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| author | Roger Frank <rfrank@pglaf.org> | 2025-10-15 01:38:06 -0700 |
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Barthelemy, + aux trois Coronnes: Et en sa boutique + sur les degrez de la grand'salle du Palais. + + __________________________________________ + + M. DC. XII. + + _Avec Privilege du Roy._ + + [Illustration] + + + + A + MONSEIGNEUR + MESSIRE NICOLAS + BRULART SEIGNEUR + de Sillery, Chancelier de + France & de Navarre. + +MONSEIGNEUR + +Les Muses de la NOUVELLE-FRANCE ayans passé d'un autre monde à cetui-ci, +aujourd'hui se presentent à voz piés en esperance de recevoir quelque +mon accueil de vous, qui estant le Pere de celles qui resident sur le +Parnassse de nôtre France Gaulloise & Orientale, desirent aussi que de +cette méme affection une flamme forte, qui les environne & reçoive en sa +tutele. Que si elles sont mal peignées, & rustiquement vetuës; +considerez, Monseigneur, le païs d'où elles viennent, incult, herissé de +foréts, & habité de peuples vagabons, vivans de chasse, aymans la +guerre, méprisans les delicatesse, non civilisés, & en un mot qu'on +appelle Sauvages: & attribués à la communication qu'elles ont euë avec +eux, & aux flots de la mer, leur defaut: je veux dire si elles ne sont +en si bonne conche & en bon point comme celles qui ont accoutumé de se +presenter à vous. Elles sont encore pour le present semblables à ces +poissons qui sont appelés Abramides en la Pécherie d'Oppian, lesquels +sans demeure certaine changent perpetuellement de place, se trouvans +bien en toute sorte de terre, au contraire de plusieurs qui ne peuvent +vivre qu'en un lieu. Poissons vrayment figure du peuple Hebrieu, & de la +vie de ce monde, soit qu'on les prenne par leur nom, soit que l'on +considere leur façon de vivre, toujours étrangers, conduits par la +providence de celui qui les a creés, ainsi que le grand Abraham pere des +croyans, duquel non sans cause ilz portent le nom. Mais s'il arrive, +Monseigneur, que par vôtre faveur, assistance, & support, elles soient +un jour arretées és montagnes du Port Royal & ruisseaux qui en +decoulent, & ayent le moyen de se rendre plus civiles, & mieux venantes +à la cadence des fredons d'Apollon: ainsi qu'aux premiers temps és +solennitez publiques & sainctes on dansoit & chantoit des hymnes & +cantiques, tant de vive voix, que sur tous instrumens de Musique à +l'honneur du vray Dieu: De mémes elles feront souz vos auspices maintes +fétes solennelles, ou vôtre nom sera exalté, & en leurs chansons +rememorez les bien-faits de celui, qui apres avoir bien merité de son +Roy, de sa patrie, & de toute la Chrétienté, aura encore pris un soin +non indigne d'un Chancelier de France, qui sera d'aider à +l'etablissement des Muses en la France Nouvelle, trans-marine, & +Occidentale, pour la conversion des peuples infideles. + + Vôtre tres-humble & + tres-obeissant serviteur + + MARC LESCARBOT + _Vervinois_ + +[Illustration] + + + + + LES MUSES DE LA + NOUVELLE-FRANCE + + + AU ROY + + + ODE PINDARIQUE + presentée à sa Majesté en + Novembre mil six cens sept. + + +STROPH. 1. + +NEPTUNE, donne moy des vers +Propres à resonner la gloire +Du plus grand Roy que l'Univers +Ait produit de longue memoire. +Et puis que sur tes moites eaux +Tendent leurs ailes noz vaisseaux, +Fay qu'avec eux ore je vole +Cornant son renom jusqu'au pole, +Et que porté d'un trait leger +Sur l'aile de ta large échine, +Je l'annonce au peuple étranger +Qui demeure au fond de la Chine. + +ANTISTROPH. + +Muses pourtant pardonnez moy +Si pour cette heure je m'addresse +Ailleurs qu'à vous; & si la loy +De vous invoquer je transgresse. +Je ne boy ici d'Helicon +Les douces eaux, ni ma chanson +Ne ressent les fleurs qu'on amasse +Au sommet du double Parnasse. +Neptune commande en ce lieu, +C'est à lui qu'il faut que je rende +Ores mes voeux, & qu'à ce Dieu +De mon chant le ton je demande. + +EPOD. + +Car quoy qu'il soit quelquefois +Forcené d'ire & de rage, +Il ayme bien toute fois +Des chansons le doux ramage. +Et de cela soucieux +A ses Syrenes il donne +Mainte chanson qui resonne +D'un chant fort harmonieux, +Qui par ses douces merveilles +Les peu rusez Nautonniers +Attire par les oreilles, +et les fait ses prisonniers. + +STROPH. 2. + +Vive donc mon Prince & mon Roy +Par qui respire nôtre France +Sentant souz le joug de sa loy +Les doux effects de sa clemence. +Lui qui parmi tant de hazars +Qui l'ont suivi de toutes parts +A vaincu l'effort de la Fortune, +Laquelle en lui n'a part aucune. +Car sa vertu tant seulement +Du haut des cieux favorisée +A jusques dans le Firmament +Sa Majesté authorisée. + +ANTISTROPH. + +Le jour qu'en France commença +A luire sa belle lumiere +Le conseil des Dieux s'amassa +Pour sçavoir de quelle maniere +Ilz pourroient honorer celui +Qui devoit estre un jour l'appui +De mainte gent abandonnée +A que du ciel n'est point donnée +La conoissance de son bien +Et de maint peuple & mainte ville +Policée souz le lien +De la societé civile. + +EPOD. + +Mars lui donna sa valeur, +Hercule donna sa force, +Et Jupiter sa terreur, +Qui la force méme force. +Mais Vulcan lui façonna +De fin acier bien trempée +Une foudroyante epée +Qu'en present il lui donna +Pour en frapper les rebelles, +Et la rogue nation +Qui nous a fait des quereles +Souz feinte religion. + +STROPH. 3. + +Il n'estoit pas hors le berceau, +Il n'avoit quitté son enfance, +Que son âge plus tendre & beau +S'endurcissoit à la souffrance +Des âpres & dures rigueurs +Des froidures & des chaleurs, +Afin qu'un jour il peust à l'aise +Supporter de Mars le mesaise, +Puis que son destin estoit tel, +Que parmi les chaudes alarmes +Il devoit se rendre immortel, +Par l'effort de ses fieres armes. + +ANTISTROPH. + +Qui l'a jamais veu sommeiller, +Ou les mains avoir endormies, +Quand il a fallu chamailler +Dessus les troupes ennemies? +Témoins en sont tant de combats +Où il a cent fois du trépas +Loin repoussé la violence, +De sorte que méme la France, +France nourrice des guerriers +Par ses longs travaux fatiguée +Est le sujet de ses lauriers +Pour s'estre contre lui liguée. + +EPOD. + +Et apres s'estre soumis +La populace mutine, +Il a fait qu'ores Themis +Seurement par tout chemin +Afin qu'une ferme paix +Au moyen de la Justice +En sa maison s'établisse +Qui soit durable à jamais, +Et que toujours souz son aile +Fleurisse la pieté, +Sans qu'oncques elle chancelle +Ni d'un ni d'autre côté. + +STROPH. 4. + +Grand Roy nous te devons ceci, +Vire mille fois davantage. +Mais il reste encore un souci +Digne de ton vieillissant âge, +Afin que la posterité +Entende que ta pieté +N'estoit dedans ta France enclose. +Il faut, grand Roy, faire une chose, +Il faut ores du Tout-puissant +Porter le nom souz ta banniere +Où son Soleil resplendissant +Chacun jour finit sa carriere. + +ANTISTROPH. + +Aye doncques compassion +De tant de peuples qui perissent +Sans loix & sans Religion +Et de leur misere gemissent. +Si tu veux, grand Roy, tu les peux +Joindre avec nous en méme voeux, +Et faire de tous une Eglise, +Si ta bonté les favorise. +Mais si ton pouvoir souverain +Ne soutient un si grand affaire, +Mais si tu retires ta main, +Que est-ce qui le pourra faire? + +EPOD. + +C'est, mon Prince, c'est de toy +Qu'une antique destinée +A prononcé qu'un grand Roy +Seroit apres mainte année +Du vieil tige des François, +Que regiroit en justice +Par une saincte police +Conjointe aux divines loix +Les nations infideles +Qui sont encore en maints lieux, +Et par force les rebelles +Conduiroit dedans les cieux. + + LESCARBOT + + ____________________________________________ + +APRES que nous fumes arrivés au Port Royal en la +Nouvelle-France le sieur du Pont de Honfleur, qui estoit parti dés le +sezième de Juillet, desesperant qu'aucun navire deut arriver de France, +pour ce que la saison desja se passoit, ayant rencontré par un grand +heur quelques uns de nos gens (qui à la veuë de la terre du port de +Campseau s'estoient mis dans une chalouppe, & venoient jusques audit +Port Royal suivans la côte) parmi des iles, il tourna le cap à rebours, +& nous vint trouver avec beaucoup de rejouïssance d'une part & d'autre. +En fin au bout de trois semaines il nous laissa sa barque & une patache, +& se mit avec quelques cinquante homme qu'il avoit, dans nôtre navire +qui retournoit en France. Or avant son depart, pour lui dire Adieu je +lui fis ces vers ici parmi le tintamarre d'un peuple contus qui +marteloit de toutes parts pour faire ses logemens, lesquels vers furent +depuis imprimez à la Rochelle. + + __________________________________________________ + + + + + ADIEU AUX FRANÇOIS + retournans de la Nouvelle-France + en la France Gaulloise. + + Du 25 d'Aoust 1606. + +ALLEZ donques, vogués, ô troupe genereuse +Qui avez surmonté d'une ame courageuse +Et des vents & des flots les horribles fureurs +Et de maintes saisons les cruelles rigueurs, +Pour conserver ici de la Françoise gloire +Parmi tant de hazars l'honorable memoire. +Allez doncques, vogués, puissiez vous outre mer +Un chacun bien-tot voir son Ithaque fumer: +Et puissions nous encore au retour de l'année +La méme troupe voir par deça retournée. + +Fatiguez de travaux vous nous laissés ici +Ayans également l'un de l'autre souci, +Vous, que nous ne soyons saisis de maladies +Qui facent à Pluton offrandes de noz vies: +Nous, qu'un contraire flot, ou un secret rocher +Ne vienne vôtre nef à l'impourveu toucher. +Mais un point entre nous met de la difference, +C'est que vous allez voir les beautez de la France, +Un royaume enrichi depuis les siecles vieux +De tout ce que le monde a de plus precieux: +Et nous comme perdus parmi la gent Sauvage +Demeurons étonnez sur ce marin rivage, +Privez du doux plaisir & du contentement +Que là vous recevrez dés votre avenement. + +Que di-je, je me trompe, en ce lieu solitaire, +L'homme juste a dequoy à soy-méme complaire, +Et admirer de Dieu la haute Majesté, +S'il en veut contempler l'agreable beauté +Car qu'on aille rodant toute la terre ronde, +Et qu'on furette tous les cachotz du monde, +On ne trouvera rien si beau, ne si parfait +Que l'aspect de ce lieu ne passe d'un long trait. +Y desirez-vous voir une large campagne? +La mer de toutes parts ses moites rives baigne. +Y desirez-vous voir des coteaux alentour? +C'est ce qui de ce lieu rent plus beau le sejour. +Y voulez-vous avoir le plaisir de la chasse? +Un monde de forêts de toutes parts l'embrasse. +Voulez-vous des oiseaux avoir la venaison? +Par bendes ils y sont chacun en sa saison. +Cherchez-vous changement en votre nourriture? +La mer abondamment vous fournit de pâture. +Aymez-vous des ruisseaux le doux gazouillement +Les côtaux enlassés en versent largement. +Cherchez-vous le plaisir des verdoyantes iles? +Ce Port en contient deux capables de deux villes. +Aymez-vous d'un Echo la babillarde voix? +Ici peut un Echo répondre trente-fois. +Car lors que du Canon le tonnerre y bourdonne +Trente-fois alentour le méme coup resonne, +Et semble au tremblement que Megere à l'envers +Soit préte d'écrouler tout ce grand Univers. +Aymez-vous voir le cours des rivieres profondes? +Trois rendent à ce lieu le tribut de leurs ondes, +Dont l'Equille ayant eu plus de terre en son lot, +Elle se porte aussi d'un orgueilleux flot, +Et préques assourdit de son bruiant orage +Non le Stadisien, mais ce peuple Sauvage. +Bref, contre l'ennemi voulez-vous estre fort? +Ce lieu rien que du Ciel ne redoute l'effort. +Car de deux boulevers Nature a son entrée +Si dextrement muni, que toute la contrée +Peut à l'abri d'iceux reposer seurement, +Et en toute saison vivre joyeusement. + +Le blé te manque encore, & le fruit de la vigne +Pour faire son renom par l'univers insigne. +Mais si le Tout-poussant benit nôtre labeur +En bref tu sentiras la celeste faveur +En ton sein decouler ainsi qu'une rousée +Qui tombe doucement sur la terre embrasée +Au milieu de l'eté. Que si on n'a encore +De tes veines tiré la riche mine d'or, +L'argent, l'airain, le fer que tes forêts épesses +Gardent comme en depos sont de belles richesses +Pour le commencement, & peut estre qu'un jour +Sera la mine d'or découverte à son tour. +Mais c'est ores assez que tu nous puisse rendre +Et du blé & du vin, pour apres entreprendre +Un vol plus elevé (car le bord de tes eaux +Peut fournir de pature à mille grans troupeaux) +Et de villes batir, des maisons, & bourgades, +Qui servent de retraite aux Françoises peuplades, +Et pour changer les moeurs de cette nation +Qui vit sans Dieu, sans loy, & sans religion. + +O trois-fois Tout-puissant, ô grand Dieu que j'adore +Ores que ton Soleil envoye son Aurore +Sur cette terre ici, ne vueille plus tarder, +Vueilles d'un oeil piteux ce peuple regarder, +Qui languit attendant ta parfaite lumiere +Trop prolongeant, helas! sa divine carriere. + +DU PONT dont la vertu vole jusques aux cieux +Pour avoir sceu domter d'un coeur audacieux +En ces difficultés mille maux, mille peines, +Qui pouvoient souz le faix accraventer tes veines, +Ayant esté ici laissé pour conducteur +A ceux-là qui poussez d'une pareille ardeur +Ont aussi soutenu en la Nouvelle-France +De leur propre maison la dure & longue absence; +Si-tot que tu verras la face de ton Roy +Di lui que ses ayeuls pour la Chrétienne loy +Ont jadis triomphé dedans la Palestine, +Et courageusement de la gent Sarazine +Repoussé la fureur és Memphitiques bors, +Et pour la méme cause ont exposé leurs corps +Au gré des vents, des flots, d'une maratre terre, +Et au guerrier hazard du sanglant cimeterre: +Qu'ici à peu de frais, sans qu'un robuste bras +Rougisse au sang humain le meurtrier coutelas, +Il se peut acquerir une gloire semblable. +Laquelle à sa grandeur sera plus proufitable. + +Allez doncques, vogués, ô genereux François, +Cependant que plus loin vers les Armouchiquois +Les voiles nes tendons, pour outre Mallebarre +Rechercher quelque Port qui nous serve de barre +Soit pour nous opposer à un fort ennemi, +Ou pour y recevoir seurement nôtre ami, +Et la méme éprouver si la Nouvelle-France +A noz travaux rendra selon notre esperance. + +Neptune, si jamais tu as favorisé +Ceux qui dessus tes eaux leurs vies ont usé; +Vray Neptune, fay nous chacun où il desire +A bon port arriver, afin que ton Empire +Soit par-deça connu en maintes regions, +Et bien-tot frequenté de toutes nations. + +[Illustration] + + + + + LE THEATRE + DE NEPTUNE EN LA + NOUVELLE-FRANCE + +_Representé sur les flots du Port Royal le quatorzieme de Novembre mille +six cens six, au retour du Sieur de Poutrincourt du païs des +Armouchiquois._ + +Neptune commence revetu d'un voile de couleur bleuë, & de brodequins, +ayant la chevelure & la barbe longues & chenuës, tenant son Trident en +main, assis sur son chariot paré de ses couleurs: ledit chariot trainé +sur les ondes par six Tritons jusques à l'abord de la chaloupe où +s'estoit mis ledit Sieur de Poutrincourt & ses gens sortant de la barque +pour venir à terre. Lors la dite chaloupe accrochée, Neptune commence +ainsi. + +NEPTUNE. + +ARRETE, Sagamos, arrete toy ici, +Et regardes un Dieu qui a de toy souci. +Si tu ne me connois, Saturne fut mon pere +Je suis de Jupiter & de Pluton le frere +Entre nous trois jadis fut parti l'univers, +Jupiter eut le ciel, Pluton eut les Enfers, +Et moy plus hazardeux eu la mer en partage, +Et le gouvernement de ce moite heritage. +NEPTUNE c'est mon nom, Neptune l'un des Dieux +Qui a plus de pouvoir souz la voute des cieux. + +Si l'homme veut avoir une heureuse fortune +Il lui faut implorer le secours de Neptune +Car celui qui chez soy demeure cazanier +Merite seulement le nom de cuisinier. + +Je fay que le Flameng en peu de temps chemine +Aussi-tot que le vent jusque dedans la Chine. +Je say que l'homme peut, porté dessus mes eaux, +D'un autre pole voir les inconnuz flambeaux, +Et les bornes franchir de la Zone torride, +Où bouillonnent les flots de l'element liquide. +Sans moy le Roy François d'un superbe elephant +N'eust du Persan receu le present triumphant: +Et encores sans moy onc les François gendarmes +Es terres du Levant n'eussent planté leurs armes. +Sans moy le Portugais hazardeux sur mes flots +Sans renom croupiroit dans ses rives enclos, +Et n'auroit enlevé les beautez de l'Aurore +Que le monde insensé folatrement adore. +Bref sans moly le marchant, pilote, marinier +Seroit en sa maison comme dans un panier +Sans à-peine pouvoir sortir de sa province. +Un Prince ne pourroit secourir l'autre Prince +Que j'auroy separé de mes profondes eaux. +Et toy même sans moy apres tant d'actes beaux +Que tu as exploités en la Françoise guerre, +N'eusses eu le plaisir d'aborder cette terre. +C'est moy qui sur mon dos ay tes vaisseaux porté +Quand de me visiter tu as eu volonté +Et nagueres encor c'est moy que de la Parque +Ay cent fois garenti toy, les tiens& ta barque. +Ainsi je veux toujours seconder tes desseins, +Ainsi je ne veux point que tes effortz soient vains, +Puis que si constamment tu as eu le courage, +De venir si loin rechercher ce rivage, +Pour établir ici un Royaume François, +Et y faire garder mes statuts & mes loix. + +Par mon sacré Trident, par mon sceptre je jure +Que de favoriser ton projet j'auray cure, +Et oncques je n'auray en moy-méme repos +Qu'en tout cet environ je ne voye mes flots +Ahanner souz le faix de dix milles navires. +Que facent d'un clin d'oeil tout ce que tu desires. + +Va donc heureusement, & poursui ton chemin +Où le sort te conduit: car je voy le destin +Preparer à la France un florissant Empire +En ce monde nouveau, qui bien loin fera bruire +Le renom immortel de De Monts & de toy +Souz le regne puissant de HENRY vôtre Roy. +________________________________________________ + +Neptune ayant achevé, une trompete commence à éclater hautement & +encourager les Tritons à faire de méme. Ce pendant le sieur de +Poutrincourt tenoit son epée en main, laquelle il ne remit point au +fourreau jusques à ce que les Tritons eurent prononcé comme s'ensuit. + +PREMIER TRITON. + +Tu peux (grand Sagamos) tu peux te dire heureux +Puis qu'un Dieu te promet favorable assistance +En l'affaire important que d'un coeur vigoureux +Hardi tu entreprens, forçant la violence +D'Æole, qui toujours inconstant & leger, +Tantot adesquidés (ami), tantot poussé d'envie, +Veut te precipiter, & les tiens au danger. + +Neptune est un grand Dieu, qui cette jalousie +Fera comme fumee en l'air évanouïr: +Et nous ses postillons, malgré l'effort d'Æole, +Ferons toutes parts de ton courage ouïr +Le renom, qui des-ja en toutes terres vole. + +DEUXIEME TRITON. + +Si Jupiter est Roy és cieux +Pour gouverner ça bas les hommes, +Neptune aussi l'est en ces lieux +Pour méme effect; & nous qui sommes, +Ses suppos, avons grand desir +De voir le temps & la journée +Qu'ayes de tes travaux plaisir +Apres ta course terminée, +Afin qu'en ces côtes ici +Bien-tot retentisse la gloire +Du puissant Neptune: & qu'ainsi +Tu eternises ta memoire. + +TROISIEME TRITON. + +France, tu as occasion +De louer la devotion +De tes enfans dont le courage +Se montre plus grand en cet age +Qu'il ne fit onc és siecles vieux, +Estans ardemment curieux +De faire éclater tes louanges +Jusques aux peuples plus étranges, +Et graver ton los immortel +Méme souz ce monde mortel. + +Ayde doncques & favorise +Une si louable entreprise, +Neptune s'offre à ton secours +Qui les tiens maintiendra toujours +Contre toute l'humaine force, +Si quelqu'un contre toy s'efforce. +Il ne faut jamais rejetter +Le bien qu'un Dieu nous veut preter. + +QUATRIEME TRITON. + +Celui qui point ne se hazarde +Montre qu'il a l'ame coüarde +Mais celui qui d'un brave coeur +Meprise des flots la fureur +Pour un sujet rempli de gloire +Fait à chacun aisément croire +Que de courage & de vertu, +Il est tout ceint & revetu, +Et qu'il ne veut que le silence +Tienne son nom en oubliance. + +Ainsi ton nom (grand Sagamos) +Retentira dessus les flots +D'or-en-vant, quand dessus l'onde +Tu decouvres ce nouveau monde, +Et y plantes le nom François, +Et la Majesté de tes Rois. + +CINQUIEME TRITON. + +Un Gascon prononça ces vers à peu prés en sa langue. + +Sabets aquo que volio diro, +Aqueste Neptune bieillart +L'autre jou faisio des bragart, +Et comme un bergalant se miro. + +N'agaires que faisio l'amou, +Et baisavo une jeune hillo +Qu'ero plan polide & gentillo, +Et la cerquavo quadejou. + +Bezets, ne vous fizets pas trop +En aquels gens de barbos grisos, +Car en aqueles entreprisos +Els ban lou trot & lou galop. + +SIXIEME TRITON. + +Vive HENRY le grand Roy des François +Qui maintenant fait vivre souz ses loix +Les nations de sa Nouvelle-France, +Et souz lequel nous avons esperance +De voir bien-tot Neptune reveré +Autant ici qu'onq' il fut honoré +Par ses sujets sur le Gaullois rivage, +Et en tus lieux où le brave courage +De leur ayeuls jadis les a porté. +Neptune aussi fera de son côté +Que leurs neveux s'employans sans feintise +A l'ornement de leur belle entreprise +Tous leurs desseins il favorisera, +Et prosperer sur ses eaux il fera. + +______________________________________ + +Cela fait, Neptune s'équarte un petit pour faire place à un canot, dans +lequel estoient quatre Sauvages, qui s'approcherent apportans chacun un +present audit sieur de Poutrincourt. + +PREMIER SAUVAGE. + +Le premier Sauvage offre un quartier d'Ellan ou Orignac, disant ainsi: + +De la part des peuples sauvages +Qui environnent ces païs +Nous venons rendre les homages +Duez aux sacrées Fleur-de-lis +Es mains de toy, qui de ton Prince +Representes la Majesté, +Attendans que cette province +Faces florir en pieté, +En moeurs civils, & toute chose +Qui sert à l'établissement +De ce qui est beau, & repose +En un Royal gouvernement, +Sagamos, si en nos services +Tu as quelque devotion, +A toy en faisons sacrifices +Et à ta generation. + +Noz moyens sont un peu de chasse +Que d'un coeur entier nous t'offrons, +Et vivre toujours en ta grace +C'est tout ce que nous desirons. + +DEUXIEME SAUVAGE. + +Le deuxiesme Sauvage tenant son arc & sa fleche en main, donne pour son +present des peaux de Castors, disant: + +Voici la main, l'arc, & la fleche +Qui ont fait la mortele breche +En l'animal de qui la peau +Pourra servir d'un bon manteau +(Grand Sagamos) à ta hautesse. + +Reçoy donc de ma petitesse +Cette offrande qu'à ta grandeur +J'offre du meilleur de mon coeur. + +TROISIEME SAUVAGE. + +Le troisieme Sauvage offre des _Matachiaz_, c'est à dire, echarpes, & +brasselets faits de la main de sa maitresse, disant: + +Ce n'est seulement en France +Que commande Cupidon +Mais en la Nouvelle-France, +Comme entre vous, son brandon +S'allume; & de ses flammes +Il rotit noz pauvres ames, +Et fait planter le bourdon. + +Ma maitresse ayant nouvelle +Que tu devois arriver, +M'a dit que pour l'amour d'elle +J'eusse à te venir trouver, +Et qu'offrande je te fisse +De ce petit exercice +Que sa main à sceu ouvrer. + +Reçoy doncques d'allegresse +Ce present que je t'adresse +Tout rempli de gentillesse +Pour l'amour de ma maitresse +Qui est ores en detresse +Et n'aura point de liesse +Si d'une prompte vitesse +Je ne lui di la caresse +Que m'aura fait ta hautesse. + +QUATRIEME SAUVAGE + +Le quatrième Sauvage n'ayant heureusement chassé par les bois, se +presente avec un harpon en main, & apres ses excuses faites, dit qui +s'en va à la pèche. + +SAGAMOS, pardonne moy +Si je viens en telle sorte, +Si me presentant à toy +Quelque present je n'apporte. +Fortune n'est pas toujours +Aux bons chasseurs favorables, +C'est pourquoy ayant recours +A un maitre plus traitable, +Apres avoir maintefois +Invoqué cette Fortune +Brossant par l'epée des bois, +Je m'en vay suivre Neptune, + +Que Diane en ses foréts +Ceux qu'elle voudra caresse, +Je n'ay que trop de regrets +D'avoir perdu ma jeunesse +A la suivre par les vaux, +Avecque mille travaux, +Souz des esperances vaines. + +Maintenant je m'en vay voir +Par cette côte marine +Si je pourray point avoir +Dequoy fournir ta cuisine: +Et cependant si tu as +Quelque part en ta chaloupe +Un peu de caradonas, (pain) +Fournis-en moy & ma troupe. +________________________________________ + +Apres que Neptune eut esté remercié par le sieur de Poutrincourt de ses +offres au bien de la France, les Sauvages le furent semblablement de +leur bonne volonté & devotion, & invitez de venir au fort Royal prendre +du _caracona_. A l'instant la troupe de Neptune chante en Musique à +quatre parties ce qui s'ensuit. + +Vray Neptune donne nous +Contre tes flots asseurance, +Et fay que nous puissions tous +Un jour nous revoir en France. + +La musique achevée, la trompete sonne derechef, & chacun prent sa route +diversement: les Canons bourdonnent de toutes parts, & semble à ce +tonnerre que Proserpine soit en travail d'enfant: ceci causé par la +multiplicité des Echoz que les côtaux s'envoient les uns aux autres, +lesquels durent plus d'un quart d'heure. + +Le sieur de Poutrincourt arrivé prés du Fort Royal, un compagnon de +gaillarde humeur qui l'attendoit de pié ferme, dit ce qui s'ensuit: + +Apres avoir long temps (Sagamos) desiré +Ton retour en ce lieu, en fin le ciel iré +A eu pitié de nous, & nous montrant ta face, +Il nous a fait paroitre une incroyable grace. + +Sus doncques, rotisseurs, depensiers, cuisiniers, +Marmitons, patissiers, fricasseurs, taverniers, +Mettez dessus dessouz pots & plats & cuisine, +Qu'on baille à ces gens ci chacun sa quarte pleine, +Je les voy alterez sicut terra sine aqua. +Garson depeche toy, baille à chacun son K. +Cuisiniers, ces canars sont ils point à la broche? +Qu'on tuë ces poulets, que cette oye on embroche, +Voici venir à nous force bons compagnons +Autant deliberez des dents que des roignons. +Entrez dedans Messieurs, pour votre bien-venuë, +Qu'avant boire chacun hautement éternuë, +A fin de decharger toutes froides humeurs +Et remplir voz cerveaux de plus douces vapeurs. + +Je prie le Lecteur excuser si ces rhimes ne sont si bien limées que les +homme delicats pourroient desirer. Elles ont esté faites à la hate. Mais +neantmoins je les ay voulu inserer ici, tant pour ce que'elles servent à +nôtre Histoire, que pour montrer que nous vivions joyeusement. Le +surplus de cette action se peut voir à la fin du chap. 16, liv. 4 de mon +Histoire de la Nouvelle France. + + __________________________________________________________ + + + + + A-DIEU + A LA NOUVELLE-FRANCE + Du 30 Juillet 1607. + +FAUT-il abandonner les beautez de ce lieu, +Et dire au Port Royal un eternel Adieu? +Serons-nous donc toujours accusez d'inconstance +En l'établissement d'une Nouvelle-France? +Que nous sert-il d'avoir porté tant de travaux, +Et des flots irritez combattu les assaux, +Si notre espoir est vain, & si cette province +Ne flechit souz les loix de HENRY notre Prince? +Que vous servit-il d'avoir jusques ici +Fait des frais inutils, si vous n'avez souci +de recuillir le fruit d'une longue depense, +Et l'honneur immortel de votre patience? +Ha que j'ay de regrets que ne sçavez pas +De cette terre ici les attrayans appas. +Et bien que le Flamen vous ait fait une injure, +L'injure bien souvent se rend avec usure. +Il faut doncques partir, il faut appareiller, +Et au port Sainct-Malo aller l'ancre mouiller. + +PERE DE L'UNIVERS, qui commandes aux ondes, +Et qui peux assecher les mers les plus profondes, +Donne nous de franchir les abymes des eaux +Dont tu as separé tous ces peuples nouveaux +Des peuples baptizés, & sans aucun naufrage +Du royaume François voir bien-tot le rivage. + +Adieu donc beaux coteaux & montagnes aussi, +Qui d'un double rempar ceignez ce Port ici. +Adieu vallons herbus que le flot de Neptune +Va baignant largement deux fois à chaque lune, +Et au gibier aussi, qui pour trouver pâture +Y vient de tous cotez tant qu'il y a verdure. +Adieu mon doux plaisir fonteines & ruisseaux, +Qui les vaux & les monts arrousez de vos eaux. +Pourray-je t'oublier belle ile forètiere +Riche honneur de ce lieu & de cette riviere? +Je prise de ta soeur les aimables beautés, +Mais je prise encor plus tes singularités. +Car comme il est séant que celui qui commande +Porte une Majesté plus auguste & plus grande +Que son inferieur; ainsi pour commander +Tu as le front haussé qui te fait regarder. +A l'environ de toy une ondoyante plaine, +Et la terre alentour sujette à ton domaine +Tes rives sont des rocs, soit pour tes batimens, +Soit pour d'une cité jetter les fondemens. +Ce sont en autres parts une menuë arene, +Où mille fois le jour mon esprit se pourmene. +Mais parmi tes beautés j'admire un ruisselet +Qui foule doucement l'herbage nouvelet +D'un vallon que se baisse au creux de ta poitrine, +Precipitant son cours dedans l'onde marine. +Ruisselet qui cent fois de ses eaux m'a tenté, +Sa grace me forçant lui prèter le côté. +Ayant dont tout cela, Ile haute & profonde, +Ile digne sejour du plus grand Roy du monde, +Ayant di-je, cela, qu'est-ce que te defaut. +A former pardeça la cité qu'il nous faut, +Sinon d'avoir prés soy un chacun sa mignone +En la sorte que Dieu & l'Eglise l'ordonne? +Car ton terroir est bon & fertile & plaisant, +Et oncques son culteur n'en sera deplaisant. +Nous en pouvons parler, qui de mainte semence +Y jettée, en avons certaine experience. +Que puis-je dire encor digne de ton beau los? +Qu'adjouteray-je ici que dedans ton enclos +Se trouvent largement produits par la Nature +Framboises, fraises, pois, sans aucune culture? +Ou bien diray-je encor tes verdoyans lauriers, +Tes Simples inconus, tes rouges grozeliers? +Non, mais tant seulement sans sortir tes limites, +Ici je toucheray les nombreux exercices +Des peuples écaillez qui viennent chaque jour, +Suivans le train du flot te donner le bon-jour. + +Si-tot que du Printemps la saison renouvelle +L'Eplan vient à foison, qui t'apporte nouvelle +Que Phoebus elevé dessus ton horizon +A chassé loin de toy l'hivernale saison. +Le Haren vient apres avecque telle presse +Que seul il peut remplir un peuple de richesse. +Mes yeux en sont témoins, & les vostres aussi +Qui de nôtre pature avés eu le souci, +Quand, ailleurs occupez, vôtre main diligente +Ne pouvoit satisfaire à la chasse plaisante +Qu'envoyoit en voz rets l'ecluse d'un moulin. +Le Bar suit par-apres du Haren le chemin. +Et en un méme temps la petite Sardine, +La Crappe, & le Houmar, suit la côte marine +Pour un semblable effect; le Dauphin, l'Eturgeon +Y vient parmi la foule avecque le Saumon, +Comme font le Turbot, le Pounamou, l'Anguille, +L'Alose, le Fletan, & la Loche, & l'Equille: +Equille qui, petite, as imposé le nom +A ce fleuve de qui je chante le renom. +Mais ce n'est ici tout, car tu as davantage +De peuples qui te font par chacun jour homage, +Le Colin, le Joubar, l'Encornet, le Crapau, +Le Marsoin, le Souffleur, l'Oursin le Macreau, +Tu as le Loup-marin, qui en troupe nombreuse +Se vautre au clair du jour sur ta vase bourbeuse, +Tu as le Chien, la Plie, & mille autres poissons +Que je ne conoy point, de tes eaux nourrisons. +Tairay-je la Moruë heureusement feconde, +Qui par tout cette mer en toutes parts abonde? +Moruë si tu n'es de ces mets delicats +Dont les hommes frians assaisonnent leurs plats, +Je diray toutefois que de toy se sustente +Prèque tout l'Univers. O que sera contente +Celle personne un jour, qui à sa porte aura +Ce qu'un monde eloigné d'elle recherchera! +Belle ile tu as donc à foison cette manne, +Laquelle j'ayme mieux que de la Taprobane +Les beautez que lon feint dignes des bien-heureux +Qui vont buvans des Dieux le Nectar savoureux. +Et pour montrer encor ta puissance supreme, +La Baleine t'honore & te vient elle-méme +Saluer chacun jour, puis l'ebe la conduit +Dans le vague Ocean où elle a son deduit. +De ceci je rendray fidele temoignage, +L'ayant veu mainte fois voisiner ce rivage, +Et à l'aise nouer parmi ce port ici. + +Mais tous ces animaux, mais tous ces peuples ci +S'écartent quand Phoebus veut approcher la borne +Du celeste manoir, où git le Capricorne, +Et vont chercher l'abri du profond de Thetys, +Ou d'un terroir plus doux vont souvans le pâtis. +Seulement pres de toy en cette saison dure +La Palourde, la Coque, & la Moule demeure +Pour sustenter celui qui n'aura de saison +(Ou pauvre, ou paresseux) fait aucune moisson, +Tel que ce peuple ici qui n'a cure de chasse +Jusqu'à ce que la faim le contraigne& pourchasse, +Et le temps n'est toujours favorable au chasseur. +Qui ne souhaite point d'un beau temps la douceur, +Mais une forte glace, ou des neges profondes, +Quand le Sauvage veut tirer du fond des ondes +L'industrieux Castor (qui sa maison batit +Sur la rive d'un lac, où il dresse son lict +Vouté d'une façon aux hommes incroyable, +Et plus que noz palais mille fois admirable, +Y laissant vers le lac un conduit seulement +Pour s'aller égayer souz l'humide element) +Ou quand il veut quéter parmi les bois le gite +Soit du Royal Ellan, soit du Cerf au pié vite, +Du Lapin, du Renart, du Caribou, de l'Ours, +De l'Ecureu, du loutre à peau-de-velours +Du Porc-epic du Chat qu'on appelle sauvage, +(Mais qui du Leopart ha plustot le corpsage) +De la Martre au doux poil dont se vétent les Rois, +Ou du Rat porte-muse, tous hôtes de ces bois, +Ou de cet animal qui tout chargé de graisse +De hautement grimper ha la subtile addresse, +Sur un arbre elevé sa loge batissant +Pour decevoir celui qui le va pourchassant, +Et vit par cette ruse en meilleure asseurance +Ne craignant (ce lui semble) aucune violence, +Nibachés est son nom. Non que sur le printemps +Il n'ait à cette chasse aussi son passe-temps. +Mais alors du poisson la peche est plus certaine. + +Adieu donc je te dis, ile de beauté pleine, +Et vous oiseaux aussi des eaux & des forêts +Qui serez les témoins de mes tristes regrets. +Car c'est à grand regret, & je ne le puis taire, +Que je quitte ce lieu, quoy qu'assez solitaire. +Car c'est à grand regret qu'ores ici je voy +Ebranlé le sujet d'y entrer nôtre Foy, +Et du grand Dieu le nom caché souz le silence, +Qui à ce peuple avoit touché la conscience. + +Aigles qui des hauts pins habitez les sommets, +Puis qu'à vous Jupiter a commis ses secrets, +Allez dedans les cieux annoncer cette chose, +Et combien de douleur j'en ay en l'ame enclose, +Puis revenez soudain au Monarque François +Lui dire le decret du puissant Roy des Roys. +Car à lui est du ciel donné cet heritage, +Afin que souz son nom ci-aprés en tout âge +L'Eternel soit ici sainctement adoré, +Et de cent nations son grand nom reveré: +Et pour mieux l'emouvoir à cette chose faire, +Par cent sortes de biens il l'a voulu attraire, +Ayant à noz labeurs fait selon noz désirs, +Et iceux terminé de dix mille plaisirs. +Car la terre ici n'est telle qu'un fol l'estime, +Elle y est plantureuse à cil qui sçait l'escrime +Du plaisant jardinage & du labeur des champs. + +Et si tu veux encor des oiseaux les doux chants, +Elle a le Rossignol, le Merle, la Linote, +Et maint autre inconu, qui plaisamment gringote +En la jeune saison. Si tu veux des oiseaux +Qui se vont repaissans sur les rives des eaux, +Elle a le Cormorant, la Mauve, Ma Mouette, +L'Outarde, le Heron, la Gruë, l'Alouette, +Et l'Oye, et le Canart. Canart de six façons, +Dont autant de couleurs sont autant d'hameçons +Qui ravissent mes yeux. Desires-tu encore +De ces oiseaux chasseurs dont le Noble s'honore? +Elle a l'Aigle, le Duc, le Faucon, le Vautour, +Le Sacre, l'Epervier, l'Emerillon, l'Autour, +Et bref tous les oiseaux de haute volerie +Et outre iceux encore une bende infinie +Qui ne nous sont communs. Mais elle a le Courlis +L'Aigrette, le Coucou, la Becasse & Mauvis, +La Palombe, le Geay, le Hibou, l'Hirondelle, +Le Ramier, la Verdier, avec la Tourterelle, +Le Beche-bois huppé, le lascif Passereau, +La perdris bigarrée, & aussi le Corbeau. + +Que diray-je plus? Quelqu'un pourra-il croire +Que Dieu méme ait voulu manifester sa gloire +Creant un oiselet semblable au papillon +(Du moins n'excede point la grosseur d'un grillon) +Portant dessus son dos un vert-doré plumage, +Et un teint rouge-blanc au surplus du corps-sage? +Admirable oiselet, pourquoy donc, envieux, +T'es-tu cent fois rendu invisible à mes ieux, +Lors que legerement me passant à l'aureille +Tu laissois seulement d'un doux bruit la merveille? +Je n'eusse esté cruel à ta rare beauté, +Comme d'autres qui t'ont mortellement traité, +Si tu eusses à moy daigné te venir rendre. +Mais quoy tu n'as voulu à mon desir entendre. +Je ne lairray pourtant de celebrer ton nom, +Et faire qu'entre nous tu sois de grand renom. +Car je t'admire autant en cette petitesse +Que je fay l'Elephant en sa vaste hautesse. +Niridau c'est ton nom que je ne veux changer +Pour t'en imposer un qui seroit étranger. +Niridau oiselet delicat de nature, +Qui de l'abeille prent la tendre nourriture +Pillant de noz jardins les odorantes fleurs, +Et des rives des bois les plus rares douceurs, + +A ces hotes de l'air pourray-je sans offense +D'un petit peuple ailé adjouter l'excellence? +Ce sont mouches, de qui sur le point de la nuit +La brillante clarté parmi les bois reluit +Voletans ça & là d'une presse si grande, +Que du ciel etoilé la lumineuse bende +Semble n'avoir en soy plus d'admiration. +Faisant doncques ici commemoration +Des beautez de ce lieu, il est bien raisonnable +Que vous y teniez rang & place convenable. + +Mais puis que ja desja noz voiles sont tendus, +Et allons revoir ceux qui nous cuident perdus, +Je dis encore Adieu à vous beaux jardinages, +Qui nous avez cet an repeu de vos herbages, +Voire aussi soulagé nôtre necessité +Plus que l'art de Pæon n'a fait nôtre santé. +Vous nous avez rendu certes en abondance +Le fruit de noz labeurs selon notre semence. +Hé que sera-ce donc s'il arrive jamais +(Ce qu'il est de besoin qu'on face desormais) +Que la terre ici soit un petit mignardée, +Et par humain travail quelquefois amendée? +Qui croira que le segle,& la chanve, & le pois, +Le chef d'un jeune gars ait surpassé deux fois? +Qui croira que le blé que l'on appelle d'Inde +En cette saison-ci si hautement se guinde +Qu'il semble estre porté d'insupportable orgueil +Pour se rendre, hautain, aux arbrisseaux pareil? +Ha que ce m'est grand deuil de ne pouvoir attendre +Le fruit qu'en peu de temps vous promettiez nous rendre! +Que ce m'est grand émoy de ne voir la saison +Quand ici meuriront la Courge, le Melon, +Et le Cocombre aussi: & suis en méme peine +De ne voir point meuri mon Froment, mon Aveine +Et mon Orge & mon Mil, pois que le Souverain +En ce petit travail m'a beni de sa main. +Et toutefois voici de ce mois le trentieme, +Mois qui jadis estoit en ordre le cinquième + +Peuples de toutes parts qui estes loin d'ici +Ne vous emerveillez de cette chose ci, +Et ne nous tenez point comme en region froide, +Ce n'est point ici Flandre, Ecosse, ni Suede, +La mer ici ne gele, & les froides saisons +Ne m'ont oncques forcé d'y garder les tisons. +Et si chez vous l'eté plustot qu'ici commence, +Plustot vous ressentez de l'hiver l'inclemence. +Mais tu restes encor, Poutrincourt attendant +Que ta moisson soit préte: & nous nous cependant +Faisons voile à Campseau où t'attent le navire +Que de là doit tous en la France conduire. +Cependant beaux epics meurissez vitement, +Dieu le Dieu tout-puissant vous doint accroissement, +Afin qu'un jour ici retentisse sa gloire +Lors que de ses bien-faits nous ferons la memoire. +Entre lesquelz bien-faits nous conterons aussi +Le soin qu'il aura eu de prendre à sa merci +Ces peuples vagabons qu'on appelle Sauvages +Hotes de ces forèts & des marins rivages, +Et cent peuples encor qui sont de tous côtez +Au Su, à l'Oest au Nort de pié-ferme arretez +Qui aiment le travail, qui la terre cultivent, +Et libres, de ses fruits plus contens que nous vivent, +Mais en ce deplorable est leur condition, +Que du siecle futur ilz n'ont l'instruction. + +Pourquoy, ô Tout-puissant, pourquoy donc cette race +As-tu jusques ici rejetté de ta face, +Et pourquoy laisses tu devorer à l'enfer, +Tant d'humains qui devroient dessus lui triompher +Veu qu'ilz sont comme nous ton oeuvre & ta facture, +Et ont de toy receu nôtre fraile nature? +Ouvre donc les thresors de tes compassions, +Et verse dessus eux tes benedictions, +Afin qu'ilz soient bien-tot ton sacré heritage, +Et chantent hautement tes bontés en tout âge. +Si-tot que ton Soleil sur eux éclairera, +Aussi-tot cet gent d'adorer on verra. +Temoins soient de ceci les propos veritables +Que Poutrincourt tenoit avec ces miserables +Quand il leur enseignoit notre Religion, +Et souvent leur montroit l'ardente affection +Qu'il avoit de les voir dedans la bergerie +Que Christ a racheté par le pris de sa vie. +Eux d'autre part emeus clairement temoignoient +Et de bouche & de coeur le desir qu'ilz avoient +D'estre plus amplement instruits en la doctrine +En laquelle il convient qu'un fidele chemine. + +Où estes vous Prelats, que vous n'avez pitié +De ce peuple qui fait du monde la moitié? +Du moins que n'aidez-vous à ceux de qui le zele +Les transporte si loin comme dessus son aile +Pour établir ici de Dieu la saincte loy +Avecque tant de peine, & de soin & d'émoy +Ce peuple n'est brutal, barbare ni sauvage, +Si vous n'appellez tels les hommes du vieil âge, +Il est subtile, habile, & plein de jugement, +Et n'en ay conu un manquer d'entendement, +Seulement il demande un pere qui l'enseigne +A cultiver la terre, à façonner la vigne, +A vivre par police, à estre menager, +Et souz des fermes toicts ci-apres heberger. +Au reste à nôtre égare il est plein d'innocence +Si de son createur il avoit la science. +Que s'il ne le conoit, sa bouche ni son coeur +Ne ravit point à Dieu par blaspheme l'honneur. +Il ne sçait le metier de l'amoureux bruvage, +De l'aconite aussi il ne sçait point l'usage, +Sa bouche ne vomit nos imprecations, +Son esprit ne s'adonne à nos inventions +Pour opprimer autrui, l'avarice cruelle +D'un souci devorant son ame ne bourrelle +Mais il a du Gaullois cette hospitalité +Qui tant l'a fait priser en son antiquité. +Son vice le plus grand est qu'il aime vengeance +Lors que son ennemi lui a fait quelque offense. + +Je vous di donc Adieu, pauvre peuple, & ne puis +Exprimer la douleur en laquelle je suis +De vous laisser ainsi sans voir qu'on ait encore +Fait que quelqu'un de vous son Dieu vrayment adore + +Sortons donc de ce Port à la faveur de l'Est, +Car en ces côtes ci est ordinaire l'Ouest, +Puis, souvent cette mer est de brumes couverte +Qui des hommes peu cauts cause l'extreme perte. + +Adieu pour un dernier Rochers haut elevés, +Qui orgueilleusement voz grottes soulevés, +D'où distillent sans fin des pluies abondantes +Que leur versent les eaux des montagnes coulantes. +Adieu doncques aussi Grottes qui m'avez pleu +Quand souz votre lambris au clair du jour j'ay veu +Figurées d'Iris les couleurs agreables. + +Ores que nous voyons les flots épouvantables +Du profond Ocean, pourray-je bien passer +Sans saluer de loin, ou quelque Adieu laisser +A la terre que a receuë notre France +Quand elle vint ici faire sa demeurance? +Ile, je te saluë, ile de Saincte Croix, +Ile premier sejour de noz pauvres François, +Qui souffrirent chez toy des choses vrayment dures, +Mais noz vices souvent nous causent ces injures. +Je revere pourtant ta freche antiquité +Les Cedres odorans qui sont à ton côté, +Tes Loges, tes Maisons, ton Magazin superbe, +Tes jardins étouffez parmi la nouvelle herbe: +Mais j'honore sur tout à-cause de noz morts +Le lieu qui sainctement tient en depost leurs corps, +Lequel je n'ay pu voir sans un effort de larmes, +Tant mon navré le coeur ces violentes armes. +Soyez doncques en paix, & puissiez vous un jour, +Vous trouver glorieux au celeste sejour. +Mais cependant, DE MONTS, tu emportes la gloire +D'avoir sur mille morts obtenu la victoire, +Témoignage certain de ta grande vertu, +Soit quand tu as des flots la fureur combattu +En venant visiter cette étrange province +Pour suivre le vouloir de HENRY nôtre Prince +Soit lors que tu voiois mourir devant tes yeux +Ceux-là qui t'ont suivi en ces funestes lieux. + +Je vous laisse bien loin, pepinieres de Mines +Que les rochers massifs logent dedans leurs veines, +Mines d'airain, de fer, & d'acier, & d'argent, +Et de charbon pierreux, pour saluer la gent +Qui cultive à la main la terre Armouchiquoise. +Je te saluë donc nation porte-noise +(Car tu as envers nous forfait par trahison) +Pour te dire qu'un jour nous aurons la raison +Avecque plus d'effect de ton outrecuidance, +Si qu'entre nous sera maudite ta semence. +Mais ta terre je veux saluer en tout bien, +Car un ample rapport elle nous fera bien +Quand elle sentira du François la culture. +Car en elle desja la provide Nature +A le raisin semé si plantureusement, +Et en telle beauté, que Bacchus mémement +Ne sçauroit invoqué lui faire davantage. +Mais son peuple ignorant ne sçait du fruit l'usage. +Terre, tu as encor de féves & de blés +Tes greniers souz-terrains en la moisson comblés. +Mais quoy que tes biens tu donnes abondance +Produisant d'autres fruits sans l'humaine assistance +Tes qu'avons veu la Chanve & la Courge & la Noix, +Tes féves tu ne veux ni tes blez toutefois +Produire sans travail, mais ta grand' populace +D'un bois coupant ta brise, & en mottes t'amasse +Pour (sur le renouveau) sa semence y planter, + +Mais une chose encor il me faut reciter +Qui pour sa rareté à l'écrire m'oblige, +C'est le fruit que produit la Chanve la tige, +Fruit digne que les Rois le tiennent precieux +Pour le repos du corps le plus delicieux: +C'est une soye blanche & menuë & subtile +Que la Nature pousse au creux d'une coquille, +Soye qu'en maint usage employer on pourra, +Et laquelle en cotton l'ouvrier façonnera, +Quand de bons artisans tu seras habitée +Par une volonté de pié-ferme arretée. + +Puisse-je voir bien-tot cette chose arriver, +Et le François soigneux à tes champs cultiver, +Arriere des soucis d'une peineuse vie, +Loin des bruits du commun, & de la piperie. + + +Cherchant dessus Neptune un repos sans repos +J'ay façonné ces vers au branle de ses flots. + + M. LESCARBOT. + +[Illustration] + + ______________________________________________________ + + + + + A MONSIEUR DE MONTS + Lieutenant general pour le Roy en la + Nouvelle-France. + + ODE. + +TOUT ce que l'homme possede, +Ce qu'il a de riche & beau +Ne trouve point de remede +Pour eviter le tombeau. + +La vertu seule immortelle +Constante & ferme en tout temps +Resiste à la mort cruelle +Et à la lime des ans. + +Tant de Rois & tant de Princes, +Des Heros & des Cesars +Qui ont acquis des provinces +Et thresors en maintes parts + +En fin sont proye à la terre, +Et la Vertu seulement +Fait leur nom voler grand erre +Par-dessus le Firmament. + +DU MONTS tu sçais que la vie +Nous est donnée des cieux +Non pour estre ensevelie +En un corps peu soucieux, + +Mais pour estre secourable +A celui qui a besoin +Que quelque Dieu favorable +De son mal-heur prenne soin. + +Et chercher la vraye gloire +Par un chemin non tenté, +Faisant que nôtre memoire +Vive à l'immortalité. + +C'est le desir qui t'enflamme, +Et qui possede ton coeur, +Quand pour eviter le blame +Qui suit l'homme sans honneur, + +Tu entreprens un ouvrage +Tout auguste & glorieux +Si qu'à jamais chacun âge +Aura ton nom precieux, + +Car si-tot que de ton Prince +As eu le commandement +Pour conoitre la province +Mise ne ton gouvernement, + +Ainsi qu'un Aigle qui vole +D'un trait leger, tout soudain +Prompt à suivre sa parole +Tu as pris un vol hautain. + +Et du tempêteux Nerée +Meprisant tous les efforts, +De ta terre desirée +Tu as en fin veu les ports. + +Les nations qui n'ont oncques +Admis la sujetion +A tes mandemens adoncques +Ont fait leur submission. + +Sage, tu leur a fait voir +Les beautez de la justice, +Et ton redouté pouvoir, +Et les biens de la police. + +Mémes tu as fait encore, +Que maint barbare en ces lieux +En son ame Christ adore, +De son salut soucieux. + +Arriere d'ici, arriere +Timides & cazaniers, +Que dedans vôtre barriere +Toujours estes prisonniers. + +Vous qui n'avez soin, ni cure +De faire que vôtre nom, +Contre la mort méme dure +En perdurable renom. + +DU MONTS, tu n'es pas de mémes, +Car lors qu'en France de Mars +Ont cessé les stratagemes, +Recherchant d'autres hazars, + +Tu as consacré ta vie +A l'Eternel pour sa loy +Rendre en ces terres suivie +Souz le vouloir de ton Roy. + +Mais ce n'est fait qui commence, +Il faut chanter desormais +De Dieu la magnificence +D'un ton plus haut que jamais. + +Neptune te favorise +Et Ceres pareillement, +Afin que ton entreprise +Ait un meilleur fondement. + +Diray-je que sans culture +Le Pere de Liberté +Laisse produire à Nature +La vigne qu'il a planté? + +Non ici, je le confesse, +Mais en lieu d'un autre espoir, +Où l'homme à la longue tresse +Ha son sablonneux terroir. + +C'est la terre Armouchiquoise, +Qui son gros blé te produit; +Et encore l'Iroquoise, +Qui donne maint autre fruit. + +Nôtre France fromenteuse +N'a ses vignes de tout temps, +La peine laborieuse +L'a fait telle avec les ans. + +Courage, doncques, courage, +Continue ton dessein, +Ayant ce bel avantage, +Qui de bon espoir est plein. + +Le Tout-puissant méme change +Ici les froides saisons, +Et à cette terre étrange +Promet des riches moissons. + + __________________________________________________________ + + + + + A MONSIEUR DE + POUTRINCOURT GRAND + Sagamos de la Nouvelle-France + + ODE. + +QUOY que tu n'ailles cherchant +(POUTRINCOURT) cette louange +Qui va méme allechant +Ceux qui gisent en la fange; + +Ton merite toutefois, +Ta pieté, ton courage, +Forcent ma lyre & ma voix +A les chanter sur l'herbage + +Que l'Equille de ses eaux +Ou plustot Neptune arrose, +Tandis qu'au bruit des ruisseaux, +A l'écart je me repose. + +Apres avoir longuement +Comme un athlete Gregeois +Lutté courageusement +Parmi les champs des François, + +Saoul d'alarmes & combats, +Et des assaux de Bellone, +Ores tu prens tes ébats +Avec Cerés et Pomone. + +Et deça delà portés, +Suivans Neptune à la danse, +Tu nous fais voir les beautés +De cette Nouvelle-France. + +Qui est celui qui ta veu +Oncques saisi de paresse? +Qui est cil qui t'a conu +Semblable à cette Noblesse, + +Qui met le point de l'honneur +A commander sans prudence, +Et n'avoir par son labeur +D'aucun art l'experience? + +Mais l'un & l'autre tu sçais, +Et ta main infatigable +Fait tous les jours des essais +De chose à nous incroyable. + +Car de tout art manuel +T'est conuë la pratique, +Et se plait ton naturel +Es ars de Mathematique. + +Mémes encore ce Dieu +Qui fredonnant sur sa lyre +Tient des Muses le milieu, +Par toy bien souvent respire. + +Les secrets de son sçavoir, +Si que tout compris ensemble, +Au monde on ne sçauroit voir +Rien que toy qui te ressemble. + +C'est toy qu'il falloit ici +Afin de bine reconoitre +Ce que cette terre ici +Rendroit un jour à son maitre. + +Tu l'as experimenté +Tant que ton ame est contente, +Et de sa fidelité +Tu as une riche attente. + + __________________________________________________________ + + + + + A MESSIEURS DE MONTS + ET SES LIEUTENANT + & Associez. + + SONNET + +SI les siecles premiers ont celebré la gloire +De celuy qui conquit la Colchide toison: +Si maintenant encor du brave fils d'Æson +Pour peu de chose vit en honneur la memoire: + +Nous devons beaucoup mieux celebrer en l'histoire +La generosité non du fils de Jason, +Mais de vous, ô François, qui en cette saison +D'un plus digne sujet recherchez la victoire. + +Le Grec acquit ça bas un terrestre thresor, +Il avoit des moyens, & des hommes encor, +Tels que les peut avoir entre nous un grand Prince. + +Mais vous à vos dépens, sans recevoir support +Que de l'avoeu du Roy, par un nouvel effort +Ravissez courageux, la celeste province. + ________________________________________________________ + + + + + AU SIEUR DE CHAMPLEIN + Géographe du Roy. + + SONNET. + +UN Roy Numidien poussé d'un beau desir +Fit jadis rechercher la source de ce fleuve +Qui le peuple d'Egypte & de Libye abreuve, +Prenant en son pourtrait son unique plaisir + +CHAMPLEIN, ja dés long temps je voy que ton loisir +S'employe obstinément & sans aucune treuve +A rechercher les flots, que de la Terre-neuve +Viennent, apres maints sauts, les rivages saisir. + +Que si tu viens à chef de ta belle entreprise, +On ne peut estimer combien de gloire un jour +Acquerras à ton nom que desja chacun prise. + +Car d'un fleuve infini tu cherches l'origine. +Afin qu'à l'avenir y faisant ton sejour +Tu nous faces par là parvenir à la chine. + +____________________________________________________________ + + + + + ODE EN LA MEMOIRE + du Capitaine Gourgues Bourdelois. + +Voy l'Histoire de la Nouvelle-France Liv. 1, ch. XIX & XX. + + +GOURGUES, l'honneur Bourdelois, +Je veux reveiller ta gloire, +Et faire eclater ma voix +Dans le temple de Memoire, + +En racontant ta valeur +Ta conduite & ta prouësse, +Quand, d'un invincible coeur, +Tu mis la main vengeresse + +Sur le soldat bazané +Du sang des François avide, +Qui nous avoit butiné +Les beautez de la Floride. + +Si-tot que de noz François +Tu entendis la ruine, +Et que le peuple Iberois +Occupoit la Caroline, + +Tu prins resolution +De venger le grand outrage +Fait à nôtre nation +Par une Hespagnole rage. + +A tes despens tu mis sis +De bons hommes une bende +Au combat bien resolus, +Puis que c'est toy qui commande. + +Tu ne leur dis à l'abord +Le secret de ton affaire, +Come Capitaine accort, +Qui sçais bien ce qu'il faut taire. + +Mais quant tu te vis porté +Dessus la terre nouvelle, +Tu leur dis ta volonté +De venger une querelle, + +Querelle qui les François +Et grans & petits regarde, +Et partant qu'à cette fois +Ne faut, d'une ame coüarde + +Reculer quand la saison +De bien faire se presente, +Afin d'avoir la raison +De l'injure violente + +Faite aux premiers conquesteurs +D'une terre si lointaine +Par des assassinateurs +De race Mahumetaine. + +A ces mots encouragés +Ils se mettent en bataille, +Et vont en ordre rangés +Droit contre cette canaille. + +L'un & l'autre petit Fort +Ils attaquent de courage, +Et par un puissant effort +Ilz les mettent au pillage. + +Mais il n'estoit pas aisé +D'attaquer la Caroline, +Si GOURGUES n'eust avisé +Prudemment à sa ruine. + +Car l'adversaire estoit fort +D'hommes, d'armes & de place, +Mais nonobstant prés du Fort +En fin sa troupe s'amasse. + +L'Hespagnol estant sorti +Pour lui faire une saillie +Rencontre un mauvais parti +Qui a sa gent acuillie, + +CAZENOVE donne à des +GOURGUES les rencontre en face, +Qui les font (en peu de mots) +Tous demeurer sur la place. + +Le reste tout étonné +La Forteresse abandonne, +Mais las! il est mal mené +N'ayant secours de personne. + +Car le Sauvage irrité +Ne lui fait misericorde, +Lequel de sa cruauté +Trop frechement se recorde. + +Mais ceux qui tombent és mains +Des François, on les attelle +Aux arbres les plus hautains +Pour y faire sentinelle. + +[Illustration] + + ________________________________________________________ + + + + + A LA MEMOIRE D'UN + Sauvage Floridien que se proposoit + mourir pour les François. + +Voy l'Histoire de la Nouvelle France liv. 1. chap. 20. + +OU trouverons-nous un courage +Semblable à cil de ce Sauvage, +Qui pour ses amis secourir +Vient lui-méme sa vie offrir, +Laquelle il croit devoir épandre +Pour nôtre querele defendre? +Certainement un homme tel +Doit parmi nous estre immortel. +Et devons louer tout de méme +Le souci qu'il a de sa femme +Requerant qu'on lui face don +Apres son trépas du guerdon +Que meriteroit sa vaillance +Mourant pour l'honneur de la France. + +[Illustration.] + + ________________________________________________ + + + + + A PIERRE ANGIBAUT + dit CHAMP-DORÉ Capitaine de + Marine en la Nouvelle-France. + + SONNET. + +SI des pilotes vieux le renom dure encore +Pour avoir sceu voguer sur une étroite mer, +Si le monde à present daigne encore estimer +Ariomene, avec Palinure & Pelore; + +C'est raison (CHAMP-DORÉ) que nôtre âge t'honore, +Qui sçais par ta vertu te faire renommer, +Quand ta dexterité empeche d'abimer +La nef qui va souz toy du Ponant à l'Aurore. + +Ceux-là du grand Neptune oncques la majesté +Ne vivent, ni le fond de son puissant Empire: +Mais dessus l'Ocean journellement porté + +Tu fais voir aux François des païs tout nouveaux, +Afin que là un jour maint peuple se retire +Faisant les flots gemir souz les ailez vaisseaux. + +Fait au Port Royal en la Nouvelle-France. + +[Illustration] + + ______________________________________________________________ + + + + + LA DEFFAITE DES + SAUVAGES ARMOUCHIQUOIS + PAR LE SAGAMOS MEMBERTOU + & ses alliez Sauvages, en la + Nouvelle-France, au mois de Juillet + 1607. + +Où peuvent reconoitre les ruses de guerre desdits Sauvages, leurs actes +funebres, les noms de plusieurs d'entre-eux & la maniere de guerir les +blessez. + +JE ne chante l'orgueil du beant Briarée, +Ni du fier Rodomont la fureur enivrée +Du sang dont il a teint préque tout l'Univers +Ni comme il a forcé les pivots des enfers. +Je chante Membertou, & l'heureuse victoire +Qui lui acquit naguere une immortelle gloire +Quand il joncha de morts les champs Armouchiquois +Pour la cause venger du peuple Souriquois. + +Entre ces peuples-ci une antique discorde +Fait que bien rarement l'un à l'autre s'accorde, +Et si par fois enter eux se traite quelque paix, +Cette pais se peut dire un attrappe-niais. + +Car oncques le Renard ne changea sa nature +Et de garder la foy l'homme double n'eut cure, +Ceci n'a pas long temps se conut par effect +Aux depens de celui qui me donne sujet +De dire qui a meu Membertou & sa suite +De faire pour sa mort si sanglante poursuite. +Ce fut Panoniac (car tel estoit son nom) +Sauvage entre les siens jadis de grand renom. +Cetui cuidant avoir faite bonne alliance +Avecques ces mechans, alloit sans deffiance +Parmi eux conversant: mémes il les aidoit +Bien souvent du plus beau des biens qu'il possedoit. +Mais pour cela la gent à mal faire addonée, +Sa mauvaise façon n'a point abandonnée. +Car ce Panoniac il n'y a pas dix mois +Les estant allé voir (pour la derniere fois) +Portant en ses vaisseaux marchandises diverses +Pour en accommoder ces nations perverses, +Eux qui sont de tout temps avides de butin, +Sans aucune merci assomment leur voisin, +Pillent ce qu'il avoit & en font le partage. +Les compagnons du mort se sauvans à la nage +Se cachent pour un temps à l'ombre d'un rocher, +N'osans de ces matins à la chaude approcher. +Ça pour dire vray, la meurtriere cohorte +Estoit contre ceux-ci & trop grande & trop forte. +Mais comme de Phoebus les chevaus harassez +Se furent retirez souz les eaux tout lassez +Ces enragés en fin abandonnant la place +Laisserent là le corps tué à coups de masse, +Lequel à la faveur de la sombreuse nuit +Soudain par ses amis fut enlevé sans bruit, +Et mis, non, comme nous, en depost à la terre, +N'en un coffre de bois, ni au creux d'une pierre, +Ains il fut embaumé à la forme des Rois +que l'Ægypte pieuse embaumoit autrefois. + +Le peuple Etechemin de cette mort cruelle, +Receut tout le premier la mauvaise nouvelle, +D'où s'ensuivit un dueil si rempli de douleurs +Que le haut Firmament en ouït les clameurs +(Car lors que cette gent la mort des siens lamente +Le voisinage ensemble à grans cris se tourmente) +Mais ce ne fut ici le brayment principal, +Car quand ce pauvre corps fut dans le Port Royal +Aux siens representé, Dieu sçait combien de plaintes, +De cris, de hurlemens, de funebres complaintes. +Le ciel en gemissoit, & les prochains côtaux +Sembloient par leurs echoz endurer tous ces maux: +Les épesses foréts, & la riviere méme +Tèmoignoient en avoir une douleur extreme. +Huit jours tant seulement se passerent ainsi +Pour respect du François qui se rit de ceci. + +Les services rendus à l'ombre vagabonde +(Qui du lac Stygieux a desja passé l'onde) +Et au corps là present, le Prince Souriquois +Commence à s'écrier d'une effroyable voix: +Quoy doncques, Membertou (dit-il en son langage) +Lairra-il impuni un si vilain outrage? +De l'excés fait aux siens & méme à sa maison? +Verray-je point jamais éteinte cette race +Qui des miens & de moy la ruine pourchasse? +Non, non, il ne faut point cette injure souffrir. +Enfans, c'est à ce coup qu'il nous convient mourir, +Ou bien par nôtre bras envoyer dix mille ames +De cette gent maudite aux eternelles flammes. +Nous avons prés de nous des François le support +A qui ces chiens ici ont fait un méme tort. +Cela est resolu, il que la campagne +Au sang de ces meurtriers dans peu de temps se baigne. +Auctaudin mon cher fils, & ton frere puisné +Qui n'avez vôtre pere oncques abandonné, +Il faut ores s'armer de force & de courage, +Sus, allez vitement l'un suivant le rivage, +D'ici au Cap-Breton, l'autre à travers les bois +Vers les Canadiens, & les Gaspeïquois, +Et les Etechemins annoncer cette injure, +Et dire à nos amis que tous je les conjure +D'en porter dedans l'ame un vif ressentiment, +Et pour l'effect de ce qu'ilz s'arment promptement +Et me viennent trouver prés de cette riviere, +Où ilz sçavent que j'ay plantée ma banniere. + +Membertou n'eut plustot à ses gens commandé, +Que chacun prent sa route où il estoit mandé, +Et fit en peu de temps si bonne diligence, +Qu'il sembla devancer un postillon de France, +Si bien qu'au renouveau voici de toutes parts +Venir à Membertou jeunes & vieux soudars +Tous à ceci poussez d'esperances non vaines +Souz l'asseuré guidon des braves Capitaines +Chkoudun, & Oagimont, Memembouré, Kichkou, +Messamoet, Ouzabat, & Anadabijou, +Medagoet, Oagimech, & avec eux encore +Celui qui plus que tous l'Armouchiquois abhorre, +C'est Panoniagués, qui a occasion +De procurer mal-heur à cette nation +Pour le dur souvenir de la mort de son frere. +Quand tout fur arrivé, de cette mort amere +Il fallut de nouveau recommencer le dueil, +Et le corps decedé mettre dans le cercueil. +Le barbu Membertou lors prenant la parole: +Vous sçavez, ce dit-il, ô peuple benevole, +Le motif qui vous a conduit jusques ici, +C'est ce corps que voyés massacré sans merci, +De qui le sang versé vous demande vengeance. +Sans que par long discours je vous en face instance. +Et comme és siecles vieux quant au peuple Romain +Fut montré de Cæsar le massacre inhumain, +Tout à l'instant émeu d'une ardente colere +Il voulut reparer ce cruel vitupere +Contre les assassins (ainsi que j'ai appris +Qu'il est mentionné és anciens écrits) +Ainsi vous devez tous à ce spectacle étrange +Estre émeus du desir de garder la loüange. +Que nos antecesseurs nous ont mis en depos, +Et par laquelle ilz sont maintenant en repos, +N'ayans point estimé estre dignes de vivre. +Sans de leurs ennemis les injures poursuivre. + +A ces mots un chacun au combat animé +Sent un feu de vengeance en son coeur allumé, +Et eussent volontiers contre cette canaille, +(S'il y est eu moyen) lors donné la bataille, +Mais il falloit premier le corps ensevelir, +Et du dernier devoir les oeuvres accomplir. +Cette grand' troupe donc de douleur affollés +A conduit le corps mort dedans son Mausolée, +En faisant sacrifice à Vulcan de ses biens +Masse, arcs, fleches, carquois, petun, couteaux & chiens, +Matachiaz aussi, & la pelleterie +Que d'epargne il avoit quant il perdit la vie. +Mais quant aux assistans, chacun à son pouvoir +Lui fit, devotieux l'accoutumé devoir. +Qui donne des castors, qui des couteaux, des roses, +Armes, Matachiaz, & maintes autres choses. +Puis ferment le sepulchre, & laissent reposer +Celui duquel ilz vont la querelle épouser. +Le ciel qui bien-souvent les mal-heurs nous presage, +Avoit auparavant par un triste presage +Témoigné les effects de cette guerre ici, +Car ayant un long temps refrongné son sourci, +Il fit voir maintefois des torches allumées, +Des lances, des dragons, des flambantes armées. + +Ainsi s'en va la flotte avec intention +De veincre, ou de mourir à cette occasion, +Laissans de leurs enfans & femmes la tutele +A nous, qui en avons rendu conte fidele. +Quand des Armouchiquois les rives ils ont veu +Ce peuple deffiant les a tot reconu. +Soudain les messagers volent par la campagne, +Et sonnent du cornet sur chacune montagne +Pour le monde avertir d'estre au guet, & veiller +Avant que l'ennemi les vienne reveiller. +Peuples de tous côtez à grand' troupes s'amassent +Tant qu'en nombre les flots de la mer ilz surpassent. +Mais pourtant Membertou ne s'epouvante point +Car il sçait le moyen de prendre bien à point +L'ennemi, qui tout fier, voyant son petit nombre, +Se promet l'enlever si-tot que la nuit sombre +Aura dessus la terre étendu son rideau. + +Membertou cependant approche son vaisseau +Du port de Cahoücoet, où la troupe adversaire +Vers eux le conduisoit: mais il avoit laissé +Ses gens derriere un roc, & s'estoit avancé, +Afin de reconoitre & le port & la terre +Qu'il vouloit ruiner par le'effort de la guerre. +He, He, ce fut le cri duquel il appella +Tout ce peuple attentif que ferme attendoit là +Yo, yo, fut répondu. Puis apres il demande +S'il pourroit seurement & sa petite bende +Traiter avecques eux, & amiablement +Vuider le different qui a si longuement +L'un et l'autre troublé & reduit en ruine +Tandis que l'appetit de vengeance les mine +Et leur mange le coeur. Eux cuidans attrapper +Celui qui plus fin qu'eux les venoit entrapper, +Disent que librement de la rive il s'approche, +Et ses gens qu'il avoit laissé devers la roche, +Qu'ilz n'ont plus grand desir que de voir une paix +Solidement entre eux établie à jamais, +Afin qu'eux qui des Francs ont bonne conoissante +Leur facent part des biens dont ils ont abondance, +Et se puissent ainsi l'un l'autre secourir +Sans plus d'orenavant l'un sur l'autre courir +Membertou reçoit l'offre, & quant & quant otage, +Envoyant un des siens par échange au rivage, +Puis recule en arriere, & vas ses gens revoir, +Qu'il trouve grandement desireux de sçavoir +En quelle volonté ces peuples ci estoient, +Et si à quelque paix encliner ilz sembloient. +Le Prince Souriquois ses suppots abordant +D'un visage joyeux il les va regardant, +Disant, Ilz sont à nous: la farce s'en va faite, +C'est demain qu'il faut voir cette troupe defaite: +Et leur conte amplement ce qui s'estoit passé, +Et comment ilz s'estoient l'un l'autre caressé. +Au surplus (ce dit-il) pensons de les surprendre, +Et en ce fait ici gardons de nous meprendre. +Quand nous sommes partis le conseil a esté +De leur faire present des biens qu'avons porté, +Et avec eux troquer de notre marchandise +A fin que l'homme feint soit prise en sa feintise. +Nous irons donc par mer la moitié seulement: +Le surplus en deux parts ira secretement +Rengeant le long du bois en bonne sentinelle +Tant que, le temps venu, ma trompe les appelle: +Lors ils viendront charger, & nous seconderont, +Et tant que durera le jour ilz frapperont, +Sans merci, sans faveur, & sans misericorde, +Afin qu'ici de nous long temps on se recorde. +Outre nôtre querele il y a du butin, +Ils ont du blé, des noix, de la vigne & du lin, +Toux ces biens sont à nous si nous avions courage, +Et si voulons avoir leurs femmes au pillage +Nous les aurons aussi. Il estoit nuit encor +Et le clair ciel estoit tout brillant de clous d'or, +Quand Membertou (de qui l'esprit point ne repose) +A prendre son quartier tout son peuple dispose, +Et ceux-là qu'il conoit à la course legers +Il les fait essayer les terrestre dangers. +Ainsi Memembouré dispos à la poursuite +Est fait le general d'une troupe d'elite, +Medagoet d'autre part hardi aux grans exploits +Choisit de tout le camp les plus forts & adroits. +Mais le grand Sagamos pour tendre sa banniere +Attendit que l'Aurore eust épars sa lumiere +En tout son horizon: & lors que le Soleil +Eut esté reconduit au lieu de son reveil +Il met la voile au vent, tirant droit à la place +Où desja l'attendoit cette grand' populace, +Où estant arrivé, partie de ses gens +A descendre apres lui se monstrent diligens. +Il saluë les chefs de cette compagnie, +Entre autres Olmechin, Marchin, & leur mesgnie. +Puis offre les presens dont j'ay fait mention, +C'estoient robbes, chappeaux, & chausses, & chemises. +Mais quand il fallut voir les autres marchandises, +Parmi les fers pointus, poignars, & coutelas, +Des trompes y avoit, dont on ne sçavoit pas +L'usage, ni la fin du mal qu'elles couvoient. +Les autres cependant dans le bois attendoient +Soigneusement l'appel qui avoit esté dit, +Quand Membertou voulant etaller son credit, +Il convoque ce peuple embouchant une trompe, +Et trompant, les trompeurs trompeusement il trompe. +Car tout en un instant lui qui n'avoit point d'armes +Oyant les siens venir feignit estre aux alarmes, +Et se trouvant garni de masses, & poignars, +D'arcs, fleches, coutelas, de picques & de dars, +Il en saisit ses gens, & chacun d'eux commence +Sur l'heure à chamailler sans grande resistence. +Ils en font grand massacre, & cependant du bois +Arrive le surplus criant à haute voix, +He, He, oukchegouïa, & parmi la melée +Se voit incontinent cette troupe melée. +L'Armouchiquois voyant que de lui c'estoit fait +S'il ne remedioit promptement à son fait, +A ce dernier besoin pense de se defendre +Plustot qu'à la merci de ceux icy se rendre. +Ils estoient la pluspart je de couteaux armez +Que de porter au col ilz sont accoutumez, +Mais ces armes bien peu lur servirent à l'heure. +Car Membertou muni d'une armure plus seure, +D'un bouclier de bois dur, & d'un bon coutelas, +Ains que le trenchant d'une faux met à bas +L'honneur des beaux épics: son epée de méme +Moissonoit l'ennemi d'une rigueur extreme. +Suivans le train du chef, ne manquent point de coeur, +Mais rendans des grans cris & voix épouvantables, +Tuent comme fourmis ces pauvres miserables, +Desquels lors c'estoit fait s'ilz n'eussent eu recours +Au bien qui vient parfois de tourner à rebours. +Ce peuple de tout temps amateur de pillage +Cuidoit sur Membertou avoir tel avantage, +Que d'armes pour cette heure il ne leur fut besoin, +Neantmoins en tous cas ilz avoient eu le soin +D'en faire un magazin au fond d'une vallée, +Où la troupe fuiarde en fin s'en est allée. +Là chacun se fournit d'arcs, fleches, & carquois, +De picques, de boucliers, & de masses de bois. +Là de tourner visage, & d'une face irée +Charger sur Membertou & sa gente enivrée +Su sang Armouchiquois. A ce nouvel effort +Fut Panoniagués au danger de la mort +Blessé d'un javelot environ la poitrine. +Chkoudun le courageux, y receut sur l'echine +Un coup qui l'atterra, & se vit en danger +(L'ennemi gaignant pié) de jamais n'en bouger. +Mais le fort Chkoudumech' son frere, de sa masse +Fendant la presse, fit bien-tot se faire place +Pour le tirer de là: mais il y fut feru +D'un coup que lui chargea de toute sa vertu +Le cruel Olmechin. Mnefinou (dont la gloire +Par toute cette cotte est en tous lieux notoire) +Comme le plus hardi, s'efforce de son dard +Transpercer Membertou de l'une à l'autre part: +Mais le coup gauchissant par la subtile addresse, +Du Prince Souriquois, à son fils il s'addresse, +Son fils Actaudinech', lequel il aime mieux +Que toutes les beautez de la terre & des cieux +Ce coup donques perçant le détroit de sa manche +Vite comme un éclair luy porta dans la hanche: +Dequoy effrayé le Prince Membertou, +Il se remet aux ieux du monstrueux Gougou +Le duel ancien qu'en sa jeunesse tendre +Jadis son pere osa hazardeux entreprendre, +Et redoublant sa force il étendit son bras, +Et le fendit en deux de son fier coutelas. +Et comme un chene haut abbatu par l'orage +Traine en bas quant & soy son plus beau voisinage, +Ainsi Mnefinou mort, maint des siens alentour +Alla voir de Pluton le tenebreux sejour. +L'Armouchiquois pourtant ne laisse de poursuivre, +Aimant mieux là mourir que honteusement vivre +S'il arrivait jamais que Membertou veinqueur +Leur laissat du combat l'eternel des-honneur. +Ainsi se r'assemblans font des stares diverses +Et à leur ennemi donnent maintes traverses. +Car jusques là n'avoient encor esté rangés, +Occasion que mal ilz s'estoient revengés. +Bessabés & Marchin ont les pointes premieres, +Que venans attaquer avec leurs bendes fieres +Le chef des Souriquois, une grele de dars +En l'un & en l'autre ôt tombe de toutes parts. +La clarté du soleil en demeure obscurcie, +Et le nombre des traits toujours se multiplie. +A cette charge ici quelques uns sont blessés +Parmi les Souriquois: mais plus de terrassés +Sont de l'autre côté: car de ceux-ci les fleches +A pointe d'os, ne font de si mortelles breches +Comme de ceux qui sont plus voisins des François +Qui des pointes d'acier ont au bout de leurs bois, +Toutefois de nouveau voici nouvelle force +Qui des Membertouquois les bras, non les coeurs, force. +Go, go, go, c'est leur cri, Abejou, Olmechin, +Le fort Argostembroet, & le fier Bertachin +En sont les conducteurs, qui de premiere entrée +Du vaillant Messamoet la troupe ont rencontrée, +Messamoet (qui jadis humant l'air de la France +Avoit de guerroyer reconu la science +Parmi les domestics du Seigneur de Grand-mont) +Apres mainte bricole avoit gaigné le mont +D'où il pensoit avoir un facile avantage +Pour mettre sans danger l'adversaire en dommage. +Mais cetui-ci rusé loin de là declina, +Et le gros escadron des Souriquois mena +Poursuivant vivement jusques dessus l'orée +Où deux fois chaque jour se hausse la marée, +Là Neguioadetch' mere du decedé +Apres avoir long temps le combat regardé, +Voyant en desarroy de Membertou la troupe +Elle se met à terre, & sort de sa chaloupe, +Afin de donner coeur aux soldats étonnés +Qui leur premiere assiette avoient abandonnés. +Et comme des Persans les meres & les femmes +Jadis voyans leurs fils & leurs maris infames +S'enfuir du Medois qui les alloit suivant, +Courageuses soudain allerent au-devant, +Sans honte leur montrer de leur corps la partie +Par où l'homme reçoit l'entrée de la vie, +Les unes s'écrians: Quoy doncques voulez vous +Vous sauver ci-dedans pour eviter les coups +Ce cil qui vous poursuit? Les autres d'autre sorte +Crians à leurs enfans: R'entrez dedans la porte +Du logis dans lequel vous avés esté nés, +Ou contre l'ennemi promptement retournés. +Eux d'un spectacle tel se trouvans pleins de honte, +Un sang tout vergongneux à l'heure au front leur monte. +Si bien que retournans leurs faces en arriere +A l'Empire Medois mirent la fin derniere. +Ainsi fit cette mere en voyant le danger +Ou alloit Membertou & les siens se plonger. +Neguiroët son mari ores paralytique, +Mais qui de bien combattre entendoit la pratique, +S'y estoit fait porter: & bien reconoissant +Le desastre prochain qui les alloit pressant +S'il ne leur arrivoit quelque nouvelle force, +Se fait descendre à terre, & lui-méme s'efforce +De marcher au combat, afin de là mourir +S'il ne pouvoit au mons ses amis secourir. +Estant au milieu d'eux il leur donne courage +Et les conjures tous de venger son outrage. +Mes amis (ce dit-il) vous ne combattez point +Pour le fait seulement, helas! qui trop me point. +Il y va de l'honneur, il y va de la vie: +Ces deux ici perdus, la perte en est suivie +Des soupirs & regrets des femmes & enfans +De qui nos ennemis s'en iront triomphans +Tout ainsi que de nous. Ayez doncques courage, +Je les voy ja branler: c'est ici bon presage. +A ces mots Membertou fait tirer les Mousquets +Qu'au partir les François lui avoient tenus prets. +Chkoudun en fait autant (car il a eu de méme +Deux Mousquets pour autant que les François il aime) +Lesquels estoient parez pour la necessité +Comme un dernier remede au corps debilité. +Aux coups de ces batons en voila dix par terre. +Et le reste effrayé au bruit de ce tonnerre. +Abejou, Chitagat, Olmechin, et Marchin +Quatre des plus mauvais de ce peuple mutin +A ce choc sont tombés. Chkoudun qui a memoire +Du coup qu'il a receu ne point que la gloire +En demeure au donneur, mais d'un trait donne-mort +Valeureux il attaque Argostembroet le fort, +Et presse le surplus d'une roideur si grande, +Qu'au seul bruit de son nom l'ennemi se debende. +Membertouchis aussi l'ainé de Membertou +A l'aile de son pere assisté de Kichkou, +Se faisant faire jour d'un coup trois en renverse, +Et ja deça, delà, tout est à la renverse. +A cinq cens pas plus loin se trouvans Ouzagat, +Et Anadabijou empechés au combat, +Ilz furent secourus par la troupe hardie +De Panoniagués, qui bien-tot fut suivie +D'Ougimech' & les siens: si bien qu'en peu de temps +L'ennemi fut fauché comme l'herbe des champs: +Car tout ce que restoit, quoy que puissant en nombre, +Ne porta gueres loin le malheureux encombre +Qui l'alloit tallonnant: d'autant que Oagimont +Avec Memembouré estant au pied du mont +Que nagueres j'ay dit, les fuyars attendirent, +Et valeureusement poursuivans les battirent. +Mais Oagimont s'estant eloigné de son parc, +Trop prompt, y fut blessé grievement d'un trait d'arc. +Memembouré (trop chaut) préque en la méme sorte +L'ennemi poursuivant y eut la jambe torte, +Ce qui plusieurs en fit de leur mains échapper, +Mais ne peurent pourtant leur ennemi tromper. +Car Etmeminaoet l'homme qui de six femme +Peut, galant appaiser les amoureuses flammes, +Et Metembrolebit, Medagoet, Chahocobech' +Bituani, Penin, Actembroé, Semcoudech', +Tous vaillans champions, soldats & Capitaines +Acheverent du tout ces races inhumaines. +Mais ce qui est ici digne d'étonnement, +C'est que des Souriquois n'est mort un seulement. + +L'Armouchiquois éteint, cette armée defaite, +Membertou glorieux fait sonner la retraite, +On trouve de blessés encores Pechkmet, +Oupakour, Ababich', Pigagan, Chichkmeg, +Umanuet, & Kobech', dont les playes on pense, +Tandis que du butin d'autre côté l'on pense. +La cure en est sommaire. Entre eux est un devin +(Ignorant toutefois) qu'on appelle Aoutmoin. +Cetui prognostique de l'état du malade +Feint vers quelque demon pour lui faire ambassade, +Et selon sa reponse, en ceci comme en tout, +Il juge s'il sera bien-tot mort ou debout. +Avec ce de la playe il va sucçant le sang, +Il la souffle, & soufflant il s'émeut tout le flanc: +Ceci fait, il applique au dessus de la playe +Du roignon de Castor: & par ainsi essaye +(Le bendage parfait) son malade guerir. + +Le butin recuilli, avant que de partir +Des chefs Armouchiquois ils enlevent les tétes +Pour en faire au retour maintes joyeuses fétes. +Ja ilz sont à la voile, & approchent du port +Où ilz doivent donner à leurs femmes confort, +Lesquelles aussi tot que de leur arrivée +Elle ont eu nouvelle, aussi-tot la huée +Elles ont fait de loin, desireuses sçavoir +Quel avoit esté là de chacun le devoir. +Et en ordre marchans, qui en main une masse, +Qui un couteau trenchant (ayans toutes la face +De couleurs bigarée) elles s'attendoient bien +Toutes sur l'heure avoir un Armouchiquois sien, +Afin d'en faire tot cruelle boucherie, +Mais sans cela convint faire leur tabagie. +Et pares le repas la danse s'ensuivit, +Qui dura tout le jour, & qui dura la nuit, +Et toujours durera en s'écrians sans cesse, +Chantans de Membertou la valeur & proüesse +Tant que leur estomach la voix leur fournira, +Ou que quelque mal-heur reposer les fera. + + ____________________________________________ + + LA TABAGIE MARINE + +COMPAGNONS, où est le temps +Qu'avions nôtre passe-temps +A descendre au plus habile +Sur le pié ferme d'une ile, +Fourrageans de toutes pars +Deça & delà épars +Parmi l'epés des feuillages +Et des orgueilleux herbages +L'honneur des jeunes oiseaux +Qu'enlevions, à grans troupeaux, +Le gros Tangueu, la Marmette, +Et la Mauve & la Roquette, +Ou l'Oye, ou le Cormorant, +Ou l'outarde au corps plus grand. +Ça (ce disoi-je à la troupe) +Emplissons nôtre chaloupe +De ces oiseaux tendrelets, +Ilz valent bien des poulets. +Dieu! quelle plaisante chasse. +Amasse, garson, amasse, +Portes-en chargé ton dos, +Tu es alaigre & dispos, +Et reviens tout à cette heure +Prendre pareille mesure, +Ne cessant jusques à ce +Que nous en ayons assé: +Car nous pourrions de cette ile +Fournir une bonne ville. + +Je voudroy m'avoir couté +Un Karolus bien conté +Et estre en cet equipage +Acecque tout ce pillage +Au beau milieu de Paris +O que j'y auroy d'amis, +Qui pour avoir pance grasse +Me suivroient de place en place. + +Qu'on ne parle maintenant +Que des iles du Ponant. +Car les iles Fortunées +Sont certes infortunées +Au pris de celles ici, +Qui nous fournissent ainsi +Pour neant ce que l'on achete +Au quartier de la Huchette, +Ou ailleurs bien cherement. +Je ne sçay certainement +Comme le monde est si béte +Que païs il rejette, +Veu la grand' felicité +Qui s'y voit de tout côté, +Soit qu'on suive cette chasse, +Soit que l'Ellan on pourchasse, +Ou qu'on vueille de poisson +Faire en eté la moisson. +Car quant est des paturages +Il n'y manque pont d'herbages +Pour nourrir vaches & veaux, +Ce ne sont rien que ruisseaux, +Lacs, fonteines, & rivieres +(De tous biens les pepinieres) +En ce païs forétier. +Il y a mines d'acier, +De fer, d'argent, & de cuivre, +Asseurez moyens de vivre, +Quand en train elles seront, +Et par le monde courront. + +La terre y est plantureuse +Pour rendre la gent heureuse +Qui la voudra cultiver. +Il ne reste que trouver +Bon nombre de jeunes filles +A porter enfans habiles +Pour bien-tot nous rendre forts +En ces mers, rives, & ports, +Et passer melancholie +Chacun avecque s'amie +Pres les murmurantes eaux, +Qui gazouïllent par les vaux, +Ou à l'ombre des fueillages +Des endormans verd-bocages. + +Par mon ame je voudroy +Que dés ore il pleût au Roy +Me bailler des bonnes rentes +En ma bourse bien venantes +Tous les ans dix mille escus, +Voire trente mille, & plus, +Pour employer à l'usage +D'un honéte mariage, +A la charge de venir +En ce païs me tenir, +Et y planter une race, +Digne de sa bonne grace, +Qui service luy feroit +Tant qu'au monde elle seroit, +Quittant du barreau la lice, +Et du monde la malice, +Et les injustes faveurs +Des hommes de qui le coeurs +S'enclinent à l'apparence +Pour opprimer l'innocence + +De tels & autres propos +J'entretenoy mes dispos +Tandis que chacun sa proye +Diligent à bort envoye. +Devinez si au repas +Grand' chere ne faisions pas. +Car avec cette viande +D'elle-méme assez friande +Nous avions abondamment +De poisson pris frechement. + +Quand ores en ma memoire +Se ramentoit cette histoire, +Je regrette ce temps là +Qui nous fournissoit cela. +Car dés long temps la pature +de salé nous est si dure, +Que nos estomachz forcés +En demeurent offensés. + +Pourtant je ne veux pa dire +Que les maitres du navire +Messieurs les associés +Ne se soient point souciés +D'envoyer honétement +Nôtre rafraichissement. +Mais certaines gourmandailles +Ont mangé noz victuailles, +Noz poules & nos moutons, +Et grapillez nos citrons, +Nôtre sucre, noz grenades, +Nos epices & muscades, +Ris, & raisins & pruneaux, +Et autres fruits bons & beaux +Utiles en la marine +Pour conforter la poitrine. + +Vous sçavés si je di vray, +Capitaine Papegay. +Si jamais je suis grand Prince +En cette tout autre province +Onqu' enfant ne regira +Ce que ma nef portera. +Main ne laissons je vous prie +de mener joyeuse vie, +Ça, garson, de ce bon vin +Du cru de Monsieur Macquin, +Et buvons à pleine gorge +Tant à luy qu'à Monsieur George. +Ce sont des hommes d'honneur +Et d'une agreable humeur, +Car ilz nous ont l'autre année +Fourni de bonne vinée, +Dont le parfum nompareil +A garenti du cercueil +Plusieurs qui fussent grand' erre +Allé dormir souz la terre. +Et ne trouve quant à moy +Drogue de meilleur aloy +En nôtre France-Nouvelle +Pour braver la mort cruelle, +Que vivre joyeusement +Avec le fruit du sarment. + +Est-ce pas donc bon ménage +D'avoir un si bon bruvage +Jusques ores conservé? +Car ici n'avons trouvé +Que bien petite vendange, +Ce qui nous est bien étrange. +Car le cidre Maloin +Ne vaut pas du petit vin. +Mais ayons la patience +Que soyons rendus en France. +Approche de moy, garson, +Et m'apporte ce jambon, +Que j'en prenne une aiguillette, +Car ce lard point ne me haite. +J'aimeroy mieux voir noz plats +Garnis de bons cervelats, +De patés & de saucisses +Confits en bonnes epices, +Que cette venaison +Dont je n'ay nulle achoison, +Non plus que de ces moruës +Qui sont toutes vermoluës +Certes le maitre valet +Meriteroit un soufflet +De nous bailler tout du pire +Qui soit dedans ce navire. +Car nous devrions par honneur +En tout avoir du meilleur. +Otez nous tant de viandes, +Et apportez des amandes, +Pruneaux, figues & raisins, +Et buvons à nos voisins. + +C'a toute la pleine tasse, +C'est à vôtre bonne grace, +Capitaine Chevalier. +Si dedans vôtre cellier +Avez quelque friandise, +Faites que de vous l'on dise +Que vous estes liberal, +Honéte, & d'un coeur Royal. + +Maitre tenez vous en garde, +C'est à vous que je regarde +Ayant les armes en main. +Plegez moy le verre plein. +Cette derniere nuitée +Vous a un peu mal traitée. +Il y vint un coup de mer +Qui pensa nous abymer. +Mais vous fites diligence +De parer à la defense. + +Dieu garde le bon JONAS +De tout violent trépas, +Car s'il tomboit en naufrage +Nous y aurions du dommage, +Et m'étonne infiniment +Que cet humide element +De ses eaux ne nous accable, +Veu que le nom venerable +De Dieu y est blasphemé +D'un langage accoutumé, +Sans crainte de ses menaces. + +Neantmoins rendons lui graces, +Et avec contrition +Demandons remission +De noz fautes: & sans cesse +Soit loüée sa hautesse. Amen. + +Cherchant dessus Neptune un repos sans repos +J'ay façonné ces vers au branle de ses flots. + + M. LESCARBOT. + +[Illustration] + + + + + + + + + + + + + + + + + + +End of Project Gutenberg's Les Muses de la Nouvelle France, by Marc L'escarbot + +*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK LES MUSES DE LA NOUVELLE FRANCE *** + +***** This file should be named 21257-8.txt or 21257-8.zip ***** +This and all associated files of various formats will be found in: + http://www.gutenberg.org/2/1/2/5/21257/ + +Produced by Rénald Lévesque + +Updated editions will replace the previous one--the old editions +will be renamed. + +Creating the works from public domain print editions means that no +one owns a United States copyright in these works, so the Foundation +(and you!) can copy and distribute it in the United States without +permission and without paying copyright royalties. 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