a replacement copy in lieu of a
+refund. If you received the work electronically, the person or entity
+providing it to you may choose to give you a second opportunity to
+receive the work electronically in lieu of a refund. If the second copy
+is also defective, you may demand a refund in writing without further
+opportunities to fix the problem.
+
+1.F.4. Except for the limited right of replacement or refund set forth
+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
+WARRANTIES OF ANY KIND, EXPRESS OR IMPLIED, INCLUDING BUT NOT LIMITED TO
+WARRANTIES OF MERCHANTIBILITY OR FITNESS FOR ANY PURPOSE.
+
+1.F.5. Some states do not allow disclaimers of certain implied
+warranties or the exclusion or limitation of certain types of damages.
+If any disclaimer or limitation set forth in this agreement violates the
+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
+the applicable state law. The invalidity or unenforceability of any
+provision of this agreement shall not void the remaining provisions.
+
+1.F.6. INDEMNITY - You agree to indemnify and hold the Foundation, the
+trademark owner, any agent or employee of the Foundation, anyone
+providing copies of Project Gutenberg-tm electronic works in accordance
+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
+harmless from all liability, costs and expenses, including legal fees,
+that arise directly or indirectly from any of the following which you do
+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need, is critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at http://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+http://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
+
+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at http://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit http://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including checks, online payments and credit card donations.
+To donate, please visit: http://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart is the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ http://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
diff --git a/old/21257-8.zip b/old/21257-8.zip
new file mode 100644
index 0000000..a1e3faa
--- /dev/null
+++ b/old/21257-8.zip
Binary files differ