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authorRoger Frank <rfrank@pglaf.org>2025-10-14 20:03:06 -0700
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+The Project Gutenberg EBook of James Ensor, by Emile Verhaeren
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: James Ensor
+
+Author: Emile Verhaeren
+
+Release Date: January 31, 2011 [EBook #35124]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: UTF-8
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK JAMES ENSOR ***
+
+
+
+
+Produced by Christine Bell & Marc D'Hooghe at
+http;//www.freeliterature.org
+
+
+
+
+
+JAMES ENSOR
+
+PAR
+
+EMILE VERHAEREN
+
+
+COLLECTION DES ARTISTES BELGES CONTEMPORAINS
+
+
+BRUXELLES
+
+LIBRAIRIE NATIONALE D'ART & D'HISTOIRE
+
+G. VAN OEST & CIE
+
+1908
+
+
+ * * * * *
+
+[Illustration: Portrait de James Ensor en 1875.]
+
+[Illustration: La Femme au Balai--1880.]
+
+
+
+
+I.
+
+LE MILIEU
+
+
+Souvent, des vagues venant du côté de l'Angleterre s'engouffrent
+nombreuses et larges dans le port d'Ostende. Et les idées et les
+coutumes suivent ce mouvement marin.
+
+La ville est mi-anglaise: enseignes de magasins et de bars, proues
+hautaines des chalutiers, casquettes d'agents et d'employés y font
+briller au soleil, en lettres d'or, des syllabes britaniques; la langue
+y fourmille de mots anglo-saxons; les gens des quais y comprennent le
+patois de Douvres et de Folkstone; des familles londoniennes s'y sont
+établies jadis, y ont fait souche et marié leurs filles et leurs fils
+non pas entre eux mais aux fils ou aux filles de la West-Flandre. Le
+service quotidien des malles voyageuses resserre tous ces liens divers,
+comme autant de cordes tordues en un seul cable, si bien qu'on peut
+comparer la grande île à quelqu'énorme vaisseau maintenu en pleine mer,
+grâce à des ancres solides dont l'une serait fixée dans le sol même de
+notre côte.
+
+Cette influence d'outre-mer qui imprègne le milieu où il naquit
+suffirait certes à expliquer l'art spécial de James Ensor. Toutefois
+elle se précise encore si l'on note que l'ascendance paternelle de
+l'artiste est purement anglaise. Le nom qu'il porte n'est point flamand.
+C'est à Londres, qu'il se multiplie aux devantures. Je le vis flamboyer,
+un soir, dans Soho-square et plus loin il se projetait--réclame
+mouvante--sur un trottoir d'Oxford street.
+
+L'œuvre que nous étudierons et exalterons s'élève donc au confluent de
+deux races--races saxonne, race flamande ou hollandaise--harmonieusement
+mêlées dans le sang et dans l'âme d'un très beau peintre.
+
+L'erreur serait grande si l'on se figurait qu'à cause de ses origines
+britaniques, Ensor se soit complu à réapprendre comme certains peintres
+modernes l'art des Reynolds ou des Gainsborough ou se soit assimilé
+n'importe quelle méthode des préraphaelites illustres. L'anglomanie qui
+s'est glissée jusque dans l'esthétique l'a épargné. Ce n'est point par
+des qualités extérieures et souvent artificielles qu'il se rattache aux
+maîtres de là là-bas, mais bien, naturellement, par certains dons
+fonciers et rares. Il est de leur famille, sans le vouloir. Il est
+audacieux et harmonieux comme Turner, sans qu'il s'y applique, sans
+qu'il s'en doute. Il aime les effets tumultueux et larges de Constable
+sans qu'aucune de ses toiles fasse songer aux paysages célèbres de ce
+grand peintre. La parenté est souterraine et comme secrète. Elle se
+manifeste dans la manière de comprendre et d'aimer la nature, dans la
+sensibilité aiguë de l'œil dans la franchise et l'audace des
+conceptions, dans la pratique du dessin pictural, dans la délicatesse
+mêlée à la force, dans la plaisanterie unie à la brutalité. Dès que
+cette dernière caractéristique est atteinte, James Ensor rejoint non
+plus Constable ni Turner, mais Gillray et Rowlanson plus encore que
+Jérôme Bosch ou Pierre Breughel.
+
+[Illustration: Le Christ veillé par les anges (1886).]
+
+Encore que l'influence anglaise agisse avant toute autre sur elle, c'est
+toute l'Europe et l'Amérique qui transforment pendant l'été, quand la
+saison balnéaire s'inaugure, Ostende. Les jeux et les fêtes l'exaltent
+tout à coup. Les femmes du quartier Marbeuf envahissent sa digue. Le
+monde qui l'hiver se groupe à Monte-Carle, à Menton, à Biarritz s'y
+concentre. Des nuits de lourde et chaude volupté s'y passent à la lueur
+de flambeaux. La chair s'y mire et s'y pavane aux miroirs de cabarets
+fastueux. Et la folie des villes frémissantes et trépidantes brûle
+soudain ce coin de Flandre calme et foncièrement sain et propage sa
+fièvre nocturne et flamboyante tout au long de la mer.
+
+Magasins de Paris, boutiques de Vienne, comptoirs chargés de coraux de
+Naples et de Sicile, brasseries de Dortmund et de Munich, caves remplies
+de vins de Portugal et d'Espagne vous installez votre barriolage de
+goûts et de couleurs devant les mille désirs populaires ou mondains,
+devant les appétits vulgaires ou rares, devant les convoitises baroques
+ou distinguées. La flânerie des promeneurs s'en va, à droite, vers le
+port, à gauche, vers le champ de courses, en partant de la rampe de
+Flandre où James Ensor habite. A cette large voie se relie en outre
+toute la ville basse avec ses rues étroites, les unes venant de la
+grand' place, les autres du théâtre, celle-ci de la gare et celle-là du
+marché. Le carillon n'est pas loin: on l'entend tricoter sa musique
+menue, le soir, ou bien, aux midis de réjouissances, ruer de toutes ses
+notes et s'emporter vers quelque hymne national.
+
+La foule et ses remous passe donc à toute heure du jour devant les
+fenêtres du peintre: foule élégante ou hautaine, foule grotesque ou
+brutale, cortèges de la mi-carême, processions de la fête-Dieu, fanfares
+rétentissantes des villages, sociétés chorales des villes voisines,
+cris, tumultes, vacarmes.
+
+Et ces flux et ces reflux de gestes et de pas aboutissent tous là-bas, à
+cette féerie de verre et d'émail qu'est le Kursaal d'Ostende.
+
+Avec ses dômes et ses pignons et ses rosaces et ses lanternes, avec ses
+ors élancés et ses bronzes trapus, avec ses festons de gaz et ses
+couronnes de feux, il apparaît, toutes portes et fenêtres ouvertes,
+comme un tabernacle de plaisirs éclatants et sonores. Un orchestre
+savant y fait naître, chaque jour, des floraisons de musique; des voix
+illustres s'y font entendre--orateurs ou conférenciers--et des virtuoses
+dont le nom émeut les mille échos y jettent vers l'applaudissement en
+tonnerre des foules, les phrases les plus belles des maîtres célèbres.
+Toutes les langues s'y parlent. Joueurs, financiers, gens de course,
+gens de bourse, princes et princesses, dames du monde et courtisanes,
+tout s'y coudoie ou s'y toise; s'y méprise ou s'y confond.
+
+Le soir, quand les verrières du monument flamboient face à face avec la
+nuit et l'océan, on peut croire que le bal y tournoie en un décor
+d'incendie. Du fond de la mer s'aperçoivent les hautes coupoles
+illuminées et le phare dont la lueur troue les lieues et les lieues
+semble ne lancer si loin son cri de lumière que pour héler vers la joie
+le cœur battant de ceux qui traversent l'espace.
+
+Ainsi pendant l'été tout entier Ostende s'affirme la plus belle
+peut-être de ces capitales momentanées du vice qui se pare et du luxe
+qui s'ennuie. Et ce n'est pas en vain que chaque année James Ensor dont
+l'art se plaît à moraliser cyniquement, assiste à cette ruée vers le
+plaisir et vers la ripaille, vers la chair et vers l'or.
+
+ * * * * *
+
+La chambre où il travaille ouvre, là haut, au quatrième d'une maison
+banale, son unique et peu large fenêtre. De tous les peintres modernes
+Ensor est le seul qui jamais ne se soit mis en quête d'un atelier. Lui
+le chercheur de lumière il campe ses toiles en un jour médiocre tombant
+non pas d'une verrière mais à travers les pauvres carreaux d'une baie
+verticale et parcimonieuse de clarté. Pourtant que de pages
+merveilleuses s'y élaborent et que de tons admirablement harmonisés y
+juxtaposent leurs musiques inentendues!
+
+Celui qui surprend Ensor, la haut, dans son travail, le voit surgir d'un
+emmêlement d'objets disparates: masques, loques, branches flétries,
+coquilles, tasses, pots, tapis usés, livres gisant à terre, estampes
+empilées sur des chaises, cadres vides appuyés contre des meubles et
+l'inévitable tête de mort regardant tout cela, avec les deux trous vides
+de ses yeux absents. Une poussière amie recouvre et protège ces mille
+objets baroques contre le geste brusque et intempestif des visiteurs.
+Ils sont là chez eux pour que seul le peintre leur insuffle la vie,
+les interroge les fasse parler et les introduise dans l'art grâce à la
+sympathie qu'il leur voue et l'éloquence secrète qu'il découvre en leur
+silence.
+
+[Illustration: Le Chou--1880. (Collection Ernest Rousseau)]
+
+Il est opportun de se figurer James Ensor en tête à tête quotidien et
+prolongé avec ces effigies en carton et en plâtre, avec ces débris
+d'existance et de splendeur, avec ces défroques ternes ou violentes pour
+comprendre quelques-unes des surprises de son caractère et quelques
+traits profonds et spéciaux de son art. Il est certain que pour lui, à
+telles heures d'illusion souveraine, un tel assemblage de visages,
+d'attitudes, d'ironies ou de détresses a dû représenter la vie. Elle lui
+est apparue mauvaise, déplorable, hostile. Elle lui a enseigné la
+misanthropie que seuls corrigent la farce, le rire et le sarcasme.
+
+L'existence d'Ensor entouré d'un tel décor familier ne manque pas de
+paraître énigmatique et bizarre et je ne crois pas qu'il lui répugne de
+maintenir autour de lui ces apparences. Ses paroles qui souvent
+déconcertent, ses saillies drôles, ses rires soudains et furtifs, sa
+voix sourde, sa marche lente et l'éternel parapluie qui toujours
+l'accompagne comme s'il se défiait du plus fidèle et du plus loyal
+soleil confirment l'étrange impression qu'il produit volontairement ou
+ingénûment, qu'importe.
+
+Personne que je sache ne met moins de mise en scène dans l'accueil. Les
+œvres qu'il montre ne toisent pas le visiteur du haut d'un chevalet
+comme pour lui imposer leur présence autoritaire. Ses toiles ne sont pas
+même tendues. Elles gisent roulées les unes sur les autres, en des coins
+obscurs. Elles apparaissent à la lumière ployées et gondolées et c'est
+avec peine qu'on leur trouve une zône de clarté propice afin qu'elles
+s'y étalent sans trop se nuire entre elles. Aucun commentaire
+n'accompagne leur présentation. Seul un rire menu, quand le sujet étonne
+et froisse quelque goût trop puritain. Et les œvres succédent aux œuvres
+et quand tout est montré, toujours, soit au fond d'un coffre, soit au
+fond pièce voisine se découvre une merveille oubliée dont la crasse
+voile la fraîcheur et la beauté. Un coup d'éponge donné à la hâte
+réveille la splendeur endormie.
+
+On dégringole l'écalier raide et tournant et l'on quitterait, la poignée
+de main échangée, la maison du peintre, sans plus, si le magasin du
+rez-de-chaussée, avec ses larges vitrines encombrées de bibelots ne
+retenait, un instant encore, l'attention. C'est que là, parmi les
+coquillages et les nacres, les vases de la Chine et les laques du Japon,
+les plumes versicolores et les écrans barriolés, l'imagination visuelle
+du peintre se complait à composer ses plus rares et ses plus amples
+symphonies de couleurs. Oh les notes à la fois tendres et fortes, à la
+fois subtiles et brutales, à la fois sobres et éclatantes qu'il sût
+faire vibrer en prenant comme prétexte quelque pauvre bibelot d'orient
+que la mode banalisa! Et la coquille ourlée dont le bourgeois morose
+ornera sa cheminée en marbre peint deviendra grâce à la magie, grâce à
+l'hermétisme de l'artiste, ce miracle de couleur triomphante dont
+s'éblouiront les salles les plus belles des musées modernes.
+
+ * * * * *
+
+[Illustration: Gamin--1880. (Collection Edgar Picard)]
+
+Ensor se plaît parmi ces mille riens exotiques parmi ces dépouilles
+luisantes ou vitreuses de la mer. Lui même s'intéresse parfois au trafic
+qu'en font et sa mère et sa tante, marchandes tenaces et expérimentées.
+Souvent le soir, la causerie rassemble autour des comptoirs la famille
+entière. La sœur du peintre et sa nièce qu'il affectionne vivement sont
+là. Et l'on parle d'Ostende, non pas de l'Ostende ruée aux fêtes et aux
+plaisirs de l'été, mais de l'Ostende automnale qui se plaît dans la
+déréliction et le silence. Ensor adore celle-ci avec ses rues étroites,
+ses places humbles et désertes, ses petites boutiques vieillottes au
+fond des quartiers populaires et ses propres et luisants estaminets où
+l'odeur de la bière se mêle à des relents de poisson sec et de crevettes
+humides. C'est là qu'il dessina maint pêcheur à vareuse bleue, à boucles
+d'oreilles étroites, à pantoufles multicolores. C'est là qu'il rencontra
+et qu'il interpréta en des croquis larges et vivants, les vieilles
+femmes à mantelets, avec de lourds et noirs capuchons de drap recouvrant
+leur intact et fragile bonnet blanc.
+
+La vie du port est la seule vie d'Ostende, l'hiver. Elle ne pénètre
+point la ville; elle n'anime que ses confins. C'est une vie en bordure.
+Oh les câbles et les amarres au long des quais, les voiles rousses et
+brunes dans le brouillard gris, les proues sculptées des vieux navires
+s'apercevant du fond d'une ruelle et les mouettes blanches, entrant dans
+les bassins et volant, dirait-on, à travers les entrecroisements
+dédaliens des haubans et des vergues! Et les petites boutiques, en plein
+vent, à l'angle des ponts et les plies et les limandes qui sèchent dans
+le courant d'air des fenêtres et la marmaille grouillante parmi les
+écailles de moules versées en tas, sur le trottoir! O cette vie comme
+goudronnée au contact des bateaux, des cordes et des voiles; cette vie
+tranquille, têtue et dangereuse qui fait les races calmes ou violentes
+comme ces mers du Nord dont elles vivent depuis mille ans. Elle n'a
+qu'un sursaut, en Février, aux temps du carnaval. Et combien
+mélancolique et brutal! Et combien morne et quelquefois sanglant!
+
+Ensor a traduit cette liesse en des œuvres quasi sinistres et qui
+étonnent et qui font peur. Le pittoresque de l'accoutrement, l'usure de
+la défroque, la drôlerie muette de masque, l'ennui qui semble suinter
+des murs tout se ligue pour provoquer une impression sombre avec des
+éléments soi-disant gais.
+
+Je me souviens d'un Mardi gras passé à Nieuport, jadis, avec des amis.
+Jamais je ne compris mieux la folie et la tristesse des masques d'Ensor.
+
+Des groupes ivres battaient les rues. En des salles de danse, à moitié
+désertes, avec de pauvres musiciens grelottant de froid dans un coin, la
+valse fouettait deux ou trois couples tournoyants et muets, avec les
+lanières usées de sa musique banale et sifflante. Un ivrogne, orné d'un
+faux nez violet, titubait près du comptoir et sa commerre dépoitraillée
+et gisante contre une cloison, mordait, machinalement, les crins de sa
+perruque descendue sur ces yeux. Un bout de bas blanc passait à travers
+les trous de son soulier. Un hoquet lourd et profond lui sécouait, de
+temps en temps, le ventre. Et l'ivrogne riait et pleurait tour à tour
+devant elle.
+
+Lorsque James Ensor se plaisait à traduire par le pinceau de telles
+scènes grotesques et lamentables, il était le compagnon falot qu'Eugène
+Demolder, assignait, sous le déguisement de Fridolin, au grand Saint
+Nicolas. James Ensor donnait la réplique, dans le livre du poète
+d'Yperdamme, au joyeux et doux patron des petits enfants de la
+West-Flandre. Il jouait, en ce temps là, de la flûte et se promenait,
+avec deux carlins boulus, renfrognés et fidèles.
+
+[Illustration: Croquis.]
+
+L'effigie qu'Henri de Groux vient de nous donner de James Ensor nous le
+représente robuste et presque gras. Les cheveux grisonnent, le teint
+s'enlumine, l'allure est massive. L'appuie-main tenu entre les doigts
+fait songer vaguement à quelque sceptre. Ensor semble commander à son
+art dont une page caractéristique se devine au fond de la toile. Le
+voici donc tel que l'âge mûr le définit. Au surplus l'œuvre compte et
+s'affirme excellente.
+
+Toutefois j'aime à me souvenir d'un tout autre James Ensor, celui que je
+connus, il y a vingt ou vingt-cinq ans, avec un corps svelte, un teint
+pâle, des yeux clairs, des mains longues fiévreuses et fines. Non pas un
+dandy, car une mise négligée presque toujours rejetait cette
+comparaison, mais une sorte de jeune parlementaire britanique qui
+faisait songer à Disraeli.
+
+James Ensor parlait peu, se tenait sur la réserve, avec un air fermé et
+craintif. On lui prêtait un caractère difficile et ombrageux. Il avait
+certes, la pleine conscience de sa force naissante; il n'admettait
+aucune restriction sur l'entière personnalité de son art et se
+rebiffait, dès que l'ombre d'une injustice l'effleurait dans la mêlée de
+la vie. La haine de la critique bouillonnait en lui, comme chez tous les
+artistes vrais et impérieux. Il ne pouvait admettre qu'on ne le comprit
+pas et que sa peinture qui lui paraissait toute simple et naïve ne
+s'imposât point, du premier coup, grâce à sa sincérité absolue. Il
+oubliait la difficulté ardue, que rencontre tout esprit dès qu'il veut
+pénétrer de sa lumière à lui quelqu'autre esprit fut-il voisin du sien
+et combien le baptême de l'hostilité et du dénigrement est salutaire
+à toute originalité naissante. C'est parce qu'il fut bafoué, nié,
+villipendé jadis que sa victoire aujourd'hui nous apparaît si consolante
+et si belle. La gloire ne se livre pas; elle se prend d'assaut. Elle se
+retranche derrière une muraille d'hostilités et de sarcasmes.
+
+[Illustration: Vieux Pêcheur--1881. (Collection Edgar Picard)]
+
+Tout artiste vrai est un héros ingénu. Il faut qu'il souffre pour qu'un
+jour il ait la joie d'imposer a tous sa victorieuse personnalité totale.
+En ce temps-ci ou chacun est tout le monde, le poète, le peintre, le
+sculpteur, le musicien ne vaut que s'il est authentiquement lui-même.
+C'est le plus réel des privilèges que la nature, sans aucune
+intervention autre que celle de sa puissance, confère et maintient à
+travers les siècles et seul le poète, le peintre, le sculpteur, le
+musicien en peut jouir pleinement.
+
+Oh ces débutants choyés dès qu'ils apparaissent et par la critique et
+par le public! Aucune de leurs toiles ne survit après vingt ou trente
+ans. Ils n'ont jamais passionné personne. Ils n'ont connu ni la révolte
+de leurs maîtres, ni la jalousie de leurs amis, ni la haine de la foule.
+Ils ont été banalement heureux en attendant qu'ils soient banalement
+quelconques. Les Salons triennaux out accueilli leurs essais à la rampe
+mais les Musées rejetteront bientôt leurs œuvres dans les coins. Ces
+peintres-là sont morts depuis longtemps quand sonne leur agonie. Et leur
+nom de plus en plus pâle, de plus en plus éteint, de plus en plus oublié
+ne trouve plus refuge qu'aux pages jaunies d'un catalogue ou il finit
+par se confondre avec un pauvre et morne numéro.
+
+Il importe donc d'aimer et les attaques et les batailles, les coups
+portés avec enthousiasme et reçus avec courage. L'ivresse suprême réside
+dans la conscience qu'on a d'être une belle force humaine. Et rien ne
+l'exalte autant que la violence et l'injustice. L'émeute autour d'une
+toile nouvelle est un sacre à rebours. L'artiste y doit puiser non
+l'abattement mais le lyrisme. Sa vraie vie commence, dès cet instant. Et
+l'œuvre doit succéder à l'œuvre, sans compromission, sans reticence,
+audacieusement, toujours, jusqu'à l'heure où cessera le rire et se taira
+la huée. Et qu'importe si la colère montante ne se retire que devant le
+tombeau. Les triomphes posthumes sont les plus sûrs.
+
+Je doute que James Ensor ait admis ces vérités aux temps de sa jeunesse,
+mais je sais qu'il a toujours agi comme si leur lumière vivait en son
+esprit.
+
+
+
+
+II.
+
+LES DÉBUTS
+
+
+L'époque pendant laquelle débuta James Ensor fut pour la patrie, un laps
+de temps héroique et fécond. Aujourd'hui qu'il est loin, il apparaît
+quasi légendaire.
+
+Un miracle se fit tout à coup. Le pays, habitué à ne produire que des
+peintres, suscita des sculpteurs et parmi eux un génie: Meunier. Bien
+plus; la Belgique hostile aux lettres et vouée depuis longtemps à la
+littérature des parlementaires et des journalistes, se para d'une
+floraison de poètes.
+
+Les coutumes furent à tel point bousculées, les réputations assises à
+tel point secouées sur leurs sièges, qu'il y eut comme un tremblement
+des cerveaux. On n'osait y croire; on n'y croyait pas. Notre sol qui se
+couvrait du seigle annuel des lucratives affaires et du froment régulier
+des prospères négoces ne pouvait tout à coup se modifier assez
+profondément pour nourrir de sève et exalter vers la lumière des odes
+belles comme des chênes et des idylles fragiles et jolies comme des
+arbustes. L'extraordinaire fut taxé d'impossible et des «bouches
+autorisées» déclarèrent qu'en tous cas le prodige n'aurait pas de
+suites.
+
+Il en eut d'admirables.
+
+Malgré les oppositions soit franches, soit sournoises, malgré les mille
+cris des feuilletonistes inquiétés dans leurs goûts et leurs habitudes,
+malgré la compacte et massive inertie et la bêtise au front non pas de
+taureau mais de bœuf, les nouveaux écrivains s'affirmèrent, d'année en
+année, plus clairs, plus hauts, plus purs. Si bien qu'aujourd'hui ils
+sont tout et leurs détracteurs d'antan, rien. L'opinion a été retournée
+comme un vêtement dont on secoue les poussières, dont on vide les poches
+des vieux préjugés qu'elles recélaient, dont on brosse le drap depuis le
+col jusques aux pans et qu'on désinfecte enfin en tous ses plis.
+Aujourd'hui les générations littéraires se succèdent les unes aux
+autres, comme les générations des peintres; l'art d'écrire est acclimaté
+parmi nous; la presse est passée aux mains des écrivains, la foule se
+fait attentive et le pouvoir récompense et s'émeut. C'est une victoire
+qu'on ne conteste plus.
+
+Or, ces prosateurs et ces poètes de la vie dans la phrase se virent
+attaqués en même temps que les peintres de la vie dans la lumière. Leurs
+ennemis se liguaient entre eux; ils se liguèrent entre eux contre leurs
+ennemis. Cela se fit avec entrain et naturel parce que la nécessité
+souveraine nouait elle-même les liens d'entente. Le consentement fut
+tacite et rapide.
+
+Jamais les polémiques d'art ne furent aussi vives, aussi ardentes, aussi
+impitoyables. On frappait avec des poings sauvages; on n'avait égard ni
+à la vieillesse ni aux situations prises; on était fier d'être partial
+et féroce. La norme était franchie joyeusement, ventre à terre; toute
+réticence devenait trahison, toute justice rendue aux adversaires raison
+de blâme et de défiance. La tolérance est une force de l'âge mûr. Elle
+est une tare et une faiblesse quand on se trouve à la tête de ses vingt
+ans.
+
+[Illustration: La Dame sombre--1881. (Collection Edgar Picard)]
+
+Oh l'orage des discussions autour des noms de Khnopff, de Schlobach, de
+Van Rysselberghe, de Dario de Regoyos, de Wytsman, de Finch, de Toorop
+et d'Ensor! La belle mêlée de colères et sarcasmes! Les lourdes attaques
+et les folles défenses! Les fiers éclairs dont on foudroyait les
+esthétiques vieillies et les règles désuètes. On s'exposait avec joie,
+on dardait son audace partout et l'on se reprochait sans cesse de
+n'avoir pas été assez violemment téméraire. Vraiment la vie passionnée
+était belle, en ce temps-là!
+
+Les peintres novateurs s'étaient d'abord cantonnés à l'_Essor_, société
+d'art où se mêlaient des talents avancés et rétrogrades. Une scission
+eut lieu. Elle était fatale. Les plus hardis s'en allèrent, laissant
+végéter le cercle où s'éteignaient, une à une, toutes les flammes des
+forces et des ardeurs.
+
+_Les XX_ furent crées. L'idée en est due, m'assure-t-on, à Charles Van
+der Stappen qui s'en ouvrit à Octave Maus et à Edmond Picard. Cela se
+passait, au temps des vacances, à Famelette, près de Huy, où chaque
+année Edmond Picard accueillait les artistes comme des hôtes de choix.
+«Peintres et sculpteurs se réuniraient au nombre de vingt,
+organiseraient une exposition annuelle et inviteraient vingt autres
+artistes déjà consacrés. Ceux-ci seraient choisis parmi les maîtres dont
+l'art était fier, libre et encore combatif».
+
+Quand l'exposition s'ouvrit en février 1884, tout le monde, partisans et
+adversaires, étaient sous les armes. Des revues de combat étaient nées:
+_l'Art Moderne, la Jeune Belgique, la Société Nouvelle, la Basoche_.
+Même certains journaux--telle _la Réforme_ et _le National belge_--se
+montraient attentifs et bienveillants. Quelques peintres parmi les
+aînés, les Heymans, les Smits, les Baron, quelques sculpteurs, les
+Meunier, les Van der Stappen, les Vinçotte avouaient, par leur présence
+et leur parole nette, combien la tentative et l'audace des vingtistes
+leur agréaient. On les comptait; dix-sept peintres: Periclès Pantazis,
+Guillaume Vogels, Willy Finch, Dario de Regoyos, Théo Van Rysselberghe,
+Frantz Charlet, Rodolphe Wytsman, Frans Simons, Piet Verhaert, Théodore
+Verstraete, Guillaume Van Aise, Jean Delvin, Charles Goethals, Guillaume
+Van Strydonck, Fernand Khnopff, James Ensor et trois sculpteurs: Achille
+Chainaye, Paul Dubois, Jef Lambeaux. Parmi les invités se signalaient
+Israëls, Rops, Stobbaerts, Maris, Rodin. Aucun nom d'impressionniste
+français ne figurait au catalogue. Monet et Renoir n'exposèrent qu'à la
+troisième exposition des _XX_, en 1886.
+
+[Illustration: Squelettes musiciens (1888).]
+
+C'est à cette date que, l'animosité ayant crû d'année en année, le
+critique d'art de _la Jeune Belgique_ s'exprima de la sorte,--nous
+citons l'extrait qui n'est certes pas un modèle de goût, uniquement pour
+montrer la rudesse des polémiques--:
+
+«Oh la triomphale journée que celle du 6 février! _Les XX_ sont ouverts.
+Désormais la bêtise belge a sa date! On dirait qu'à cette «première»
+artistique le cerveau bourgeois se dégorge par toutes ses
+circonvolutions. Il en jaillit des excréments de sottise. Cela rappelle
+des opérations d'abattoir. Le porc est tué: il est suspendu, ventre
+ouvert, à de grossières tringles, les boyaux sont jetés sur l'étal,
+fumants et flasques.
+
+«Les avez-vous vu vider? La bêtise belge et bourgeoise, c'est cela.
+
+«Ce qui se débite d'âneries en ces quelques heures devant ces quarante
+exposants ferait un fumier monumental. Dames élégantes à bouche pincée
+de souris prude, fourrures confortables avec un ventre officiel dedans,
+gommeux monoclés, académiciens rances, peintres deshonorés de rubans
+rouges, réputations tuées depuis longtemps dans leur propre _Bataille de
+Lépante_ et leur propre _Peste de Tournay_, prud'hommes énormes,
+collectionneurs d'eux-mêmes, tout cela potine, commère, hausse les
+épaules, passe et fuit devant ces quelques centaines d'œuvres d'art qui
+hurlent l'avenir. Et des rages! Voici un Monsieur qui s'arrête devant
+les Toorop et jure comme un porte-faix et trépigne et remue les poings
+... qu'il tient en poche. Tel autre s'affale sur un banc et crie qu'il
+faut «brûler tout».
+
+«Les années précédentes il y avait çi et là un tableau «à la portée du
+premier venu» un tableau sauveur ... aujourd'hui, rien.
+
+«Oh les pauvres oiseaux qui se cognent aux murs d'une cave obscure! Pas
+un coin où se tenir tranquille sur un perchoir d'admiration bon-enfant.
+Pas un coin où débiter le monologue d'amateur éclairé devant un
+auditoire de mamans et de fillettes. Pas d'opinion juste-milieu
+possible. Ou la haine ou l'emballement.»
+
+C'était le ton. On le prenait, sans le savoir. L'atmosphère de bataille
+est grisante. On la trouve trop chaude quand on en est sorti. Quand on
+la respirait, elle était vraiment et bellement violente, exaltante et
+fiévreuse.
+
+L'histoire des _XX_ devrait, un jour, se faire, année par année. On y
+insisterait sur les successives et graduées victoires des peintres du
+plein-air en Belgique. On y pourrait mettre également en relief la
+manière nouvelle dont les œuvres y furent présentées. Pour la première
+fois on y juxtaposait toutes les pages d'un même peintre. Et toutes
+s'étalaient à la rampe. Des tentures de fond harmonieuses étaient
+choisies. Des chiffres d'or décoraient discrètement les murs.
+
+Peu à peu les conférences s'inauguraient et bientôt les auditions
+musicales. Le directeur des _XX_, Octave Maus, s'y employait avec zèle
+et goût. Les _XX_ qui plus tard abandonnèrent leur titre au profit de
+celui de _Libre Esthétique_ devinrent ainsi un milieu de lutte précieux.
+Le mois de février ou de mars qu'ils choisissaient, annuellement, pour
+se grouper, combattre et triompher fut un mois de joie violente et âpre.
+Bruxelles interrompait ou plutôt clôturait par une fête intellectuelle
+l'ennui et la somnolence du morne hiver. L'art mettait avant, le
+printemps, une ardeur de renouveau dans les têtes. Et bientôt dans
+toutes les capitales de l'Europe des salons, organisés d'après celui qui
+s'ouvrait, chaque année, chez nous, multiplièrent les batailles et les
+triomphes des peintres et des sculpteurs hardis et révolutionnaires.
+Munich, Vienne, Berlin, La Haye, Paris, toutes ces villes eurent des
+_Libres Esthétiques_ dont elles changeaient simplement le nom.
+
+Ensor est le premier de tous nos peintres qui fit de la peinture
+vraiment claire. Il substitua l'étude de la forme épandue de la lumière
+à celle de la forme emprisonnée des objets. Cette dernière est violentée
+par lui, hardiment. Tout est sacrifié au ton solaire, surtout le dessin
+photographique et banal. A ceux qui, devant ses œuvres, vaticinent: «ce
+n'est pas dessiné», Ensor peut répondre: «c'est mieux que ça».
+
+Son influence fut notable sur ses amis. A part Fernand Khnopff--et
+encore dans sa toile _En écoutant du Schumann_ a-t-il peint le tapis en
+se souvenant de l'_Après-midi à Ostende_--tous subirent plus ou moins la
+fascination de son art. Ceux qui s'en garaient le plus, Van
+Rysselberghe, Schlobach, de Regoyos, Charlet parlaient de lui avec une
+admiration aiguë. Ils sentaient sa force; ils ne tarissaient point sur
+les dons qu'il manifestait, et hautement le proclamaient le plus beau
+peintre du groupe entier.
+
+Mais d'autres, tels que Finch et Toorop, se montrèrent attentifs, non
+pas à son enseignement--James Ensor n'en donna jamais--mais à sa façon
+nouvelle de traiter et de vivifier les couleurs. Il fut leur maître sans
+qu'il le voulût et peut-être sans qu'ils le sussent. Ils étaient
+compagnons, se rencontraient sans cesse, se montraient l'un à l'autre le
+travail du jour, causaient de l'œuvre en train, discutaient,
+s'exaltaient. Finch, flegmatique et silencieux, observait, certes, plus
+qu'il ne parlait, mais ses yeux prenaient part mieux que ne l'eût fait
+sa langue aux entretiens du soir en face de la toile, humide encore.
+
+La nature complexe et curieuse de Toorop s'assimila facilement les
+procédés et les techniques. Sa _Dame en blanc_ fut un magnifique hommage
+rendu à l'art merveilleux de son ami.
+
+Faut-il ajouter que, depuis ces temps lointains, Toorop et Finch se sont
+dégagés de l'amicale influence et que leur art d'aujourd'hui est à eux
+seuls. A part cette domination temporaire, James Ensor n'en a guère
+exercée. On le comprend du reste. Sa personnalité n'est pas assez
+purement flamande pour influencer longuement et décisivement les
+artistes d'ici. Et Finch et Toorop étaient eux-mêmes l'un Anglais,
+l'autre Javanais.
+
+
+
+
+III.
+
+LES TOILES
+
+
+C'est de 1880 à 1885 que James Ensor produisit ses toiles les plus
+belles. Son œuvre n'est point une moisson d'été ni une vendange
+d'automne; c'est avant tout une germination de printemps. Sa force libre
+jusqu'à l'excès, sa personnalité violente jusqu'à l'exaspération, son
+indépendance superbe et outrancière lui ont fait une jeunesse admirable.
+Il créait abondamment, surabondamment même, avec acuité. Avant que la
+critique nombreuse se fût acharnée sur lui, il avait produit, déjà, tout
+ce qui plus tard devait susciter la bienveillance ou la haine. Il n'a
+donc pu donner ni à la louange ni au blâme le temps d'avoir prise sur
+lui ni de modifier en quoi que ce fût son travail. L'éclosion de son
+talent fut comme une explosion. D'un coup, il apparut presque en toute
+sa stature.
+
+Il débute en 1879 par peindre son _Propre portrait_; il y joint deux
+compositions: _Judas lançant l'argent dans le Temple_ et _Oreste
+tourmenté par les Furies_; puis dès 1880 apparaissent _le Lampiste_
+(exposé à _l'Essor_ en 1883 et aux _XX_ en 1884) et _la Coloriste_, deux
+toiles où tout son art est affirmé, et ce merveilleux _Flacon bleu_
+qui demeure peut-être la plus étonnante nature-morte qu'il ait signée.
+Oh le merveilleux morceau! Une table grossière supporte un poulet plumé,
+minable, douloureux, dont le cou pend dans le vide et dont la chair aux
+tons verdâtres inquiète. Largement, par ci, par là, à coups de couteau,
+la couleur est étendue. La main qui construit et peint avec une telle
+solidité, avec une telle prestesse semble déjà celle d'un maître. Et
+l'œil qui voit et qui précise le ton magnifique et choisi de la
+bouteille connaît déjà toute la force et la rareté d'un ton. Certes, la
+composition est absente: ce n'est qu'un morceau amoureusement traité; ce
+n'est qu'un coin de cuisine montré sous un éclairage propice, mais que
+de vie lumineuse, que de splendeur, que d'éclat! Aucune nature-morte
+célèbre ne s'interpose ici entre l'œuvre et l'admiration du passant.
+Tout est neuf, spontané, patent, définitif. Où donc a-t-il été éduqué le
+regard qui voit ces pauvres et quotidiens objets comme personne ne les a
+vus jamais? Renferme-t-il en lui même une subtilité, une délicatesse
+inconnues ou bien le spectacle de la mer que le peintre a sans cesse
+devant les yeux et qui s'offre à lui avec ses désinences infinies de
+teintes à chaque heure du jour--aubes, midis et soirs--a-t-il doué
+l'artiste d'un sens extraordinaire?
+
+[Illustration: Lampiste--1880. (Musée de Bruxelles)]
+
+_Le lampiste_ qui décore, à cette heure, le Musée moderne de Bruxelles
+est très simple d'arrangement. Sur fond gris, un gamin, tout entier
+habillé de noir, tient en main une lanterne de cuivre. Il la regarde et
+le verre et le métal brillent. On pourrait dire que le sujet du tableau
+existe dans la couleur elle-même. Ces larges masses grises et noires
+qu'animent les quelques détails jaunes du lumignon réalisent comme un
+conflit apaisé. Du reste tout tableau n'est-il pas une sorte de combat?
+Les tubes se présentent avec leur violence et leur diversité de couleurs
+comme chargés de mitraille dangereuse. Si le peintre n'en calcule point
+la force, s'il les laisse détonner, sans discipliner leur vacarme, s'il
+ne les contient d'un côté pour leur mieux donner carrière de l'autre, la
+bataille qu'il livre sera irrémédiablement perdue. Il faut qu'il prévoie
+ce que les orangés voisinant avec les bleus, ou les verts avec les
+rouges, ou les jaunes avec les violets, donneront d'éclat. Il faut qu'il
+juge comment les teintes transitoires atténueront tel ou tel choc de
+couleurs trop hardies. Il faut qu'il sache ce qu'un ton franc posé à tel
+endroit apporte de désordre ou de vie dans l'ensemble. Il existe une
+façon lâche de peindre, grâce au blaireautage, qui escamote les
+difficultés et affadit l'art. Ce procédé veule et funeste, Ensor ne le
+connaîtra jamais.
+
+L'éclat de la lanterne que le lampiste tient en ses mains rayonne
+franchement mais sans brutalité; les noirs sur lesquels l'objet lumineux
+se détache le soutiennent par leur vigueur sombre; il n'y a aucun heurt,
+il n'y a que de l'audace heureuse.
+
+_La Coloriste_ est d'un jeu de couleurs plus abondant que le _Lampiste_.
+Une femme en blanc est assise dans un atelier éclairé par une fenêtre.
+Des étoffes, des vases et des écrans l'entourent. Cette toile fut
+montrée à la _Chrysalide_ en 1881. Ce Cercle déjà ancien et dont le lieu
+d'exposition s'ouvrait salle Janssens (rue du Gentilhomme, alors rue du
+Petit Écuyer), avait à sa tête des maîtres: Louis Dubois, Artan, Vogels,
+Rops, Pantazis et d'autres. On y cultivait une peinture aux qualités
+solides, faite au couteau et qu'on prétendait sortie ou plutôt dérivée
+de la puissante et rayonnante esthétique des ancêtres. Cette opinion,
+certes, n'était point mensongère, encore qu'il fallût convenir que ces
+puissants peintres qui, à juste titre, se réclamaient de leur origine
+avaient tous regardé avec trop d'insistance les toiles du Franc-Comtois
+Courbet. Il est vrai que ce dernier aimait à s'arrêter longuement devant
+celles de Rubens, de Snyders et de Jordaens et que la peinture
+puissante et truculente, ferme et savoureuse, qu'il prônait n'était
+autre que la peinture flamande elle-même.
+
+[Illustration: Croquis.]
+
+Dans la _Coloriste_ la couleur n'est plus comme dans le _Lampiste_
+distribuée par larges plans. Au contraire. Elle se divise, se dissémine,
+se parsème. Sans le tact d'Ensor la multiplicité des verts, des rouges,
+des bleus, des jaunes aboutirait à quelque papillotage. Les écrans
+peints ne seraient qu'un assemblage de fusées et le tableau mentirait à
+son titre. Mais le peintre a voulu que la _Coloriste_ enseignât ce que
+doit être une toile bien venue. Sur un fond, où les roux et les gris
+établissent leurs accords profonds et solides, les tons clairs et
+multicolores chantent, avec justesse et variété, leurs notes hautes et
+vives et chacune d'elles s'appuie, avant de s'élancer vers la joie, sur
+le tremplin des vigoureuses sonorités fondamentales. L'ensemble tient de
+l'un à l'autre bout de la toile, les liens subtils, qui unissent les
+teintes entre elles comme les notes d'un page de musique heureusement
+écrite, se serrent et se nouent partout.
+
+_La Musique russe_ (Salon de Bruxelles, 1881 et les _XX_,
+1886)représente le peintre Finch assistant à quelqu'audition musicale
+qu'une pianiste lui donne. L'œuvre est plus qu'un portrait. L'auditeur,
+assis sur une chaise, se croise les jambes, rejette légèrement le corps
+en arrière, détourne aux trois quarts la tête et, dans cette pose
+attentive et tendue, écoute. Ce sont des gris délicats rehaussés ci et
+là d'une couleur plus vive qui constituent l'harmonie en demi-teinte du
+tableau. Aucun accent violemment sonore, mais une succession de nuances
+et de touches assourdies comme si la musique frêle, étrange, atténuée
+qu'on est sensé entendre commandait à la peinture. La difficulté
+consistait à réaliser, sans nuire à l'intérêt ni à la joie des yeux, cet
+art comme à demi-voix. Il fallait qu'on sentit le silence de cet
+appartement que troublent seuls quelques accords ou quelques chants et
+qu'à l'exemple de l'unique auditeur on y fût attentif.
+
+[Illustration: Musique Russe--1880. (Collection A. Boch)]
+
+Et comme contraste à cet art discret et mesuré, voici qu'un peu plus
+tard, en 1883, Ensor, sous le titre: _Chinoiseries_ peint en pleine
+clarté sonore quelques potiches remplies de pivoines. On ne sait ce
+qu'il faut louer le plus, ou bien la couleur laiteuse des tons bleus et
+blancs du vase, ou bien le dessin large et sûr de son décor. Que ce soit
+le dessin cette fois, car jamais, me semble-t-il, l'artiste n'a mieux
+affirmé ce qu'est pour lui dessiner en peignant. La ligne, en cette
+œuvre franche et belle, est la couleur elle-même. Elle ne vit pas d'une
+vie indépendante, elle crée en même temps la forme et le ton et, si
+j'ose dire, l'ossature et la chair. Ceux qui prétendent qu'Ensor ignore
+la forme oublient sans cesse que le dessin de Rubens et de Delacroix est
+l'opposé du dessin d'Ingres et de Raphaël. Ceux-ci ne font que remplir
+par des couleurs le vide laissé entre les lignes tracées d'avance;
+ceux-là peignent d'abord et leur dessin résulte de la justesse des
+valeurs entre elles, ou si l'on veut, n'est que le résultat du jeu des
+ombres et des clartés. C'est le coup de brosse, et non pas le crayon ou
+le fusain, qui écrit les formes si bien que dans leurs tableaux rien
+n'est dur, rien n'est découpé, rien n'est sec, rien n'est séparé soit du
+fond, soit de l'objet voisin. Ils ne cernent pas des images; ils
+traduisent la vie.
+
+Bien plus. Les artistes linéaires tels qu'Ingres et Raphaël ne
+s'embarassent ni des ombres ni surtout des reflets. Pour eux, les êtres
+et les choses semblent n'exister que dans une sorte de vacuité
+atmosphérique. La lumière qui les baigne est toute artificielle et le
+vide semble seul les contenir. Chaque objet existe d'une vie solitaire.
+Il ne subit en rien la loi des interinfluences. Il apparaît, s'il est
+beau, d'une grandeur presque toujours stérile. Il est jailli du
+raisonnement et de la pensée; il ne l'est jamais--si je puis dire--d'une
+émotion sensuelle. Or, c'est précisément cette joie de voir le monde
+entier s'épanouir dans la réelle et mouvante lumière, qui suscite en
+quelques êtres de choix le désir et bientôt l'art de peindre. Ensor se
+range parmi eux. Nous verrons comme il tient compte de ces ombres et de
+ces reflets que dédaignait M. Ingres et comme il les rend naïvement,
+scrupuleusement, de peur d'enlever n'importe quel élément de vie et de
+splendeur à la réalité.
+
+Les sujets les plus humbles le requièrent. Voici qu'il peint _poissons,
+bouteilles, pommes_. Et voici qu'un simple _chou vert_ (1880) posé sur
+une table rouge lui fait faire un chef-d'œuvre. Une lumière nouvelle,
+qui s'affranchit soudain des oppositions violentes entre les avant-plans
+et les arrière-plans, baigne cette merveilleuse nature-morte. Elle fut
+exposée en 1884 au Cercle artistique de Bruxelles et l'an dernier (1907)
+au Salon d'automne de Paris. Elle n'y perdit rien de ces prestiges
+d'autrefois. Elle étonna et charma autant que quelques superbes Cézanne
+rassemblés en une salle voisine. Elle apparut à tous avec ses qualités
+de belle sagesse et de maîtrise. C'était l'œuvre devant laquelle on
+s'arrête et l'on revient. Le rouge de la table sonnait en même temps que
+le vert du légume. Ces deux couleurs complémentaires n'étaient séparées
+que par une nappe blanche qui atténuait la violence qu'aurait produite
+leur immédiat voisinage. Chaque objet était peint à sa place, avec une
+sûreté parfaite. Rien ne violentait l'attention, mais chaque coup de
+pinceau la retenait. Et l'on songeait que le signataire de cette
+merveille fut qualifié, jadis, par la critique, d'artiste iconoclaste et
+sauvage et l'on ne comprenait pas. C'est, du reste, le propre des œuvres
+vraiment fortes d'étonner à leur apparition par leur soi-disant audace
+et de s'imposer après quelques années par leur absolue convenance.
+
+[Illustration: Le Salon bourgeois--1881. (Collection Ernest Rousseau)]
+
+Elles déroutent d'abord, elles ameutent et révolutionnent. Mais, le jour
+qu'elles entrent dans les musées et qu'elles voisinent avec les pages
+solennelles des maîtres et se trouvent enfin chez elles, en lieu sûr,
+dans la compagnie qui leur convient, on est surpris, chaque fois, de les
+voir très simplement continuer et rajeunir l'histoire de la beauté.
+
+C'est dans le _Salon bourgeois_ (1881) autant que dans _Musique russe_
+(1880) et plus tard dans la _Mangeuse d'huîtres_ (1882), qu'on peut
+constater combien l'art de James Ensor tient compte du rôle, dans un
+tableau, des ombres et des reflets. «La lumière mange les objets»
+dit-il. Et en effet rien ne déforme le contour et la ligne comme une
+brusque clarté frappant les surfaces. Dès que vous prétendez rendre ce
+que l'œil voit et non pas seulement ce que le raisonnement prouve, un
+meuble (table, piano, armoire, chaise) apparaît en perpétuelle
+déformation. Que la lumière s'accentue ou s'affaiblisse, qu'elle change
+ou se déplace, aussitôt la réalité visuelle se modifie, alors que la
+réalité palpable demeure. Or c'est la réalité visuelle, c'est la
+tromperie et l'erreur de l'œil qu'il faut peindre puisque vous vous
+adressez aux yeux des spectateurs et non pas à leur toucher. Ce jeu sans
+cesse mouvant des ombres et des reflets, ces influences réciproques des
+choses interrompant soudain soit la ligne perpendiculaire d'un pied de
+table, soit les droites parallèles d'un panneau d'armoire, soit les
+courbes d'un dossier de chaise et dérangeant ainsi tout le décor
+géométrique d'un appartement, séduit le peintre moderne plus qu'il ne
+séduisait les peintres anciens. Il ne s'en dissimule point la difficulté
+et l'affronte, dût son dessin paraître vacillant et incertain, dût sa
+composition chavirer dans un apparent deséquilibre. Qu'on examine
+l'_Après-dîner à Ostende_ ou la _Musique russe_, ou la _Mangeuse
+d'huîtres_, l'on se rendra aisément compte de combien de dangers
+picturaux l'art d'Ensor est sorti vainqueur. Ce n'est, en ces trois
+toiles, qu'un entremêlement de lueurs et d'ombres, d'objets frappés de
+clarté soudaine à côté d'autres restés voiles et la lumière qui glisse
+sur l'acajou, se répand sur les marbres, atteint les lustres, descend
+sur les tapis et se dissémine partout. Si la clarté provoquait l'écho,
+on n'entendrait, ici, que des répercussions et des voix qui se
+répondent.
+
+Je me souviendrai toujours de l'étonnement que je ressentis, il y a
+quelque vingt-cinq ans, à l'exposition de l'_Essor_ (1882), devant un
+_portrait_--c'était celui de son père--qu'Ensor y exposait. La toile
+était accrochée à la rampe près d'une porte dans un des halls du
+Palais des Beaux-Arts, rue de la Régence. Au milieu des œuvres jeunes
+qui sollicitaient par leur tapage et leur inexpérience, celle-ci
+proférait on ne sait quoi de grave, d'appaisé et de sévère. Elle était
+conçue par grands plans: des bleus, des noirs, des blancs réalisaient sa
+très simple harmonie. A droite, la clarté, tombant d'une fenêtre à
+travers des rideaux pâles, baignait le front d'un homme qui lisait. Une
+cheminée en marbre occupait le fond, à gauche. La figure était attentive
+à sa lecture. Et le silence régnait. La profondeur du ton, sa solidité,
+sa force commentait seule l'intensité de cette scène. C'était donc par
+des moyens uniquement picturaux que l'attention était fixée et
+l'impression produite. Aucune distraction n'était permise. C'était de la
+vie nue montrée dans sa réalité quotidienne, sans plus.
+
+[Illustration: Dame en détresse--1882.]
+
+_L'après-midi à Ostende_--refusé en 1884 au Salon de Bruxelles--qui fut
+peint dans la même année que le _Portrait de mon père_ (1881) nous
+attire, par contre, grâce à son charme abondant de tons variés. L'étoffe
+multicolore d'un tapis de table, les éclats métalliques d'un foyer, la
+décoration des lampes de la cheminée, les jupes et les corsages des deux
+personnes assises face à face permettent au peintre le jeu d'une
+admirable harmonie sourde et comme étouffée, malgré la violence locale
+des objets, hauts en couleur. Tout ici est en sourdine. La distinction
+des tons est parfaite. Un authentique peintre flamand aurait fait sonner
+comme une fanfare et les cuivres et les aciers et les étoffes. Il y
+aurait eu heurt, choc et tintamarre. C'eût été une exaltation dans la
+force. Ensor a réalisé un apaisement dans la délicatesse. Mais pour que
+tout fût maintenu, avec pourtant son éclat et son ardeur propres, dans
+une sorte de paix générale et brillât et scintillât comme sous un voile,
+de quelle finesse, de quelle justesse, de quelle acuité d'observation ne
+fallait-il point faire preuve?
+
+Au fur et à mesure que son œuvre se poursuivait et que ses _intérieurs
+bourgeois,_ ses _après-dîners à Ostende_, ses _portraits_ lui
+assignaient comme tâche d'étudier la lumière circulant dans les maisons
+à travers la baie des hautes fenêtres, l'œil très subtil du peintre ne
+pouvait s'empêcher de s'émouvoir aussi de la clarté du dehors et surtout
+ne pouvait s'abstraire de la contemplation de la mer. Le paysage marin
+le requit dès ses premiers travaux. Et voici l'_Estacade_ et la _Mer
+grise_ et la _Dame au brise-lame_ (1880); et voici _Marine_ (effet de
+soleil), la _Dune noire_ (1881); et voici les deux _Marines_ et le
+_Brise-lame_ (1882); et voici _Dune_ et _Mer_ et _Marine_ (l'après-midi)
+(1883) et les _Barques_ et la _Marine_ (1884). Cette dernière se
+distingue par sa belle teinte verdâtre et par son aspect de simplicité
+et de grandeur. Un seul navire en sillonne l'étendue et l'impression de
+l'immensité se dégage toute entière. Supposant à la _Marine_ (1884)
+voici le _Coucher de soleil_ (1885) dont l'horizon déchiqueté de lueurs
+saumonées et de nuages violets multiplie le ton et fait songer à
+quelqu'énorme oiseau de flamme qu'on déplumerait, au bord de l'espace.
+La mer fut pour l'œil d'Ensor une admirable éducatrice. Rien de plus
+tenu et de plus frêle que la coloration d'une vague avec ses infinies
+désinences, avec sa mobilité lumineuse et myriadairement changeante.
+Quand elle s'épand au soleil sur le sable micassé de la grève, les
+tons les plus purs et les plus clairs des toiles les plus célèbres
+semblent grossiers et troubles.
+
+[Illustration: Les soudards débandés (1892).]
+
+En 1882, James Ensor achève le _Pouilleux_, la _Dame en détresse_, la
+_Dame au châle bleu_ et la _Mangeuse d'huîtres_.
+
+La première de ces quatre œuvres fut exposée en 1883 à l'_Essor_ et fut
+acquise pour le musée d'Ostende. Elle indique une orientation nouvelle
+dans le choix des sujets. Le _Pouilleux_ sera suivi bientôt par les
+_Masques scandalisés_ (1883), et ceux-ci ouvriront à l'artiste une voie
+étrange où pendant longtemps son imagination se complaira. Le
+_Pouilleux_ est pris dans la réalité quotidienne. Il a traîné son corps
+et sa guenille sur les quais. Il se peut que jadis il fût pêcheur: son
+teint basané et son œil vif furent certes lustrés par la mer. Le voici
+dans un morne logis, assis près d'un poêle, les sabots rapprochés du
+feu. Il regarde et ses traits profèrent on ne sait quelle vague
+goguenardise.
+
+_La Dame en détresse_ qu'on admirait en 1886 à l'exposition des _XX_
+représente une femme couchée sur un lit. Un jour ardent pénètre à
+travers des rideaux fauves. L'affaissement du corps, son abattement, est
+admirablement rendu. Cette longue ligne horizontale commande au tableau.
+Quelque chose d'inquiétant émane de la scène. Certes peut-on songer à
+quelque drame. Mais il est toujours facile et trop facile de faire, à
+propos des œuvres picturales, des réflexions gratuitement littéraires.
+Il s'en faut garder, quand l'évidence ne les fournit point.
+
+Oh l'admirable tâche que celle du châle de la _Dame au châle bleu_. Déjà
+dans le _Flacon bleu_ (1880) cette couleur fut propice au peintre. Elle
+lui a confié, peut-on dire, ses secrets les plus cachés. Certes, aucune
+couleur n'existe par elle même. Elle emprunte sa sonorité soit à
+l'ambiance, soit directement au ton voisin. Qu'importe! Certaines
+profondeurs, certains éclats, certaines violences heureuses de ce
+fragment du spectre n'auront été connus et rendus que par Ensor.
+
+Voici une page capitale: la _Mangeuse d'huîtres._ C'est la seule œuvre
+dont il ait fait une réplique. Elle fut en 1882 refusée au _Salon
+d'Anvers_; en 1883 elle ne fut point admise à l'_Essor_. Ce n'est qu'en
+1886 qu'elle s'épanouit, à la cimaise, aux _XX_. Elle y fit scandale. Je
+me souviens encore des colères qu'elle déchaîna. On ne voulut voir en
+cette merveille que les défauts, nécessaires, peut-être, en tous cas
+secondaires; et chacun, comme s'il était heureux de blâmer,
+d'éclabousser et de nier, piétinait dans le parti-pris, se refusait à
+toute louange et tournait le dos à la plus élémentaire justice.
+
+Et pourtant ce tableau imposera sa date dans notre école. Comme le
+peintre s'y affranchit des fonds sombres et quelquefois opaques pour
+hardiment n'employer que des tons francs et quasi purs! Quelle joie,
+quelle fête, quelle liesse de couleurs répandues sur la table où la
+mangeuse a pris place! Bouteilles, verres, assiettes, citrons, vins,
+liqueurs s'influencent, se pénètrent de lueurs, entrent pour ainsi dire
+les uns dans les autres et maintiennent quand même, triomphantes, la
+solidité et la rigueur de leurs formes. Et cette admirable note rouge
+que jette la reliure d'un livre placé sur une tablette dans le fond de
+la toile! Et la belle chair vivante des mains et du visage. Et les plis
+bleuâtres de la nappe et tout enfin.
+
+Certes, depuis qu'il peignait, James Ensor avait banni de sa palette la
+_terre de Sienne brûlée_ et le _noir de vigne_; certes, depuis toujours,
+il s était défié de ce qu'on appelait «les vigueurs» obtenues par l'abus
+des mauvaises et fuligineuses couleurs; certes enfin, il s'était soucié
+d'atmosphère, d'air ambiant et de réelle et authentique clarté, mais
+jamais comme en cette étonnante _Mangeuse d'huîtres_ ses efforts
+n'avaient abouti, ni sa victoire porté la flamme de ses drapeaux aussi
+haut, ni aussi loin. L'œuvre revêt je ne sais quel caractère historique.
+C'est le premier tableau, vraiment clair, qu'on fit chez nous.
+
+_La Mangeuse d'huîtres_, sur l'escalier tournant de l'art d'Ensor,
+semble s'étaler sur un large et triomphal palier. Aux yeux du peintre
+pourtant, elle est moins encore un point d'arrivée qu'un point de
+départ. Comme le _chou_ datant de 1880, elle lui ouvre l'ère de la
+peinture à tons purs ou quasi purs. Mais Ensor est celui qui cherche
+toujours. Il suit, peut-on dire, plusieurs chemins à la fois. Il ne se
+détourne ni de la mer, ni du paysage, ni de la nature-morte. Le voici
+qui parachève, en 1883 et 1884, les _Toits d'Ostende, Grande vue
+d'Ostende, le Nuage blanc, le Houx, la Dune, Vue de Bruxelles_. Et les
+_Pochards_ et les _Masques scandalisés_ et le _Meuble hanté_ le
+retiennent en même temps au royaume de la fantaisie et de
+l'hallucination.
+
+[Illustration: Pouilleux indisposé se chauffant--1882. (Musée d'Ostende)]
+
+Et voici dans la toile le _Christ marchant sur la mer_ qu'une voie
+nouvelle semble s'ouvrir encore. Un souci de composition particulier
+s'accuse. Prenant comme thèmes quelques sujets bibliques, le peintre
+se hausse soudain jusqu'au rôle de visionnaire. Les personnages
+n'occupent, dans mainte de ses toiles étonnantes, qu'un place minime. A
+première vue on ne les y distingue guère. Il les y faut chercher. Ils
+paraissent faire partie des éléments: vents, nuages, flots, soleils. Les
+maîtres anciens donnaient invariablement dans leurs œuvres la place
+prépondérante aux actions humaines. Dans le déploiement des légendes à
+travers la peinture universelle, les Dieux et les hommes existent seuls.
+Mais au fur et à mesure que l'idée de force s'est déplacée et modifiée
+et que l'humanité comprend que l'être humain n'est qu'un tourbillon de
+pensée emportée dans le vertige des puissances cosmiques, l'importance
+de ses gestes a décru.
+
+_Le Christ marchant sur la mer_ est conçu d'après les mêmes pensées.
+C'est la mer, c'est le ciel qui remplissent de leur immensité la toile
+entière. A peine une auréole, à peine une lueur se dégageant d'une forme
+vague, indique-t-elle le prodigue.
+
+Dans _Adam et Eve chassés du Paradis_ (1887) ces précédentes remarques
+se vérifient mieux encore. La page est merveilleuse. Les cieux remués de
+miracles tonnants et foudroyants occupent à peu près toute la toile. Des
+trombes de vents passent, des lueurs formidables apparaissent, tout le
+vertige de l'atmosphère est rendu. Vraiment, c'est une colère céleste
+qui se gonfle, qui voyage et qui éclate. L'ange exterminateur semble
+être à lui seul toute la nuée. A droite, avec des mouvements de fuite et
+de terreurs et comme brûlés par l'épée vengeresse, apparaissent Adam et
+Eve. Ils sont là, dans le coin de la toile, presque indistincts, roulés
+comme des épaves, tandis que seul l'orage que leur misère et leur
+fragilité ont suscité, occupe les quatre points de l'espace.
+
+L'effet surnaturel est produit sans que la couleur se mélodramatise de
+violentes oppositions de noirs et de clairs. La tonalité générale reste
+lumineuse, magnifiquement. On y surprend quasi de la délicatesse. Mais
+les lignes tumultueuses sont bien appropriées au sujet et la fougue des
+touches émerveille.
+
+En 1891 le _Christ apaisant la tempête_ continue la série des œuvres
+légendaires. Le ciel et la mer, qui se rejoignent à l'horizon, se
+présentent en cette toile comme un énorme coquillage bivalve qui serait
+entr'ouvert et dont les deux parois internes contiendraient les nuées et
+les eaux. Le personnage, invariablement à droite du tableau, comme dans
+le _Christ marchant sur les eaux_ et dans _Adam et Eve chassés du
+Paradis_, indique chez le peintre un souci de composition presque
+uniforme. La science, l'équilibre, le prolongement heureux des
+arabesques, tout ce qui constitue la combinaison étudiée et heureuse ne
+l'inquiètent guère. Il voit d'un coup, comme si quelque brusque rideau
+s'ouvrait, et il rend ce qu'il voit, sans plus. C'est ainsi que
+procèdent les voyants.
+
+On peut rattacher à ce cortège de paysages animés de légende et
+d'histoire quelques autres pages: _le Feu d'artifice_ (1887) et _le
+Domaine d'Arnheim_ (1890).
+
+Une gerbe jaune, immense se projette sur un ciel bleu foncé comme si
+tout à coup s'ouvrait un cratère. Effet très simple. On dirait que la
+fureur des tempêtes calmées par le Christ marchant sur les eaux ou la
+colère des cieux se déchaînant sur Adam et Eve subsistent encore dans
+l'esprit du peintre.
+
+[Illustration: Le Terrassier--1882.]
+
+Quant au _Domaine d'Arnheim_ il suscite devant les yeux un bois profond
+que baigneraient des flots calmes. Une barque les sillonne. Le titre,
+fourni par Edgar Poe importe, bien qu'on l'ait trouvé inutile. Il nous
+transporte hors de la réalité, vers quelque lieu illusoire et magnifique
+où règnerait un calme d'or parmi des îles d'ombre majestueuse, touffue
+et silencieuse. Quand il composa le _Domaine d'Arnheim_, l'esprit du
+peintre s'était de plus en plus retiré de la contingence quotidienne; il
+commençait à vivre en plein monde imaginaire; il était déjà hanté. C'est
+à ces dispositions spirituelles qu'est due la manière de traiter ce
+paysage. On peut croire en effet que ce morceau de nature est tout
+entier arraché à l'imagination ou bien que, là bas, quelque part au bout
+du monde, sous un ciel inconnu, il s'étale et fleurit, sans que jamais
+quelqu'un, à part son mystérieux visiteur, ne l'ait parcouru. Plus tard,
+bientôt, ces îles, ces eaux et ces jardins seront, grâce au rêve de
+James Ensor, peuplés de masques et de pierrots et d'arlequins et de
+colombines. Ils s'intituleront alors le _Théâtre des masques_. Et ce
+seront ses _Fêtes galantes_ à lui, certes moins charmantes que celles de
+Watteau, mais plus folles, plus fusantes, plus papillotantes et plus
+fiévreuses.
+
+Continuant, après la _Mangeuse d'huîtres_, sa marche vers la clarté et
+s'attardant non plus dans le rêve et la légende mais dans la réalité
+vécue et quotidienne, Ensor propose à notre admiration les _Enfants à
+la toilette_ (1886). Et c'est dans une chambre, deux enfants nus, l'un
+debout, l'autre assis, que la lumière, tamisée à travers les rideaux,
+baigne. L'atmosphère est ambrée, frêle, douce, chantante. Les chairs
+roses, délicatement, s'étalent dans un jour doré sans qu'aucune
+brutalité, aucun heurt, aucune dissonance ne dissipe l'impression de
+calme et de fraîcheur et d'innocence qui émane de la toile. La _Mangeuse
+d'huîtres_ proférait des tons pleins, entiers, majeurs; les _Enfants à
+la toilette_ n'émettent au contraire que des tons atténués, assourdis et
+mineurs. Mais si l'on tient compte de l'aiguë difficulté que les
+peintres rencontrent à faire jaillir, non pas de l'opposition ni du
+contraste, mais d'un assemblage de teintes voisines, la lumière, les
+_Enfants à la toilette_ étonneront plus encore que la _Mangeuse
+d'huîtres_. La clarté apparaît diffuse, elle ne s'accroche à rien, elle
+ne fait aucune saillie; elle glisse sur les meubles, les tapis et les
+chairs. La transparence des stores baissés est parfaite. Jadis avec des
+tons profonds et noirs, Ensor résolvait dans l'_Après midi à Ostende_ un
+problème analogue. Tout y était fort et discret, dans l'ombre. Ici tout
+est fort et discret, dans la clarté.
+
+Enfin voici une toile, toute en tons purs cette fois et toute en
+violence, où la réalité se mêle à la fantaisie, où les deux routes
+suivies par l'artiste se rejoignent. La page est intitulée _Le Christ
+faisant son entrée à Bruxelles_. Elle ne fut jamais exposée. La
+date?--1888. C'était le temps où les néo-impressionnistes ameutaient les
+ateliers parisiens. Georges Seurat avec sa théorie de la décomposition
+lumineuse ou de la division du ton apportait vraiment dans l'art de son
+temps un procédé inédit. On l'invitait aux _XX_. Ses toiles y faisaient
+scandale. L'évolution lente de l'impressionnisme semblait comme
+suspendue au profit d'une révolution soudaine. De nombreuses conversions
+esthétiques eurent lieu. Ce fut une sorte de cataclysme magnifique.
+
+[Illustration: Croquis.]
+
+La grande part de vérité que Seurat apportait ne put laisser insouciant
+un esprit aussi attentif et aussi inquiet que celui de James Ensor.
+Toutefois, après réflexion, il n'adopta point les théories nouvelles et
+voici les raisons qu'il en donne.
+
+«Les recherches des pointillistes m'ont laissé indifférent: ils n'ont
+cherché que la vibration de la lumière. En effet ils appliquent
+froidement et méthodiquement leurs pointillages entre des lignes
+correctes et froides. Ce procédé uniforme et trop restreint défend
+d'ailleurs d'étendre les recherches et de là résulte une impersonnalité
+absolue dans leurs œuvres, si bien que les pointillistes n'atteignent
+que l'un des côtés de la lumière: la vibration, sans aboutir à donner sa
+forme. Mes recherches et ma vision à moi s'éloignent de la vision de ces
+peintres et je crois être un peintre d'exception.»
+
+Ne retenons de ces lignes que la dernière affirmation. Qu'Ensor soit un
+peintre d'exception, rien n'est plus juste. Sa nature est trop spéciale
+pour que jamais elle lui permette d'être d'un groupe. Le
+néo-impressionnisme exigeait une discipline, portait en lui un
+enseignement, élaborait un programme. Dès ce moment le peintre ne le
+pouvait admettre. Ce qui caractérise la personnalité d'Ensor c'est le
+libre-vouloir. Sitôt qu'un désir lui vient, il le satisfait. Sa tête est
+une chambre ouverte où tantôt les idées, tantôt les rêves, tantôt les
+folies, s'installent. Et le néo-impressionnisme lui apparaissait comme
+une prison.
+
+Mais, tout en tournant le dos à l'esthétique de Seurat, il voulut, lui
+aussi, se signaler par de très nettes audaces. Il ne pouvait nier
+d'ailleurs que la nouvelle école, plus qu'aucune autre, ne purifiât la
+vision. Les couleurs dont elle préconisait l'emploi étaient les couleurs
+mêmes du prisme, les couleurs vierges, primitives, intactes. Toute
+l'ancienne palette était comme abolie et le spectre solaire prenait sa
+place. La virginité totale du ton devint un objet de conquête. Déjà
+Turner, et à sa suite tous les impressionnistes, s'étaient essayé à
+créer cette virginité et à l'imposer à leur œuvre; ils s'y étaient pris
+empiriquement, en se fiant à la subtilité et à la délicatesse de leur
+œil. Les nouveaux-venus, jugeant cette conquête incomplète, purifièrent
+en quelque sorte cette pureté hésitante et tâtonnante et grâce aux
+découvertes scientifiques la proclamèrent certaine et sûre. Et leurs
+toiles étaient en effet lustrales plus que nulle autres. On eût dit
+qu'elles portaient en elles la grâce d'un éclatant et violent baptême.
+
+[Illustration: La Sorcière--1883. (Collection Edgar Picard)]
+
+Dans son _Entrée du Christ à Bruxelles_ on peut croire qu'à son tour,
+comme pour défier le néo-impressionnisme, Ensor ait voulu rebaptiser sa
+peinture. Il en a augmenté encore et vivifié la clarté. Et les
+principales étapes qu'il suivit pour aboutir à cette victoire furent,
+comme nous l'avons dit, le _Chou_ (1880), la _Mangeuse d'huîtres_ (1882)
+et les _Enfants à la toilette_ (1886). Son évolution entière fut donc
+longuement préparée, logique et personnelle.
+
+Le sujet du _Christ faisant son entrée à Bruxelles_ peut certes
+déplaire. On y voit l'homme-Dieu mêlé grotesquement à nos pauvres,
+féroces et actuelles querelles. Il assiste au défilé mouvant et
+tumultuaire des revendications politiques et sociales, comme un banal
+élu--bourgmestre, échevin, député--un jour de manifestation déchaînée.
+Il voit passer les fanfares doctrinaires, les charcutiers de Jérusalem
+et des banderoles et des drapeaux se déroulent et inscrivent en leurs
+plis «Vive la Sociale et vive Anseele et Jésus».
+
+A ne juger que la plastique et la forme, l'œuvre fourmille de défauts,
+mais la couleur en est triomphante. Les bleus, les rouges, les verts,
+soit juxtaposés, soit divisés entre eux par des blancs larges, sonnent
+comme une charge de tons purs et leur bariolage audacieux, parfois
+brutal, impressionne la rétine lyriquement. Au surplus l'ironie du
+peintre se donne, ici, libre carrière. On ne peut exiger de lui qu'il
+prenne au sérieux n'importe quelle démonstration populaire. La ruée du
+peuple à travers les places se boursoufle, pour ainsi dire, de visages
+tuméfiés, de ventres formidables que les masques et les oripeaux
+revêtent de leur invraisemblance. Mais, grâce à cette exagération
+savoureuse, grâce à l'exaltation des tons crus qui parfois se
+rapprochent des tons d'une affiche, grâce peut-être au désordre même de
+la composition, l'ensemble donne une âpre, farouche et tintamarrante
+sensation de vie. Ensor se plaît d'ailleurs à ces caractéristiques
+évocations de foules. Il les multiplie à travers toute son œuvre. Il les
+rêve compactes, serrées, formidables. Elles apparaissent comme étouffées
+dans les rues et étranglées aux carrefours. Les maisons, les monuments,
+les balcons, les toits semblent subir l'entraînement de la poussée
+unanime et dans une eau-forte célèbre on pourrait croire que la
+multitude--si dense qu'un caillou jeté sur elle ne trouverait point un
+interstice assez large pour choir à terre--porte, comme une chasse, une
+cathédrale entière sur ses épaules.
+
+Cette manière de peindre à grands tons plats et clairs que James Ensor
+adopta dans l'_Entrée du Christ à Bruxelles_, il la gardera longtemps et
+l'emploira souvent dans ses études baroques et macabres de pierrots et
+de bouffons. Mais avant de parcourir cette province large et pittoresque
+de son art, qui lui fit donner le nom de «peintre de masques», il
+importe d'insister sur son talent de portraitiste et de nature-mortier.
+
+[Illustration: Dame au Châle bleu--1882.]
+
+Il serait surprenant qu'Ensor, aimant avant tout au monde son art et par
+conséquent chérissant surtout celui qui le fait, c'est à dire lui-même,
+n'eût multiplié à l'infini sa propre effigie. Ajoutons qu'en se
+regardant, en un miroir, il a toujours à portée de main, de brosse et de
+palette, un modèle complaisant et gratuit.
+
+Dès ses tout premiers débuts, aux temps lointains et maudits où il
+s'égarait à l'académie, il traduit ses traits (1879); en 1880 il se
+repeint; en 1883 encore et en 1884 il se dessine. En 1886 il fixe au
+crayon quatre fois son image; en 1888 il se déguise et se reproduit au
+pinceau. Dans l'_Ecce-Homo_, c'est lui qui apparaît flanqué de ses deux
+bourreaux MM. Fetis & Sulzberger; en 1891 parmi ses dessins
+fantasmagoriques il prend place; en 1899 il s'entoure de masques et dans
+nombre de compositions son visage tantôt hilare, tantôt mélancolique,
+tantôt angoissé et piteux, s'impose. Il est en quelque sorte la figure
+centrale de tous ses rêves. Et c'est logique et c'est humain qu'il en
+soit ainsi. On pourrait serrer de près sa psychologie, rien qu'en
+analysant ses portraits aux différentes saisons de son art et l'être
+insaisissable qu'il est se dévoilerait peut-être mieux, grâce à cette
+méthode, que par l'examen de ses gestes quotidiens dans la vie.
+
+De ses représentations si variées et si nombreuses, je retiens la
+première. En veston havane, sa palette à la main, à l'atelier, il se
+campe devant son chevalet. Il est jeune, l'œil clair, l'allure attentive
+et naïve. La vie hostile ne l'a point encore touché. L'œuvre est comme
+joyeuse; de belles taches claires s'y rencontrent. On y devine le
+coloriste qu'il est.
+
+En 1882, Théo Hannon et Willy Finch, deux de ses amis, lui servent de
+modèles. Le dernier de ces deux portraits est d'une solidité belle. Les
+tons clairs font place aux tons profonds et fermes; le visage est
+traduit avec une franchise et une sûreté de facture remarquables; aucune
+mise en scène, aucune recherche, si ce n'est la recherche fondamentale
+des beaux peintres en face de l'architecture humaine à traduire avec
+souplesse et force.
+
+Suit l'effigie de la _Mère de l'artiste._ Robe noire et col en
+dentelles. Trois roses groupées, comme ornement. Simplicité absolue dans
+la pose; les traits sont âprement caractérisés. De loin, le modèle fait
+songer à quelque dame qu'aimait à peindre d'une manière brusque,
+scrupuleuse, aiguë, le grand Goya.
+
+En 1891, James Ensor voulut bien consacrer quelques séances à mon propre
+portrait. Je n'insiste sur cette œuvre que pour noter le faire spécial
+qui la distingue. Elle est plutôt écrite que peinte. Le trait est
+insistant, il creuse la chair, il traduit le caractère. Vers cette
+époque James Ensor introduit ce procédé graphique, tout à coup, dans sa
+peinture. La ligne qu'il dissimulait et noyait jadis y prend la première
+place, non pas la ligne ornementale et pure, mais la ligne
+caractéristique et rompue. Ces brusques sauts, ces rapides volte-face,
+ce changement incessant de procédé indiquent à la fois les recherches
+incessantes de son art et les inquiétudes journalières de son caractère
+et de son esprit.
+
+[Illustration: La Mère du Paintre]
+
+Trois ans plus tard s'achève le portrait d'Eugène Demolder et en
+1895 celui de M. Culus. Enfin voici le dernier portrait en date (1907).
+Il représente Mme Lambotte, d'Anvers.
+
+Le personnage est assis au centre de la toile, vêtu d'une robe bleue et
+d'un grand châle vert. Admirable accord que celui de ces deux tons
+principaux. A gauche une table. La main droite du modèle s'y appuie sur
+un bibelot japonais. Au fond, mais bien à leur plan malgré la vivacité
+de leurs teintes, apparaissent les _Masques scandalisés_ et quelque
+scène du conservatoire de Bruxelles où le maître _Gevaert dirige les
+chœurs_. L'œuvre est intéressante à préciser. La figure est traitée,
+délicatement; le chapeau est d'une fraîcheur comme florale. On dirait
+que le personnage est rentré d'une excursion aux champs et qu'il retient
+sur lui quelque chose de la limpidité et de la bonne odeur champêtres.
+Les yeux vivent d'une vie charmante; les cils sont peints, hardiment, en
+bleu. Et cette couleur si éloignée du ton local est d'une justesse
+admirable dans l'ensemble. Tout ainsi revêt une vibration aiguë et
+subtile à qui sait voir les objets non plus dans leur réalité plate,
+mais dans leurs rapports avec un rêve de couleur et de lumière. Il faut
+qu'un artiste vrai ne tienne presqu'aucun compte de la vue banale des
+choses et qu'il ne les voie que comme prétexte à interprétation belle.
+Tout se peut transposer d'une vie dans une autre, de la vie commune dans
+la vie de l'art. La couleur unique dont il faille se soucier est celle
+qui fait bien sur la toile et affirme et soutient et rehausse son
+harmonie. Ensor a nettement obéi à cette loi dans le portrait de Mme
+Lambotte.
+
+Deux très belles natures-mortes datent de 1893, la _Raie_ et le _Coq
+mort_. Sur fond blanc le coq au plumage argenté se détache et tout un
+frisson de lumière semble courir sur son ventre et ses ailes. Je me
+souviens aussi et des _Viandes_ (Musée d'Ostende) et de l'admirable
+_Coin de cuisine_ du Musée de Liège. Le pinceau semble avoir glissé sur
+ces victuailles comme s'il était empreint non de couleurs mais de
+clarté. Si la forme des objets était plus précisée et plus arrêtée, ce
+bain de lueurs où le mercure et le soleil semblent fusionner n'aurait
+certes pu aussi bellement, envelopper la toile. Qu'on voie la couleur,
+affirme Ensor, aussitôt on ne voit qu'elle; de même, qu'on étudie la
+forme et l'œil n'est plus sensible qu'à la ligne. Unir dans une même
+œuvre le ton et le dessin, leur donner la même importance n'est possible
+qu'aux demi-natures qui ne sentent rien fortement. Il faut choisir.
+Ensor a choisi la couleur ou plutôt la lumière.
+
+On peut donc lui reprocher parfois que ses morceaux de viande, ses
+choux, ses fruits, ses pots, ses vaisselles manquent de fermeté ou de
+poids. Il en conviendra certes. Mais que lui importent ces remarques
+terre à terre. Il existe une sorte de réalité esthétique plus haute que
+la réalité authentique. Cette réalité ou plutôt cette vie est atteinte
+par de purs moyens d'art. Ils réalisent les harmonies impeccables et
+glorieuses du ton, les sensibilités merveilleuses des ombres et les
+joies de la calme ou triomphante lumière. Quand ce haut résultat est
+atteint il efface--surtout qu'il s'agit, en ce cas-ci, de simples
+natures-mortes--toute critique vétilleuse et tatillonne. On ne sait quel
+trophée choisir parmi tant d'éclatantes conquêtes du pinceau. Vases de
+Chine aux tons laiteux, statuettes esquissées en quelques coups de
+brosse, soies, linges, étoffes, écrans, éventails fins et légers, tout
+le magasin familial de la Rampe de Flandre a traversé l'imagination de
+l'évocateur.
+
+Voici les _Coquillages_ peints en 1889. A côté d'écailles roses et
+lustrées, en voici d'autres blanches comme de la craie et d'autres
+encore jaspées comme des dos de sèche et d'autres enfin creusées et
+rayées comme des branchies. La structure de poissons improbables,
+diables de mer ou rougets, se retrouve comme pétrifiée dans telles
+formes minérales. Ensor en saisit les analogies, les traduit, les aime
+et peut-être, au fond de lui, relie-t-il, par des liens psychiques, ces
+architectures marines avec leurs silhouettes baroques et compliquées, au
+monde étrange de ses masques et de ses squelettes. Tout cela peuple sa
+mémoire et fixe et détermine son désir presqu'au même titre.
+
+[Illustration: La Vierge aux navires (1893).]
+
+Sur tel panneau, on croit surprendre la vie des mollusques au fond même
+de la mer. Il date de 1895. Un grand coquillage bistre domine, la pointe
+en l'air, comme en pyramide, d'autres coquilles, les unes vertes, les
+autres roses, et cet arrangement comme maladroit semble le fait même de
+ces bêtes lentes et visqueuses. Le dessin en est très ferme et comme
+écrit. Il insiste sur chaque circonvolution et sur chaque spirale. Et
+voici--contraste brusque--deux bulbeuses et légères grappes de raisin,
+l'une bleue et l'autre rose-cerise, avec un oignon, une noix et une
+poire, la queue dressée. Ensemble presque transparent. Il est si frais,
+si lucide, si délicat qu'on le dirait comme baigné de rosée.
+
+L'entrée dans le royaume des masques dont James Ensor est roi, se fit,
+lentement, inconsciemment, mais avec une sûre logique. Ce fut la
+découverte d'un pays, province par province, les lieux pittoresques
+succédant aux endroits terribles et les parages tristes prolongeant ou
+séparant les districts fous. Grâce à ses goûts, mais aussi grâce à son
+caractère, James Ensor n'a vécu pendant longtemps qu'avec des êtres
+puérils, chimériques, extraordinaires, grotesques, funèbres, macabres,
+avec des railleries faites clodoches, avec des colères faites chienlits,
+avec des mélancolies faites croque-morts, avec des désespoirs faits
+squelettes. Il s'est improvisé le visiteur de lamentables
+décroche-moi-ça, de malodorantes arrière-boutiques de marchandes à la
+toilette, de piteux bric-à-brac en plein vent. Il a vagué par des
+vallées de misère où lui apparaissaient des pierrots malades, des
+arlequins en goguette, des colombines soûles. Parfois, comme un
+ménétrier fantasque, il montait sur un tonneau et sur la place de je ne
+sais quelle ville du pays de Narquoisie, il agitait, au son d'un rebec
+invisible, en un trémoussement soudain, toute cette joie lugubre et
+bariolée. Il pleurait peut-être lui-même en peignant tel masque hilare
+ou souriait en dessinant telle tête de mort. Les contrastes les plus
+aigus devaient lui plaire et il les réalisait en oppositions violentes,
+les rouges, les bleus, les verts, les jaunes se donnant comme des coups
+de poings sur la toile. L'art d'Ensor devint féroce. Ses terribles
+marionnettes exprimaient la terreur au lieu de signifier la joie. Même
+quand leurs oripeaux, arboraient le rose et le blanc, elles semblaient
+revêtir une telle détresse, elles semblaient incarner un tel
+effondrement et représenter une telle ruine qu'elles ne prêtaient plus à
+rire, jamais. J'en sais d'une angoisse de cauchemar. Et la camarde se
+mêla à la danse. Le squelette lui-même devint tantôt pierrot, tantôt
+clodoche, tantôt chienlit. Masque de vie ou tête de mort
+s'identifiaient. On ne songeait plus à quelque carnaval lointain
+d'Italie ou de Flandre, mais à quelque géhenne ou les démons se
+coiffaient de plumes baroques et s'affublaient de draps-de-lit usés, de
+bicornes invraisemblables, de bottes crevées et de tignasses
+multicolores. C'est pendant les mauvais jours de sa vie que James Ensor
+donna cette signification pessimiste à ses fantoches.
+
+Dans ce pays imaginaire, d'où la farce classique semble bannie,
+évoluent le masque Wouse et Saint Antoine, les diables Dzitss et
+Hihahox, les pouilleux Désir et Rissolé, les soudards Kès et Pruta et
+l'on y rencontre la ville de Bise et le territoire de Phnosie. Rien que
+ces appellations et ces noms, venus d'on ne sait quelle région d'un
+cerveau hanté, renseignent sur la très spéciale imagination d'Ensor. Au
+reste, pour animer pendant vingt-cinq ans un peuple aussi grouillant
+d'êtres chimériques et les douer d'une psychologie aussi étonnamment
+variée, fallait-il que le monde de la démence fût naturellement pour le
+peintre un monde de prédilection et de choix. Certes, croyait-il à tout
+l'invraisemblable, à tout le baroque, à toute la folie et ne
+recouvrait-il la lucidité qu'à l'heure où il s'asseyait devant sa toile
+et choisissait ses couleurs et harmonisait ses tons. Il a réalisé
+admirablement cette vie double.
+
+Le _Masque Wouse_ (1889) apparaît un des premiers. Il est vêtu d'un
+schall discrètement et magnifiquement bariolé de rouge, de vert, de
+jaune, de bleu, il tient en main un parasol, est coiffé d'un bonnet et
+le nez de son visage en carton s'agrémente d'une pendeloque légère. Il
+regarde, gisants devant lui comme autant de marionnettes flasques,
+d'autres êtres semblables à lui et l'on dirait quelqu'un visitant soit
+une morgue de pantins, soit, après un combat, le champ d'une défaite.
+L'œuvre où s'épand une clarté diffuse est délicatement peinte, les
+étoffes sont flottantes et légères, l'atmosphère jolie. Elle contraste
+et voisine, dans l'atelier de l'artiste, avec les _Masques singuliers_
+(1892) mis en rangs, comme s'ils s'attendaient à être passés en revue
+par les soudards Kès ou Pruta. Ils reviennent, Dieu sait de quelle
+parade, les vêtements lâches et veules, mais gardant encore on ne
+sait quelle fierté vague. Le plus grand de tous porte un chapeau
+militaire dont la frange se détache lugubrement. En cette toile, presque
+tous les tons sont forts, puissants, hardis. Ils réalisent comme une
+gamme descendante et ne deviennent fins et subtils qu'autour d'un
+Pierrot boursouflé qui dissimule, en des blancheurs roses, sa carcasse
+falote. Oh la piteuse mascarade et comme la détresse d'une gloire abolie
+et d'une gaieté défunte s'y marque! Fini l'orgueil, le triomphe, la
+gloire. Toute fanfare s'est tue. On rit et l'on est triste. Acteurs
+flétris d'un drame chimérique, les fantoches sont là n'ayant plus même
+un bout de bâton pour simuler un vague: portez-armes.
+
+[Illustration: Les Pochards--1883.]
+
+Maintenant voici les _Masques devant la mort_ (1888) et les _Squelettes
+voulant se chauffer_ (1889) et le _Squelette dessinant_ (1889) et les
+_Squelettes se disputant un pendu_ et les _Masques regardant une tortue_
+(1894) et un _Duel de masques._ Le drame morne ou féroce commence à se
+préciser. Dans les _Masques voulant se chauffer_ une impression de néant
+s'affirme. Rien de plus pauvre, de plus navrant, de plus lugubre que
+cette idée de chaleur et de bien-être évoquée devant ces êtres flasques
+et vides. Ils s'approchent, se pressent, s'inquiètent autour de ce feu
+inutile, de cette flamme sans vertu, de ce foyer qui les raille et qui
+n'est pas. Les _Masques regardant une tortue_ angoissent tout autant.
+L'écaille qui couvre l'animal contemplé est, elle aussi, une sorte de
+masque dissimulant le mouvement et la vie. Ce rapprochement baroque
+suffit à faire comprendre pourquoi les étranges spectateurs semblent
+comme s'étudier eux-mêmes en voyant bouger lentement et pesamment la
+bête torpide et douce. Enfin dans un _Duel de masques_ l'idée de lutte,
+de fureur et de férocité est raillée à son tour.
+
+Toutes ces petites toiles sont franches, sincères, nerveuses.
+L'ostéologie des squelettes est amoureusement étudiée. Parfois sur leur
+crâne lisse se distinguent des lignes pareilles à celles des cartes de
+géographie et l'on peut croire que le peintre se plaît à inscrire le
+monde sur l'os d'un front. Le trou des yeux est approfondi. On y
+surprend, dans le vide, on ne sait quelle fixité qui donne l'illusion
+d'un regard. Ce n'est certes plus le squelette tel que le comprenait le
+moyen-âge. C'est plutôt celui qui sort des cabinets d'anatomie, des
+laboratoires et des hôpitaux. Il ne fait pas songer à tel macabre
+philosophe qui moralise dans la danse de Holbein ou dans les fresques de
+la Chaise-Dieu; il n'est pas chrétien. Il s'est renouvelé; il est de
+notre temps. Il représente non plus les croyances, mais les idées et les
+sentiments.
+
+Même dans ses _Tentations de Saint-Antoine_, Ensor ne prétend ni prêcher
+ni évangéliser. Le tohu-bohu de ces apparitions charme presque et
+devient, en ce sujet légendaire, quasi bon-enfant. Le peintre adore y
+semer des corps de femmes grosses et cocasses, des diables fluets et
+malins, des monstres improbables et ridicules. Le pittoresque de ce
+cauchemar chrétien le tente plus que son horreur. Et c'est en dilettante
+de l'impossible qu'il s'y affirme et non pas en vengeur du vice ou en
+champion de la vertu. Il cultive l'angoisse, ailleurs. Il la cultive en
+lui-même. Dans le _Portrait du peintre entouré de masques_ (1899),
+appartenant à M. Lambotte, d'Anvers, il s 'affuble d'un costume
+étrange, il se couronne de plumes et de fleurs, il se déguise lui-même
+comme pour donner plus congrûment audience au peuple entier de ses
+fantômes. L'œuvre est haute en couleur; toute la palette ardente et
+sonore est employée; la joie s'affiche; on songe à un triomphe et
+pourtant que de cris poignants, que de violence et de fureur ces faces
+impassibles n'expriment-elles pas? Tel visage morne et blême rappelle
+une tristesse passée, tel autre une inquiétude présente; celui-ci, avec
+ses joues pesantes, avec ses yeux comme pincés en des étaus de graisse,
+rit d'un malheur qui viendra; celui-là, bonasse et rougeaud, détaille
+quelque farce funèbre ou pavane sa santé gonflée et balourde au-devant
+de la maladie qu'il annonce. Tous les sentiments humains se laissent
+deviner. Le plaisir, le chagrin, l'audace, la peur, l'espoir, la transe,
+l'orgueil, le doute, la force, l'abattement, la roublardise, la ruse,
+l'ironie, la détresse, le dégoût. C'est un formidable bouquet dont les
+fleurs seraient des bouches, des nez, des fronts, des yeux et qui
+toutes, ou presque toutes, malgré leur beauté et leur éclat seraient
+capiteuses et empoisonnées. Chacune a une signification nette et un
+langage précis quoique muet. Et les masques surgissent de partout: à
+droite, à gauche, du haut, du bas. Le champ tout entier de la toile en
+est comme encombré: ils se pressent, se tassent, s'enfièvrent. Il faut
+qu'ils assiègent le peintre, qu'ils le dominent, le hantent et
+l'hallucinent, qu'ils se moquent des roses et des plumes que sa tête
+arbore, qu'ils lui crient leur inanité et la sienne et lui fassent comme
+la leçon terrible de la mort. Lorsqu'Ensor introduisit en sa peinture
+un tel peuple étrange et tragique de masques, peut-être ignorait-il
+lui-même qu'à un certain moment ils lui fausseraient à tel point la
+notion du réel qu'il ne verrait plus qu'eux de vraiment vivants sous le
+soleil et qu'un jour il prendrait place parmi leur multitude comme s'il
+était lui-même quelqu'un de leur lignée et de leur race. Car il ne se
+peut pas qu'il n'ait subi, à certaines heures, une telle illusion
+dominatrice et qu'il n'ait fini par voir, avec ses yeux ouverts en plein
+jour à la lumière, l'humanité entière comme un ensemble de grotesques et
+de fantoches. Son art terrible et rêveur a dû l'affoler à ce point,
+fatalement.
+
+[Illustration: Enfants à la toilette--1886.]
+
+
+IV.
+
+LES DESSINS
+
+
+Ensor a nettement distingué dans son œuvre le dessin du peintre et le
+trait du dessinateur. J'en donnai les raisons: elles me semblent
+plausibles. Pointe et pinceau ne furent jamais à ses yeux des
+instruments identiques.
+
+Nous voici en présence d'un nombre infini de pages où le fusain, la
+plume et le crayon se sont appliqués à fixer la vie ou le rêve. On les
+peut diviser aisément en catégories: les croquis; les dessins de
+caractère; les dessins atmosphérés; les dessins à lignes pures et les
+dessins ornementaux. Il est certes piquant de constater que c'est
+précisément celui parmi nos grands artistes qu'on accuse peut-être le
+plus de négliger le dessin qui surtout le cultive. S'il rassemblait tous
+ceux qu'il a faits, ils formeraient une bibliothèque.
+
+Je sais des notations où quatre à cinq traits nettement placés expriment
+l'enveloppe, la masse et l'attitude momentanée d'un personnage; voici,
+d'un coup de crayon, la marche, l'inclinaison, la vitesse d'une jambe
+traduites; le mouvement d'un dos, l'affalement d'une hanche, le
+bondissement d'une croupe, la tension d'un cou reproduits. Tout cela
+est preste, vivant, soudain. Sur une seule page, cinquante petits
+bonshommes se meuvent, s'agitent, passent, viennent, s'arrêtent,
+s'assoient, s'affalent et le crayon Conté note, détail par détail, leurs
+particularités et leurs manières d'être et compose comme une faune
+amusante des passants de la rue moderne. Je connais tels croquis où
+James Ensor, profitant des menus défauts du grain ou de la trame d'un
+papier, a composé une _Chute des anges rebelles_ en tenant compte de ces
+accidents de matière. Des mouvements inattendus se devinent, des grappes
+de muscles et de chairs pendent et se contractent, une cataracte de dos,
+de ventres et de têtes se précipite, une impression de ruée est
+merveilleusement rendue et tout cela n'est que du hasard souligné par un
+crayon, dites combien habile et preste?
+
+[Illustration: Mon Père mort--1887]
+
+Le jour où le peintre s'intéressa à l'existence des marins et des gens
+du port--plus tard ils lui fourniront et ses pouilleux et ses
+masques--ce fut par des études au fusain qu'il manifesta son
+enthousiasme. Il possède toute une suite de dessins supérieurement
+conduits où s'offrent en leurs attitudes quotidiennes les vieilles à
+mantelets, les mousses en vareuses, les vieux pêcheurs échoués comme
+leurs barques au long des quais et les gars solides et râblés qui demain
+s'en iront vers la mer. Puis se caractérisent encore les ouvriers, les
+petits musiciens, les poissardes mélancoliques, les mangeurs de soupe,
+toute une population de déjetés et de miséreux. Toutes ces pages
+témoignent d'une sagesse et d'une sûreté indéniables. Dès que le peintre
+le veut, il réalise aussi bien que quiconque la correction du dessin et
+la proportion des diverses parties d'un corps humain. Je ne puis
+m'enlever du souvenir tel _Gamin en casquette_ aux lèvres grosses, au
+nez compact, à l'œil légèrement triangulaire, ni cette ferme et précise
+étude de _Main tendue_ où l'ossature des doigts dans la peau détendue et
+les bosses des muscles apparaissent si nettement, ni ce _Vieux cheval_
+noueux, maigre, efflanqué et comme diminué qui se tient avec peine
+debout entre deux brancards, ni surtout cette adorable tête d'_Enfant
+endormi_ dont la bouche entr'ouverte est d'une vie si vraie et dont
+l'œil est si délicieusement clos. Comme on sent le sommeil et non la
+mort!
+
+[Illustration: Croquis.]
+
+Rendre la matière, scrupuleusement, fut la tâche qu'Ensor s'assigna dans
+tels dessins: ferrailles, armoires, clefs, rideaux, étoffes, lustres,
+coffrets. Il y réussit, sans se tromper jamais. Son crayon fouille,
+comme un outil sûr, les fibres et les nœuds du bois ou rend avec bonheur
+l'usure des bosses et des reliefs. On pourrait deviner si tel meuble est
+en chêne ou en noyer. Assurément--tant l'exactitude est
+grande--s'aperçoit-on s'il est plaqué d'acajou. Les ornements d'acier ou
+de cuivre sont creusés dans leurs ombres ou caressés sur leurs lueurs;
+un rinceau, une courbe, une volute est rendue avec dextérité. Autant le
+pinceau est léger et souple à fleur de toile, autant la pointe est
+insistante et vigoureuse sur le champ des feuillets. De même l'ampleur
+lourde et molle d'un rideau de laine qu'une grosse cordelière retient
+est offerte au toucher et semble pouvoir renfermer en ses plis jusqu'aux
+mites et aux poussières. Bien plus. Ces dessins, encore que littéraux,
+sont doués d'une vie ample. Ils n'ont rien d'industriel. Si pour James
+Ensor certains meubles sont hantés, tous les objets frissonnent,
+bougent, sentent. La cruauté séjourne dans le couteau, la discrétion
+dans la clef et le fermoir, le repos et la sécurité dans le bois. Rien
+n'est mort, complètement. Chaque matière renferme en elle sa tendance,
+sa volonté et son esprit. Elle est créée pour un but. Elle doit donc
+avoir comme une âme qui tend à une fin et c'est précisément cette âme
+qui seule nous intéresse dans l'inanimé et qui seule constitue, aux
+yeux d'un artiste, la beauté des choses les plus quelconques. A côté
+de ces dessins très écrits, James Ensor en a réussi d'autres entièrement
+baignés d'atmosphère. Un modelé frêle les distingue. Ils participent
+plus que les autres à la vie universelle, aux variations de l'heure.
+Pour les réussir il faut un tact spécial. Ils sont d'un grain menu et
+d'une fragilité choisie. Certains apparaissent comme faits avec de la
+poussière rassemblée dans les ombres et dispersée dans les clairs. Des
+gris tendres savamment distribués en constituent la beauté précieuse.
+Voici le _Portrait de Madame Rousseau_. Elle est assise à l'avant-plan,
+parmi des meubles familiers, non loin d'un bas-relief. Le jour est
+tamisé; tout est en infimes nuances et en atténuation. Il en résulte une
+impression de douceur et de calme si grande qu'une mouche survenant la
+troublerait, malencontreusement, du simple bruit de ses ailes.
+
+_Mon père mort_ est conçu dans le même esprit. La page est solennelle,
+sobre, émue. On aperçoit seulement la tête posée parmi les draps que
+légèrement quelques tons blancs rehaussent. A traits fins, la barbe et
+les cheveux sont rendus. Le crayon Conté et le crayon gras out introduit
+le jeu de leurs différentes accentuations dans les parties sombres.
+L'ombre s'anime, mais uniquement afin d'éviter qu'elle ne soit opaque:
+il faut que la seule sérénité règne dans l'étude entière. Le dessin est
+du reste irréprochable. Le nez, les yeux et le front sont nets sans
+dureté, les chairs sont admirablement apâlies quoique consistantes
+encore.
+
+[Illustration: La Mère du Peintre--1889. Dessin. (Collection Robert
+Goldschmidt)]
+
+Cette même manière de nuancer un dessin sans l'affadir ni le banaliser
+se retrouve dans le _Portrait de ma mère_, appartenant à M.
+Goldschmidt, et dans les _Squelettes musiciens_. Devant une armoire où
+s'étale un crâne sans mâchoire, apparaît un squelette introduisant le
+bec d'une clarinette dans sa bouche sans dents. Un manche de violoncelle
+s'élève non loin de lui. Ces deux crânes sont étudiés avec un art
+parfait. Chaque relief, chaque méplat, chaque partie osseuse avec ses
+stries et ses méandres est rendu comme un artiste gothique se serait plu
+à les traduire. Faire attentif, serré, scrupuleux. Impossible de pousser
+plus loin l'attention minutieuse, ni la probité appliquée. Et quelle
+aisance, quelle apparente facilité, quelle ductilité et quelle
+flexibilité prestigieuse des doigts. Et combien tout est sûr et savant!
+
+La ligne même, la ligne pour elle-même, la ligne simple et jolie, la
+ligne belle et enveloppante séduisit à son tour la main chercheuse de
+James Ensor. Et voici la _Vénus à la coquille_ dont le corps souple,
+limité par un trait gracieux et flexible, surgit, avec, entre ses
+doigts, une pomme. Les jambes, le torse, le ventre et les bras sont
+suffisamment modelés pour qu'ils donnent la sensation d'exister vraiment
+et n'être pas uniquement des blancs sur un papier. Mais c'est
+l'arabesque sinueuse séparant la Déesse de l'ambiance qu'on admire
+surtout et qui étonne par sa souplesse. On songe à quelque fleur
+délicate et haute.
+
+[Illustration: Vénus à la coquille--1889. Dessin.]
+
+Les sujets ornementaux, avec leur fantaisie violente et leur parodie
+épique ont tenté à maintes reprises le crayon d'Ensor. L'histoire, la
+légende, les coutumes lui fournissent leurs thèmes. Il les transforme
+selon son humeur, son caractère, sa nature. Ils ne sont pour lui que
+des sortes de tremplins sur lesquels sa verve et sa raillerie
+bondissent. Les batailles surtout le requièrent. Grâce aux coups donnés,
+aux plaies reçues, grâce aux déhanchements du corps qui frappe et aux
+chutes des corps qui succombent, grâce aux contorsions qu'il suppose et
+aux pirouettes qu'il imagine, un combat se présente à lui avec délices.
+L'horreur réelle en est supprimée au profit de la truculence et du
+pittoresque. Ou bien encore c'est dans quelque décor moyen-âgeux, sur
+une place meublée de maisons hautes et pointues, quelque drame violent:
+_Sorcière qu'on brûle, Patrons de cathédrale, Vierges aux navires,
+Soudards entrant en des cités étranges_. Ou bien encore, dans un site
+d'hiver quelque folâtre et compliquée scène de _Patinage_ ou bien enfin
+quelque _Parade dans une arène de cirque_. Celle-ci amuse immédiatement
+par la gymnastique baroque des clowns et les sauts invraisemblables des
+paillasses. On croirait assister à quelque liesse d'escargots, à quelque
+fête de chenilles. Des êtres contournés, girouettants, tire-bouchonnés
+permettent au dessinateur de réaliser, par des volutes charmantes et
+placées chacune à quelque endroit précis et heureux de la page blanche,
+une ornementation inédite qui charme l'œil immédiatement, sans examen,
+et divertit l'esprit sitôt qu'il s'attarde.
+
+Toutefois le motif le plus célèbre est traité dans la _Bataille des
+Éperons d'or_. Les communiers flamands sont rangés à droite, coiffés de
+casques inusités, armés de massues buissonneuses et présentant des
+«goedendags» pareils à des reptiles. Courtrai avec ses tours, ses
+remparts et ses moulins, se devine, là-bas. Ils la défendent et leurs
+lignes rangées et pointues s'étendent devant elle, comme une succession
+de haies où flotteraient, ci et là, des drapeaux. Le lion noir de
+Flandre orne la plus haute bannière.
+
+A gauche, mais à l'arrière-plan, apparaissent les chevaliers français
+sur leurs chevaux rapides et ployés en arc de cercle. Cimiers, panaches,
+lances, épées, bannières, tout flotte ou se dresse au vent. Derrière eux
+un incendie s'allume et l'horizon est peuplé de nuages capricieux et
+tourmentés.
+
+Au milieu la bataille: foulons, tisserands, bouchers assaillent et
+désarment les ducs et les barons. Des jambes, des têtes, des bras encore
+armés de fer et d'acier gisent à terre. On a coupé les corps comme aux
+abattoirs. Un cheval est tombé pattes en l'air, une flèche fixée au gras
+de sa croupe. Voici un communier pendu à la queue d'un coursier; un
+autre se soulage et fait un pied de nez aux charges qui approchent. Les
+chevaux ruent, s'effrayent, s'abattent. Une mêlée grotesque s'éparpille
+en mille actions non pas d'éclat, mais de gaieté baroque et de risée.
+L'invention est spontanée, abondante, joyeuse. On assiste à une dépense
+de jovialité narquoise et d'humeur pavoisée. Les drapeaux qui flottent,
+les armes qui se dressent, les rayons du soleil, les banderoles des
+nuages ne sont présentés à la vue que comme décors fictifs et lignes
+ornementales. La _Bataille des Éperons d'or_ est une kermesse où l'on
+tuerait pour s'amuser, où l'on tomberait pour se distraire, où l'on
+mourrait pour avoir le plaisir de faire une grimace. Le _Triomphe
+romain_ s'apparente à la _Bataille des Éperons_. La composition en est
+moins originale et les lignes dominantes moins inattendues.
+Toutefois peut-on se réjouir à voir les licteurs présenter leurs
+faisceaux comme des seringues et ceux qui portent les aigles arborer ces
+dernières comme de vulgaires oiseaux abattus par des archers, dans
+quelque village flamand. Il conviendrait d'insister encore sur la _Mort
+d'un théologien_, sur la _Multiplication des poissons_, sur les
+_Soudards Kès et Pruta_, sur _Iston, Pouffamatus, Cracozie et
+Transmouff,_ sur les _Diables menant le Christ aux Enfers_. Je me
+bornerai à présenter la plus importante des _Tentations de
+Saint-Antoine,_ grande composition qui ne fut exposée, après un premier
+refus, qu'aux _XX_, en 1888.
+
+[Illustration: Projet de Chapelle à dédier à St. Pierre et Paul--1897.]
+
+Elle est divisée par étages. Au rez-de-chaussée, l'anachorète gros et
+geignant se présente à nous et sa bonasse figure, que de grosses larmes
+humectent, regarde le ciel, sans trop de désespoir. Au-dessus de lui
+trône une femme qui se dévêt même de la feuille de vigne. Elle est
+grande, belle, élancée, et son impudeur est triomphante. En haut, tout
+en haut, apparaît une admirable tête de Christ, prise à quelque maître
+gothique flamand. Il semble consoler Antoine et pleurer lui aussi sur
+l'amas des vices et des péchés montrés.
+
+Dans la vie des Saints par Alban Stolz, docteur en théologie et
+conseiller ecclésiastique, il est dit d'Antoine: «Un jour qu'il venait
+d'être tenté plus que de coutume, il lui sembla que Notre Seigneur lui
+apparaissait rayonnant de lumière. Il lui dit en soupirant: «Bon Jésus
+où donc avez-vous été? Pourquoi n'êtes-vous pas plutôt venu me
+secourir». Et il lui fut répondu: «Pendant que vous combattiez j'étais
+auprès de vous, car sachez que je vous assisterai toujours.» Ce texte
+commente nettement le fourmillant dessin d'Ensor. Il composa du reste ce
+poème par morceaux, appliquant sur une grande toile, maint carré de
+papier qui continuait sans interruption la partie de scène traduite sur
+le carré voisin.
+
+En plus, si l'œuvre se divise, dans le sens de la hauteur, par étages,
+elle se complique aussi, dans le sens de la profondeur, par couches.
+Presque partout quelque motif en saillie en cache un autre d'un relief
+plus atténué et plus fondu. Il en résulte une abondance et comme une
+fermentation étrange, car dans cette large page tout est traité:
+religion, histoire, morale, vice, vertu, terreur, angoisse, rire,
+ricanement, folie. On se croirait en présence de quelque œuvre indoue
+qui nous propose une explication du monde. Et voici les cultes anciens
+ridiculisés par une Minerve grotesque debout au fronton des temples et
+voici les mille inventions modernes traitées fantastiquement: trains,
+ballons, navires; et voici des écorchés dont des femmes enlèvent la peau
+et voici des crucifiés dont des femmes enlèvent le cœur et voici les
+péchés capitaux qui apparaissent avec leurs violences et leurs affres et
+qui tournent autour de la luxure centrale.
+
+Dans le bas se déroulent des cortèges. Des mimes, des masques et des
+clowns, portant des pancartes folâtres se poussent vers saint Antoine
+comme pour lui présenter la pétition goguenarde de l'universelle démence
+humaine.
+
+Oh, le multiple et terrible cauchemar enluminé! Il arrête surtout par
+ses détails minutieux et innombrables, mais l'ensemble en est toutefois
+large et imposant. Celui qui le conçut est quelqu'un dont
+l'intelligence, le cœur et l'imagination travaillent et fournissent avec
+angoisse leur pensée et leur rêve aux mains patientes et laborieuses.
+
+
+
+
+V.
+
+LES EAUX-FORTES
+
+
+C'est dans son travail d'aquafortiste plus encore que dans son œuvre de
+peintre que l'imagination d'Ensor s'est débridée. Bien des cuivres
+reproduisent certains de ses tableaux et tel de ses dessins est traduit
+en gravure. Toutefois, quand le burin à la main il conçoit quelque
+composition encore inédite, le vent de la fantasmagorie plus que jamais
+violent lui souffle sur le cerveau. Je craindrais de rééditer certaines
+analyses déjà faites si je présentais, ici, toutes les _diableries_ et
+_mascarades_ traitées à la pointe. Je ne veux appuyer que sur leur
+excessive audace, sur leur extrême cocasserie, sur leur insurpassable
+outrance. L'impudeur, l'indécence, la scatologie même apparaissent.
+Mais--disons le en y insistant--rien n'est malsain, trouble, louche,
+ambigu; tout au contraire est franc, sincère, féroce, brutal. Il n'y a
+pas de sous-entendu. Il y a étalage. On sait immédiatement qu'il faut ou
+fermer ses yeux si l'on craint pour ses prunelles innocentes, ou se
+boucher le nez si l'on possède des muqueuses trop délicates. Le
+haut-le-cœur est soudain ou ne se produit pas. Ceux qui l'évitent se
+complairont à suivre alors, en tous leurs méandres, les fleuves de
+verve tumultueuse et de raillerie agitée que l'artiste charrie à travers
+ses œuvres, avec leurs boues frappées de soleil, leurs folles herbes
+tournoyantes et leurs charognes magnifiques. Vienne, Zürich, Liège,
+Barcelone, Milan, Venise, Ostende, Dresde, Paris possèdent, en leurs
+collections publiques mainte eau-forte du graveur. M. Eugène Demolder en
+une critique pénétrante et renseignée, M. Coquiot das sa préface au
+_livre des masques_, M. Vittorio Pica, là bas, en Italie, dans les
+revues et Jean Lorrain, dans le roman étrange, précieux et faisandé de
+_M. de Phocas_, ont longuement et ardemment célébré tels ou tels cuivres
+du peintre. Voici ceux qui ont le plus souvent sollicité la critique.
+
+[Illustration: La Cathédrale--1886. Gravure à l'eau-forte.]
+
+_La Cathédrale_ (1886). Serrée, compacte, myriadaire, une multitude
+s'avance moins avec ses jambes, ses bras, son corps qu'avec ses visages,
+vers on ne sait quel but. Elle bouge non pas individuellement, mais
+totalement, d'un énorme mouvement d'ensemble et c'est comme si la masse
+humaine entière s'ébranlait. Au milieu d'elle une église avec ses
+grandes tours, avec l'élancement de ses ogives, avec ses toits et ses
+clochetons, une église légère, triomphante, aérienne est plantée et
+domine. Au loin se devinent d'autres architectures, des surgissements de
+flêches, des hampes géantes et des drapeaux. On songe à une colossale
+fête séculaire, à quelque anniversaire prodigieux. Le spectacle est
+épique.
+
+Et cette impression est donnée non pas avec force, mais avec légèreté et
+délicatesse. Le burin fourmillant a creusé partout mais jamais sa pointe
+ne fut rude ni acharnée. On dirait le travail d'un clan de mouches ou
+d'une ruche d'insectes. Une atmosphère joyeuse, transparente, fine,
+légère, baigne la page entière et si le mot chef-d'œuvre vole sur les
+lèvres de celui qui la regarde, ce mot y semblera bien à sa place comme
+est à sa place sur le cuivre chaque trait d'ombre et chaque surface de
+lumière.
+
+_La grande vue de Mariakerke_ (1887) est d'une qualité d'art aussi haute
+que la _Cathédrale_. Les petites maisons du village west-flamand sont
+groupées autour de son clocher, avec leurs toits comme des ailes
+abaissées, avec leurs maigres enclos, avec leurs dunes poudreuses et
+leurs verdures aiguës. Un ciel admirable de nuages volants le surmonte
+et le grandit. On sent la mer proche. Les herbes de l'avant-plan sont
+ployées par le vent du large. Elles forment comme une barrière d'ombre
+qui éloigne et approfondit le sujet principal. Un air abondant circule.
+Une correspondance exacte, une interinfluence scrupuleusement observée
+et rendue existe entre le ciel et la terre. Les plans sont partout
+minutieusement fixes et leur accord partant des bords du cadre jusques à
+l'horizon prouvent quel œil sûr Ensor possède qu'il s'agisse du trait ou
+de la couleur.
+
+Et _l'Hôtel de ville d'Audenarde_ (1888) et surtout les _Barques
+échouées_ (1889) confirment encore en nous cette conviction. Dans la
+première planche, l'ombre des galeries du rez-de-chaussée est rendue
+avec une justesse merveilleuse et tout le haut de l'édifice semble comme
+vibrer dans la lumière; dans la seconde, grâce à la disposition oblique
+des deux lignes principales, celle du rivage lointain et celle des
+bateaux sur le quai, l'approfondissement du paysage est admirablement
+rendu, tandis que la volute large et ample du nuage, déroulant sa portée
+dans la même direction que le rivage de droite et les barques de gauche,
+concourt à cette même illusion d'étendue. Souvent, le jeu subtil des
+lignes ne fut guère favorable aux compositions de James Ensor, mais ici
+les plus malveillantes critiques ne peuvent avoir de prise et son œuvre
+est irréprochable. Ceux qui le chicanent sur la trop fameuse
+perspective, n'ont qu'à examiner les _Barques échouées_. Ils conclueront
+que si le peintre viole parfois telle ou telle sacro-sainte règle, tant
+en ses tableaux qu'en ses dessins, ce n'est ni par ignorance, ni par
+impuissance mais par réflexion et par volonté. L'art doit sacrifier à
+chaque instant les préceptes et les enseignements qui le gênent dans ses
+recherches et ses découvertes. Un vrai artiste trouve en lui-même la
+justification de ses excès. Ce qui s'est fait avant lui ne lui est qu'un
+conseil; ce ne peut jamais lui être un ordre, ni une sorte d'ultimatum.
+L'art est libre, libre, libre! s'écrie quelque part James Ensor. Il n'y
+a que les médiocres qui ne comprennent pas et ne comprendront jamais la
+profondeur et la sincérité d'une telle revendication ardente.
+Heureusement que les routes supérieures de l'humanité en marche sont
+plantées de grandes œuvres qui l'affirment et la crient à leur tour.
+
+[Illustration: Le Christ apaisant la Tempête--1886. Gravure à la pointe
+sèche.]
+
+Le _Christ calmant la tempête_ (1886), les _Sorciers dans les
+bourrasques_ (1888), l'_Ange exterminateur_ (1889), sont des
+compositions magnifiques d'ampleur et de simplicité. La première est
+comme solennelle. On a la sensation d'un miracle qui éclate et du
+surnaturel qui rayonne. Les deux autres baignées--dites de quelle vaste
+ou féerique lumière--propagent un mouvement fou tout au long de leurs
+lignes. L'énorme Sorcier de la bourrasque fait songer à quelque Caliban
+céleste. Il est grotesque et puissant à la fois. L'ange exterminateur a
+beau nous apparaître comme une sorte de croquemitaine et les foules qui
+le voient passer s'accroupir en des poses affolées, l'apparition est
+magnifique et inoubliable de splendeur. Le trait menu et comme
+tremblant, le trait minuscule et rompu doue le cheval et son cavalier
+galopant dans les nues, comme d'une vitesse frémissante.
+
+_Les sept péchés capitaux_, que précéda dès 1888: _Peste dessus, peste
+dessous, peste partout_, nous offrent comme une œuvre cyclique où le
+grotesque le dispute à la férocité. Une eau-forte liminaire en prépare
+l'impression étrange. Elle figure une Mort ailée--dites quelles ailes
+misérables et déplumées le squelette entr'ouvre!--abritant sous elle des
+personnages divers dont chacun semble être une indication rapide des
+sept vices à fustiger.
+
+[Illustration: Barques échouées--1888. Gravure à l'eau-forte.]
+
+La _Luxure_ (1888) occupe le centre de l'œuvre. Un jeune homme dont le
+corps est à demi dissimulé, semble ramper, sur un lit, vers une femme
+énorme qui détourne la tête et n'étale qu'une chair ballonnée impudique
+et monstrueuse. Le temps, sinistre et glabre vieillard, le temps aux
+mains et aux ailes crochues menace d'une faux énorme le couple lubrique,
+tandis que voltige dans l'air une manière de gnome cornu et que dans un
+cadre, près d'un rideau, de vagues nudités apparaissent. Dessin rapide,
+traits menus, facture fine et délicate. Page de blondeur et de jeunesse
+où seule la faux levée trace un lugubre éclair. Elle voisine avec
+_l'Avarice_ (1904)--ici, la pointe du burin appuie, griffe, devient
+comme méchante--et l'on voit un terrible bonhomme, en casque-à-mèche
+compter son argent sur une table et quelque démon hérissé remuer, avec
+lui, les pièces rondes et frémissantes. Soudain surviennent deux
+assassins qui assaillent et saignent le cynique avare. Le sang
+éclabousse sa figure et s'écoule de son flanc. L'_Envie_ (1904)
+s'éclaire de l'apparition d'une jeune mère tenant un nouveau-né entre
+ses bras. Elle est heureuse. Un jeune gars l'embrasse. Une paix, une
+douceur, une tendresse est répandue. Des rayons partent du milieu de la
+page, baignant le front de la femme et se projetant jusqu'au bord du
+cadre. Mais voici la contradiction qui se lève: vieilles filles au nez
+féroce, bigotes tirant la langue, hommes graves et bilieux, crétins
+faisant des pieds-de-nez et ci et là des squelettes voltigeant comme
+pour annoncer la maladie et le trépas et affirmer combien toujours la
+mort est suspendue sur la vie.
+
+[Illustration: Croquis.]
+
+L'_Orgueil_ (1904). Solennel, ponctuel, grave, rogue, ridicule, avec de
+tombantes bajoues, avec un front étroit, carré, abrupt, avec une tête
+trop volumineuse pour son corps étriqué, quelque vague notaire ou
+commerçant ou bourgmestre de province se présente à la foule des
+quémandeurs, des humiliés et des pauvres qui lui baisent les mains. Un
+squelette lui pose une couronne sur la tête. Un coq, les plumes
+hérissées, crie vers lui comme s'il claironnait de fureur. Un âne
+regarde. Quelque morne sacristain lit un discours; quelque minable
+vieille tend un bouquet. La mort, armée de sa faux, promène ses doigts
+d'os dans la perruque d'une femme acariâtre--peut-être la compagne du
+notaire, du commerçant ou du bourgmestre--et lui cherche sa vermine. La
+scène est d'une observation cruelle et folâtre. Tout est piteux, morose,
+grotesque dans ce triomphe. La petite ville y est raillée et bafouée.
+Ensor se venge.
+
+La page la moins réussie nous représente la _Colère_ (1904). Au fond
+d'un lieu quelconque--appartement d'ouvrier ou grenier bourgeois--homme
+et femme, avec des couteaux et des crochets, luttent et se blessent.
+Leur chat, le poil dressé, assiste à la bataille. Des êtres
+singuliers interviennent et la camarde semble faucher le vide au-dessus
+des combattants. On croirait que le cuivre est griffé au moyen d'un
+clou. Toute autre est l'abondante et grasse et croupissante et
+savoureuse _Gourmandise_ (1904). Bien que les deux personnages assis
+vomissent leur nourriture et que la Mort leur serve un homard et qu'un
+chien, sur le dossier d'une chaise, compisse l'un d'eux et qu'une tête
+coupée s'étale sur un plat, le petit drame gastronomique se caractérise
+par une jovialité amusante. Un tableau pendu au mur réjouit par son
+dessin preste: il représente des porcs qu'on tue, dans un village sur la
+place, et certes les deux bâfreurs assis ou plutôt affalés à leur table
+ne se doutent point qu'ils méritent un semblable trépas. L'énorme cochon
+qui se hisse dans un coin, la langue pendante, semble seul distraire le
+plus gros des convives et son œil oblique s'en va vers le groin tendu ou
+vers le homard que la mort apporte, presque amoureusement. Enfin la
+_Paresse_ (1902) représente deux dormeurs, un homme et une femme,
+enfoncés dans leur couche. Un lutin ricaneur chatouille l'œil de la
+dame. Un squelette détraque une horloge et enlève une aiguille. Par la
+fenêtre, on aperçoit des paysans qui moissonnent, des ouvriers qui
+brouettent, des valets qui bêchent, des gens de peine qui transportent
+des fardeaux, des soldats à l'exercice, des trains qui roulent et tout
+au loin une ville énorme dont les usines s'acharnent et fument sous le
+riant soleil. Dehors il fait grand jour, mais les dormeurs baîllants se
+calfeutrent et de lents escargots rampent sur leurs draps. Un petit
+démon, sur la table de nuit, éteint, d'un pet, la bougie.
+
+[Illustration: Ernest Rousseau--1887. Gravure à la pointe sèche.]
+
+Cette suite de sujets renseigne--et que d'autres petites planches
+l'affirment comme elle--sur l'inépuisable fantaisie de James Ensor. On
+la croit au bout de sa trépidation et toujours et encore elle
+recommence. Elle est véloce et incessante comme le tic-tac d'une montre.
+Elle s'agite jour et nuit. La moindre observation faite au hasard la
+remonte comme le petit tour de clef quotidien redonne la vie aux
+ressorts distendus.
+
+Pour saisir mieux encore cette folâtre imagination il faudrait la suivre
+jusque dans sa descente vers la caricature et la montrer aux prises avec
+les _Cuisiniers dangereux_[1] et les _Mauvais médecins_ (1895).
+
+Les _Cuisiniers dangereux_ sont les critiques. On y distingue telles
+personnalités que J. Ensor redoutait. Elles servent un étrange repas à
+quelques-uns de leurs confrères et sur les plats présentés s'étale la
+tête même du peintre flanquée d'un sauret. Les _Mauvais médecins_
+opèrent avec une férocité délurée, s'empétrant parmi les intestins
+qu'ils retirent des ventres comme des câbles et taillent dans les chairs
+de larges crevasses par où s'évadent les entrailles. Le patient tend un
+poing vers le ciel, est retenu par une corde qui l'étrangle tandis que
+la mort sinistre, avec un geste préceptoral, apparaît.
+
+[Footnote 1: Les _Cuisiniers dangereux_ sont un panneau (1896).]
+
+
+
+
+VI
+
+VIE ET CARACTÈRE
+
+
+Vie banale somme toute, mais en lutte avec un caractère spécial,
+étrange, infiniment impressionnable et ombrageux.
+
+Ensor naquit à Ostende. Il a 48 ans. Il grandit dans une maison de
+négoce, avec sa boutique achalandée s'ouvrant sur la rue, à côté de la
+chambre de famille. Aux jours où la mer est calme on envoie l'enfant sur
+la plage se distraire dans le sable, avec des coquillages. Il ne connaît
+point encore le pittoresque quartier des pêcheurs plein de voiles et de
+bateaux, plein de gamins hâves qui jouent parmi des charettes à bras,
+dépiotent de leurs doigts prestes les crevettes tombées des paniers de
+la marée et se poursuivent parmi les cordes tendues de poteau en poteau
+et les ancres abandonnées dans les terrains vagues. Ce n'est que plus
+tard qu'il se mêlera, poussé par son art, à la vie des matelots et des
+mousses.
+
+Il ne suit les classes que pendant deux ans. Lui même emmagasine
+quelques connaissances variées dans sa jeune tête. Ses livres d'images
+le hantent. Les romans à naïfs dessins le sollicitent. Après avoir
+admiré les gravures il lit le texte. Mais déjà mainte tentation lui
+vient de rendre les tons et les lignes qu'il voit. Il griffonne et
+barbouille. Détail à noter: ce sont les couleurs qu'il traduit avant
+même qu'il dessine les objets. Il a quatorze ans.
+
+On lui donne comme professeurs deux vagues aquarellistes ostendais:
+Dubar et Van Kuyck. Leurs conseils lui sont légers. Il les écoute et
+oublie leurs paroles. Il n'est inquiété que par ce qu'il voit. Il ne
+peint que d'après nature et les sites marins et les dunes et les
+paysages des environs d'Ostende sont ses premiers modèles. Louis Dubois,
+le beau peintre solide et puissant, rencontrant un jour, au cours d'un
+villégiature sur la côte, les quelques pages auxquelles James Ensor,
+presque enfant, confiait ses primes essais, s'enthousiasma et vivement
+s'intéressa à ses débuts.
+
+En 1877 le voici à Bruxelles. De 1877 à 1880 il fréquente l'Académie. Il
+y eut pour compagnons: Fernand Khnopff, Charlet et Duyck. Et pour
+maîtres: Portaels, Stallaert, Robert et Van Severdonck.
+
+[Illustration: Le Théatre des Masques ou Bouquet d'artifice--1889]
+
+Plus tard, sorti de cette école, il appréciera et critiquera
+l'enseignement de ses maîtres, en ce caractéristique monologue:
+
+ «TROIS SEMAINES A L'ACADÉMIE
+
+ _Monologue à tiroirs_
+
+ La scène est dans la classe de peinture.
+
+ Personnages: Trois professeurs, le directeur de l'Académie, un
+ surveillant; personnage muet: un futur membre des _XX_.
+
+ Nota: La vérité des menus propos qui suivent est garantie.
+
+ 1re Semaine: M. le professeur Pilstecker.
+
+ Vous êtes coloriste, Monsieur, mais sur 100 peintres il y a 90
+ coloristes.
+
+ Le flamand perce toujours chez vous, malgré tout. Je trouve les
+ artistes français très forts; dans une exposition, on les distingue
+ de suite de leurs voisins; ils sont très forts en composition.
+
+ Il ne faut pas croire que le professeur abîme l'étude en la
+ corrigeant; quand j'avais votre âge, je le croyais aussi,
+ maintenant je vois bien que le professeur avait raison.
+
+ Vous n'avancez pas! ça n'est pas modelé! (montrant l'étude d'un
+ autre élève). En voici un qui va bien! Malheureusement il est trop
+ paresseux.
+
+ Vous cherchez déjà l'air ambiant, au lieu d'attendre que vous soyez
+ assez fort en dessin; songez que vous avez encore deux classes
+ d'antiques à faire! après celà, vous aurez bien le temps de vous
+ occuper d'air ambiant, de couleur et de tout le reste.
+
+ Vous ne voulez pas apprendre; peindre comme celà, c'est de la folie
+ ou de la méchanceté.
+
+ Je suis _forcé_ de vous complimenter sur votre dessin; mais
+ pourquoi faites-vous des dessins contre l'Académie?
+
+ 2e Semaine: M. le professeur Slimmevogel.
+
+ Vous avez fait votre fond au lieu de faire la figure; ça n'est pas
+ difficile de faire un fond.
+
+ Vous faites le contraire de ce qu'on vous dit. Au lieu de commencer
+ par _vos vigueurs_, vous commencez par les clairs. Comment
+ pouvez-vous juger votre ensemble. Il faut faire vos vigueurs avec
+ du noir de vigne et de la terre de Sienne brûlée.
+
+ Je ne sais pas ce qu'il y a dans l'air ici; jamais je n'ai vu la
+ classe de peinture comme cette année. Je serais honteux si un
+ étranger entrait ici.
+
+ Je ne vois rien là dedans. Il y a de la couleur, mais ça ne suffit
+ pas.
+
+ Ça manque de vigueur. Vous empâtez trop. Vous avez l'air de bien
+ chercher cependant. Vous avez assez cherché maintenant.
+
+ Est-ce M. Pilstecker qui a corrigé votre étude? Ça n'est pas sa
+ semaine, pourtant. C'est embêtant, ça!
+
+ 3e Semaine: M. le professeur Van Mollekot.
+
+ Qu'est-ce que c'est que ça! C'est beaucoup trop brun, vous savez.
+ Est-ce M. Slimmevogel qui vous a corrigé?
+
+ C'était si bien commencé. Vous dessinez si bien, mais vous abîmez
+ tout ce que vous faites.
+
+ Croyez-moi, c'est dans votre intérêt que je vous le dis. Mettez
+ votre étude à côté du modèle. Vous avez peur de peindre.
+
+ Il faut peindre avec des brosses plates, en pleine pâte, mais il
+ faut faire attention de ne pas blaireauter.
+
+ Vous n'empâtez pas assez. Je sais bien que vous savez le faire,
+ mais il faudrait le montrer aux autres.
+
+ Vous faites du paysage, c'est de la farce, le paysage!
+
+ M. le Directeur.
+
+ Vous dessinez en peignant, mauvais! mauvais! Vous allez vous noyer.
+
+ C'est le sentiment qui vous perd, vous n'êtes pas le seul.
+
+ La semaine passée, vous avez fait un bon dessin, maintenant, c'est
+ encore une fois la même chose; vous avez mal à l'œil peut-être? Un
+ sculpteur serait bien embarrassé, s'il devait faire quelque chose
+ d'après votre dessin.
+
+ Est-ce M. Slimmevogel qui a retouché ça?
+
+ Le Surveillant.
+
+ M. le Directeur et M. Pilstecker sont très fâchés contre vous, à
+ cause de votre concours d'esquisse peinte. Si vous voulez me
+ promettre de changer de manière, j'en parlerai à M. le Directeur,
+ et vous pourrez entrer à la classe de nature.
+
+ _Moralité_: L'élève quitte l'Académie et se fait Vingtiste.
+
+ _Moralité ultérieure_: On refuse toutes ses toiles au Salon.»
+
+[Illustration: L'Intrigue--1890. (Collection Ernest Rousseau)]
+
+Ce monologue porte. Il est jovial et juste. Il résume, d'un style leste
+et ironique les tares de l'enseignement officiel. Les personnages
+représentés se reconnaissent. Leurs jolis noms empruntés au langage
+populaire donnent au morceau entier, une savoureuse couleur locale.
+Ensor ne pouvait être un bon élève. Sa nature s'y opposait; il était
+destiné à devenir un bon peintre. Il remporta toutefois le deuxième
+prix de dessin de tête antique.
+
+Revenu à Ostende il se forme lui même. Toutefois restent suspendues au
+mur de son atelier deux compositions faites à l'Académie: _Oreste
+tourmenté par les Furies_ et _Judas lançant l'argent dans le Temple_. On
+comprend que d'authentiques professeurs se soient étonnés devant ces
+peintures. Le ton y est déjà très particulier. Les personnages baignent
+dans une lumière argentée; aucun trait n'est sec ni maigré. Aucun geste
+conventionnel, ni appris. La scène n'est point soulignée par la
+présentation à l'avant-plan du protagoniste principal, soit Judas, soit
+Oreste. C'est le groupe qui intéresse; c'est l'ensemble; c'est l'action
+totale. Des rouges sonnent sur un fond d'argent. Les défroques sont
+plutôt romantiques que classiques ou bibliques. Le dessin académique est
+tout entier mangé par la couleur. Ces deux toiles sont déjà de la vraie
+peinture ensorienne.
+
+L'année 1880 fut une année admirable pour James Ensor. Son vrai début
+date de ce temps. Il lit beaucoup. La littérature n'a jamais ému les
+peintres belges. En ce temps là, surtout, leur ignorance se dressait
+monumentale. Ils avaient peur d'orner leur esprit pour ne point courir
+le danger de sacrifier à l'imagination. On sait ce que cette crainte
+puérile a produit. Au dernier _Salon d'automne_ (1907) à Paris, le
+principal grief qu'on fit à notre exposition rétrospective fut de
+manquer d'intellectualité ou plutôt d'intelligence.
+
+Je n'ignore point qu'un peintre littéraire est un peintre dévoyé. Je
+sais qu l'œil et non pas l'esprit doit dominer dans les arts plastiques.
+Nul plus que moi ne s'est fait un devoir de signaler combien il
+importait de voir, de regarder, de constater afin de bien traduire soit
+la ligne, soit la couleur, soit la lumière. Toutefois il ne faut pas
+qu'un peintre se prévaille de cette vérité qui peut apparaître, à juste
+titre, comme une manière de dogme esthétique, pour s'opposer à toute
+culture générale et se complaire à n'être volontairement qu'une brute
+qui peint. Il faut, au contraire, que tout artiste s'affine et s'éduque.
+Or, c'est la littérature seule, prise dans son sens large, qui lui peut
+donner cet affinement. Il doit tendre à son développement complet, à
+l'exaltation de sa personnalité totale; il doit comme fourbir le
+faisceau entier de ses facultés. Rien n'est perdu et, mystérieusement,
+tout sert. A l'heure des chefs-d'œuvre, c'est tout l'être humain, avec
+ce qu'il contient de puissance latente et emmagasinée dans son cerveau,
+dans ses sens, dans ses muscles, dans ses nerfs, qui apparaît et qui se
+hausse, par sa création soudaine mais combien lentement préparée, au
+plan des dieux.
+
+[Illustration: Masques devant la Mort--1888. (Collection Ernest
+Rousseau)]
+
+Les maîtres que lisait Ensor étaient évidemment ceux que sa nature
+d'exception lui désignait: Edgar Poe et Balzac. Pourtant, avant eux, il
+avait cultivé Rabelais (on s'en aperçoit en ses écrits); il goûtait le
+Roland Furieux, de l'Arioste, et Don Quichotte et les Mille et une
+Nuits. J'ai trouvé également dans sa bibliothèque «l'Enfer» du Dante.
+
+Quant aux peintres qu'il entoure de son culte pieux ce sont et Rembrandt
+et Delacroix et Chardin et Watteau. Il ne lui déplaît pas de louer
+également--il ne serait pas James Ensor s'il n'appréciait
+l'antithèse--le «Virgile lisant l'Enéide» (fragment) du vieil Ingres.
+
+Il englobe encore dans son admiration Pierre Breughel et Jérôme Bosch.
+Mais il ignore Rowlandson et Gillray auxquels il ressemble. Et Goya ne
+lui est nullement familier.
+
+Ses voyages furent très rares. En 1892 il ne s'attarda que quatre jours
+à Londres; il fut à deux ou trois reprises à Paris; il se divertit dans
+un voyage en Hollande, avec son ami Vogels, et les musées d'Amsterdam et
+de Haarlem le retinrent longtemps entre leurs murs.
+
+Sa vie s'est écoulée, à Ostende, presque tout entière. Il y a subi
+l'interminable et ensevelissant ennui de la province qui tombe sur l'âme
+comme une poussière sur le corps; il y a connu la moquerie et la haine;
+le potin et la risée; il y a rencontré les contrariétés domestiques,
+l'incompréhension inévitable, la dérélection. Les heures noires lui ont
+fait cortège au long des jours gris, maussades, monotones. Sa
+sensibilité fine comme le grain d'un bois rare et précieux a subi les
+coups de rabot de la bêtise. Il s'est senti foulé, meurtri, brisé.
+
+Les rares joies qui flambaient autour de lui étaient de pauvres joies
+provinciales. Il en prit, certes, sa part ne fût-ce que par tristesse.
+Une société _Le Rat Mort_ le comptait et le compte encore au nombre de
+ses membres. Ce cercle où des médecins coudoient des avocats, où des
+échevins serrent la main à des notaires, où des musiciens --quelques-uns
+de vrai talent--introduisent le culte d'un goût surveillé, inscrit à son
+programme le rire et l'entrain pour essayer de vaincre la torpeur
+ambiante. Y réussit-il? Et sa joie n'est-elle pas uniquement
+réglementaire?
+
+Quand James Ensor fut nommé chevalier par le Roi on lui ménagea quelque
+fête cordiale et tapageuse. J'en connais l'ordonnance. Elle fut
+consignée dans une brochure que rédigea et qu'illustra le peintre. Des
+discours sont prononcés, des strophes battent des ailes et des
+brabançonnes inédites voient le jour. La fête fut, paraît-il, charmante
+et folle. Je le crois, bien que le souvenir que j'en ai entre les mains
+ne me communique plus, à cette heure, ni charme ni folie. Mais il est
+juste d'ajouter que la carcasse d'un feu d'artifice tiré est chose
+lamentable et funèbre.
+
+Ensor écrit assez volontiers. On sait que la plume est entre ses mains
+une arme--certes contournée, fantasque, chimérique--mais qu'elle est
+toutefois aiguë et pointée comme un couteau et qu'elle blesse souvent.
+Il s'est plu, dans le _Coq Rouge_, à la diriger--malencontreusement à
+mon avis--contre Alfred Stevens; dernièrement encore dans l'_Echo
+d'Ostende_, il égratigna maint critique. Il agit alors comme s'il tenait
+entre les mains une molle pelotte, qu'il traverse d'épingles et qu'il
+jette, dès qu'elle en est pleine, comme un espiègle, vers le public. Les
+traits portent, les allusions sont transparentes; ceux qui sont au
+courant de la vie d'Ensor comprennent. Les autres s'étonnent. Lui, dès
+son geste fait, redoute qu'on se fâche, s'excuse presque d'avoir aussi
+abondamment garni sa pelotte, d'avoir effilé trop vivement ses pointes,
+mais, quoiqu'il en ait, il n'a pu s'empêcher de la lancer. Sa phrase est
+surabondante d'adjectifs pittoresques et cocasses, de substantifs
+soudains et inventés; elle est folle, amusante, superlificoquentieuse;
+elle écume et bouillonne; elle monte et s'écroule en cataracte.
+Lorsqu'une bouteille d'ardent champagne se débouche et que le
+fourmillement des bulles gazeuses s'élève myriadaire et pétille vers le
+goulot pour se répandre et se résoudre en mousse, je songe au style
+fermenté de James Ensor.
+
+Ostende ayant repoussé son art, loin des murs nus de ses monuments, le
+peintre, dès que l'occasion s'en offrit, malmena ses édiles. Il
+s'agissait d'élever une statue à M. Van Iseghem, bourgmestre. Voici le
+morceau. Je l'emprunte à la _Ligue Artistique_.
+
+ UN BRONZE OSTENDAIS A PLACER
+
+ «Resignalons allègrement les évolutions sardinéennes de nos
+ bourgmestres vacillants ou édiles impénétrables, travaillés par des
+ voix. Contemplons caricaturalement les entrechats effrénés de
+ certains administrateurs ventripotents: singulières gambades
+ agrémentées de culbutes désopillantes, subtiles ruades de grisons
+ affolés, tiraillements aigres-doux de fonctionnaire non
+ fonctionnant ruminant son bronze, maître coup de gaffe d'adroit
+ manœuvrier manœuvrant, discussion spongieuse de batracien
+ encornichonné coassant, effondrement subit de mache-brique
+ imprévoyant, grossissement anormal de cucurbitacé triomphant.
+
+ «Lançons quelques pierres dans cette mare aux marmousets et
+ enveloppons d'un voile épais les échantillons artistiques de nos
+ esthètes tremblotants pataugeant en sourdine dans les vases de
+ barbotine ou d'élection.
+
+ [Illustration: La Raie--1892. (Collection Ernest Rousseau)]
+
+ «Ces mêlées de moules et contre-moules et d'asticots asticotés me
+ laissent indifférent: le contribuable ostendais a d'autres singes à
+ fouetter. Mais une grosse question divise nos esthètes mercurisés.
+
+ «L'érection de la statue de Jan Van Iseghem s'impose, clament nos
+ édiles en mal de bronze! Pschykoriaminikrolobrédibréraxispipipi!
+ expectorent péniblement nos vieux barbons du littoral; «une réunion
+ de conseillers de l'Huîtrisie Heureuse s'indique», fafouent nos
+ scaphandriers désossés, prudents immergeurs de vesses traîtresses.
+
+ «Après vives discussions hérissées de bourdes solennelles, sauts de
+ carpe, torgnioles, plamussades, nasardes fraîches, faux horizons de
+ narquoisie, momeries variées, arlequinades de haute lisse,
+ péroraisons limaçonnes, jérémiades de tritons essoufflés, volées
+ oratoires de grand effet, miaulement suraigus, grognements
+ agressifs, gloussements inarticulés et bredouillements confus
+ dignes d'une assemblée de vieilles lavandières échaudées ou
+ marchandes des quatre saisons coquemardées, nos orateurs
+ mollusqueux, égosillés et contents se réfugièrent prestement entre
+ de jolies valves nacrées et perlières, et il ne fut plus question
+ de la statue du plus pelliculé des bourgmestres passés, présents et
+ à venir.»
+
+ * * * * *
+
+La musique l'a tenté autant que la littérature. Il compose et improvise.
+Blanche Rousseau fut, un jour, témoin de la façon dont il railla avec
+des notes ceux qui le raillaient avec des paroles.
+
+«A un dîner de noces où se trouvaient un grand nombre de bourgeois,
+Ensor, pâle et muet, se laissait taquiner, mais avec des sourires
+contraints, des regards dédaigneux où s'allumait parfois l'éclair fugace
+d'une colère ou d'une ironie effrayantes. Non loin de lui, je
+l'observais et j'avais presque peur. Tout à coup, quelqu'un
+l'interpelle: «De la musique, James, de _ta_ musique.» On rit, il
+résiste, on insiste.... Alors, il se lève tout à coup, marche au piano,
+et fait éclater une fanfare discordante, un tumulte de sons bousculés,
+mais si moqueurs, si violents, d'une si imprévue et tragique ironie ...
+une sorte de _marche des bourgeois_ où les cris d'animaux se mêlent au
+vacarme du tam-tam, et brisée dans un long hurlement sinistre. Il revint
+à sa place, sans que, pourtant, sa figure eût changé--mais les autres ne
+riaient plus».
+
+La musique autant que la littérature lui sert donc à des manifestations
+irritées tout autant que certains dessins et certaines caricatures.
+Quand sa sensibilité est trop foulée et comprimée par l'hostile ambiance
+elles lui sont comme deux soupapes qu'il ouvre tout à coup et par
+lesquelles il se libère de sa mauvaise humeur.
+
+Mais quelquefois aussi elles lui apparaissent comme de réelles
+expressions d'art, surtout la musique, qu'il aime et cultive, avec
+délices et pour laquelle, me dit-on, il se sent né tout autant ou peut
+être plus encore que pour la peinture.
+
+«L'étrange musique, écrit encore Blanche Rousseau. Elle ne ressemblait à
+aucune autre; elle ne ressemblait à rien au monde. Elle était sourde et
+voilée--rapide comme un souffle, aussi légère--ou bruyante
+soudain--dure, heurtée, diabolique.... Les sons couraient, agiles,
+ailés, s'égouttaient en jet d'eau ou s'écroulaient en poudre.... Ils se
+relevaient, s'envolaient en soupirs vers les nues idéales et retombaient
+à terre avec des grimaces et des contorsions. C'était pour moi, petite
+fille, des troupeaux d'anges et de démons tournoyant entre ciel et
+terre, des chutes et des essors, et les merveilleuses ascensions d'un
+mélange bizarre de figures dont prédominaient tour à tour les unes,
+sublimes, ou les autres, grimaçantes et horribles.... Et quand, brisant
+soudain une mélodie, Ensor entonna le _Miserere_ d'un voix vacillante,
+effrayante dans l'ombre, la voix exacte d'un curé cynique et rapace
+devant un cercueil entouré de cierges--tandis qu'on riait dans la
+chambre éclairée--mon cœur se glaça d'horreur et je me crus vieille à
+treize ans».
+
+[Illustration: Bataille des Éperons d'or--1895. Eau-forte.]
+
+Il suffit d'avoir approché Ensor à certains jours, d'avoir écouté,
+attentivement, ce qu'il ne disait pas pour se convaincre qu'il est à la
+fois timide et téméraire, très simple et très complexe, que le soupçon
+habite en lui, qu'il se croit volontiers honni, trahi, persécuté même,
+qu'il est plein d'ironie et de goguenardise. Son silence et son rire
+sont, presque au même titre, inquiétants. Il a la haine de la bêtise; il
+la sait dure et coriace: il faut de temps en temps qu'il la morde.
+Pourtant la méchanceté lui est étrangère.
+
+Au fond, très au fond de lui, séjourne certes la bonté; mais cette
+source profonde il ne la montre qu'à de très chers regards. Sa petite
+nièce l'a vu certes se répandre. Pour les autres gens, il demeure un
+être fermé et énigmatique. On ne le saisit jamais entièrement. La vie
+lui apprit à être défiant. On ne lui a point rendu toute justice. Son
+art n'est point encore, à cette heure, situé où quelque jour il se
+campera. Mais qu'importe! l'ascension sera d'autant plus sûre qu'elle
+aura été lente et contrariée.
+
+[Illustration: La mort poursuivant le Troupeau des Humains--1895.
+Gravure à l'eau-forte.]
+
+Le caractère n'explique évidemment pas toute une œuvre. Ce sont les dons
+fonciers que le peintre porte en lui qui la déterminent,
+l'entretiennent, la nourissent et la développent.
+
+Toutefois le caractère de l'homme influence l'œuvre, si j'ose dire,
+latéralement. Il est comme les vents d'est, d'ouest, du sud et du nord
+qui assiègent une plante magnifique, la courbent, la redressent, la
+baignent d'air chaud ou d'air froid, l'épanouissent ou la dessèchent.
+Ensor est un supra-sensible.
+
+La mobilité, l'inquiétude, la vacillation de sa nature expliquent à la
+fois les recherches fièvreuses, les pas en avant, les pas en arrière,
+les brusques progrès et les soudains reculs, en un mot tous les
+changements et aussi toutes les inégalités de son art. Après un tableau
+clair, il rétrograde vers un tableau sombre; après un dessin de
+caractère il commence un dessin atmosphéré, après une eau-forte toute en
+délicatesse il burine un cuivre comme avec des clous. Il est tumultueux
+et abrupt dans mainte composition; le développement continu ou
+symétrique des lignes ne l'inquiète guère; il procède par à coups; il
+étonne plus souvent qu'il ne charme. Il fait preuve de maladresse et il
+est loin de bannir de son art le dérèglement et le chaos. Il ne tient
+jamais en place et souvent il ne tient pas même sa place. Les œuvres
+inférieures voisinent avec les œuvres excellentes. Au cours de cette
+étude je n'ai insisté que sur ces dernières: elles seules comptent dans
+la vie d'un maître.
+
+Son caractère explique encore son amour immodéré pour le masque, la
+défroque, la mort, la laideur. Pendant les dures, moroses et adverses
+années de sa vie, quand il se croit abandonné de tous, quand des idées
+de persécution hantent sa tête, il met comme une ardeur noire à
+dénaturer, à déformer, à calomnier la vie. Quelques-unes de ses toiles
+sont féroces. Les _deux squelettes se disputant un hareng-saur_ mettent
+une âpreté telle dans leur lutte à mâchoires voraces et terribles qu'on
+songe vaguement à deux cruels ennemis du peintre s'acharnant sur lui. Le
+jour qu'il campa devant son poêle de fonte le gras et narquois
+_pouilleux_ et que les premiers _masques_ vinrent surprendre et attirer
+son attention, ce fut le pittoresque et la saveur des guenilles et des
+oripeaux qui certes le sollicitèrent. Il découvrit en eux l'ironie et la
+farce quasi joviales; mais plus tard l'ironie et la farce firent place
+au sarcasme, à la détresse et à la violence. Et le rire devint
+ricanement. Bien plus. Peut être s'est-il fait que le découragement a
+remplacé, à point nommé, la colère et que certaines années mauvaises et
+mornes, les années vides d'enthousiame, ne sont imputables qu'à un
+fléchissement de volonté. Car--et je ne veux point éluder ce problème
+moral--il est vraiment incompréhensible qu'aux heures pleines de
+l'adolescence et de la maturité commençante Ensor se soit comme retiré
+de la lutte, alors qu'une abondance de gestes et d'œuvres marque chez
+les artistes doués comme lui l'entrée triomphale dans la quarantaine.
+
+[Illustration: La Danse--1896. (Collection Ernest Rousseau)]
+
+Est ce la veule et torpide province, la solitude trop complète,
+l'éloignement trop prolongé ou la critique injuste qui ont amené cet
+alentissement? Quelle brisure intérieure a lézardé une muraille déjà si
+haute?
+
+Ou bien les ennuis quotidiens et domestiques, les tracas mesquins et
+rongeants le condamnèrent-ils quelque temps au silence?
+
+L'explication nette et unique se dissimule sous l'amas des conjectures.
+Peut être un jour jaillira-t-elle simple et probante. En attendant, je
+ne crois pas errer en affirmant que c'est dans le caractère du peintre
+et non pas en son art lui-même qu'il la faut chercher. Les rares
+dernières œuvres qui n'ont point encore quitté son atelier affirment que
+son œil est autant que jamais subtil, vivant et frais et que peut-être
+un dernier rajeunissement est à la veille d'éclore. Mais quel que soit
+l'avenir, l'œuvre telle qu'elle est, avec sa série de toiles depuis
+longtemps victorieuses, n'est indigne d'aucune des louanges que nous lui
+avons, au cours de ces pages, prodiguées.
+
+
+
+
+VII.
+
+LA PLACE DE JAMES ENSOR DANS L'ART CONTEMPORAIN
+
+
+La place de James Ensor dans l'art de son temps apparaît belle et nette.
+Le recul nécessaire pour la fixer se fait et ce jugement émis par ses
+admirateurs n'est déjà plus un jugement horaire.
+
+Un fait esthétique notoire domine la peinture du XIXe siècle: la
+découverte de la lumière. D'où la recherche nécessaire d'harmonies
+nouvelles, de relations autres, de valeurs et de juxtapositions de tons
+insoupçonnées jadis. D'où encore un renouveau du sentiment pictural
+lui-même, la joie et la vie intronisées à la place de la morosité et de
+la routine, l'œil éduqué non plus à l'atelier mais dans les jardins, les
+bois et les plaines, les pratiques anciennes abandonnées au profit de la
+surprise et de la découverte rencontrées à chaque coin de route, à
+chaque angle de carrefour. C'est la nature, bien plus que les musées,
+qui forma les peintres novateurs. Elle leur imposa directement leur
+vision et modifia leur technique. Même elle renouvela toute leur
+palette. Ils n'ont consulté qu'elle: c'est d'après ses leçons ingénues
+et profondes qu'ils se sont formés, se sont découverts et se sont
+exaltés à l'heure des chefs-d'œuvre.
+
+[Illustration: Mariakerke--1896. (Collection Edgar Picard)]
+
+Dans cette conquête de la clarté, l'effort et la vaillance de James
+Ensor compteront. Son geste demeurera insigne, non seulement dans
+l'école de son pays, mais, un jour, dans l'art occidental tout entier.
+Car une mise au point exacte de la victoire impressionniste se prépare
+partout. L'Europe entière y collabore. Certes y conservera-t-elle son
+rôle d'initiatrice et de propagatrice la belle et grande France. Mais la
+Hollande, mais l'Angleterre, mais l'Espagne, mais la Belgique
+s'adjugeront également, à bon droit, quelques magnifiques rayons de la
+gloire artistique toujours renouvelée et sans cesse voyageuse, qui
+s'est, jadis, presque fixé chez elles, puis s'en est allée, puis revenue
+pour y séjourner à nouveau.
+
+L'histoire de l'impressionnisme ne fut tentée, pourrait-on dire, qu'au
+point de vue parisien. Les marchands s'y sont intéressé plus encore que
+les critiques. Les dithyrambes ont monté d'après les prix de vente. On
+put croire, à tel instant, qu'une toile était moins une œuvre d'art,
+qu'une valeur financière. Degas, Renoir, Monet, Cézanne et Sisley
+avaient leurs courtiers comme le sucre, le café, la margarine et le
+cacao. Tout peintre étranger admis à la côte parisienne devenait peintre
+et maître à son tour.
+
+On ne le jugeait plus d'après ses origines, mais d'après les qualités
+qui l'apparentaient aux maîtres français. Ainsi faussait-on maint
+jugement. La critique met en valeur les différences entre peintres et
+non pas les ressemblances ou les similitudes. Les écoles nationales sont
+nécessaires à l'évolution complète d'une même théorie ou d'une même
+formule. Une même idée conçue par des peuples différents, un même
+principe d'art appliqué par des groupes étrangers les uns aux autres
+acquiert une diversité précieuse et riche. La totalité des résultats
+peut être atteinte ainsi.
+
+Au reste, les peintres venus d'ailleurs conservent, même à Paris, d'une
+manière souveraine, leurs qualités autochtones. Jongkind, Van Gogh,
+Whistler, Anglada Van Rysselberghe en témoignent. Ils restent fidèles à
+leurs origines superbement. Ils possèdent--j'en excepte Whistler--moins
+de goût que les Français, ils voient moins subtil et moins fin, mais ils
+apportent, les uns certains dons de robustesse, d'âpreté, les autres
+certains sentiments d'intimité et de naïveté, qu'on ne rencontre qu'en
+Espagne, qu'en Hollande et qu'en Flandre.
+
+Pour situer de tels talents, il ne faut point les rejeter hors de leur
+milieu natal. Au contraire, il les y faut ramener, les mettre en leur
+vrai jour, les relier à leurs contemporains directs par les inévitables
+sympathies de race et d'instinct. Qu'on signale les principes nouveaux
+qu'ils apportent, mais qu'on étudie avant tout comment ils les adaptent
+à leur nature.
+
+A toutes les périodes de l'histoire, ces influences de peuple à peuple
+et d'école à école se sont produites. Jadis l'Italie dominait
+profondément les Floris, les Vænius et les De Vos. Tous pourtant ont
+trouvé place chez nous, dans notre école septentrionale. Plus tard
+Pierre Paul Rubens s'en fut à son tour là-bas; il revint italianisé mais
+ce fut pour renouveler tout l'art flamand.
+
+Bien plus, il se fait que souvent au pays même des peintres émigrés, il
+se lève des artistes qui trouvent, sans quitter la terre natale, ce
+que leurs émules s'en vont chercher au loin. Ensor peut se ranger parmi
+ceux-ci. Déjà Pantazis et Vogels s étaient signalés. Ils s'étaient posés
+le problème de la lumière et l'avaient élucidé si pas résolu. Vogels
+surtout s'était affirmé avec une audace violente et spontanée. Il avait
+des dons admirables d'improvisateur; il possédait la fougue et l'éclat.
+Ses ciels tumultueux, ses paysages tragiques s'affranchissaient de toute
+convention stérilisante. Il eût été un grand peintre, si l'insuffisance
+de son métier ne l'avait desservi.
+
+[Illustration: Entrée du Christ à Bruxelles--1898. Gravure à
+l'eau-forte.]
+
+Ensor plus dominateur en son art, avec une vision plus aiguë et plus
+fine, avec un instinct magnifiquement développé, avec une invention plus
+large et plus abondante, cultiva le même champ que Pantazis et Vogels,
+mais il y suscita des fleurs de lumière d'une beauté plus rare, plus
+rayonnante et plus subtile. Lui ne ressemble à personne. Ses premières
+œuvres contiennent déjà en puissance toute sa force future. On ne les
+confond avec nulles autres. Elles s'imposent d'elles mêmes. Elles sont
+indépendantes, fières, libres.
+
+Au temps où elles éclatèrent, avec soudaineté et presque avec insolence,
+Manet occupait activement la critique d'avant-garde. Aux Salons
+triennaux de Bruxelles, d'Anvers et de Gand, la toile intitulée _Au Père
+Lathuille_ avait ameuté autour d'elle toute l'ignorance et la raillerie
+publiques. Il était séant qu'on s'en scandalisât. Le rire et le sarcasme
+étaient exigés comme un gage d'honnêteté bourgeoise et de bon goût
+provincial. Certes, eût-on détérioré l'œuvre, si l'aventure judiciaire
+à courir et l'amende à payer n'eussent arrêté les mains bien pensantes
+et les couteaux croyant à l'idéal.
+
+Les fureurs grinçant des dents contre Manet se tournèrent à point nommé
+contre James Ensor. Autant que le peintre des Batignolles il fut accusé
+d'instaurer en art une sorte de Commune et d'inscrire sa doctrine
+esthétique aux plis d'un drapeau rouge. Bien plus: sans égard pour les
+dates d'antériorité qui marquaient les toiles du peintre d'Ostende, on
+les proclamait dépendantes et vassales de celle de Manet, on leur
+refusait tout mérite jusqu'à celui d'être des sujets de scandale
+inédits. L'erreur persista longtemps et persiste encore. On s'entêta et
+l'on s'entête à ranger James Ensor parmi les élèves de Manet. Rien n'est
+plus faux. Les deux maîtres n'ont qu'un point de contact: tous les deux
+peignent à larges touches et tous les deux étudient la lumière frappant
+mais surtout modifiant le dessin et le ton local des objets.
+
+Mais que de différences immédiatement s'accusent! Manet reste, somme
+toute, un peintre de tradition et d'enseignement. Les Espagnols l'ont
+formé: Velasquez et surtout Goya. Le jour que son _Olympia_ fit son
+entrée au Louvre, elle se plaça, naturellement, en son milieu. La rampe
+l'attendait. Elle voisina, sans déchoir, avec les toiles d'Ingres et de
+Delacroix. Sa victoire fut même trop belle: l'_Odalisque_ du vieil
+Ingres se sentit atteinte dans son rayonnement de chef-d'œuvre
+soi-disant parfait. Jamais elle n'apparut plus sèche, plus figée ni plus
+froide. En outre, Manet compose ses toiles. L'_Olympia_, le _Christ aux
+anges_, le _Déjeuner sur l'herbe, Maximilien_, sont des œuvres dont la
+mise en page est faite d'après des recettes connues. Bien qu'il soit un
+peintre admirable, encore n'évite-t-il pas les sécheresses et les
+duretés. Il ignore l'abondance et la richesse prodiguées. La réflexion
+et le raisonnement le guident plus que l'instinct ne le pousse. Il a une
+main très experte, très habile. Il fait preuve d'esprit, parfois de
+virtuosité. Son intelligence surveille son art et le raffine. Il pense
+autant et plus encore qu'il ne voit. Quand, séduit par les visions
+fraîches et hardies de Claude Monet, il se décida à modifier les
+couleurs de sa palette et à traduire le plein air vrai et la clarté
+prismatique et vivante, ce fut par une suite de tâtonnements réfléchis
+qu'il y parvint. Il cherchait sans trouver, du coup. Ce fut une lutte
+avant tout intelligente. Il lui fallut non seulement des qualités d'œil,
+mais des qualités de caractère. Son esprit, son jugement, son
+obstination, sa probité, tout son être moral et pensant agit: ce fut un
+triomphe laborieux.
+
+James Ensor, lui, n'est purement qu'un peintre. Il voit d'abord, il
+combine, arrange, réfléchit et pense après. Il ne doit rien ou presque
+rien aux maîtres du passé. Il est venu en son temps pour ne recevoir que
+les leçons des choses. Certes, sa mise en page le préoccupe, mais ses
+compositions évitent de rappeler celles que les musées enseignent.
+L'esprit qu'il met dans ses toiles et ses dessins est plutôt grossier et
+populaire. Son trait de pinceau est appuyé; il ne glisse pas. Il n'est
+pas adroit. Toutefois sa couleur n'est jamais commune. En chaque œuvre
+le ton rare et riche, violent et doux, prismatique et soudain, installe
+sa surprise et son harmonie. On dirait qu'Ensor écoute la couleur
+tellement il la développe comme une symphonie.
+
+[Illustration: Vengeance de Hop-Frog--1898. Gravure à l'eau-forte.]
+
+Jamais ne s'y mêle la moindre fausse note. Il a l'œil juste comme est
+juste l'oreille d'un musicien. A le voir peindre, comme au hasard, on
+craint qu'à chaque instant la gamme profonde et rayonnante des couleurs
+ne se fausse. Or jamais aucun accroc n'a lieu. L'instinct, le guide le
+plus sûr des artistes, bien qu'il paraisse un conducteur aveugle,
+l'assiste sans qu'il s'en doute et le décide, quand à peine il prend le
+temps de le consulter. Avant de poser un ton, il est sûr que ce ton sera
+d'accord avec les autres. Il le sent tel, à travers tout son être. A
+quoi bon examiner, discuter, raisonner, si l'examen, la discussion et le
+raisonnement se sont faits, préalablement, sans qu'on le sache, avec la
+promptitude que met un éclair à traverser le ciel. L'aptitude en art
+n'est jamais un acquis, mais un don. Elle est subconsciente et sourde.
+Celui qui naît sans qu'elle habite en lui à l'instant même qu'il voit,
+entend, flaire, goûte et touche, ne sera jamais un artiste authentique.
+Aucune étude ne la lui apportera. Des races privilégiées la transmettent
+à leurs différentes écoles, à travers les siècles. L'une de ces races
+est l'admirable race des Pays-Bas.
+
+Il s'en faut pourtant que leur instinct merveilleux soit l'unique don
+des peintres septentrionaux. Ils n'auraient pas donné à l'art ces
+artistes universels qui out nom Rubens, Van Dyck, Jordaens et avant eux
+Van Eyck, Memling, Van der Goes, Van der Weyden et Metsys si
+l'intelligence, le sentiment, la raison et la volonté leur eussent été
+refusés.
+
+Je n'ai insisté sur leur qualité foncière: l'instinct, que pour la
+montrer pareille au tronc massif et souterrain sur lequel se entent,
+comme des branches, toutes les autres vertus esthétiques.
+
+[Illustration: Ostende--1898. (Collection Edgar Picard)]
+
+James Ensor est plus purement un peintre que Manet, mais ce dernier est
+évidemment un maître et un artiste d'une plus large et plus souveraine
+envergure. Il est un chef d'école magnifique, définitif et complet. Il
+commande à un des carrefours de l'art où les routes bifurquent et
+gagnent des contrées vierges et inconnues.
+
+Je n'ai, au surplus, mis en parallèle les deux peintres que pour
+défendre James Ensor contre des accusations d'imitation. Qu'on fasse
+voisiner n'importe laquelle de ses toiles avec l'_Olympia_, le _Déjeuner
+sur l'herbe_, le _Père Lathuille, Argenteuil, Pertuiset_ et
+l'originalité des deux créateurs d'œuvres marquantes s'imposera
+indiscutable.
+
+Mais un autre rapprochement s'indique. Les récents intimistes français,
+les Vuillard et les Bonnard s'attachent aujourd'hui à certaines
+recherches qu'autrefois tenta James Ensor. Tels éclairages de salon ou
+d'appartement, telles lueurs argentées et discrètes, tels gris, tels
+bruns font songer à l'atmosphère de la _Coloriste_ ou à la _Musique
+russe_. Il n'est pas jusqu'au dessin vacillant et brouillé qui
+n'établisse un parentage entre les deux manières. Je veux bien qu'il n'y
+ait que rencontre fortuite. Il est piquant toutefois de noter ceci: Si
+James Ensor rappelle quelque peintre, c'est parmi ses cadets, parmi ceux
+qui innovent et préparent l'avenir et non point parmi ses aînés qu'il le
+faut chercher. Il n'est pas de ceux qui imitent; il est de ceux qui
+découvrent. Il est plutôt d'accord avec ceux qui viennent, qu'avec ceux
+qui sont venus. Si bien que ses toiles qui datent de vingt-cinq ans
+recèlent toute la fraîcheur et la surprise des œuvres d'aujourd'hui. Il
+les peut exposer avec orgueil. Aucune ne déchoit. Quelques-unes
+serviront peut-être à renflouer les vieilles carènes de l'École d'Anvers
+où de tout jeunes peintres Navez et Crahay travaillent avec le souvenir
+de l'œuvre d'Ensor présente à leur esprit.
+
+Preuve évidente de force profonde et souterraine! Quelqu'un qui reste
+aussi durablement jeune ne vieillira jamais. Il porte en lui la
+résurrection incessante. Il vit de lui-même, mystérieusement. Déjà il ne
+connaissait plus la mode, voici qu'il ignore le temps.
+
+Il n'importe que James Ensor soit ignoré en Allemagne, en Angleterre, en
+Italie et en Amérique. Il est classé en Belgique et à cette heure on le
+classe en France. Or, c'est Paris qui, depuis un siècle, assume
+l'honneur d'auréoler les noms des vivants insignes. Il est la postérité
+qui s'éveille; il désigne les routes par où passe la gloire; il semble
+d'accord avec une volonté lointaine et encore inconnue. En son pays la
+renommée de James Ensor grandit d'année en année. Ceux qui le
+méconnaissaient autrefois sont morts ou sont vaincus. On ne relègue plus
+ses envois dans les oubliettes des salons triennaux: ils s'étalent à la
+cimaise, aux places d'honneur. Les musées des grandes villes s'en
+enrichissent: Liège, Anvers, Bruxelles. Les mécènes qui villégiaturent à
+Ostende, l'été, visitent l'atelier du peintre et leurs galeries se
+décorent de ses toiles. Les prix atteints sont élevés. L'heure est déjà
+loin où les œuvres du peintre s'échangeaient contre une obole. Certes
+l'art ne se pèse pas au poids d'argent. L'or donné ne représente que ce
+fait: l'admission d'un peintre dans une compagnie de choix et la place
+élue qu'on lui assigne dans une école. L'auteur de la _Coloriste_, de
+l'_Après-midi à Ostende_, du _Salon bourgeois_, du _Lampiste_ et de la
+_Mangeuse d'huîtres_, des _Enfants à la toilette_, des _Masques devant
+la mort_, de _Adam et Eve chassés du paradis_ et de la _Dame sombre_
+peut avec tranquillité voir se passer les années: il est sûr de la
+durée.
+
+
+
+
+CATALOGUE DE L'Å’UVRE DE JAMES ENSOR
+
+
+ TOILES ET DESSINS
+
+ 1879
+
+ Portrait de l'artiste.
+ L'amie de l'artiste.
+ Judas lançant l'argent dans le temple.
+ Oreste tourmenté par les Furies.
+ L'artiste peignant.
+
+ DESSINS.
+
+ Le chant de Noël.
+ Les trouvères.
+ Les buccins.
+
+ 1880
+
+ Le Lampiste.----Appartient au Musée de Bruxelles.
+ La coloriste.----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ La mare.----à M. Guillaume Charlier, Bruxelles.
+ Nature-morte.----id., id.
+ Poissons.----à M. Paul Buéso, Bruxelles.
+ Le chou.----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Chinoiseries.----id., id.
+ Accessoires.
+ Musique russe.----à Mlle Anna Boch, Bruxelles.
+ Dame au châle.
+ Petites chinoiseries.----à M. C. Franck Anvers.
+ Le cardeur.----id., id.
+ Estacade.----à M. A. Lambotte, Anvers.
+ Chinoiseries.----id., id.
+ Les bouteilles----Appartient à M. E. Demolder, Essonnes.
+ Effet de neige----à M. F. Franck, Anvers.
+ Vases----id. id.
+ Le flacon bleu----à M. A. Lambotte, Anvers.
+ Nature-morte----à M. F. Fuchs, Bruxelles.
+ Pommes----à M. E. Labarre, Bruxelles.
+ Mer grise----à M. F. Franck, Anvers.
+ Trois esquisses----id., id.
+ Sous bois.
+ Nuage rose.
+ Dame au brise-lame.
+ A l'atelier.
+ Le parasol----à M. A. Lambotte, Anvers.
+ Mer agitée.
+ Portrait de l'artiste.
+ Le peintre.
+
+ AQUARELLE.
+
+ Gamin----à M. F. Franck, Anvers.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Retour des champs.
+ Tête (sanguine)----à M. Samuel, Bruxelles.
+
+ DESSINS.
+
+ Le maçon.
+ Le rétameur.
+ Gamin assis----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+ Le paysan triste.
+ Vieux pêcheur.
+ Gamin.
+ La sœur du peintre.
+ L'homme au chaudron.
+ Les mangeurs de soupe.
+ Jeune fille.
+ Vieux paysan.
+ Pêcheur de crevettes.
+ La femme au balai.
+ Laveuse.
+ Garçon lisant.
+ L'homme à la blouse.
+ Jeune fille à l'éventail.
+ Pêcheur au panier----Appartient à M. Deprez, Liège.
+ Le roi peste.
+ La mort mystique d'un théologien.
+
+ 1881
+
+ Viandes----au Musée d'Ostende.
+ Salon bourgeois en 1881----à M. E. Rousseau, Bruxelles.
+ Salon bourgeois, esquisse----à M. F. Franck, Anvers.
+ La dame sombre----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+ Le rouget----à M. Edouard Hannon, Bruxelles.
+ La convalescente----à M. Bourgeois, Liège.
+ Tête d'étude----à M. W. Finch, Helsingfors.
+ Accessoires----à M. F. Buelens, Ostende.
+ Dame en rouge----à M. A. Crespin, Bruxelles.
+ Dame à l'éventail.
+ Le père de l'artiste.
+ Portrait d'homme----à M. F. Buelens, Ostende.
+ Etude de fruits----à M. Theo Hannon, Bruxelles.
+ La mare aux peupliers----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Marine, effet de soleil.
+ Les braconniers----à M. Delory, Calais.
+ La rue de Flandre à Ostende.
+ Les lampes.
+ Canal----à M. Ch. Mendiaux, Anvers.
+ Eventails.
+ Marine, effet de soir.
+ Marché à Ostende----à M. Buelens, Ostende.
+ Intérieur au poêle----à M. A. Lambotte, Anvers.
+ La dune noire.
+ Etoffes et éventails.
+ Une après-dînée à Ostende.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Pêcheur au manteau jaune----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+ Petits musiciens.
+ Pêcheur au panier.
+ La sœur de l'artiste.
+ Gamin (sanguine)----Appartient à M. C. Ganesco, Paris.
+
+ DESSINS.
+
+ Vieux songeur.
+ L'homme au foulard.
+ Garçon au bonnet.
+ Le violon.
+ Le lustre.
+ Clefs.
+ La lectrice.
+ L'homme au panier.
+
+ 1882
+
+ Huîtres----au Musée d'Anvers.
+ Le pouilleux----au Musée d'Ostende.
+ Nature-morte----au Musée de Liège.
+ Lièvre et corbeau----à M. Greiner, Seraing.
+ La dame en détresse.
+ Portrait de Théo Hannon----à M. Théo Hannon, Bruxelles.
+ Dans les dunes----à M. Murdoch, Anvers.
+ Marine----à M. A. Rassenfosse, Liège.
+ Portrait de femme----à M. F. Buelens, Ostende.
+ La mangeuse d'huîtres.
+ Dame au châle bleu.
+ Roses.
+ Portrait du peintre W. Finch.
+ Fleurs----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ La petite chaise----à M. Lambotte, Anvers.
+ Pommes----à M. F. Franck, Anvers.
+ Fleurs et porcelaines----à M. Lambotte, Anvers.
+ La mère de l'artiste.
+ Etoffes.
+ Petites tasses.
+ Le brise lame.
+ La dune au nuage blanc.
+ Marine.
+ Maisonnettes dans les dunes.
+
+ AQUARELLE.
+
+ Le mannequin----Appartient à M. F. Franck, Anvers.
+
+ DESSINS.
+
+ Ostendaise.
+ L'homme à la bêche.
+ Ouvrier du port.
+ Pêcheur de crevettes.
+ Cadre (croquis)----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Croquis----à M. Alfred Verhaeren, Bruxelles.
+ Croquis----à M. Théo Hannon, Bruxelles.
+ Croquis.
+
+ 1883
+
+ Les pochards----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+ Les masques scandalisés.
+ Pommes rouges----à M. O. François, Bruxelles.
+ Les houx----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Portrait de l'artiste.
+ Pivoines et pavots----à M. L. Franck, Anvers.
+ Sur la plage----à M. Vince, Bruxelles.
+ Canal.
+ Coquillages----à M. L. Franck, Anvers.
+ Dans les blés.
+ Le Rameur----à M. F. Buelens, Ostende.
+ Forêt de Soignes.
+ Fleurs et vases.
+ La dame en blanc.
+ Dunes, panorama.
+ Dunes et mer.
+ L'horticulteur.
+ Le violon----à M. Maurice des Ombiaux, Bruxelles.
+ La barque jaune.
+ Marine, après-midi.
+
+ DESSIN.
+
+ Le pochard----à M. Albert Neuville, Liège.
+ La sorcière----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+ Portrait de Richard Wagner----Appartient à M. Gustave Kéfer, Paris.
+ Les joueurs.
+ L'escrimeur.
+ La clarinette.
+ Zélandaise.
+ Masques scandalisés.
+ Croquis----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+
+ 1884
+
+ Marine----à M. Gustave Kéfer, Paris.
+ Enfant à la poupée.
+ Portrait du peintre Dario de Regoyos.
+ La dune.
+ Les toits à Ostende----à M. F. Franck, Anvers.
+ Intérieur----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Grande vue d'Ostende.
+ Barques.
+ Le nuage blanc.
+
+ AQUARELLE.
+
+ Accessoires.
+
+ DESSINS.
+
+ Gamin (sanguine).
+ Enfant dormant.
+ Portrait de l'artiste----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Au piano.
+ Le cœur révélateur.
+ Les misérables.
+
+ 1885
+
+ Vue de Bruxelles----au Musée de de Liège.
+ Le meuble hanté----au Musée d'Ostende.
+ Jardin à Watermael----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Marine----Soleil couchant.
+ Le Christ marchant sur la mer.
+ Fanfare en rouge.
+ Vue du phare à Ostende.
+ Squelettes regardant chinoiseries.
+ Le boulevard à Ostende.
+ Les indécises. (Série d'études.)
+
+ PASTEL.
+
+ Les amoureux----Appartient à M. Ern. Rousseau, Bruxelles.
+
+ DESSINS.
+
+ Combat de soudards.
+ Vases.
+ Démons me turlupinant.
+ Promeneurs----à M. Blatter, Paris.
+ Descente de croix.
+ Portrait----à M. Johanida.
+
+ 1886
+
+ Etudes de lumière.
+ Enfants à la toilette----à M. A. Lambotte, Anvers.
+ Lisière du bois d'Ostende----à M. R. Goldschmidt, Bruxelles.
+ Etudes locales.
+ Fleurs et fruits.
+ Squelette et pierrots.
+ Nature morte.
+ Les lilas.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Le cauchemar.
+ Le rêv----
+
+ DESSINS.
+
+ Les auréoles du Christ ou les sensibilités de la lumière.
+ La gaie: L'adoration des bergers.
+ La crue: Jésus montré au peuple.
+ La vive et rayonnante: L'entrée à Jérusalem.
+ La triste et brisée: Satan et les légions fantastiques tourmentent
+ le Crucifié.
+ La tranquille et sereine: La descente de croix.
+ L'intense: Le Christ montant au ciel.
+ Le Christ veillé par les anges.
+
+ FANTAISIES ET GROTESQUES.
+
+ Quatre portraits de l'artiste.
+ Enfant dormant.
+ Profils.
+
+ 1887
+
+ Adam et Eve chassés du Paradis terrestre.----Appartient à M. A.
+ Lambotte, Anvers.
+ Le feu d'artifice.
+ Tribulations de Saint Antoine.
+ Fruits----à M. Storm de 's Gravesande, Hollande.
+ Nature-morte.
+ Adoration des bergers----à M. E. Deman, Bruxelles.
+ Ville à contre soleil.
+ Jardin en plein soleil.
+ Intérieur.
+ Vision claire.
+
+ DESSINS.
+
+ La tentation de Saint Antoine.
+ Josué arrêtant le soleil.
+ Combat des pouilleux Désir et Rissolé.
+ Petits supplices persans.
+ Mon père mort.
+ La paresse.
+ L'apparition.
+ Les diables Dritss et Hihahox conduisant le Christ aux
+ enfers.
+
+ 1888
+
+ L'entrée du Christ à Bruxelles.
+ Fruits----à M. Jules Cordeweiner, Bruxelles.
+ Les masques devant la mort----à M. E. Rousseau, Bruxelles.
+ Jardin d'amour.
+ Carnaval à Bruxelles.
+ Mon portrait déguisé.
+ Foudroiement des anges rebelles.
+ Études locales.
+ A Ostende, le boulevard.
+ Nature-morte.
+ Le Christ tourmenté----à M. E. Royer.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Suzanne au bain----Appartient à M. Max Hallet, Bruxelles.
+ Masques nous sommes----à M. Edm. Picard, Bruxelles.
+ La rixe.
+ Jeanne d'Arc.
+ Peste dessous----Peste dessus. Peste partout.
+
+ DESSINS.
+
+ Squelettes musiciens.
+ La dormeuse.
+ La mort poursuivant le troupeau des humains.
+ Portraits bizarres----à M. Jules Cordeweiner, Bruxelles.
+
+ 1889
+
+ Squelettes voulant se chauffer----à M. Léon de Lantsheere, Bruxelles.
+ Fleur et vase bleu----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Le théâtre des masques ou bouquet d'artifice.
+ La petite travailleuse----à M. Cwalosinsky, Bruxelles.
+ Théâtre des masques et pierrot.
+ Fleurs----à M. Guillaume Charlier, Bruxelles.
+ Attributs des Beaux-Arts----à M. Buelens, Ostende.
+ Etonnement du masque Wouse.
+ Coquillages.
+ Poires, raisins, noix.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS
+
+ Le dernier carré à Waterloo----à M. Storm de 's Gravesande, Hollande.
+ La revanche des condamnés----à M. Vittorio Pica, Milan.
+ Squelette dessinant.
+
+ DESSINS.
+
+ Portrait de Madame E. Rousseau.
+ Le vieux meuble.
+ Vénus à la coquille.
+ La mère de l'artiste----à M. R. Goldschmidt, Bruxelles.
+ Les adieux de Napoléon.
+ Etudes de plantes.
+
+ 1890
+
+ Le domaine d'Arnheim----Appartient à M. Emile Verhaeren, St. Cloud.
+ Fruits----à M. Ganesco, Paris.
+ L'intrigue----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Homard et crabes----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+ Le pot bleu----à M. Philipps, Bruxelles.
+ Les choux----à M. Labarre, Bruxelles.
+ La tour de Lisseweghe----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+ Chaloupes.
+ Ecce-Homo.
+ Vue prise en Phnosie, ondes et vibrations lumineuses.
+ Petits masques.
+ L'assassinat.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Jardin aux masques.
+ Clowneries.
+
+ DESSINS.
+
+ Masques.
+ La vieille au portrait----à M. C. Ganesco, Paris.
+ Napoléon à Waterloo.
+ La sensibilité en 1890 et la vivisection.
+ La sensibilité en 1590 et la roue, le bûcher, etc.
+ Etudes sentimentales.
+ Bourgeois indignés sifflant Wagner en 1880 à Bruxelles.
+
+ 1891
+
+ Le Christ apaisant la tempête.
+ Squelettes se disputant un pendu----à M. Cwalosinsky, Bruxelles.
+ Les bons juges----à M. Camille Laurent, Charleroi.
+ Portrait d'Emile Verhaeren----à M. Emile Verhaeren, St. Cloud.
+ Les musiciens terribles----à M. Félix Fuchs, Bruxelles.
+ L'autodafé----à M. Félix Fuchs, Bruxelles.
+ Le jardin d'amour----à M. Maurice des Ombiaux, Bruxelles.
+ Masques regardant des crustacés----à M. Breckpot, Bruxelles.
+ Baptême des masques.
+ Réunion de masques.
+ Le prêche.
+ Fraises----Appartient à Mme Ninauve, Bruxelles.
+ Squelettes au hareng.
+ Squelette arrêtant masques.
+ Chinoiseries, étoffes----à M. F. Franck, Anvers.
+ Ecce-Homo.
+ La peureuse.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ La bataille des Éperons d'or.
+ Les bains d'Ostende----à M. Charles Vos, Bruxelles.
+ Les cuirassiers à Waterloo.
+
+ DESSINS.
+
+ Le Christ aux Enfers.
+ Vieux augures.
+ Apparition----à M. Emile Verhaeren, St. Cloud.
+ Portrait et fantasmagorie.
+ Grotesques.
+
+ 1892
+
+ La vierge consolatrice.
+ Ma chambre préférée.
+ Les masques singuliers.
+ Pierrot jaloux.
+ Barques échouées----à M. B. Ganesco, Paris.
+ Poissardes mélancoliques----à M. F. Buelens, Ostende.
+ Les gendarmes.
+ Les soudards Kès et Pruta entrant dans la ville de Bise----à M. G.
+ Serigiers, Anvers.
+ Les mauvais médecins----à M. Van der Velde, Bruxelles.
+ Nature-morte.
+ Roses----à M. Robert Goldschmidt, Bruxelles.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Supplice de Jeanne d'Arc.
+ Triomphe romain.
+ Réunion de masques.
+
+ DESSINS.
+
+ Les soudards débandés.
+ Le Christ tourmenté.
+ Grotesques.
+ La couturière----Appartient à M. Blatter, Paris.
+
+ 1893
+
+ Le coq mort----à M. Leuring, La Haye.
+ La raie----à M. Ernest Rousseau. Bruxelles.
+ Les choux----à M. F. Franck, Anvers.
+ Coquillages----à M. R. Goldschmidt, Bruxelles.
+ L'homme de douleurs.
+ L'exécution.
+ Soudards pénitents dans une cathédrale.
+ Nature-morte.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Le tournoi----à M. R. Goldschmidt, Bruxelles.
+ Cortège comique.
+
+ DESSINS.
+
+ La vierge aux navires.
+ Masques.
+ Sorcières dans la bourrasque----à M. R. Goldschmidt, Bruxelles.
+ Le Christ aux mendiants----id. id.
+ Croquis----id. id.
+
+ 1894
+
+ Crevettes.
+ Masques regardant une tortue.
+ Vase bleu.
+ Nature-morte----Appartient à M. F. Pleyn, Ostende.
+ Crustacés.
+ Nature-morte.
+ Portrait d'Eugène Demolder----à M. E. Demolder, Essonnes.
+
+ DESSINS REHAUSSÉ.
+
+ Au théâtre.
+
+ DESSINS.
+
+ Le combat----Appartient à M. G. Virrès, Lummen.
+ Têtes bizarres.
+ Crétins regardant les étoiles.
+
+ 1895
+
+ Poissons----à M. Rouffard. Bruxelles.
+ Coquillages.
+ Portrait de M. Culus.
+ Fleurs.
+ Nature-morte----à M. F. Pleyn, Ostende.
+ Jeux de lumière.
+
+ DESSIN.
+
+ Femme cousant.
+ Monstre tourmentant Saint Antoine----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Intérieur d'église.
+ Bouquet.
+
+ 1896
+
+ Fleurs----à M. R. Goldschmidt, Bruxelles.
+ Mariakerke----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+ Les ballerines----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Duel de masques----id.
+ Squelette peintre----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+ La vengeance de Hop Frog.
+ Les cuisiniers dangereux----à M. Camille Laurent, Charleroi.
+ Nature-morte.
+ Fleurs et légumes----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+
+ DESSINS.
+
+ Grotesques.
+ La pendule.
+ Masques et trognes.
+ Monstres.
+ Diableries.
+
+ 1897
+
+ Les chaloupes.
+ La mort et les masques----Appartient à M. Vandeputte, Bruxelles.
+ Masques et potiches.
+ Fruits.
+ Poissons.
+ L'éclaircie.
+ Fleurs.
+
+ DESSIN REHAUSSÉ.
+
+ Projet de chapelle à dédier à St. Pierre et Paul à Ostende.
+
+ DESSINS.
+
+ Gens de mer.
+ Sur la plage.
+ Masques.
+ Vieilles.
+ Musiciens drôlatiques.
+ Fantaisies.
+
+ 1898
+
+ Le grand juge.
+ Nature-morte.
+ Vue d'Ostende----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+ Squelettes travestis----à M. Pleyn, Ostende.
+ Nature-morte----à M. Jungers, Bruxelles.
+ Nature-morte.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Affiche pour l'exposition de «la Plume» à Paris.
+ Composition pour «la Plume».
+
+ 1899
+
+ Portrait du peintre entouré de masques----à M. A. Lambotte, Anvers.
+ Nature-morte.
+ Pierrot aux masques.
+ Nature-morte.
+ Intérieur.
+ Nuages.
+
+ AQUARELLE.
+
+ La petite chinoise.
+
+ DESSINS.
+
+ Rue à Ostende.
+ Chiens.
+ Coin de cuisine.
+ Feuilles.
+ Papillons.
+ Enfants.
+
+ 1900
+
+ Le juge rouge----Appartient M. Yseux, Anvers.
+ Squelette à l'atelier----à M. Max Hallet, Bruxelles.
+ Nature-morte.
+ Plage.
+ Barques échouées----à M. Jungers, Bruxelles.
+ Vue du port d'Ostende.
+
+ DESSIN REHAUSSÉ.
+
+ La servante----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+
+ DESSINS.
+
+ Vieux meubles.
+ Accessoires.
+ Lampes.
+ Etoffes.
+ Livres.
+ Les marchands chassés du Temple.
+ Portrait.
+
+ 1901
+
+ Canal----à M. Berthelot, Paris.
+ Echauffourée de masques----à M. Cnudde, Ostende.
+ Nature-morte.
+ Chinoiseries.
+ Vue de Mariakerke----à M. Philippson, Bruxelles.
+ Coquillages.
+ Fleurs.
+
+ DESSINS
+
+ Le Christ secourant Saint Antoine.
+ Vieilles.
+ Chaises.
+ Enfants.
+ Moulin.
+ Combat de soudards.
+
+ 1902
+
+ L'amateur d'art.
+ Les joueurs.
+ Nature-morte.
+ Accessoires----Appartient à M. Crick, Bruxelles.
+ Plage.
+ Nature-morte.
+ Au Conservatoire.
+ Fleurs.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Entrée de Jeanne d'Arc à Domremy.
+ Orgueil.
+ Avarice.
+ Envie.
+ Gourmandise.
+ Colère.
+ Paresse.
+
+ DESSIN.
+
+ Encadrement pour un livre de Vittorio Pica.
+
+ 1903
+
+ Coquillages et draperie bleue.
+ Fleurs.
+ Figures au soleil.
+ Petits masques.
+ Promeneurs.
+ Nature-morte.
+ Nature-morte.
+ Chinoiseries.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Histoire du billard à travers les âges. Cinq compositions
+ ----Appartient à M. Haardt, Bruxelles.
+ Squelette au billard----à A. Lambotte, Anvers.
+ Vases.
+ Vieilles choses.
+ Coins d'ombre.
+ Fantasmagories.
+ Jardin d'amour.
+ Roses.
+
+ 1904
+
+ Nature-morte.
+ Bassin à Ostende.
+ Nature-morte.
+ Fruits.
+ Vierge aux donateurs masqués.
+ Nature-morte.
+ Crustacés.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Neuf compositions pour illustrer Marmontel----à M. Serruys, Ostende.
+ Carnaval à Ostende.
+
+ DESSINS.
+
+ Coin de table.
+ Bêtes bizarres.
+ Plage de la Panne.
+ Barques échouées.
+
+ 1905
+
+ Pierrot et squelette----à M. A. Lambotte, Anvers.
+ Fleurs.
+ Intérieur.
+ Nature-morte.
+ Fruits.
+ Intérieur.
+ Coquillages.
+
+ DESSINS.
+
+ Repas comique (sanguine)----App. à M. Haardt, Bruxelles.
+ Le tir à l'arc.
+ Pêcheurs.
+ Sirène abandonnée.
+ Arlequinades.
+ Cortèges carnavalesques.
+ Dunes et plaines.
+
+ 1906
+
+ Nature-morte.
+ Accessoires.
+ Les toits à Ostende.
+ Portrait----à M. F. Duhot, Bruxelles.
+ Chinoiseries.
+ Vue du théâtre à Ostende.
+ Nature-morte.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ La chute des anges rebelles.
+ Masques.
+ Baigneuses.
+
+ DESSINS.
+
+ Vieux meubles.
+ Poêles.
+ Silhouettes.
+ Marines.
+
+ 1907
+
+ Fruits.
+ Nature-morte.
+ Chinoiseries----à M. Robert Goldschmidt, Bruxelles.
+ Masques.
+ Nature-morte.
+ Pêcheurs.
+ Portrait de Madame L.
+ Masques et squelettes----à M. L. Prager, Munich.
+ Chinoiseries.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ La belle Impéria.
+ Henri de Groux jouant au billard----Appartient à M. A. Lambotte, Anvers.
+ Vieux murs.
+ Coins d'appartements.
+ Bouquets.
+ Cortèges.
+ Femmes surprises.
+
+ 1908
+
+ Fruits et légumes.
+ Chinoiseries.
+ Squelettes musiciens.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Squelettes----à M. Blatter, Paris.
+ Types drôlatiques.
+ Jeune rousse.
+ Buveurs.
+ Jeune fille luttant.
+ Hommage à la femme.
+
+ DESSIN.
+
+ Encadrement pour Emile Verhaeren.
+
+
+
+
+ EAUX-FORTES ET POINTES-SÈCHES
+
+
+ 1886
+
+ Le Christ insulté.
+ Verger.
+ Vieillard.
+ Portrait de l'artiste.
+ Le Christ apaisant la tempête.
+ Iston, Pouffamatus, Cracozie et Transmouff, célèbres
+ médecins persans examinant les selles du roi Darius après
+ la bataille d'Arbelles.
+ La cathédrale.
+ La flagellation.
+
+ 1887
+
+ La Madeleine.
+ Cortège infernal.
+ Portrait d'Ernest Rousseau. (Pointe-sèche.)
+ Le pisseur.
+ Grande vue de Mariakerke.
+ Estacade. (Pointe-sèche.)
+ La dormeuse. (Pointe-sèche.)
+ Petite vue de Mariakerke.
+ Rue à Bruxelles. (Pointe-sèche.)
+ Buste. (Pointe-sèche.)
+
+ 1888
+
+ Combat des pouilleux Désir et Rissolé.
+ Maison du boulevard Anspach. (Pointe-sèche.)
+ Réverbère.
+ Le meuble hanté.
+ La lutte des démons.
+ L'acacia. (Pointe-sèche.)
+ La chimère.
+ La crypte. (Pointe-sèche.)
+ Lisière du petit bois d'Ostende.
+ Hôtel de Ville d'Audenarde.
+ Crânes et masques.
+ Vue de Nieuport.
+ Candélabres et vases.
+ Paysage à la charette.
+ Prise d'une ville étrange.
+ Mon portrait en 1860.
+ Mon père mort. (Pointe-sèche.)
+ L'archer terrible.
+ Les cataclysmes.
+ L'assassinat.
+ Vue du port d'Ostende.
+ Vue d'Ostende à l'Est.
+ Bouquet d'arbres.
+ Ferme flamande.
+ Musiciens fantastiques.
+ Chaloupes.
+ Le grand bassin à Ostende.
+ Les insectes singuliers. (Pointe-sèche.)
+ Le coup de vent à la lisière.
+ Sentier à Groenendael.
+ Barques échouées.
+ Chaumières.
+ Les éléphants furieux.
+ Sorciers dans la bourrasque.
+ Petites figures bizarres.
+ Maisonnettes à Mariakerke.
+ Les gendarmes.
+ Le cimetière.
+ L'écorché.
+ Adoration des bergers. (Vernis mou.)
+ La luxure.
+ La tentation du Christ.
+ Le jardin d'amour.
+ Le denier de César.
+ Sous bois à Groenendael. (Pointe-sèche.)
+
+ 1889
+
+ Bateaux à vapeur.
+ Les patineurs.
+ Boulevard à Ostende.
+ Mon portrait squelettisé.
+ Ferme à Leffinghe.
+ Le pont du bois.
+ L'orage.
+ Le moulin de Mariakerke.
+ La fête au moulin.
+ Le fantôme.
+ La mare aux peupliers.
+ Le bal fantastique.
+ Pont rustique.
+ L'ange exterminateur.
+ Triomphe romain.
+
+ 1890
+
+ Alimentation doctrinaire.
+ Portrait de Hector Denis.
+ La musique à Ostende.
+
+ 1891
+
+ Moulin à Slykens.
+ Multiplication des poissons.
+ Assemblée dans un parc.
+
+ 1892
+
+ Autodafé.
+
+ 1894
+
+ Les bons juges.
+ Les petites barques.
+
+ 1895
+
+ Les diables Dzitss et Hihahox conduisant le Christ aux enfers.
+ Pouilleux indisposé se chauffant.
+ Les joueurs.
+ Belgique au XIXe siècle.
+ Démons me turlupinant.
+ Le Christ tourmenté par les démons.
+ Fridolin et Graga Pança d'Yperdam.
+ Bataille des Éperons d'or.
+ Alimentation doctrinaire.
+ Les mauvais médecins.
+ Squelettes voulant se chauffer.
+ Masques scandalisés.
+ Le roi-peste.
+ Le Christ aux mendiants.
+ Les vieux cochons.
+ Le Christ descendant aux enfers.
+
+ 1896
+
+ La mort poursuivant le troupeau des humains.
+ Cathédrale.
+ Le vidangeur.
+ Le combat.
+ Menu E. Rousseau.
+ Menu Charles Vos.
+
+ 1897
+
+ Les adieux de Napoléon.
+
+ 1898
+
+ La vengeance de Hop-Frog.
+ Le Christ dans la barque.
+ L'entrée du Christ à Bruxelles.
+
+ 1899
+
+ Les bains d'Ostende.
+
+ 1900
+
+ Fragment de la tentation de Saint Antoine.
+ Petite vue de Mariakerke.
+ Pêcheur d'Ostende.
+
+ 1902
+
+ Paresse.
+
+ 1903
+
+ Les toits d'Ostende.
+
+ 1904
+
+ Colère.
+ Orgueil.
+ Avarice.
+ Gourmandise.
+ Envie.
+ Les péchés capitaux dominés par la mort.
+ Peste dessous. Peste dessus. Peste partout.
+ Masques intrigués.
+ Plage de la Panne.
+ * * * * *
+
+Eaux-fortes aux Musées et Galeries d'estampes de Barcelone,
+Bruxelles, Dresde, Liège, Milan, Ostende, Paris, Venise,
+Vienne, Zürich, etc. etc.
+
+
+
+
+BIBLIOGRAPHIE
+
+ Camille Lemonnier. Histoire des Beaux-Arts en Belgique. 1887, Bruxelles.
+ Eugène Demolder. James Ensor. 1892, Bruxelles.
+ Pol de Mont. De schilder en etser James Ensor. (_De Vlaamsche School_,
+ 1895, Anvers.)
+ Eugène Demolder. James Ensor. (_La Libre Critique_, 1895, Bruxelles.)
+ Eugène Georges. James Ensor. (_La Libre Critique_, 1896, Bruxelles.)
+ Camille Lemonnier. James Ensor peintre et graveur. (_La Plume_, 1898,
+ Paris.)
+ Edmond Picard. James Ensor. (_Id_.)
+ Emile Verhaeren. Une facette du talent d'Ensor. (_Id_.)
+ Camille Mauclair. James Ensor, aquafortiste. (_Id_.)
+ Octave Maus. James Ensor. (_Id_.)
+ Blanche Rousseau. Ensor intime. (_Id_.)
+ Georges Lemmen. James Ensor. (_Id_.)
+ Maurice des Ombiaux. James Ensor. (_Id_.)
+ Christian Beck. Réflexions sur la Cathédrale de James Ensor. (_Id_.)
+ Jules du Jardin. A propos de James Ensor. (_Id_.)
+ Pol de Mont. James Ensor. (_Id_.)
+ Louis Delattre. L'enfance d'Ensor, peintre de masques. (_Id_.)
+ Octave Uzanne. James Ensor, peintre et graveur. (_Id_.)
+ Eugène Demolder. James Ensor. (_La Revue des Beaux-Arts et des Lettres_,
+ 1899, Paris.)
+ Gustave Coquiot. James Ensor.(_La Vogue_, 1899, Paris.)
+ Jules du Jardin. L'art flamand. Bruxelles.
+ Vittorio Pica. James Ensor. (_Minerva_, Rome.)
+ Pol de Mont. Koppen en busten.
+ Horrent. James Ensor.
+ Vittorio Pica. (_Emporium_, Bergame.)
+ Monod. James Ensor.
+ Camille Mauclair. Les peintres belges. (_La Revue Bleue_, 1905, Paris.)
+ Vittorio Pica. Attraverso gli albi e le cartelle.
+ ID. La moderna scuola di pittura del Belgio.
+ Camille Lemonnier. L'École belge de peinture 1830-1905. 1906, Bruxelles.
+ Vittorio Pica. L'arte mondiale a Venezia nel 1907.
+ ID. La galeria d'arte moderna a Venezia.
+ Albert Croquez. James Ensor, peintre et graveur. (_La Flandre Artiste_,
+ déc 1908, Courtrai.)
+
+
+
+TABLE DES ILLUSTRATIONS DANS LE TEXTE
+
+ Le Christ veillé par les anges (1886)
+ Croquis
+ Squelettes Musiciens (1888)
+ Croquis
+ Les Soudards débandés (1892)
+ Croquis
+ La Vierge aux Navires (1893)
+ Croquis
+ Croquis
+ Bataille des Éperons d'or. Eau-forte (1895)
+
+
+
+
+TABLE DES PLANCHES HORS-TEXTE
+
+
+ Portrait de James Ensor en 1875 (frontispice).
+ La Femme au balai (1880)
+ Le Chou (1880)
+ Gamin (1880)
+ Vieux Pêcheur (1881)
+ La Dame sombre (1881)
+ Lampiste (1880)
+ Musique russe (1880)
+ Le Salon bourgeois (1881)
+ Dame en détresse (1882)
+ Pouilleux indisposé se chauffant (1882)
+ Le Terrassier (1882)
+ La Sorcière (1883)
+ Dame au châle bleu (1882)
+ La Mère du peintre
+ Les Pochards (1883)
+ Enfants à la toilette (1886)
+ Mon Père mort (1887)
+ La Mère du peintre. Dessin (1889)
+ Vénus à la coquille. Dessin (1889)
+ Projet de chapelle à dédier à S.S. Pierre et Paul (1887)
+ La Cathédrale. Gravure à l'eau-forte (1886)
+ Le Christ apaisant la Tempête. Gravure à la pointe-sèche (1886)
+ Barques échouées. Gravure à l'eau-forte (1888)
+ Ernest Rousseau. Gravure à la pointe-sèche (1887)
+ Le Théâtre des masques ou bouquet d'artifice (1889)
+ L'Intrigue (1890)
+ Masques devant la mort (1888)
+ La Raie (1892)
+ La Mort poursuivant le troupeau des humains. Gravure à l'eau-forte (1895)
+ La Danse (1896)
+ Mariakerke (1896)
+ Entrée du Christ à Bruxelles. Gravure à l'eau-forte (1898)
+ Vengeance de Hop-Frog. Gravure à l'eau-forte (1898)
+ Ostende (1898)
+
+
+
+
+TABLE DES MATIÈRES
+
+ I. Le milieu.
+ II. Les débuts
+ III. Les toiles
+ IV. Les dessins
+ V. Les eaux-fortes
+ VI. Vie et caractère
+ VII. La place de James Ensor dans l'art contemporain
+ Catalogue de l'œuvre de James Ensor
+ Bibliographie
+ Table des illustrations dans le texte
+ Table des planches hors-texte
+
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of James Ensor, by Emile Verhaeren
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK JAMES ENSOR ***
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+works. See paragraph 1.E below.
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+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at https://www.pglaf.org.
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+
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+Foundation
+
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+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
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+The Project Gutenberg EBook of James Ensor, by Emile Verhaeren
+
+This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with
+almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or
+re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included
+with this eBook or online at www.gutenberg.org
+
+
+Title: James Ensor
+
+Author: Emile Verhaeren
+
+Release Date: January 31, 2011 [EBook #35124]
+
+Language: French
+
+Character set encoding: ISO-8859-1
+
+*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK JAMES ENSOR ***
+
+
+
+
+Produced by Christine Bell & Marc D'Hooghe at
+http;//www.freeliterature.org
+
+
+
+
+
+JAMES ENSOR
+
+PAR
+
+EMILE VERHAEREN
+
+
+COLLECTION DES ARTISTES BELGES CONTEMPORAINS
+
+
+BRUXELLES
+
+LIBRAIRIE NATIONALE D'ART & D'HISTOIRE
+
+G. VAN OEST & CIE
+
+1908
+
+
+ * * * * *
+
+[Illustration: Portrait de James Ensor en 1875.]
+
+[Illustration: La Femme au Balai--1880.]
+
+
+
+
+I.
+
+LE MILIEU
+
+
+Souvent, des vagues venant du côté de l'Angleterre s'engouffrent
+nombreuses et larges dans le port d'Ostende. Et les idées et les
+coutumes suivent ce mouvement marin.
+
+La ville est mi-anglaise: enseignes de magasins et de bars, proues
+hautaines des chalutiers, casquettes d'agents et d'employés y font
+briller au soleil, en lettres d'or, des syllabes britaniques; la langue
+y fourmille de mots anglo-saxons; les gens des quais y comprennent le
+patois de Douvres et de Folkstone; des familles londoniennes s'y sont
+établies jadis, y ont fait souche et marié leurs filles et leurs fils
+non pas entre eux mais aux fils ou aux filles de la West-Flandre. Le
+service quotidien des malles voyageuses resserre tous ces liens divers,
+comme autant de cordes tordues en un seul cable, si bien qu'on peut
+comparer la grande île à quelqu'énorme vaisseau maintenu en pleine mer,
+grâce à des ancres solides dont l'une serait fixée dans le sol même de
+notre côte.
+
+Cette influence d'outre-mer qui imprègne le milieu où il naquit
+suffirait certes à expliquer l'art spécial de James Ensor. Toutefois
+elle se précise encore si l'on note que l'ascendance paternelle de
+l'artiste est purement anglaise. Le nom qu'il porte n'est point flamand.
+C'est à Londres, qu'il se multiplie aux devantures. Je le vis flamboyer,
+un soir, dans Soho-square et plus loin il se projetait--réclame
+mouvante--sur un trottoir d'Oxford street.
+
+L'oeuvre que nous étudierons et exalterons s'élève donc au confluent de
+deux races--races saxonne, race flamande ou hollandaise--harmonieusement
+mêlées dans le sang et dans l'âme d'un très beau peintre.
+
+L'erreur serait grande si l'on se figurait qu'à cause de ses origines
+britaniques, Ensor se soit complu à réapprendre comme certains peintres
+modernes l'art des Reynolds ou des Gainsborough ou se soit assimilé
+n'importe quelle méthode des préraphaelites illustres. L'anglomanie qui
+s'est glissée jusque dans l'esthétique l'a épargné. Ce n'est point par
+des qualités extérieures et souvent artificielles qu'il se rattache aux
+maîtres de là là-bas, mais bien, naturellement, par certains dons
+fonciers et rares. Il est de leur famille, sans le vouloir. Il est
+audacieux et harmonieux comme Turner, sans qu'il s'y applique, sans
+qu'il s'en doute. Il aime les effets tumultueux et larges de Constable
+sans qu'aucune de ses toiles fasse songer aux paysages célèbres de ce
+grand peintre. La parenté est souterraine et comme secrète. Elle se
+manifeste dans la manière de comprendre et d'aimer la nature, dans la
+sensibilité aiguë de l'oeil dans la franchise et l'audace des
+conceptions, dans la pratique du dessin pictural, dans la délicatesse
+mêlée à la force, dans la plaisanterie unie à la brutalité. Dès que
+cette dernière caractéristique est atteinte, James Ensor rejoint non
+plus Constable ni Turner, mais Gillray et Rowlanson plus encore que
+Jérôme Bosch ou Pierre Breughel.
+
+[Illustration: Le Christ veillé par les anges (1886).]
+
+Encore que l'influence anglaise agisse avant toute autre sur elle, c'est
+toute l'Europe et l'Amérique qui transforment pendant l'été, quand la
+saison balnéaire s'inaugure, Ostende. Les jeux et les fêtes l'exaltent
+tout à coup. Les femmes du quartier Marbeuf envahissent sa digue. Le
+monde qui l'hiver se groupe à Monte-Carle, à Menton, à Biarritz s'y
+concentre. Des nuits de lourde et chaude volupté s'y passent à la lueur
+de flambeaux. La chair s'y mire et s'y pavane aux miroirs de cabarets
+fastueux. Et la folie des villes frémissantes et trépidantes brûle
+soudain ce coin de Flandre calme et foncièrement sain et propage sa
+fièvre nocturne et flamboyante tout au long de la mer.
+
+Magasins de Paris, boutiques de Vienne, comptoirs chargés de coraux de
+Naples et de Sicile, brasseries de Dortmund et de Munich, caves remplies
+de vins de Portugal et d'Espagne vous installez votre barriolage de
+goûts et de couleurs devant les mille désirs populaires ou mondains,
+devant les appétits vulgaires ou rares, devant les convoitises baroques
+ou distinguées. La flânerie des promeneurs s'en va, à droite, vers le
+port, à gauche, vers le champ de courses, en partant de la rampe de
+Flandre où James Ensor habite. A cette large voie se relie en outre
+toute la ville basse avec ses rues étroites, les unes venant de la
+grand' place, les autres du théâtre, celle-ci de la gare et celle-là du
+marché. Le carillon n'est pas loin: on l'entend tricoter sa musique
+menue, le soir, ou bien, aux midis de réjouissances, ruer de toutes ses
+notes et s'emporter vers quelque hymne national.
+
+La foule et ses remous passe donc à toute heure du jour devant les
+fenêtres du peintre: foule élégante ou hautaine, foule grotesque ou
+brutale, cortèges de la mi-carême, processions de la fête-Dieu, fanfares
+rétentissantes des villages, sociétés chorales des villes voisines,
+cris, tumultes, vacarmes.
+
+Et ces flux et ces reflux de gestes et de pas aboutissent tous là-bas, à
+cette féerie de verre et d'émail qu'est le Kursaal d'Ostende.
+
+Avec ses dômes et ses pignons et ses rosaces et ses lanternes, avec ses
+ors élancés et ses bronzes trapus, avec ses festons de gaz et ses
+couronnes de feux, il apparaît, toutes portes et fenêtres ouvertes,
+comme un tabernacle de plaisirs éclatants et sonores. Un orchestre
+savant y fait naître, chaque jour, des floraisons de musique; des voix
+illustres s'y font entendre--orateurs ou conférenciers--et des virtuoses
+dont le nom émeut les mille échos y jettent vers l'applaudissement en
+tonnerre des foules, les phrases les plus belles des maîtres célèbres.
+Toutes les langues s'y parlent. Joueurs, financiers, gens de course,
+gens de bourse, princes et princesses, dames du monde et courtisanes,
+tout s'y coudoie ou s'y toise; s'y méprise ou s'y confond.
+
+Le soir, quand les verrières du monument flamboient face à face avec la
+nuit et l'océan, on peut croire que le bal y tournoie en un décor
+d'incendie. Du fond de la mer s'aperçoivent les hautes coupoles
+illuminées et le phare dont la lueur troue les lieues et les lieues
+semble ne lancer si loin son cri de lumière que pour héler vers la joie
+le coeur battant de ceux qui traversent l'espace.
+
+Ainsi pendant l'été tout entier Ostende s'affirme la plus belle
+peut-être de ces capitales momentanées du vice qui se pare et du luxe
+qui s'ennuie. Et ce n'est pas en vain que chaque année James Ensor dont
+l'art se plaît à moraliser cyniquement, assiste à cette ruée vers le
+plaisir et vers la ripaille, vers la chair et vers l'or.
+
+ * * * * *
+
+La chambre où il travaille ouvre, là haut, au quatrième d'une maison
+banale, son unique et peu large fenêtre. De tous les peintres modernes
+Ensor est le seul qui jamais ne se soit mis en quête d'un atelier. Lui
+le chercheur de lumière il campe ses toiles en un jour médiocre tombant
+non pas d'une verrière mais à travers les pauvres carreaux d'une baie
+verticale et parcimonieuse de clarté. Pourtant que de pages
+merveilleuses s'y élaborent et que de tons admirablement harmonisés y
+juxtaposent leurs musiques inentendues!
+
+Celui qui surprend Ensor, la haut, dans son travail, le voit surgir d'un
+emmêlement d'objets disparates: masques, loques, branches flétries,
+coquilles, tasses, pots, tapis usés, livres gisant à terre, estampes
+empilées sur des chaises, cadres vides appuyés contre des meubles et
+l'inévitable tête de mort regardant tout cela, avec les deux trous vides
+de ses yeux absents. Une poussière amie recouvre et protège ces mille
+objets baroques contre le geste brusque et intempestif des visiteurs.
+Ils sont là chez eux pour que seul le peintre leur insuffle la vie,
+les interroge les fasse parler et les introduise dans l'art grâce à la
+sympathie qu'il leur voue et l'éloquence secrète qu'il découvre en leur
+silence.
+
+[Illustration: Le Chou--1880. (Collection Ernest Rousseau)]
+
+Il est opportun de se figurer James Ensor en tête à tête quotidien et
+prolongé avec ces effigies en carton et en plâtre, avec ces débris
+d'existance et de splendeur, avec ces défroques ternes ou violentes pour
+comprendre quelques-unes des surprises de son caractère et quelques
+traits profonds et spéciaux de son art. Il est certain que pour lui, à
+telles heures d'illusion souveraine, un tel assemblage de visages,
+d'attitudes, d'ironies ou de détresses a dû représenter la vie. Elle lui
+est apparue mauvaise, déplorable, hostile. Elle lui a enseigné la
+misanthropie que seuls corrigent la farce, le rire et le sarcasme.
+
+L'existence d'Ensor entouré d'un tel décor familier ne manque pas de
+paraître énigmatique et bizarre et je ne crois pas qu'il lui répugne de
+maintenir autour de lui ces apparences. Ses paroles qui souvent
+déconcertent, ses saillies drôles, ses rires soudains et furtifs, sa
+voix sourde, sa marche lente et l'éternel parapluie qui toujours
+l'accompagne comme s'il se défiait du plus fidèle et du plus loyal
+soleil confirment l'étrange impression qu'il produit volontairement ou
+ingénûment, qu'importe.
+
+Personne que je sache ne met moins de mise en scène dans l'accueil. Les
+oevres qu'il montre ne toisent pas le visiteur du haut d'un chevalet
+comme pour lui imposer leur présence autoritaire. Ses toiles ne sont pas
+même tendues. Elles gisent roulées les unes sur les autres, en des coins
+obscurs. Elles apparaissent à la lumière ployées et gondolées et c'est
+avec peine qu'on leur trouve une zône de clarté propice afin qu'elles
+s'y étalent sans trop se nuire entre elles. Aucun commentaire
+n'accompagne leur présentation. Seul un rire menu, quand le sujet étonne
+et froisse quelque goût trop puritain. Et les oevres succédent aux oeuvres
+et quand tout est montré, toujours, soit au fond d'un coffre, soit au
+fond pièce voisine se découvre une merveille oubliée dont la crasse
+voile la fraîcheur et la beauté. Un coup d'éponge donné à la hâte
+réveille la splendeur endormie.
+
+On dégringole l'écalier raide et tournant et l'on quitterait, la poignée
+de main échangée, la maison du peintre, sans plus, si le magasin du
+rez-de-chaussée, avec ses larges vitrines encombrées de bibelots ne
+retenait, un instant encore, l'attention. C'est que là, parmi les
+coquillages et les nacres, les vases de la Chine et les laques du Japon,
+les plumes versicolores et les écrans barriolés, l'imagination visuelle
+du peintre se complait à composer ses plus rares et ses plus amples
+symphonies de couleurs. Oh les notes à la fois tendres et fortes, à la
+fois subtiles et brutales, à la fois sobres et éclatantes qu'il sût
+faire vibrer en prenant comme prétexte quelque pauvre bibelot d'orient
+que la mode banalisa! Et la coquille ourlée dont le bourgeois morose
+ornera sa cheminée en marbre peint deviendra grâce à la magie, grâce à
+l'hermétisme de l'artiste, ce miracle de couleur triomphante dont
+s'éblouiront les salles les plus belles des musées modernes.
+
+ * * * * *
+
+[Illustration: Gamin--1880. (Collection Edgar Picard)]
+
+Ensor se plaît parmi ces mille riens exotiques parmi ces dépouilles
+luisantes ou vitreuses de la mer. Lui même s'intéresse parfois au trafic
+qu'en font et sa mère et sa tante, marchandes tenaces et expérimentées.
+Souvent le soir, la causerie rassemble autour des comptoirs la famille
+entière. La soeur du peintre et sa nièce qu'il affectionne vivement sont
+là. Et l'on parle d'Ostende, non pas de l'Ostende ruée aux fêtes et aux
+plaisirs de l'été, mais de l'Ostende automnale qui se plaît dans la
+déréliction et le silence. Ensor adore celle-ci avec ses rues étroites,
+ses places humbles et désertes, ses petites boutiques vieillottes au
+fond des quartiers populaires et ses propres et luisants estaminets où
+l'odeur de la bière se mêle à des relents de poisson sec et de crevettes
+humides. C'est là qu'il dessina maint pêcheur à vareuse bleue, à boucles
+d'oreilles étroites, à pantoufles multicolores. C'est là qu'il rencontra
+et qu'il interpréta en des croquis larges et vivants, les vieilles
+femmes à mantelets, avec de lourds et noirs capuchons de drap recouvrant
+leur intact et fragile bonnet blanc.
+
+La vie du port est la seule vie d'Ostende, l'hiver. Elle ne pénètre
+point la ville; elle n'anime que ses confins. C'est une vie en bordure.
+Oh les câbles et les amarres au long des quais, les voiles rousses et
+brunes dans le brouillard gris, les proues sculptées des vieux navires
+s'apercevant du fond d'une ruelle et les mouettes blanches, entrant dans
+les bassins et volant, dirait-on, à travers les entrecroisements
+dédaliens des haubans et des vergues! Et les petites boutiques, en plein
+vent, à l'angle des ponts et les plies et les limandes qui sèchent dans
+le courant d'air des fenêtres et la marmaille grouillante parmi les
+écailles de moules versées en tas, sur le trottoir! O cette vie comme
+goudronnée au contact des bateaux, des cordes et des voiles; cette vie
+tranquille, têtue et dangereuse qui fait les races calmes ou violentes
+comme ces mers du Nord dont elles vivent depuis mille ans. Elle n'a
+qu'un sursaut, en Février, aux temps du carnaval. Et combien
+mélancolique et brutal! Et combien morne et quelquefois sanglant!
+
+Ensor a traduit cette liesse en des oeuvres quasi sinistres et qui
+étonnent et qui font peur. Le pittoresque de l'accoutrement, l'usure de
+la défroque, la drôlerie muette de masque, l'ennui qui semble suinter
+des murs tout se ligue pour provoquer une impression sombre avec des
+éléments soi-disant gais.
+
+Je me souviens d'un Mardi gras passé à Nieuport, jadis, avec des amis.
+Jamais je ne compris mieux la folie et la tristesse des masques d'Ensor.
+
+Des groupes ivres battaient les rues. En des salles de danse, à moitié
+désertes, avec de pauvres musiciens grelottant de froid dans un coin, la
+valse fouettait deux ou trois couples tournoyants et muets, avec les
+lanières usées de sa musique banale et sifflante. Un ivrogne, orné d'un
+faux nez violet, titubait près du comptoir et sa commerre dépoitraillée
+et gisante contre une cloison, mordait, machinalement, les crins de sa
+perruque descendue sur ces yeux. Un bout de bas blanc passait à travers
+les trous de son soulier. Un hoquet lourd et profond lui sécouait, de
+temps en temps, le ventre. Et l'ivrogne riait et pleurait tour à tour
+devant elle.
+
+Lorsque James Ensor se plaisait à traduire par le pinceau de telles
+scènes grotesques et lamentables, il était le compagnon falot qu'Eugène
+Demolder, assignait, sous le déguisement de Fridolin, au grand Saint
+Nicolas. James Ensor donnait la réplique, dans le livre du poète
+d'Yperdamme, au joyeux et doux patron des petits enfants de la
+West-Flandre. Il jouait, en ce temps là, de la flûte et se promenait,
+avec deux carlins boulus, renfrognés et fidèles.
+
+[Illustration: Croquis.]
+
+L'effigie qu'Henri de Groux vient de nous donner de James Ensor nous le
+représente robuste et presque gras. Les cheveux grisonnent, le teint
+s'enlumine, l'allure est massive. L'appuie-main tenu entre les doigts
+fait songer vaguement à quelque sceptre. Ensor semble commander à son
+art dont une page caractéristique se devine au fond de la toile. Le
+voici donc tel que l'âge mûr le définit. Au surplus l'oeuvre compte et
+s'affirme excellente.
+
+Toutefois j'aime à me souvenir d'un tout autre James Ensor, celui que je
+connus, il y a vingt ou vingt-cinq ans, avec un corps svelte, un teint
+pâle, des yeux clairs, des mains longues fiévreuses et fines. Non pas un
+dandy, car une mise négligée presque toujours rejetait cette
+comparaison, mais une sorte de jeune parlementaire britanique qui
+faisait songer à Disraeli.
+
+James Ensor parlait peu, se tenait sur la réserve, avec un air fermé et
+craintif. On lui prêtait un caractère difficile et ombrageux. Il avait
+certes, la pleine conscience de sa force naissante; il n'admettait
+aucune restriction sur l'entière personnalité de son art et se
+rebiffait, dès que l'ombre d'une injustice l'effleurait dans la mêlée de
+la vie. La haine de la critique bouillonnait en lui, comme chez tous les
+artistes vrais et impérieux. Il ne pouvait admettre qu'on ne le comprit
+pas et que sa peinture qui lui paraissait toute simple et naïve ne
+s'imposât point, du premier coup, grâce à sa sincérité absolue. Il
+oubliait la difficulté ardue, que rencontre tout esprit dès qu'il veut
+pénétrer de sa lumière à lui quelqu'autre esprit fut-il voisin du sien
+et combien le baptême de l'hostilité et du dénigrement est salutaire
+à toute originalité naissante. C'est parce qu'il fut bafoué, nié,
+villipendé jadis que sa victoire aujourd'hui nous apparaît si consolante
+et si belle. La gloire ne se livre pas; elle se prend d'assaut. Elle se
+retranche derrière une muraille d'hostilités et de sarcasmes.
+
+[Illustration: Vieux Pêcheur--1881. (Collection Edgar Picard)]
+
+Tout artiste vrai est un héros ingénu. Il faut qu'il souffre pour qu'un
+jour il ait la joie d'imposer a tous sa victorieuse personnalité totale.
+En ce temps-ci ou chacun est tout le monde, le poète, le peintre, le
+sculpteur, le musicien ne vaut que s'il est authentiquement lui-même.
+C'est le plus réel des privilèges que la nature, sans aucune
+intervention autre que celle de sa puissance, confère et maintient à
+travers les siècles et seul le poète, le peintre, le sculpteur, le
+musicien en peut jouir pleinement.
+
+Oh ces débutants choyés dès qu'ils apparaissent et par la critique et
+par le public! Aucune de leurs toiles ne survit après vingt ou trente
+ans. Ils n'ont jamais passionné personne. Ils n'ont connu ni la révolte
+de leurs maîtres, ni la jalousie de leurs amis, ni la haine de la foule.
+Ils ont été banalement heureux en attendant qu'ils soient banalement
+quelconques. Les Salons triennaux out accueilli leurs essais à la rampe
+mais les Musées rejetteront bientôt leurs oeuvres dans les coins. Ces
+peintres-là sont morts depuis longtemps quand sonne leur agonie. Et leur
+nom de plus en plus pâle, de plus en plus éteint, de plus en plus oublié
+ne trouve plus refuge qu'aux pages jaunies d'un catalogue ou il finit
+par se confondre avec un pauvre et morne numéro.
+
+Il importe donc d'aimer et les attaques et les batailles, les coups
+portés avec enthousiasme et reçus avec courage. L'ivresse suprême réside
+dans la conscience qu'on a d'être une belle force humaine. Et rien ne
+l'exalte autant que la violence et l'injustice. L'émeute autour d'une
+toile nouvelle est un sacre à rebours. L'artiste y doit puiser non
+l'abattement mais le lyrisme. Sa vraie vie commence, dès cet instant. Et
+l'oeuvre doit succéder à l'oeuvre, sans compromission, sans reticence,
+audacieusement, toujours, jusqu'à l'heure où cessera le rire et se taira
+la huée. Et qu'importe si la colère montante ne se retire que devant le
+tombeau. Les triomphes posthumes sont les plus sûrs.
+
+Je doute que James Ensor ait admis ces vérités aux temps de sa jeunesse,
+mais je sais qu'il a toujours agi comme si leur lumière vivait en son
+esprit.
+
+
+
+
+II.
+
+LES DÉBUTS
+
+
+L'époque pendant laquelle débuta James Ensor fut pour la patrie, un laps
+de temps héroique et fécond. Aujourd'hui qu'il est loin, il apparaît
+quasi légendaire.
+
+Un miracle se fit tout à coup. Le pays, habitué à ne produire que des
+peintres, suscita des sculpteurs et parmi eux un génie: Meunier. Bien
+plus; la Belgique hostile aux lettres et vouée depuis longtemps à la
+littérature des parlementaires et des journalistes, se para d'une
+floraison de poètes.
+
+Les coutumes furent à tel point bousculées, les réputations assises à
+tel point secouées sur leurs sièges, qu'il y eut comme un tremblement
+des cerveaux. On n'osait y croire; on n'y croyait pas. Notre sol qui se
+couvrait du seigle annuel des lucratives affaires et du froment régulier
+des prospères négoces ne pouvait tout à coup se modifier assez
+profondément pour nourrir de sève et exalter vers la lumière des odes
+belles comme des chênes et des idylles fragiles et jolies comme des
+arbustes. L'extraordinaire fut taxé d'impossible et des «bouches
+autorisées» déclarèrent qu'en tous cas le prodige n'aurait pas de
+suites.
+
+Il en eut d'admirables.
+
+Malgré les oppositions soit franches, soit sournoises, malgré les mille
+cris des feuilletonistes inquiétés dans leurs goûts et leurs habitudes,
+malgré la compacte et massive inertie et la bêtise au front non pas de
+taureau mais de boeuf, les nouveaux écrivains s'affirmèrent, d'année en
+année, plus clairs, plus hauts, plus purs. Si bien qu'aujourd'hui ils
+sont tout et leurs détracteurs d'antan, rien. L'opinion a été retournée
+comme un vêtement dont on secoue les poussières, dont on vide les poches
+des vieux préjugés qu'elles recélaient, dont on brosse le drap depuis le
+col jusques aux pans et qu'on désinfecte enfin en tous ses plis.
+Aujourd'hui les générations littéraires se succèdent les unes aux
+autres, comme les générations des peintres; l'art d'écrire est acclimaté
+parmi nous; la presse est passée aux mains des écrivains, la foule se
+fait attentive et le pouvoir récompense et s'émeut. C'est une victoire
+qu'on ne conteste plus.
+
+Or, ces prosateurs et ces poètes de la vie dans la phrase se virent
+attaqués en même temps que les peintres de la vie dans la lumière. Leurs
+ennemis se liguaient entre eux; ils se liguèrent entre eux contre leurs
+ennemis. Cela se fit avec entrain et naturel parce que la nécessité
+souveraine nouait elle-même les liens d'entente. Le consentement fut
+tacite et rapide.
+
+Jamais les polémiques d'art ne furent aussi vives, aussi ardentes, aussi
+impitoyables. On frappait avec des poings sauvages; on n'avait égard ni
+à la vieillesse ni aux situations prises; on était fier d'être partial
+et féroce. La norme était franchie joyeusement, ventre à terre; toute
+réticence devenait trahison, toute justice rendue aux adversaires raison
+de blâme et de défiance. La tolérance est une force de l'âge mûr. Elle
+est une tare et une faiblesse quand on se trouve à la tête de ses vingt
+ans.
+
+[Illustration: La Dame sombre--1881. (Collection Edgar Picard)]
+
+Oh l'orage des discussions autour des noms de Khnopff, de Schlobach, de
+Van Rysselberghe, de Dario de Regoyos, de Wytsman, de Finch, de Toorop
+et d'Ensor! La belle mêlée de colères et sarcasmes! Les lourdes attaques
+et les folles défenses! Les fiers éclairs dont on foudroyait les
+esthétiques vieillies et les règles désuètes. On s'exposait avec joie,
+on dardait son audace partout et l'on se reprochait sans cesse de
+n'avoir pas été assez violemment téméraire. Vraiment la vie passionnée
+était belle, en ce temps-là!
+
+Les peintres novateurs s'étaient d'abord cantonnés à l'_Essor_, société
+d'art où se mêlaient des talents avancés et rétrogrades. Une scission
+eut lieu. Elle était fatale. Les plus hardis s'en allèrent, laissant
+végéter le cercle où s'éteignaient, une à une, toutes les flammes des
+forces et des ardeurs.
+
+_Les XX_ furent crées. L'idée en est due, m'assure-t-on, à Charles Van
+der Stappen qui s'en ouvrit à Octave Maus et à Edmond Picard. Cela se
+passait, au temps des vacances, à Famelette, près de Huy, où chaque
+année Edmond Picard accueillait les artistes comme des hôtes de choix.
+«Peintres et sculpteurs se réuniraient au nombre de vingt,
+organiseraient une exposition annuelle et inviteraient vingt autres
+artistes déjà consacrés. Ceux-ci seraient choisis parmi les maîtres dont
+l'art était fier, libre et encore combatif».
+
+Quand l'exposition s'ouvrit en février 1884, tout le monde, partisans et
+adversaires, étaient sous les armes. Des revues de combat étaient nées:
+_l'Art Moderne, la Jeune Belgique, la Société Nouvelle, la Basoche_.
+Même certains journaux--telle _la Réforme_ et _le National belge_--se
+montraient attentifs et bienveillants. Quelques peintres parmi les
+aînés, les Heymans, les Smits, les Baron, quelques sculpteurs, les
+Meunier, les Van der Stappen, les Vinçotte avouaient, par leur présence
+et leur parole nette, combien la tentative et l'audace des vingtistes
+leur agréaient. On les comptait; dix-sept peintres: Periclès Pantazis,
+Guillaume Vogels, Willy Finch, Dario de Regoyos, Théo Van Rysselberghe,
+Frantz Charlet, Rodolphe Wytsman, Frans Simons, Piet Verhaert, Théodore
+Verstraete, Guillaume Van Aise, Jean Delvin, Charles Goethals, Guillaume
+Van Strydonck, Fernand Khnopff, James Ensor et trois sculpteurs: Achille
+Chainaye, Paul Dubois, Jef Lambeaux. Parmi les invités se signalaient
+Israëls, Rops, Stobbaerts, Maris, Rodin. Aucun nom d'impressionniste
+français ne figurait au catalogue. Monet et Renoir n'exposèrent qu'à la
+troisième exposition des _XX_, en 1886.
+
+[Illustration: Squelettes musiciens (1888).]
+
+C'est à cette date que, l'animosité ayant crû d'année en année, le
+critique d'art de _la Jeune Belgique_ s'exprima de la sorte,--nous
+citons l'extrait qui n'est certes pas un modèle de goût, uniquement pour
+montrer la rudesse des polémiques--:
+
+«Oh la triomphale journée que celle du 6 février! _Les XX_ sont ouverts.
+Désormais la bêtise belge a sa date! On dirait qu'à cette «première»
+artistique le cerveau bourgeois se dégorge par toutes ses
+circonvolutions. Il en jaillit des excréments de sottise. Cela rappelle
+des opérations d'abattoir. Le porc est tué: il est suspendu, ventre
+ouvert, à de grossières tringles, les boyaux sont jetés sur l'étal,
+fumants et flasques.
+
+«Les avez-vous vu vider? La bêtise belge et bourgeoise, c'est cela.
+
+«Ce qui se débite d'âneries en ces quelques heures devant ces quarante
+exposants ferait un fumier monumental. Dames élégantes à bouche pincée
+de souris prude, fourrures confortables avec un ventre officiel dedans,
+gommeux monoclés, académiciens rances, peintres deshonorés de rubans
+rouges, réputations tuées depuis longtemps dans leur propre _Bataille de
+Lépante_ et leur propre _Peste de Tournay_, prud'hommes énormes,
+collectionneurs d'eux-mêmes, tout cela potine, commère, hausse les
+épaules, passe et fuit devant ces quelques centaines d'oeuvres d'art qui
+hurlent l'avenir. Et des rages! Voici un Monsieur qui s'arrête devant
+les Toorop et jure comme un porte-faix et trépigne et remue les poings
+... qu'il tient en poche. Tel autre s'affale sur un banc et crie qu'il
+faut «brûler tout».
+
+«Les années précédentes il y avait çi et là un tableau «à la portée du
+premier venu» un tableau sauveur ... aujourd'hui, rien.
+
+«Oh les pauvres oiseaux qui se cognent aux murs d'une cave obscure! Pas
+un coin où se tenir tranquille sur un perchoir d'admiration bon-enfant.
+Pas un coin où débiter le monologue d'amateur éclairé devant un
+auditoire de mamans et de fillettes. Pas d'opinion juste-milieu
+possible. Ou la haine ou l'emballement.»
+
+C'était le ton. On le prenait, sans le savoir. L'atmosphère de bataille
+est grisante. On la trouve trop chaude quand on en est sorti. Quand on
+la respirait, elle était vraiment et bellement violente, exaltante et
+fiévreuse.
+
+L'histoire des _XX_ devrait, un jour, se faire, année par année. On y
+insisterait sur les successives et graduées victoires des peintres du
+plein-air en Belgique. On y pourrait mettre également en relief la
+manière nouvelle dont les oeuvres y furent présentées. Pour la première
+fois on y juxtaposait toutes les pages d'un même peintre. Et toutes
+s'étalaient à la rampe. Des tentures de fond harmonieuses étaient
+choisies. Des chiffres d'or décoraient discrètement les murs.
+
+Peu à peu les conférences s'inauguraient et bientôt les auditions
+musicales. Le directeur des _XX_, Octave Maus, s'y employait avec zèle
+et goût. Les _XX_ qui plus tard abandonnèrent leur titre au profit de
+celui de _Libre Esthétique_ devinrent ainsi un milieu de lutte précieux.
+Le mois de février ou de mars qu'ils choisissaient, annuellement, pour
+se grouper, combattre et triompher fut un mois de joie violente et âpre.
+Bruxelles interrompait ou plutôt clôturait par une fête intellectuelle
+l'ennui et la somnolence du morne hiver. L'art mettait avant, le
+printemps, une ardeur de renouveau dans les têtes. Et bientôt dans
+toutes les capitales de l'Europe des salons, organisés d'après celui qui
+s'ouvrait, chaque année, chez nous, multiplièrent les batailles et les
+triomphes des peintres et des sculpteurs hardis et révolutionnaires.
+Munich, Vienne, Berlin, La Haye, Paris, toutes ces villes eurent des
+_Libres Esthétiques_ dont elles changeaient simplement le nom.
+
+Ensor est le premier de tous nos peintres qui fit de la peinture
+vraiment claire. Il substitua l'étude de la forme épandue de la lumière
+à celle de la forme emprisonnée des objets. Cette dernière est violentée
+par lui, hardiment. Tout est sacrifié au ton solaire, surtout le dessin
+photographique et banal. A ceux qui, devant ses oeuvres, vaticinent: «ce
+n'est pas dessiné», Ensor peut répondre: «c'est mieux que ça».
+
+Son influence fut notable sur ses amis. A part Fernand Khnopff--et
+encore dans sa toile _En écoutant du Schumann_ a-t-il peint le tapis en
+se souvenant de l'_Après-midi à Ostende_--tous subirent plus ou moins la
+fascination de son art. Ceux qui s'en garaient le plus, Van
+Rysselberghe, Schlobach, de Regoyos, Charlet parlaient de lui avec une
+admiration aiguë. Ils sentaient sa force; ils ne tarissaient point sur
+les dons qu'il manifestait, et hautement le proclamaient le plus beau
+peintre du groupe entier.
+
+Mais d'autres, tels que Finch et Toorop, se montrèrent attentifs, non
+pas à son enseignement--James Ensor n'en donna jamais--mais à sa façon
+nouvelle de traiter et de vivifier les couleurs. Il fut leur maître sans
+qu'il le voulût et peut-être sans qu'ils le sussent. Ils étaient
+compagnons, se rencontraient sans cesse, se montraient l'un à l'autre le
+travail du jour, causaient de l'oeuvre en train, discutaient,
+s'exaltaient. Finch, flegmatique et silencieux, observait, certes, plus
+qu'il ne parlait, mais ses yeux prenaient part mieux que ne l'eût fait
+sa langue aux entretiens du soir en face de la toile, humide encore.
+
+La nature complexe et curieuse de Toorop s'assimila facilement les
+procédés et les techniques. Sa _Dame en blanc_ fut un magnifique hommage
+rendu à l'art merveilleux de son ami.
+
+Faut-il ajouter que, depuis ces temps lointains, Toorop et Finch se sont
+dégagés de l'amicale influence et que leur art d'aujourd'hui est à eux
+seuls. A part cette domination temporaire, James Ensor n'en a guère
+exercée. On le comprend du reste. Sa personnalité n'est pas assez
+purement flamande pour influencer longuement et décisivement les
+artistes d'ici. Et Finch et Toorop étaient eux-mêmes l'un Anglais,
+l'autre Javanais.
+
+
+
+
+III.
+
+LES TOILES
+
+
+C'est de 1880 à 1885 que James Ensor produisit ses toiles les plus
+belles. Son oeuvre n'est point une moisson d'été ni une vendange
+d'automne; c'est avant tout une germination de printemps. Sa force libre
+jusqu'à l'excès, sa personnalité violente jusqu'à l'exaspération, son
+indépendance superbe et outrancière lui ont fait une jeunesse admirable.
+Il créait abondamment, surabondamment même, avec acuité. Avant que la
+critique nombreuse se fût acharnée sur lui, il avait produit, déjà, tout
+ce qui plus tard devait susciter la bienveillance ou la haine. Il n'a
+donc pu donner ni à la louange ni au blâme le temps d'avoir prise sur
+lui ni de modifier en quoi que ce fût son travail. L'éclosion de son
+talent fut comme une explosion. D'un coup, il apparut presque en toute
+sa stature.
+
+Il débute en 1879 par peindre son _Propre portrait_; il y joint deux
+compositions: _Judas lançant l'argent dans le Temple_ et _Oreste
+tourmenté par les Furies_; puis dès 1880 apparaissent _le Lampiste_
+(exposé à _l'Essor_ en 1883 et aux _XX_ en 1884) et _la Coloriste_, deux
+toiles où tout son art est affirmé, et ce merveilleux _Flacon bleu_
+qui demeure peut-être la plus étonnante nature-morte qu'il ait signée.
+Oh le merveilleux morceau! Une table grossière supporte un poulet plumé,
+minable, douloureux, dont le cou pend dans le vide et dont la chair aux
+tons verdâtres inquiète. Largement, par ci, par là, à coups de couteau,
+la couleur est étendue. La main qui construit et peint avec une telle
+solidité, avec une telle prestesse semble déjà celle d'un maître. Et
+l'oeil qui voit et qui précise le ton magnifique et choisi de la
+bouteille connaît déjà toute la force et la rareté d'un ton. Certes, la
+composition est absente: ce n'est qu'un morceau amoureusement traité; ce
+n'est qu'un coin de cuisine montré sous un éclairage propice, mais que
+de vie lumineuse, que de splendeur, que d'éclat! Aucune nature-morte
+célèbre ne s'interpose ici entre l'oeuvre et l'admiration du passant.
+Tout est neuf, spontané, patent, définitif. Où donc a-t-il été éduqué le
+regard qui voit ces pauvres et quotidiens objets comme personne ne les a
+vus jamais? Renferme-t-il en lui même une subtilité, une délicatesse
+inconnues ou bien le spectacle de la mer que le peintre a sans cesse
+devant les yeux et qui s'offre à lui avec ses désinences infinies de
+teintes à chaque heure du jour--aubes, midis et soirs--a-t-il doué
+l'artiste d'un sens extraordinaire?
+
+[Illustration: Lampiste--1880. (Musée de Bruxelles)]
+
+_Le lampiste_ qui décore, à cette heure, le Musée moderne de Bruxelles
+est très simple d'arrangement. Sur fond gris, un gamin, tout entier
+habillé de noir, tient en main une lanterne de cuivre. Il la regarde et
+le verre et le métal brillent. On pourrait dire que le sujet du tableau
+existe dans la couleur elle-même. Ces larges masses grises et noires
+qu'animent les quelques détails jaunes du lumignon réalisent comme un
+conflit apaisé. Du reste tout tableau n'est-il pas une sorte de combat?
+Les tubes se présentent avec leur violence et leur diversité de couleurs
+comme chargés de mitraille dangereuse. Si le peintre n'en calcule point
+la force, s'il les laisse détonner, sans discipliner leur vacarme, s'il
+ne les contient d'un côté pour leur mieux donner carrière de l'autre, la
+bataille qu'il livre sera irrémédiablement perdue. Il faut qu'il prévoie
+ce que les orangés voisinant avec les bleus, ou les verts avec les
+rouges, ou les jaunes avec les violets, donneront d'éclat. Il faut qu'il
+juge comment les teintes transitoires atténueront tel ou tel choc de
+couleurs trop hardies. Il faut qu'il sache ce qu'un ton franc posé à tel
+endroit apporte de désordre ou de vie dans l'ensemble. Il existe une
+façon lâche de peindre, grâce au blaireautage, qui escamote les
+difficultés et affadit l'art. Ce procédé veule et funeste, Ensor ne le
+connaîtra jamais.
+
+L'éclat de la lanterne que le lampiste tient en ses mains rayonne
+franchement mais sans brutalité; les noirs sur lesquels l'objet lumineux
+se détache le soutiennent par leur vigueur sombre; il n'y a aucun heurt,
+il n'y a que de l'audace heureuse.
+
+_La Coloriste_ est d'un jeu de couleurs plus abondant que le _Lampiste_.
+Une femme en blanc est assise dans un atelier éclairé par une fenêtre.
+Des étoffes, des vases et des écrans l'entourent. Cette toile fut
+montrée à la _Chrysalide_ en 1881. Ce Cercle déjà ancien et dont le lieu
+d'exposition s'ouvrait salle Janssens (rue du Gentilhomme, alors rue du
+Petit Écuyer), avait à sa tête des maîtres: Louis Dubois, Artan, Vogels,
+Rops, Pantazis et d'autres. On y cultivait une peinture aux qualités
+solides, faite au couteau et qu'on prétendait sortie ou plutôt dérivée
+de la puissante et rayonnante esthétique des ancêtres. Cette opinion,
+certes, n'était point mensongère, encore qu'il fallût convenir que ces
+puissants peintres qui, à juste titre, se réclamaient de leur origine
+avaient tous regardé avec trop d'insistance les toiles du Franc-Comtois
+Courbet. Il est vrai que ce dernier aimait à s'arrêter longuement devant
+celles de Rubens, de Snyders et de Jordaens et que la peinture
+puissante et truculente, ferme et savoureuse, qu'il prônait n'était
+autre que la peinture flamande elle-même.
+
+[Illustration: Croquis.]
+
+Dans la _Coloriste_ la couleur n'est plus comme dans le _Lampiste_
+distribuée par larges plans. Au contraire. Elle se divise, se dissémine,
+se parsème. Sans le tact d'Ensor la multiplicité des verts, des rouges,
+des bleus, des jaunes aboutirait à quelque papillotage. Les écrans
+peints ne seraient qu'un assemblage de fusées et le tableau mentirait à
+son titre. Mais le peintre a voulu que la _Coloriste_ enseignât ce que
+doit être une toile bien venue. Sur un fond, où les roux et les gris
+établissent leurs accords profonds et solides, les tons clairs et
+multicolores chantent, avec justesse et variété, leurs notes hautes et
+vives et chacune d'elles s'appuie, avant de s'élancer vers la joie, sur
+le tremplin des vigoureuses sonorités fondamentales. L'ensemble tient de
+l'un à l'autre bout de la toile, les liens subtils, qui unissent les
+teintes entre elles comme les notes d'un page de musique heureusement
+écrite, se serrent et se nouent partout.
+
+_La Musique russe_ (Salon de Bruxelles, 1881 et les _XX_,
+1886)représente le peintre Finch assistant à quelqu'audition musicale
+qu'une pianiste lui donne. L'oeuvre est plus qu'un portrait. L'auditeur,
+assis sur une chaise, se croise les jambes, rejette légèrement le corps
+en arrière, détourne aux trois quarts la tête et, dans cette pose
+attentive et tendue, écoute. Ce sont des gris délicats rehaussés ci et
+là d'une couleur plus vive qui constituent l'harmonie en demi-teinte du
+tableau. Aucun accent violemment sonore, mais une succession de nuances
+et de touches assourdies comme si la musique frêle, étrange, atténuée
+qu'on est sensé entendre commandait à la peinture. La difficulté
+consistait à réaliser, sans nuire à l'intérêt ni à la joie des yeux, cet
+art comme à demi-voix. Il fallait qu'on sentit le silence de cet
+appartement que troublent seuls quelques accords ou quelques chants et
+qu'à l'exemple de l'unique auditeur on y fût attentif.
+
+[Illustration: Musique Russe--1880. (Collection A. Boch)]
+
+Et comme contraste à cet art discret et mesuré, voici qu'un peu plus
+tard, en 1883, Ensor, sous le titre: _Chinoiseries_ peint en pleine
+clarté sonore quelques potiches remplies de pivoines. On ne sait ce
+qu'il faut louer le plus, ou bien la couleur laiteuse des tons bleus et
+blancs du vase, ou bien le dessin large et sûr de son décor. Que ce soit
+le dessin cette fois, car jamais, me semble-t-il, l'artiste n'a mieux
+affirmé ce qu'est pour lui dessiner en peignant. La ligne, en cette
+oeuvre franche et belle, est la couleur elle-même. Elle ne vit pas d'une
+vie indépendante, elle crée en même temps la forme et le ton et, si
+j'ose dire, l'ossature et la chair. Ceux qui prétendent qu'Ensor ignore
+la forme oublient sans cesse que le dessin de Rubens et de Delacroix est
+l'opposé du dessin d'Ingres et de Raphaël. Ceux-ci ne font que remplir
+par des couleurs le vide laissé entre les lignes tracées d'avance;
+ceux-là peignent d'abord et leur dessin résulte de la justesse des
+valeurs entre elles, ou si l'on veut, n'est que le résultat du jeu des
+ombres et des clartés. C'est le coup de brosse, et non pas le crayon ou
+le fusain, qui écrit les formes si bien que dans leurs tableaux rien
+n'est dur, rien n'est découpé, rien n'est sec, rien n'est séparé soit du
+fond, soit de l'objet voisin. Ils ne cernent pas des images; ils
+traduisent la vie.
+
+Bien plus. Les artistes linéaires tels qu'Ingres et Raphaël ne
+s'embarassent ni des ombres ni surtout des reflets. Pour eux, les êtres
+et les choses semblent n'exister que dans une sorte de vacuité
+atmosphérique. La lumière qui les baigne est toute artificielle et le
+vide semble seul les contenir. Chaque objet existe d'une vie solitaire.
+Il ne subit en rien la loi des interinfluences. Il apparaît, s'il est
+beau, d'une grandeur presque toujours stérile. Il est jailli du
+raisonnement et de la pensée; il ne l'est jamais--si je puis dire--d'une
+émotion sensuelle. Or, c'est précisément cette joie de voir le monde
+entier s'épanouir dans la réelle et mouvante lumière, qui suscite en
+quelques êtres de choix le désir et bientôt l'art de peindre. Ensor se
+range parmi eux. Nous verrons comme il tient compte de ces ombres et de
+ces reflets que dédaignait M. Ingres et comme il les rend naïvement,
+scrupuleusement, de peur d'enlever n'importe quel élément de vie et de
+splendeur à la réalité.
+
+Les sujets les plus humbles le requièrent. Voici qu'il peint _poissons,
+bouteilles, pommes_. Et voici qu'un simple _chou vert_ (1880) posé sur
+une table rouge lui fait faire un chef-d'oeuvre. Une lumière nouvelle,
+qui s'affranchit soudain des oppositions violentes entre les avant-plans
+et les arrière-plans, baigne cette merveilleuse nature-morte. Elle fut
+exposée en 1884 au Cercle artistique de Bruxelles et l'an dernier (1907)
+au Salon d'automne de Paris. Elle n'y perdit rien de ces prestiges
+d'autrefois. Elle étonna et charma autant que quelques superbes Cézanne
+rassemblés en une salle voisine. Elle apparut à tous avec ses qualités
+de belle sagesse et de maîtrise. C'était l'oeuvre devant laquelle on
+s'arrête et l'on revient. Le rouge de la table sonnait en même temps que
+le vert du légume. Ces deux couleurs complémentaires n'étaient séparées
+que par une nappe blanche qui atténuait la violence qu'aurait produite
+leur immédiat voisinage. Chaque objet était peint à sa place, avec une
+sûreté parfaite. Rien ne violentait l'attention, mais chaque coup de
+pinceau la retenait. Et l'on songeait que le signataire de cette
+merveille fut qualifié, jadis, par la critique, d'artiste iconoclaste et
+sauvage et l'on ne comprenait pas. C'est, du reste, le propre des oeuvres
+vraiment fortes d'étonner à leur apparition par leur soi-disant audace
+et de s'imposer après quelques années par leur absolue convenance.
+
+[Illustration: Le Salon bourgeois--1881. (Collection Ernest Rousseau)]
+
+Elles déroutent d'abord, elles ameutent et révolutionnent. Mais, le jour
+qu'elles entrent dans les musées et qu'elles voisinent avec les pages
+solennelles des maîtres et se trouvent enfin chez elles, en lieu sûr,
+dans la compagnie qui leur convient, on est surpris, chaque fois, de les
+voir très simplement continuer et rajeunir l'histoire de la beauté.
+
+C'est dans le _Salon bourgeois_ (1881) autant que dans _Musique russe_
+(1880) et plus tard dans la _Mangeuse d'huîtres_ (1882), qu'on peut
+constater combien l'art de James Ensor tient compte du rôle, dans un
+tableau, des ombres et des reflets. «La lumière mange les objets»
+dit-il. Et en effet rien ne déforme le contour et la ligne comme une
+brusque clarté frappant les surfaces. Dès que vous prétendez rendre ce
+que l'oeil voit et non pas seulement ce que le raisonnement prouve, un
+meuble (table, piano, armoire, chaise) apparaît en perpétuelle
+déformation. Que la lumière s'accentue ou s'affaiblisse, qu'elle change
+ou se déplace, aussitôt la réalité visuelle se modifie, alors que la
+réalité palpable demeure. Or c'est la réalité visuelle, c'est la
+tromperie et l'erreur de l'oeil qu'il faut peindre puisque vous vous
+adressez aux yeux des spectateurs et non pas à leur toucher. Ce jeu sans
+cesse mouvant des ombres et des reflets, ces influences réciproques des
+choses interrompant soudain soit la ligne perpendiculaire d'un pied de
+table, soit les droites parallèles d'un panneau d'armoire, soit les
+courbes d'un dossier de chaise et dérangeant ainsi tout le décor
+géométrique d'un appartement, séduit le peintre moderne plus qu'il ne
+séduisait les peintres anciens. Il ne s'en dissimule point la difficulté
+et l'affronte, dût son dessin paraître vacillant et incertain, dût sa
+composition chavirer dans un apparent deséquilibre. Qu'on examine
+l'_Après-dîner à Ostende_ ou la _Musique russe_, ou la _Mangeuse
+d'huîtres_, l'on se rendra aisément compte de combien de dangers
+picturaux l'art d'Ensor est sorti vainqueur. Ce n'est, en ces trois
+toiles, qu'un entremêlement de lueurs et d'ombres, d'objets frappés de
+clarté soudaine à côté d'autres restés voiles et la lumière qui glisse
+sur l'acajou, se répand sur les marbres, atteint les lustres, descend
+sur les tapis et se dissémine partout. Si la clarté provoquait l'écho,
+on n'entendrait, ici, que des répercussions et des voix qui se
+répondent.
+
+Je me souviendrai toujours de l'étonnement que je ressentis, il y a
+quelque vingt-cinq ans, à l'exposition de l'_Essor_ (1882), devant un
+_portrait_--c'était celui de son père--qu'Ensor y exposait. La toile
+était accrochée à la rampe près d'une porte dans un des halls du
+Palais des Beaux-Arts, rue de la Régence. Au milieu des oeuvres jeunes
+qui sollicitaient par leur tapage et leur inexpérience, celle-ci
+proférait on ne sait quoi de grave, d'appaisé et de sévère. Elle était
+conçue par grands plans: des bleus, des noirs, des blancs réalisaient sa
+très simple harmonie. A droite, la clarté, tombant d'une fenêtre à
+travers des rideaux pâles, baignait le front d'un homme qui lisait. Une
+cheminée en marbre occupait le fond, à gauche. La figure était attentive
+à sa lecture. Et le silence régnait. La profondeur du ton, sa solidité,
+sa force commentait seule l'intensité de cette scène. C'était donc par
+des moyens uniquement picturaux que l'attention était fixée et
+l'impression produite. Aucune distraction n'était permise. C'était de la
+vie nue montrée dans sa réalité quotidienne, sans plus.
+
+[Illustration: Dame en détresse--1882.]
+
+_L'après-midi à Ostende_--refusé en 1884 au Salon de Bruxelles--qui fut
+peint dans la même année que le _Portrait de mon père_ (1881) nous
+attire, par contre, grâce à son charme abondant de tons variés. L'étoffe
+multicolore d'un tapis de table, les éclats métalliques d'un foyer, la
+décoration des lampes de la cheminée, les jupes et les corsages des deux
+personnes assises face à face permettent au peintre le jeu d'une
+admirable harmonie sourde et comme étouffée, malgré la violence locale
+des objets, hauts en couleur. Tout ici est en sourdine. La distinction
+des tons est parfaite. Un authentique peintre flamand aurait fait sonner
+comme une fanfare et les cuivres et les aciers et les étoffes. Il y
+aurait eu heurt, choc et tintamarre. C'eût été une exaltation dans la
+force. Ensor a réalisé un apaisement dans la délicatesse. Mais pour que
+tout fût maintenu, avec pourtant son éclat et son ardeur propres, dans
+une sorte de paix générale et brillât et scintillât comme sous un voile,
+de quelle finesse, de quelle justesse, de quelle acuité d'observation ne
+fallait-il point faire preuve?
+
+Au fur et à mesure que son oeuvre se poursuivait et que ses _intérieurs
+bourgeois,_ ses _après-dîners à Ostende_, ses _portraits_ lui
+assignaient comme tâche d'étudier la lumière circulant dans les maisons
+à travers la baie des hautes fenêtres, l'oeil très subtil du peintre ne
+pouvait s'empêcher de s'émouvoir aussi de la clarté du dehors et surtout
+ne pouvait s'abstraire de la contemplation de la mer. Le paysage marin
+le requit dès ses premiers travaux. Et voici l'_Estacade_ et la _Mer
+grise_ et la _Dame au brise-lame_ (1880); et voici _Marine_ (effet de
+soleil), la _Dune noire_ (1881); et voici les deux _Marines_ et le
+_Brise-lame_ (1882); et voici _Dune_ et _Mer_ et _Marine_ (l'après-midi)
+(1883) et les _Barques_ et la _Marine_ (1884). Cette dernière se
+distingue par sa belle teinte verdâtre et par son aspect de simplicité
+et de grandeur. Un seul navire en sillonne l'étendue et l'impression de
+l'immensité se dégage toute entière. Supposant à la _Marine_ (1884)
+voici le _Coucher de soleil_ (1885) dont l'horizon déchiqueté de lueurs
+saumonées et de nuages violets multiplie le ton et fait songer à
+quelqu'énorme oiseau de flamme qu'on déplumerait, au bord de l'espace.
+La mer fut pour l'oeil d'Ensor une admirable éducatrice. Rien de plus
+tenu et de plus frêle que la coloration d'une vague avec ses infinies
+désinences, avec sa mobilité lumineuse et myriadairement changeante.
+Quand elle s'épand au soleil sur le sable micassé de la grève, les
+tons les plus purs et les plus clairs des toiles les plus célèbres
+semblent grossiers et troubles.
+
+[Illustration: Les soudards débandés (1892).]
+
+En 1882, James Ensor achève le _Pouilleux_, la _Dame en détresse_, la
+_Dame au châle bleu_ et la _Mangeuse d'huîtres_.
+
+La première de ces quatre oeuvres fut exposée en 1883 à l'_Essor_ et fut
+acquise pour le musée d'Ostende. Elle indique une orientation nouvelle
+dans le choix des sujets. Le _Pouilleux_ sera suivi bientôt par les
+_Masques scandalisés_ (1883), et ceux-ci ouvriront à l'artiste une voie
+étrange où pendant longtemps son imagination se complaira. Le
+_Pouilleux_ est pris dans la réalité quotidienne. Il a traîné son corps
+et sa guenille sur les quais. Il se peut que jadis il fût pêcheur: son
+teint basané et son oeil vif furent certes lustrés par la mer. Le voici
+dans un morne logis, assis près d'un poêle, les sabots rapprochés du
+feu. Il regarde et ses traits profèrent on ne sait quelle vague
+goguenardise.
+
+_La Dame en détresse_ qu'on admirait en 1886 à l'exposition des _XX_
+représente une femme couchée sur un lit. Un jour ardent pénètre à
+travers des rideaux fauves. L'affaissement du corps, son abattement, est
+admirablement rendu. Cette longue ligne horizontale commande au tableau.
+Quelque chose d'inquiétant émane de la scène. Certes peut-on songer à
+quelque drame. Mais il est toujours facile et trop facile de faire, à
+propos des oeuvres picturales, des réflexions gratuitement littéraires.
+Il s'en faut garder, quand l'évidence ne les fournit point.
+
+Oh l'admirable tâche que celle du châle de la _Dame au châle bleu_. Déjà
+dans le _Flacon bleu_ (1880) cette couleur fut propice au peintre. Elle
+lui a confié, peut-on dire, ses secrets les plus cachés. Certes, aucune
+couleur n'existe par elle même. Elle emprunte sa sonorité soit à
+l'ambiance, soit directement au ton voisin. Qu'importe! Certaines
+profondeurs, certains éclats, certaines violences heureuses de ce
+fragment du spectre n'auront été connus et rendus que par Ensor.
+
+Voici une page capitale: la _Mangeuse d'huîtres._ C'est la seule oeuvre
+dont il ait fait une réplique. Elle fut en 1882 refusée au _Salon
+d'Anvers_; en 1883 elle ne fut point admise à l'_Essor_. Ce n'est qu'en
+1886 qu'elle s'épanouit, à la cimaise, aux _XX_. Elle y fit scandale. Je
+me souviens encore des colères qu'elle déchaîna. On ne voulut voir en
+cette merveille que les défauts, nécessaires, peut-être, en tous cas
+secondaires; et chacun, comme s'il était heureux de blâmer,
+d'éclabousser et de nier, piétinait dans le parti-pris, se refusait à
+toute louange et tournait le dos à la plus élémentaire justice.
+
+Et pourtant ce tableau imposera sa date dans notre école. Comme le
+peintre s'y affranchit des fonds sombres et quelquefois opaques pour
+hardiment n'employer que des tons francs et quasi purs! Quelle joie,
+quelle fête, quelle liesse de couleurs répandues sur la table où la
+mangeuse a pris place! Bouteilles, verres, assiettes, citrons, vins,
+liqueurs s'influencent, se pénètrent de lueurs, entrent pour ainsi dire
+les uns dans les autres et maintiennent quand même, triomphantes, la
+solidité et la rigueur de leurs formes. Et cette admirable note rouge
+que jette la reliure d'un livre placé sur une tablette dans le fond de
+la toile! Et la belle chair vivante des mains et du visage. Et les plis
+bleuâtres de la nappe et tout enfin.
+
+Certes, depuis qu'il peignait, James Ensor avait banni de sa palette la
+_terre de Sienne brûlée_ et le _noir de vigne_; certes, depuis toujours,
+il s était défié de ce qu'on appelait «les vigueurs» obtenues par l'abus
+des mauvaises et fuligineuses couleurs; certes enfin, il s'était soucié
+d'atmosphère, d'air ambiant et de réelle et authentique clarté, mais
+jamais comme en cette étonnante _Mangeuse d'huîtres_ ses efforts
+n'avaient abouti, ni sa victoire porté la flamme de ses drapeaux aussi
+haut, ni aussi loin. L'oeuvre revêt je ne sais quel caractère historique.
+C'est le premier tableau, vraiment clair, qu'on fit chez nous.
+
+_La Mangeuse d'huîtres_, sur l'escalier tournant de l'art d'Ensor,
+semble s'étaler sur un large et triomphal palier. Aux yeux du peintre
+pourtant, elle est moins encore un point d'arrivée qu'un point de
+départ. Comme le _chou_ datant de 1880, elle lui ouvre l'ère de la
+peinture à tons purs ou quasi purs. Mais Ensor est celui qui cherche
+toujours. Il suit, peut-on dire, plusieurs chemins à la fois. Il ne se
+détourne ni de la mer, ni du paysage, ni de la nature-morte. Le voici
+qui parachève, en 1883 et 1884, les _Toits d'Ostende, Grande vue
+d'Ostende, le Nuage blanc, le Houx, la Dune, Vue de Bruxelles_. Et les
+_Pochards_ et les _Masques scandalisés_ et le _Meuble hanté_ le
+retiennent en même temps au royaume de la fantaisie et de
+l'hallucination.
+
+[Illustration: Pouilleux indisposé se chauffant--1882. (Musée d'Ostende)]
+
+Et voici dans la toile le _Christ marchant sur la mer_ qu'une voie
+nouvelle semble s'ouvrir encore. Un souci de composition particulier
+s'accuse. Prenant comme thèmes quelques sujets bibliques, le peintre
+se hausse soudain jusqu'au rôle de visionnaire. Les personnages
+n'occupent, dans mainte de ses toiles étonnantes, qu'un place minime. A
+première vue on ne les y distingue guère. Il les y faut chercher. Ils
+paraissent faire partie des éléments: vents, nuages, flots, soleils. Les
+maîtres anciens donnaient invariablement dans leurs oeuvres la place
+prépondérante aux actions humaines. Dans le déploiement des légendes à
+travers la peinture universelle, les Dieux et les hommes existent seuls.
+Mais au fur et à mesure que l'idée de force s'est déplacée et modifiée
+et que l'humanité comprend que l'être humain n'est qu'un tourbillon de
+pensée emportée dans le vertige des puissances cosmiques, l'importance
+de ses gestes a décru.
+
+_Le Christ marchant sur la mer_ est conçu d'après les mêmes pensées.
+C'est la mer, c'est le ciel qui remplissent de leur immensité la toile
+entière. A peine une auréole, à peine une lueur se dégageant d'une forme
+vague, indique-t-elle le prodigue.
+
+Dans _Adam et Eve chassés du Paradis_ (1887) ces précédentes remarques
+se vérifient mieux encore. La page est merveilleuse. Les cieux remués de
+miracles tonnants et foudroyants occupent à peu près toute la toile. Des
+trombes de vents passent, des lueurs formidables apparaissent, tout le
+vertige de l'atmosphère est rendu. Vraiment, c'est une colère céleste
+qui se gonfle, qui voyage et qui éclate. L'ange exterminateur semble
+être à lui seul toute la nuée. A droite, avec des mouvements de fuite et
+de terreurs et comme brûlés par l'épée vengeresse, apparaissent Adam et
+Eve. Ils sont là, dans le coin de la toile, presque indistincts, roulés
+comme des épaves, tandis que seul l'orage que leur misère et leur
+fragilité ont suscité, occupe les quatre points de l'espace.
+
+L'effet surnaturel est produit sans que la couleur se mélodramatise de
+violentes oppositions de noirs et de clairs. La tonalité générale reste
+lumineuse, magnifiquement. On y surprend quasi de la délicatesse. Mais
+les lignes tumultueuses sont bien appropriées au sujet et la fougue des
+touches émerveille.
+
+En 1891 le _Christ apaisant la tempête_ continue la série des oeuvres
+légendaires. Le ciel et la mer, qui se rejoignent à l'horizon, se
+présentent en cette toile comme un énorme coquillage bivalve qui serait
+entr'ouvert et dont les deux parois internes contiendraient les nuées et
+les eaux. Le personnage, invariablement à droite du tableau, comme dans
+le _Christ marchant sur les eaux_ et dans _Adam et Eve chassés du
+Paradis_, indique chez le peintre un souci de composition presque
+uniforme. La science, l'équilibre, le prolongement heureux des
+arabesques, tout ce qui constitue la combinaison étudiée et heureuse ne
+l'inquiètent guère. Il voit d'un coup, comme si quelque brusque rideau
+s'ouvrait, et il rend ce qu'il voit, sans plus. C'est ainsi que
+procèdent les voyants.
+
+On peut rattacher à ce cortège de paysages animés de légende et
+d'histoire quelques autres pages: _le Feu d'artifice_ (1887) et _le
+Domaine d'Arnheim_ (1890).
+
+Une gerbe jaune, immense se projette sur un ciel bleu foncé comme si
+tout à coup s'ouvrait un cratère. Effet très simple. On dirait que la
+fureur des tempêtes calmées par le Christ marchant sur les eaux ou la
+colère des cieux se déchaînant sur Adam et Eve subsistent encore dans
+l'esprit du peintre.
+
+[Illustration: Le Terrassier--1882.]
+
+Quant au _Domaine d'Arnheim_ il suscite devant les yeux un bois profond
+que baigneraient des flots calmes. Une barque les sillonne. Le titre,
+fourni par Edgar Poe importe, bien qu'on l'ait trouvé inutile. Il nous
+transporte hors de la réalité, vers quelque lieu illusoire et magnifique
+où règnerait un calme d'or parmi des îles d'ombre majestueuse, touffue
+et silencieuse. Quand il composa le _Domaine d'Arnheim_, l'esprit du
+peintre s'était de plus en plus retiré de la contingence quotidienne; il
+commençait à vivre en plein monde imaginaire; il était déjà hanté. C'est
+à ces dispositions spirituelles qu'est due la manière de traiter ce
+paysage. On peut croire en effet que ce morceau de nature est tout
+entier arraché à l'imagination ou bien que, là bas, quelque part au bout
+du monde, sous un ciel inconnu, il s'étale et fleurit, sans que jamais
+quelqu'un, à part son mystérieux visiteur, ne l'ait parcouru. Plus tard,
+bientôt, ces îles, ces eaux et ces jardins seront, grâce au rêve de
+James Ensor, peuplés de masques et de pierrots et d'arlequins et de
+colombines. Ils s'intituleront alors le _Théâtre des masques_. Et ce
+seront ses _Fêtes galantes_ à lui, certes moins charmantes que celles de
+Watteau, mais plus folles, plus fusantes, plus papillotantes et plus
+fiévreuses.
+
+Continuant, après la _Mangeuse d'huîtres_, sa marche vers la clarté et
+s'attardant non plus dans le rêve et la légende mais dans la réalité
+vécue et quotidienne, Ensor propose à notre admiration les _Enfants à
+la toilette_ (1886). Et c'est dans une chambre, deux enfants nus, l'un
+debout, l'autre assis, que la lumière, tamisée à travers les rideaux,
+baigne. L'atmosphère est ambrée, frêle, douce, chantante. Les chairs
+roses, délicatement, s'étalent dans un jour doré sans qu'aucune
+brutalité, aucun heurt, aucune dissonance ne dissipe l'impression de
+calme et de fraîcheur et d'innocence qui émane de la toile. La _Mangeuse
+d'huîtres_ proférait des tons pleins, entiers, majeurs; les _Enfants à
+la toilette_ n'émettent au contraire que des tons atténués, assourdis et
+mineurs. Mais si l'on tient compte de l'aiguë difficulté que les
+peintres rencontrent à faire jaillir, non pas de l'opposition ni du
+contraste, mais d'un assemblage de teintes voisines, la lumière, les
+_Enfants à la toilette_ étonneront plus encore que la _Mangeuse
+d'huîtres_. La clarté apparaît diffuse, elle ne s'accroche à rien, elle
+ne fait aucune saillie; elle glisse sur les meubles, les tapis et les
+chairs. La transparence des stores baissés est parfaite. Jadis avec des
+tons profonds et noirs, Ensor résolvait dans l'_Après midi à Ostende_ un
+problème analogue. Tout y était fort et discret, dans l'ombre. Ici tout
+est fort et discret, dans la clarté.
+
+Enfin voici une toile, toute en tons purs cette fois et toute en
+violence, où la réalité se mêle à la fantaisie, où les deux routes
+suivies par l'artiste se rejoignent. La page est intitulée _Le Christ
+faisant son entrée à Bruxelles_. Elle ne fut jamais exposée. La
+date?--1888. C'était le temps où les néo-impressionnistes ameutaient les
+ateliers parisiens. Georges Seurat avec sa théorie de la décomposition
+lumineuse ou de la division du ton apportait vraiment dans l'art de son
+temps un procédé inédit. On l'invitait aux _XX_. Ses toiles y faisaient
+scandale. L'évolution lente de l'impressionnisme semblait comme
+suspendue au profit d'une révolution soudaine. De nombreuses conversions
+esthétiques eurent lieu. Ce fut une sorte de cataclysme magnifique.
+
+[Illustration: Croquis.]
+
+La grande part de vérité que Seurat apportait ne put laisser insouciant
+un esprit aussi attentif et aussi inquiet que celui de James Ensor.
+Toutefois, après réflexion, il n'adopta point les théories nouvelles et
+voici les raisons qu'il en donne.
+
+«Les recherches des pointillistes m'ont laissé indifférent: ils n'ont
+cherché que la vibration de la lumière. En effet ils appliquent
+froidement et méthodiquement leurs pointillages entre des lignes
+correctes et froides. Ce procédé uniforme et trop restreint défend
+d'ailleurs d'étendre les recherches et de là résulte une impersonnalité
+absolue dans leurs oeuvres, si bien que les pointillistes n'atteignent
+que l'un des côtés de la lumière: la vibration, sans aboutir à donner sa
+forme. Mes recherches et ma vision à moi s'éloignent de la vision de ces
+peintres et je crois être un peintre d'exception.»
+
+Ne retenons de ces lignes que la dernière affirmation. Qu'Ensor soit un
+peintre d'exception, rien n'est plus juste. Sa nature est trop spéciale
+pour que jamais elle lui permette d'être d'un groupe. Le
+néo-impressionnisme exigeait une discipline, portait en lui un
+enseignement, élaborait un programme. Dès ce moment le peintre ne le
+pouvait admettre. Ce qui caractérise la personnalité d'Ensor c'est le
+libre-vouloir. Sitôt qu'un désir lui vient, il le satisfait. Sa tête est
+une chambre ouverte où tantôt les idées, tantôt les rêves, tantôt les
+folies, s'installent. Et le néo-impressionnisme lui apparaissait comme
+une prison.
+
+Mais, tout en tournant le dos à l'esthétique de Seurat, il voulut, lui
+aussi, se signaler par de très nettes audaces. Il ne pouvait nier
+d'ailleurs que la nouvelle école, plus qu'aucune autre, ne purifiât la
+vision. Les couleurs dont elle préconisait l'emploi étaient les couleurs
+mêmes du prisme, les couleurs vierges, primitives, intactes. Toute
+l'ancienne palette était comme abolie et le spectre solaire prenait sa
+place. La virginité totale du ton devint un objet de conquête. Déjà
+Turner, et à sa suite tous les impressionnistes, s'étaient essayé à
+créer cette virginité et à l'imposer à leur oeuvre; ils s'y étaient pris
+empiriquement, en se fiant à la subtilité et à la délicatesse de leur
+oeil. Les nouveaux-venus, jugeant cette conquête incomplète, purifièrent
+en quelque sorte cette pureté hésitante et tâtonnante et grâce aux
+découvertes scientifiques la proclamèrent certaine et sûre. Et leurs
+toiles étaient en effet lustrales plus que nulle autres. On eût dit
+qu'elles portaient en elles la grâce d'un éclatant et violent baptême.
+
+[Illustration: La Sorcière--1883. (Collection Edgar Picard)]
+
+Dans son _Entrée du Christ à Bruxelles_ on peut croire qu'à son tour,
+comme pour défier le néo-impressionnisme, Ensor ait voulu rebaptiser sa
+peinture. Il en a augmenté encore et vivifié la clarté. Et les
+principales étapes qu'il suivit pour aboutir à cette victoire furent,
+comme nous l'avons dit, le _Chou_ (1880), la _Mangeuse d'huîtres_ (1882)
+et les _Enfants à la toilette_ (1886). Son évolution entière fut donc
+longuement préparée, logique et personnelle.
+
+Le sujet du _Christ faisant son entrée à Bruxelles_ peut certes
+déplaire. On y voit l'homme-Dieu mêlé grotesquement à nos pauvres,
+féroces et actuelles querelles. Il assiste au défilé mouvant et
+tumultuaire des revendications politiques et sociales, comme un banal
+élu--bourgmestre, échevin, député--un jour de manifestation déchaînée.
+Il voit passer les fanfares doctrinaires, les charcutiers de Jérusalem
+et des banderoles et des drapeaux se déroulent et inscrivent en leurs
+plis «Vive la Sociale et vive Anseele et Jésus».
+
+A ne juger que la plastique et la forme, l'oeuvre fourmille de défauts,
+mais la couleur en est triomphante. Les bleus, les rouges, les verts,
+soit juxtaposés, soit divisés entre eux par des blancs larges, sonnent
+comme une charge de tons purs et leur bariolage audacieux, parfois
+brutal, impressionne la rétine lyriquement. Au surplus l'ironie du
+peintre se donne, ici, libre carrière. On ne peut exiger de lui qu'il
+prenne au sérieux n'importe quelle démonstration populaire. La ruée du
+peuple à travers les places se boursoufle, pour ainsi dire, de visages
+tuméfiés, de ventres formidables que les masques et les oripeaux
+revêtent de leur invraisemblance. Mais, grâce à cette exagération
+savoureuse, grâce à l'exaltation des tons crus qui parfois se
+rapprochent des tons d'une affiche, grâce peut-être au désordre même de
+la composition, l'ensemble donne une âpre, farouche et tintamarrante
+sensation de vie. Ensor se plaît d'ailleurs à ces caractéristiques
+évocations de foules. Il les multiplie à travers toute son oeuvre. Il les
+rêve compactes, serrées, formidables. Elles apparaissent comme étouffées
+dans les rues et étranglées aux carrefours. Les maisons, les monuments,
+les balcons, les toits semblent subir l'entraînement de la poussée
+unanime et dans une eau-forte célèbre on pourrait croire que la
+multitude--si dense qu'un caillou jeté sur elle ne trouverait point un
+interstice assez large pour choir à terre--porte, comme une chasse, une
+cathédrale entière sur ses épaules.
+
+Cette manière de peindre à grands tons plats et clairs que James Ensor
+adopta dans l'_Entrée du Christ à Bruxelles_, il la gardera longtemps et
+l'emploira souvent dans ses études baroques et macabres de pierrots et
+de bouffons. Mais avant de parcourir cette province large et pittoresque
+de son art, qui lui fit donner le nom de «peintre de masques», il
+importe d'insister sur son talent de portraitiste et de nature-mortier.
+
+[Illustration: Dame au Châle bleu--1882.]
+
+Il serait surprenant qu'Ensor, aimant avant tout au monde son art et par
+conséquent chérissant surtout celui qui le fait, c'est à dire lui-même,
+n'eût multiplié à l'infini sa propre effigie. Ajoutons qu'en se
+regardant, en un miroir, il a toujours à portée de main, de brosse et de
+palette, un modèle complaisant et gratuit.
+
+Dès ses tout premiers débuts, aux temps lointains et maudits où il
+s'égarait à l'académie, il traduit ses traits (1879); en 1880 il se
+repeint; en 1883 encore et en 1884 il se dessine. En 1886 il fixe au
+crayon quatre fois son image; en 1888 il se déguise et se reproduit au
+pinceau. Dans l'_Ecce-Homo_, c'est lui qui apparaît flanqué de ses deux
+bourreaux MM. Fetis & Sulzberger; en 1891 parmi ses dessins
+fantasmagoriques il prend place; en 1899 il s'entoure de masques et dans
+nombre de compositions son visage tantôt hilare, tantôt mélancolique,
+tantôt angoissé et piteux, s'impose. Il est en quelque sorte la figure
+centrale de tous ses rêves. Et c'est logique et c'est humain qu'il en
+soit ainsi. On pourrait serrer de près sa psychologie, rien qu'en
+analysant ses portraits aux différentes saisons de son art et l'être
+insaisissable qu'il est se dévoilerait peut-être mieux, grâce à cette
+méthode, que par l'examen de ses gestes quotidiens dans la vie.
+
+De ses représentations si variées et si nombreuses, je retiens la
+première. En veston havane, sa palette à la main, à l'atelier, il se
+campe devant son chevalet. Il est jeune, l'oeil clair, l'allure attentive
+et naïve. La vie hostile ne l'a point encore touché. L'oeuvre est comme
+joyeuse; de belles taches claires s'y rencontrent. On y devine le
+coloriste qu'il est.
+
+En 1882, Théo Hannon et Willy Finch, deux de ses amis, lui servent de
+modèles. Le dernier de ces deux portraits est d'une solidité belle. Les
+tons clairs font place aux tons profonds et fermes; le visage est
+traduit avec une franchise et une sûreté de facture remarquables; aucune
+mise en scène, aucune recherche, si ce n'est la recherche fondamentale
+des beaux peintres en face de l'architecture humaine à traduire avec
+souplesse et force.
+
+Suit l'effigie de la _Mère de l'artiste._ Robe noire et col en
+dentelles. Trois roses groupées, comme ornement. Simplicité absolue dans
+la pose; les traits sont âprement caractérisés. De loin, le modèle fait
+songer à quelque dame qu'aimait à peindre d'une manière brusque,
+scrupuleuse, aiguë, le grand Goya.
+
+En 1891, James Ensor voulut bien consacrer quelques séances à mon propre
+portrait. Je n'insiste sur cette oeuvre que pour noter le faire spécial
+qui la distingue. Elle est plutôt écrite que peinte. Le trait est
+insistant, il creuse la chair, il traduit le caractère. Vers cette
+époque James Ensor introduit ce procédé graphique, tout à coup, dans sa
+peinture. La ligne qu'il dissimulait et noyait jadis y prend la première
+place, non pas la ligne ornementale et pure, mais la ligne
+caractéristique et rompue. Ces brusques sauts, ces rapides volte-face,
+ce changement incessant de procédé indiquent à la fois les recherches
+incessantes de son art et les inquiétudes journalières de son caractère
+et de son esprit.
+
+[Illustration: La Mère du Paintre]
+
+Trois ans plus tard s'achève le portrait d'Eugène Demolder et en
+1895 celui de M. Culus. Enfin voici le dernier portrait en date (1907).
+Il représente Mme Lambotte, d'Anvers.
+
+Le personnage est assis au centre de la toile, vêtu d'une robe bleue et
+d'un grand châle vert. Admirable accord que celui de ces deux tons
+principaux. A gauche une table. La main droite du modèle s'y appuie sur
+un bibelot japonais. Au fond, mais bien à leur plan malgré la vivacité
+de leurs teintes, apparaissent les _Masques scandalisés_ et quelque
+scène du conservatoire de Bruxelles où le maître _Gevaert dirige les
+choeurs_. L'oeuvre est intéressante à préciser. La figure est traitée,
+délicatement; le chapeau est d'une fraîcheur comme florale. On dirait
+que le personnage est rentré d'une excursion aux champs et qu'il retient
+sur lui quelque chose de la limpidité et de la bonne odeur champêtres.
+Les yeux vivent d'une vie charmante; les cils sont peints, hardiment, en
+bleu. Et cette couleur si éloignée du ton local est d'une justesse
+admirable dans l'ensemble. Tout ainsi revêt une vibration aiguë et
+subtile à qui sait voir les objets non plus dans leur réalité plate,
+mais dans leurs rapports avec un rêve de couleur et de lumière. Il faut
+qu'un artiste vrai ne tienne presqu'aucun compte de la vue banale des
+choses et qu'il ne les voie que comme prétexte à interprétation belle.
+Tout se peut transposer d'une vie dans une autre, de la vie commune dans
+la vie de l'art. La couleur unique dont il faille se soucier est celle
+qui fait bien sur la toile et affirme et soutient et rehausse son
+harmonie. Ensor a nettement obéi à cette loi dans le portrait de Mme
+Lambotte.
+
+Deux très belles natures-mortes datent de 1893, la _Raie_ et le _Coq
+mort_. Sur fond blanc le coq au plumage argenté se détache et tout un
+frisson de lumière semble courir sur son ventre et ses ailes. Je me
+souviens aussi et des _Viandes_ (Musée d'Ostende) et de l'admirable
+_Coin de cuisine_ du Musée de Liège. Le pinceau semble avoir glissé sur
+ces victuailles comme s'il était empreint non de couleurs mais de
+clarté. Si la forme des objets était plus précisée et plus arrêtée, ce
+bain de lueurs où le mercure et le soleil semblent fusionner n'aurait
+certes pu aussi bellement, envelopper la toile. Qu'on voie la couleur,
+affirme Ensor, aussitôt on ne voit qu'elle; de même, qu'on étudie la
+forme et l'oeil n'est plus sensible qu'à la ligne. Unir dans une même
+oeuvre le ton et le dessin, leur donner la même importance n'est possible
+qu'aux demi-natures qui ne sentent rien fortement. Il faut choisir.
+Ensor a choisi la couleur ou plutôt la lumière.
+
+On peut donc lui reprocher parfois que ses morceaux de viande, ses
+choux, ses fruits, ses pots, ses vaisselles manquent de fermeté ou de
+poids. Il en conviendra certes. Mais que lui importent ces remarques
+terre à terre. Il existe une sorte de réalité esthétique plus haute que
+la réalité authentique. Cette réalité ou plutôt cette vie est atteinte
+par de purs moyens d'art. Ils réalisent les harmonies impeccables et
+glorieuses du ton, les sensibilités merveilleuses des ombres et les
+joies de la calme ou triomphante lumière. Quand ce haut résultat est
+atteint il efface--surtout qu'il s'agit, en ce cas-ci, de simples
+natures-mortes--toute critique vétilleuse et tatillonne. On ne sait quel
+trophée choisir parmi tant d'éclatantes conquêtes du pinceau. Vases de
+Chine aux tons laiteux, statuettes esquissées en quelques coups de
+brosse, soies, linges, étoffes, écrans, éventails fins et légers, tout
+le magasin familial de la Rampe de Flandre a traversé l'imagination de
+l'évocateur.
+
+Voici les _Coquillages_ peints en 1889. A côté d'écailles roses et
+lustrées, en voici d'autres blanches comme de la craie et d'autres
+encore jaspées comme des dos de sèche et d'autres enfin creusées et
+rayées comme des branchies. La structure de poissons improbables,
+diables de mer ou rougets, se retrouve comme pétrifiée dans telles
+formes minérales. Ensor en saisit les analogies, les traduit, les aime
+et peut-être, au fond de lui, relie-t-il, par des liens psychiques, ces
+architectures marines avec leurs silhouettes baroques et compliquées, au
+monde étrange de ses masques et de ses squelettes. Tout cela peuple sa
+mémoire et fixe et détermine son désir presqu'au même titre.
+
+[Illustration: La Vierge aux navires (1893).]
+
+Sur tel panneau, on croit surprendre la vie des mollusques au fond même
+de la mer. Il date de 1895. Un grand coquillage bistre domine, la pointe
+en l'air, comme en pyramide, d'autres coquilles, les unes vertes, les
+autres roses, et cet arrangement comme maladroit semble le fait même de
+ces bêtes lentes et visqueuses. Le dessin en est très ferme et comme
+écrit. Il insiste sur chaque circonvolution et sur chaque spirale. Et
+voici--contraste brusque--deux bulbeuses et légères grappes de raisin,
+l'une bleue et l'autre rose-cerise, avec un oignon, une noix et une
+poire, la queue dressée. Ensemble presque transparent. Il est si frais,
+si lucide, si délicat qu'on le dirait comme baigné de rosée.
+
+L'entrée dans le royaume des masques dont James Ensor est roi, se fit,
+lentement, inconsciemment, mais avec une sûre logique. Ce fut la
+découverte d'un pays, province par province, les lieux pittoresques
+succédant aux endroits terribles et les parages tristes prolongeant ou
+séparant les districts fous. Grâce à ses goûts, mais aussi grâce à son
+caractère, James Ensor n'a vécu pendant longtemps qu'avec des êtres
+puérils, chimériques, extraordinaires, grotesques, funèbres, macabres,
+avec des railleries faites clodoches, avec des colères faites chienlits,
+avec des mélancolies faites croque-morts, avec des désespoirs faits
+squelettes. Il s'est improvisé le visiteur de lamentables
+décroche-moi-ça, de malodorantes arrière-boutiques de marchandes à la
+toilette, de piteux bric-à-brac en plein vent. Il a vagué par des
+vallées de misère où lui apparaissaient des pierrots malades, des
+arlequins en goguette, des colombines soûles. Parfois, comme un
+ménétrier fantasque, il montait sur un tonneau et sur la place de je ne
+sais quelle ville du pays de Narquoisie, il agitait, au son d'un rebec
+invisible, en un trémoussement soudain, toute cette joie lugubre et
+bariolée. Il pleurait peut-être lui-même en peignant tel masque hilare
+ou souriait en dessinant telle tête de mort. Les contrastes les plus
+aigus devaient lui plaire et il les réalisait en oppositions violentes,
+les rouges, les bleus, les verts, les jaunes se donnant comme des coups
+de poings sur la toile. L'art d'Ensor devint féroce. Ses terribles
+marionnettes exprimaient la terreur au lieu de signifier la joie. Même
+quand leurs oripeaux, arboraient le rose et le blanc, elles semblaient
+revêtir une telle détresse, elles semblaient incarner un tel
+effondrement et représenter une telle ruine qu'elles ne prêtaient plus à
+rire, jamais. J'en sais d'une angoisse de cauchemar. Et la camarde se
+mêla à la danse. Le squelette lui-même devint tantôt pierrot, tantôt
+clodoche, tantôt chienlit. Masque de vie ou tête de mort
+s'identifiaient. On ne songeait plus à quelque carnaval lointain
+d'Italie ou de Flandre, mais à quelque géhenne ou les démons se
+coiffaient de plumes baroques et s'affublaient de draps-de-lit usés, de
+bicornes invraisemblables, de bottes crevées et de tignasses
+multicolores. C'est pendant les mauvais jours de sa vie que James Ensor
+donna cette signification pessimiste à ses fantoches.
+
+Dans ce pays imaginaire, d'où la farce classique semble bannie,
+évoluent le masque Wouse et Saint Antoine, les diables Dzitss et
+Hihahox, les pouilleux Désir et Rissolé, les soudards Kès et Pruta et
+l'on y rencontre la ville de Bise et le territoire de Phnosie. Rien que
+ces appellations et ces noms, venus d'on ne sait quelle région d'un
+cerveau hanté, renseignent sur la très spéciale imagination d'Ensor. Au
+reste, pour animer pendant vingt-cinq ans un peuple aussi grouillant
+d'êtres chimériques et les douer d'une psychologie aussi étonnamment
+variée, fallait-il que le monde de la démence fût naturellement pour le
+peintre un monde de prédilection et de choix. Certes, croyait-il à tout
+l'invraisemblable, à tout le baroque, à toute la folie et ne
+recouvrait-il la lucidité qu'à l'heure où il s'asseyait devant sa toile
+et choisissait ses couleurs et harmonisait ses tons. Il a réalisé
+admirablement cette vie double.
+
+Le _Masque Wouse_ (1889) apparaît un des premiers. Il est vêtu d'un
+schall discrètement et magnifiquement bariolé de rouge, de vert, de
+jaune, de bleu, il tient en main un parasol, est coiffé d'un bonnet et
+le nez de son visage en carton s'agrémente d'une pendeloque légère. Il
+regarde, gisants devant lui comme autant de marionnettes flasques,
+d'autres êtres semblables à lui et l'on dirait quelqu'un visitant soit
+une morgue de pantins, soit, après un combat, le champ d'une défaite.
+L'oeuvre où s'épand une clarté diffuse est délicatement peinte, les
+étoffes sont flottantes et légères, l'atmosphère jolie. Elle contraste
+et voisine, dans l'atelier de l'artiste, avec les _Masques singuliers_
+(1892) mis en rangs, comme s'ils s'attendaient à être passés en revue
+par les soudards Kès ou Pruta. Ils reviennent, Dieu sait de quelle
+parade, les vêtements lâches et veules, mais gardant encore on ne
+sait quelle fierté vague. Le plus grand de tous porte un chapeau
+militaire dont la frange se détache lugubrement. En cette toile, presque
+tous les tons sont forts, puissants, hardis. Ils réalisent comme une
+gamme descendante et ne deviennent fins et subtils qu'autour d'un
+Pierrot boursouflé qui dissimule, en des blancheurs roses, sa carcasse
+falote. Oh la piteuse mascarade et comme la détresse d'une gloire abolie
+et d'une gaieté défunte s'y marque! Fini l'orgueil, le triomphe, la
+gloire. Toute fanfare s'est tue. On rit et l'on est triste. Acteurs
+flétris d'un drame chimérique, les fantoches sont là n'ayant plus même
+un bout de bâton pour simuler un vague: portez-armes.
+
+[Illustration: Les Pochards--1883.]
+
+Maintenant voici les _Masques devant la mort_ (1888) et les _Squelettes
+voulant se chauffer_ (1889) et le _Squelette dessinant_ (1889) et les
+_Squelettes se disputant un pendu_ et les _Masques regardant une tortue_
+(1894) et un _Duel de masques._ Le drame morne ou féroce commence à se
+préciser. Dans les _Masques voulant se chauffer_ une impression de néant
+s'affirme. Rien de plus pauvre, de plus navrant, de plus lugubre que
+cette idée de chaleur et de bien-être évoquée devant ces êtres flasques
+et vides. Ils s'approchent, se pressent, s'inquiètent autour de ce feu
+inutile, de cette flamme sans vertu, de ce foyer qui les raille et qui
+n'est pas. Les _Masques regardant une tortue_ angoissent tout autant.
+L'écaille qui couvre l'animal contemplé est, elle aussi, une sorte de
+masque dissimulant le mouvement et la vie. Ce rapprochement baroque
+suffit à faire comprendre pourquoi les étranges spectateurs semblent
+comme s'étudier eux-mêmes en voyant bouger lentement et pesamment la
+bête torpide et douce. Enfin dans un _Duel de masques_ l'idée de lutte,
+de fureur et de férocité est raillée à son tour.
+
+Toutes ces petites toiles sont franches, sincères, nerveuses.
+L'ostéologie des squelettes est amoureusement étudiée. Parfois sur leur
+crâne lisse se distinguent des lignes pareilles à celles des cartes de
+géographie et l'on peut croire que le peintre se plaît à inscrire le
+monde sur l'os d'un front. Le trou des yeux est approfondi. On y
+surprend, dans le vide, on ne sait quelle fixité qui donne l'illusion
+d'un regard. Ce n'est certes plus le squelette tel que le comprenait le
+moyen-âge. C'est plutôt celui qui sort des cabinets d'anatomie, des
+laboratoires et des hôpitaux. Il ne fait pas songer à tel macabre
+philosophe qui moralise dans la danse de Holbein ou dans les fresques de
+la Chaise-Dieu; il n'est pas chrétien. Il s'est renouvelé; il est de
+notre temps. Il représente non plus les croyances, mais les idées et les
+sentiments.
+
+Même dans ses _Tentations de Saint-Antoine_, Ensor ne prétend ni prêcher
+ni évangéliser. Le tohu-bohu de ces apparitions charme presque et
+devient, en ce sujet légendaire, quasi bon-enfant. Le peintre adore y
+semer des corps de femmes grosses et cocasses, des diables fluets et
+malins, des monstres improbables et ridicules. Le pittoresque de ce
+cauchemar chrétien le tente plus que son horreur. Et c'est en dilettante
+de l'impossible qu'il s'y affirme et non pas en vengeur du vice ou en
+champion de la vertu. Il cultive l'angoisse, ailleurs. Il la cultive en
+lui-même. Dans le _Portrait du peintre entouré de masques_ (1899),
+appartenant à M. Lambotte, d'Anvers, il s 'affuble d'un costume
+étrange, il se couronne de plumes et de fleurs, il se déguise lui-même
+comme pour donner plus congrûment audience au peuple entier de ses
+fantômes. L'oeuvre est haute en couleur; toute la palette ardente et
+sonore est employée; la joie s'affiche; on songe à un triomphe et
+pourtant que de cris poignants, que de violence et de fureur ces faces
+impassibles n'expriment-elles pas? Tel visage morne et blême rappelle
+une tristesse passée, tel autre une inquiétude présente; celui-ci, avec
+ses joues pesantes, avec ses yeux comme pincés en des étaus de graisse,
+rit d'un malheur qui viendra; celui-là, bonasse et rougeaud, détaille
+quelque farce funèbre ou pavane sa santé gonflée et balourde au-devant
+de la maladie qu'il annonce. Tous les sentiments humains se laissent
+deviner. Le plaisir, le chagrin, l'audace, la peur, l'espoir, la transe,
+l'orgueil, le doute, la force, l'abattement, la roublardise, la ruse,
+l'ironie, la détresse, le dégoût. C'est un formidable bouquet dont les
+fleurs seraient des bouches, des nez, des fronts, des yeux et qui
+toutes, ou presque toutes, malgré leur beauté et leur éclat seraient
+capiteuses et empoisonnées. Chacune a une signification nette et un
+langage précis quoique muet. Et les masques surgissent de partout: à
+droite, à gauche, du haut, du bas. Le champ tout entier de la toile en
+est comme encombré: ils se pressent, se tassent, s'enfièvrent. Il faut
+qu'ils assiègent le peintre, qu'ils le dominent, le hantent et
+l'hallucinent, qu'ils se moquent des roses et des plumes que sa tête
+arbore, qu'ils lui crient leur inanité et la sienne et lui fassent comme
+la leçon terrible de la mort. Lorsqu'Ensor introduisit en sa peinture
+un tel peuple étrange et tragique de masques, peut-être ignorait-il
+lui-même qu'à un certain moment ils lui fausseraient à tel point la
+notion du réel qu'il ne verrait plus qu'eux de vraiment vivants sous le
+soleil et qu'un jour il prendrait place parmi leur multitude comme s'il
+était lui-même quelqu'un de leur lignée et de leur race. Car il ne se
+peut pas qu'il n'ait subi, à certaines heures, une telle illusion
+dominatrice et qu'il n'ait fini par voir, avec ses yeux ouverts en plein
+jour à la lumière, l'humanité entière comme un ensemble de grotesques et
+de fantoches. Son art terrible et rêveur a dû l'affoler à ce point,
+fatalement.
+
+[Illustration: Enfants à la toilette--1886.]
+
+
+IV.
+
+LES DESSINS
+
+
+Ensor a nettement distingué dans son oeuvre le dessin du peintre et le
+trait du dessinateur. J'en donnai les raisons: elles me semblent
+plausibles. Pointe et pinceau ne furent jamais à ses yeux des
+instruments identiques.
+
+Nous voici en présence d'un nombre infini de pages où le fusain, la
+plume et le crayon se sont appliqués à fixer la vie ou le rêve. On les
+peut diviser aisément en catégories: les croquis; les dessins de
+caractère; les dessins atmosphérés; les dessins à lignes pures et les
+dessins ornementaux. Il est certes piquant de constater que c'est
+précisément celui parmi nos grands artistes qu'on accuse peut-être le
+plus de négliger le dessin qui surtout le cultive. S'il rassemblait tous
+ceux qu'il a faits, ils formeraient une bibliothèque.
+
+Je sais des notations où quatre à cinq traits nettement placés expriment
+l'enveloppe, la masse et l'attitude momentanée d'un personnage; voici,
+d'un coup de crayon, la marche, l'inclinaison, la vitesse d'une jambe
+traduites; le mouvement d'un dos, l'affalement d'une hanche, le
+bondissement d'une croupe, la tension d'un cou reproduits. Tout cela
+est preste, vivant, soudain. Sur une seule page, cinquante petits
+bonshommes se meuvent, s'agitent, passent, viennent, s'arrêtent,
+s'assoient, s'affalent et le crayon Conté note, détail par détail, leurs
+particularités et leurs manières d'être et compose comme une faune
+amusante des passants de la rue moderne. Je connais tels croquis où
+James Ensor, profitant des menus défauts du grain ou de la trame d'un
+papier, a composé une _Chute des anges rebelles_ en tenant compte de ces
+accidents de matière. Des mouvements inattendus se devinent, des grappes
+de muscles et de chairs pendent et se contractent, une cataracte de dos,
+de ventres et de têtes se précipite, une impression de ruée est
+merveilleusement rendue et tout cela n'est que du hasard souligné par un
+crayon, dites combien habile et preste?
+
+[Illustration: Mon Père mort--1887]
+
+Le jour où le peintre s'intéressa à l'existence des marins et des gens
+du port--plus tard ils lui fourniront et ses pouilleux et ses
+masques--ce fut par des études au fusain qu'il manifesta son
+enthousiasme. Il possède toute une suite de dessins supérieurement
+conduits où s'offrent en leurs attitudes quotidiennes les vieilles à
+mantelets, les mousses en vareuses, les vieux pêcheurs échoués comme
+leurs barques au long des quais et les gars solides et râblés qui demain
+s'en iront vers la mer. Puis se caractérisent encore les ouvriers, les
+petits musiciens, les poissardes mélancoliques, les mangeurs de soupe,
+toute une population de déjetés et de miséreux. Toutes ces pages
+témoignent d'une sagesse et d'une sûreté indéniables. Dès que le peintre
+le veut, il réalise aussi bien que quiconque la correction du dessin et
+la proportion des diverses parties d'un corps humain. Je ne puis
+m'enlever du souvenir tel _Gamin en casquette_ aux lèvres grosses, au
+nez compact, à l'oeil légèrement triangulaire, ni cette ferme et précise
+étude de _Main tendue_ où l'ossature des doigts dans la peau détendue et
+les bosses des muscles apparaissent si nettement, ni ce _Vieux cheval_
+noueux, maigre, efflanqué et comme diminué qui se tient avec peine
+debout entre deux brancards, ni surtout cette adorable tête d'_Enfant
+endormi_ dont la bouche entr'ouverte est d'une vie si vraie et dont
+l'oeil est si délicieusement clos. Comme on sent le sommeil et non la
+mort!
+
+[Illustration: Croquis.]
+
+Rendre la matière, scrupuleusement, fut la tâche qu'Ensor s'assigna dans
+tels dessins: ferrailles, armoires, clefs, rideaux, étoffes, lustres,
+coffrets. Il y réussit, sans se tromper jamais. Son crayon fouille,
+comme un outil sûr, les fibres et les noeuds du bois ou rend avec bonheur
+l'usure des bosses et des reliefs. On pourrait deviner si tel meuble est
+en chêne ou en noyer. Assurément--tant l'exactitude est
+grande--s'aperçoit-on s'il est plaqué d'acajou. Les ornements d'acier ou
+de cuivre sont creusés dans leurs ombres ou caressés sur leurs lueurs;
+un rinceau, une courbe, une volute est rendue avec dextérité. Autant le
+pinceau est léger et souple à fleur de toile, autant la pointe est
+insistante et vigoureuse sur le champ des feuillets. De même l'ampleur
+lourde et molle d'un rideau de laine qu'une grosse cordelière retient
+est offerte au toucher et semble pouvoir renfermer en ses plis jusqu'aux
+mites et aux poussières. Bien plus. Ces dessins, encore que littéraux,
+sont doués d'une vie ample. Ils n'ont rien d'industriel. Si pour James
+Ensor certains meubles sont hantés, tous les objets frissonnent,
+bougent, sentent. La cruauté séjourne dans le couteau, la discrétion
+dans la clef et le fermoir, le repos et la sécurité dans le bois. Rien
+n'est mort, complètement. Chaque matière renferme en elle sa tendance,
+sa volonté et son esprit. Elle est créée pour un but. Elle doit donc
+avoir comme une âme qui tend à une fin et c'est précisément cette âme
+qui seule nous intéresse dans l'inanimé et qui seule constitue, aux
+yeux d'un artiste, la beauté des choses les plus quelconques. A côté
+de ces dessins très écrits, James Ensor en a réussi d'autres entièrement
+baignés d'atmosphère. Un modelé frêle les distingue. Ils participent
+plus que les autres à la vie universelle, aux variations de l'heure.
+Pour les réussir il faut un tact spécial. Ils sont d'un grain menu et
+d'une fragilité choisie. Certains apparaissent comme faits avec de la
+poussière rassemblée dans les ombres et dispersée dans les clairs. Des
+gris tendres savamment distribués en constituent la beauté précieuse.
+Voici le _Portrait de Madame Rousseau_. Elle est assise à l'avant-plan,
+parmi des meubles familiers, non loin d'un bas-relief. Le jour est
+tamisé; tout est en infimes nuances et en atténuation. Il en résulte une
+impression de douceur et de calme si grande qu'une mouche survenant la
+troublerait, malencontreusement, du simple bruit de ses ailes.
+
+_Mon père mort_ est conçu dans le même esprit. La page est solennelle,
+sobre, émue. On aperçoit seulement la tête posée parmi les draps que
+légèrement quelques tons blancs rehaussent. A traits fins, la barbe et
+les cheveux sont rendus. Le crayon Conté et le crayon gras out introduit
+le jeu de leurs différentes accentuations dans les parties sombres.
+L'ombre s'anime, mais uniquement afin d'éviter qu'elle ne soit opaque:
+il faut que la seule sérénité règne dans l'étude entière. Le dessin est
+du reste irréprochable. Le nez, les yeux et le front sont nets sans
+dureté, les chairs sont admirablement apâlies quoique consistantes
+encore.
+
+[Illustration: La Mère du Peintre--1889. Dessin. (Collection Robert
+Goldschmidt)]
+
+Cette même manière de nuancer un dessin sans l'affadir ni le banaliser
+se retrouve dans le _Portrait de ma mère_, appartenant à M.
+Goldschmidt, et dans les _Squelettes musiciens_. Devant une armoire où
+s'étale un crâne sans mâchoire, apparaît un squelette introduisant le
+bec d'une clarinette dans sa bouche sans dents. Un manche de violoncelle
+s'élève non loin de lui. Ces deux crânes sont étudiés avec un art
+parfait. Chaque relief, chaque méplat, chaque partie osseuse avec ses
+stries et ses méandres est rendu comme un artiste gothique se serait plu
+à les traduire. Faire attentif, serré, scrupuleux. Impossible de pousser
+plus loin l'attention minutieuse, ni la probité appliquée. Et quelle
+aisance, quelle apparente facilité, quelle ductilité et quelle
+flexibilité prestigieuse des doigts. Et combien tout est sûr et savant!
+
+La ligne même, la ligne pour elle-même, la ligne simple et jolie, la
+ligne belle et enveloppante séduisit à son tour la main chercheuse de
+James Ensor. Et voici la _Vénus à la coquille_ dont le corps souple,
+limité par un trait gracieux et flexible, surgit, avec, entre ses
+doigts, une pomme. Les jambes, le torse, le ventre et les bras sont
+suffisamment modelés pour qu'ils donnent la sensation d'exister vraiment
+et n'être pas uniquement des blancs sur un papier. Mais c'est
+l'arabesque sinueuse séparant la Déesse de l'ambiance qu'on admire
+surtout et qui étonne par sa souplesse. On songe à quelque fleur
+délicate et haute.
+
+[Illustration: Vénus à la coquille--1889. Dessin.]
+
+Les sujets ornementaux, avec leur fantaisie violente et leur parodie
+épique ont tenté à maintes reprises le crayon d'Ensor. L'histoire, la
+légende, les coutumes lui fournissent leurs thèmes. Il les transforme
+selon son humeur, son caractère, sa nature. Ils ne sont pour lui que
+des sortes de tremplins sur lesquels sa verve et sa raillerie
+bondissent. Les batailles surtout le requièrent. Grâce aux coups donnés,
+aux plaies reçues, grâce aux déhanchements du corps qui frappe et aux
+chutes des corps qui succombent, grâce aux contorsions qu'il suppose et
+aux pirouettes qu'il imagine, un combat se présente à lui avec délices.
+L'horreur réelle en est supprimée au profit de la truculence et du
+pittoresque. Ou bien encore c'est dans quelque décor moyen-âgeux, sur
+une place meublée de maisons hautes et pointues, quelque drame violent:
+_Sorcière qu'on brûle, Patrons de cathédrale, Vierges aux navires,
+Soudards entrant en des cités étranges_. Ou bien encore, dans un site
+d'hiver quelque folâtre et compliquée scène de _Patinage_ ou bien enfin
+quelque _Parade dans une arène de cirque_. Celle-ci amuse immédiatement
+par la gymnastique baroque des clowns et les sauts invraisemblables des
+paillasses. On croirait assister à quelque liesse d'escargots, à quelque
+fête de chenilles. Des êtres contournés, girouettants, tire-bouchonnés
+permettent au dessinateur de réaliser, par des volutes charmantes et
+placées chacune à quelque endroit précis et heureux de la page blanche,
+une ornementation inédite qui charme l'oeil immédiatement, sans examen,
+et divertit l'esprit sitôt qu'il s'attarde.
+
+Toutefois le motif le plus célèbre est traité dans la _Bataille des
+Éperons d'or_. Les communiers flamands sont rangés à droite, coiffés de
+casques inusités, armés de massues buissonneuses et présentant des
+«goedendags» pareils à des reptiles. Courtrai avec ses tours, ses
+remparts et ses moulins, se devine, là-bas. Ils la défendent et leurs
+lignes rangées et pointues s'étendent devant elle, comme une succession
+de haies où flotteraient, ci et là, des drapeaux. Le lion noir de
+Flandre orne la plus haute bannière.
+
+A gauche, mais à l'arrière-plan, apparaissent les chevaliers français
+sur leurs chevaux rapides et ployés en arc de cercle. Cimiers, panaches,
+lances, épées, bannières, tout flotte ou se dresse au vent. Derrière eux
+un incendie s'allume et l'horizon est peuplé de nuages capricieux et
+tourmentés.
+
+Au milieu la bataille: foulons, tisserands, bouchers assaillent et
+désarment les ducs et les barons. Des jambes, des têtes, des bras encore
+armés de fer et d'acier gisent à terre. On a coupé les corps comme aux
+abattoirs. Un cheval est tombé pattes en l'air, une flèche fixée au gras
+de sa croupe. Voici un communier pendu à la queue d'un coursier; un
+autre se soulage et fait un pied de nez aux charges qui approchent. Les
+chevaux ruent, s'effrayent, s'abattent. Une mêlée grotesque s'éparpille
+en mille actions non pas d'éclat, mais de gaieté baroque et de risée.
+L'invention est spontanée, abondante, joyeuse. On assiste à une dépense
+de jovialité narquoise et d'humeur pavoisée. Les drapeaux qui flottent,
+les armes qui se dressent, les rayons du soleil, les banderoles des
+nuages ne sont présentés à la vue que comme décors fictifs et lignes
+ornementales. La _Bataille des Éperons d'or_ est une kermesse où l'on
+tuerait pour s'amuser, où l'on tomberait pour se distraire, où l'on
+mourrait pour avoir le plaisir de faire une grimace. Le _Triomphe
+romain_ s'apparente à la _Bataille des Éperons_. La composition en est
+moins originale et les lignes dominantes moins inattendues.
+Toutefois peut-on se réjouir à voir les licteurs présenter leurs
+faisceaux comme des seringues et ceux qui portent les aigles arborer ces
+dernières comme de vulgaires oiseaux abattus par des archers, dans
+quelque village flamand. Il conviendrait d'insister encore sur la _Mort
+d'un théologien_, sur la _Multiplication des poissons_, sur les
+_Soudards Kès et Pruta_, sur _Iston, Pouffamatus, Cracozie et
+Transmouff,_ sur les _Diables menant le Christ aux Enfers_. Je me
+bornerai à présenter la plus importante des _Tentations de
+Saint-Antoine,_ grande composition qui ne fut exposée, après un premier
+refus, qu'aux _XX_, en 1888.
+
+[Illustration: Projet de Chapelle à dédier à St. Pierre et Paul--1897.]
+
+Elle est divisée par étages. Au rez-de-chaussée, l'anachorète gros et
+geignant se présente à nous et sa bonasse figure, que de grosses larmes
+humectent, regarde le ciel, sans trop de désespoir. Au-dessus de lui
+trône une femme qui se dévêt même de la feuille de vigne. Elle est
+grande, belle, élancée, et son impudeur est triomphante. En haut, tout
+en haut, apparaît une admirable tête de Christ, prise à quelque maître
+gothique flamand. Il semble consoler Antoine et pleurer lui aussi sur
+l'amas des vices et des péchés montrés.
+
+Dans la vie des Saints par Alban Stolz, docteur en théologie et
+conseiller ecclésiastique, il est dit d'Antoine: «Un jour qu'il venait
+d'être tenté plus que de coutume, il lui sembla que Notre Seigneur lui
+apparaissait rayonnant de lumière. Il lui dit en soupirant: «Bon Jésus
+où donc avez-vous été? Pourquoi n'êtes-vous pas plutôt venu me
+secourir». Et il lui fut répondu: «Pendant que vous combattiez j'étais
+auprès de vous, car sachez que je vous assisterai toujours.» Ce texte
+commente nettement le fourmillant dessin d'Ensor. Il composa du reste ce
+poème par morceaux, appliquant sur une grande toile, maint carré de
+papier qui continuait sans interruption la partie de scène traduite sur
+le carré voisin.
+
+En plus, si l'oeuvre se divise, dans le sens de la hauteur, par étages,
+elle se complique aussi, dans le sens de la profondeur, par couches.
+Presque partout quelque motif en saillie en cache un autre d'un relief
+plus atténué et plus fondu. Il en résulte une abondance et comme une
+fermentation étrange, car dans cette large page tout est traité:
+religion, histoire, morale, vice, vertu, terreur, angoisse, rire,
+ricanement, folie. On se croirait en présence de quelque oeuvre indoue
+qui nous propose une explication du monde. Et voici les cultes anciens
+ridiculisés par une Minerve grotesque debout au fronton des temples et
+voici les mille inventions modernes traitées fantastiquement: trains,
+ballons, navires; et voici des écorchés dont des femmes enlèvent la peau
+et voici des crucifiés dont des femmes enlèvent le coeur et voici les
+péchés capitaux qui apparaissent avec leurs violences et leurs affres et
+qui tournent autour de la luxure centrale.
+
+Dans le bas se déroulent des cortèges. Des mimes, des masques et des
+clowns, portant des pancartes folâtres se poussent vers saint Antoine
+comme pour lui présenter la pétition goguenarde de l'universelle démence
+humaine.
+
+Oh, le multiple et terrible cauchemar enluminé! Il arrête surtout par
+ses détails minutieux et innombrables, mais l'ensemble en est toutefois
+large et imposant. Celui qui le conçut est quelqu'un dont
+l'intelligence, le coeur et l'imagination travaillent et fournissent avec
+angoisse leur pensée et leur rêve aux mains patientes et laborieuses.
+
+
+
+
+V.
+
+LES EAUX-FORTES
+
+
+C'est dans son travail d'aquafortiste plus encore que dans son oeuvre de
+peintre que l'imagination d'Ensor s'est débridée. Bien des cuivres
+reproduisent certains de ses tableaux et tel de ses dessins est traduit
+en gravure. Toutefois, quand le burin à la main il conçoit quelque
+composition encore inédite, le vent de la fantasmagorie plus que jamais
+violent lui souffle sur le cerveau. Je craindrais de rééditer certaines
+analyses déjà faites si je présentais, ici, toutes les _diableries_ et
+_mascarades_ traitées à la pointe. Je ne veux appuyer que sur leur
+excessive audace, sur leur extrême cocasserie, sur leur insurpassable
+outrance. L'impudeur, l'indécence, la scatologie même apparaissent.
+Mais--disons le en y insistant--rien n'est malsain, trouble, louche,
+ambigu; tout au contraire est franc, sincère, féroce, brutal. Il n'y a
+pas de sous-entendu. Il y a étalage. On sait immédiatement qu'il faut ou
+fermer ses yeux si l'on craint pour ses prunelles innocentes, ou se
+boucher le nez si l'on possède des muqueuses trop délicates. Le
+haut-le-coeur est soudain ou ne se produit pas. Ceux qui l'évitent se
+complairont à suivre alors, en tous leurs méandres, les fleuves de
+verve tumultueuse et de raillerie agitée que l'artiste charrie à travers
+ses oeuvres, avec leurs boues frappées de soleil, leurs folles herbes
+tournoyantes et leurs charognes magnifiques. Vienne, Zürich, Liège,
+Barcelone, Milan, Venise, Ostende, Dresde, Paris possèdent, en leurs
+collections publiques mainte eau-forte du graveur. M. Eugène Demolder en
+une critique pénétrante et renseignée, M. Coquiot das sa préface au
+_livre des masques_, M. Vittorio Pica, là bas, en Italie, dans les
+revues et Jean Lorrain, dans le roman étrange, précieux et faisandé de
+_M. de Phocas_, ont longuement et ardemment célébré tels ou tels cuivres
+du peintre. Voici ceux qui ont le plus souvent sollicité la critique.
+
+[Illustration: La Cathédrale--1886. Gravure à l'eau-forte.]
+
+_La Cathédrale_ (1886). Serrée, compacte, myriadaire, une multitude
+s'avance moins avec ses jambes, ses bras, son corps qu'avec ses visages,
+vers on ne sait quel but. Elle bouge non pas individuellement, mais
+totalement, d'un énorme mouvement d'ensemble et c'est comme si la masse
+humaine entière s'ébranlait. Au milieu d'elle une église avec ses
+grandes tours, avec l'élancement de ses ogives, avec ses toits et ses
+clochetons, une église légère, triomphante, aérienne est plantée et
+domine. Au loin se devinent d'autres architectures, des surgissements de
+flêches, des hampes géantes et des drapeaux. On songe à une colossale
+fête séculaire, à quelque anniversaire prodigieux. Le spectacle est
+épique.
+
+Et cette impression est donnée non pas avec force, mais avec légèreté et
+délicatesse. Le burin fourmillant a creusé partout mais jamais sa pointe
+ne fut rude ni acharnée. On dirait le travail d'un clan de mouches ou
+d'une ruche d'insectes. Une atmosphère joyeuse, transparente, fine,
+légère, baigne la page entière et si le mot chef-d'oeuvre vole sur les
+lèvres de celui qui la regarde, ce mot y semblera bien à sa place comme
+est à sa place sur le cuivre chaque trait d'ombre et chaque surface de
+lumière.
+
+_La grande vue de Mariakerke_ (1887) est d'une qualité d'art aussi haute
+que la _Cathédrale_. Les petites maisons du village west-flamand sont
+groupées autour de son clocher, avec leurs toits comme des ailes
+abaissées, avec leurs maigres enclos, avec leurs dunes poudreuses et
+leurs verdures aiguës. Un ciel admirable de nuages volants le surmonte
+et le grandit. On sent la mer proche. Les herbes de l'avant-plan sont
+ployées par le vent du large. Elles forment comme une barrière d'ombre
+qui éloigne et approfondit le sujet principal. Un air abondant circule.
+Une correspondance exacte, une interinfluence scrupuleusement observée
+et rendue existe entre le ciel et la terre. Les plans sont partout
+minutieusement fixes et leur accord partant des bords du cadre jusques à
+l'horizon prouvent quel oeil sûr Ensor possède qu'il s'agisse du trait ou
+de la couleur.
+
+Et _l'Hôtel de ville d'Audenarde_ (1888) et surtout les _Barques
+échouées_ (1889) confirment encore en nous cette conviction. Dans la
+première planche, l'ombre des galeries du rez-de-chaussée est rendue
+avec une justesse merveilleuse et tout le haut de l'édifice semble comme
+vibrer dans la lumière; dans la seconde, grâce à la disposition oblique
+des deux lignes principales, celle du rivage lointain et celle des
+bateaux sur le quai, l'approfondissement du paysage est admirablement
+rendu, tandis que la volute large et ample du nuage, déroulant sa portée
+dans la même direction que le rivage de droite et les barques de gauche,
+concourt à cette même illusion d'étendue. Souvent, le jeu subtil des
+lignes ne fut guère favorable aux compositions de James Ensor, mais ici
+les plus malveillantes critiques ne peuvent avoir de prise et son oeuvre
+est irréprochable. Ceux qui le chicanent sur la trop fameuse
+perspective, n'ont qu'à examiner les _Barques échouées_. Ils conclueront
+que si le peintre viole parfois telle ou telle sacro-sainte règle, tant
+en ses tableaux qu'en ses dessins, ce n'est ni par ignorance, ni par
+impuissance mais par réflexion et par volonté. L'art doit sacrifier à
+chaque instant les préceptes et les enseignements qui le gênent dans ses
+recherches et ses découvertes. Un vrai artiste trouve en lui-même la
+justification de ses excès. Ce qui s'est fait avant lui ne lui est qu'un
+conseil; ce ne peut jamais lui être un ordre, ni une sorte d'ultimatum.
+L'art est libre, libre, libre! s'écrie quelque part James Ensor. Il n'y
+a que les médiocres qui ne comprennent pas et ne comprendront jamais la
+profondeur et la sincérité d'une telle revendication ardente.
+Heureusement que les routes supérieures de l'humanité en marche sont
+plantées de grandes oeuvres qui l'affirment et la crient à leur tour.
+
+[Illustration: Le Christ apaisant la Tempête--1886. Gravure à la pointe
+sèche.]
+
+Le _Christ calmant la tempête_ (1886), les _Sorciers dans les
+bourrasques_ (1888), l'_Ange exterminateur_ (1889), sont des
+compositions magnifiques d'ampleur et de simplicité. La première est
+comme solennelle. On a la sensation d'un miracle qui éclate et du
+surnaturel qui rayonne. Les deux autres baignées--dites de quelle vaste
+ou féerique lumière--propagent un mouvement fou tout au long de leurs
+lignes. L'énorme Sorcier de la bourrasque fait songer à quelque Caliban
+céleste. Il est grotesque et puissant à la fois. L'ange exterminateur a
+beau nous apparaître comme une sorte de croquemitaine et les foules qui
+le voient passer s'accroupir en des poses affolées, l'apparition est
+magnifique et inoubliable de splendeur. Le trait menu et comme
+tremblant, le trait minuscule et rompu doue le cheval et son cavalier
+galopant dans les nues, comme d'une vitesse frémissante.
+
+_Les sept péchés capitaux_, que précéda dès 1888: _Peste dessus, peste
+dessous, peste partout_, nous offrent comme une oeuvre cyclique où le
+grotesque le dispute à la férocité. Une eau-forte liminaire en prépare
+l'impression étrange. Elle figure une Mort ailée--dites quelles ailes
+misérables et déplumées le squelette entr'ouvre!--abritant sous elle des
+personnages divers dont chacun semble être une indication rapide des
+sept vices à fustiger.
+
+[Illustration: Barques échouées--1888. Gravure à l'eau-forte.]
+
+La _Luxure_ (1888) occupe le centre de l'oeuvre. Un jeune homme dont le
+corps est à demi dissimulé, semble ramper, sur un lit, vers une femme
+énorme qui détourne la tête et n'étale qu'une chair ballonnée impudique
+et monstrueuse. Le temps, sinistre et glabre vieillard, le temps aux
+mains et aux ailes crochues menace d'une faux énorme le couple lubrique,
+tandis que voltige dans l'air une manière de gnome cornu et que dans un
+cadre, près d'un rideau, de vagues nudités apparaissent. Dessin rapide,
+traits menus, facture fine et délicate. Page de blondeur et de jeunesse
+où seule la faux levée trace un lugubre éclair. Elle voisine avec
+_l'Avarice_ (1904)--ici, la pointe du burin appuie, griffe, devient
+comme méchante--et l'on voit un terrible bonhomme, en casque-à-mèche
+compter son argent sur une table et quelque démon hérissé remuer, avec
+lui, les pièces rondes et frémissantes. Soudain surviennent deux
+assassins qui assaillent et saignent le cynique avare. Le sang
+éclabousse sa figure et s'écoule de son flanc. L'_Envie_ (1904)
+s'éclaire de l'apparition d'une jeune mère tenant un nouveau-né entre
+ses bras. Elle est heureuse. Un jeune gars l'embrasse. Une paix, une
+douceur, une tendresse est répandue. Des rayons partent du milieu de la
+page, baignant le front de la femme et se projetant jusqu'au bord du
+cadre. Mais voici la contradiction qui se lève: vieilles filles au nez
+féroce, bigotes tirant la langue, hommes graves et bilieux, crétins
+faisant des pieds-de-nez et ci et là des squelettes voltigeant comme
+pour annoncer la maladie et le trépas et affirmer combien toujours la
+mort est suspendue sur la vie.
+
+[Illustration: Croquis.]
+
+L'_Orgueil_ (1904). Solennel, ponctuel, grave, rogue, ridicule, avec de
+tombantes bajoues, avec un front étroit, carré, abrupt, avec une tête
+trop volumineuse pour son corps étriqué, quelque vague notaire ou
+commerçant ou bourgmestre de province se présente à la foule des
+quémandeurs, des humiliés et des pauvres qui lui baisent les mains. Un
+squelette lui pose une couronne sur la tête. Un coq, les plumes
+hérissées, crie vers lui comme s'il claironnait de fureur. Un âne
+regarde. Quelque morne sacristain lit un discours; quelque minable
+vieille tend un bouquet. La mort, armée de sa faux, promène ses doigts
+d'os dans la perruque d'une femme acariâtre--peut-être la compagne du
+notaire, du commerçant ou du bourgmestre--et lui cherche sa vermine. La
+scène est d'une observation cruelle et folâtre. Tout est piteux, morose,
+grotesque dans ce triomphe. La petite ville y est raillée et bafouée.
+Ensor se venge.
+
+La page la moins réussie nous représente la _Colère_ (1904). Au fond
+d'un lieu quelconque--appartement d'ouvrier ou grenier bourgeois--homme
+et femme, avec des couteaux et des crochets, luttent et se blessent.
+Leur chat, le poil dressé, assiste à la bataille. Des êtres
+singuliers interviennent et la camarde semble faucher le vide au-dessus
+des combattants. On croirait que le cuivre est griffé au moyen d'un
+clou. Toute autre est l'abondante et grasse et croupissante et
+savoureuse _Gourmandise_ (1904). Bien que les deux personnages assis
+vomissent leur nourriture et que la Mort leur serve un homard et qu'un
+chien, sur le dossier d'une chaise, compisse l'un d'eux et qu'une tête
+coupée s'étale sur un plat, le petit drame gastronomique se caractérise
+par une jovialité amusante. Un tableau pendu au mur réjouit par son
+dessin preste: il représente des porcs qu'on tue, dans un village sur la
+place, et certes les deux bâfreurs assis ou plutôt affalés à leur table
+ne se doutent point qu'ils méritent un semblable trépas. L'énorme cochon
+qui se hisse dans un coin, la langue pendante, semble seul distraire le
+plus gros des convives et son oeil oblique s'en va vers le groin tendu ou
+vers le homard que la mort apporte, presque amoureusement. Enfin la
+_Paresse_ (1902) représente deux dormeurs, un homme et une femme,
+enfoncés dans leur couche. Un lutin ricaneur chatouille l'oeil de la
+dame. Un squelette détraque une horloge et enlève une aiguille. Par la
+fenêtre, on aperçoit des paysans qui moissonnent, des ouvriers qui
+brouettent, des valets qui bêchent, des gens de peine qui transportent
+des fardeaux, des soldats à l'exercice, des trains qui roulent et tout
+au loin une ville énorme dont les usines s'acharnent et fument sous le
+riant soleil. Dehors il fait grand jour, mais les dormeurs baîllants se
+calfeutrent et de lents escargots rampent sur leurs draps. Un petit
+démon, sur la table de nuit, éteint, d'un pet, la bougie.
+
+[Illustration: Ernest Rousseau--1887. Gravure à la pointe sèche.]
+
+Cette suite de sujets renseigne--et que d'autres petites planches
+l'affirment comme elle--sur l'inépuisable fantaisie de James Ensor. On
+la croit au bout de sa trépidation et toujours et encore elle
+recommence. Elle est véloce et incessante comme le tic-tac d'une montre.
+Elle s'agite jour et nuit. La moindre observation faite au hasard la
+remonte comme le petit tour de clef quotidien redonne la vie aux
+ressorts distendus.
+
+Pour saisir mieux encore cette folâtre imagination il faudrait la suivre
+jusque dans sa descente vers la caricature et la montrer aux prises avec
+les _Cuisiniers dangereux_[1] et les _Mauvais médecins_ (1895).
+
+Les _Cuisiniers dangereux_ sont les critiques. On y distingue telles
+personnalités que J. Ensor redoutait. Elles servent un étrange repas à
+quelques-uns de leurs confrères et sur les plats présentés s'étale la
+tête même du peintre flanquée d'un sauret. Les _Mauvais médecins_
+opèrent avec une férocité délurée, s'empétrant parmi les intestins
+qu'ils retirent des ventres comme des câbles et taillent dans les chairs
+de larges crevasses par où s'évadent les entrailles. Le patient tend un
+poing vers le ciel, est retenu par une corde qui l'étrangle tandis que
+la mort sinistre, avec un geste préceptoral, apparaît.
+
+[Footnote 1: Les _Cuisiniers dangereux_ sont un panneau (1896).]
+
+
+
+
+VI
+
+VIE ET CARACTÈRE
+
+
+Vie banale somme toute, mais en lutte avec un caractère spécial,
+étrange, infiniment impressionnable et ombrageux.
+
+Ensor naquit à Ostende. Il a 48 ans. Il grandit dans une maison de
+négoce, avec sa boutique achalandée s'ouvrant sur la rue, à côté de la
+chambre de famille. Aux jours où la mer est calme on envoie l'enfant sur
+la plage se distraire dans le sable, avec des coquillages. Il ne connaît
+point encore le pittoresque quartier des pêcheurs plein de voiles et de
+bateaux, plein de gamins hâves qui jouent parmi des charettes à bras,
+dépiotent de leurs doigts prestes les crevettes tombées des paniers de
+la marée et se poursuivent parmi les cordes tendues de poteau en poteau
+et les ancres abandonnées dans les terrains vagues. Ce n'est que plus
+tard qu'il se mêlera, poussé par son art, à la vie des matelots et des
+mousses.
+
+Il ne suit les classes que pendant deux ans. Lui même emmagasine
+quelques connaissances variées dans sa jeune tête. Ses livres d'images
+le hantent. Les romans à naïfs dessins le sollicitent. Après avoir
+admiré les gravures il lit le texte. Mais déjà mainte tentation lui
+vient de rendre les tons et les lignes qu'il voit. Il griffonne et
+barbouille. Détail à noter: ce sont les couleurs qu'il traduit avant
+même qu'il dessine les objets. Il a quatorze ans.
+
+On lui donne comme professeurs deux vagues aquarellistes ostendais:
+Dubar et Van Kuyck. Leurs conseils lui sont légers. Il les écoute et
+oublie leurs paroles. Il n'est inquiété que par ce qu'il voit. Il ne
+peint que d'après nature et les sites marins et les dunes et les
+paysages des environs d'Ostende sont ses premiers modèles. Louis Dubois,
+le beau peintre solide et puissant, rencontrant un jour, au cours d'un
+villégiature sur la côte, les quelques pages auxquelles James Ensor,
+presque enfant, confiait ses primes essais, s'enthousiasma et vivement
+s'intéressa à ses débuts.
+
+En 1877 le voici à Bruxelles. De 1877 à 1880 il fréquente l'Académie. Il
+y eut pour compagnons: Fernand Khnopff, Charlet et Duyck. Et pour
+maîtres: Portaels, Stallaert, Robert et Van Severdonck.
+
+[Illustration: Le Théatre des Masques ou Bouquet d'artifice--1889]
+
+Plus tard, sorti de cette école, il appréciera et critiquera
+l'enseignement de ses maîtres, en ce caractéristique monologue:
+
+ «TROIS SEMAINES A L'ACADÉMIE
+
+ _Monologue à tiroirs_
+
+ La scène est dans la classe de peinture.
+
+ Personnages: Trois professeurs, le directeur de l'Académie, un
+ surveillant; personnage muet: un futur membre des _XX_.
+
+ Nota: La vérité des menus propos qui suivent est garantie.
+
+ 1re Semaine: M. le professeur Pilstecker.
+
+ Vous êtes coloriste, Monsieur, mais sur 100 peintres il y a 90
+ coloristes.
+
+ Le flamand perce toujours chez vous, malgré tout. Je trouve les
+ artistes français très forts; dans une exposition, on les distingue
+ de suite de leurs voisins; ils sont très forts en composition.
+
+ Il ne faut pas croire que le professeur abîme l'étude en la
+ corrigeant; quand j'avais votre âge, je le croyais aussi,
+ maintenant je vois bien que le professeur avait raison.
+
+ Vous n'avancez pas! ça n'est pas modelé! (montrant l'étude d'un
+ autre élève). En voici un qui va bien! Malheureusement il est trop
+ paresseux.
+
+ Vous cherchez déjà l'air ambiant, au lieu d'attendre que vous soyez
+ assez fort en dessin; songez que vous avez encore deux classes
+ d'antiques à faire! après celà, vous aurez bien le temps de vous
+ occuper d'air ambiant, de couleur et de tout le reste.
+
+ Vous ne voulez pas apprendre; peindre comme celà, c'est de la folie
+ ou de la méchanceté.
+
+ Je suis _forcé_ de vous complimenter sur votre dessin; mais
+ pourquoi faites-vous des dessins contre l'Académie?
+
+ 2e Semaine: M. le professeur Slimmevogel.
+
+ Vous avez fait votre fond au lieu de faire la figure; ça n'est pas
+ difficile de faire un fond.
+
+ Vous faites le contraire de ce qu'on vous dit. Au lieu de commencer
+ par _vos vigueurs_, vous commencez par les clairs. Comment
+ pouvez-vous juger votre ensemble. Il faut faire vos vigueurs avec
+ du noir de vigne et de la terre de Sienne brûlée.
+
+ Je ne sais pas ce qu'il y a dans l'air ici; jamais je n'ai vu la
+ classe de peinture comme cette année. Je serais honteux si un
+ étranger entrait ici.
+
+ Je ne vois rien là dedans. Il y a de la couleur, mais ça ne suffit
+ pas.
+
+ Ça manque de vigueur. Vous empâtez trop. Vous avez l'air de bien
+ chercher cependant. Vous avez assez cherché maintenant.
+
+ Est-ce M. Pilstecker qui a corrigé votre étude? Ça n'est pas sa
+ semaine, pourtant. C'est embêtant, ça!
+
+ 3e Semaine: M. le professeur Van Mollekot.
+
+ Qu'est-ce que c'est que ça! C'est beaucoup trop brun, vous savez.
+ Est-ce M. Slimmevogel qui vous a corrigé?
+
+ C'était si bien commencé. Vous dessinez si bien, mais vous abîmez
+ tout ce que vous faites.
+
+ Croyez-moi, c'est dans votre intérêt que je vous le dis. Mettez
+ votre étude à côté du modèle. Vous avez peur de peindre.
+
+ Il faut peindre avec des brosses plates, en pleine pâte, mais il
+ faut faire attention de ne pas blaireauter.
+
+ Vous n'empâtez pas assez. Je sais bien que vous savez le faire,
+ mais il faudrait le montrer aux autres.
+
+ Vous faites du paysage, c'est de la farce, le paysage!
+
+ M. le Directeur.
+
+ Vous dessinez en peignant, mauvais! mauvais! Vous allez vous noyer.
+
+ C'est le sentiment qui vous perd, vous n'êtes pas le seul.
+
+ La semaine passée, vous avez fait un bon dessin, maintenant, c'est
+ encore une fois la même chose; vous avez mal à l'oeil peut-être? Un
+ sculpteur serait bien embarrassé, s'il devait faire quelque chose
+ d'après votre dessin.
+
+ Est-ce M. Slimmevogel qui a retouché ça?
+
+ Le Surveillant.
+
+ M. le Directeur et M. Pilstecker sont très fâchés contre vous, à
+ cause de votre concours d'esquisse peinte. Si vous voulez me
+ promettre de changer de manière, j'en parlerai à M. le Directeur,
+ et vous pourrez entrer à la classe de nature.
+
+ _Moralité_: L'élève quitte l'Académie et se fait Vingtiste.
+
+ _Moralité ultérieure_: On refuse toutes ses toiles au Salon.»
+
+[Illustration: L'Intrigue--1890. (Collection Ernest Rousseau)]
+
+Ce monologue porte. Il est jovial et juste. Il résume, d'un style leste
+et ironique les tares de l'enseignement officiel. Les personnages
+représentés se reconnaissent. Leurs jolis noms empruntés au langage
+populaire donnent au morceau entier, une savoureuse couleur locale.
+Ensor ne pouvait être un bon élève. Sa nature s'y opposait; il était
+destiné à devenir un bon peintre. Il remporta toutefois le deuxième
+prix de dessin de tête antique.
+
+Revenu à Ostende il se forme lui même. Toutefois restent suspendues au
+mur de son atelier deux compositions faites à l'Académie: _Oreste
+tourmenté par les Furies_ et _Judas lançant l'argent dans le Temple_. On
+comprend que d'authentiques professeurs se soient étonnés devant ces
+peintures. Le ton y est déjà très particulier. Les personnages baignent
+dans une lumière argentée; aucun trait n'est sec ni maigré. Aucun geste
+conventionnel, ni appris. La scène n'est point soulignée par la
+présentation à l'avant-plan du protagoniste principal, soit Judas, soit
+Oreste. C'est le groupe qui intéresse; c'est l'ensemble; c'est l'action
+totale. Des rouges sonnent sur un fond d'argent. Les défroques sont
+plutôt romantiques que classiques ou bibliques. Le dessin académique est
+tout entier mangé par la couleur. Ces deux toiles sont déjà de la vraie
+peinture ensorienne.
+
+L'année 1880 fut une année admirable pour James Ensor. Son vrai début
+date de ce temps. Il lit beaucoup. La littérature n'a jamais ému les
+peintres belges. En ce temps là, surtout, leur ignorance se dressait
+monumentale. Ils avaient peur d'orner leur esprit pour ne point courir
+le danger de sacrifier à l'imagination. On sait ce que cette crainte
+puérile a produit. Au dernier _Salon d'automne_ (1907) à Paris, le
+principal grief qu'on fit à notre exposition rétrospective fut de
+manquer d'intellectualité ou plutôt d'intelligence.
+
+Je n'ignore point qu'un peintre littéraire est un peintre dévoyé. Je
+sais qu l'oeil et non pas l'esprit doit dominer dans les arts plastiques.
+Nul plus que moi ne s'est fait un devoir de signaler combien il
+importait de voir, de regarder, de constater afin de bien traduire soit
+la ligne, soit la couleur, soit la lumière. Toutefois il ne faut pas
+qu'un peintre se prévaille de cette vérité qui peut apparaître, à juste
+titre, comme une manière de dogme esthétique, pour s'opposer à toute
+culture générale et se complaire à n'être volontairement qu'une brute
+qui peint. Il faut, au contraire, que tout artiste s'affine et s'éduque.
+Or, c'est la littérature seule, prise dans son sens large, qui lui peut
+donner cet affinement. Il doit tendre à son développement complet, à
+l'exaltation de sa personnalité totale; il doit comme fourbir le
+faisceau entier de ses facultés. Rien n'est perdu et, mystérieusement,
+tout sert. A l'heure des chefs-d'oeuvre, c'est tout l'être humain, avec
+ce qu'il contient de puissance latente et emmagasinée dans son cerveau,
+dans ses sens, dans ses muscles, dans ses nerfs, qui apparaît et qui se
+hausse, par sa création soudaine mais combien lentement préparée, au
+plan des dieux.
+
+[Illustration: Masques devant la Mort--1888. (Collection Ernest
+Rousseau)]
+
+Les maîtres que lisait Ensor étaient évidemment ceux que sa nature
+d'exception lui désignait: Edgar Poe et Balzac. Pourtant, avant eux, il
+avait cultivé Rabelais (on s'en aperçoit en ses écrits); il goûtait le
+Roland Furieux, de l'Arioste, et Don Quichotte et les Mille et une
+Nuits. J'ai trouvé également dans sa bibliothèque «l'Enfer» du Dante.
+
+Quant aux peintres qu'il entoure de son culte pieux ce sont et Rembrandt
+et Delacroix et Chardin et Watteau. Il ne lui déplaît pas de louer
+également--il ne serait pas James Ensor s'il n'appréciait
+l'antithèse--le «Virgile lisant l'Enéide» (fragment) du vieil Ingres.
+
+Il englobe encore dans son admiration Pierre Breughel et Jérôme Bosch.
+Mais il ignore Rowlandson et Gillray auxquels il ressemble. Et Goya ne
+lui est nullement familier.
+
+Ses voyages furent très rares. En 1892 il ne s'attarda que quatre jours
+à Londres; il fut à deux ou trois reprises à Paris; il se divertit dans
+un voyage en Hollande, avec son ami Vogels, et les musées d'Amsterdam et
+de Haarlem le retinrent longtemps entre leurs murs.
+
+Sa vie s'est écoulée, à Ostende, presque tout entière. Il y a subi
+l'interminable et ensevelissant ennui de la province qui tombe sur l'âme
+comme une poussière sur le corps; il y a connu la moquerie et la haine;
+le potin et la risée; il y a rencontré les contrariétés domestiques,
+l'incompréhension inévitable, la dérélection. Les heures noires lui ont
+fait cortège au long des jours gris, maussades, monotones. Sa
+sensibilité fine comme le grain d'un bois rare et précieux a subi les
+coups de rabot de la bêtise. Il s'est senti foulé, meurtri, brisé.
+
+Les rares joies qui flambaient autour de lui étaient de pauvres joies
+provinciales. Il en prit, certes, sa part ne fût-ce que par tristesse.
+Une société _Le Rat Mort_ le comptait et le compte encore au nombre de
+ses membres. Ce cercle où des médecins coudoient des avocats, où des
+échevins serrent la main à des notaires, où des musiciens --quelques-uns
+de vrai talent--introduisent le culte d'un goût surveillé, inscrit à son
+programme le rire et l'entrain pour essayer de vaincre la torpeur
+ambiante. Y réussit-il? Et sa joie n'est-elle pas uniquement
+réglementaire?
+
+Quand James Ensor fut nommé chevalier par le Roi on lui ménagea quelque
+fête cordiale et tapageuse. J'en connais l'ordonnance. Elle fut
+consignée dans une brochure que rédigea et qu'illustra le peintre. Des
+discours sont prononcés, des strophes battent des ailes et des
+brabançonnes inédites voient le jour. La fête fut, paraît-il, charmante
+et folle. Je le crois, bien que le souvenir que j'en ai entre les mains
+ne me communique plus, à cette heure, ni charme ni folie. Mais il est
+juste d'ajouter que la carcasse d'un feu d'artifice tiré est chose
+lamentable et funèbre.
+
+Ensor écrit assez volontiers. On sait que la plume est entre ses mains
+une arme--certes contournée, fantasque, chimérique--mais qu'elle est
+toutefois aiguë et pointée comme un couteau et qu'elle blesse souvent.
+Il s'est plu, dans le _Coq Rouge_, à la diriger--malencontreusement à
+mon avis--contre Alfred Stevens; dernièrement encore dans l'_Echo
+d'Ostende_, il égratigna maint critique. Il agit alors comme s'il tenait
+entre les mains une molle pelotte, qu'il traverse d'épingles et qu'il
+jette, dès qu'elle en est pleine, comme un espiègle, vers le public. Les
+traits portent, les allusions sont transparentes; ceux qui sont au
+courant de la vie d'Ensor comprennent. Les autres s'étonnent. Lui, dès
+son geste fait, redoute qu'on se fâche, s'excuse presque d'avoir aussi
+abondamment garni sa pelotte, d'avoir effilé trop vivement ses pointes,
+mais, quoiqu'il en ait, il n'a pu s'empêcher de la lancer. Sa phrase est
+surabondante d'adjectifs pittoresques et cocasses, de substantifs
+soudains et inventés; elle est folle, amusante, superlificoquentieuse;
+elle écume et bouillonne; elle monte et s'écroule en cataracte.
+Lorsqu'une bouteille d'ardent champagne se débouche et que le
+fourmillement des bulles gazeuses s'élève myriadaire et pétille vers le
+goulot pour se répandre et se résoudre en mousse, je songe au style
+fermenté de James Ensor.
+
+Ostende ayant repoussé son art, loin des murs nus de ses monuments, le
+peintre, dès que l'occasion s'en offrit, malmena ses édiles. Il
+s'agissait d'élever une statue à M. Van Iseghem, bourgmestre. Voici le
+morceau. Je l'emprunte à la _Ligue Artistique_.
+
+ UN BRONZE OSTENDAIS A PLACER
+
+ «Resignalons allègrement les évolutions sardinéennes de nos
+ bourgmestres vacillants ou édiles impénétrables, travaillés par des
+ voix. Contemplons caricaturalement les entrechats effrénés de
+ certains administrateurs ventripotents: singulières gambades
+ agrémentées de culbutes désopillantes, subtiles ruades de grisons
+ affolés, tiraillements aigres-doux de fonctionnaire non
+ fonctionnant ruminant son bronze, maître coup de gaffe d'adroit
+ manoeuvrier manoeuvrant, discussion spongieuse de batracien
+ encornichonné coassant, effondrement subit de mache-brique
+ imprévoyant, grossissement anormal de cucurbitacé triomphant.
+
+ «Lançons quelques pierres dans cette mare aux marmousets et
+ enveloppons d'un voile épais les échantillons artistiques de nos
+ esthètes tremblotants pataugeant en sourdine dans les vases de
+ barbotine ou d'élection.
+
+ [Illustration: La Raie--1892. (Collection Ernest Rousseau)]
+
+ «Ces mêlées de moules et contre-moules et d'asticots asticotés me
+ laissent indifférent: le contribuable ostendais a d'autres singes à
+ fouetter. Mais une grosse question divise nos esthètes mercurisés.
+
+ «L'érection de la statue de Jan Van Iseghem s'impose, clament nos
+ édiles en mal de bronze! Pschykoriaminikrolobrédibréraxispipipi!
+ expectorent péniblement nos vieux barbons du littoral; «une réunion
+ de conseillers de l'Huîtrisie Heureuse s'indique», fafouent nos
+ scaphandriers désossés, prudents immergeurs de vesses traîtresses.
+
+ «Après vives discussions hérissées de bourdes solennelles, sauts de
+ carpe, torgnioles, plamussades, nasardes fraîches, faux horizons de
+ narquoisie, momeries variées, arlequinades de haute lisse,
+ péroraisons limaçonnes, jérémiades de tritons essoufflés, volées
+ oratoires de grand effet, miaulement suraigus, grognements
+ agressifs, gloussements inarticulés et bredouillements confus
+ dignes d'une assemblée de vieilles lavandières échaudées ou
+ marchandes des quatre saisons coquemardées, nos orateurs
+ mollusqueux, égosillés et contents se réfugièrent prestement entre
+ de jolies valves nacrées et perlières, et il ne fut plus question
+ de la statue du plus pelliculé des bourgmestres passés, présents et
+ à venir.»
+
+ * * * * *
+
+La musique l'a tenté autant que la littérature. Il compose et improvise.
+Blanche Rousseau fut, un jour, témoin de la façon dont il railla avec
+des notes ceux qui le raillaient avec des paroles.
+
+«A un dîner de noces où se trouvaient un grand nombre de bourgeois,
+Ensor, pâle et muet, se laissait taquiner, mais avec des sourires
+contraints, des regards dédaigneux où s'allumait parfois l'éclair fugace
+d'une colère ou d'une ironie effrayantes. Non loin de lui, je
+l'observais et j'avais presque peur. Tout à coup, quelqu'un
+l'interpelle: «De la musique, James, de _ta_ musique.» On rit, il
+résiste, on insiste.... Alors, il se lève tout à coup, marche au piano,
+et fait éclater une fanfare discordante, un tumulte de sons bousculés,
+mais si moqueurs, si violents, d'une si imprévue et tragique ironie ...
+une sorte de _marche des bourgeois_ où les cris d'animaux se mêlent au
+vacarme du tam-tam, et brisée dans un long hurlement sinistre. Il revint
+à sa place, sans que, pourtant, sa figure eût changé--mais les autres ne
+riaient plus».
+
+La musique autant que la littérature lui sert donc à des manifestations
+irritées tout autant que certains dessins et certaines caricatures.
+Quand sa sensibilité est trop foulée et comprimée par l'hostile ambiance
+elles lui sont comme deux soupapes qu'il ouvre tout à coup et par
+lesquelles il se libère de sa mauvaise humeur.
+
+Mais quelquefois aussi elles lui apparaissent comme de réelles
+expressions d'art, surtout la musique, qu'il aime et cultive, avec
+délices et pour laquelle, me dit-on, il se sent né tout autant ou peut
+être plus encore que pour la peinture.
+
+«L'étrange musique, écrit encore Blanche Rousseau. Elle ne ressemblait à
+aucune autre; elle ne ressemblait à rien au monde. Elle était sourde et
+voilée--rapide comme un souffle, aussi légère--ou bruyante
+soudain--dure, heurtée, diabolique.... Les sons couraient, agiles,
+ailés, s'égouttaient en jet d'eau ou s'écroulaient en poudre.... Ils se
+relevaient, s'envolaient en soupirs vers les nues idéales et retombaient
+à terre avec des grimaces et des contorsions. C'était pour moi, petite
+fille, des troupeaux d'anges et de démons tournoyant entre ciel et
+terre, des chutes et des essors, et les merveilleuses ascensions d'un
+mélange bizarre de figures dont prédominaient tour à tour les unes,
+sublimes, ou les autres, grimaçantes et horribles.... Et quand, brisant
+soudain une mélodie, Ensor entonna le _Miserere_ d'un voix vacillante,
+effrayante dans l'ombre, la voix exacte d'un curé cynique et rapace
+devant un cercueil entouré de cierges--tandis qu'on riait dans la
+chambre éclairée--mon coeur se glaça d'horreur et je me crus vieille à
+treize ans».
+
+[Illustration: Bataille des Éperons d'or--1895. Eau-forte.]
+
+Il suffit d'avoir approché Ensor à certains jours, d'avoir écouté,
+attentivement, ce qu'il ne disait pas pour se convaincre qu'il est à la
+fois timide et téméraire, très simple et très complexe, que le soupçon
+habite en lui, qu'il se croit volontiers honni, trahi, persécuté même,
+qu'il est plein d'ironie et de goguenardise. Son silence et son rire
+sont, presque au même titre, inquiétants. Il a la haine de la bêtise; il
+la sait dure et coriace: il faut de temps en temps qu'il la morde.
+Pourtant la méchanceté lui est étrangère.
+
+Au fond, très au fond de lui, séjourne certes la bonté; mais cette
+source profonde il ne la montre qu'à de très chers regards. Sa petite
+nièce l'a vu certes se répandre. Pour les autres gens, il demeure un
+être fermé et énigmatique. On ne le saisit jamais entièrement. La vie
+lui apprit à être défiant. On ne lui a point rendu toute justice. Son
+art n'est point encore, à cette heure, situé où quelque jour il se
+campera. Mais qu'importe! l'ascension sera d'autant plus sûre qu'elle
+aura été lente et contrariée.
+
+[Illustration: La mort poursuivant le Troupeau des Humains--1895.
+Gravure à l'eau-forte.]
+
+Le caractère n'explique évidemment pas toute une oeuvre. Ce sont les dons
+fonciers que le peintre porte en lui qui la déterminent,
+l'entretiennent, la nourissent et la développent.
+
+Toutefois le caractère de l'homme influence l'oeuvre, si j'ose dire,
+latéralement. Il est comme les vents d'est, d'ouest, du sud et du nord
+qui assiègent une plante magnifique, la courbent, la redressent, la
+baignent d'air chaud ou d'air froid, l'épanouissent ou la dessèchent.
+Ensor est un supra-sensible.
+
+La mobilité, l'inquiétude, la vacillation de sa nature expliquent à la
+fois les recherches fièvreuses, les pas en avant, les pas en arrière,
+les brusques progrès et les soudains reculs, en un mot tous les
+changements et aussi toutes les inégalités de son art. Après un tableau
+clair, il rétrograde vers un tableau sombre; après un dessin de
+caractère il commence un dessin atmosphéré, après une eau-forte toute en
+délicatesse il burine un cuivre comme avec des clous. Il est tumultueux
+et abrupt dans mainte composition; le développement continu ou
+symétrique des lignes ne l'inquiète guère; il procède par à coups; il
+étonne plus souvent qu'il ne charme. Il fait preuve de maladresse et il
+est loin de bannir de son art le dérèglement et le chaos. Il ne tient
+jamais en place et souvent il ne tient pas même sa place. Les oeuvres
+inférieures voisinent avec les oeuvres excellentes. Au cours de cette
+étude je n'ai insisté que sur ces dernières: elles seules comptent dans
+la vie d'un maître.
+
+Son caractère explique encore son amour immodéré pour le masque, la
+défroque, la mort, la laideur. Pendant les dures, moroses et adverses
+années de sa vie, quand il se croit abandonné de tous, quand des idées
+de persécution hantent sa tête, il met comme une ardeur noire à
+dénaturer, à déformer, à calomnier la vie. Quelques-unes de ses toiles
+sont féroces. Les _deux squelettes se disputant un hareng-saur_ mettent
+une âpreté telle dans leur lutte à mâchoires voraces et terribles qu'on
+songe vaguement à deux cruels ennemis du peintre s'acharnant sur lui. Le
+jour qu'il campa devant son poêle de fonte le gras et narquois
+_pouilleux_ et que les premiers _masques_ vinrent surprendre et attirer
+son attention, ce fut le pittoresque et la saveur des guenilles et des
+oripeaux qui certes le sollicitèrent. Il découvrit en eux l'ironie et la
+farce quasi joviales; mais plus tard l'ironie et la farce firent place
+au sarcasme, à la détresse et à la violence. Et le rire devint
+ricanement. Bien plus. Peut être s'est-il fait que le découragement a
+remplacé, à point nommé, la colère et que certaines années mauvaises et
+mornes, les années vides d'enthousiame, ne sont imputables qu'à un
+fléchissement de volonté. Car--et je ne veux point éluder ce problème
+moral--il est vraiment incompréhensible qu'aux heures pleines de
+l'adolescence et de la maturité commençante Ensor se soit comme retiré
+de la lutte, alors qu'une abondance de gestes et d'oeuvres marque chez
+les artistes doués comme lui l'entrée triomphale dans la quarantaine.
+
+[Illustration: La Danse--1896. (Collection Ernest Rousseau)]
+
+Est ce la veule et torpide province, la solitude trop complète,
+l'éloignement trop prolongé ou la critique injuste qui ont amené cet
+alentissement? Quelle brisure intérieure a lézardé une muraille déjà si
+haute?
+
+Ou bien les ennuis quotidiens et domestiques, les tracas mesquins et
+rongeants le condamnèrent-ils quelque temps au silence?
+
+L'explication nette et unique se dissimule sous l'amas des conjectures.
+Peut être un jour jaillira-t-elle simple et probante. En attendant, je
+ne crois pas errer en affirmant que c'est dans le caractère du peintre
+et non pas en son art lui-même qu'il la faut chercher. Les rares
+dernières oeuvres qui n'ont point encore quitté son atelier affirment que
+son oeil est autant que jamais subtil, vivant et frais et que peut-être
+un dernier rajeunissement est à la veille d'éclore. Mais quel que soit
+l'avenir, l'oeuvre telle qu'elle est, avec sa série de toiles depuis
+longtemps victorieuses, n'est indigne d'aucune des louanges que nous lui
+avons, au cours de ces pages, prodiguées.
+
+
+
+
+VII.
+
+LA PLACE DE JAMES ENSOR DANS L'ART CONTEMPORAIN
+
+
+La place de James Ensor dans l'art de son temps apparaît belle et nette.
+Le recul nécessaire pour la fixer se fait et ce jugement émis par ses
+admirateurs n'est déjà plus un jugement horaire.
+
+Un fait esthétique notoire domine la peinture du XIXe siècle: la
+découverte de la lumière. D'où la recherche nécessaire d'harmonies
+nouvelles, de relations autres, de valeurs et de juxtapositions de tons
+insoupçonnées jadis. D'où encore un renouveau du sentiment pictural
+lui-même, la joie et la vie intronisées à la place de la morosité et de
+la routine, l'oeil éduqué non plus à l'atelier mais dans les jardins, les
+bois et les plaines, les pratiques anciennes abandonnées au profit de la
+surprise et de la découverte rencontrées à chaque coin de route, à
+chaque angle de carrefour. C'est la nature, bien plus que les musées,
+qui forma les peintres novateurs. Elle leur imposa directement leur
+vision et modifia leur technique. Même elle renouvela toute leur
+palette. Ils n'ont consulté qu'elle: c'est d'après ses leçons ingénues
+et profondes qu'ils se sont formés, se sont découverts et se sont
+exaltés à l'heure des chefs-d'oeuvre.
+
+[Illustration: Mariakerke--1896. (Collection Edgar Picard)]
+
+Dans cette conquête de la clarté, l'effort et la vaillance de James
+Ensor compteront. Son geste demeurera insigne, non seulement dans
+l'école de son pays, mais, un jour, dans l'art occidental tout entier.
+Car une mise au point exacte de la victoire impressionniste se prépare
+partout. L'Europe entière y collabore. Certes y conservera-t-elle son
+rôle d'initiatrice et de propagatrice la belle et grande France. Mais la
+Hollande, mais l'Angleterre, mais l'Espagne, mais la Belgique
+s'adjugeront également, à bon droit, quelques magnifiques rayons de la
+gloire artistique toujours renouvelée et sans cesse voyageuse, qui
+s'est, jadis, presque fixé chez elles, puis s'en est allée, puis revenue
+pour y séjourner à nouveau.
+
+L'histoire de l'impressionnisme ne fut tentée, pourrait-on dire, qu'au
+point de vue parisien. Les marchands s'y sont intéressé plus encore que
+les critiques. Les dithyrambes ont monté d'après les prix de vente. On
+put croire, à tel instant, qu'une toile était moins une oeuvre d'art,
+qu'une valeur financière. Degas, Renoir, Monet, Cézanne et Sisley
+avaient leurs courtiers comme le sucre, le café, la margarine et le
+cacao. Tout peintre étranger admis à la côte parisienne devenait peintre
+et maître à son tour.
+
+On ne le jugeait plus d'après ses origines, mais d'après les qualités
+qui l'apparentaient aux maîtres français. Ainsi faussait-on maint
+jugement. La critique met en valeur les différences entre peintres et
+non pas les ressemblances ou les similitudes. Les écoles nationales sont
+nécessaires à l'évolution complète d'une même théorie ou d'une même
+formule. Une même idée conçue par des peuples différents, un même
+principe d'art appliqué par des groupes étrangers les uns aux autres
+acquiert une diversité précieuse et riche. La totalité des résultats
+peut être atteinte ainsi.
+
+Au reste, les peintres venus d'ailleurs conservent, même à Paris, d'une
+manière souveraine, leurs qualités autochtones. Jongkind, Van Gogh,
+Whistler, Anglada Van Rysselberghe en témoignent. Ils restent fidèles à
+leurs origines superbement. Ils possèdent--j'en excepte Whistler--moins
+de goût que les Français, ils voient moins subtil et moins fin, mais ils
+apportent, les uns certains dons de robustesse, d'âpreté, les autres
+certains sentiments d'intimité et de naïveté, qu'on ne rencontre qu'en
+Espagne, qu'en Hollande et qu'en Flandre.
+
+Pour situer de tels talents, il ne faut point les rejeter hors de leur
+milieu natal. Au contraire, il les y faut ramener, les mettre en leur
+vrai jour, les relier à leurs contemporains directs par les inévitables
+sympathies de race et d'instinct. Qu'on signale les principes nouveaux
+qu'ils apportent, mais qu'on étudie avant tout comment ils les adaptent
+à leur nature.
+
+A toutes les périodes de l'histoire, ces influences de peuple à peuple
+et d'école à école se sont produites. Jadis l'Italie dominait
+profondément les Floris, les Vænius et les De Vos. Tous pourtant ont
+trouvé place chez nous, dans notre école septentrionale. Plus tard
+Pierre Paul Rubens s'en fut à son tour là-bas; il revint italianisé mais
+ce fut pour renouveler tout l'art flamand.
+
+Bien plus, il se fait que souvent au pays même des peintres émigrés, il
+se lève des artistes qui trouvent, sans quitter la terre natale, ce
+que leurs émules s'en vont chercher au loin. Ensor peut se ranger parmi
+ceux-ci. Déjà Pantazis et Vogels s étaient signalés. Ils s'étaient posés
+le problème de la lumière et l'avaient élucidé si pas résolu. Vogels
+surtout s'était affirmé avec une audace violente et spontanée. Il avait
+des dons admirables d'improvisateur; il possédait la fougue et l'éclat.
+Ses ciels tumultueux, ses paysages tragiques s'affranchissaient de toute
+convention stérilisante. Il eût été un grand peintre, si l'insuffisance
+de son métier ne l'avait desservi.
+
+[Illustration: Entrée du Christ à Bruxelles--1898. Gravure à
+l'eau-forte.]
+
+Ensor plus dominateur en son art, avec une vision plus aiguë et plus
+fine, avec un instinct magnifiquement développé, avec une invention plus
+large et plus abondante, cultiva le même champ que Pantazis et Vogels,
+mais il y suscita des fleurs de lumière d'une beauté plus rare, plus
+rayonnante et plus subtile. Lui ne ressemble à personne. Ses premières
+oeuvres contiennent déjà en puissance toute sa force future. On ne les
+confond avec nulles autres. Elles s'imposent d'elles mêmes. Elles sont
+indépendantes, fières, libres.
+
+Au temps où elles éclatèrent, avec soudaineté et presque avec insolence,
+Manet occupait activement la critique d'avant-garde. Aux Salons
+triennaux de Bruxelles, d'Anvers et de Gand, la toile intitulée _Au Père
+Lathuille_ avait ameuté autour d'elle toute l'ignorance et la raillerie
+publiques. Il était séant qu'on s'en scandalisât. Le rire et le sarcasme
+étaient exigés comme un gage d'honnêteté bourgeoise et de bon goût
+provincial. Certes, eût-on détérioré l'oeuvre, si l'aventure judiciaire
+à courir et l'amende à payer n'eussent arrêté les mains bien pensantes
+et les couteaux croyant à l'idéal.
+
+Les fureurs grinçant des dents contre Manet se tournèrent à point nommé
+contre James Ensor. Autant que le peintre des Batignolles il fut accusé
+d'instaurer en art une sorte de Commune et d'inscrire sa doctrine
+esthétique aux plis d'un drapeau rouge. Bien plus: sans égard pour les
+dates d'antériorité qui marquaient les toiles du peintre d'Ostende, on
+les proclamait dépendantes et vassales de celle de Manet, on leur
+refusait tout mérite jusqu'à celui d'être des sujets de scandale
+inédits. L'erreur persista longtemps et persiste encore. On s'entêta et
+l'on s'entête à ranger James Ensor parmi les élèves de Manet. Rien n'est
+plus faux. Les deux maîtres n'ont qu'un point de contact: tous les deux
+peignent à larges touches et tous les deux étudient la lumière frappant
+mais surtout modifiant le dessin et le ton local des objets.
+
+Mais que de différences immédiatement s'accusent! Manet reste, somme
+toute, un peintre de tradition et d'enseignement. Les Espagnols l'ont
+formé: Velasquez et surtout Goya. Le jour que son _Olympia_ fit son
+entrée au Louvre, elle se plaça, naturellement, en son milieu. La rampe
+l'attendait. Elle voisina, sans déchoir, avec les toiles d'Ingres et de
+Delacroix. Sa victoire fut même trop belle: l'_Odalisque_ du vieil
+Ingres se sentit atteinte dans son rayonnement de chef-d'oeuvre
+soi-disant parfait. Jamais elle n'apparut plus sèche, plus figée ni plus
+froide. En outre, Manet compose ses toiles. L'_Olympia_, le _Christ aux
+anges_, le _Déjeuner sur l'herbe, Maximilien_, sont des oeuvres dont la
+mise en page est faite d'après des recettes connues. Bien qu'il soit un
+peintre admirable, encore n'évite-t-il pas les sécheresses et les
+duretés. Il ignore l'abondance et la richesse prodiguées. La réflexion
+et le raisonnement le guident plus que l'instinct ne le pousse. Il a une
+main très experte, très habile. Il fait preuve d'esprit, parfois de
+virtuosité. Son intelligence surveille son art et le raffine. Il pense
+autant et plus encore qu'il ne voit. Quand, séduit par les visions
+fraîches et hardies de Claude Monet, il se décida à modifier les
+couleurs de sa palette et à traduire le plein air vrai et la clarté
+prismatique et vivante, ce fut par une suite de tâtonnements réfléchis
+qu'il y parvint. Il cherchait sans trouver, du coup. Ce fut une lutte
+avant tout intelligente. Il lui fallut non seulement des qualités d'oeil,
+mais des qualités de caractère. Son esprit, son jugement, son
+obstination, sa probité, tout son être moral et pensant agit: ce fut un
+triomphe laborieux.
+
+James Ensor, lui, n'est purement qu'un peintre. Il voit d'abord, il
+combine, arrange, réfléchit et pense après. Il ne doit rien ou presque
+rien aux maîtres du passé. Il est venu en son temps pour ne recevoir que
+les leçons des choses. Certes, sa mise en page le préoccupe, mais ses
+compositions évitent de rappeler celles que les musées enseignent.
+L'esprit qu'il met dans ses toiles et ses dessins est plutôt grossier et
+populaire. Son trait de pinceau est appuyé; il ne glisse pas. Il n'est
+pas adroit. Toutefois sa couleur n'est jamais commune. En chaque oeuvre
+le ton rare et riche, violent et doux, prismatique et soudain, installe
+sa surprise et son harmonie. On dirait qu'Ensor écoute la couleur
+tellement il la développe comme une symphonie.
+
+[Illustration: Vengeance de Hop-Frog--1898. Gravure à l'eau-forte.]
+
+Jamais ne s'y mêle la moindre fausse note. Il a l'oeil juste comme est
+juste l'oreille d'un musicien. A le voir peindre, comme au hasard, on
+craint qu'à chaque instant la gamme profonde et rayonnante des couleurs
+ne se fausse. Or jamais aucun accroc n'a lieu. L'instinct, le guide le
+plus sûr des artistes, bien qu'il paraisse un conducteur aveugle,
+l'assiste sans qu'il s'en doute et le décide, quand à peine il prend le
+temps de le consulter. Avant de poser un ton, il est sûr que ce ton sera
+d'accord avec les autres. Il le sent tel, à travers tout son être. A
+quoi bon examiner, discuter, raisonner, si l'examen, la discussion et le
+raisonnement se sont faits, préalablement, sans qu'on le sache, avec la
+promptitude que met un éclair à traverser le ciel. L'aptitude en art
+n'est jamais un acquis, mais un don. Elle est subconsciente et sourde.
+Celui qui naît sans qu'elle habite en lui à l'instant même qu'il voit,
+entend, flaire, goûte et touche, ne sera jamais un artiste authentique.
+Aucune étude ne la lui apportera. Des races privilégiées la transmettent
+à leurs différentes écoles, à travers les siècles. L'une de ces races
+est l'admirable race des Pays-Bas.
+
+Il s'en faut pourtant que leur instinct merveilleux soit l'unique don
+des peintres septentrionaux. Ils n'auraient pas donné à l'art ces
+artistes universels qui out nom Rubens, Van Dyck, Jordaens et avant eux
+Van Eyck, Memling, Van der Goes, Van der Weyden et Metsys si
+l'intelligence, le sentiment, la raison et la volonté leur eussent été
+refusés.
+
+Je n'ai insisté sur leur qualité foncière: l'instinct, que pour la
+montrer pareille au tronc massif et souterrain sur lequel se entent,
+comme des branches, toutes les autres vertus esthétiques.
+
+[Illustration: Ostende--1898. (Collection Edgar Picard)]
+
+James Ensor est plus purement un peintre que Manet, mais ce dernier est
+évidemment un maître et un artiste d'une plus large et plus souveraine
+envergure. Il est un chef d'école magnifique, définitif et complet. Il
+commande à un des carrefours de l'art où les routes bifurquent et
+gagnent des contrées vierges et inconnues.
+
+Je n'ai, au surplus, mis en parallèle les deux peintres que pour
+défendre James Ensor contre des accusations d'imitation. Qu'on fasse
+voisiner n'importe laquelle de ses toiles avec l'_Olympia_, le _Déjeuner
+sur l'herbe_, le _Père Lathuille, Argenteuil, Pertuiset_ et
+l'originalité des deux créateurs d'oeuvres marquantes s'imposera
+indiscutable.
+
+Mais un autre rapprochement s'indique. Les récents intimistes français,
+les Vuillard et les Bonnard s'attachent aujourd'hui à certaines
+recherches qu'autrefois tenta James Ensor. Tels éclairages de salon ou
+d'appartement, telles lueurs argentées et discrètes, tels gris, tels
+bruns font songer à l'atmosphère de la _Coloriste_ ou à la _Musique
+russe_. Il n'est pas jusqu'au dessin vacillant et brouillé qui
+n'établisse un parentage entre les deux manières. Je veux bien qu'il n'y
+ait que rencontre fortuite. Il est piquant toutefois de noter ceci: Si
+James Ensor rappelle quelque peintre, c'est parmi ses cadets, parmi ceux
+qui innovent et préparent l'avenir et non point parmi ses aînés qu'il le
+faut chercher. Il n'est pas de ceux qui imitent; il est de ceux qui
+découvrent. Il est plutôt d'accord avec ceux qui viennent, qu'avec ceux
+qui sont venus. Si bien que ses toiles qui datent de vingt-cinq ans
+recèlent toute la fraîcheur et la surprise des oeuvres d'aujourd'hui. Il
+les peut exposer avec orgueil. Aucune ne déchoit. Quelques-unes
+serviront peut-être à renflouer les vieilles carènes de l'École d'Anvers
+où de tout jeunes peintres Navez et Crahay travaillent avec le souvenir
+de l'oeuvre d'Ensor présente à leur esprit.
+
+Preuve évidente de force profonde et souterraine! Quelqu'un qui reste
+aussi durablement jeune ne vieillira jamais. Il porte en lui la
+résurrection incessante. Il vit de lui-même, mystérieusement. Déjà il ne
+connaissait plus la mode, voici qu'il ignore le temps.
+
+Il n'importe que James Ensor soit ignoré en Allemagne, en Angleterre, en
+Italie et en Amérique. Il est classé en Belgique et à cette heure on le
+classe en France. Or, c'est Paris qui, depuis un siècle, assume
+l'honneur d'auréoler les noms des vivants insignes. Il est la postérité
+qui s'éveille; il désigne les routes par où passe la gloire; il semble
+d'accord avec une volonté lointaine et encore inconnue. En son pays la
+renommée de James Ensor grandit d'année en année. Ceux qui le
+méconnaissaient autrefois sont morts ou sont vaincus. On ne relègue plus
+ses envois dans les oubliettes des salons triennaux: ils s'étalent à la
+cimaise, aux places d'honneur. Les musées des grandes villes s'en
+enrichissent: Liège, Anvers, Bruxelles. Les mécènes qui villégiaturent à
+Ostende, l'été, visitent l'atelier du peintre et leurs galeries se
+décorent de ses toiles. Les prix atteints sont élevés. L'heure est déjà
+loin où les oeuvres du peintre s'échangeaient contre une obole. Certes
+l'art ne se pèse pas au poids d'argent. L'or donné ne représente que ce
+fait: l'admission d'un peintre dans une compagnie de choix et la place
+élue qu'on lui assigne dans une école. L'auteur de la _Coloriste_, de
+l'_Après-midi à Ostende_, du _Salon bourgeois_, du _Lampiste_ et de la
+_Mangeuse d'huîtres_, des _Enfants à la toilette_, des _Masques devant
+la mort_, de _Adam et Eve chassés du paradis_ et de la _Dame sombre_
+peut avec tranquillité voir se passer les années: il est sûr de la
+durée.
+
+
+
+
+CATALOGUE DE L'OEUVRE DE JAMES ENSOR
+
+
+ TOILES ET DESSINS
+
+ 1879
+
+ Portrait de l'artiste.
+ L'amie de l'artiste.
+ Judas lançant l'argent dans le temple.
+ Oreste tourmenté par les Furies.
+ L'artiste peignant.
+
+ DESSINS.
+
+ Le chant de Noël.
+ Les trouvères.
+ Les buccins.
+
+ 1880
+
+ Le Lampiste.----Appartient au Musée de Bruxelles.
+ La coloriste.----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ La mare.----à M. Guillaume Charlier, Bruxelles.
+ Nature-morte.----id., id.
+ Poissons.----à M. Paul Buéso, Bruxelles.
+ Le chou.----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Chinoiseries.----id., id.
+ Accessoires.
+ Musique russe.----à Mlle Anna Boch, Bruxelles.
+ Dame au châle.
+ Petites chinoiseries.----à M. C. Franck Anvers.
+ Le cardeur.----id., id.
+ Estacade.----à M. A. Lambotte, Anvers.
+ Chinoiseries.----id., id.
+ Les bouteilles----Appartient à M. E. Demolder, Essonnes.
+ Effet de neige----à M. F. Franck, Anvers.
+ Vases----id. id.
+ Le flacon bleu----à M. A. Lambotte, Anvers.
+ Nature-morte----à M. F. Fuchs, Bruxelles.
+ Pommes----à M. E. Labarre, Bruxelles.
+ Mer grise----à M. F. Franck, Anvers.
+ Trois esquisses----id., id.
+ Sous bois.
+ Nuage rose.
+ Dame au brise-lame.
+ A l'atelier.
+ Le parasol----à M. A. Lambotte, Anvers.
+ Mer agitée.
+ Portrait de l'artiste.
+ Le peintre.
+
+ AQUARELLE.
+
+ Gamin----à M. F. Franck, Anvers.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Retour des champs.
+ Tête (sanguine)----à M. Samuel, Bruxelles.
+
+ DESSINS.
+
+ Le maçon.
+ Le rétameur.
+ Gamin assis----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+ Le paysan triste.
+ Vieux pêcheur.
+ Gamin.
+ La soeur du peintre.
+ L'homme au chaudron.
+ Les mangeurs de soupe.
+ Jeune fille.
+ Vieux paysan.
+ Pêcheur de crevettes.
+ La femme au balai.
+ Laveuse.
+ Garçon lisant.
+ L'homme à la blouse.
+ Jeune fille à l'éventail.
+ Pêcheur au panier----Appartient à M. Deprez, Liège.
+ Le roi peste.
+ La mort mystique d'un théologien.
+
+ 1881
+
+ Viandes----au Musée d'Ostende.
+ Salon bourgeois en 1881----à M. E. Rousseau, Bruxelles.
+ Salon bourgeois, esquisse----à M. F. Franck, Anvers.
+ La dame sombre----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+ Le rouget----à M. Edouard Hannon, Bruxelles.
+ La convalescente----à M. Bourgeois, Liège.
+ Tête d'étude----à M. W. Finch, Helsingfors.
+ Accessoires----à M. F. Buelens, Ostende.
+ Dame en rouge----à M. A. Crespin, Bruxelles.
+ Dame à l'éventail.
+ Le père de l'artiste.
+ Portrait d'homme----à M. F. Buelens, Ostende.
+ Etude de fruits----à M. Theo Hannon, Bruxelles.
+ La mare aux peupliers----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Marine, effet de soleil.
+ Les braconniers----à M. Delory, Calais.
+ La rue de Flandre à Ostende.
+ Les lampes.
+ Canal----à M. Ch. Mendiaux, Anvers.
+ Eventails.
+ Marine, effet de soir.
+ Marché à Ostende----à M. Buelens, Ostende.
+ Intérieur au poêle----à M. A. Lambotte, Anvers.
+ La dune noire.
+ Etoffes et éventails.
+ Une après-dînée à Ostende.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Pêcheur au manteau jaune----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+ Petits musiciens.
+ Pêcheur au panier.
+ La soeur de l'artiste.
+ Gamin (sanguine)----Appartient à M. C. Ganesco, Paris.
+
+ DESSINS.
+
+ Vieux songeur.
+ L'homme au foulard.
+ Garçon au bonnet.
+ Le violon.
+ Le lustre.
+ Clefs.
+ La lectrice.
+ L'homme au panier.
+
+ 1882
+
+ Huîtres----au Musée d'Anvers.
+ Le pouilleux----au Musée d'Ostende.
+ Nature-morte----au Musée de Liège.
+ Lièvre et corbeau----à M. Greiner, Seraing.
+ La dame en détresse.
+ Portrait de Théo Hannon----à M. Théo Hannon, Bruxelles.
+ Dans les dunes----à M. Murdoch, Anvers.
+ Marine----à M. A. Rassenfosse, Liège.
+ Portrait de femme----à M. F. Buelens, Ostende.
+ La mangeuse d'huîtres.
+ Dame au châle bleu.
+ Roses.
+ Portrait du peintre W. Finch.
+ Fleurs----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ La petite chaise----à M. Lambotte, Anvers.
+ Pommes----à M. F. Franck, Anvers.
+ Fleurs et porcelaines----à M. Lambotte, Anvers.
+ La mère de l'artiste.
+ Etoffes.
+ Petites tasses.
+ Le brise lame.
+ La dune au nuage blanc.
+ Marine.
+ Maisonnettes dans les dunes.
+
+ AQUARELLE.
+
+ Le mannequin----Appartient à M. F. Franck, Anvers.
+
+ DESSINS.
+
+ Ostendaise.
+ L'homme à la bêche.
+ Ouvrier du port.
+ Pêcheur de crevettes.
+ Cadre (croquis)----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Croquis----à M. Alfred Verhaeren, Bruxelles.
+ Croquis----à M. Théo Hannon, Bruxelles.
+ Croquis.
+
+ 1883
+
+ Les pochards----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+ Les masques scandalisés.
+ Pommes rouges----à M. O. François, Bruxelles.
+ Les houx----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Portrait de l'artiste.
+ Pivoines et pavots----à M. L. Franck, Anvers.
+ Sur la plage----à M. Vince, Bruxelles.
+ Canal.
+ Coquillages----à M. L. Franck, Anvers.
+ Dans les blés.
+ Le Rameur----à M. F. Buelens, Ostende.
+ Forêt de Soignes.
+ Fleurs et vases.
+ La dame en blanc.
+ Dunes, panorama.
+ Dunes et mer.
+ L'horticulteur.
+ Le violon----à M. Maurice des Ombiaux, Bruxelles.
+ La barque jaune.
+ Marine, après-midi.
+
+ DESSIN.
+
+ Le pochard----à M. Albert Neuville, Liège.
+ La sorcière----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+ Portrait de Richard Wagner----Appartient à M. Gustave Kéfer, Paris.
+ Les joueurs.
+ L'escrimeur.
+ La clarinette.
+ Zélandaise.
+ Masques scandalisés.
+ Croquis----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+
+ 1884
+
+ Marine----à M. Gustave Kéfer, Paris.
+ Enfant à la poupée.
+ Portrait du peintre Dario de Regoyos.
+ La dune.
+ Les toits à Ostende----à M. F. Franck, Anvers.
+ Intérieur----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Grande vue d'Ostende.
+ Barques.
+ Le nuage blanc.
+
+ AQUARELLE.
+
+ Accessoires.
+
+ DESSINS.
+
+ Gamin (sanguine).
+ Enfant dormant.
+ Portrait de l'artiste----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Au piano.
+ Le coeur révélateur.
+ Les misérables.
+
+ 1885
+
+ Vue de Bruxelles----au Musée de de Liège.
+ Le meuble hanté----au Musée d'Ostende.
+ Jardin à Watermael----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Marine----Soleil couchant.
+ Le Christ marchant sur la mer.
+ Fanfare en rouge.
+ Vue du phare à Ostende.
+ Squelettes regardant chinoiseries.
+ Le boulevard à Ostende.
+ Les indécises. (Série d'études.)
+
+ PASTEL.
+
+ Les amoureux----Appartient à M. Ern. Rousseau, Bruxelles.
+
+ DESSINS.
+
+ Combat de soudards.
+ Vases.
+ Démons me turlupinant.
+ Promeneurs----à M. Blatter, Paris.
+ Descente de croix.
+ Portrait----à M. Johanida.
+
+ 1886
+
+ Etudes de lumière.
+ Enfants à la toilette----à M. A. Lambotte, Anvers.
+ Lisière du bois d'Ostende----à M. R. Goldschmidt, Bruxelles.
+ Etudes locales.
+ Fleurs et fruits.
+ Squelette et pierrots.
+ Nature morte.
+ Les lilas.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Le cauchemar.
+ Le rêv----
+
+ DESSINS.
+
+ Les auréoles du Christ ou les sensibilités de la lumière.
+ La gaie: L'adoration des bergers.
+ La crue: Jésus montré au peuple.
+ La vive et rayonnante: L'entrée à Jérusalem.
+ La triste et brisée: Satan et les légions fantastiques tourmentent
+ le Crucifié.
+ La tranquille et sereine: La descente de croix.
+ L'intense: Le Christ montant au ciel.
+ Le Christ veillé par les anges.
+
+ FANTAISIES ET GROTESQUES.
+
+ Quatre portraits de l'artiste.
+ Enfant dormant.
+ Profils.
+
+ 1887
+
+ Adam et Eve chassés du Paradis terrestre.----Appartient à M. A.
+ Lambotte, Anvers.
+ Le feu d'artifice.
+ Tribulations de Saint Antoine.
+ Fruits----à M. Storm de 's Gravesande, Hollande.
+ Nature-morte.
+ Adoration des bergers----à M. E. Deman, Bruxelles.
+ Ville à contre soleil.
+ Jardin en plein soleil.
+ Intérieur.
+ Vision claire.
+
+ DESSINS.
+
+ La tentation de Saint Antoine.
+ Josué arrêtant le soleil.
+ Combat des pouilleux Désir et Rissolé.
+ Petits supplices persans.
+ Mon père mort.
+ La paresse.
+ L'apparition.
+ Les diables Dritss et Hihahox conduisant le Christ aux
+ enfers.
+
+ 1888
+
+ L'entrée du Christ à Bruxelles.
+ Fruits----à M. Jules Cordeweiner, Bruxelles.
+ Les masques devant la mort----à M. E. Rousseau, Bruxelles.
+ Jardin d'amour.
+ Carnaval à Bruxelles.
+ Mon portrait déguisé.
+ Foudroiement des anges rebelles.
+ Études locales.
+ A Ostende, le boulevard.
+ Nature-morte.
+ Le Christ tourmenté----à M. E. Royer.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Suzanne au bain----Appartient à M. Max Hallet, Bruxelles.
+ Masques nous sommes----à M. Edm. Picard, Bruxelles.
+ La rixe.
+ Jeanne d'Arc.
+ Peste dessous----Peste dessus. Peste partout.
+
+ DESSINS.
+
+ Squelettes musiciens.
+ La dormeuse.
+ La mort poursuivant le troupeau des humains.
+ Portraits bizarres----à M. Jules Cordeweiner, Bruxelles.
+
+ 1889
+
+ Squelettes voulant se chauffer----à M. Léon de Lantsheere, Bruxelles.
+ Fleur et vase bleu----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Le théâtre des masques ou bouquet d'artifice.
+ La petite travailleuse----à M. Cwalosinsky, Bruxelles.
+ Théâtre des masques et pierrot.
+ Fleurs----à M. Guillaume Charlier, Bruxelles.
+ Attributs des Beaux-Arts----à M. Buelens, Ostende.
+ Etonnement du masque Wouse.
+ Coquillages.
+ Poires, raisins, noix.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS
+
+ Le dernier carré à Waterloo----à M. Storm de 's Gravesande, Hollande.
+ La revanche des condamnés----à M. Vittorio Pica, Milan.
+ Squelette dessinant.
+
+ DESSINS.
+
+ Portrait de Madame E. Rousseau.
+ Le vieux meuble.
+ Vénus à la coquille.
+ La mère de l'artiste----à M. R. Goldschmidt, Bruxelles.
+ Les adieux de Napoléon.
+ Etudes de plantes.
+
+ 1890
+
+ Le domaine d'Arnheim----Appartient à M. Emile Verhaeren, St. Cloud.
+ Fruits----à M. Ganesco, Paris.
+ L'intrigue----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Homard et crabes----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+ Le pot bleu----à M. Philipps, Bruxelles.
+ Les choux----à M. Labarre, Bruxelles.
+ La tour de Lisseweghe----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+ Chaloupes.
+ Ecce-Homo.
+ Vue prise en Phnosie, ondes et vibrations lumineuses.
+ Petits masques.
+ L'assassinat.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Jardin aux masques.
+ Clowneries.
+
+ DESSINS.
+
+ Masques.
+ La vieille au portrait----à M. C. Ganesco, Paris.
+ Napoléon à Waterloo.
+ La sensibilité en 1890 et la vivisection.
+ La sensibilité en 1590 et la roue, le bûcher, etc.
+ Etudes sentimentales.
+ Bourgeois indignés sifflant Wagner en 1880 à Bruxelles.
+
+ 1891
+
+ Le Christ apaisant la tempête.
+ Squelettes se disputant un pendu----à M. Cwalosinsky, Bruxelles.
+ Les bons juges----à M. Camille Laurent, Charleroi.
+ Portrait d'Emile Verhaeren----à M. Emile Verhaeren, St. Cloud.
+ Les musiciens terribles----à M. Félix Fuchs, Bruxelles.
+ L'autodafé----à M. Félix Fuchs, Bruxelles.
+ Le jardin d'amour----à M. Maurice des Ombiaux, Bruxelles.
+ Masques regardant des crustacés----à M. Breckpot, Bruxelles.
+ Baptême des masques.
+ Réunion de masques.
+ Le prêche.
+ Fraises----Appartient à Mme Ninauve, Bruxelles.
+ Squelettes au hareng.
+ Squelette arrêtant masques.
+ Chinoiseries, étoffes----à M. F. Franck, Anvers.
+ Ecce-Homo.
+ La peureuse.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ La bataille des Éperons d'or.
+ Les bains d'Ostende----à M. Charles Vos, Bruxelles.
+ Les cuirassiers à Waterloo.
+
+ DESSINS.
+
+ Le Christ aux Enfers.
+ Vieux augures.
+ Apparition----à M. Emile Verhaeren, St. Cloud.
+ Portrait et fantasmagorie.
+ Grotesques.
+
+ 1892
+
+ La vierge consolatrice.
+ Ma chambre préférée.
+ Les masques singuliers.
+ Pierrot jaloux.
+ Barques échouées----à M. B. Ganesco, Paris.
+ Poissardes mélancoliques----à M. F. Buelens, Ostende.
+ Les gendarmes.
+ Les soudards Kès et Pruta entrant dans la ville de Bise----à M. G.
+ Serigiers, Anvers.
+ Les mauvais médecins----à M. Van der Velde, Bruxelles.
+ Nature-morte.
+ Roses----à M. Robert Goldschmidt, Bruxelles.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Supplice de Jeanne d'Arc.
+ Triomphe romain.
+ Réunion de masques.
+
+ DESSINS.
+
+ Les soudards débandés.
+ Le Christ tourmenté.
+ Grotesques.
+ La couturière----Appartient à M. Blatter, Paris.
+
+ 1893
+
+ Le coq mort----à M. Leuring, La Haye.
+ La raie----à M. Ernest Rousseau. Bruxelles.
+ Les choux----à M. F. Franck, Anvers.
+ Coquillages----à M. R. Goldschmidt, Bruxelles.
+ L'homme de douleurs.
+ L'exécution.
+ Soudards pénitents dans une cathédrale.
+ Nature-morte.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Le tournoi----à M. R. Goldschmidt, Bruxelles.
+ Cortège comique.
+
+ DESSINS.
+
+ La vierge aux navires.
+ Masques.
+ Sorcières dans la bourrasque----à M. R. Goldschmidt, Bruxelles.
+ Le Christ aux mendiants----id. id.
+ Croquis----id. id.
+
+ 1894
+
+ Crevettes.
+ Masques regardant une tortue.
+ Vase bleu.
+ Nature-morte----Appartient à M. F. Pleyn, Ostende.
+ Crustacés.
+ Nature-morte.
+ Portrait d'Eugène Demolder----à M. E. Demolder, Essonnes.
+
+ DESSINS REHAUSSÉ.
+
+ Au théâtre.
+
+ DESSINS.
+
+ Le combat----Appartient à M. G. Virrès, Lummen.
+ Têtes bizarres.
+ Crétins regardant les étoiles.
+
+ 1895
+
+ Poissons----à M. Rouffard. Bruxelles.
+ Coquillages.
+ Portrait de M. Culus.
+ Fleurs.
+ Nature-morte----à M. F. Pleyn, Ostende.
+ Jeux de lumière.
+
+ DESSIN.
+
+ Femme cousant.
+ Monstre tourmentant Saint Antoine----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Intérieur d'église.
+ Bouquet.
+
+ 1896
+
+ Fleurs----à M. R. Goldschmidt, Bruxelles.
+ Mariakerke----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+ Les ballerines----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+ Duel de masques----id.
+ Squelette peintre----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+ La vengeance de Hop Frog.
+ Les cuisiniers dangereux----à M. Camille Laurent, Charleroi.
+ Nature-morte.
+ Fleurs et légumes----à M. Ernest Rousseau, Bruxelles.
+
+ DESSINS.
+
+ Grotesques.
+ La pendule.
+ Masques et trognes.
+ Monstres.
+ Diableries.
+
+ 1897
+
+ Les chaloupes.
+ La mort et les masques----Appartient à M. Vandeputte, Bruxelles.
+ Masques et potiches.
+ Fruits.
+ Poissons.
+ L'éclaircie.
+ Fleurs.
+
+ DESSIN REHAUSSÉ.
+
+ Projet de chapelle à dédier à St. Pierre et Paul à Ostende.
+
+ DESSINS.
+
+ Gens de mer.
+ Sur la plage.
+ Masques.
+ Vieilles.
+ Musiciens drôlatiques.
+ Fantaisies.
+
+ 1898
+
+ Le grand juge.
+ Nature-morte.
+ Vue d'Ostende----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+ Squelettes travestis----à M. Pleyn, Ostende.
+ Nature-morte----à M. Jungers, Bruxelles.
+ Nature-morte.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Affiche pour l'exposition de «la Plume» à Paris.
+ Composition pour «la Plume».
+
+ 1899
+
+ Portrait du peintre entouré de masques----à M. A. Lambotte, Anvers.
+ Nature-morte.
+ Pierrot aux masques.
+ Nature-morte.
+ Intérieur.
+ Nuages.
+
+ AQUARELLE.
+
+ La petite chinoise.
+
+ DESSINS.
+
+ Rue à Ostende.
+ Chiens.
+ Coin de cuisine.
+ Feuilles.
+ Papillons.
+ Enfants.
+
+ 1900
+
+ Le juge rouge----Appartient M. Yseux, Anvers.
+ Squelette à l'atelier----à M. Max Hallet, Bruxelles.
+ Nature-morte.
+ Plage.
+ Barques échouées----à M. Jungers, Bruxelles.
+ Vue du port d'Ostende.
+
+ DESSIN REHAUSSÉ.
+
+ La servante----à M. Edgar Picard, Jemeppe.
+
+ DESSINS.
+
+ Vieux meubles.
+ Accessoires.
+ Lampes.
+ Etoffes.
+ Livres.
+ Les marchands chassés du Temple.
+ Portrait.
+
+ 1901
+
+ Canal----à M. Berthelot, Paris.
+ Echauffourée de masques----à M. Cnudde, Ostende.
+ Nature-morte.
+ Chinoiseries.
+ Vue de Mariakerke----à M. Philippson, Bruxelles.
+ Coquillages.
+ Fleurs.
+
+ DESSINS
+
+ Le Christ secourant Saint Antoine.
+ Vieilles.
+ Chaises.
+ Enfants.
+ Moulin.
+ Combat de soudards.
+
+ 1902
+
+ L'amateur d'art.
+ Les joueurs.
+ Nature-morte.
+ Accessoires----Appartient à M. Crick, Bruxelles.
+ Plage.
+ Nature-morte.
+ Au Conservatoire.
+ Fleurs.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Entrée de Jeanne d'Arc à Domremy.
+ Orgueil.
+ Avarice.
+ Envie.
+ Gourmandise.
+ Colère.
+ Paresse.
+
+ DESSIN.
+
+ Encadrement pour un livre de Vittorio Pica.
+
+ 1903
+
+ Coquillages et draperie bleue.
+ Fleurs.
+ Figures au soleil.
+ Petits masques.
+ Promeneurs.
+ Nature-morte.
+ Nature-morte.
+ Chinoiseries.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Histoire du billard à travers les âges. Cinq compositions
+ ----Appartient à M. Haardt, Bruxelles.
+ Squelette au billard----à A. Lambotte, Anvers.
+ Vases.
+ Vieilles choses.
+ Coins d'ombre.
+ Fantasmagories.
+ Jardin d'amour.
+ Roses.
+
+ 1904
+
+ Nature-morte.
+ Bassin à Ostende.
+ Nature-morte.
+ Fruits.
+ Vierge aux donateurs masqués.
+ Nature-morte.
+ Crustacés.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Neuf compositions pour illustrer Marmontel----à M. Serruys, Ostende.
+ Carnaval à Ostende.
+
+ DESSINS.
+
+ Coin de table.
+ Bêtes bizarres.
+ Plage de la Panne.
+ Barques échouées.
+
+ 1905
+
+ Pierrot et squelette----à M. A. Lambotte, Anvers.
+ Fleurs.
+ Intérieur.
+ Nature-morte.
+ Fruits.
+ Intérieur.
+ Coquillages.
+
+ DESSINS.
+
+ Repas comique (sanguine)----App. à M. Haardt, Bruxelles.
+ Le tir à l'arc.
+ Pêcheurs.
+ Sirène abandonnée.
+ Arlequinades.
+ Cortèges carnavalesques.
+ Dunes et plaines.
+
+ 1906
+
+ Nature-morte.
+ Accessoires.
+ Les toits à Ostende.
+ Portrait----à M. F. Duhot, Bruxelles.
+ Chinoiseries.
+ Vue du théâtre à Ostende.
+ Nature-morte.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ La chute des anges rebelles.
+ Masques.
+ Baigneuses.
+
+ DESSINS.
+
+ Vieux meubles.
+ Poêles.
+ Silhouettes.
+ Marines.
+
+ 1907
+
+ Fruits.
+ Nature-morte.
+ Chinoiseries----à M. Robert Goldschmidt, Bruxelles.
+ Masques.
+ Nature-morte.
+ Pêcheurs.
+ Portrait de Madame L.
+ Masques et squelettes----à M. L. Prager, Munich.
+ Chinoiseries.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ La belle Impéria.
+ Henri de Groux jouant au billard----Appartient à M. A. Lambotte, Anvers.
+ Vieux murs.
+ Coins d'appartements.
+ Bouquets.
+ Cortèges.
+ Femmes surprises.
+
+ 1908
+
+ Fruits et légumes.
+ Chinoiseries.
+ Squelettes musiciens.
+
+ DESSINS REHAUSSÉS.
+
+ Squelettes----à M. Blatter, Paris.
+ Types drôlatiques.
+ Jeune rousse.
+ Buveurs.
+ Jeune fille luttant.
+ Hommage à la femme.
+
+ DESSIN.
+
+ Encadrement pour Emile Verhaeren.
+
+
+
+
+ EAUX-FORTES ET POINTES-SÈCHES
+
+
+ 1886
+
+ Le Christ insulté.
+ Verger.
+ Vieillard.
+ Portrait de l'artiste.
+ Le Christ apaisant la tempête.
+ Iston, Pouffamatus, Cracozie et Transmouff, célèbres
+ médecins persans examinant les selles du roi Darius après
+ la bataille d'Arbelles.
+ La cathédrale.
+ La flagellation.
+
+ 1887
+
+ La Madeleine.
+ Cortège infernal.
+ Portrait d'Ernest Rousseau. (Pointe-sèche.)
+ Le pisseur.
+ Grande vue de Mariakerke.
+ Estacade. (Pointe-sèche.)
+ La dormeuse. (Pointe-sèche.)
+ Petite vue de Mariakerke.
+ Rue à Bruxelles. (Pointe-sèche.)
+ Buste. (Pointe-sèche.)
+
+ 1888
+
+ Combat des pouilleux Désir et Rissolé.
+ Maison du boulevard Anspach. (Pointe-sèche.)
+ Réverbère.
+ Le meuble hanté.
+ La lutte des démons.
+ L'acacia. (Pointe-sèche.)
+ La chimère.
+ La crypte. (Pointe-sèche.)
+ Lisière du petit bois d'Ostende.
+ Hôtel de Ville d'Audenarde.
+ Crânes et masques.
+ Vue de Nieuport.
+ Candélabres et vases.
+ Paysage à la charette.
+ Prise d'une ville étrange.
+ Mon portrait en 1860.
+ Mon père mort. (Pointe-sèche.)
+ L'archer terrible.
+ Les cataclysmes.
+ L'assassinat.
+ Vue du port d'Ostende.
+ Vue d'Ostende à l'Est.
+ Bouquet d'arbres.
+ Ferme flamande.
+ Musiciens fantastiques.
+ Chaloupes.
+ Le grand bassin à Ostende.
+ Les insectes singuliers. (Pointe-sèche.)
+ Le coup de vent à la lisière.
+ Sentier à Groenendael.
+ Barques échouées.
+ Chaumières.
+ Les éléphants furieux.
+ Sorciers dans la bourrasque.
+ Petites figures bizarres.
+ Maisonnettes à Mariakerke.
+ Les gendarmes.
+ Le cimetière.
+ L'écorché.
+ Adoration des bergers. (Vernis mou.)
+ La luxure.
+ La tentation du Christ.
+ Le jardin d'amour.
+ Le denier de César.
+ Sous bois à Groenendael. (Pointe-sèche.)
+
+ 1889
+
+ Bateaux à vapeur.
+ Les patineurs.
+ Boulevard à Ostende.
+ Mon portrait squelettisé.
+ Ferme à Leffinghe.
+ Le pont du bois.
+ L'orage.
+ Le moulin de Mariakerke.
+ La fête au moulin.
+ Le fantôme.
+ La mare aux peupliers.
+ Le bal fantastique.
+ Pont rustique.
+ L'ange exterminateur.
+ Triomphe romain.
+
+ 1890
+
+ Alimentation doctrinaire.
+ Portrait de Hector Denis.
+ La musique à Ostende.
+
+ 1891
+
+ Moulin à Slykens.
+ Multiplication des poissons.
+ Assemblée dans un parc.
+
+ 1892
+
+ Autodafé.
+
+ 1894
+
+ Les bons juges.
+ Les petites barques.
+
+ 1895
+
+ Les diables Dzitss et Hihahox conduisant le Christ aux enfers.
+ Pouilleux indisposé se chauffant.
+ Les joueurs.
+ Belgique au XIXe siècle.
+ Démons me turlupinant.
+ Le Christ tourmenté par les démons.
+ Fridolin et Graga Pança d'Yperdam.
+ Bataille des Éperons d'or.
+ Alimentation doctrinaire.
+ Les mauvais médecins.
+ Squelettes voulant se chauffer.
+ Masques scandalisés.
+ Le roi-peste.
+ Le Christ aux mendiants.
+ Les vieux cochons.
+ Le Christ descendant aux enfers.
+
+ 1896
+
+ La mort poursuivant le troupeau des humains.
+ Cathédrale.
+ Le vidangeur.
+ Le combat.
+ Menu E. Rousseau.
+ Menu Charles Vos.
+
+ 1897
+
+ Les adieux de Napoléon.
+
+ 1898
+
+ La vengeance de Hop-Frog.
+ Le Christ dans la barque.
+ L'entrée du Christ à Bruxelles.
+
+ 1899
+
+ Les bains d'Ostende.
+
+ 1900
+
+ Fragment de la tentation de Saint Antoine.
+ Petite vue de Mariakerke.
+ Pêcheur d'Ostende.
+
+ 1902
+
+ Paresse.
+
+ 1903
+
+ Les toits d'Ostende.
+
+ 1904
+
+ Colère.
+ Orgueil.
+ Avarice.
+ Gourmandise.
+ Envie.
+ Les péchés capitaux dominés par la mort.
+ Peste dessous. Peste dessus. Peste partout.
+ Masques intrigués.
+ Plage de la Panne.
+ * * * * *
+
+Eaux-fortes aux Musées et Galeries d'estampes de Barcelone,
+Bruxelles, Dresde, Liège, Milan, Ostende, Paris, Venise,
+Vienne, Zürich, etc. etc.
+
+
+
+
+BIBLIOGRAPHIE
+
+ Camille Lemonnier. Histoire des Beaux-Arts en Belgique. 1887, Bruxelles.
+ Eugène Demolder. James Ensor. 1892, Bruxelles.
+ Pol de Mont. De schilder en etser James Ensor. (_De Vlaamsche School_,
+ 1895, Anvers.)
+ Eugène Demolder. James Ensor. (_La Libre Critique_, 1895, Bruxelles.)
+ Eugène Georges. James Ensor. (_La Libre Critique_, 1896, Bruxelles.)
+ Camille Lemonnier. James Ensor peintre et graveur. (_La Plume_, 1898,
+ Paris.)
+ Edmond Picard. James Ensor. (_Id_.)
+ Emile Verhaeren. Une facette du talent d'Ensor. (_Id_.)
+ Camille Mauclair. James Ensor, aquafortiste. (_Id_.)
+ Octave Maus. James Ensor. (_Id_.)
+ Blanche Rousseau. Ensor intime. (_Id_.)
+ Georges Lemmen. James Ensor. (_Id_.)
+ Maurice des Ombiaux. James Ensor. (_Id_.)
+ Christian Beck. Réflexions sur la Cathédrale de James Ensor. (_Id_.)
+ Jules du Jardin. A propos de James Ensor. (_Id_.)
+ Pol de Mont. James Ensor. (_Id_.)
+ Louis Delattre. L'enfance d'Ensor, peintre de masques. (_Id_.)
+ Octave Uzanne. James Ensor, peintre et graveur. (_Id_.)
+ Eugène Demolder. James Ensor. (_La Revue des Beaux-Arts et des Lettres_,
+ 1899, Paris.)
+ Gustave Coquiot. James Ensor.(_La Vogue_, 1899, Paris.)
+ Jules du Jardin. L'art flamand. Bruxelles.
+ Vittorio Pica. James Ensor. (_Minerva_, Rome.)
+ Pol de Mont. Koppen en busten.
+ Horrent. James Ensor.
+ Vittorio Pica. (_Emporium_, Bergame.)
+ Monod. James Ensor.
+ Camille Mauclair. Les peintres belges. (_La Revue Bleue_, 1905, Paris.)
+ Vittorio Pica. Attraverso gli albi e le cartelle.
+ ID. La moderna scuola di pittura del Belgio.
+ Camille Lemonnier. L'École belge de peinture 1830-1905. 1906, Bruxelles.
+ Vittorio Pica. L'arte mondiale a Venezia nel 1907.
+ ID. La galeria d'arte moderna a Venezia.
+ Albert Croquez. James Ensor, peintre et graveur. (_La Flandre Artiste_,
+ déc 1908, Courtrai.)
+
+
+
+TABLE DES ILLUSTRATIONS DANS LE TEXTE
+
+ Le Christ veillé par les anges (1886)
+ Croquis
+ Squelettes Musiciens (1888)
+ Croquis
+ Les Soudards débandés (1892)
+ Croquis
+ La Vierge aux Navires (1893)
+ Croquis
+ Croquis
+ Bataille des Éperons d'or. Eau-forte (1895)
+
+
+
+
+TABLE DES PLANCHES HORS-TEXTE
+
+
+ Portrait de James Ensor en 1875 (frontispice).
+ La Femme au balai (1880)
+ Le Chou (1880)
+ Gamin (1880)
+ Vieux Pêcheur (1881)
+ La Dame sombre (1881)
+ Lampiste (1880)
+ Musique russe (1880)
+ Le Salon bourgeois (1881)
+ Dame en détresse (1882)
+ Pouilleux indisposé se chauffant (1882)
+ Le Terrassier (1882)
+ La Sorcière (1883)
+ Dame au châle bleu (1882)
+ La Mère du peintre
+ Les Pochards (1883)
+ Enfants à la toilette (1886)
+ Mon Père mort (1887)
+ La Mère du peintre. Dessin (1889)
+ Vénus à la coquille. Dessin (1889)
+ Projet de chapelle à dédier à S.S. Pierre et Paul (1887)
+ La Cathédrale. Gravure à l'eau-forte (1886)
+ Le Christ apaisant la Tempête. Gravure à la pointe-sèche (1886)
+ Barques échouées. Gravure à l'eau-forte (1888)
+ Ernest Rousseau. Gravure à la pointe-sèche (1887)
+ Le Théâtre des masques ou bouquet d'artifice (1889)
+ L'Intrigue (1890)
+ Masques devant la mort (1888)
+ La Raie (1892)
+ La Mort poursuivant le troupeau des humains. Gravure à l'eau-forte (1895)
+ La Danse (1896)
+ Mariakerke (1896)
+ Entrée du Christ à Bruxelles. Gravure à l'eau-forte (1898)
+ Vengeance de Hop-Frog. Gravure à l'eau-forte (1898)
+ Ostende (1898)
+
+
+
+
+TABLE DES MATIÈRES
+
+ I. Le milieu.
+ II. Les débuts
+ III. Les toiles
+ IV. Les dessins
+ V. Les eaux-fortes
+ VI. Vie et caractère
+ VII. La place de James Ensor dans l'art contemporain
+ Catalogue de l'oeuvre de James Ensor
+ Bibliographie
+ Table des illustrations dans le texte
+ Table des planches hors-texte
+
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of James Ensor, by Emile Verhaeren
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK JAMES ENSOR ***
+
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+Produced by Christine Bell & Marc D'Hooghe at
+http;//www.freeliterature.org
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+one owns a United States copyright in these works, so the Foundation
+(and you!) can copy and distribute it in the United States without
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+set forth in the General Terms of Use part of this license, apply to
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+Gutenberg is a registered trademark, and may not be used if you
+charge for the eBooks, unless you receive specific permission. If you
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+such as creation of derivative works, reports, performances and
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+practically ANYTHING with public domain eBooks. Redistribution is
+subject to the trademark license, especially commercial
+redistribution.
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+THE FULL PROJECT GUTENBERG LICENSE
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+paragraph 1.C below. There are a lot of things you can do with Project
+Gutenberg-tm electronic works if you follow the terms of this agreement
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+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
+or PGLAF), owns a compilation copyright in the collection of Project
+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
+collection are in the public domain in the United States. If an
+individual work is in the public domain in the United States and you are
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+Hart, the owner of the Project Gutenberg-tm trademark. Contact the
+Foundation as set forth in Section 3 below.
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+works, and the medium on which they may be stored, may contain
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+TRADEMARK OWNER, AND ANY DISTRIBUTOR UNDER THIS AGREEMENT WILL NOT BE
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+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
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+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
+promotion and distribution of Project Gutenberg-tm electronic works,
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+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
+work, (b) alteration, modification, or additions or deletions to any
+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
+
+
+Section 2. Information about the Mission of Project Gutenberg-tm
+
+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
+people in all walks of life.
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+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at https://www.pglaf.org.
+
+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+https://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
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+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at https://pglaf.org
+
+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
+ gbnewby@pglaf.org
+
+
+Section 4. Information about Donations to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation
+
+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
+freely distributed in machine readable form accessible by the widest
+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit https://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
+ways including including checks, online payments and credit card
+donations. To donate, please visit: https://pglaf.org/donate
+
+
+Section 5. General Information About Project Gutenberg-tm electronic
+works.
+
+Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
+Project Gutenberg-tm eBooks are often created from several printed
+editions, all of which are confirmed as Public Domain in the U.S.
+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
+keep eBooks in compliance with any particular paper edition.
+
+
+Most people start at our Web site which has the main PG search facility:
+
+ https://www.gutenberg.org
+
+This Web site includes information about Project Gutenberg-tm,
+including how to make donations to the Project Gutenberg Literary
+Archive Foundation, how to help produce our new eBooks, and how to
+subscribe to our email newsletter to hear about new eBooks.
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+
+<h5>G. VAN OEST &amp; CIE</h5>
+
+<h5>1908</h5>
+
+
+
+<hr style="width: 95%;" />
+<p><a href="#TABLE_DES_MATIEgraveRES">Table des mati&egrave;res</a></p>
+<hr style="width: 65%;" />
+
+<div class="figcenter" style="width: 515px;">
+<img src="images/ensor_00_title_page.jpg" width="515" alt="title-page" title="" />
+</div>
+
+<hr style="width: 95%;" />
+<div class="figcenter" style="width: 372px;">
+<a name="Portrait_de_James_Ensor_en_1875" id="Portrait_de_James_Ensor_en_1875"></a>
+<img src="images/ensor_01_portrait_de_james_ensor_02.jpg" width="372" alt="Portrait de James Ensor en 1875." title="" />
+<span class="figcap">Portrait de James Ensor en 1875.</span>
+</div>
+
+
+<hr style="width: 65%;" />
+
+<div class="figcenter" style="width: 483px;">
+<a name="La_Femme_au_Balai_1880" id="La_Femme_au_Balai_1880"></a>
+<img src="images/ensor_02_la_femme_au_balai.jpg" width="483" alt="La Femme au Balai&mdash;1880." title="" />
+<span class="figcap">La Femme au Balai&mdash;1880.</span>
+</div>
+
+
+
+<hr style="width: 65%;" />
+<h3><a name="I" id="I"></a>I.</h3>
+
+<h3>LE MILIEU</h3>
+
+
+<p>Souvent, des vagues venant du c&ocirc;t&eacute; de l'Angleterre s'engouffrent
+nombreuses et larges dans le port d'Ostende. Et les id&eacute;es et les
+coutumes suivent ce mouvement marin.</p>
+
+<p>La ville est mi-anglaise: enseignes de magasins et de bars, proues
+hautaines des chalutiers, casquettes d'agents et d'employ&eacute;s y font
+briller au soleil, en lettres d'or, des syllabes britaniques; la langue
+y fourmille de mots anglo-saxons; les gens des quais y comprennent le
+patois de Douvres et de Folkstone; des familles londoniennes s'y sont
+&eacute;tablies jadis, y ont fait souche et mari&eacute; leurs filles et leurs fils
+non pas entre eux mais aux fils ou aux filles de la West-Flandre. Le
+service quotidien des malles voyageuses resserre tous ces liens divers,
+comme autant de cordes tordues en un seul cable, si bien qu'on peut
+comparer la grande &icirc;le &agrave; quelqu'&eacute;norme vaisseau maintenu en pleine mer,
+gr&acirc;ce &agrave; des ancres solides dont l'une serait fix&eacute;e dans le sol m&ecirc;me de
+notre c&ocirc;te.</p>
+
+<p>Cette influence d'outre-mer qui impr&egrave;gne le milieu o&ugrave; il naquit
+suffirait certes &agrave; expliquer l'art sp&eacute;cial de James Ensor. Toutefois
+elle se pr&eacute;cise encore si l'on note que l'ascendance paternelle de
+l'artiste est purement anglaise. Le nom qu'il porte n'est point flamand.
+C'est &agrave; Londres, qu'il se multiplie aux devantures. Je le vis flamboyer,
+un soir, dans Soho-square et plus loin il se projetait&mdash;r&eacute;clame
+mouvante&mdash;sur un trottoir d'Oxford street.</p>
+
+<p>L'&oelig;uvre que nous &eacute;tudierons et exalterons s'&eacute;l&egrave;ve donc au confluent de
+deux races&mdash;races saxonne, race flamande ou hollandaise&mdash;harmonieusement
+m&ecirc;l&eacute;es dans le sang et dans l'&acirc;me d'un tr&egrave;s beau peintre.</p>
+
+<p>L'erreur serait grande si l'on se figurait qu'&agrave; cause de ses origines
+britaniques, Ensor se soit complu &agrave; r&eacute;apprendre comme certains peintres
+modernes l'art des Reynolds ou des Gainsborough ou se soit assimil&eacute;
+n'importe quelle m&eacute;thode des pr&eacute;raphaelites illustres. L'anglomanie qui
+s'est gliss&eacute;e jusque dans l'esth&eacute;tique l'a &eacute;pargn&eacute;. Ce n'est point par
+des qualit&eacute;s ext&eacute;rieures et souvent artificielles qu'il se rattache aux
+ma&icirc;tres de l&agrave; l&agrave;-bas, mais bien, naturellement, par certains dons
+fonciers et rares. Il est de leur famille, sans le vouloir. Il est
+audacieux et harmonieux comme Turner, sans qu'il s'y applique, sans
+qu'il s'en doute. Il aime les effets tumultueux et larges de Constable
+sans qu'aucune de ses toiles fasse songer aux paysages c&eacute;l&egrave;bres de ce
+grand peintre. La parent&eacute; est souterraine et comme secr&egrave;te. Elle se
+manifeste dans la mani&egrave;re de comprendre et d'aimer la nature, dans la
+sensibilit&eacute; aigu&euml; de l'&oelig;il dans la franchise et l'audace des
+conceptions, dans la pratique du dessin pictural, dans la d&eacute;licatesse
+m&ecirc;l&eacute;e &agrave; la force, dans la plaisanterie unie &agrave; la brutalit&eacute;. D&egrave;s que
+cette derni&egrave;re caract&eacute;ristique est atteinte, James Ensor rejoint non
+plus Constable ni Turner, mais Gillray et Rowlanson plus encore que
+J&eacute;r&ocirc;me Bosch ou Pierre Breughel.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 475px;">
+<a name="Le_Christ_veille_par_les_anges_1886" id="Le_Christ_veille_par_les_anges_1886"></a>
+<img src="images/ensor_03_le_christ_veille_02.jpg" width="475" alt="Le Christ veill&eacute; par les anges (1886)." title="" />
+<span class="figcap">Le Christ veill&eacute; par les anges (1886).</span>
+</div>
+
+<p>Encore que l'influence anglaise agisse avant toute autre sur elle, c'est
+toute l'Europe et l'Am&eacute;rique qui transforment pendant l'&eacute;t&eacute;, quand la
+saison baln&eacute;aire s'inaugure, Ostende. Les jeux et les f&ecirc;tes l'exaltent
+tout &agrave; coup. Les femmes du quartier Marbeuf envahissent sa digue. Le
+monde qui l'hiver se groupe &agrave; Monte-Carle, &agrave; Menton, &agrave; Biarritz s'y
+concentre. Des nuits de lourde et chaude volupt&eacute; s'y passent &agrave; la lueur
+de flambeaux. La chair s'y mire et s'y pavane aux miroirs de cabarets
+fastueux. Et la folie des villes fr&eacute;missantes et tr&eacute;pidantes br&ucirc;le
+soudain ce coin de Flandre calme et fonci&egrave;rement sain et propage sa
+fi&egrave;vre nocturne et flamboyante tout au long de la mer.</p>
+
+<p>Magasins de Paris, boutiques de Vienne, comptoirs charg&eacute;s de coraux de
+Naples et de Sicile, brasseries de Dortmund et de Munich, caves remplies
+de vins de Portugal et d'Espagne vous installez votre barriolage de
+go&ucirc;ts et de couleurs devant les mille d&eacute;sirs populaires ou mondains,
+devant les app&eacute;tits vulgaires ou rares, devant les convoitises baroques
+ou distingu&eacute;es. La fl&acirc;nerie des promeneurs s'en va, &agrave; droite, vers le
+port, &agrave; gauche, vers le champ de courses, en partant de la rampe de
+Flandre o&ugrave; James Ensor habite. A cette large voie se relie en outre
+toute la ville basse avec ses rues &eacute;troites, les unes venant de la
+grand' place, les autres du th&eacute;&acirc;tre, celle-ci de la gare et celle-l&agrave; du
+march&eacute;. Le carillon n'est pas loin: on l'entend tricoter sa musique
+menue, le soir, ou bien, aux midis de r&eacute;jouissances, ruer de toutes ses
+notes et s'emporter vers quelque hymne national.</p>
+
+<p>La foule et ses remous passe donc &agrave; toute heure du jour devant les
+fen&ecirc;tres du peintre: foule &eacute;l&eacute;gante ou hautaine, foule grotesque ou
+brutale, cort&egrave;ges de la mi-car&ecirc;me, processions de la f&ecirc;te-Dieu, fanfares
+r&eacute;tentissantes des villages, soci&eacute;t&eacute;s chorales des villes voisines,
+cris, tumultes, vacarmes.</p>
+
+<p>Et ces flux et ces reflux de gestes et de pas aboutissent tous l&agrave;-bas, &agrave;
+cette f&eacute;erie de verre et d'&eacute;mail qu'est le Kursaal d'Ostende.</p>
+
+<p>Avec ses d&ocirc;mes et ses pignons et ses rosaces et ses lanternes, avec ses
+ors &eacute;lanc&eacute;s et ses bronzes trapus, avec ses festons de gaz et ses
+couronnes de feux, il appara&icirc;t, toutes portes et fen&ecirc;tres ouvertes,
+comme un tabernacle de plaisirs &eacute;clatants et sonores. Un orchestre
+savant y fait na&icirc;tre, chaque jour, des floraisons de musique; des voix
+illustres s'y font entendre&mdash;orateurs ou conf&eacute;renciers&mdash;et des virtuoses
+dont le nom &eacute;meut les mille &eacute;chos y jettent vers l'applaudissement en
+tonnerre des foules, les phrases les plus belles des ma&icirc;tres c&eacute;l&egrave;bres.
+Toutes les langues s'y parlent. Joueurs, financiers, gens de course,
+gens de bourse, princes et princesses, dames du monde et courtisanes,
+tout s'y coudoie ou s'y toise; s'y m&eacute;prise ou s'y confond.</p>
+
+<p>Le soir, quand les verri&egrave;res du monument flamboient face &agrave; face avec la
+nuit et l'oc&eacute;an, on peut croire que le bal y tournoie en un d&eacute;cor
+d'incendie. Du fond de la mer s'aper&ccedil;oivent les hautes coupoles
+illumin&eacute;es et le phare dont la lueur troue les lieues et les lieues
+semble ne lancer si loin son cri de lumi&egrave;re que pour h&eacute;ler vers la joie
+le c&oelig;ur battant de ceux qui traversent l'espace.</p>
+
+<p>Ainsi pendant l'&eacute;t&eacute; tout entier Ostende s'affirme la plus belle
+peut-&ecirc;tre de ces capitales momentan&eacute;es du vice qui se pare et du luxe
+qui s'ennuie. Et ce n'est pas en vain que chaque ann&eacute;e James Ensor dont
+l'art se pla&icirc;t &agrave; moraliser cyniquement, assiste &agrave; cette ru&eacute;e vers le
+plaisir et vers la ripaille, vers la chair et vers l'or.</p>
+
+<hr style="width: 45%;" />
+
+<p>La chambre o&ugrave; il travaille ouvre, l&agrave; haut, au quatri&egrave;me d'une maison
+banale, son unique et peu large fen&ecirc;tre. De tous les peintres modernes
+Ensor est le seul qui jamais ne se soit mis en qu&ecirc;te d'un atelier. Lui
+le chercheur de lumi&egrave;re il campe ses toiles en un jour m&eacute;diocre tombant
+non pas d'une verri&egrave;re mais &agrave; travers les pauvres carreaux d'une baie
+verticale et parcimonieuse de clart&eacute;. Pourtant que de pages
+merveilleuses s'y &eacute;laborent et que de tons admirablement harmonis&eacute;s y
+juxtaposent leurs musiques inentendues!</p>
+
+<p>Celui qui surprend Ensor, la haut, dans son travail, le voit surgir d'un
+emm&ecirc;lement d'objets disparates: masques, loques, branches fl&eacute;tries,
+coquilles, tasses, pots, tapis us&eacute;s, livres gisant &agrave; terre, estampes
+empil&eacute;es sur des chaises, cadres vides appuy&eacute;s contre des meubles et
+l'in&eacute;vitable t&ecirc;te de mort regardant tout cela, avec les deux trous vides
+de ses yeux absents. Une poussi&egrave;re amie recouvre et prot&egrave;ge ces mille
+objets baroques contre le geste brusque et intempestif des visiteurs.
+Ils sont l&agrave; chez eux pour que seul le peintre leur insuffle la vie,
+les interroge les fasse parler et les introduise dans l'art gr&acirc;ce &agrave; la
+sympathie qu'il leur voue et l'&eacute;loquence secr&egrave;te qu'il d&eacute;couvre en leur
+silence.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 626px;">
+<a name="Le_Chou" id="Le_Chou"></a>
+<img src="images/ensor_04_le_chou_02.jpg" width="626" alt="Le Chou&mdash;1880. (Collection Ernest Rousseau)" title="" />
+<span class="figcap">Le Chou&mdash;1880. (Collection Ernest Rousseau)</span>
+</div>
+
+<p>Il est opportun de se figurer James Ensor en t&ecirc;te &agrave; t&ecirc;te quotidien et
+prolong&eacute; avec ces effigies en carton et en pl&acirc;tre, avec ces d&eacute;bris
+d'existance et de splendeur, avec ces d&eacute;froques ternes ou violentes pour
+comprendre quelques-unes des surprises de son caract&egrave;re et quelques
+traits profonds et sp&eacute;ciaux de son art. Il est certain que pour lui, &agrave;
+telles heures d'illusion souveraine, un tel assemblage de visages,
+d'attitudes, d'ironies ou de d&eacute;tresses a d&ucirc; repr&eacute;senter la vie. Elle lui
+est apparue mauvaise, d&eacute;plorable, hostile. Elle lui a enseign&eacute; la
+misanthropie que seuls corrigent la farce, le rire et le sarcasme.</p>
+
+<p>L'existence d'Ensor entour&eacute; d'un tel d&eacute;cor familier ne manque pas de
+para&icirc;tre &eacute;nigmatique et bizarre et je ne crois pas qu'il lui r&eacute;pugne de
+maintenir autour de lui ces apparences. Ses paroles qui souvent
+d&eacute;concertent, ses saillies dr&ocirc;les, ses rires soudains et furtifs, sa
+voix sourde, sa marche lente et l'&eacute;ternel parapluie qui toujours
+l'accompagne comme s'il se d&eacute;fiait du plus fid&egrave;le et du plus loyal
+soleil confirment l'&eacute;trange impression qu'il produit volontairement ou
+ing&eacute;n&ucirc;ment, qu'importe.</p>
+
+<p>Personne que je sache ne met moins de mise en sc&egrave;ne dans l'accueil. Les
+&oelig;vres qu'il montre ne toisent pas le visiteur du haut d'un chevalet
+comme pour lui imposer leur pr&eacute;sence autoritaire. Ses toiles ne sont pas
+m&ecirc;me tendues. Elles gisent roul&eacute;es les unes sur les autres, en des coins
+obscurs. Elles apparaissent &agrave; la lumi&egrave;re ploy&eacute;es et gondol&eacute;es et c'est
+avec peine qu'on leur trouve une z&ocirc;ne de clart&eacute; propice afin qu'elles
+s'y &eacute;talent sans trop se nuire entre elles. Aucun commentaire
+n'accompagne leur pr&eacute;sentation. Seul un rire menu, quand le sujet &eacute;tonne
+et froisse quelque go&ucirc;t trop puritain. Et les &oelig;vres succ&eacute;dent aux &oelig;uvres
+et quand tout est montr&eacute;, toujours, soit au fond d'un coffre, soit au
+fond pi&egrave;ce voisine se d&eacute;couvre une merveille oubli&eacute;e dont la crasse
+voile la fra&icirc;cheur et la beaut&eacute;. Un coup d'&eacute;ponge donn&eacute; &agrave; la h&acirc;te
+r&eacute;veille la splendeur endormie.</p>
+
+<p>On d&eacute;gringole l'&eacute;calier raide et tournant et l'on quitterait, la poign&eacute;e
+de main &eacute;chang&eacute;e, la maison du peintre, sans plus, si le magasin du
+rez-de-chauss&eacute;e, avec ses larges vitrines encombr&eacute;es de bibelots ne
+retenait, un instant encore, l'attention. C'est que l&agrave;, parmi les
+coquillages et les nacres, les vases de la Chine et les laques du Japon,
+les plumes versicolores et les &eacute;crans barriol&eacute;s, l'imagination visuelle
+du peintre se complait &agrave; composer ses plus rares et ses plus amples
+symphonies de couleurs. Oh les notes &agrave; la fois tendres et fortes, &agrave; la
+fois subtiles et brutales, &agrave; la fois sobres et &eacute;clatantes qu'il s&ucirc;t
+faire vibrer en prenant comme pr&eacute;texte quelque pauvre bibelot d'orient
+que la mode banalisa! Et la coquille ourl&eacute;e dont le bourgeois morose
+ornera sa chemin&eacute;e en marbre peint deviendra gr&acirc;ce &agrave; la magie, gr&acirc;ce &agrave;
+l'herm&eacute;tisme de l'artiste, ce miracle de couleur triomphante dont
+s'&eacute;blouiront les salles les plus belles des mus&eacute;es modernes.</p>
+
+<hr style="width: 45%;" />
+
+<div class="figcenter" style="width: 465px;">
+<a name="Gamin" id="Gamin"></a>
+<img src="images/ensor_05_gamin.jpg" width="465" alt="GAMIN&mdash;1880. (Collection Edgar Picard)" title="" />
+<span class="figcap">Gamin&mdash;1880. (Collection Edgar Picard)</span>
+</div>
+
+<p>Ensor se pla&icirc;t parmi ces mille riens exotiques parmi ces d&eacute;pouilles
+luisantes ou vitreuses de la mer. Lui m&ecirc;me s'int&eacute;resse parfois au trafic
+qu'en font et sa m&egrave;re et sa tante, marchandes tenaces et exp&eacute;riment&eacute;es.
+Souvent le soir, la causerie rassemble autour des comptoirs la famille
+enti&egrave;re. La s&oelig;ur du peintre et sa ni&egrave;ce qu'il affectionne vivement sont
+l&agrave;. Et l'on parle d'Ostende, non pas de l'Ostende ru&eacute;e aux f&ecirc;tes et aux
+plaisirs de l'&eacute;t&eacute;, mais de l'Ostende automnale qui se pla&icirc;t dans la
+d&eacute;r&eacute;liction et le silence. Ensor adore celle-ci avec ses rues &eacute;troites,
+ses places humbles et d&eacute;sertes, ses petites boutiques vieillottes au
+fond des quartiers populaires et ses propres et luisants estaminets o&ugrave;
+l'odeur de la bi&egrave;re se m&ecirc;le &agrave; des relents de poisson sec et de crevettes
+humides. C'est l&agrave; qu'il dessina maint p&ecirc;cheur &agrave; vareuse bleue, &agrave; boucles
+d'oreilles &eacute;troites, &agrave; pantoufles multicolores. C'est l&agrave; qu'il rencontra
+et qu'il interpr&eacute;ta en des croquis larges et vivants, les vieilles
+femmes &agrave; mantelets, avec de lourds et noirs capuchons de drap recouvrant
+leur intact et fragile bonnet blanc.</p>
+
+<p>La vie du port est la seule vie d'Ostende, l'hiver. Elle ne p&eacute;n&egrave;tre
+point la ville; elle n'anime que ses confins. C'est une vie en bordure.
+Oh les c&acirc;bles et les amarres au long des quais, les voiles rousses et
+brunes dans le brouillard gris, les proues sculpt&eacute;es des vieux navires
+s'apercevant du fond d'une ruelle et les mouettes blanches, entrant dans
+les bassins et volant, dirait-on, &agrave; travers les entrecroisements
+d&eacute;daliens des haubans et des vergues! Et les petites boutiques, en plein
+vent, &agrave; l'angle des ponts et les plies et les limandes qui s&egrave;chent dans
+le courant d'air des fen&ecirc;tres et la marmaille grouillante parmi les
+&eacute;cailles de moules vers&eacute;es en tas, sur le trottoir! O cette vie comme
+goudronn&eacute;e au contact des bateaux, des cordes et des voiles; cette vie
+tranquille, t&ecirc;tue et dangereuse qui fait les races calmes ou violentes
+comme ces mers du Nord dont elles vivent depuis mille ans. Elle n'a
+qu'un sursaut, en F&eacute;vrier, aux temps du carnaval. Et combien
+m&eacute;lancolique et brutal! Et combien morne et quelquefois sanglant!</p>
+
+<p>Ensor a traduit cette liesse en des &oelig;uvres quasi sinistres et qui
+&eacute;tonnent et qui font peur. Le pittoresque de l'accoutrement, l'usure de
+la d&eacute;froque, la dr&ocirc;lerie muette de masque, l'ennui qui semble suinter
+des murs tout se ligue pour provoquer une impression sombre avec des
+&eacute;l&eacute;ments soi-disant gais.</p>
+
+<p>Je me souviens d'un Mardi gras pass&eacute; &agrave; Nieuport, jadis, avec des amis.
+Jamais je ne compris mieux la folie et la tristesse des masques d'Ensor.</p>
+
+<p>Des groupes ivres battaient les rues. En des salles de danse, &agrave; moiti&eacute;
+d&eacute;sertes, avec de pauvres musiciens grelottant de froid dans un coin, la
+valse fouettait deux ou trois couples tournoyants et muets, avec les
+lani&egrave;res us&eacute;es de sa musique banale et sifflante. Un ivrogne, orn&eacute; d'un
+faux nez violet, titubait pr&egrave;s du comptoir et sa commerre d&eacute;poitraill&eacute;e
+et gisante contre une cloison, mordait, machinalement, les crins de sa
+perruque descendue sur ces yeux. Un bout de bas blanc passait &agrave; travers
+les trous de son soulier. Un hoquet lourd et profond lui s&eacute;couait, de
+temps en temps, le ventre. Et l'ivrogne riait et pleurait tour &agrave; tour
+devant elle.</p>
+
+<p>Lorsque James Ensor se plaisait &agrave; traduire par le pinceau de telles
+sc&egrave;nes grotesques et lamentables, il &eacute;tait le compagnon falot qu'Eug&egrave;ne
+Demolder, assignait, sous le d&eacute;guisement de Fridolin, au grand Saint
+Nicolas. James Ensor donnait la r&eacute;plique, dans le livre du po&egrave;te
+d'Yperdamme, au joyeux et doux patron des petits enfants de la
+West-Flandre. Il jouait, en ce temps l&agrave;, de la fl&ucirc;te et se promenait,
+avec deux carlins boulus, renfrogn&eacute;s et fid&egrave;les.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 452px;">
+<a name="Croquis_01" id="Croquis_01"></a>
+<img src="images/ensor_06_croquis_01.jpg" width="452" alt="Croquis." title="" />
+<span class="figcap">Croquis.</span>
+</div>
+
+<p>L'effigie qu'Henri de Groux vient de nous donner de James Ensor nous le
+repr&eacute;sente robuste et presque gras. Les cheveux grisonnent, le teint
+s'enlumine, l'allure est massive. L'appuie-main tenu entre les doigts
+fait songer vaguement &agrave; quelque sceptre. Ensor semble commander &agrave; son
+art dont une page caract&eacute;ristique se devine au fond de la toile. Le
+voici donc tel que l'&acirc;ge m&ucirc;r le d&eacute;finit. Au surplus l'&oelig;uvre compte et
+s'affirme excellente.</p>
+
+<p>Toutefois j'aime &agrave; me souvenir d'un tout autre James Ensor, celui que je
+connus, il y a vingt ou vingt-cinq ans, avec un corps svelte, un teint
+p&acirc;le, des yeux clairs, des mains longues fi&eacute;vreuses et fines. Non pas un
+dandy, car une mise n&eacute;glig&eacute;e presque toujours rejetait cette
+comparaison, mais une sorte de jeune parlementaire britanique qui
+faisait songer &agrave; Disraeli.</p>
+
+<p>James Ensor parlait peu, se tenait sur la r&eacute;serve, avec un air ferm&eacute; et
+craintif. On lui pr&ecirc;tait un caract&egrave;re difficile et ombrageux. Il avait
+certes, la pleine conscience de sa force naissante; il n'admettait
+aucune restriction sur l'enti&egrave;re personnalit&eacute; de son art et se
+rebiffait, d&egrave;s que l'ombre d'une injustice l'effleurait dans la m&ecirc;l&eacute;e de
+la vie. La haine de la critique bouillonnait en lui, comme chez tous les
+artistes vrais et imp&eacute;rieux. Il ne pouvait admettre qu'on ne le comprit
+pas et que sa peinture qui lui paraissait toute simple et na&iuml;ve ne
+s'impos&acirc;t point, du premier coup, gr&acirc;ce &agrave; sa sinc&eacute;rit&eacute; absolue. Il
+oubliait la difficult&eacute; ardue, que rencontre tout esprit d&egrave;s qu'il veut
+p&eacute;n&eacute;trer de sa lumi&egrave;re &agrave; lui quelqu'autre esprit fut-il voisin du sien
+et combien le bapt&ecirc;me de l'hostilit&eacute; et du d&eacute;nigrement est salutaire
+&agrave; toute originalit&eacute; naissante. C'est parce qu'il fut bafou&eacute;, ni&eacute;,
+villipend&eacute; jadis que sa victoire aujourd'hui nous appara&icirc;t si consolante
+et si belle. La gloire ne se livre pas; elle se prend d'assaut. Elle se
+retranche derri&egrave;re une muraille d'hostilit&eacute;s et de sarcasmes.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 496px;">
+<a name="Vieux_Pecheur" id="Vieux_Pecheur"></a>
+<img src="images/ensor_07_vieux_pecheur.jpg" width="496" alt="Vieux P&ecirc;cheur&mdash;1881. (Collection Edgar Picard)" title="" />
+<span class="figcap">Vieux P&ecirc;cheur&mdash;1881. (Collection Edgar Picard)</span>
+</div>
+
+<p>Tout artiste vrai est un h&eacute;ros ing&eacute;nu. Il faut qu'il souffre pour qu'un
+jour il ait la joie d'imposer a tous sa victorieuse personnalit&eacute; totale.
+En ce temps-ci ou chacun est tout le monde, le po&egrave;te, le peintre, le
+sculpteur, le musicien ne vaut que s'il est authentiquement lui-m&ecirc;me.
+C'est le plus r&eacute;el des privil&egrave;ges que la nature, sans aucune
+intervention autre que celle de sa puissance, conf&egrave;re et maintient &agrave;
+travers les si&egrave;cles et seul le po&egrave;te, le peintre, le sculpteur, le
+musicien en peut jouir pleinement.</p>
+
+<p>Oh ces d&eacute;butants choy&eacute;s d&egrave;s qu'ils apparaissent et par la critique et
+par le public! Aucune de leurs toiles ne survit apr&egrave;s vingt ou trente
+ans. Ils n'ont jamais passionn&eacute; personne. Ils n'ont connu ni la r&eacute;volte
+de leurs ma&icirc;tres, ni la jalousie de leurs amis, ni la haine de la foule.
+Ils ont &eacute;t&eacute; banalement heureux en attendant qu'ils soient banalement
+quelconques. Les Salons triennaux out accueilli leurs essais &agrave; la rampe
+mais les Mus&eacute;es rejetteront bient&ocirc;t leurs &oelig;uvres dans les coins. Ces
+peintres-l&agrave; sont morts depuis longtemps quand sonne leur agonie. Et leur
+nom de plus en plus p&acirc;le, de plus en plus &eacute;teint, de plus en plus oubli&eacute;
+ne trouve plus refuge qu'aux pages jaunies d'un catalogue ou il finit
+par se confondre avec un pauvre et morne num&eacute;ro.</p>
+
+<p>Il importe donc d'aimer et les attaques et les batailles, les coups
+port&eacute;s avec enthousiasme et re&ccedil;us avec courage. L'ivresse supr&ecirc;me r&eacute;side
+dans la conscience qu'on a d'&ecirc;tre une belle force humaine. Et rien ne
+l'exalte autant que la violence et l'injustice. L'&eacute;meute autour d'une
+toile nouvelle est un sacre &agrave; rebours. L'artiste y doit puiser non
+l'abattement mais le lyrisme. Sa vraie vie commence, d&egrave;s cet instant. Et
+l'&oelig;uvre doit succ&eacute;der &agrave; l'&oelig;uvre, sans compromission, sans reticence,
+audacieusement, toujours, jusqu'&agrave; l'heure o&ugrave; cessera le rire et se taira
+la hu&eacute;e. Et qu'importe si la col&egrave;re montante ne se retire que devant le
+tombeau. Les triomphes posthumes sont les plus s&ucirc;rs.</p>
+
+<p>Je doute que James Ensor ait admis ces v&eacute;rit&eacute;s aux temps de sa jeunesse,
+mais je sais qu'il a toujours agi comme si leur lumi&egrave;re vivait en son
+esprit.</p>
+
+
+
+<hr style="width: 65%;" />
+<h3><a name="II" id="II"></a>II.</h3>
+
+<h3>LES D&Eacute;BUTS</h3>
+
+
+<p>L'&eacute;poque pendant laquelle d&eacute;buta James Ensor fut pour la patrie, un laps
+de temps h&eacute;roique et f&eacute;cond. Aujourd'hui qu'il est loin, il appara&icirc;t
+quasi l&eacute;gendaire.</p>
+
+<p>Un miracle se fit tout &agrave; coup. Le pays, habitu&eacute; &agrave; ne produire que des
+peintres, suscita des sculpteurs et parmi eux un g&eacute;nie: Meunier. Bien
+plus; la Belgique hostile aux lettres et vou&eacute;e depuis longtemps &agrave; la
+litt&eacute;rature des parlementaires et des journalistes, se para d'une
+floraison de po&egrave;tes.</p>
+
+<p>Les coutumes furent &agrave; tel point bouscul&eacute;es, les r&eacute;putations assises &agrave;
+tel point secou&eacute;es sur leurs si&egrave;ges, qu'il y eut comme un tremblement
+des cerveaux. On n'osait y croire; on n'y croyait pas. Notre sol qui se
+couvrait du seigle annuel des lucratives affaires et du froment r&eacute;gulier
+des prosp&egrave;res n&eacute;goces ne pouvait tout &agrave; coup se modifier assez
+profond&eacute;ment pour nourrir de s&egrave;ve et exalter vers la lumi&egrave;re des odes
+belles comme des ch&ecirc;nes et des idylles fragiles et jolies comme des
+arbustes. L'extraordinaire fut tax&eacute; d'impossible et des &laquo;bouches
+autoris&eacute;es&raquo; d&eacute;clar&egrave;rent qu'en tous cas le prodige n'aurait pas de
+suites.</p>
+
+<p>Il en eut d'admirables.</p>
+
+<p>Malgr&eacute; les oppositions soit franches, soit sournoises, malgr&eacute; les mille
+cris des feuilletonistes inqui&eacute;t&eacute;s dans leurs go&ucirc;ts et leurs habitudes,
+malgr&eacute; la compacte et massive inertie et la b&ecirc;tise au front non pas de
+taureau mais de b&oelig;uf, les nouveaux &eacute;crivains s'affirm&egrave;rent, d'ann&eacute;e en
+ann&eacute;e, plus clairs, plus hauts, plus purs. Si bien qu'aujourd'hui ils
+sont tout et leurs d&eacute;tracteurs d'antan, rien. L'opinion a &eacute;t&eacute; retourn&eacute;e
+comme un v&ecirc;tement dont on secoue les poussi&egrave;res, dont on vide les poches
+des vieux pr&eacute;jug&eacute;s qu'elles rec&eacute;laient, dont on brosse le drap depuis le
+col jusques aux pans et qu'on d&eacute;sinfecte enfin en tous ses plis.
+Aujourd'hui les g&eacute;n&eacute;rations litt&eacute;raires se succ&egrave;dent les unes aux
+autres, comme les g&eacute;n&eacute;rations des peintres; l'art d'&eacute;crire est acclimat&eacute;
+parmi nous; la presse est pass&eacute;e aux mains des &eacute;crivains, la foule se
+fait attentive et le pouvoir r&eacute;compense et s'&eacute;meut. C'est une victoire
+qu'on ne conteste plus.</p>
+
+<p>Or, ces prosateurs et ces po&egrave;tes de la vie dans la phrase se virent
+attaqu&eacute;s en m&ecirc;me temps que les peintres de la vie dans la lumi&egrave;re. Leurs
+ennemis se liguaient entre eux; ils se ligu&egrave;rent entre eux contre leurs
+ennemis. Cela se fit avec entrain et naturel parce que la n&eacute;cessit&eacute;
+souveraine nouait elle-m&ecirc;me les liens d'entente. Le consentement fut
+tacite et rapide.</p>
+
+<p>Jamais les pol&eacute;miques d'art ne furent aussi vives, aussi ardentes, aussi
+impitoyables. On frappait avec des poings sauvages; on n'avait &eacute;gard ni
+&agrave; la vieillesse ni aux situations prises; on &eacute;tait fier d'&ecirc;tre partial
+et f&eacute;roce. La norme &eacute;tait franchie joyeusement, ventre &agrave; terre; toute
+r&eacute;ticence devenait trahison, toute justice rendue aux adversaires raison
+de bl&acirc;me et de d&eacute;fiance. La tol&eacute;rance est une force de l'&acirc;ge m&ucirc;r. Elle
+est une tare et une faiblesse quand on se trouve &agrave; la t&ecirc;te de ses vingt
+ans.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 464px;">
+<a name="La_Dame_sombre" id="La_Dame_sombre"></a>
+<img src="images/ensor_08_la_dame_sombre_02.jpg" width="464" alt="La Dame sombre&mdash;1881. (Collection Edgar Picard)" title="" />
+<span class="figcap">La Dame sombre&mdash;1881. (Collection Edgar Picard)</span>
+</div>
+
+<p>Oh l'orage des discussions autour des noms de Khnopff, de Schlobach, de
+Van Rysselberghe, de Dario de Regoyos, de Wytsman, de Finch, de Toorop
+et d'Ensor! La belle m&ecirc;l&eacute;e de col&egrave;res et sarcasmes! Les lourdes attaques
+et les folles d&eacute;fenses! Les fiers &eacute;clairs dont on foudroyait les
+esth&eacute;tiques vieillies et les r&egrave;gles d&eacute;su&egrave;tes. On s'exposait avec joie,
+on dardait son audace partout et l'on se reprochait sans cesse de
+n'avoir pas &eacute;t&eacute; assez violemment t&eacute;m&eacute;raire. Vraiment la vie passionn&eacute;e
+&eacute;tait belle, en ce temps-l&agrave;!</p>
+
+<p>Les peintres novateurs s'&eacute;taient d'abord cantonn&eacute;s &agrave; l'<i>Essor</i>, soci&eacute;t&eacute;
+d'art o&ugrave; se m&ecirc;laient des talents avanc&eacute;s et r&eacute;trogrades. Une scission
+eut lieu. Elle &eacute;tait fatale. Les plus hardis s'en all&egrave;rent, laissant
+v&eacute;g&eacute;ter le cercle o&ugrave; s'&eacute;teignaient, une &agrave; une, toutes les flammes des
+forces et des ardeurs.</p>
+
+<p><i>Les XX</i> furent cr&eacute;es. L'id&eacute;e en est due, m'assure-t-on, &agrave; Charles Van
+der Stappen qui s'en ouvrit &agrave; Octave Maus et &agrave; Edmond Picard. Cela se
+passait, au temps des vacances, &agrave; Famelette, pr&egrave;s de Huy, o&ugrave; chaque
+ann&eacute;e Edmond Picard accueillait les artistes comme des h&ocirc;tes de choix.
+&laquo;Peintres et sculpteurs se r&eacute;uniraient au nombre de vingt,
+organiseraient une exposition annuelle et inviteraient vingt autres
+artistes d&eacute;j&agrave; consacr&eacute;s. Ceux-ci seraient choisis parmi les ma&icirc;tres dont
+l'art &eacute;tait fier, libre et encore combatif&raquo;.</p>
+
+<p>Quand l'exposition s'ouvrit en f&eacute;vrier 1884, tout le monde, partisans et
+adversaires, &eacute;taient sous les armes. Des revues de combat &eacute;taient n&eacute;es:
+<i>l'Art Moderne, la Jeune Belgique, la Soci&eacute;t&eacute; Nouvelle, la Basoche</i>.
+M&ecirc;me certains journaux&mdash;telle <i>la R&eacute;forme</i> et <i>le National belge</i>&mdash;se
+montraient attentifs et bienveillants. Quelques peintres parmi les
+a&icirc;n&eacute;s, les Heymans, les Smits, les Baron, quelques sculpteurs, les
+Meunier, les Van der Stappen, les Vin&ccedil;otte avouaient, par leur pr&eacute;sence
+et leur parole nette, combien la tentative et l'audace des vingtistes
+leur agr&eacute;aient. On les comptait; dix-sept peintres: Pericl&egrave;s Pantazis,
+Guillaume Vogels, Willy Finch, Dario de Regoyos, Th&eacute;o Van Rysselberghe,
+Frantz Charlet, Rodolphe Wytsman, Frans Simons, Piet Verhaert, Th&eacute;odore
+Verstraete, Guillaume Van Aise, Jean Delvin, Charles Goethals, Guillaume
+Van Strydonck, Fernand Khnopff, James Ensor et trois sculpteurs: Achille
+Chainaye, Paul Dubois, Jef Lambeaux. Parmi les invit&eacute;s se signalaient
+Isra&euml;ls, Rops, Stobbaerts, Maris, Rodin. Aucun nom d'impressionniste
+fran&ccedil;ais ne figurait au catalogue. Monet et Renoir n'expos&egrave;rent qu'&agrave; la
+troisi&egrave;me exposition des <i>XX</i>, en 1886.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 459px;">
+<a name="Squelettes_musiciens" id="Squelettes_musiciens"></a>
+<img src="images/ensor_09_les_squelettes_musiciens.jpg" width="459" alt="Squelettes musiciens (1888)." title="" />
+<span class="figcap">Squelettes musiciens&mdash;(1888).</span>
+</div>
+
+<p>C'est &agrave; cette date que, l'animosit&eacute; ayant cr&ucirc; d'ann&eacute;e en ann&eacute;e, le
+critique d'art de <i>la Jeune Belgique</i> s'exprima de la sorte,&mdash;nous
+citons l'extrait qui n'est certes pas un mod&egrave;le de go&ucirc;t, uniquement pour
+montrer la rudesse des pol&eacute;miques&mdash;:</p>
+
+<p>&laquo;Oh la triomphale journ&eacute;e que celle du 6 f&eacute;vrier! <i>Les XX</i> sont ouverts.
+D&eacute;sormais la b&ecirc;tise belge a sa date! On dirait qu'&agrave; cette &laquo;premi&egrave;re&raquo;
+artistique le cerveau bourgeois se d&eacute;gorge par toutes ses
+circonvolutions. Il en jaillit des excr&eacute;ments de sottise. Cela rappelle
+des op&eacute;rations d'abattoir. Le porc est tu&eacute;: il est suspendu, ventre
+ouvert, &agrave; de grossi&egrave;res tringles, les boyaux sont jet&eacute;s sur l'&eacute;tal,
+fumants et flasques.</p>
+
+<p>&laquo;Les avez-vous vu vider? La b&ecirc;tise belge et bourgeoise, c'est cela.</p>
+
+<p>&laquo;Ce qui se d&eacute;bite d'&acirc;neries en ces quelques heures devant ces quarante
+exposants ferait un fumier monumental. Dames &eacute;l&eacute;gantes &agrave; bouche pinc&eacute;e
+de souris prude, fourrures confortables avec un ventre officiel dedans,
+gommeux monocl&eacute;s, acad&eacute;miciens rances, peintres deshonor&eacute;s de rubans
+rouges, r&eacute;putations tu&eacute;es depuis longtemps dans leur propre <i>Bataille de
+L&eacute;pante</i> et leur propre <i>Peste de Tournay</i>, prud'hommes &eacute;normes,
+collectionneurs d'eux-m&ecirc;mes, tout cela potine, comm&egrave;re, hausse les
+&eacute;paules, passe et fuit devant ces quelques centaines d'&oelig;uvres d'art qui
+hurlent l'avenir. Et des rages! Voici un Monsieur qui s'arr&ecirc;te devant
+les Toorop et jure comme un porte-faix et tr&eacute;pigne et remue les poings
+... qu'il tient en poche. Tel autre s'affale sur un banc et crie qu'il
+faut &laquo;br&ucirc;ler tout.&raquo;</p>
+
+<p>&laquo;Les ann&eacute;es pr&eacute;c&eacute;dentes il y avait &ccedil;i et l&agrave; un tableau &laquo;&agrave; la port&eacute;e du
+premier venu&raquo; un tableau sauveur ... aujourd'hui, rien.</p>
+
+<p>&laquo;Oh les pauvres oiseaux qui se cognent aux murs d'une cave obscure! Pas
+un coin o&ugrave; se tenir tranquille sur un perchoir d'admiration bon-enfant.
+Pas un coin o&ugrave; d&eacute;biter le monologue d'amateur &eacute;clair&eacute; devant un
+auditoire de mamans et de fillettes. Pas d'opinion juste-milieu
+possible. Ou la haine ou l'emballement.&raquo;</p>
+
+<p>C'&eacute;tait le ton. On le prenait, sans le savoir. L'atmosph&egrave;re de bataille
+est grisante. On la trouve trop chaude quand on en est sorti. Quand on
+la respirait, elle &eacute;tait vraiment et bellement violente, exaltante et
+fi&eacute;vreuse.</p>
+
+<p>L'histoire des <i>XX</i> devrait, un jour, se faire, ann&eacute;e par ann&eacute;e. On y
+insisterait sur les successives et gradu&eacute;es victoires des peintres du
+plein-air en Belgique. On y pourrait mettre &eacute;galement en relief la
+mani&egrave;re nouvelle dont les &oelig;uvres y furent pr&eacute;sent&eacute;es. Pour la premi&egrave;re
+fois on y juxtaposait toutes les pages d'un m&ecirc;me peintre. Et toutes
+s'&eacute;talaient &agrave; la rampe. Des tentures de fond harmonieuses &eacute;taient
+choisies. Des chiffres d'or d&eacute;coraient discr&egrave;tement les murs.</p>
+
+<p>Peu &agrave; peu les conf&eacute;rences s'inauguraient et bient&ocirc;t les auditions
+musicales. Le directeur des <i>XX</i>, Octave Maus, s'y employait avec z&egrave;le
+et go&ucirc;t. Les <i>XX</i> qui plus tard abandonn&egrave;rent leur titre au profit de
+celui de <i>Libre Esth&eacute;tique</i> devinrent ainsi un milieu de lutte pr&eacute;cieux.
+Le mois de f&eacute;vrier ou de mars qu'ils choisissaient, annuellement, pour
+se grouper, combattre et triompher fut un mois de joie violente et &acirc;pre.
+Bruxelles interrompait ou plut&ocirc;t cl&ocirc;turait par une f&ecirc;te intellectuelle
+l'ennui et la somnolence du morne hiver. L'art mettait avant, le
+printemps, une ardeur de renouveau dans les t&ecirc;tes. Et bient&ocirc;t dans
+toutes les capitales de l'Europe des salons, organis&eacute;s d'apr&egrave;s celui qui
+s'ouvrait, chaque ann&eacute;e, chez nous, multipli&egrave;rent les batailles et les
+triomphes des peintres et des sculpteurs hardis et r&eacute;volutionnaires.
+Munich, Vienne, Berlin, La Haye, Paris, toutes ces villes eurent des
+<i>Libres Esth&eacute;tiques</i> dont elles changeaient simplement le nom.</p>
+
+<p>Ensor est le premier de tous nos peintres qui fit de la peinture
+vraiment claire. Il substitua l'&eacute;tude de la forme &eacute;pandue de la lumi&egrave;re
+&agrave; celle de la forme emprisonn&eacute;e des objets. Cette derni&egrave;re est violent&eacute;e
+par lui, hardiment. Tout est sacrifi&eacute; au ton solaire, surtout le dessin
+photographique et banal. A ceux qui, devant ses &oelig;uvres, vaticinent: &laquo;ce
+n'est pas dessin&eacute;&raquo;, Ensor peut r&eacute;pondre: &laquo;c'est mieux que &ccedil;a&raquo;.</p>
+
+<p>Son influence fut notable sur ses amis. A part Fernand Khnopff&mdash;et
+encore dans sa toile <i>En &eacute;coutant du Schumann</i> a-t-il peint le tapis en
+se souvenant de l'<i>Apr&egrave;s-midi &agrave; Ostende</i>&mdash;tous subirent plus ou moins la
+fascination de son art. Ceux qui s'en garaient le plus, Van
+Rysselberghe, Schlobach, de Regoyos, Charlet parlaient de lui avec une
+admiration aigu&euml;. Ils sentaient sa force; ils ne tarissaient point sur
+les dons qu'il manifestait, et hautement le proclamaient le plus beau
+peintre du groupe entier.</p>
+
+<p>Mais d'autres, tels que Finch et Toorop, se montr&egrave;rent attentifs, non
+pas &agrave; son enseignement&mdash;James Ensor n'en donna jamais&mdash;mais &agrave; sa fa&ccedil;on
+nouvelle de traiter et de vivifier les couleurs. Il fut leur ma&icirc;tre sans
+qu'il le voul&ucirc;t et peut-&ecirc;tre sans qu'ils le sussent. Ils &eacute;taient
+compagnons, se rencontraient sans cesse, se montraient l'un &agrave; l'autre le
+travail du jour, causaient de l'&oelig;uvre en train, discutaient,
+s'exaltaient. Finch, flegmatique et silencieux, observait, certes, plus
+qu'il ne parlait, mais ses yeux prenaient part mieux que ne l'e&ucirc;t fait
+sa langue aux entretiens du soir en face de la toile, humide encore.</p>
+
+<p>La nature complexe et curieuse de Toorop s'assimila facilement les
+proc&eacute;d&eacute;s et les techniques. Sa <i>Dame en blanc</i> fut un magnifique hommage
+rendu &agrave; l'art merveilleux de son ami.</p>
+
+<p>Faut-il ajouter que, depuis ces temps lointains, Toorop et Finch se sont
+d&eacute;gag&eacute;s de l'amicale influence et que leur art d'aujourd'hui est &agrave; eux
+seuls. A part cette domination temporaire, James Ensor n'en a gu&egrave;re
+exerc&eacute;e. On le comprend du reste. Sa personnalit&eacute; n'est pas assez
+purement flamande pour influencer longuement et d&eacute;cisivement les
+artistes d'ici. Et Finch et Toorop &eacute;taient eux-m&ecirc;mes l'un Anglais,
+l'autre Javanais.</p>
+
+
+
+<hr style="width: 65%;" />
+<h3><a name="III" id="III"></a>III.</h3>
+
+<h3>LES TOILES</h3>
+
+
+<p>C'est de 1880 &agrave; 1885 que James Ensor produisit ses toiles les plus
+belles. Son &oelig;uvre n'est point une moisson d'&eacute;t&eacute; ni une vendange
+d'automne; c'est avant tout une germination de printemps. Sa force libre
+jusqu'&agrave; l'exc&egrave;s, sa personnalit&eacute; violente jusqu'&agrave; l'exasp&eacute;ration, son
+ind&eacute;pendance superbe et outranci&egrave;re lui ont fait une jeunesse admirable.
+Il cr&eacute;ait abondamment, surabondamment m&ecirc;me, avec acuit&eacute;. Avant que la
+critique nombreuse se f&ucirc;t acharn&eacute;e sur lui, il avait produit, d&eacute;j&agrave;, tout
+ce qui plus tard devait susciter la bienveillance ou la haine. Il n'a
+donc pu donner ni &agrave; la louange ni au bl&acirc;me le temps d'avoir prise sur
+lui ni de modifier en quoi que ce f&ucirc;t son travail. L'&eacute;closion de son
+talent fut comme une explosion. D'un coup, il apparut presque en toute
+sa stature.</p>
+
+<p>Il d&eacute;bute en 1879 par peindre son <i>Propre portrait</i>; il y joint deux
+compositions: <i>Judas lan&ccedil;ant l'argent dans le Temple</i> et <i>Oreste
+tourment&eacute; par les Furies</i>; puis d&egrave;s 1880 apparaissent <i>le Lampiste</i>
+(expos&eacute; &agrave; <i>l'Essor</i> en 1883 et aux <i>XX</i> en 1884) et <i>la Coloriste</i>, deux
+toiles o&ugrave; tout son art est affirm&eacute;, et ce merveilleux <i>Flacon bleu</i>
+qui demeure peut-&ecirc;tre la plus &eacute;tonnante nature-morte qu'il ait sign&eacute;e.
+Oh le merveilleux morceau! Une table grossi&egrave;re supporte un poulet plum&eacute;,
+minable, douloureux, dont le cou pend dans le vide et dont la chair aux
+tons verd&acirc;tres inqui&egrave;te. Largement, par ci, par l&agrave;, &agrave; coups de couteau,
+la couleur est &eacute;tendue. La main qui construit et peint avec une telle
+solidit&eacute;, avec une telle prestesse semble d&eacute;j&agrave; celle d'un ma&icirc;tre. Et
+l'&oelig;il qui voit et qui pr&eacute;cise le ton magnifique et choisi de la
+bouteille conna&icirc;t d&eacute;j&agrave; toute la force et la raret&eacute; d'un ton. Certes, la
+composition est absente: ce n'est qu'un morceau amoureusement trait&eacute;; ce
+n'est qu'un coin de cuisine montr&eacute; sous un &eacute;clairage propice, mais que
+de vie lumineuse, que de splendeur, que d'&eacute;clat! Aucune nature-morte
+c&eacute;l&egrave;bre ne s'interpose ici entre l'&oelig;uvre et l'admiration du passant.
+Tout est neuf, spontan&eacute;, patent, d&eacute;finitif. O&ugrave; donc a-t-il &eacute;t&eacute; &eacute;duqu&eacute; le
+regard qui voit ces pauvres et quotidiens objets comme personne ne les a
+vus jamais? Renferme-t-il en lui m&ecirc;me une subtilit&eacute;, une d&eacute;licatesse
+inconnues ou bien le spectacle de la mer que le peintre a sans cesse
+devant les yeux et qui s'offre &agrave; lui avec ses d&eacute;sinences infinies de
+teintes &agrave; chaque heure du jour&mdash;aubes, midis et soirs&mdash;a-t-il dou&eacute;
+l'artiste d'un sens extraordinaire?</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 467px;">
+<a name="Lampiste" id="Lampiste"></a>
+<img src="images/ensor_10_lampiste_02.jpg" width="467" alt="Lampiste&mdash;1880. (Mus&eacute;e de Bruxelles)" title="" />
+<span class="figcap">Lampiste&mdash;1880. (Mus&eacute;e de Bruxelles)</span>
+</div>
+
+<p><i>Le lampiste</i> qui d&eacute;core, &agrave; cette heure, le Mus&eacute;e moderne de Bruxelles
+est tr&egrave;s simple d'arrangement. Sur fond gris, un gamin, tout entier
+habill&eacute; de noir, tient en main une lanterne de cuivre. Il la regarde et
+le verre et le m&eacute;tal brillent. On pourrait dire que le sujet du tableau
+existe dans la couleur elle-m&ecirc;me. Ces larges masses grises et noires
+qu'animent les quelques d&eacute;tails jaunes du lumignon r&eacute;alisent comme un
+conflit apais&eacute;. Du reste tout tableau n'est-il pas une sorte de combat?
+Les tubes se pr&eacute;sentent avec leur violence et leur diversit&eacute; de couleurs
+comme charg&eacute;s de mitraille dangereuse. Si le peintre n'en calcule point
+la force, s'il les laisse d&eacute;tonner, sans discipliner leur vacarme, s'il
+ne les contient d'un c&ocirc;t&eacute; pour leur mieux donner carri&egrave;re de l'autre, la
+bataille qu'il livre sera irr&eacute;m&eacute;diablement perdue. Il faut qu'il pr&eacute;voie
+ce que les orang&eacute;s voisinant avec les bleus, ou les verts avec les
+rouges, ou les jaunes avec les violets, donneront d'&eacute;clat. Il faut qu'il
+juge comment les teintes transitoires att&eacute;nueront tel ou tel choc de
+couleurs trop hardies. Il faut qu'il sache ce qu'un ton franc pos&eacute; &agrave; tel
+endroit apporte de d&eacute;sordre ou de vie dans l'ensemble. Il existe une
+fa&ccedil;on l&acirc;che de peindre, gr&acirc;ce au blaireautage, qui escamote les
+difficult&eacute;s et affadit l'art. Ce proc&eacute;d&eacute; veule et funeste, Ensor ne le
+conna&icirc;tra jamais.</p>
+
+<p>L'&eacute;clat de la lanterne que le lampiste tient en ses mains rayonne
+franchement mais sans brutalit&eacute;; les noirs sur lesquels l'objet lumineux
+se d&eacute;tache le soutiennent par leur vigueur sombre; il n'y a aucun heurt,
+il n'y a que de l'audace heureuse.</p>
+
+<p><i>La Coloriste</i> est d'un jeu de couleurs plus abondant que le <i>Lampiste</i>.
+Une femme en blanc est assise dans un atelier &eacute;clair&eacute; par une fen&ecirc;tre.
+Des &eacute;toffes, des vases et des &eacute;crans l'entourent. Cette toile fut
+montr&eacute;e &agrave; la <i>Chrysalide</i> en 1881. Ce Cercle d&eacute;j&agrave; ancien et dont le lieu
+d'exposition s'ouvrait salle Janssens (rue du Gentilhomme, alors rue du
+Petit &Eacute;cuyer), avait &agrave; sa t&ecirc;te des ma&icirc;tres: Louis Dubois, Artan, Vogels,
+Rops, Pantazis et d'autres. On y cultivait une peinture aux qualit&eacute;s
+solides, faite au couteau et qu'on pr&eacute;tendait sortie ou plut&ocirc;t d&eacute;riv&eacute;e
+de la puissante et rayonnante esth&eacute;tique des anc&ecirc;tres. Cette opinion,
+certes, n'&eacute;tait point mensong&egrave;re, encore qu'il fall&ucirc;t convenir que ces
+puissants peintres qui, &agrave; juste titre, se r&eacute;clamaient de leur origine
+avaient tous regard&eacute; avec trop d'insistance les toiles du Franc-Comtois
+Courbet. Il est vrai que ce dernier aimait &agrave; s'arr&ecirc;ter longuement devant
+celles de Rubens, de Snyders et de Jordaens et que la peinture
+puissante et truculente, ferme et savoureuse, qu'il pr&ocirc;nait n'&eacute;tait
+autre que la peinture flamande elle-m&ecirc;me.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 392px;">
+<a name="Croquis_02" id="Croquis_02"></a>
+<img src="images/ensor_11_croquis_02.jpg" width="392" alt="CROQUIS." title="" />
+<span class="figcap">Croquis.</span>
+</div>
+
+<p>Dans la <i>Coloriste</i> la couleur n'est plus comme dans le <i>Lampiste</i>
+distribu&eacute;e par larges plans. Au contraire. Elle se divise, se diss&eacute;mine,
+se pars&egrave;me. Sans le tact d'Ensor la multiplicit&eacute; des verts, des rouges,
+des bleus, des jaunes aboutirait &agrave; quelque papillotage. Les &eacute;crans
+peints ne seraient qu'un assemblage de fus&eacute;es et le tableau mentirait &agrave;
+son titre. Mais le peintre a voulu que la <i>Coloriste</i> enseign&acirc;t ce que
+doit &ecirc;tre une toile bien venue. Sur un fond, o&ugrave; les roux et les gris
+&eacute;tablissent leurs accords profonds et solides, les tons clairs et
+multicolores chantent, avec justesse et vari&eacute;t&eacute;, leurs notes hautes et
+vives et chacune d'elles s'appuie, avant de s'&eacute;lancer vers la joie, sur
+le tremplin des vigoureuses sonorit&eacute;s fondamentales. L'ensemble tient de
+l'un &agrave; l'autre bout de la toile, les liens subtils, qui unissent les
+teintes entre elles comme les notes d'un page de musique heureusement
+&eacute;crite, se serrent et se nouent partout.</p>
+
+<p><i>La Musique russe</i> (Salon de Bruxelles, 1881 et les <i>XX</i>,
+1886)repr&eacute;sente le peintre Finch assistant &agrave; quelqu'audition musicale
+qu'une pianiste lui donne. L'&oelig;uvre est plus qu'un portrait. L'auditeur,
+assis sur une chaise, se croise les jambes, rejette l&eacute;g&egrave;rement le corps
+en arri&egrave;re, d&eacute;tourne aux trois quarts la t&ecirc;te et, dans cette pose
+attentive et tendue, &eacute;coute. Ce sont des gris d&eacute;licats rehauss&eacute;s ci et
+l&agrave; d'une couleur plus vive qui constituent l'harmonie en demi-teinte du
+tableau. Aucun accent violemment sonore, mais une succession de nuances
+et de touches assourdies comme si la musique fr&ecirc;le, &eacute;trange, att&eacute;nu&eacute;e
+qu'on est sens&eacute; entendre commandait &agrave; la peinture. La difficult&eacute;
+consistait &agrave; r&eacute;aliser, sans nuire &agrave; l'int&eacute;r&ecirc;t ni &agrave; la joie des yeux, cet
+art comme &agrave; demi-voix. Il fallait qu'on sentit le silence de cet
+appartement que troublent seuls quelques accords ou quelques chants et
+qu'&agrave; l'exemple de l'unique auditeur on y f&ucirc;t attentif.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 615px;">
+<a name="Musique_Russe" id="Musique_Russe"></a>
+<img src="images/ensor_12_musique_russe_02.jpg" width="615" alt="Musique Russe&mdash;1880. (Collection A. Boch)" title="" />
+<span class="figcap">Musique Russe&mdash;1880. (Collection A. Boch)</span>
+</div>
+
+<p>Et comme contraste &agrave; cet art discret et mesur&eacute;, voici qu'un peu plus
+tard, en 1883, Ensor, sous le titre: <i>Chinoiseries</i> peint en pleine
+clart&eacute; sonore quelques potiches remplies de pivoines. On ne sait ce
+qu'il faut louer le plus, ou bien la couleur laiteuse des tons bleus et
+blancs du vase, ou bien le dessin large et s&ucirc;r de son d&eacute;cor. Que ce soit
+le dessin cette fois, car jamais, me semble-t-il, l'artiste n'a mieux
+affirm&eacute; ce qu'est pour lui dessiner en peignant. La ligne, en cette
+&oelig;uvre franche et belle, est la couleur elle-m&ecirc;me. Elle ne vit pas d'une
+vie ind&eacute;pendante, elle cr&eacute;e en m&ecirc;me temps la forme et le ton et, si
+j'ose dire, l'ossature et la chair. Ceux qui pr&eacute;tendent qu'Ensor ignore
+la forme oublient sans cesse que le dessin de Rubens et de Delacroix est
+l'oppos&eacute; du dessin d'Ingres et de Rapha&euml;l. Ceux-ci ne font que remplir
+par des couleurs le vide laiss&eacute; entre les lignes trac&eacute;es d'avance;
+ceux-l&agrave; peignent d'abord et leur dessin r&eacute;sulte de la justesse des
+valeurs entre elles, ou si l'on veut, n'est que le r&eacute;sultat du jeu des
+ombres et des clart&eacute;s. C'est le coup de brosse, et non pas le crayon ou
+le fusain, qui &eacute;crit les formes si bien que dans leurs tableaux rien
+n'est dur, rien n'est d&eacute;coup&eacute;, rien n'est sec, rien n'est s&eacute;par&eacute; soit du
+fond, soit de l'objet voisin. Ils ne cernent pas des images; ils
+traduisent la vie.</p>
+
+<p>Bien plus. Les artistes lin&eacute;aires tels qu'Ingres et Rapha&euml;l ne
+s'embarassent ni des ombres ni surtout des reflets. Pour eux, les &ecirc;tres
+et les choses semblent n'exister que dans une sorte de vacuit&eacute;
+atmosph&eacute;rique. La lumi&egrave;re qui les baigne est toute artificielle et le
+vide semble seul les contenir. Chaque objet existe d'une vie solitaire.
+Il ne subit en rien la loi des interinfluences. Il appara&icirc;t, s'il est
+beau, d'une grandeur presque toujours st&eacute;rile. Il est jailli du
+raisonnement et de la pens&eacute;e; il ne l'est jamais&mdash;si je puis dire&mdash;d'une
+&eacute;motion sensuelle. Or, c'est pr&eacute;cis&eacute;ment cette joie de voir le monde
+entier s'&eacute;panouir dans la r&eacute;elle et mouvante lumi&egrave;re, qui suscite en
+quelques &ecirc;tres de choix le d&eacute;sir et bient&ocirc;t l'art de peindre. Ensor se
+range parmi eux. Nous verrons comme il tient compte de ces ombres et de
+ces reflets que d&eacute;daignait M. Ingres et comme il les rend na&iuml;vement,
+scrupuleusement, de peur d'enlever n'importe quel &eacute;l&eacute;ment de vie et de
+splendeur &agrave; la r&eacute;alit&eacute;.</p>
+
+<p>Les sujets les plus humbles le requi&egrave;rent. Voici qu'il peint <i>poissons,
+bouteilles, pommes</i>. Et voici qu'un simple <i>chou vert</i> (1880) pos&eacute; sur
+une table rouge lui fait faire un chef-d'&oelig;uvre. Une lumi&egrave;re nouvelle,
+qui s'affranchit soudain des oppositions violentes entre les avant-plans
+et les arri&egrave;re-plans, baigne cette merveilleuse nature-morte. Elle fut
+expos&eacute;e en 1884 au Cercle artistique de Bruxelles et l'an dernier (1907)
+au Salon d'automne de Paris. Elle n'y perdit rien de ces prestiges
+d'autrefois. Elle &eacute;tonna et charma autant que quelques superbes C&eacute;zanne
+rassembl&eacute;s en une salle voisine. Elle apparut &agrave; tous avec ses qualit&eacute;s
+de belle sagesse et de ma&icirc;trise. C'&eacute;tait l'&oelig;uvre devant laquelle on
+s'arr&ecirc;te et l'on revient. Le rouge de la table sonnait en m&ecirc;me temps que
+le vert du l&eacute;gume. Ces deux couleurs compl&eacute;mentaires n'&eacute;taient s&eacute;par&eacute;es
+que par une nappe blanche qui att&eacute;nuait la violence qu'aurait produite
+leur imm&eacute;diat voisinage. Chaque objet &eacute;tait peint &agrave; sa place, avec une
+s&ucirc;ret&eacute; parfaite. Rien ne violentait l'attention, mais chaque coup de
+pinceau la retenait. Et l'on songeait que le signataire de cette
+merveille fut qualifi&eacute;, jadis, par la critique, d'artiste iconoclaste et
+sauvage et l'on ne comprenait pas. C'est, du reste, le propre des &oelig;uvres
+vraiment fortes d'&eacute;tonner &agrave; leur apparition par leur soi-disant audace
+et de s'imposer apr&egrave;s quelques ann&eacute;es par leur absolue convenance.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 708px;">
+<a name="Le_Salon_bourgeois" id="Le_Salon_bourgeois"></a>
+<img src="images/ensor_13_le_salon_bourgeois_02.jpg" width="708" alt="Le Salon bourgeois&mdash;1881. (Collection Ernest Rousseau)" title="" />
+<span class="figcap">Le Salon bourgeois&mdash;1881. (Collection Ernest Rousseau)</span>
+</div>
+
+<p>Elles d&eacute;routent d'abord, elles ameutent et r&eacute;volutionnent. Mais, le jour
+qu'elles entrent dans les mus&eacute;es et qu'elles voisinent avec les pages
+solennelles des ma&icirc;tres et se trouvent enfin chez elles, en lieu s&ucirc;r,
+dans la compagnie qui leur convient, on est surpris, chaque fois, de les
+voir tr&egrave;s simplement continuer et rajeunir l'histoire de la beaut&eacute;.</p>
+
+<p>C'est dans le <i>Salon bourgeois</i> (1881) autant que dans <i>Musique russe</i>
+(1880) et plus tard dans la <i>Mangeuse d'hu&icirc;tres</i> (1882), qu'on peut
+constater combien l'art de James Ensor tient compte du r&ocirc;le, dans un
+tableau, des ombres et des reflets. &laquo;La lumi&egrave;re mange les objets&raquo;
+dit-il. Et en effet rien ne d&eacute;forme le contour et la ligne comme une
+brusque clart&eacute; frappant les surfaces. D&egrave;s que vous pr&eacute;tendez rendre ce
+que l'&oelig;il voit et non pas seulement ce que le raisonnement prouve, un
+meuble (table, piano, armoire, chaise) appara&icirc;t en perp&eacute;tuelle
+d&eacute;formation. Que la lumi&egrave;re s'accentue ou s'affaiblisse, qu'elle change
+ou se d&eacute;place, aussit&ocirc;t la r&eacute;alit&eacute; visuelle se modifie, alors que la
+r&eacute;alit&eacute; palpable demeure. Or c'est la r&eacute;alit&eacute; visuelle, c'est la
+tromperie et l'erreur de l'&oelig;il qu'il faut peindre puisque vous vous
+adressez aux yeux des spectateurs et non pas &agrave; leur toucher. Ce jeu sans
+cesse mouvant des ombres et des reflets, ces influences r&eacute;ciproques des
+choses interrompant soudain soit la ligne perpendiculaire d'un pied de
+table, soit les droites parall&egrave;les d'un panneau d'armoire, soit les
+courbes d'un dossier de chaise et d&eacute;rangeant ainsi tout le d&eacute;cor
+g&eacute;om&eacute;trique d'un appartement, s&eacute;duit le peintre moderne plus qu'il ne
+s&eacute;duisait les peintres anciens. Il ne s'en dissimule point la difficult&eacute;
+et l'affronte, d&ucirc;t son dessin para&icirc;tre vacillant et incertain, d&ucirc;t sa
+composition chavirer dans un apparent des&eacute;quilibre. Qu'on examine
+l'<i>Apr&egrave;s-d&icirc;ner &agrave; Ostende</i> ou la <i>Musique russe</i>, ou la <i>Mangeuse
+d'hu&icirc;tres</i>, l'on se rendra ais&eacute;ment compte de combien de dangers
+picturaux l'art d'Ensor est sorti vainqueur. Ce n'est, en ces trois
+toiles, qu'un entrem&ecirc;lement de lueurs et d'ombres, d'objets frapp&eacute;s de
+clart&eacute; soudaine &agrave; c&ocirc;t&eacute; d'autres rest&eacute;s voiles et la lumi&egrave;re qui glisse
+sur l'acajou, se r&eacute;pand sur les marbres, atteint les lustres, descend
+sur les tapis et se diss&eacute;mine partout. Si la clart&eacute; provoquait l'&eacute;cho,
+on n'entendrait, ici, que des r&eacute;percussions et des voix qui se
+r&eacute;pondent.</p>
+
+<p>Je me souviendrai toujours de l'&eacute;tonnement que je ressentis, il y a
+quelque vingt-cinq ans, &agrave; l'exposition de l'<i>Essor</i> (1882), devant un
+<i>portrait</i>&mdash;c'&eacute;tait celui de son p&egrave;re&mdash;qu'Ensor y exposait. La toile
+&eacute;tait accroch&eacute;e &agrave; la rampe pr&egrave;s d'une porte dans un des halls du
+Palais des Beaux-Arts, rue de la R&eacute;gence. Au milieu des &oelig;uvres jeunes
+qui sollicitaient par leur tapage et leur inexp&eacute;rience, celle-ci
+prof&eacute;rait on ne sait quoi de grave, d'appais&eacute; et de s&eacute;v&egrave;re. Elle &eacute;tait
+con&ccedil;ue par grands plans: des bleus, des noirs, des blancs r&eacute;alisaient sa
+tr&egrave;s simple harmonie. A droite, la clart&eacute;, tombant d'une fen&ecirc;tre &agrave;
+travers des rideaux p&acirc;les, baignait le front d'un homme qui lisait. Une
+chemin&eacute;e en marbre occupait le fond, &agrave; gauche. La figure &eacute;tait attentive
+&agrave; sa lecture. Et le silence r&eacute;gnait. La profondeur du ton, sa solidit&eacute;,
+sa force commentait seule l'intensit&eacute; de cette sc&egrave;ne. C'&eacute;tait donc par
+des moyens uniquement picturaux que l'attention &eacute;tait fix&eacute;e et
+l'impression produite. Aucune distraction n'&eacute;tait permise. C'&eacute;tait de la
+vie nue montr&eacute;e dans sa r&eacute;alit&eacute; quotidienne, sans plus.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 582px;">
+<a name="dame_en_detresse" id="dame_en_detresse"></a>
+<img src="images/ensor_14_dame_en_detresse_02.jpg" width="582" alt="Dame en d&eacute;tresse&mdash;1882." title="" />
+<span class="figcap">Dame en d&eacute;tresse&mdash;1882.</span>
+</div>
+
+<p><i>L'apr&egrave;s-midi &agrave; Ostende</i>&mdash;refus&eacute; en 1884 au Salon de Bruxelles&mdash;qui fut
+peint dans la m&ecirc;me ann&eacute;e que le <i>Portrait de mon p&egrave;re</i> (1881) nous
+attire, par contre, gr&acirc;ce &agrave; son charme abondant de tons vari&eacute;s. L'&eacute;toffe
+multicolore d'un tapis de table, les &eacute;clats m&eacute;talliques d'un foyer, la
+d&eacute;coration des lampes de la chemin&eacute;e, les jupes et les corsages des deux
+personnes assises face &agrave; face permettent au peintre le jeu d'une
+admirable harmonie sourde et comme &eacute;touff&eacute;e, malgr&eacute; la violence locale
+des objets, hauts en couleur. Tout ici est en sourdine. La distinction
+des tons est parfaite. Un authentique peintre flamand aurait fait sonner
+comme une fanfare et les cuivres et les aciers et les &eacute;toffes. Il y
+aurait eu heurt, choc et tintamarre. C'e&ucirc;t &eacute;t&eacute; une exaltation dans la
+force. Ensor a r&eacute;alis&eacute; un apaisement dans la d&eacute;licatesse. Mais pour que
+tout f&ucirc;t maintenu, avec pourtant son &eacute;clat et son ardeur propres, dans
+une sorte de paix g&eacute;n&eacute;rale et brill&acirc;t et scintill&acirc;t comme sous un voile,
+de quelle finesse, de quelle justesse, de quelle acuit&eacute; d'observation ne
+fallait-il point faire preuve?</p>
+
+<p>Au fur et &agrave; mesure que son &oelig;uvre se poursuivait et que ses <i>int&eacute;rieurs
+bourgeois,</i> ses <i>apr&egrave;s-d&icirc;ners &agrave; Ostende</i>, ses <i>portraits</i> lui
+assignaient comme t&acirc;che d'&eacute;tudier la lumi&egrave;re circulant dans les maisons
+&agrave; travers la baie des hautes fen&ecirc;tres, l'&oelig;il tr&egrave;s subtil du peintre ne
+pouvait s'emp&ecirc;cher de s'&eacute;mouvoir aussi de la clart&eacute; du dehors et surtout
+ne pouvait s'abstraire de la contemplation de la mer. Le paysage marin
+le requit d&egrave;s ses premiers travaux. Et voici l'<i>Estacade</i> et la <i>Mer
+grise</i> et la <i>Dame au brise-lame</i> (1880); et voici <i>Marine</i> (effet de
+soleil), la <i>Dune noire</i> (1881); et voici les deux <i>Marines</i> et le
+<i>Brise-lame</i> (1882); et voici <i>Dune</i> et <i>Mer</i> et <i>Marine</i> (l'apr&egrave;s-midi)
+(1883) et les <i>Barques</i> et la <i>Marine</i> (1884). Cette derni&egrave;re se
+distingue par sa belle teinte verd&acirc;tre et par son aspect de simplicit&eacute;
+et de grandeur. Un seul navire en sillonne l'&eacute;tendue et l'impression de
+l'immensit&eacute; se d&eacute;gage toute enti&egrave;re. Supposant &agrave; la <i>Marine</i> (1884)
+voici le <i>Coucher de soleil</i> (1885) dont l'horizon d&eacute;chiquet&eacute; de lueurs
+saumon&eacute;es et de nuages violets multiplie le ton et fait songer &agrave;
+quelqu'&eacute;norme oiseau de flamme qu'on d&eacute;plumerait, au bord de l'espace.
+La mer fut pour l'&oelig;il d'Ensor une admirable &eacute;ducatrice. Rien de plus
+tenu et de plus fr&ecirc;le que la coloration d'une vague avec ses infinies
+d&eacute;sinences, avec sa mobilit&eacute; lumineuse et myriadairement changeante.
+Quand elle s'&eacute;pand au soleil sur le sable micass&eacute; de la gr&egrave;ve, les
+tons les plus purs et les plus clairs des toiles les plus c&eacute;l&egrave;bres
+semblent grossiers et troubles.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 750px;">
+<a name="Les_soudards_debandes" id="Les_soudards_debandes"></a>
+<img src="images/ensor_15_les_soudards_debandes_02.jpg" width="750" alt="Les soudards d&eacute;band&eacute;s (1892)." title="" />
+<span class="figcap">Les soudards d&eacute;band&eacute;s (1892).</span>
+</div>
+
+<p>En 1882, James Ensor ach&egrave;ve le <i>Pouilleux</i>, la <i>Dame en d&eacute;tresse</i>, la
+<i>Dame au ch&acirc;le bleu</i> et la <i>Mangeuse d'hu&icirc;tres</i>.</p>
+
+<p>La premi&egrave;re de ces quatre &oelig;uvres fut expos&eacute;e en 1883 &agrave; l'<i>Essor</i> et fut
+acquise pour le mus&eacute;e d'Ostende. Elle indique une orientation nouvelle
+dans le choix des sujets. Le <i>Pouilleux</i> sera suivi bient&ocirc;t par les
+<i>Masques scandalis&eacute;s</i> (1883), et ceux-ci ouvriront &agrave; l'artiste une voie
+&eacute;trange o&ugrave; pendant longtemps son imagination se complaira. Le
+<i>Pouilleux</i> est pris dans la r&eacute;alit&eacute; quotidienne. Il a tra&icirc;n&eacute; son corps
+et sa guenille sur les quais. Il se peut que jadis il f&ucirc;t p&ecirc;cheur: son
+teint basan&eacute; et son &oelig;il vif furent certes lustr&eacute;s par la mer. Le voici
+dans un morne logis, assis pr&egrave;s d'un po&ecirc;le, les sabots rapproch&eacute;s du
+feu. Il regarde et ses traits prof&egrave;rent on ne sait quelle vague
+goguenardise.</p>
+
+<p><i>La Dame en d&eacute;tresse</i> qu'on admirait en 1886 &agrave; l'exposition des <i>XX</i>
+repr&eacute;sente une femme couch&eacute;e sur un lit. Un jour ardent p&eacute;n&egrave;tre &agrave;
+travers des rideaux fauves. L'affaissement du corps, son abattement, est
+admirablement rendu. Cette longue ligne horizontale commande au tableau.
+Quelque chose d'inqui&eacute;tant &eacute;mane de la sc&egrave;ne. Certes peut-on songer &agrave;
+quelque drame. Mais il est toujours facile et trop facile de faire, &agrave;
+propos des &oelig;uvres picturales, des r&eacute;flexions gratuitement litt&eacute;raires.
+Il s'en faut garder, quand l'&eacute;vidence ne les fournit point.</p>
+
+<p>Oh l'admirable t&acirc;che que celle du ch&acirc;le de la <i>Dame au ch&acirc;le bleu</i>. D&eacute;j&agrave;
+dans le <i>Flacon bleu</i> (1880) cette couleur fut propice au peintre. Elle
+lui a confi&eacute;, peut-on dire, ses secrets les plus cach&eacute;s. Certes, aucune
+couleur n'existe par elle m&ecirc;me. Elle emprunte sa sonorit&eacute; soit &agrave;
+l'ambiance, soit directement au ton voisin. Qu'importe! Certaines
+profondeurs, certains &eacute;clats, certaines violences heureuses de ce
+fragment du spectre n'auront &eacute;t&eacute; connus et rendus que par Ensor.</p>
+
+<p>Voici une page capitale: la <i>Mangeuse d'hu&icirc;tres.</i> C'est la seule &oelig;uvre
+dont il ait fait une r&eacute;plique. Elle fut en 1882 refus&eacute;e au <i>Salon
+d'Anvers</i>; en 1883 elle ne fut point admise &agrave; l'<i>Essor</i>. Ce n'est qu'en
+1886 qu'elle s'&eacute;panouit, &agrave; la cimaise, aux <i>XX</i>. Elle y fit scandale. Je
+me souviens encore des col&egrave;res qu'elle d&eacute;cha&icirc;na. On ne voulut voir en
+cette merveille que les d&eacute;fauts, n&eacute;cessaires, peut-&ecirc;tre, en tous cas
+secondaires; et chacun, comme s'il &eacute;tait heureux de bl&acirc;mer,
+d'&eacute;clabousser et de nier, pi&eacute;tinait dans le parti-pris, se refusait &agrave;
+toute louange et tournait le dos &agrave; la plus &eacute;l&eacute;mentaire justice.</p>
+
+<p>Et pourtant ce tableau imposera sa date dans notre &eacute;cole. Comme le
+peintre s'y affranchit des fonds sombres et quelquefois opaques pour
+hardiment n'employer que des tons francs et quasi purs! Quelle joie,
+quelle f&ecirc;te, quelle liesse de couleurs r&eacute;pandues sur la table o&ugrave; la
+mangeuse a pris place! Bouteilles, verres, assiettes, citrons, vins,
+liqueurs s'influencent, se p&eacute;n&egrave;trent de lueurs, entrent pour ainsi dire
+les uns dans les autres et maintiennent quand m&ecirc;me, triomphantes, la
+solidit&eacute; et la rigueur de leurs formes. Et cette admirable note rouge
+que jette la reliure d'un livre plac&eacute; sur une tablette dans le fond de
+la toile! Et la belle chair vivante des mains et du visage. Et les plis
+bleu&acirc;tres de la nappe et tout enfin.</p>
+
+<p>Certes, depuis qu'il peignait, James Ensor avait banni de sa palette la
+<i>terre de Sienne br&ucirc;l&eacute;e</i> et le <i>noir de vigne</i>; certes, depuis toujours,
+il s &eacute;tait d&eacute;fi&eacute; de ce qu'on appelait &laquo;les vigueurs&raquo; obtenues par l'abus
+des mauvaises et fuligineuses couleurs; certes enfin, il s'&eacute;tait souci&eacute;
+d'atmosph&egrave;re, d'air ambiant et de r&eacute;elle et authentique clart&eacute;, mais
+jamais comme en cette &eacute;tonnante <i>Mangeuse d'hu&icirc;tres</i> ses efforts
+n'avaient abouti, ni sa victoire port&eacute; la flamme de ses drapeaux aussi
+haut, ni aussi loin. L'&oelig;uvre rev&ecirc;t je ne sais quel caract&egrave;re historique.
+C'est le premier tableau, vraiment clair, qu'on fit chez nous.</p>
+
+<p><i>La Mangeuse d'hu&icirc;tres</i>, sur l'escalier tournant de l'art d'Ensor,
+semble s'&eacute;taler sur un large et triomphal palier. Aux yeux du peintre
+pourtant, elle est moins encore un point d'arriv&eacute;e qu'un point de
+d&eacute;part. Comme le <i>chou</i> datant de 1880, elle lui ouvre l'&egrave;re de la
+peinture &agrave; tons purs ou quasi purs. Mais Ensor est celui qui cherche
+toujours. Il suit, peut-on dire, plusieurs chemins &agrave; la fois. Il ne se
+d&eacute;tourne ni de la mer, ni du paysage, ni de la nature-morte. Le voici
+qui parach&egrave;ve, en 1883 et 1884, les <i>Toits d'Ostende, Grande vue
+d'Ostende, le Nuage blanc, le Houx, la Dune, Vue de Bruxelles</i>. Et les
+<i>Pochards</i> et les <i>Masques scandalis&eacute;s</i> et le <i>Meuble hant&eacute;</i> le
+retiennent en m&ecirc;me temps au royaume de la fantaisie et de
+l'hallucination.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 479px;">
+<a name="Pouilleux_indispose_se_chauffant" id="Pouilleux_indispose_se_chauffant"></a>
+<img src="images/ensor_16_pouilleux_indispose_se_chauffant.jpg" width="479" alt="Pouilleux indispos&eacute; se chauffant&mdash;1882. (Mus&eacute;e
+d&#39;Ostende)" title="" />
+<span class="figcap">Pouilleux indispos&eacute; se chauffant&mdash;1882. (Mus&eacute;e
+d&#39;Ostende)</span>
+</div>
+
+<p>Et voici dans la toile le <i>Christ marchant sur la mer</i> qu'une voie
+nouvelle semble s'ouvrir encore. Un souci de composition particulier
+s'accuse. Prenant comme th&egrave;mes quelques sujets bibliques, le peintre
+se hausse soudain jusqu'au r&ocirc;le de visionnaire. Les personnages
+n'occupent, dans mainte de ses toiles &eacute;tonnantes, qu'un place minime. A
+premi&egrave;re vue on ne les y distingue gu&egrave;re. Il les y faut chercher. Ils
+paraissent faire partie des &eacute;l&eacute;ments: vents, nuages, flots, soleils. Les
+ma&icirc;tres anciens donnaient invariablement dans leurs &oelig;uvres la place
+pr&eacute;pond&eacute;rante aux actions humaines. Dans le d&eacute;ploiement des l&eacute;gendes &agrave;
+travers la peinture universelle, les Dieux et les hommes existent seuls.
+Mais au fur et &agrave; mesure que l'id&eacute;e de force s'est d&eacute;plac&eacute;e et modifi&eacute;e
+et que l'humanit&eacute; comprend que l'&ecirc;tre humain n'est qu'un tourbillon de
+pens&eacute;e emport&eacute;e dans le vertige des puissances cosmiques, l'importance
+de ses gestes a d&eacute;cru.</p>
+
+<p><i>Le Christ marchant sur la mer</i> est con&ccedil;u d'apr&egrave;s les m&ecirc;mes pens&eacute;es.
+C'est la mer, c'est le ciel qui remplissent de leur immensit&eacute; la toile
+enti&egrave;re. A peine une aur&eacute;ole, &agrave; peine une lueur se d&eacute;gageant d'une forme
+vague, indique-t-elle le prodigue.</p>
+
+<p>Dans <i>Adam et Eve chass&eacute;s du Paradis</i> (1887) ces pr&eacute;c&eacute;dentes remarques
+se v&eacute;rifient mieux encore. La page est merveilleuse. Les cieux remu&eacute;s de
+miracles tonnants et foudroyants occupent &agrave; peu pr&egrave;s toute la toile. Des
+trombes de vents passent, des lueurs formidables apparaissent, tout le
+vertige de l'atmosph&egrave;re est rendu. Vraiment, c'est une col&egrave;re c&eacute;leste
+qui se gonfle, qui voyage et qui &eacute;clate. L'ange exterminateur semble
+&ecirc;tre &agrave; lui seul toute la nu&eacute;e. A droite, avec des mouvements de fuite et
+de terreurs et comme br&ucirc;l&eacute;s par l'&eacute;p&eacute;e vengeresse, apparaissent Adam et
+Eve. Ils sont l&agrave;, dans le coin de la toile, presque indistincts, roul&eacute;s
+comme des &eacute;paves, tandis que seul l'orage que leur mis&egrave;re et leur
+fragilit&eacute; ont suscit&eacute;, occupe les quatre points de l'espace.</p>
+
+<p>L'effet surnaturel est produit sans que la couleur se m&eacute;lodramatise de
+violentes oppositions de noirs et de clairs. La tonalit&eacute; g&eacute;n&eacute;rale reste
+lumineuse, magnifiquement. On y surprend quasi de la d&eacute;licatesse. Mais
+les lignes tumultueuses sont bien appropri&eacute;es au sujet et la fougue des
+touches &eacute;merveille.</p>
+
+<p>En 1891 le <i>Christ apaisant la temp&ecirc;te</i> continue la s&eacute;rie des &oelig;uvres
+l&eacute;gendaires. Le ciel et la mer, qui se rejoignent &agrave; l'horizon, se
+pr&eacute;sentent en cette toile comme un &eacute;norme coquillage bivalve qui serait
+entr'ouvert et dont les deux parois internes contiendraient les nu&eacute;es et
+les eaux. Le personnage, invariablement &agrave; droite du tableau, comme dans
+le <i>Christ marchant sur les eaux</i> et dans <i>Adam et Eve chass&eacute;s du
+Paradis</i>, indique chez le peintre un souci de composition presque
+uniforme. La science, l'&eacute;quilibre, le prolongement heureux des
+arabesques, tout ce qui constitue la combinaison &eacute;tudi&eacute;e et heureuse ne
+l'inqui&egrave;tent gu&egrave;re. Il voit d'un coup, comme si quelque brusque rideau
+s'ouvrait, et il rend ce qu'il voit, sans plus. C'est ainsi que
+proc&egrave;dent les voyants.</p>
+
+<p>On peut rattacher &agrave; ce cort&egrave;ge de paysages anim&eacute;s de l&eacute;gende et
+d'histoire quelques autres pages: <i>le Feu d'artifice</i> (1887) et <i>le
+Domaine d'Arnheim</i> (1890).</p>
+
+<p>Une gerbe jaune, immense se projette sur un ciel bleu fonc&eacute; comme si
+tout &agrave; coup s'ouvrait un crat&egrave;re. Effet tr&egrave;s simple. On dirait que la
+fureur des temp&ecirc;tes calm&eacute;es par le Christ marchant sur les eaux ou la
+col&egrave;re des cieux se d&eacute;cha&icirc;nant sur Adam et Eve subsistent encore dans
+l'esprit du peintre.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 564px;">
+<a name="Le_Terrassier" id="Le_Terrassier"></a>
+<img src="images/ensor_17_le_terrassier.jpg" width="564" alt="Le Terrassier&mdash;1882." title="" />
+<span class="figcap">Le Terrassier&mdash;1882.</span>
+</div>
+
+<p>Quant au <i>Domaine d'Arnheim</i> il suscite devant les yeux un bois profond
+que baigneraient des flots calmes. Une barque les sillonne. Le titre,
+fourni par Edgar Poe importe, bien qu'on l'ait trouv&eacute; inutile. Il nous
+transporte hors de la r&eacute;alit&eacute;, vers quelque lieu illusoire et magnifique
+o&ugrave; r&egrave;gnerait un calme d'or parmi des &icirc;les d'ombre majestueuse, touffue
+et silencieuse. Quand il composa le <i>Domaine d'Arnheim</i>, l'esprit du
+peintre s'&eacute;tait de plus en plus retir&eacute; de la contingence quotidienne; il
+commen&ccedil;ait &agrave; vivre en plein monde imaginaire; il &eacute;tait d&eacute;j&agrave; hant&eacute;. C'est
+&agrave; ces dispositions spirituelles qu'est due la mani&egrave;re de traiter ce
+paysage. On peut croire en effet que ce morceau de nature est tout
+entier arrach&eacute; &agrave; l'imagination ou bien que, l&agrave; bas, quelque part au bout
+du monde, sous un ciel inconnu, il s'&eacute;tale et fleurit, sans que jamais
+quelqu'un, &agrave; part son myst&eacute;rieux visiteur, ne l'ait parcouru. Plus tard,
+bient&ocirc;t, ces &icirc;les, ces eaux et ces jardins seront, gr&acirc;ce au r&ecirc;ve de
+James Ensor, peupl&eacute;s de masques et de pierrots et d'arlequins et de
+colombines. Ils s'intituleront alors le <i>Th&eacute;&acirc;tre des masques</i>. Et ce
+seront ses <i>F&ecirc;tes galantes</i> &agrave; lui, certes moins charmantes que celles de
+Watteau, mais plus folles, plus fusantes, plus papillotantes et plus
+fi&eacute;vreuses.</p>
+
+<p>Continuant, apr&egrave;s la <i>Mangeuse d'hu&icirc;tres</i>, sa marche vers la clart&eacute; et
+s'attardant non plus dans le r&ecirc;ve et la l&eacute;gende mais dans la r&eacute;alit&eacute;
+v&eacute;cue et quotidienne, Ensor propose &agrave; notre admiration les <i>Enfants &agrave;
+la toilette</i> (1886). Et c'est dans une chambre, deux enfants nus, l'un
+debout, l'autre assis, que la lumi&egrave;re, tamis&eacute;e &agrave; travers les rideaux,
+baigne. L'atmosph&egrave;re est ambr&eacute;e, fr&ecirc;le, douce, chantante. Les chairs
+roses, d&eacute;licatement, s'&eacute;talent dans un jour dor&eacute; sans qu'aucune
+brutalit&eacute;, aucun heurt, aucune dissonance ne dissipe l'impression de
+calme et de fra&icirc;cheur et d'innocence qui &eacute;mane de la toile. La <i>Mangeuse
+d'hu&icirc;tres</i> prof&eacute;rait des tons pleins, entiers, majeurs; les <i>Enfants &agrave;
+la toilette</i> n'&eacute;mettent au contraire que des tons att&eacute;nu&eacute;s, assourdis et
+mineurs. Mais si l'on tient compte de l'aigu&euml; difficult&eacute; que les
+peintres rencontrent &agrave; faire jaillir, non pas de l'opposition ni du
+contraste, mais d'un assemblage de teintes voisines, la lumi&egrave;re, les
+<i>Enfants &agrave; la toilette</i> &eacute;tonneront plus encore que la <i>Mangeuse
+d'hu&icirc;tres</i>. La clart&eacute; appara&icirc;t diffuse, elle ne s'accroche &agrave; rien, elle
+ne fait aucune saillie; elle glisse sur les meubles, les tapis et les
+chairs. La transparence des stores baiss&eacute;s est parfaite. Jadis avec des
+tons profonds et noirs, Ensor r&eacute;solvait dans l'<i>Apr&egrave;s midi &agrave; Ostende</i> un
+probl&egrave;me analogue. Tout y &eacute;tait fort et discret, dans l'ombre. Ici tout
+est fort et discret, dans la clart&eacute;.</p>
+
+<p>Enfin voici une toile, toute en tons purs cette fois et toute en
+violence, o&ugrave; la r&eacute;alit&eacute; se m&ecirc;le &agrave; la fantaisie, o&ugrave; les deux routes
+suivies par l'artiste se rejoignent. La page est intitul&eacute;e <i>Le Christ
+faisant son entr&eacute;e &agrave; Bruxelles</i>. Elle ne fut jamais expos&eacute;e. La
+date?&mdash;1888. C'&eacute;tait le temps o&ugrave; les n&eacute;o-impressionnistes ameutaient les
+ateliers parisiens. Georges Seurat avec sa th&eacute;orie de la d&eacute;composition
+lumineuse ou de la division du ton apportait vraiment dans l'art de son
+temps un proc&eacute;d&eacute; in&eacute;dit. On l'invitait aux <i>XX</i>. Ses toiles y faisaient
+scandale. L'&eacute;volution lente de l'impressionnisme semblait comme
+suspendue au profit d'une r&eacute;volution soudaine. De nombreuses conversions
+esth&eacute;tiques eurent lieu. Ce fut une sorte de cataclysme magnifique.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 488px;">
+<a name="Croquis_03" id="Croquis_03"></a>
+<img src="images/ensor_18_croquis_03.jpg" width="488" alt="Croquis." title="" />
+<span class="figcap">Croquis.</span>
+</div>
+
+<p>La grande part de v&eacute;rit&eacute; que Seurat apportait ne put laisser insouciant
+un esprit aussi attentif et aussi inquiet que celui de James Ensor.
+Toutefois, apr&egrave;s r&eacute;flexion, il n'adopta point les th&eacute;ories nouvelles et
+voici les raisons qu'il en donne.</p>
+
+<p>&laquo;Les recherches des pointillistes m'ont laiss&eacute; indiff&eacute;rent: ils n'ont
+cherch&eacute; que la vibration de la lumi&egrave;re. En effet ils appliquent
+froidement et m&eacute;thodiquement leurs pointillages entre des lignes
+correctes et froides. Ce proc&eacute;d&eacute; uniforme et trop restreint d&eacute;fend
+d'ailleurs d'&eacute;tendre les recherches et de l&agrave; r&eacute;sulte une impersonnalit&eacute;
+absolue dans leurs &oelig;uvres, si bien que les pointillistes n'atteignent
+que l'un des c&ocirc;t&eacute;s de la lumi&egrave;re: la vibration, sans aboutir &agrave; donner sa
+forme. Mes recherches et ma vision &agrave; moi s'&eacute;loignent de la vision de ces
+peintres et je crois &ecirc;tre un peintre d'exception.&raquo;</p>
+
+<p>Ne retenons de ces lignes que la derni&egrave;re affirmation. Qu'Ensor soit un
+peintre d'exception, rien n'est plus juste. Sa nature est trop sp&eacute;ciale
+pour que jamais elle lui permette d'&ecirc;tre d'un groupe. Le
+n&eacute;o-impressionnisme exigeait une discipline, portait en lui un
+enseignement, &eacute;laborait un programme. D&egrave;s ce moment le peintre ne le
+pouvait admettre. Ce qui caract&eacute;rise la personnalit&eacute; d'Ensor c'est le
+libre-vouloir. Sit&ocirc;t qu'un d&eacute;sir lui vient, il le satisfait. Sa t&ecirc;te est
+une chambre ouverte o&ugrave; tant&ocirc;t les id&eacute;es, tant&ocirc;t les r&ecirc;ves, tant&ocirc;t les
+folies, s'installent. Et le n&eacute;o-impressionnisme lui apparaissait comme
+une prison.</p>
+
+<p>Mais, tout en tournant le dos &agrave; l'esth&eacute;tique de Seurat, il voulut, lui
+aussi, se signaler par de tr&egrave;s nettes audaces. Il ne pouvait nier
+d'ailleurs que la nouvelle &eacute;cole, plus qu'aucune autre, ne purifi&acirc;t la
+vision. Les couleurs dont elle pr&eacute;conisait l'emploi &eacute;taient les couleurs
+m&ecirc;mes du prisme, les couleurs vierges, primitives, intactes. Toute
+l'ancienne palette &eacute;tait comme abolie et le spectre solaire prenait sa
+place. La virginit&eacute; totale du ton devint un objet de conqu&ecirc;te. D&eacute;j&agrave;
+Turner, et &agrave; sa suite tous les impressionnistes, s'&eacute;taient essay&eacute; &agrave;
+cr&eacute;er cette virginit&eacute; et &agrave; l'imposer &agrave; leur &oelig;uvre; ils s'y &eacute;taient pris
+empiriquement, en se fiant &agrave; la subtilit&eacute; et &agrave; la d&eacute;licatesse de leur
+&oelig;il. Les nouveaux-venus, jugeant cette conqu&ecirc;te incompl&egrave;te, purifi&egrave;rent
+en quelque sorte cette puret&eacute; h&eacute;sitante et t&acirc;tonnante et gr&acirc;ce aux
+d&eacute;couvertes scientifiques la proclam&egrave;rent certaine et s&ucirc;re. Et leurs
+toiles &eacute;taient en effet lustrales plus que nulle autres. On e&ucirc;t dit
+qu'elles portaient en elles la gr&acirc;ce d'un &eacute;clatant et violent bapt&ecirc;me.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 440px;">
+<a name="La_Sorciere" id="La_Sorciere"></a>
+<img src="images/ensor_19_la_sorciere.jpg" width="440" alt="La Sorci&egrave;re&mdash;1883. (Collection Edgar Picard)" title="" />
+<span class="figcap">La Sorci&egrave;re&mdash;1883. (Collection Edgar Picard)</span>
+</div>
+
+<p>Dans son <i>Entr&eacute;e du Christ &agrave; Bruxelles</i> on peut croire qu'&agrave; son tour,
+comme pour d&eacute;fier le n&eacute;o-impressionnisme, Ensor ait voulu rebaptiser sa
+peinture. Il en a augment&eacute; encore et vivifi&eacute; la clart&eacute;. Et les
+principales &eacute;tapes qu'il suivit pour aboutir &agrave; cette victoire furent,
+comme nous l'avons dit, le <i>Chou</i> (1880), la <i>Mangeuse d'hu&icirc;tres</i> (1882)
+et les <i>Enfants &agrave; la toilette</i> (1886). Son &eacute;volution enti&egrave;re fut donc
+longuement pr&eacute;par&eacute;e, logique et personnelle.</p>
+
+<p>Le sujet du <i>Christ faisant son entr&eacute;e &agrave; Bruxelles</i> peut certes
+d&eacute;plaire. On y voit l'homme-Dieu m&ecirc;l&eacute; grotesquement &agrave; nos pauvres,
+f&eacute;roces et actuelles querelles. Il assiste au d&eacute;fil&eacute; mouvant et
+tumultuaire des revendications politiques et sociales, comme un banal
+&eacute;lu&mdash;bourgmestre, &eacute;chevin, d&eacute;put&eacute;&mdash;un jour de manifestation d&eacute;cha&icirc;n&eacute;e.
+Il voit passer les fanfares doctrinaires, les charcutiers de J&eacute;rusalem
+et des banderoles et des drapeaux se d&eacute;roulent et inscrivent en leurs
+plis &laquo;Vive la Sociale et vive Anseele et J&eacute;sus&raquo;.</p>
+
+<p>A ne juger que la plastique et la forme, l'&oelig;uvre fourmille de d&eacute;fauts,
+mais la couleur en est triomphante. Les bleus, les rouges, les verts,
+soit juxtapos&eacute;s, soit divis&eacute;s entre eux par des blancs larges, sonnent
+comme une charge de tons purs et leur bariolage audacieux, parfois
+brutal, impressionne la r&eacute;tine lyriquement. Au surplus l'ironie du
+peintre se donne, ici, libre carri&egrave;re. On ne peut exiger de lui qu'il
+prenne au s&eacute;rieux n'importe quelle d&eacute;monstration populaire. La ru&eacute;e du
+peuple &agrave; travers les places se boursoufle, pour ainsi dire, de visages
+tum&eacute;fi&eacute;s, de ventres formidables que les masques et les oripeaux
+rev&ecirc;tent de leur invraisemblance. Mais, gr&acirc;ce &agrave; cette exag&eacute;ration
+savoureuse, gr&acirc;ce &agrave; l'exaltation des tons crus qui parfois se
+rapprochent des tons d'une affiche, gr&acirc;ce peut-&ecirc;tre au d&eacute;sordre m&ecirc;me de
+la composition, l'ensemble donne une &acirc;pre, farouche et tintamarrante
+sensation de vie. Ensor se pla&icirc;t d'ailleurs &agrave; ces caract&eacute;ristiques
+&eacute;vocations de foules. Il les multiplie &agrave; travers toute son &oelig;uvre. Il les
+r&ecirc;ve compactes, serr&eacute;es, formidables. Elles apparaissent comme &eacute;touff&eacute;es
+dans les rues et &eacute;trangl&eacute;es aux carrefours. Les maisons, les monuments,
+les balcons, les toits semblent subir l'entra&icirc;nement de la pouss&eacute;e
+unanime et dans une eau-forte c&eacute;l&egrave;bre on pourrait croire que la
+multitude&mdash;si dense qu'un caillou jet&eacute; sur elle ne trouverait point un
+interstice assez large pour choir &agrave; terre&mdash;porte, comme une chasse, une
+cath&eacute;drale enti&egrave;re sur ses &eacute;paules.</p>
+
+<p>Cette mani&egrave;re de peindre &agrave; grands tons plats et clairs que James Ensor
+adopta dans l'<i>Entr&eacute;e du Christ &agrave; Bruxelles</i>, il la gardera longtemps et
+l'emploira souvent dans ses &eacute;tudes baroques et macabres de pierrots et
+de bouffons. Mais avant de parcourir cette province large et pittoresque
+de son art, qui lui fit donner le nom de &laquo;peintre de masques&raquo;, il
+importe d'insister sur son talent de portraitiste et de nature-mortier.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 503px;">
+<a name="Dame_Au_Chale_bleu" id="Dame_Au_Chale_bleu"></a>
+<img src="images/ensor_20_dame_au_chale_bleu.jpg" width="503" alt="DAME AU CH&Acirc;LE BLEU&mdash;1882." title="" />
+<span class="figcap">Dame au Ch&acirc;le bleu&mdash;1882.</span>
+</div>
+
+<p>Il serait surprenant qu'Ensor, aimant avant tout au monde son art et par
+cons&eacute;quent ch&eacute;rissant surtout celui qui le fait, c'est &agrave; dire lui-m&ecirc;me,
+n'e&ucirc;t multipli&eacute; &agrave; l'infini sa propre effigie. Ajoutons qu'en se
+regardant, en un miroir, il a toujours &agrave; port&eacute;e de main, de brosse et de
+palette, un mod&egrave;le complaisant et gratuit.</p>
+
+<p>D&egrave;s ses tout premiers d&eacute;buts, aux temps lointains et maudits o&ugrave; il
+s'&eacute;garait &agrave; l'acad&eacute;mie, il traduit ses traits (1879); en 1880 il se
+repeint; en 1883 encore et en 1884 il se dessine. En 1886 il fixe au
+crayon quatre fois son image; en 1888 il se d&eacute;guise et se reproduit au
+pinceau. Dans l'<i>Ecce-Homo</i>, c'est lui qui appara&icirc;t flanqu&eacute; de ses deux
+bourreaux MM. Fetis &amp; Sulzberger; en 1891 parmi ses dessins
+fantasmagoriques il prend place; en 1899 il s'entoure de masques et dans
+nombre de compositions son visage tant&ocirc;t hilare, tant&ocirc;t m&eacute;lancolique,
+tant&ocirc;t angoiss&eacute; et piteux, s'impose. Il est en quelque sorte la figure
+centrale de tous ses r&ecirc;ves. Et c'est logique et c'est humain qu'il en
+soit ainsi. On pourrait serrer de pr&egrave;s sa psychologie, rien qu'en
+analysant ses portraits aux diff&eacute;rentes saisons de son art et l'&ecirc;tre
+insaisissable qu'il est se d&eacute;voilerait peut-&ecirc;tre mieux, gr&acirc;ce &agrave; cette
+m&eacute;thode, que par l'examen de ses gestes quotidiens dans la vie.</p>
+
+<p>De ses repr&eacute;sentations si vari&eacute;es et si nombreuses, je retiens la
+premi&egrave;re. En veston havane, sa palette &agrave; la main, &agrave; l'atelier, il se
+campe devant son chevalet. Il est jeune, l'&oelig;il clair, l'allure attentive
+et na&iuml;ve. La vie hostile ne l'a point encore touch&eacute;. L'&oelig;uvre est comme
+joyeuse; de belles taches claires s'y rencontrent. On y devine le
+coloriste qu'il est.</p>
+
+<p>En 1882, Th&eacute;o Hannon et Willy Finch, deux de ses amis, lui servent de
+mod&egrave;les. Le dernier de ces deux portraits est d'une solidit&eacute; belle. Les
+tons clairs font place aux tons profonds et fermes; le visage est
+traduit avec une franchise et une s&ucirc;ret&eacute; de facture remarquables; aucune
+mise en sc&egrave;ne, aucune recherche, si ce n'est la recherche fondamentale
+des beaux peintres en face de l'architecture humaine &agrave; traduire avec
+souplesse et force.</p>
+
+<p>Suit l'effigie de la <i>M&egrave;re de l'artiste.</i> Robe noire et col en
+dentelles. Trois roses group&eacute;es, comme ornement. Simplicit&eacute; absolue dans
+la pose; les traits sont &acirc;prement caract&eacute;ris&eacute;s. De loin, le mod&egrave;le fait
+songer &agrave; quelque dame qu'aimait &agrave; peindre d'une mani&egrave;re brusque,
+scrupuleuse, aigu&euml;, le grand Goya.</p>
+
+<p>En 1891, James Ensor voulut bien consacrer quelques s&eacute;ances &agrave; mon propre
+portrait. Je n'insiste sur cette &oelig;uvre que pour noter le faire sp&eacute;cial
+qui la distingue. Elle est plut&ocirc;t &eacute;crite que peinte. Le trait est
+insistant, il creuse la chair, il traduit le caract&egrave;re. Vers cette
+&eacute;poque James Ensor introduit ce proc&eacute;d&eacute; graphique, tout &agrave; coup, dans sa
+peinture. La ligne qu'il dissimulait et noyait jadis y prend la premi&egrave;re
+place, non pas la ligne ornementale et pure, mais la ligne
+caract&eacute;ristique et rompue. Ces brusques sauts, ces rapides volte-face,
+ce changement incessant de proc&eacute;d&eacute; indiquent &agrave; la fois les recherches
+incessantes de son art et les inqui&eacute;tudes journali&egrave;res de son caract&egrave;re
+et de son esprit.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 459px;">
+<a name="la_Mere_du_Paintre" id="la_Mere_du_Paintre"></a>
+<img src="images/ensor_21_la_mere_du_peintre.jpg" width="459" alt="La M&egrave;re du Paintre" title="" />
+<span class="figcap">La M&egrave;re du Paintre</span>
+</div>
+
+<p>Trois ans plus tard s'ach&egrave;ve le portrait d'Eug&egrave;ne Demolder et en
+1895 celui de M. Culus. Enfin voici le dernier portrait en date (1907).
+Il repr&eacute;sente M<sup>me</sup> Lambotte, d'Anvers.</p>
+
+<p>Le personnage est assis au centre de la toile, v&ecirc;tu d'une robe bleue et
+d'un grand ch&acirc;le vert. Admirable accord que celui de ces deux tons
+principaux. A gauche une table. La main droite du mod&egrave;le s'y appuie sur
+un bibelot japonais. Au fond, mais bien &agrave; leur plan malgr&eacute; la vivacit&eacute;
+de leurs teintes, apparaissent les <i>Masques scandalis&eacute;s</i> et quelque
+sc&egrave;ne du conservatoire de Bruxelles o&ugrave; le ma&icirc;tre <i>Gevaert dirige les
+ch&oelig;urs</i>. L'&oelig;uvre est int&eacute;ressante &agrave; pr&eacute;ciser. La figure est trait&eacute;e,
+d&eacute;licatement; le chapeau est d'une fra&icirc;cheur comme florale. On dirait
+que le personnage est rentr&eacute; d'une excursion aux champs et qu'il retient
+sur lui quelque chose de la limpidit&eacute; et de la bonne odeur champ&ecirc;tres.
+Les yeux vivent d'une vie charmante; les cils sont peints, hardiment, en
+bleu. Et cette couleur si &eacute;loign&eacute;e du ton local est d'une justesse
+admirable dans l'ensemble. Tout ainsi rev&ecirc;t une vibration aigu&euml; et
+subtile &agrave; qui sait voir les objets non plus dans leur r&eacute;alit&eacute; plate,
+mais dans leurs rapports avec un r&ecirc;ve de couleur et de lumi&egrave;re. Il faut
+qu'un artiste vrai ne tienne presqu'aucun compte de la vue banale des
+choses et qu'il ne les voie que comme pr&eacute;texte &agrave; interpr&eacute;tation belle.
+Tout se peut transposer d'une vie dans une autre, de la vie commune dans
+la vie de l'art. La couleur unique dont il faille se soucier est celle
+qui fait bien sur la toile et affirme et soutient et rehausse son
+harmonie. Ensor a nettement ob&eacute;i &agrave; cette loi dans le portrait de M<sup>me</sup>
+Lambotte.</p>
+
+<p>Deux tr&egrave;s belles natures-mortes datent de 1893, la <i>Raie</i> et le <i>Coq
+mort</i>. Sur fond blanc le coq au plumage argent&eacute; se d&eacute;tache et tout un
+frisson de lumi&egrave;re semble courir sur son ventre et ses ailes. Je me
+souviens aussi et des <i>Viandes</i> (Mus&eacute;e d'Ostende) et de l'admirable
+<i>Coin de cuisine</i> du Mus&eacute;e de Li&egrave;ge. Le pinceau semble avoir gliss&eacute; sur
+ces victuailles comme s'il &eacute;tait empreint non de couleurs mais de
+clart&eacute;. Si la forme des objets &eacute;tait plus pr&eacute;cis&eacute;e et plus arr&ecirc;t&eacute;e, ce
+bain de lueurs o&ugrave; le mercure et le soleil semblent fusionner n'aurait
+certes pu aussi bellement, envelopper la toile. Qu'on voie la couleur,
+affirme Ensor, aussit&ocirc;t on ne voit qu'elle; de m&ecirc;me, qu'on &eacute;tudie la
+forme et l'&oelig;il n'est plus sensible qu'&agrave; la ligne. Unir dans une m&ecirc;me
+&oelig;uvre le ton et le dessin, leur donner la m&ecirc;me importance n'est possible
+qu'aux demi-natures qui ne sentent rien fortement. Il faut choisir.
+Ensor a choisi la couleur ou plut&ocirc;t la lumi&egrave;re.</p>
+
+<p>On peut donc lui reprocher parfois que ses morceaux de viande, ses
+choux, ses fruits, ses pots, ses vaisselles manquent de fermet&eacute; ou de
+poids. Il en conviendra certes. Mais que lui importent ces remarques
+terre &agrave; terre. Il existe une sorte de r&eacute;alit&eacute; esth&eacute;tique plus haute que
+la r&eacute;alit&eacute; authentique. Cette r&eacute;alit&eacute; ou plut&ocirc;t cette vie est atteinte
+par de purs moyens d'art. Ils r&eacute;alisent les harmonies impeccables et
+glorieuses du ton, les sensibilit&eacute;s merveilleuses des ombres et les
+joies de la calme ou triomphante lumi&egrave;re. Quand ce haut r&eacute;sultat est
+atteint il efface&mdash;surtout qu'il s'agit, en ce cas-ci, de simples
+natures-mortes&mdash;toute critique v&eacute;tilleuse et tatillonne. On ne sait quel
+troph&eacute;e choisir parmi tant d'&eacute;clatantes conqu&ecirc;tes du pinceau. Vases de
+Chine aux tons laiteux, statuettes esquiss&eacute;es en quelques coups de
+brosse, soies, linges, &eacute;toffes, &eacute;crans, &eacute;ventails fins et l&eacute;gers, tout
+le magasin familial de la Rampe de Flandre a travers&eacute; l'imagination de
+l'&eacute;vocateur.</p>
+
+<p>Voici les <i>Coquillages</i> peints en 1889. A c&ocirc;t&eacute; d'&eacute;cailles roses et
+lustr&eacute;es, en voici d'autres blanches comme de la craie et d'autres
+encore jasp&eacute;es comme des dos de s&egrave;che et d'autres enfin creus&eacute;es et
+ray&eacute;es comme des branchies. La structure de poissons improbables,
+diables de mer ou rougets, se retrouve comme p&eacute;trifi&eacute;e dans telles
+formes min&eacute;rales. Ensor en saisit les analogies, les traduit, les aime
+et peut-&ecirc;tre, au fond de lui, relie-t-il, par des liens psychiques, ces
+architectures marines avec leurs silhouettes baroques et compliqu&eacute;es, au
+monde &eacute;trange de ses masques et de ses squelettes. Tout cela peuple sa
+m&eacute;moire et fixe et d&eacute;termine son d&eacute;sir presqu'au m&ecirc;me titre.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 590px;">
+<a name="La_Vierge_aux_navires" id="La_Vierge_aux_navires"></a>
+<img src="images/ensor_22_vierge_aux_navires_02.jpg" width="590" alt="La Vierge aux navires (1893)." title="" />
+<span class="figcap">La Vierge aux navires&mdash;(1893).</span>
+</div>
+
+<p>Sur tel panneau, on croit surprendre la vie des mollusques au fond m&ecirc;me
+de la mer. Il date de 1895. Un grand coquillage bistre domine, la pointe
+en l'air, comme en pyramide, d'autres coquilles, les unes vertes, les
+autres roses, et cet arrangement comme maladroit semble le fait m&ecirc;me de
+ces b&ecirc;tes lentes et visqueuses. Le dessin en est tr&egrave;s ferme et comme
+&eacute;crit. Il insiste sur chaque circonvolution et sur chaque spirale. Et
+voici&mdash;contraste brusque&mdash;deux bulbeuses et l&eacute;g&egrave;res grappes de raisin,
+l'une bleue et l'autre rose-cerise, avec un oignon, une noix et une
+poire, la queue dress&eacute;e. Ensemble presque transparent. Il est si frais,
+si lucide, si d&eacute;licat qu'on le dirait comme baign&eacute; de ros&eacute;e.</p>
+
+<p>L'entr&eacute;e dans le royaume des masques dont James Ensor est roi, se fit,
+lentement, inconsciemment, mais avec une s&ucirc;re logique. Ce fut la
+d&eacute;couverte d'un pays, province par province, les lieux pittoresques
+succ&eacute;dant aux endroits terribles et les parages tristes prolongeant ou
+s&eacute;parant les districts fous. Gr&acirc;ce &agrave; ses go&ucirc;ts, mais aussi gr&acirc;ce &agrave; son
+caract&egrave;re, James Ensor n'a v&eacute;cu pendant longtemps qu'avec des &ecirc;tres
+pu&eacute;rils, chim&eacute;riques, extraordinaires, grotesques, fun&egrave;bres, macabres,
+avec des railleries faites clodoches, avec des col&egrave;res faites chienlits,
+avec des m&eacute;lancolies faites croque-morts, avec des d&eacute;sespoirs faits
+squelettes. Il s'est improvis&eacute; le visiteur de lamentables
+d&eacute;croche-moi-&ccedil;a, de malodorantes arri&egrave;re-boutiques de marchandes &agrave; la
+toilette, de piteux bric-&agrave;-brac en plein vent. Il a vagu&eacute; par des
+vall&eacute;es de mis&egrave;re o&ugrave; lui apparaissaient des pierrots malades, des
+arlequins en goguette, des colombines so&ucirc;les. Parfois, comme un
+m&eacute;n&eacute;trier fantasque, il montait sur un tonneau et sur la place de je ne
+sais quelle ville du pays de Narquoisie, il agitait, au son d'un rebec
+invisible, en un tr&eacute;moussement soudain, toute cette joie lugubre et
+bariol&eacute;e. Il pleurait peut-&ecirc;tre lui-m&ecirc;me en peignant tel masque hilare
+ou souriait en dessinant telle t&ecirc;te de mort. Les contrastes les plus
+aigus devaient lui plaire et il les r&eacute;alisait en oppositions violentes,
+les rouges, les bleus, les verts, les jaunes se donnant comme des coups
+de poings sur la toile. L'art d'Ensor devint f&eacute;roce. Ses terribles
+marionnettes exprimaient la terreur au lieu de signifier la joie. M&ecirc;me
+quand leurs oripeaux, arboraient le rose et le blanc, elles semblaient
+rev&ecirc;tir une telle d&eacute;tresse, elles semblaient incarner un tel
+effondrement et repr&eacute;senter une telle ruine qu'elles ne pr&ecirc;taient plus &agrave;
+rire, jamais. J'en sais d'une angoisse de cauchemar. Et la camarde se
+m&ecirc;la &agrave; la danse. Le squelette lui-m&ecirc;me devint tant&ocirc;t pierrot, tant&ocirc;t
+clodoche, tant&ocirc;t chienlit. Masque de vie ou t&ecirc;te de mort
+s'identifiaient. On ne songeait plus &agrave; quelque carnaval lointain
+d'Italie ou de Flandre, mais &agrave; quelque g&eacute;henne ou les d&eacute;mons se
+coiffaient de plumes baroques et s'affublaient de draps-de-lit us&eacute;s, de
+bicornes invraisemblables, de bottes crev&eacute;es et de tignasses
+multicolores. C'est pendant les mauvais jours de sa vie que James Ensor
+donna cette signification pessimiste &agrave; ses fantoches.</p>
+
+<p>Dans ce pays imaginaire, d'o&ugrave; la farce classique semble bannie,
+&eacute;voluent le masque Wouse et Saint Antoine, les diables Dzitss et
+Hihahox, les pouilleux D&eacute;sir et Rissol&eacute;, les soudards K&egrave;s et Pruta et
+l'on y rencontre la ville de Bise et le territoire de Phnosie. Rien que
+ces appellations et ces noms, venus d'on ne sait quelle r&eacute;gion d'un
+cerveau hant&eacute;, renseignent sur la tr&egrave;s sp&eacute;ciale imagination d'Ensor. Au
+reste, pour animer pendant vingt-cinq ans un peuple aussi grouillant
+d'&ecirc;tres chim&eacute;riques et les douer d'une psychologie aussi &eacute;tonnamment
+vari&eacute;e, fallait-il que le monde de la d&eacute;mence f&ucirc;t naturellement pour le
+peintre un monde de pr&eacute;dilection et de choix. Certes, croyait-il &agrave; tout
+l'invraisemblable, &agrave; tout le baroque, &agrave; toute la folie et ne
+recouvrait-il la lucidit&eacute; qu'&agrave; l'heure o&ugrave; il s'asseyait devant sa toile
+et choisissait ses couleurs et harmonisait ses tons. Il a r&eacute;alis&eacute;
+admirablement cette vie double.</p>
+
+<p>Le <i>Masque Wouse</i> (1889) appara&icirc;t un des premiers. Il est v&ecirc;tu d'un
+schall discr&egrave;tement et magnifiquement bariol&eacute; de rouge, de vert, de
+jaune, de bleu, il tient en main un parasol, est coiff&eacute; d'un bonnet et
+le nez de son visage en carton s'agr&eacute;mente d'une pendeloque l&eacute;g&egrave;re. Il
+regarde, gisants devant lui comme autant de marionnettes flasques,
+d'autres &ecirc;tres semblables &agrave; lui et l'on dirait quelqu'un visitant soit
+une morgue de pantins, soit, apr&egrave;s un combat, le champ d'une d&eacute;faite.
+L'&oelig;uvre o&ugrave; s'&eacute;pand une clart&eacute; diffuse est d&eacute;licatement peinte, les
+&eacute;toffes sont flottantes et l&eacute;g&egrave;res, l'atmosph&egrave;re jolie. Elle contraste
+et voisine, dans l'atelier de l'artiste, avec les <i>Masques singuliers</i>
+(1892) mis en rangs, comme s'ils s'attendaient &agrave; &ecirc;tre pass&eacute;s en revue
+par les soudards K&egrave;s ou Pruta. Ils reviennent, Dieu sait de quelle
+parade, les v&ecirc;tements l&acirc;ches et veules, mais gardant encore on ne
+sait quelle fiert&eacute; vague. Le plus grand de tous porte un chapeau
+militaire dont la frange se d&eacute;tache lugubrement. En cette toile, presque
+tous les tons sont forts, puissants, hardis. Ils r&eacute;alisent comme une
+gamme descendante et ne deviennent fins et subtils qu'autour d'un
+Pierrot boursoufl&eacute; qui dissimule, en des blancheurs roses, sa carcasse
+falote. Oh la piteuse mascarade et comme la d&eacute;tresse d'une gloire abolie
+et d'une gaiet&eacute; d&eacute;funte s'y marque! Fini l'orgueil, le triomphe, la
+gloire. Toute fanfare s'est tue. On rit et l'on est triste. Acteurs
+fl&eacute;tris d'un drame chim&eacute;rique, les fantoches sont l&agrave; n'ayant plus m&ecirc;me
+un bout de b&acirc;ton pour simuler un vague: portez-armes.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 725px;">
+<a name="Les_Pochards" id="Les_Pochards"></a>
+<img src="images/ensor_23_les_pochards_02.jpg" width="725" alt="Les Pochards&mdash;1883." title="" />
+<span class="figcap">Les Pochards&mdash;1883.</span>
+</div>
+
+<p>Maintenant voici les <i>Masques devant la mort</i> (1888) et les <i>Squelettes
+voulant se chauffer</i> (1889) et le <i>Squelette dessinant</i> (1889) et les
+<i>Squelettes se disputant un pendu</i> et les <i>Masques regardant une tortue</i>
+(1894) et un <i>Duel de masques.</i> Le drame morne ou f&eacute;roce commence &agrave; se
+pr&eacute;ciser. Dans les <i>Masques voulant se chauffer</i> une impression de n&eacute;ant
+s'affirme. Rien de plus pauvre, de plus navrant, de plus lugubre que
+cette id&eacute;e de chaleur et de bien-&ecirc;tre &eacute;voqu&eacute;e devant ces &ecirc;tres flasques
+et vides. Ils s'approchent, se pressent, s'inqui&egrave;tent autour de ce feu
+inutile, de cette flamme sans vertu, de ce foyer qui les raille et qui
+n'est pas. Les <i>Masques regardant une tortue</i> angoissent tout autant.
+L'&eacute;caille qui couvre l'animal contempl&eacute; est, elle aussi, une sorte de
+masque dissimulant le mouvement et la vie. Ce rapprochement baroque
+suffit &agrave; faire comprendre pourquoi les &eacute;tranges spectateurs semblent
+comme s'&eacute;tudier eux-m&ecirc;mes en voyant bouger lentement et pesamment la
+b&ecirc;te torpide et douce. Enfin dans un <i>Duel de masques</i> l'id&eacute;e de lutte,
+de fureur et de f&eacute;rocit&eacute; est raill&eacute;e &agrave; son tour.</p>
+
+<p>Toutes ces petites toiles sont franches, sinc&egrave;res, nerveuses.
+L'ost&eacute;ologie des squelettes est amoureusement &eacute;tudi&eacute;e. Parfois sur leur
+cr&acirc;ne lisse se distinguent des lignes pareilles &agrave; celles des cartes de
+g&eacute;ographie et l'on peut croire que le peintre se pla&icirc;t &agrave; inscrire le
+monde sur l'os d'un front. Le trou des yeux est approfondi. On y
+surprend, dans le vide, on ne sait quelle fixit&eacute; qui donne l'illusion
+d'un regard. Ce n'est certes plus le squelette tel que le comprenait le
+moyen-&acirc;ge. C'est plut&ocirc;t celui qui sort des cabinets d'anatomie, des
+laboratoires et des h&ocirc;pitaux. Il ne fait pas songer &agrave; tel macabre
+philosophe qui moralise dans la danse de Holbein ou dans les fresques de
+la Chaise-Dieu; il n'est pas chr&eacute;tien. Il s'est renouvel&eacute;; il est de
+notre temps. Il repr&eacute;sente non plus les croyances, mais les id&eacute;es et les
+sentiments.</p>
+
+<p>M&ecirc;me dans ses <i>Tentations de Saint-Antoine</i>, Ensor ne pr&eacute;tend ni pr&ecirc;cher
+ni &eacute;vang&eacute;liser. Le tohu-bohu de ces apparitions charme presque et
+devient, en ce sujet l&eacute;gendaire, quasi bon-enfant. Le peintre adore y
+semer des corps de femmes grosses et cocasses, des diables fluets et
+malins, des monstres improbables et ridicules. Le pittoresque de ce
+cauchemar chr&eacute;tien le tente plus que son horreur. Et c'est en dilettante
+de l'impossible qu'il s'y affirme et non pas en vengeur du vice ou en
+champion de la vertu. Il cultive l'angoisse, ailleurs. Il la cultive en
+lui-m&ecirc;me. Dans le <i>Portrait du peintre entour&eacute; de masques</i> (1899),
+appartenant &agrave; M. Lambotte, d'Anvers, il s 'affuble d'un costume
+&eacute;trange, il se couronne de plumes et de fleurs, il se d&eacute;guise lui-m&ecirc;me
+comme pour donner plus congr&ucirc;ment audience au peuple entier de ses
+fant&ocirc;mes. L'&oelig;uvre est haute en couleur; toute la palette ardente et
+sonore est employ&eacute;e; la joie s'affiche; on songe &agrave; un triomphe et
+pourtant que de cris poignants, que de violence et de fureur ces faces
+impassibles n'expriment-elles pas? Tel visage morne et bl&ecirc;me rappelle
+une tristesse pass&eacute;e, tel autre une inqui&eacute;tude pr&eacute;sente; celui-ci, avec
+ses joues pesantes, avec ses yeux comme pinc&eacute;s en des &eacute;taus de graisse,
+rit d'un malheur qui viendra; celui-l&agrave;, bonasse et rougeaud, d&eacute;taille
+quelque farce fun&egrave;bre ou pavane sa sant&eacute; gonfl&eacute;e et balourde au-devant
+de la maladie qu'il annonce. Tous les sentiments humains se laissent
+deviner. Le plaisir, le chagrin, l'audace, la peur, l'espoir, la transe,
+l'orgueil, le doute, la force, l'abattement, la roublardise, la ruse,
+l'ironie, la d&eacute;tresse, le d&eacute;go&ucirc;t. C'est un formidable bouquet dont les
+fleurs seraient des bouches, des nez, des fronts, des yeux et qui
+toutes, ou presque toutes, malgr&eacute; leur beaut&eacute; et leur &eacute;clat seraient
+capiteuses et empoisonn&eacute;es. Chacune a une signification nette et un
+langage pr&eacute;cis quoique muet. Et les masques surgissent de partout: &agrave;
+droite, &agrave; gauche, du haut, du bas. Le champ tout entier de la toile en
+est comme encombr&eacute;: ils se pressent, se tassent, s'enfi&egrave;vrent. Il faut
+qu'ils assi&egrave;gent le peintre, qu'ils le dominent, le hantent et
+l'hallucinent, qu'ils se moquent des roses et des plumes que sa t&ecirc;te
+arbore, qu'ils lui crient leur inanit&eacute; et la sienne et lui fassent comme
+la le&ccedil;on terrible de la mort. Lorsqu'Ensor introduisit en sa peinture
+un tel peuple &eacute;trange et tragique de masques, peut-&ecirc;tre ignorait-il
+lui-m&ecirc;me qu'&agrave; un certain moment ils lui fausseraient &agrave; tel point la
+notion du r&eacute;el qu'il ne verrait plus qu'eux de vraiment vivants sous le
+soleil et qu'un jour il prendrait place parmi leur multitude comme s'il
+&eacute;tait lui-m&ecirc;me quelqu'un de leur lign&eacute;e et de leur race. Car il ne se
+peut pas qu'il n'ait subi, &agrave; certaines heures, une telle illusion
+dominatrice et qu'il n'ait fini par voir, avec ses yeux ouverts en plein
+jour &agrave; la lumi&egrave;re, l'humanit&eacute; enti&egrave;re comme un ensemble de grotesques et
+de fantoches. Son art terrible et r&ecirc;veur a d&ucirc; l'affoler &agrave; ce point,
+fatalement.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 705px;">
+<a name="enfants_a_la_toilette" id="enfants_a_la_toilette"></a>
+<img src="images/ensor_24_enfants_a_la_toilette_01.jpg" width="705" alt="Enfants &agrave; la toilette&mdash;1886." title="" />
+<span class="figcap">Enfants &agrave; la toilette&mdash;1886.</span>
+</div>
+
+<hr style="width: 65%;" />
+<h3><a name="IV" id="IV"></a>IV.</h3>
+
+<h3>LES DESSINS</h3>
+
+
+<p>Ensor a nettement distingu&eacute; dans son &oelig;uvre le dessin du peintre et le
+trait du dessinateur. J'en donnai les raisons: elles me semblent
+plausibles. Pointe et pinceau ne furent jamais &agrave; ses yeux des
+instruments identiques.</p>
+
+<p>Nous voici en pr&eacute;sence d'un nombre infini de pages o&ugrave; le fusain, la
+plume et le crayon se sont appliqu&eacute;s &agrave; fixer la vie ou le r&ecirc;ve. On les
+peut diviser ais&eacute;ment en cat&eacute;gories: les croquis; les dessins de
+caract&egrave;re; les dessins atmosph&eacute;r&eacute;s; les dessins &agrave; lignes pures et les
+dessins ornementaux. Il est certes piquant de constater que c'est
+pr&eacute;cis&eacute;ment celui parmi nos grands artistes qu'on accuse peut-&ecirc;tre le
+plus de n&eacute;gliger le dessin qui surtout le cultive. S'il rassemblait tous
+ceux qu'il a faits, ils formeraient une biblioth&egrave;que.</p>
+
+<p>Je sais des notations o&ugrave; quatre &agrave; cinq traits nettement plac&eacute;s expriment
+l'enveloppe, la masse et l'attitude momentan&eacute;e d'un personnage; voici,
+d'un coup de crayon, la marche, l'inclinaison, la vitesse d'une jambe
+traduites; le mouvement d'un dos, l'affalement d'une hanche, le
+bondissement d'une croupe, la tension d'un cou reproduits. Tout cela
+est preste, vivant, soudain. Sur une seule page, cinquante petits
+bonshommes se meuvent, s'agitent, passent, viennent, s'arr&ecirc;tent,
+s'assoient, s'affalent et le crayon Cont&eacute; note, d&eacute;tail par d&eacute;tail, leurs
+particularit&eacute;s et leurs mani&egrave;res d'&ecirc;tre et compose comme une faune
+amusante des passants de la rue moderne. Je connais tels croquis o&ugrave;
+James Ensor, profitant des menus d&eacute;fauts du grain ou de la trame d'un
+papier, a compos&eacute; une <i>Chute des anges rebelles</i> en tenant compte de ces
+accidents de mati&egrave;re. Des mouvements inattendus se devinent, des grappes
+de muscles et de chairs pendent et se contractent, une cataracte de dos,
+de ventres et de t&ecirc;tes se pr&eacute;cipite, une impression de ru&eacute;e est
+merveilleusement rendue et tout cela n'est que du hasard soulign&eacute; par un
+crayon, dites combien habile et preste?</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 600px;">
+<a name="Mon_Pere_mort" id="Mon_Pere_mort"></a>
+<img src="images/ensor_25_mon_pere_mort.jpg" width="600" alt="Mon P&egrave;re mort&mdash;1887" title="" />
+<span class="figcap">Mon P&egrave;re mort&mdash;1887</span>
+</div>
+
+<p>Le jour o&ugrave; le peintre s'int&eacute;ressa &agrave; l'existence des marins et des gens
+du port&mdash;plus tard ils lui fourniront et ses pouilleux et ses
+masques&mdash;ce fut par des &eacute;tudes au fusain qu'il manifesta son
+enthousiasme. Il poss&egrave;de toute une suite de dessins sup&eacute;rieurement
+conduits o&ugrave; s'offrent en leurs attitudes quotidiennes les vieilles &agrave;
+mantelets, les mousses en vareuses, les vieux p&ecirc;cheurs &eacute;chou&eacute;s comme
+leurs barques au long des quais et les gars solides et r&acirc;bl&eacute;s qui demain
+s'en iront vers la mer. Puis se caract&eacute;risent encore les ouvriers, les
+petits musiciens, les poissardes m&eacute;lancoliques, les mangeurs de soupe,
+toute une population de d&eacute;jet&eacute;s et de mis&eacute;reux. Toutes ces pages
+t&eacute;moignent d'une sagesse et d'une s&ucirc;ret&eacute; ind&eacute;niables. D&egrave;s que le peintre
+le veut, il r&eacute;alise aussi bien que quiconque la correction du dessin et
+la proportion des diverses parties d'un corps humain. Je ne puis
+m'enlever du souvenir tel <i>Gamin en casquette</i> aux l&egrave;vres grosses, au
+nez compact, &agrave; l'&oelig;il l&eacute;g&egrave;rement triangulaire, ni cette ferme et pr&eacute;cise
+&eacute;tude de <i>Main tendue</i> o&ugrave; l'ossature des doigts dans la peau d&eacute;tendue et
+les bosses des muscles apparaissent si nettement, ni ce <i>Vieux cheval</i>
+noueux, maigre, efflanqu&eacute; et comme diminu&eacute; qui se tient avec peine
+debout entre deux brancards, ni surtout cette adorable t&ecirc;te d'<i>Enfant
+endormi</i> dont la bouche entr'ouverte est d'une vie si vraie et dont
+l'&oelig;il est si d&eacute;licieusement clos. Comme on sent le sommeil et non la
+mort!</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 528px;">
+<a name="Croquis_04" id="Croquis_04"></a>
+<img src="images/ensor_26_croquis_04.jpg" width="528" alt="Croquis." title="" />
+<span class="figcap">Croquis.</span>
+</div>
+
+<p>Rendre la mati&egrave;re, scrupuleusement, fut la t&acirc;che qu'Ensor s'assigna dans
+tels dessins: ferrailles, armoires, clefs, rideaux, &eacute;toffes, lustres,
+coffrets. Il y r&eacute;ussit, sans se tromper jamais. Son crayon fouille,
+comme un outil s&ucirc;r, les fibres et les n&oelig;uds du bois ou rend avec bonheur
+l'usure des bosses et des reliefs. On pourrait deviner si tel meuble est
+en ch&ecirc;ne ou en noyer. Assur&eacute;ment&mdash;tant l'exactitude est
+grande&mdash;s'aper&ccedil;oit-on s'il est plaqu&eacute; d'acajou. Les ornements d'acier ou
+de cuivre sont creus&eacute;s dans leurs ombres ou caress&eacute;s sur leurs lueurs;
+un rinceau, une courbe, une volute est rendue avec dext&eacute;rit&eacute;. Autant le
+pinceau est l&eacute;ger et souple &agrave; fleur de toile, autant la pointe est
+insistante et vigoureuse sur le champ des feuillets. De m&ecirc;me l'ampleur
+lourde et molle d'un rideau de laine qu'une grosse cordeli&egrave;re retient
+est offerte au toucher et semble pouvoir renfermer en ses plis jusqu'aux
+mites et aux poussi&egrave;res. Bien plus. Ces dessins, encore que litt&eacute;raux,
+sont dou&eacute;s d'une vie ample. Ils n'ont rien d'industriel. Si pour James
+Ensor certains meubles sont hant&eacute;s, tous les objets frissonnent,
+bougent, sentent. La cruaut&eacute; s&eacute;journe dans le couteau, la discr&eacute;tion
+dans la clef et le fermoir, le repos et la s&eacute;curit&eacute; dans le bois. Rien
+n'est mort, compl&egrave;tement. Chaque mati&egrave;re renferme en elle sa tendance,
+sa volont&eacute; et son esprit. Elle est cr&eacute;&eacute;e pour un but. Elle doit donc
+avoir comme une &acirc;me qui tend &agrave; une fin et c'est pr&eacute;cis&eacute;ment cette &acirc;me
+qui seule nous int&eacute;resse dans l'inanim&eacute; et qui seule constitue, aux
+yeux d'un artiste, la beaut&eacute; des choses les plus quelconques. A c&ocirc;t&eacute;
+de ces dessins tr&egrave;s &eacute;crits, James Ensor en a r&eacute;ussi d'autres enti&egrave;rement
+baign&eacute;s d'atmosph&egrave;re. Un model&eacute; fr&ecirc;le les distingue. Ils participent
+plus que les autres &agrave; la vie universelle, aux variations de l'heure.
+Pour les r&eacute;ussir il faut un tact sp&eacute;cial. Ils sont d'un grain menu et
+d'une fragilit&eacute; choisie. Certains apparaissent comme faits avec de la
+poussi&egrave;re rassembl&eacute;e dans les ombres et dispers&eacute;e dans les clairs. Des
+gris tendres savamment distribu&eacute;s en constituent la beaut&eacute; pr&eacute;cieuse.
+Voici le <i>Portrait de Madame Rousseau</i>. Elle est assise &agrave; l'avant-plan,
+parmi des meubles familiers, non loin d'un bas-relief. Le jour est
+tamis&eacute;; tout est en infimes nuances et en att&eacute;nuation. Il en r&eacute;sulte une
+impression de douceur et de calme si grande qu'une mouche survenant la
+troublerait, malencontreusement, du simple bruit de ses ailes.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 582px;">
+<a name="la_mere_du_peintre_dessin" id="la_mere_du_peintre_dessin"></a>
+<img src="images/ensor_27_la_mere_du_peintre_dessin.jpg" width="582" alt="La M&egrave;re du Paintre&mdash;1889. Dessin. (Collection Robert Goldschmidt)" title="" />
+<span class="figcap">La M&egrave;re du Paintre&mdash;1889. Dessin. (Collection Robert Goldschmidt)</span>
+</div>
+
+<p><i>Mon p&egrave;re mort</i> est con&ccedil;u dans le m&ecirc;me esprit. La page est solennelle,
+sobre, &eacute;mue. On aper&ccedil;oit seulement la t&ecirc;te pos&eacute;e parmi les draps que
+l&eacute;g&egrave;rement quelques tons blancs rehaussent. A traits fins, la barbe et
+les cheveux sont rendus. Le crayon Cont&eacute; et le crayon gras out introduit
+le jeu de leurs diff&eacute;rentes accentuations dans les parties sombres.
+L'ombre s'anime, mais uniquement afin d'&eacute;viter qu'elle ne soit opaque:
+il faut que la seule s&eacute;r&eacute;nit&eacute; r&egrave;gne dans l'&eacute;tude enti&egrave;re. Le dessin est
+du reste irr&eacute;prochable. Le nez, les yeux et le front sont nets sans
+duret&eacute;, les chairs sont admirablement ap&acirc;lies quoique consistantes
+encore.</p>
+
+<p>Cette m&ecirc;me mani&egrave;re de nuancer un dessin sans l'affadir ni le banaliser
+se retrouve dans le <i>Portrait de ma m&egrave;re</i>, appartenant &agrave; M.
+Goldschmidt, et dans les <i>Squelettes musiciens</i>. Devant une armoire o&ugrave;
+s'&eacute;tale un cr&acirc;ne sans m&acirc;choire, appara&icirc;t un squelette introduisant le
+bec d'une clarinette dans sa bouche sans dents. Un manche de violoncelle
+s'&eacute;l&egrave;ve non loin de lui. Ces deux cr&acirc;nes sont &eacute;tudi&eacute;s avec un art
+parfait. Chaque relief, chaque m&eacute;plat, chaque partie osseuse avec ses
+stries et ses m&eacute;andres est rendu comme un artiste gothique se serait plu
+&agrave; les traduire. Faire attentif, serr&eacute;, scrupuleux. Impossible de pousser
+plus loin l'attention minutieuse, ni la probit&eacute; appliqu&eacute;e. Et quelle
+aisance, quelle apparente facilit&eacute;, quelle ductilit&eacute; et quelle
+flexibilit&eacute; prestigieuse des doigts. Et combien tout est s&ucirc;r et savant!</p>
+
+<p>La ligne m&ecirc;me, la ligne pour elle-m&ecirc;me, la ligne simple et jolie, la
+ligne belle et enveloppante s&eacute;duisit &agrave; son tour la main chercheuse de
+James Ensor. Et voici la <i>V&eacute;nus &agrave; la coquille</i> dont le corps souple,
+limit&eacute; par un trait gracieux et flexible, surgit, avec, entre ses
+doigts, une pomme. Les jambes, le torse, le ventre et les bras sont
+suffisamment model&eacute;s pour qu'ils donnent la sensation d'exister vraiment
+et n'&ecirc;tre pas uniquement des blancs sur un papier. Mais c'est
+l'arabesque sinueuse s&eacute;parant la D&eacute;esse de l'ambiance qu'on admire
+surtout et qui &eacute;tonne par sa souplesse. On songe &agrave; quelque fleur
+d&eacute;licate et haute.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 523px;">
+<a name="venus_a_la_coquille" id="venus_a_la_coquille"></a>
+<img src="images/ensor_28_venus_a_la_coquille.jpg" width="523" alt="V&Eacute;NUS A LA COQUILLE&mdash;1889. Dessin." title="" />
+<span class="figcap">V&eacute;nus &agrave; la Coquille&mdash;1889. Dessin.</span>
+</div>
+
+<p>Les sujets ornementaux, avec leur fantaisie violente et leur parodie
+&eacute;pique ont tent&eacute; &agrave; maintes reprises le crayon d'Ensor. L'histoire, la
+l&eacute;gende, les coutumes lui fournissent leurs th&egrave;mes. Il les transforme
+selon son humeur, son caract&egrave;re, sa nature. Ils ne sont pour lui que
+des sortes de tremplins sur lesquels sa verve et sa raillerie
+bondissent. Les batailles surtout le requi&egrave;rent. Gr&acirc;ce aux coups donn&eacute;s,
+aux plaies re&ccedil;ues, gr&acirc;ce aux d&eacute;hanchements du corps qui frappe et aux
+chutes des corps qui succombent, gr&acirc;ce aux contorsions qu'il suppose et
+aux pirouettes qu'il imagine, un combat se pr&eacute;sente &agrave; lui avec d&eacute;lices.
+L'horreur r&eacute;elle en est supprim&eacute;e au profit de la truculence et du
+pittoresque. Ou bien encore c'est dans quelque d&eacute;cor moyen-&acirc;geux, sur
+une place meubl&eacute;e de maisons hautes et pointues, quelque drame violent:
+<i>Sorci&egrave;re qu'on br&ucirc;le, Patrons de cath&eacute;drale, Vierges aux navires,
+Soudards entrant en des cit&eacute;s &eacute;tranges</i>. Ou bien encore, dans un site
+d'hiver quelque fol&acirc;tre et compliqu&eacute;e sc&egrave;ne de <i>Patinage</i> ou bien enfin
+quelque <i>Parade dans une ar&egrave;ne de cirque</i>. Celle-ci amuse imm&eacute;diatement
+par la gymnastique baroque des clowns et les sauts invraisemblables des
+paillasses. On croirait assister &agrave; quelque liesse d'escargots, &agrave; quelque
+f&ecirc;te de chenilles. Des &ecirc;tres contourn&eacute;s, girouettants, tire-bouchonn&eacute;s
+permettent au dessinateur de r&eacute;aliser, par des volutes charmantes et
+plac&eacute;es chacune &agrave; quelque endroit pr&eacute;cis et heureux de la page blanche,
+une ornementation in&eacute;dite qui charme l'&oelig;il imm&eacute;diatement, sans examen,
+et divertit l'esprit sit&ocirc;t qu'il s'attarde.</p>
+
+<p>Toutefois le motif le plus c&eacute;l&egrave;bre est trait&eacute; dans la <i>Bataille des
+&Eacute;perons d'or</i>. Les communiers flamands sont rang&eacute;s &agrave; droite, coiff&eacute;s de
+casques inusit&eacute;s, arm&eacute;s de massues buissonneuses et pr&eacute;sentant des
+&laquo;goedendags&raquo; pareils &agrave; des reptiles. Courtrai avec ses tours, ses
+remparts et ses moulins, se devine, l&agrave;-bas. Ils la d&eacute;fendent et leurs
+lignes rang&eacute;es et pointues s'&eacute;tendent devant elle, comme une succession
+de haies o&ugrave; flotteraient, ci et l&agrave;, des drapeaux. Le lion noir de
+Flandre orne la plus haute banni&egrave;re.</p>
+
+<p>A gauche, mais &agrave; l'arri&egrave;re-plan, apparaissent les chevaliers fran&ccedil;ais
+sur leurs chevaux rapides et ploy&eacute;s en arc de cercle. Cimiers, panaches,
+lances, &eacute;p&eacute;es, banni&egrave;res, tout flotte ou se dresse au vent. Derri&egrave;re eux
+un incendie s'allume et l'horizon est peupl&eacute; de nuages capricieux et
+tourment&eacute;s.</p>
+
+<p>Au milieu la bataille: foulons, tisserands, bouchers assaillent et
+d&eacute;sarment les ducs et les barons. Des jambes, des t&ecirc;tes, des bras encore
+arm&eacute;s de fer et d'acier gisent &agrave; terre. On a coup&eacute; les corps comme aux
+abattoirs. Un cheval est tomb&eacute; pattes en l'air, une fl&egrave;che fix&eacute;e au gras
+de sa croupe. Voici un communier pendu &agrave; la queue d'un coursier; un
+autre se soulage et fait un pied de nez aux charges qui approchent. Les
+chevaux ruent, s'effrayent, s'abattent. Une m&ecirc;l&eacute;e grotesque s'&eacute;parpille
+en mille actions non pas d'&eacute;clat, mais de gaiet&eacute; baroque et de ris&eacute;e.
+L'invention est spontan&eacute;e, abondante, joyeuse. On assiste &agrave; une d&eacute;pense
+de jovialit&eacute; narquoise et d'humeur pavois&eacute;e. Les drapeaux qui flottent,
+les armes qui se dressent, les rayons du soleil, les banderoles des
+nuages ne sont pr&eacute;sent&eacute;s &agrave; la vue que comme d&eacute;cors fictifs et lignes
+ornementales. La <i>Bataille des &Eacute;perons d'or</i> est une kermesse o&ugrave; l'on
+tuerait pour s'amuser, o&ugrave; l'on tomberait pour se distraire, o&ugrave; l'on
+mourrait pour avoir le plaisir de faire une grimace. Le <i>Triomphe
+romain</i> s'apparente &agrave; la <i>Bataille des &Eacute;perons</i>. La composition en est
+moins originale et les lignes dominantes moins inattendues.
+Toutefois peut-on se r&eacute;jouir &agrave; voir les licteurs pr&eacute;senter leurs
+faisceaux comme des seringues et ceux qui portent les aigles arborer ces
+derni&egrave;res comme de vulgaires oiseaux abattus par des archers, dans
+quelque village flamand. Il conviendrait d'insister encore sur la <i>Mort
+d'un th&eacute;ologien</i>, sur la <i>Multiplication des poissons</i>, sur les
+<i>Soudards K&egrave;s et Pruta</i>, sur <i>Iston, Pouffamatus, Cracozie et
+Transmouff,</i> sur les <i>Diables menant le Christ aux Enfers</i>. Je me
+bornerai &agrave; pr&eacute;senter la plus importante des <i>Tentations de
+Saint-Antoine,</i> grande composition qui ne fut expos&eacute;e, apr&egrave;s un premier
+refus, qu'aux <i>XX</i>, en 1888.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 546px;">
+<a name="Projet_de_Chapelle" id="Projet_de_Chapelle"></a>
+<img src="images/ensor_29_projet_de_chapelle_02.jpg" width="546" alt="Projet de Chapelle &agrave; d&eacute;dier &agrave; St. Pierre et Paul&mdash;1897." title="" />
+<span class="figcap">Projet de Chapelle &agrave; d&eacute;dier &agrave; St. Pierre et Paul&mdash;1897.</span>
+</div>
+
+<p>Elle est divis&eacute;e par &eacute;tages. Au rez-de-chauss&eacute;e, l'anachor&egrave;te gros et
+geignant se pr&eacute;sente &agrave; nous et sa bonasse figure, que de grosses larmes
+humectent, regarde le ciel, sans trop de d&eacute;sespoir. Au-dessus de lui
+tr&ocirc;ne une femme qui se d&eacute;v&ecirc;t m&ecirc;me de la feuille de vigne. Elle est
+grande, belle, &eacute;lanc&eacute;e, et son impudeur est triomphante. En haut, tout
+en haut, appara&icirc;t une admirable t&ecirc;te de Christ, prise &agrave; quelque ma&icirc;tre
+gothique flamand. Il semble consoler Antoine et pleurer lui aussi sur
+l'amas des vices et des p&eacute;ch&eacute;s montr&eacute;s.</p>
+
+<p>Dans la vie des Saints par Alban Stolz, docteur en th&eacute;ologie et
+conseiller eccl&eacute;siastique, il est dit d'Antoine: &laquo;Un jour qu'il venait
+d'&ecirc;tre tent&eacute; plus que de coutume, il lui sembla que Notre Seigneur lui
+apparaissait rayonnant de lumi&egrave;re. Il lui dit en soupirant: &laquo;Bon J&eacute;sus
+o&ugrave; donc avez-vous &eacute;t&eacute;? Pourquoi n'&ecirc;tes-vous pas plut&ocirc;t venu me
+secourir&raquo;. Et il lui fut r&eacute;pondu: &laquo;Pendant que vous combattiez j'&eacute;tais
+aupr&egrave;s de vous, car sachez que je vous assisterai toujours.&raquo; Ce texte
+commente nettement le fourmillant dessin d'Ensor. Il composa du reste ce
+po&egrave;me par morceaux, appliquant sur une grande toile, maint carr&eacute; de
+papier qui continuait sans interruption la partie de sc&egrave;ne traduite sur
+le carr&eacute; voisin.</p>
+
+<p>En plus, si l'&oelig;uvre se divise, dans le sens de la hauteur, par &eacute;tages,
+elle se complique aussi, dans le sens de la profondeur, par couches.
+Presque partout quelque motif en saillie en cache un autre d'un relief
+plus att&eacute;nu&eacute; et plus fondu. Il en r&eacute;sulte une abondance et comme une
+fermentation &eacute;trange, car dans cette large page tout est trait&eacute;:
+religion, histoire, morale, vice, vertu, terreur, angoisse, rire,
+ricanement, folie. On se croirait en pr&eacute;sence de quelque &oelig;uvre indoue
+qui nous propose une explication du monde. Et voici les cultes anciens
+ridiculis&eacute;s par une Minerve grotesque debout au fronton des temples et
+voici les mille inventions modernes trait&eacute;es fantastiquement: trains,
+ballons, navires; et voici des &eacute;corch&eacute;s dont des femmes enl&egrave;vent la peau
+et voici des crucifi&eacute;s dont des femmes enl&egrave;vent le c&oelig;ur et voici les
+p&eacute;ch&eacute;s capitaux qui apparaissent avec leurs violences et leurs affres et
+qui tournent autour de la luxure centrale.</p>
+
+<p>Dans le bas se d&eacute;roulent des cort&egrave;ges. Des mimes, des masques et des
+clowns, portant des pancartes fol&acirc;tres se poussent vers saint Antoine
+comme pour lui pr&eacute;senter la p&eacute;tition goguenarde de l'universelle d&eacute;mence
+humaine.</p>
+
+<p>Oh, le multiple et terrible cauchemar enlumin&eacute;! Il arr&ecirc;te surtout par
+ses d&eacute;tails minutieux et innombrables, mais l'ensemble en est toutefois
+large et imposant. Celui qui le con&ccedil;ut est quelqu'un dont
+l'intelligence, le c&oelig;ur et l'imagination travaillent et fournissent avec
+angoisse leur pens&eacute;e et leur r&ecirc;ve aux mains patientes et laborieuses.</p>
+
+
+
+<hr style="width: 65%;" />
+<h3><a name="V" id="V"></a>V.</h3>
+
+<h3>LES EAUX-FORTES</h3>
+
+
+<p>C'est dans son travail d'aquafortiste plus encore que dans son &oelig;uvre de
+peintre que l'imagination d'Ensor s'est d&eacute;brid&eacute;e. Bien des cuivres
+reproduisent certains de ses tableaux et tel de ses dessins est traduit
+en gravure. Toutefois, quand le burin &agrave; la main il con&ccedil;oit quelque
+composition encore in&eacute;dite, le vent de la fantasmagorie plus que jamais
+violent lui souffle sur le cerveau. Je craindrais de r&eacute;&eacute;diter certaines
+analyses d&eacute;j&agrave; faites si je pr&eacute;sentais, ici, toutes les <i>diableries</i> et
+<i>mascarades</i> trait&eacute;es &agrave; la pointe. Je ne veux appuyer que sur leur
+excessive audace, sur leur extr&ecirc;me cocasserie, sur leur insurpassable
+outrance. L'impudeur, l'ind&eacute;cence, la scatologie m&ecirc;me apparaissent.
+Mais&mdash;disons le en y insistant&mdash;rien n'est malsain, trouble, louche,
+ambigu; tout au contraire est franc, sinc&egrave;re, f&eacute;roce, brutal. Il n'y a
+pas de sous-entendu. Il y a &eacute;talage. On sait imm&eacute;diatement qu'il faut ou
+fermer ses yeux si l'on craint pour ses prunelles innocentes, ou se
+boucher le nez si l'on poss&egrave;de des muqueuses trop d&eacute;licates. Le
+haut-le-c&oelig;ur est soudain ou ne se produit pas. Ceux qui l'&eacute;vitent se
+complairont &agrave; suivre alors, en tous leurs m&eacute;andres, les fleuves de
+verve tumultueuse et de raillerie agit&eacute;e que l'artiste charrie &agrave; travers
+ses &oelig;uvres, avec leurs boues frapp&eacute;es de soleil, leurs folles herbes
+tournoyantes et leurs charognes magnifiques. Vienne, Z&uuml;rich, Li&egrave;ge,
+Barcelone, Milan, Venise, Ostende, Dresde, Paris poss&egrave;dent, en leurs
+collections publiques mainte eau-forte du graveur. M. Eug&egrave;ne Demolder en
+une critique p&eacute;n&eacute;trante et renseign&eacute;e, M. Coquiot das sa pr&eacute;face au
+<i>livre des masques</i>, M. Vittorio Pica, l&agrave; bas, en Italie, dans les
+revues et Jean Lorrain, dans le roman &eacute;trange, pr&eacute;cieux et faisand&eacute; de
+<i>M. de Phocas</i>, ont longuement et ardemment c&eacute;l&eacute;br&eacute; tels ou tels cuivres
+du peintre. Voici ceux qui ont le plus souvent sollicit&eacute; la critique.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 583px;">
+<a name="la_cathedrale" id="la_cathedrale"></a>
+<img src="images/ensor_30_la_cathedrale_02.jpg" width="583" alt="La Cath&eacute;drale&mdash;1886. Gravure &agrave; l&#39;eau-forte." title="" />
+<span class="figcap">La Cath&eacute;drale&mdash;1886. Gravure &agrave; l&#39;eau-forte.</span>
+</div>
+
+<p><i>La Cath&eacute;drale</i> (1886). Serr&eacute;e, compacte, myriadaire, une multitude
+s'avance moins avec ses jambes, ses bras, son corps qu'avec ses visages,
+vers on ne sait quel but. Elle bouge non pas individuellement, mais
+totalement, d'un &eacute;norme mouvement d'ensemble et c'est comme si la masse
+humaine enti&egrave;re s'&eacute;branlait. Au milieu d'elle une &eacute;glise avec ses
+grandes tours, avec l'&eacute;lancement de ses ogives, avec ses toits et ses
+clochetons, une &eacute;glise l&eacute;g&egrave;re, triomphante, a&eacute;rienne est plant&eacute;e et
+domine. Au loin se devinent d'autres architectures, des surgissements de
+fl&ecirc;ches, des hampes g&eacute;antes et des drapeaux. On songe &agrave; une colossale
+f&ecirc;te s&eacute;culaire, &agrave; quelque anniversaire prodigieux. Le spectacle est
+&eacute;pique.</p>
+
+<p>Et cette impression est donn&eacute;e non pas avec force, mais avec l&eacute;g&egrave;ret&eacute; et
+d&eacute;licatesse. Le burin fourmillant a creus&eacute; partout mais jamais sa pointe
+ne fut rude ni acharn&eacute;e. On dirait le travail d'un clan de mouches ou
+d'une ruche d'insectes. Une atmosph&egrave;re joyeuse, transparente, fine,
+l&eacute;g&egrave;re, baigne la page enti&egrave;re et si le mot chef-d'&oelig;uvre vole sur les
+l&egrave;vres de celui qui la regarde, ce mot y semblera bien &agrave; sa place comme
+est &agrave; sa place sur le cuivre chaque trait d'ombre et chaque surface de
+lumi&egrave;re.</p>
+
+<p><i>La grande vue de Mariakerke</i> (1887) est d'une qualit&eacute; d'art aussi haute
+que la <i>Cath&eacute;drale</i>. Les petites maisons du village west-flamand sont
+group&eacute;es autour de son clocher, avec leurs toits comme des ailes
+abaiss&eacute;es, avec leurs maigres enclos, avec leurs dunes poudreuses et
+leurs verdures aigu&euml;s. Un ciel admirable de nuages volants le surmonte
+et le grandit. On sent la mer proche. Les herbes de l'avant-plan sont
+ploy&eacute;es par le vent du large. Elles forment comme une barri&egrave;re d'ombre
+qui &eacute;loigne et approfondit le sujet principal. Un air abondant circule.
+Une correspondance exacte, une interinfluence scrupuleusement observ&eacute;e
+et rendue existe entre le ciel et la terre. Les plans sont partout
+minutieusement fixes et leur accord partant des bords du cadre jusques &agrave;
+l'horizon prouvent quel &oelig;il s&ucirc;r Ensor poss&egrave;de qu'il s'agisse du trait ou
+de la couleur.</p>
+
+<p>Et <i>l'H&ocirc;tel de ville d'Audenarde</i> (1888) et surtout les <i>Barques
+&eacute;chou&eacute;es</i> (1889) confirment encore en nous cette conviction. Dans la
+premi&egrave;re planche, l'ombre des galeries du rez-de-chauss&eacute;e est rendue
+avec une justesse merveilleuse et tout le haut de l'&eacute;difice semble comme
+vibrer dans la lumi&egrave;re; dans la seconde, gr&acirc;ce &agrave; la disposition oblique
+des deux lignes principales, celle du rivage lointain et celle des
+bateaux sur le quai, l'approfondissement du paysage est admirablement
+rendu, tandis que la volute large et ample du nuage, d&eacute;roulant sa port&eacute;e
+dans la m&ecirc;me direction que le rivage de droite et les barques de gauche,
+concourt &agrave; cette m&ecirc;me illusion d'&eacute;tendue. Souvent, le jeu subtil des
+lignes ne fut gu&egrave;re favorable aux compositions de James Ensor, mais ici
+les plus malveillantes critiques ne peuvent avoir de prise et son &oelig;uvre
+est irr&eacute;prochable. Ceux qui le chicanent sur la trop fameuse
+perspective, n'ont qu'&agrave; examiner les <i>Barques &eacute;chou&eacute;es</i>. Ils conclueront
+que si le peintre viole parfois telle ou telle sacro-sainte r&egrave;gle, tant
+en ses tableaux qu'en ses dessins, ce n'est ni par ignorance, ni par
+impuissance mais par r&eacute;flexion et par volont&eacute;. L'art doit sacrifier &agrave;
+chaque instant les pr&eacute;ceptes et les enseignements qui le g&ecirc;nent dans ses
+recherches et ses d&eacute;couvertes. Un vrai artiste trouve en lui-m&ecirc;me la
+justification de ses exc&egrave;s. Ce qui s'est fait avant lui ne lui est qu'un
+conseil; ce ne peut jamais lui &ecirc;tre un ordre, ni une sorte d'ultimatum.
+L'art est libre, libre, libre! s'&eacute;crie quelque part James Ensor. Il n'y
+a que les m&eacute;diocres qui ne comprennent pas et ne comprendront jamais la
+profondeur et la sinc&eacute;rit&eacute; d'une telle revendication ardente.
+Heureusement que les routes sup&eacute;rieures de l'humanit&eacute; en marche sont
+plant&eacute;es de grandes &oelig;uvres qui l'affirment et la crient &agrave; leur tour.</p>
+
+
+<div class="figcenter" style="width: 750px;">
+<a name="le_christ_apaisant_la_tempete" id="le_christ_apaisant_la_tempete"></a>
+<img src="images/ensor_31_le_christ_apaisant_la_tempete_02.jpg" width="750" alt="Le Christ apaisant la Temp&ecirc;te&mdash;1886. Gravure &agrave; la pointe
+s&egrave;che." title="" />
+<span class="figcap">Le Christ apaisant la Temp&ecirc;te&mdash;1886. Gravure &agrave; la pointe
+s&egrave;che.</span>
+</div>
+
+
+<p>Le <i>Christ calmant la temp&ecirc;te</i> (1886), les <i>Sorciers dans les
+bourrasques</i> (1888), l'<i>Ange exterminateur</i> (1889), sont des
+compositions magnifiques d'ampleur et de simplicit&eacute;. La premi&egrave;re est
+comme solennelle. On a la sensation d'un miracle qui &eacute;clate et du
+surnaturel qui rayonne. Les deux autres baign&eacute;es&mdash;dites de quelle vaste
+ou f&eacute;erique lumi&egrave;re&mdash;propagent un mouvement fou tout au long de leurs
+lignes. L'&eacute;norme Sorcier de la bourrasque fait songer &agrave; quelque Caliban
+c&eacute;leste. Il est grotesque et puissant &agrave; la fois. L'ange exterminateur a
+beau nous appara&icirc;tre comme une sorte de croquemitaine et les foules qui
+le voient passer s'accroupir en des poses affol&eacute;es, l'apparition est
+magnifique et inoubliable de splendeur. Le trait menu et comme
+tremblant, le trait minuscule et rompu doue le cheval et son cavalier
+galopant dans les nues, comme d'une vitesse fr&eacute;missante.</p>
+
+<p><i>Les sept p&eacute;ch&eacute;s capitaux</i>, que pr&eacute;c&eacute;da d&egrave;s 1888: <i>Peste dessus, peste
+dessous, peste partout</i>, nous offrent comme une &oelig;uvre cyclique o&ugrave; le
+grotesque le dispute &agrave; la f&eacute;rocit&eacute;. Une eau-forte liminaire en pr&eacute;pare
+l'impression &eacute;trange. Elle figure une Mort ail&eacute;e&mdash;dites quelles ailes
+mis&eacute;rables et d&eacute;plum&eacute;es le squelette entr'ouvre!&mdash;abritant sous elle des
+personnages divers dont chacun semble &ecirc;tre une indication rapide des
+sept vices &agrave; fustiger.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 515px;">
+<a name="barques_echouees" id="barques_echouees"></a>
+<img src="images/ensor_32_barques_echouees.jpg" width="515" alt="Barques &eacute;chou&eacute;es&mdash;1888. Gravure &agrave; l&#39;eau-forte." title="" />
+<span class="figcap">Barques &eacute;chou&eacute;es&mdash;1888. Gravure &agrave; l&#39;eau-forte.</span>
+</div>
+
+<p>La <i>Luxure</i> (1888) occupe le centre de l'&oelig;uvre. Un jeune homme dont le
+corps est &agrave; demi dissimul&eacute;, semble ramper, sur un lit, vers une femme
+&eacute;norme qui d&eacute;tourne la t&ecirc;te et n'&eacute;tale qu'une chair ballonn&eacute;e impudique
+et monstrueuse. Le temps, sinistre et glabre vieillard, le temps aux
+mains et aux ailes crochues menace d'une faux &eacute;norme le couple lubrique,
+tandis que voltige dans l'air une mani&egrave;re de gnome cornu et que dans un
+cadre, pr&egrave;s d'un rideau, de vagues nudit&eacute;s apparaissent. Dessin rapide,
+traits menus, facture fine et d&eacute;licate. Page de blondeur et de jeunesse
+o&ugrave; seule la faux lev&eacute;e trace un lugubre &eacute;clair. Elle voisine avec
+<i>l'Avarice</i> (1904)&mdash;ici, la pointe du burin appuie, griffe, devient
+comme m&eacute;chante&mdash;et l'on voit un terrible bonhomme, en casque-&agrave;-m&egrave;che
+compter son argent sur une table et quelque d&eacute;mon h&eacute;riss&eacute; remuer, avec
+lui, les pi&egrave;ces rondes et fr&eacute;missantes. Soudain surviennent deux
+assassins qui assaillent et saignent le cynique avare. Le sang
+&eacute;clabousse sa figure et s'&eacute;coule de son flanc. L'<i>Envie</i> (1904)
+s'&eacute;claire de l'apparition d'une jeune m&egrave;re tenant un nouveau-n&eacute; entre
+ses bras. Elle est heureuse. Un jeune gars l'embrasse. Une paix, une
+douceur, une tendresse est r&eacute;pandue. Des rayons partent du milieu de la
+page, baignant le front de la femme et se projetant jusqu'au bord du
+cadre. Mais voici la contradiction qui se l&egrave;ve: vieilles filles au nez
+f&eacute;roce, bigotes tirant la langue, hommes graves et bilieux, cr&eacute;tins
+faisant des pieds-de-nez et ci et l&agrave; des squelettes voltigeant comme
+pour annoncer la maladie et le tr&eacute;pas et affirmer combien toujours la
+mort est suspendue sur la vie.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 510px;">
+<a name="Croquis_05" id="Croquis_05"></a>
+<img src="images/ensor_33_croquis_05.jpg" width="510" alt="Croquis." title="" />
+<span class="figcap">Croquis.</span>
+</div>
+
+<p>L'<i>Orgueil</i> (1904). Solennel, ponctuel, grave, rogue, ridicule, avec de
+tombantes bajoues, avec un front &eacute;troit, carr&eacute;, abrupt, avec une t&ecirc;te
+trop volumineuse pour son corps &eacute;triqu&eacute;, quelque vague notaire ou
+commer&ccedil;ant ou bourgmestre de province se pr&eacute;sente &agrave; la foule des
+qu&eacute;mandeurs, des humili&eacute;s et des pauvres qui lui baisent les mains. Un
+squelette lui pose une couronne sur la t&ecirc;te. Un coq, les plumes
+h&eacute;riss&eacute;es, crie vers lui comme s'il claironnait de fureur. Un &acirc;ne
+regarde. Quelque morne sacristain lit un discours; quelque minable
+vieille tend un bouquet. La mort, arm&eacute;e de sa faux, prom&egrave;ne ses doigts
+d'os dans la perruque d'une femme acari&acirc;tre&mdash;peut-&ecirc;tre la compagne du
+notaire, du commer&ccedil;ant ou du bourgmestre&mdash;et lui cherche sa vermine. La
+sc&egrave;ne est d'une observation cruelle et fol&acirc;tre. Tout est piteux, morose,
+grotesque dans ce triomphe. La petite ville y est raill&eacute;e et bafou&eacute;e.
+Ensor se venge.</p>
+
+<p>La page la moins r&eacute;ussie nous repr&eacute;sente la <i>Col&egrave;re</i> (1904). Au fond
+d'un lieu quelconque&mdash;appartement d'ouvrier ou grenier bourgeois&mdash;homme
+et femme, avec des couteaux et des crochets, luttent et se blessent.
+Leur chat, le poil dress&eacute;, assiste &agrave; la bataille. Des &ecirc;tres
+singuliers interviennent et la camarde semble faucher le vide au-dessus
+des combattants. On croirait que le cuivre est griff&eacute; au moyen d'un
+clou. Toute autre est l'abondante et grasse et croupissante et
+savoureuse <i>Gourmandise</i> (1904). Bien que les deux personnages assis
+vomissent leur nourriture et que la Mort leur serve un homard et qu'un
+chien, sur le dossier d'une chaise, compisse l'un d'eux et qu'une t&ecirc;te
+coup&eacute;e s'&eacute;tale sur un plat, le petit drame gastronomique se caract&eacute;rise
+par une jovialit&eacute; amusante. Un tableau pendu au mur r&eacute;jouit par son
+dessin preste: il repr&eacute;sente des porcs qu'on tue, dans un village sur la
+place, et certes les deux b&acirc;freurs assis ou plut&ocirc;t affal&eacute;s &agrave; leur table
+ne se doutent point qu'ils m&eacute;ritent un semblable tr&eacute;pas. L'&eacute;norme cochon
+qui se hisse dans un coin, la langue pendante, semble seul distraire le
+plus gros des convives et son &oelig;il oblique s'en va vers le groin tendu ou
+vers le homard que la mort apporte, presque amoureusement. Enfin la
+<i>Paresse</i> (1902) repr&eacute;sente deux dormeurs, un homme et une femme,
+enfonc&eacute;s dans leur couche. Un lutin ricaneur chatouille l'&oelig;il de la
+dame. Un squelette d&eacute;traque une horloge et enl&egrave;ve une aiguille. Par la
+fen&ecirc;tre, on aper&ccedil;oit des paysans qui moissonnent, des ouvriers qui
+brouettent, des valets qui b&ecirc;chent, des gens de peine qui transportent
+des fardeaux, des soldats &agrave; l'exercice, des trains qui roulent et tout
+au loin une ville &eacute;norme dont les usines s'acharnent et fument sous le
+riant soleil. Dehors il fait grand jour, mais les dormeurs ba&icirc;llants se
+calfeutrent et de lents escargots rampent sur leurs draps. Un petit
+d&eacute;mon, sur la table de nuit, &eacute;teint, d'un pet, la bougie.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 438px;">
+<a name="Ernest_Rousseau" id="Ernest_Rousseau"></a>
+<img src="images/ensor_34_ernest_rousseau.jpg" width="438" alt="Ernest Rousseau&mdash;1887. Gravure &agrave; la pointe s&egrave;che." title="" />
+<span class="figcap">Ernest Rousseau&mdash;1887. Gravure &agrave; la pointe s&egrave;che.</span>
+</div>
+
+<p>Cette suite de sujets renseigne&mdash;et que d'autres petites planches
+l'affirment comme elle&mdash;sur l'in&eacute;puisable fantaisie de James Ensor. On
+la croit au bout de sa tr&eacute;pidation et toujours et encore elle
+recommence. Elle est v&eacute;loce et incessante comme le tic-tac d'une montre.
+Elle s'agite jour et nuit. La moindre observation faite au hasard la
+remonte comme le petit tour de clef quotidien redonne la vie aux
+ressorts distendus.</p>
+
+<p>Pour saisir mieux encore cette fol&acirc;tre imagination il faudrait la suivre
+jusque dans sa descente vers la caricature et la montrer aux prises avec
+les <i>Cuisiniers dangereux</i><a name="FNanchor_1_1" id="FNanchor_1_1"></a><a href="#Footnote_1_1" class="fnanchor">[1]</a> et les <i>Mauvais m&eacute;decins</i> (1895).</p>
+
+<p>Les <i>Cuisiniers dangereux</i> sont les critiques. On y distingue telles
+personnalit&eacute;s que J. Ensor redoutait. Elles servent un &eacute;trange repas &agrave;
+quelques-uns de leurs confr&egrave;res et sur les plats pr&eacute;sent&eacute;s s'&eacute;tale la
+t&ecirc;te m&ecirc;me du peintre flanqu&eacute;e d'un sauret. Les <i>Mauvais m&eacute;decins</i>
+op&egrave;rent avec une f&eacute;rocit&eacute; d&eacute;lur&eacute;e, s'emp&eacute;trant parmi les intestins
+qu'ils retirent des ventres comme des c&acirc;bles et taillent dans les chairs
+de larges crevasses par o&ugrave; s'&eacute;vadent les entrailles. Le patient tend un
+poing vers le ciel, est retenu par une corde qui l'&eacute;trangle tandis que
+la mort sinistre, avec un geste pr&eacute;ceptoral, appara&icirc;t.</p>
+
+<div class="footnote"><p><a name="Footnote_1_1" id="Footnote_1_1"></a><a href="#FNanchor_1_1"><span class="label">[1]</span></a> Les <i>Cuisiniers dangereux</i> sont un panneau (1896).</p></div>
+
+
+
+<hr style="width: 65%;" />
+<h3><a name="VI" id="VI"></a>VI</h3>
+
+<h3>VIE ET CARACT&Egrave;RE</h3>
+
+
+<p>Vie banale somme toute, mais en lutte avec un caract&egrave;re sp&eacute;cial,
+&eacute;trange, infiniment impressionnable et ombrageux.</p>
+
+<p>Ensor naquit &agrave; Ostende. Il a 48 ans. Il grandit dans une maison de
+n&eacute;goce, avec sa boutique achaland&eacute;e s'ouvrant sur la rue, &agrave; c&ocirc;t&eacute; de la
+chambre de famille. Aux jours o&ugrave; la mer est calme on envoie l'enfant sur
+la plage se distraire dans le sable, avec des coquillages. Il ne conna&icirc;t
+point encore le pittoresque quartier des p&ecirc;cheurs plein de voiles et de
+bateaux, plein de gamins h&acirc;ves qui jouent parmi des charettes &agrave; bras,
+d&eacute;piotent de leurs doigts prestes les crevettes tomb&eacute;es des paniers de
+la mar&eacute;e et se poursuivent parmi les cordes tendues de poteau en poteau
+et les ancres abandonn&eacute;es dans les terrains vagues. Ce n'est que plus
+tard qu'il se m&ecirc;lera, pouss&eacute; par son art, &agrave; la vie des matelots et des
+mousses.</p>
+
+<p>Il ne suit les classes que pendant deux ans. Lui m&ecirc;me emmagasine
+quelques connaissances vari&eacute;es dans sa jeune t&ecirc;te. Ses livres d'images
+le hantent. Les romans &agrave; na&iuml;fs dessins le sollicitent. Apr&egrave;s avoir
+admir&eacute; les gravures il lit le texte. Mais d&eacute;j&agrave; mainte tentation lui
+vient de rendre les tons et les lignes qu'il voit. Il griffonne et
+barbouille. D&eacute;tail &agrave; noter: ce sont les couleurs qu'il traduit avant
+m&ecirc;me qu'il dessine les objets. Il a quatorze ans.</p>
+
+<p>On lui donne comme professeurs deux vagues aquarellistes ostendais:
+Dubar et Van Kuyck. Leurs conseils lui sont l&eacute;gers. Il les &eacute;coute et
+oublie leurs paroles. Il n'est inqui&eacute;t&eacute; que par ce qu'il voit. Il ne
+peint que d'apr&egrave;s nature et les sites marins et les dunes et les
+paysages des environs d'Ostende sont ses premiers mod&egrave;les. Louis Dubois,
+le beau peintre solide et puissant, rencontrant un jour, au cours d'un
+vill&eacute;giature sur la c&ocirc;te, les quelques pages auxquelles James Ensor,
+presque enfant, confiait ses primes essais, s'enthousiasma et vivement
+s'int&eacute;ressa &agrave; ses d&eacute;buts.</p>
+
+<p>En 1877 le voici &agrave; Bruxelles. De 1877 &agrave; 1880 il fr&eacute;quente l'Acad&eacute;mie. Il
+y eut pour compagnons: Fernand Khnopff, Charlet et Duyck. Et pour
+ma&icirc;tres: Portaels, Stallaert, Robert et Van Severdonck.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 487px;">
+<a name="le_theatre_des_masques" id="le_theatre_des_masques"></a>
+<img src="images/ensor_35_le_theatre_des_masques.jpg" width="487" alt="Le Th&eacute;atre des Masques ou Bouquet d&#39;artifice&mdash;1889" title="" />
+<span class="figcap">Le Th&eacute;atre des Masques ou Bouquet d&#39;artifice&mdash;1889</span>
+</div>
+
+<p>Plus tard, sorti de cette &eacute;cole, il appr&eacute;ciera et critiquera
+l'enseignement de ses ma&icirc;tres, en ce caract&eacute;ristique monologue:</p>
+
+<blockquote><p style="margin-left: 10em;"> &laquo;TROIS SEMAINES A L'ACAD&Eacute;MIE</p>
+
+<p style="margin-left: 14em;"><i>Monologue &agrave; tiroirs</i></p>
+
+<p>La sc&egrave;ne est dans la classe de peinture.</p>
+
+<p>Personnages: Trois professeurs, le directeur de l'Acad&eacute;mie, un
+surveillant; personnage muet: un futur membre des <i>XX</i>.</p>
+
+<p>Nota: La v&eacute;rit&eacute; des menus propos qui suivent est garantie.</p>
+
+<p>1<sup>re</sup> Semaine: M. le professeur Pilstecker.</p>
+
+<p>Vous &ecirc;tes coloriste, Monsieur, mais sur 100 peintres il y a 90
+coloristes.</p>
+
+<p>Le flamand perce toujours chez vous, malgr&eacute; tout. Je trouve les
+artistes fran&ccedil;ais tr&egrave;s forts; dans une exposition, on les distingue
+de suite de leurs voisins; ils sont tr&egrave;s forts en composition.</p>
+
+<p>Il ne faut pas croire que le professeur ab&icirc;me l'&eacute;tude en la
+corrigeant; quand j'avais votre &acirc;ge, je le croyais aussi,
+maintenant je vois bien que le professeur avait raison.</p>
+
+<p>Vous n'avancez pas! &ccedil;a n'est pas model&eacute;! (montrant l'&eacute;tude d'un
+autre &eacute;l&egrave;ve). En voici un qui va bien! Malheureusement il est trop
+paresseux.</p>
+
+<p>Vous cherchez d&eacute;j&agrave; l'air ambiant, au lieu d'attendre que vous soyez
+assez fort en dessin; songez que vous avez encore deux classes
+d'antiques &agrave; faire! apr&egrave;s cel&agrave;, vous aurez bien le temps de vous
+occuper d'air ambiant, de couleur et de tout le reste.</p>
+
+<p>Vous ne voulez pas apprendre; peindre comme cel&agrave;, c'est de la folie
+ou de la m&eacute;chancet&eacute;.</p>
+
+<p>Je suis <i>forc&eacute;</i> de vous complimenter sur votre dessin; mais
+pourquoi faites-vous des dessins contre l'Acad&eacute;mie?</p>
+
+<p>2<sup>e</sup> Semaine: M. le professeur Slimmevogel.</p>
+
+<p>Vous avez fait votre fond au lieu de faire la figure; &ccedil;a n'est pas
+difficile de faire un fond.</p>
+
+<p>Vous faites le contraire de ce qu'on vous dit. Au lieu de commencer
+par <i>vos vigueurs</i>, vous commencez par les clairs. Comment
+pouvez-vous juger votre ensemble. Il faut faire vos vigueurs avec
+du noir de vigne et de la terre de Sienne br&ucirc;l&eacute;e.</p>
+
+<p>Je ne sais pas ce qu'il y a dans l'air ici; jamais je n'ai vu la
+classe de peinture comme cette ann&eacute;e. Je serais honteux si un
+&eacute;tranger entrait ici.</p>
+
+<p>Je ne vois rien l&agrave; dedans. Il y a de la couleur, mais &ccedil;a ne suffit
+pas.</p>
+
+<p>&Ccedil;a manque de vigueur. Vous emp&acirc;tez trop. Vous avez l'air de bien
+chercher cependant. Vous avez assez cherch&eacute; maintenant.</p>
+
+<p>Est-ce M. Pilstecker qui a corrig&eacute; votre &eacute;tude? &Ccedil;a n'est pas sa
+semaine, pourtant. C'est emb&ecirc;tant, &ccedil;a!</p>
+
+<p>3<sup>e</sup> Semaine: M. le professeur Van Mollekot.</p>
+
+<p>Qu'est-ce que c'est que &ccedil;a! C'est beaucoup trop brun, vous savez.
+Est-ce M. Slimmevogel qui vous a corrig&eacute;?</p>
+
+<p>C'&eacute;tait si bien commenc&eacute;. Vous dessinez si bien, mais vous ab&icirc;mez
+tout ce que vous faites.</p>
+
+<p>Croyez-moi, c'est dans votre int&eacute;r&ecirc;t que je vous le dis. Mettez
+votre &eacute;tude &agrave; c&ocirc;t&eacute; du mod&egrave;le. Vous avez peur de peindre.</p>
+
+<p>Il faut peindre avec des brosses plates, en pleine p&acirc;te, mais il
+faut faire attention de ne pas blaireauter.</p>
+
+<p>Vous n'emp&acirc;tez pas assez. Je sais bien que vous savez le faire,
+mais il faudrait le montrer aux autres.</p>
+
+<p>Vous faites du paysage, c'est de la farce, le paysage!</p>
+
+<p>M. le Directeur.</p>
+
+<p>Vous dessinez en peignant, mauvais! mauvais! Vous allez vous noyer.</p>
+
+<p>C'est le sentiment qui vous perd, vous n'&ecirc;tes pas le seul.</p>
+
+<p>La semaine pass&eacute;e, vous avez fait un bon dessin, maintenant, c'est
+encore une fois la m&ecirc;me chose; vous avez mal &agrave; l'&oelig;il peut-&ecirc;tre? Un
+sculpteur serait bien embarrass&eacute;, s'il devait faire quelque chose
+d'apr&egrave;s votre dessin.</p>
+
+<p>Est-ce M. Slimmevogel qui a retouch&eacute; &ccedil;a?</p>
+
+<p>Le Surveillant.</p>
+
+<p>M. le Directeur et M. Pilstecker sont tr&egrave;s f&acirc;ch&eacute;s contre vous, &agrave;
+cause de votre concours d'esquisse peinte. Si vous voulez me
+promettre de changer de mani&egrave;re, j'en parlerai &agrave; M. le Directeur,
+et vous pourrez entrer &agrave; la classe de nature.</p>
+
+<p><i>Moralit&eacute;</i>: L'&eacute;l&egrave;ve quitte l'Acad&eacute;mie et se fait Vingtiste.</p>
+
+<p><i>Moralit&eacute; ult&eacute;rieure</i>: On refuse toutes ses toiles au Salon.&raquo;</p></blockquote>
+
+<div class="figcenter" style="width: 750px;">
+<a name="l_intrigue" id="l_intrigue"></a>
+<img src="images/ensor_36_l_intrigue.jpg" width="750" alt="L&#39;Intrigue&mdash;1890. (Collection Ernest Rousseau)" title="" />
+<span class="figcap">L&#39;Intrigue&mdash;1890. (Collection Ernest Rousseau)</span>
+</div>
+
+<p>Ce monologue porte. Il est jovial et juste. Il r&eacute;sume, d'un style leste
+et ironique les tares de l'enseignement officiel. Les personnages
+repr&eacute;sent&eacute;s se reconnaissent. Leurs jolis noms emprunt&eacute;s au langage
+populaire donnent au morceau entier, une savoureuse couleur locale.
+Ensor ne pouvait &ecirc;tre un bon &eacute;l&egrave;ve. Sa nature s'y opposait; il &eacute;tait
+destin&eacute; &agrave; devenir un bon peintre. Il remporta toutefois le deuxi&egrave;me
+prix de dessin de t&ecirc;te antique.</p>
+
+<p>Revenu &agrave; Ostende il se forme lui m&ecirc;me. Toutefois restent suspendues au
+mur de son atelier deux compositions faites &agrave; l'Acad&eacute;mie: <i>Oreste
+tourment&eacute; par les Furies</i> et <i>Judas lan&ccedil;ant l'argent dans le Temple</i>. On
+comprend que d'authentiques professeurs se soient &eacute;tonn&eacute;s devant ces
+peintures. Le ton y est d&eacute;j&agrave; tr&egrave;s particulier. Les personnages baignent
+dans une lumi&egrave;re argent&eacute;e; aucun trait n'est sec ni maigr&eacute;. Aucun geste
+conventionnel, ni appris. La sc&egrave;ne n'est point soulign&eacute;e par la
+pr&eacute;sentation &agrave; l'avant-plan du protagoniste principal, soit Judas, soit
+Oreste. C'est le groupe qui int&eacute;resse; c'est l'ensemble; c'est l'action
+totale. Des rouges sonnent sur un fond d'argent. Les d&eacute;froques sont
+plut&ocirc;t romantiques que classiques ou bibliques. Le dessin acad&eacute;mique est
+tout entier mang&eacute; par la couleur. Ces deux toiles sont d&eacute;j&agrave; de la vraie
+peinture ensorienne.</p>
+
+<p>L'ann&eacute;e 1880 fut une ann&eacute;e admirable pour James Ensor. Son vrai d&eacute;but
+date de ce temps. Il lit beaucoup. La litt&eacute;rature n'a jamais &eacute;mu les
+peintres belges. En ce temps l&agrave;, surtout, leur ignorance se dressait
+monumentale. Ils avaient peur d'orner leur esprit pour ne point courir
+le danger de sacrifier &agrave; l'imagination. On sait ce que cette crainte
+pu&eacute;rile a produit. Au dernier <i>Salon d'automne</i> (1907) &agrave; Paris, le
+principal grief qu'on fit &agrave; notre exposition r&eacute;trospective fut de
+manquer d'intellectualit&eacute; ou plut&ocirc;t d'intelligence.</p>
+
+<p>Je n'ignore point qu'un peintre litt&eacute;raire est un peintre d&eacute;voy&eacute;. Je
+sais qu l'&oelig;il et non pas l'esprit doit dominer dans les arts plastiques.
+Nul plus que moi ne s'est fait un devoir de signaler combien il
+importait de voir, de regarder, de constater afin de bien traduire soit
+la ligne, soit la couleur, soit la lumi&egrave;re. Toutefois il ne faut pas
+qu'un peintre se pr&eacute;vaille de cette v&eacute;rit&eacute; qui peut appara&icirc;tre, &agrave; juste
+titre, comme une mani&egrave;re de dogme esth&eacute;tique, pour s'opposer &agrave; toute
+culture g&eacute;n&eacute;rale et se complaire &agrave; n'&ecirc;tre volontairement qu'une brute
+qui peint. Il faut, au contraire, que tout artiste s'affine et s'&eacute;duque.
+Or, c'est la litt&eacute;rature seule, prise dans son sens large, qui lui peut
+donner cet affinement. Il doit tendre &agrave; son d&eacute;veloppement complet, &agrave;
+l'exaltation de sa personnalit&eacute; totale; il doit comme fourbir le
+faisceau entier de ses facult&eacute;s. Rien n'est perdu et, myst&eacute;rieusement,
+tout sert. A l'heure des chefs-d'&oelig;uvre, c'est tout l'&ecirc;tre humain, avec
+ce qu'il contient de puissance latente et emmagasin&eacute;e dans son cerveau,
+dans ses sens, dans ses muscles, dans ses nerfs, qui appara&icirc;t et qui se
+hausse, par sa cr&eacute;ation soudaine mais combien lentement pr&eacute;par&eacute;e, au
+plan des dieux.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 712px;">
+<a name="masques_devant_la_mort" id="masques_devant_la_mort"></a>
+<img src="images/ensor_37_masques_devant_la_mort_02.jpg" width="712" alt="Masques devant la Mort&mdash;1888. (Collection Ernest
+Rousseau)" title="" />
+<span class="figcap">Masques devant la Mort&mdash;1888. (Collection Ernest
+Rousseau)</span>
+</div>
+
+<p>Les ma&icirc;tres que lisait Ensor &eacute;taient &eacute;videmment ceux que sa nature
+d'exception lui d&eacute;signait: Edgar Poe et Balzac. Pourtant, avant eux, il
+avait cultiv&eacute; Rabelais (on s'en aper&ccedil;oit en ses &eacute;crits); il go&ucirc;tait le
+Roland Furieux, de l'Arioste, et Don Quichotte et les Mille et une
+Nuits. J'ai trouv&eacute; &eacute;galement dans sa biblioth&egrave;que &laquo;l'Enfer&raquo; du Dante.</p>
+
+<p>Quant aux peintres qu'il entoure de son culte pieux ce sont et Rembrandt
+et Delacroix et Chardin et Watteau. Il ne lui d&eacute;pla&icirc;t pas de louer
+&eacute;galement&mdash;il ne serait pas James Ensor s'il n'appr&eacute;ciait
+l'antith&egrave;se&mdash;le &laquo;Virgile lisant l'En&eacute;ide&raquo; (fragment) du vieil Ingres.</p>
+
+<p>Il englobe encore dans son admiration Pierre Breughel et J&eacute;r&ocirc;me Bosch.
+Mais il ignore Rowlandson et Gillray auxquels il ressemble. Et Goya ne
+lui est nullement familier.</p>
+
+<p>Ses voyages furent tr&egrave;s rares. En 1892 il ne s'attarda que quatre jours
+&agrave; Londres; il fut &agrave; deux ou trois reprises &agrave; Paris; il se divertit dans
+un voyage en Hollande, avec son ami Vogels, et les mus&eacute;es d'Amsterdam et
+de Haarlem le retinrent longtemps entre leurs murs.</p>
+
+<p>Sa vie s'est &eacute;coul&eacute;e, &agrave; Ostende, presque tout enti&egrave;re. Il y a subi
+l'interminable et ensevelissant ennui de la province qui tombe sur l'&acirc;me
+comme une poussi&egrave;re sur le corps; il y a connu la moquerie et la haine;
+le potin et la ris&eacute;e; il y a rencontr&eacute; les contrari&eacute;t&eacute;s domestiques,
+l'incompr&eacute;hension in&eacute;vitable, la d&eacute;r&eacute;lection. Les heures noires lui ont
+fait cort&egrave;ge au long des jours gris, maussades, monotones. Sa
+sensibilit&eacute; fine comme le grain d'un bois rare et pr&eacute;cieux a subi les
+coups de rabot de la b&ecirc;tise. Il s'est senti foul&eacute;, meurtri, bris&eacute;.</p>
+
+<p>Les rares joies qui flambaient autour de lui &eacute;taient de pauvres joies
+provinciales. Il en prit, certes, sa part ne f&ucirc;t-ce que par tristesse.
+Une soci&eacute;t&eacute; <i>Le Rat Mort</i> le comptait et le compte encore au nombre de
+ses membres. Ce cercle o&ugrave; des m&eacute;decins coudoient des avocats, o&ugrave; des
+&eacute;chevins serrent la main &agrave; des notaires, o&ugrave; des musiciens &mdash;quelques-uns
+de vrai talent&mdash;introduisent le culte d'un go&ucirc;t surveill&eacute;, inscrit &agrave; son
+programme le rire et l'entrain pour essayer de vaincre la torpeur
+ambiante. Y r&eacute;ussit-il? Et sa joie n'est-elle pas uniquement
+r&eacute;glementaire?</p>
+
+<p>Quand James Ensor fut nomm&eacute; chevalier par le Roi on lui m&eacute;nagea quelque
+f&ecirc;te cordiale et tapageuse. J'en connais l'ordonnance. Elle fut
+consign&eacute;e dans une brochure que r&eacute;digea et qu'illustra le peintre. Des
+discours sont prononc&eacute;s, des strophes battent des ailes et des
+braban&ccedil;onnes in&eacute;dites voient le jour. La f&ecirc;te fut, para&icirc;t-il, charmante
+et folle. Je le crois, bien que le souvenir que j'en ai entre les mains
+ne me communique plus, &agrave; cette heure, ni charme ni folie. Mais il est
+juste d'ajouter que la carcasse d'un feu d'artifice tir&eacute; est chose
+lamentable et fun&egrave;bre.</p>
+
+<p>Ensor &eacute;crit assez volontiers. On sait que la plume est entre ses mains
+une arme&mdash;certes contourn&eacute;e, fantasque, chim&eacute;rique&mdash;mais qu'elle est
+toutefois aigu&euml; et point&eacute;e comme un couteau et qu'elle blesse souvent.
+Il s'est plu, dans le <i>Coq Rouge</i>, &agrave; la diriger&mdash;malencontreusement &agrave;
+mon avis&mdash;contre Alfred Stevens; derni&egrave;rement encore dans l'<i>Echo
+d'Ostende</i>, il &eacute;gratigna maint critique. Il agit alors comme s'il tenait
+entre les mains une molle pelotte, qu'il traverse d'&eacute;pingles et qu'il
+jette, d&egrave;s qu'elle en est pleine, comme un espi&egrave;gle, vers le public. Les
+traits portent, les allusions sont transparentes; ceux qui sont au
+courant de la vie d'Ensor comprennent. Les autres s'&eacute;tonnent. Lui, d&egrave;s
+son geste fait, redoute qu'on se f&acirc;che, s'excuse presque d'avoir aussi
+abondamment garni sa pelotte, d'avoir effil&eacute; trop vivement ses pointes,
+mais, quoiqu'il en ait, il n'a pu s'emp&ecirc;cher de la lancer. Sa phrase est
+surabondante d'adjectifs pittoresques et cocasses, de substantifs
+soudains et invent&eacute;s; elle est folle, amusante, superlificoquentieuse;
+elle &eacute;cume et bouillonne; elle monte et s'&eacute;croule en cataracte.
+Lorsqu'une bouteille d'ardent champagne se d&eacute;bouche et que le
+fourmillement des bulles gazeuses s'&eacute;l&egrave;ve myriadaire et p&eacute;tille vers le
+goulot pour se r&eacute;pandre et se r&eacute;soudre en mousse, je songe au style
+ferment&eacute; de James Ensor.</p>
+
+<p>Ostende ayant repouss&eacute; son art, loin des murs nus de ses monuments, le
+peintre, d&egrave;s que l'occasion s'en offrit, malmena ses &eacute;diles. Il
+s'agissait d'&eacute;lever une statue &agrave; M. Van Iseghem, bourgmestre. Voici le
+morceau. Je l'emprunte &agrave; la <i>Ligue Artistique</i>.</p>
+
+<p>
+&nbsp;
+</p>
+
+<p class="center">UN BRONZE OSTENDAIS A PLACER</p>
+
+<p>&laquo;Resignalons all&egrave;grement les &eacute;volutions
+sardin&eacute;ennes de nos bourgmestres vacillants ou &eacute;diles
+imp&eacute;n&eacute;trables, travaill&eacute;s par des voix. Contemplons
+caricaturalement les entrechats effr&eacute;n&eacute;s de certains
+administrateurs ventripotents: singuli&egrave;res gambades
+agr&eacute;ment&eacute;es de culbutes d&eacute;sopillantes, subtiles
+ruades de grisons affol&eacute;s, tiraillements aigres-doux de
+fonctionnaire non fonctionnant ruminant son bronze, ma&icirc;tre coup de
+gaffe d'adroit man&oelig;uvrier man&oelig;uvrant, discussion spongieuse
+de batracien encornichonn&eacute; coassant, effondrement subit de
+mache-brique impr&eacute;voyant, grossissement anormal de
+cucurbitac&eacute; triomphant.</p>
+
+<p>&laquo;Lan&ccedil;ons quelques pierres dans cette mare aux marmousets et
+enveloppons d'un voile &eacute;pais les &eacute;chantillons artistiques
+de nos esth&egrave;tes tremblotants pataugeant en sourdine dans les
+vases de barbotine ou d'&eacute;lection.</p>
+
+<p>&laquo;Ces m&ecirc;l&eacute;es de moules et contre-moules et
+d'asticots asticot&eacute;s me laissent indiff&eacute;rent: le
+contribuable ostendais a d'autres singes &agrave; fouetter. Mais une
+grosse question divise nos esth&egrave;tes mercuris&eacute;s.</p>
+
+<p>&laquo;L'&eacute;rection de la statue de Jan Van Iseghem s'impose,
+clament nos &eacute;diles en mal de bronze!
+Pschykoriaminikrolobr&eacute;dibr&eacute;raxispipipi! expectorent
+p&eacute;niblement nos vieux barbons du littoral; &laquo;une
+r&eacute;union de conseillers de l'Hu&icirc;trisie Heureuse
+s'indique&raquo;, fafouent nos scaphandriers d&eacute;soss&eacute;s,
+prudents immergeurs de vesses tra&icirc;tresses.</p>
+
+<p>&laquo;Apr&egrave;s vives discussions h&eacute;riss&eacute;es de bourdes
+solennelles, sauts de carpe, torgnioles, plamussades, nasardes
+fra&icirc;ches, faux horizons de narquoisie, momeries vari&eacute;es,
+arlequinades de haute lisse, p&eacute;roraisons lima&ccedil;onnes,
+j&eacute;r&eacute;miades de tritons essouffl&eacute;s, vol&eacute;es
+oratoires de grand effet, miaulement suraigus, grognements agressifs,
+gloussements inarticul&eacute;s et bredouillements confus dignes d'une
+assembl&eacute;e de vieilles lavandi&egrave;res &eacute;chaud&eacute;es
+ou marchandes des quatre saisons coquemard&eacute;es, nos orateurs
+mollusqueux, &eacute;gosill&eacute;s et contents se
+r&eacute;fugi&egrave;rent prestement entre de jolies valves
+nacr&eacute;es et perli&egrave;res, et il ne fut plus question de la
+statue du plus pellicul&eacute; des bourgmestres pass&eacute;s,
+pr&eacute;sents et &agrave; venir.&raquo;</p>
+
+<hr style="width: 45%;" />
+
+<div class="figcenter" style="width: 707px;">
+<a name="la_raie" id="la_raie"></a>
+<img src="images/ensor_38_la_raie_02.jpg" width="707" alt="La Raie&mdash;1892. (Collection Ernest Rousseau)" title="" />
+<span class="figcap">La Raie&mdash;1892. (Collection Ernest Rousseau)</span>
+</div>
+
+<p>La musique l'a tent&eacute; autant que la litt&eacute;rature. Il compose et improvise.
+Blanche Rousseau fut, un jour, t&eacute;moin de la fa&ccedil;on dont il railla avec
+des notes ceux qui le raillaient avec des paroles.</p>
+
+<p>&laquo;A un d&icirc;ner de noces o&ugrave; se trouvaient un grand nombre de bourgeois,
+Ensor, p&acirc;le et muet, se laissait taquiner, mais avec des sourires
+contraints, des regards d&eacute;daigneux o&ugrave; s'allumait parfois l'&eacute;clair fugace
+d'une col&egrave;re ou d'une ironie effrayantes. Non loin de lui, je
+l'observais et j'avais presque peur. Tout &agrave; coup, quelqu'un
+l'interpelle: &laquo;De la musique, James, de <i>ta</i> musique.&raquo; On rit, il
+r&eacute;siste, on insiste.... Alors, il se l&egrave;ve tout &agrave; coup, marche au piano,
+et fait &eacute;clater une fanfare discordante, un tumulte de sons bouscul&eacute;s,
+mais si moqueurs, si violents, d'une si impr&eacute;vue et tragique ironie ...
+une sorte de <i>marche des bourgeois</i> o&ugrave; les cris d'animaux se m&ecirc;lent au
+vacarme du tam-tam, et bris&eacute;e dans un long hurlement sinistre. Il revint
+&agrave; sa place, sans que, pourtant, sa figure e&ucirc;t chang&eacute;&mdash;mais les autres ne
+riaient plus&raquo;.</p>
+
+<p>La musique autant que la litt&eacute;rature lui sert donc &agrave; des manifestations
+irrit&eacute;es tout autant que certains dessins et certaines caricatures.
+Quand sa sensibilit&eacute; est trop foul&eacute;e et comprim&eacute;e par l'hostile ambiance
+elles lui sont comme deux soupapes qu'il ouvre tout &agrave; coup et par
+lesquelles il se lib&egrave;re de sa mauvaise humeur.</p>
+
+<p>Mais quelquefois aussi elles lui apparaissent comme de r&eacute;elles
+expressions d'art, surtout la musique, qu'il aime et cultive, avec
+d&eacute;lices et pour laquelle, me dit-on, il se sent n&eacute; tout autant ou peut
+&ecirc;tre plus encore que pour la peinture.</p>
+
+<p>&laquo;L'&eacute;trange musique, &eacute;crit encore Blanche Rousseau. Elle ne ressemblait &agrave;
+aucune autre; elle ne ressemblait &agrave; rien au monde. Elle &eacute;tait sourde et
+voil&eacute;e&mdash;rapide comme un souffle, aussi l&eacute;g&egrave;re&mdash;ou bruyante
+soudain&mdash;dure, heurt&eacute;e, diabolique.... Les sons couraient, agiles,
+ail&eacute;s, s'&eacute;gouttaient en jet d'eau ou s'&eacute;croulaient en poudre.... Ils se
+relevaient, s'envolaient en soupirs vers les nues id&eacute;ales et retombaient
+&agrave; terre avec des grimaces et des contorsions. C'&eacute;tait pour moi, petite
+fille, des troupeaux d'anges et de d&eacute;mons tournoyant entre ciel et
+terre, des chutes et des essors, et les merveilleuses ascensions d'un
+m&eacute;lange bizarre de figures dont pr&eacute;dominaient tour &agrave; tour les unes,
+sublimes, ou les autres, grima&ccedil;antes et horribles.... Et quand, brisant
+soudain une m&eacute;lodie, Ensor entonna le <i>Miserere</i> d'un voix vacillante,
+effrayante dans l'ombre, la voix exacte d'un cur&eacute; cynique et rapace
+devant un cercueil entour&eacute; de cierges&mdash;tandis qu'on riait dans la
+chambre &eacute;clair&eacute;e&mdash;mon c&oelig;ur se gla&ccedil;a d'horreur et je me crus vieille &agrave;
+treize ans&raquo;.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 723px;">
+<a name="bataille_des_eperons_d_or" id="bataille_des_eperons_d_or"></a>
+<img src="images/ensor_39_bataille_des_eperons_d_or_02.jpg" width="723" alt="Bataille des &Eacute;perons d&#39;or (1895).&mdash;Eau-forte." title="" />
+<span class="figcap">Bataille des &Eacute;perons d&#39;or (1895).&mdash;Eau-forte.</span>
+</div>
+
+<p>Il suffit d'avoir approch&eacute; Ensor &agrave; certains jours, d'avoir &eacute;cout&eacute;,
+attentivement, ce qu'il ne disait pas pour se convaincre qu'il est &agrave; la
+fois timide et t&eacute;m&eacute;raire, tr&egrave;s simple et tr&egrave;s complexe, que le soup&ccedil;on
+habite en lui, qu'il se croit volontiers honni, trahi, pers&eacute;cut&eacute; m&ecirc;me,
+qu'il est plein d'ironie et de goguenardise. Son silence et son rire
+sont, presque au m&ecirc;me titre, inqui&eacute;tants. Il a la haine de la b&ecirc;tise; il
+la sait dure et coriace: il faut de temps en temps qu'il la morde.
+Pourtant la m&eacute;chancet&eacute; lui est &eacute;trang&egrave;re.</p>
+
+<p>Au fond, tr&egrave;s au fond de lui, s&eacute;journe certes la bont&eacute;; mais cette
+source profonde il ne la montre qu'&agrave; de tr&egrave;s chers regards. Sa petite
+ni&egrave;ce l'a vu certes se r&eacute;pandre. Pour les autres gens, il demeure un
+&ecirc;tre ferm&eacute; et &eacute;nigmatique. On ne le saisit jamais enti&egrave;rement. La vie
+lui apprit &agrave; &ecirc;tre d&eacute;fiant. On ne lui a point rendu toute justice. Son
+art n'est point encore, &agrave; cette heure, situ&eacute; o&ugrave; quelque jour il se
+campera. Mais qu'importe! l'ascension sera d'autant plus s&ucirc;re qu'elle
+aura &eacute;t&eacute; lente et contrari&eacute;e.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 536px;">
+<a name="la_mort_poursuivant_le_troupeau" id="la_mort_poursuivant_le_troupeau"></a>
+<img src="images/ensor_40_la_mort_poursuivant_le_troupeau.jpg" width="536" alt="La mort poursuivant le Troupeau des Humains&mdash;1895.
+Gravure &agrave; l&#39;eau-forte." title="" />
+<span class="figcap">La mort poursuivant le Troupeau des Humains&mdash;1895.
+Gravure &agrave; l&#39;eau-forte.</span>
+</div>
+
+<p>Le caract&egrave;re n'explique &eacute;videmment pas toute une &oelig;uvre. Ce sont les dons
+fonciers que le peintre porte en lui qui la d&eacute;terminent,
+l'entretiennent, la nourissent et la d&eacute;veloppent.</p>
+
+<p>Toutefois le caract&egrave;re de l'homme influence l'&oelig;uvre, si j'ose dire,
+lat&eacute;ralement. Il est comme les vents d'est, d'ouest, du sud et du nord
+qui assi&egrave;gent une plante magnifique, la courbent, la redressent, la
+baignent d'air chaud ou d'air froid, l'&eacute;panouissent ou la dess&egrave;chent.
+Ensor est un supra-sensible.</p>
+
+<p>La mobilit&eacute;, l'inqui&eacute;tude, la vacillation de sa nature expliquent &agrave; la
+fois les recherches fi&egrave;vreuses, les pas en avant, les pas en arri&egrave;re,
+les brusques progr&egrave;s et les soudains reculs, en un mot tous les
+changements et aussi toutes les in&eacute;galit&eacute;s de son art. Apr&egrave;s un tableau
+clair, il r&eacute;trograde vers un tableau sombre; apr&egrave;s un dessin de
+caract&egrave;re il commence un dessin atmosph&eacute;r&eacute;, apr&egrave;s une eau-forte toute en
+d&eacute;licatesse il burine un cuivre comme avec des clous. Il est tumultueux
+et abrupt dans mainte composition; le d&eacute;veloppement continu ou
+sym&eacute;trique des lignes ne l'inqui&egrave;te gu&egrave;re; il proc&egrave;de par &agrave; coups; il
+&eacute;tonne plus souvent qu'il ne charme. Il fait preuve de maladresse et il
+est loin de bannir de son art le d&eacute;r&egrave;glement et le chaos. Il ne tient
+jamais en place et souvent il ne tient pas m&ecirc;me sa place. Les &oelig;uvres
+inf&eacute;rieures voisinent avec les &oelig;uvres excellentes. Au cours de cette
+&eacute;tude je n'ai insist&eacute; que sur ces derni&egrave;res: elles seules comptent dans
+la vie d'un ma&icirc;tre.</p>
+
+<p>Son caract&egrave;re explique encore son amour immod&eacute;r&eacute; pour le masque, la
+d&eacute;froque, la mort, la laideur. Pendant les dures, moroses et adverses
+ann&eacute;es de sa vie, quand il se croit abandonn&eacute; de tous, quand des id&eacute;es
+de pers&eacute;cution hantent sa t&ecirc;te, il met comme une ardeur noire &agrave;
+d&eacute;naturer, &agrave; d&eacute;former, &agrave; calomnier la vie. Quelques-unes de ses toiles
+sont f&eacute;roces. Les <i>deux squelettes se disputant un hareng-saur</i> mettent
+une &acirc;pret&eacute; telle dans leur lutte &agrave; m&acirc;choires voraces et terribles qu'on
+songe vaguement &agrave; deux cruels ennemis du peintre s'acharnant sur lui. Le
+jour qu'il campa devant son po&ecirc;le de fonte le gras et narquois
+<i>pouilleux</i> et que les premiers <i>masques</i> vinrent surprendre et attirer
+son attention, ce fut le pittoresque et la saveur des guenilles et des
+oripeaux qui certes le sollicit&egrave;rent. Il d&eacute;couvrit en eux l'ironie et la
+farce quasi joviales; mais plus tard l'ironie et la farce firent place
+au sarcasme, &agrave; la d&eacute;tresse et &agrave; la violence. Et le rire devint
+ricanement. Bien plus. Peut &ecirc;tre s'est-il fait que le d&eacute;couragement a
+remplac&eacute;, &agrave; point nomm&eacute;, la col&egrave;re et que certaines ann&eacute;es mauvaises et
+mornes, les ann&eacute;es vides d'enthousiame, ne sont imputables qu'&agrave; un
+fl&eacute;chissement de volont&eacute;. Car&mdash;et je ne veux point &eacute;luder ce probl&egrave;me
+moral&mdash;il est vraiment incompr&eacute;hensible qu'aux heures pleines de
+l'adolescence et de la maturit&eacute; commen&ccedil;ante Ensor se soit comme retir&eacute;
+de la lutte, alors qu'une abondance de gestes et d'&oelig;uvres marque chez
+les artistes dou&eacute;s comme lui l'entr&eacute;e triomphale dans la quarantaine.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 631px;">
+<a name="la_danse" id="la_danse"></a>
+<img src="images/ensor_41_la_danse.jpg" width="631" alt="La Danse&mdash;1896. (Collection Ernest Rousseau)" title="" />
+<span class="figcap">La Danse&mdash;1896. (Collection Ernest Rousseau)</span>
+</div>
+
+<p>Est ce la veule et torpide province, la solitude trop compl&egrave;te,
+l'&eacute;loignement trop prolong&eacute; ou la critique injuste qui ont amen&eacute; cet
+alentissement? Quelle brisure int&eacute;rieure a l&eacute;zard&eacute; une muraille d&eacute;j&agrave; si
+haute?</p>
+
+<p>Ou bien les ennuis quotidiens et domestiques, les tracas mesquins et
+rongeants le condamn&egrave;rent-ils quelque temps au silence?</p>
+
+<p>L'explication nette et unique se dissimule sous l'amas des conjectures.
+Peut &ecirc;tre un jour jaillira-t-elle simple et probante. En attendant, je
+ne crois pas errer en affirmant que c'est dans le caract&egrave;re du peintre
+et non pas en son art lui-m&ecirc;me qu'il la faut chercher. Les rares
+derni&egrave;res &oelig;uvres qui n'ont point encore quitt&eacute; son atelier affirment que
+son &oelig;il est autant que jamais subtil, vivant et frais et que peut-&ecirc;tre
+un dernier rajeunissement est &agrave; la veille d'&eacute;clore. Mais quel que soit
+l'avenir, l'&oelig;uvre telle qu'elle est, avec sa s&eacute;rie de toiles depuis
+longtemps victorieuses, n'est indigne d'aucune des louanges que nous lui
+avons, au cours de ces pages, prodigu&eacute;es.</p>
+
+
+
+<hr style="width: 65%;" />
+<h3><a name="VII" id="VII"></a>VII.</h3>
+
+<h3>LA PLACE DE JAMES ENSOR DANS L'ART CONTEMPORAIN</h3>
+
+
+<p>La place de James Ensor dans l'art de son temps appara&icirc;t belle et nette.
+Le recul n&eacute;cessaire pour la fixer se fait et ce jugement &eacute;mis par ses
+admirateurs n'est d&eacute;j&agrave; plus un jugement horaire.</p>
+
+<p>Un fait esth&eacute;tique notoire domine la peinture du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle: la
+d&eacute;couverte de la lumi&egrave;re. D'o&ugrave; la recherche n&eacute;cessaire d'harmonies
+nouvelles, de relations autres, de valeurs et de juxtapositions de tons
+insoup&ccedil;onn&eacute;es jadis. D'o&ugrave; encore un renouveau du sentiment pictural
+lui-m&ecirc;me, la joie et la vie intronis&eacute;es &agrave; la place de la morosit&eacute; et de
+la routine, l'&oelig;il &eacute;duqu&eacute; non plus &agrave; l'atelier mais dans les jardins, les
+bois et les plaines, les pratiques anciennes abandonn&eacute;es au profit de la
+surprise et de la d&eacute;couverte rencontr&eacute;es &agrave; chaque coin de route, &agrave;
+chaque angle de carrefour. C'est la nature, bien plus que les mus&eacute;es,
+qui forma les peintres novateurs. Elle leur imposa directement leur
+vision et modifia leur technique. M&ecirc;me elle renouvela toute leur
+palette. Ils n'ont consult&eacute; qu'elle: c'est d'apr&egrave;s ses le&ccedil;ons ing&eacute;nues
+et profondes qu'ils se sont form&eacute;s, se sont d&eacute;couverts et se sont
+exalt&eacute;s &agrave; l'heure des chefs-d'&oelig;uvre.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 660px;">
+<a name="mariakerke" id="mariakerke"></a>
+<img src="images/ensor_42_mariakerke.jpg" width="660" alt="Mariakerke&mdash;1896. (Collection Edgar Picard)" title="" />
+<span class="figcap">Mariakerke&mdash;1896. (Collection Edgar Picard)</span>
+</div>
+
+<p>Dans cette conqu&ecirc;te de la clart&eacute;, l'effort et la vaillance de James
+Ensor compteront. Son geste demeurera insigne, non seulement dans
+l'&eacute;cole de son pays, mais, un jour, dans l'art occidental tout entier.
+Car une mise au point exacte de la victoire impressionniste se pr&eacute;pare
+partout. L'Europe enti&egrave;re y collabore. Certes y conservera-t-elle son
+r&ocirc;le d'initiatrice et de propagatrice la belle et grande France. Mais la
+Hollande, mais l'Angleterre, mais l'Espagne, mais la Belgique
+s'adjugeront &eacute;galement, &agrave; bon droit, quelques magnifiques rayons de la
+gloire artistique toujours renouvel&eacute;e et sans cesse voyageuse, qui
+s'est, jadis, presque fix&eacute; chez elles, puis s'en est all&eacute;e, puis revenue
+pour y s&eacute;journer &agrave; nouveau.</p>
+
+<p>L'histoire de l'impressionnisme ne fut tent&eacute;e, pourrait-on dire, qu'au
+point de vue parisien. Les marchands s'y sont int&eacute;ress&eacute; plus encore que
+les critiques. Les dithyrambes ont mont&eacute; d'apr&egrave;s les prix de vente. On
+put croire, &agrave; tel instant, qu'une toile &eacute;tait moins une &oelig;uvre d'art,
+qu'une valeur financi&egrave;re. Degas, Renoir, Monet, C&eacute;zanne et Sisley
+avaient leurs courtiers comme le sucre, le caf&eacute;, la margarine et le
+cacao. Tout peintre &eacute;tranger admis &agrave; la c&ocirc;te parisienne devenait peintre
+et ma&icirc;tre &agrave; son tour.</p>
+
+<p>On ne le jugeait plus d'apr&egrave;s ses origines, mais d'apr&egrave;s les qualit&eacute;s
+qui l'apparentaient aux ma&icirc;tres fran&ccedil;ais. Ainsi faussait-on maint
+jugement. La critique met en valeur les diff&eacute;rences entre peintres et
+non pas les ressemblances ou les similitudes. Les &eacute;coles nationales sont
+n&eacute;cessaires &agrave; l'&eacute;volution compl&egrave;te d'une m&ecirc;me th&eacute;orie ou d'une m&ecirc;me
+formule. Une m&ecirc;me id&eacute;e con&ccedil;ue par des peuples diff&eacute;rents, un m&ecirc;me
+principe d'art appliqu&eacute; par des groupes &eacute;trangers les uns aux autres
+acquiert une diversit&eacute; pr&eacute;cieuse et riche. La totalit&eacute; des r&eacute;sultats
+peut &ecirc;tre atteinte ainsi.</p>
+
+<p>Au reste, les peintres venus d'ailleurs conservent, m&ecirc;me &agrave; Paris, d'une
+mani&egrave;re souveraine, leurs qualit&eacute;s autochtones. Jongkind, Van Gogh,
+Whistler, Anglada Van Rysselberghe en t&eacute;moignent. Ils restent fid&egrave;les &agrave;
+leurs origines superbement. Ils poss&egrave;dent&mdash;j'en excepte Whistler&mdash;moins
+de go&ucirc;t que les Fran&ccedil;ais, ils voient moins subtil et moins fin, mais ils
+apportent, les uns certains dons de robustesse, d'&acirc;pret&eacute;, les autres
+certains sentiments d'intimit&eacute; et de na&iuml;vet&eacute;, qu'on ne rencontre qu'en
+Espagne, qu'en Hollande et qu'en Flandre.</p>
+
+<p>Pour situer de tels talents, il ne faut point les rejeter hors de leur
+milieu natal. Au contraire, il les y faut ramener, les mettre en leur
+vrai jour, les relier &agrave; leurs contemporains directs par les in&eacute;vitables
+sympathies de race et d'instinct. Qu'on signale les principes nouveaux
+qu'ils apportent, mais qu'on &eacute;tudie avant tout comment ils les adaptent
+&agrave; leur nature.</p>
+
+<p>A toutes les p&eacute;riodes de l'histoire, ces influences de peuple &agrave; peuple
+et d'&eacute;cole &agrave; &eacute;cole se sont produites. Jadis l'Italie dominait
+profond&eacute;ment les Floris, les V&aelig;nius et les De Vos. Tous pourtant ont
+trouv&eacute; place chez nous, dans notre &eacute;cole septentrionale. Plus tard
+Pierre Paul Rubens s'en fut &agrave; son tour l&agrave;-bas; il revint italianis&eacute; mais
+ce fut pour renouveler tout l'art flamand.</p>
+
+<p>Bien plus, il se fait que souvent au pays m&ecirc;me des peintres &eacute;migr&eacute;s, il
+se l&egrave;ve des artistes qui trouvent, sans quitter la terre natale, ce
+que leurs &eacute;mules s'en vont chercher au loin. Ensor peut se ranger parmi
+ceux-ci. D&eacute;j&agrave; Pantazis et Vogels s &eacute;taient signal&eacute;s. Ils s'&eacute;taient pos&eacute;s
+le probl&egrave;me de la lumi&egrave;re et l'avaient &eacute;lucid&eacute; si pas r&eacute;solu. Vogels
+surtout s'&eacute;tait affirm&eacute; avec une audace violente et spontan&eacute;e. Il avait
+des dons admirables d'improvisateur; il poss&eacute;dait la fougue et l'&eacute;clat.
+Ses ciels tumultueux, ses paysages tragiques s'affranchissaient de toute
+convention st&eacute;rilisante. Il e&ucirc;t &eacute;t&eacute; un grand peintre, si l'insuffisance
+de son m&eacute;tier ne l'avait desservi.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 718px;">
+<a name="entree_du_christ" id="entree_du_christ"></a>
+<img src="images/ensor_43_entree_du_christ_a_bruxelles.jpg" width="718" alt="Entr&eacute;e du Christ &agrave; Bruxelles&mdash;1898. Gravure &agrave;
+l&#39;eau-forte." title="" />
+<span class="figcap">Entr&eacute;e du Christ &agrave; Bruxelles&mdash;1898. Gravure &agrave;
+l&#39;eau-forte.</span>
+</div>
+
+<p>Ensor plus dominateur en son art, avec une vision plus aigu&euml; et plus
+fine, avec un instinct magnifiquement d&eacute;velopp&eacute;, avec une invention plus
+large et plus abondante, cultiva le m&ecirc;me champ que Pantazis et Vogels,
+mais il y suscita des fleurs de lumi&egrave;re d'une beaut&eacute; plus rare, plus
+rayonnante et plus subtile. Lui ne ressemble &agrave; personne. Ses premi&egrave;res
+&oelig;uvres contiennent d&eacute;j&agrave; en puissance toute sa force future. On ne les
+confond avec nulles autres. Elles s'imposent d'elles m&ecirc;mes. Elles sont
+ind&eacute;pendantes, fi&egrave;res, libres.</p>
+
+<p>Au temps o&ugrave; elles &eacute;clat&egrave;rent, avec soudainet&eacute; et presque avec insolence,
+Manet occupait activement la critique d'avant-garde. Aux Salons
+triennaux de Bruxelles, d'Anvers et de Gand, la toile intitul&eacute;e <i>Au P&egrave;re
+Lathuille</i> avait ameut&eacute; autour d'elle toute l'ignorance et la raillerie
+publiques. Il &eacute;tait s&eacute;ant qu'on s'en scandalis&acirc;t. Le rire et le sarcasme
+&eacute;taient exig&eacute;s comme un gage d'honn&ecirc;tet&eacute; bourgeoise et de bon go&ucirc;t
+provincial. Certes, e&ucirc;t-on d&eacute;t&eacute;rior&eacute; l'&oelig;uvre, si l'aventure judiciaire
+&agrave; courir et l'amende &agrave; payer n'eussent arr&ecirc;t&eacute; les mains bien pensantes
+et les couteaux croyant &agrave; l'id&eacute;al.</p>
+
+<p>Les fureurs grin&ccedil;ant des dents contre Manet se tourn&egrave;rent &agrave; point nomm&eacute;
+contre James Ensor. Autant que le peintre des Batignolles il fut accus&eacute;
+d'instaurer en art une sorte de Commune et d'inscrire sa doctrine
+esth&eacute;tique aux plis d'un drapeau rouge. Bien plus: sans &eacute;gard pour les
+dates d'ant&eacute;riorit&eacute; qui marquaient les toiles du peintre d'Ostende, on
+les proclamait d&eacute;pendantes et vassales de celle de Manet, on leur
+refusait tout m&eacute;rite jusqu'&agrave; celui d'&ecirc;tre des sujets de scandale
+in&eacute;dits. L'erreur persista longtemps et persiste encore. On s'ent&ecirc;ta et
+l'on s'ent&ecirc;te &agrave; ranger James Ensor parmi les &eacute;l&egrave;ves de Manet. Rien n'est
+plus faux. Les deux ma&icirc;tres n'ont qu'un point de contact: tous les deux
+peignent &agrave; larges touches et tous les deux &eacute;tudient la lumi&egrave;re frappant
+mais surtout modifiant le dessin et le ton local des objets.</p>
+
+<p>Mais que de diff&eacute;rences imm&eacute;diatement s'accusent! Manet reste, somme
+toute, un peintre de tradition et d'enseignement. Les Espagnols l'ont
+form&eacute;: Velasquez et surtout Goya. Le jour que son <i>Olympia</i> fit son
+entr&eacute;e au Louvre, elle se pla&ccedil;a, naturellement, en son milieu. La rampe
+l'attendait. Elle voisina, sans d&eacute;choir, avec les toiles d'Ingres et de
+Delacroix. Sa victoire fut m&ecirc;me trop belle: l'<i>Odalisque</i> du vieil
+Ingres se sentit atteinte dans son rayonnement de chef-d'&oelig;uvre
+soi-disant parfait. Jamais elle n'apparut plus s&egrave;che, plus fig&eacute;e ni plus
+froide. En outre, Manet compose ses toiles. L'<i>Olympia</i>, le <i>Christ aux
+anges</i>, le <i>D&eacute;jeuner sur l'herbe, Maximilien</i>, sont des &oelig;uvres dont la
+mise en page est faite d'apr&egrave;s des recettes connues. Bien qu'il soit un
+peintre admirable, encore n'&eacute;vite-t-il pas les s&eacute;cheresses et les
+duret&eacute;s. Il ignore l'abondance et la richesse prodigu&eacute;es. La r&eacute;flexion
+et le raisonnement le guident plus que l'instinct ne le pousse. Il a une
+main tr&egrave;s experte, tr&egrave;s habile. Il fait preuve d'esprit, parfois de
+virtuosit&eacute;. Son intelligence surveille son art et le raffine. Il pense
+autant et plus encore qu'il ne voit. Quand, s&eacute;duit par les visions
+fra&icirc;ches et hardies de Claude Monet, il se d&eacute;cida &agrave; modifier les
+couleurs de sa palette et &agrave; traduire le plein air vrai et la clart&eacute;
+prismatique et vivante, ce fut par une suite de t&acirc;tonnements r&eacute;fl&eacute;chis
+qu'il y parvint. Il cherchait sans trouver, du coup. Ce fut une lutte
+avant tout intelligente. Il lui fallut non seulement des qualit&eacute;s d'&oelig;il,
+mais des qualit&eacute;s de caract&egrave;re. Son esprit, son jugement, son
+obstination, sa probit&eacute;, tout son &ecirc;tre moral et pensant agit: ce fut un
+triomphe laborieux.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 490px;">
+<a name="vengeance_de_hopfrog" id="vengeance_de_hopfrog"></a>
+<img src="images/ensor_44_vengeance_de_hop_frog_01.jpg" width="490" alt="Vengeance de Hop-Frog&mdash;1898. Gravure &agrave; l&#39;eau-forte." title="" />
+<span class="figcap">Vengeance de Hop-Frog&mdash;1898. Gravure &agrave; l&#39;eau-forte.</span>
+</div>
+
+<p>James Ensor, lui, n'est purement qu'un peintre. Il voit d'abord, il
+combine, arrange, r&eacute;fl&eacute;chit et pense apr&egrave;s. Il ne doit rien ou presque
+rien aux ma&icirc;tres du pass&eacute;. Il est venu en son temps pour ne recevoir que
+les le&ccedil;ons des choses. Certes, sa mise en page le pr&eacute;occupe, mais ses
+compositions &eacute;vitent de rappeler celles que les mus&eacute;es enseignent.
+L'esprit qu'il met dans ses toiles et ses dessins est plut&ocirc;t grossier et
+populaire. Son trait de pinceau est appuy&eacute;; il ne glisse pas. Il n'est
+pas adroit. Toutefois sa couleur n'est jamais commune. En chaque &oelig;uvre
+le ton rare et riche, violent et doux, prismatique et soudain, installe
+sa surprise et son harmonie. On dirait qu'Ensor &eacute;coute la couleur
+tellement il la d&eacute;veloppe comme une symphonie.</p>
+
+<p>Jamais ne s'y m&ecirc;le la moindre fausse note. Il a l'&oelig;il juste comme est
+juste l'oreille d'un musicien. A le voir peindre, comme au hasard, on
+craint qu'&agrave; chaque instant la gamme profonde et rayonnante des couleurs
+ne se fausse. Or jamais aucun accroc n'a lieu. L'instinct, le guide le
+plus s&ucirc;r des artistes, bien qu'il paraisse un conducteur aveugle,
+l'assiste sans qu'il s'en doute et le d&eacute;cide, quand &agrave; peine il prend le
+temps de le consulter. Avant de poser un ton, il est s&ucirc;r que ce ton sera
+d'accord avec les autres. Il le sent tel, &agrave; travers tout son &ecirc;tre. A
+quoi bon examiner, discuter, raisonner, si l'examen, la discussion et le
+raisonnement se sont faits, pr&eacute;alablement, sans qu'on le sache, avec la
+promptitude que met un &eacute;clair &agrave; traverser le ciel. L'aptitude en art
+n'est jamais un acquis, mais un don. Elle est subconsciente et sourde.
+Celui qui na&icirc;t sans qu'elle habite en lui &agrave; l'instant m&ecirc;me qu'il voit,
+entend, flaire, go&ucirc;te et touche, ne sera jamais un artiste authentique.
+Aucune &eacute;tude ne la lui apportera. Des races privil&eacute;gi&eacute;es la transmettent
+&agrave; leurs diff&eacute;rentes &eacute;coles, &agrave; travers les si&egrave;cles. L'une de ces races
+est l'admirable race des Pays-Bas.</p>
+
+<p>Il s'en faut pourtant que leur instinct merveilleux soit l'unique don
+des peintres septentrionaux. Ils n'auraient pas donn&eacute; &agrave; l'art ces
+artistes universels qui out nom Rubens, Van Dyck, Jordaens et avant eux
+Van Eyck, Memling, Van der Goes, Van der Weyden et Metsys si
+l'intelligence, le sentiment, la raison et la volont&eacute; leur eussent &eacute;t&eacute;
+refus&eacute;s.</p>
+
+<p>Je n'ai insist&eacute; sur leur qualit&eacute; fonci&egrave;re: l'instinct, que pour la
+montrer pareille au tronc massif et souterrain sur lequel se entent,
+comme des branches, toutes les autres vertus esth&eacute;tiques.</p>
+
+<div class="figcenter" style="width: 805px;">
+<a name="ostende" id="ostende"></a>
+<img src="images/ensor_45_ostende.jpg" width="805" alt="Ostende&mdash;1898. (Collection Edgar Picard)" title="" />
+<span class="figcap">Ostende&mdash;1898. (Collection Edgar Picard)</span>
+</div>
+
+<p>James Ensor est plus purement un peintre que Manet, mais ce dernier est
+&eacute;videmment un ma&icirc;tre et un artiste d'une plus large et plus souveraine
+envergure. Il est un chef d'&eacute;cole magnifique, d&eacute;finitif et complet. Il
+commande &agrave; un des carrefours de l'art o&ugrave; les routes bifurquent et
+gagnent des contr&eacute;es vierges et inconnues.</p>
+
+<p>Je n'ai, au surplus, mis en parall&egrave;le les deux peintres que pour
+d&eacute;fendre James Ensor contre des accusations d'imitation. Qu'on fasse
+voisiner n'importe laquelle de ses toiles avec l'<i>Olympia</i>, le <i>D&eacute;jeuner
+sur l'herbe</i>, le <i>P&egrave;re Lathuille, Argenteuil, Pertuiset</i> et
+l'originalit&eacute; des deux cr&eacute;ateurs d'&oelig;uvres marquantes s'imposera
+indiscutable.</p>
+
+<p>Mais un autre rapprochement s'indique. Les r&eacute;cents intimistes fran&ccedil;ais,
+les Vuillard et les Bonnard s'attachent aujourd'hui &agrave; certaines
+recherches qu'autrefois tenta James Ensor. Tels &eacute;clairages de salon ou
+d'appartement, telles lueurs argent&eacute;es et discr&egrave;tes, tels gris, tels
+bruns font songer &agrave; l'atmosph&egrave;re de la <i>Coloriste</i> ou &agrave; la <i>Musique
+russe</i>. Il n'est pas jusqu'au dessin vacillant et brouill&eacute; qui
+n'&eacute;tablisse un parentage entre les deux mani&egrave;res. Je veux bien qu'il n'y
+ait que rencontre fortuite. Il est piquant toutefois de noter ceci: Si
+James Ensor rappelle quelque peintre, c'est parmi ses cadets, parmi ceux
+qui innovent et pr&eacute;parent l'avenir et non point parmi ses a&icirc;n&eacute;s qu'il le
+faut chercher. Il n'est pas de ceux qui imitent; il est de ceux qui
+d&eacute;couvrent. Il est plut&ocirc;t d'accord avec ceux qui viennent, qu'avec ceux
+qui sont venus. Si bien que ses toiles qui datent de vingt-cinq ans
+rec&egrave;lent toute la fra&icirc;cheur et la surprise des &oelig;uvres d'aujourd'hui. Il
+les peut exposer avec orgueil. Aucune ne d&eacute;choit. Quelques-unes
+serviront peut-&ecirc;tre &agrave; renflouer les vieilles car&egrave;nes de l'&Eacute;cole d'Anvers
+o&ugrave; de tout jeunes peintres Navez et Crahay travaillent avec le souvenir
+de l'&oelig;uvre d'Ensor pr&eacute;sente &agrave; leur esprit.</p>
+
+<p>Preuve &eacute;vidente de force profonde et souterraine! Quelqu'un qui reste
+aussi durablement jeune ne vieillira jamais. Il porte en lui la
+r&eacute;surrection incessante. Il vit de lui-m&ecirc;me, myst&eacute;rieusement. D&eacute;j&agrave; il ne
+connaissait plus la mode, voici qu'il ignore le temps.</p>
+
+<p>Il n'importe que James Ensor soit ignor&eacute; en Allemagne, en Angleterre, en
+Italie et en Am&eacute;rique. Il est class&eacute; en Belgique et &agrave; cette heure on le
+classe en France. Or, c'est Paris qui, depuis un si&egrave;cle, assume
+l'honneur d'aur&eacute;oler les noms des vivants insignes. Il est la post&eacute;rit&eacute;
+qui s'&eacute;veille; il d&eacute;signe les routes par o&ugrave; passe la gloire; il semble
+d'accord avec une volont&eacute; lointaine et encore inconnue. En son pays la
+renomm&eacute;e de James Ensor grandit d'ann&eacute;e en ann&eacute;e. Ceux qui le
+m&eacute;connaissaient autrefois sont morts ou sont vaincus. On ne rel&egrave;gue plus
+ses envois dans les oubliettes des salons triennaux: ils s'&eacute;talent &agrave; la
+cimaise, aux places d'honneur. Les mus&eacute;es des grandes villes s'en
+enrichissent: Li&egrave;ge, Anvers, Bruxelles. Les m&eacute;c&egrave;nes qui vill&eacute;giaturent &agrave;
+Ostende, l'&eacute;t&eacute;, visitent l'atelier du peintre et leurs galeries se
+d&eacute;corent de ses toiles. Les prix atteints sont &eacute;lev&eacute;s. L'heure est d&eacute;j&agrave;
+loin o&ugrave; les &oelig;uvres du peintre s'&eacute;changeaient contre une obole. Certes
+l'art ne se p&egrave;se pas au poids d'argent. L'or donn&eacute; ne repr&eacute;sente que ce
+fait: l'admission d'un peintre dans une compagnie de choix et la place
+&eacute;lue qu'on lui assigne dans une &eacute;cole. L'auteur de la <i>Coloriste</i>, de
+l'<i>Apr&egrave;s-midi &agrave; Ostende</i>, du <i>Salon bourgeois</i>, du <i>Lampiste</i> et de la
+<i>Mangeuse d'hu&icirc;tres</i>, des <i>Enfants &agrave; la toilette</i>, des <i>Masques devant
+la mort</i>, de <i>Adam et Eve chass&eacute;s du paradis</i> et de la <i>Dame sombre</i>
+peut avec tranquillit&eacute; voir se passer les ann&eacute;es: il est s&ucirc;r de la
+dur&eacute;e.</p>
+
+
+
+<hr style="width: 65%;" />
+<h3><a name="CATALOGUE_DE_LOEUVRE_DE_JAMES_ENSOR" id="CATALOGUE_DE_LOEUVRE_DE_JAMES_ENSOR"></a>CATALOGUE DE L'&OElig;UVRE DE JAMES ENSOR</h3>
+
+<p>
+<span style="margin-left: 1.5em;">TOILES ET DESSINS</span><br />
+<br /><br />
+
+<span style="margin-left: 1em;">1879</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait de l'artiste.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'amie de l'artiste.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Judas lan&ccedil;ant l'argent dans le temple.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Oreste tourment&eacute; par les Furies.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'artiste peignant.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le chant de No&euml;l.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les trouv&egrave;res.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les buccins.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1880</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le Lampiste.&mdash;&mdash;Appartient au Mus&eacute;e de Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La coloriste.&mdash;&mdash;&agrave; M. Ernest Rousseau, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La mare.&mdash;&mdash;&agrave; M. Guillaume Charlier, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.&mdash;&mdash;id., id.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Poissons.&mdash;&mdash;&agrave; M. Paul Bu&eacute;so, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le chou.&mdash;&mdash;&agrave; M. Ernest Rousseau, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Chinoiseries.&mdash;&mdash;id., id.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Accessoires.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Musique russe.&mdash;&mdash;&agrave; M<sup>lle</sup> Anna Boch, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Dame au ch&acirc;le.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Petites chinoiseries.&mdash;&mdash;&agrave; M. C. Franck Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le cardeur.&mdash;&mdash;id., id.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Estacade.&mdash;&mdash;&agrave; M. A. Lambotte, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Chinoiseries.&mdash;&mdash;id., id.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les bouteilles&mdash;&mdash;Appartient &agrave; M. E. Demolder, Essonnes.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Effet de neige&mdash;&mdash;&agrave; M. F. Franck, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vases&mdash;&mdash;id. id.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le flacon bleu&mdash;&mdash;&agrave; M. A. Lambotte, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte&mdash;&mdash;&agrave; M. F. Fuchs, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Pommes&mdash;&mdash;&agrave; M. E. Labarre, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Mer grise&mdash;&mdash;&agrave; M. F. Franck, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Trois esquisses&mdash;&mdash;id., id.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Sous bois.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nuage rose.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Dame au brise-lame.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">A l'atelier.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le parasol&mdash;&mdash;&agrave; M. A. Lambotte, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Mer agit&eacute;e.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait de l'artiste.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le peintre.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">AQUARELLE.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Gamin&mdash;&mdash;&agrave; M. F. Franck, Anvers.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS REHAUSS&Eacute;S.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Retour des champs.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">T&ecirc;te (sanguine)&mdash;&mdash;&agrave; M. Samuel, Bruxelles.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le ma&ccedil;on.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le r&eacute;tameur.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Gamin assis&mdash;&mdash;&agrave; M. Edgar Picard, Jemeppe.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le paysan triste.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vieux p&ecirc;cheur.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Gamin.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La s&oelig;ur du peintre.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'homme au chaudron.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les mangeurs de soupe.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Jeune fille.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vieux paysan.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">P&ecirc;cheur de crevettes.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La femme au balai.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Laveuse.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Gar&ccedil;on lisant.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'homme &agrave; la blouse.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Jeune fille &agrave; l'&eacute;ventail.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">P&ecirc;cheur au panier&mdash;&mdash;Appartient &agrave; M. Deprez, Li&egrave;ge.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le roi peste.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La mort mystique d'un th&eacute;ologien.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1881</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Viandes&mdash;&mdash;au Mus&eacute;e d'Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Salon bourgeois en 1881&mdash;&mdash;&agrave; M. E. Rousseau, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Salon bourgeois, esquisse&mdash;&mdash;&agrave; M. F. Franck, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La dame sombre&mdash;&mdash;&agrave; M. Edgar Picard, Jemeppe.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le rouget&mdash;&mdash;&agrave; M. Edouard Hannon, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La convalescente&mdash;&mdash;&agrave; M. Bourgeois, Li&egrave;ge.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">T&ecirc;te d'&eacute;tude&mdash;&mdash;&agrave; M. W. Finch, Helsingfors.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Accessoires&mdash;&mdash;&agrave; M. F. Buelens, Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Dame en rouge&mdash;&mdash;&agrave; M. A. Crespin, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Dame &agrave; l'&eacute;ventail.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le p&egrave;re de l'artiste.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait d'homme&mdash;&mdash;&agrave; M. F. Buelens, Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Etude de fruits&mdash;&mdash;&agrave; M. Theo Hannon, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La mare aux peupliers&mdash;&mdash;&agrave; M. Ernest Rousseau, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Marine, effet de soleil.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les braconniers&mdash;&mdash;&agrave; M. Delory, Calais.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La rue de Flandre &agrave; Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les lampes.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Canal&mdash;&mdash;&agrave; M. Ch. Mendiaux, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Eventails.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Marine, effet de soir.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">March&eacute; &agrave; Ostende&mdash;&mdash;&agrave; M. Buelens, Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Int&eacute;rieur au po&ecirc;le&mdash;&mdash;&agrave; M. A. Lambotte, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La dune noire.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Etoffes et &eacute;ventails.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Une apr&egrave;s-d&icirc;n&eacute;e &agrave; Ostende.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS REHAUSS&Eacute;S.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">P&ecirc;cheur au manteau jaune&mdash;&mdash;&agrave; M. Edgar Picard, Jemeppe.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Petits musiciens.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">P&ecirc;cheur au panier.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La s&oelig;ur de l'artiste.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Gamin (sanguine)&mdash;&mdash;Appartient &agrave; M. C. Ganesco, Paris.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vieux songeur.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'homme au foulard.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Gar&ccedil;on au bonnet.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le violon.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le lustre.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Clefs.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La lectrice.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'homme au panier.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1882</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Hu&icirc;tres&mdash;&mdash;au Mus&eacute;e d'Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le pouilleux&mdash;&mdash;au Mus&eacute;e d'Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte&mdash;&mdash;au Mus&eacute;e de Li&egrave;ge.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Li&egrave;vre et corbeau&mdash;&mdash;&agrave; M. Greiner, Seraing.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La dame en d&eacute;tresse.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait de Th&eacute;o Hannon&mdash;&mdash;&agrave; M. Th&eacute;o Hannon, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Dans les dunes&mdash;&mdash;&agrave; M. Murdoch, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Marine&mdash;&mdash;&agrave; M. A. Rassenfosse, Li&egrave;ge.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait de femme&mdash;&mdash;&agrave; M. F. Buelens, Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La mangeuse d'hu&icirc;tres.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Dame au ch&acirc;le bleu.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Roses.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait du peintre W. Finch.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fleurs&mdash;&mdash;&agrave; M. Ernest Rousseau, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La petite chaise&mdash;&mdash;&agrave; M. Lambotte, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Pommes&mdash;&mdash;&agrave; M. F. Franck, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fleurs et porcelaines&mdash;&mdash;&agrave; M. Lambotte, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La m&egrave;re de l'artiste.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Etoffes.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Petites tasses.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le brise lame.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La dune au nuage blanc.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Marine.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Maisonnettes dans les dunes.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">AQUARELLE.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le mannequin&mdash;&mdash;Appartient &agrave; M. F. Franck, Anvers.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Ostendaise.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'homme &agrave; la b&ecirc;che.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Ouvrier du port.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">P&ecirc;cheur de crevettes.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Cadre (croquis)&mdash;&mdash;&agrave; M. Ernest Rousseau, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Croquis&mdash;&mdash;&agrave; M. Alfred Verhaeren, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Croquis&mdash;&mdash;&agrave; M. Th&eacute;o Hannon, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Croquis.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1883</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les pochards&mdash;&mdash;&agrave; M. Edgar Picard, Jemeppe.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les masques scandalis&eacute;s.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Pommes rouges&mdash;&mdash;&agrave; M. O. Fran&ccedil;ois, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les houx&mdash;&mdash;&agrave; M. Ernest Rousseau, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait de l'artiste.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Pivoines et pavots&mdash;&mdash;&agrave; M. L. Franck, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Sur la plage&mdash;&mdash;&agrave; M. Vince, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Canal.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Coquillages&mdash;&mdash;&agrave; M. L. Franck, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Dans les bl&eacute;s.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le Rameur&mdash;&mdash;&agrave; M. F. Buelens, Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">For&ecirc;t de Soignes.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fleurs et vases.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La dame en blanc.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Dunes, panorama.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Dunes et mer.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'horticulteur.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le violon&mdash;&mdash;&agrave; M. Maurice des Ombiaux, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La barque jaune.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Marine, apr&egrave;s-midi.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSIN.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le pochard&mdash;&mdash;&agrave; M. Albert Neuville, Li&egrave;ge.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La sorci&egrave;re&mdash;&mdash;&agrave; M. Edgar Picard, Jemeppe.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait de Richard Wagner&mdash;&mdash;Appartient &agrave; M. Gustave K&eacute;fer, Paris.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les joueurs.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'escrimeur.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La clarinette.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Z&eacute;landaise.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Masques scandalis&eacute;s.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Croquis&mdash;&mdash;&agrave; M. Ernest Rousseau, Bruxelles.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1884</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Marine&mdash;&mdash;&agrave; M. Gustave K&eacute;fer, Paris.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Enfant &agrave; la poup&eacute;e.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait du peintre Dario de Regoyos.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La dune.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les toits &agrave; Ostende&mdash;&mdash;&agrave; M. F. Franck, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Int&eacute;rieur&mdash;&mdash;&agrave; M. Ernest Rousseau, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Grande vue d'Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Barques.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le nuage blanc.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">AQUARELLE.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Accessoires.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Gamin (sanguine).</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Enfant dormant.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait de l'artiste&mdash;&mdash;&agrave; M. Ernest Rousseau, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Au piano.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le c&oelig;ur r&eacute;v&eacute;lateur.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les mis&eacute;rables.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1885</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vue de Bruxelles&mdash;&mdash;au Mus&eacute;e de de Li&egrave;ge.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le meuble hant&eacute;&mdash;&mdash;au Mus&eacute;e d'Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Jardin &agrave; Watermael&mdash;&mdash;&agrave; M. Ernest Rousseau, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Marine&mdash;&mdash;Soleil couchant.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le Christ marchant sur la mer.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fanfare en rouge.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vue du phare &agrave; Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Squelettes regardant chinoiseries.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le boulevard &agrave; Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les ind&eacute;cises. (S&eacute;rie d'&eacute;tudes.)</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">PASTEL.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les amoureux&mdash;&mdash;Appartient &agrave; M. Ern. Rousseau, Bruxelles.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Combat de soudards.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vases.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">D&eacute;mons me turlupinant.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Promeneurs&mdash;&mdash;&agrave; M. Blatter, Paris.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Descente de croix.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait&mdash;&mdash;&agrave; M. Johanida.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1886</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Etudes de lumi&egrave;re.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Enfants &agrave; la toilette&mdash;&mdash;&agrave; M. A. Lambotte, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Lisi&egrave;re du bois d'Ostende&mdash;&mdash;&agrave; M. R. Goldschmidt, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Etudes locales.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fleurs et fruits.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Squelette et pierrots.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les lilas.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS REHAUSS&Eacute;S.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le cauchemar.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le r&ecirc;v&mdash;&mdash;</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les aur&eacute;oles du Christ ou les sensibilit&eacute;s de la lumi&egrave;re.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La gaie: L'adoration des bergers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La crue: J&eacute;sus montr&eacute; au peuple.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La vive et rayonnante: L'entr&eacute;e &agrave; J&eacute;rusalem.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La triste et bris&eacute;e: Satan et les l&eacute;gions fantastiques tourmentent</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">le Crucifi&eacute;.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La tranquille et sereine: La descente de croix.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'intense: Le Christ montant au ciel.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le Christ veill&eacute; par les anges.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">FANTAISIES ET GROTESQUES.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Quatre portraits de l'artiste.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Enfant dormant.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Profils.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1887</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Adam et Eve chass&eacute;s du Paradis terrestre.&mdash;&mdash;Appartient &agrave; M. A.</span><br />
+<span style="margin-left: 2em;">Lambotte, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le feu d'artifice.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Tribulations de Saint Antoine.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fruits&mdash;&mdash;&agrave; M. Storm de 's Gravesande, Hollande.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Adoration des bergers&mdash;&mdash;&agrave; M. E. Deman, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Ville &agrave; contre soleil.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Jardin en plein soleil.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Int&eacute;rieur.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vision claire.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">La tentation de Saint Antoine.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Josu&eacute; arr&ecirc;tant le soleil.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Combat des pouilleux D&eacute;sir et Rissol&eacute;.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Petits supplices persans.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Mon p&egrave;re mort.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La paresse.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'apparition.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les diables Dritss et Hihahox conduisant le Christ aux</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">enfers.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1888</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'entr&eacute;e du Christ &agrave; Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fruits&mdash;&mdash;&agrave; M. Jules Cordeweiner, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les masques devant la mort&mdash;&mdash;&agrave; M. E. Rousseau, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Jardin d'amour.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Carnaval &agrave; Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Mon portrait d&eacute;guis&eacute;.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Foudroiement des anges rebelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">&Eacute;tudes locales.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">A Ostende, le boulevard.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le Christ tourment&eacute;&mdash;&mdash;&agrave; M. E. Royer.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS REHAUSS&Eacute;S.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Suzanne au bain&mdash;&mdash;Appartient &agrave; M. Max Hallet, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Masques nous sommes&mdash;&mdash;&agrave; M. Edm. Picard, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La rixe.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Jeanne d'Arc.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Peste dessous&mdash;&mdash;Peste dessus. Peste partout.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Squelettes musiciens.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La dormeuse.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La mort poursuivant le troupeau des humains.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portraits bizarres&mdash;&mdash;&agrave; M. Jules Cordeweiner, Bruxelles.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1889</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Squelettes voulant se chauffer&mdash;&mdash;&agrave; M. L&eacute;on de Lantsheere, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fleur et vase bleu&mdash;&mdash;&agrave; M. Ernest Rousseau, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le th&eacute;&acirc;tre des masques ou bouquet d'artifice.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La petite travailleuse&mdash;&mdash;&agrave; M. Cwalosinsky, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Th&eacute;&acirc;tre des masques et pierrot.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fleurs&mdash;&mdash;&agrave; M. Guillaume Charlier, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Attributs des Beaux-Arts&mdash;&mdash;&agrave; M. Buelens, Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Etonnement du masque Wouse.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Coquillages.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Poires, raisins, noix.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS REHAUSS&Eacute;S</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le dernier carr&eacute; &agrave; Waterloo&mdash;&mdash;&agrave; M. Storm de 's Gravesande, Hollande.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La revanche des condamn&eacute;s&mdash;&mdash;&agrave; M. Vittorio Pica, Milan.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Squelette dessinant.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait de Madame E. Rousseau.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le vieux meuble.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">V&eacute;nus &agrave; la coquille.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La m&egrave;re de l'artiste&mdash;&mdash;&agrave; M. R. Goldschmidt, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les adieux de Napol&eacute;on.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Etudes de plantes.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1890</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le domaine d'Arnheim&mdash;&mdash;Appartient &agrave; M. Emile Verhaeren, St. Cloud.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fruits&mdash;&mdash;&agrave; M. Ganesco, Paris.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'intrigue&mdash;&mdash;&agrave; M. Ernest Rousseau, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Homard et crabes&mdash;&mdash;&agrave; M. Edgar Picard, Jemeppe.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le pot bleu&mdash;&mdash;&agrave; M. Philipps, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les choux&mdash;&mdash;&agrave; M. Labarre, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La tour de Lisseweghe&mdash;&mdash;&agrave; M. Edgar Picard, Jemeppe.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Chaloupes.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Ecce-Homo.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vue prise en Phnosie, ondes et vibrations lumineuses.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Petits masques.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'assassinat.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS REHAUSS&Eacute;S.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Jardin aux masques.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Clowneries.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Masques.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La vieille au portrait&mdash;&mdash;&agrave; M. C. Ganesco, Paris.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Napol&eacute;on &agrave; Waterloo.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La sensibilit&eacute; en 1890 et la vivisection.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La sensibilit&eacute; en 1590 et la roue, le b&ucirc;cher, etc.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Etudes sentimentales.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Bourgeois indign&eacute;s sifflant Wagner en 1880 &agrave; Bruxelles.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1891</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le Christ apaisant la temp&ecirc;te.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Squelettes se disputant un pendu&mdash;&mdash;&agrave; M. Cwalosinsky, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les bons juges&mdash;&mdash;&agrave; M. Camille Laurent, Charleroi.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait d'Emile Verhaeren&mdash;&mdash;&agrave; M. Emile Verhaeren, St. Cloud.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les musiciens terribles&mdash;&mdash;&agrave; M. F&eacute;lix Fuchs, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'autodaf&eacute;&mdash;&mdash;&agrave; M. F&eacute;lix Fuchs, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le jardin d'amour&mdash;&mdash;&agrave; M. Maurice des Ombiaux, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Masques regardant des crustac&eacute;s&mdash;&mdash;&agrave; M. Breckpot, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Bapt&ecirc;me des masques.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">R&eacute;union de masques.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le pr&ecirc;che.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fraises&mdash;&mdash;Appartient &agrave; M<sup>me</sup> Ninauve, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Squelettes au hareng.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Squelette arr&ecirc;tant masques.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Chinoiseries, &eacute;toffes&mdash;&mdash;&agrave; M. F. Franck, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Ecce-Homo.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La peureuse.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS REHAUSS&Eacute;S.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">La bataille des &Eacute;perons d'or.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les bains d'Ostende&mdash;&mdash;&agrave; M. Charles Vos, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les cuirassiers &agrave; Waterloo.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le Christ aux Enfers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vieux augures.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Apparition&mdash;&mdash;&agrave; M. Emile Verhaeren, St. Cloud.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait et fantasmagorie.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Grotesques.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1892</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">La vierge consolatrice.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Ma chambre pr&eacute;f&eacute;r&eacute;e.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les masques singuliers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Pierrot jaloux.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Barques &eacute;chou&eacute;es&mdash;&mdash;&agrave; M. B. Ganesco, Paris.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Poissardes m&eacute;lancoliques&mdash;&mdash;&agrave; M. F. Buelens, Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les gendarmes.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les soudards K&egrave;s et Pruta entrant dans la ville de Bise&mdash;&mdash;&agrave; M. G.</span><br />
+<span style="margin-left: 2em;">Serigiers, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les mauvais m&eacute;decins&mdash;&mdash;&agrave; M. Van der Velde, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Roses&mdash;&mdash;&agrave; M. Robert Goldschmidt, Bruxelles.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS REHAUSS&Eacute;S.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Supplice de Jeanne d'Arc.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Triomphe romain.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">R&eacute;union de masques.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les soudards d&eacute;band&eacute;s.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le Christ tourment&eacute;.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Grotesques.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La couturi&egrave;re&mdash;&mdash;Appartient &agrave; M. Blatter, Paris.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1893</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le coq mort&mdash;&mdash;&agrave; M. Leuring, La Haye.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La raie&mdash;&mdash;&agrave; M. Ernest Rousseau. Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les choux&mdash;&mdash;&agrave; M. F. Franck, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Coquillages&mdash;&mdash;&agrave; M. R. Goldschmidt, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'homme de douleurs.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'ex&eacute;cution.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Soudards p&eacute;nitents dans une cath&eacute;drale.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS REHAUSS&Eacute;S.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le tournoi&mdash;&mdash;&agrave; M. R. Goldschmidt, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Cort&egrave;ge comique.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">La vierge aux navires.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Masques.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Sorci&egrave;res dans la bourrasque&mdash;&mdash;&agrave; M. R. Goldschmidt, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le Christ aux mendiants&mdash;&mdash;id. id.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Croquis&mdash;&mdash;id. id.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1894</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Crevettes.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Masques regardant une tortue.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vase bleu.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte&mdash;&mdash;Appartient &agrave; M. F. Pleyn, Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Crustac&eacute;s.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait d'Eug&egrave;ne Demolder&mdash;&mdash;&agrave; M. E. Demolder, Essonnes.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS REHAUSS&Eacute;.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Au th&eacute;&acirc;tre.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le combat&mdash;&mdash;Appartient &agrave; M. G. Virr&egrave;s, Lummen.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">T&ecirc;tes bizarres.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Cr&eacute;tins regardant les &eacute;toiles.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1895</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Poissons&mdash;&mdash;&agrave; M. Rouffard. Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Coquillages.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait de M. Culus.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fleurs.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte&mdash;&mdash;&agrave; M. F. Pleyn, Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Jeux de lumi&egrave;re.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSIN.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Femme cousant.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Monstre tourmentant Saint Antoine&mdash;&mdash;&agrave; M. Ernest Rousseau, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Int&eacute;rieur d'&eacute;glise.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Bouquet.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1896</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fleurs&mdash;&mdash;&agrave; M. R. Goldschmidt, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Mariakerke&mdash;&mdash;&agrave; M. Edgar Picard, Jemeppe.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les ballerines&mdash;&mdash;&agrave; M. Ernest Rousseau, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Duel de masques&mdash;&mdash;id.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Squelette peintre&mdash;&mdash;&agrave; M. Edgar Picard, Jemeppe.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La vengeance de Hop Frog.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les cuisiniers dangereux&mdash;&mdash;&agrave; M. Camille Laurent, Charleroi.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fleurs et l&eacute;gumes&mdash;&mdash;&agrave; M. Ernest Rousseau, Bruxelles.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Grotesques.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La pendule.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Masques et trognes.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Monstres.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Diableries.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1897</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les chaloupes.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La mort et les masques&mdash;&mdash;Appartient &agrave; M. Vandeputte, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Masques et potiches.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fruits.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Poissons.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'&eacute;claircie.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fleurs.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSIN REHAUSS&Eacute;.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Projet de chapelle &agrave; d&eacute;dier &agrave; St. Pierre et Paul &agrave; Ostende.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Gens de mer.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Sur la plage.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Masques.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vieilles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Musiciens dr&ocirc;latiques.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fantaisies.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1898</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le grand juge.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vue d'Ostende&mdash;&mdash;&agrave; M. Edgar Picard, Jemeppe.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Squelettes travestis&mdash;&mdash;&agrave; M. Pleyn, Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte&mdash;&mdash;&agrave; M. Jungers, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS REHAUSS&Eacute;S.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Affiche pour l'exposition de &laquo;la Plume&raquo; &agrave; Paris.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Composition pour &laquo;la Plume&raquo;.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1899</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait du peintre entour&eacute; de masques&mdash;&mdash;&agrave; M. A. Lambotte, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Pierrot aux masques.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Int&eacute;rieur.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nuages.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">AQUARELLE.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">La petite chinoise.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Rue &agrave; Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Chiens.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Coin de cuisine.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Feuilles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Papillons.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Enfants.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1900</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le juge rouge&mdash;&mdash;Appartient M. Yseux, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Squelette &agrave; l'atelier&mdash;&mdash;&agrave; M. Max Hallet, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Plage.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Barques &eacute;chou&eacute;es&mdash;&mdash;&agrave; M. Jungers, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vue du port d'Ostende.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSIN REHAUSS&Eacute;.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">La servante&mdash;&mdash;&agrave; M. Edgar Picard, Jemeppe.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vieux meubles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Accessoires.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Lampes.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Etoffes.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Livres.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les marchands chass&eacute;s du Temple.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1901</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Canal&mdash;&mdash;&agrave; M. Berthelot, Paris.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Echauffour&eacute;e de masques&mdash;&mdash;&agrave; M. Cnudde, Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Chinoiseries.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vue de Mariakerke&mdash;&mdash;&agrave; M. Philippson, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Coquillages.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fleurs.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">DESSINS</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le Christ secourant Saint Antoine.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vieilles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Chaises.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Enfants.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Moulin.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Combat de soudards.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1902</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'amateur d'art.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les joueurs.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Accessoires&mdash;&mdash;Appartient &agrave; M. Crick, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Plage.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Au Conservatoire.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fleurs.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS REHAUSS&Eacute;S.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Entr&eacute;e de Jeanne d'Arc &agrave; Domremy.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Orgueil.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Avarice.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Envie.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Gourmandise.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Col&egrave;re.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Paresse.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSIN.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Encadrement pour un livre de Vittorio Pica.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1903</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Coquillages et draperie bleue.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fleurs.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Figures au soleil.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Petits masques.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Promeneurs.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Chinoiseries.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS REHAUSS&Eacute;S.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Histoire du billard &agrave; travers les &acirc;ges. Cinq compositions</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">&mdash;&mdash;Appartient &agrave; M. Haardt, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Squelette au billard&mdash;&mdash;&agrave; A. Lambotte, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vases.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vieilles choses.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Coins d'ombre.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fantasmagories.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Jardin d'amour.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Roses.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1904</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Bassin &agrave; Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fruits.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vierge aux donateurs masqu&eacute;s.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Crustac&eacute;s.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS REHAUSS&Eacute;S.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Neuf compositions pour illustrer Marmontel&mdash;&mdash;&agrave; M. Serruys, Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Carnaval &agrave; Ostende.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Coin de table.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">B&ecirc;tes bizarres.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Plage de la Panne.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Barques &eacute;chou&eacute;es.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1905</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Pierrot et squelette&mdash;&mdash;&agrave; M. A. Lambotte, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fleurs.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Int&eacute;rieur.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fruits.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Int&eacute;rieur.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Coquillages.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Repas comique (sanguine)&mdash;&mdash;App. &agrave; M. Haardt, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le tir &agrave; l'arc.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">P&ecirc;cheurs.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Sir&egrave;ne abandonn&eacute;e.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Arlequinades.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Cort&egrave;ges carnavalesques.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Dunes et plaines.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1906</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Accessoires.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les toits &agrave; Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait&mdash;&mdash;&agrave; M. F. Duhot, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Chinoiseries.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vue du th&eacute;&acirc;tre &agrave; Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS REHAUSS&Eacute;S.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">La chute des anges rebelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Masques.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Baigneuses.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vieux meubles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Po&ecirc;les.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Silhouettes.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Marines.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1907</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fruits.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Chinoiseries&mdash;&mdash;&agrave; M. Robert Goldschmidt, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Masques.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Nature-morte.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">P&ecirc;cheurs.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait de Madame L.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Masques et squelettes&mdash;&mdash;&agrave; M. L. Prager, Munich.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Chinoiseries.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS REHAUSS&Eacute;S.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">La belle Imp&eacute;ria.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Henri de Groux jouant au billard&mdash;&mdash;Appartient &agrave; M. A. Lambotte, Anvers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vieux murs.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Coins d'appartements.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Bouquets.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Cort&egrave;ges.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Femmes surprises.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1908</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fruits et l&eacute;gumes.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Chinoiseries.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Squelettes musiciens.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSINS REHAUSS&Eacute;S.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Squelettes&mdash;&mdash;&agrave; M. Blatter, Paris.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Types dr&ocirc;latiques.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Jeune rousse.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Buveurs.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Jeune fille luttant.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Hommage &agrave; la femme.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2em;">DESSIN.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Encadrement pour Emile Verhaeren.</span><br />
+<br />
+<br />
+<br />
+<span style="margin-left: 2.5em;">EAUX-FORTES ET POINTES-S&Egrave;CHES</span><br />
+<br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1886</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le Christ insult&eacute;.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Verger.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vieillard.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait de l'artiste.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le Christ apaisant la temp&ecirc;te.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Iston, Pouffamatus, Cracozie et Transmouff, c&eacute;l&egrave;bres</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">m&eacute;decins persans examinant les selles du roi Darius apr&egrave;s</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">la bataille d'Arbelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La cath&eacute;drale.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La flagellation.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1887</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">La Madeleine.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Cort&egrave;ge infernal.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait d'Ernest Rousseau. (Pointe-s&egrave;che.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le pisseur.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Grande vue de Mariakerke.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Estacade. (Pointe-s&egrave;che.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La dormeuse. (Pointe-s&egrave;che.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Petite vue de Mariakerke.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Rue &agrave; Bruxelles. (Pointe-s&egrave;che.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Buste. (Pointe-s&egrave;che.)</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1888</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Combat des pouilleux D&eacute;sir et Rissol&eacute;.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Maison du boulevard Anspach. (Pointe-s&egrave;che.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">R&eacute;verb&egrave;re.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le meuble hant&eacute;.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La lutte des d&eacute;mons.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'acacia. (Pointe-s&egrave;che.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La chim&egrave;re.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La crypte. (Pointe-s&egrave;che.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Lisi&egrave;re du petit bois d'Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">H&ocirc;tel de Ville d'Audenarde.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Cr&acirc;nes et masques.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vue de Nieuport.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Cand&eacute;labres et vases.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Paysage &agrave; la charette.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Prise d'une ville &eacute;trange.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Mon portrait en 1860.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Mon p&egrave;re mort. (Pointe-s&egrave;che.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'archer terrible.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les cataclysmes.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'assassinat.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vue du port d'Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vue d'Ostende &agrave; l'Est.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Bouquet d'arbres.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Ferme flamande.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Musiciens fantastiques.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Chaloupes.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le grand bassin &agrave; Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les insectes singuliers. (Pointe-s&egrave;che.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le coup de vent &agrave; la lisi&egrave;re.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Sentier &agrave; Groenendael.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Barques &eacute;chou&eacute;es.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Chaumi&egrave;res.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les &eacute;l&eacute;phants furieux.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Sorciers dans la bourrasque.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Petites figures bizarres.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Maisonnettes &agrave; Mariakerke.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les gendarmes.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le cimeti&egrave;re.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'&eacute;corch&eacute;.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Adoration des bergers. (Vernis mou.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La luxure.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La tentation du Christ.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le jardin d'amour.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le denier de C&eacute;sar.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Sous bois &agrave; Groenendael. (Pointe-s&egrave;che.)</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1889</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Bateaux &agrave; vapeur.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les patineurs.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Boulevard &agrave; Ostende.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Mon portrait squelettis&eacute;.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Ferme &agrave; Leffinghe.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le pont du bois.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'orage.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le moulin de Mariakerke.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La f&ecirc;te au moulin.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le fant&ocirc;me.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La mare aux peupliers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le bal fantastique.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Pont rustique.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'ange exterminateur.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Triomphe romain.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1890</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Alimentation doctrinaire.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Portrait de Hector Denis.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">La musique &agrave; Ostende.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1891</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Moulin &agrave; Slykens.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Multiplication des poissons.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Assembl&eacute;e dans un parc.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1892</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Autodaf&eacute;.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1894</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les bons juges.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les petites barques.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1895</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les diables Dzitss et Hihahox conduisant le Christ aux enfers.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Pouilleux indispos&eacute; se chauffant.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les joueurs.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Belgique au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">D&eacute;mons me turlupinant.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le Christ tourment&eacute; par les d&eacute;mons.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fridolin et Graga Pan&ccedil;a d'Yperdam.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Bataille des &Eacute;perons d'or.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Alimentation doctrinaire.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les mauvais m&eacute;decins.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Squelettes voulant se chauffer.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Masques scandalis&eacute;s.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le roi-peste.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le Christ aux mendiants.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les vieux cochons.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le Christ descendant aux enfers.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1896</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">La mort poursuivant le troupeau des humains.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Cath&eacute;drale.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le vidangeur.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le combat.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Menu E. Rousseau.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Menu Charles Vos.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1897</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les adieux de Napol&eacute;on.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1898</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">La vengeance de Hop-Frog.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Le Christ dans la barque.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">L'entr&eacute;e du Christ &agrave; Bruxelles.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1899</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les bains d'Ostende.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1900</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Fragment de la tentation de Saint Antoine.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Petite vue de Mariakerke.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">P&ecirc;cheur d'Ostende.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1902</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Paresse.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1903</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les toits d'Ostende.</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">1904</span><br />
+<br />
+<span style="margin-left: 1em;">Col&egrave;re.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Orgueil.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Avarice.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Gourmandise.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Envie.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Les p&eacute;ch&eacute;s capitaux domin&eacute;s par la mort.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Peste dessous. Peste dessus. Peste partout.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Masques intrigu&eacute;s.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Plage de la Panne.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Plage de la Panne.</span><br />
+</p>
+<hr style="width: 45%;" />
+<p>Eaux-fortes aux Mus&eacute;es et Galeries d'estampes de Barcelone,
+Bruxelles, Dresde, Li&egrave;ge, Milan, Ostende, Paris, Venise,
+Vienne, Z&uuml;rich, etc. etc.</p>
+
+
+
+<hr style="width: 65%;" />
+<h3><a name="BIBLIOGRAPHIE" id="BIBLIOGRAPHIE"></a>BIBLIOGRAPHIE</h3>
+
+<p>
+<span style="margin-left: 1em;">Camille Lemonnier. Histoire des Beaux-Arts en Belgique. 1887, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Eug&egrave;ne Demolder. James Ensor. 1892, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Pol de Mont. De schilder en etser James Ensor. (<i>De Vlaamsche School</i>,</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">1895, Anvers.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Eug&egrave;ne Demolder. James Ensor. (<i>La Libre Critique</i>, 1895, Bruxelles.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Eug&egrave;ne Georges. James Ensor. (<i>La Libre Critique</i>, 1896, Bruxelles.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Camille Lemonnier. James Ensor peintre et graveur. (<i>La Plume</i>, 1898,</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Paris.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Edmond Picard. James Ensor. (<i>Id</i>.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Emile Verhaeren. Une facette du talent d'Ensor. (<i>Id</i>.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Camille Mauclair. James Ensor, aquafortiste. (<i>Id</i>.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Octave Maus. James Ensor. (<i>Id</i>.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Blanche Rousseau. Ensor intime. (<i>Id</i>.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Georges Lemmen. James Ensor. (<i>Id</i>.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Maurice des Ombiaux. James Ensor. (<i>Id</i>.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Christian Beck. R&eacute;flexions sur la Cath&eacute;drale de James Ensor. (<i>Id</i>.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Jules du Jardin. A propos de James Ensor. (<i>Id</i>.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Pol de Mont. James Ensor. (<i>Id</i>.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Louis Delattre. L'enfance d'Ensor, peintre de masques. (<i>Id</i>.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Octave Uzanne. James Ensor, peintre et graveur. (<i>Id</i>.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Eug&egrave;ne Demolder. James Ensor. (<i>La Revue des Beaux-Arts et des Lettres</i>,</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">1899, Paris.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Gustave Coquiot. James Ensor.(<i>La Vogue</i>, 1899, Paris.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Jules du Jardin. L'art flamand. Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vittorio Pica. James Ensor. (<i>Minerva</i>, Rome.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Pol de Mont. Koppen en busten.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Horrent. James Ensor.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vittorio Pica. (<i>Emporium</i>, Bergame.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Monod. James Ensor.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Camille Mauclair. Les peintres belges. (<i>La Revue Bleue</i>, 1905, Paris.)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vittorio Pica. Attraverso gli albi e le cartelle.</span><br />
+<span style="margin-left: 2em;">ID.&nbsp; La moderna scuola di pittura del Belgio.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Camille Lemonnier. L'&Eacute;cole belge de peinture 1830-1905. 1906, Bruxelles.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Vittorio Pica. L'arte mondiale a Venezia nel 1907.</span><br />
+<span style="margin-left: 2em;">ID.&nbsp; La galeria d'arte moderna a Venezia.</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">Albert Croquez. James Ensor, peintre et graveur. (<i>La Flandre Artiste</i>,</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;">d&eacute;c 1908, Courtrai.)</span><br />
+</p>
+
+<hr style="width: 65%;" />
+<p class="caption"><a name="TABLE_DES_ILLUSTRATIONS_DANS_LE_TEXTE" id="TABLE_DES_ILLUSTRATIONS_DANS_LE_TEXTE"></a>TABLE DES ILLUSTRATIONS DANS LE TEXTE</p>
+<p>
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Le_Christ_veille_par_les_anges_1886">Le Christ veill&eacute; par les anges (1886)</a></span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Croquis_01">Croquis</a></span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Squelettes_musiciens">Squelettes Musiciens</a> (1888)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Croquis_02">Croquis</a></span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Les_soudards_debandes">Les Soudards d&eacute;band&eacute;s</a> (1892)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Croquis_03">Croquis</a></span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#La_Vierge_aux_navires">La Vierge aux Navires</a> (1893)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Croquis_04">Croquis</a></span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Croquis_05">Croquis</a></span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#bataille_des_eperons_d_or">Bataille des &Eacute;perons d'or</a>. Eau-forte (1895)</span><br />
+</p>
+
+<hr style="width: 65%;" />
+
+<p class="caption"><a name="TABLE_DES_PLANCHES_HORS-TEXTE" id="TABLE_DES_PLANCHES_HORS-TEXTE"></a>TABLE DES PLANCHES HORS-TEXTE</p>
+
+<p>
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Portrait_de_James_Ensor_en_1875">Portrait de James Ensor en 1875</a> (frontispice).</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#La_Femme_au_Balai_1880">La Femme au balai</a> (1880)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Le_Chou">Le Chou</a> (1880)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Gamin">Gamin</a> (1880)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Vieux_Pecheur">Vieux P&ecirc;cheur</a> (1881)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#La_Dame_sombre">La Dame sombre</a> (1881)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Lampiste">Lampiste</a> (1880)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Musique_Russe">Musique russe</a> (1880)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Le_Salon_bourgeois">Le Salon bourgeois</a> (1881)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#dame_en_detresse">Dame en d&eacute;tresse</a> (1882)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Pouilleux_indispose_se_chauffant">Pouilleux indispos&eacute; se chauffant</a> (1882)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Le_Terrassier">Le Terrassier</a> (1882)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#La_Sorciere">La Sorci&egrave;re</a> (1883)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Dame_Au_Chale_bleu">Dame au ch&acirc;le bleu</a> (1882)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#la_Mere_du_Paintre">La M&egrave;re du peintre</a></span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Les_Pochards">Les Pochards</a> (1883)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#enfants_a_la_toilette">Enfants &agrave; la toilette</a> (1886)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Mon_Pere_mort">Mon P&egrave;re mort</a> (1887)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#la_mere_du_peintre_dessin">La M&egrave;re du peintre</a>. Dessin (1889)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#venus_a_la_coquille">V&eacute;nus &agrave; la coquille.</a> Dessin (1889)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Projet_de_Chapelle">Projet de chapelle &agrave; d&eacute;dier &agrave; S.S. Pierre et Paul</a> (1887)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#la_cathedrale">La Cath&eacute;drale</a>. Gravure &agrave; l'eau-forte (1886)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#le_christ_apaisant_la_tempete">Le Christ apaisant la Temp&ecirc;te</a>. Gravure &agrave; la pointe-s&egrave;che (1886)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#barques_echouees">Barques &eacute;chou&eacute;es</a>. Gravure &agrave; l'eau-forte (1888)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#Ernest_Rousseau">Ernest Rousseau</a>. Gravure &agrave; la pointe-s&egrave;che (1887)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#le_theatre_des_masques">Le Th&eacute;&acirc;tre des masques ou bouquet d'artifice</a> (1889)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#l_intrigue">L'Intrigue</a> (1890)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#masques_devant_la_mort">Masques devant la mort</a> (1888)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#la_raie">La Raie</a> (1892)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#la_mort_poursuivant_le_troupeau">La Mort poursuivant le troupeau des humains</a>. Gravure &agrave; l'eau-forte (1895)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#la_danse">La Danse</a> (1896)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#mariakerke">Mariakerke</a> (1896)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#entree_du_christ">Entr&eacute;e du Christ &agrave; Bruxelles</a>. Gravure &agrave; l'eau-forte (1898)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#vengeance_de_hopfrog">Vengeance de Hop-Fro</a>g. Gravure &agrave; l'eau-forte (1898)</span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#ostende">Ostende</a> (1898)</span><br />
+</p>
+
+<hr style="width: 65%;" />
+
+<p class="caption"><a name="TABLE_DES_MATIEgraveRES" id="TABLE_DES_MATIEgraveRES"></a>TABLE DES MATI&Egrave;RES</p>
+<p>
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#I">I. Le milieu.</a></span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#II">II. Les d&eacute;buts</a></span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#III">III. Les toiles</a></span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#IV">IV. Les dessins</a></span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#V">V. Les eaux-fortes</a></span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#VI">VI. Vie et caract&egrave;re</a></span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#VII">VII. La place de James Ensor dans l'art contemporain</a></span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#CATALOGUE_DE_LOEUVRE_DE_JAMES_ENSOR">Catalogue de l'&oelig;uvre de James Ensor</a></span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#BIBLIOGRAPHIE">Bibliographie</a></span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#TABLE_DES_ILLUSTRATIONS_DANS_LE_TEXTE">Table des illustrations dans le texte</a></span><br />
+<span style="margin-left: 1em;"><a href="#TABLE_DES_PLANCHES_HORS-TEXTE">Table des planches hors-texte</a></span><br />
+</p>
+
+
+
+
+
+
+
+
+
+<pre>
+
+
+
+
+
+End of the Project Gutenberg EBook of James Ensor, by Emile Verhaeren
+
+*** END OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK JAMES ENSOR ***
+
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+works. See paragraph 1.E below.
+
+1.C. The Project Gutenberg Literary Archive Foundation ("the Foundation"
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+Gutenberg-tm electronic works. Nearly all the individual works in the
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+in paragraph 1.F.3, this work is provided to you 'AS-IS' WITH NO OTHER
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+law of the state applicable to this agreement, the agreement shall be
+interpreted to make the maximum disclaimer or limitation permitted by
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+with this agreement, and any volunteers associated with the production,
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+or cause to occur: (a) distribution of this or any Project Gutenberg-tm
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+Project Gutenberg-tm work, and (c) any Defect you cause.
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+Project Gutenberg-tm is synonymous with the free distribution of
+electronic works in formats readable by the widest variety of computers
+including obsolete, old, middle-aged and new computers. It exists
+because of the efforts of hundreds of volunteers and donations from
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+
+Volunteers and financial support to provide volunteers with the
+assistance they need are critical to reaching Project Gutenberg-tm's
+goals and ensuring that the Project Gutenberg-tm collection will
+remain freely available for generations to come. In 2001, the Project
+Gutenberg Literary Archive Foundation was created to provide a secure
+and permanent future for Project Gutenberg-tm and future generations.
+To learn more about the Project Gutenberg Literary Archive Foundation
+and how your efforts and donations can help, see Sections 3 and 4
+and the Foundation web page at https://www.pglaf.org.
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+
+Section 3. Information about the Project Gutenberg Literary Archive
+Foundation
+
+The Project Gutenberg Literary Archive Foundation is a non profit
+501(c)(3) educational corporation organized under the laws of the
+state of Mississippi and granted tax exempt status by the Internal
+Revenue Service. The Foundation's EIN or federal tax identification
+number is 64-6221541. Its 501(c)(3) letter is posted at
+https://pglaf.org/fundraising. Contributions to the Project Gutenberg
+Literary Archive Foundation are tax deductible to the full extent
+permitted by U.S. federal laws and your state's laws.
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+The Foundation's principal office is located at 4557 Melan Dr. S.
+Fairbanks, AK, 99712., but its volunteers and employees are scattered
+throughout numerous locations. Its business office is located at
+809 North 1500 West, Salt Lake City, UT 84116, (801) 596-1887, email
+business@pglaf.org. Email contact links and up to date contact
+information can be found at the Foundation's web site and official
+page at https://pglaf.org
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+For additional contact information:
+ Dr. Gregory B. Newby
+ Chief Executive and Director
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+Literary Archive Foundation
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+Project Gutenberg-tm depends upon and cannot survive without wide
+spread public support and donations to carry out its mission of
+increasing the number of public domain and licensed works that can be
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+array of equipment including outdated equipment. Many small donations
+($1 to $5,000) are particularly important to maintaining tax exempt
+status with the IRS.
+
+The Foundation is committed to complying with the laws regulating
+charities and charitable donations in all 50 states of the United
+States. Compliance requirements are not uniform and it takes a
+considerable effort, much paperwork and many fees to meet and keep up
+with these requirements. We do not solicit donations in locations
+where we have not received written confirmation of compliance. To
+SEND DONATIONS or determine the status of compliance for any
+particular state visit https://pglaf.org
+
+While we cannot and do not solicit contributions from states where we
+have not met the solicitation requirements, we know of no prohibition
+against accepting unsolicited donations from donors in such states who
+approach us with offers to donate.
+
+International donations are gratefully accepted, but we cannot make
+any statements concerning tax treatment of donations received from
+outside the United States. U.S. laws alone swamp our small staff.
+
+Please check the Project Gutenberg Web pages for current donation
+methods and addresses. Donations are accepted in a number of other
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+works.
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+Professor Michael S. Hart was the originator of the Project Gutenberg-tm
+concept of a library of electronic works that could be freely shared
+with anyone. For thirty years, he produced and distributed Project
+Gutenberg-tm eBooks with only a loose network of volunteer support.
+
+
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+unless a copyright notice is included. Thus, we do not necessarily
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+++ b/old/35124-h/images/ensor_42_mariakerke.jpg
Binary files differ
diff --git a/old/35124-h/images/ensor_43_entree_du_christ_a_bruxelles.jpg b/old/35124-h/images/ensor_43_entree_du_christ_a_bruxelles.jpg
new file mode 100644
index 0000000..d39c18b
--- /dev/null
+++ b/old/35124-h/images/ensor_43_entree_du_christ_a_bruxelles.jpg
Binary files differ
diff --git a/old/35124-h/images/ensor_44_vengeance_de_hop_frog_01.jpg b/old/35124-h/images/ensor_44_vengeance_de_hop_frog_01.jpg
new file mode 100644
index 0000000..661b837
--- /dev/null
+++ b/old/35124-h/images/ensor_44_vengeance_de_hop_frog_01.jpg
Binary files differ
diff --git a/old/35124-h/images/ensor_45_ostende.jpg b/old/35124-h/images/ensor_45_ostende.jpg
new file mode 100644
index 0000000..eab50a4
--- /dev/null
+++ b/old/35124-h/images/ensor_45_ostende.jpg
Binary files differ